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Ann Biol Clin 2008 ; 66 (3) : 277-84

Microalbuminurie et excrétion urinaire d’albumine :


recommandations pour la pratique clinique
Microalbuminuria and urinary albumin excretion: French guidelines

J.M. Halimi1 Résumé. Le dosage de l’excrétion urinaire d’albumine (EUA) peut se faire sur
S. Hadjadj2 un échantillon urinaire sur les premières urines du matin, sur celles de 24 heures
V. Aboyans3 ou sur prélèvement urinaire minuté. Les valeurs définissant la microalbuminurie
F.A. Allaert4 sont :- urines de 24 heures : 30-300 mg/24h ; - échantillon urinaire : 20-200
J.Y. Artigou5 mg/mL ou 30-300 mg/g créatinine urinaire ou 2,5-25 mg/mol (chez l’homme) ou
M. Beaufils6
3,5-35 mg/mol (chez la femme) créatinine urinaire ;- échantillon urinaire
G. Berrut7
J.P. Fauvel8 minuté : 20-200 lg/min. La place du dosage semi-quantitatif (bandelettes) n’est
H. Gin9 pas clairement définie. La microalbuminurie est considérée comme un reflet
A. Nitenberg10 d’une atteinte généralisée de l’endothélium, mais ce n’est pas démontré. Chez le
J.C. Renversez11 sujet diabétique, la microalbuminurie est un marqueur de risque cardiovasculaire
E. Rusch12 (CV), rénal et de mortalité totale chez les diabétiques de type 1 et 2. L’augmenta-
P. Valensi13 tion de l’EUA au cours du temps est un marqueur de risque CV et rénal chez le
D. Cordonnier14 diabétique de type 1 ; sa régression est associée à une régression de ces risques.
1
Service de néphrologie-immunologie Chez le sujet non diabétique, la microalbuminurie est un marqueur de risque CV,
clinique, CHU de Tours de risque de diabète, d’altération de la fonction rénale et de mortalité totale. Elle
<halimi@med.univ-tours.fr>
2
Service d’endocrinologie diabétologie,
est un marqueur de risque de développer une hypertension artérielle chez le sujet
CHU de Poitiers ; Inserm ERM 324, normotendu. C’est aussi un marqueur de risque d’évolution défavorable ou de
CHU de Poitiers décès au cours de cancers et de lymphomes. L’élévation ou la persistance d’une
3
Service de chirurgie thoracique et EUA élevée au cours du temps est associée à un pronostic péjoratif chez certains
cardiovasculaire et angiologie, Hôpital
Dupuytren, CHU de Limoges
hypertendus. La mesure d’EUA peut être recommandée chez certains hyperten-
4
Santé Publique, DIM CHRU Dijon et dus ayant 1 ou 2 facteurs de risque CV associés dont le risque CV semble mal
Département épidémiologie McGill, évalué ou ayant une HTA réfractaire : la microalbuminurie indique ici un risque
Université de Montréal CV élevé et incite à assurer un contrôle tensionnel strict. Il y a peu d’études chez
5
Service de cardiologie, Hôpital Avicenne, les sujets non hypertendus et non diabétiques ; elles suggèrent globalement que
Bobigny
6
Service de Médecine interne, Hôpital
la microalbuminurie est un facteur de comorbidité et de mauvais pronostic
Tenon, Paris comme chez les sujets hypertendus ou diabétiques. En prévention secondaire, la
7
Service de Gérontologie clinique, CHU microalbuminurie devient un marqueur de risque indépendant, mais n’a pas de
d’Angers retombées thérapeutiques spécifiques. Il n’est pas recommandé de rechercher
8
Département de systématiquement une microalbuminurie chez le sujet non hypertendu, non dia-
néphrologie-hypertension, Hhospices civils
de Lyon, Hôpital Edouart Herriot, Lyon bétique, sans antécédent de maladie rénale. Mais, il est recommandé d’effectuer
9
Service de diabétologie, Université de une surveillance de la fonction rénale annuelle (créatininémie et estimation du
Bordeaux, Pessac débit de filtration glomérulaire) chez les sujets microalbuminuriques. Thérapeu-
10
Service d’explorations fonctionnelles, tique : chez tout patient ayant une microalbuminurie : perte de poids et de
CHU Jean-Verdier, Bondy l’apport sodé excessif (< 6 g/jour), arrêt du tabagisme, amélioration du contrôle
11
Département de biologie intégrée,
Hôpital A-Michallon, CHU de Grenoble glycémique, contrôle tensionnel strict ; chez le diabétique, prescription d’un
12
Santé publique, Economie de la Santé, inhibiteur de l’enzyme de conversion (diabète de type 1) ou d’un antagoniste des
CHU de Tours récepteurs de l’angiotensine 2 (diabète de type 2) à dose suffisante en première
doi: 10.1684/abc.2008.0229

13
Service d’endocrinologie diabétologie intention. Les diurétiques thiazidiques ont un effet synergique avec les bloqueurs
nutrition, Hôpital Jean-Verdier, Bondy du système rénine angiotensine sur la réduction de l’EUA. Chez le non diabéti-
14
Service de néphrologie, CHU de
Grenoble
que, les cinq grandes classes d’antihypertenseurs (IEC, ARA2, diurétiques, anta-
gonistes calciques, bêtabloquants) sont utilisables en 1re intention.

Tirés à part : J.M. Halimi

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Mots clés : diabète, hypertension, risque cardiovasculaire, thérapeutique,


insuffısance rénale, épidémiologie

Abstract. Measurement of urinary albumin excretion (UAE) may be done on a


morning urinary sample or on a 24 hour-urine sample. Values defining microal-
buminuria are: - 24-hour urine sample: 30-300 mg/24 heures - Morning urine
sample: 20-200 mg/mL or 30-300 mg/g creatinine or 2.5-25 mg/mmol creati-
nine (men) or 3.5-35 mg/mol (women). - Timed urine sample: 20-200 lg/min.
The optimal use of semi-quantitative urine test-strip is not clearly defined. It is
generally believed that microalbuminuria reflects a generalized impairment of
the endothelium; however, no definite proof has been shown in humans. In
diabetic subjects, microalbuminuria is a marker of increased risk of cardiovas-
cular (CV) and renal morbidity and mortality in type 1 and type 2 diabetic
subjects. The increase in UAE during follow-up is also a marker of CV and
renal risk in type 1 and type 2 diabetic subjects; its decrease during follow-up
is associated with lower risks. In non-diabetic subjects, microalbuminuria is a
marker of increased risk for diabetes mellitus, deterioration of the renal func-
tion, CV morbidity and all-cause mortality. It is a marker of increased risk for
the development of hypertension in normotensive subjects, and is associated
with unfavorable outcome in patients with cancer and lymphoma. Persistence
or elevation of UAE overtime is associated with deleterious outcome in some
hypertensive subjects. Measurement of UAE may be recommended in hyper-
tensive subjects with 1 or 2 CV risk factors in whom CV risk remains difficult
to assess, and in those with refractory hypertension: microalbuminuria indica-
tes a high CV risk and must lead to strict control of arterial pressure. Studies
focused on microalbuminuria in non-diabetic, non-hypertensive subjects are
limited; most of them suggest that microalbuminuria predicts CV complica-
tions and deleterious outcome as it is in diabetic or hypertensive subjects.
Subjects with a history of CV or cerebrovascular disease have an even greater
CV risk if microalbuminuria is present than if it is not; however, in all cases,
therapeutic intervention must be aggressive regardless of whether microalbu-
minuria is present or not. It is not recommended to measure UAE in non-
diabetic non-hypertensive subjects in the absence of history of renal disease.
Monitoring of renal function (UAE, serum creatinine and estimation of GFR)
is annually recommended in all subjects with microalbuminuria. Management:
in patients with microalbuminuria, weight reduction, sodium restriction
(< 6 g/day), smoking cessation, strict glucose control in diabetic subjects, strict
arterial pressure control are necessary; in diabetic subjects: use of maximal
doses of ACEI or ARB are recommended; ACEI/ARB and thiazides have
synergistic actions on arterial pressure and reduction of UAE; in non-diabetic
subjects, any of the five classes of anti-hypertensive medications (ACEI, ARB,
thiazides, calcium channel blockers or beta-blockers) can be used.
Key words: diabetes, hypertension, cardiovascular risk, management, renal
disease, epidemiology, therapy

Les maladies cardiovasculaires représentent la première chez les sujets très âgés ( > 75 ans) et les sujets à risque
cause de décès dans les pays industrialisés. Parallèlement, cardiovasculaire.
l’estimation de la fonction rénale à partir de la créatininé- L’estimation du risque cardiovasculaire et rénal est donc
mie a permis la prise de conscience de la fréquence élevée une préoccupation majeure de santé publique. Cette esti-
de l’insuffisance rénale dans la population, en particulier mation est basée sur des marqueurs de risque qui sont

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Microalbuminurie et excrétion urinaire d’albumine

recherchés lors du bilan initial de maladies comme Tableau 1. Force des recommandations et niveau de preuve.
l’hypertension artérielle et le diabète.
De cette estimation du risque cardiovasculaire et rénal, Niveau de preuve scientifique Force des
fourni par la littérature recommandations
dépend toute une stratégie de détection, de surveillance et Niveau 1
de prise en charge des maladies cardiovasculaires et des Essais comparatifs randomisés de forte Grade A
maladies rénales. C’est dans le cadre d’une stratégie de puissance
dépistage du risque cardiovasculaire et rénal que la Méta-analyse d’essais comparatifs
mesure de l’excrétion urinaire d’albumine se conçoit. randomisés
Dans les recommandations présentées qui concernent Analyse de décision basée sur des études Preuve scientifique établie
bien menées
l’utilisation excrétion urinaire d’albumine (albuminurie),
Niveau 2
il faut probablement séparer le patient diabétique, chez qui
Essais comparatifs randomisés de faible Grade B
la plupart des études ont été effectuées et chez qui des puissance
recommandations formelles nationales et internationales Etudes comparatives non randomisées bien
concernant la mesure de l’excrétion urinaire d’albumine menées
existent, et le sujet non diabétique, en particulier le sujet Etudes de cohorte Présomption scientifique
hypertendu, chez qui la situation concernant la recherche Niveau 3
de la microalbuminurie paraît moins bien définie. Etudes cas-témoins Grade C
Essais comparatifs avec série historique
Niveau 4 Faible niveau de preuve
Préambule : définition de l’objectif Etudes comparatives comportant des biais scientifique
importants
de la recommandation Etudes rétrospectives
Séries de cas
Faisant suite aux discussions du Comité d’organisation Etudes épidémiologiques descriptives
(composition en annexe) et à l’approbation par le Groupe (transversale, longitudinale)
de travail, cette recommandation a pour objectifs majeurs
de répondre aux deux questions suivantes.
est possible. Cependant, l’absence de niveau de preuve ne
Quels bénéfices diagnostiques, pronostiques et thérapeuti- signifie pas que les recommandations élaborées ne sont
ques peut-on attendre de la détection et du suivi de la pas pertinentes et utiles (exemple de l’efficacité de la mas-
microalbuminurie pour chaque catégorie de personnes à tectomie dans le cancer du sein, des antibiotiques dans
risque cardiovasculaire et rénal ? l’angine...).
Existe-t-il un intérêt en termes de coût-efficacité à utiliser Le Groupe de travail (auteurs de cet article) s’est appuyé
la microalbuminurie en santé publique, particulièrement sur le guide d’analyse de la littérature et gradation des
dans le domaine de la prévention ? recommandations, publié par l’Anaes (janvier 2000) pour
évaluer le niveau de preuve scientifique apporté par la
littérature sur les rhinites en fonction de différents critères
Méthodologie (tableau 1).
Les recommandations proposées ont été classées en grade Une première version de ces recommandations pour la
A, B ou C selon les modalités suivantes : pratique clinique (« texte court ») et de l’argumentaire
– une recommandation de grade A est fondée sur une (« texte long » des présentes recommandations, destinées
preuve scientifique établie par des études de fort niveau de à être placées sur le site des sociétés savantes promotrices)
preuve ; ont été adressées pour relecture aux membres du groupe
– une recommandation de grade B est fondée sur une pré- de lecture (composition en annexe) qui a proposé des
somption scientifique fournie par des études de niveau modifications au groupe de travail. Le groupe de travail a
intermédiaire de preuve ; finalisé la version finale de ces recommandations pour la
– une recommandation de grade C est fondée sur des étu- pratique clinique et de l’argumentaire.
des de faible niveau de preuve.
En l’absence de précision, les recommandations propo- Dosage de l’excrétion urinaire
sées correspondent à un accord professionnel (dégagé au d’albumine
cours d’échanges entre les membres du Groupe de travail). et définition de la microalbuminurie
Cette classification a pour but d’expliciter les bases des
recommandations. L’absence de niveau de preuve doit La microalbuminurie est une élévation supra-physio-
inciter à engager des études complémentaires lorsque cela logique de l’excrétion urinaire d’albumine (et non une

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albumine de nature particulière). Elle est donc considérée Dans le cadre des travaux de recherche
comme pathologique. Il existe une variabilité de la mesure
Il est recommandé d’effectuer le dosage de microalbumi-
de l’excrétion urinaire d’albumine est, entre autres, due
nurie sur 3 recueils d’urine dans un intervalle de temps
aux conditions de prélèvements : exercice physique, fiè-
rapproché (accord professionnel).
vre, insuffisance cardiaque notamment, peuvent modifier
sensiblement les résultats, mais il existe également une
variabilité intra-individuelle.
L’excrétion urinaire d’albumine doit être mesurée avec
Dosage d’excrétion urinaire d’albumine
des méthodes de dosage quantitatif validées. Ces métho- ou recherche de microalbuminurie ?
des sont l’immuno-turbidimétrie, l’immuno-
néphélémétrie, la RIA et l’Elisa. L’HPLC (High Perfor- Il est probable que la relation entre excrétion urinaire
mance Liquid Chromatography), d’introduction très d’albumine et risque cardiovasculaire, rénal et risque de
récente, n’a pas d’indication à ce jour (accord profession- diabète est continue (bien que non linéaire) sans seuil à ce
nel). jour individualisé. L’identification de la microalbuminurie
Le dosage de l’excrétion urinaire d’albumine peut se faire (plutôt que l’excrétion urinaire d’albumine en tant que
sur un simple échantillon urinaire de préférence sur les telle utilisée comme paramètre continu) comme marqueur
premières urines du matin : l’expression des résultats en de risque cardiovasculaire et rénal est due à des raisons
albuminurie/créatinine urinaire permet de réduire sa varia- historiques. Il faut cependant introduire la notion que
bilité. Il peut également se faire sur les urines de 24 heures l’excrétion urinaire d’albumine constitue un risque cardio-
ou sur prélèvement urinaire minuté. vasculaire, rénal et de développer un diabète d’autant plus
important qu’elle est élevée, sans véritable seuil inférieur
La place du dosage semi-quantitatif (bandelettes semi-
(normoalbuminurie) ou supérieur (macroalbuminurie ou
quantitatives) n’est pas clairement définie à ce jour. Ces
protéinurie dont l’abondance est habituellement d’un tiers
dosages semi-quantitatifs peuvent être utilisés comme
supérieur car elle intègre aussi les autres protéines) indivi-
méthode de dépistage dans des populations ciblées (ex :
dualisable.
médecine du travail) mais ils restent onéreux.
Par convention, les valeurs définissant la microalbuminu-
rie ont été acquises dans des populations de diabétiques de
type 1 et ont été extrapolées aux autres domaines (hyper-
Physiopathologie, données
tension...) (accord professionnel) : anatomiques et épidémiologiques
– urines de 24 heures : 30-300 mg/24 heures ;
– échantillon urinaire : 20-200 mg/mL ou 30-300 mg/g Données physiopathologiques (sujets diabétiques
créatinine urinaire ou 2,5-25 mg/mol de créatinine uri- et non diabétiques)
naire chez l’homme ou 3,5-35 mg/mol de créatinine uri- Le niveau d’excrétion urinaire d’albumine est modulé par
naire chez la femme ; le niveau de pression artérielle. La microalbuminurie est
– échantillon urinaire minuté : 20-200 lg/min. considérée comme un marqueur d’atteinte d’organe cible
On peut proposer des attitudes différentes selon que l’on de l’hypertension artérielle (accord professionnel). Une
se place dans le cadre du soin ou de la recherche (accord association est également retrouvée entre microalbuminu-
professionnel). rie et de nombreux marqueurs de risque cardiovasculaire
et métabolique. En ce sens, la microalbuminurie est peut-
Dans le cadre du soin être un marqueur global – un intégrateur – de risque car-
diovasculaire (accord professionnel).
Pour des raisons pratiques, l’utilisation d’un échantillon
La plupart des auteurs indiquent que la microalbuminurie
sur les premières urines du matin suffit. Il est nécessaire de
est un reflet d’une atteinte plus généralisée de l’endothé-
répéter dans les semaines suivantes la recherche de
lium, sans qu’aucune preuve irréfutable n’ait été apportée
microalbuminurie chez un patient chez qui une première
(accord professionnel).
recherche s’est révélée positive. En cas de discordance,
une troisième recherche de microalbuminurie est néces-
Données anatomiques
saire. Il n’est pas nécessaire de répéter le dosage de
l’excrétion urinaire d’albumine si une première recherche Chez le sujet diabétique, la microalbuminurie est souvent
de microalbuminurie est négative. Dans le cadre du suivi, (mais pas toujours) associée à l’existence de lésions réna-
il est recommandé d’effectuer la recherche de microalbu- les (grade C). La relation entre histologie rénale et
minurie dans les mêmes conditions (conditions de prélè- microalbuminurie chez le non diabétique n’est pas connue
vement, méthode de dosage, laboratoire). à ce jour.

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Microalbuminurie et excrétion urinaire d’albumine

Données épidémiologiques chez le sujet diabétique pour la protéinurie (il existe une excrétion urinaire d’albu-
La microalbuminurie constitue un marqueur de risque car- mine anormale : le dosage quantitatif de la protéinurie est
diovasculaire et rénal (et un marqueur de risque de morta- suffisant), en présence d’une infection urinaire ou d’une
lité toutes causes confondues) au cours du diabète de type hématurie macroscopique (accord professionnel) qui peu-
1 et de type 2 (grade B). vent fausser le résultat.
L’augmentation au cours du temps de l’excrétion urinaire
Sujet diabétique
d’albumine est un marqueur de risque cardiovasculaire et
rénal chez le diabétique de type 1 ; à l’inverse, sa régres- Recherche de la microalbuminurie
sion est associée à une amélioration du pronostic cardio- L’ensemble des recommandations nationales et internatio-
vasculaire et rénal grade B. nales concorde pour proposer une recherche annuelle de la
microalbuminurie chez tout patient diabétique.
Données épidémiologiques chez le sujet non L’existence d’une microalbuminurie constitue :
diabétique
– un marqueur de risque cardiovasculaire chez le sujet
Des études nombreuses et concordantes indiquent que la diabétique de type 1 et de type 2 (grade B) ;
microalbuminurie est un marqueur de risque cardiovascu- – un marqueur de risque rénal chez le sujet diabétique de
laire indépendant et un marqueur de mortalité toutes cau- type 1 surtout au cours des vingt premières années de la
ses confondues dans la population générale, chez le sujet maladie et chez le diabétique de type 2 (grade B).
âgé et chez l’hypertendu (grade B). Chez les patients por-
teurs de pathologies cardiovasculaires (infarctus du myo- Prise en charge thérapeutique
carde, accident vasculaire cérébral, anévrisme de l’aorte Chez le sujet diabétique microalbuminurique, la réduction
abdominale), la microalbuminurie est un marqueur de ris- de l’excrétion urinaire d’albumine est un objectif théra-
que supplémentaire de complications cardiovasculaires ou peutique (grade A).
de décès. L’évolution de l’excrétion urinaire au cours du La prise en charge thérapeutique optimale permettant la
temps est aussi associée au risque cardiovasculaire : la réduction de l’excrétion urinaire d’albumine comprend :
persistance d’une excrétion urinaire d’albumine élevée ou – un contrôle strict de la pression artérielle par des mesu-
son augmentation pendant le suivi est associée à un pro- res hygiéno-diététiques (réduction pondérale et de l’apport
nostic plus péjoratif, au moins chez l’hypertendu avec sodé excessif (< 6 grammes de sel par jour; se reporter à la
hypertrophie ventriculaire gauche (grade B). table de composition des aliments : aliments riches en
La microalbuminurie est un marqueur de risque de déve- sodium (www.afssa.fr) (grade B), amélioration du
lopper une hypertension artérielle chez le sujet normo- contrôle glycémique (grade B) et des moyens pharmacolo-
tendu (grade C). giques : la prescription d’un bloqueur du système rénine
La microalbuminurie est un marqueur de risque indépen- (plutôt inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) au
dant de développer un diabète de type 2 (grade C). cours du diabète de type 1 ; plutôt antagonistes des récep-
teurs de l’angiotensine 2 au cours du diabète de type 2
Chez les sujets microalbuminuriques (par rapport aux
(ARA2)) à dose suffisante en première intention (grade
sujets normoalbuminuriques), le débit de filtration glomé-
A). Les diurétiques thiazidiques ont un effet synergique
rulaire diminue plus vite au cours de l’hypertension arté-
avec les bloqueurs du système rénine angiotensine sur la
rielle (grade C), le risque de développer une insuffisance
réduction de l’excrétion urinaire d’albumine (grade B) ;
rénale est plus élevé au sein de la population générale
– un arrêt du tabagisme (accord professionnel).
(grade C) et le risque de perte de greffon est plus impor-
tant chez le transplanté rénal (accord professionnel). Effet de la réduction de l’excrétion urinaire
La microalbuminurie est un marqueur de risque d’évolu- d’albumine sous traitement médicamenteux sur
tion défavorable ou de décès au cours de nombreuses le risque cardiovasculaire
pathologies non cardiovasculaires (méningite bactérienne, La réduction de l’excrétion urinaire d’albumine par une
pancréatite aiguë, cancers, lymphomes, syndrome de prise en charge à base d’un IEC à dose élevée comparée
détresse respiratoire aiguë...) (accord professionnel). au placebo a permis une réduction des événements cardio-
vasculaires (grade A) alors que ceci n’a pas été observé
lorsque le même IEC a été utilisé à dose faible (grade A).
Recherche de la microalbuminurie L’utilisation de doses élevées d’ARA2 prévient plus effi-
et prise en charge cacement le passage au stade de néphropathie avérée (pro-
téinurie) que des doses plus faibles (grade A). La réduc-
Il est recommandé de ne pas rechercher une microalbumi- tion de l’excrétion urinaire d’albumine est associée à une
nurie chez un sujet dont la bandelette urinaire est positive réduction du risque de dégradation de la fonction rénale et

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le risque ultérieur d’insuffisance rénale chronique termi- Tableau 2. Facteurs de risque utilisés pour estimer le RCV global
nale (grade B). chez l’hypertendu selon l’HAS (RPC HTA 2005).

La réduction de l’excrétion urinaire d’albumine est asso-


- Age (> 50 ans chez l’homme et > 60 ans chez la femme)
ciée à une protection cardiovasculaire au moins chez le - Tabagisme (actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans)
patient diabétique à haut risque cardiovasculaire - Antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire précoce (infarctus du
(grade B). myocarde ou mort subite, avant l’âge de 55 ans chez le père ou chez un
parent du 1er degré de sexe masculin, infarctus du myocarde ou mort
Surveillance rénale subite, avant l’âge de 65 ans chez la mère ou chez un parent du 1er
Il est recommandé d’effectuer une surveillance de la fonc- degré de sexe féminin ; AVC précoce < 45 ans)
tion rénale annuelle (créatininémie et estimation du débit - Diabète traité ou non
de filtration glomérulaire) chez tous les sujets diabétiques, - Dyslipidémie (LDL-cholestérol ≥ 1,60 g/L (4,1 mmol/L) ;
et, en particulier chez ceux qui sont porteurs d’une HDL-cholestérol ≤ 0,40 g/L (1 mmol/L) quel que soit le sexe).
microalbuminurie.
Prise en charge chez le sujet hypertendu
Sujet non diabétique
avec microalbuminurie
Le sujet non diabétique sera surtout développé dans le Elle est basée sur les deux éléments suivants :
contexte de l’hypertension artérielle, car les données man- – contrôle strict de la pression artérielle par des mesures
quent dans les autres situations cliniques. hygiéno-diététiques (réduction pondérale et normalisation
Recherche de la microalbuminurie chez de l’apport sodé (< 6 g/jour de sel ; se reporter à la table
l’hypertendu : estimation du risque cardiovasculaire de composition des aliments : aliments riches en sodium
Selon l’HAS (RPC HTA 2005), la recherche de la (www.afssa.fr) (grade B), et des moyens pharmacologi-
microalbuminurie peut être effectuée chez l’hypertendu ques : les cinq grandes classes d’antihypertenseurs (IEC,
non diabétique mais ne doit pas être systématique. A partir ARA2, diurétiques, antagonistes calciques, bêtabloquants)
des données de la littérature, la recherche d’une microal- sont utilisables en 1re intention (accord professionnel). En
buminurie ne semble pas pertinente dans les cas suivants : effet, contrairement au sujet diabétique, il n’est pas
– chez l’hypertendu à haut risque cardiovasculaire : le ris- démontré chez un hypertendu non diabétique que la pré-
que cardiovasculaire est déjà connu pour être élevé et ne sence d’une microalbuminurie constitue une indication
serait donc pas modifiée par la présence ou non d’une préférentielle pour l’utilisation d’un IEC ou d’un ARA2 ;
microalbuminurie, par exemple chez l’hypertendu ayant – arrêt du tabagisme (accord professionnel).
3 facteurs de risque cardiovasculaire (tableau 1) ou chez Effet de la réduction de l’excrétion urinaire
le sujet hypertendu en prévention secondaire (infarctus du d’albumine sur le risque cardiovasculaire
myocarde, angor, accident vasculaire cérébral, artériopa- Il a été montré qu’une prise en charge basée sur l’utilisa-
thie des membres inférieurs) ; tion d’un ARA2 a permis une réduction de l’excrétion
– chez l’hypertendu à risque faible (sans facteur de risque urinaire d’albumine plus marquée et une protection car-
associé par exemple), il n’est pas démontré que la seule diovasculaire plus importante que la prise en charge basée
présence d’une microalbuminurie chez un patient hyper- sur l’utilisation d’un bêtabloquant chez l’hypertendu avec
tendu ayant une pression artérielle contrôlée, indique un hypertrophie ventriculaire gauche (grade B).
risque cardiovasculaire élevé.
Surveillance rénale
La recherche de la microalbuminurie semble plus perti-
Il est recommandé d’effectuer une surveillance de la fonc-
nente chez les hypertendus à risque moyen. La recherche
tion rénale annuelle (créatininémie et estimation du débit
de la microalbuminurie est recommandée en prévention
de filtration glomérulaire) chez tous les sujets hypertendus
primaire chez certains hypertendus ayant 1 ou 2 facteurs
microalbuminuriques (accord professionnel). Le dosage
de risque associés :
de l’excrétion urinaire d’albumine après quelques mois
– dont le risque cardiovasculaire semble mal évalué à
sous traitement est conseillé lorsqu’il existe initialement
l’issue du bilan initial (tableau 2) ;
une microalbuminurie (accord professionnel).
– ou ayant une HTA réfractaire.
Dans ces situations, la découverte d’une microalbuminurie Excrétion urinaire d’albumine
indique un risque cardiovasculaire élevé et incite à modi- chez les sujets non diabétiques et non hypertendus
fier la prise en charge thérapeutique : selon l’HAS PRC Sujet âgé
HTA 2005 : décision rapide (< 1 mois) de traitement Il y a peu d’études impliquant des sujets très âgés
médicamenteux de l’HTA et contrôle strict de la pression (> 75 ans) ayant trait à la valeur pronostique de la microal-
artérielle chez le patient recevant un traitement antihyper- buminurie. Ces quelques études suggèrent que la présence
tenseur. d’une microalbuminurie est un facteur de comorbidité et

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Microalbuminurie et excrétion urinaire d’albumine

de mauvais pronostic dans cette population. Les études Perspectives


incluant des sujets moins âgés (50 à 75 ans) indiquent
qu’elle constitue un marqueur de risque cardiovasculaire Il est possible que le seuil d’excrétion urinaire d’albumine
et/ou rénal indépendant (accord professionnel). constituant un risque cardiovasculaire soit beaucoup plus
Il n’est pas recommandé de rechercher systématiquement bas que celui définissant la microalbuminurie. Il est aussi
une microalbuminurie chez le sujet âgé non hypertendu, possible que la relation entre événements cardiovasculai-
non diabétique, sans antécédent de maladie rénale (accord res (et risque de décès toutes causes confondues) et excré-
professionnel). tion urinaire d’albumine soit continue, sans seuil indivi-
Sujet obèse dualisé. Dans l’avenir, il est possible qu’il devienne inutile
de garder le concept de microalbuminurie pour ne conser-
La prévalence de la microalbuminurie est plus importante
ver que le terme d’excrétion urinaire élevée ou anormale.
en présence de surpoids ou d’obésité (accord profession-
Cette réflexion doit être approfondie.
nel). La microalbuminurie a la même valeur pronostique
cardiovasculaire dans cette population (accord profession-
Protocoles de recherche et données nouvelles
nel). Il n’est pas recommandé de rechercher une microal- à acquérir
buminurie chez le sujet obèse, non hypertendu, non diabé-
tique sans antécédent de maladie rénale (accord Il reste de nombreux domaines dans lesquels il est néces-
professionnel). saire de produire des connaissances nouvelles permettant
Sujet dyslipidémique de mieux préciser les conditions dans lesquelles la recher-
che de la microalbuminurie est indispensable. Ils portent
Il n’existe pas de données suffisantes permettant de propo- notamment sur :
ser une recherche de microalbuminurie chez les sujets qui – la prise en charge optimale à long terme du sujet
n’ont pour risque cardiovasculaire qu’une dyslipidémie microalbuminurique (par exemple : IEC vs ARA II,
(accord professionnel). adjonction d’un diurétique ou d’un antialdostérone...) ;
– les études d’évaluation médico-économiques du dépis-
Prévention secondaire du risque cardiovasculaire
et risque rénal tage de la microalbuminurie chez les sujets diabétiques et
non diabétiques ;
L’existence d’une microalbuminurie est un marqueur de – la relation entre l’existence d’une microalbuminurie et le
risque indépendant chez un patient ayant déjà eu un acci- développement d’une insuffisance rénale ;
dent cardio ou cérébrovasculaire. Cependant, sa présence – la relation entre la régression de la microalbuminurie
n’a pas de retombées thérapeutiques spécifiques, car il est sous traitement et la modification du risque cardiaque,
nécessaire dans tous les cas d’adopter une stratégie agres- rénal et du risque de développer un diabète ;
sive globale associant en général réduction de la pression -la valeur pronostique de la microalbuminurie comme
artérielle, mesures hygiéno-diététiques, arrêt de l’intoxica- marqueur de risque cardiovasculaire et rénal chez le sujet
tion tabagique, prescription de statine et d’aspirine âgé et très âgé, chez le patient dyslipidémique, en surpoids
(accord professionnel). ou ayant un syndrome métabolique ou en prévention
Les patients à risque cardiovasculaire élevé sont considé- secondaire (infarctus, AVC, AOMI, etc.), ainsi que chez le
rés comme étant aussi à risque rénal élevé (accord profes- sujet microalbuminurique ne présentant pas d’autres ano-
sionnel). Il est recommandé d’effectuer une surveillance malies cliniques ou paracliniques (« microalbuminurie
de la fonction rénale annuelle (excrétion urinaire d’albu- isolée »).
mine, créatininémie et estimation du débit de filtration
glomérulaire) chez tous les sujets chez qui une microalbu-
minurie a été détectée et confirmée (accord professionnel). Références
Elles sont disponibles dans le texte long (Microalbuminurie et excrétion
urinaire d’albumine : recommandations pour la pratique clinique –
Argumentaire) qui sera mis sur le site des sociétés savantes promotrices
Les données des études dont la Société de néphrologie.
pharmacoéconomiques Comité d’organisation
Société savante promotrice : Société de néphrologie
Sociétés savantes co-promotrices :
Il existe peu d’études pharmacoéconomiques portant spé- • Association française d’étude et de recherche sur l’obésité (AFERO)
cifiquement sur la microalbuminurie chez le diabétique et • Association de langue française pour l’étude du diabète et des maladies
encore moins chez le sujet non-diabétique, qu’elle soit métaboliques (ALFEDIAM)
recherchée dans une stratégie de dépistage du risque rénal • Société française d’angiologie (SFA)
ou du risque cardiovasculaire. • Société française de cardiologie (SFC)

Ann Biol Clin, vol. 66, n° 3, mai-juin 2008 283


dossier

• Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) Michel KREMPF - diabétologue – Nantes ; Thierry LANG - Santé
• Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) publique – Toulouse ; Martine LAVILLE - diabétologue/nutritionniste –
Paris ; Maurice LAVILLE - néphrologue et thérapeute – Lyon ; Richard
Représentant Méthodologiste : Olivier Chassany MARECHAUD - diabétologue – Poitiers ; Michel MARRE -
diabétologue – Paris ; Albert MIMRAN - interniste – Montpellier ;
Groupe de lecture
Bruno MOULIN - néphrologue – Strasbourg ; François PAILLARD -
Jean-Claude ALDIGIER - néphrologue – Limoges ; Aoumeur
cardiologue – Rennes ; Muriel RAINFRAY - gériatre – Bordeaux ; Jean
HADJ-AISSA - physiologiste – Lyon ; Guillaume BOBRIE -
RIBSTEIN - interniste – Montpellier ; Christophe SEGOUIN - Service
néphrologue - Tremblay en France ; Jean-Jacques BOFFA - service
de Santé Publique/médecine générale – Paris ; Henri SELMI -
néphrologie – Paris ; Fabrice BONNET - diabétologue – Lyon ; Nathalie
diabétologue – Courbevoie ; Gérard SLAMA - diabétologue – Paris ;
BOURDIN - médecin généraliste gériatre – Bordeaux ; Michèle
Véronique THORE - cadre infirmier – Vandoeuvre ; Jean TICHET -
CAZAUBON - angiologue – Paris ; Olivier CHASSANY -
diabétologue - La Riche ; Guy TOUCHARD - néphrologue – Poitiers ;
méthodologiste thérapeute – Paris ; Cécile COUCHOUD - néphrologue,
Pierre-Yves TRAYNARD - généraliste (diabétologie / nutrition) – Paris ;
épidémiologiste – Paris ; Gabriel CHOUKROUN – néphrologue –
Bernard VAISSE - cardiologue – Marseille ; Philippe VANHILLE -
Amiens ; Christian COMBE - néphrologue – Bordeaux ; Philippe DE
néphrologue – Valenciennes ; Christiane VERNY - gériatre - Kremlin
CHAZOURNES - médecin généraliste - St Denis (La Réunion) ; Thierry
Bicêtre ; Olivier ZIEGLER - endocrinologue diabétologue – Toul.
DENOLLE – cardiologue – Dinard ; Jean-Louis DEMEAUX - médecin
Généraliste – Bordeaux ; François DIEVART - cardiologue – Soutien industriel
Dunkerque ; Odile GASLONDE - infirmière – Paris ; Bernard GAVID - La présente recommandation a été réalisée avec le soutien logistique des
médecin généraliste - Neuville du Poitou : Bernard GAY - médecin partenaires suivants : Bayer Diagnostic ; Bristol-Myers-Squibb ; Chiesi
généraliste – Rions ; Xavier GIRERD - thérapeute – Paris ; André SA ; Medtronic ; Novonordisk ; Sanofi aventis.
GRIMALDI - diabétologue – Paris ; Marie-Joëlle HAARDT - Organisation logistique et secrétariat
endocrinologue – Paris ; Serge HALIMI - diabétologue – Grenoble ; Société LOb Conseils, Cachan.
Hélène HANAIRE BROUTIN - Service diabétologie/maladies Les laboratoires et la société Lob Conseils n’ont eu aucun rôle dans la
métaboliques – Toulouse ; Daniel HERPIN - cardiologue – Poitiers ; rédaction des recommandations.

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