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POST’U (2022)

Insuffisance pancréatique exocrine :


diagnostic et prise en charge
Makougang Ginette FOTSING
Service d’Endocrinologie Diabétologie et Métabolisme
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois - Mont Paisible 18 - 1011 LAUSANNE
makougang.fotsing@chuv.ch

est également primordiale pour lutter


Introduction contre la dénutrition et ses complica­
tions. Pour un bon usage des extraits
pancréatiques et une efficacité théra­
L’insuffisance pancréatique exocrine peutique optimale, il est important de
(IPE) se définit comme une altéra­ comprendre les mécanismes physio­
tion de la production d’enzymes logiques qui sous-tendent l’activité
digestives pancréatiques et/ ou de enzymatique du pancréas.
leur utilisation dans le processus de
dégradation des macronutriments
apportés par l’alimentation. Il en
résulte une m ­ alabsorption diges­
tive responsable d’une malnutrition
Physiologie de la sécrétion
énergético-protéique et de carences pancréatique exocrine
en micronutriments, causant à terme
une augmentation de la survenue de
Les cellules pancréatiques à fonction
complications, une altération de la
exocrine représentent plus de 90 % du
qualité de vie et une baisse de la survie
volume total de la glande et produisent
des patients atteints (1).
OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES environ 1,5 litre de liquide par jour.
Les mécanismes de survenue d’une IPE Le suc pancréatique est composé des
— Connaître le tableau clinique évoca­ sont multiples, et ne se limitent pas à sécrétions de 2 groupes cellulaires :

PANCRÉATOLOGIE
teur la réduction du parenchyme pancréa­ les cellules acinaires qui produisent
— Connaître les méthodes diagnos­ tique ou à l’obstruction canalaire. La les enzymes pancréatiques (lipase,
tiques chirurgie pancréatique, la pancréatite amylase et protéases, dont l’élastase)
— Connaître les autres causes en chronique et la mucoviscidose sont et les cellules ductales qui sécrètent
dehors de la pancréatite chronique les principales pourvoyeuses d’IPE, l’eau et les électrolytes. Ces dernières
mais celle-ci peut aussi être présente possèdent de nombreux transporteurs
— Connaître les conséquences méta­ ioniques (dont la protéine CFTR, res­
dans de nombreuses autres situations
boliques ponsable de l’excrétion de Chlore) (3).
extra-pancréatiques. Malgré la dispo­
— Savoir la traiter nibilité de tests simples et de traite­ La régulation de la sécrétion pancréa­
ments peu coûteux, l’IEP est encore tique est sous dépendance de 2 hor­
LIEN D’INTÉRÊTS fréquemment sous-diagnostiquée mones principales :
et sous traitée, y compris parmi les
Pas de lien d’intérêt en relation avec spécialistes (2). Son caractère long­ - L a plus puissante est la cholé­
cet article. temps asymptomatique, la paucité cystokinine (CCK), dont la synthèse
des symptômes et la survenue tardive par des cellules du duodénum et du
MOTS-CLÉS des complications sont des facteurs jéjunum proximal est induite par
pouvant expliquer ce défaut de prise l’arrivée d’acides gras et d’acides
Insuffisance pancréatique exocrine, en charge. Le diagnostic repose aminés dans la lumière intesti­
élastase fécale, extraits pancréatiques. sur une corrélation entre contexte nale. Elle circule via la microvas­
clinique, manifestations biologiques cularisation locorégionale, jusqu’à
et résultats des tests fécaux, qui ses récepteurs situés au niveau de
ABRÉVIATIONS
peuvent parfois être mis en défaut. La la vésicule biliaire et du pancréas.
IPE : insuffisance pancréatique exo­ prise en charge médicamenteuse de Elle stimule les secrétions pancréa­
crine l’IPE repose sur les extraits pancréa­ tiques et biliaires via une action
EP : extraits pancréatiques tiques (EP), dont les recommanda­ sur les cellules nerveuses de ces
CCK : cholécystokinine tions d’usage divergent entre sociétés organes, et elle favorise également
EF : élastase fécale savantes. La prise en charge diététique la croissance pancréatique (4).

315
- La secrétine est produite par les vité optimale des enzymes pancréa­ le diagnostic d’IPE sera fait lors de
cellules S du duodénum à la suite tiques et des sels biliaires. Alors que l’exploration d’une perte de poids
de l’afflux de chyme acide prove­ les taux de sodium, potassium et inexpliquée, d’une carence en micro­
nant de l’estomac. Elle stimule la calcium du suc pancréatique restent nutriments ou après la survenue
sécrétion de bicarbonates par les relativement stables, la concentration d’une fracture ostéoporotique. Par
cellules ductales via notamment en bicarbonate augmente significati­ conséquent, le dépistage d'une IPE
une augmentation de la concen­ vement jusqu’à atteindre 5 fois celle doit être effectuée chez tous les
tration de l’AMP cyclique (AMPc) du plasma sanguin lorsque le débit patients présentant une pathologie
intracellulaire. sécrétoire s’élève en postprandial (4). pancréatique ou extra pancréatique
à risque, et également lors de l’explo­
La lipase pancréatique (ou triglycé­ ration de troubles fonctionnels diges­
ride ester hydrolase) est l’enzyme-clé tifs inexpliqués.
de la dégradation lipidique. En pré­
sence de son co-facteur également Présentation clinique
excrété par le pancréas et activé par
la trypsine, elle hydrolyse les trigly­
cérides, libérant 2 acides gras libres
La prévalence globale de l’IPE en popu­ Causes de l’insuffisance
lation générale n’est pas connue. Dans
et un monoglycéride. La lipase a une étude allemande de 2005, elle a pancréatique exocrine
un pH optimal d’activité compris été estimée à 11,5 % chez 914 patients
entre 6 et 8, et est rapidement inac­ de plus de 50 ans asymptômatiques
tivée en milieu acide. Son action est Plusieurs mécanismes peuvent contri­
consultant chez un médecin géné­ buer à la survenue d’une IPE (8) :
facilitée par la solubilisation des tri­ raliste (7). La plupart des données
glycérides en micelles sous l’action épidémiologiques proviennent de - Une altération qualitative ou quan­
des sels biliaires. Le pancréas produit cohortes de patients suivis pour des titative de la production pancréa­
également la phospholipase A2 et la pathologies à risque d’IPE (muco­ tique (mucoviscidose, chirurgie
carboxyester hydrolase qui sont res­ viscidose, pancréatite chronique ou de réduction de la masse pancréa­
ponsables de l’hydrolyse des phospho­ chirurgie pancréatique). Cependant, tique) ;
lipides (4,5). même dans ces populations sélection­
nées, les données sont disparates avec - Un défaut de transport des enzymes
Les protéases pancréatiques se pancréatiques jusqu’à la lumière
classent en 2 catégories, les endopep­ des intervalles de prévalence allant de
30 à 90 % en fonction de la méthode duodénale (tumeur obstructive,
tidases (trypsine, chymotrypsine et dérivation wirsungo-jéjunale) ;
élastase), qui clivent les protéines en diagnostique considérée (diarrhée,
petits peptides qui seront à leur tour stéatorrhée, test fécal, consommation - 
U ne altération des signaux
clivées par les exoprotéases. Elles sont d’extraits pancréatiques, …) (8). de stimulation de la sécrétion
produites sous forme de pro-protéases pancréatique (pathologies duodé­
L’une des difficultés dans le diagnostic
pour éviter l’autophagie pancréatique. nales, vagotomie) ;
d’insuffisance pancréatique exocrine
L’activation du trypsinogène en pourrait être expliquée par la variabi­ - Un mélange inadéquat entre les
trypsine par l’entérokinase située au lité des symptômes et leur caractère enzymes et le bol alimentaire issu
pôle apical des entérocytes duodénaux aspécifique. La classique stéator­ de l’estomac (dyssynergie post-
entraîne une réaction en cascade qui rhée, définie comme l’émission de chirurgie œso-gastrique).
conduit à l’hydrolyse des protéines selles huileuses, malodorantes, flot­
en acides aminés et oligopeptides, tantes, ne survient que lorsque la Ces mécanismes peuvent être com­
qui seront absorbés en site jéjunal. sécrétion de lipase chute en dessous binés, notamment en cas de pancréa­
Contrairement aux triglycérides, dont de 5 à 10 % de son taux habituel (9). tite chronique où coexistent un défaut
l’absorption dépend entièrement de la Une diarrhée (avec ou sans stéator­ de production secondaire à la fibrose
sécrétion pancréatique de lipase, les rhée) n’est retrouvée que chez 38 % du parenchyme et la présence de cal­
protéines peuvent soit être hydroly­ de patients atteints de pancréatite cifications obstruant le canal pancréa­
sées par d’autres protéases du tube chronique avec IPE confirmée (10). tique principal.
digestif, soit traverser directement Limiter la recherche d’une IPE aux
la bordure entérocytaire sous forme patients présentant une diarrhée ou Les causes pancréatiques
d’oligopeptides via des transporteurs une stéatorrhée peut donc conduire à La pancréatite chronique est l’une
spécifiques (6). un sous-diagnostic fréquent. D’autres des principales causes d’IPE chez
Le pancréas joue également un rôle troubles digestifs, le plus souvent l’adulte, avec une incidence estimée
important dans la digestion des aspécifiques, peuvent être induits à 5-10 personnes pour 100 000 habi­
hydrates de carbone, via l’alpha-amy­ par une insuffisance pancréatique tants. Elle se caractérise par des
lase pancréatique. Avec l’amylase exocrine. On peut citer : les douleurs phénomènes fibro-inflammatoires
salivaire, elle contribue pour près de abdominales, le ballonnement, l’in­ conduisant à une destruction du
50 % à la transformation de l’amidon continence fécale. Une anomalie parenchyme et à une atrophie pan­
en oligosaccharides. de la sécrétion pancréatique et/ créatique (9). Une IPE a été rapportée
ou une élastase fécale basse a été chez 60 % de patients atteints de
La sécrétion hydro électrolytique du mise en évidence chez 14 à 25% de pancréatite chronique après une
pancréas a pour fonction de neutrali­ patients consultant pour des symp­ dizaine d’années d’évolution. Elle
ser l’acidité du suc gastrique post-py­ tômes dyspeptiques, dans des études est plus fréquente en cas d’étiologie
lorique, et d’élever le pH de la lumière de cohorte (11). Enfin, nombre de alcoolique, de tabagisme et d’âge
intestinale afin de favoriser une acti­ patients sont asymptomatiques et élevé au diagnostic (12,13).

316
Une insuffisance pancréatique exo­ gies soient plus disparates. Plus fré­ liés à l’IPE peuvent induire des faux
crine peut également survenir dans quente en cas de PAI de type 1, l’IPE a positifs (24).
les suites d’un épisode de pancréatite aussi été retrouvée dans les atteintes
aiguë. Dans une méta-analyse récente pancréatiques de maladies auto-im­ Par diminution de la production de
du Dutch Pancreatitis Group, la préva­ munes telles que les MICI ou le syn­ facteurs hormono-stimulants, toute
lence globale de survenue d’une IPE drome de Goujerot-Sjogren (8,21). pathologie affectant la structure tissu­
après pancréatite aiguë était de 27 %. laire duodéno-jéjunale peut conduire à
L’étiologie alcoolique, le caractère La mucoviscidose est la maladie une IPE. L’atrophie villositaire sévère
nécrosant ou récidivant de la pancréa­ génétique la plus fréquente en de la maladie cœliaque induit une
tite aiguë étaient associés à un risque Europe. Elle se développe suite à une nette diminution de la production de
accru d’IPE. Il est à noter que pour mutation sur le gène codant pour la cholécystokinine, d’où une réduction
un certain nombre de patients, cette protéine CFTR et se caractérise par de la production pancréatique (25).
IPE était transitoire (14). Certaines une obstruction des canaux pancréa­ Cette IPE est en partie responsable de
sociétés savantes préconisent en cas tiques par des sécrétions hypervis­ la dénutrition associée à la maladie,
de pancréatite aiguë sévère un testing queuses, conduisant à une fibrose et l’adjonction d’une enzymothé­
de la fonction exocrine pancréa­ et une involution pancréatique pro­ rapie substitutive peut permettre
tique (15), voire une supplémentation gressive. L’altération de la fonction d’améliorer l’état nutritionnel chez
systématique (16). pancréatique est fréquente et sa des patients cœliaques nouvelle­
sévérité dépend du génotype. La pré­ ment diagnostiqués. L’insuffisance
Par un mécanisme aisément compré­ valence de l’IPE est plus élevée en cas pancréatique associée à la maladie
hensible de réduction de la masse de mutations entraînant une absence cœliaque est le plus souvent résolu­
cellulaire active, les résections pan­ de protéine fonctionnelle, par rap­ tive sous régime sans gluten, mais ce
créatiques sont souvent pourvoyeuses port aux mutations entrainant une diagnostic doit toujours être évoqué
d’IPE. La duodénopancréatectomie protéine partiellement fonctionnelle en cas de persistance des symp­
céphalique (surtout si elle est réali­ ou rapidement dégradée. La muta­ tômes malgré un régime sans gluten
sée sans conservation du pylore) a le tion delta F 508 (la plus fréquente) bien conduit, les patients cœliaques
taux le plus élevé d’IPE postopératoire, entraîne une IPE sévère dans près de ayant un risque accru de pathologie
de 56 à 98 % selon les séries, vs. 12 à 100 % des cas lorsqu’elle est homozy­ pancréatique (15). Un mécanisme
80 % après splénopancréatectomie gote et dans 72 % des cas lorsqu’elle similaire peut être attribué aux
caudale. Une anastomose pancréa­ est hétérozygote. La prévalence de atteintes duodénales de la maladie
tico-jéjunale est moins pourvoyeuse l’IPE chute à 30 % pour les autres de Crohn, bien que les études de la
d’IPE par rapport à une anastomose mutations (22). fonction pancréatique dans cette
pancréatico-gastrique, qui favorise pathologie soient plus rares et sujettes
l’inactivation enzymatique (17). En Les causes extrapancréatiques
à de nombreux biais.
cas de chirurgie pour tumeur bénigne, De même que les patients atteints de
une énucléation et l’absence de pancréatite chronique peuvent déve­ Hors pancréatectomie, toutes les
pancréatite chronique sous-jacente lopper un diabète dit de type III, les interventions chirurgicales ayant
sont des facteurs limitant la survenue pathologies ciblant les cellules du un impact sur l’anatomie et/ ou la
d’une IPE post-opératoire (18). pancréas endocrine sont susceptibles physiologie gastro-bilio-pancréa­

PANCRÉATOLOGIE
d’avoir un impact sur l’intégrité de la tique peuvent être responsable d’une
L’insuffisance pancréatique exocrine
production acinaire. Dans l’atteinte IPE (21). Les mécanismes sont souvent
est un des facteurs contribuant à la
auto-immune du diabète de type 1, les multiples : altération de l’innervation
dénutrition des patients atteints de
altérations morphologiques et histolo­ pancréatique après-vagotomie, désyn­
cancer du pancréas. Sa sévérité a été
giques du pancréas sont fréquentes, chronisation entre arrivée du chyme et
décrite comme un facteur de risque de
avec une inflammation et une destruc­ production bilio-pancréatique, inacti­
mortalité dans une étude observation­
tion parenchymateuse pancréa­ vation enzymatique par modification
nelle portant sur 194 patients atteints
tique progressive (21,23). Une IPE du pH duodénal, accélération du tran­
d’adénocarcinome du pancréas non
sévère est retrouvée chez 11 à 30 % sit conduisant à un moindre temps de
résécable (19). Présente chez 32 à
des patients diabétiques de type 1, contact entre enzymes et substrat, etc.
53 % des patients au diagnostic, elle
surtout chez les patients devenus Parmi elles, la gastrectomie (totale ou
est plus fréquente lorsque la tumeur
adultes (24). Les hypothèses physio­ partielle) est la chirurgie entraînant
est localisée dans la tête du pancréas,
pathologiques incluent une baisse une plus grande altération de la diges­
et en cas d’ictère. Chez les patients
de l’action trophique des hormones tion pancréatique, de l’ordre de 50 à
ayant une tumeur non résécable, la
pancréatiques (insuline, somatosta­ 92 % des patients selon les études (15).
fonction pancréatique décroît avec le
tine), une altération de la stimula­ Dans une cohorte de 63 patients suivis
temps, d’environ 10 % par mois (20).
tion par neuropathie, une extension après œsophagectomie, une IPE symp­
Sa prise en charge est associée à une
de la destruction auto-immune aux tomatique a été mise en évidence chez
amélioration de la qualité de vie,
cellules exocrines. Chez le sujet diabé­ 16 % des patients, dont 90 % d'entre
une diminution de la stéatorrhée
tique de type 2, un mauvais contrôle eux ont répondu à une enzymothéra­
et une augmentation de la survie
glycémique, des doses élevées d’in­ pie substitutive (26). La stéatorrhée
globale (19).
suline et un diabète ancien sont des est un symptôme fréquent après
Les atteintes auto-immunes du facteurs associés à la survenue d’une chirurgie bariatrique, spécialement
pancréas peuvent induire une IPE par IPE. Cependant, la prévalence de l’IPE après by-pass (27), mais celle-ci fai­
défaut de production ou par obstruc­ dans cette population a souvent été sant partie du mécanisme malabsorp­
tion canalaire, bien que les données obtenue via la réalisation de tests tif nécessaire à la perte pondérale, la
de la littérature dans ces patholo­ indirects, dont plusieurs facteurs non nécessité d’un traitement de cette

317
Tableau 1: Causes pancréatiques et extra pancréatiques de l’insuffisance pancréatique exocrine
adapté de(1,8,15)

Pathologie Fréquence Facteurs favorisant l'IPE

Causes pancréatiques

Pancréatite chronique Élevée

Pancréatectomie totale Anastomose wirsungo gastrique++


Elevée
Pancréatectomie cephalique vs wirsungo-jejunale
Chirurgie pancréatique Pancréatectomie caudale Modérée

Autres Faible

Pancréatite aiguë sévère Elevée Nécrose > 30 % de la glande

Cancer du pancéas (hors chirurgie) Élevée Atteinte de la tête du pancréas, ictère

Mucoviscidose Élevée Mutation delta F508

PAI Modérée Surtout si forme pseudo-tumorale


Affections auto-immunes du pancréas
Associées à d'autres MAI Faible

Syndrome de Shwachman—Diamond Elevée

Causes extra-pancréatiques

Type I Modérée
Diabète sucré
Type Il Faible

Maladie cæliaque Modérée

Gastrectomie Élevé Vagotomie

Œsophagectomie Modérée
Chirurgie gastro-intestinale
Chirurgie bariatrique Elevée By-pass gastrique

Syndrôme de grêle court Modéré-élevé Selon anatomie

Atteinte proximale, maladie ancienne,


Maladie de Crohn Faible
résections chirurgicales itératives

Infection VIH Modéré

Analogues de la somatostatine Modéré

Âge Faible

dernière est discutable, et limité aux Une étude transversale suédoise a mis ture pancréatique progressive avec
malabsorptions vitaminiques sévères. en évidence une IPE (diagnostiquée l’âge. Une réduction de la sécrétion
De même, en fonction des caractéris­ par test fécal) chez près de 30 % de pancréatique de 30 % a été mise en
tiques anatomiques postopératoires, patients suivis pour infection VIH sous évidence chez des individus sains de
une malabsorption par IPE peut être antirétroviraux (29), sans altération plus de 80 ans après stimulation à la
fréquemment observée chez des des paramètres nutritionnels. Les sécrétine, et des taux d’élastase fécale
patients atteints du syndrome du ¾ des patients traités à la suite de ce abaissés ont été retrouvés dans des
grêle court. diagnostic ont eu une amélioration proportions similaires dans d’autres
des symptômes. Le mécanisme de cohortes.
Certains médicaments peuvent avoir
l’IPE dans cette population n’est pas
une action sur la fonction et la tro­
clair, sachant que la diarrhée est un Enfin, certaines maladies génétiques
phicité pancréatique. L’utilisation
symptôme fréquent en cas d’infection comme le syndrome de Schwachman–
prolongée d’analogues de la somatos­
à HIV. Diamond ou le syndrome de Johanson-
totatine pour le traitement de tumeurs
neuroendocrines a été associée à la Comme tous les organes, le pancréas Blizzard, sont des étiologies plus rares
survenue d’une IPE chez 24 % dans est également affecté par la sénes­ d’IPE qui sont le plus souvent diagnos­
une étude portant sur 50 patients, cence. Des études morphologiques tiquées dans l’enfance chez des
avec une majorité de tumeurs jéjuno- ont mis en évidence une réduction du patients ayant un contexte familial
iléales et non sécrétantes (28). volume et une altération de la struc­ évocateur.

318
< 100 µg/g de selle est communé­ nant les extraits pancréatiques. Le
Méthodes diagnostiques ment admis pour le diagnostic d’IPE recueil des selles doit avoir lieu sur
sévère, et un taux > 200 µg/g de 3 jours consécutifs afin de s’affran­
selles permet d’éliminer une IPE dans chir des variations liées au transit
Depuis plusieurs années, la mesure la plupart des situations. Du fait de sa intestinal. Une réduction des ingesta
du taux d’élastase fécale (EF) s’est sensibilité à la dilution fécale, l’élas­ lipidiques pouvant également fausser
imposée comme étant le test de tase fécale est d’interprétation déli­ le résultat, le patient doit suivre
première intention en cas de sus­ cate en cas de pathologie entraînant un régime comprenant 100 g de
picion d’insuffisance pancréatique une diarrhée d’une autre cause que graisses/jour les 3 jours précédant
exocrine. En effet, sa réalisation est l’IPE (diabète, maladies inflamma­ et durant le recueil, par exemple en
plus simple que celle de la mesure toires intestinales, syndrome de grêle ajoutant de 50 g de beurre/jour à son
de la stéatorrhée sur 72 h, et moins court…). Il est donc important d’in­ alimentation habituelle. L’absorption
invasive que les tests de provocation terpréter le résultat en fonction de la des graisses étant > 93 %, un résultat
directe. L’élastase fécale est une pro­ prévalence de l’IPE dans la situation > 7 g de graisse/24 h dans les selles
téase pancréatique très peu dégra­ clinique ayant conduit au dosage, car est considéré comme pathologique.
dée lors de son passage intestinal. les études de validation de l’EF ont Cependant, ce test n’est pas spécifique
Elle est retrouvée dans les selles à été conduites chez des patients pré­ d’une IPE et sa sensibilité est faible
une concentration 5 fois supérieure sentant des IPE avérées. Par exemple, en cas d’IPE légère (32). Certaines
à celle du suc pancréatique, stable le risque de faux-négatif en cas de diarrhées motrices ou sécrétoires,
pendant 1 semaine à température dosage > 200 µg/g est de 1 % chez ainsi que la prise de laxatifs peuvent
ambiante. Son dosage se fait par test un patient atteint de diarrhée chro­ être responsables d’une stéator­
ELISA avec un anticorps polyclonal nique, contre 9 % en cas de pancréa­ rhée, qui en général reste inférieure
capturant plusieurs isoformes de tite chronique (30). En l’absence de à 14 g/jour. La nécessité du recueil
l’enzyme, à partir d’un échantillon contexte étayant le diagnostic d’IPE, des selles pendant 3 jours, ainsi que
de selles brutes, et n’est pas affecté le dosage doit être répété et si le dia­ la faible adhésion au régime enrichi
par la prise d’extraits pancréatiques gnostic reste incertain, un traitement en graisses constituent des freins
ou le type d’alimentation. Le résul­ d’épreuve par extraits pancréatiques importants à la réalisation de ce test
tat est exprimé en microgrammes/g peut être débuté (cf. figure 1). en routine.
de selles, et sa concentration peut
être abaissée en cas de dilution de Le dosage de la quantité de graisse La chymotrypsine est une autre pro­
l’échantillon par de l’urine, ou lors fécale sur 72 heures est le test de téase pancréatique dont le dosage
d’une diarrhée sécrétoire. La sen­ référence pour la confirmation d’une de l’activité enzymatique est pos­
sibilité du test varie en fonction de stéatorrhée. Bien qu’il soit de moins sible dans les selles. L’activité chy­
la sévérité de l’IPE, de 47 % (IPE en moins utilisé en pratique clinique, motrypsique fécale se dose seule sur
légère), 67 % (IPE modérée) et 97 % il reste le gold standard admis dans un échantillon de selles, ou de façon
en cas d’IPE sévère (30). Un taux d’EF les essais thérapeutiques concer­ combinée avec le taux de graisses

PANCRÉATOLOGIE
Figure 1 : Algorithme diagnostique en cas de suspicion d’insuffisance pancréatique exocrine,
adapté de (1,16,31)

319
sur 72 h. Le résultat est exprimé par cystokinine nécessitent le recueil du Au-delà de la baisse de l’IMC, la
gramme de selles et doit être supé­ contenu duodénal soit par tubage, sarcopénie est un facteur de risque
rieur à 6 UA/g à 25°C. Sa spécificité soit par voie endoscopique. Ils ne sont de mortalité et de morbidité reconnu
est moindre que celle de l’élastase plus réalisés en pratique clinique du dans la plupart des maladies chro­
pour le diagnostic d’IPE, surtout lors­ fait de leur caractère invasif et de la niques. Elle est également associée
qu’elle est modérée ce qui en fait difficulté à se procurer des sécrétago­ à un sur risque de complications et
un test médiocre pour le diagnostic. gues. de réhospitalisations après chirurgie
Cependant, elle se normalise sous digestive (37). Dans une cohorte
extraits pancréatiques, et peut être récente de 182 patients atteints de
utile en cas de persistance de symp­ pancréatite chronique, une sarco­
tômes de malabsorption malgré des pénie évaluée par bioimpédancemé­
doses adaptées (33). Comme pour les Conséquences trie électrique était présente chez
dosages fécaux précédents, des faux métaboliques près de 20 % des patients et plus
positifs peuvent être induits par une de l’insuffisance fréquemment chez ceux avec une IPE.
dilution de l’échantillon de selles en Dans cette cohorte, la sarcopénie était
cas de diarrhée aqueuse (32). pancréatique exocrine associée à une augmentation signifi­
cative de la mortalité et du nombre
Le test respiratoire aux triglycérides
d’hospitalisations et à une diminution
marqués 13C est un test non invasif ne L’essentiel du déficit en macronutri­ de la qualité de vie (38). Il est à noter
nécessitant pas de recueil de selles, ments secondaire à l’IPE est consé­ que 74 % des patients sarcopéniques
et peu influencé par les limitations cutif à la malabsorption lipidique, avaient un IMC normal ou élevé. La
de ce dernier (34). Il consiste en les amylases et protéases produites préservation de la fonction et de la
l’ingestion d’un repas standardisé par d’autres organes du tube digestif masse musculaire doit être un objectif
contenant une quantité connue de (glandes salivaires, entérocytes) dans le suivi des patients insuffisants
triglycérides marqués au Carbone 13. pouvant longtemps suppléer la baisse pancréatiques.
L’hydrolyse de ces triglycérides par de la production pancréatique. Les
la lipase, puis l’oxydation des acides lipides représentent 30 à 40 % de La malabsorption liée à l’IPE est
gras en résultant, va entraîner la l’apport énergétique total dans le également responsable d’une aug­
libération de 13CO2 dans l’air expiré. cadre d’un régime occidental, majo­ mentation des carences en micro­
Il a une excellente sensibilité et ritairement sous forme de triglycé­ nutriments (10). Elles touchent
spécificité en cas d’IPE sévère (res­ rides (120 à 150 g/j). Une IPE, même préférentiellement les vitamines lipo­
pectivement 90 et 80 %) mais peut légère, conduira inévitablement vers solubles (A, D, E, K) et de nombreux
être faussé par d’autres causes de un déficit énergétique global, donc case-reports ont été publiés avec des
malabsorption des graisses, ou en vers une dénutrition à moyen ou à tableaux cliniques variés. La carence
cas d’augmentation de la quantité long terme. en vitamine A est l’une des mieux
de CO 2 expiré (pullulation bacté­ documentée dans la littérature, avec
rienne) (35). Il serait une alternative De plus, selon l’étiologie sous-jacente, une prévalence allant de 15 à 35 %
intéressante aux tests fécaux dans d’autres facteurs de dénutrition selon l’étiologie. Cependant, son
le suivi sous traitement, mais n’est peuvent s’additionner à la malab­ impact clinique est souvent limité. La
actuellement pas disponible en rou­ sorption, comme la baisse des ingesta carence en vitamine D est plus fré­
tine en France. liés à la douleur ou à l’anorexie, ou quente, mais sa prévalence élevée en
l’augmentation de la dépense éner­ population générale biaise probable­
L’imagerie par résonance magné­
gétique de repos en cas de pancréa­ ment les résultats. Elle doit toutefois
tique (IRM) s’est imposée depuis une
tite chronique (36), de cancer, ou faire l’objet d’une supplémentation
décennie comme un des examens-clé
de mucoviscidose. La majorité des systématique en cas de carence pour
de l’exploration du parenchyme et
études visant à évaluer l’état nutri­ limiter l’évolution vers l’ostéoporose.
des canaux pancréatiques. L’injection
tionnel ont été réalisées chez des La carence en vitamine E est rare, et
intraveineuse de sécrétine pour
patients porteurs de pathologies à celle en vitamine K est surtout ren­
stimuler la production pancréa­
risque, et il existe peu de travaux contrée en cas d’obstruction biliaire
tique associée à la réalisation de
spécifiquement centrés sur l’IPE. On conjointe. Les manifestations cli­
séquences T2 dynamiques est une
retrouve une prévalence élevée de la niques des carences vitaminiques
technique prometteuse qui présente
dénutrition dans ces pathologies, de étant souvent tardives, il est recom­
une bonne corrélation avec la fonction
28-32 % chez les patients atteints de mandé d’effectuer un monitorage
pancréatique exocrine. Cependant, les
pancréatite chronique à plus de 80 % biologique régulier. La supplémen­
difficultés techniques d’approvision­
en cas de cancer du pancréas (15). Il tation devra intervenir en cas de
nement, ainsi que l’allongement du
est primordial d’évaluer l’état nutri­ carence documentée, une supplé­
temps de réalisation et d’interpréta­
tionnel des patients à risque, indé­ mentation systématique à l’aveugle
tion ont limité sa diffusion en radio­
pendamment de la présence ou non exposant à un risque de toxicité par
logie.
d’une IPE. Les outils de screening surdosage (notamment pour la vita­
Gold standard diagnostique de l’IPE ambulatoires (MUST) ou hospitaliers mine A) (39). Les carences en vita­
pendant de nombreuses années, les (NRS-2002) sont nécessaires pour mines hydrosolubles, en minéraux
tests directs mesurant le taux d’en­ dépister les personnes à risque de et en éléments trace sont moins fré­
zymes pancréatiques (chymotrypsine, dénutrition et comportent une éva­ quentes, touchant préférentiellement
lipase, amylase) et de bicarbonates luation systématique du poids, de le fer, l’acide folique, le calcium, le
après stimulation par l’administra­ sa cinétique et de celle des ingesta magnésium et le zinc. Elles sont sur­
tion de sécrétine et/ou de cholé­ (36). tout dépendantes de l’étiologie sous-

320
jacente. Cependant, certains auteurs stéatorrhée, des symptômes digestifs
recommandent une supplémentation Prise en charge et de l’état nutritionnel des patients.
systématique en Calcium et vitamine thérapeutique La prise d’EP a également été associée
D, notamment pour limiter la surve­ à une amélioration de la qualité de vie
nue d’une ostéoporose et d’une oxa­ et à une augmentation de la survie
lurie. En l’absence de malnutrition, les en cas de tumeur pancréatique (19)
patients doivent avoir une alimen­ et de pancréatite chronique (16,45).
L’ostéoporose est une complica­ tation équilibrée et variée, couvrant Les EP doivent donc être prescrits
tion sévère qui concerne près d’un leurs besoins quotidiens en calories chez tous les patients atteints d’IPE,
patient sur 4 (40). Les mécanismes et en micronutriments. Un régime qu’ils soient symptomatiques ou non.
physiopathologiques ne sont pas bien pauvre en graisses n’est pas recom­
élucidés, mais l’altération du métabo­ Les extraits pancréatiques com­
mandé, mais une alimentation riche
lisme phosphocalcique lié à la carence mercialisés sont des microgranules
en fibres est à éviter (> 25g/j) car
en vitamine D et en calcium et une gastro-résistants de pancréatine
ces dernières adsorbent les enzymes
inhibition de l’ostéogenèse par l’in­ d’origine porcine, conditionnées
pancréatiques. En cas de dénutrition,
flammation chronique doivent jouer sous forme libre ou en gélules. Elles
les patients devront avoir un régime
un rôle dans la baisse de la densité contiennent de la lipase, de l’amy­
hypercalorique et hyperprotéiné, avec
minérale osseuse (41). Par une baisse lase et des protéases, mais la dose
un apport journalier de 35 kcal/kg et
de l’activité de l’ostéocalcine, la est exprimée en unités de lipase.
de 1 à 1.5g/kg de protéines, répartis
carence en vitamine K (cofacteur de la L’enveloppe de la gélule se dissout
en 5 à 6 repas. Les objectifs calo­
carboxylation de cette hormone) joue en quelques minutes dans l’estomac,
riques sont encore plus élevés chez
également un rôle dans la baisse de libérant les granules dont la taille
les patients atteints de mucoviscidose
l’ostéosynthèse en cas de d’IPE. Une variable entre 1 et 2 mm permet un
qui doivent avoir un apport calorique
ostéodensitométrie doit être réalisée mélange approprié avec le contenu
augmenté de 20 à 50 % par rapport à
systématiquement au diagnostic d’in­ du bol alimentaire et un passage
un sujet sain d’âge et de sexe équiva­
suffisance pancréatique et chez les optimisé au niveau du pylore, entre
lent (39,44). Il est important que les
patients à haut risque, et répétée au 30 et 60 minutes après l’ingestion.
patients aient des apports journaliers
cours du suivi selon les constatations L’enrobage des granulés étant pH-
suffisants en calcium et en vitamine D
de l’examen initial. dépendant, les enzymes sont proté­
afin de limiter les déficits. Les conseils
gées de la dégradation acide dans
diététiques devront également être
Dans une cohorte de 430 patients l’estomac et libérées au pH intraduo­
adaptés en fonction de la pathologie
atteints de pancréatite chronique dénal (> 5).
sous-jacente, notamment en cas de
et suivis pendant 8 ans, la présence troubles de la motilité gastro-intesti­ Les modalités de prise des EP doivent
d’une IPE était associée à un sur- nale après chirurgie digestive, ou de être correctement expliquées au
risque d’évènements cardio-vascu­ maladie cœliaque. En parallèle, l’arrêt patient pour optimiser leur action :
laires (RR 3.67) par rapport à ceux de l’alcool et du tabac sera encouragé.
indemnes d’IPE et ce de façon indé­ - À chaque prise alimentaire conte­
En cas de malabsorption persistante,
pendante des autres facteurs de nant des graisses ou des protéines
il peut être conseillé au patient l’uti­
risque (diabète, tabagisme, hyperten­ (repas ou collation) ;

PANCRÉATOLOGIE
lisation préférentielles de matières
sion artérielle) (42). Une attention grasses riches en triglycérides à - Au milieu et/ou à la fin de la prise
particulière doit donc être portée aux chaîne moyenne (TCM), plus facile­ alimentaire plutôt qu’avant (46) ;
antécédents cardiovasculaires des ment hydrolysés par la lipase (16).
patients en cas d’IPE, les carences - 
É galement en cas de prise de
Mais ces derniers ont un apport éner­
nutritionnelles et en micronutriments suppléments vitaminiques liposo­
gétique moindre, et souffrent d’une
doivent être corrigées et le contrôle lubles ;
mauvaise palatabilité.
des facteurs de risque être un élément - En cas de prise directe de micro­
du suivi de ces patients. Chez les patients nécessitant une granules libres, ne pas les croquer
nutrition entérale, l’utilisation préfé­ ou les écraser, mais les mélanger à
Comme dans toutes les pathologies rentielle de mélanges semi-élémen­ un liquide dont le pH est < 5,5 et se
entraînant une malabsorption lipi­ taires avec TCM n’est pas supporté rincer la bouche après ingestion.
dique, les patients atteints d’IPE par un niveau de preuve élevé malgré
sont à risque d’hyperoxalurie enté­ le rationnel physiopathologique. Les Il n’existe pas de corrélation linéaire
rique. Cette complication non rare de recommandations ESPEN concernant entre sévérité de l’IPE et posologie des
nombreuses pathologies digestives est les pathologies pancréatiques les EP à administrer. Il est recommandé
responsable d’une augmentation des réservent aux situations d’intolérance de débuter par une dose de 50 000 U
lithiases urinaires et de la survenue et d’inefficacité des mélanges polymé­ par repas et 25 000 U par collation
de néphropathies, voire d’insuffi­ riques standard (39), tandis que dans chez les adultes. Chez les enfants, la
sance rénal et doit donc être dépistée les guidelines du Royaume-Uni, elles dose sera de 500/kg/repas chez les
au cours du suivi. La présence d’une sont considérées comme à utiliser enfants de plus de 4 ans et 1 000 U/
hyperoxalurie a été significativement préférentiellement en cas d’IPE kg/repas chez les enfants de moins
associée à une IPE sévère et à une (16). de 4 ans. Ces posologies doivent être
altération de la fonction rénale au augmentées en cas de mucoviscidose
cours du temps (43), dans une étude La prise d’extraits pancréatiques et de cancer du pancréas. Les patients
de 2017 portant sur des patients constitue l’élément clé de la prise en peuvent être encouragés à augmenter
atteints de pancréatite chronique et charge de l’IPE. Elle a une efficacité spontanément leur dose en cas de per­
suivis prospectivement. démontrée sur l’amélioration de la sistance de la stéatorrhée. En théorie,

321
Figure 2 : Prise en charge thérapeutique d’une insuffisance pancréatique exocrine,
adapté de (31)

il n’existe pas de limite supérieure, la de cancer du pancréas, seuls 43 % du grêle, une malabsorption des sels
sécrétion pancréatique physiologique prenaient leurs EP à chaque repas biliaires ou une giardiase. De même,
chez le sujet sain étant de 360 000 à et collation, y compris lorsqu’ils en devant un amaigrissement inex­
900 000 U par repas. Cependant, des ressentaient un bénéfice vis-à-vis de pliqué, une autre cause d’hypercata­
cas de fibrose colique ont été décrits leurs symptômes (47). Une réévalua­ bolisme sera recherchée comme une
chez des enfants atteints de mucovis­ tion de la fonction pancréatique par néoplasie ou un diabète décompensé
cidose prenant des hautes doses d’EP examen de selles peut être indiquée chez un patient atteint de pancréa­
(de l’ordre de 20 000 U/kg/jour). La en cas de persistance des symptômes tite chronique ou une surinfection
dose quotidienne maximale est auto­ malgré une dose ≥ à 90 000 U /repas. broncho-pulmonaire en cas de muco­
risée est de 250 000 U chez l’adulte ou viscidose (16). Si nécessaire, une
10 000 U/kg chez l’enfant. L’adjonction d’inhibiteurs de la enquête diététique poussée devra être
pompe à protons et/ou d’antiacides réalisée.
En cas de nutrition entérale, les EP en même temps que les EP permet
seront administrés sous forme de d’améliorer l’efficacité en augmen­
microgranules libres de façon frac­ tant le pH duodénal, la diminution de
tionnée au cours de l’alimentation la sécrétion enzymatique s’accompa­
entérale, mélangés à un liquide gnant souvent d’une diminution de la Conclusion
acide, soit via la sonde de nutrition production en bicarbonates (48).
(diamètre de 20 CH minimum), soit
avalées par le patient (16,39). Après chirurgie gastro-intestinale, une Si l’insuffisance pancréatique exo­
accélération du transit ou un montage crine est bien décrite et documentée
L’évaluation de l’efficacité se base de type by-pass peut entraîner une dans les pathologies pancréatiques,
sur la clinique et l’évolution des para­ libération des EP au niveau du jéjunum l’importance de sa prise en charge
mètres anthropométriques et biolo­ distal, limitant le temps d’action des correcte reste encore sous-estimée
giques. En cas de non-réponse, il faut enzymes et donc une moindre effica­ malgré son impact notable sur la mor­
d’abord vérifier le respect de la poso­ cité des microgranules. Il sera donc bidité et la mortalité des maladies qui
logie et/ou des conditions de prise des conseillé aux patients d’ouvrir les lui sont associées. Elle peut accom­
EP avant d’effectuer une escalade de gélules et consommer les microgra­ pagner de nombreuses conditions
dose. En effet, le traitement par EP nules libres. médicales en dehors de la pancréatite
représente un nombre significatif de chronique et de la mucoviscidose, qu’il
gélules, à prendre au long cours et En cas de persistance de la diarrhée faut savoir identifier. Son diagnostic
une lassitude est inévitable au cours ou de la stéatorrhée, des diagnostics repose sur le taux d’élastase fécale,
du temps. Dans une étude récente différentiels doivent être évoqués dont l’interprétation peut s’avérer
portant sur des patients atteints comme une pullulation bactérienne délicate en l’absence de pathologie

322
pancréatique évidente. La prise en 11. Lariño-Noia J, de la Iglesia D, Iglesias- 23. Piciucchi M, Capurso G, Archibugi L,
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5
Les cinq points forts
● L’insuffisance pancréatique exocrine est un facteur de risque
indépendant de mortalité et de survenue de complications dans
la plupart des pathologies auxquelles elle est associée.

● Son diagnostic repose sur le dosage de l’élastase fécale. Un trai-


tement d’épreuve par extraits pancréatiques peut être initié en
cas de doute diagnostique.

● Une surveillance régulière de l’état nutritionnel et un dépistage


systématique des carences vitaminiques et des complications
osseuses doivent être réalisés tout au long du suivi.

● Le traitement repose sur les extraits pancréatiques à chaque


prise vitaminique ou alimentaire. Leur dose peut être augmentée
jusqu’à 250 000 U/jour.

● En cas de persistance des symptômes malgré un traitement bien


conduit, il faut réévaluer l’insuffisance pancréatique et recher-
cher des diagnostics associés.

324

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