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REIN ET PATHOLOGIES

L’exploration du rein en 2013


Bruno Baudina,*

RÉSUMÉ SUMMARY
L’exploration du rein concerne l’exploration de ses fonctions excré-
trices et de ses fonctions endocrines. L’exploration des fonctions Exploration of the kidney in 2013
excrétrices rénales en 2013 tient compte de la suprématie de la créa- Kidney exploration mainly concerns the exploration of
tinine plasmatique (créatininémie) pour mesurer le débit de filtration its excretion and endocrine functions. The exploration
glomérulaire, seule ou associée avec sa mesure urinaire (créatini- of renal excretion functions in 2013 takes into conside-
nurie), ou encore inscrite dans un score (Cockcroft-Gault, MDRD, ration of plasma creatinine supremacy for measuring
CKD-EPI). Elle voit aussi l’apparition de nouveaux bio-marqueurs glomerular filtration rate as well alone as associated
sériques comme la NGAL, qui viendraient supplanter les marqueurs with urine creatinine, or included in a particular score,
qui n’ont pas vraiment fait surface (cystatine C, β2-microglobuline…). such as Cockcroft-Gault score, MDRD or CKD-EPI.
Les fonctions tubulaires sont explorées par la mesure de l’osmolalité New biomarkers appeared recently such as NGAL,
dans le plasma et les urines, ainsi que par la mesure du pH urinaire which could supplant markers that did not surface at
et le dosage des ions chlorures urinaires. L’ionogramme urinaire tient now such as cystatin C and β2-microglobulin. Kidney
toute sa place pour différencier l’insuffisance rénale (IR) organique de tubular functions are explored by the measure of both
l’IR fonctionnelle. L’analyse des urines prend une place grandissante plasma and urine osmolalities, as well as pH and chloride
avec l’étude des protéines et des calculs urinaires, sans négliger measurements in urines. Urinary ionogram takes a big
l’emploi des bandelettes urinaires permettant de dépister un diabète, place for differentiation between organic renal failure
une infection urinaire, une atteinte rénale organique et bien d’autres (RF) and functional RF. Urine analysis is more and more
anomalies pathologiques. De nouveaux marqueurs urinaires ont fait important with the study of its protein content and of
jour, comme KIM-1, mais on voit aussi augmenter l’emploi des cysta- renal stones, without neglecting the use of urine dips-
tine C et NGAL urinaires, seules ou couplées à leurs déterminations ticks allowing the detection of diabetes, urine infection,
sériques. L’exploration des fonctions endocrines du rein concerne (1) organic kidney disease and many other pathological
le système rénine-angiotensine-aldostérone activé dans l’hypertension situations. New urine biomarkers arose such as KIM-1,
artérielle réno-vasculaire et les hyperaldostéronismes, (2) le système but we can also remark the increase in the use of urine
kallicréines-kinines ainsi que des prostaglandines d’origine rénale cystatin C and NGAL, alone or coupled to their determi-
dans les pathologies inflammatoires et oedémateuses, (3) l’érythro- nation in plasma. The exploration of endocrine functions
poïétine dans l’anémie de l’IR et la polykystose rénale notamment, of kidney regards (1) renin-angiotensin-aldosterone sys-
(4) les métabolites de la vitamine D, en particulier le calcitriol, dont le tem as activated in renovascular arterial hypertension
défaut dû à l’IR est la cause d’hypocalcémie, d’ostéites fibreuses et and hyperaldosteronism, (2) kallicrein-kinin system as
plus rarement de néphrocalcinose. Le rein exerce aussi des fonctions well as prostaglandins from renal origin in inflamma-
métaboliques ; en particulier, chez l’insuffisant rénal on contrôlera tory and oedematous pathologies, (3) erythropoietin in
régulièrement la glycémie, le bilan lipidique et la thyroïde. On peut anemia related to RF and in polycystic kidney disease,
être amené à rechercher des auto-anticorps sériques et des dépôts (4) the metabolites of D vitamin, mainly calcitriol, since
immuns sur des biopsies rénales. its defect related to RF is the cause of hypocalcemia,
fibrotic osteitis and less frequently nephrocalcinosis. The
Créatinine – cystatine C – β2-microglobuline – NGAL – KIM-1 – rénine – kidney also exerts metabolic functions; in particular, in
aldostérone – érythropoïétine – calcitriol. RF patients we must control regularly glycaemia, lipid
parameters and thyroid. In certain circumstances, we
might detect serum auto-antibodies or immune com-
plexes in kidney biopsies.
a Biochimie A – Pôle Biologie médicale et pathologie
Creatinine – cystatin C – β2-microglobulin – NGAL –
Hôpitaux universitaires de l’Est Parisien (AP-HP)
KIM-1 – rennin – aldosterone – erythropoietin – calcitriol.
Site Saint-Antoine
184, rue du Faubourg Saint-Antoine
75571 Paris cedex 12
et EA-4530 – UFR Pharmacie – Châtenay-Malabry –
Université Paris Sud 1. Introduction
* Correspondance Cet article se propose de faire le point sur l’exploration
bruno.baudin@sat.aphp.fr des fonctions rénales et des maladies rénales. Le premier
chapitre concerne l’exploration des fonctions excrétrices
article reçu le 10 février, accepté le 15 février 2013. du rein avec les méthodes de détermination du débit de
© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. filtration glomérulaire (DFG), avec les méthodes de référence

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qui ne sont que d’un emploi limité à des laboratoires spé- sur des automates de biochimie. La diminution du DFG
cialisés, les méthodes plus usuelles essentiellement basées définit l’insuffisance rénale, ce qui traduit une perte de
sur la mesure de la créatinine dans le plasma ou le sérum, néphrons fonctionnels ; l’insuffisance rénale peut être
éventuellement associée à celle de la créatinine urinaire, aiguë ou chronique, fonctionnelle ou organique [1, 2].
ainsi que de nouveaux bio-marqueurs qui ont émergé voici
quelques années. Des formules ou algorithmes basés sur la 2.1.2. Méthodes de référence
créatininémie permettent une estimation du DFG convenant L’inuline est un polymère de fructose d’origine végétale
à la plupart des situations pathologiques. L’urée n’a plus (polyfructosane) ; sa masse moléculaire de 5 kDa et ses
guère d’emplois que pour différencier l’insuffisance rénale propriétés très proches de celles du marqueur exogène
aiguë des formes chroniques. Les fonctions tubulaires sont idéal en ont fait la méthode de référence (« gold standard »).
explorées essentiellement par les mesures d’osmolalité et L’inuline purifiée est perfusée en intraveineuse (IV) et les
du pH urinaire. L’analyse des urines reste particulièrement urines sont recueillies sur plusieurs heures, 1 à 3 h pour une
importante y compris par l’approche semi-quantitative avec épreuve courte, jusqu’à 12 h pour une épreuve longue qui
les bandelettes réactives. L’étude des protéines urinaires permet de mieux atteindre l’état d’équilibre entre infusion
bénéficie sans arrêt de nouveaux apports tant techniques et excrétion, en particulier quand le DFG est diminué. La
que par la découverte de nouvelles protéines marqueuses méthode en bolus est plutôt contre-indiquée car elle ne
d’atteinte rénale, le dernier article de ce dossier est réservé permet pas une mesure à l’équilibre. L’inuline est dosée
à ces approches diagnostiques et pronostiques. Le deu- dans le plasma et les urines par la même méthode colori-
xième chapitre est réservé à l’exploration des fonctions métrique (méthode de Sélivanoff qui dose spécifiquement
endocrines du rein, avec l’exploration du système rénine- les molécules de fructose) ou enzymatique (méthode avec
angiotensine-aldostérone, celle des kallicréines-kinines, deux enzymes), où après hydrolyse de l’inuline en fructose
la synthèse d’érythropoïétine et celle du calcitriol. Dans par l’inulinase, on a réduction de ce sucre en un polyol,
le troisième chapitre, il est question de l’exploration des le sorbitol, sous l’action de la sorbitol-déshydrogénase,
fonctions métaboliques du rein, en particulier vis-à-vis du enzyme à NADH,H+ donc avec lecture à 340 nm, ce qui
glucose et des lipoprotéines. Enfin, dans le dernier cha- en fait une méthode facilement automatisable.
pitre, il est rappelé que, dans certaines circonstances, il Les produits de contraste iodés utilisés en radiologie
est nécessaire de rechercher des auto-anticorps sériques présentent tous les avantages théoriques pour mesurer le
ou des immuns complexes dans des biopsies rénales afin DFG ; ils sont de faible masse moléculaire et présentent les
d’explorer les maladies rénales auto-immunes. mêmes caractéristiques d’élimination rénale que l’inuline.
L’iohexol est une molécule iodée de 615 Da présentant
l’avantage d’être non radioactive, non toxique, facilement
2. Exploration des fonctions quantifiable par CLHP dans le plasma quelques heures
excrétrices du rein après l’infusion IV. Généralement, on trace la courbe de
décroissance plasmatique ; il n’est donc pas nécessaire
2.1. Mesure de la filtration glomérulaire de recueillir les urines. L’iothalamate (821 Da) est utilisé
comme l’iohexol, mais il peut être radio-marqué à l’iode
2.1.1. Introduction 125, permettant une mesure plasmatique et urinaire pour
La fonction de filtration glomérulaire consiste à l’éla- l’établissement d’une clairance. Un autre avantage à l’em-
boration d’une urine primitive privée des éléments du ploi de ces marqueurs iodés est qu’ils rendent possible
plasma sanguin non ultra-filtrables par les glomérules la réalisation d’une urographie en même temps que la
des néphrons. Ainsi le rein assure une fonction excrétrice mesure du DFG. En revanche, on ne doit pas les utiliser
essentielle en éliminant des déchets métaboliques non chez les personnes présentant des allergies aux produits
volatils, certains étant dangereux, mais aussi de nombreux de contraste iodés.
produits chimiques exogènes (médicaments, toxines…) L’EDTA marquée au 51Cr est injectée en bolus et la radioac-
et leurs métabolites. La filtration glomérulaire intervient tivité plasmatique est mesurée à deux ou trois temps
dans les régulations homéostatiques, en particulier celles pour réaliser une courbe de décroissance. Le principal
de l’eau, du NaCl et du calcium, mais ici en amont des inconvénient réside dans l’emploi de produits radioactifs
fonctions tubulaires de réabsorption et de sécrétion. Le formellement contre-indiqués chez la femme enceinte et
débit de filtration glomérulaire (DFG) peut être mesuré à les patients en IRC devant subir de multiples estimations
l’aide d’une substance qui est librement filtrée, ni méta- du DFG. Il faut bien sûr disposer d’un laboratoire autorisé
bolisée, ni réabsorbée, ni sécrétée dans les tubules du à utiliser les radioéléments et à les éliminer sans danger.
néphron, donc dont la concentration plasmatique reste Les corrélations entre ces différents marqueurs sont excel-
constante pendant la période de recueil des urines. Les lentes, sinon pour l’inuline si elle n’est pas mesurée à
substances exogènes semblent les plus appropriées, l’équilibre, ce qui n’est pas toujours facile de savoir en
tels l’inuline, les produits de contraste iodés et des pro- pratique clinique. Point commun à toutes ces méthodes,
duits radioactifs comme l’EDTA marquée au 51Cr. On se la perfusion IV qui nécessite une hospitalisation, même
contente le plus souvent d’une mesure de la clairance de courte, en centre spécialisé (perfusion, recueil du sang et
la créatinine, même si cette dernière est sécrétée dans le parfois des urines fractionnées, dosages spécialisés, éta-
tubule proximal. Elle est beaucoup plus facile d’emploi blissement de courbes cinétiques, élimination de déchets
ne nécessitant pas de perfusion et parce que son dosage radioactifs…). Elles doivent toujours faire l’objet d’une
est aisé, maintenant réalisé par tous les laboratoires grande concertation clinico-biologique [2, 3].

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2.1.3. Urée, créatinine et clairance de la créatinine Figure 1 – Structures moléculaires de l’urée (1),
Le syndrome de rétention azotée se caractérise par l’aug- de la créatine (2) et de la créatinine (3).
mentation des composés azotés (urée, créatinine, acide
urique essentiellement) dans le sang avec en parallèle NH
diminution de leur élimination dans les urines.
H2N
N
2.1.3.1. Urée
H3C O
L’urée (figure 1) est un produit d’élimination de l’azote H2N
HO
organique. Elle est formée dans le cycle de l’uréogenèse,
NH2
essentiellement hépatique, par désamination des acides
aminés et avec utilisation du CO2 formé au cours du cycle O
de Krebs mitochondrial, qui apporte les ATP nécessaires O
à cette synthèse endergonique. L’uréogenèse est la voie
majeure d’élimination des fonctions amines des acides HN
aminés libres, peptidiques ou protéiques. L’autre voie
N
importante d’élimination de l’azote protéique est l’ammo-
H2N CH3
niogenèse, elle aussi hépatique. Les deux produits finaux,
l’urée et l’ammoniaque, sont hydrosolubles, donc facilement
éliminés par le rein, mais selon des modalités qui leur sont
propres (voir article 1). La clairance de l’urée est d’envi- (à l’orthophtalaldéhyde) existe encore ; elle présente un
ron 60 ml/min, ainsi elle est très inférieure au DFG. Ceci domaine de mesure plus large.
est lié au caractère très diffusible de l’urée ; elle subit un L’urémie est normalement comprise entre 2,5 et
cycle intra-rénal dans un gradient cortico-papillaire, donc 7,5 mmoles/L ; elle est plus basse chez la femme et s’abaisse
avec des passages inter-néphroniques (cycle de Kühn et pendant la grossesse ; elle augmente avec l’alimentation
Wirz). Après filtration glomérulaire, elle est réabsorbée de riche en azote (viandes…) et avec l’âge ; elle est inférieure
façon inversement proportionnelle au débit urinaire. L’urée d’environ 40 % à la naissance par rapport à l’adulte. L’uré-
peut être dosée dans le sang total, le plasma sanguin ou mie est abaissée en cas d’hémodilution (hyperhydrata-
le sérum (urémie), et les urines (urée urinaire). tion extracellulaire), dans les déficits enzymatiques qui
Les méthodes de dosage sont essentiellement enzyma- touchent l’uréogenèse hépatique (déficits congénitaux,
tiques utilisant l’uréase avec dosage colorimétrique du en particulier le déficit en ornithine-carbamyltransférase ;
produit formé, l’ion NH4+, par la réaction de Berthelot déficits néonataux surtout chez les prématurés par défaut
(salicylate et hypochlorite en milieu alcalin, en présence de maturité hépatique ; insuffisance hépatique terminale),
de nitroprussiate, forment avec l’ion NH4+ un indophénol dans les carences protéiques et les grandes carences nutri-
vert) ou par la glutamate-déshydrogénase (GLDH) rame- tionnelles, et dans les malabsorptions digestives. L’urémie
nant à une mesure de la variation de concentration du est augmentée dans l’insuffisance rénale (IR) par défaut
NADH,H+ à 340 nm (c’est la méthode actuellement la plus d’excrétion rénale, comme pour les autres substances
utilisée), ou encore par conductimétrie dosant l’ensemble azotées (syndrome urémique) ; mais elle augmente aussi
NH4+ + HCO3- (carbonate d’ammonium) : en cas d’hyper-catabolisme azoté (septicémie, hémorragie
uréase digestive, grand brûlé, corticoïdes…), des situations d’ail-
H2N-CO-NH2 + 2 H2O ➞ CO32- + 2 NH4+ leurs souvent accompagnées d’IR fonctionnelle et d’une
augmentation de l’urée urinaire. L’urémie augmente aussi en
GLDH cas de déshydratation extracellulaire (hémoconcentration) ;
NH4+ + α-cétoglutarate + NADH,H+ ➞ L-glutamate + NAD+ ainsi elle est sensible à l’alimentation et à l’état d’hydrata-
Les automates de biochimie sont le plus souvent équi- tion. Son augmentation dans l’IR est moins spécifique que
pés d’électrodes sélectives avec uréase immobilisée celle de la créatinine, qui lui est donc préférée ; en revanche
pour une mesure électrochimique, ou uréase et GLDH l’augmentation de l’urémie est souvent plus précoce et plus
immobilisées pour une mesure spectrophotométrique. importante quantitativement (augmentations plus franches),
Les méthodes colorimétriques chimiques directes (à la ainsi sa sensibilité dans l’insuffisance rénale aiguë (IRA) est
diacétyl-monoxime) sont devenues anecdotiques. Une meilleure que celle de la créatinine. Dans le cadre de l’IRA,
méthode utilisant le couple uréase/GLDH est préconisée on dose urée et créatinine plasmatiques conjointement et
par la SFBC pour doser l’urée plasmatique. L’urémie est on établit leur rapport (urée/créatinine plasmatique), ce qui
dosée préférentiellement sur plasma hépariné et à jeun, permet de différencier IRA fonctionnelle (rapport > 100) et
le fluorure de sodium doit être évité (il inhibe l’uréase). IRA organique (rapport < 50) (voir article 3).
L’urée urinaire est dosée sur une miction ou sur les urines L’urée urinaire est normalement comprise entre 300 et
de 24 heures, si possible recueillies sur antiseptique, car 500 mmoles/24 h. Elle augmente avec une alimentation
certaines bactéries possèdent une uréase. Le dosage de riche en protéines ; c’est un indice nutritionnel d’apport de
l’urée dans les urines par voie enzymatique à l’uréase est matières azotées. L’urée urinaire témoigne également du
le plus courant comme pour l’urée plasmatique, mais il pouvoir de concentration du rein ; ainsi elle est diminuée dans
nécessite la réalisation d’un blanc échantillon pour éliminer l’IR organique (rapport urée urinaire/urée plasmatique < 10)
l’interférence liée à la présence de fortes concentrations montrant l’incapacité du rein à éliminer l’urée. En revanche,
d’ions NH4+ dans les urines. Une méthode chimique directe elle reste normale ou est un peu diminuée dans l’IR

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les protéines, les acides organiques ou cétoniques comme
Tableau I – Intérêt de l’ionogramme, de l’urée,
de la créatinine et de l’osmolalité urinaires l’acéto-acétate et le pyruvate, l’acide urique, le glucose
pour définir une insuffisance rénale. et l’ascorbate, certaines céphalosporines ; interférence
négative avec la bilirubine). On améliore la spécificité en
IRC IRAO IRAF
éliminant les protéines par précipitation ou dialyse. Néan-
Diurèse N ou moins, la meilleure façon de diminuer les interférences est
Na+/K+ urinaires >1 >1 <1 de réaliser une lecture spectrophotométrique en cinétique
Urée/créatinine N avec une lecture précoce, la créatinine réagissant au réactif
urinaires (mmoles/L) de Jaffé plus vite que les molécules interférant. À l’heure
Créatinine U/P - < 30 > 30 actuelle plus de 90 % des laboratoires utilisent le Jaffé
Urée U/P - < 10 > 10 cinétique sans déprotéinisation, et la plupart en suivant les
Osmolalité U/P - <1 >1
recommandations de la SFBC, c’est-à-dire en effectuant
IRC = insuffisance rénale chronique ; IRAO = insuffisance rénale aiguë organique ;
IRAF = insuffisance rénale aiguë fonctionnelle ; U = urine ; P = plasma.
un blanc-réactif (Jaffé compensé). Mais, les méthodes
enzymatiques tendent à remplacer la méthode de Jaffé,
par exemple en utilisant la créatininase (EC-3.5.2.10) :
fonctionnelle (rapport urée urinaire/urée plasmatique > 10)
(tableau I). Créatinine + H2O ➞ créatine
L’acide urique aussi subit une élimination rénale efficace La créatine formée est dosée enzymatiquement avec la
avec filtration glomérulaire des ions urates et sécrétion créatine-kinase (CK), et donc comme pour la détermina-
tubulaire de la forme acide. L’insuffisance rénale reste la pre- tion de l’activité CK avec au final le dosage à 340 nm du
mière cause d’augmentation de l’acide urique plasmatique NADH,H+ consommé. Une variante utilise la créatinase en
(uricémie), même si elle n’est pas spécifique ni sensible. tant qu’enzyme secondaire ; elle transforme en sarcosine la
Quant à l’acide urique urinaire (uraturie à pH acide), il sert créatine formée ; la réaction se poursuit avec oxydation de
plutôt à diagnostiquer des défauts d’élimination, causes la sarcosine en formaldéhyde et glycine, avec mesure à la
de crises de goutte et de la goutte chronique. peroxydase du peroxyde d’hydrogène formé. Il existe aussi
une méthode à la créatinine-désaminase (EC-3.5.4.21), avec
2.1.3.2. Créatinine dosage colorimétrique de l’ammoniac libéré. Ces méthodes
La créatinine, ou N-méthyl-guanidino-glycine, est le produit enzymatiques ne sont pas dénouées d’interférences, en
de déshydratation spontanée de la créatine musculaire particulier il faudra rejeter les prélèvements très ictériques ;
qui sert à transférer un groupement phosphate (créatine- de plus, des médicaments comme la flucytosine, un anti-
phosphate) sur l’ADP pour produire spontanément de l’ATP fongique, ou la céfoxitine, une céphalosporine, peuvent
nécessaire à la phosphorylation de la myosine au cours de interférer. Des améliorations portant sur les réactifs sont
la contraction musculaire (figure 1). La créatine est régu- constamment apportées. Le principal frein au développement
lièrement synthétisée dans le foie, le rein et le pancréas à des méthodes enzymatiques reste leur prix relativement
partir de la glycine et de l’arginine avec une dernière étape élevé. La méthode de référence pour doser la créatinine
de méthylation dans le foie, d’où elle est sécrétée vers la est la chromatographie en phase gazeuse couplée à la
circulation sanguine pour être prélevée par les cellules spectrométrie de masse après dilution isotopique (IDMS) et
musculaires squelettiques par un transporteur membra- purification par chromatographie d’échange d’ions. Plusieurs
naire. Puis, après déphosphorylation, elle est transformée méthodes de CLHP ont aussi été proposées avec détection
en créatinine, qui passe dans la circulation et se retrouve UV des produits de la réaction de Jaffé.
dans les urines. La créatinine libérée par les muscles est Actuellement, la créatininémie est surtout dosée sur plasma
éliminée par les reins en subissant une filtration glomérulaire hépariné en même temps que le bilan électrolytique et
totale (sa Mr est de 113 Da ; elle est hydrosoluble et n’est rénal (ionogramme + urée + créatinine). Il est préférable
pas liée aux protéines plasmatiques) et une sécrétion dans d’effectuer le prélèvement le matin à jeun pour limiter les
le tubule proximal, en compétition d’un certain nombre de interférences et se placer à distance des repas et de l’exer-
substances, des médicaments comme l’acétazolamide, cice physique. Il faut aussi éviter le jeûne prolongé à cause
la cimétidine et la triméthoprime, ou d’autres substances de la formation de corps cétoniques si on utilise la méthode
comme l’acide para-aminohippurique et l’oxalate. Dans de Jaffé. Quant à la créatinine urinaire, elle est dosée sur
certaines circonstances, la créatinine serait réabsorbée les urines de 24 heures ou sur un échantillon d’urines. Les
dans les tubules, en particulier lorsque le débit rénal est étalons primaires et les échantillons d’urines doivent être
très faible ; elle est aussi éliminée par la voie intestinale. acidifiés, car à pH = 2 on trouve 100 % de créatinine, et
On peut doser la créatinine dans le plasma sanguin ou le moins de 50 % à pH = 7, une grande partie se transformant
sérum (créatininémie) et les urines de 24 h ou sur miction en créatine par hydratation spontanée. La réaction de Jaffé
(créatininurie ou créatinine urinaire). Les méthodes de appliquée aux urines est moins sensible aux interférences
dosage sont soit colorimétriques chimiques soit enzyma- car il n’a pas de chromogènes dans les urines, sinon certains
tiques ; on utilise encore beaucoup la méthode de Jaffé au médicaments éliminés dans les urines, comme les céphalos-
picrate alcalin (réaction colorée plus ou moins spécifique), porines. Si la méthode enzymatique utilise un dosage d’ion
soit en point final soit en colorimétrie cinétique (Jaffé ciné- ammonium, il faudra éliminer cet ion de l’échantillon par une
tique), généralement après dialyse ou adsorption sur terre résine échangeuse d’ions. Néanmoins, les résultats obte-
de Füller pour éliminer les interférences par les chromo- nus par les méthodes enzymatiques donnent des résultats
gènes (interférences positives avec les acides aminés et de créatininurie plus élevés que par la méthode de Jaffé.

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Il est recommandé d’hydrater correctement le patient au donc sans altération du DFG. Le rapport créatinine urine/
début de l’épreuve de clairance et d’éviter les diurétiques. plasma aide à différencier l’IR organique (< 30) de l’IR fonc-
La créatininémie est normalement comprise entre 60 et tionnelle (> 30), donc sur un simple échantillon d’urines,
115 μmoles/L chez l’homme et entre 50 et 105 μmoles/L sans établir de clairance (tableau I).
chez la femme. Elle ne dépend ni de l’alimentation (sauf
des apports carnés) ni de l’état d’hydratation (dans cer- 2.1.3.3. Clairance de la créatinine
taines limites), ou encore de la maturité hépatique. Elle Elle s’exprime par :
est le reflet de la masse musculaire maigre (qui peut être
créatininurie (mmoles/L) x débit urinaire (ml/min)
estimée par la surface corporelle) ; ainsi, elle est plus
créatininémie (mmoles/L)
faible en moyenne, chez la femme et chez l’enfant. Elle
augmente avec l’âge jusqu’à stabilisation de la masse La clairance est exprimée en unité de débit (ml/min) ; elle
musculaire, et diminue chez les personnes âgées puisque nécessite deux dosages (la créatinine plasmatique et la
la masse musculaire diminue, sinon que le nombre de créatinine urinaire) et la mesure de la diurèse, donc du
néphrons fonctionnels diminue aussi et donc que la créa- recueil des urines de 24 h ou d’un échantillon sur un temps
tinine a tendance à augmenter ; ces deux phénomènes minuté. La principale difficulté dans la détermination de la
aux effets opposés se conjuguent. La créatininémie est clairance est le recueil des urines, souvent mal effectué
augmentée par l’exercice physique, qui libère de la créa- en ambulatoire, mieux contrôlé en milieu hospitalier et
tinine musculaire ; donc, elle doit être mesurée au repos bien sûr encore plus facilement si une sonde urinaire a
(le matin à jeun). Dans les grandes fontes musculaires, été posée. C’est encore plus difficile chez les enfants et
on peut retrouver de franches hypo-créatininémies, ainsi les nouveau-nés. En médecine de ville et en consultation
que dans les maladies musculaires héréditaires (maladie hospitalière, il est préférable d’utiliser des formules basées
de Duchenne) ou non héréditaires (polymyosites, derma- sur la seule créatininémie. Plus encore, le simple fait de
tomyosites, atrophies musculaires), dans l’hyperthyroïdie, doser la créatininémie sur un échantillon de sang et sur
suite à des traitements qui touchent la masse musculaire, les urines de 24 h pose un problème puisqu’il existe un
comme avec les corticoïdes administrés au long cours, rythme nycthéméral de la créatininémie, apportant néan-
et à chaque fois que la balance azotée est négative. Les moins une variabilité normalement inférieure à 8 %. Ceci
anabolisants ont des effets inverses en augmentant la implique d’effectuer les clairances toujours dans les mêmes
masse musculaire et positivant la balance azotée. La conditions pour la prise de sang (allongé, au repos, à jeun,
créatininémie augmente surtout dans l’IR, mais elle n’est au même moment de la journée) [1-3].
qu’un reflet du DFG, car elle le surestime à cause d’une
part de sécrétion tubulaire. La créatinine plasmatique est 2.1.4. Formules et algorithmes
néanmoins très utilisée pour suivre les malades insuf- pour déterminer le DFG
fisants rénaux et pour établir des formules permettant Les formules de calcul de clairance de la créatinine (Clcréat)
d’estimer le DFG. On a vu que le rapport urée/créatinine présentent l’intérêt d’être facilement obtenues après une
plasmatique permet de différencier IR organique et IR simple prise de sang pour doser la créatininémie (en mg/dL
fonctionnelle. La relation entre la créatininémie et le DFG ou μmoles/L). Elles permettent de prendre en compte
n’est pas linéaire ; c’est une hyperbole inverse avec une d’autres paramètres comme la surface corporelle (ou le
relation très plate autour du seuil de normalité entre 60 poids), l’âge, le sexe ou encore l’origine ethnique. On peut
et 120 μmoles/L, valeurs qui peuvent donc correspondre tout simplement rapporter la clairance à une surface cor-
à des DFG significativement abaissés. Ainsi, une créati- porelle de référence (1,73 m2) qui permet de tenir compte
ninémie « normale » ne signifie pas nécessairement que de la taille et du poids de l’individu :
tout va bien. Les fourchettes de référence varient avec Clcréat corrigée = Clcréat mesurée x 1,73/surface calculée
(table de Dubois)
l’âge et l’index de masse corporelle (IMC). Par exemple,
Mais, la formule la plus utilisée est celle de Cockcroft et
une jeune femme asymptomatique présentant une créa-
Gault proposée dès 1976 [4] ; en fait, il en existe deux,
tininémie à 120 μmoles/L pourrait bien être anormale et
une pour les femmes et une pour les hommes, en tenant
nécessiter un suivi rénal ; en revanche, une telle valeur
compte du poids (en kg) et de l’âge (en années) :
chez un homme jeune et musclé serait attendue, et chez
une personne âgée, elle reflèterait le déclin physiologique (140 - âge) x poids (140 - âge) x poids x 1,23
du DFG avec l’âge par diminution du nombre de néphrons Clcréat (homme) = =
fonctionnels. 72 x Pcréat (mg/dL) Pcréat (μmoles/L)
La créatininurie est normalement comprise entre 10 et
18 mmoles/24 h. Elle est augmentée dans les diurèses
(140 - âge) x poids (kg) (140 - âge) x poids x 1,04
forcées (par perfusion ou emploi de diurétiques) ; elle est
Clcréat (femme) = =
sensible à la supplémentation orale en créatine (dopage
85 x Pcréat (mg/dL) Pcréat (μmoles/L)
légal) et à l’alimentation riche en viandes cuites (formation
de créatinine à la chaleur). Mais, on recherche essentiel- Par l’introduction du facteur « poids », cette équation
lement ses diminutions dans l’IR, qui s’expriment dans a tendance à surestimer la Clcréat chez les individus en
la détermination de la clairance de la créatinine ; c’est surpoids (obèses, syndromes oedémateux…). À l’inverse,
surtout dans ce cadre qu’on mesure la créatininurie. On l’introduction du facteur « âge » la sous-estime chez les
trouve aussi des hypo-créatininuries dans les fontes mus- sujets âgés. De plus, elle ne tient pas compte des ori-
culaires en parallèle de la diminution de la créatininémie, gines ethniques.

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 43


Dossier scientifique
Pour remédier à ces problèmes, d’autres équations ont populations en raison de fortes variations portant sur le
été proposées. En particulier, la formule dite MDRD poids et les habitudes alimentaires. L’indexation systé-
(« modification of the diet in renal disease ») où le DFG est matique sur la surface corporelle est controversée car
exprimé directement en ml/min pour 1,73 m3 de surface elle repose sur des données morphométriques colligées
corporelle. La créatininémie est exprimée en μmoles/L, en Europe au début du XXe siècle. Il est bien sûr facile,
l’âge en années et l’origine ethnique comme afro-amé- par exemple pour le MDRD, de diviser par 1,73 puis de
ricain ou pas. Nous donnons ici la dernière version uti- multiplier par la surface corporelle mesurée. Actuel-
lisant les unités SI et pour des dosages de créatinine lement, l’adaptation posologique des médicaments à
standardisés (étalonnés par méthode spectrométrique élimination rénale se fait essentiellement par la formule
isotopique) : de Cockcroft-Gault (recommandations de l’ANAES en
DFG (mL/min/1,73 m 2 ) = 175 x (P créat x 0,0113) -1,154 2002 confirmées au JO du 27/02/2003, données aussi
x âge-0,203 (x 0,742 si femme)(x 1,212 si afro-américain) retrouvées sur le Vidal). Les Recommandations pour la
avec Pcréat en μmoles/L et l’âge en années [5]. pratique clinique (RPC) émanant de la Société française
Cette formule ne tient pas compte de l’IMC mais prend de néphrologie (SFN) et publiées en 2009 sont un peu
en compte l’origine ethnique. Son principal désavantage différentes. Il est recommandé d’utiliser le MDRD dans
est de nécessiter une calculatrice, même si des sites un certain nombre de circonstances : production basale
Internet permettent de faire ce calcul facilement. Un de créatinine anormale, masse musculaire anormale
autre problème est que cette équation a été développée (obésité, amputation, paraplégie, dénutrition), apports
chez des patients insuffisants rénaux avec un DFG de diététiques inhabituels (végétariens, supplémentation
40 ml/min en moyenne ; elle est donc très performante en créatine). La formule MDRD a été largement validée
dans cette zone mais sous-estime le DFG pour les pour les patients entre 18 et 70 ans ; elle semble valable
individus normaux avec des DFG vrais (mesurés par aussi après 70 ans, mais en cas de valeur supérieure
clairance de l’inuline) entre 60 et 120 ml/min. à 60 ml/min/1,73 m2 il convient d’indiquer seulement
Pour ces raisons, l’équation CKD-EPI (« chronic kidney DFG > 60 ml/min/1,73 m2 en lieu et place d’une valeur
disease - epidemiology collaboration ») a inclus un plus chiffrée exacte. Chez le transplanté rénal, les formules
grand nombre d’individus dont des individus à fonction sont moins performantes ; actuellement, en pratique
rénale normale : clinique, la formule MDRD reste la formule préférée chez
D F G ( m L / m i n / 1 , 7 3 m 2 ) = 1 4 1 x m i n ( P c ré a t / k ) a x ces patients. Il est en tout cas contre-indiqué de rendre
max(Pcréat/k)-1,209 x 0,993âge (x 1,108 si femme)(x 1,159 le DFG avec deux formules (Cockcroft-Gault et MDRD
si noir) par exemple), qui pourraient donner lieu à de mauvaises
avec P créat en μmoles/L, k = 62 pour les femmes et interprétations. Il est toujours utile de rappeler les résul-
80 pour les hommes, a = -0,329 pour les femmes et tats antérieurs de créatininémie et de DFG ; c’est par
-0,411 pour les hommes ; si le rapport Pcréat/k est infé- exemple nécessaire pour établir le caractère chronique
rieur à 1, max(Pcréat/k) devient égal à 1, et si Pcréat/k est ou progressif de l’atteinte rénale, ou encore pour poser
supérieur à 1, min(Pcréat/k) devient égal à 1. Le CKD-EPI un diagnostic d’insuffisance rénale aiguë sur un terrain
est plus précis et plus exact que le MDRD, en particulier d’insuffisance rénale chronique. Enfin, il faut insister (et
dans la fourchette « normale ». Son principal inconvé- c’est maintenant obligatoire) sur le fait d’indiquer sur le
nient tient au choix de la population qui présentait peu compte-rendu d’examen la technique utilisée pour doser
la créatinine ; dans l’idéal, il faudrait choisir un dosage
de personnes âgées ou issues de minorités ethniques.
enzymatique avec étalonnage par IDMS. En tout cas,
On ne peut appliquer ni la formule de Cockcroft-Gault ni le
pour assurer un suivi optimal des patients insuffisants
MDRD chez les enfants ; Schwartz a proposé des formules
rénaux, il est important de toujours estimer le DFG avec
en fonction de l’âge (moins de 28 jours à plus de 13 ans)
la même formule [1-3]. Le tableau II donne les perfor-
en tenant compte de la taille (en cm) dans le calcul [6].
Elles font encore référence même si elles tendent à sures-
timer le DFG. Des formules plus complexes, prenant en Tableau II – Performances comparées des
compte d’autres paramètres biochimiques (cystatine C, principales formules développées pour estimer
β2-microglobuline…), ont vu le jour ces dernières années, le débit de filtration glomérulaire (DFG) dans
mais elles restent très dépendantes de l’exactitude des diverses situations : formule de Cockcroft-Gault
mesures. (CG), formule MDRD et formule CKD-EPI.
Ainsi, toutes ces formules et autres algorithmes sont très CG MDRD CKD-EPI
dépendants de la qualité du dosage de la créatininémie. DFG > 60 ml/min -
La formule originale de Cockcroft-Gault a été établie à
partir de dosages effectués par la méthode de Jaffé en DFG < 60 ml/min - -
point final ; elle ne devrait donc plus être utilisée. Le pre-
mier MDRD, dit MDRD « non standardisé », reposait sur Patient > 75 ans -
des dosages en Jaffé cinétique ; le MDRD standardisé et
Patient dénutri
le CKD-EPI actuels reposent sur un dosage enzymatique
à la créatininase étalonné par spectrométrie de masse Patient obèse - -
isotopique (IDMS). On peut aussi remarquer que le MDRD
et le CKD-EPI ont été établis aux Etats-Unis d’Amérique, La flèche indique une surestimation (vers le haut) ou une sous-estimation
(vers le bas) du DFG.
donc ils ne sont pas forcément exportables à d’autres

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REIN ET PATHOLOGIES

mances comparées des formules de Cockcroft-Gault, non-stéroïdiens, les glomérulonéphrites, les néphropa-
MDRD et CKD-EPI dans diverses situations. thies d’origine hypertensive et chez les patients en soins
intensifs. Actuellement, il est considéré que la Cys C
2.1.5. Autres marqueurs d’insuffisance rénale est supérieure à la créatininémie (enzymatique) seule-
ment si l’IMC est anormal ou quand le DFG est normal
2.1.5.1. Cystatine C ou subnormal. Si le DFG, estimé par la clairance de la
La cystatine C (Cys C) est une protéine basique non créatinine, est amélioré par la prise en compte de l’âge,
glycosylée de faible masse moléculaire (13,3 kDa). Elle du sexe et de l’IMC, les formules de Cockcroft-Gault et
fait partie de la superfamille des inhibiteurs de cystéine- MDRD donnent des résultats similaires à ceux donnés
protéases et est produite de façon constante par toutes par la Cys C sérique. À l’heure actuelle, aucune société
les cellules nucléées. Elle est impliquée dans de nom- savante ne préconise l’emploi de la Cys C pour le dépis-
breux processus physiopathologiques comme l’athé- tage ou le suivi des maladies rénales chroniques [1, 2, 7].
rosclérose et la pénétration des cellules malignes dans
les tissus normaux, mais on ne connaît pas ses cibles 2.1.5.2. β2-microglobuline (β2-M)
spécifiques. Sa faible masse moléculaire et sa charge La β2-M est une protéine de faible masse moléculaire
nette positive lui permettent d’être librement filtrée au (11,8 kDa) qui existe sous une forme libre et une forme
niveau glomérulaire. Elle est en grande partie réabsor- liée aux membranes cellulaires représentant la chaîne
bée par les cellules tubulaires où elle sera entièrement légère des molécules HLA de classe I. Elle joue un rôle
hydrolysée ; elle n’est pas sécrétée ni réabsorbée sous important dans les défenses immunitaires ainsi que dans
forme intacte ; ainsi, sa concentration plasmatique ne la prévention contre l’apparition des cellules cancéreuses.
dépend que du DFG. Chez l’individu dont le DFG est Cette protéine est présente dans de nombreux liquides
normal, la demi-vie plasmatique de la Cys C est d’environ biologiques dont le sang, les urines et le liquide cépha-
2 heures. Sa concentration plasmatique est donc très lo-rachidien (LCR). La β2-M sérique est un marqueur
faible ; comme pour la créatinine, elle augmente dans le de première intention dans le myélome multiple et les
plasma en cas d’insuffisance rénale glomérulaire. Elle lymphopathies B malignes. Elle est aussi utilisée dans le
n’augmente pas ou peu en cas d’inflammation ou de pronostic et la surveillance thérapeutique des infections
cancer, sauf peut-être dans certains cancers comme le à VIH, ainsi que dans le suivi des maladies inflamma-
mélanome, et dans l’infection par le VIH. L’hyperthyroïdie toires chroniques. Les méthodes de dosage de la β2-M
induit la production de Cys C. Elle a aussi été incriminée sont immunochimiques (chimiluminescence, turbidimé-
dans le processus athéromateux inflammatoire et dans trie, néphélémétrie ou RIA). Les valeurs usuelles sont
la dissémination néoplasique. La Cys C est dosée pré- comprises entre 1,1 à 2,4 mg/L dans le sérum et sont
férentiellement dans le sérum ; les différences relevées < 0,37 mg/24 h ou < 0,28 mg/g de créatinine dans les
entre sérum et plasma (recueilli sur EDTA ou héparine) urines. La β2-M urinaire est utilisée dans l’exploration et
sont controversées. Le dosage de la Cys C se fait par le suivi de la fonction rénale chez les patients hémodialy-
immuno-turbidimétrie ou immuno-néphélémétrie ; les sés ou ayant bénéficié d’une transplantation rénale. Tout
interférences sont rares, sauf avec des fortes teneurs dysfonctionnement du tubule proximal peut s’accom-
en facteur rhumatoïde. Les méthodes de mesure de la pagner d’une diminution de la réabsorption tubulaire
Cys C ne sont pas standardisées et ce dosage reste de β2-M, donc d’une augmentation de son élimination
coûteux, en particulier vis-à-vis du prix de la créati- urinaire malgré le maintien d’une filtration glomérulaire
nine, même enzymatique. Un matériel de référence est normale. Ainsi, une concentration urinaire élevée est ren-
disponible ; il s’agit d’un sérum humain additionné de contrée dans les atteintes tubulaires proximales (néphrite
Cys C recombinante. tubulo-interstitielle secondaire aux analgésiques, à une
La Cys C sérique ou plasmatique ne dépend pas de la intoxication par le cadmium ou la gentamicine). Une étude
masse musculaire et peu du sexe ; elle est constante entre sur la toxicité néphro-tubulaire des antimitotiques a mon-
1 an et 50 ans. Les valeurs normales (< 50 ans) vont de tré que l’exposition rénale à l’ifosfamide était corrélée
0,65 à 1,35 mg/L ; la Cys C augmente après 50 ans signant à l’augmentation de la β2-M urinaire. Elle est aussi un
une diminution du DFG par déclin néphronique. Elle est marqueur fiable de lésions rénales traumatiques dans le
sensible au traitement par les corticoïdes au long cours, et cas où la radiologie ne révèle aucune lésion alors qu’il y
dans une moindre mesure au tabagisme et à la consom- a des hématuries microscopiques ou macroscopiques.
mation d’alcool. La corrélation entre la Cys C sérique Ce marqueur pourrait aussi servir à la classification du
et le DFG mesuré par une substance exogène est du degré de gravité des patients atteints de traumatismes
même ordre que celle obtenue avec la clairance de la rénaux. Dans les cancers des voies urinaires, il a été
créatinine. Chez les transplantés rénaux en période démontré que l’augmentation de l’excrétion urinaire de
post-opératoire, la Cys C sérique diminue plus vite que la β2-M était associée à des métastases à distance du
la créatinine montrant une reprise de l’activité rénale ; cancer de la prostate. Un exercice physique intense
dans le suivi post-greffe, la Cys C est plus sensible que augmenterait la β2-M urinaire [2, 8].
la créatinine ou sa clairance pour détecter une diminu-
tion du DFG. Elle s’est aussi montrée supérieure à la 2.1.5.3. NGAL
créatinine dans le dépistage d’une diminution du DFG Il s’agit de la « neutrophil gelatinase associated lipocalin » ;
chez les plus de 67 ans, dans le diabète de type II, la c’est une glycoprotéine de 25 kDa appartenant à la superfa-
polyarthrite rhumatoïde traitée par les anti-inflammatoires mille des lipocalines, protéines de faible masse moléculaire

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 45


Dossier scientifique
ayant la capacité de fixer le fer. Initialement, la NGAL a été Elle est normalement légèrement positive ; si elle augmente
isolée de granules spécifiques des polynucléaires neutro- beaucoup, on se trouve en « diurèse forcée » (recherchée
philes. Elle présente des propriétés bactériostatiques en avec les diurétiques) ; si elle devient négative, on est en
étant libérée par les polynucléaires activés localement. La « anti-diurèse » ; et si elle est nulle (Cleau libre = Closm), on
NGAL se lie de façon covalente à la métalloprotéase matri- est en « diurèse osmotique ». La Cleau libre est très altérée
cielle-9 (MMP-9), ainsi qu’à des sidérophores bactériens dans les polyuries dont les principales causes sont les
venant priver les bactéries de fer, ce qui limite leur capa- surcharges osmotiques : la perfusion d’une substance for-
cité de multiplication. Ainsi, en luttant contre les infections tement osmotique (glucose par exemple), les potomanies
bactériennes exogènes, la NGAL est une composante de (abus d’ingestion d’eau, parfois d’origine psychogène)
l’immunité innée. Elle est aussi un facteur de croissance et et les diabètes insipides (par défaut d’hormone antidiu-
de différenciation vis-à-vis de l’épithélium rénal ; en culture, rétique ou ADH, ou de ses récepteurs tubulaires). Dans
la NGAL favorise l’organisation des cellules épithéliales en tous ces cas la Cleau libre sera très augmentée (urines très
structures tubulaires. Elle peut être dosée par des méthodes diluées par diurèse forcée). Si les résultats directs ne sont
immunochimiques en phase hétérogène ou homogène pas concluant, on peut réaliser une épreuve de privation
dans le sang total, le sérum ou les urines. L’élévation de la hydrique. Une réponse nulle ou faible est caractéristique
NGAL sérique a d’abord été documentée dans les infections d’un diabète insipide, alors que chez les potomanes, la
bactériennes systémiques. Il a ensuite été montré qu’elle privation hydrique est efficace (augmentation de l’osmo-
augmentait dans l’IRA très précocement et avec une grande lalité urinaire). Ce test est désagréable pour le patient,
spécificité, par exemple dès deux heures après une interven- et potentiellement dangereux ; on peut alors réaliser un
tion chirurgicale se compliquant d’IRA. Les études menées test court sur la nuit (suppression des apports hydriques
sur l’IRC sont tout aussi convaincantes ; l’augmentation de entre 20 h le soir et 10 h le lendemain). Si la réponse n’est
la NGAL sérique ne serait pas uniquement la conséquence toujours pas concluante, on administre de la desmopres-
d’une réduction du DFG, mais aussi celle d’une inflam- sine (ou dDAVP, désamino-D-Arg-vasopressine, Minirin®),
mation locale. Donc, globalement la NGAL sérique serait un analogue de synthèse de l’ADH ; si les tubules rénaux
un marqueur de gravité de l’IR. Sa détermination dans les répondent normalement, c’est un diabète insipide vrai
urines serait plus intéressante encore ; certains auteurs ont (défaut central d’ADH), sinon c’est un diabète insipide
proposé de la doser en même temps dans le sérum et les néphrogénique (absence ou défaut des récepteurs à
urines (voir ci-dessous) [2, 9]. l’ADH). À l’inverse, la Cleau libre est très diminuée voire nulle
dans les syndromes de déshydratation.
2.1.5.4. Les autres marqueurs plasmatiques Les fonctions tubulaires régulant l’équilibre acido-basique
L’IL-18 et d’autres cytokines pro-inflammatoires sont peuvent être explorées statiquement par la mesure du
augmentées dans l’IRA ; comme pour la NGAL, leurs pH urinaire ou dynamiquement par l’injection d’un agent
augmentations plasmatiques signeraient à la fois la gra- acidifiant. Le rôle du rein est double : éliminer des protons
vité de l’atteinte rénale et sa composante inflammatoire. acides et maintenir les capacités tampon du plasma en
Leurs élévations sont corrélées à la sévérité, à la durée
réabsorbant des bicarbonates. Ainsi, physiologiquement
de l’IRA, ainsi qu’à la durée du maintien en réanimation
les urines sont acides (pH < 5,3) ; si elles sont neutres
et à la mortalité globale.
ou alcalines (après avoir pris les précautions d’usage
garantissant l’asepsie), une acidose tubulaire rénale (ATR)
2.2. Mesure des fonctions tubulaires peut être suspectée, bien sûr dans un cadre d’acidose
Par ses fonctions tubulaires multiples et intriquées, le métabolique non étiquetée et surtout en pédiatrie. Les
rein maintient les homéostasies hydrominérale, acido- ATRs sont regroupées en 4 types, selon que le défaut
basique et phosphocalcique. L’osmolalité urinaire sert de touche la sécrétion des protons ou la réabsorption des
marqueur général de la fonction tubulaire, car la fonction bicarbonates, ou s’associe à d’autres anomalies. Quand
tubulaire la plus fréquemment touchée dans les maladies le pH urinaire n’est pas convainquant, on peut injecter du
rénales est la capacité à concentrer l’urine. Si l’osmo-
chlorure d’ammonium et réaliser une collecte fractionnée
lalité urinaire est supérieure ou égale à 600 mOsm/kg,
des urines sur les 8 heures après l’injection. D’autres
la fonction tubulaire est considérée comme intacte. Si
mesures sont possibles (titrage de l’acidité urinaire, titrage
elle devient proche de celle du plasma (≈ 300 mOsm/kg),
des ions ammonium urinaires, clairances de l’acide p-ami-
c’est que les tubules réabsorbent mal l’eau. Il est inté-
nohippurique, de la phénolsulfonephtaléïne), mais elles
ressant d’établir le rapport des osmolalités urinaire/
sont réservées à des laboratoires spécialisés [2].
plasmatique pour différencier IR organique et IR fonc-
L’homéostasie phosphocalcique dépend aussi beaucoup
tionnelle (tableau I). On peut aussi calculer la clairance
du rein ; elle sera explorée par les bilans phosphocalciques
osmotique (Cl osm) en établissant ce même rapport de
plasmatique et urinaire et par des dosages d’hormones
l’osmolalité urinaire (OsmU) sur l’osmolalité plasmatique
(parathormone et vitamine D). Cette exploration sera
(OsmP) et en multipliant par le débit urinaire (V) comme
traitée plus loin (chapitre 2.4.).
pour toute clairance rénale :
Closm = OsmU.V/OsmP 2.3. L’analyse d’urines
La clairance osmotique sert surtout à calculer la clairance
2.3.1. Analyses qualitatives
de l’eau libre (Cleau libre) :
L’analyse d’urines est très importante ; elle est souvent
Cleau libre = V - Closm réalisée, tout du moins en partie, dans le cabinet du

46 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451


REIN ET PATHOLOGIES

médecin ou de l’infirmière à l’hôpital, ou encore dans des (voir article 5). Le plus souvent, on confirme la protéinurie
centres médicaux (PMI, centre de dépistage, médecine du par un dosage quantitatif au laboratoire ; la protéinurie
travail…). Cette analyse se fait au moyen de bandelettes pathologique peut dépasser 40 g/24 h.
réactives à usage unique et disponibles dans le com-
merce, la plus connue (et complète) étant le Multistix®. 2.3.1.3. Bilirubine et urobilinogène
De l’urine fraîche est recueillie dans un récipient sec et La bilirubine provient du catabolisme de l’hème (protopor-
propre ; la bandelette est trempée brièvement dans l’urine phyrine IX) de l’hémoglobine. Dans le plasma sanguin, elle
en veillant à ce que toutes les zones imbibées de réactifs existe sous une forme conjuguée (à l’acide glucuronique,
soient immergées ; la bandelette est retirée en prenant soin réaction effectuée dans les cellules hépatiques) et une
d’éliminer l’excès d’urine en la pressant contre le bord du forme non conjuguée. Cette dernière, peu soluble, est liée
récipient ; elle est ensuite maintenue à l’horizontal pendant à l’albumine ; ainsi, seule la forme conjuguée hydrosoluble
1 ou 2 minutes (selon la bandelette), puis on compare peut passer le filtre glomérulaire et se retrouver dans les
la coloration des zones réactives à celle de la palette urines. Cette bilirubinurie est toujours pathologique ; en
fournie avec les bandelettes. Toutes les bandelettes sont effet la bilirubine conjuguée est normalement excrétée par
sensibles au glucose, aux protéines et à l’hémoglobine l’arbre biliaire dans l’intestin, où elle est dégradée par les
(sang). Certaines, en plus, sont sensibles à la bilirubine, bactéries en urobilinogène et stercobilinogène. Un peu
à l’urobilinogène, aux corps cétoniques, aux nitrites, à de bilirubine et quasiment tout le stercobilinogène sont
la myoglobine, aux leucocytes, ou encore permettent réabsorbés dans la circulation porte ; ils sont captés par
une mesure du pH et de la densité urinaires. La zone le foie et ré-excrétés dans la bile, commençant un cycle
imbibée de réactif change de couleur si le composant entéro-hépatique. La plus grande partie de l’urobilinogène
est présent dans l’urine ; l’intensité de cette couleur est est éliminée dans les selles (urobilinogène fécal), mais on
proportionnelle à la concentration du composant (mesure en retrouve dans la circulation sanguine et normalement
semi-quantitative exprimée en nombre de croix) [2]. pas dans les urines. Une obstruction sur l’arbre biliaire
interrompt ce cycle entéro-hépatique se traduisant par
2.3.1.1. Glucose une augmentation de la bilirubine dans le plasma, qui
L’urine normale ne contient pas de glucose et elle est devient ictérique, et dont une partie se déverse dans les
insipide (non sucrée) ; la présence de glucose indique urines. L’urobilinogène peut aussi se retrouver dans les
que la charge de glucose filtrée dépasse la capacité de urines. Ces augmentations urinaires ne sont pas spéci-
réabsorption des tubules rénaux. Cette glycosurie est le fiques d’une atteinte hépatique, car on les retrouve dans
plus souvent pathologique puisqu’elle reflète une hyper- l’hémolyse à cause d’une libération massive d’hémoglo-
glycémie (« diabète sucré » ou « diabetes mellitus », patient bine qui va être dégradée en ces produits. Par ailleurs,
diabétique avec des urines sucrées). Cette recherche à ces augmentations ne signent pas une anomalie rénale.
la bandelette est le test de dépistage du diabète le plus
simple et le plus répandu bien qu’il ne soit pas sensible, 2.3.1.4. Corps cétoniques
en effet la glycémie doit être supérieure à 8 mmoles/L Les corps cétoniques (β-hydroxy-butyrate et acéto-acétate
pour dépasser le seuil de réabsorption rénale du glucose. essentiellement) sont les produits de la dégradation des
Elle n’est pas spécifique, car en cas d’abaissement du acides gras ; leur augmentation dans le plasma indique
seuil rénal de réabsorption du glucose, une glycosurie généralement que l’organisme utilise les graisses (triacyl-
apparaît même pour des glycémies normales (moins de glycérols) pour se procurer de l’énergie plutôt que de les
6 mmoles/L) ; c’est le cas au cours de la grossesse et dans stocker, comme dans une période de jeûne prolongée, ou
les glycosuries rénales congénitales qui sont relativement quand le foie n’est plus capable d’utiliser les sucres (« crise
fréquentes et bénignes (« diabète rénal », les urines ont un de foie » après alcoolisation par exemple). C’est aussi le
goût sucré mais le patient n’est pas malade). Par ailleurs cas dans le diabète mal contrôlé, et en particulier dans le
une glycosurie postprandiale peut survenir suite à l’élé- diabète de type I, dit insulino-dépendant, par défaut d’uti-
vation temporaire de la glycémie ; c’est une glycosurie lisation du glucose (acidocétose du diabétique). Les corps
alimentaire qui n’a rien à voir avec le diabète. Le plus cétoniques augmentent dans le sang (cétonémie) et les
souvent, on confirme la glycosurie pathologique, liée au urines (cétonurie). La recherche de corps cétoniques dans
diabète, par un dosage quantitatif au laboratoire, où elle les urines est un test de dépistage du diabète, conjointe-
peut dépasser 20 mmoles/24 h. ment avec la recherche de glucose. Si la glycosurie peut
augmenter dans le diabète rénal, les corps cétoniques
2.3.1.2. Protéines sanguins et urinaires ne le sont pas.
L’urine normale contient très peu de protéines, moins de
50 mg/24 h. Une augmentation de la protéinurie peut tra- 2.3.1.5. pH et densité urinaires
duire une excrétion anormale de protéines par le rein, par L’urine est normalement acide montrant une forte concen-
l’appareil urinaire (en cas d’infection essentiellement) ou tration en ions hydrogène (rappel : pH = -log [H+]). On
tout simplement peut refléter la présence de sang dans les mesure le pH urinaire devant une acidose métabolique
urines, c’est pourquoi on associe toujours les recherches inexpliquée (ATR possible) ou si l’on suspecte la prise
de protéines et de sang. Même si elle est bien d’origine de drogues acidifiantes. La mesure de la densité n’est
rénale, la protéinurie peut être due à une atteinte glomé- qu’un reflet de la concentration des urines ; si la densité
rulaire ou tubulaire ; elle devra être étudiée plus précisé- augmente, c’est que les urines sont concentrées. Cette
ment, et en particulier après séparation par électrophorèse mesure semi-quantitative confirme en général l’examen
ou par le dosage de protéines ou d’enzymes tubulaires visuel de la couleur des urines, couleur foncée si les

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 47


Dossier scientifique
urines sont concentrées. Là encore, ce n’est qu’un test 2.3.2. Analyses quantitatives
de dépistage ; il faudra mieux évaluer la capacité du rein
à concentrer les urines par la mesure de l’osmolalité uri- 2.3.2.1. Ionogramme urinaire
naire, voire par la détermination de la clairance osmolaire Le dosage des ions urinaires participe de deux façons à
ou celle de l’eau libre (test de restriction hydrique, test l’exploration rénale, d’une part par leurs valeurs cumu-
au dDAVP…). lées ils représentent partiellement l’osmolalité urinaire
(Na+ + K+ + Cl-), et d’autre part par leurs valeurs relatives,
2.3.1.6. Sang dans les urines en établissant le rapport Na+/K+ urinaire, ils montrent l’effi-
La présence de sang dans les urines (hématurie) peut être cacité de l’aldostérone sur la réabsorption du Na+. Les
due à de nombreuses causes, dont la contamination par valeurs normales vont de 80 à 150 mmoles/24 h pour la
les règles, une infection des voies urinaires, ou encore une natriurie (Na+ urinaire) et 40 à 80 mmoles/24 h pour la kaliurie
tumeur sur le tractus urinaire (rein, vessie, prostate…). Les (K+ urinaire), avec un rapport Na+/K+ compris entre 1,8 et 2,2.
bandelettes réactives détectent l’hémoglobine et la myo- La natriurèse de 24 h renseigne sur la quantité de sel
globine ; si on ne retrouve pas d’hématies dans le culot consommée dans la journée ; par exemple, 10 g de sel
de sédimentation (ou mieux de centrifugation), il s’agira consommé par jour donnera 170 mmoles de sodium
plutôt d’une hémoglobinurie ou d’une myoglobinurie. Ce dans les urines de 24 h. Les ions chlorures (Cl- urinaire)
sont des protéinuries pré-rénales car elles correspondent accompagnent essentiellement les ions Na+ (NaCl) ; les
à l’apparition d’hémoglobine dans le plasma (hémoglo- valeurs normales de la chlorurie sont comprises entre
binémie des hémolyses intravasculaires par exemple) 100 et 200 mmoles/24 h. Si le sodium urinaire est très haut
ou de myoglobine (myoglobinémie des atteintes mus- avec un volume de diurèse faible, le rein concentre l’urine
culaires), ces deux protéines passant librement le filtre (l’osmolalité est élevée) par défaut d’élimination d’eau ;
glomérulaire. En revanche, si des hématies apparaissent cette situation est fréquente dans l’insuffisance rénale
dans l’urine, et si on a exclu les causes de contamination fonctionnelle (syndrome oligo-anurique) généralement
par des saignements dans l’arbre urétro-vésical, on a le accompagnée d’un rapport Na+/K+ inférieur à 1 montrant
signe d’une atteinte rénale avec altération des glomérules l’hyper-aldostéronisme secondaire (tableau I). Il permet
rénaux. Cette hématurie pathologique est microscopique d’éliminer une partie du potassium qui s’accumule dans
si on ne la voit pas à l’œil nu, ou macroscopique si elle le sang (hyperkaliémie de l’insuffisance rénale). L’hyper-
colore les urines ; elle est alors plus grave et on a intérêt hydratation globale avec anurie est caractéristique de
à compter les hématies urinaires (hématurie quantitative l’insuffisance rénale aiguë qui doit être traitée d’urgence
ou compte d’Addis). Le plus souvent, on compte aussi les par épuration extrarénale. À l’inverse, dans l’insuffisance
leucocytes ; c’est l’examen cytologique des urines. Il est chronique (en particulier au stade IV), le rein a perdu sa
accompagné d’un examen bactériologique avec examen capacité à réguler le bilan de l’eau et des sels. La diurèse
direct et mise en culture des urines (examen cytobacté- est généralement conservée avec une fuite hydro-sodée
riologique des urines, ou ECBU) et éventuellement réali- venant diluer les urines ; on peut retrouver une polyurie
sation d’un antibiogramme. Il faudra alors faire attention avec miction nocturne (nycturie) ; la déshydratation d’abord
au recueil des urines qui doit être réalisé dans les plus intracellulaire devient globale. Le sodium urinaire est normal
strictes conditions d’asepsie. ou augmenté avec un rapport Na+/K+ très au-dessus de 2 ;
le sodium plasmatique peut être diminué (hyponatrémie).
2.3.1.7. Nitrites et leucocytes L’hypokaliurie est de mise signant l’hypo-aldostéronisme ;
La présence de leucocytes (globules blancs) dans les les ions Cl- suivent le sodium, sauf dans certaines acidoses
urines suggère une infection des voies urinaires, souvent tubulaires avec diminution d’excrétion de ces ions. Dans la
accompagnée d’un syndrome inflammatoire. De même, la plupart des maladies rénales chroniques (glomérulopathies
réduction des nitrates alimentaires (présents dans l’urine) dont celle liée au diabète, néphropathies vasculaires…),
en nitrites suggère la présence dans l’urine de bactéries il faut limiter les apports en sel alimentaire (moins de 6 g
contenant une nitrate-réductase. Ces positivités incitent par jour en cas d’hypertension artérielle). À l’inverse, dans
à demander rapidement un ECBU. certaines néphropathies comme la polykystose et les
néphropathies tubulo-interstitielles, il faut maintenir des
2.3.1.8. Etude du sédiment urinaire apports sodés suffisants [1, 2].
et des cristaux rénaux
L’examen du culot urinaire au microscope (systématique 2.3.2.2. Azoturie
lors d’un ECBU) montre habituellement des cylindres, des Elle représente l’ensemble des composés azotés retrouvés
rouleaux et des cristaux ; les derniers sont le plus souvent dans l’urine, donc de l’urée, de la créatinine, de l’acide
d’origine minérale, les autres sont d’origine protéique (mou- urique, des acides aminés et des polypeptides/protéines.
lages des tubules rénaux). On y trouve aussi des cellules On a vu l’importance d’établir les rapports U/P pour l’urée
de l’arbre urétro-vésical en renouvellement. Tout ceci peut et la créatinine pour différencier l’IR fonctionnelle de l’IR
paraître normal ou au contraire déceler des cristaux rénaux organique. Normalement, les acides aminés sont réab-
pathologiques ou de suspecter la présence de cellules sorbés par les tubules proximaux par des transporteurs
cancéreuses, de levures, de bactéries… L’analyse des spécifiques. Leur présence dans l’urine signifie soit un
cristaux rénaux (responsables de lithiases rénales ou non) défaut de réabsorption par dépassement de la capacité
sera envisagée précisément dans un prochain dossier tubulaire globale dans les lésions tubulaires acquises, soit
scientifique consacré au rein. un déficit sur une voie spécifique comme dans la cystinurie

48 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451


REIN ET PATHOLOGIES

congénitale. De nombreuses protéines peuvent mainte- spécifique de l’angiotensinogène (60 kDa) circulant pour
nant être dosées dans les urines (albumine, cystatine C et produire de l’angiotensine I (figure 2). Ce décapeptide est
NGAL urinaires, KIM-1…) ; ce sont des bio-marqueurs de dénué d’effet biologique ; il sera hydrolysé dans le plasma
dysfonction rénale permettant le dépistage et le suivi de la sous l’effet de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I
maladie rénale dès le premier stade d’IR. Ces anomalies (ECA) qui se trouve sous une forme soluble dans le plasma
quantitatives témoignent soit d’une atteinte glomérulaire et une forme membranaire localisée à la face luminale
soit d’une atteinte tubulaire. Ces marqueurs protéiques des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins. Cette
ont également été identifiés comme bio-marqueurs de l’IR enzyme possède une activité de dipeptidyl-carboxypep-
aiguë. L’émergence des tubulopathies liées à l’infection tidase (EC-3.4.15.1). L’angiotensine II formée (un octa-
par le VIH et les médicaments renforce l’intérêt pour les peptide) est le métabolite biologiquement actif ; c’est un
marqueurs urinaires. Ils seront étudiés plus précisément vasoconstricteur puissant par liaison sur ses récepteurs
dans l’article dévolu aux protéinuries (voir article 5). Par vasculaires, cardiaques et rénaux, pour le rein surtout au
ailleurs, le syndrome de Fanconi associe une acidose niveau des tubules proximaux, mais aussi au niveau des
tubulaire rénale, une amino-acidurie et une protéinurie glomérules. Plus indirectement, l’angiotensine II stimule
tubulaire. On retrouve ce syndrome dans des anomalies la production de catécholamines par la médullosurrénale
métaboliques congénitales touchant le métabolisme des (effets sympathomimétiques) et d’aldostérone par la cor-
sucres ou des acides aminés, et dans des intoxications ticosurrénale. Cette dernière intervient dans la régulation
(métaux lourds, toxines de venins…). KIM-1 (« kidney injury hydrominérale en agissant sur la réabsorption tubulaire
molecule-1 ») est un candidat particulièrement prometteur. du sodium (voir article 1). Le SRAA est surtout exploré
C’est une protéine transmembranaire de type I avec un dans l’hypertension artérielle (HTA) avec les dosages de
domaine immunoglobuline et un domaine mucine. Elle est rénine et d’aldostérone. La rénine a longtemps été dosée
exprimée surtout par les tubules proximaux et son ecto- fonctionnellement par l’ARP (activité rénine plasmatique)
domaine est libéré des cellules au cours des atteintes en mesurant cinétiquement la formation d’angiotensine I
tubulaires nécrosantes. On peut la mesurer dans les urines à partir de l’angiotensinogène du plasma, l’angiotensine
par ELISA. KIM-1 serait donc un nouveau bio-marqueur I formée étant dosée par RIA (en ng/ml/h). Actuellement,
des atteintes rénales tubulaires [10]. la rénine active est dosée moléculairement en immuno-
analyse (méthodes de radio-immunologie en sandwich
3. Exploration des fonctions type IRMA, ou méthodes froides immuno-fluorimétriques).
L’aldostérone est dosée dans le plasma et les urines avec
endocrines du rein ses métabolites urinaires ; on utilise encore essentiellement
la RIA en compétition, après hydrolyse des glucuronides
Le rein est un véritable organe endocrine en synthétisant urinaires pour l’analyse dans les urines. Le SRAA est activé
l’érythropoïétine (EPO), la rénine, des kallicréines et des dans l’HTA réno-vasculaire (sténose de l’artère rénale,
prostaglandines, ainsi que le 1α25-dihydroxycholécalciférol, infarctus rénal) avec hypersécrétion de rénine et d’aldos-
métabolite actif de la vitamine D.
térone, mais aussi dans l’insuffisance cardiaque et dans
l’insuffisance rénale terminale, dans le syndrome de Bartter,
3.1. Exploration du système
rénine-angiotensine-aldostérone
Figure 2 – Le système rénine-angiotensine-aldostérone
Le système rénine-angiotensine-aldostérone
(SRAA), avec ses principales régulations positives (+)
(SRAA) est un système réno-surrénalien qui
ou négatives (-).
contrôle l’équilibre hydrominéral et la pression
artérielle. La rénine est une enzyme essentielle-
ment produite par des cellules myoépithéliales
de l’appareil juxta-glomérulaire rénal ; elle y
est synthétisée sous forme de pré-pro-rénine
(55 kDa), qui après élimination du peptide N-ter-
minal, donne de la pro-rénine. Sous l’effet spé-
cifique qu’une kallicréine rénale et plasmatique,
la pro-rénine est convertie en rénine (44 kDa).
Seule la rénine est biologiquement active. Le
rein libère les deux formes, active et inactive
(pro-rénine) de la rénine, mais de nombreux
tissus libèrent de la pro-rénine inactive (surré-
nales, testicules, ovaires, placenta…). Dans le
plasma, on trouve donc de la pro-rénine et de la
rénine active en proportions à peu près égales.
Récemment des récepteurs de la rénine et de
la pro-rénine ont été identifiés ; ils intervien-
draient dans la fibrose et la prolifération cellulaire. Σ = système sympathique ; ECA = enzyme de conversion de l’angiotensine I ;
Mais l’action majeure et mieux connue de la R-AII = récepteur de l’angiotensine II ; ACTH = « adrenocorticotropic hormone » ;
ANP = facteur natriurétique A.
rénine (EC-3.4.99.19) est son action d’hydrolyse

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 49


Dossier scientifique
ainsi que dans les grandes carences protéiques œdéma- rénal est perturbé et que les systèmes vasoconstricteurs
teuses (carence protéique nutritive, insuffisance hépatique sont exacerbés. Globalement, la BDK facilite l’élimination
sévère, syndrome néphrotique), des situations induisant hydro-sodée au niveau rénal. Elle est aussi directement
toutes un hyperaldostéronisme secondaire ; le SRAA pro-inflammatoire par son pouvoir chimiotactique sur les
est aussi activé dans certaines hypertensions artérielles monocytes et par l’activation des mastocytes. La kallidine
malignes. La rénine est individuellement augmentée dans est une autre kinine importante ; elle peut être transformée
les cancers à tumeurs ectopiques sécrétrices de rénine en BDK sous l’action de l’alanine-aminopeptidase. Les
ou de substances « renin-like » (réninomes). L’aldostérone kinines sont dégradées par des kininases dont l’ECA,
est individuellement augmentée dans le syndrome de enzyme qui, d’une part, produit un puissant vasocons-
Conn, qu’il s’agisse d’un adénome (le plus fréquent), d’une tricteur (l’angiotensine II) et, d’autre part, dégrade un
hyperplasie bilatérale des surrénales, ou d’un carcinome puissant vasodilatateur (la BDK), d’où ses effets globale-
surrénalien (hyperaldostéronisme primaire). Notons que la ment hypertenseurs avec rétention hydro-sodée. Angio-
consommation de réglisse peut créer un syndrome de pseu- tensine II et aldostérone peuvent stimuler la production
do-hyperaldostéronisme, tout comme l’abus de laxatifs, de des kallicréines dans le cadre d’un équilibrage entre les
diurétiques ou encore de régime sans sel pouvant entraîner systèmes vasopresseurs et vasodilatateurs. L’endothélium
une hypokaliémie qui peut être mortelle. Enfin, on se sert produit d’autres vasoconstricteurs, comme l’endothéline-1.
de ces dosages de rénine et d’aldostérone pour suivre la Rappelons qu’une kallicréine est nécessaire à l’activation
compliance aux traitements antihypertenseurs basés sur de la rénine, qu’il existe une liaison de ces systèmes avec
les inhibiteurs de l’ECA (IEC dérivés du captopril) ou sur les la cascade de la coagulation puisque le facteur XIIa active
antagonistes du récepteur 1 de l’angiotensine II (Sartans la kallicréine plasmatique en hydrolysant son précurseur,
ou ARA2). En particulier, les IEC bloquent le rétrocontrôle la pré-kallicréine, et avec le système du complément,
de l’angiotensine II sur la sécrétion de rénine ; donc sous parce que la kallicréine plasmatique peut être inhibée
IEC, la rénine est augmentée et l’aldostérone est basse, par l’inhibiteur de la fraction C1 du complément. On
car l’ECA est bloquée. Sous Sartans, seule l’aldostérone peut doser la plupart de ces molécules dans le plasma,
est basse, car seuls les récepteurs à l’angiotensine II sont essentiellement par des méthodes d’immuno-analyse
bloqués [1, 11]. (RIA, ELISA…), comme l’angiotensine II, l’aldostérone,
la bradykinine, l’endothéline-1, ou en méthode enzyma-
3.2. Kinines, kallicréines tique, le NO à la nitrate-déshydrogénase, ou encore les
et prostaglandines prostaglandines en CLHP.
Le système kinine-kallicréine est un véritable système à
activation et régulation locales du rein. Les substrats des 3.3. Synthèse de l’érythropoïétine
kallicréines sont les kininogènes, glycoprotéines multi- et autres facteurs de croissance
fonctionnelles et à nombreux domaines. On distingue des L’érythropoïétine (Epo) est une glycoprotéine de 30,4
kininogènes de haute ou de basse masse moléculaire kDa majoritairement synthétisée par les cellules péri-
(« high molecular weight kininogens », HMWK de 100 à tubulaires rénales proches du tubule proximal. Plus tôt,
120 kDa, et « low molecular weight kininogens », LMWK en période fœtale ou néo-natale, elle est produite par
de 50 à 78 kDa). Ils sont tous capables de générer des les hépatocytes, source d’Epo qui devient mineure chez
kinines sous l’effet de kallicréines, enzymes de la famille l’adulte (moins de 10 %). L’Epo se lie sur son récepteur
des sérine-protéases produites par divers organes (pan- (R-Epo) présent sur les progéniteurs érythroblastiques.
créas, foie, rein…). La bradykinine (BDK) est la mieux Le R-Epo est un récepteur membranaire de la famille des
connue et la plus active des kinines plasmatiques ; elle récepteurs aux cytokines, récepteurs à enzyme portant
résulte essentiellement de l’hydrolyse d’HMWK par la dans leur partie endo-cellulaire une activité de Tyr-kinase
kallicréine du plasma. La BDK intervient dans les pro- intrinsèque. La liaison spécifique du ligand sur son récep-
cessus de protection vasculaire pouvant induire un phé- teur induit la dimérisation du récepteur rapprochant les
nomène inflammatoire ; c’est un puissant vasodilatateur deux parties endo-cellulaires entraînant l’autophospho-
artériolaire qui peut augmenter la perméabilité capillaire rylation de résidus tyrosines et la phosphorylation de
jusqu’à formation d’un œdème périvasculaire par extrava- JAK2 située à proximité de ces portions endo-cellulaires
sation plasmatique. Ses effets sont manifestes sur le rein de R-Epo. Il s’ensuit une cascade de phosphorylations
avec vasodilatation rénale directe (par des récepteurs) et sur STAT, RAS, MAP-kinase et PI3-kinase. Ce méca-
indirecte (par des stimulations), avec modification de la nisme de transduction du signal mène à la synthèse de
perméabilité à l’eau du canal collecteur, inhibition de la protéines essentiellement anti-apoptotiques permettant
réabsorption du sodium au niveau des canaux collecteurs la maturation, dans la moelle osseuse, des précurseurs
corticaux, stimulation de la production de substances érythroblastiques vers les réticulocytes et enfin les éry-
vasodilatatrices comme le monoxyde d’azote (NO) et la throcytes ou globules rouges, cellules anucléées fonc-
prostacycline (PGI2) par les cellules endothéliales. Le tionnelles. La voie RAS/MAP-kinase émet des signaux
NO agit sur des récepteurs membranaires des cellules de prolifération en agissant au niveau du cycle cellulaire.
musculaires lisses sous-intimales avec production de On trouve aussi des R-Epo dans le poumon, le cœur et
GMP cyclique. La PGI2 est un vasodilatateur, un antia- le cerveau ; la fixation de l’Epo sur son récepteur serait
grégant plaquettaire et un protecteur vasculaire. D’autres responsable d’effets protecteurs sur ces tissus. Les cel-
prostaglandines sont fabriquées par le rein ; elles ont des lules endothéliales expriment R-Epo en réponse au stress
effets vasodilatateurs en particulier quand le flux sanguin et à l’hypoxie, en particulier au niveau de ces tissus non

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REIN ET PATHOLOGIES

hématopoïétiques. La synthèse d’Epo est régulée par 3.4. Synthèse de vitamine D active
un senseur d’oxygène situé au niveau du rein ; dès que et homéostasie phosphocalcique
l’oxygénation du sang est diminuée (anémie, altitude, Le rein régule le métabolisme du calcium et des phos-
défaut d’affinité de l’hémoglobine, défaut d’oxygénation phates par divers mécanismes, dont la synthèse du
d’origine pulmonaire ou shunt cardiaque), la synthèse dérivé actif de la vitamine D. Le 25-hydroxycholécal-
d’Epo par le rein est augmentée. Cette stimulation est ciférol (calcidiol) circulant est hydroxylé en 1α,25-
essentiellement transcriptionnelle, en particulier en faisant dihydroxycholécalciférol (calcitriol) dans le cortex rénal,
intervenir HIF (« hypoxia inducible factor ») qui se fixe en sous l’action d’une 1α-hydoxylase en réponse à l’hypo-
amont du gène codant l’Epo, au niveau d’un élément phosphorémie ou à l’élévation de la parathormone (PTH)
de réponse spécifique appelé HRE « hypoxia response sécrétée par les parathyroïdes, elle-même en réponse à
element ». Un autre mécanisme, post-transcriptionnel l’hypocalcémie ou à l’hyperphosphorémie. Le calcitriol
celui-ci, ferait intervenir des éléments de stabilisation augmente l’absorption intestinale de calcium et des
de l’ARN messager. À l’inverse, la présence d’oxygène phosphates, leur utilisation dans la minéralisation du
(oxygénation normale) diminue la synthèse d’Epo en tissu ostéoïde (l’os est un phosphate de calcium, l’hy-
empêchant la dimérisation de HIF nécessaire à son droxyapatite), et en retour le calcitriol freine la sécrétion
interaction avec HRE pour le recrutement de cofacteurs de PTH. Le calcitriol a aussi un effet rénal en diminuant
augmentant la transcription du gène. La carence pro- la réabsorption tubulaire du calcium et en augmentant
téique et l’inflammation, médiée par l’IL-6 et le TNF-α, celle des phosphates, ainsi, il augmente la calciurie et
auraient des effets proches expliquant, au moins en diminue la phosphaturie, à l’inverse de ce que fait la
partie, la physiopathologie de l’anémie du cancer et de PTH au niveau rénal. Globalement, la PTH est hyper-
l’anémie inflammatoire, respectivement. La concentration calcémiante et hypophosphorémiante en diminuant la
sérique de l’Epo est un indicateur de la quantité d’hor- réabsorption tubulaire des phosphates, alors que la vita-
mone disponible pour l’érythropoïèse. La méthode de mine D active est surtout hyperphosphorémiante. Dans
référence pour doser l’Epo consiste à mesurer l’incor- le cadre de l’exploration biologique de cette homéos-
poration du fer 59 dans les globules rouges de souris tasie minérale, on dose le calcium et les phosphates
polycythémiques ou dans les réticulocytes de souris plasmatiques et urinaires (bilan phosphocalcique), ainsi
normocythémiques. Ces essais biologiques semblent que les hormones de régulation (PTH, calcitriol, calci-
plus sensibles et complets que les analyses physico- diol, vitamine D3…). La surveillance de ces paramètres
chimiques. Malheureusement, ces essais in vivo sont dépend de la sévérité des anomalies constatées et de
difficiles à mettre en œuvre au laboratoire de biologie la vitesse de progression de l’IRC. Il est intéressant de
médicale ; ils sont réservés au contrôle de qualité bio- calculer le taux de réabsorption des phosphates (TRP)
logique de la production de l’Epo recombinante, même pour juger de l’efficacité de la vitamine D :
s’il n’est plus obligatoire, les tests physicochimiques TRP (%) = [1 - (phosphates urinaires x créatinine plasma-
s’avérant suffisamment performants. Actuellement, tique)/(phosphorémie x créatinine urinaire)] x 100
l’Epo est dosée dans le sérum par immuno-analyse (RIA, Avec phosphates urinaires en mmoles/24 h et phospho-
immuno-enzymologie, immuno-chimioluminescence…). rémie en mmoles/L.
Les valeurs normales (individus avec une hémoglo- On dose maintenant dans certains laboratoires le FGF-23
bine normale à un taux normal) sont entre 5 et 25 U/L. (fibroblast growth factor 23) qui est une hormone phos-
Cette valeur augmente en fonction du degré d’anémie ; phaturiante en abaissant le TRP, même plus efficacement
en pathologie rénale, on trouve des valeurs élevées que la PTH.
dans la polykystose rénale, l’adénocarcinome rénal, Dans l’IRA, c’est l’hyperphosphorémie qui domine, mon-
la sténose artérielle rénale, l’hydronéphrose ou après trant l’incapacité du rein à éliminer les phosphates ; elle
transplantation rénale. Dans un cadre hématologique, est constante et parallèle aux augmentations de la kalié-
des concentrations sériques élevées sont retrouvées au mie et de la magnésémie (magnésium plasmatique). La
cours des polyglobulies secondaires, mais pas dans la diminution de l’élimination rénale des phosphates fait
maladie de Vaquez (polyglobulie primaire). Dans l’insuf- baisser la calcémie en inhibant la 1α-hydroxylase et en
fisance rénale, la synthèse d’Epo est diminuée ; cette stimulant la production de FGF-23 et de PTH. L’installation
diminution explique l’anémie de l’IRC. La carence en Epo d’une hypocalcémie montre l’atteinte organique avec un
n’est que relative car l’hypo-oxygénation due à l’anémie passage possible à la chronicité.
stimule la synthèse rénale d’Epo, qui devient de moins L’IRC s’accompagne d’une ostéomalacie secondaire
en moins efficace au cours du développement de l’IR avec hypocalcémie par défaut d’hydroxylation du cal-
organique. Ainsi, il n’est pas nécessaire de doser l’Epo cidiol, donc de la synthèse de vitamine D active ; elle
chez l’insuffisant rénal avant sa mise sous traitement peut être très précoce et est constante dès le stade 3.
substitutif par Epo recombinante. Le traitement par La PTH est augmentée en réponse à l’hypocalcémie
Epo, ou par ses dérivés ou encore par d’autres molé- et à l’hyperphosphorémie, mais elle reste inefficace
cules à activité érythropoïétique, donne près de 95 % en absence de calcitriol. La calciurie est basse et le
de réponses dans l’IRC avec correction progressive de TRP diminué (< 60 %) avec hyperphosphaturie. Ce
l’anémie. Le dosage d’Epo est plus utile dans les myé- cercle vicieux peut aller à l’hyperparathyroïdie secon-
lodysplasies et les myélomes, où des concentrations daire avec autonomisation des parathyroïdes qui
d’Epo élevées présumeraient d’une mauvaise réponse deviennent insensibles à la calcémie ; une hypercal-
au traitement [1, 3]. cémie patente s’installe menant à la néphrocalcinose

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Dossier scientifique
(calcifications rénales) en absence de traitement efficace. 4.3. Autres anomalies endocriniennes
D’autres calcifications extra-osseuses touchent la paroi L’IRC peut s’accompagner de troubles endocriniens divers
des artères (dont l’artère rénale, l’aorte et les coronaires), dont des troubles thyroïdiens et des troubles gonadiques.
les valves cardiaques, et les tissus péri-articulaires. Le Ce sont des anomalies fonctionnelles donc secondaires à
traitement préventif de référence consiste à l’adminis- l’atteinte rénale, généralement réversibles si on guérit la
tration de calcitriol ; on apporte donc directement le pathologie rénale et si on restaure les fonctions rénales.
métabolite actif ; on surveillera l’ostéomalacie rénale On retrouve aussi bien des hyperthyroïdies que des hypo-
par le bilan phosphocalcique avec TRP. En cas d’hyper- thyroïdies ; un bilan thyroïdien (TSH, T3-T4) sera demandé
parathyroïdie installée (jugée sur le dosage de la PTH), systématiquement dans le bilan de contrôle régulier des
l’ablation des parathyroïdes pourra devenir nécessaire. IRC. On retrouve des infertilités tant chez l’homme que
Ces désordres minéraux et osseux de l’IRC amènent à chez la femme, là encore réversibles.
un ralentissement de la formation osseuse chez l’enfant
durant la croissance, et chez l’adulte à la perturbation du
remodelage osseux avec le développement d’ostéites 5. Exploration des maladies
fibreuses. Par ailleurs, la carence en vitamine D native auto-immunes rénales
est fréquente chez les insuffisants rénaux ; elle doit
être recherchée systématiquement. Le bilan minéral et Divers auto-anticorps sériques sont retrouvés au cours
osseux associe maintenant des marqueurs de formation des maladies rénales auto-immunes, ainsi que des dépôts
osseuse (PAL totale ou isoPAL osseuse, ostéocalcine) sur les glomérules participant à la physiopathologie de
et de résorption osseuse (pyridinolines, télopeptides du l’atteinte rénale. Il s’agit essentiellement des ANCA et
collagène). C’est la PAL qui augmente le plus préco- des anti-MBG ; nous ne développerons pas ces aspects
cement signant une intense formation osseuse liée au immunologiques qui ont déjà fait l’objet d’un article voici
remodelage. Mais, seule la biopsie osseuse permet de quelques mois. Toutefois quelques mots sur les ANCA
mettre en évidence l’ostéodystrophie [1-3]. (« anti-neutrophil cytoplasmic auto-antibodies ») qui sont
des auto-anticorps qui reconnaissent des antigènes pré-
4. Exploration des fonctions sents dans le cytoplasme des polynucléaires (PN). On les
retrouve essentiellement dans les vascularites systémiques
métaboliques du rein et parfois dans les glomérulonéphrites nécrosantes focales
(limitées au rein). La principale cible antigénique retrou-
4.1. Gluconéogenèse rénale vée dans les vascularites rénales est la myéloperoxydase
Le rein est le siège d’une gluconéogenèse importante. (MPO) qui n’est pas toujours facile à mettre en évidence au
Dans l’IRC, elle est perturbée modifiant la sensibilité du microscope en immunofluorescence indirecte (IFI) menée
tissu rénal à l’insuline. Fréquemment, il se développe une sur des préparations de PN humains fixés, à cause d’une
résistance à l’insuline qui peut être à l’origine d’un diabète fluorescence périnucléaire qui peut être confondue avec
de type 2. On doit donc surveiller régulièrement la glycémie celle donnée par d’autres cibles antigéniques comme
et l’HbA1c des patients insuffisants rénaux. l’élastase ou le lysozyme. On peut aussi doser les anti-
MPO par ELISA. La fréquence des ANCA est de 50-70 %
4.2. Métabolisme rénal dans les vascularites limitées au rein.
des lipoprotéines Les anticorps anti-membrane basale glomérulaire (anti-
On observe, chez les patients insuffisants rénaux ou dia- MBG) sont responsables de maladies aiguës, brutales,
lysés, une modification du métabolisme des lipoprotéines mettant en jeu le pronostic vital. On distingue les glomé-
avec en particulier augmentation des VLDL et des IDL, rulonéphrites à anti-MBG, le syndrome de Goodpasture
donc dans le bilan lipidique une hypertriglycéridémie et la capillarite pulmonaire. Dans les deux premiers cas,
avec diminution du cholestérol-HDL et une élévation sur une biopsie rénale, on détecte la glomérulonéphrite
de l’apoB sans toujours l’augmentation des LDL. Cette nécrosante caractéristique en IFI en utilisant un sérum
dyslipidémie peut être classée dans les hypertriglycé- anti-IgG. On peut retrouver ces anticorps dans le sérum,
ridémies endogènes de type IV. D’autres dyslipidémies soit en IFI sur coupe de rein de singe, soit en ELISA. La
sont rencontrées ; elles sont de type V ou IIb (dyslipi- cible antigénique est souvent une chaîne de collagène.
démies mixtes) jusqu’à l’hypercholestérolémie isolée Parfois on retrouve à la fois des ANCA et des anti-MBG.
comme celle accompagnant le syndrome néphrotique N’oublions pas que l’atteinte rénale est une complication
(type IIa). L’hyperinsulinisme secondaire peut stimuler la fréquente du lupus érythémateux systémique (LES). Devant
synthèse hépatique des lipoprotéines, et des protéines une telle atteinte, on demandera les facteurs anti-nucléaires
peuvent être éliminées dans les urines ou le dialysat (FAN), les anti-DNA bicaténaires, les anti-Sm et anti-U1-RNP,
perturbant la stabilité et la structure des lipoprotéines. les anti-SSA et anti-SSB, les anti-histones ainsi que les
Ces dyslipidémies sont un facteur de risque majeur anti-nucléosomes. On y ajoutera une recherche des anti-
d’accidents cardiovasculaires, en particulier d’ischémie phospholipides, des facteurs rhumatoïdes, des anti-C1q,
myocardique. Le bilan lipidique complet (cholestérol, ainsi que le dosage du complément (CH50 et les fractions
triglycérides, cholestérol-LDL/HDL, avec éventuellement C2 et C4 essentiellement) [1].
Lp(a) et apoB/apoA), sera effectué régulièrement et une
prise en charge thérapeutique sera instaurée en fonction Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits
des anomalies retrouvées. d’intérêts en relation avec cet article.

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REIN ET PATHOLOGIES

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