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Chapitre

20
Néphrologie
Coordonné par Justine Bacchetta

PLAN DU CHAPITRE
Évaluation de la fonction rénale Syndrome hémolytique et urémique . . . . . . . . 552
et normes chez l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . 535 Hypertension artérielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554
Hématurie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 538 Situations à risque de maladie
Protéinurie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 542 rénale chronique (MRC) et grands
Syndrome néphrotique idiopathique . . . . . . . 544 principes de néphroprotection . . . . . . . . . . . . 561
Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse . . . . . 550 Troubles mictionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 565

Évaluation de la fonction rénale d'un patient quelle que soit sa pathologie et se fait le plus
souvent à l'aide d'examens simples. Les spécificités propres à
et normes chez l'enfant l'enfant sont cependant à prendre en compte, en particulier
Laurence Dubourg l'évolution des normes avec l'âge.
L'évaluation de la fonction rénale (filtration et fonctions
tubulaires) est nécessaire quelle que soit la pathologie de Évaluation de la filtration glomérulaire
l'enfant. Évolution du débit de filtration glomérulaire
En simplifiant, on peut considérer que les reins ont trois
fonctions principales : Le DFG évolue au cours de la vie. Ainsi le nouveau-né présente
■ une fonction d'épuration (par un phénomène de filtra- une immaturité rénale, majorée s'il est prématuré, et carac-
tion du plasma) ; térisée par un DFG très bas qui va augmenter rapidement au
■ le maintien de l'équilibre hydroélectrolytique (fonctions cours des premiers mois de la vie. De fait, le DFG rapporté à
tubulaires) ; 1,73 m2, proche de 20 mL/min/1,73 m2 à la naissance pour un
■ la régulation de la pression artérielle. nouveau-né à terme, augmente rapidement pour atteindre une
L'évaluation du débit de filtration glomérulaire (DFG, ou valeur comparable à celle de l'adulte (> 90 mL/min/1,73 m2) dès
volume de plasma filtré par unité de temps) permet de 1 à 2 ans (tableau 20.1). L'évaluation de la fonction rénale avant
connaître la fonction d'épuration globale des reins ; le DFG est l'âge de 2 ans est donc difficile en pratique.
le principal élément d'appréciation de la fonction rénale, ce qui
permet de définir l'insuffisance rénale et ses stades. Le tubule Évaluation pratique du débit de filtration
permet, par l'association de phénomènes de réabsorption et glomérulaire
de sécrétion, d'ajuster de façon très précise la composition de Idéalement, le DFG devrait être mesuré par la clairance d'un mar-
l'urine pour maintenir l'équilibre hydroélectrolytique. queur glomérulaire exogène. Cependant, ces mesures ne sont pas
L'évaluation de la fonction rénale (fonctions glomérulaire réalisées en routine et en pratique, le médecin doit utiliser d'autres
et tubulaire) est une étape indispensable à la prise en charge moyens d'évaluation du DFG.

Tableau 20.1 Valeurs normales de fonction rénale chez le nouveau-né et le nourrisson.


Paramètre Prématuré Enfant à terme
(28–30 semaines)
Naissance 1 semaine 8 semaines 1 an
DFG (mL/min/1,73 m2) 10–12 15–20 24–39 75–80 90–110
Créatininémie 28–87 27–81 23–51 15–32 15–32
(μmol/L)
Osmolalité urinaire 400–500 600–900 1 000–1 200 1 000–1 200 1 200–1 400
maximale (mOsm/kg)
FENa (%) 1,55–8,2 0,2–0,3 0,2–0,3 0,12 0,12
DFG : débit de filtration glomérulaire ; FENa : excrétion fractionnelle de sodium.

Pédiatrie pour le praticien


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536   Partie II. Spécialités

Créatininémie fant : elle conduit à des surestimations majeures du DFG


La créatinine est une substance endogène qui est éliminée et ces formules (même si leur calcul est automatique) ne
quasi exclusivement par les reins et sa concentration est doivent être utilisées ni chez l'enfant ni chez l'adolescent.
un reflet indirect du DFG. La détermination de la créatini-
némie est la méthode la plus utilisée pour estimer le DFG Autres formules d'estimation du DFG
en pratique quotidienne pour des raisons de simplicité, de La cystatine C est une petite protéine qui n'est éliminée
faible coût et de disponibilité. que par voie rénale et sa concentration est indépendante de
Cependant, c'est aussi la méthode la moins fiable la masse musculaire. Ainsi, la cystatine C n'est influencée
puisqu'elle dépend également d'autres facteurs (masse ni par l'âge (chez l'enfant de plus de 1 an), ni par la masse
musculaire en particulier). Les résultats dépendent musculaire, ni par des pathologies extrarénales. Cependant,
par ailleurs de la méthode de dosage et les autorités de sa concentration serait augmentée lors d'un traitement par
santé (HAS) recommandent l'utilisation de techniques fortes doses de corticoïdes ou lors d'une dysthyroïdie. Bien
enzymatiques standardisées aux standards internatio- que sa concentration plasmatique puisse être considérée
naux (spectrométrie de masse avec dilution isotopique, seule pour dépister une insuffisance rénale, il est recom-
IDMS). La valeur de la créatininémie chez l'enfant doit mandé d'utiliser des formules d'estimation du DFG utilisant
toujours être interprétée en fonction de l'âge, du sexe, soit la cystatine C seule, soit la combinaison créatinine et
de la pathologie (dénutrition, retard de croissance, cystatine C. Les recommandations internationales (KDIGO
etc.) et également en tenant compte de la technique de 2012) précisent que parmi toutes les équations pédiatriques
dosage (normes du laboratoire pour la technique uti- proposées, deux équations sont à privilégier, et notamment
lisée). Cependant, les normes de laboratoire sont très celle de Schwartz combinée de 2012. Des calculateurs sont
larges et ne permettent pas de dépister une insuffisance disponibles sur internet (https://www.kidney.org/professio-
rénale débutante. nals/KDOQI/gfr_calculatorPed). Cependant, l'utilisation
de la cystatine C n'est pas encore utilisée en routine car
elle n'est pas disponible dans tous les laboratoires et son
Formules d'estimation du DFG coût demeure élevé. Elle se développe néanmoins comme
à partir de la créatininémie moyen de dépistage de l'insuffisance rénale dans les cas où
Pour pallier les difficultés d'interprétation liées aux varia- ­l'utilisation de la créatininémie n'est pas fiable (dénutrition,
tions de la masse musculaire, des formules sont proposées pathologies chroniques, oncologie, etc.).
permettant d'estimer le DFG en fonction de la créatininé-
mie et de la taille. La formule de Schwartz, réajustée en 2009
aux nouvelles techniques de dosage de la créatininémie, est Mesure de la filtration glomérulaire
simple d'utilisation : par des marqueurs exogènes
( )
DFG estimé mL / min/1,73 m2 = 36,5 × Taille (cm)/
Elle reste la méthode de référence et doit être utilisée dans
certaines indications où la détermination précise du DFG
Créatininémie (µmol / L) est importante et où l'estimation par les formules n'est pas
fiable (maladie chronique avec risque d'atteinte rénale, can-
ou
cérologie, dénutrition, maladie métabolique, etc.). Le plus
souvent, une mesure de la clairance plasmatique d'un mar-
( )
DFG estimé mL / min / 1,73 m2 = 0,413 × Taille cm)/ ( queur glomérulaire (iohexol, 51Cr-EDTA, 99mTc-DTPA, etc.)
Créatininémie (mg / dL) est réalisée dans un centre spécialisé. Elle repose sur l'étude
de la cinétique d'élimination d'un traceur exogène (injection
Cette estimation de la fonction rénale par la formule de d'une dose connue d'un traceur suivie de plusieurs prélève-
Schwartz doit être systématique lors de chaque dosage de ments sanguins à des temps précis) sur 4 heures.
créatininémie du fait de ses avantages : rapidité, absence La mesure de la clairance de la créatinine est une alterna-
de recueil urinaire, faible coût. Elle ne peut pas être utili- tive moins fiable mais facilement disponible et qui peut être
sée avant 2 ans. Il faut également garder en mémoire qu'une proposée lorsque la masse musculaire est faible (myopathie,
diminution de la masse musculaire ou une dénutrition est dénutrition). La mesure de la clairance de la créatinine sur
responsable d'une baisse de la créatininémie indépendante des urines de 24 heures ou sur 2 à 3 périodes de 1 heure reste
de la fonction rénale et conduit à une surestimation du DFG une alternative simple et utile mais dépend de la fiabilité du
par les formules. Seul le praticien peut juger si l'utilisation recueil d'urines.
de la créatininémie et de la formule de Schwartz est adaptée En général, les indications de ces examens sont la déter-
à son patient en fonction de la pathologie et de son examen mination du niveau du DFG dans une situation à risque sur
clinique. le plan rénal (rein unique, maladie de système, chimiothé-
Contrairement à l'adulte, le calcul du DFG par la formule rapie néphrotoxique, etc.), l'adaptation de la posologie de
de Schwartz n'est pas systématique dans les laboratoires, certains traitements chimiothérapiques à élimination rénale
qui ne disposent pas de la taille de l'enfant. Il est également (ex : carboplatine), et enfin la surveillance lors de traitement
important de noter que l'utilisation des formules « adultes » potentiellement néphrotoxiques (ex : ciclosporine, tacroli-
(CKD-EPI, MDRD, Cockcroft) n'est pas adaptée chez l'en- mus, antiviraux).
Chapitre 20. Néphrologie   537

Autres paramètres d'évaluation Ces éléments permettent de calculer différents para-


de la fonction rénale mètres, et notamment les rapports électrolytes/créatinine
urinaires, et le taux de réabsorption (TR) ou la fraction d'ex-
Le dépistage d'une protéinurie, d'une hématurie, d'une leu- crétion des électrolytes sur miction ou urines de 24 heures
cocyturie repose sur l'utilisation de la bandelette urinaire. (FE), soit pour un électrolyte x : Ux concentration urinaire
Cependant, les limites de fiabilité de cette technique (indica- de x, Px concentration plasmatique de x, Ucr concentration
teur coloré) sont connues (tableau 20.2). urinaire de créatinine (μmol/L) et Pcr concentration plas-
Les anomalies détectées à la bandelette urinaire doivent matique de créatinine (μmol/L), selon la formule ci-après :
être confirmées par un examen au laboratoire. La cytologie
urinaire quantitative sur un échantillon permet de confirmer Ux/Px
et quantifier une hématurie et de dépister une leucocyturie FEx ( % ) = 100 × et TRx ( % ) = 100 − FEx ( % )
Ucr/Pcr
(GB < 10/mm3 et GR < 10/mm3). Le rapport protéinurie/
créatininurie ou albuminurie/créatininurie sur échantillon
(cf. chapitre correspondant) permet d'authentifier (ou non) Devant une anomalie hydroélectrolytique, des tests
la protéinurie. simples dans les conditions basales, réalisés en ambula-
toire, permettent d'évaluer le comportement rénal face aux
Exploration tubulaire désordres hydroélectrolytiques (adapté ou inadapté). Ils
reposent sur l'analyse des paramètres urinaires ou des para-
La découverte d'un désordre hydroélectrolytique ou
mètres calculés (taux de réabsorption, rapports électrolytes/
l'existence d'une anomalie clinique évocatrice (retard de
créatinine) en fonction des paramètres plasmatiques. Ces
croissance, lithiase, etc.) doit conduire à l'exploration des
tests nécessitent de connaître la réponse rénale normale face
fonctions tubulaires. Dans une situation pathologique don-
à un trouble hydroélectrolytique afin d'estimer si l'excrétion
née, il est indispensable d'étudier en parallèle les paramètres
urinaire est appropriée (bonne réponse rénale au trouble) ou
sanguins et urinaires permettant d'analyser la réponse rénale
inappropriée (dysfonction rénale probable), comme résumé
(appropriée ou non) permettant souvent de distinguer une
dans le tableau 20.3.
atteinte rénale d'une atteinte extrarénale.
Cependant, dans certaines formes modérées de tubulo-
Une atteinte tubulaire doit être suspectée en particulier
pathie, l'équilibre hydroélectrolytique est conservé à l'état
devant :
basal et la réalisation de tests dynamiques (tests de provo-
■ une déshydratation en recherchant un défaut de réab-
cation) est nécessaire pour mettre en évidence les anomalies
sorption du sodium ;
d'adaptation rénale. Ainsi, les tests suivants peuvent être
■ une polyurie ou une anomalie de la natrémie en recher-
proposés en milieu spécialisé :
chant un trouble de concentration ou de dilution des
■ test de charge hydrique pour éliminer un trouble de dilu-
urines ;
tion (hyponatrémie) ;
■ une acidose en recherchant une anomalie de l'acidifica-
■ test de restriction hydrique ou test à la desmopressine
tion rénale ;
(Minirin®) pour éliminer un trouble de concentration
■ et/ou toute anomalie de l'ionogramme en calculant les
(polyurie, hypernatrémie) ;
taux de réabsorption tubulaires des électrolytes et/ou les
■ test d'acidification devant une acidose modérée, un
rapports électrolytes/créatinine.
retard de croissance, des lithiases inexpliquées ;
Les paramètres biologiques utiles dans l'interprétation des
■ charge calcique devant une hypercalciurie inexpliquée.
fonctions tubulaires sont simples et facilement accessibles :
concentrations urinaires et sanguines des principaux élec-
trolytes et composés organiques du plasma (Na, K, Cl, Tableau 20.3 Réponse rénale attendue
bicarbonates, glucose, urée, créatinine, calcium, phosphore) lors de désordres hydroélectrolytiques.
et des urines (Na, K, Cl, glucose, urée, créatinine, calcium,
Perturbation Critère Interprétation
phosphore), osmolalité ou densité urinaire (sur les deu-
xièmes urines du matin à jeun), et pH urinaire. Hypovolémie/ Natriurèse Perte rénale de
déshydratation > 20 mmol/L sodium
extra-cellulaire Natriurèse Perte extrarénale de
Tableau 20.2 Limites d'interprétation < 10 mmol/L sodium
des bandelettes urinaires. Hypokaliémie Kaliurèse Perte rénale de
> 20 mmol/L potassium
Paramètre Faux positifs Faux négatifs
Kaliurèse Perte extrarénale de
Hématurie Urines concentrées Urines diluées < 20 mmol/L potassium
Hémoglobinurie
Hypernatrémie OsmU < 800 mOsm/kg Trouble de
(hémolyse)
concentration
Myoglobinurie
Hyponatrémie OsmU > 150 mOsm/kg Trouble de dilution
Protéinurie Urines concentrées Urines diluées
hypotonique
pH > 8 Protéinurie tubulaire
Chlorhexidine Chaînes légères Acidose métabolique pHu > 5,5 Acidose tubulaire
ou ammonium d'immunoglobulines hyperchlorémique
quaternaire
Hypophosphatémie TmP/DFG < normes Perte rénale de
Leucocyturie Contamination Urines diluées pour l'âge phosphate
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Conclusion ■ une pathologie systémique type lupus érythémateux


L'appréciation de la fonction rénale (filtration et fonctions (arthralgies, éruption cutanée, altération de l'état général,
tubulaires) est nécessaire lors de la prise en charge d'un signes ophtalmologiques, signes digestifs, etc.) ;
enfant quelle que soit sa pathologie. Le plus souvent, cette ■ une atteinte urologique (signes fonctionnels urinaires,
évaluation se fait de manière implicite par l'analyse des douleur vésicale ou douleur de type colique néphrétique,
résultats biologiques obtenus en routine (créatininémie, traumatisme lombaire ou abdominal récent, pyurie).
bilans hydroélectrolytiques). Des tests plus spécifiques sont Les antécédents personnels et familiaux de lithiase rénale, de
cependant nécessaires lorsque la créatininémie n'est pas surdité, de troubles de la coagulation, de pathologies dysim-
fiable ou si le patient est à risque sur le plan néphrologique. munes, de néphropathie, de tumeur, de drépanocytose et
d'hématurie familiale bénigne doivent être recherchés. La
prise récente de médicaments (et notamment anti-inflam-
Hématurie matoires non stéroïdiens) doit être questionnée, en faveur
Justine Bacchetta, Bruno Ranchin, Delphine Demède
d'une éventuelle néphrite immunoallergique. Enfin, un
effort physique intense récent ainsi qu'un voyage en zone à
L'hématurie est un motif de consultation fréquent en pédia- risque de bilharziose ou un contexte à risque de tuberculose
trie. La première étape diagnostique consiste à confirmer doivent être recherchés.
l'hématurie, c'est-à-dire une cytologie urinaire quantitative
sur miction supérieure à 5 à 10 hématies/μL. En règle, l'hé- Examen clinique d'un patient
maturie devient macroscopique au-delà de 500 hématies/μL.
Avant de conclure à une hématurie, il faut éliminer les avec hématurie macroscopique
« fausses » hématuries, correspondant soit à des colorations uri- Tout d'abord, les éléments de base de l'examen clinique
naires consécutives à l'ingestion d'aliments ou de médicaments pédiatrique (poids, taille, croissance staturo-pondérale,
colorant les urines (par exemple betteraves, mûres, rhubarbe, température) sont notés. La pression artérielle est mesurée,
bonbons riches en rhodamine B, rifampicine, érythromycine, et interprétée en fonction de l'âge et du gabarit de l'enfant.
métronidazole), soit à des pigments dans les urines (hémo- L'examen clinique doit être complet, avec notamment une
globinurie, myoglobinurie, bilirubinurie, porphyrinurie), soit recherche d'œdèmes et de signes extrarénaux. On recherche
enfin à des saignements d'origine génitale ou digestive. une masse abdominale, et les organes génitaux externes sont
Une fois que l'hématurie est confirmée, trois grands évalués.
cadres sont à distinguer : les hématuries d'origine urolo-
gique, les hématuries d'origine rénale, et les exceptionnelles Examens paracliniques biologiques
hématuries d'origine systémique (troubles de la coagulation, Une fois l'hématurie confirmée sur une cytologie uri-
notamment déficit en facteur XIII, hémophilie A, maladie naire, les explorations dépendent de la cause urologique
de Willebrand, trois pathologies pouvant se révéler par une ou rénale. Le compte d'Addis n'a aucun intérêt en pra-
hématurie macroscopique) ou encore les hématuries dans le tique. L'analyse du culot urinaire permet de chercher des
cadre d'un syndrome de Münchhausen par procuration. La arguments en faveur de l'origine rénale de l'hématurie
figure 20.1 propose un arbre décisionnel pour l'orientation (présence d'acanthocytes et de cylindres hématiques). La
étiologique d'une hématurie macroscopique. figure 20.1 propose ainsi les investigations à réaliser en
fonction du contexte.
Interrogatoire d'un patient La fonction rénale (débit de filtration glomérulaire) est
avec hématurie macroscopique estimée par la formule de Schwartz réactualisée en 2009 (cf.
L'interrogatoire est fondamental pour différencier une supra). Un dosage de protéinurie et créatininurie est réalisé
hématurie urologique d'une hématurie rénale, même si cela sur miction, pour éliminer une protéinurie associée. Les
est d'autant plus difficile que l'enfant est jeune… Une héma- valeurs normales dépendent de l'âge et de l'atteinte rénale :
turie de sang rouge, avec des caillots, parfois accompagnée ■ < 30 mg/mmol chez l'enfant de plus de 2 ans ;
de signes fonctionnels urinaires et/ou de douleurs vésicales, ■ < 50 mg/mmol chez l'enfant de moins de 2 ans ;
est très en faveur d'une cause urologique. La chronologie de ■ > 300 mg/mmol en cas de protéinurie de rang
l'hématurie a ici valeur localisatrice : une hématurie initiale néphrotique.
est plutôt d'origine urétroprostatique, une hématurie ter- À noter qu'en cas d'hématurie macroscopique, la protéinu-
minale d'origine vésicale et une hématurie totale d'origine rie est souvent positive et mérite d'être contrôlée à distance.
urétérale (ou rénale). Une hématurie sans caillots, sans
signes fonctionnels urinaires, couleur marron (« bouillon de Examens paracliniques radiologiques
bœuf » ou Coca cola), totale et persistant sur plusieurs mic- Dans la plupart des cas d'hématurie macroscopique, que la
tions, signe le passage des hématies dans le système tubu- cause soit rénale ou urologique, une échographie rénale et des
laire et leur dégradation : elle est donc fortement évocatrice voies urinaires vessie pleine est demandée pour apprécier la
d'une atteinte rénale. taille et l'aspect des reins, rechercher une (ou des) lithiase(s),
Ensuite, l'interrogatoire s'attache à rechercher des argu- ou des arguments pour une infection urinaire, une uropathie
ments pour : ou une tumeur, et apprécier l'état de la paroi vésicale. En cas de
■ une atteinte rénale (infection cutanée ou ORL 1 à doute sur une thrombose ou sur un syndrome casse-noisettes
3 semaines avant l'épisode, infection ORL en cours, prise (correspondant à une compression de la veine rénale gauche
de poids récente, apparition d'œdèmes) ; par la pince aortomésentérique), un doppler peut être utile.
Chapitre 20. Néphrologie   539

Bandelette urinaire

NÉGATIVE

Diagnostics différentiels
Colorants alimentaires,
médicaments, pigments,
POSITIVE saignement vaginal ou digestif

BU positive leucocytes/nitrites
Autres causes (exceptionnelles)
INFECTION URINAIRE
– ECBU
– Échographie rénale et des
voies urinaires vessie pleine Coagulopathies
– Antibiothérapie
Cause urologique Cause néphrologique Münchhausen par procuration
Urines rouges, caillots Urines marron, pas de caillots Pigments

ATTEINTE DU HAUT APPAREIL URINAIRE


Fracture rénale traumatiques POIDS, PRESSION ARTÉRIELLE, ŒDÈMES ?
Saignement sur kyste (polykystose, dysplasie Examens sanguins : ionogramme, urée, créatinine,
rénale multikystique) NFP, C3, C4 ± ACAN/ANCA en fonction du contexte
Tumeur, rupture de néphroblastome Examens urinaires : sur miction protéines/créatinine
Migration lithiasique Échographie rénale et des voies urinaires :
Uropathie obstructive (syndrome de jonction) demander doppler si doute sur thrombose

ATTEINTE DE LA VESSIE ET DE L'URÈTRE


Cystite hémorragique bactérienne
Cystite hémorragique virale
Cystite hémorragique parasitaire
Cystite hémorragique toxique NÉPHROPATHIE GLOMÉRULAIRE AUTRE NÉPHROPATHIE
Tumeur vésicale (HTA, œdème, protéinurie, etc.) Syndrome casse-noisette
Lithiase Première poussée néphropathie IgA Néphrite interstitielle immunoallergique
Hématurie d'effort GNA post-infectieuse Infarctus rénal (drépanocytose)
Uropathie obstructive (valves urètre postérieur) Alport Anomalies vasculaires (angiome,
Atteinte urétrale : angiome, polype, corps Autre néphropathie (dont thrombose anévrisme ou fistule artérioveineuse)
étranger, etc. des veines rénales)
Urétrite juvénile
Traumatisme

Avis rapide en néphrologie pédiatrique


Examens urinaires : ECBU, sur miction :
protéines/calcium/créatinine
Échographie rénale et des voies urinaires
vessie pleine
Scanner injecté en urgence si notion de
traumatisme rénal après avis spécialisé

Fig. 20.1 Orientation étiologique d'une hématurie macroscopique. ACAN : anticorps antinucléaires ; ANCA : anticorps anticytoplasme
des polynucléaires neutrophiles ; ECBU : examen cytobactériologique des urines ; GNA : glomérulonéphrite aiguë ; HTA : hypertension artérielle ;
IgA : immunoglobulines A ; NFP : numération formule plaquettes.

Les autres examens d'imagerie (cystographie rétrograde, virales (adénovirus, BK virus) ou parasitaires (bilharziose)
uroscanner, IRM) sont en règle inutiles en 1re intention sauf en peuvent également être observées.
cas de traumatisme rénal récent nécessitant alors un scanner Classiquement considérées comme exceptionnelles, il
injecté en urgence après contrôle de la fonction rénale ; leur semble y avoir eu récemment une recrudescence de cas de
prescription doit être réalisée le cas échéant après avis spécialisé. bilharzioses en pédiatrie en France, avec l'arrivée d'enfants
Devant une hématurie d'origine urologique sans cause migrants. Dans ce cas, l'examen parasitologique des urines
retrouvée malgré un bilan non invasif exhaustif, la réali- sur premières urines du matin doit être sensibilisé par
sation d'une urétrocystoscopie doit être discutée avec le l'exercice physique avant analyse d'urine (montée/descente
chirurgien pédiatre. des escaliers par exemple), avec plusieurs recueils pour
infirmer le diagnostic. La sérologie anti-schistosome est
Hématurie macroscopique d'origine conseillée par l'HAS (2017) chez toute personne migrante
urologique originaire de zone endémique, devant une symptomatologie
non spécifique mais évocatrice d'une parasitose (et notam-
Cystites et urétrites hémorragiques ment dysurie, pollakiurie, hématurie). Il peut exister des
En dehors des « classiques » cystites bactériennes calcifications vésicales ou urétérales ; si une cystoscopie est
(cf. chapitre 18), des cystites mycobactériennes (tuberculose), réalisée, elle peut retrouver des aspects caractéristiques (en
540   Partie II. Spécialités

« grains de sucre » et plus tardivement en « grains d'acné » ou bilan phosphocalcique (parathormone, 25-OH-vitamine D,
en « tumeur framboisée »). En cas de bilharziose confirmée, 1-25-di-hydroxy-vitamine D) permet de chercher des
un traitement par praziquantel hors AMM en une prise signes de tubulopathie proximale mais également d'anoma-
est mis en place (40 mg/kg per os, maximum 2 400 mg, à lies du métabolisme phosphocalcique. Au niveau urinaire,
commencer au moins 3 mois après le dernier bain à risque), idéalement le calcul est analysé (morphologie, analyse en
avec un contrôle urinaire et de la sérologie 3, 6 et 12 mois spectromorphométrie infrarouge) : dans ce cas, le bilan
plus tard. Après une phase d'élévation des taux d'anticorps urinaire peut être adapté en fonction des résultats. Dans le
après traitement (du fait de la décharge antigénique consé- cas contraire, sur miction du matin, fraîchement émise, le
cutive à la lyse des schistosomes), la sérologie doit en effet se même jour que le bilan sanguin, seront dosés la créatinine,
négativer en 10 à 12 mois. La persistance d'une hématurie, le calcium, le phosphore, le sodium, la cystine, l'oxalate, le
la remontée de l'éosinophilie et la positivité des examens citrate, l'acide urique, avec le calcul du rapport composé
parasitologiques au-delà de 3 mois nécessitent la reprise du étudié/créatininurie. Chez les enfants pouvant recueillir
traitement. À noter qu'en cas d'infection à Schistosoma hae- de manière fiable leurs urines de 24 heures, cet examen est
matobium, l'ensemble de l'arbre urinaire peut être atteint, intéressant pour avoir idée du volume total, de la consom-
avec un risque d'insuffisance rénale et d'hypofertilité sur mation sodée journalière, et bien sûr de la concentration
le long terme. Après traitement et en l'absence de nouvelle et de l'excrétion des composés lithogènes. Le tableau 20.4
exposition, un suivi annuel de la fonction rénale (créatini- reprend les valeurs de référence en pédiatrie de ces princi-
némie et pression artérielle) est conseillé, avec un contrôle paux composés.
échographique annuel pendant 2 à 3 ans du fait du risque de Un examen cytobactériologique des urines (ECBU), une
séquelles (sténose urétérale notamment). bandelette urinaire (densité, pH, protéines, sang) et une cris-
Par ailleurs, les cystites d'origine toxique peuvent aussi tallurie complètent le bilan urinaire. L'analyse spectromor-
être observées, mais le contexte général est évocateur (cyclo- phométrique des calculs est très importante pour orienter
phosphamide). En cas d'hématurie initiale, une échographie le diagnostic étiologique, mais elle nécessite un biologiste
vésicoprostatique doit également être demandée chez le gar- expérimenté : des calculs de struvite ou phospho-ammoniaco-
çon, avec une urétroscopie si le bilan initial est négatif et si la magnésiens orientent vers une cause infectieuse, alors que
symptomatologie persiste. des cristaux de phosphate de calcium ou d'oxalate de calcium
dihydraté (wheddellite) orientent vers une hypercalciurie, des
Lithiase calculs de cystine vers une cystinurie, des calculs d'urate vers
La présence d'une crise de colique néphrétique n'est pas une anomalie des purines, des calculs de xanthine vers une
obligatoire, et certains enfants présentent une hématurie
macroscopique avec des douleurs abdominales mal systé-
matisées en cas de migration lithiasique. La normalité de Tableau 20.4 Valeurs de référence pour le bilan
l'échographie n'élimine pas le diagnostic, et il faut savoir de lithiase urinaire en pédiatrie.
penser à réaliser un bilan de lithiase minimum en cas de
bilan étiologique initial négatif, a fortiori si les épisodes se Bilan sur urines Calcium < 4 mg/kg/j ou
répètent. de 24 heures < 0,12–0,15 mmol/kg/j
Les calculs urinaires sont en effet de plus en plus fré- Oxalate < 40–45 mg/1,73 m2/j
quents, même en pédiatrie : 15 % de la population souf- Acide urique < 815 mg/1,73 m2/j
frira d'une lithiase au cours de la vie ! Les lithiases urinaires
Cystine < 75 mg/1,73 m2/j
peuvent être d'origine infectieuse (et notamment germes
uréasiques tels que Proteus ou moins fréquemment Kleb- Bilan sur « spot » Calcium 3,8 mmol/L = seuil de
siella), malformatives, héréditaires ou « environnementales » cristallisation
liées à de mauvaises habitudes alimentaires (et notamment Calcium/créatinine < 2,0 avant 1 an
à un excès de sel et de protéines). La survenue d'une lithiase (mmol/mmol) < 1,5 chez les 1–3 ans
est la conséquence d'un déséquilibre entre promoteurs (cal- < 1,0 chez les 3–5 ans
< 0,8 chez les 5–10 ans
cium, oxalate, acide urique, cystine, bactéries, etc.) et inhibi-
< 0,6 après 10 ans
teurs (citrate, magnésium, phosphate, uromoduline, etc.) de
la cristallisation, le tout dans un environnement dépendant Oxalate/créatinine 15–260 avant 1 an
(μmol/mmol) 11–120 chez les
du volume urinaire (seuil de cristallisation) et du pH (litho-
1–5 ans
genèse majorée des lithiases cystiniques en milieu acide ou 60–150 chez les
a contrario des lithiases infectieuses à germes uréasiques en 5–12 ans
milieu alcalin par exemple). 2–80 après 12 ans
Le diagnostic étiologique est « policier », reposant sur Acide urique/ 0,7–1,5 mmol/mmol
un interrogatoire détaillé, un bilan biologique et parfois créatinine avant 1 an
la génétique. Le bilan biologique permet de chercher des (mmol/mmol) 0,4–1,4 chez les
signes de gravité (fonction rénale) d'une part, et d'avancer 1–5 ans
dans le diagnostic étiologique d'autre part. Au niveau san- 0,26–0,56 chez les
guin, un ionogramme complet avec électrolytes (sodium, 6–11 ans
0,20–0,40 après 11 ans
potassium, bicarbonates, calcium, phosphore, magnésium,
urée, créatinine, acide urique, protidémie) ainsi qu'un Citrate/créatinine 0,3–0,7 mmol/mmol
Chapitre 20. Néphrologie   541

xanthinurie, des calculs de 2,8-dihydroxyadénine vers un le syndrome d'Alport. L'interrogatoire peut parfois rendre
déficit en adénosine-phosphoribosyltransférase (APRT), et difficile la distinction entre ces entités : même si typique-
des calculs médicamenteux vers une cause iatrogène. ment dans le premier cas, la survenue de l'épisode infec-
La prise en charge de toute lithiase repose sur l'hyperhy- tieux cutané ou ORL précède de 1 à 3 semaines l'hématurie
dratation ; des traitements spécifiques peuvent être rajoutés alors que dans les deux derniers, elle est concomitante de
en fonction de l'étiologie (alcalinisation, diurétiques thiazi- l'épisode infectieux ; le dosage du complément, avec un C3
diques, pyridoxine, dérivés sulfhydryles, etc.). abaissé en cas de GNA, peut être utile. À noter cependant
que cette baisse est transitoire, et qu'il convient donc de réa-
Traumatisme rénal et des voies urinaires liser ce dosage précocement.
Tout contexte de traumatisme abdominal doit faire recher- Le syndrome d'Alport est une maladie rénale héréditaire,
cher la présence d'une hématurie micro ou macroscopique lié à l'X dans 80 % des cas et touchant donc principalement les
et la réalisation d'une échographie doppler rénale et vésicale garçons. Il correspond à une anomalie du collagène de type IV,
à la recherche d'une contusion rénale et d'un urinome. composant principal des membranes basales. Une histoire
familiale (recherche d'hématurie chez la maman), une surdité,
des anomalies œsophagiennes et ophtalmologiques (lenticone,
Tumeurs urologiques
maculopathie) sont autant d'arguments pour cette patho-
Contrairement aux populations adultes chez qui les tumeurs logie. En cas de suspicion, une biopsie cutanée avec examen
urologiques représentent la première cause d'hématurie immunohistochimique des chaînes de collagène au niveau
macroscopique, les tumeurs urologiques sont exception- de la membrane basale dermoépidermique peut être réalisée,
nelles en pédiatrie et sont principalement représentées par le tout comme une analyse génétique. La négativité de la biopsie
néphroblastome et le rhabdomyosarcome de vessie. Du fait cutanée n'exclut cependant pas le diagnostic et, en l'absence
de leur gravité potentielle (rhabdomyosarcome de vessie par d'analyse génétique disponible, une biopsie rénale peut se
exemple), une imagerie doit être rapidement demandée, en discuter. D'autres pathologies des membranes basales glomé-
indiquant sur la demande de bien analyser la paroi vésicale. rulaires (« basalopathies ») peuvent expliquer des hématuries
familiales ; elles sont en règle considérées comme bénignes.
Urétrite juvénile Des hématuries d'origine tubulaire peuvent également
C'est une cause fréquente d'urétrorragie de l'adolescent en s'observer, notamment dans le cas des néphrites tubulo-
début de puberté, correspondant aux « règles du garçon ». interstitielles immunoallergiques. Un interrogatoire ciblé
D'un point de vue physiopathologique, il a été proposé que sur les prises médicamenteuses récentes est fondamental,
les sécrétions prostatiques acides en début de puberté lèsent et souvent l'hématurie est associée à une insuffisance rénale
l'endothélium urétral, provoquant une hématurie terminale aiguë. Des infarctus rénaux ou des nécroses papillaires sont
associée à des signes fonctionnels urinaires. Le bilan est sou- également possibles, le plus souvent chez des patients avec
vent négatif, la débitmétrie peut montrer une dyssynergie drépanocytose.
vésicosphinctérienne. Le diagnostic est confirmé à la cys-
toscopie. Il est important de surveiller ces patients au long Hématurie de la période néonatale
cours, devant le risque de sténose urétrale dans 20 % des cas.
En période néonatale, des cristaux de couleur orange dans
Uropathies obstructives la couche doivent faire évoquer des cristaux d'urate, bénins.
En revanche, toute hématurie de type glomérulaire doit faire
À l'heure du diagnostic prénatal, il est devenu exception- suspecter une thrombose des veines rénales, et ce d'autant
nel de faire des diagnostics d'uropathie obstructive devant plus qu'il existe des facteurs de risque (souffrance fœtale
une hématurie macroscopique. Cependant, c'était le mode aiguë). À l'heure du diagnostic prénatal, il est devenu excep-
de révélation classique de certaines formes de valves par- tionnel de faire des diagnostics d'uropathie sévère ou de
tielles de l'urètre postérieur et de syndrome de la jonction pathologies kystiques devant une hématurie macroscopique
pyélo-urétérale. en période néonatale.

Hématurie macroscopique Hématurie microscopique


d'origine rénale Il faut se souvenir que 4 % des enfants présentent une
En cas de protéinurie significative, de syndrome néphro- hématurie microscopique isolée, souvent de découverte for-
tique, d'insuffisance rénale, d'hypertension artérielle et/ tuite, qui ne se retrouvera pas forcément lors d'un contrôle
ou d'œdèmes, un avis en néphrologie pédiatrique doit être ultérieur. C'est donc une cause fréquente de consultation
demandé rapidement. Une biopsie rénale est potentielle- en néphrologie pédiatrique. Elle peut être complètement
ment indiquée, et des examens ciblés sont également réalisés isolée, et nécessite dans tous les cas d'être confirmée sur la
sur point d'appel. cytologie urinaire. En effet, la bandelette urinaire peut être
Potentiellement, toutes les glomérulopathies peuvent faussement positive, par exemple quand la concentration
être associées à une hématurie, mais l'hématurie macro­ urinaire en vitamine C est importante, lorsque le pH uri-
scopique est le symptôme unique ou prédominant dans naire est alcalin ou lorsque le prélèvement a été contaminé
trois glomérulopathies : la glomérulonéphrite aiguë (GNA) par un antiseptique local. En cas de protéinurie significative,
post-infectieuse (cf. plus loin dans ce chapitre), la néphro- d'insuffisance rénale et/ou d'hypertension artérielle, un avis
pathie à IgA (maladie de Berger et purpura rhumatoïde) et en néphrologie pédiatrique doit être demandé rapidement.
542   Partie II. Spécialités

En cas d'hématurie microscopique isolée, un suivi majorité par l'albumine. On considère que l'albuminurie
simple peut être proposé, avec un contrôle clinique et uri- est significative à partir de 30 mg/24 h. L'autre moitié des
naire 1 fois/semaine pendant 2 à 4 semaines. Si l'hématurie protéines urinaires est constituée par la protéine de Tamm-
s'amende, il n'est pas nécessaire de poursuivre les investi- Horsfall, produite au niveau du tubule distal et dont la fonc-
gations. Bien évidemment, en cas de purpura rhumatoïde tion n'est pas connue.
(cf. chapitre 27), la surveillance doit être prolongée pendant
un an après la dernière poussée cutanée, avec un espace- Détection
ment progressif du contrôle des bandelettes urinaires et une La bandelette urinaire (BU) est une bandelette réactive qui
éducation des parents à être réactif en cas d'apparition d'une permet le dépistage de la protéinurie. La réaction chimique
protéinurie. impliquée repère avant tout l'albumine, et est moins sen-
En cas d'hématurie microscopique isolée persistante, la sible pour la détection des autres protéines. Une héma-
cytologie urinaire permet de distinguer les hématuries rénales turie macroscopique, la présence d'urines concentrées, le
des hématuries urologiques. Une échographie rénale et des contact avec un antiseptique ou un pH urinaire supérieur
voies urinaires, vessie pleine, est réalisée dans tous les cas, à 8 peuvent rendre la BU faussement positive. À l'inverse,
de même qu'un rapport calcium/créatinine sur miction. Une la BU peut être faussement négative, lorsque les urines sont
bandelette urinaire est également demandée chez les parents, diluées. La BU est une méthode de dosage semi-quantitative,
pour apporter des arguments pour une hématurie familiale dont les résultats peuvent être interprétés ainsi :
bénigne ou un syndrome d'Alport ; des examens auditifs et ■ « – » = absence de protéinurie ;
ophtalmologiques peuvent être proposés, de même qu'une ■ « traces » < 0,3 g/L ;
biopsie cutanée. Un suivi trimestriel clinique (pression arté- ■ « + » < 1 g/L ;
rielle) et urinaire (notamment rapport protéine/créatinine) ■ « ++ » < 3 g/L ;
est proposé ; devant l'apparition d'anomalies, un bilan plus ■ « +++ » < 10 g/L ;
exhaustif est réalisé en fonction des points d'appel, après avis ■ « ++++ » > 10 g/L.
spécialisé. La BU ne constitue qu'un examen de dépistage : toute pro-
En cas d'hématurie microscopique associée à une pro- téinurie significative (≥ 1 croix) doit faire l'objet d'un dosage
téinurie et/ou une insuffisance rénale, la cause de cette de la protéinurie au laboratoire. L'examen de référence est
hématurie d'origine glomérulaire doit être activement et le dosage de la protéinurie des 24 heures. Cependant, en
rapidement recherchée. Une ponction-biopsie rénale est pédiatrie, il n'est pas toujours aisé de recueillir les urines
indiquée en cas d'insuffisance rénale et/ou de protéinurie de 24 heures, notamment chez les enfants non propres. Il
persistante ou néphrotique et/ou d'hypertension artérielle convient alors de réaliser le dosage de la protéinurie sur un
non expliquée persistante. échantillon urinaire, avec évaluation du rapport protéinu-
En cas d'hématurie microscopique d'origine urolo- rie/créatininurie et/ou albuminurie/créatininurie, idéale-
gique, le raisonnement est le même qu'en cas d'hématurie ment sur premières urines du matin pour s'affranchir de
macroscopique. l'orthostatisme.

Conclusion Normes et seuils


L'apparition d'une hématurie peut être une porte d'entrée Toute protéinurie supérieure à 150 mg/24 h est patholo-
dans de multiples pathologies. Le raisonnement diagnos- gique. Le ratio albuminurie/créatininurie est anormal s'il
tique et étiologique repose sur un interrogatoire minutieux, est supérieur à 30 mg/g de créatinine (tableau 20.5). Chez
un examen clinique approfondi, et souvent des examens l'enfant, le ratio protéinurie/créatininurie est pathologique
biologiques simples et une échographie rénale et des voies s'il est supérieur à 20 mg/mmol de créatinine.
urinaires (vessie pleine). La protéinurie est dite néphrotique lorsque le débit proti-
dique est supérieur à 50 mg/kg/j, associé à une albuminémie
inférieure à 30 g/L.
Protéinurie
Myriam Hazan, Ariane Zaloszyc
Classification
La protéinurie correspond à l'élimination urinaire de pro- Il existe 2 types de protéinurie : les protéinuries physiolo-
téines en quantité anormale. Sa découverte peut être fortuite giques (intermittentes) et les protéinuries pathologiques
ou devant des signes d'appel. Le dépistage de la protéinurie (permanentes).
n'est pas obligatoire, mais il est conseillé de le faire réaliser
par la médecine scolaire, lors de l'entrée au CP (6 ans) et en Protéinuries physiologiques
6e (11 ans).
Ce type de protéinurie n'excède jamais 1 g/24 h. Par ailleurs,
il n'y a pas de signes rénaux associés. Il s'agit des protéinuries
Définition, détection et normes orthostatiques, des protéinuries liées à la fièvre ou encore en
Définition lien avec l'effort.
Il existe une élimination urinaire physiologique de pro-
téines. Cette protéinurie devient anormale lorsqu'elle est Protéinurie orthostatique
supérieure à 150 mg/24 h ou 100 mg/m2/j. La moitié de Il s'agit d'une accentuation de la protéinurie physiologique,
ces protéines urinaires provient du plasma, représentée en en lien avec la position debout. Celle-ci se rencontre surtout
Chapitre 20. Néphrologie   543

Tableau 20.5 Normes et seuils de la protéinurie.


Définition/Normes Urines de 24 heures Échantillon : rapport Échantillon : rapport Échantillon : rapport
(mg/24 h) albuminurie/ albuminurie/ albuminurie/
créatininurie (g/mmol) créatininurie (mg/mmol) créatininurie (mg/g)
Normale < 30* < 0,003* <3 < 30
Microalbuminurie 30–300 0,003–0,03 3–30 30–300
Protéinurie (ou > 300 > 0,03 > 30 > 300
macroalbuminurie)
*
À noter, ce ratio est plus important chez les enfants âgés de moins de 2 ans : en effet, le rapport est anormal s'il est > 0,5 mg/mg de créatinine ou > 50 mg/mmol
de créatinine.

chez l'adolescent. Il n'y a jamais de signes rénaux associés :


la pression artérielle et la fonction rénale sont normales, et Encadré 20.1 Classification et causes
il n'y a pas d'hématurie. Le diagnostic se fait par un dosage de protéinurie
de la protéinurie debout, puis un nouveau dosage le matin,
au réveil : la protéinurie doit se négativer après une nuit en Protéinuries physiologiques
clinostatisme. Cette protéinurie nécessite une surveillance ■
Orthostatique
régulière jusqu'à disparition, afin de ne pas méconnaître une ■
Associée à l'effort
éventuelle glomérulopathie débutante. ■
Associée à la fièvre

Protéinurie liée à l'effort et à la fièvre Protéinuries pathologiques


Une protéinurie n'excédant pas 2 + peut apparaître lors des Glomérulaires
épisodes fébriles, ou après un effort intense. L'évolution est ■
Syndrome néphrotique
le plus souvent marquée par la négativation de la BU dans ■
Néphropathie à IgA
les 48 heures. Il faut néanmoins s'assurer de recontrôler la ■
Syndrome d'Alport
BU à distance de l'épisode. ■
GNRP

GNMP

GNA post-infectieuse
Protéinuries pathologiques ■
Autres
Deux types de protéinurie peuvent se voir : les protéinu- – Amylose
ries d'origine glomérulaire, et celles d'origine tubulaire – Diabète
(encadré 20.1). – Maladies systémiques
– Hypertension artérielle
Protéinurie glomérulaire – Réduction néphronique
Elle est le plus souvent liée à une altération de la perméa- Tubulaires
bilité de la membrane basale glomérulaire, entraînant une
Congénitales
filtration excessive de protéines. De manière exceptionnelle, ■
Syndrome de Lowe
il peut s'agir d'une protéinurie par excès de protéines dans le ■
Syndrome de Dent
sang (leucémie, autre hémopathie, etc.). ■
Cystinose
Cette protéinurie est généralement importante, voire par- ■
Maladie de Wilson
fois d'ordre néphrotique. Elle peut être découverte en contexte ■
Autres (cytopathies mitochondriales)
de syndrome œdémateux, ou lors du bilan d'exploration
d'une atteinte rénale. On qualifie la protéinurie de « sélective » Acquises
lorsqu'elle est composée à plus de 80 % d'albumine et de pro- ■
Médicamenteuse
téines de poids moléculaire inférieur à celui de l'albumine ■
Toxique
(environ 70 kDa). À l'inverse, la protéinurie est dite « non sélec- ■
Nécrose tubulaire aiguë
tive » lorsqu'elle est constituée de toutes les classes de globulines ■
Uropathie malformative
du sérum, avec une proportion d'albumine inférieure à 80 %. ■
Néphrite interstitielle

GNA : glomérulonéphrite aiguë ; GNMP : glomérulonéphrite membrano-


Protéinurie tubulaire proliférative ; GNRP : glomérulonéphrite rapidement progressive ; IgA :
Le mécanisme de cette protéinurie fait appel à une altéra- immunoglobulines A.

tion du tubule proximal, dont une des fonctions est de réab-


sorber les substances filtrées par le glomérule, incluant les s'inscrivent dans le cadre des tubulopathies congénitales ou
protéines de faibles poids moléculaires, inférieure au poids acquises. Il convient alors de rechercher d'autres signes d'atteinte
moléculaire de l'albumine (β2-microglobuline, chaînes tubulaire proximale, tels qu'une hypophosphatémie et une
légères d'immunoglobulines, lysozyme, etc.). phosphaturie, une hypokaliémie, un syndrome de perte de sel,
Cette protéinurie est le plus souvent de faible abondance, une glycosurie, une hypercalciurie, une acidose métabolique ou
en règle générale inférieure à 1 g/24 h. Cliniquement, les encore une aminoacidurie. La présence d'une néphrocalcinose,
­protéinuries tubulaires ne s'accompagnent pas d'œdèmes. Elles en lien avec l'hypercalciurie, peut parfois compléter le tableau.
544   Partie II. Spécialités

Conduite à tenir pancréas, testicule, etc.). Les manifestations digestives pré-


En l'absence de contexte évocateur (fièvre, effort, etc.), il faut dominent en phase aiguë et c'est l'atteinte rénale – parfois
quantifier la protéinurie par un dosage au laboratoire, puis d'apparition secondaire – qui grève le pronostic au long
réaliser un bilan à visée étiologique si le dosage est supérieur terme, nécessitant ainsi une surveillance prolongée.
aux normes. L'atteinte rénale est variable, présente dans 20 à 54 % des cas,
et son pronostic peut être sévère. Il peut s'agir d'une hématurie
(microscopique ou macroscopique) et/ou d'une protéinurie de
Évaluation clinique degré variable (parfois de degré néphrotique) et/ou d'un syn-
Le médecin doit essayer de préciser l'ancienneté de la protéi- drome néphritique, et/ou d'une hypertension artérielle et/ou
nurie (antécédents de dépistage systématique, école, etc.). Les d'une insuffisance rénale. L'atteinte la plus fréquente est l'héma-
antécédents personnels et familiaux sont revus, et notamment turie microscopique associée à une protéinurie modérée, spon-
toutes les pathologies qui pourraient avoir un retentissement tanément résolutive dans les 4 semaines qui suivent le purpura.
rénal (infection post-streptococcique, purpura rhumatoïde, Le dépistage de l'atteinte rénale doit être systématique,
etc.). Par ailleurs, il faut systématiquement rechercher des signes avec surveillance de la pression artérielle et réalisation des
rénaux accompagnateurs, notamment la présence éventuelle bandelettes urinaires au domicile :
d'œdèmes, ou encore des douleurs des fosses lombaires. La ■ 2 fois/semaine pendant le 1er mois ;
mesure de la pression artérielle doit être réalisée, ainsi que la ■ puis 1 fois/semaine pendant 2 mois ;
recherche d'une hématurie macroscopique ou microscopique. ■ puis 2 fois/mois pendant 3 mois ;
D'autres signes cliniques (extrarénaux) – pouvant s'inclure dans ■ puis tous les mois pendant 6 mois, jusqu'à 1 an et/ou
une pathologie systémique – sont recherchés, et notamment des jusqu'à la disparition du sang dans les urines.
lésions cutanées, des arthralgies, des signes généraux ou encore En cas de récidive de poussée, il faut reprendre la surveil-
une cassure de la croissance staturo-pondérale. Enfin, la prise de lance à partir du début.
traitements néphrotoxiques est systématiquement recherchée. Par ailleurs, en cas de stigmates d'atteinte rénale, l'enfant
doit être adressé auprès d'un néphropédiatre. Il faut égale-
Bilan paraclinique ment réaliser un bilan biologique incluant un dosage de la
L'évaluation d'une protéinurie persistante doit faire appel créatininémie, de la protidémie et de l'albuminémie et réali-
à plusieurs éléments comprenant l'analyse du sédiment ser un suivi prolongé.
urinaire, un ionogramme sanguin complet, une fonction Une ponction-biopsie rénale est réalisée en cas de protéi-
rénale ainsi qu'un dosage de la protidémie et de l'albuminé- nurie importante (> 1 g/j), d'insuffisance rénale ou encore
mie. Dans un second temps et selon l'orientation clinique, de doute diagnostique.
le bilan peut être complété par une échographie rénale, une En cas d'atteinte rénale sévère, des bolus de corticoïdes
électrophorèse des protéines sériques, un dosage du com- peuvent être instaurés (± une corticothérapie orale ± d'autres
plément ou encore la réalisation d'un bilan auto-immun immunosuppresseurs). En cas de protéinurie modérée, un trai-
incluant le dosage des anticorps antinucléaires. tement par IEC peut être proposé, à visée néphroprotectrice.
En l'absence d'anomalie au bilan, il faut recontrôler la pro-
téinurie à distance. En cas protéinurie persistante, ou si le bilan Conclusion
s'avère anormal, il faut adresser l'enfant au néphrologue pédiatre. La protéinurie est le plus souvent découverte de manière
fortuite ou s'inclut dans un tableau de pathologie connue.
Ponction-biopsie rénale Il existe deux types de protéinurie : physiologique et patho-
Dans certaines situations, le diagnostic étiologique ainsi que logique. La quantification de la protéinurie doit se faire par
le pronostic rénal ne peuvent être étayés qu'à l'aide d'une un dosage de la protéinurie des 24 heures ou, à défaut, par
ponction biopsie rénale. Les indications sont les suivantes : le ratio protéinurie/créatininurie sur échantillon urinaire.
■ protéinurie (non néphrotique) > 1 g/24 h ; Toute protéinurie persistante doit être explorée de manière
■ syndrome néphrotique chez l'enfant de moins de 1 an ou systématique et conduire à un avis spécialisé.
de plus de 11 ans ;
■ protéinurie < 1 g/24 h, associée aux signes suivants :
– hématurie et/ou diminution de la filtration gloméru-
Syndrome néphrotique
laire et/ou abaissement prolongé du C3, idiopathique1
– HTA et/ou présence de signes systémiques, Olivia Boyer, Véronique Baudouin, Étienne Bérard,
– pathologie extrarénale (visée pronostique et Claire Dossier, Vincent Audard, Vincent Guigonis,
thérapeutique). Isabelle Vrillon
Le syndrome néphrotique est caractérisé par une albu-
Néphropathie du purpura rhumatoïde minurie massive (> 50 mg/kg/j chez l'enfant, 3 g/j chez
Le purpura rhumatoïde est la vascularite la plus fréquente de l'adulte) responsable d'une hypoalbuminémie (< 25–30 g/L),
l'enfant, avec un âge médian d'apparition de 4–5 ans, et une d'œdèmes, d'une hyperlipidémie et de complications
prédominance chez les garçons. Il s'agit d'une vascularite à diverses, notamment infectieuses et thromboemboliques. Il
IgA, qui touche les vaisseaux de petit calibre. Le diagnostic
est clinique et repose sur une triade comprenant des signes 1
D'après Boyer O, Baudouin V, Bérard E, Dossier C, Audard V,
cutanés (purpura), digestifs et articulaires, et peut toucher, Guigonis V, Vrillon I. Aspects cliniques du syndrome néphrotique
plus rarement, d'autres organes (système nerveux central, idiopathique de l'enfant. Arch Péd. 2017 ; 24 (12) : 1338-43.
Chapitre 20. Néphrologie   545

rend compte d'une anomalie de la perméabilité glomérulaire La physiopathologie des œdèmes est complexe et fait
qui peut être primitive ou secondaire à des infections par- intervenir une rétention sodée par défaut intrinsèque
fois congénitales, au VIH, au diabète, au lupus érythémateux d'excrétion du sodium par le rein (natriurèse en règle
systémique, aux néoplasies, à certains médicaments et à des < 5 mmol/L), une rétention hydrique et une baisse du gra-
anomalies génétiques, entre autres. Nous n'abordons ici que dient de pression oncotique transcapillaire avec expansion
les aspects cliniques du syndrome néphrotique idiopathique du secteur extra-cellulaire aux dépens du secteur interstitiel.
(SNI) de l'enfant, ou « néphrose lipoïdique », c'est-à-dire sans
étiologie, ni dépôt d'immunoglobulines ou de complément
en immunofluorescence (IF). Modes de découverte
Le SNI représente plus de 85 % des syndromes Présentation classique
néphrotiques de l'enfant. Son incidence annuelle est de ■ Syndrome œdémateux d'installation rapide.
1–4/100 000 enfants. Elle varie avec le sexe, l'âge, l'origine ■ Facteur déclenchant : épisode infectieux (1/2 des cas),
ethnique et le lieu d'habitation. Elle est plus élevée chez les en particulier des voies aériennes supérieures, réaction
garçons avec un ratio de 1-3:1, les enfants d'origine asiatique allergique (1/3 des cas) et plus rarement piqûre d'insecte,
suggérant un déterminisme génétique, et les centres urbains vaccination, traitement ou stress psychologique.
comparés aux zones rurales suggérant le rôle de facteurs ■ Œdèmes déclives, blancs, mous, indolores, symétriques
environnementaux. Le SNI peut survenir à tout âge, mais et prenant le godet (fig. 20.2), initialement localisés au
débute le plus souvent entre 2 et 7 ans. La corticothérapie visage au réveil et aux chevilles en fin de journée puis dif-
constitue le traitement de 1re intention du SNI de l'enfant. fus avec prise de poids, jusqu'à parfois anasarque (ascite,
Deux catégories sont définies en fonction de la réponse hydrocèle et/ou épanchement pleural et/ou hernie ombi-
initiale au traitement et déterminent le pronostic : les syn- licale ou inguinale).
dromes néphrotiques corticosensibles et corticorésistants. ■ Syndrome néphrotique pur, c'est-à-dire sans hématu-
Tant que les patients répondent bien aux traitements immu- rie macroscopique, ni insuffisance rénale organique, ni
nosuppresseurs, le risque d'insuffisance rénale terminale est hypertension artérielle sévère.
faible. À l'inverse, 30–40 % des enfants avec un SNI résistant
aux corticoïdes et aux autres immunosuppresseurs évoluent
Présentations plus trompeuses
vers l'insuffisance rénale terminale après 10 ans.
■ Œdèmes palpébraux parfois asymétriques.
■ Hydrocèle parfois isolée.
Physiopathologie ■ Hypertension artérielle modérée associée (20–30 % des
La physiopathologie du SNI est encore mal comprise, cas).
mais il résulterait d'un désordre immunologique avec pro- ■ Hématurie microscopique associée (20 % des cas envi-
duction d'un facteur circulant augmentant la perméabi- ron). Une hématurie macroscopique est exceptionnelle et
lité glomérulaire, dont la nature, l'origine exacte (cellules doit faire rechercher une thrombose des veines rénales.
immunitaires ?), le mécanisme d'action et les propriétés ■ Complication inaugurale (cf. infra) : douleurs abdominales
physico-chimiques restent énigmatiques. liées à une péritonite, hypovolémie sévère, pneumopathie

Fig. 20.2 Œdèmes du syndrome néphrotique. Ils sont déclives, blancs, mous, indolores, symétriques et prennent le godet ; initialement localisés
aux chevilles en fin de journée, et au visage le matin puis diffus avec ascite, hydrocèle et/ou épanchement pleural. Boyer O, et al. Aspects cliniques
du syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant. Arch Péd. 2017 ; 24 (12) : 1338–43.
546   Partie II. Spécialités

basale ou ascite constitution rapide, dyspnée liée à un – hémostase : hypercoagulabilité fréquente (augmenta-
­épanchement pleural, une volumineuse ascite, ou plus rare- tion du fibrinogène et des D-dimères, diminution de
ment une pneumopathie ou une embolie pulmonaire. l'antithrombine III).
■ Signes non spécifiques souvent présents pouvant être Il n'est pas utile de doser la cholestérolémie, ni de faire
le motif de consultation : fatigue, sensation de malaise, une électrophorèse des protéines plasmatiques : ces résul-
céphalées. tats ne sont indispensables ni au diagnostic ni aux choix
■ Découverte fortuite : d'une protéinurie ou exceptionnel- thérapeutiques.
lement d'une hypercholestérolémie.
Anatomopathologie
Diagnostics différentiels La biopsie rénale n'est indiquée qu'en cas de corticorésis-
■ Autres causes de bouffissure des paupières : allergie, tance ou de corticodépendance avant l'instauration de trai-
piqûres de moustiques. Attention de ne pas retarder le tements potentiellement néphrotoxiques.
diagnostic de SNI, d'autant plus que les corticoïdes par- ■ En microscopie électronique, la lésion constante des
fois prescrits dans ce contexte peuvent diminuer transi- podocytes est un effacement diffus des pédicelles avec
toirement les symptômes. disparition des diaphragmes de fente.
■ Causes extrarénales d'œdèmes : ■ En microscopie optique, trois types de lésions peuvent
– hépatiques (insuffisance hépatocellulaire, cirrhose, être observés :
syndrome de Budd-Chiari) ; – les lésions glomérulaires minimes : glomérules nor-
– digestives (entéropathie exsudative, lymphangiecta- maux, absence de dépôts ± dépôts mésangiaux d'IgM
sies, malnutrition), cardiaques, œdème angioneuro- non spécifiques en IF,
tique héréditaire, etc. – la prolifération mésangiale : augmentation de la
■ Autres causes de syndrome néphrotique : matrice et hypercellularité mésangiales, absence de
– infectieuses (VIH, VHB, VHC, CMV, toxoplasmose, dépôts ± dépôts mésangiaux d'IgM non spécifiques en
parvovirus B19) ; IF,
– immunitaires (lupus, vascularites à ANCA, maladie de – la hyalinose segmentaire et focale : lésion non spécifique
Berger, Goodpasture, glomérulonéphrite aiguë post- qui touche une surface limitée du glomérule (segmen-
infectieuse, glomérulonéphrite extra-membraneuse, taire), dans seulement certains glomérules (focale),
membranoproliférative, microangiopathie thrombo- caractérisée par une oblitération des anses capillaires
tique) ; par des dépôts hyalins fixant les sérums anti-IgM et
– toxiques (AINS, sels d'or). C3 et par l'hypertrophie de la matrice mésangiale,
évoluant vers la sclérose, et l'apparition d'une synéchie
Diagnostic positif floculo-capsulaire. Elle s'accompagne d'une fibrose
Le diagnostic repose sur la confirmation d'une hypoal- interstitielle et d'une atrophie tubulaire proportion-
buminémie et d'une protéinurie glomérulaire. Au cabinet nelles à la sévérité des lésions glomérulaires.
médical, il suffit de réaliser une bandelette urinaire type
Albustix® qui révèle une albuminurie supérieure à 3 croix à
confirmer par des dosages au laboratoire : Quand adresser l'enfant au pédiatre
■ albuminémie < 25–30 g/L ; néphrologue ?
■ rapport protéinurie/créatininurie sur échantillon d'urines
> 0,2 g de protéines/mmol de créatinine (ou 2 g de Un enfant atteint d'une première poussée de SNI non compli-
quée peut être pris en charge dans un service de pédiatrie non
protéines/g de créatinine, ou 200 mg/mmol). Le recueil
spécialisée. Le recours au néphrologue est indispensable lorsque
des urines de 24 heures retarde le diagnostic et n'est pas la situation est inhabituelle :
indispensable (la protéinurie serait > 50 mg/kg/24 h). ■
âge < 1 an ou > 12 ans ;
Les autres examens complémentaires ont pour objet : ■
arguments en faveur d'un diagnostic différentiel : hématu-
■ d'éliminer une autre étiologie du syndrome néphro- rie macroscopique, début progressif, hypertension artérielle
tique : sévère, signes extrarénaux, hypocomplémentémie, insuffi-
– urée et créatininémie : normaux dans le SNI non com- sance rénale, sérologie hépatite positive.
pliqué. Une insuffisance rénale fonctionnelle est toute- Une biopsie rénale est alors indiquée. Dans les autres cas, la cor-
fois possible en cas d'hypovolémie sévère, ticothérapie initiale fait office de test diagnostique.
– recherche d'une hématurie : 20–30 % des SNI ont une
hématurie microscopique, en règle < 100 000/mL,
– complément (CH50, C3, C4) : normal dans le SNI, Complications
– sérologies VHB, VHC ou VIH selon le contexte, qui Des complications surviennent au cours de 1–4 % des pous-
peuvent être associés à des glomérulonéphrites extra- sées de SNI et peuvent engager le pronostic vital. Le risque
membraneuses, membranoprolifératives, ou à la persiste à chaque poussée, lorsque l'albuminémie passe en
néphropathie associée au VIH, respectivement ; dessous de 20–25 g/L.
■ de dépister une complication : ■ Épanchement des séreuses (péritonéal, pleural, péricar-
– ionogramme sanguin : possibles fausse hyponatré- dique) : possible retentissement sur les fonctions vitales.
mie par hyperlipémie ou hyponatrémie de dilution si ■ Hypovolémie : difficile à diagnostiquer cliniquement,
< 135 mmol/L, elle doit être suspectée devant des douleurs abdominales,
Chapitre 20. Néphrologie   547

une tachycardie. Elle peut être grave (tachycardie, pres-


sion artérielle pincée, extrémités froides, douleurs abdo- Quand hospitaliser l'enfant ?
minales pseudo-chirurgicales, état de choc), associée ■
En cas de mauvaise tolérance du SNI (hypovolémie, douleurs
à une hémoconcentration ± une insuffisance rénale abdominales, vomissements, apathie).
fonctionnelle. Une diminution de l'index cardiothora- ■
En cas de suspicion clinique de complications (thrombose,
cique sur la radiographie du thorax et un aplatissement infection).
de la veine cave inférieure au doppler sont des éléments ■
En cas de trouble hydroélectrolytique.
d'orientation. Même si elle n'est pas médicalement indispensable, une courte
■ Hypervolémie : hypertension artérielle. L'œdème pul- hospitalisation est souvent proposée au diagnostic afin de
monaire est inhabituel dans le SNI de l'enfant sauf en cas procéder à l'éducation des parents dont la coopération va être
de perfusion d'albumine inappropriée. essentielle dans le suivi du traitement, du régime et la surveil-
■ Thromboses : favorisées par un déséquilibre des lance de la maladie et dont le temps d'apprentissage est plus long
qu'une seule consultation.
facteurs pro et anticoagulants, l'hypovolémie, les
diurétiques, les cathéters centraux et les ponctions
artérielles ou veineuses profondes. Les thromboses
symptomatiques, toujours graves, peuvent toucher le Traitement de la 1re poussée (fig. 20.3)
système veineux (membres inférieurs [30 % des cas], Corticothérapie
veine cave inférieure et/ou veines rénales [15 %],
L'ensemble des traitements est détaillé dans le protocole
sinus veineux cérébral [15 %], etc.). Les throm-
national de soins (PNDS) établi par la Société française de
boses artérielles peuvent toucher tous les territoires
néphrologie pédiatrique et le Centre de référence maladie
(mésentérique, coronaire, membres inférieurs, caro-
rare Syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant et
tides et cérébrales). Une embolie pulmonaire doit
de l'adulte. Le traitement initial repose sur la corticothéra-
être évoquée devant un malaise mal déterminé, une
pie orale sous forme de prednisone 60 mg/m2/j (maximum
angoisse aiguë, une douleur thoracique (dont l'ab-
60 mg/j) en 2 prises pendant 4 semaines ± 3 perfusions de
sence n'élimine pas le diagnostic), une tachycardie et
méthylprednisolone de 1 g/1,73 m2 en l'absence de rémis-
une tachypnée intermittentes et isolées, un collapsus
sion, suivie d'une décroissance. Le protocole français clas-
cardiovasculaire. C'est une urgence. Une radiogra-
sique proposait une décroissance lente sur 3 mois ½. Il a été
phie du thorax, des gaz du sang et un ECG orientent
modifié en 2019 du fait de données récentes et propose après
le diagnostic qui sera confirmé par l'angioscanner.
le 1er mois une décroissance rapide en paliers de 40 mg/m2
■ Infections : favorisées par l'hypogammaglobuli-
(maximum 40 mg) 1 jour sur 2 pendant 4 semaines, puis
némie, la fuite urinaire d'opsonines ± l'effet des
un arrêt sans décroissance progressive comme recommandé
immunosuppresseurs.
par l'International Society of Kidney Disease in Childhood.
– Bactériennes : péritonites bactériennes médicales
(sans perforation digestive), pyélonéphrites aiguës,
méningites, cellulites. Germes les plus fréquents : Traitements symptomatiques
pneumocoque et Escherichia coli. et mesures adjuvantes
– Virales : varicelle parfois maligne. Le diagnostic ■ Régime hyposodé et limité en sucres rapides.
peut être désorienté par des symptômes précédant ■ Supplémentation vitaminocalcique si protéinurie et/ou
les lésions cutanées comme pneumonie, encéphalite, sous une corticothérapie forte dose.
douleurs abdominales pseudo-chirurgicales, syn- ■ Anticoagulation surtout en cas d'albuminémie < 20 g/L
drome de sécrétion inappropriée d'ADH, hépatite en suivant les recommandations du PNDS : énoxaparine
fulminante, pancréatite aiguë, ou par une atteinte sous-cutanée, antivitamines K, antiagrégants plaquet-
cutanée atypique. taires ou abstention thérapeutique.
■ Hyperlipidémie par augmentation des synthèses hépa- ■ Contre-indication du décubitus prolongé.
tiques de lipoprotéines. ■ Éviction des abords vasculaires surtout profonds.
■ Insuffisance staturale secondaire à la corticothérapie ■ Perfusions d'albumine : indications exceptionnelles
prolongée dans les formes corticosensibles et à une (hypovolémie, insuffisance rénale fonctionnelle,
perturbation des IGF-BP dans les SNI corticorésis- épanchements séreux menaçants) à discuter avec un
tants. spécialiste.
■ Surpoids et autres complications liées à la corticothéra- ■ Diurétiques : indications rares, utilisation prudente, par
pie prolongée. des praticiens entraînés car ils peuvent favoriser l'hypo-
■ Hypothyroïdie par fuite urinaire des protéines porteuses volémie et les complications thromboemboliques.
des hormones thyroïdiennes. ■ Hypolipémiants (hors AMM) et hormones thyroï-
■ Déminéralisation osseuse secondaire au SNI et/ou à une diennes : uniquement dans les formes corticorésistantes,
corticothérapie prolongée. où le syndrome néphrotique persiste des mois ou années.
■ Insuffisance rénale terminale : apanage des SNI corti- ■ Déparasitage avant l'instauration de la corticothérapie en
corésistants (50 % d'IRT à 10 ans d'évolution), elle com- fonction du contexte.
plique moins de 3 % des SNI corticosensibles le plus ■ Vérification de la couverture vaccinale en respectant les
souvent par néphrotoxicité médicamenteuse. contre-indications.
548   Partie II. Spécialités

Prednisone 60 mg/m2/j en 1 ou 2 prises (maximum 60 mg/j)


4 semaines ± 3 bolus

Rémission complète (85 %) Rémission partielle


ou pas de rémission (15 %)

Corticothérapie
alternée Corticothérapie alternée
décroissante + CsA/FK 6 mois

Pas de Rechutes Rechutes Rémission Pas de


rechute espacées rapprochées complète rémission
(30 %) (10 %) (40 %) ou partielle (50 %)

Prednisone Prednisone Corticothérapie IEC/ARA2


60 mg/m2/j jusqu'à 60 mg/m2/j jusqu'à alternée Autres ?
3–7 jours après 3–7 jours après + CsA/FK 12–18 mois
rémission, rémission, puis ± MMF
puis décroissance décroissance jusqu'à
et arrêt dose seuil alternée

Pas de rechute Rechutes Corticodépendance


ou rechutes espacées fréquentes et/ou intoxication stéroïdienne
Pas d'intoxication
stéroïdienne

MMF
Lévamisole
ou MMF
Corticothérapie courte CsA/FK
à chaque rechute
ou alternée 12–18 mois
Rituximab
Fig. 20.3 Traitement du syndrome néphrotique idiopathique. ARA2 : antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 ; CsA : ciclosporine ;
FK : tacrolimus ; IEC : inhibiteurs de l'enzyme de conversion ; MMF : mycophénolate mofétil.

■ Vaccination antipneumococcique (y compris au-delà de – ± immunoglobulines spécifiques anti-varicelle


2 ans) : Prévenar-13® puis Pneumovax® 2 mois après, admi- (Varitect® en ATU nominative) dans les 96 heures
nistré dès la 1re poussée de SNI, même en phase de protéinu- suivant le contage chez l'enfant recevant de fortes
rie et à forte dose de prednisone (protection en 4 semaines). doses de ­corticoïdes, inhibiteur de la calcineurine
■ Vaccination antigrippale recommandée chaque année. (ciclosporine ou tacrolimus) ou mycophénolate
■ Vaccins vivants atténués (varicelle, rougeole) : le plus tôt mofétil.
possible en l'absence d'antécédent de maladie, en rémis- ■ Varicelle déclarée : selon la gravité de la varicelle et le
sion et avec des doses de prednisone < 1 mg/kg 1 jour/2, degré d'immunosuppression : traitement curatif par aci-
sans autre immunosuppresseur. clovir oral ou intraveineux (prendre un avis auprès de
■ Contage varicelleux : l'équipe référente hospitalière).
– aciclovir oral (10 mg/kg 3 fois/j à débuter 7 jours après ■ BCG contre-indiqué sous traitement en raison des
le contage pour une durée de 7 à 10 jours) ; risques de BCGite localisée ou systémique.
Chapitre 20. Néphrologie   549

■ Vaccins sous-unitaires (DTpolio) risquant d'être « asso- ■ Traitements symptomatiques et adjuvants (cf. supra).
ciés » à une rechute du SNI, à effectuer dans une période ■ Triamcinolone (Kenacort retard®) intramusculaire (hors
« calme » de la maladie, à distance d'une rechute récente AMM) en cas de mauvaise observance à la prednisone.
ou pendant une rechute. Les effets indésirables des corticoïdes dans le SNI sont
La prévention des complications repose principalement sur ceux classiquement décrits avec ces traitements : syndrome
la détection précoce des rechutes et donc sur la surveillance cushingoïde avec vergetures pourpres, acné, surcharge pon-
régulière des BU par les parents au domicile dont les résul- dérale et obésité, trouble de l'humeur et modification du
tats sont consignés dans un carnet. Les parents doivent pré- comportement, ralentissement de la vitesse de croissance,
venir le médecin rapidement en cas de rechute. Les autres dyslipidémie, HTA, diabète, ostéoporose, toxicité gastrique,
mesures portent sur l'éviction des facteurs allergènes, la cataracte, glaucome, ostéonécrose aseptique de la tête du
pratique d'une activité physique régulière et l'éviction des fémur et hypertension intracrânienne. Les retards de crois-
foyers infectieux chroniques, un soutien psychologique en sance s'observent principalement avec des doses supérieures
cas de besoin, une demande de prise en charge à 100 % et la à 0,5 mg/kg/j. Le traitement à dose alternée pourrait dimi-
mise en place d'un PAI. nuer le retard statural. La prévention des complications
cortico-induites repose sur la limitation des doses et durées
de traitement par corticoïdes soit en visant une dose mini-
Évolution male efficace, soit en utilisant les traitements d'épargne
À l'issue de la corticothérapie initiale, 3 situations sont cortisonique.
possibles : En cas de rechutes fréquentes ou de corticodépendance,
■ une rémission complète (SNI corticosensible, 85 %) : des traitements d'épargne cortisonique doivent être utilisés :
protéinurie/créatininurie < 0,02 g/mmol (ou 0,2 g/g) lévamisole, mycophénolate mofétil, ciclosporine ou tacro-
ou protéinurie < 5 mg/kg/j, qui survient dans un délai limus (inhibiteurs de la calcineurine), cyclophosphamide
médian de 11 jours. Vingt à trente pour cent des enfants (agent alkylant) ou rituximab. Cependant, il n'existe pas de
n'auront aucune rechute, 70–80 % rechuteront : de façon consensus international sur la place de chaque médicament.
espacée (10–20 % des SNI) ou fréquente (2 rechutes en Un néphrologue pédiatre doit être sollicité lors de la pres-
6 mois ou 4 en 1 an). On parle de SNI corticodépendant : cription des traitements adjuvants afin de définir la straté-
– lorsque la rechute survient lors de la décroissance de gie d'épargne cortisonique et d'évaluer les bénéfices et les
la corticothérapie ou moins de 3 mois après son arrêt risques de chacune de ces prescriptions.
selon la définition française,
– après deux rechutes sous corticothérapie ou dans
les 15 jours suivant l'arrêt selon la définition
internationale.
Prise en charge des SNI corticorésistants
Le plus souvent, les rechutes sont fréquentes au début de ou en rémission partielle
la maladie puis diminuent au fil des années et la maladie ■ Biopsie rénale pour éliminer un diagnostic différentiel.
finit par s'éteindre. Néanmoins, chez certains patients ■ Étude génétique : > 30 % des SNI corticorésistants ont
dont la maladie a été particulièrement précoce et active, une cause génétique et ne répondent pas aux immuno-
le risque de rechute persiste à l'âge adulte (15 à 45 % selon suppresseurs (mutations du gène NPHS2 codant la podo-
les études). De façon exceptionnelle, une corticorésis- cine et > 40 autres gènes connus). En cas de résistance à
tance peut apparaître secondairement ; l'ensemble des traitements, l'évolution vers l'insuffisance
■ une rémission partielle : diminution franche du débit de rénale terminale devient inéluctable.
protéinurie par rapport au niveau initial avec une albu- ■ Inhibiteurs de la calcineurine en association à la corti-
minémie > 30 g/L ; cothérapie alternée : ciclosporine (Néoral®) 5 mg/kg/j
■ une absence de rémission : SNI corticorésistant avec (150 mg/m2/j) en 2 prises, ou tacrolimus 0,1 mg/kg/j
rapport protéinurie/créatininurie > 0,2 g/mmol (ou en 2 prises, pendant au moins 6 mois, et plus en cas de
2 g/g) ou protéinurie > 50 mg/kg/j, associée à une albu- rémission au moins partielle.
minémie < 30 g/L (8 jours après la corticothérapie orale Le principal effet indésirable est la néphrotoxicité des traite-
et les perfusions de Solumédrol® – méthylprednisolone). ments utilisés dans ces situations, qui est corrélée à la durée
Le pronostic est de 50 % d'IRT à 10 ans d'évolution avec du traitement et à la dose. Les autres effets indésirables sont
30 % de récidive du SNI sur le greffon. l'HTA, les dyslipidémies, la neurotoxicité, l'hypertrichose,
l'hyperplasie gingivale pour la ciclosporine et l'alopécie et
le diabète pour le tacrolimus. La surveillance comprend le
Traitement des rechutes suivi régulier de la pression artérielle, de la fonction hépa-
et des SNI corticodépendants tique, de l'hémogramme, de la fonction rénale et de la kalié-
■ Rechutes survenant > 3 mois après l'arrêt de la cortico- mie du taux résiduel ou du taux à 2 heures (ciclosporine)
thérapie : prednisone orale à 60 mg/m2/j jusqu'à 3-7 jours après administration. Les familles doivent être prévenues de
après négativation de la protéinurie, puis décroissance l'interférence possible avec le pamplemousse, l'orange san-
progressive en corticothérapie alternée et arrêt en 1 mois. guine, la grenade ou certains médicaments, notamment les
■ Rechutes survenant sous traitement ou < 3 mois après macrolides ou certains anticonvulsivants.
l'arrêt : prednisone à la dose minimale efficace, puis ■ En cas de ciclo/tacro-résistance, une intensification
décroissance jusqu'à la dose seuil de corticodépendance thérapeutique et/ou un traitement symptomatique par
à poursuivre pendant 12 à 18 mois sans rechute, avant de ­bloqueurs du système rénine – angiotensine sont discutés
tenter une diminution puis un arrêt des corticoïdes. avec le spécialiste.
550   Partie II. Spécialités

■ Les traitements symptomatiques à discuter incluent du streptocoque dans la gorge, sur la peau et l'étude des
diurétiques, hypolipémiants (hors AMM) et hormones anticorps antistreptococciques. L'élévation des anticorps
thyroïdiennes, perfusion d'immunoglobulines, antibio- antistreptococciques n'est pas constante et constitue plus
prophylaxie par pénicilline orale. une preuve de contact avec un streptocoque que de la rela-
tion entre le streptocoque et la GNA.
Conclusion
Le syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant n'est Physiopathologie
pas exceptionnel et doit être évoqué devant des œdèmes Sur le plan physiopathologique, au moment de l'infection
uni- ou bilatéraux déclives. Les complications, fréquentes et streptococcique, un ou plusieurs antigènes streptococ-
variées, peuvent engager le pronostic vital à chaque rechute. ciques ayant une affinité pour les structures glomérulaires
La plupart des enfants répondent aux corticoïdes et gardent se déposent dans les glomérules pendant la phase précoce
une fonction rénale normale. La moitié deviennent cortico- de l'infection. On parle d'antigènes plantés. Dix à 14 jours
dépendants ou rechuteurs fréquents, ce qui les expose aux après, lorsque l'hôte développe ses anticorps contre les anti-
effets secondaires des corticoïdes et autres immunosup- gènes bactériens, ces anticorps se lient aux antigènes plan-
presseurs. Les enfants qui ne répondent à aucun traitement tés. Au même moment, des complexes immuns circulants
immunosuppresseur évoluent vers l'insuffisance rénale viennent se déposer dans les glomérules et participer aux
terminale, avec un risque de récidive de la maladie sur le lésions inflammatoires.
greffon de 30–40 % (faible en cas de cause génétique, jusqu'à Ainsi, la lésion inflammatoire responsable de la gloméru-
98 % dans les SNI secondairement corticorésistants). Le lonéphrite aiguë est secondaire à la mise en jeu de l'immu-
suivi se fait en étroite collaboration entre le médecin de ville nité humorale avec production d'anticorps et de dépôts de
et le néphrologue pédiatre. complexes antigènes – anticorps solubles sur la paroi capil-
laire des glomérules et activation du complément.
Glomérulonéphrite aiguë
post-infectieuse Présentation clinique
Justine Perrin, Caroline Rousset-Rouvière, Les manifestations cliniques sont stéréotypées. Il s'agit le
Michel Tsimaratos plus souvent d'un garçon d'âge scolaire, qui se présente pour
une altération brutale de son état de santé. Une fébricule,
La glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse (GNA) est un
une fatigue inhabituelle et des lombalgies sourdes apparues
orage dans un ciel calme. Il s'agit de la forme la plus classique
brutalement s'accompagnent d'urines « bouillon sale », en
du syndrome néphritique. Elle se caractérise par la survenue
raison d'une hématurie le plus souvent macroscopique. En
brutale d'une hématurie souvent macroscopique, d'une pro-
quelques jours, le volume d'urine diminue jusqu'à l'oligurie,
téinurie et d'une rétention hydrosodée qui se manifeste par
entraînant une hypertension et des œdèmes du visage et
une hypertension artérielle (HTA). Il existe parfois un véri-
des membres inférieurs. La rétention hydrosodée se traduit
table syndrome œdémateux, et une altération de la fonction
rapidement par une prise de poids et une HTA qui peut être
rénale. L'anamnèse retrouve un épisode infectieux qui précède
sévère. Une protéinurie glomérulaire est presque toujours
le début de la GNA. Il s'agit le plus souvent d'une infection
retrouvée. Parfois, elle peut s'accompagner d'un véritable
streptococcique. Les manifestations cliniques et biologiques
syndrome néphrotique.
sont secondaires à une inflammation aiguë, non suppurative,
Mais au moins 50 % des enfants sont asymptomatiques
diffuse et généralisée des glomérules des deux reins.
et présentent seulement des anomalies détectées par un exa-
men des urines. D'autres ont des manifestations plus sévères,
Épidémiologie comme un épanchement des séreuses, une insuffisance car-
L'incidence de la GNA est inconnue. Elle est sous-estimée diaque congestive, voire un œdème aigu pulmonaire, avec
dans les statistiques, en raison d'un grand nombre d'enfants peu ou pas d'anomalies significatives des urines. Le tableau
légèrement affectés qui échappent au diagnostic. Elle est clinique est variable, mais les formes les plus dramatiques
plus fréquente dans les pays en voie de développement. comportent un risque vital immédiat.
Le risque global du développement d'une GNA après une
infection par un streptocoque « néphritogène » est d'environ
15 %. Le plus souvent, la GNA se manifeste 1 à 3 semaines Biologie
après un épisode infectieux streptococcique ORL (angine, Les premiers examens biologiques confirment l'hématurie et
otite, sinusite) ou 3 à 6 semaines après une infection cutanée quantifient la protéinurie. Ils peuvent révéler une insuffisance
(impétigo, pyodermite). L'agent infectieux le plus souvent rénale par l'élévation de l'urée et de la créatinine sanguines. Il
responsable est un streptocoque β-hémolytique du groupe A n'y a pas d'infection urinaire, mais on note fréquemment la
mais d'autres agents peuvent être en cause : bactériens (sta- présence de cylindres hématiques dans les urines, traduisant
phylocoque, méningocoque, pneumocoque, Haemophilus), l'origine glomérulaire de l'hématurie. L'étude du complé-
viraux (rougeole, varicelle, Epstein-Barr Virus, Coxsackie, ment retrouve un effondrement du CH50 et de la fraction
cytomégalovirus), et parasitaires ou fongiques. C3, qui doit se normaliser dans les 8 semaines après la mani-
La démonstration de l'origine post-streptococcique de la festation initiale. La baisse de la fraction C4 peut également
GNA n'est pas indispensable. Elle repose sur la recherche se voir mais elle est plus précoce et transitoire.
Chapitre 20. Néphrologie   551

Histologie et le régime sans sel strict sont en règle suffisants. Lorsque


La ponction-biopsie rénale n'est, le plus souvent, pas néces- l'HTA persiste malgré le régime sans sel, il est nécessaire
saire au diagnostic. Elle n'est effectuée que lorsque le tableau d'utiliser des médicaments hypotenseurs.
clinique ou biologique est atypique, comme lors d'une oligurie Une surcharge cardiovasculaire aiguë peut survenir
qui dure plus d'une semaine, ou en présence d'une protéinurie lorsque les apports sodés et hydriques sont poursuivis
importante avec syndrome néphrotique après 8 à 10 jours, qui malgré l'oligurie. On a recours dans un premier temps
remet en question le diagnostic de glomérulonéphrite post- aux diurétiques d'action rapide, en particulier le furosé-
infectieuse bénigne, notamment dans les très rares cas où le mide (Lasilix®) à la dose de 1 à 2 mg/kg par voie parenté-
complément est normal. Au cours de l'évolution, une biopsie rale toutes les 4 à 6 heures éventuellement. La prescription
rénale est utile lorsque la créatininémie continue à s'élever, ­d'hypotenseur, en évitant les inhibiteurs de l'enzyme de
faisant craindre une forme grave avec prolifération extraca- conversion et les sartans, et en privilégiant les inhibiteurs
pillaire. À plus long terme, la persistance d'un complément calciques ou les bêtabloquants, est souvent utile dans cette
bas au-delà de 2 mois après le début de la glomérulonéphrite situation. Si l'on n'obtient pas de bons résultats avec ces trai-
justifie également une ponction-biopsie rénale. tements, une épuration extrarénale, soit par hémodialyse ou
En microscopie optique, la glomérulonéphrite post-strep- hémofiltration avec un cathéter veineux central, soit par dia-
tococcique est caractérisée par l'existence de glomérules lyse péritonéale, permet de réduire la volémie par une ultra-
volumineux et hypercellulaires. Cette hypercellularité est liée filtration rapide. En pratique courante, il est très rare d'avoir
à une prolifération endocapillaire diffuse des cellules mésan- besoin de recourir à l'épuration extrarénale. Lorsque cela
giales et à l'infiltration du mésangium par des polynucléaires est indispensable, il s'agit le plus souvent de forme sévère
neutrophiles, des lymphocytes et des monocytes (d'autant avec prolifération extracapillaire qui justifie un traitement
plus importante que la biopsie est effectuée précocement). immunosuppresseur par corticoïdes.
On ne note pas d'altération des parois des capillaires glomé- La corticothérapie n'a pas d'indications dans le traite-
rulaires. La lésion la plus évocatrice de GNA est la présence ment de la forme typique. En dehors des très rares cas de
de dépôts coniques sur le versant épithélial de la membrane glomérulonéphrite extracapillaire floride, le recours à un
basale glomérulaire, colorés en rouge au trichrome et appelés traitement immunosuppresseur n'est pas indiqué.
humps dans la littérature anglo-saxonne. Ces dépôts dispa-
raissent le plus souvent avant 8 semaines. Dans les formes les
plus sévères, il existe, associée à ces lésions, une prolifération
Évolution et pronostic
extracapillaire dans l'espace de Bowman réalisant des « crois- L'évolution de la GNA post-infectieuse classique est favorable
sants » cellulaires qui évoluent éventuellement vers la fibrose. dans plus de 95 % des cas chez l'enfant. Les œdèmes, l'HTA et
En immunofluorescence, l'aspect des glomérules est évo- l'IRA régressent habituellement en quelques jours. Une résolu-
cateur : avec une fixation du sérum anti-C3 et parfois du tion spontanée des manifestations cliniques est ainsi observée
sérum anti-IgG sur les dépôts coniques situés sur les parois dans un délai moyen de 1 à 2 semaines. Il faut parfois attendre
des capillaires glomérulaires. Il peut exister également des plusieurs mois pour voir disparaître la protéinurie et l'héma-
granules fixant le sérum anti-C3 dans le mésangium, don- turie microscopique. L'hématurie microscopique disparaît en
nant un aspect en ciel étoilé. 6 mois à 1 an et la protéinurie parfois plus lentement. Le taux
plasmatique du complément total (CH50) et la concentration
de la fraction C3 reviennent à la normale en 6 à 8 semaines.
Traitement Dans de très rares cas, estimés à moins de 1 %, les lésions
Il est avant tout symptomatique et impose un régime désodé rénales ne régressent pas et deviennent irréversibles. Il s'agit
pendant la phase aiguë. En l'absence d'hypertension arté- de formes graves qui évoluent vers l'insuffisance rénale chro-
rielle, de surcharge hydrosodée ou d'oligurie, l'hospitali- nique. Sur le plan histologique, ces formes correspondent
sation n'est pas nécessaire à condition qu'une surveillance aux atteintes avec prolifération extracapillaire diffuse.
stricte puisse être assurée en consultation externe ou à Si le pronostic à court terme est excellent chez l'enfant,
domicile. Cette surveillance repose sur la pesée, la mesure des complications précoces peuvent compromettre le pro-
du volume de la diurèse, et de la pression artérielle. nostic vital en raison de l'hypertension artérielle et de la
À l'hôpital, les examens biologiques, en particulier un surcharge hydrosodée lorsqu'elle entraîne une défaillance
ionogramme plasmatique, des dosages d'urée et de créati- cardiaque et un œdème aigu du poumon. La survenue
nine sanguine, la recherche de protéinurie glomérulaire d'une insuffisance rénale ou d'une septicémie, même si
doivent être effectués chaque jour tant que le volume de la elles sont exceptionnelles et estimées entre 0,5 et 2 % des
diurèse diminue. cas, est aussi de nature à entraîner un risque vital. L'HTA
Une antibiothérapie antistreptococcique est souvent sévère porte aussi le risque d'une encéphalopathie hyper-
prescrite, mais elle n'est pas efficace pour améliorer l'évo- tensive. L'insuffisance rénale est également dangereuse
lution de l'atteinte rénale qui repose sur un phénomène par l'hyperhydratation et l'hyperkaliémie qu'elle entraîne.
immun. Lorsque le prélèvement de gorge a été effectué, Les formes anuriques sont les plus redoutables. Une insuf-
un traitement par pénicilline G (100 000 UI/kg/24 h) ou fisance rénale aiguë anurique motive la réalisation d'une
A (50 mg/kg/j) ou par érythromycine (50 mg/kg/24 h) est biopsie. Une hématurie persistante, un syndrome néphro-
prescrit pendant 15 jours à 3 semaines. tique persistant ou bien apparaissant alors même que la
Lorsque la pression artérielle est modérée avec une pres- protéinurie devrait disparaître sont aussi des indications
sion artérielle diastolique inférieure à 90 mmHg, le repos de biopsie rénale.
552   Partie II. Spécialités

Le meilleur élément du pronostic à long terme semble fécal). Après une phase asymptomatique d'une durée de
être la sévérité de l'atteinte histologique initiale. La pratique 3 à 7 jours apparaissent des troubles digestifs à type de diar-
des biopsies rénales a clairement montré que plus la prolifé- rhées, de vomissements et de douleurs abdominales. Ces
ration extracapillaire est importante, plus le tableau clinique manifestations sont liées à la toxicité de la shigatoxine sur
initial est sévère, et plus le risque de séquelles est grand. Si les l'entérocyte. La toxine peut ensuite passer dans la circulation
évolutions défavorables ne s'observent que dans les cas où il générale et déclencher un SHU, ce qui est le cas chez 10 % des
existe des « croissants » d'emblée, en revanche, la présence de patients pédiatriques, 3 à 5 jours après les signes digestifs. La
croissants ne signifie pas toujours un pronostic défavorable. shigatoxine pénètre les cellules endothéliales des organes cibles.
L'évolution reste favorable dans la grande majorité des cas Elle induit une réaction inflammatoire locale avec un afflux de
et l'insuffisance rénale chronique est rare, même si la protéi- polynucléaires neutrophiles et macrophages, ainsi qu'une acti-
nurie et l'hématurie peuvent persister plusieurs semaines. vation locale du complément entraînant des troubles circula-
L'évolution à long terme fait l'objet de controverses. Le taux toires à l'origine de lésions de microangiopathie thrombotique.
de séquelles varie de 0 à 60 % suivant les séries et plusieurs
facteurs, parmi lesquels l'HTA et la protéinurie, peuvent expli- Clinique
quer ces différences. La plupart des études concernent les GNA Les signes cliniques sont aspécifiques. L'interrogatoire
post-streptococciques, et il est possible que les GNA en rapport retrouve la notion de symptômes digestifs préalables : diar-
avec d'autres agents infectieux aient un pronostic différent. rhée pouvant être glairosanglante dans 50 % des cas, dou-
leurs abdominales et vomissements. Ces signes digestifs
Conclusion peuvent s'être amendés au moment du diagnostic de SHU.
La GNA post-infectieuse est la cause la plus fréquente de La présence d'une surcharge volémique chez un patient pré-
syndrome néphritique de l'enfant. Si les formes les plus fré- sentant un tableau de gastro-entérite doit faire évoquer le
quentes sont de bon pronostic et ne justifient qu'un traite- diagnostic de SHU. L'enfant présente fréquemment un syn-
ment symptomatique, il ne faut pas négliger les formes plus drome anémique avec une pâleur, une tachycardie, un ictère
sévères, qui portent le risque de séquelles et imposent une secondaire à l'hémolyse. Une surcharge hydrosodée peut
surveillance à long terme. être présente avec des œdèmes modérés.

Syndrome hémolytique Bilan biologique


et urémique Il regroupe les examens décrits dans l'encadré 20.2.
Marc Fila, Floriane Hemery
Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) est défini par Encadré 20.2 Bilan dans le syndrome
l'association d'une insuffisance rénale aiguë et d'une anémie hémolytique et urémique post-diarrhée
hémolytique d'origine mécanique avec présence de schizocytes. ■
Groupe sanguin, Rhésus, recherche d'agglutinines irrégulières
La thrombopénie, quoique très fréquente, n'est désormais plus ■
NFS, plaquettes, test de Coombs érythrocytaire direct
un critère nécessaire pour porter le diagnostic de SHU. La clas- ■
Recherche de schizocytes
sification des SHU a été revue en 2016. On distingue : ■
Ionogramme sanguin, réserve alcaline, urée, créatinine
■ le SHU post-diarrhée ou typique ;
plasmatique, glycémie
■ les SHU dits atypiques comprenant les SHU avec une ■
LDH, uricémie, haptoglobine
anomalie de régulation de la voie alterne du complément ■
Complément fraction C3, C4
et les SHU par mutation DGKE ; ■
ASAT, ALAT, γ-GT
■ les SHU avec déficit en CblC ; ■
Bilirubine totale et libre
■ les SHU secondaires (associés à des maladies de système, ■
Lipase
d'origine toxique, post-infectieux : pneumocoque et grippe). ■
Atteinte cardiaque : troponine, ECG
Les déficits en ADAMTS 13, qu'ils soient primitifs ou acquis ■
Sur point d'appel :
à l'origine du purpura thrombotique thrombocytopénique,
– colite : échographie abdominale
ne sont pas abordés ici.
– atteinte neurologique : IRM, EEG

Bilan étiologique :
SHU post-diarrhée – écouvillonnage rectal (recherche de shigatoxine par PCR)
Il représente 90 % des cas de SHU pédiatrique et la première – coproculture sur milieu de MacConkey : recherche de
cause d'insuffisance rénale organique chez l'enfant de moins germes sécréteurs de shigatoxine
de 5 ans. Les cas sont rapportés à Santé publique France. N.B. Depuis 2016, il n'y a plus d'indication à la réalisation
Entre 120 et 150 cas sont déclarés chaque année. des sérologies LPS (recherche d'anticorps dirigés contre le
lipopolysaccharide de STEC).
Physiopathologie
ASAT : alanine-aminotransférase ; ALAT : aspartate-aminotransférase ; ECG :
Le SHU post-diarrhée est secondaire à une infection par électrocardiogramme ; EEG : électroencéphalogramme ; γ-GT : gamma-­
une bactérie, principalement Escherichia coli, sécrétrice de glutamyltranspeptidase ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; LDH :
­vérotoxine (shigatoxine – Stx). La contamination se fait soit lactate-déshydrogénase ; NFS : numération formule sanguine ; PCR : Polyme-
rase Chain Reaction.
par l'ingestion d'aliments contaminés, soit par contage (péril
Chapitre 20. Néphrologie   553

Prise en charge thérapeutique sensibiliser les patients sur la nécessité d'un suivi à vie avec
Il s'agit d'une urgence pouvant engager le pronostic vital. une surveillance annuelle de la pression artérielle associée
La prise en charge d'un SHU est hospitalière et doit systé- à un dépistage de protéinurie, ainsi que sur les mesures
matiquement se faire en association avec un néphrologue de néphroprotection élémentaire à respecter (cf. infra
pédiatre. Elle reste à ce jour principalement symptomatique. Situations à risque de maladie rénale chronique et grands
La prise en charge consiste à : principes de néphroprotection dans ce chapitre). Un bilan
■ rétablir une volémie correcte. En cas de déshydratation biologique avec une évaluation du débit de filtration glomé-
sévère, une correction de la volémie est nécessaire sous rulaire sera réalisé tous les 2 à 3 ans en l'absence d'anomalie.
monitoring cardiovasculaire en structure adaptée (réani-
mation ou unité de soins continus). Des études récentes SHU secondaires
ont montré qu'un remplissage adéquat du patient per- Ils ne représentent qu'une petite partie des SHU pédia-
mettait de réduire drastiquement la survenue de formes triques (entre 1 et 2 %). Les étiologies sont décrites dans
sévères, et le risque de séquelles rénales à 1 an. Les solu- l'encadré 20.3. Il est nécessaire de traiter l'étiologie, notam-
tés de perfusion doivent être adaptés aux résultats de ment d'arrêter les traitements pouvant être à l'origine d'un
l'ionogramme sanguin ; l'utilisation de solutés standards SHU (anticalcineurines, antipaludéens) ou, au contraire,
doit être proscrite en raison du risque d'hyperkaliémie ; d'instaurer un traitement immunosuppresseur dans le cadre
■ relancer la diurèse en cas d'anurie, en utilisant du furosémide. d'un SHU lié à un lupus.
L'utilisation d'antihypertenseur (inhibiteurs calciques et furo-
sémide) peut être nécessaire. En cas de surcharge hydrosodée, SHU à pneumocoque
de troubles ioniques sévères et d'insuffisance rénale anurique, Il s'agit d'une complication rare d'une infection à pneu-
une épuration extrarénale doit être mise en place ; mocoque. Les SHU à pneumocoque représentent 5 %
■ corriger l'anémie par transfusion de culots globulaires en des SHU pédiatriques. Sur le plan physiopathologique,
cas d'anémie mal tolérée cliniquement. Il n'y a pas lieu de certains types de pneumocoques sécrètent une neura-
transfuser des plaquettes quel que soit le degré de throm- minidase coupant l'acide sialique des glycoprotéines des
bopénie en l'absence de syndrome hémorragique ou de globules rouges, des plaquettes et des cellules endothé-
geste invasif. liales. Ceci a comme conséquence la mise en évidence de
L'utilisation d'antibiotiques bactéricides est classiquement l'antigène T cryptique de Thomsen-Friedenreich contre
déconseillée en raison du risque d'aggravation du SHU (acti- lequel va réagir un anticorps de type IgM anti-T entraî-
vation de production de shigatoxine et relargage massif lors nant une cascade d'activation aboutissant à une microan-
de la lyse bactérienne). Certains travaux amènent cependant giopathie thrombotique. La prise en charge consiste en
à considérer l'utilisation de l'azithromycine pour son effet une antibiothérapie antipneumococcique adaptée et aux
bactériostatique et antitoxinique. Le SHU à Shigella néces- mesures générales décrites précédemment. Dans le cas
site quant à lui une antibiothérapie systématique en raison d'un SHU à pneumocoque, tous les produits sanguins
de la gravité du tableau digestif et du risque de transmission
de l'infection. La réalisation d'échanges plasmatiques peut
être discutée en cas de forme avec atteinte neurologique,
néanmoins leur efficacité n'a pas été clairement démontrée. Encadré 20.3 Étiologies des syndromes
L'utilisation d'inhibiteur de la fraction C5 du complément est hémolytiques et urémiques secondaires
également réservée aux formes sévères (atteinte neurologique
et cardiaque). Son efficacité n'a pas été clairement démontrée. ■
Origine médicamenteuse : anticalcineurines, évérolimus,
gemcitabine, mitomycine

HTA maligne
Suivi et devenir des patients ■
SHU à pneumocoque

Infections virales : VIH, grippe H1N1, (CMV, HHV6, parvovirus
Le taux de mortalité d'un SHU post-diarrhée est de l'ordre de
B19)
1 à 2 %. Ce taux passe à 10 % en cas d'atteinte neurologique. ■
Pathologie auto-immune : lupus systémique, syndrome des
Concernant le devenir à long terme, les SHU dans leur
anticorps antiphospholipides, dermatomyosite
ensemble représentent entre 3 et 5 % des insuffisances ■
Néphropathies préexistantes : glomérulonéphrites à dépôts
rénales terminales pédiatriques. Entre 20 et 40 % des
de C3, glomérulonéphrites membranoprolifératives (ANCA,
patients présentent des séquelles rénales à 1 an de suivi
à anticorps antimembrane basale glomérulaire)
(insuffisance rénale, protéinurie et/ou hypertension arté- ■
Grossesse (HELLP syndrome)
rielle). Il est important de noter que les lésions rénales du ■
Greffe de cellules-souches hématopoïétiques
SHU peuvent être sous-évaluées sur les bilans de suivi. En ■
Tumeurs solides et lymphomes
effet, malgré une réduction néphronique conséquente, les ■
Post-transplantation organes solides (rein, poumon, cœur et
bilans cliniques et biologiques peuvent être normaux dans
intestin)
les premières années de suivi. Une étude sur le suivi à long
terme des SHU post-diarrhée a mis en évidence que plus ANCA : Antineutrophil Cytoplasmic Antibodies ; CMV : cytomégalovirus ;
de 2/3 des patients présentaient des signes d'atteinte rénale HELLP : Hemolysis, Elevated Liver enzymes and Low Platelet count ; HHV6 :
(HTA, protéinurie et/ou insuffisance rénale) à 20 ans de Human Herpes Virus 6 ; HTA : hypertension artérielle ; SHU : syndrome hémo-
lytique et urémique ; VIH : virus de l'immunodéficience humaine.
l'épisode initial. Il est donc particulièrement important de
554   Partie II. Spécialités

doivent être déplasmatisés (risque d'aggravation en cas dépendant du type de mutation mis en évidence, particuliè-
de transfusion de plasma) tant que le test T est positif. Les rement important en cas de mutation du FH.
échanges plasmatiques sont contre-indiqués. Il a été noté
une activation de la voie alterne du complément ; l'utili- Prise en charge thérapeutique
sation d'un inhibiteur de C5 peut être discutée dans les En complément du traitement symptomatique, l'utilisation
formes sévères. d'un inhibiteur de la fraction C5 du complément (éculizu-
mab) constitue le traitement de 1re intention des SHU aty-
SHU par déficit en CblC (anomalie piques en pédiatrie. Les échanges plasmatiques, bien que
du métabolisme de la vitamine B12) leur efficacité n'ait jamais été formellement démontrée,
La cobalamine (vitamine B12) est une coenzyme de la restent recommandés chez les adultes. La seule indication
méthionine-synthase et de la méthylmalonyl-CoA-mutase, pédiatrique des échanges plasmatiques en 1re intention reste
respectivement impliquées dans la production de méthio- les SHU atypiques avec présence d'anticorps anti-FH. Les
nine à partir de l'homocystéine, et de succinyl-CoA à partir échanges sont couplés à des traitements immunosuppres-
du méthylmalonyl-CoA. Des anomalies en cobalamine C seurs (corticothérapie, mycophénolate mofétil ou cyclo-
sont responsables d'une dysfonction enzymatique amenant phosphamide et rituximab dans les formes sévères).
à une acidémie méthylmalonique avec hyperhomocystinu- L'inactivation du complément induite par l'éculizumab
rie. Vingt-cinq pour cent de ces patients peuvent présenter augmente le risque d'infection invasive à germes encap­sulés
un SHU et ce, dès la période néonatale. Le traitement spé- (méningocoques et gonocoques). Une vaccination antiménin-
cifique consiste en une supplémentation en vitamine B12, gococcique élargie (vaccination méningococcique protéique B
L-carnitine, acide folique et bétaïne à débuter d'urgence. [Bexsero®] et polyosidique conjuguée tétravalente ACWY)
doit être réalisée avant la mise en place du traitement et une
SHU atypiques antibioprophylaxie par phénoxyméthylpénicilline (Oracilline®)
instaurée. Les données actuelles ne permettent pas de montrer
Dans la classification des SHU revue en 2016, seuls les l'efficacité de l'éculizumab dans les SHU avec mutation DGKE.
SHU avec une anomalie de régulation de la voie alterne du
complément et les SHU par mutation DGKE sont consi- Évolution et suivi
dérés comme atypiques. Ils représentent 5 % des SHU
pédiatriques (prévalence de l'ordre de 0,1/1 000 000 enfants L'utilisation de l'éculizumab a permis de profondément
< 16 ans). Leur pronostic est plus sombre. L'étude de la modifier le pronostic des SHU atypiques. Avant l'ère de
cohorte nationale de SHU atypiques a mis en évidence un l'éculizumab, 30 % des patients avec un SHU atypique pré-
taux de mortalité à 6 % et un risque d'évolution vers l'insuf- sentaient une insuffisance rénale terminale 1 an après la pre-
fisance rénale terminale estimé à 16 %. Contrairement au mière poussée contre 9 % des patients traités désormais par
SHU post-diarrhée, les SHU atypiques présentent un risque éculizumab.
élevé de récurrence. Le traitement par éculizumab peut être arrêté dans cer-
tains cas (âge > 3 ans, récupération ad integrum sur le plan
Physiopathologie rénal, type de mutation mise en évidence) avec cependant un
risque de nouvelle poussée. Les patients avec une mutation
La voie alterne du complément est régulée au moyen de du FH ont le plus fort taux de rechute (60 % à 2 ans). L'édu-
protéines activatrices (facteur B, C3-convertase) ou inhibi- cation de l'enfant et de ses parents est absolument nécessaire
trices (facteur H, facteur I, CD46 membranaire ou MCP). pour dépister précocement une poussée et permettre la prise
La mutation d'un gène codant pour une de ces protéines en charge thérapeutique en urgence. Le délai entre le diag­
ou l'acquisition d'anticorps dirigés contre l'un de ces fac- nostic et la mise en place du traitement par éculizumab est
teurs (par exemple anticorps anti-FH) entraîne une activa- en effet inversement corrélé au degré de récupération de la
tion pathologique de la voie alterne du complément avec, fonction rénale. En cas d'évolution vers l'insuffisance rénale
comme conséquence, des lésions endothéliales à l'origine de terminale, la réalisation d'une greffe rénale sous couvert
la microangiopathie thrombotique. DGKE est une kinase d'éculizumab est recommandée en 1re intention du fait du
présente dans les cellules endothéliales. La perte de fonc- risque de SHU sur le greffon (> 90 % en cas de mutation du
tion de DGKE entraîne une activation de certaines voies FH, du C3 ou du FB).
de signalisation induisant un état pro-inflammatoire et
prothrombotique de la cellule endothéliale responsable de la
microangiopathie thrombotique et ceci, indépendamment Hypertension artérielle
de l'activation du complément.
Corentin Tanné, Bruno Ranchin
Clinique L'hypertension artérielle (HTA) est une entité mal connue
Tout SHU avant l'âge de 6 mois doit être considéré comme et peu fréquente en pédiatrie. Il est important de dépister
un SHU atypique ou secondaire à un déficit en cobala- l'HTA chez tous les enfants, la mesure de pression artérielle
mine, le SHU post-diarrhée étant rarissime avant cet âge (PA) devant être un élément indispensable de l'examen
(40 cas décrits sur les 15 dernières années en France). Il est pédiatrique. La découverte d'une HTA doit conduire à la
à noter que l'ensemble des patients rapportés avec un SHU réalisation d'un bilan à la recherche d'une cause secondaire
DGKE ont fait leur première poussée avant l'âge de 1 an. car l'HTA essentielle est bien plus rare en pédiatrie que chez
La singularité des SHU atypiques est le risque de récidive l'adulte et il s'agit d'un diagnostic d'élimination.
Chapitre 20. Néphrologie   555

Chez les adolescents, une HTA même modérée peut être ■ antécédents familiaux de maladie rénale ;
la première manifestation d'une HTA essentielle de l'adulte ■ transplantation d'organe ou de tissus ;
et peut favoriser l'apparition de lésions d'athérosclérose ou ■ néoplasie ;
d'une hypertrophie ventriculaire gauche. ■ toute maladie de système ;
■ hypertension intracrânienne ;
Définition ■ prise de médicaments connus pour élever la PA.
La méthode de mesure de la pression artérielle est essen-
En pédiatrie, les valeurs normales ont été établies sur des tielle. Elle se fait au niveau du bras, chez un enfant au repos
populations différentes permettant d'établir des courbes depuis au moins 5 minutes et en position assise ou couchée.
en fonction du sexe, de l'âge et de la taille de l'enfant mais La méthode de référence reste la mesure au brassard auscul-
doivent être adaptées aux populations étudiées ; elles ont été tatoire (sphygmomanomètre) mais le stéthoscope doit être
mises à jour récemment en Europe, et aux États-Unis. en regard de l'artère humérale et ne pas être comprimé par le
Les recommandations européennes de 2016 définissent brassard. La méthode oscillométrique automatisée est de plus
chez l'enfant de moins de 16 ans une normotension si en plus fréquemment utilisée. Le brassard doit être adapté à
les chiffres de PA systolique et diastolique sont inférieurs la taille de l'enfant pour encercler au moins 80 % de la circon-
au 90e percentile et une pré-hypertension entre les 90e et férence du bras et recouvrir les 2/3 de la longueur épaule –
95e percentiles pour la taille et le sexe. Chez l'enfant âgé de coude (acromion – olécrâne). Il est important de prendre au
plus de 16 ans, les normes sont celles de l'adulte : normale infé- moins 3 mesures et de ne garder que la mesure la plus basse.
rieure à 130/85 mmHg, pré-hypertension entre 130 et 139 et En l'absence d'accès aux courbes de référence, certains sites
85 et 89 mmHg et hypertension au-dessus de 139/89 mmHg. proposent le calcul direct des percentiles de PA systolique et
L'HTA en pédiatrie est définie par des chiffres supérieurs au diastolique en utilisant les courbes de référence américaines, et
95e percentile pour la taille, à au moins 3 reprises. notamment le site du Baylor College of Medicine (https://www.
Une hypertension est dite : bcm.edu/bodycomplab/Flashapps/BPVAgeChartpage.html).
■ de stade 1 si la PA systolique et/ou diastolique est entre La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA,
les 95e et 99e percentiles + 5 mmHg ; holter tensionnel) peut être proposée à partir de l'âge de
■ de stade 2 si la PA est supérieure au 99 e percentile 5–6 ans et doit être interprétée selon des valeurs normales
+ 5 mmHg. de PA ambulatoire. Cette technique permet de mesurer la
PA toutes les 20 minutes la journée et toutes les 30 minutes
Épidémiologie la nuit. Le holter tensionnel est utilisé pour confirmer une
HTA limite, dépister « l'effet blouse blanche » (PA anormale
La prévalence de l'HTA en pédiatrie est difficile à définir. En
en consultation, normale à domicile) ou une HTA masquée
effet, 3 à 5 % des enfants sont « statistiquement » hypertendus
(PA normale en consultation, anormale à domicile) et véri-
si l'on considère l'HTA comme définie par une PA au-dessus
fier l'efficacité d'un traitement antihypertenseur.
du 95e percentile. Cette définition est sûrement éloignée de
la réalité car cela correspondrait à plus de 650 000 enfants
hypertendus en France (sur la base de 13,5 millions de Évaluation
mineurs sur le territoire). La répétition des mesures permet Une HTA chronique ou sévère peut avoir des répercussions
de mettre en évidence l'effet « blouse blanche » et d'obtenir dramatiques et engager le pronostic vital. Une évaluation
des PA normales lors du contrôle. L'HTA confirmée (après clinique, biologique et radiologique est indispensable au
plusieurs consultations) est évaluée à 0,3 % des enfants moment de la découverte d'une HTA.
consultant en ville, ce qui correspond plus à la réalité cli- Malgré tout, l'HTA est souvent asymptomatique et de
nique en néphrologie pédiatrie. Ainsi, Daley et al. ont éva- découverte fortuite lors d'une prise de PA systématique ou
lué la prévalence de l'HTA à 1,4 % après la 3e consultation dans le cadre de la surveillance d'un enfant à risque.
alors qu'elle était de 8,4 % après la 1re consultation, ce qui
confirme l'intérêt de répéter les mesures et les consultations. Retentissement clinique
Aux États-Unis, la prévalence de l'HTA a significative-
ment augmenté depuis les années 1980, du fait notamment Une HTA chronique non traitée peut engendrer un retard de
de l'augmentation de la prévalence de l'obésité chez l'enfant croissance staturo-pondérale et la réalisation d'une courbe
qui a doublé entre les années 1960 et 1990. Il apparaît donc de croissance staturo-pondérale est indispensable. Clinique-
qu'une harmonisation de la définition de l'HTA est nécessaire, ment, l'HTA peut se manifester par des céphalées, des épis-
d'autant plus que le risque d'HTA augmente chez les patients en taxis, des bourdonnements d'oreilles, des malaises lors de
surpoids/obèses. l'effort physique. L'HTA sévère peut entraîner des douleurs
abdominales, des vomissements, une anorexie, une cassure
de la courbe staturo-pondérale, une polyuropolydipsie, une
Modalités de mesure paralysie faciale récidivante.
La mesure de la PA fait partie de l'examen clinique de l'en- Enfin, elle peut être révélée par une complication : défail-
fant dès l'âge de 3 ans ou avant 3 ans lors du suivi dans des lance cardiaque avec œdème aigu pulmonaire, baisse de
situations particulières : l'acuité visuelle, convulsions, coma et ­éventuellement signes
■ antécédents de prématurité ou de RCIU, soins intensifs déficitaires par œdème et/ou hémorragie cérébral(e). Chez
en période néonatale ; le nouveau-né et le nourrisson, l'HTA peut se manifester par
■ toute malformation urinaire ; des troubles vasomoteurs, des malaises, mais elle est le plus
■ tout signe urinaire ; souvent révélée par une défaillance cardiaque.
556   Partie II. Spécialités

Retentissement biologique HTA rénovasculaire


L'impact de l'HTA doit également être évalué en termes de Une HTA rénovasculaire est souvent diagnostiquée au
retentissement rénal (microalbuminurie, protéinurie, insuf- stade 2. Dix pour cent des HTA sont d'origine rénovascu-
fisance rénale révélant une néphroangiosclérose). laire, notamment par sténose de l'artère rénale ou de ses
branches, par dysplasie fibromusculaire (70 % des cas de
Explorations supplémentaires sténose) ou secondaire à une phacomatose (neurofibroma-
Le suivi d'une HTA ou la découverte d'une HTA chronique tose de Recklinghausen, sclérose tubéreuse de Bourneville),
non traitée doit conduire à un bilan à la recherche d'un reten- un syndrome de Marfan, Turner ou Williams-Beuren. Une
tissement des organes cibles, notamment ophtalmologique atteinte artérielle à distance (thoracique, abdominale, neuro-
(rétinopathie hypertensive), cardiaque (échocardiographie et logique) est à dépister (syndrome médio-aortique, sténoses
ECG pour mesure de la masse ventriculaire gauche), vasculaire des artères carotidiennes, Moya-Moya, etc.) avec l'indica-
(rigidité et épaisseur intima – média carotidienne) et un bilan tion d'un traitement préventif par antiagrégant plaquettaire
des facteurs de risque cardiovasculaire (syndrome métabo- et curatif par dilatation par angioplastie endoluminale en
lique, glycémie et bilan lipidique à jeun, tabagisme). Le déve- 1re intention.
loppement précoce de lésions d'athérosclérose liées à l'HTA est
source de morbimortalité cardiovasculaire à l'âge adulte. Insuffisances rénales
Toutes les insuffisances rénales aiguës ou chroniques
Urgence hypertensive peuvent se compliquer d'une HTA si les apports hydriques et
En cas d'HTA sévère, le pronostic vital peut être engagé sur une sodés dépassent les capacités d'élimination rénale, condui-
défaillance multiviscérale, cardiaque ou une encéphalopathie sant à une surcharge volémique.
hypertensive pour lequel le fond œil réalisé en urgence met en
évidence des hémorragies, des exsudats et un œdème papillaire. Causes parenchymateuses
Les néphropathies d'origine parenchymateuse sont à l'ori-
Étiologies gine d'une HTA par excès primaire de rénine et peuvent être
L'HTA de l'enfant est majoritairement secondaire et le diag­ acquises (reins cicatriciels consécutifs à une pyélonéphrite,
nostic d'HTA essentielle ne peut être posé qu'après un bilan syndrome hémolytique et urémique post-diarrhéique) ou
étiologique exhaustif, et ce d'autant plus que l'enfant est jeune. congénitales (polykystose rénale autosomique récessive ou
plus rarement dominante, hypodysplasie rénale).
Cas particulier du nouveau-né
Une HTA du nouveau-né doit conduire à un bilan mal-
formatif. Un examen physique minutieux doit rechercher Causes tubulaires
une asymétrie entre les pouls des membres supérieurs et Les causes tubulaires primaires doivent être évoquées
les pouls fémoraux ou un différentiel de mesure de la PA en présence d'une HTA associée à une hypokaliémie
entre les membres supérieurs et inférieurs. Le diagnostic de et un taux de rénine et d'aldostérone plasmatique bas.
coarctatation de l'aorte est confirmé par échocardiographie. Elles rassemblent le syndrome de Liddle (pseudo-­
Les autres causes d'HTA du nouveau-né sont moins fré- hyperaldostéronisme par mutation activatrice du canal
quentes et concernent une origine vasculaire (thrombose de sodium épithélial ENaC), l'excès apparent de minéralo-
veine ou d'artère rénale, compression vasculaire par hématome corticoïdes (secondaire à une mutation permissive de la
surrénalien), parenchymateuse (polykystose rénale, sclérose 11β-hydroxystéroïde-déshydrogénase qui permet l'accès
mésangiale, SHU atypique), endocrinienne (Cushing, hyper- du récepteur minéralocorticoïde aux glucocorticoïdes
thyroïdie, hypercalcémie) ou iatrogène (corticothérapie). circulants), les défauts enzymatiques de la stéroïdoge-
nèse (déficit en 11β-hydroxylase avec virilisation du
Néphropathies glomérulaires fœtus, pseudo-hermaphrodisme chez les filles, déficit
en 17α-hydroxylase avec pseudo-hermaphrodisme chez
L'origine glomérulaire représente un tiers des HTA de
les garçons). En revanche, dans le syndrome de G­ ordon
l'enfant.
(pseudo-hypoaldostéronisme avec mutation du gène
La glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse (cf. supra
WNK), la kaliémie est élevée.
dans ce chapitre) est la cause la plus fréquente d'HTA aiguë
de l'enfant. Le diagnostic repose sur la notion d'une infec-
tion ORL ou cutanée 1 à 3 semaines auparavant, d'œdèmes Causes tumorales
et d'une prise de poids, d'une hématurie (microscopique Le néphroblastome provoque une HTA d'origine rénale par
± macroscopique), d'une protéinurie glomérulaire, d'une excès primaire de rénine.
activation de la voie alterne du complément. Le phéochromocytome (1–3 %) et le neuroblastome sont
Les néphropathies glomérulaires chroniques avec protéi- à l'origine d'une HTA par excès de catécholamines (sang :
nurie et éventuellement insuffisance rénale s'accompagnent métanéphrines et normétanéphrines ; urines : acide vanil-
fréquemment d'une HTA : néphrose corticorésistante avec mandélique, acide homovanillique, adrénaline, noradréna-
hyalinose segmentaire, glomérulonéphrite proliférative line, dopamine). Des poussées tensionnelles associées à une
sévère secondaire à un lupus érythémateux systémique, vas- tachycardie, des céphalées, des sueurs et des troubles vaso-
cularite, néphropathie à IgA (Berger, purpura rhumatoïde), moteurs sont évocateurs d'un phéochromocytome.
glomérulonéphrite membranoproliférative, syndrome Le corticosurrénalome et l'adénome à ACTH sont res-
hémolytique et urémique (cf. supra dans ce chapitre). ponsables d'hypertension avec excès de glucocorticoïdes.
Chapitre 20. Néphrologie   557

Causes endocriniennes Il faut faire préciser dans les antécédents personnels les
L'adénome de Conn (hyperaldostéronisme primaire) est à données néonatales (termes, poids de naissance, oligohy-
l'origine d'un excès de minéralocorticoïdes avec une hypo- dramnios, anoxie périnatale, cathéter ombilical, throm-
kaliémie, une rénine basse, un taux anormalement élevé bose veine/artère rénale) et les antécédents néphrologiques
d'aldostérone plasmatique ainsi qu'une inversion du rapport (traumatisme, infections urinaires, soif, polyurie, nycturie,
Na/K urinaire. hématurie).
Enfin, l'interrogatoire doit s'arrêter sur les traitements :
Causes médicamenteuses et intoxications corticothérapie, inhibiteurs de la calcineurine, contracep-
tion hormonale, etc. et la prise de réglisse.
L'interrogatoire doit rechercher toute prise de médicaments
(notamment corticostéroïdes, anticalcineurine, contracep-
Examen physique
tion œstroprogestative, décongestionnants nasaux, etc.) ou
une intoxication par de la réglisse ou de la vitamine D. Un L'examen physique doit être complet et exhaustif à la
saturnisme est exceptionnel mais peut être secondaire à recherche d'une cause secondaire. La mesure de la taille et
l'intoxication par des vapeurs de mercure. du poids, le calcul de l'IMC et la réalisation de la courbe
de croissance staturo-pondérale sont indispensables. Il est
important de faire un examen détaillé de l'appareil cardio-
Démarche diagnostique vasculaire mais aussi neurologique, cutané, abdominal et
Première étape génital (tableau 20.6).
Interrogatoire
Il est crucial de reprendre les antécédents familiaux notam- Examens complémentaires
ment d'HTA, néphropathie héréditaire (polykystose, Alport), Le bilan biologique de débrouillage comporte ionogramme
maladie systémique, diabète, dyslipidémie mais aussi patho- sanguin, urée, créatinine, calcémie, protidémie, kaliémie et
logie endocrinienne héréditaire ou neurofibromatose. recherche de protéinurie/microalbuminurie. La présence
d'une protéinurie ou d'une microalbuminurie excessive peut
être la conséquence de l'HTA ou liée à une néphropathie glo-
Il est essentiel de retenir que le diagnostic d'HTA essentielle ne
mérulaire, cause de l'HTA. L'existence d'une hypokaliémie
doit être retenu chez l'enfant qu'après un interrogatoire bien et d'une alcalose oriente soit vers une cause rénale/rénovas-
conduit, un examen physique soigneux et un bilan paraclinique culaire avec activation du système rénine – angiotensine et
exhaustif. La répétition des bilans et une surveillance rappro- hyperaldostéronisme secondaire, soit vers une HTA d'origine
chée sont essentielles pour ne pas omettre une cause curable et endocrinienne à rénine basse. Chez les adolescents chez qui
prévenir l'athérosclérose. l'on soupçonne une HTA essentielle, il est justifié de contrô-
ler la glycémie, l'HbA1c, l'acide urique et le bilan lipidique.

Tableau 20.6 Examen physique du patient hypertendu.


Organe/système Signe clinique pouvant orienter Signe clinique révélateur
vers une cause de l'HTA d'une conséquence de l'HTA
Général Mauvaise croissance, pâleur (insuffisance rénale chronique)
Œdème
Obésité, syndrome cushingoïde
Symptômes généraux de Turner, Marfan, von Hippel-Lindau,
neurofibromatose, etc.
Cardiovasculaire Souffle cardiaque (coarctation, rétrécissement aortique), tachycardie Insuffisance cardiaque, œdème aigu
pulmonaire
Souffles : abdominal (sténose de l'artère rénale), dorsal, du cou, etc.
Pouls fémoraux faibles (coarctation)
Neurologique Déficit moteur et/ou sensitif (AVC)
ou paralysie faciale périphérique
Ophtalmologique Cataracte (corticostéroïdes) Rétinopathie hypertensive
Hémangioblastome (von Hippel-Lindau)
Abdominal Masse abdominale (tumeur de Wilms, neuroblastome,
phéochromocytome, polykystose rénale)
Hépatosplénomégalie (polykystose)
Génital Virilisation ou ambiguïté sexuelle (hyperplasie congénitale
des surrénales)
Dermatologique Éruption (lupus, vascularite)
Neurofibrome, taches café au lait (neurofibromatose)
Acanthosis nigricans (diabète de type 2)
558   Partie II. Spécialités

L'échographie rénale doit permettre de mettre en évi- Prise en charge


dence une polykystose rénale, des reins cicatriciels ou Elle doit être réalisée dans un milieu spécialisé, adapté au
une asymétrie de taille des reins, témoin indirect d'une degré de gravité.
sténose de l'artère rénale. L'examen doit être complété
d'un doppler des artères rénales pour dépister une sté-
nose de l'artère rénale ou de ses branches : accélération du
Urgence hypertensive
flux dans le hile et effondrement des index de résistance L'HTA maligne est une urgence vitale engageant le pro-
intrarénale. nostic vital et englobe l'HTA avec dysfonction d'organe :
Le bilan initial doit être complété par une échocardio- neurologique, rénal ou cardiaque. Les enfants présentant
graphie (présence d'une coarctation de l'aorte à l'origine de une urgence hypertensive doivent être pris en charge dans
l'HTA ou d'une hypertrophie ventriculaire gauche, signe du une unité de soins continus pour permettre un monito-
retentissement cardiaque de l'HTA) et un fond d'œil (patho- ring rapproché et un support aux défaillances d'organes.
logique dans les HTA sévères avec exsudats, hémorragies ou D'après les recommandations européennes de 2016, il est
œdème papillaire). préconisé de baisser la PA de 25 % dans les 6–8 premières
heures, puis d'une valeur progressive sur les 24–48 heures
suivantes. Une normalisation trop rapide de la PA peut
conduire à des effets indésirables plus graves que l'HTA
Deuxième étape elle-même.
En l'absence d'orientation clinique, biologique ou radio- Le traitement de référence est intraveineux avec des
logique sur le bilan de débrouillage, un bilan de 2e inten- modes continus à préférer aux bolus afin d'éviter les
tion doit être programmé avant de conclure à une HTA hypotensions artérielles (risque d'hypoperfusion d'or-
essentielle. gane, de séquelles neurologiques comme une perte de la
Le dosage de la rénine et de l'aldostérone oriente vers vision).
une HTA rénovasculaire (rénine élevée) ou un hyperaldo­ La nicardipine (inhibiteur calcique, vasodilatateur) est
stéronisme primaire (rénine basse, hypokaliémie, origine le traitement de 1re intention car elle permet une diminu-
endocrinienne). tion progressive et contrôlée de la PA, ne présentant pas
L'exploration des catécholamines urinaires (adréna- de risque d'hypotension brutale. De plus, c'est un des seuls
line, noradrénaline et leurs dérivés méthoxylés) oriente traitements d'urgence à ne pas être contre-indiqué en cas de
vers un phéochromocytome en cas de dosage élevé, ce qui sténose (artère rénale, carotidienne ou cérébrale), à l'inverse
doit faire réaliser rapidement une scintigraphie à la MIBG de la nifédipine sublinguale (Adalate®). Ce traitement per-
(méta-iodo-benzylguanidine). met une diminution progressive et modulable de la PA sous
Enfin, un syndrome de Cushing est recherché avec le contrôle strict de la pression artérielle. Le labétalol (bêta-
dosage du cortisol libre urinaire, du cortisol plasmatique, bloquant) est également utilisable en cas d'urgence hyper-
de l'ACTH, voire du cortisol urinaire des 24 heures et une tensive. Les diurétiques (furosémide et bumétanide) sont
thyrotoxicose avec un dosage du bilan thyroïdien (TSH, T3L, eux indiqués en cas d'urgence hypertensive avec surcharge
T4L). (tableau 20.7).

Tableau 20.7 Traitement de l'urgence hypertensive.


Drogue (nom Classe Voie Posologie Délai Durée Contre- Effets indésirables
commercial) thérapeutique d'administration d'action d'action indications
Nicardipine Calcium IV 1–3 μg/kg/min Quelques 30–60 Tachycardie réflexe
(Loxen®) bloqueur minutes minutes Céphalées,
flush, nausées,
inflammation au
point d'injection
Labétalol Alpha et IV 2–20 mg/kg/j 5–10 minutes 3–24 heures Insuffisance Bradycardie,
(Trandate®) bêtabloquant cardiaque, bloc hypotension,
atrioventriculaire, nausées
asthme
Furosémide Diurétique de IV, IM ou per os IVL 30 minutes 5 minutes 2–3 heures Hypokaliémie
(Lasilix®) l'anse 0,5–3 mg/kg/ Ototoxicité
dose toutes les Hyperglycémie
3 à 4 heures,
jusqu'à 10 mg/
kg/j
Bumétanide Diurétique IV 0,02 mg/kg/ 5 minutes 2–3 heures Hypokaliémie
(Burinex®) injection jusqu'à Hyperglycémie
1 mg/kg/j
Chapitre 20. Néphrologie   559

Règles hygiénodiététiques adaptée à l'origine de l'HTA ainsi qu'aux comorbidités de


L'application de règles hygiénodiététiques est valable dans l'enfant.
toutes les situations d'HTA de l'enfant, même en cas d'HTA ■ Les inhibiteurs calciques ont montré leur efficacité et leur
sévère. La lutte précoce contre les facteurs de risque cardio- bonne tolérance chez les enfants. Ils font partie des dro-
vasculaire a montré un bénéfice en termes de morbidité et gues prescrites en 1re intention. Les composés donnés par
de mortalité à l'âge adulte. voie sublinguale sont à proscrire.
La réduction des facteurs de risque cardiovascu- ■ Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et les
laire passe tout d'abord par la lutte contre l'obésité et le antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA2)
surpoids. Une activité physique régulière est également sont les traitements de choix en cas de pathologie
recommandée avec 60 minutes quotidiennes d'acti- rénale du fait de leur effet démontré sur le ralentis-
vité physique modérée à intensive et en évitant plus de sement de la progression de l'insuffisance rénale et
2 heures d'activités sédentaires par jour. En cas de sur- de la protéinurie. En revanche, ils ne doivent pas
charge hydrosodée, un régime sans sel (0,3–0,5 mmol/ être ­prescrits, ou alors uniquement avec une grande
kg/j) est instauré. Une restriction modérée (1 mmol/ prudence en milieu spécialisé, en cas de sténose de
kg/j) est nécessaire en cas d'HTA sévère (glomérulo- l'artère rénale connue ou suspectée du fait du risque
néphrites sévères, polykystose). Une fois la PA équi- d'insuffisance rénale et de thrombose, ou en cas
librée, les apports sodiques doivent rester modérés d'insuffisance rénale préexistante, car ils peuvent
(2–3 mmol/kg/j). L'exposition au tabac est un facteur entraîner une aggravation de la fonction rénale et
majeur de morbidité cardiovasculaire et sa prévention une hyperkaliémie. Ces risques sont majorés en cas
débute dès la grossesse (dissuader le tabagisme mater- de régime désodé strict ou d'administration de diuré-
nel) puis à tout âge où il est recommandé de ne pas com- tiques, ou de troubles digestifs aigus durant lesquels
mencer à fumer et d'encourager l'arrêt le cas échéant. ils doivent être transitoirement arrêtés. Les ARA2 ont
l'avantage de ne pas entraîner de toux, contrairement
aux IEC. Les IEC et les ARA2 sont formellement
Traitement médicamenteux contre-indiqués en cas de grossesse en raison de leur
Un traitement pharmacologique est indiqué en cas d'HTA fœtotoxicité dont les adolescentes et leurs parents
persistante malgré une modification des règles hygiénodié- doivent être informés.
tétiques quelle que soit la cause ou d'emblée chez les patients ■ Les bêtabloquants peuvent être utiles notamment en cas
symptomatiques, ou présentant une HTA de stade 2, ou de contre-indication aux IEC/ARA2 ou en ­association.
ayant une insuffisance rénale chronique (IRC) ou un diabète. Ils sont contre-indiqués en cas d'asthme, de diabète,
Les différentes molécules disponibles sont réperto- d'insuffisance cardiaque décompensée ou de bloc
riées dans le tableau 20.8. La molécule prescrite doit être atrioventriculaire.

Tableau 20.8 Traitements antihypertenseurs au long cours.


Classe Drogue Dose initiale Dose maximale/24 h Nombre Effets indésirables/
de prises/24 h précautions
Inhibiteurs calciques Amlodipine 0,1-0,2 mg/kg 0,6 mg/kg 1 Tachycardie, flush,
Maximum 5 mg Maximum 10 mg céphalées, œdèmes
périphériques possibles,
Nicardipine à 0,25–0,5 mg/kg/j 1–3 g/kg 2
hypertrophie gingivale
libération prolongée Maximum 120 mg
Félodipine 2,5 mg 10 mg 1
Inhibiteurs de Captopril Nouveau-né : 6 mg/kg 1–3 Contrôle ionogramme
l'enzyme de 0,01-0,03 mg/kg/dose Maximum 150 mg après introduction ou
conversion (IEC) Nourrisson : 0,1 augmentation de la
mg/kg/dose posologie (hyperkaliémie,
Grand enfant : insuffisance rénale)
0,3–0,5 mg/kg/dose Toux et angio-œdème
Tous contre-indiqués
Énalapril Nouveau-né : 0,8 mg/kg 1
en cas de grossesse
0,05 mg/kg/dose Maximum 40 mg
(fœtotoxicté)
Nourrisson : 0,05
Suspension du traitement
mg/kg/dose
en cas de gastro-entérite/
Grand enfant :
déshydratation
0,08 mg/kg/dose
Maximum 5 mg
Lisinopril 0,08 mg/kg 0,6 mg/kg 1
Maximum 5 mg/j Maximum 40 mg

(Suite)
560   Partie II. Spécialités

Tableau 20.8 Suite.


Classe Drogue Dose initiale Dose maximale/24 h Nombre Effets indésirables/
de prises/24 h précautions
Antagonistes des Losartan 0,7 mg/kg/j 1,4 mg/kg 1 Contrôle ionogramme
récepteurs de Maximum 50 mg/j Maximum 100 mg après introduction ou
l'angiotensine 2 augmentation de la
Irbésartan 2 mg/kg/j 6–12 ans, < 35 kg : 1
(ARA2) posologie (hyperkaliémie,
75–150 mg
insuffisance rénale)
≥ 13 ans, > 35 kg :
Tous contre-indiqués
150–300 mg
en cas de grossesse
(fœtotoxicté)
Suspension du traitement
en cas de gastro-entérite/
déshydratation
Bêtabloquants Acébutolol 1,5–3 mg/kg/j 5–15 mg/kg 1–2 Bêtabloquants
non cardiosélectifs
Propranolol 1 mg/kg/j 4 mg/kg 2–3
(propranolol) contre-
Maximum 640 mg
indiqués en cas d'asthme
Aténolol 0,1–1 mg/kg/j 2 mg/kg 1–2 et d'insuffisance cardiaque
Maximum 100 mg Contre-indications :
diabète
insulinodépendant, bloc
atrioventriculaire
Limitent les performances
sportives
Alpha et Labétalol 1–3 mg/kg/j 10–15 mg/kg 2 Contre-indications :
bêtabloquant Maximum 1 200 mg diabète
insulinodépendant, bloc
atrioventriculaire, asthme,
insuffisance cardiaque
Limitent les performances
sportives
Alphabloquant Prazosine 0,05–0,1 mg/kg/j 0,5 mg/kg 2–3 Risque d'hypotension
Maximum 0,5 mg Maximum 20 mg/j orthostatique après la
x 2/j 1re dose
Fatigabilité, difficultés
Antihypertenseur Clonidine 5 µg/kg/j 30 µg/kg 2–3
d'attention
central Maximum 1,05 mg
Diurétiques Hydrochlorothiazide 0,5–1 mg/kg/j 3 mg/kg 1 Surveillance ionogramme
Maximum 50 mg Furosémide utile
comme traitement
Furosémide 0,5–2 mg/kg/dose 6 mg/kg 1–2
complémentaire de l'HTA
Spironolactone 1 mg/kg/j 3,3 mg/kg 1–2 en cas d'insuffisance
Maximum 100 mg rénale

■ Les diurétiques (furosémide, bumétanide hydrochlo- en cas d'IRC protéinurique ou au 75e percentile en cas d'IRC
rothiazide) sont utiles en cas de surcharge volémique. non protéinurique.
Ils sont particulièrement efficaces en cas d'HTA liée à Afin d'obtenir une bonne adhésion au traitement, il faut
l'obésité. L'administration à petite dose permet de ne pas privilégier une monothérapie avec un minimum de prises
imposer un régime strictement limité en sodium, mal quotidiennes, aux horaires adaptés à la vie familiale. Le choix
accepté chez l'enfant et l'adolescent. de la molécule initiale est guidé par l'étiologie et initié à la
■ Les alphabloquants (prazosine, clonidine) doivent être posologie la plus faible, puis augmenté progressivement pour
maniés avec précaution chez l'enfant du fait du risque atteindre la PA cible. Si la PA n'est pas équilibrée à la dose
d'hypotension orthostatique, de fatigabilité, de difficultés maximale du traitement, une 2e molécule est introduite. Après
d'attention. instauration du traitement, la PA doit être contrôlée toutes les
Les recommandations américaines proposent d'augmen- 2 à 4 semaines jusqu'à équilibration, puis tous les 3 à 4 mois.
ter la posologie des traitements toutes les 2 à 4 semaines Chaque consultation doit être l'occasion d'une réévaluation de
en ayant comme objectif une PA contrôlée inférieure au l'adhésion au traitement et aux mesures hygiénodiététiques.
90e percentile, en respectant la posologie maximale ou l'ap- L'échocardiographie et la mesure de la PA ambulatoire
parition d'effets indésirables. Les objectifs des recommanda- sont indiquées 1 fois/an. Le contrôle de l'échocardiographie
tions européennes sont une PA inférieure au 50e percentile doit être semestriel en cas de persistance de l'HTA malgré
Chapitre 20. Néphrologie   561

un traitement adapté, de présence d'une hypertrophie ven- Définition


triculaire gauche ou de baisse de la fraction d'éjection ven- La MRC est définie par la présence, pendant plus de
triculaire gauche. 3 mois, de marqueurs d'atteinte rénale qui peuvent être
des anomalies morphologiques, histologiques, urinaires,
ou un DFG anormal. La MRC est classée en stades, de 1
Situations à risque de maladie rénale à 5, de sévérité croissante, en fonction du DFG et de la
protéinurie (cf. tableau 20.9). Cette définition habituelle
chronique (MRC) et grands principes de la MRC ne peut s'appliquer qu'au-delà de l'âge de
de néphroprotection 2 ans puisque les enfants n'atteignent des valeurs de DFG
Christine Pietrement comparables à celles de l'adulte qu'à partir de cet âge.
Le marqueur de DFG le plus souvent utilisé est la
La MRC, caractérisée par la présence pendant plus de créatininémie, elle doit être interprétée en se référant
3 mois de marqueurs d'atteinte rénale, est classée en aux normes spécifiques de l'enfant qui dépendent du
stades de sévérité croissante selon le niveau de débit sexe et de l'âge (cf. Évaluation de la fonction rénale et
de filtration glomérulaire (DFG) et de protéinurie normes chez l'enfant en début de chapitre). Le DFG
(tableau 20.9). Le principal risque de la MRC, indépen- estimé est calculé chez l'enfant avec la formule de
damment de sa cause, est l'évolution vers l'insuffisance Schwartz, à partir de la taille mesurée en cm, et de la
rénale chronique, voire terminale (IRT : MRC stade 5). créatininémie quantifiée par une méthode enzymatique
Les causes de la MRC sont variées mais les anomalies traçable (IDMS, Isotopic Dilution Mass Spectroscopy).
congénitales du rein et des voies urinaires en sont les La créatininémie et le DFG estimé à partir de celle-ci ne
étiologies les plus fréquentes. La MRC peut rester long- permettent pas d'évaluer correctement la fonction rénale
temps silencieuse, son dépistage précoce permet soit en cas de production anormalement basse de créatinine
d'obtenir la rémission, soit de stabiliser la maladie, soit (dénutrition, masse musculaire faible, myopathie, certaines
au moins de retarder son évolution vers des stades plus maladies métaboliques). Dans ces circonstances, d'autres
sévères. Le dépistage s'appuie sur l'identification des marqueurs doivent être utilisés telle la cystatine C plasma-
situations et groupes d'enfants à risque de développer tique, ou bien en mesurant la clairance rénale avec un tra-
une maladie rénale. ceur exogène comme l'iohexol.

Tableau 20.9 Stades de la maladie rénale chronique et risque de progression.

Albuminurie : stades, description et valeurs


A1 A2 A3
Évaluation du risque de progression de la MRC en Normale ou légèrement Modérément Sévèrement
fonction du débit de filtration glomérulaire (DFG) et augmentée augmentée augmentée
de l'albuminurie
< 30 mg/g ou < 3 mg/mmol 30−300 mg/g ou > 300 mg/g ou
[protéinurie/créatininurie 3−30 mg/mmol > 30 mg/mmol
< 20 mg/mmol (< 200 mg/g)]

DFG estimé : stades, G1 Normal ou > 90


augmenté
description et valeurs
(mL/min/1,73 m²) G2 Légèrement 60−
diminué 89
G3a Légèrement à 45−
modérément 59
diminué
G3b Modérément à 30−
sévèrement 44
diminué
G4 Sévèrement 15−
diminué 30
G5 Insuffisance < 15
rénale terminale

Blanc : risque faible, gris clair : risque modéré, gris foncé : risque important, noir : risque très important.
Pietrement C, et al. ; Groupe maladie rénale chronique de la Société de néphrologie pédiatrique, membre de la filière de
santé ORKID. Diagnostic et prise en charge de la maladie rénale chronique de l'enfant : recommandations de la Société de
néphrologie pédiatrique (SNP). Arch Pediatr. 2016 ; 23 (11) : 1191-200.
562   Partie II. Spécialités

Progression de la maladie rénale sont éliminés par voie rénale et qui peuvent être toxiques,
chronique par exemple pour l'appareil auditif ou le rein lui-même.
Des études récentes confirment que toute pathologie
Toutes les situations congénitales ou acquises qui rénale, même si elle semble mineure et anodine à l'âge
conduisent à une réduction du nombre de néphrons pédiatrique, car au stade 1 de la MRC (ex : petites dila-
fonctionnels sont à risque d'évolution vers la MRC. En tations rénales découvertes fréquemment lors des écho-
effet, la présence d'un nombre réduit de néphrons a pour graphies anténatales), est susceptible d'évoluer vers des
conséquence la mise en place d'une hyperfiltration au stades plus sévères de MRC à l'âge adulte. Ainsi, le risque
niveau des néphrons restants qui s'accompagne de phé- de MRC stade 5 à 30 ans d'évolution est multiplié par 4,19
nomènes inflammatoires suivis par une synthèse et une en cas d'antécédent de MRC stade 1 à l'âge pédiatrique.
accumulation de la matrice extracellulaire aboutissant au De fait, même la MRC stade 1 à l'âge pédiatrique doit
développement d'une fibrose rénale qui réduit à son tour être prise en charge afin d'éduquer les parents et plus
progressivement le nombre de néphrons fonctionnels. À tard l'enfant lui-même à des mesures d'hygiène de vie,
court terme, la glomérulosclérose a pour conséquence de néphroprotection et à une surveillance rénale à long
l'apparition d'une protéinurie et d'une hypertension terme.
artérielle, à plus long terme elle conduit à une réduction
inexorable du DFG, avec le risque de progression vers des
stades plus sévères de MRC. Ainsi, une fois le nombre
des néphrons amputé par un processus pathologique Situations pédiatriques à risque potentiel
quel qu'il soit, l'évolution se fait inexorablement vers de MRC
l'aggravation. En cas de pathologie rénale familiale héréditaire connue, les
enfants comme les autres membres de la famille sont poten-
tiellement à risque de MRC.
Pathologies conduisant à la maladie En dehors des pathologies rénales et ou uronéphrolo-
rénale chronique giques proprement dites, d'autres situations congénitales ou
MRC stade 5 (IRT) à l'âge pédiatrique acquises peuvent conduire à une réduction du nombre de
Les étiologies qui conduisent au stade 5 de la MRC, néphrons et sont donc à risque d'évolution vers une MRC à
c'est-à-dire au stade d'IRT, nécessitant un traitement de long terme.
suppléance par dialyse ou transplantation rénale, à l'âge
pédiatrique, sont connues précisément en France grâce
Réduction du capital néphronique
au REIN (Réseau épidémiologique et information en
au début de la vie
néphrologie).
Il s'agit des néphropathies congénitales qui comportent En dehors des malformations rénales évidentes telles
les uropathies et/ou hypodysplasies rénales (ou CAKUT que les hypodysplasies et les agénésies rénales, un
pour Congenital Anomalies of Kidney and Urinary tract) poids de naissance inférieur à 2 500 g s'accompagne
pour 26 %, et les néphropathies d'origine génétique pour d'un risque de MRC en raison d'un faible nombre de
25 %, des glomérulopathies acquises pour 16 % dominées néphrons présents à la naissance. Barker a été le pre-
par les hyalinoses segmentaires et focales associées aux syn- mier à montrer que des adultes avec un poids de
dromes néphrotiques idiopathiques de l'enfant, des mala- naissance inférieur à 2 500 g étaient à risque de mala-
dies vasculaires pour 11 %, et des néphrites interstitielles die cardiovasculaire, ensuite Brenner a montré que la
acquises pour 9 %. réduction du nombre de néphrons, qui peut contribuer
au développement d'une hypertension artérielle par la
limitation de l'excrétion sodée, augmente le risque de
MRC stade 1–4 à l'âge pédiatrique MRC par la réduction des capacités d'adaptation rénale
Aux stades plus précoces de la MRC à l'âge pédiatrique des néphrons restants.
(stades 1 à 4), les anomalies congénitales du rein et des voies La majorité des néphrons est formée au cours du
urinaires (correspondant principalement aux CAKUT) pré- 3 e trimestre de la grossesse. En conséquence, toute
dominent, représentant 50 à 60 % des causes de MRC de agression rénale qui survient pendant cette période a
l'enfant. Dans de plus rares cas, c'est une pathologie acquise un impact sur la formation des néphrons. Ainsi certains
qui peut conduire à amputer le volume rénal (ex : néphrec- médicaments administrés pendant la grossesse peuvent
tomie totale ou partielle pour tumeur, ou consécutive à un conduire à une réduction du nombre de néphrons tels
problème vasculaire). Ces pathologies rénales doivent faire que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les inhi-
l'objet d'une grande attention afin de ralentir leur progres- biteurs du récepteur de type 2 de l'angiotensine, certains
sion et de traiter les complications liées à la baisse du DFG antiépileptiques, la dexaméthasone, la ciclosporine, le
dès leur apparition chez l'enfant. mycophénolate mofétil ou les aminosides. Des facteurs
Une attention particulière doit être donnée à la prescrip- maternels interviennent également tels que ceux qui
tion de tout médicament en cas de réduction significative du conduisent au retard de croissance intra-utérin, ou le
DFG du fait du risque d'accumulation des traitements qui diabète gestationnel.
Chapitre 20. Néphrologie   563

La néphrogenèse du 3e trimestre est impactée également


par une naissance prématurée et par les agressions rénales Encadré 20.4 Situations pédiatriques
qui accompagnent souvent ces situations : bas débit, infec- à risque de maladie rénale chronique (MRC)
tions, médicaments néphrotoxiques (anti-inflammatoires
non stéroïdiens, antibiotiques). Situations associées à une MRC devant faire
Les enfants de faible poids de naissance et/ou nés préma- l'objet d'un suivi
turément sont donc à risque de MRC tout au long de leur vie. ■
Malformation rénale ou des voies urinaires congénitale :
uropathies et/ou hypodysplasies rénales (ou CAKUT)

Néphrectomie partielle ou totale
Situations à risque de réduction acquise ■
Néphropathies d'origine génétique
du nombre de néphrons ■
Glomérulopathies acquises
Au cours de sa vie, l'enfant peut être confronté à diverses ■
Maladies vasculaires rénales
situations qui peuvent impacter son capital néphronique et ■
Néphrites interstitielles acquises
l'exposer à plus long terme au risque de MRC.
Situations à risque potentiel de MRC
■ De nombreux médicaments sont potentiellement
devant l'objet d'un dépistage systématique
néphrotoxiques : ainsi les patients exposés de manière
tous les 1 à 5 ans
répétée aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
et à certains antibiotiques (aminosides) sont à risque de ■
Poids de naissance < 2,5 kg
développer à long terme une MRC. Certaines chimiothé- ■
Antécédent de prématurité
rapies peuvent également avoir des conséquences rénales ■
Antécédent familial de MRC
qui doivent être surveillées à long terme, leurs effets ■
Pyélonéphrites à répétition
rénaux dépendant de l'emploi simultané d'autres médica- ■
Antécédent d'épisode d'insuffisance rénale aiguë
ments néphrotoxiques et de la présence d'une éventuelle ■
Antécédent de traitement de cancer
maladie du rein déjà présente. En particulier, on retien- ■
Antécédent de traitement prolongé par médicaments
dra la toxicité rénale du cisplatine, du carboplatine et du néphrotoxiques
méthotrexate à dose élevée. ■
Antécédent de cardiopathie congénitale
■ Les épisodes répétés de pyélonéphrite exposent au risque ■
Antécédent de maladie de système
de survenue de cicatrices rénales responsables d'une ■
Antécédent d'HTA
réduction néphronique. ■
Obésité
■ Les cardiopathies congénitales avec chirurgie cardiaque
CAKUT : Congenital Anomalies of Kidney and Urinary tract ; HTA : hyperten-
ou à risque d'endocardite exposent au risque de réduc- sion artérielle.
tion néphronique à la suite des épisodes de bas débit ou
de l'utilisation de médicaments néphrotoxiques.
■ Les maladies de système peuvent se compliquer d'ano-
malies néphrologiques qui doivent être régulièrement La mesure de la pression artérielle doit faire partie de
recherchées. l'examen clinique systématique à partir de l'âge de 3 ans. Elle
■ L'hypertension artérielle, qu'elle soit ou non d'origine est mesurée avec un brassard adapté à la taille de l'enfant
rénale, entraîne des modifications vasculaires intraré- après une période de repos, assis ou coucher, de 5 minutes.
nales conduisant à la glomérulosclérose et à la réduc- La valeur est reportée dans le carnet de santé et comparée
tion néphronique. aux valeurs de référence pour l'âge et la taille.
■ L'obésité, qui peut s'accompagner d'une hypertension La quantification de la protéinurie et de l'albuminurie peut
artérielle et se compliquer d'un diabète, représente égale- être effectuée à partir d'une miction, sur un échantillon uri-
ment une situation à risque de MRC. naire recueilli au mieux sur les premières urines du matin. Il
L'encadré 20.4 résume toutes les situations pédiatriques à est admis que les rapports protéinurie/créatininurie et albu-
risque de MRC qui doivent faire l'objet d'une surveillance minurie/créatininurie ont la même valeur que les mesures de
ou d'un dépistage systématique. protéinurie et d'albuminurie sur une diurèse de 24 heures (cf.
tableau 20.5). Cependant, les dosages sur diurèse de 24 heures
sont nécessaires chez les patients ayant une faible excrétion
Modalités du dépistage de la maladie de créatinine (dénutrition, faible masse musculaire, myopa-
rénale chronique thie, certaines pathologies métaboliques) pour lesquels les
Les enfants à risque de MRC doivent faire l'objet d'un rapports albumine/créatinine peuvent être faussement élevés.
dépistage systématique. Celui-ci consiste en la mesure Le bilan peut être complété par une imagerie (échogra-
de la pression artérielle, la quantification de l'albuminu- phie) rénale et des voies urinaires. En cas d'anomalie du
rie, la réalisation d'une bandelette urinaire qui permet de bilan de dépistage, l'enfant est adressé en consultation de
détecter la présence d'une hématurie, d'une leucocyturie néphrologie pédiatrique.
ou d'une protéinurie devant conduire à des explorations La fréquence de ce dépistage, tous les 1 à 5 ans, doit être
complémentaires. adaptée au type de risque présenté par le patient.
564   Partie II. Spécialités

Mesures de néphroprotection Réduire la protéinurie


(encadré 20.5) Le blocage du système rénine – angiotensine permet de
En dehors du traitement étiologique de la MRC (quand il réduire la protéinurie par la diminution de la pression capil-
est possible) et du traitement des complications liées à la laire, ce qui ralentit la progression de la MRC. Ce blocage est
baisse du DFG (médicaments et mesures diététiques pour obtenu par la prescription d'un IEC ou d'ARA2. Les posolo-
contrôler l'hyperkaliémie et l'acidose, l'hypertension arté- gies sont augmentées progressivement sous surveillance de
rielle, l'anémie, l'ostéodystrophie rénale, les troubles de l'ionogramme sanguin (recherche d'une hyperkaliémie) et de
croissance), les interventions possibles pour ralentir la pro- l'évolution du DFG à chaque modification posologique du fait
gression de la MRC sont multiples, elles doivent toutes être du risque de baisse (fonctionnelle) de la fonction rénale sous
mises en œuvre. antagoniste du système rénine – angiotensine. Ce traitement
doit être suspendu en cas d'épisode de déshydratation (ex :
Contrôler la pression artérielle gastro-entérite aiguë associée au risque d'insuffisance rénale
aiguë fonctionnelle sévère), et il est contre-indiqué pendant
Le contrôle de la pression artérielle doit être strict, il per- la grossesse (risque d'insuffisance rénale chez le nouveau-né).
met de ralentir la progression de la MRC et de diminuer le
risque de complication cardiovasculaire. L'enfant doit avoir Éviter les agressions rénales
au minimum une PA normale, c'est-à-dire inférieure au
Il faut éviter toute agression rénale supplémentaire qui peut
90e percentile pour sa taille, son sexe, son âge et, au mieux,
entraîner un épisode d'insuffisance rénale aiguë pouvant
une PA inférieure au 50e percentile.
conduire à une aggravation de la MRC.
En dehors des néphropathies avec perte de sel, la consom-
La prescription de médicaments néphrotoxiques doit être
mation sodée doit être contrôlée avec les apports maximums
évitée ; s'ils sont utilisés, leur posologie doit être adaptée au
suivants :
DFG, avec une bonne hydratation du patient (ex : amino-
■ 1 500 mg/j de 1 à 3 ans ;
sides, AINS, produits de contraste iodés).
■ 1 900 mg/j de 4 à 8 ans ;
Il faut prévenir et traiter au plus vite les épisodes de dés-
■ 2 200 mg/j de 9 à 13 ans ;
hydratation aiguë.
■ 2 300 mg/j de 14 à 18 ans.
Les épisodes répétés de pyélonéphrite aiguë doivent être
La consommation sodée peut être suivie par la mesure de la
traités avec une antibiothérapie adaptée, par voie intravei-
natriurèse des 24 heures (1 g d'apport de sel correspondant à
neuse pour être rapidement efficace.
17 mmol de Na éliminé dans les urines).
Si un traitement antihypertenseur est nécessaire, un Adapter l'apport de protides
inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) ou un inhibi-
teur du récepteur de l'angiotensine 2 (ARA2) est prescrit en Les études cliniques disponibles suggèrent qu'une restriction
1re intention, sous surveillance de l'ionogramme sanguin et protéique modérée, par rapport à la consommation sponta-
de l'évolution du DFG. née habituelle, permet de ralentir la progression de la MRC.
Au stade 1 de la MRC, il est conseillé de ne consommer des
protéines d'origine animale (viande, poisson) qu'une seule
fois par jour. Au stade 3, les apports protidiques recomman-
Encadré 20.5 Mesures de néphroprotection dés sont de 100 à 140 % des apports recommandés pour
l'âge et la taille, et de 100 à 120 % aux stades 4–5. Cette res-
Contrôler la pression artérielle : PA normale < 90e percentile
triction protéique modérée ne doit pas se faire au détriment

(au mieux < 50e percentile)


des apports calorique globaux qui doivent être au minimum
Réduire la protéinurie : par le blocage du système rénine –
de 100 % des apports recommandés pour l'âge.

angiotensine avec un IEC ou un ARA2



Éviter les agressions rénales : Donner des conseils d'hygiène de vie
– adaptation des traitements néphrotoxiques
L'effet néfaste du tabac doit être expliqué pour éviter le
– traitement antibiotique intraveineux des pyélonéphrites
début d'un tabagisme car, outre ses effets cardiovasculaires
répétées
délétères, il favorise la progression de la MRC. Des conseils
– prévention des épisodes d'insuffisance rénale aiguë : prévention
pour lutter contre la sédentarité doivent être prodigués pour
des épisodes de déshydratation et hyperhydratation en cas
limiter le risque d'apparition d'une surcharge pondérale.
d'utilisation de produits de contraste iodés
Afin de préserver le capital veineux, les prélèvements san-

Adapter l'apport de protides : restriction protidique modérée
guins sont réalisés sur le dos des mains.
et adaptée au patient

Donner des conseils d'hygiène de vie :
– lutte contre le tabagisme Conclusion
– lutte contre la sédentarité et l'obésité Un nombre non négligeable de situations pédiatriques sont
à risque de MRC. Bien les connaître permet de faire les
ARA2 : antagoniste des récepteurs de l'angiotensine 2 ; IEC : inhibiteur de
l'enzyme de conversion.
examens de dépistage et de mettre en place des mesures de
néphroprotection de manière systématique. Si des s­ ituations
Chapitre 20. Néphrologie   565

à risque ne s'accompagnent pas d'une progression de la nence de l'enfant fondée sur la description clinique : inconti-
MRC à l'âge pédiatrique, le rôle du pédiatre/médecin trai- nence continue versus intermittente, nocturne pure (appelée
tant est de mettre en place des habitudes de surveillance et énurésie) versus diurne, ou mixte. Il est également intéressant
d'hygiène de vie, de les expliquer aux parents et à l'enfant de classer ces troubles en fonction du risque pour le haut appa-
pour qu'elles puissent se poursuivre à l'âge adulte reil urinaire (pyélonéphrites à répétition, insuffisance rénale).
La figure 20.4 présente l'orientation diagnostique, le risque de
complications et propose les indications d'avis spécialisé.
Troubles mictionnels
Julien Hogan Hyperactivité vésicale
L'hyperactivité vésicale (anciennement appelée « vessie
immature » ou « instable ») est le trouble mictionnel le plus
Épidémiologie fréquent chez l'enfant touchant plus de 50 % des enfants de
Les troubles mictionnels de l'enfant sont une cause fré- 5 à 7 ans. Elle se manifeste cliniquement par des épisodes
quente de consultation en pédiatrie et l'incontinence répétés d'urgences mictionnelles avec impériosité, des
­urinaire en est le principal motif. Un cycle mictionnel com- enfants courant aux toilettes ou prenant des positions ren-
plet mature comprend une phase de remplissage nécessitant forçant le sphincter (jambes croisées, accroupissement).
la contraction du sphincter vésico-urétral et l'inhibition des Les fuites sont généralement de petite quantité et sur-
contractions vésicales suivie, lorsque la vessie est pleine, viennent si l'enfant ne parvient pas aux toilettes à temps.
d'une relaxation volontaire des sphincters et d'une contrac- Des causes d'irritation vésicale sont fréquemment asso-
tion coordonnée du muscle vésical. L'âge moyen d'acquisi- ciées telles que constipation, infection urinaire, lithiase ou
tion du contrôle mictionnel diurne se situe entre 2 et 3 ans hypercalciurie et doivent être recherchées et traitées. Un
mais peut varier de 1 à 5 ans et la continence nocturne est reflux vésico-urétéral (RVU) est associé chez 20 à 50 % des
généralement acquise avant l'âge de 5 ans. patients et la prise en charge de l'hyperactivité vésicale doit
être la première étape du traitement du RVU.

Classification des troubles mictionnels Obstacles sous-vésicaux


de l'enfant On classe dans cette catégorie les obstacles organiques
L'International Children's Continence Society et l'Association comme les valves de l'urètre postérieur ou les urétéro-
française d'urologie proposent une classification de l'inconti- cèles, ainsi que les obstacles fonctionnels comme les

Incontinence urinaire/Fuites urinaires

Interrogatoire/Examen clinique – Calendrier mictionnel – Échographie rénale et voies urinaires – BU ± ECBU

Diurnes ± nocturnes Exclusivement nocturnes

Intermittentes Permanentes Période « sèche » > 6 mois

Oui Non
Pollakiurie – Dysurie – Post-
Au rire
Urgenturie À l'effort miction

Débitmétrie

Hyperactivité Obstacle Giggle Miction Uretère Énurésie Énurésie


vésicale sous-vésical incontinence vaginale et urètre secondaire primaire
fonctionnel ectopiques
ou organique
Absence de risque haut appareil urinaire

Risque haut appareil urinaire

Avis spécialisé recommandé

Fig. 20.4 Orientation diagnostique, risque de complications et indications d'avis spécialisé devant des troubles mictionnels de
l'enfant. BU : bandelette urinaire ; ECBU : examen cytobactériologique des urines.
566   Partie II. Spécialités

­ yssynergies vésicosphinctériennes (DVS parfois appelées


d ■ la forme à faible capacité vésicale définie par une réduc-
« vessie de Hinman » dans leur forme évoluée). La DVS tion de 70 % de la capacité fonctionnelle évaluée sur le
constitue le stade terminal de divers troubles mictionnels calendrier mictionnel et rapportée à la capacité ­vésicale
et touche principalement des garçons avec des fuites uri- théorique : CV ( mL ) = 30×  Âge ( années ) +1 . Cette forme
 
naires diurnes et nocturnes souvent associées à une consti- s'accompagne dans 30 % des cas d'une ­hyperactivité noc-
pation/encoprésie, des infections urinaires récidivantes et turne du détrusor.
une insuffisance rénale chronique. Des signes de maltrai- Le diagnostic d'énurésie primaire isolée est clinique ; néan-
tances et/ou de traumatismes psychologiques doivent être moins, la réalisation d'une bandelette urinaire permettant
recherchés puisqu'une association fréquente avec la DVS a de rechercher glycosurie, protéinurie et leucocyturie ainsi
été rapportée. Le diagnostic est souvent évoqué devant une que d'une échographie rénale et des voies urinaires pour
dilatation urétéro-pyélocalicielle bilatérale à l'échographie dépister une uropathie sous-jacente peuvent être proposées.
et la cystographie montre une vessie de lutte, trabéculée Un calendrier mictionnel sur 48 heures permet de confir-
et dilatée associée à un RVU. Le diagnostic différentiel mer le diagnostic et de définir l'intensité de l'énurésie :
de vessie neurologique doit être éliminé par un examen ■ modérée : < 1 épisode/semaine ;
neurologique et orthopédique complet avec notamment la ■ moyenne : 1 à 2 épisodes/semaine
recherche de signes de dysraphisme spinal (fossette sacro- ■ sévère : ≥ 3 épisodes/semaine.
coccygienne, hémangiome sacré, lipome sacré, etc.), ainsi
que la réalisation d'une IRM médullaire à la recherche Exploration
d'une anomalie de la moelle (spina-bifida, moelle attachée
basse, etc.). Anamnèse et examen clinique
Les éléments principaux à collecter sont le caractère pri-
Incontinence au rire (giggle incontinence) maire ou secondaire des troubles, la présence de troubles
C'est un trouble caractérisé par une vidange complète du transit, des antécédents d'infections urinaires à répé-
de la vessie au rire. Ce trouble mictionnel appartiendrait tition et la présence de signes urinaires associés aux fuites
au spectre de la cataplexie. Il existe une forte prédisposi- urinaires (encadré 20.6). La recherche de facteurs trauma-
tion familiale et une association avec le polymorphisme tiques ainsi que l'évaluation du contexte familial et du reten-
HLA DR2. La maladie survient principalement chez les filles tissement social des troubles mictionnel sont des éléments
autour de la puberté et peut persister jusqu'à l'âge adulte. importants.
L'anamnèse est généralement caractéristique et aucun exa- La réalisation d'un calendrier mictionnel sur 48 heures
men complémentaire n'est nécessaire. permet d'évaluer le caractère diurne et/ou nocturne des
troubles, de déterminer leur fréquence, leur intensité et
d'éventuels facteurs déclenchants. Il permet également de
Miction vaginale quantifier les apports hydriques et de calculer le volume
L'incontinence diurne intermittente post-mictionnelle chez vésical qui peut être comparé au volume vésical théorique
les filles doit faire suspecter un reflux intravaginal durant pour l'âge à la recherche d'une vessie de petite capacité.
la miction. Le surpoids et une position incorrecte durant la L'examen physique est le plus souvent normal chez les
miction sont des facteurs favorisants. Il ne s'agit pas d'un enfants présentant des troubles mictionnels. Il doit inclure
trouble mictionnel à proprement parler et sa prise en charge un examen de l'abdomen à la recherche de signes de
repose sur des mictions cuisses écartées (voire assise face constipation ou d'une vessie distendue (vessie neurologique
aux toilettes). ou valves de l'urètre postérieur), des organes génitaux et si
possible du jet mictionnel, du bas du dos à la recherche de
Énurésie dysraphisme et un examen neurologique du périnée et des
L'énurésie correspond à une incontinence nocturne après membres inférieurs. Le toucher rectal n'est généralement
l'âge de 5 ans. Une étude française récente conduite parmi pas nécessaire sauf chez le garçon présentant des troubles
3 803 enfants âgés de 5 à 10 ans retrouve une prévalence d'énu-
résie de 9,2 % et une étude américaine évalue la prévalence
d'une incontinence nocturne à 15 % des enfants de 5 ans, 10 %
des enfants de 7 ans et 3 % des adolescents. L'énurésie est dite Encadré 20.6 Symptômes diurnes
primaire si l'enfant n'a jamais eu de période de continence à rechercher
durant le sommeil d'une durée d'au moins 6 mois, et isolée s'il ■
Fréquence anormale des mictions
n'existe aucun autre symptôme, en particulier diurne, relevant ■
Incontinence diurne
du bas appareil urinaire (cf. encadré 20.6). On distingue deux ■
Impériosité mictionnelle
formes principales d'énurésie primaire isolée : ■
Faux besoins
■ la forme polyurique dont la physiopathologie en l'ab- ■
Efforts de poussées abdominales à la miction
sence de polydipsie est controversée. Chez certains de ■
Miction fractionnée
ces patients, une inversion du rythme nycthéméral de ■
Manœuvre de retenue (accroupissement, croisement des
sécrétion de l'hormone antidiurétique a été mise en jambes, agitation, etc.)
évidence. L'hypertrophie amygdalienne et le syndrome ■
Sensation de vidange vésicale incomplète, gouttes résiduelles,
d'apnée du sommeil favorisent également la polyurie cystalgie, brûlures mictionnelles, etc.
nocturne par hypercapnie ;
Chapitre 20. Néphrologie   567

secondaires évocateurs d'obstacle sous-vésical pouvant au potentiel d'amélioration spontanée, au risque de compli-
révéler un rhabdomyosarcome prostatique (ou un neuro- cations pour le haut appareil urinaire (pyélonéphrite aiguë,
blastome médian/pelvien). cicatrices rénales), ainsi qu'au retentissement social et fami-
lial de ces troubles (tableau 20.10).
Imagerie
La réalisation d'imagerie ne doit pas être systématique en cas Règles d'hygiène mictionnelle
de troubles mictionnels. En dehors des cas d'énurésie primaire La prise en charge inclut systématiquement l'éducation à
isolée, une échographie rénale et des voies urinaires est fré- des mictions régulières (5–7/j), pieds en appui sur le sol ou
quemment réalisée, permettant de rechercher des anomalies sur un marchepied, avec réducteur de siège pour les jeunes
vésicales, la présence d'une dilatation urétéro-pyélocalicielle enfants, jambes écartées, sous-vêtements totalement baissés
et un résidu post-mictionnel. En cas d'infections urinaires sans poussées abdominales.
fébriles à répétition, une scintigraphie rénale au DMSA peut
être réalisée pour rechercher des cicatrices corticales. Dans ce Hydratation et prise en charge
cas et/ou en présence d'une dilatation urétéro-pyélocalicielle,
une cystographie peut être proposée, permettant de mettre en
des troubles du transit
évidence des obstacles urétraux (comme des valves de l'urètre Lors des consultations, il est important de rappe-
postérieur) sur les clichés permictionnels et de confirmer le ler la nécessité d'une hydratation adéquate (~ 50 mL/
diagnostic de RVU. La réalisation d'une IRM médullaire n'est kg/j) et de traiter une éventuelle constipation en cor-
justifiée qu'en cas de suspicion de vessie neurologique. rigeant d'éventuelles erreurs diététiques, en augmen-
tant la quantité de fibres dans la ration alimentaire :
Quantité recommandée (g/j) = Âge (années) + 5; maximum
Examen urodynamique
20 g/j, et en ajoutant si besoin un traitement laxatif.
■ La débitmétrie permet de mesurer de façon non inva-
sive le débit et le volume total uriné, et se présente sous
Biofeedback
la forme de courbe volume/temps. Elle est généralement
couplée à une échographie permettant d'évaluer le résidu Les techniques de biofeedback reposent sur la combinaison
post-mictionnel. Elle est indiquée chez les patients pour d'exercices de renforcement du plancher pelvien avec une
lesquels le trouble mictionnel n'est pas caractérisé avec étude urodynamique et un renforcement positif. Le biofeed-
l'anamnèse et l'examen de base ou si les troubles per- back a été utilisé avec succès pour traiter des enfants présen-
sistent ou récidivent après traitement. tant des troubles mictionnels ou de l'élimination fécale, des
■ La cystomanométrie est plus invasive car elle nécessite la infections urinaires récidivantes et des RVU, en particulier
mise en place d'une sonde urétrale. Les indications sont lorsque l'anomalie sous-jacente au cours de la miction est un
posées par l'urologue pédiatre et sont principalement défaut de relaxation du plancher pelvien.
le bilan initial et le suivi des vessies neurologiques, des En général, après une évaluation urodynamique complète,
valves de l'urètre postérieur, des uropathies majeures et l'activité musculaire périnéale de l'enfant est enregistrée durant
de certains troubles mictionnels complexes. le remplissage vésical et la miction ; la contraction du plancher
pelvien est présentée sous la forme de signaux visuels ou audi-
tifs que l'enfant peut contrôler. Le but est de lui apprendre à
Traitement relaxer complètement ses sphincters pendant la miction. Ces
Dans tous les cas, la prise en charge thérapeutique doit être techniques doivent être pratiquées par des masseurs kinésithé-
adaptée au type de troubles mictionnels, à l'âge de l'enfant, rapeutes formés aux troubles mictionnels de l'enfant.

Tableau 20.10 Prise en charge thérapeutique des troubles mictionnels.


Trouble mictionnel Traitements non Traitements médicamenteux Traitements de 2e ligne
médicamenteux
Hyperactivité vésicale Hygiène mictionnelle Laxatifs si besoin Antibioprophylaxie en cas de
Traitement constipation Anticholinergiques (oxybutynine) RVU et d'infections récidivantes
Injection de toxine botulique
intradétrusorienne
Dyssynergie vésicosphinctérienne Hygiène mictionnelle Laxatifs si besoin Alphabloquants (absence d'AMM
Traitement de la constipation Anticholinergiques (oxybutynine) pédiatrique)
Biofeedback Cathétérisme intermittent
Vessies neurologiques Mictions régulières Anticholinergiques Cathétérisme intermittent
Incontinence au rire Mictions fréquentes, notamment Peu efficace Méthylphénidate (Ritaline®)
avant les événements sociaux Électrothérapie
Énurésie primaire isolée Hygiène mictionnelle Desmopressine Anticholinergiques
Thérapie de conditionnement Antidépresseurs tricycliques (hors
(alarmes) AMM)
AMM : autorisation de mise sur le marché ; RVU : reflux vésico-urétéral.
568   Partie II. Spécialités

Thérapies de conditionnement par alarme Aubert D, Berard E, Blanc JP, Lenoir G, Liard F, Lottmann H. Isolated pri-
mary nocturnal enuresis : international evidence based management.
Elles sont indiquées dans l'énurésie primaire isolée à capa- Consensus recommendations by French expert group. Prog Urol 2010 ;
cité vésicale réduite. Les premières gouttes d'urines de l'épi- 20 : 343–9.
sode énurétique ferment un circuit électrique et déclenchent Daley MF, Sinaiko AR, Reifler LM, Tavel HM, Glanz JM, Margolis KL, et al.
l'alarme entraînant le réveil. Un des parents doit accompa- Patterns of care and persistence after incident elevated blood pressure.
gner l'enfant aux toilettes, ce qui nécessite une motivation Pediatrics 2013 ; 132(2) : e349–55.
importante de la part du patient et de ses parents. L'effica- Flynn JT, Kaelber DC, Baker-Smith CM, et al. Subcommittee on scree-
cité de ce système rapportée dans la littérature est de 60 à ning and management of high blood pressure in children. Clinical
80 % après en moyenne 3 mois d'utilisation. practice guideline for screening and management of high blood
pressure in children and adolescents. Pediatrics 2017 ; 140(3). pii :
e20171904.
Principaux traitements médicamenteux Gillion Boyer O, Niaudet P, Drutz JE. Evaluation of proteinuria in children.
Anticholinergiques (oxybutynine – Ditropan®) Juin 2017.
HAS. Maladie rénale chronique de l'enfant. PNDS, décembre 2018.
Les médicaments anticholinergiques inhibent ou réduisent HAS. Syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant. PNDS, avril 2016.
l'hyperactivité vésicale. Ils augmentent le potentiel de HCSP. Vaccination des personnes immunodéprimées ou aspléniques.
contraction involontaire des cellules musculaires lisses, Recommandations actualisées, 2e édition, décembre 2014.
ce qui se traduit par un plus grand volume d'urines requis Hogg RJ, Portman RJ, Milliner D, et al. Evaluation and management of
avant la contraction de la vessie. Leurs effets secondaires proteinuria and nephrotic syndrome in children : recommendations
comprennent sécheresse buccale, constipation et troubles from a pediatric nephrology panel established at the National Kidney
neurologiques. Foundation conference on proteinuria, albuminuria, risk, assess-
ment, detection, and elimination (PARADE). Pediatrics 2000 ; 105 :
1242–9.
Desmopressine (DDAVP – Minirin®) KDIGO. 2012 Clinical practice guideline for glomerulonephritis. Kidney
La desmopressine est un analogue synthétique de l'HAD et Inter Suppl 2012 ; 2 : 1–143.
KDIGO 2012 Clinical practice guideline for the evaluation and mana-
permet l'amélioration de la concentration urinaire durant
gement of chronic kidney disease. Kidney Inter Suppl 2013 ; 3 :
le sommeil, réduisant ainsi le volume urinaire. C'est le trai- 1–150.
tement de choix de l'énurésie primaire, en particulier en Lo JC, Sinaiko A, Chandra M, Daley MF, Greenspan LC, Parker ED, et al.
cas de forme polyurique. Elle s'administre sous la forme Prehypertension and hypertension in community-based pediatric prac-
de lyophilisat oral à la posologie initiale de 120 μg/j le soir tice. Pediatrics 2013 ; 131(2) : e415–24.
avec une titration par paliers de 60 μg/j tous les 8 jours Neveus T, Eggert P, Evans J, Macedo A, Rittig S, Tekgül S, et al. Evaluation
jusqu'à 240 μg/j. La réponse à 8 semaines est définie par of and treatment for monosymptomatic enuresis : a standardization
une d­ iminution de 50 % du nombre de nuits mouillées. document from the International Children's Continence Society. J Urol
Le taux de réponse à la desmopressine est de 60 à 75 %. Le 2010 ; 183 : 441–7.
taux de rechute à l'arrêt est élevé, avec seulement 30 % de Schwartz GJ, Munoz A, Schneider MF, Mak RH, et al. New equations to
estimate GFR in children with CKD. J Am Soc Nephrol 2009 ; 20 :
réponse prolongée à 1 an, et dépendant de la capacité vési-
629–37.
cale maximale. Schwartz GJ, Schneider MF, Maier PS, et al. Improved equations estima-
ting GFR in children with chronic kidney disease using an immu-
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