Vous êtes sur la page 1sur 17

INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE (IRC)

Objectifs

1- Définir l’insuffisance rénale chronique

2- Décrire les 5 stades de la MRC


3- Opposer en 6 points l’IRC avec l’IRA
4- Citer 5 étiologies de l’IRC
5- Enumérer 5 indications de la dialyse au cours de l’IRC
6- Conduire le traitement de l’IRC

1- Généralités

1.1- Définition

L’insuffisance rénale chronique est définie par une diminution


progressive et irréversible du débit de la filtration glomérulaire (DFG)
évoluant sur une période de plus de 3 mois et affectant à la fois les fonctions
exocrines et endocrines rénales.

1.2- Intérêt

• Épidémiologique

– Prévalence: difficile à connaître en raison de son extrême latence,

– La sex-ratio (rapport homme/femme) est de 2/1.

– ISN : MRC représente 10% adultes


– Données locales :
• SECK (Sénégal) : 5% en 2014 en population générale
• SUMAILI (RDC) : 12,4% en 2010
• ASHUNTANTANG : 13%

– En France, l'incidence annuelle de l’IRCT était de 80 nouveaux cas


pour 106 habitants en 1994.

1
• Diagnostique :
– Cystatine C est en cours de validation pour le diagnostic précoce.

– Dépistage précoce des sujets à risque de développer une IRC


dont:

• Diabétiques

• Hypertendus

• Sujets obèses avec un IMC > 30 kg/m²

• Porteurs de maladie cardiovasculaire (I. cardiaque)

• Personnes âgées > 60 ans

• Épisodes d’insuffisance rénale aiguë

• Thérapeutique :
– Le traitement de suppléance rénale notamment dialyse et la
transplantation rénale a révolutionné la prise en charge de ces
patients
• Pronostique :
– Fonctionnel : rénal IRCT nécessitant un traitement de
suppléance rénale par dialyse ou transplantation pour la survie
– Vital : IRC est FRCV et associée à une mortalité élevée

1.3- Physiopathologie

Chaque rein est constitué d’environ un million de néphrons, unité


fonctionnelle associant en série une unité de filtration, le glomérule et une
unité d’adaptation, le tubule.
L’insuffisance rénale chronique est définie comme une diminution
importante et irréversible du nombre de néphrons fonctionnels. Le déficit
fonctionnel rénal ne devient biologiquement patent que lorsque près des deux
tiers du parenchyme rénal sont détruits. Mais, en IRC, les néphrons sains
restants continuent à assurer l’équilibre entre les entrées dans l’organisme et
les sorties.

2
Pour assurer le maintien de l’équilibre, tous les néphrons restants adoptent un
fonctionnement différent de celui qu’ils assuraient lorsque la fonction rénale
était normale. Cette théorie du néphron sain (NS Bricker, 1969) souligne que
chaque néphron restant est « conscient » de l’amputation de la masse
néphronique, et s’y adapte pour maintenir l’équilibre entre les entrées et les
sorties de l’organisme.
Le degré d'insuffisance rénale se mesure par le degré de déficit du débit
de filtration glomérulaire (clairance de la créatinine). Il faut une altération
d'environ 70% du capital néphronique pour que se manifestent les premiers
signes cliniques d'insuffisance rénale. La survie est impossible lorsque 95% des
néphrons sont détruits: c'est le stade terminal de l'insuffisance rénale
chronique.

La survenue de l’IRC est la conséquence des mécanismes d’adaptation des


néphrons restants secondaire à une lésion rénale
Ainsi, une lésion rénale (Glomérulaire, Tubulaire, Vasculaire ou Interstitielle)
va entraîner une réduction néphronique. L’hyperfonctionnement et
l’hyperfiltration glomérulaire des néphrons restants vont permettre de
maintenir une filtration glomérulaire normale, l’activation du Système Rénine
Angiotensine Aldostérone (SRAA) va être responsable d’une hyperpression et
hypertension intraglomérulaire qui sera à la longue délétère et induire :
• Protéinurie qui sera toxique pour le tubule  atrophie tubulaire,
fibrose
• Glomérulosclérose  baisse DFG  altération des fonctions
exocrines et endocrines rénales  apparition des signes cliniques
et paracliniques : œdèmes, HTA, signes urémie, hyperkaliémie,
hyponatrémie, acidose métabolique, anémie, troubles
phosphocalciques.

3
2. Etude clinique

Nous avons choisi comme TDD IRC sévère stade 4 avec un DFG entre 15 et 29
ml/min car à ce stade le patient est symptomatique.

2.1- TDD : IRC sévère (MRC stade 4)

• Circonstances de découverte :

– Fortuite : lors d’un examen de santé systématique, lors d’un


examen d’embauche ou de souscription d’assurance

– Devant des signes du syndrome urémique chronique : asthénie,


anorexie, nycturie

– Lors du suivi de : HTA, diabète, lupus, infections (VIH, HVB, HVC)

– Avant certaines prescriptions médicamenteuses

– Devant une complication comme OAP, convulsion, coma.

• Clinique: souvent pauvre au début.

– Signes fonctionnels

• Asthénie

• Anorexie
• Nausées, vomissements
• Insomnie
• Nycturie
– Signes généraux
• Pâleur des conjonctives et des téguments
• Paramètres :
• HTA
• Tachycardie

4
• Prise ou perte de poids
• Oligurie ou polyurie
• Bandelette urinaire : protéinurie +
– Signes physiques :
• Haleine urémique
• Léthargie, torpeur,
• Hypotonie flasque
• Xérose cutanée, teint cireux et pâle,
• Hyperpigmentation

• Biologie:

– Elévation de l’urémie

– Elévation de la créatininémie

- Ou bien DFG < 60mL/min/1,73 m² évoluant depuis plus de 3 mois

◦ Selon Cockroft et Gault :

DFG (ml/min)=[(140-âge)xpoids en kg/créatininémie en μmol/L]x


k,

 avec k = 1,23 pour les hommes, 1,04 pour les femmes, âge
en années.

 Si la créatinine est exprimée en mg/L, il faut en multiplier le


chiffre par 8,84 pour l’obtenir en μmol/L

◦ Selon MDRD ou CKD-Epi voire les réglettes ou se référer aux


applications téléchargeables car formules très complexes
pour une pratique hospitalière courante

- Anémie normochrome normocytaire arégénérative;

- Hypocalcémie et

- Hyperphosphorémie

5
• Echographie rénale : Présence de reins de petite taille avec une perte de
la différenciation cortico-médullaire.

• NB : Le caractère chronique repose sur:

– Antécédent de créatininémie élevée évoluant depuis plus de 3


mois,

– Echographie rénale : Présence de reins de petite taille avec une


perte de la différenciation cortico-médullaire

– Présence de signes indirects en faveur de chronicité :

• Anémie normochrome normocytaire arégénérative;

• Hypocalcémie et hyperphosphorémie

Evolution

Éléments de surveillance:

– Cliniques: PA, FC, FR, poids, diurèse, pâleur.

– Biologiques: Créatininémie, Ionogramme sanguin, réserves


alcalines.

Évolution proprement dite:

– Bien PEC : Stabilisation du DFG et réduction de la protéinurie sous


traitement néphroprotecteur ; parfois diminution progressive du
DFG dont la vitesse dépend des facteurs de progression (Sévérité
de l’HTA, Protéinurie abondante, tabac…) ;

– Défavorable vers le stade 5 avec survenue de complications :

• Acidose métabolique sévère


• Hyperkaliémie ménaçante
• Œdème aigu pulmonaire
• Encéphalopathie urémique

6
• Péricardite urémique
• Hémorragie digestive
Ces complications représentent les indications de la dialyse au
cours de l’IRC.

2.2- Formes cliniques


- Formes selon la sévérité
Il s’agit des 5 stades de sévérité croissante selon le KDIGO MRC

Stade DFG (ml/min/1,73 m2) Description

1 ≥ 90 MRC avec FR normale

2 60 – 89 IRC légère

3A 45 – 59 IRC modérée

3B 30 – 44 IRC modérée

4 15 – 29 IRC sévère

5 < 15 IRC terminale

7
- Formes symptomatiques
o selon l’albuminurie

Stade Albuminurie (mg/J) Description

A1 < 30 Normoalbuminurie

A2 30 - 300 Légère (microalbuminurie)

A3 > 300 Macroalbuminurie

o avec :
 Leucocyturie
 Hématurie
 Glycosurie
o Sans :
 œdèmes
 HTA

- Formes sans diminution de la taille des reins :


o Diabète
o Amylose
o Polykystose rénale
o HIVAN
o Hydronéphrose bilatérale
- Formes sans hypocalcémie
o Myélome
o Sarcoïdose
o Métastases osseuses des cancers

8
- Formes selon le terrain
o Enfant : très symptomatique
o Personnes âgées : paucisymptomatique, dénutrition
o Femmes enceintes : risque d’avortement,
d’accouchement prématuré, de MFIU ou de
prééclampsie/eclampsie
o Transplanté rénal  perte du greffon.

3. Diagnostic

3.1- Diagnostic positif

Le Dg (+) d’IRC sera évoqué chez un patient avec des FDR de néphropathie
chronique (HTA, diabète, VIH, lupus) qui présente :

- Un syndrome urémique (Asthénie, anorexie, nausées, vomissement,


insomnie, haleine urémique)
- Une baisse du DFG persistant pendant > 3 mois

- Des signes de retentissement biologique à type de : hyperkaliémie, acidose


métabolique, anémie normochrome normocytaire arégénérative,
hypocalcémie, hyperphosphorémie,

- Des reins de taille diminuée avec une perte de la différenciation cortico-


médullaire à l’échographie

3.2- Diagnostic différentiel

1- Insuffisance rénale aiguë

– Histoire récente

– Baisse brutale du DFG

– Créatininémie antérieure, récente normale

– Reins de taille normale, bien différenciés à l’échographie

9
Critères IRA IRC

Diurèse < 0,5mL/kg/h pdt 6h Conservée

Elévation créatinine Rapide, Lente,

Heures, jours ou Mois ou années


semaines

Anémie Absente Présente (anémie NNA)

Hypocalcémie Absente Présente

Hyperphosphorémie Absente Présente

Echographie Reins de taille normale Petits reins


et bien différenciés dédifférenciés

2- Insuffisance rénale aiguë sur insuffisance rénale chronique

– Augmentation rapide de la créatininémie par un facteur aggravant


sur une IRC évolutive.

3.3- Diagnostic étiologique

Il nécessite une démarche qui passe par un interrogatoire minutieux, un


examen clinique complet appareil par appareil. Des examens complémentaires
seront demandés en fonction des données de l’examen clinque.

3.3.1- Néphropathies vasculaires

3.3.1.1- Néphroangiosclérose

• HTA ancienne, sévère;

10
• Résistante au traitement;

• Plus fréquent chez le sujet de race noire;

• Protéinurie faible ou nulle, absence d'hématurie microscopique.

• Avec petits reins symétriques,

• Retentissement viscéral avancé (Insuffisance rénale, I. cardiaque,


rétinopathie hypertensive);

3.3.1.2- Sténose de l’artère rénale

• Idem NAS

• Patient athéromateux, il faut rechercher une sténose bilatérale


des artères rénales (insuffisance rénale ischémique).

3.3.2- Néphropathies glomérulaires

3.3.2.1- Néphropathie diabétique

• Diabète sucré ancien découvert > 5 ans au moins

• HTA d’installation progressive

• Microalbuminurie, PU modérée, parfois syndrome néphrotique

• Reins de taille normale à l’échographie

• Retentissement multiviscéral (I Rénale, I cardiaque, rétinopathie


diabétique)

3.3.2.2- Glomérulonéphrite chronique

• Protéinurie, parfois syndrome néphrotique

• Hématurie microscopique ou macroscopique;

• Hypertension artérielle;

• Petits reins, symétriques et de contours réguliers.

• Causes :

11
• Primitives : HSF, GEM, GNMP

• Secondaires : GN post infectieuse, VIH, VHB, VHC,


cryoglobulinémie, lupus, vascularites.

3.3.3- Néphropathies tubulo-interstitielles chroniques

• Protéinurie modérée non sélective;

• Absence d'hématurie microscopique;

• Présence d'une leucocyturie aseptique (parfois cylindres


leucocytaires);

• Anomalies tubulaires: acidose hyperchlorémique, perte de sel;

• Absence d'hypertension artérielle.

• Reins petits, asymétriques et bosselés

• Causes :

• Pyélonéphrite chronique

• Affections urologiques: lithiase, reflux vésico-urétéral,


obstacle cervico-prostatique, uropathie malformative,
tuberculose... (Dans ces cas, les urines sont volontiers
infectées)

• Néphropathie des analgésiques (qui peut être compliquée


de nécrose papillaire).

• Néphropathies toxiques : lithium, plomb, herbes chinoises,


certains champignons …

• Néphropathies métaboliques (hypercalcémie, hyperuraturie,


hyperoxalurie, cystinurie, hypokaliémie)

• Les étiologies endémiques (Balkans);

• Granulomatoses: sarcoïdose, Gougerot-Sjögren

12
3.3.4- Néphropathies héréditaires

3.3.4.1- Néphropathies kystiques

- La polykystose rénale est la plus fréquente de ces néphropathies.


C’est une maladie héréditaire qui réalise un tableau clinique fait de :

 Douleurs lombaires à type de pesanteur,


 HTA
 Masse bilatérale, des flancs, irrégulière réalisant un
contact lombaire et ballottement rénal, barrée à gauche
par la sonorité des anses
 IRC
 Reins augmentés de taille avec des kystes bilatéraux
cortico-médullaires
 Manifestations extrarénales : kystes hépatiques,
spléniques et non kystiques : anévrismes cérébraux,
prolapsus mitral, diverticule digestif

- Dysplasies kystiques, néphronophtise et sclérose tubéreuse de


Bourneville.

3.3.4.2- Néphropathies non kystiques

- Syndrome d'Alport.

- Dépôts (oxalose, cystinose, amyloses familiales, angiokératose de


Fabry).

3.3.5- Maladies de système

- Lupus

- Sclérodermie

- Autres vascularites

13
4- Traitement

4.1- But

– Ralentir la progression

– Traiter la cause

– Eviter les complications

– Préparation au traitement de suppléance rénale

4-2- Moyens

4.2.1- Mesures hygiéno-diététiques

– Régime hyposodé : 5-6g/j NaCl


– Régime hypoprotidique : 0,6-0,8g/kg/j
– Régime hypokaliémiant
– Régime hypouricémiant
– Restriction hydrique
– Acides gras polyinsaturés
– Arrêt tabac et alcool
– Arrêt de tout médicament néphrotoxique
– Adaptation des posologies des médicaments à élimination
rénale
– Exercice physique

4.2.2- Moyens médicamenteux

– Inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion (IEC) : ils sont


antiprotéinuriques et assurent la néphroprotection

• Ramipril 5 – 10mg/j ; EI : Toux

14
– Anti hypertenseurs

• Inhibiteurs calciques : Amlodipine 5 – 10 mg/j ; EI :


Œdème pré tibial

• Bêta Bloquants : Bisoprolol 5 – 10mg/j ; EI :


Bradycardie

• Diurétiques : Furosémide : 20 – 500mg/j ; EI :


Hypokaliémie

– Antidiabétiques si besoin

– Erythropoiétine : RecormonR 100 – 200UI/kg/semaine, EI : HTA

– Supplémentation martiale : Fer comprimé ou injectable,


EI : constipation

– Supplémentation calcique : Calcium 500mg 1 à 3 comprimés/j

– Alcalinisation : Bicarbonate de Na en gélule ou injectable, EI :


Hypokaliémie

– Préservation du capital vasculaire

– Confection de fistule artério-veineuse

– Vaccination contre le virus de l’hépatite B

– Soutien psychologique

– Epuration extra rénale : Hémodialyse, Dialyse péritonéale,

– Transplantation rénale

4.3. Indications:

Stade 1 et stade 2

– Diagnostic étiologique et traitement de l’étiologie

– Ralentissement de la progression de l’IR

15
– Prise en charge des facteurs de risque CV et des maladies
associées

– Eviction des produits néphrotoxiques.

Stade 3

– Idem stade 1 et 2

– Régime

– IEC

– Autres antihypertenseurs

– Préservation du capital veineux pour les futurs abords vasculaires

– Vaccination contre le virus de l’hépatite B

Stade 4

– Idem stade 3

– Régime

– IEC

– Autres antihypertenseurs

– Supplémentation martiale

– Erythropoiétine

– Supplémentation calcique

– Alcalinisation

– Préservation du capital vasculaire

– Vaccination contre le virus de l’hépatite B

– Information et préparation au traitement de suppléance

Stade 5

– Idem stade 4

16
– Traitement de suppléance par dialyse et/ou transplantation rénale

– L’indication du traitement de suppléance dépend du :

• DFG et du contexte clinique

• Ou de la prise en charge palliative

– Transplantation rénale pré emptive ou non.

Conclusion

L’insuffisance rénale chronique est une maladie pour la vie. Il


importe de la dépister très précocement pour une meilleure prise en
charge.

17

Vous aimerez peut-être aussi