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RÉSUMÉ SUMMARY
Cette revue fait le point sur le diagnostic et le suivi biologique de l’insuf-
fisance rénale chronique ainsi que sur la prise en charge de l’insuffisance Diagnosis, biological monitoring of chronic kidney
rénale chronique terminale par hémodialyse ou transplantation. Le premier disease and management of end stage renal
chapitre souligne les problèmes du diagnostic de la maladie rénale chronique disease.
(MRC), en discutant notamment les différents moyens d’évaluer le débit The present review summarizes our current knowledge
de filtration glomérulaire. Il se termine par la classification actualisée de about the diagnosis and the follow-up of patients with
la MRC. Un chapitre passe ensuite en revue les différentes complications chronic renal failure as well as the management of
liées à l’insuffisance rénale chronique, d’un point de vue physiopatholo- end stage renal disease (ESRD) by dialysis or kidney
gique et du point de vue de la prise en charge de ces complications. Un transplantation. The first chapter underlines the pitfalls
autre chapitre est consacré à l’organisation pratique du suivi du patient in the diagnosis of the chronic kidney disease (CKD)
aux différents stades de la MRC. L’avant dernier chapitre traite des dif- using the calculation or the estimation of glomerular
férentes méthodes de dialyse de suppléance utilisables pour prendre en filtration rate (GFR), and presents the current classi-
charge le patient urémique chronique, avec un aperçu des complications fication of CKD. The following chapter describes the
particulières observées chez ces patients. Le dernier chapitre traite de la different complications associated with CKD, consi-
transplantation rénale, avec un aperçu sur les traitements immunosuppres- dering the pathophysiology and the management
seurs actuels et les complications qu’ils sont susceptibles d’engendrer et of each complication. The third chapter concerns
qui doivent donc faire l’objet d’une surveillance attentive. the practical organization for the follow-up and the
management of CKD patients at each stage. The
Maladie rénale chronique (MRC) – classification de la MRC – fourth chapter is dedicated to the different dialysis
ostéodystrophie rénale – érythropoïétine – hémodialyse extracorporelle – modalities for ESRD patients, with a special focus
dialyse péritonéale – transplantation rénale. on specific complications related to hemodialysis or
peritoneal dialysis. The last chapter concerns kidney
transplantation with a comprehensible description of
Les reins remplissent trois fonctions d’excrétion des
the immunosuppressive therapy and their side-effects.
déchets, de régulation du bilan de l’eau et des électro-
lytes et de synthèse d’hormones, qui sont toutes affectées Chronic kidney disease (CKD) – classification of CKD
dans l’insuffisance rénale chronique. – renal osteodystrophy – erythropoietin – hemodialysis –
peritoneal dialysis – renal transplantation
a Service de biochimie générale
Hôpital universitaire Necker – Enfants Malades
149, rue de Sèvres
75730 Paris cedex 15
et UMR 1154 – Université Paris Sud – Châtenay-Malabry
1. Définition
b Service de néphrologie
L’insuffisance rénale chronique (IRC) correspond à la perte
Hôpital Ambroise-Paré
progressive et irréversible des fonctions des reins. Elle
Université Paris Ile-de-France-Ouest (UVSQ)
résulte de la réduction du parenchyme rénal fonction-
9, av. Charles-de-Gaulle
92100 Boulogne Billancourt
nel. Son diagnostic repose sur la diminution du débit de
et INSERM U-1088 – UPJV Amiens filtration glomérulaire (DFG), qui se traduit par une aug-
ziad.massy@apr.aphp.fr mentation progressive des concentrations plasmatiques
de la créatinine.
* Correspondance Au cours de l’IRC, les néphrons qui restent fonctionnels
bernard.lacour@nck.aphp.fr s’adaptent remarquablement au surcroît de travail qui
leur est demandé par l’organisme urémique pour assurer
article reçu le 8 janvier, accepté le 29 janvier 2013. l’excrétion des substances azotées et maintenir l’homéos-
© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. tasie de l’eau et des électrolytes. Mais ce surcroît de travail
femmes, dans la mesure où 85 % des adultes ont alors l’utilisation de la cystatine C en pratique, même si elle
un DFG < 60 ml/min/1,73 m2. Quoi qu’il en soit, dans avait été introduite dans la formule CKD-EPI à l’origine.
le cadre du suivi d’un malade, il est souhaitable que la Le dosage de l’urée plasmatique ne doit plus être utilisé
détermination de la créatininémie soit réalisée en utilisant aujourd’hui pour évaluer la fonction rénale. Ce paramètre ne
la même méthode de dosage et soit donc effectuée dans conserve un intérêt réel qu’au cours du suivi biologique du
le même laboratoire autant que possible. La comparaison patient hémodialysé afin d’évaluer l’efficacité de l’épuration.
des résultats successifs en sera facilitée.
La mesure de la clairance de la créatinine ne devrait plus
être réalisée. D’un point de vue pratique, le résultat est trop
3. La classification des stades
dépendant de la qualité du recueil des urines, qui est très de la maladie rénale chronique
souvent entaché d’erreurs importantes. D’un point de vue
théorique, la clairance de la créatinine surestime toujours la La classification universellement utilisée aujourd’hui dis-
valeur du DFG en raison de la sécrétion tubulaire de créatinine. tingue 5 stades dans la maladie rénale chronique (MRC) qui
Cette surestimation peut être considérée comme négligeable correspond aux situations caractérisées par la présence
(environ 15 %) lorsque le DFG est normal ou peu abaissé. Mais de signes biologiques de néphropathie ou par une dimi-
elle peut représenter plus de 35 % en cas d’IRC évoluée [5]. nution du DFG. Les 2 premiers stades correspondent à
la présence de signes de néphropathie sans altération de
2.3. Les problèmes de l’évaluation la fonction rénale (stade 1) ou avec une réduction minime
de la fonction rénale chez l’enfant du DFG (stade 2). Le stade 3 correspond à une réduction
À la naissance, la fonction rénale n’est pas encore mature. modérée du DFG, le stade 4 à une réduction sévère et le
Le DFG est multiplié par deux à 2 semaines de vie. L’inter- stade 5 à une insuffisance rénale terminale (DFG < 15 ml/
prétation de la valeur de la créatininémie chez un nouveau- min/1,73 m2) qui nécessite un traitement de suppléance soit
né ou un très jeune enfant, nécessite donc de connaître par dialyse, soit par transplantation rénale. La définition des
les zones de valeurs usuelles établies par le laboratoire, 5 stades, établie par la Société de néphrologie, est résu-
pour la technique de dosage utilisée, en fonction de l’âge mée dans le tableau I. Il ne faut pas oublier qu’en 2002, la
et du sexe, compte tenu de l’augmentation progressive Haute Autorité de Santé a recommandé que les sujets qui
concomitante du DFG et de la masse musculaire. ont un DFG compris entre 60 et 90 ml/min/1,73 m2 sans
Chez l’enfant, il est classique d’estimer la clairance de marqueur d’atteinte rénale soient surveillés [9].
la créatinine en utilisant la formule de Schwartz, qui tient Cette classification ne tient pas compte de l’âge des sujets,
compte de la taille de l’enfant : clairance créatinine = K x ce qui peut conduire à considérer comme malades des
taille (cm)/créatininémie (μmol/l). sujets âgés dont la réduction de la fonction rénale est
Classiquement, la valeur de K doit être ajustée pour la normale compte tenu de l’âge. Pour les patients âgés,
population étudiée et varie donc en fonction de l’âge des il est impératif de distinguer ceux qui ont une réduction
enfants. Toutefois Schwartz et coll. [6] viennent de publier physiologique de leur fonction rénale de ceux qui ont une
récemment une formule dans laquelle K est fixe et égal maladie rénale évolutive. Dans l’interprétation, on doit
à 36,5 pour les 349 enfants de cette étude dont l’âge est également tenir compte de la présence ou non d’une albu-
compris entre 1 et 16 ans. Et l’estimation du DFG est consi- minurie, puisque ce facteur est significativement associé
dérée par les néphrologues pédiatres comme satisfaisante au risque de progression de l’IRC vers une insuffisance
pour des DFG compris entre 15 et 75 ml/min/1,73 m2. rénale terminale (IRT) et de développement d’une atteinte
cardiovasculaire. La classification récente de la MRC [10]
repose sur un DFG inférieur à 60 ml/min/1,73 m2 ou un
2.4. Intérêt de la cystatine C et de l’urée
rapport urinaire albumine/créatinine supérieur à 30 mg/g.
L’intérêt de la cystatine C vient de ce que cette molécule
Enfin, la classification repose sur la valeur du DFG défi-
est éliminée exclusivement par filtration glomérulaire et
nie à un moment donné. Il est important pour le clinicien
que sa production est constante dans l’organisme. Donc
d’identifier les patients qui ont une maladie rénale évolu-
sa concentration plasmatique dépend directement du taux
tive qui peut progresser très rapidement vers l’IRT et se
de filtration glomérulaire. En effet la corrélation entre les
concentrations plasmatiques de cystatine C et les clairances
du 125I-iothalamate est meilleure que celle qui existe avec Tableau I – Définition des 5 stades de la maladie
la concentration de créatinine plasmatique [7]. La mesure rénale chronique.
de la cystatine plasmatique s’est révélée être un marqueur Stade
DFG
Définition
(ml/min/1,73 m2)
plus sensible que celle de la créatinine plasmatique pour
dépister une diminution du DFG. En revanche, elle ne 1 > 90 MRC avec DFG normal
mais présence de marqueurs
semble pas présenter d’intérêt particulier pour estimer la d’une atteinte rénale*
progression de l’insuffisance rénale. Enfin, l’estimation du
2 60 - 89 MRC avec DFG légèrement diminué
DFG fondée sur le dosage de la cystatine C plasmatique
n’apparaît pas actuellement supérieure à celle fondée sur le 3 30 - 59 IRC modérée
et la survenue d’une goutte secondaire à l’IRC est assez La conséquence la plus dangereuse de l’insuffisance d’ex-
rare : elle s’observe surtout au cours des néphropathies crétion rénale de l’eau et du sel est l’inflation du secteur
interstitielles chroniques et des polykystoses rénales. La extracellulaire, qui, même si elle est cliniquement inap-
présence de crises douloureuses de goutte ou une hype- parente, est responsable d’hypertension et de surcharge.
ruricémie supérieure à 600 μmol/l nécessite un traitement L’excrétion urinaire du potassium est augmentée elle-
par l’allopurinol en prenant soin d’adapter les doses, un aussi au cours de l’IRC. Ainsi, la majorité des malades
métabolite de ce médicament étant à élimination rénale. atteints d’IRC sont capables de maintenir l’homéostasie
En revanche, d’autres métabolites retenus en raison de du potassium et conservent une kaliémie normale jusqu’à
la réduction de leur excrétion rénale exercent des effets un stade avancé d’urémie. L’hyperkaliémie est donc rare
délétères. Ce sont les toxines urémiques, qui ont comme avant le stade préterminal (lorsque le DFG est inférieur à
caractéristique commune d’être difficilement éliminées, y 30 ml/min/1,73 m2) et est due principalement à la baisse de
compris par les techniques de dialyse conventionnelles, la sécrétion tubulaire du potassium. C’est une complication
car elles diffusent très mal à travers les membranes de grave, potentiellement mortelle, qui est favorisée par l’aci-
dialyse en raison de leur liaison très élevée aux protides. dose métabolique, qui contribue à redistribuer le potassium
Leur connaissance a fait des progrès importants ces der- intracellulaire dans la circulation. À ce stade, se développe
nières années. Et il a clairement été démontré qu’elles une tendance à l’hyperkaliémie. La surveillance du malade
sont à l’origine de la micro-inflammation associée à l’état nécessite donc de déterminer régulièrement la kaliémie et
urémique, qui contribue à la progression de l’insuffisance éventuellement d’effectuer un électrocardiogramme à la
rénale et au développement de l’athérosclérose accélérée recherche de modifications électriques du tracé. Le risque
qui caractérise ces patients urémiques. de développer des troubles du rythme ou de la conduction
peut apparaître pour des kaliémies supérieures à 6,5 mmol/l.
5.2. Les désordres hydro-électrolytiques La prévention de l’hyperkaliémie repose sur une limitation
Au cours de l’IRC, les reins parviennent jusqu’à un stade des apports alimentaires en potassium (légumes, pommes
très avancé (environ 10 % de néphrons fonctionnels) à de terre, agrumes, fruits et chocolat) et sur la correction
éliminer la quantité d’eau, de sodium, de potassium et de l’acidose métabolique. Lorsqu’il existe une tendance à
de phosphates provenant quotidiennement de l’alimen- l’hyperkaliémie, des résines échangeuses d’ions (Resikali®
tation et du métabolisme intermédiaire afin de maintenir ou Kayexalate®) peuvent être utilisées.
l’homéostasie hydrominérale de l’organisme.
En revanche, les mécanismes de concentration de l’urine 5.3. Les troubles de l’équilibre acide-base
sont affectés plus précocement et plus profondément. Le L’IRC s’accompagne d’une acidose qui provoque une
défaut de concentration de l’urine s’observe généralement déminéralisation osseuse (en effet l’acidose métabolique
à partir d’un DFG abaissé en dessous de 60 ml/min et libère les phosphates osseux pour tamponner les pro-
la capacité de variation de l’osmolalité diminue avec la tons) et un catabolisme protéique musculaire. La rétention
progression de l’insuffisance rénale, de sorte qu’assez acide entraîne également une stimulation de la production
rapidement l’osmolalité urinaire est proche de l’osmolalité d’endothéline et d’aldostérone et contribue ainsi à la pro-
plasmatique. Dans ces conditions, l’élimination des 600 à gression de l’IRC. L’acidose métabolique, qui est liée à un
800 mOsm produites quotidiennement par le métabolisme défaut d’élimination de la charge acide, n’est généralement
intermédiaire impose une diurèse comprise entre 2 et observée au cours de l’IRC que lorsque le DFG diminue en
2,5 litres. Et l’excrétion fractionnelle de l’eau par néphron dessous de 25 ml/min. La concentration des bicarbonates
restant doit donc augmenter de façon drastique pour plasmatiques reste donc longtemps dans les limites de
permettre le maintien de l’homéostasie hydrique. Ainsi la normale, sauf au cours de certaines tubulopathies, au
l’organisme urémique ne peut faire face à des modifications cours desquelles l’acidose peut survenir plus précocement.
d’apport d’eau que dans certaines limites. Il est cependant L’objectif de la correction de l’acidose métabolique est de
incapable de répondre de façon adéquate à des apports maintenir les bicarbonates plasmatiques à une concen-
hydriques excessifs, qui entraînent une hyperhydratation, tration supérieure à 21 mmol/l sans chercher à dépasser
ou à des apports hydriques trop insuffisants, qui conduisent 25 mmol/l, et ainsi d’éviter les troubles osseux. Elle néces-
à un état de déshydratation. site d’utiliser des alcalinisants du type eau de Vichy Céles-
L’excrétion urinaire de sodium est le plus souvent adaptée tins ou Saint-Yorre, à raison de 0,5 à 1 litre/jour (faire atten-
de façon satisfaisante aux besoins de l’organisme uré- tion au risque de fluorose en cas d’absorption prolongée)
mique, c’est-à-dire à un maintien précis de l’homéostasie ou une prescription orale de bicarbonate de sodium, qui
de l’espace extracellulaire. La capacité d’excréter de larges est habituellement de 2 à 4 g/24 h.
variations de la charge filtrée du sodium est conservée,
au moins jusqu’à une filtration glomérulaire de 10 ml/min. 5.4. Les troubles du métabolisme
Ceci n’est vrai que pour des charges sodées ne dépassant glucido-lipidique
pas certaines limites (9 g/24 h). Les troubles du métabolisme glucidique sont bien décrits.
Les apports en eau et en sel doivent donc être ajustés selon Il existe une intolérance au glucose chez un grand nombre
le degré d’insuffisance rénale et le type d’atteinte rénale. Au d’urémiques, le degré de l’intolérance étant corrélé à celui
cours de l’IRC avancée, des apports suffisants d’eau (1,5 à 3 L) de l’insuffisance rénale. La glycémie à jeun est généralement
et de sel (3 à 6 g/j) sont nécessaires chez la plupart des normale, mais l’élévation de la glycémie après surcharge
malades pour faire face à la diurèse osmotique obli- glucidique est fréquemment pathologique. En dehors d’une
gatoire au niveau des néphrons encore fonctionnels. diminution de l’assimilation du glucose, la glycolyse et la
qui est un reflet des apports phosphatés, va limiter l’aug- tion du taux circulant d’hémoglobine entraîne des troubles
mentation de la phosphatémie liée à l’urémie et bloquer hémodynamiques et une asthénie relativement bien tolé-
le métabolisme de la vitamine D. Le rôle du FGF23 dans rés en raison d’une instauration progressive, sauf chez
les désordres phosphocalciques aux stades avancés de les sujets coronariens. Ils sont malgré tout source d’une
l’IRC reste à définir. Ainsi on n’observe pratiquement pas fatigue physique et intellectuelle qui contribue largement
d’hyperphosphatémie tant que le DFG est supérieur à à l’altération de la qualité de vie des patients.
30 ml/min/1,73 m2, et la supplémentation calcique doit res- La découverte d’une anémie hypochrome hyposidérémique
ter modérée, comprise entre 500 mg et 1 g par jour compte doit faire rechercher des pertes de sang occultes, notam-
tenu de l’apport des produits laitiers qui reste normal à ce ment d’origine digestive. De nombreux autres facteurs
stade d’IRC. Au stade avancé de l’IRC, l’hyperphospha- d’aggravation peuvent s’ajouter au défaut de synthèse
témie devient patente et il convient de réduire l’apport en d’Epo comme la carence martiale, l’hyperparathyroïdie qui
produits laitiers et d’augmenter les apports pharmacolo- favorise la fibrose médullaire, le déficit en vitamine B12 ou
giques en calcium. L’acétate de calcium est à privilégier, en acide folique, ou encore l’effet inhibiteur des toxines
malgré son coût nettement plus élevé, lorsque le patient urémiques. Les dosages plasmatiques de la vitamine B12
est traité par un inhibiteur de la pompe à protons, en rai- et de l’acide folique, tous les 6 mois, permettent de pré-
son de sa meilleure biodisponibilité à pH alcalin. En cas venir un déficit.
d’hyperphosphatémie rebelle, il faut avoir recours à un Le traitement de cette anémie par l’Epo humaine recom-
complexant des phosphates, tel le sévélamer (Renagel®) binante constitue un progrès considérable [14], puisque
ou le carbonate de lanthane (Fosrenol®). ce traitement corrige rapidement les signes cliniques de
Etant donné que le déficit en vitamine D est très fréquent, il l’anémie, diminue le recours aux transfusions et leurs
est recommandé de supplémenter les malades en vitamine D risques et, enfin, réduit la surcharge ferrique en stimulant
au moyen du calcifédiol (Dedrogyl®) au stade d’insuffisance l’érythropoïèse. Le traitement de l’anémie doit être envi-
rénale modérée. Au stade d’IRC avancée, il est parfois sagé dès que l’hémoglobinémie est inférieure ou égale
nécessaire d’avoir recours aux dérivés 1α-hydroxylés de à 110 g/l de façon stable. La correction de l’anémie doit
la vitamine D (calcitriol ou alfacalcidol) qui seront utilisés être progressive afin d’éviter l’apparition ou l’aggravation
avec prudence en raison de leurs effets secondaires plus d’une hypertension artérielle. Le but recherché est d’ame-
fréquents que ceux de la vitamine D native. Le but recher- ner et de maintenir le taux d’hémoglobine au voisinage
ché est de maintenir la calcémie entre 2,3 et 2,5 mmol/l, de 120 g/l. Une correction plus poussée est déconseillée
sans vouloir dépasser ce niveau, et la phosphatémie au- parce qu’elle n’apporterait pas de bénéfice net en termes
dessous de 1,7 mmol/l, en adaptant les doses respectives de qualité de vie et surtout parce qu’alors elle majorerait
de sels de calcium et de dérivés actifs de la vitamine D. le risque d’accidents cardiovasculaires. Un bilan martial
De cette façon, la concentration plasmatique de la PTH doit être effectué avant de commencer le traitement par
peut être maintenue à son niveau optimal chez le patient les agents stimulant l’érythropoïèse. En effet, une carence
en IRC, c’est-à-dire entre 1,5 et 3 fois la limite supérieure en fer serait responsable d’une résistance au traitement
de la normale. Il faut tolérer un certain degré d’hyperpara- par l’Epo. La carence en fer est évaluée par une baisse
thyroïdie secondaire pour pouvoir surmonter la résistance de la ferritinémie (< 100 μmol/l), une hypochromie et une
des organes cibles à la PTH, un freinage trop important saturation de la transferrine inférieure à 20 %. La ferri-
risquerait d’entraîner une ostéopathie adynamique. Les tinémie peut toutefois être tout à fait normale dans un
contrôles peuvent être bimensuels pour la calcémie et la contexte inflammatoire. Au traitement causal éventuel d’une
phosphatémie et bisannuels pour les dosages hormonaux. carence martiale, sera associée une supplémentation en
Outre ce bilan phosphocalcique classique, l’étude biochi- fer habituellement per os ou, à défaut d’être efficace, par
mique de l’ostéodystrophie rénale peut être complétée par voie intraveineuse.
le dosage de l’iso-enzyme osseuse de la PAL. En effet, Par ailleurs, les patients urémiques ont également des
une concentration élevée des PAL osseuses oriente le anomalies de l’hémostase primaire, avec un temps de
clinicien vers le diagnostic de remodelage osseux élevé saignement allongé, en raison d’une thrombopathie (défi-
et des concentrations diminuées orientent vers une ostéo- cit de l’adhésivité et de l’agrégabilité plaquettaires) et une
pathie adynamique. baisse de l’hématocrite. Le nombre de plaquettes peut être
L’ostéodystrophie rénale est constituée de deux types abaissé, mais il est le plus souvent normal.
de lésions osseuses qui peuvent s’associer à des degrés
divers, l’ostéomalacie (diminution de la formation osseuse) 5.8. Les anomalies du système rénine-
secondaire au déficit en métabolite actif de la vitamine D, angiotensine et leurs conséquences sur
et l’ostéite fibreuse (destruction osseuse accélérée) secon- la progression de l’insuffisance rénale
daire à l’hyperparathyroïdie. et sur les problèmes cardiovasculaires
On considère que la progression de l’IRC est due à l’évo-
5.7. Le déficit en érythropoïétine lution de la maladie causale jusqu’à la perte de la moitié
et les troubles hématologiques des néphrons. Ensuite elle relève d’un processus d’auto-
Le déficit de production d’érythropoïétine (Epo) est res- aggravation commun à toutes les maladies rénales, qui se
ponsable d’une anémie normochrome normocytaire non traduit par une fibrose tubulo-interstitielle, une raréfaction
régénérative, qui est également liée, par ailleurs, à une des capillaires péritubulaires et une atrophie des tubules.
hémolyse chronique secondaire à l’accumulation des Au cours de l’IRC, l’activation du système rénine-angio-
toxines urémiques dans la MRC. Cliniquement, la diminu- tensine et donc la production excessive d’angiotensine II
de poids corporel chez l’homme. La natriurèse et la kaliu- normal. Le transport des solutés et de l’eau à travers la
rèse en régime de stabilité pondérale reflètent les apports membrane du dialyseur fait intervenir deux mécanismes
sodés et potassiques, qui doivent respectivement être de fondamentaux : la diffusion et l’ultrafiltration. Les dialyseurs
l’ordre de 50 à 100 et 40 à 60 mmol/24 h. Le dosage de actuels sont de deux types, dialyseurs en plaque et dialy-
l’excrétion d’urée urinaire des 24 h fournit un très bon reflet seurs à fibres creuses. Ils sont stériles, apyrogènes, prêts
des apports protéiques, en sachant qu’un g d’urée provient à l’emploi et à usage unique. Les dialyseurs sont équipés
du catabolisme d’environ 3 g de protéines. En pratique, il de membranes de dialyse de haute performance, dont les
suffit de multiplier l’excrétion d’urée urinaire exprimée en membranes hydrophobes.
mmol/24 h par 0,21 pour connaître les apports protéiques. La mise en œuvre d’un traitement par hémodialyse chro-
Ainsi un débit urinaire d’urée supérieur à 5 mmol/kg/jour nique nécessite un abord vasculaire qui assure un débit
traduit un apport protidique excessif, supérieur à 1 g/kg/j. sanguin suffisant dans la ligne de circulation extracorpo-
Durant cette surveillance au long cours du malade uré- relle. Cet abord vasculaire doit être réalisé suffisamment
mique, le néphrologue doit le conduire progressivement à à l’avance, idéalement, deux mois avant la date prévisible
envisager dans le futur la nécessité de sa prise en charge du début de l’épuration extrarénale. L’hémodialyse est la
par épuration extrarénale chronique et/ou transplantation technique de dialyse la plus utilisée en France (environ
rénale, tout en maintenant au mieux son insertion socio- 85 %). Les modalités pratiques de l’hémodialyse sont
professionnelle. Très tôt, le néphrologue doit avoir le souci l’hémodialyse en centre, à domicile ou en centre allégé (dite
de l’abord vasculaire en protégeant au maximum le capital souvent auto-dialyse). L’hémodialyse permet les durées
veineux. La création d’une fistule artério-veineuse doit de survie les plus longues (jusqu’à 20 ans voire plus), mais
être envisagée suffisamment tôt : en général, lorsque le elle est aussi la plus coûteuse. Le taux de survie global
DFG est aux alentours de 10 ml/min chez l’urémique non des patients ayant commencé la dialyse de suppléance
diabétique et de 15 ml/min chez l’urémique diabétique, entre 2002 et 2008 est de 82,5 % à un an, de 63 % à 3 ans
ou plus précocement si des interventions chirurgicales et de 50 % à 5 ans.
répétées sont envisagées. La dialyse péritonéale est une méthode de dialyse dans
Il convient d’être particulièrement vigilant à l’utilisation des laquelle les transferts péritonéaux provoqués par l’irri-
médicaments ou produits de contraste radiologique poten- gation de la cavité péritonéale se font essentiellement à
tiellement néphrotoxiques chez le patient insuffisant rénal partir du sang qui circule dans le lit capillaire situé sous
chronique, afin de préserver le plus longtemps possible le mésothélium péritonéal. Le succès à long terme de la
la fonction rénale résiduelle. La plus grande prudence est dialyse péritonéale repose sur un accès durable au péri-
recommandée dans l’utilisation des inhibiteurs du sys- toine. Cet accès est assuré par un cathéter implanté en
tème rénine angiotensine, surtout chez les sujets âgés et permanence, dont les deux caractéristiques principales
athéromateux, des anti-inflammatoires non stéroïdiens doivent être, d’une part, les qualités hémodynamiques
et des analgésiques chez l’IRC. Il ne faut pas oublier que facilitant l’injection et le drainage rapide des solutions de
de nombreux médicaments sont éliminés par voie rénale dialyse, et d’autre part, le risque mineur de surinfection.
et nécessitent donc des précautions particulières pour En hémodialyse intracorporelle, le patient et le système de
adapter les posologies chez l’insuffisant rénal. L’ajustement dialyse péritonéale forment une interface liquidienne dont
est impératif pour les aminoglycosides qui ont un risque la membrane de séparation est représentée par la séreuse
d’ototoxicité et de néphrotoxicité. péritonéale. La dialyse péritonéale est une technique de
dialyse moins utilisée en France que l’hémodialyse (envi-
ron 12 %), permettant un traitement à domicile. Elle est
7. Prise en charge de l’urémique mieux tolérée que l’hémodialyse au plan hémodynamique,
chronique par les techniques de mais elle a des performances d’épuration moindre et sa
durée d’utilisation chez un patient est limitée à quelques
dialyse de suppléance [15] années (environ 5 ans), du fait de l’altération progressive
des propriétés du péritoine.
7.1. Les principes généraux
des méthodes d’épuration extrarénale 7.2. Les indications
Le terme « dialyse de suppléance » correspond à l’ensemble de la dialyse de suppléance
des méthodes d’épuration extrarénale susceptibles de L’indication d’une méthode de suppléance repose sur des
débarrasser le sang du malade insuffisant rénal des déchets critères biologiques et cliniques. Il est admis de débuter le
azotés et de corriger, au moins partiellement, les troubles traitement par dialyse au cours de l’IRC avant que n’appa-
hydro-électrolytiques, phosphocalciques et acido-basiques raissent les complications graves de l’insuffisance rénale
qui résultent de la défaillance de la fonction rénale. terminale, comme une péricardite, une surcharge hydro-
On peut utiliser des méthodes qui nécessitent une circu- sodée ou une atteinte neurologique. Par conséquent, les
lation sanguine extracorporelle pour lesquelles on parle symptômes cliniques mineurs doivent être recherchés :
d’hémodialyse au sens large et des méthodes intracorpo- diminution de l’appétit, asthénie, perte de poids, troubles
relles représentées par la dialyse péritonéale. du sommeil et de l’attention.
L’hémodialyse réalise un échange des solutés et de l’eau D’un point de vue biologique, le seuil de décision repose
à travers une membrane semi-perméable, entre le sang sur certains critères : urée sanguine supérieure à 40 mmol/l,
du malade et une solution de dialyse, le dialysat, qui a une créatininémie supérieure à 1 000 μmol/l, kaliémie supé-
composition voisine de celle d’un liquide extracellulaire rieure à 6 mmol/l, phosphatémie supérieure à 3 mmol/l,
œuvre doit intégrer un ensemble de paramètres cliniques étaient présents chez le malade en IRC. L’expression cli-
et biologiques : variation de poids entre deux séances de nique d’une atteinte squelettique chez un nombre croissant
dialyse, appétit retrouvé, disparition des troubles diges- de dialysés en fonction de la durée du traitement n’est
tifs et de l’asthénie, qualité de vie améliorée, contrôle du donc pas pour surprendre. Ainsi, plus de 60 % des patients
volume extracellulaire, de l’acidose métabolique et de hémodialysés depuis plus de 10 ans ont des complications
l’équilibre phosphocalcique. rhumatologiques, sources de douleurs et d’altération de
L’efficacité à long terme du programme d’épuration extra- la qualité de vie. La thérapeutique consiste à chélater les
rénale est suivie par l’état nutritionnel, la survenue des phosphates par le carbonate de calcium dans la lumière
troubles ostéo-articulaires et cardiovasculaires. La qualité intestinale et les objectifs du traitement restent les mêmes
de l’épuration extrarénale dépend également, et pour une que ceux qui ont été définis dans le cadre de la prise en
part importante, de la durée moyenne des séances (12 à charge de l’IRC. En cas d’échec de ce traitement médical,
15 heures par semaine en trois séances selon le schéma en particulier chez les patients symptomatiques, lorsque
thérapeutique conventionnel), des qualités intrinsèques de les concentrations plasmatiques de PTH restent supé-
la membrane (surface, coefficient de tamisage), de la qualité rieures à 600 pg/l, il faut d’abord utiliser les calcimimétiques
de l’abord vasculaire, des débits sanguins et du dialysat. (Mimpara®), avant d’envisager de pratiquer une abla-
C’est donc tout un ensemble de paramètres qui guide le tion totale ou des 7/8e des glandes parathyroïdiennes en
clinicien. L’analyse rationnelle de l’efficacité de la dialyse cas d’échec d’efficacité des calcimimétiques. Il est donc
permettra aux néphrologues de définir un programme adé- important de maîtriser au mieux l’équilibre phosphocal-
quat de traitement par hémodialyse pour un patient donné. cique chez les patients dialysés : alimentation, traitement
vitamino-calcique, composition du bain de dialyse adaptée
7.3.3. Les complications propres de l’hémodialyse en fonction des dosages biochimiques…
Chez les patients dialysés, la régulation du bilan hydrique L’amylose à β2-microglobuline représente une complica-
et électrolytique est majoritairement assurée par la dia- tion osseuse particulière, qui n’apparaît pratiquement que
lyse. L’existence d’une diurèse faible, voire nulle, le défaut chez les patients traités de longue date par hémodialyse.
d’élimination de l’eau libre, ont tendance à entraîner une Aujourd’hui, avec les techniques modernes de dialyse
hémodilution et une hyponatrémie, ce qui doit faire réduire utilisant des membranes à haute perméabilité, elle a prati-
les apports hydriques autour de 800 à 1 000 ml d’eau quement disparu. La β2-microglobuline constitue la chaîne
par jour. Concernant le bilan sodé, un élargissement des légère des antigènes d’histocompatibilité de classe I du
apports sodés à 6 g/j en moyenne est réalisé lors de la système HLA. Son dépôt progressif se fait préférentiel-
mise en hémodialyse des patients initialement avec régime lement au niveau de l’os et du cartilage, et se manifeste
pauvre en sel dans le but de permettre une meilleure ali- habituellement par un syndrome du canal carpien carac-
mentation. La surcharge hydro-sodée est appréciée par térisé par des paresthésies douloureuses des mains et par
la clinique (prise de poids, hypertension artérielle, œdème des arthralgies touchant principalement les épaules et les
pulmonaire se traduisant par une dyspnée et une toux), par hanches, exacerbées la nuit et au cours des séances de
la radiographie (émoussement des culs-de-sac pleuraux) dialyse. La fréquence de survenue de cette complication
et traitée par majoration de l’ultrafiltration et diminution est très dépendante de la technique de dialyse utilisée.
du poids sec. Seules les membranes qui ont une biocompatibilité très
Il existe une rétention obligatoire de protons et de potas- élevée doivent être utilisées chez ces malades, afin de
sium entre deux séances de dialyse. L’hyperkaliémie peut limiter les phénomènes inflammatoires engendrés. Le
être d’origine alimentaire, mais elle est surtout favorisée diagnostic repose sur la mise en évidence d’une dimi-
par l’acidose qui induit une sortie du potassium intracel- nution de la vitesse de conduction du nerf médian par
lulaire vers le secteur extracellulaire. Les mesures de la électromyographie. Le dosage de la β2-microglobuline
kaliémie sont régulièrement effectuées au laboratoire (tous est réalisé deux fois par an, avant et après dialyse, les
les 15 jours en moyenne selon le centre de dialyse). Les concentrations pouvant atteindre 20 à 30 fois les valeurs
patients en hyperkaliémie avant dialyse (5,0 à 6,0 mmol/l) usuelles. Cependant, la concentration n’est pas un reflet
se retrouvent parfois en hypokaliémie en fin de séance (2,5 de la constitution des dépôts amyloïdes, d’autres facteurs
à 3,0 mmol/l), conséquence d’une concentration faible en favorisant le développement comme l’âge avancé, la
en potassium dans le dialysat (2,0 mmol/l). Il s’agit d’une surcharge en fer voire en aluminium, l’hyperparathyroïdie
hypokaliémie transitoire, qui est normalement bien tolérée secondaire, la stimulation des médiateurs de l’inflam-
par le sujet hémodialysé et qui ne nécessite pas que le mation par les membranes bio-incompatibles et/ou les
néphrologue instaure un traitement spécifique. Cependant, endotoxines bactériennes.
sur un terrain de cardiopathie préexistante, des troubles L’intoxication aluminique est devenue maintenant une com-
du rythme transitoires peuvent survenir devant la brusque plication exceptionnelle au cours de l’insuffisance rénale
variation de la kaliémie, et peuvent nécessiter une éventuelle traitée par hémodialyse, car la concentration d’aluminium
adaptation de la concentration en potassium du dialysat. dans l’eau entrant dans la composition du dialysat est
L’acidose métabolique est habituellement bien corrigée par rigoureusement contrôlée (teneur en aluminium inférieure
l’utilisation de bains de dialyse contenant des bicarbonates, à 0,01 mg/l). Les conséquences de l’intoxication alumi-
ce qui permet d’obtenir des valeurs de bicarbonates plas- nique sont neurologiques (encéphalopathie aluminique)
matiques pré-dialytiques comprises entre 20 et 25 mmol/l. et osseuses (ostéomalacie). Une telle intoxication peut
La dialyse ne corrige que très imparfaitement les désordres être évoquée en cas d’ostéodystrophie inexpliquée. En
phosphocalciques et les lésions d’ostéodystrophie qui effet, la surcharge prolongée et massive en aluminium
En cours de stérilisation à l’autoclave, des produits de signes d’appel, il faut pratiquer sans retard un prélèvement
dégradation du glucose se forment selon la voie du bactériologique et prescrire d’emblée une antibiothérapie
5-hydroxyméthylfurfural. Ces produits de dégradation, adaptée, qui sera maintenue pendant 10 à 15 jours. En
plus abondants dans les solutions à forte concentration l’absence d’un traitement précoce et parfois malgré lui,
de glucose voient leur concentration augmenter avec le l’infection évolue en profondeur et l’ablation du cathéter
temps de stockage et peuvent être la cause de douleurs est alors nécessaire et la prothèse sera remplacée après
abdominales. guérison de l’infection cutanée.
L’amélioration constante des bonnes pratiques de fabri- Parmi les complications de la dialyse péritonéale,
cation permet d’obtenir, au fil des ans, des solutions de l’infection péritonéale est une cause majeure de mor-
dialyse péritonéale moins contaminées et de composi- bidité, d’échec et, à moindre degré, de décès chez
tions plus stables. Aujourd’hui on utilise des solutions les malades traités par dialyse péritonéale. L’une des
sans glucose (acides aminés, icodextran), des solutions complications certes rare, mais redoutable, est la péri-
à « pH physiologique » (bicarbonate) et des contenants tonite sclérosante. Les mesures destinées à prévenir
sans PVC. les complications infectieuses sont donc essentielles.
Le respect rigoureux des règles d’asepsie durant les
7.3.4.2. Les effets indésirables opérations de branchement et de débranchement du
L’irrigation du péritoine par des solutions de dialyse circuit de dialyse, en dialyse péritonéale intermittente,
péritonéale a des conséquences biologiques multiples. ou lors des changements de poche en dialyse péri-
Les pertes protidiques sont obligatoires en dialyse péri- tonéale continue ambulatoire, est essentiel pour le
tonéale du fait de la perméabilité de la membrane périto- succès de la méthode. La dialyse péritonéale continue
néale et sont comprises entre 5 et 12 g/24 h en dialyse ambulatoire, technique de dialyse péritonéale la plus
péritonéale continue ambulatoire et entre 15 et 20 g courante, nécessite le concours d’un patient motivé
par séance en dialyse péritonéale intermittente. Il est et discipliné, prenant en charge la responsabilité de
capital de s’assurer que l’état nutritionnel du patient est son traitement.
correct avant d’initier la dialyse péritonéale, au moyen
des dosages d’albuminémie et de pré-albuminémie. Une 8. La transplantation rénale [17]
fois instaurée, malgré l’importance de la fuite protéique
péritonéale, les protides totaux et l’albumine sérique Les principales difficultés de la transplantation rénale sont
restent le plus souvent stables, les valeurs observées aujourd’hui la pénurie d’organes au regard du nombre
étant généralement à la limite inférieure de la normale, de patients en attente d’une transplantation rénale.
sous réserve d’un apport protéique d’au moins 1,2 g/kg/j. L’âge limite de la transplantation rénale n’est pas un
L’absorption du glucose à partir du dialysat apporte en problème en soi, la seule contre indication absolue étant
moyenne 250 g de glucose par jour. Le transfert trans- l’existence d’un cancer métastasé. Les infections et
péritonéal de glucose diffère d’un malade à l’autre et les antécédents de cancer sont des contre indications
peut varier dans le temps chez un même patient. Bien temporaires.
que la réponse insulinique reste adaptée chez la plupart
des patients, un diabète sucré insulinodépendant peut 8.1. La préparation du receveur
occasionnellement survenir. Elle est indispensable et comprend l’information du
Une hyperlipidémie, due à une élévation des triglycé- patient qui doit être la plus objective possible quant aux
rides et du cholestérol sériques et surtout marquée au différentes possibilités de transplantation, aux avan-
cours de la première année de traitement, est habituelle tages et aux risques. Elle comprend l’étude du dossier
en cours de dialyse péritonéale continue ambulatoire. médical et la prescription d’examens complémentaires
L’hypertriglycéridémie est en partie sous la dépendance avec des examens cardiovasculaires approfondis (élec-
des apports énergétiques et un régime hypocalorique trocardiogramme, échographie, doppler), un examen
est donc recommandé. L’hypercholestérolémie est due à stomatologique et ORL et la sérologie des principaux
une élévation simultanée du taux des VLDL et des LDL. virus (cytomégalovirus ou CMV, virus d’Epstein-Barr
Une diminution de l’appétit s’observe, en particulier ou EBV, virus de l’immunodéficience humaine type 1
en début de traitement, chez les malades traités par et 2, virus de l’hépatite B et C, virus T-lymphotropique
dialyse péritonéale continue ambulatoire. Cette hypo- humain type 1 et 2, herpès virus humain type 8) ainsi
rexie, plus ou moins marquée, peut résulter de l’apport que les sérologies de la toxoplasmose et de la syphilis.
permanent de glucose par le dialysat, de la distension Les explorations immunologiques sont primordiales avec
abdominale ou d’une hypovolémie induite par une ultra- détermination des groupes érythrocytaires afin d’avoir
filtration excessive. des compatibilités dans le système ABO, des groupes
tissulaires d’histocompatibilité et la recherche d’anticorps
7.3.4.3. Les complications circulants dirigés contre les antigènes du système HLA
De nombreuses complications peuvent être observées lors (à faire tous les 3 mois). Le système Rhésus n’est pas
de l’implantation d’un cathéter péritonéal. L’infection de exploré dans la mesure où il n’intervient pas.
l’orifice de sortie du cathéter, observée chez 10 à 30 % À l’issue de cette évaluation, le dialysé est inscrit, s’il le
des patients, est habituellement due aux staphylocoques. désire et si son âge et son état clinique le permettent,
Celle-ci se manifeste par une douleur et une rougeur sur une liste d’attente gérée par l’Etablissement fran-
cutanées strictement localisées à l’orifice. Devant ces çais des greffes.
nombreux (entre autres HTA, années d’insuffisance rénale Une anémie est observée chez 15 % des patients. Parmi
et anomalies lipidiques qui justifient d’avoir recours à un les différents facteurs qui sont impliqués dans son déve-
traitement par les statines de façon presque systématique). loppement, on doit mentionner le rôle important joué par
Les complications hépatiques sont nombreuses, avec les les immunosuppresseurs.
hépatites B et C, même si la vaccination systématique des
urémiques a considérablement réduit les risques d’hépatite 8.6. La survie des greffons
B. À noter que la péliose hépatique est une complication Le taux de survie global du greffon est actuellement de
rare, propre aux patients transplantés. 91 % à un an, de 80 % à 5 ans et de 60 % à 10 ans.
Les complications métaboliques sont surtout représen-
tées par le diabète sucré, les anomalies lipidiques et Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
l’hyper-uricémie. conflits d’intérêts en relation avec cet article.