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RÉSUMÉ SUMMARY
L’exploration du rein concerne l’exploration de ses fonctions excré-
trices et de ses fonctions endocrines. L’exploration des fonctions Exploration of the kidney in 2013
excrétrices rénales en 2013 tient compte de la suprématie de la créa- Kidney exploration mainly concerns the exploration of
tinine plasmatique (créatininémie) pour mesurer le débit de filtration its excretion and endocrine functions. The exploration
glomérulaire, seule ou associée avec sa mesure urinaire (créatini- of renal excretion functions in 2013 takes into conside-
nurie), ou encore inscrite dans un score (Cockcroft-Gault, MDRD, ration of plasma creatinine supremacy for measuring
CKD-EPI). Elle voit aussi l’apparition de nouveaux bio-marqueurs glomerular filtration rate as well alone as associated
sériques comme la NGAL, qui viendraient supplanter les marqueurs with urine creatinine, or included in a particular score,
qui n’ont pas vraiment fait surface (cystatine C, β2-microglobuline…). such as Cockcroft-Gault score, MDRD or CKD-EPI.
Les fonctions tubulaires sont explorées par la mesure de l’osmolalité New biomarkers appeared recently such as NGAL,
dans le plasma et les urines, ainsi que par la mesure du pH urinaire which could supplant markers that did not surface at
et le dosage des ions chlorures urinaires. L’ionogramme urinaire tient now such as cystatin C and β2-microglobulin. Kidney
toute sa place pour différencier l’insuffisance rénale (IR) organique de tubular functions are explored by the measure of both
l’IR fonctionnelle. L’analyse des urines prend une place grandissante plasma and urine osmolalities, as well as pH and chloride
avec l’étude des protéines et des calculs urinaires, sans négliger measurements in urines. Urinary ionogram takes a big
l’emploi des bandelettes urinaires permettant de dépister un diabète, place for differentiation between organic renal failure
une infection urinaire, une atteinte rénale organique et bien d’autres (RF) and functional RF. Urine analysis is more and more
anomalies pathologiques. De nouveaux marqueurs urinaires ont fait important with the study of its protein content and of
jour, comme KIM-1, mais on voit aussi augmenter l’emploi des cysta- renal stones, without neglecting the use of urine dips-
tine C et NGAL urinaires, seules ou couplées à leurs déterminations ticks allowing the detection of diabetes, urine infection,
sériques. L’exploration des fonctions endocrines du rein concerne (1) organic kidney disease and many other pathological
le système rénine-angiotensine-aldostérone activé dans l’hypertension situations. New urine biomarkers arose such as KIM-1,
artérielle réno-vasculaire et les hyperaldostéronismes, (2) le système but we can also remark the increase in the use of urine
kallicréines-kinines ainsi que des prostaglandines d’origine rénale cystatin C and NGAL, alone or coupled to their determi-
dans les pathologies inflammatoires et oedémateuses, (3) l’érythro- nation in plasma. The exploration of endocrine functions
poïétine dans l’anémie de l’IR et la polykystose rénale notamment, of kidney regards (1) renin-angiotensin-aldosterone sys-
(4) les métabolites de la vitamine D, en particulier le calcitriol, dont le tem as activated in renovascular arterial hypertension
défaut dû à l’IR est la cause d’hypocalcémie, d’ostéites fibreuses et and hyperaldosteronism, (2) kallicrein-kinin system as
plus rarement de néphrocalcinose. Le rein exerce aussi des fonctions well as prostaglandins from renal origin in inflamma-
métaboliques ; en particulier, chez l’insuffisant rénal on contrôlera tory and oedematous pathologies, (3) erythropoietin in
régulièrement la glycémie, le bilan lipidique et la thyroïde. On peut anemia related to RF and in polycystic kidney disease,
être amené à rechercher des auto-anticorps sériques et des dépôts (4) the metabolites of D vitamin, mainly calcitriol, since
immuns sur des biopsies rénales. its defect related to RF is the cause of hypocalcemia,
fibrotic osteitis and less frequently nephrocalcinosis. The
Créatinine – cystatine C – β2-microglobuline – NGAL – KIM-1 – rénine – kidney also exerts metabolic functions; in particular, in
aldostérone – érythropoïétine – calcitriol. RF patients we must control regularly glycaemia, lipid
parameters and thyroid. In certain circumstances, we
might detect serum auto-antibodies or immune com-
plexes in kidney biopsies.
a Biochimie A – Pôle Biologie médicale et pathologie
Creatinine – cystatin C – β2-microglobulin – NGAL –
Hôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP)
KIM-1 – rennin – aldosterone – erythropoietin – calcitriol.
Site Saint-Antoine
184, rue du Faubourg Saint-Antoine
75571 Paris cedex 12
et EA-4530 – UFR Pharmacie – Châtenay-Malabry –
Université Paris Sud 1. Introduction
* Correspondance Cet article se propose de faire le point sur l’exploration
bruno.baudin@sat.aphp.fr des fonctions rénales et des maladies rénales. Le premier
chapitre concerne l’exploration des fonctions excrétrices
article reçu le 10 février, accepté le 15 février 2013. du rein avec les méthodes de détermination du débit de
© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. filtration glomérulaire (DFG), avec les méthodes de référence
2.1.3. Urée, créatinine et clairance de la créatinine Figure 1 – Structures moléculaires de l’urée (1),
Le syndrome de rétention azotée se caractérise par l’aug- de la créatine (2) et de la créatinine (3).
mentation des composés azotés (urée, créatinine, acide
urique essentiellement) dans le sang avec en parallèle NH
diminution de leur élimination dans les urines.
H2N
N
2.1.3.1. Urée
H3C O
L’urée (figure 1) est un produit d’élimination de l’azote H2N
HO
organique. Elle est formée dans le cycle de l’uréogenèse,
NH2
essentiellement hépatique, par désamination des acides
aminés et avec utilisation du CO2 formé au cours du cycle O
de Krebs mitochondrial, qui apporte les ATP nécessaires O
à cette synthèse endergonique. L’uréogenèse est la voie
majeure d’élimination des fonctions amines des acides HN
aminés libres, peptidiques ou protéiques. L’autre voie
N
importante d’élimination de l’azote protéique est l’ammo-
H2N CH3
niogenèse, elle aussi hépatique. Les deux produits finaux,
l’urée et l’ammoniaque, sont hydrosolubles, donc facilement
éliminés par le rein, mais selon des modalités qui leur sont
propres (voir article 1). La clairance de l’urée est d’envi- (à l’orthophtalaldéhyde) existe encore ; elle présente un
ron 60 ml/min, ainsi elle est très inférieure au DFG. Ceci domaine de mesure plus large.
est lié au caractère très diffusible de l’urée ; elle subit un L’urémie est normalement comprise entre 2,5 et
cycle intra-rénal dans un gradient cortico-papillaire, donc 7,5 mmoles/L ; elle est plus basse chez la femme et s’abaisse
avec des passages inter-néphroniques (cycle de Kühn et pendant la grossesse ; elle augmente avec l’alimentation
Wirz). Après filtration glomérulaire, elle est réabsorbée de riche en azote (viandes…) et avec l’âge ; elle est inférieure
façon inversement proportionnelle au débit urinaire. L’urée d’environ 40 % à la naissance par rapport à l’adulte. L’uré-
peut être dosée dans le sang total, le plasma sanguin ou mie est abaissée en cas d’hémodilution (hyperhydrata-
le sérum (urémie), et les urines (urée urinaire). tion extracellulaire), dans les déficits enzymatiques qui
Les méthodes de dosage sont essentiellement enzyma- touchent l’uréogenèse hépatique (déficits congénitaux,
tiques utilisant l’uréase avec dosage colorimétrique du en particulier le déficit en ornithine-carbamyltransférase ;
produit formé, l’ion NH4+, par la réaction de Berthelot déficits néonataux surtout chez les prématurés par défaut
(salicylate et hypochlorite en milieu alcalin, en présence de maturité hépatique ; insuffisance hépatique terminale),
de nitroprussiate, forment avec l’ion NH4+ un indophénol dans les carences protéiques et les grandes carences nutri-
vert) ou par la glutamate-déshydrogénase (GLDH) rame- tionnelles, et dans les malabsorptions digestives. L’urémie
nant à une mesure de la variation de concentration du est augmentée dans l’insuffisance rénale (IR) par défaut
NADH,H+ à 340 nm (c’est la méthode actuellement la plus d’excrétion rénale, comme pour les autres substances
utilisée), ou encore par conductimétrie dosant l’ensemble azotées (syndrome urémique) ; mais elle augmente aussi
NH4+ + HCO3- (carbonate d’ammonium) : en cas d’hyper-catabolisme azoté (septicémie, hémorragie
uréase digestive, grand brûlé, corticoïdes…), des situations d’ail-
H2N-CO-NH2 + 2 H2O ➞ CO32- + 2 NH4+ leurs souvent accompagnées d’IR fonctionnelle et d’une
augmentation de l’urée urinaire. L’urémie augmente aussi en
GLDH cas de déshydratation extracellulaire (hémoconcentration) ;
NH4+ + α-cétoglutarate + NADH,H+ ➞ L-glutamate + NAD+ ainsi elle est sensible à l’alimentation et à l’état d’hydrata-
Les automates de biochimie sont le plus souvent équi- tion. Son augmentation dans l’IR est moins spécifique que
pés d’électrodes sélectives avec uréase immobilisée celle de la créatinine, qui lui est donc préférée ; en revanche
pour une mesure électrochimique, ou uréase et GLDH l’augmentation de l’urémie est souvent plus précoce et plus
immobilisées pour une mesure spectrophotométrique. importante quantitativement (augmentations plus franches),
Les méthodes colorimétriques chimiques directes (à la ainsi sa sensibilité dans l’insuffisance rénale aiguë (IRA) est
diacétyl-monoxime) sont devenues anecdotiques. Une meilleure que celle de la créatinine. Dans le cadre de l’IRA,
méthode utilisant le couple uréase/GLDH est préconisée on dose urée et créatinine plasmatiques conjointement et
par la SFBC pour doser l’urée plasmatique. L’urémie est on établit leur rapport (urée/créatinine plasmatique), ce qui
dosée préférentiellement sur plasma hépariné et à jeun, permet de différencier IRA fonctionnelle (rapport > 100) et
le fluorure de sodium doit être évité (il inhibe l’uréase). IRA organique (rapport < 50) (voir article 3).
L’urée urinaire est dosée sur une miction ou sur les urines L’urée urinaire est normalement comprise entre 300 et
de 24 heures, si possible recueillies sur antiseptique, car 500 mmoles/24 h. Elle augmente avec une alimentation
certaines bactéries possèdent une uréase. Le dosage de riche en protéines ; c’est un indice nutritionnel d’apport de
l’urée dans les urines par voie enzymatique à l’uréase est matières azotées. L’urée urinaire témoigne également du
le plus courant comme pour l’urée plasmatique, mais il pouvoir de concentration du rein ; ainsi elle est diminuée dans
nécessite la réalisation d’un blanc échantillon pour éliminer l’IR organique (rapport urée urinaire/urée plasmatique < 10)
l’interférence liée à la présence de fortes concentrations montrant l’incapacité du rein à éliminer l’urée. En revanche,
d’ions NH4+ dans les urines. Une méthode chimique directe elle reste normale ou est un peu diminuée dans l’IR
Il est recommandé d’hydrater correctement le patient au donc sans altération du DFG. Le rapport créatinine urine/
début de l’épreuve de clairance et d’éviter les diurétiques. plasma aide à différencier l’IR organique (< 30) de l’IR fonc-
La créatininémie est normalement comprise entre 60 et tionnelle (> 30), donc sur un simple échantillon d’urines,
115 μmoles/L chez l’homme et entre 50 et 105 μmoles/L sans établir de clairance (tableau I).
chez la femme. Elle ne dépend ni de l’alimentation (sauf
des apports carnés) ni de l’état d’hydratation (dans cer- 2.1.3.3. Clairance de la créatinine
taines limites), ou encore de la maturité hépatique. Elle Elle s’exprime par :
est le reflet de la masse musculaire maigre (qui peut être
créatininurie (mmoles/L) x débit urinaire (ml/min)
estimée par la surface corporelle) ; ainsi, elle est plus
créatininémie (mmoles/L)
faible en moyenne, chez la femme et chez l’enfant. Elle
augmente avec l’âge jusqu’à stabilisation de la masse La clairance est exprimée en unité de débit (ml/min) ; elle
musculaire, et diminue chez les personnes âgées puisque nécessite deux dosages (la créatinine plasmatique et la
la masse musculaire diminue, sinon que le nombre de créatinine urinaire) et la mesure de la diurèse, donc du
néphrons fonctionnels diminue aussi et donc que la créa- recueil des urines de 24 h ou d’un échantillon sur un temps
tinine a tendance à augmenter ; ces deux phénomènes minuté. La principale difficulté dans la détermination de la
aux effets opposés se conjuguent. La créatininémie est clairance est le recueil des urines, souvent mal effectué
augmentée par l’exercice physique, qui libère de la créa- en ambulatoire, mieux contrôlé en milieu hospitalier et
tinine musculaire ; donc, elle doit être mesurée au repos bien sûr encore plus facilement si une sonde urinaire a
(le matin à jeun). Dans les grandes fontes musculaires, été posée. C’est encore plus difficile chez les enfants et
on peut retrouver de franches hypo-créatininémies, ainsi les nouveau-nés. En médecine de ville et en consultation
que dans les maladies musculaires héréditaires (maladie hospitalière, il est préférable d’utiliser des formules basées
de Duchenne) ou non héréditaires (polymyosites, derma- sur la seule créatininémie. Plus encore, le simple fait de
tomyosites, atrophies musculaires), dans l’hyperthyroïdie, doser la créatininémie sur un échantillon de sang et sur
suite à des traitements qui touchent la masse musculaire, les urines de 24 h pose un problème puisqu’il existe un
comme avec les corticoïdes administrés au long cours, rythme nycthéméral de la créatininémie, apportant néan-
et à chaque fois que la balance azotée est négative. Les moins une variabilité normalement inférieure à 8 %. Ceci
anabolisants ont des effets inverses en augmentant la implique d’effectuer les clairances toujours dans les mêmes
masse musculaire et positivant la balance azotée. La conditions pour la prise de sang (allongé, au repos, à jeun,
créatininémie augmente surtout dans l’IR, mais elle n’est au même moment de la journée) [1-3].
qu’un reflet du DFG, car elle le surestime à cause d’une
part de sécrétion tubulaire. La créatinine plasmatique est 2.1.4. Formules et algorithmes
néanmoins très utilisée pour suivre les malades insuf- pour déterminer le DFG
fisants rénaux et pour établir des formules permettant Les formules de calcul de clairance de la créatinine (Clcréat)
d’estimer le DFG. On a vu que le rapport urée/créatinine présentent l’intérêt d’être facilement obtenues après une
plasmatique permet de différencier IR organique et IR simple prise de sang pour doser la créatininémie (en mg/dL
fonctionnelle. La relation entre la créatininémie et le DFG ou μmoles/L). Elles permettent de prendre en compte
n’est pas linéaire ; c’est une hyperbole inverse avec une d’autres paramètres comme la surface corporelle (ou le
relation très plate autour du seuil de normalité entre 60 poids), l’âge, le sexe ou encore l’origine ethnique. On peut
et 120 μmoles/L, valeurs qui peuvent donc correspondre tout simplement rapporter la clairance à une surface cor-
à des DFG significativement abaissés. Ainsi, une créati- porelle de référence (1,73 m2) qui permet de tenir compte
ninémie « normale » ne signifie pas nécessairement que de la taille et du poids de l’individu :
tout va bien. Les fourchettes de référence varient avec Clcréat corrigée = Clcréat mesurée x 1,73/surface calculée
(table de Dubois)
l’âge et l’index de masse corporelle (IMC). Par exemple,
Mais, la formule la plus utilisée est celle de Cockcroft et
une jeune femme asymptomatique présentant une créa-
Gault proposée dès 1976 [4] ; en fait, il en existe deux,
tininémie à 120 μmoles/L pourrait bien être anormale et
une pour les femmes et une pour les hommes, en tenant
nécessiter un suivi rénal ; en revanche, une telle valeur
compte du poids (en kg) et de l’âge (en années) :
chez un homme jeune et musclé serait attendue, et chez
une personne âgée, elle reflèterait le déclin physiologique (140 - âge) x poids (140 - âge) x poids x 1,23
du DFG avec l’âge par diminution du nombre de néphrons Clcréat (homme) = =
fonctionnels. 72 x Pcréat (mg/dL) Pcréat (μmoles/L)
La créatininurie est normalement comprise entre 10 et
18 mmoles/24 h. Elle est augmentée dans les diurèses
(140 - âge) x poids (kg) (140 - âge) x poids x 1,04
forcées (par perfusion ou emploi de diurétiques) ; elle est
Clcréat (femme) = =
sensible à la supplémentation orale en créatine (dopage
85 x Pcréat (mg/dL) Pcréat (μmoles/L)
légal) et à l’alimentation riche en viandes cuites (formation
de créatinine à la chaleur). Mais, on recherche essentiel- Par l’introduction du facteur « poids », cette équation
lement ses diminutions dans l’IR, qui s’expriment dans a tendance à surestimer la Clcréat chez les individus en
la détermination de la clairance de la créatinine ; c’est surpoids (obèses, syndromes oedémateux…). À l’inverse,
surtout dans ce cadre qu’on mesure la créatininurie. On l’introduction du facteur « âge » la sous-estime chez les
trouve aussi des hypo-créatininuries dans les fontes mus- sujets âgés. De plus, elle ne tient pas compte des ori-
culaires en parallèle de la diminution de la créatininémie, gines ethniques.
mances comparées des formules de Cockcroft-Gault, non-stéroïdiens, les glomérulonéphrites, les néphropa-
MDRD et CKD-EPI dans diverses situations. thies d’origine hypertensive et chez les patients en soins
intensifs. Actuellement, il est considéré que la Cys C
2.1.5. Autres marqueurs d’insuffisance rénale est supérieure à la créatininémie (enzymatique) seule-
ment si l’IMC est anormal ou quand le DFG est normal
2.1.5.1. Cystatine C ou subnormal. Si le DFG, estimé par la clairance de la
La cystatine C (Cys C) est une protéine basique non créatinine, est amélioré par la prise en compte de l’âge,
glycosylée de faible masse moléculaire (13,3 kDa). Elle du sexe et de l’IMC, les formules de Cockcroft-Gault et
fait partie de la superfamille des inhibiteurs de cystéine- MDRD donnent des résultats similaires à ceux donnés
protéases et est produite de façon constante par toutes par la Cys C sérique. À l’heure actuelle, aucune société
les cellules nucléées. Elle est impliquée dans de nom- savante ne préconise l’emploi de la Cys C pour le dépis-
breux processus physiopathologiques comme l’athé- tage ou le suivi des maladies rénales chroniques [1, 2, 7].
rosclérose et la pénétration des cellules malignes dans
les tissus normaux, mais on ne connaît pas ses cibles 2.1.5.2. β2-microglobuline (β2-M)
spécifiques. Sa faible masse moléculaire et sa charge La β2-M est une protéine de faible masse moléculaire
nette positive lui permettent d’être librement filtrée au (11,8 kDa) qui existe sous une forme libre et une forme
niveau glomérulaire. Elle est en grande partie réabsor- liée aux membranes cellulaires représentant la chaîne
bée par les cellules tubulaires où elle sera entièrement légère des molécules HLA de classe I. Elle joue un rôle
hydrolysée ; elle n’est pas sécrétée ni réabsorbée sous important dans les défenses immunitaires ainsi que dans
forme intacte ; ainsi, sa concentration plasmatique ne la prévention contre l’apparition des cellules cancéreuses.
dépend que du DFG. Chez l’individu dont le DFG est Cette protéine est présente dans de nombreux liquides
normal, la demi-vie plasmatique de la Cys C est d’environ biologiques dont le sang, les urines et le liquide cépha-
2 heures. Sa concentration plasmatique est donc très lo-rachidien (LCR). La β2-M sérique est un marqueur
faible ; comme pour la créatinine, elle augmente dans le de première intention dans le myélome multiple et les
plasma en cas d’insuffisance rénale glomérulaire. Elle lymphopathies B malignes. Elle est aussi utilisée dans le
n’augmente pas ou peu en cas d’inflammation ou de pronostic et la surveillance thérapeutique des infections
cancer, sauf peut-être dans certains cancers comme le à VIH, ainsi que dans le suivi des maladies inflamma-
mélanome, et dans l’infection par le VIH. L’hyperthyroïdie toires chroniques. Les méthodes de dosage de la β2-M
induit la production de Cys C. Elle a aussi été incriminée sont immunochimiques (chimiluminescence, turbidimé-
dans le processus athéromateux inflammatoire et dans trie, néphélémétrie ou RIA). Les valeurs usuelles sont
la dissémination néoplasique. La Cys C est dosée pré- comprises entre 1,1 à 2,4 mg/L dans le sérum et sont
férentiellement dans le sérum ; les différences relevées < 0,37 mg/24 h ou < 0,28 mg/g de créatinine dans les
entre sérum et plasma (recueilli sur EDTA ou héparine) urines. La β2-M urinaire est utilisée dans l’exploration et
sont controversées. Le dosage de la Cys C se fait par le suivi de la fonction rénale chez les patients hémodialy-
immuno-turbidimétrie ou immuno-néphélémétrie ; les sés ou ayant bénéficié d’une transplantation rénale. Tout
interférences sont rares, sauf avec des fortes teneurs dysfonctionnement du tubule proximal peut s’accom-
en facteur rhumatoïde. Les méthodes de mesure de la pagner d’une diminution de la réabsorption tubulaire
Cys C ne sont pas standardisées et ce dosage reste de β2-M, donc d’une augmentation de son élimination
coûteux, en particulier vis-à-vis du prix de la créati- urinaire malgré le maintien d’une filtration glomérulaire
nine, même enzymatique. Un matériel de référence est normale. Ainsi, une concentration urinaire élevée est ren-
disponible ; il s’agit d’un sérum humain additionné de contrée dans les atteintes tubulaires proximales (néphrite
Cys C recombinante. tubulo-interstitielle secondaire aux analgésiques, à une
La Cys C sérique ou plasmatique ne dépend pas de la intoxication par le cadmium ou la gentamicine). Une étude
masse musculaire et peu du sexe ; elle est constante entre sur la toxicité néphro-tubulaire des antimitotiques a mon-
1 an et 50 ans. Les valeurs normales (< 50 ans) vont de tré que l’exposition rénale à l’ifosfamide était corrélée
0,65 à 1,35 mg/L ; la Cys C augmente après 50 ans signant à l’augmentation de la β2-M urinaire. Elle est aussi un
une diminution du DFG par déclin néphronique. Elle est marqueur fiable de lésions rénales traumatiques dans le
sensible au traitement par les corticoïdes au long cours, et cas où la radiologie ne révèle aucune lésion alors qu’il y
dans une moindre mesure au tabagisme et à la consom- a des hématuries microscopiques ou macroscopiques.
mation d’alcool. La corrélation entre la Cys C sérique Ce marqueur pourrait aussi servir à la classification du
et le DFG mesuré par une substance exogène est du degré de gravité des patients atteints de traumatismes
même ordre que celle obtenue avec la clairance de la rénaux. Dans les cancers des voies urinaires, il a été
créatinine. Chez les transplantés rénaux en période démontré que l’augmentation de l’excrétion urinaire de
post-opératoire, la Cys C sérique diminue plus vite que la β2-M était associée à des métastases à distance du
la créatinine montrant une reprise de l’activité rénale ; cancer de la prostate. Un exercice physique intense
dans le suivi post-greffe, la Cys C est plus sensible que augmenterait la β2-M urinaire [2, 8].
la créatinine ou sa clairance pour détecter une diminu-
tion du DFG. Elle s’est aussi montrée supérieure à la 2.1.5.3. NGAL
créatinine dans le dépistage d’une diminution du DFG Il s’agit de la « neutrophil gelatinase associated lipocalin » ;
chez les plus de 67 ans, dans le diabète de type II, la c’est une glycoprotéine de 25 kDa appartenant à la superfa-
polyarthrite rhumatoïde traitée par les anti-inflammatoires mille des lipocalines, protéines de faible masse moléculaire
médecin ou de l’infirmière à l’hôpital, ou encore dans des (voir article 5). Le plus souvent, on confirme la protéinurie
centres médicaux (PMI, centre de dépistage, médecine du par un dosage quantitatif au laboratoire ; la protéinurie
travail…). Cette analyse se fait au moyen de bandelettes pathologique peut dépasser 40 g/24 h.
réactives à usage unique et disponibles dans le com-
merce, la plus connue (et complète) étant le Multistix®. 2.3.1.3. Bilirubine et urobilinogène
De l’urine fraîche est recueillie dans un récipient sec et La bilirubine provient du catabolisme de l’hème (protopor-
propre ; la bandelette est trempée brièvement dans l’urine phyrine IX) de l’hémoglobine. Dans le plasma sanguin, elle
en veillant à ce que toutes les zones imbibées de réactifs existe sous une forme conjuguée (à l’acide glucuronique,
soient immergées ; la bandelette est retirée en prenant soin réaction effectuée dans les cellules hépatiques) et une
d’éliminer l’excès d’urine en la pressant contre le bord du forme non conjuguée. Cette dernière, peu soluble, est liée
récipient ; elle est ensuite maintenue à l’horizontal pendant à l’albumine ; ainsi, seule la forme conjuguée hydrosoluble
1 ou 2 minutes (selon la bandelette), puis on compare peut passer le filtre glomérulaire et se retrouver dans les
la coloration des zones réactives à celle de la palette urines. Cette bilirubinurie est toujours pathologique ; en
fournie avec les bandelettes. Toutes les bandelettes sont effet la bilirubine conjuguée est normalement excrétée par
sensibles au glucose, aux protéines et à l’hémoglobine l’arbre biliaire dans l’intestin, où elle est dégradée par les
(sang). Certaines, en plus, sont sensibles à la bilirubine, bactéries en urobilinogène et stercobilinogène. Un peu
à l’urobilinogène, aux corps cétoniques, aux nitrites, à de bilirubine et quasiment tout le stercobilinogène sont
la myoglobine, aux leucocytes, ou encore permettent réabsorbés dans la circulation porte ; ils sont captés par
une mesure du pH et de la densité urinaires. La zone le foie et ré-excrétés dans la bile, commençant un cycle
imbibée de réactif change de couleur si le composant entéro-hépatique. La plus grande partie de l’urobilinogène
est présent dans l’urine ; l’intensité de cette couleur est est éliminée dans les selles (urobilinogène fécal), mais on
proportionnelle à la concentration du composant (mesure en retrouve dans la circulation sanguine et normalement
semi-quantitative exprimée en nombre de croix) [2]. pas dans les urines. Une obstruction sur l’arbre biliaire
interrompt ce cycle entéro-hépatique se traduisant par
2.3.1.1. Glucose une augmentation de la bilirubine dans le plasma, qui
L’urine normale ne contient pas de glucose et elle est devient ictérique, et dont une partie se déverse dans les
insipide (non sucrée) ; la présence de glucose indique urines. L’urobilinogène peut aussi se retrouver dans les
que la charge de glucose filtrée dépasse la capacité de urines. Ces augmentations urinaires ne sont pas spéci-
réabsorption des tubules rénaux. Cette glycosurie est le fiques d’une atteinte hépatique, car on les retrouve dans
plus souvent pathologique puisqu’elle reflète une hyper- l’hémolyse à cause d’une libération massive d’hémoglo-
glycémie (« diabète sucré » ou « diabetes mellitus », patient bine qui va être dégradée en ces produits. Par ailleurs,
diabétique avec des urines sucrées). Cette recherche à ces augmentations ne signent pas une anomalie rénale.
la bandelette est le test de dépistage du diabète le plus
simple et le plus répandu bien qu’il ne soit pas sensible, 2.3.1.4. Corps cétoniques
en effet la glycémie doit être supérieure à 8 mmoles/L Les corps cétoniques (β-hydroxy-butyrate et acéto-acétate
pour dépasser le seuil de réabsorption rénale du glucose. essentiellement) sont les produits de la dégradation des
Elle n’est pas spécifique, car en cas d’abaissement du acides gras ; leur augmentation dans le plasma indique
seuil rénal de réabsorption du glucose, une glycosurie généralement que l’organisme utilise les graisses (triacyl-
apparaît même pour des glycémies normales (moins de glycérols) pour se procurer de l’énergie plutôt que de les
6 mmoles/L) ; c’est le cas au cours de la grossesse et dans stocker, comme dans une période de jeûne prolongée, ou
les glycosuries rénales congénitales qui sont relativement quand le foie n’est plus capable d’utiliser les sucres (« crise
fréquentes et bénignes (« diabète rénal », les urines ont un de foie » après alcoolisation par exemple). C’est aussi le
goût sucré mais le patient n’est pas malade). Par ailleurs cas dans le diabète mal contrôlé, et en particulier dans le
une glycosurie postprandiale peut survenir suite à l’élé- diabète de type I, dit insulino-dépendant, par défaut d’uti-
vation temporaire de la glycémie ; c’est une glycosurie lisation du glucose (acidocétose du diabétique). Les corps
alimentaire qui n’a rien à voir avec le diabète. Le plus cétoniques augmentent dans le sang (cétonémie) et les
souvent, on confirme la glycosurie pathologique, liée au urines (cétonurie). La recherche de corps cétoniques dans
diabète, par un dosage quantitatif au laboratoire, où elle les urines est un test de dépistage du diabète, conjointe-
peut dépasser 20 mmoles/24 h. ment avec la recherche de glucose. Si la glycosurie peut
augmenter dans le diabète rénal, les corps cétoniques
2.3.1.2. Protéines sanguins et urinaires ne le sont pas.
L’urine normale contient très peu de protéines, moins de
50 mg/24 h. Une augmentation de la protéinurie peut tra- 2.3.1.5. pH et densité urinaires
duire une excrétion anormale de protéines par le rein, par L’urine est normalement acide montrant une forte concen-
l’appareil urinaire (en cas d’infection essentiellement) ou tration en ions hydrogène (rappel : pH = -log [H+]). On
tout simplement peut refléter la présence de sang dans les mesure le pH urinaire devant une acidose métabolique
urines, c’est pourquoi on associe toujours les recherches inexpliquée (ATR possible) ou si l’on suspecte la prise
de protéines et de sang. Même si elle est bien d’origine de drogues acidifiantes. La mesure de la densité n’est
rénale, la protéinurie peut être due à une atteinte glomé- qu’un reflet de la concentration des urines ; si la densité
rulaire ou tubulaire ; elle devra être étudiée plus précisé- augmente, c’est que les urines sont concentrées. Cette
ment, et en particulier après séparation par électrophorèse mesure semi-quantitative confirme en général l’examen
ou par le dosage de protéines ou d’enzymes tubulaires visuel de la couleur des urines, couleur foncée si les
congénitale. De nombreuses protéines peuvent mainte- spécifique de l’angiotensinogène (60 kDa) circulant pour
nant être dosées dans les urines (albumine, cystatine C et produire de l’angiotensine I (figure 2). Ce décapeptide est
NGAL urinaires, KIM-1…) ; ce sont des bio-marqueurs de dénué d’effet biologique ; il sera hydrolysé dans le plasma
dysfonction rénale permettant le dépistage et le suivi de la sous l’effet de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I
maladie rénale dès le premier stade d’IR. Ces anomalies (ECA) qui se trouve sous une forme soluble dans le plasma
quantitatives témoignent soit d’une atteinte glomérulaire et une forme membranaire localisée à la face luminale
soit d’une atteinte tubulaire. Ces marqueurs protéiques des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins. Cette
ont également été identifiés comme bio-marqueurs de l’IR enzyme possède une activité de dipeptidyl-carboxypep-
aiguë. L’émergence des tubulopathies liées à l’infection tidase (EC-3.4.15.1). L’angiotensine II formée (un octa-
par le VIH et les médicaments renforce l’intérêt pour les peptide) est le métabolite biologiquement actif ; c’est un
marqueurs urinaires. Ils seront étudiés plus précisément vasoconstricteur puissant par liaison sur ses récepteurs
dans l’article dévolu aux protéinuries (voir article 5). Par vasculaires, cardiaques et rénaux, pour le rein surtout au
ailleurs, le syndrome de Fanconi associe une acidose niveau des tubules proximaux, mais aussi au niveau des
tubulaire rénale, une amino-acidurie et une protéinurie glomérules. Plus indirectement, l’angiotensine II stimule
tubulaire. On retrouve ce syndrome dans des anomalies la production de catécholamines par la médullosurrénale
métaboliques congénitales touchant le métabolisme des (effets sympathomimétiques) et d’aldostérone par la cor-
sucres ou des acides aminés, et dans des intoxications ticosurrénale. Cette dernière intervient dans la régulation
(métaux lourds, toxines de venins…). KIM-1 (« kidney injury hydrominérale en agissant sur la réabsorption tubulaire
molecule-1 ») est un candidat particulièrement prometteur. du sodium (voir article 1). Le SRAA est surtout exploré
C’est une protéine transmembranaire de type I avec un dans l’hypertension artérielle (HTA) avec les dosages de
domaine immunoglobuline et un domaine mucine. Elle est rénine et d’aldostérone. La rénine a longtemps été dosée
exprimée surtout par les tubules proximaux et son ecto- fonctionnellement par l’ARP (activité rénine plasmatique)
domaine est libéré des cellules au cours des atteintes en mesurant cinétiquement la formation d’angiotensine I
tubulaires nécrosantes. On peut la mesurer dans les urines à partir de l’angiotensinogène du plasma, l’angiotensine
par ELISA. KIM-1 serait donc un nouveau bio-marqueur I formée étant dosée par RIA (en ng/ml/h). Actuellement,
des atteintes rénales tubulaires [10]. la rénine active est dosée moléculairement en immuno-
analyse (méthodes de radio-immunologie en sandwich
3. Exploration des fonctions type IRMA, ou méthodes froides immuno-fluorimétriques).
L’aldostérone est dosée dans le plasma et les urines avec
endocrines du rein ses métabolites urinaires ; on utilise encore essentiellement
la RIA en compétition, après hydrolyse des glucuronides
Le rein est un véritable organe endocrine en synthétisant urinaires pour l’analyse dans les urines. Le SRAA est activé
l’érythropoïétine (EPO), la rénine, des kallicréines et des dans l’HTA réno-vasculaire (sténose de l’artère rénale,
prostaglandines, ainsi que le 1α25-dihydroxycholécalciférol, infarctus rénal) avec hypersécrétion de rénine et d’aldos-
métabolite actif de la vitamine D.
térone, mais aussi dans l’insuffisance cardiaque et dans
l’insuffisance rénale terminale, dans le syndrome de Bartter,
3.1. Exploration du système
rénine-angiotensine-aldostérone
Figure 2 – Le système rénine-angiotensine-aldostérone
Le système rénine-angiotensine-aldostérone
(SRAA), avec ses principales régulations positives (+)
(SRAA) est un système réno-surrénalien qui
ou négatives (-).
contrôle l’équilibre hydrominéral et la pression
artérielle. La rénine est une enzyme essentielle-
ment produite par des cellules myoépithéliales
de l’appareil juxta-glomérulaire rénal ; elle y
est synthétisée sous forme de pré-pro-rénine
(55 kDa), qui après élimination du peptide N-ter-
minal, donne de la pro-rénine. Sous l’effet spé-
cifique qu’une kallicréine rénale et plasmatique,
la pro-rénine est convertie en rénine (44 kDa).
Seule la rénine est biologiquement active. Le
rein libère les deux formes, active et inactive
(pro-rénine) de la rénine, mais de nombreux
tissus libèrent de la pro-rénine inactive (surré-
nales, testicules, ovaires, placenta…). Dans le
plasma, on trouve donc de la pro-rénine et de la
rénine active en proportions à peu près égales.
Récemment des récepteurs de la rénine et de
la pro-rénine ont été identifiés ; ils intervien-
draient dans la fibrose et la prolifération cellulaire. Σ = système sympathique ; ECA = enzyme de conversion de l’angiotensine I ;
Mais l’action majeure et mieux connue de la R-AII = récepteur de l’angiotensine II ; ACTH = « adrenocorticotropic hormone » ;
ANP = facteur natriurétique A.
rénine (EC-3.4.99.19) est son action d’hydrolyse
hématopoïétiques. La synthèse d’Epo est régulée par 3.4. Synthèse de vitamine D active
un senseur d’oxygène situé au niveau du rein ; dès que et homéostasie phosphocalcique
l’oxygénation du sang est diminuée (anémie, altitude, Le rein régule le métabolisme du calcium et des phos-
défaut d’affinité de l’hémoglobine, défaut d’oxygénation phates par divers mécanismes, dont la synthèse du
d’origine pulmonaire ou shunt cardiaque), la synthèse dérivé actif de la vitamine D. Le 25-hydroxycholécal-
d’Epo par le rein est augmentée. Cette stimulation est ciférol (calcidiol) circulant est hydroxylé en 1α,25-
essentiellement transcriptionnelle, en particulier en faisant dihydroxycholécalciférol (calcitriol) dans le cortex rénal,
intervenir HIF (« hypoxia inducible factor ») qui se fixe en sous l’action d’une 1α-hydoxylase en réponse à l’hypo-
amont du gène codant l’Epo, au niveau d’un élément phosphorémie ou à l’élévation de la parathormone (PTH)
de réponse spécifique appelé HRE « hypoxia response sécrétée par les parathyroïdes, elle-même en réponse à
element ». Un autre mécanisme, post-transcriptionnel l’hypocalcémie ou à l’hyperphosphorémie. Le calcitriol
celui-ci, ferait intervenir des éléments de stabilisation augmente l’absorption intestinale de calcium et des
de l’ARN messager. À l’inverse, la présence d’oxygène phosphates, leur utilisation dans la minéralisation du
(oxygénation normale) diminue la synthèse d’Epo en tissu ostéoïde (l’os est un phosphate de calcium, l’hy-
empêchant la dimérisation de HIF nécessaire à son droxyapatite), et en retour le calcitriol freine la sécrétion
interaction avec HRE pour le recrutement de cofacteurs de PTH. Le calcitriol a aussi un effet rénal en diminuant
augmentant la transcription du gène. La carence pro- la réabsorption tubulaire du calcium et en augmentant
téique et l’inflammation, médiée par l’IL-6 et le TNF-α, celle des phosphates, ainsi, il augmente la calciurie et
auraient des effets proches expliquant, au moins en diminue la phosphaturie, à l’inverse de ce que fait la
partie, la physiopathologie de l’anémie du cancer et de PTH au niveau rénal. Globalement, la PTH est hyper-
l’anémie inflammatoire, respectivement. La concentration calcémiante et hypophosphorémiante en diminuant la
sérique de l’Epo est un indicateur de la quantité d’hor- réabsorption tubulaire des phosphates, alors que la vita-
mone disponible pour l’érythropoïèse. La méthode de mine D active est surtout hyperphosphorémiante. Dans
référence pour doser l’Epo consiste à mesurer l’incor- le cadre de l’exploration biologique de cette homéos-
poration du fer 59 dans les globules rouges de souris tasie minérale, on dose le calcium et les phosphates
polycythémiques ou dans les réticulocytes de souris plasmatiques et urinaires (bilan phosphocalcique), ainsi
normocythémiques. Ces essais biologiques semblent que les hormones de régulation (PTH, calcitriol, calci-
plus sensibles et complets que les analyses physico- diol, vitamine D3…). La surveillance de ces paramètres
chimiques. Malheureusement, ces essais in vivo sont dépend de la sévérité des anomalies constatées et de
difficiles à mettre en œuvre au laboratoire de biologie la vitesse de progression de l’IRC. Il est intéressant de
médicale ; ils sont réservés au contrôle de qualité bio- calculer le taux de réabsorption des phosphates (TRP)
logique de la production de l’Epo recombinante, même pour juger de l’efficacité de la vitamine D :
s’il n’est plus obligatoire, les tests physicochimiques TRP (%) = [1 - (phosphates urinaires x créatinine plasma-
s’avérant suffisamment performants. Actuellement, tique)/(phosphorémie x créatinine urinaire)] x 100
l’Epo est dosée dans le sérum par immuno-analyse (RIA, Avec phosphates urinaires en mmoles/24 h et phospho-
immuno-enzymologie, immuno-chimioluminescence…). rémie en mmoles/L.
Les valeurs normales (individus avec une hémoglo- On dose maintenant dans certains laboratoires le FGF-23
bine normale à un taux normal) sont entre 5 et 25 U/L. (fibroblast growth factor 23) qui est une hormone phos-
Cette valeur augmente en fonction du degré d’anémie ; phaturiante en abaissant le TRP, même plus efficacement
en pathologie rénale, on trouve des valeurs élevées que la PTH.
dans la polykystose rénale, l’adénocarcinome rénal, Dans l’IRA, c’est l’hyperphosphorémie qui domine, mon-
la sténose artérielle rénale, l’hydronéphrose ou après trant l’incapacité du rein à éliminer les phosphates ; elle
transplantation rénale. Dans un cadre hématologique, est constante et parallèle aux augmentations de la kalié-
des concentrations sériques élevées sont retrouvées au mie et de la magnésémie (magnésium plasmatique). La
cours des polyglobulies secondaires, mais pas dans la diminution de l’élimination rénale des phosphates fait
maladie de Vaquez (polyglobulie primaire). Dans l’insuf- baisser la calcémie en inhibant la 1α-hydroxylase et en
fisance rénale, la synthèse d’Epo est diminuée ; cette stimulant la production de FGF-23 et de PTH. L’installation
diminution explique l’anémie de l’IRC. La carence en Epo d’une hypocalcémie montre l’atteinte organique avec un
n’est que relative car l’hypo-oxygénation due à l’anémie passage possible à la chronicité.
stimule la synthèse rénale d’Epo, qui devient de moins L’IRC s’accompagne d’une ostéomalacie secondaire
en moins efficace au cours du développement de l’IR avec hypocalcémie par défaut d’hydroxylation du cal-
organique. Ainsi, il n’est pas nécessaire de doser l’Epo cidiol, donc de la synthèse de vitamine D active ; elle
chez l’insuffisant rénal avant sa mise sous traitement peut être très précoce et est constante dès le stade 3.
substitutif par Epo recombinante. Le traitement par La PTH est augmentée en réponse à l’hypocalcémie
Epo, ou par ses dérivés ou encore par d’autres molé- et à l’hyperphosphorémie, mais elle reste inefficace
cules à activité érythropoïétique, donne près de 95 % en absence de calcitriol. La calciurie est basse et le
de réponses dans l’IRC avec correction progressive de TRP diminué (< 60 %) avec hyperphosphaturie. Ce
l’anémie. Le dosage d’Epo est plus utile dans les myé- cercle vicieux peut aller à l’hyperparathyroïdie secon-
lodysplasies et les myélomes, où des concentrations daire avec autonomisation des parathyroïdes qui
d’Epo élevées présumeraient d’une mauvaise réponse deviennent insensibles à la calcémie ; une hypercal-
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