Papillomavirus (HPV)
Michel Segondya, Jean-Claude Nicolasb
AVANT-PROPOS
D
e nombreux cancers sont en rapport avec
des virus : un récent rapport de l’OMS estime
que 15 % des cancers de tous types ont une
étiologie virale. Mentionnons notamment les virus des
hépatites B (HBV) et C (HCV) responsables du dévelop-
pement d’hépato-carcinomes, le virus de la leucémie
lymphoïde T de l’adulte (HTLV), le virus Epstein-Barr
(EBV) associé à des lymphomes et au carcinome du
naso-pharynx, le HHV-8 associé au sarcome de Kaposi
et à des lymphomes des séreuses. Tout récemment, un
nouveau polyomavirus a été reconnu comme fréquem-
ment associé à un cancer cutané rare : le carcinome
à cellules de Merkel. Il est par ailleurs fort possible
que de nouveaux virus puissent être associés dans
l’avenir à d’autres cancers humains.
a Pôle d’infectiologie – Laboratoire de virologie
Centre hospitalier universitaire de Montpellier
80, av. Augustin-Fliche - 34295 Montpellier cedex 5
m-segondy@chu-montpellier.fr
b Laboratoire de virologie
Hôpital Tenon
4, rue de la Chine - 75970 Paris cedex 20
jean-claude.nicolas@tnn.ap-hop-paris.fr
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réservés.
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2008 - N°405 //
Les papillomavirus humains (HPV) sont des virus très
répandus chez l’humain. Certains types de HPV sont
associés au développement de cancers, en particu-
lier de cancer du col de l’utérus, le second cancer en
fréquence chez la femme dans le monde.
La connaissance de ces étiologies virales a favorisé le
développement de mesures préventives ou curatives
comme, par exemple, la vaccination contre le virus de
l’hépatite B, à laquelle on a pu attribuer la réduction de
l’incidence de l’hépato-carcinome, le traitement préventif
ou curatif de lymphomes à l’EBV par immunothérapie
avec des lymphocytes cytotoxiques spécifiques de l’EBV
ou des anticorps monoclonaux anti-lymphocytes B,
la prévention de l’infection à HTLV par l’utilisation de
préservatifs ou en contre-indiquant de l’allaitement
maternel chez les femmes HTLV-positives.
En ce qui concerne le cancer du col de l’utérus, la
prévention repose essentiellement sur le dépistage
cytologique des lésions précancéreuses, mais un
dépistage par détection systématique des HPV onco-
gènes sera sans doute prochainement proposé. De
plus, la mise à disposition récente de vaccins anti-HPV
devrait permettre dans l’avenir de réduire fortement
l’incidence de ce cancer. Il était important que le Conseil
scientifique de la RFL programme un numéro spécial
HPV, ceci pour plusieurs raisons.
21
 La première est donc la mise sur le marché de deux vaccins anti-
HPV, deuxième vaccination virale anti-cancer après la vaccination
anti-hépatite B. La deuxième raison est le développement récent
de tests de recherche virologique qui devraient trouver place dans
les stratégies de dépistage à grande échelle. La troisième raison
de ce numéro spécial est l’implication des HPV dans des cancers
non génitaux, tels des cancers ORL non liés à l’alcool ou au tabac,
ou encore certains cancers cutanés.
Jusqu’à ces dernières années, le dépistage du cancer du col était
du ressort exclusif des laboratoires d’anatomopathologie. Les
perspectives d’un dépistage basé sur la détection et le typage
viral pourrait entraîner un transfert de cette activité vers des labo-
ratoires de biologie (Labm), plus adaptés à suivre l’évolution des
techniques de diagnostic virologique moléculaire. Néanmoins,
ces Labm doivent rester en étroite relation avec les laboratoires
d’anatomopathologie, l’analyse virologique et cytologique pouvant
être aujourd’hui réalisée sur le même prélèvement.
Dans cet éditorial sur les HPV, nous nous devons de citer Gérard
Orth et son équipe à l’Institut Pasteur, qui ont travaillé pendant
presque 30 ans sur les HPV, difficiles alors à étudier car non culti-
vables en culture cellulaire. Ils ont su mettre à profit les progrès en
biologie moléculaire pour faire progresser les connaissances sur
ces virus et leur implication en oncologie humaine.
Les articles de ce numéro spécial ont été rédigés par des auteurs
impliqués dans le diagnostic et/ou dans la recherche fondamentale
ou clinique sur les infections à HPV.
Le premier article rappelle la classification des HPV, virus présentant
une très grande diversité. À côté de la classification genre/espèce/
type reposant sur les homologies de séquences, il est présenté une
classification en fonction du tropisme et du potentiel oncogène.
Il est important de bien connaitre les aspects épidémiologiques
de ces virus et des cancers qui leur sont imputés, surtout dans la
perspective de la prévention vaccinale. Ces aspects font l’objet
du deuxième article, qui présente les données de prévalence et
d’incidence des infections à HPV en fonction de l’âge, la répar-
tition des génotypes et l’association de ces virus à différents
cancers humains. Cet article est le fruit d’une collaboration par
des auteurs de l’Institut Català d’Oncologia de Barcelone, de la
London School of Hygiene and Tropical Medicine à Londres et du
CHU de Montpellier.
Les processus conduisant de l’infection HPV à la can-
cérisation sont très complexes. Les mécanismes de
l’oncogenèse sont explicités par Christiane Mougin et ses colla-
borateurs du CHU de Besançon. Cet article montre le rôle-clé des
protéines virales E6 et E7 des HPV à haut risque dans la transfor-
mation cellulaire et le maintien du phénotype malin.
Le diagnostic de lésion précancéreuse ou de cancer repose sur
l’examen cytologique et anatomopathologique. Dans ce quatrième
article, Christine Bergeron (Pasteur Cerba) présente la classification
des lésions et leur terminologie, rappelle les modalités actuelles
du dépistage et la conduite à tenir en cas de frottis anormal, pré-
sentant également une évaluation de la performance des tests
La coordination de ce dossier a été assurée par Dr Michel Segondy (Pôle d’infectiologie, Laboratoire de virologie,
Centre hospitalier universitaire de Montpellier).
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cytologiques conventionnels ou en milieu liquide, et ouvre des
perspectives sur les modalités de dépistage à venir avec le déve-
loppement de tests HPV.
Dans le cinquième article, Valérie Giordanengo (CHU de Nice)
présente les techniques de détection de l’ADN des HPV (test
HPV), les différentes techniques permettant le typage du virus, et
aborde les techniques de quantification (charge virale) et les tests
de détection des ARN-messagers viraux.
Le sixième article, qui est consacré aux stratégies de dépistage
que l’on peut proposer, compare les avantages et inconvénients
respectifs du dépistage cytologique et du dépistage basé sur le
test HPV. Christine Clavel et coll. (CHU de Reims) présentent ici les
conclusions cliniques, virologiques et épidémiologiques les plus
pertinentes sur le dépistage, afin de mieux éclairer les propositions
actuelles des experts internationaux sur le sujet.
Le dernier article de ce dossier est consacré aux réponses immu-
nitaires anti-HPV et à la vaccination. Pierre Coursaget et Antoine
Touzé (INSERM, Tours) font le point sur le mécanisme des réponses
immunes et de la protection anti-HPV et proposent des données
récentes sur la vaccination.
Nous remercions les auteurs qui se sont impliqués dans la réalisa-
tion de ce dossier scientifique dans lequel nous espérons que nos
lecteurs trouveront les réponses aux questions qu’ils sont en droit
de se poser sur les problèmes complexes et en pleine évolution que
sont les infections à HPV et les cancers qui leur sont associés.
Sommaire
thématique
thématiq
que
r
Classification des papillomavirus (HPV) p. 23
r
Papillomavirus humains (HPV)
et cancers associés :
aspects épidémiologiques.................................. p. 27
r
HPV et cancers :
mécanismes de l’oncogenèse ........................ p. 35
r
HVP et cancer :
classification des lésions ..................................... p. 43
r
Méthodes de détection
et d’identification des HPV.................................. p. 51
r
Stratégies de dépistage des lésions
précancéreuses du col de l’utérus :
cytologie ou test HPV ? .......................................... p. 57
r
Immunité anti-HPV et vaccination ............... p. 67