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LES ETATS DE CHOC

Dr KHELLAF A.M

I) INTRODUCTION :
L’état de choc est une urgence diagnostic et thérapeutique
dont le retard de la prise en charge entraine une
surmortalité.
C’est une défaillance du système circulatoire aboutissant à
l’inadéquation entre l’apport et les besoins tissulaires
périphériques en O2.
L’identification rapide des mécanismes en cause, de
l’étiologie de l’état de choc et de sa sévérité permet de
guider sa prise en charge thérapeutique optimale.
II) PHYSIOPATHOLOGIE :
 GENERALITES :
L’état de choc est une défaillance aigue du système
cardiocirculatoire. 04 mécanismes peuvent être à l’origine
de l’état de choc : Hypovolémie, défaillance myocardique,
obstruction du lit vasculaire et des anomalies distributives.
Ces mécanismes peuvent être associés entre eux.
 RAPPEL PHYSIOLOGIQUE :
Le transport artériel en 02 : Ta02 = contenu artériel en
02 (Ca02) × débit cardiaque (Qc).
Ca02 = 1,34 × Hb × Sa02 (saturation en 02) (en
négligeant l’02 dissous dans le plasma).
La différence artérioveineuse en 02 = DAV.
DAV = Ca02 – Cv02.
La consommation d’02 (V02) = Dc × DAV. C’est
l’équation de Fick.
En présence d’état de choc, les mécanismes compensateurs
visent à préserver les apports tissulaires en 02 en augmentant
le Ta02 par augmentation du Qc et / ou en augmentant
l’extraction périphérique de l’02 (ER02), ce qui entraine une
vasoconstriction périphérique, avec une redistribution des
débits sanguins régionaux vers les territoires : myocardique et
cérébral, au détriment de la perfusion des territoires
splanchniques ,rénaux et musculo cutanés et ceci pour
maintenir une volémie efficace .
Pour cela 03 mécanismes interviennent :
*- système nerveux sympathique par vasoconstriction
artérielle et veineuse
*- système rénine – angiotensine –Aldostérone
*- Vasopressine
Quand ces mécanismes sont dépassés, le TaO2 diminue et
donc L’ER O2 diminue ce qui entraine une dysoxie cellulaire
avec un métabolisme cellulaire anaérobique et une acidose
métabolique (augmentation de la production des lactates).
Toutes ces perturbations provoquent une défaillance multi
viscérale.
Par ailleurs : l’hypo perfusion périphérique de l’E.D.C (Etat de
choc) + reperfusion tissulaire induite par les traitements
peuvent entrainer une inflammation systémique.
Cet état inflammatoire peut initier, prolonger ou aggraver
l’E.D.C initial.
La gravité d’un E.D.C dépend de :
- L’intensité de la défaillance multiviscérale.
- L’étiologie du choc.
- Le délai entre son installation et sa prise en charge
- L’état antérieur du patient (Age. ATCD…)
On distingue 04 types d’E.D.C
1.Choc cardiogénique : C’est la défaillance de la pompe
cardiaque avec chute du Qc et augmentation des
pressions de remplissage (signes d’insuffisance cardiaque
gauche et/ou droite). Les mécanismes sont :
*- Diminution de la contractilité myocardique : IDM,
myocardite, intoxication médicamenteuse par les inotropes
négatifs, décompensation d’une insuffisance cardiaque
préexistante.
*- Bradycardies ou tachycardies extrêmes : BAV de haut
degrés, TV, TSV.
*- Causes mécaniques : IM aigue (ischémique,
endocardite, rupture de cordage), IAO aigue (endocardite,
dissection de l’Aorte) ….
Chez l’enfant la cause la plus fréquente du choc cardiogénique
est un trouble du rythme ou une myocardiopathie sur
cardiopathie congénitale ou myocardite.
2. Choc Hypovolémique : C’est une diminution du volume
intravasculaire et donc chute du Qc par diminution du
retour veineux. C’est la conséquence d’une hypovolémie
absolue : hémorragie, perte digestive (diarrhées,
vomissements importants), brulures étendues, défaut
d’hydratation.
Dans l’E.D.C hémorragique : Il y a une diminution du Qc
avec une diminution du Ta 02.
Les mécanismes compensateurs sont :
*- Vasoconstriction artérielle périphérique avec une
augmentation des résistances vasculaires périphériques
ce qui entraine la redistribution des débits sanguins
régionaux vers les organes nobles (cerveau, myocarde).
*- Vasoconstriction veineuse : pour maintenir le retour
veineux et donc la précharge cardiaque et une augmentation de
la fréquence cardiaque
Qc = freq × v ³ d’éjection systolique.
3.Choc distributif :
C’est une altération de la redistribution des débits
régionaux avec diminution de l’extraction tissulaire en O2,
associée à une augmentation de la perméabilité capillaire et
une vasodilatation périphérique responsable d’une
hypovolémie relative : C’est l’EDC septique et l’EDC non
septique (anaphylactique).
L’EDC anaphylactique se caractérise par l’extravasation
vers le secteur interstitiel : il existe une augmentation de la
perméabilité vasculaire médiée par la libération d’histamine
et de nombreux autres médiateurs de l’inflammation. Dans
l’EDC septique ; les mécanismes compensateurs sont
inefficaces par la réaction inflammatoire, à la phase initiale
le Qc est augmenté pour assurer une bonne perfusion
tissulaire.
Chez le grand brulé : plusieurs facteurs sont incriminés, le
choc distributif est secondaire à la réaction inflammatoire
systémique sévère avec une hypovolémie relative plus
l’hypovolémie vraie secondaire aux pertes liquidiennes.
4.Choc obstructif : C’est la conséquence d’un obstacle au
remplissage ou à l’éjection du cœur, ce qui donne une
diminution du Qc.
Causes : tamponnade cardiaque, PNO compressif,
embolie pulmonaire massive.
III) DIAGNOSTIC :
A) DIAGNOSTIC CLINIQUE :
L’insuffisance circulatoire aigue est définie par une
hypotension artérielle : PA syst < 90 mm Hg ou
PAM ˂ 65mmHg ou une variation de plus de 30% par
rapport à la PA habituelle (chez les hypertendus ou
hypotendus).
La PAD est déterminée par la fréquence cardiaque et les
résistances vasculaires périphériques donc sa diminution
témoigne d’une diminution des résistances vasculaires
périphériques et donc d’une vasoplégie (choc distributif).
La PAS est déterminée par le volume d’éjection, la
compliance aortique et la PAD, donc la diminution de la
PA différentielle (PAS – PAD) avec PAS diminuée et PAD
conservée témoigne d’une diminution du volume
d’éjection systolique par diminution de la précharge (choc
hypovolémique) ou de la contractilité myocardique (choc
cardiogénique) associée à une augmentation des
résistances vasculaires périphériques (vasoconstriction
périphériques).
 SIGNES CLINIQUES :
 Signes cutanés (hypo perfusion périphérique) :
marbrures, extrémités froides, pâleur, cyanose,
TRC > 3 sec.
 Signes de défaillance d’organes : troubles de la
conscience, oligurie….
 Polypnée et tachypnée : traduisent l’adaptation
de l’organisme à l E.D.C
 Interrogatoire : ATCD +Histoire de la maladie
 Choc hémorragique : TRT par anticoagulants,
troubles de l’hémostase, notion de traumatisme,
saignement, pâleur cutanéomuqueuse……
 Choc cardiogénique : ATCD de cardiopathie,
douleurs thoraciques, souffle valvulaire, signes
d’insuffisance cardiaque droite et gauche.
 Choc septique : contexte infectieux, fièvre ou
hypothermie, frissons, foyer infectieux clinique.
 Choc obstructif : embolie pulmonaire ou
tamponnade.
 Choc anaphylactique : exposition à un allergène,
œdème cervico facial et laryngé, urticaire,
bronchospasme, signes digestifs associés
Lors d’un E.D.C les signes cutanés peuvent être absents et
apparaitre lors de la correction de l’E.D.C.
B- Diagnostic para clinique :
Les examens para cliniques permettent d’évaluer le
retentissement de l’état de choc, et leur répétition permet
l’évaluation de l’efficacité thérapeutique :
- FNS (Hb+plt+GB), ionogramme, urée, créatinine, CRP ou
procalcitonine, bilan d’hémostase (TP, TCA, fibrinogène),
lactates plasmatiques (hypo perfusion tissulaire),
gazométrie, bilan hépatique, groupage RH, hémocultures.
- Téléthorax : cardiomégalie, aspect de tamponnade, foyer
pulmonaire, pneumothorax, pleurésie ….
- ECG : troubles de rythme, troubles de la conduction, signes
d’IDM.
- Echocardiographie cardiaque trans-thoracique : évaluation
de la fonction ventriculaire gauche
- L’échographie transoesophagienne (ETO) : Analyse des
valves, recherche d’endocardite, dissection aortique ou
embolie pulmonaire proximale.
- Autres : PL, ECBU, échographie ou scanner abdominal,
angioscanner pulmonaire.
IV) Principes de prise en charge :
 Traitement symptomatique : L’objectif est de rétablir
l’apport tissulaire en O2.
 Traitement étiologique : Par le contrôle et la correction
de la cause de l’E.D.C
La prise en charge d’un état de choc est une urgence
thérapeutique.
A/ Traitements généraux :
 1- Oxygénation : indispensable à haut débit,
ventilation mécanique invasive dans les E.D.C
sévères.
 2- Abords vasculaires : doivent être sûrs et de bon
calibre. Si le capital veineux est pauvre, la mise en
place d’un cathéter central est indispensable.
 3- Remplissage :
Son objectif est le rétablissement d’une volémie
efficace afin d’augmenter le Qc et donc la TaO2.
C’est la réalisation d’une épreuve de remplissage
avec chez l’adulte : 500cc de soluté de remplissage
(cristalloïde) en 10-20min, chez l’enfant : 20cc/kg ;
peuvent être répétée.
L’efficacité est évaluée sur la correction de
l’hypotension (PAM > 65mmH2O), la diminution de la
fréquence cardiaque et la disparition des signes
d’hypo perfusion périphérique (marbrure cutanées +
diurèse >0.5ml/kg/h).
L’effet d’un remplissage vasculaire peut être obtenu
par une position de Trendelenburg ou la levée des
jambes, ce test permet d’éviter chez les patients
présentant un état de choc cardiogénique une
épreuve de remplissage qui peut être délétère.
L’absence de réponse à un remplissage vasculaire bien conduit
doit faire envisager l’introduction d’un traitement aux
catécholamines.
Les solutés de remplissage sont de 2 types :
 Cristalloïdes : SSI 9% + Ringer lactate : leur
inconvénient est l’œdème par leur passage vers le
secteur interstitiel avec le risque d’une acidose
hyperchlorémique
 Colloïdes : leur pouvoir d’expansion volémique est
supérieur à celui des cristalloïdes.
Albumine, gélatine, hydroxyléthyl, amidon.
Dans le choc hémorragique : une transfusion sanguine peut
être nécessaire.
 4- Catécholamines : Action sympathomimétique
directe :
Les catécholamines naturelles : adrénaline, noradrénaline,
dopamine.
Les catécholamines de synthèse : dobutamine, isoprénaline.
L’effet α1 : mydriase, vasoconstriction, contractions des
sphincters
L’effet α 2 : vasoconstriction
L’effet β1 : effet inotrope positif
L’effet β2 : effet sur les muscles bronchiques, utérines …….
Les catécholamines en fonction du contexte :
*- la noradrénaline (0,1-5 γ/kg/mn) : choc septique : si
dysfonctionnement myocardique on associe la dobutamine et
relayer par l’adrénaline.
*- la dobutamine (3-25 γ/kg/mn) : choc cardiogénique, peut être
associée à la noradrénaline
*- L’adrénaline (0.1- 5γ/kg/mn).
Dans le choc anaphylactique : adrénaline : adulte : 0.1-0.3mg
iv, et 5γ/kg chez l’enfant, répétés toutes les 1-2 min

Les catécholamines doivent être administrées en continue à la


seringue électrique par voie centrale (risque de veinotoxicité et
risque de nécrose cutanée en cas d’extravasation du produit)
B/Traitement spécifique :
Choc hémorragique :
Le traitement nécessite le contrôle de la source de
saignement, une transfusion de produits sanguins et parfois de
la noradrénaline en attendant la transfusion pour éviter
l’hémodilution causée par le remplissage
Chez l’enfant :la transfusion est indiquée à moins de 25%
d’hématocrite.
 Choc septique :
Antibiothérapie à large spectre par voie iv en urgence et sera
adaptée en fonction d’un antibiogramme.
L’éradication d’un foyer infectieux est également une urgence
thérapeutique.
Chez l’enfant, il faut maintenir une Hb >10g/dl pour augmenter
le TaO2.
 Choc anaphylactique :
Remplissage vasculaire par des cristalloïdes +100-300γ
d’adrénaline en iv chez l’adulte et 5γ/kg chez l’enfant + éviction
de l’allergène + éventuellement administration des corticoïdes,
d’antihistaminiques et de β2 mimétiques.
 Choc obstructif :
Levée de l’obstacle, en cas d’embolie pulmonaire : une
thrombolyse est souvent indiquée, en cas de tamponnade ;un
drainage péricardique est réalisé en urgence ,en cas de PNO
compressif ,il faut rapidement un drainage pleural .
 Choc cardiogénique :
Revascularisation coronaire en urgence en cas de syndrome
coronarien aigue par angioplastie coronaire ou par thrombolyse
Si E.D.C rebelle au traitement une assistance circulatoire
extracorporelle artério veineuse peut être nécessaire.
A. Surveillance :
Il faut une surveillance clinique et biologique avec le dépistage
et la surveillance des défaillances d’organes secondaires à
l’état de choc.
 Clinique : PA, fréquence cardiaque, ECG, SpO2,
fréquence respiratoire, diurèse (sonde urinaire),
température, signes cutanés, signes congestifs droits et
gauches.
 Para clinique : gazométrie, FNS, Ionogramme sanguin,
bilan hépatique, bilan d’hémostase, Rx du thorax, ECG,
hémocultures.
En plus une échocardiographie ainsi qu’un cathéter artériel
peuvent être utiles pour évaluer l’efficacité du traitement ainsi
que l’évolution.

Conclusion :
L’état de choc constitue une urgence diagnostique et
thérapeutique.
L’identification rapide de l’étiologie de l’état de choc permet de
mettre en œuvre rapidement les traitements étiologiques
spécifiques.
Particularités chez l’enfant :

 Fonction cardiaque :
A la naissance : masse myocardique faible, ventricules peu
compliants, contractilité faible, volume telédiastolique bas,
chrono dépendance du Qc, instabilité du rythme cardiaque par
immaturité du tissu de la conduction.
Le Qc dépend surtout de la fréquence cardiaque.
Au cours d’un état de choc, la PA peut rester longtemps
normale, la vasoconstriction sympathique reflexe est plus
efficace que chez l’adulte.
 Le transport de l’oxygène :
Chez l’enfant la Vo2 basale est plus élevée que chez l’adulte
avec un TaO2 plus élevé qui a du mal à s’élever plus, en cas de
demande accrue en O2.

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