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Néphrologie
Coordonné par Justine Bacchetta
PLAN DU CHAPITRE
Évaluation de la fonction rénale Syndrome hémolytique et urémique . . . . . . . . 552
et normes chez l'enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . 535 Hypertension artérielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554
Hématurie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 538 Situations à risque de maladie
Protéinurie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 542 rénale chronique (MRC) et grands
Syndrome néphrotique idiopathique . . . . . . . 544 principes de néphroprotection . . . . . . . . . . . . 561
Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse . . . . . 550 Troubles mictionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 565
Évaluation de la fonction rénale d'un patient quelle que soit sa pathologie et se fait le plus
souvent à l'aide d'examens simples. Les spécificités propres à
et normes chez l'enfant l'enfant sont cependant à prendre en compte, en particulier
Laurence Dubourg l'évolution des normes avec l'âge.
L'évaluation de la fonction rénale (filtration et fonctions
tubulaires) est nécessaire quelle que soit la pathologie de Évaluation de la filtration glomérulaire
l'enfant. Évolution du débit de filtration glomérulaire
En simplifiant, on peut considérer que les reins ont trois
fonctions principales : Le DFG évolue au cours de la vie. Ainsi le nouveau-né présente
■ une fonction d'épuration (par un phénomène de filtra- une immaturité rénale, majorée s'il est prématuré, et carac-
tion du plasma) ; térisée par un DFG très bas qui va augmenter rapidement au
■ le maintien de l'équilibre hydroélectrolytique (fonctions cours des premiers mois de la vie. De fait, le DFG rapporté à
tubulaires) ; 1,73 m2, proche de 20 mL/min/1,73 m2 à la naissance pour un
■ la régulation de la pression artérielle. nouveau-né à terme, augmente rapidement pour atteindre une
L'évaluation du débit de filtration glomérulaire (DFG, ou valeur comparable à celle de l'adulte (> 90 mL/min/1,73 m2) dès
volume de plasma filtré par unité de temps) permet de 1 à 2 ans (tableau 20.1). L'évaluation de la fonction rénale avant
connaître la fonction d'épuration globale des reins ; le DFG est l'âge de 2 ans est donc difficile en pratique.
le principal élément d'appréciation de la fonction rénale, ce qui
permet de définir l'insuffisance rénale et ses stades. Le tubule Évaluation pratique du débit de filtration
permet, par l'association de phénomènes de réabsorption et glomérulaire
de sécrétion, d'ajuster de façon très précise la composition de Idéalement, le DFG devrait être mesuré par la clairance d'un mar-
l'urine pour maintenir l'équilibre hydroélectrolytique. queur glomérulaire exogène. Cependant, ces mesures ne sont pas
L'évaluation de la fonction rénale (fonctions glomérulaire réalisées en routine et en pratique, le médecin doit utiliser d'autres
et tubulaire) est une étape indispensable à la prise en charge moyens d'évaluation du DFG.
Bandelette urinaire
NÉGATIVE
Diagnostics différentiels
Colorants alimentaires,
médicaments, pigments,
POSITIVE saignement vaginal ou digestif
BU positive leucocytes/nitrites
Autres causes (exceptionnelles)
INFECTION URINAIRE
– ECBU
– Échographie rénale et des
voies urinaires vessie pleine Coagulopathies
– Antibiothérapie
Cause urologique Cause néphrologique Münchhausen par procuration
Urines rouges, caillots Urines marron, pas de caillots Pigments
Fig. 20.1 Orientation étiologique d'une hématurie macroscopique. ACAN : anticorps antinucléaires ; ANCA : anticorps anticytoplasme
des polynucléaires neutrophiles ; ECBU : examen cytobactériologique des urines ; GNA : glomérulonéphrite aiguë ; HTA : hypertension artérielle ;
IgA : immunoglobulines A ; NFP : numération formule plaquettes.
Les autres examens d'imagerie (cystographie rétrograde, virales (adénovirus, BK virus) ou parasitaires (bilharziose)
uroscanner, IRM) sont en règle inutiles en 1re intention sauf en peuvent également être observées.
cas de traumatisme rénal récent nécessitant alors un scanner Classiquement considérées comme exceptionnelles, il
injecté en urgence après contrôle de la fonction rénale ; leur semble y avoir eu récemment une recrudescence de cas de
prescription doit être réalisée le cas échéant après avis spécialisé. bilharzioses en pédiatrie en France, avec l'arrivée d'enfants
Devant une hématurie d'origine urologique sans cause migrants. Dans ce cas, l'examen parasitologique des urines
retrouvée malgré un bilan non invasif exhaustif, la réali- sur premières urines du matin doit être sensibilisé par
sation d'une urétrocystoscopie doit être discutée avec le l'exercice physique avant analyse d'urine (montée/descente
chirurgien pédiatre. des escaliers par exemple), avec plusieurs recueils pour
infirmer le diagnostic. La sérologie anti-schistosome est
Hématurie macroscopique d'origine conseillée par l'HAS (2017) chez toute personne migrante
urologique originaire de zone endémique, devant une symptomatologie
non spécifique mais évocatrice d'une parasitose (et notam-
Cystites et urétrites hémorragiques ment dysurie, pollakiurie, hématurie). Il peut exister des
En dehors des « classiques » cystites bactériennes calcifications vésicales ou urétérales ; si une cystoscopie est
(cf. chapitre 18), des cystites mycobactériennes (tuberculose), réalisée, elle peut retrouver des aspects caractéristiques (en
540 Partie II. Spécialités
« grains de sucre » et plus tardivement en « grains d'acné » ou bilan phosphocalcique (parathormone, 25-OH-vitamine D,
en « tumeur framboisée »). En cas de bilharziose confirmée, 1-25-di-hydroxy-vitamine D) permet de chercher des
un traitement par praziquantel hors AMM en une prise signes de tubulopathie proximale mais également d'anoma-
est mis en place (40 mg/kg per os, maximum 2 400 mg, à lies du métabolisme phosphocalcique. Au niveau urinaire,
commencer au moins 3 mois après le dernier bain à risque), idéalement le calcul est analysé (morphologie, analyse en
avec un contrôle urinaire et de la sérologie 3, 6 et 12 mois spectromorphométrie infrarouge) : dans ce cas, le bilan
plus tard. Après une phase d'élévation des taux d'anticorps urinaire peut être adapté en fonction des résultats. Dans le
après traitement (du fait de la décharge antigénique consé- cas contraire, sur miction du matin, fraîchement émise, le
cutive à la lyse des schistosomes), la sérologie doit en effet se même jour que le bilan sanguin, seront dosés la créatinine,
négativer en 10 à 12 mois. La persistance d'une hématurie, le calcium, le phosphore, le sodium, la cystine, l'oxalate, le
la remontée de l'éosinophilie et la positivité des examens citrate, l'acide urique, avec le calcul du rapport composé
parasitologiques au-delà de 3 mois nécessitent la reprise du étudié/créatininurie. Chez les enfants pouvant recueillir
traitement. À noter qu'en cas d'infection à Schistosoma hae- de manière fiable leurs urines de 24 heures, cet examen est
matobium, l'ensemble de l'arbre urinaire peut être atteint, intéressant pour avoir idée du volume total, de la consom-
avec un risque d'insuffisance rénale et d'hypofertilité sur mation sodée journalière, et bien sûr de la concentration
le long terme. Après traitement et en l'absence de nouvelle et de l'excrétion des composés lithogènes. Le tableau 20.4
exposition, un suivi annuel de la fonction rénale (créatini- reprend les valeurs de référence en pédiatrie de ces princi-
némie et pression artérielle) est conseillé, avec un contrôle paux composés.
échographique annuel pendant 2 à 3 ans du fait du risque de Un examen cytobactériologique des urines (ECBU), une
séquelles (sténose urétérale notamment). bandelette urinaire (densité, pH, protéines, sang) et une cris-
Par ailleurs, les cystites d'origine toxique peuvent aussi tallurie complètent le bilan urinaire. L'analyse spectromor-
être observées, mais le contexte général est évocateur (cyclo- phométrique des calculs est très importante pour orienter
phosphamide). En cas d'hématurie initiale, une échographie le diagnostic étiologique, mais elle nécessite un biologiste
vésicoprostatique doit également être demandée chez le gar- expérimenté : des calculs de struvite ou phospho-ammoniaco-
çon, avec une urétroscopie si le bilan initial est négatif et si la magnésiens orientent vers une cause infectieuse, alors que
symptomatologie persiste. des cristaux de phosphate de calcium ou d'oxalate de calcium
dihydraté (wheddellite) orientent vers une hypercalciurie, des
Lithiase calculs de cystine vers une cystinurie, des calculs d'urate vers
La présence d'une crise de colique néphrétique n'est pas une anomalie des purines, des calculs de xanthine vers une
obligatoire, et certains enfants présentent une hématurie
macroscopique avec des douleurs abdominales mal systé-
matisées en cas de migration lithiasique. La normalité de Tableau 20.4 Valeurs de référence pour le bilan
l'échographie n'élimine pas le diagnostic, et il faut savoir de lithiase urinaire en pédiatrie.
penser à réaliser un bilan de lithiase minimum en cas de
bilan étiologique initial négatif, a fortiori si les épisodes se Bilan sur urines Calcium < 4 mg/kg/j ou
répètent. de 24 heures < 0,12–0,15 mmol/kg/j
Les calculs urinaires sont en effet de plus en plus fré- Oxalate < 40–45 mg/1,73 m2/j
quents, même en pédiatrie : 15 % de la population souf- Acide urique < 815 mg/1,73 m2/j
frira d'une lithiase au cours de la vie ! Les lithiases urinaires
Cystine < 75 mg/1,73 m2/j
peuvent être d'origine infectieuse (et notamment germes
uréasiques tels que Proteus ou moins fréquemment Kleb- Bilan sur « spot » Calcium 3,8 mmol/L = seuil de
siella), malformatives, héréditaires ou « environnementales » cristallisation
liées à de mauvaises habitudes alimentaires (et notamment Calcium/créatinine < 2,0 avant 1 an
à un excès de sel et de protéines). La survenue d'une lithiase (mmol/mmol) < 1,5 chez les 1–3 ans
est la conséquence d'un déséquilibre entre promoteurs (cal- < 1,0 chez les 3–5 ans
< 0,8 chez les 5–10 ans
cium, oxalate, acide urique, cystine, bactéries, etc.) et inhibi-
< 0,6 après 10 ans
teurs (citrate, magnésium, phosphate, uromoduline, etc.) de
la cristallisation, le tout dans un environnement dépendant Oxalate/créatinine 15–260 avant 1 an
(μmol/mmol) 11–120 chez les
du volume urinaire (seuil de cristallisation) et du pH (litho-
1–5 ans
genèse majorée des lithiases cystiniques en milieu acide ou 60–150 chez les
a contrario des lithiases infectieuses à germes uréasiques en 5–12 ans
milieu alcalin par exemple). 2–80 après 12 ans
Le diagnostic étiologique est « policier », reposant sur Acide urique/ 0,7–1,5 mmol/mmol
un interrogatoire détaillé, un bilan biologique et parfois créatinine avant 1 an
la génétique. Le bilan biologique permet de chercher des (mmol/mmol) 0,4–1,4 chez les
signes de gravité (fonction rénale) d'une part, et d'avancer 1–5 ans
dans le diagnostic étiologique d'autre part. Au niveau san- 0,26–0,56 chez les
guin, un ionogramme complet avec électrolytes (sodium, 6–11 ans
0,20–0,40 après 11 ans
potassium, bicarbonates, calcium, phosphore, magnésium,
urée, créatinine, acide urique, protidémie) ainsi qu'un Citrate/créatinine 0,3–0,7 mmol/mmol
Chapitre 20. Néphrologie 541
xanthinurie, des calculs de 2,8-dihydroxyadénine vers un le syndrome d'Alport. L'interrogatoire peut parfois rendre
déficit en adénosine-phosphoribosyltransférase (APRT), et difficile la distinction entre ces entités : même si typique-
des calculs médicamenteux vers une cause iatrogène. ment dans le premier cas, la survenue de l'épisode infec-
La prise en charge de toute lithiase repose sur l'hyperhy- tieux cutané ou ORL précède de 1 à 3 semaines l'hématurie
dratation ; des traitements spécifiques peuvent être rajoutés alors que dans les deux derniers, elle est concomitante de
en fonction de l'étiologie (alcalinisation, diurétiques thiazi- l'épisode infectieux ; le dosage du complément, avec un C3
diques, pyridoxine, dérivés sulfhydryles, etc.). abaissé en cas de GNA, peut être utile. À noter cependant
que cette baisse est transitoire, et qu'il convient donc de réa-
Traumatisme rénal et des voies urinaires liser ce dosage précocement.
Tout contexte de traumatisme abdominal doit faire recher- Le syndrome d'Alport est une maladie rénale héréditaire,
cher la présence d'une hématurie micro ou macroscopique lié à l'X dans 80 % des cas et touchant donc principalement les
et la réalisation d'une échographie doppler rénale et vésicale garçons. Il correspond à une anomalie du collagène de type IV,
à la recherche d'une contusion rénale et d'un urinome. composant principal des membranes basales. Une histoire
familiale (recherche d'hématurie chez la maman), une surdité,
des anomalies œsophagiennes et ophtalmologiques (lenticone,
Tumeurs urologiques
maculopathie) sont autant d'arguments pour cette patho-
Contrairement aux populations adultes chez qui les tumeurs logie. En cas de suspicion, une biopsie cutanée avec examen
urologiques représentent la première cause d'hématurie immunohistochimique des chaînes de collagène au niveau
macroscopique, les tumeurs urologiques sont exception- de la membrane basale dermoépidermique peut être réalisée,
nelles en pédiatrie et sont principalement représentées par le tout comme une analyse génétique. La négativité de la biopsie
néphroblastome et le rhabdomyosarcome de vessie. Du fait cutanée n'exclut cependant pas le diagnostic et, en l'absence
de leur gravité potentielle (rhabdomyosarcome de vessie par d'analyse génétique disponible, une biopsie rénale peut se
exemple), une imagerie doit être rapidement demandée, en discuter. D'autres pathologies des membranes basales glomé-
indiquant sur la demande de bien analyser la paroi vésicale. rulaires (« basalopathies ») peuvent expliquer des hématuries
familiales ; elles sont en règle considérées comme bénignes.
Urétrite juvénile Des hématuries d'origine tubulaire peuvent également
C'est une cause fréquente d'urétrorragie de l'adolescent en s'observer, notamment dans le cas des néphrites tubulo-
début de puberté, correspondant aux « règles du garçon ». interstitielles immunoallergiques. Un interrogatoire ciblé
D'un point de vue physiopathologique, il a été proposé que sur les prises médicamenteuses récentes est fondamental,
les sécrétions prostatiques acides en début de puberté lèsent et souvent l'hématurie est associée à une insuffisance rénale
l'endothélium urétral, provoquant une hématurie terminale aiguë. Des infarctus rénaux ou des nécroses papillaires sont
associée à des signes fonctionnels urinaires. Le bilan est sou- également possibles, le plus souvent chez des patients avec
vent négatif, la débitmétrie peut montrer une dyssynergie drépanocytose.
vésicosphinctérienne. Le diagnostic est confirmé à la cys-
toscopie. Il est important de surveiller ces patients au long Hématurie de la période néonatale
cours, devant le risque de sténose urétrale dans 20 % des cas.
En période néonatale, des cristaux de couleur orange dans
Uropathies obstructives la couche doivent faire évoquer des cristaux d'urate, bénins.
En revanche, toute hématurie de type glomérulaire doit faire
À l'heure du diagnostic prénatal, il est devenu exception- suspecter une thrombose des veines rénales, et ce d'autant
nel de faire des diagnostics d'uropathie obstructive devant plus qu'il existe des facteurs de risque (souffrance fœtale
une hématurie macroscopique. Cependant, c'était le mode aiguë). À l'heure du diagnostic prénatal, il est devenu excep-
de révélation classique de certaines formes de valves par- tionnel de faire des diagnostics d'uropathie sévère ou de
tielles de l'urètre postérieur et de syndrome de la jonction pathologies kystiques devant une hématurie macroscopique
pyélo-urétérale. en période néonatale.
En cas d'hématurie microscopique isolée, un suivi majorité par l'albumine. On considère que l'albuminurie
simple peut être proposé, avec un contrôle clinique et uri- est significative à partir de 30 mg/24 h. L'autre moitié des
naire 1 fois/semaine pendant 2 à 4 semaines. Si l'hématurie protéines urinaires est constituée par la protéine de Tamm-
s'amende, il n'est pas nécessaire de poursuivre les investi- Horsfall, produite au niveau du tubule distal et dont la fonc-
gations. Bien évidemment, en cas de purpura rhumatoïde tion n'est pas connue.
(cf. chapitre 27), la surveillance doit être prolongée pendant
un an après la dernière poussée cutanée, avec un espace- Détection
ment progressif du contrôle des bandelettes urinaires et une La bandelette urinaire (BU) est une bandelette réactive qui
éducation des parents à être réactif en cas d'apparition d'une permet le dépistage de la protéinurie. La réaction chimique
protéinurie. impliquée repère avant tout l'albumine, et est moins sen-
En cas d'hématurie microscopique isolée persistante, la sible pour la détection des autres protéines. Une héma-
cytologie urinaire permet de distinguer les hématuries rénales turie macroscopique, la présence d'urines concentrées, le
des hématuries urologiques. Une échographie rénale et des contact avec un antiseptique ou un pH urinaire supérieur
voies urinaires, vessie pleine, est réalisée dans tous les cas, à 8 peuvent rendre la BU faussement positive. À l'inverse,
de même qu'un rapport calcium/créatinine sur miction. Une la BU peut être faussement négative, lorsque les urines sont
bandelette urinaire est également demandée chez les parents, diluées. La BU est une méthode de dosage semi-quantitative,
pour apporter des arguments pour une hématurie familiale dont les résultats peuvent être interprétés ainsi :
bénigne ou un syndrome d'Alport ; des examens auditifs et ■ « – » = absence de protéinurie ;
ophtalmologiques peuvent être proposés, de même qu'une ■ « traces » < 0,3 g/L ;
biopsie cutanée. Un suivi trimestriel clinique (pression arté- ■ « + » < 1 g/L ;
rielle) et urinaire (notamment rapport protéine/créatinine) ■ « ++ » < 3 g/L ;
est proposé ; devant l'apparition d'anomalies, un bilan plus ■ « +++ » < 10 g/L ;
exhaustif est réalisé en fonction des points d'appel, après avis ■ « ++++ » > 10 g/L.
spécialisé. La BU ne constitue qu'un examen de dépistage : toute pro-
En cas d'hématurie microscopique associée à une pro- téinurie significative (≥ 1 croix) doit faire l'objet d'un dosage
téinurie et/ou une insuffisance rénale, la cause de cette de la protéinurie au laboratoire. L'examen de référence est
hématurie d'origine glomérulaire doit être activement et le dosage de la protéinurie des 24 heures. Cependant, en
rapidement recherchée. Une ponction-biopsie rénale est pédiatrie, il n'est pas toujours aisé de recueillir les urines
indiquée en cas d'insuffisance rénale et/ou de protéinurie de 24 heures, notamment chez les enfants non propres. Il
persistante ou néphrotique et/ou d'hypertension artérielle convient alors de réaliser le dosage de la protéinurie sur un
non expliquée persistante. échantillon urinaire, avec évaluation du rapport protéinu-
En cas d'hématurie microscopique d'origine urolo- rie/créatininurie et/ou albuminurie/créatininurie, idéale-
gique, le raisonnement est le même qu'en cas d'hématurie ment sur premières urines du matin pour s'affranchir de
macroscopique. l'orthostatisme.
rend compte d'une anomalie de la perméabilité glomérulaire La physiopathologie des œdèmes est complexe et fait
qui peut être primitive ou secondaire à des infections par- intervenir une rétention sodée par défaut intrinsèque
fois congénitales, au VIH, au diabète, au lupus érythémateux d'excrétion du sodium par le rein (natriurèse en règle
systémique, aux néoplasies, à certains médicaments et à des < 5 mmol/L), une rétention hydrique et une baisse du gra-
anomalies génétiques, entre autres. Nous n'abordons ici que dient de pression oncotique transcapillaire avec expansion
les aspects cliniques du syndrome néphrotique idiopathique du secteur extra-cellulaire aux dépens du secteur interstitiel.
(SNI) de l'enfant, ou « néphrose lipoïdique », c'est-à-dire sans
étiologie, ni dépôt d'immunoglobulines ou de complément
en immunofluorescence (IF). Modes de découverte
Le SNI représente plus de 85 % des syndromes Présentation classique
néphrotiques de l'enfant. Son incidence annuelle est de ■ Syndrome œdémateux d'installation rapide.
1–4/100 000 enfants. Elle varie avec le sexe, l'âge, l'origine ■ Facteur déclenchant : épisode infectieux (1/2 des cas),
ethnique et le lieu d'habitation. Elle est plus élevée chez les en particulier des voies aériennes supérieures, réaction
garçons avec un ratio de 1-3:1, les enfants d'origine asiatique allergique (1/3 des cas) et plus rarement piqûre d'insecte,
suggérant un déterminisme génétique, et les centres urbains vaccination, traitement ou stress psychologique.
comparés aux zones rurales suggérant le rôle de facteurs ■ Œdèmes déclives, blancs, mous, indolores, symétriques
environnementaux. Le SNI peut survenir à tout âge, mais et prenant le godet (fig. 20.2), initialement localisés au
débute le plus souvent entre 2 et 7 ans. La corticothérapie visage au réveil et aux chevilles en fin de journée puis dif-
constitue le traitement de 1re intention du SNI de l'enfant. fus avec prise de poids, jusqu'à parfois anasarque (ascite,
Deux catégories sont définies en fonction de la réponse hydrocèle et/ou épanchement pleural et/ou hernie ombi-
initiale au traitement et déterminent le pronostic : les syn- licale ou inguinale).
dromes néphrotiques corticosensibles et corticorésistants. ■ Syndrome néphrotique pur, c'est-à-dire sans hématu-
Tant que les patients répondent bien aux traitements immu- rie macroscopique, ni insuffisance rénale organique, ni
nosuppresseurs, le risque d'insuffisance rénale terminale est hypertension artérielle sévère.
faible. À l'inverse, 30–40 % des enfants avec un SNI résistant
aux corticoïdes et aux autres immunosuppresseurs évoluent
Présentations plus trompeuses
vers l'insuffisance rénale terminale après 10 ans.
■ Œdèmes palpébraux parfois asymétriques.
■ Hydrocèle parfois isolée.
Physiopathologie ■ Hypertension artérielle modérée associée (20–30 % des
La physiopathologie du SNI est encore mal comprise, cas).
mais il résulterait d'un désordre immunologique avec pro- ■ Hématurie microscopique associée (20 % des cas envi-
duction d'un facteur circulant augmentant la perméabi- ron). Une hématurie macroscopique est exceptionnelle et
lité glomérulaire, dont la nature, l'origine exacte (cellules doit faire rechercher une thrombose des veines rénales.
immunitaires ?), le mécanisme d'action et les propriétés ■ Complication inaugurale (cf. infra) : douleurs abdominales
physico-chimiques restent énigmatiques. liées à une péritonite, hypovolémie sévère, pneumopathie
Fig. 20.2 Œdèmes du syndrome néphrotique. Ils sont déclives, blancs, mous, indolores, symétriques et prennent le godet ; initialement localisés
aux chevilles en fin de journée, et au visage le matin puis diffus avec ascite, hydrocèle et/ou épanchement pleural. Boyer O, et al. Aspects cliniques
du syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant. Arch Péd. 2017 ; 24 (12) : 1338–43.
546 Partie II. Spécialités
basale ou ascite constitution rapide, dyspnée liée à un – hémostase : hypercoagulabilité fréquente (augmenta-
épanchement pleural, une volumineuse ascite, ou plus rare- tion du fibrinogène et des D-dimères, diminution de
ment une pneumopathie ou une embolie pulmonaire. l'antithrombine III).
■ Signes non spécifiques souvent présents pouvant être Il n'est pas utile de doser la cholestérolémie, ni de faire
le motif de consultation : fatigue, sensation de malaise, une électrophorèse des protéines plasmatiques : ces résul-
céphalées. tats ne sont indispensables ni au diagnostic ni aux choix
■ Découverte fortuite : d'une protéinurie ou exceptionnel- thérapeutiques.
lement d'une hypercholestérolémie.
Anatomopathologie
Diagnostics différentiels La biopsie rénale n'est indiquée qu'en cas de corticorésis-
■ Autres causes de bouffissure des paupières : allergie, tance ou de corticodépendance avant l'instauration de trai-
piqûres de moustiques. Attention de ne pas retarder le tements potentiellement néphrotoxiques.
diagnostic de SNI, d'autant plus que les corticoïdes par- ■ En microscopie électronique, la lésion constante des
fois prescrits dans ce contexte peuvent diminuer transi- podocytes est un effacement diffus des pédicelles avec
toirement les symptômes. disparition des diaphragmes de fente.
■ Causes extrarénales d'œdèmes : ■ En microscopie optique, trois types de lésions peuvent
– hépatiques (insuffisance hépatocellulaire, cirrhose, être observés :
syndrome de Budd-Chiari) ; – les lésions glomérulaires minimes : glomérules nor-
– digestives (entéropathie exsudative, lymphangiecta- maux, absence de dépôts ± dépôts mésangiaux d'IgM
sies, malnutrition), cardiaques, œdème angioneuro- non spécifiques en IF,
tique héréditaire, etc. – la prolifération mésangiale : augmentation de la
■ Autres causes de syndrome néphrotique : matrice et hypercellularité mésangiales, absence de
– infectieuses (VIH, VHB, VHC, CMV, toxoplasmose, dépôts ± dépôts mésangiaux d'IgM non spécifiques en
parvovirus B19) ; IF,
– immunitaires (lupus, vascularites à ANCA, maladie de – la hyalinose segmentaire et focale : lésion non spécifique
Berger, Goodpasture, glomérulonéphrite aiguë post- qui touche une surface limitée du glomérule (segmen-
infectieuse, glomérulonéphrite extra-membraneuse, taire), dans seulement certains glomérules (focale),
membranoproliférative, microangiopathie thrombo- caractérisée par une oblitération des anses capillaires
tique) ; par des dépôts hyalins fixant les sérums anti-IgM et
– toxiques (AINS, sels d'or). C3 et par l'hypertrophie de la matrice mésangiale,
évoluant vers la sclérose, et l'apparition d'une synéchie
Diagnostic positif floculo-capsulaire. Elle s'accompagne d'une fibrose
Le diagnostic repose sur la confirmation d'une hypoal- interstitielle et d'une atrophie tubulaire proportion-
buminémie et d'une protéinurie glomérulaire. Au cabinet nelles à la sévérité des lésions glomérulaires.
médical, il suffit de réaliser une bandelette urinaire type
Albustix® qui révèle une albuminurie supérieure à 3 croix à
confirmer par des dosages au laboratoire : Quand adresser l'enfant au pédiatre
■ albuminémie < 25–30 g/L ; néphrologue ?
■ rapport protéinurie/créatininurie sur échantillon d'urines
> 0,2 g de protéines/mmol de créatinine (ou 2 g de Un enfant atteint d'une première poussée de SNI non compli-
quée peut être pris en charge dans un service de pédiatrie non
protéines/g de créatinine, ou 200 mg/mmol). Le recueil
spécialisée. Le recours au néphrologue est indispensable lorsque
des urines de 24 heures retarde le diagnostic et n'est pas la situation est inhabituelle :
indispensable (la protéinurie serait > 50 mg/kg/24 h). ■
âge < 1 an ou > 12 ans ;
Les autres examens complémentaires ont pour objet : ■
arguments en faveur d'un diagnostic différentiel : hématu-
■ d'éliminer une autre étiologie du syndrome néphro- rie macroscopique, début progressif, hypertension artérielle
tique : sévère, signes extrarénaux, hypocomplémentémie, insuffi-
– urée et créatininémie : normaux dans le SNI non com- sance rénale, sérologie hépatite positive.
pliqué. Une insuffisance rénale fonctionnelle est toute- Une biopsie rénale est alors indiquée. Dans les autres cas, la cor-
fois possible en cas d'hypovolémie sévère, ticothérapie initiale fait office de test diagnostique.
– recherche d'une hématurie : 20–30 % des SNI ont une
hématurie microscopique, en règle < 100 000/mL,
– complément (CH50, C3, C4) : normal dans le SNI, Complications
– sérologies VHB, VHC ou VIH selon le contexte, qui Des complications surviennent au cours de 1–4 % des pous-
peuvent être associés à des glomérulonéphrites extra- sées de SNI et peuvent engager le pronostic vital. Le risque
membraneuses, membranoprolifératives, ou à la persiste à chaque poussée, lorsque l'albuminémie passe en
néphropathie associée au VIH, respectivement ; dessous de 20–25 g/L.
■ de dépister une complication : ■ Épanchement des séreuses (péritonéal, pleural, péricar-
– ionogramme sanguin : possibles fausse hyponatré- dique) : possible retentissement sur les fonctions vitales.
mie par hyperlipémie ou hyponatrémie de dilution si ■ Hypovolémie : difficile à diagnostiquer cliniquement,
< 135 mmol/L, elle doit être suspectée devant des douleurs abdominales,
Chapitre 20. Néphrologie 547
Corticothérapie
alternée Corticothérapie alternée
décroissante + CsA/FK 6 mois
MMF
Lévamisole
ou MMF
Corticothérapie courte CsA/FK
à chaque rechute
ou alternée 12–18 mois
Rituximab
Fig. 20.3 Traitement du syndrome néphrotique idiopathique. ARA2 : antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 ; CsA : ciclosporine ;
FK : tacrolimus ; IEC : inhibiteurs de l'enzyme de conversion ; MMF : mycophénolate mofétil.
■ Vaccins sous-unitaires (DTpolio) risquant d'être « asso- ■ Traitements symptomatiques et adjuvants (cf. supra).
ciés » à une rechute du SNI, à effectuer dans une période ■ Triamcinolone (Kenacort retard®) intramusculaire (hors
« calme » de la maladie, à distance d'une rechute récente AMM) en cas de mauvaise observance à la prednisone.
ou pendant une rechute. Les effets indésirables des corticoïdes dans le SNI sont
La prévention des complications repose principalement sur ceux classiquement décrits avec ces traitements : syndrome
la détection précoce des rechutes et donc sur la surveillance cushingoïde avec vergetures pourpres, acné, surcharge pon-
régulière des BU par les parents au domicile dont les résul- dérale et obésité, trouble de l'humeur et modification du
tats sont consignés dans un carnet. Les parents doivent pré- comportement, ralentissement de la vitesse de croissance,
venir le médecin rapidement en cas de rechute. Les autres dyslipidémie, HTA, diabète, ostéoporose, toxicité gastrique,
mesures portent sur l'éviction des facteurs allergènes, la cataracte, glaucome, ostéonécrose aseptique de la tête du
pratique d'une activité physique régulière et l'éviction des fémur et hypertension intracrânienne. Les retards de crois-
foyers infectieux chroniques, un soutien psychologique en sance s'observent principalement avec des doses supérieures
cas de besoin, une demande de prise en charge à 100 % et la à 0,5 mg/kg/j. Le traitement à dose alternée pourrait dimi-
mise en place d'un PAI. nuer le retard statural. La prévention des complications
cortico-induites repose sur la limitation des doses et durées
de traitement par corticoïdes soit en visant une dose mini-
Évolution male efficace, soit en utilisant les traitements d'épargne
À l'issue de la corticothérapie initiale, 3 situations sont cortisonique.
possibles : En cas de rechutes fréquentes ou de corticodépendance,
■ une rémission complète (SNI corticosensible, 85 %) : des traitements d'épargne cortisonique doivent être utilisés :
protéinurie/créatininurie < 0,02 g/mmol (ou 0,2 g/g) lévamisole, mycophénolate mofétil, ciclosporine ou tacro-
ou protéinurie < 5 mg/kg/j, qui survient dans un délai limus (inhibiteurs de la calcineurine), cyclophosphamide
médian de 11 jours. Vingt à trente pour cent des enfants (agent alkylant) ou rituximab. Cependant, il n'existe pas de
n'auront aucune rechute, 70–80 % rechuteront : de façon consensus international sur la place de chaque médicament.
espacée (10–20 % des SNI) ou fréquente (2 rechutes en Un néphrologue pédiatre doit être sollicité lors de la pres-
6 mois ou 4 en 1 an). On parle de SNI corticodépendant : cription des traitements adjuvants afin de définir la straté-
– lorsque la rechute survient lors de la décroissance de gie d'épargne cortisonique et d'évaluer les bénéfices et les
la corticothérapie ou moins de 3 mois après son arrêt risques de chacune de ces prescriptions.
selon la définition française,
– après deux rechutes sous corticothérapie ou dans
les 15 jours suivant l'arrêt selon la définition
internationale.
Prise en charge des SNI corticorésistants
Le plus souvent, les rechutes sont fréquentes au début de ou en rémission partielle
la maladie puis diminuent au fil des années et la maladie ■ Biopsie rénale pour éliminer un diagnostic différentiel.
finit par s'éteindre. Néanmoins, chez certains patients ■ Étude génétique : > 30 % des SNI corticorésistants ont
dont la maladie a été particulièrement précoce et active, une cause génétique et ne répondent pas aux immuno-
le risque de rechute persiste à l'âge adulte (15 à 45 % selon suppresseurs (mutations du gène NPHS2 codant la podo-
les études). De façon exceptionnelle, une corticorésis- cine et > 40 autres gènes connus). En cas de résistance à
tance peut apparaître secondairement ; l'ensemble des traitements, l'évolution vers l'insuffisance
■ une rémission partielle : diminution franche du débit de rénale terminale devient inéluctable.
protéinurie par rapport au niveau initial avec une albu- ■ Inhibiteurs de la calcineurine en association à la corti-
minémie > 30 g/L ; cothérapie alternée : ciclosporine (Néoral®) 5 mg/kg/j
■ une absence de rémission : SNI corticorésistant avec (150 mg/m2/j) en 2 prises, ou tacrolimus 0,1 mg/kg/j
rapport protéinurie/créatininurie > 0,2 g/mmol (ou en 2 prises, pendant au moins 6 mois, et plus en cas de
2 g/g) ou protéinurie > 50 mg/kg/j, associée à une albu- rémission au moins partielle.
minémie < 30 g/L (8 jours après la corticothérapie orale Le principal effet indésirable est la néphrotoxicité des traite-
et les perfusions de Solumédrol® – méthylprednisolone). ments utilisés dans ces situations, qui est corrélée à la durée
Le pronostic est de 50 % d'IRT à 10 ans d'évolution avec du traitement et à la dose. Les autres effets indésirables sont
30 % de récidive du SNI sur le greffon. l'HTA, les dyslipidémies, la neurotoxicité, l'hypertrichose,
l'hyperplasie gingivale pour la ciclosporine et l'alopécie et
le diabète pour le tacrolimus. La surveillance comprend le
Traitement des rechutes suivi régulier de la pression artérielle, de la fonction hépa-
et des SNI corticodépendants tique, de l'hémogramme, de la fonction rénale et de la kalié-
■ Rechutes survenant > 3 mois après l'arrêt de la cortico- mie du taux résiduel ou du taux à 2 heures (ciclosporine)
thérapie : prednisone orale à 60 mg/m2/j jusqu'à 3-7 jours après administration. Les familles doivent être prévenues de
après négativation de la protéinurie, puis décroissance l'interférence possible avec le pamplemousse, l'orange san-
progressive en corticothérapie alternée et arrêt en 1 mois. guine, la grenade ou certains médicaments, notamment les
■ Rechutes survenant sous traitement ou < 3 mois après macrolides ou certains anticonvulsivants.
l'arrêt : prednisone à la dose minimale efficace, puis ■ En cas de ciclo/tacro-résistance, une intensification
décroissance jusqu'à la dose seuil de corticodépendance thérapeutique et/ou un traitement symptomatique par
à poursuivre pendant 12 à 18 mois sans rechute, avant de bloqueurs du système rénine – angiotensine sont discutés
tenter une diminution puis un arrêt des corticoïdes. avec le spécialiste.
550 Partie II. Spécialités
■ Les traitements symptomatiques à discuter incluent du streptocoque dans la gorge, sur la peau et l'étude des
diurétiques, hypolipémiants (hors AMM) et hormones anticorps antistreptococciques. L'élévation des anticorps
thyroïdiennes, perfusion d'immunoglobulines, antibio- antistreptococciques n'est pas constante et constitue plus
prophylaxie par pénicilline orale. une preuve de contact avec un streptocoque que de la rela-
tion entre le streptocoque et la GNA.
Conclusion
Le syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant n'est Physiopathologie
pas exceptionnel et doit être évoqué devant des œdèmes Sur le plan physiopathologique, au moment de l'infection
uni- ou bilatéraux déclives. Les complications, fréquentes et streptococcique, un ou plusieurs antigènes streptococ-
variées, peuvent engager le pronostic vital à chaque rechute. ciques ayant une affinité pour les structures glomérulaires
La plupart des enfants répondent aux corticoïdes et gardent se déposent dans les glomérules pendant la phase précoce
une fonction rénale normale. La moitié deviennent cortico- de l'infection. On parle d'antigènes plantés. Dix à 14 jours
dépendants ou rechuteurs fréquents, ce qui les expose aux après, lorsque l'hôte développe ses anticorps contre les anti-
effets secondaires des corticoïdes et autres immunosup- gènes bactériens, ces anticorps se lient aux antigènes plan-
presseurs. Les enfants qui ne répondent à aucun traitement tés. Au même moment, des complexes immuns circulants
immunosuppresseur évoluent vers l'insuffisance rénale viennent se déposer dans les glomérules et participer aux
terminale, avec un risque de récidive de la maladie sur le lésions inflammatoires.
greffon de 30–40 % (faible en cas de cause génétique, jusqu'à Ainsi, la lésion inflammatoire responsable de la gloméru-
98 % dans les SNI secondairement corticorésistants). Le lonéphrite aiguë est secondaire à la mise en jeu de l'immu-
suivi se fait en étroite collaboration entre le médecin de ville nité humorale avec production d'anticorps et de dépôts de
et le néphrologue pédiatre. complexes antigènes – anticorps solubles sur la paroi capil-
laire des glomérules et activation du complément.
Glomérulonéphrite aiguë
post-infectieuse Présentation clinique
Justine Perrin, Caroline Rousset-Rouvière, Les manifestations cliniques sont stéréotypées. Il s'agit le
Michel Tsimaratos plus souvent d'un garçon d'âge scolaire, qui se présente pour
une altération brutale de son état de santé. Une fébricule,
La glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse (GNA) est un
une fatigue inhabituelle et des lombalgies sourdes apparues
orage dans un ciel calme. Il s'agit de la forme la plus classique
brutalement s'accompagnent d'urines « bouillon sale », en
du syndrome néphritique. Elle se caractérise par la survenue
raison d'une hématurie le plus souvent macroscopique. En
brutale d'une hématurie souvent macroscopique, d'une pro-
quelques jours, le volume d'urine diminue jusqu'à l'oligurie,
téinurie et d'une rétention hydrosodée qui se manifeste par
entraînant une hypertension et des œdèmes du visage et
une hypertension artérielle (HTA). Il existe parfois un véri-
des membres inférieurs. La rétention hydrosodée se traduit
table syndrome œdémateux, et une altération de la fonction
rapidement par une prise de poids et une HTA qui peut être
rénale. L'anamnèse retrouve un épisode infectieux qui précède
sévère. Une protéinurie glomérulaire est presque toujours
le début de la GNA. Il s'agit le plus souvent d'une infection
retrouvée. Parfois, elle peut s'accompagner d'un véritable
streptococcique. Les manifestations cliniques et biologiques
syndrome néphrotique.
sont secondaires à une inflammation aiguë, non suppurative,
Mais au moins 50 % des enfants sont asymptomatiques
diffuse et généralisée des glomérules des deux reins.
et présentent seulement des anomalies détectées par un exa-
men des urines. D'autres ont des manifestations plus sévères,
Épidémiologie comme un épanchement des séreuses, une insuffisance car-
L'incidence de la GNA est inconnue. Elle est sous-estimée diaque congestive, voire un œdème aigu pulmonaire, avec
dans les statistiques, en raison d'un grand nombre d'enfants peu ou pas d'anomalies significatives des urines. Le tableau
légèrement affectés qui échappent au diagnostic. Elle est clinique est variable, mais les formes les plus dramatiques
plus fréquente dans les pays en voie de développement. comportent un risque vital immédiat.
Le risque global du développement d'une GNA après une
infection par un streptocoque « néphritogène » est d'environ
15 %. Le plus souvent, la GNA se manifeste 1 à 3 semaines Biologie
après un épisode infectieux streptococcique ORL (angine, Les premiers examens biologiques confirment l'hématurie et
otite, sinusite) ou 3 à 6 semaines après une infection cutanée quantifient la protéinurie. Ils peuvent révéler une insuffisance
(impétigo, pyodermite). L'agent infectieux le plus souvent rénale par l'élévation de l'urée et de la créatinine sanguines. Il
responsable est un streptocoque β-hémolytique du groupe A n'y a pas d'infection urinaire, mais on note fréquemment la
mais d'autres agents peuvent être en cause : bactériens (sta- présence de cylindres hématiques dans les urines, traduisant
phylocoque, méningocoque, pneumocoque, Haemophilus), l'origine glomérulaire de l'hématurie. L'étude du complé-
viraux (rougeole, varicelle, Epstein-Barr Virus, Coxsackie, ment retrouve un effondrement du CH50 et de la fraction
cytomégalovirus), et parasitaires ou fongiques. C3, qui doit se normaliser dans les 8 semaines après la mani-
La démonstration de l'origine post-streptococcique de la festation initiale. La baisse de la fraction C4 peut également
GNA n'est pas indispensable. Elle repose sur la recherche se voir mais elle est plus précoce et transitoire.
Chapitre 20. Néphrologie 551
Le meilleur élément du pronostic à long terme semble fécal). Après une phase asymptomatique d'une durée de
être la sévérité de l'atteinte histologique initiale. La pratique 3 à 7 jours apparaissent des troubles digestifs à type de diar-
des biopsies rénales a clairement montré que plus la prolifé- rhées, de vomissements et de douleurs abdominales. Ces
ration extracapillaire est importante, plus le tableau clinique manifestations sont liées à la toxicité de la shigatoxine sur
initial est sévère, et plus le risque de séquelles est grand. Si les l'entérocyte. La toxine peut ensuite passer dans la circulation
évolutions défavorables ne s'observent que dans les cas où il générale et déclencher un SHU, ce qui est le cas chez 10 % des
existe des « croissants » d'emblée, en revanche, la présence de patients pédiatriques, 3 à 5 jours après les signes digestifs. La
croissants ne signifie pas toujours un pronostic défavorable. shigatoxine pénètre les cellules endothéliales des organes cibles.
L'évolution reste favorable dans la grande majorité des cas Elle induit une réaction inflammatoire locale avec un afflux de
et l'insuffisance rénale chronique est rare, même si la protéi- polynucléaires neutrophiles et macrophages, ainsi qu'une acti-
nurie et l'hématurie peuvent persister plusieurs semaines. vation locale du complément entraînant des troubles circula-
L'évolution à long terme fait l'objet de controverses. Le taux toires à l'origine de lésions de microangiopathie thrombotique.
de séquelles varie de 0 à 60 % suivant les séries et plusieurs
facteurs, parmi lesquels l'HTA et la protéinurie, peuvent expli- Clinique
quer ces différences. La plupart des études concernent les GNA Les signes cliniques sont aspécifiques. L'interrogatoire
post-streptococciques, et il est possible que les GNA en rapport retrouve la notion de symptômes digestifs préalables : diar-
avec d'autres agents infectieux aient un pronostic différent. rhée pouvant être glairosanglante dans 50 % des cas, dou-
leurs abdominales et vomissements. Ces signes digestifs
Conclusion peuvent s'être amendés au moment du diagnostic de SHU.
La GNA post-infectieuse est la cause la plus fréquente de La présence d'une surcharge volémique chez un patient pré-
syndrome néphritique de l'enfant. Si les formes les plus fré- sentant un tableau de gastro-entérite doit faire évoquer le
quentes sont de bon pronostic et ne justifient qu'un traite- diagnostic de SHU. L'enfant présente fréquemment un syn-
ment symptomatique, il ne faut pas négliger les formes plus drome anémique avec une pâleur, une tachycardie, un ictère
sévères, qui portent le risque de séquelles et imposent une secondaire à l'hémolyse. Une surcharge hydrosodée peut
surveillance à long terme. être présente avec des œdèmes modérés.
Prise en charge thérapeutique sensibiliser les patients sur la nécessité d'un suivi à vie avec
Il s'agit d'une urgence pouvant engager le pronostic vital. une surveillance annuelle de la pression artérielle associée
La prise en charge d'un SHU est hospitalière et doit systé- à un dépistage de protéinurie, ainsi que sur les mesures
matiquement se faire en association avec un néphrologue de néphroprotection élémentaire à respecter (cf. infra
pédiatre. Elle reste à ce jour principalement symptomatique. Situations à risque de maladie rénale chronique et grands
La prise en charge consiste à : principes de néphroprotection dans ce chapitre). Un bilan
■ rétablir une volémie correcte. En cas de déshydratation biologique avec une évaluation du débit de filtration glomé-
sévère, une correction de la volémie est nécessaire sous rulaire sera réalisé tous les 2 à 3 ans en l'absence d'anomalie.
monitoring cardiovasculaire en structure adaptée (réani-
mation ou unité de soins continus). Des études récentes SHU secondaires
ont montré qu'un remplissage adéquat du patient per- Ils ne représentent qu'une petite partie des SHU pédia-
mettait de réduire drastiquement la survenue de formes triques (entre 1 et 2 %). Les étiologies sont décrites dans
sévères, et le risque de séquelles rénales à 1 an. Les solu- l'encadré 20.3. Il est nécessaire de traiter l'étiologie, notam-
tés de perfusion doivent être adaptés aux résultats de ment d'arrêter les traitements pouvant être à l'origine d'un
l'ionogramme sanguin ; l'utilisation de solutés standards SHU (anticalcineurines, antipaludéens) ou, au contraire,
doit être proscrite en raison du risque d'hyperkaliémie ; d'instaurer un traitement immunosuppresseur dans le cadre
■ relancer la diurèse en cas d'anurie, en utilisant du furosémide. d'un SHU lié à un lupus.
L'utilisation d'antihypertenseur (inhibiteurs calciques et furo-
sémide) peut être nécessaire. En cas de surcharge hydrosodée, SHU à pneumocoque
de troubles ioniques sévères et d'insuffisance rénale anurique, Il s'agit d'une complication rare d'une infection à pneu-
une épuration extrarénale doit être mise en place ; mocoque. Les SHU à pneumocoque représentent 5 %
■ corriger l'anémie par transfusion de culots globulaires en des SHU pédiatriques. Sur le plan physiopathologique,
cas d'anémie mal tolérée cliniquement. Il n'y a pas lieu de certains types de pneumocoques sécrètent une neura-
transfuser des plaquettes quel que soit le degré de throm- minidase coupant l'acide sialique des glycoprotéines des
bopénie en l'absence de syndrome hémorragique ou de globules rouges, des plaquettes et des cellules endothé-
geste invasif. liales. Ceci a comme conséquence la mise en évidence de
L'utilisation d'antibiotiques bactéricides est classiquement l'antigène T cryptique de Thomsen-Friedenreich contre
déconseillée en raison du risque d'aggravation du SHU (acti- lequel va réagir un anticorps de type IgM anti-T entraî-
vation de production de shigatoxine et relargage massif lors nant une cascade d'activation aboutissant à une microan-
de la lyse bactérienne). Certains travaux amènent cependant giopathie thrombotique. La prise en charge consiste en
à considérer l'utilisation de l'azithromycine pour son effet une antibiothérapie antipneumococcique adaptée et aux
bactériostatique et antitoxinique. Le SHU à Shigella néces- mesures générales décrites précédemment. Dans le cas
site quant à lui une antibiothérapie systématique en raison d'un SHU à pneumocoque, tous les produits sanguins
de la gravité du tableau digestif et du risque de transmission
de l'infection. La réalisation d'échanges plasmatiques peut
être discutée en cas de forme avec atteinte neurologique,
néanmoins leur efficacité n'a pas été clairement démontrée. Encadré 20.3 Étiologies des syndromes
L'utilisation d'inhibiteur de la fraction C5 du complément est hémolytiques et urémiques secondaires
également réservée aux formes sévères (atteinte neurologique
et cardiaque). Son efficacité n'a pas été clairement démontrée. ■
Origine médicamenteuse : anticalcineurines, évérolimus,
gemcitabine, mitomycine
■
HTA maligne
Suivi et devenir des patients ■
SHU à pneumocoque
■
Infections virales : VIH, grippe H1N1, (CMV, HHV6, parvovirus
Le taux de mortalité d'un SHU post-diarrhée est de l'ordre de
B19)
1 à 2 %. Ce taux passe à 10 % en cas d'atteinte neurologique. ■
Pathologie auto-immune : lupus systémique, syndrome des
Concernant le devenir à long terme, les SHU dans leur
anticorps antiphospholipides, dermatomyosite
ensemble représentent entre 3 et 5 % des insuffisances ■
Néphropathies préexistantes : glomérulonéphrites à dépôts
rénales terminales pédiatriques. Entre 20 et 40 % des
de C3, glomérulonéphrites membranoprolifératives (ANCA,
patients présentent des séquelles rénales à 1 an de suivi
à anticorps antimembrane basale glomérulaire)
(insuffisance rénale, protéinurie et/ou hypertension arté- ■
Grossesse (HELLP syndrome)
rielle). Il est important de noter que les lésions rénales du ■
Greffe de cellules-souches hématopoïétiques
SHU peuvent être sous-évaluées sur les bilans de suivi. En ■
Tumeurs solides et lymphomes
effet, malgré une réduction néphronique conséquente, les ■
Post-transplantation organes solides (rein, poumon, cœur et
bilans cliniques et biologiques peuvent être normaux dans
intestin)
les premières années de suivi. Une étude sur le suivi à long
terme des SHU post-diarrhée a mis en évidence que plus ANCA : Antineutrophil Cytoplasmic Antibodies ; CMV : cytomégalovirus ;
de 2/3 des patients présentaient des signes d'atteinte rénale HELLP : Hemolysis, Elevated Liver enzymes and Low Platelet count ; HHV6 :
(HTA, protéinurie et/ou insuffisance rénale) à 20 ans de Human Herpes Virus 6 ; HTA : hypertension artérielle ; SHU : syndrome hémo-
lytique et urémique ; VIH : virus de l'immunodéficience humaine.
l'épisode initial. Il est donc particulièrement important de
554 Partie II. Spécialités
doivent être déplasmatisés (risque d'aggravation en cas dépendant du type de mutation mis en évidence, particuliè-
de transfusion de plasma) tant que le test T est positif. Les rement important en cas de mutation du FH.
échanges plasmatiques sont contre-indiqués. Il a été noté
une activation de la voie alterne du complément ; l'utili- Prise en charge thérapeutique
sation d'un inhibiteur de C5 peut être discutée dans les En complément du traitement symptomatique, l'utilisation
formes sévères. d'un inhibiteur de la fraction C5 du complément (éculizu-
mab) constitue le traitement de 1re intention des SHU aty-
SHU par déficit en CblC (anomalie piques en pédiatrie. Les échanges plasmatiques, bien que
du métabolisme de la vitamine B12) leur efficacité n'ait jamais été formellement démontrée,
La cobalamine (vitamine B12) est une coenzyme de la restent recommandés chez les adultes. La seule indication
méthionine-synthase et de la méthylmalonyl-CoA-mutase, pédiatrique des échanges plasmatiques en 1re intention reste
respectivement impliquées dans la production de méthio- les SHU atypiques avec présence d'anticorps anti-FH. Les
nine à partir de l'homocystéine, et de succinyl-CoA à partir échanges sont couplés à des traitements immunosuppres-
du méthylmalonyl-CoA. Des anomalies en cobalamine C seurs (corticothérapie, mycophénolate mofétil ou cyclo-
sont responsables d'une dysfonction enzymatique amenant phosphamide et rituximab dans les formes sévères).
à une acidémie méthylmalonique avec hyperhomocystinu- L'inactivation du complément induite par l'éculizumab
rie. Vingt-cinq pour cent de ces patients peuvent présenter augmente le risque d'infection invasive à germes encapsulés
un SHU et ce, dès la période néonatale. Le traitement spé- (méningocoques et gonocoques). Une vaccination antiménin-
cifique consiste en une supplémentation en vitamine B12, gococcique élargie (vaccination méningococcique protéique B
L-carnitine, acide folique et bétaïne à débuter d'urgence. [Bexsero®] et polyosidique conjuguée tétravalente ACWY)
doit être réalisée avant la mise en place du traitement et une
SHU atypiques antibioprophylaxie par phénoxyméthylpénicilline (Oracilline®)
instaurée. Les données actuelles ne permettent pas de montrer
Dans la classification des SHU revue en 2016, seuls les l'efficacité de l'éculizumab dans les SHU avec mutation DGKE.
SHU avec une anomalie de régulation de la voie alterne du
complément et les SHU par mutation DGKE sont consi- Évolution et suivi
dérés comme atypiques. Ils représentent 5 % des SHU
pédiatriques (prévalence de l'ordre de 0,1/1 000 000 enfants L'utilisation de l'éculizumab a permis de profondément
< 16 ans). Leur pronostic est plus sombre. L'étude de la modifier le pronostic des SHU atypiques. Avant l'ère de
cohorte nationale de SHU atypiques a mis en évidence un l'éculizumab, 30 % des patients avec un SHU atypique pré-
taux de mortalité à 6 % et un risque d'évolution vers l'insuf- sentaient une insuffisance rénale terminale 1 an après la pre-
fisance rénale terminale estimé à 16 %. Contrairement au mière poussée contre 9 % des patients traités désormais par
SHU post-diarrhée, les SHU atypiques présentent un risque éculizumab.
élevé de récurrence. Le traitement par éculizumab peut être arrêté dans cer-
tains cas (âge > 3 ans, récupération ad integrum sur le plan
Physiopathologie rénal, type de mutation mise en évidence) avec cependant un
risque de nouvelle poussée. Les patients avec une mutation
La voie alterne du complément est régulée au moyen de du FH ont le plus fort taux de rechute (60 % à 2 ans). L'édu-
protéines activatrices (facteur B, C3-convertase) ou inhibi- cation de l'enfant et de ses parents est absolument nécessaire
trices (facteur H, facteur I, CD46 membranaire ou MCP). pour dépister précocement une poussée et permettre la prise
La mutation d'un gène codant pour une de ces protéines en charge thérapeutique en urgence. Le délai entre le diag
ou l'acquisition d'anticorps dirigés contre l'un de ces fac- nostic et la mise en place du traitement par éculizumab est
teurs (par exemple anticorps anti-FH) entraîne une activa- en effet inversement corrélé au degré de récupération de la
tion pathologique de la voie alterne du complément avec, fonction rénale. En cas d'évolution vers l'insuffisance rénale
comme conséquence, des lésions endothéliales à l'origine de terminale, la réalisation d'une greffe rénale sous couvert
la microangiopathie thrombotique. DGKE est une kinase d'éculizumab est recommandée en 1re intention du fait du
présente dans les cellules endothéliales. La perte de fonc- risque de SHU sur le greffon (> 90 % en cas de mutation du
tion de DGKE entraîne une activation de certaines voies FH, du C3 ou du FB).
de signalisation induisant un état pro-inflammatoire et
prothrombotique de la cellule endothéliale responsable de la
microangiopathie thrombotique et ceci, indépendamment Hypertension artérielle
de l'activation du complément.
Corentin Tanné, Bruno Ranchin
Clinique L'hypertension artérielle (HTA) est une entité mal connue
Tout SHU avant l'âge de 6 mois doit être considéré comme et peu fréquente en pédiatrie. Il est important de dépister
un SHU atypique ou secondaire à un déficit en cobala- l'HTA chez tous les enfants, la mesure de pression artérielle
mine, le SHU post-diarrhée étant rarissime avant cet âge (PA) devant être un élément indispensable de l'examen
(40 cas décrits sur les 15 dernières années en France). Il est pédiatrique. La découverte d'une HTA doit conduire à la
à noter que l'ensemble des patients rapportés avec un SHU réalisation d'un bilan à la recherche d'une cause secondaire
DGKE ont fait leur première poussée avant l'âge de 1 an. car l'HTA essentielle est bien plus rare en pédiatrie que chez
La singularité des SHU atypiques est le risque de récidive l'adulte et il s'agit d'un diagnostic d'élimination.
Chapitre 20. Néphrologie 555
Chez les adolescents, une HTA même modérée peut être ■ antécédents familiaux de maladie rénale ;
la première manifestation d'une HTA essentielle de l'adulte ■ transplantation d'organe ou de tissus ;
et peut favoriser l'apparition de lésions d'athérosclérose ou ■ néoplasie ;
d'une hypertrophie ventriculaire gauche. ■ toute maladie de système ;
■ hypertension intracrânienne ;
Définition ■ prise de médicaments connus pour élever la PA.
La méthode de mesure de la pression artérielle est essen-
En pédiatrie, les valeurs normales ont été établies sur des tielle. Elle se fait au niveau du bras, chez un enfant au repos
populations différentes permettant d'établir des courbes depuis au moins 5 minutes et en position assise ou couchée.
en fonction du sexe, de l'âge et de la taille de l'enfant mais La méthode de référence reste la mesure au brassard auscul-
doivent être adaptées aux populations étudiées ; elles ont été tatoire (sphygmomanomètre) mais le stéthoscope doit être
mises à jour récemment en Europe, et aux États-Unis. en regard de l'artère humérale et ne pas être comprimé par le
Les recommandations européennes de 2016 définissent brassard. La méthode oscillométrique automatisée est de plus
chez l'enfant de moins de 16 ans une normotension si en plus fréquemment utilisée. Le brassard doit être adapté à
les chiffres de PA systolique et diastolique sont inférieurs la taille de l'enfant pour encercler au moins 80 % de la circon-
au 90e percentile et une pré-hypertension entre les 90e et férence du bras et recouvrir les 2/3 de la longueur épaule –
95e percentiles pour la taille et le sexe. Chez l'enfant âgé de coude (acromion – olécrâne). Il est important de prendre au
plus de 16 ans, les normes sont celles de l'adulte : normale infé- moins 3 mesures et de ne garder que la mesure la plus basse.
rieure à 130/85 mmHg, pré-hypertension entre 130 et 139 et En l'absence d'accès aux courbes de référence, certains sites
85 et 89 mmHg et hypertension au-dessus de 139/89 mmHg. proposent le calcul direct des percentiles de PA systolique et
L'HTA en pédiatrie est définie par des chiffres supérieurs au diastolique en utilisant les courbes de référence américaines, et
95e percentile pour la taille, à au moins 3 reprises. notamment le site du Baylor College of Medicine (https://www.
Une hypertension est dite : bcm.edu/bodycomplab/Flashapps/BPVAgeChartpage.html).
■ de stade 1 si la PA systolique et/ou diastolique est entre La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA,
les 95e et 99e percentiles + 5 mmHg ; holter tensionnel) peut être proposée à partir de l'âge de
■ de stade 2 si la PA est supérieure au 99 e percentile 5–6 ans et doit être interprétée selon des valeurs normales
+ 5 mmHg. de PA ambulatoire. Cette technique permet de mesurer la
PA toutes les 20 minutes la journée et toutes les 30 minutes
Épidémiologie la nuit. Le holter tensionnel est utilisé pour confirmer une
HTA limite, dépister « l'effet blouse blanche » (PA anormale
La prévalence de l'HTA en pédiatrie est difficile à définir. En
en consultation, normale à domicile) ou une HTA masquée
effet, 3 à 5 % des enfants sont « statistiquement » hypertendus
(PA normale en consultation, anormale à domicile) et véri-
si l'on considère l'HTA comme définie par une PA au-dessus
fier l'efficacité d'un traitement antihypertenseur.
du 95e percentile. Cette définition est sûrement éloignée de
la réalité car cela correspondrait à plus de 650 000 enfants
hypertendus en France (sur la base de 13,5 millions de Évaluation
mineurs sur le territoire). La répétition des mesures permet Une HTA chronique ou sévère peut avoir des répercussions
de mettre en évidence l'effet « blouse blanche » et d'obtenir dramatiques et engager le pronostic vital. Une évaluation
des PA normales lors du contrôle. L'HTA confirmée (après clinique, biologique et radiologique est indispensable au
plusieurs consultations) est évaluée à 0,3 % des enfants moment de la découverte d'une HTA.
consultant en ville, ce qui correspond plus à la réalité cli- Malgré tout, l'HTA est souvent asymptomatique et de
nique en néphrologie pédiatrie. Ainsi, Daley et al. ont éva- découverte fortuite lors d'une prise de PA systématique ou
lué la prévalence de l'HTA à 1,4 % après la 3e consultation dans le cadre de la surveillance d'un enfant à risque.
alors qu'elle était de 8,4 % après la 1re consultation, ce qui
confirme l'intérêt de répéter les mesures et les consultations. Retentissement clinique
Aux États-Unis, la prévalence de l'HTA a significative-
ment augmenté depuis les années 1980, du fait notamment Une HTA chronique non traitée peut engendrer un retard de
de l'augmentation de la prévalence de l'obésité chez l'enfant croissance staturo-pondérale et la réalisation d'une courbe
qui a doublé entre les années 1960 et 1990. Il apparaît donc de croissance staturo-pondérale est indispensable. Clinique-
qu'une harmonisation de la définition de l'HTA est nécessaire, ment, l'HTA peut se manifester par des céphalées, des épis-
d'autant plus que le risque d'HTA augmente chez les patients en taxis, des bourdonnements d'oreilles, des malaises lors de
surpoids/obèses. l'effort physique. L'HTA sévère peut entraîner des douleurs
abdominales, des vomissements, une anorexie, une cassure
de la courbe staturo-pondérale, une polyuropolydipsie, une
Modalités de mesure paralysie faciale récidivante.
La mesure de la PA fait partie de l'examen clinique de l'en- Enfin, elle peut être révélée par une complication : défail-
fant dès l'âge de 3 ans ou avant 3 ans lors du suivi dans des lance cardiaque avec œdème aigu pulmonaire, baisse de
situations particulières : l'acuité visuelle, convulsions, coma et éventuellement signes
■ antécédents de prématurité ou de RCIU, soins intensifs déficitaires par œdème et/ou hémorragie cérébral(e). Chez
en période néonatale ; le nouveau-né et le nourrisson, l'HTA peut se manifester par
■ toute malformation urinaire ; des troubles vasomoteurs, des malaises, mais elle est le plus
■ tout signe urinaire ; souvent révélée par une défaillance cardiaque.
556 Partie II. Spécialités
Causes endocriniennes Il faut faire préciser dans les antécédents personnels les
L'adénome de Conn (hyperaldostéronisme primaire) est à données néonatales (termes, poids de naissance, oligohy-
l'origine d'un excès de minéralocorticoïdes avec une hypo- dramnios, anoxie périnatale, cathéter ombilical, throm-
kaliémie, une rénine basse, un taux anormalement élevé bose veine/artère rénale) et les antécédents néphrologiques
d'aldostérone plasmatique ainsi qu'une inversion du rapport (traumatisme, infections urinaires, soif, polyurie, nycturie,
Na/K urinaire. hématurie).
Enfin, l'interrogatoire doit s'arrêter sur les traitements :
Causes médicamenteuses et intoxications corticothérapie, inhibiteurs de la calcineurine, contracep-
tion hormonale, etc. et la prise de réglisse.
L'interrogatoire doit rechercher toute prise de médicaments
(notamment corticostéroïdes, anticalcineurine, contracep-
Examen physique
tion œstroprogestative, décongestionnants nasaux, etc.) ou
une intoxication par de la réglisse ou de la vitamine D. Un L'examen physique doit être complet et exhaustif à la
saturnisme est exceptionnel mais peut être secondaire à recherche d'une cause secondaire. La mesure de la taille et
l'intoxication par des vapeurs de mercure. du poids, le calcul de l'IMC et la réalisation de la courbe
de croissance staturo-pondérale sont indispensables. Il est
important de faire un examen détaillé de l'appareil cardio-
Démarche diagnostique vasculaire mais aussi neurologique, cutané, abdominal et
Première étape génital (tableau 20.6).
Interrogatoire
Il est crucial de reprendre les antécédents familiaux notam- Examens complémentaires
ment d'HTA, néphropathie héréditaire (polykystose, Alport), Le bilan biologique de débrouillage comporte ionogramme
maladie systémique, diabète, dyslipidémie mais aussi patho- sanguin, urée, créatinine, calcémie, protidémie, kaliémie et
logie endocrinienne héréditaire ou neurofibromatose. recherche de protéinurie/microalbuminurie. La présence
d'une protéinurie ou d'une microalbuminurie excessive peut
être la conséquence de l'HTA ou liée à une néphropathie glo-
Il est essentiel de retenir que le diagnostic d'HTA essentielle ne
mérulaire, cause de l'HTA. L'existence d'une hypokaliémie
doit être retenu chez l'enfant qu'après un interrogatoire bien et d'une alcalose oriente soit vers une cause rénale/rénovas-
conduit, un examen physique soigneux et un bilan paraclinique culaire avec activation du système rénine – angiotensine et
exhaustif. La répétition des bilans et une surveillance rappro- hyperaldostéronisme secondaire, soit vers une HTA d'origine
chée sont essentielles pour ne pas omettre une cause curable et endocrinienne à rénine basse. Chez les adolescents chez qui
prévenir l'athérosclérose. l'on soupçonne une HTA essentielle, il est justifié de contrô-
ler la glycémie, l'HbA1c, l'acide urique et le bilan lipidique.
(Suite)
560 Partie II. Spécialités
■ Les diurétiques (furosémide, bumétanide hydrochlo- en cas d'IRC protéinurique ou au 75e percentile en cas d'IRC
rothiazide) sont utiles en cas de surcharge volémique. non protéinurique.
Ils sont particulièrement efficaces en cas d'HTA liée à Afin d'obtenir une bonne adhésion au traitement, il faut
l'obésité. L'administration à petite dose permet de ne pas privilégier une monothérapie avec un minimum de prises
imposer un régime strictement limité en sodium, mal quotidiennes, aux horaires adaptés à la vie familiale. Le choix
accepté chez l'enfant et l'adolescent. de la molécule initiale est guidé par l'étiologie et initié à la
■ Les alphabloquants (prazosine, clonidine) doivent être posologie la plus faible, puis augmenté progressivement pour
maniés avec précaution chez l'enfant du fait du risque atteindre la PA cible. Si la PA n'est pas équilibrée à la dose
d'hypotension orthostatique, de fatigabilité, de difficultés maximale du traitement, une 2e molécule est introduite. Après
d'attention. instauration du traitement, la PA doit être contrôlée toutes les
Les recommandations américaines proposent d'augmen- 2 à 4 semaines jusqu'à équilibration, puis tous les 3 à 4 mois.
ter la posologie des traitements toutes les 2 à 4 semaines Chaque consultation doit être l'occasion d'une réévaluation de
en ayant comme objectif une PA contrôlée inférieure au l'adhésion au traitement et aux mesures hygiénodiététiques.
90e percentile, en respectant la posologie maximale ou l'ap- L'échocardiographie et la mesure de la PA ambulatoire
parition d'effets indésirables. Les objectifs des recommanda- sont indiquées 1 fois/an. Le contrôle de l'échocardiographie
tions européennes sont une PA inférieure au 50e percentile doit être semestriel en cas de persistance de l'HTA malgré
Chapitre 20. Néphrologie 561
Blanc : risque faible, gris clair : risque modéré, gris foncé : risque important, noir : risque très important.
Pietrement C, et al. ; Groupe maladie rénale chronique de la Société de néphrologie pédiatrique, membre de la filière de
santé ORKID. Diagnostic et prise en charge de la maladie rénale chronique de l'enfant : recommandations de la Société de
néphrologie pédiatrique (SNP). Arch Pediatr. 2016 ; 23 (11) : 1191-200.
562 Partie II. Spécialités
Progression de la maladie rénale sont éliminés par voie rénale et qui peuvent être toxiques,
chronique par exemple pour l'appareil auditif ou le rein lui-même.
Des études récentes confirment que toute pathologie
Toutes les situations congénitales ou acquises qui rénale, même si elle semble mineure et anodine à l'âge
conduisent à une réduction du nombre de néphrons pédiatrique, car au stade 1 de la MRC (ex : petites dila-
fonctionnels sont à risque d'évolution vers la MRC. En tations rénales découvertes fréquemment lors des écho-
effet, la présence d'un nombre réduit de néphrons a pour graphies anténatales), est susceptible d'évoluer vers des
conséquence la mise en place d'une hyperfiltration au stades plus sévères de MRC à l'âge adulte. Ainsi, le risque
niveau des néphrons restants qui s'accompagne de phé- de MRC stade 5 à 30 ans d'évolution est multiplié par 4,19
nomènes inflammatoires suivis par une synthèse et une en cas d'antécédent de MRC stade 1 à l'âge pédiatrique.
accumulation de la matrice extracellulaire aboutissant au De fait, même la MRC stade 1 à l'âge pédiatrique doit
développement d'une fibrose rénale qui réduit à son tour être prise en charge afin d'éduquer les parents et plus
progressivement le nombre de néphrons fonctionnels. À tard l'enfant lui-même à des mesures d'hygiène de vie,
court terme, la glomérulosclérose a pour conséquence de néphroprotection et à une surveillance rénale à long
l'apparition d'une protéinurie et d'une hypertension terme.
artérielle, à plus long terme elle conduit à une réduction
inexorable du DFG, avec le risque de progression vers des
stades plus sévères de MRC. Ainsi, une fois le nombre
des néphrons amputé par un processus pathologique Situations pédiatriques à risque potentiel
quel qu'il soit, l'évolution se fait inexorablement vers de MRC
l'aggravation. En cas de pathologie rénale familiale héréditaire connue, les
enfants comme les autres membres de la famille sont poten-
tiellement à risque de MRC.
Pathologies conduisant à la maladie En dehors des pathologies rénales et ou uronéphrolo-
rénale chronique giques proprement dites, d'autres situations congénitales ou
MRC stade 5 (IRT) à l'âge pédiatrique acquises peuvent conduire à une réduction du nombre de
Les étiologies qui conduisent au stade 5 de la MRC, néphrons et sont donc à risque d'évolution vers une MRC à
c'est-à-dire au stade d'IRT, nécessitant un traitement de long terme.
suppléance par dialyse ou transplantation rénale, à l'âge
pédiatrique, sont connues précisément en France grâce
Réduction du capital néphronique
au REIN (Réseau épidémiologique et information en
au début de la vie
néphrologie).
Il s'agit des néphropathies congénitales qui comportent En dehors des malformations rénales évidentes telles
les uropathies et/ou hypodysplasies rénales (ou CAKUT que les hypodysplasies et les agénésies rénales, un
pour Congenital Anomalies of Kidney and Urinary tract) poids de naissance inférieur à 2 500 g s'accompagne
pour 26 %, et les néphropathies d'origine génétique pour d'un risque de MRC en raison d'un faible nombre de
25 %, des glomérulopathies acquises pour 16 % dominées néphrons présents à la naissance. Barker a été le pre-
par les hyalinoses segmentaires et focales associées aux syn- mier à montrer que des adultes avec un poids de
dromes néphrotiques idiopathiques de l'enfant, des mala- naissance inférieur à 2 500 g étaient à risque de mala-
dies vasculaires pour 11 %, et des néphrites interstitielles die cardiovasculaire, ensuite Brenner a montré que la
acquises pour 9 %. réduction du nombre de néphrons, qui peut contribuer
au développement d'une hypertension artérielle par la
limitation de l'excrétion sodée, augmente le risque de
MRC stade 1–4 à l'âge pédiatrique MRC par la réduction des capacités d'adaptation rénale
Aux stades plus précoces de la MRC à l'âge pédiatrique des néphrons restants.
(stades 1 à 4), les anomalies congénitales du rein et des voies La majorité des néphrons est formée au cours du
urinaires (correspondant principalement aux CAKUT) pré- 3 e trimestre de la grossesse. En conséquence, toute
dominent, représentant 50 à 60 % des causes de MRC de agression rénale qui survient pendant cette période a
l'enfant. Dans de plus rares cas, c'est une pathologie acquise un impact sur la formation des néphrons. Ainsi certains
qui peut conduire à amputer le volume rénal (ex : néphrec- médicaments administrés pendant la grossesse peuvent
tomie totale ou partielle pour tumeur, ou consécutive à un conduire à une réduction du nombre de néphrons tels
problème vasculaire). Ces pathologies rénales doivent faire que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les inhi-
l'objet d'une grande attention afin de ralentir leur progres- biteurs du récepteur de type 2 de l'angiotensine, certains
sion et de traiter les complications liées à la baisse du DFG antiépileptiques, la dexaméthasone, la ciclosporine, le
dès leur apparition chez l'enfant. mycophénolate mofétil ou les aminosides. Des facteurs
Une attention particulière doit être donnée à la prescrip- maternels interviennent également tels que ceux qui
tion de tout médicament en cas de réduction significative du conduisent au retard de croissance intra-utérin, ou le
DFG du fait du risque d'accumulation des traitements qui diabète gestationnel.
Chapitre 20. Néphrologie 563
à risque ne s'accompagnent pas d'une progression de la nence de l'enfant fondée sur la description clinique : inconti-
MRC à l'âge pédiatrique, le rôle du pédiatre/médecin trai- nence continue versus intermittente, nocturne pure (appelée
tant est de mettre en place des habitudes de surveillance et énurésie) versus diurne, ou mixte. Il est également intéressant
d'hygiène de vie, de les expliquer aux parents et à l'enfant de classer ces troubles en fonction du risque pour le haut appa-
pour qu'elles puissent se poursuivre à l'âge adulte reil urinaire (pyélonéphrites à répétition, insuffisance rénale).
La figure 20.4 présente l'orientation diagnostique, le risque de
complications et propose les indications d'avis spécialisé.
Troubles mictionnels
Julien Hogan Hyperactivité vésicale
L'hyperactivité vésicale (anciennement appelée « vessie
immature » ou « instable ») est le trouble mictionnel le plus
Épidémiologie fréquent chez l'enfant touchant plus de 50 % des enfants de
Les troubles mictionnels de l'enfant sont une cause fré- 5 à 7 ans. Elle se manifeste cliniquement par des épisodes
quente de consultation en pédiatrie et l'incontinence répétés d'urgences mictionnelles avec impériosité, des
urinaire en est le principal motif. Un cycle mictionnel com- enfants courant aux toilettes ou prenant des positions ren-
plet mature comprend une phase de remplissage nécessitant forçant le sphincter (jambes croisées, accroupissement).
la contraction du sphincter vésico-urétral et l'inhibition des Les fuites sont généralement de petite quantité et sur-
contractions vésicales suivie, lorsque la vessie est pleine, viennent si l'enfant ne parvient pas aux toilettes à temps.
d'une relaxation volontaire des sphincters et d'une contrac- Des causes d'irritation vésicale sont fréquemment asso-
tion coordonnée du muscle vésical. L'âge moyen d'acquisi- ciées telles que constipation, infection urinaire, lithiase ou
tion du contrôle mictionnel diurne se situe entre 2 et 3 ans hypercalciurie et doivent être recherchées et traitées. Un
mais peut varier de 1 à 5 ans et la continence nocturne est reflux vésico-urétéral (RVU) est associé chez 20 à 50 % des
généralement acquise avant l'âge de 5 ans. patients et la prise en charge de l'hyperactivité vésicale doit
être la première étape du traitement du RVU.
Oui Non
Pollakiurie – Dysurie – Post-
Au rire
Urgenturie À l'effort miction
Débitmétrie
Fig. 20.4 Orientation diagnostique, risque de complications et indications d'avis spécialisé devant des troubles mictionnels de
l'enfant. BU : bandelette urinaire ; ECBU : examen cytobactériologique des urines.
566 Partie II. Spécialités
secondaires évocateurs d'obstacle sous-vésical pouvant au potentiel d'amélioration spontanée, au risque de compli-
révéler un rhabdomyosarcome prostatique (ou un neuro- cations pour le haut appareil urinaire (pyélonéphrite aiguë,
blastome médian/pelvien). cicatrices rénales), ainsi qu'au retentissement social et fami-
lial de ces troubles (tableau 20.10).
Imagerie
La réalisation d'imagerie ne doit pas être systématique en cas Règles d'hygiène mictionnelle
de troubles mictionnels. En dehors des cas d'énurésie primaire La prise en charge inclut systématiquement l'éducation à
isolée, une échographie rénale et des voies urinaires est fré- des mictions régulières (5–7/j), pieds en appui sur le sol ou
quemment réalisée, permettant de rechercher des anomalies sur un marchepied, avec réducteur de siège pour les jeunes
vésicales, la présence d'une dilatation urétéro-pyélocalicielle enfants, jambes écartées, sous-vêtements totalement baissés
et un résidu post-mictionnel. En cas d'infections urinaires sans poussées abdominales.
fébriles à répétition, une scintigraphie rénale au DMSA peut
être réalisée pour rechercher des cicatrices corticales. Dans ce Hydratation et prise en charge
cas et/ou en présence d'une dilatation urétéro-pyélocalicielle,
une cystographie peut être proposée, permettant de mettre en
des troubles du transit
évidence des obstacles urétraux (comme des valves de l'urètre Lors des consultations, il est important de rappe-
postérieur) sur les clichés permictionnels et de confirmer le ler la nécessité d'une hydratation adéquate (~ 50 mL/
diagnostic de RVU. La réalisation d'une IRM médullaire n'est kg/j) et de traiter une éventuelle constipation en cor-
justifiée qu'en cas de suspicion de vessie neurologique. rigeant d'éventuelles erreurs diététiques, en augmen-
tant la quantité de fibres dans la ration alimentaire :
Quantité recommandée (g/j) = Âge (années) + 5; maximum
Examen urodynamique
20 g/j, et en ajoutant si besoin un traitement laxatif.
■ La débitmétrie permet de mesurer de façon non inva-
sive le débit et le volume total uriné, et se présente sous
Biofeedback
la forme de courbe volume/temps. Elle est généralement
couplée à une échographie permettant d'évaluer le résidu Les techniques de biofeedback reposent sur la combinaison
post-mictionnel. Elle est indiquée chez les patients pour d'exercices de renforcement du plancher pelvien avec une
lesquels le trouble mictionnel n'est pas caractérisé avec étude urodynamique et un renforcement positif. Le biofeed-
l'anamnèse et l'examen de base ou si les troubles per- back a été utilisé avec succès pour traiter des enfants présen-
sistent ou récidivent après traitement. tant des troubles mictionnels ou de l'élimination fécale, des
■ La cystomanométrie est plus invasive car elle nécessite la infections urinaires récidivantes et des RVU, en particulier
mise en place d'une sonde urétrale. Les indications sont lorsque l'anomalie sous-jacente au cours de la miction est un
posées par l'urologue pédiatre et sont principalement défaut de relaxation du plancher pelvien.
le bilan initial et le suivi des vessies neurologiques, des En général, après une évaluation urodynamique complète,
valves de l'urètre postérieur, des uropathies majeures et l'activité musculaire périnéale de l'enfant est enregistrée durant
de certains troubles mictionnels complexes. le remplissage vésical et la miction ; la contraction du plancher
pelvien est présentée sous la forme de signaux visuels ou audi-
tifs que l'enfant peut contrôler. Le but est de lui apprendre à
Traitement relaxer complètement ses sphincters pendant la miction. Ces
Dans tous les cas, la prise en charge thérapeutique doit être techniques doivent être pratiquées par des masseurs kinésithé-
adaptée au type de troubles mictionnels, à l'âge de l'enfant, rapeutes formés aux troubles mictionnels de l'enfant.
Thérapies de conditionnement par alarme Aubert D, Berard E, Blanc JP, Lenoir G, Liard F, Lottmann H. Isolated pri-
mary nocturnal enuresis : international evidence based management.
Elles sont indiquées dans l'énurésie primaire isolée à capa- Consensus recommendations by French expert group. Prog Urol 2010 ;
cité vésicale réduite. Les premières gouttes d'urines de l'épi- 20 : 343–9.
sode énurétique ferment un circuit électrique et déclenchent Daley MF, Sinaiko AR, Reifler LM, Tavel HM, Glanz JM, Margolis KL, et al.
l'alarme entraînant le réveil. Un des parents doit accompa- Patterns of care and persistence after incident elevated blood pressure.
gner l'enfant aux toilettes, ce qui nécessite une motivation Pediatrics 2013 ; 132(2) : e349–55.
importante de la part du patient et de ses parents. L'effica- Flynn JT, Kaelber DC, Baker-Smith CM, et al. Subcommittee on scree-
cité de ce système rapportée dans la littérature est de 60 à ning and management of high blood pressure in children. Clinical
80 % après en moyenne 3 mois d'utilisation. practice guideline for screening and management of high blood
pressure in children and adolescents. Pediatrics 2017 ; 140(3). pii :
e20171904.
Principaux traitements médicamenteux Gillion Boyer O, Niaudet P, Drutz JE. Evaluation of proteinuria in children.
Anticholinergiques (oxybutynine – Ditropan®) Juin 2017.
HAS. Maladie rénale chronique de l'enfant. PNDS, décembre 2018.
Les médicaments anticholinergiques inhibent ou réduisent HAS. Syndrome néphrotique idiopathique de l'enfant. PNDS, avril 2016.
l'hyperactivité vésicale. Ils augmentent le potentiel de HCSP. Vaccination des personnes immunodéprimées ou aspléniques.
contraction involontaire des cellules musculaires lisses, Recommandations actualisées, 2e édition, décembre 2014.
ce qui se traduit par un plus grand volume d'urines requis Hogg RJ, Portman RJ, Milliner D, et al. Evaluation and management of
avant la contraction de la vessie. Leurs effets secondaires proteinuria and nephrotic syndrome in children : recommendations
comprennent sécheresse buccale, constipation et troubles from a pediatric nephrology panel established at the National Kidney
neurologiques. Foundation conference on proteinuria, albuminuria, risk, assess-
ment, detection, and elimination (PARADE). Pediatrics 2000 ; 105 :
1242–9.
Desmopressine (DDAVP – Minirin®) KDIGO. 2012 Clinical practice guideline for glomerulonephritis. Kidney
La desmopressine est un analogue synthétique de l'HAD et Inter Suppl 2012 ; 2 : 1–143.
KDIGO 2012 Clinical practice guideline for the evaluation and mana-
permet l'amélioration de la concentration urinaire durant
gement of chronic kidney disease. Kidney Inter Suppl 2013 ; 3 :
le sommeil, réduisant ainsi le volume urinaire. C'est le trai- 1–150.
tement de choix de l'énurésie primaire, en particulier en Lo JC, Sinaiko A, Chandra M, Daley MF, Greenspan LC, Parker ED, et al.
cas de forme polyurique. Elle s'administre sous la forme Prehypertension and hypertension in community-based pediatric prac-
de lyophilisat oral à la posologie initiale de 120 μg/j le soir tice. Pediatrics 2013 ; 131(2) : e415–24.
avec une titration par paliers de 60 μg/j tous les 8 jours Neveus T, Eggert P, Evans J, Macedo A, Rittig S, Tekgül S, et al. Evaluation
jusqu'à 240 μg/j. La réponse à 8 semaines est définie par of and treatment for monosymptomatic enuresis : a standardization
une d iminution de 50 % du nombre de nuits mouillées. document from the International Children's Continence Society. J Urol
Le taux de réponse à la desmopressine est de 60 à 75 %. Le 2010 ; 183 : 441–7.
taux de rechute à l'arrêt est élevé, avec seulement 30 % de Schwartz GJ, Munoz A, Schneider MF, Mak RH, et al. New equations to
estimate GFR in children with CKD. J Am Soc Nephrol 2009 ; 20 :
réponse prolongée à 1 an, et dépendant de la capacité vési-
629–37.
cale maximale. Schwartz GJ, Schneider MF, Maier PS, et al. Improved equations estima-
ting GFR in children with chronic kidney disease using an immu-
Recommandations nonephelometric determination of cystatin C. Kidney Int 2012 ; 82 :
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