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Dans la même collection


VIH et sida, par C. Katlama, J. Ghosn, 2e édition, 2008, 216 pages.

Éducation thérapeutique, prévention et maladies chroniques, par D. Simon, 


P.-Y. Traynard, F. Bourdillon, R. Gagnayre, A. Grimaldi, 2009, 328 pages.

Autres ouvrages
Dermatologie et infections sexuellement transmissibles, par J.-H Saurat, J.-M. Lachapelle,
D. Lipsker, L. Thomas, 5e édition 2009, 1176 pages.

120 diagnostics à ne pas manquer, par E. Vidal-Cathala, C. Terlaud, 2e édition, 2009,


448 pages.

Gynécologie pour le praticien, par J. Lansac, P. Lecomte, H. Marret, 2007, 592 pages.

Guide pratique de dermatologie, par D. Wallach, collection Médiguides, 3e édition,


2007, 360 pages.

Dermatologie en gynécologie obstétrique, par L. Machet, M. Vaillant, 2006, 384 pages.


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© 2009, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-08874-2

Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Liste des collaborateurs

Isabelle Alcaraz, praticien hospitalier, Dermatologie-Vénéréologie, Tourcoing.


François Aubin, PU-PH, service de Dermatologie-Vénéréologie, CHU de Besançon.
Bertille de Barbeyrac, laboratoire de Bactériologie EA 3671, Infections humai-
nes à mycoplasmes et chlamydiæ, Centre National de Référence des infec-
tions à chlamydiæ, Bordeaux.
Cécile M. Bébéar, PU-PH, service de Microbiologie, Bactériologie, Centre
National de Référence chlamydia, Université de Bordeaux, CHU de Bordeaux.
Christiane Bébéar, PU-PH, service de Microbiologie, Bactériologie, Centre
National de Référence chlamydia, Université de Bordeaux, CHU de Bordeaux.
Agathe Bernard, urologue, CHU Saint-Louis, AP-HP, Paris.
Anne Bianchi, microbiologiste, Centre National de Référence syphilis, Bondy.
Isabelle Bourgault-Villada, PU-PH, service de Dermatologie-Vénéréologie, CHU
Ambroise Paré, AP-HP, Boulogne.
Fabrice Bouscarat, médecin des hôpitaux, service de Dermatologie-
Vénéréologie, CHU Bichat, AP-HP, Paris.
Isabelle Casin, MCU-PH Bactériologie, CHU Saint-Louis, hôpital Saint-Louis,
AP-HP, Paris��.
Éric Caumes, PU-PH Maladies Infectieuses, CHU Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.
Christian Derancourt, praticien hospitalier, service de Dermatologie-
Vénéréologie, CHU de Fort de France, Martinique.
Christine Drobacheff-Thiébaut, praticien hospitalier, service de Dermatologie-
Vénéréologie,��������������������
CHU de Besançon.
Nicolas Dupin, PU-PH, service de Dermatologie-Vénéréologie, CHU Tarnier-
Cochin, AP-HP, Paris.
David Farhi, dermato-vénéréologiste, service de Dermatologie-Vénéréologie,
hôpital Tarnier, Paris.
Martine Feuilhade de Chauvin, MCU-PH Mycologie, CHU Saint-Louis, AP-HP,
Paris.
Sébastien Fouéré, dermato-vénéréologiste, service de Dermatologie-Vénéréologie,
CHU Saint-Louis, AP-HP, Paris.
Lionel Fournier, PU-PH Médecine légale, CHU Hôtel Dieu, AP-HP, Paris.
Anne Gallay, médecin épidémiologiste, Institut National de Veille Sanitaire,
Saint-Maurice.
Sophie Gayno, praticien hospitalier, service Hépatologie, Nanterre.
Philippe Gerhardt, dermato-vénéréologiste, service de Dermatologie-Vénéréologie,
hôpital Tarnier, Paris.
Frédéric Juguet, gastro-entérologue, Bordeaux.
François Lassau, MCU-PH, Anatomie, université Paris VII et centre des MST,
hôpital Saint-Louis, Paris.
Jérôme Le Goff, MCU-PH, service de Virologie, CHU Saint-Louis, AP-HP, Paris.
Jean-Pierre Lepargneur, microbiologiste, laboratoire CEDIBIO, Toulouse.
Paul Méria, chirurgien urologue des Hôpitaux, service urologie, CHU Saint-
Louis, AP-HP, Paris.
VI Liste des collaborateurs

Laurent Misery, PU-PH, service de Dermatologie-Vénéréologie, CHU de Brest.


Jean-Pierre Morini, dermato-������������������������������������������������
vénéréologiste����������������������������
, hôpital Tarnier, Paris.
Alain Passeron, dermato-����������������������������
vénéréologiste, Nice.
������
Fabien Pelletier, PHU, service de Dermatologie-Vénéréologie, CHU de Besançon.
Françoise Ramel, dermato-vénéréologiste, Sèvres.
Julie Timsit, praticien attaché, service de Dermatologie-Vénéréologie, CHU
Saint-Louis, AP-HP, Paris.
Chantal Vernay-Vaïsse, dermato-vénéréologiste, chef du service Prévention IST
Cancers Vaccinations, Conseil Général des Bouches du Rhône, Marseille.
Dominique Vexiau-Robert, gynécologue, hôpital Saint-Louis AP-HP, Paris.
Roland Viraben, médecin des hôpitaux, service de Dermatologie-Vénéréologie,
CHU de Toulouse.
Remerciements

Alice Bouyssou, ���������������������


épidémiologiste,� ���������
Florence ����������������
Lot, médecin ��������������������
épidémiologiste, ���������
Cécile
Brouard, � ��������������������
épidémiologiste,� Véronique
������������ Goulet,
�������� pharmacien �
������������ ����������������������
épidémiologiste����de
l’Unité VIH-hépatites-IST de l’INVS pour le chapitre Épidémiologie des IST.

Charles Cazanave, praticien hospitalier, service des Maladies infectieuses et


Sabine Pereyre, MCU PH du Centre National de référence des chlamydias,
Bordeaux pour le chapitre Chlamydia.

Annie Vermersch-Langlin, dermatologiste et Edith Mazars, biologiste du


Centre Hospitalier de Valenciennes pour le chapitre Trichomonas.

Olivier Chosidow, PU-PH, service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor,


Créteil AP-HP, Bruno Halioua, dermatologiste, Institut Alfred Fournier, Paris et
Brigitte Milpied, praticien hospitalier, service de dermatologie, Bordeaux, pour le
chapitre Herpès.
Avant-propos

Cet ouvrage qui traite toutes les MST est très attendu par les médecins et les
étudiants qui n’ont pas d’autre ouvrage de référence en français1. Ils trouveront
également dans cet abrégé un aperçu rapide et richement illustré des patholo-
gies infectieuses et non infectieuses des organes génitaux.
Cet ouvrage collectif est le fruit de la collaboration efficace des meilleurs spé-
cialistes en matière de MST. La grande majorité des co-auteurs sont dermato-
vénéréologistes et le plus souvent membres de la section MST de la SFD. Mais
nous avons également fait appel à l’expertise de collègues d’autres spécialités
(gynécologie, urologie, microbiologie, maladies infectieuses, épidémiologie,
anatomie, hépatologie et médecine légale) car si la spécialité chargée des MST
est bien la dermato-vénéréologie, une bonne prise en charge du patient doit
s’appuyer sur d’autres spécialités et notamment la microbiologie (le plateau
technique est d’importance majeure) et la gynécologie (chez la femme les
­frontières entre nos deux spécialités sont minces).
Pourquoi la dermato-vénéréologie ? Ce n’est pas seulement historique, les
MST étant nées de la syphiligraphie (partie de la Dermatologie traitant de la
syphilis). La raison principale qui pérennise cette appartenance est plus pragma-
tique et d’ailleurs vraie dans le monde entier de Buenos Aires au Caire et de Brest
à Bangkok : il est beaucoup plus facile à un dermatologiste d’apprendre à faire
un prélèvement urétral qu’à un non dermatologiste d’apprendre toutes les sub-
tilités de la pathologie muqueuse. En effet, la plupart des MST se traduisent par
des signes dermatologiques locaux sur les organes génitaux et nombre de
patients consultant dans les structures MST spécialisées ont des pathologies
muqueuses non sexuellement transmises. Les seuls à se ­ singulariser sont les
Britanniques qui ont créé une spécialité à part, comportant 5 ans de formation
post doctorale, appelée GUM (Genito-Urinary Medicine) puis aujourd’hui Sexual
Health (englobant le VIH et l’andrologie). Tous les autres restent attachés à la
dermato-vénéréologie et il n’y a pas de raison de priver les patients de cette
compétence.
MST ou IST? Voilà une discussion à la fois récurrente et quelque peu oiseuse.
Il n’y a aucune honte à être malade et le terme IST, censé favoriser l’information
des populations en insistant sur le fait que l’on peut être infecté sans être
malade, est beaucoup utilisé, je le dis avec un peu de provocation, par les gens
qui ne voient pas de malades. Penser qu’une maladie est toujours apparente cli-
niquement est évidemment inexact ou pour le moins naïf et il est aussi incongru
d’imaginer que l’infection VIH, les chlamydioses, les hépatites ou la syphilis ne
sont pas des maladies sous prétexte que l’examen clinique peut être normal. Le
diabète, les hyperlipidémies ou l’insuffisance rénale ne seraient pas des maladies

1 À l’exception du numéro spécial des Annales de Dermatologie et Vénéréologie (août/­septembre


2006, 133, 8/9) intitulé Maladies sexuellement transmissibles Recommandations diagnostiques et
thérapeutiques rédigé par la Section MST de la Société Française de Dermatologie (SFD).
 Avant-propos

pour les mêmes raisons? Les MST sont évidemment des maladies infectieuses
(encore le mot maladie… ), il serait sot de le nier. Les maladies vénériennes2, ter-
minologie datée mais si jolie, englobaient non seulement des infections mais
également toutes les pathologies en rapport avec l’activité sexuelle. Il est vrai
que beaucoup la confondaient avec la phlébologie. Les Grecs parlent encore
d’Aphrodisiologie3. Le terme importe peu : les Anglais disent STI (IST) et les
Américains STD (MST). Le point important pour lequel nous militons est que
l’utilisation du terme IST, s’il est à la rigueur adapté au dépistage de sujets
asymptomatiques (ce qui peut être réalisé par beaucoup de personnels de santé
pas forcément des médecins) tend à faire oublier que les malades existent, et
qu’ils ont besoin des compétences médicales ad hoc. Cette crainte d’une
démédicalisation n’est pas virtuelle : dans la loi dite de décentralisation d’août
2004, réorganisant la lutte contre les IST, tout a été prévu pour le dépistage des
sujets sains, à grande force de counselling (cet horrible verbiage banni de cet
Abrégé) mais rien pour la prise en charge des malades. Au contraire, le légis-
lateur ingénu ou mal conseillé a considérablement compliqué la tache des
médecins en prévoyant l’anonymat pour tous les patients malades ou pas, alors
que personne ne souhaite autre chose que la stricte confidentialité propre à
notre art.
Les MST sont un domaine passionnant, plus compliqué et varié qu’il n’y
paraît, allant des pathologies les plus bénignes (d’ailleurs non exemptes de com-
plications ie les stérilités tubaires compliquant les chlamydioses) jusqu’aux mala-
dies les plus graves (outre le sida, les cirrhoses et les cancers du foie, la
neurosyphilis, les herpès chroniques des immunodéprimés, la syphilis con-
génitale et l’herpès néonatal, enfin les cancers génitaux PVH-induits). Toutes
peuvent favoriser la transmission du VIH. Notre arsenal thérapeutique s’est con-
sidérablement amélioré, y compris contre les maladies virales. En particulier,
n’oublions pas les deux premiers vaccins capables de prévenir des cancers (hép-
atite B et PVH). La prise en charge des MST en France a aussi bénéficié ces dern-
ières années de fantastiques méthodes diagnostiques (PCR) et de la prise de
conscience de l’importance du suivi épidémiologique de ces maladies (InVS).
Enfin, les implications humaines, sexuelles, relationnelles, sociétales, voire déon-
tologiques ou judiciaires, inhérentes à ces maladies impliquant toujours au
moins deux individus, font que les MST, même considérablement dédramatisées
aujourd’hui, resteront longtemps des maladies originales.

Michel Janier

2 De Vénus, déesse de l’Amour.


3 D’Aphrodite, déesse de l’Amour chez les Grecs.
Liste des abréviations

ACV aciclovir
ADN acide désoxyribonucléique
AMM autorisation de mise sur le marché
ARN acide ribonucléique
ASCUS atypical squamous cells of undetermined signifiance
BBP Benzyl Benzathine Penicilline G
CDAG centre de dépistage anonyme et gratuit du VIH et des hépatites
CDC center of diseases control (Atlanta)
CIDDIST centre d’information, de diagnostic et de dépistage des IST (ex DAV)
CIN cervical intraepithelial neoplasia
CIVD coagulation intravasculaire disséminée
CMI concentration minimum inhibitrice
CMU couverture maladie universelle
CNR Centre National de Référence
DAV dispensaire antivénérien
DO déclaration obligatoire
ELISA enzyme linked immuno sorbant assay
FMC famciclovir
HAS Haute Autorite de Santé
HSH hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (en anglais MSM)
EIA enzyme immuno assay
IFD immunofluorescene directe
IM intramusculaire
IST infection sexuellement transmissible
LCR liquide céphalorachidien
LGV lymphogranulomatose vénérienne
Mb mégabase
MDa mégadalton
MOMP major outer membrane protein
MST maladie sexuellement transmissible
NASBA nucleic acid sequence based amplification
NGPP Neisseria gonorrhoeae producteur de pénicillinase
OMS Organisation Mondiale de la Santé
PCR polymerase chain reaction
PL ponction lombaire
RCIU retard de croissance intra utérin
RPR rapid plasma reagin test
SDA strand displacement amplification
TPHA Treponema pallidum particle haemogglutination
TPPA Treponema pallidum particle agglutination
XII Liste des abréviations

UNG urétrite non gonococcique


VACV valaciclovir
VCAT vancomycine colistine amphotéricine triméthoprime
VCN vancomycine colistine néomycine
VDRL venereal disease research laboratory
VLP virus like particle

Virus
TK thymidine kinase
PVH papillomavirus humain
HSV herpes simplex virus
HHV human herpes virus
HBV hepatite B virus (s : surface, c : core, e : early)
HCV hepatite C virus
VIH virus de l’immunodéficience humaine
KSHV Kaposi sarcoma herpes virus
EBV Epstein Barr virus
CMV cytomégalovirus
1 Anatomie

F. Lassau

Appareil génital masculin (figure 1.1)


Testicules
Situés dans les bourses, organes pairs de dimensions 5 cm  3 cm  3 cm en
forme d’œuf à grand axe oblique en bas en arrière, les testicules sont des glan-
des exocrines pour la production des spermatozoïdes (température inférieure de
2 à 5 °C à celle du corps) et endocrines pour la sécrétion de la testostérone (cel-
lules de Leydig). 
Les testicules sont entourés d’une capsule fibreuse (albuginée) et en partie
recouverts par une séreuse (vaginale).
L’épididyme surmonte le testicule « en cimier de casque ».

Voies spermatiques extratesticulaires


L’épididyme comprend trois parties : la tête, qui adhère au pôle supérieur du
testicule, le corps et la queue qui termine l’épididyme au pôle inférieur pour
continuer avec le canal déférent homolatéral.
Le canal déférent, long de 40 cm, les vaisseaux et nerfs testiculaires sont situés
dans le canal spermatique depuis la paroi abdominale inguinale jusqu’au pôle
supérieur du testicule. De la profondeur à la superficie, on trouve :
n une séreuse : la vaginale ;
n un fascia spermatique interne ;
n un muscle : le crémaster dont la contraction remonte le testicule vers le haut
(réflexe crémastérien) ;
n une tunique externe ;
n le dartos, muscle peaucier sous-cutané qui ride la peau des bourses. Dans ce
cordon, le déférent, de consistance très ferme (corde de fouet), peut être palpé.

Glandes annexées aux voies urogénitales


Prostate
Elle entoure l’urètre proximal sous la vessie et secrète le liquide séminal.
Son poids moyen est de 25 g, et elle est en forme de châtaigne. Sa face pos-
térieure, palpable lors du toucher rectal, est divisée en deux lobes par un sillon
médian vertical.
La base est divisée en deux plans par un sillon séminal transverse :
n un plan rétrospermatique postérieur où se situent les conduits éjaculateurs
issus de la réunion des vésicules séminales et des ampoules déférentielles ;
n un plan préspermatique antérieur où l’urètre s’engage sous la vessie.
 Les maladies sexuellement transmissibles

20

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1
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12
2 11

4
5 Verge
6 Corps caverneux
Urètre

7 8 Corps spongieux

9 Gland

Prépuce
10 Mèat

Figure 1.1
Coupe sagittale des organes génitaux masculins.
1. bourrelet interurétéral ; 2. ostium de l’uretère ; 3. vésicule séminale ;
4. cul-de-sac séminorectal ; 5. trigone ; 6. fascia rectogénital (Denonvilliers) ;
7. ostium interne de l’urètre ; 8. conduit éjaculateur ; 9. prostate ; 10. centre
tendineux du périnée ; 11. plexus veineux rétropubien (Santorini) ;
12. ligament pubovésical ; 13. espace rétropubien (Retzius) ; 14. tendon du
droit de l’abdomen ; 15. espace sus-pubien ; 16. fascia transversalis ; 17. fascia
ombilico prévésical ; 18. ligament ombilical médian (ouraque) ; 19. péritoine ;
20. profil de la vessie en réplétion.

Dans le colliculus seminalis de l’urètre prostatique, les deux canaux éjacula-


teurs s’abouchent de chaque côté de l’utricule.
Au sommet ou apex de la prostate, le sphincter strié entoure l’urètre membra-
neux et remonte sur la face antérieure de la prostate.

Glandes bulbo-urétrales (Cowper)


Elles sont au nombre de deux et se situent de chaque côté du bulbe spongieux.
Leur conduit excréteur (3 cm de long) fait suite à une glande (1 cm de dia-
mètre) et s’abouche dans l’urètre spongieux.
Elles lubrifient les voies génitales durant la stimulation érotique et le coït.
1. Anatomie 

Verge ou pénis
Elle est constituée d’organes érectiles entourés de quatre enveloppes, qui sont
de dehors en dedans :
n la peau ;
n le dartos pénien ;
n le fascia de Colles ;
n le fascia pénis de Buck.
La verge est formée de deux parties : l’une postérieure cachée, fixée sur les
branches ischiopubiennes ou racine, l’autre antérieure visible et mobile ou corps
de la verge (figures 1.2 et 1.3).
Les corps érectiles sont les corps caverneux et spongieux.
Les corps caverneux ont la forme de deux cylindres en canon de fusil
s’étendant du périnée à la base du gland. Deux gouttières séparent leurs faces
supérieures et inférieures : l’une sus-caverneuse où chemine la veine dorsale de
la verge, et l’autre sous-caverneuse occupée par le corps spongieux et l’urètre.
Les corps caverneux sont entourés de l’albuginée, enveloppe élastique solide
dont la face externe à la base de la verge donne insertion aux muscles érectiles
(ischio- et bulbocaverneux) et la face interne envoie des travées conjonctives (les
trabécules) qui compartimentent le tissu caverneux en logettes contenant
les aréoles ; celles-ci sont virtuelles à l’état flaccide, sphériques lors de l’érection.
Le corps spongieux en forme de cylindre allongé à extrémité postérieure ren-
flée (bulbe) est recouvert par le muscle bulbocaverneux et a une extrémité anté-
rieure large (gland).
L’urètre antérieur le parcourt en son centre et sur toute son étendue, auquel
sont annexées les glandes de Littre.

Gland
C’est l’extrémité antérieure de la verge, renflement conoïde limité par :
n une base taillée en biseau, faisant saillie sur le corps de la verge ;
n le sillon balanopréputial.
Les deux sillons sont accolés en bas près de la ligne médiane séparés par un
repli attaché au gland sous le méat (frein).
Le sillon balanopréputial contient un certain nombre de glandes sébacées
ectopiques sécrétant le smegma (composé également de cellules épithéliales).
Certaines de ces glandes, situées de part et d’autre du frein, portent le nom de
glandes de Tyson.

Prépuce
La peau du pénis se replie à l’extrémité antérieure de la verge (sous forme de
muqueuse) et se dirige vers le sillon balanopréputial où elle se réfléchit sur le
gland qu’elle tapisse complètement. Le prépuce présente une face externe cuta-
née, une face interne muqueuse, une circonférence postérieure (sillon balano-
préputial) et une circonférence antérieure libre.
L’impossibilité de décaloter s’appelle phimosis (figure 1.4) et l’étranglement
du gland par le prépuce, paraphimosis (figure 1.5). L’ablation du prépuce s’ap-
pelle circoncision ou posthectomie.
 Les maladies sexuellement transmissibles

Pénis

Prépuce retracte

Couronne du gland

Sillon balanopréputial
Gland
Frun
Méat urétral

Figure 1.2
Verge normale : vue latérale.

Pubis

Fourneau

Scrotum

Prépuce
Gland

Figure 1.3
Verge normale : sujet non circoncis.

Frein
Le frein est un repli muqueux situé à la face inférieure du gland reliant la face
interne du prépuce au sillon longitudinal du gland.

Vascularisation
Les artères pudendales (ex-honteuses) externes supérieure et inférieure (artère
fémorale) assurent la vascularisation des enveloppes. Les organes érectiles sont
vascularisés par un système profond situé sous le fascia pénis venant des artères
pudendales internes (artère iliaque interne). La branche la plus importante est
1. Anatomie 

Figure 1.4
Phimosis aigu.

Figure 1.5
Paraphimosis avec
balanoposthite.

l’artère caverneuse qui parcourt le corps caverneux pour s’anastomoser à son


extrémité antérieure avec l’artère dorsale de la verge. Elles donnent les artères
hélicines qui communiquent directement avec les aréoles caverneuses et qui
sont responsables de l’érection.
Le drainage veineux, pour les enveloppes, est fait d’un système superficiel
convergeant vers la face dorsale de la verge et formant la veine dorsale qui s’in-
fléchit à la base de la verge, pour se jeter dans la grande saphène. Les veines des
organes érectiles sont issues des veines émissaires formées par la réunion des
veinules venant des aréoles caverneuses. Le drainage se fait par la veine dorsale
profonde de la verge. Les veines du gland forment le plexus rétrobalanique qui
se draine dans les veines dorsales superficielle et profonde de la verge. Celle-ci
chemine dans le sillon médian des corps caverneux entre les deux artères dorsa-
les et se draine dans les veines pudendales internes et le plexus de Santorini.
La prostate est vascularisée par les artères pudendale interne, vésicale infé-
rieure et la rectale moyenne.
Les testicules et les bourses dépendent de l’artère testiculaire (aorte), de l’ar-
tère crémastérique (mésentérique inférieure) et de l’artère du conduit déférent
(iliaque interne). Les veines testiculaires se drainent dans le plexus pampiniforme
 Les maladies sexuellement transmissibles

(puis la veine cave inférieure à droite et la veine rénale gauche) qui peut se dila-
ter plus à gauche qu’à droite (varicocèle).

Innervation
Il existe trois innervations : somatique, sympathique et parasympathique.
Le nerf pudendal interne assure l’innervation somatique (branches antérieures
de S3–S4–S5) par deux branches : l’une profonde innerve les muscles ischio- et
bulbocaverneux, l’autre superficielle assure l’innervation sensitive du gland et
des enveloppes.
La peau du pénis et du scrotum est innervée par les nerfs ilio-inguinal et géni-
tofémoral (plexus lombal).
La fonction érectile est sous la dépendance des fibres sympathiques issues du
centre sympathique thoracolombaire (T11 à L1), des fibres parasympathiques
issues du centre parasympathique médullaire sacré (S2–S3–S4–S5) (nerfs érec-
teurs d’Eckerdt) et, enfin, des nerfs caverneux mixtes sympathiques et parasym-
pathiques. Ces derniers, situés 1 à 3 mm en dehors et en arrière de la capsule
prostatique puis proches de l’urètre membraneux sont vulnérables lors de la
chirurgie prostatique et lors des traumatismes de l’urètre membraneux.

Lymphatiques
Ceux des enveloppes accompagnent la veine dorsale superficielle et se jettent
dans les lymphonœuds inguinaux superficiels.
Ceux des corps érectiles forment un réseau autour du gland puis accompa-
gnent la veine dorsale profonde jusqu’à la symphyse pubienne d’où ils se collec-
tent dans les lymphonœuds inguinaux profonds et superficiels (homo- ou
hétérolatéraux) et dans les lymphonœuds rétrocruraux.
La prostate se draine dans les lymphonœuds iliaques internes et sacraux, les
testicules dans les lymphonœuds lombaires, seules les enveloppes vont aux lym-
phonœuds inguinaux.

Appareil génital féminin (figure 1.6)


Il comprend les organes génitaux internes situés dans le pelvis et les organes
génitaux externes situés au périnée (vulve). 
Les organes génitaux internes sont formés de :
n deux organes pairs et bilatéraux : les ovaires et les trompes ;
n deux organes médians : l’utérus et le vagin.

Ovaires
Ce sont les gonades féminines à double fonction : exocrine pour la production
d’ovules et endocrine pour la sécrétion d’œstrogènes et de progestérone ;
300 000 follicules sont portés par les ovaires dont seulement quatre cents envi-
ron arrivent à l’ovulation.
Ils ont une forme d’amande de 3 cm de haut, 2 cm de large et 1 cm d’épaisseur.

Trompes (oviductes)
Ce sont des canaux musculomembraneux situés de chaque côté de l’utérus. Ils
conduisent l’ovule vers l’utérus.
1. Anatomie 

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15
1 14
13
2
12
3

4 11
10
5
9
6

Figure 1.6
Coupe sagittale des organes génitaux féminins.
1. cul-de-sac vésico-utérin ; 2. cul-de-sac recto-utérin (Douglas) ; 3. bourrelet
interurétéral ; 4. ostium urétéral ; 5. trigone ; 6. cloison vésico-vaginale ;
7. vagin ; 8. urètre ; 9. plexus
�����������������������������������������������������������
veineux rétropubien (Santorini) ; 10. ligament
sous-pubovésical ; 11. espace rétropubien (Retzius) ; 12. tendon du droit
de l’abdomen ; 13. fascia transversalis ; 14. espace rétropubien ; 15. fascia
ombilico prévésical ; 16. ligament ombilical médian (ouraque) ; 17. péritoine;
18. utérus�����.

D’environ 15 cm de long, leur diamètre varie de 2 à 8 mm.


Elles comprennent plusieurs parties : le pavillon (infundibulum) en contact
avec le pôle supérieur de l’ovaire, l’ampoule, l’isthme et la portion interstitielle
qui s’abouche dans la corne utérine (ostium tubaire).

Utérus
Cet organe musculeux creux est situé entre la vessie en avant et le rectum en
arrière. Son examen est possible par le toucher vaginal.
En forme de tête de taureau (8 cm  4 cm  2 cm), il n’est pas palpable au-
dessus de la symphyse pubienne en dehors de la grossesse.
 Les maladies sexuellement transmissibles

Aplati dans le sens antéropostérieur, il comprend trois parties : le corps,


l’isthme et le col.
Le corps repose sur la vessie. Son extrémité supérieure, ou fond utérin (fundus),
est épaisse et arrondie. Les angles latéraux forment les cornes utérines reliées au
canal inguinal par les ligaments ronds et dans lesquelles s’abouchent les trompes
utérines. La cavité utérine (4 cm3) peut être explorée par hystérographie.
L’isthme sépare le corps du col.
Le col est cylindrique et un peu renflé. Il entoure le canal cervical et donne
insertion au vagin dans sa partie moyenne.
Le col a donc une partie supravaginale, une zone d’insertion vaginale et une
partie intravaginale.
La partie vaginale accessible à l’examen clinique (museau de tanche) est per-
cée d’un orifice (l’ostium utérin) et circonscrit par un cul-de-sac vaginal (fornix)
plus étendu en arrière et qui correspond au cul-de-sac recto-utérin de Douglas.
On appelle endocol la muqueuse cervicale tapissant le canal cervical en conti-
nuité avec l’endomètre et exocol la partie intravaginale du col qui se continue
avec la muqueuse vaginale.
La paroi de l’utérus est composée de trois couches de dedans en dehors :
n la muqueuse ou endomètre qui subit les variations du cycle menstruel ;
n la musculeuse ou myomètre ;
n la séreuse, formée du périmètre et du péritoine dans sa partie supérieure.

Orientation du col
L’utérus est normalement antéversé et antéfléchi (antéflexion  angle axe du
corps et axe du col et antéversion  angle corps utérin et plan frontal passant
par l’isthme).
L’utérus possède une mobilité certaine mais limitée par les moyens de fixité ou
ligaments :
l les ligaments larges suspendent les bords latéraux du corps utérin à la paroi

latérale du pelvis ;
l les ligaments ronds unissent les angles latéraux du corps utérin au canal ingui-

nal et se continuent dans les grandes lèvres ;


l les ligaments utéro-ovariens suspendent les angles latéraux du corps utérin au

pôle inférieur de l’ovaire ;


l les ligaments utérosacrés suspendent le col de l’utérus au sacrum.

Vagin
Le vagin est un conduit musculomembraneux, épais et résistant d’environ 8 cm,
revêtu d’un épithélium malpighien ; il présente des reliefs verticaux ou colonnes
et des reliefs transversaux ou rides.
La paroi antérieure est marquée par le triangle vaginal (Pawlick), qui répond
au triangle vésical, et le relief de l’urètre qui forme la carina vaginale.
Ces zones entrent en turgescence lors des rapports sexuels (point G).
La paroi postérieure sépare le vagin du rectum.
L’extrémité supérieure (fornix) entoure le col utérin (cul-de-sac).
1. Anatomie 

Son extrémité inférieure (ostium) est limitée chez la vierge par une membrane
l’hymen (orifice vulvovaginal) qui fait place après défloration aux caroncules
myrtiformes.
Au-dessus de l’ostium vaginal se situent le méat urétral et son tubercule et de
chaque côté s’ouvrent les glandes para-urétrales de Skene.

Périnée superficiel de la femme


Son exploration se fait en position gynécologique.
Le périnée est un losange dont les limites sont :
n en avant, la symphyse pubienne ;
n en arrière, le coccyx, sur les côtés en avant les branches ischiopubiennes et en
arrière les ligaments sacro-épineux et sacrotubéreux. On distingue un périnée
urogénital et un périnée anal.
Le périnée urogénital (ou vulve) est de forme ovoïde, allongé dans le sens antéro­
postérieur. C’est la vulve surmontée par le mont du pubis ou de Vénus (ex-pénil).
Deux replis cutanéomuqueux ferment la vulve, ce sont les grandes lèvres réunies
en avant par la commissure antérieure et en arrière par la commissure postérieure.
Formations cutanéomuqueuses limitées en dehors par le sillon génitocrural, leur
face externe est recouverte de poils de glandes sudoripares et sébacées, leur face
interne est glabre, revêtue d’un épithélium cutané riche en glandes sébacées. Le
sillon nympholabial les sépare des petites lèvres (nymphes) (figures 1.7 et 1.8).
Les petites lèvres ou nymphes (par analogie aux nymphes des fontaines diri-
geant le jaillissement de l’eau) sont deux replis cutanés minces dépourvus de
poils, riches en glandes sébacées ectopiques. Le sillon nympho-hyménéal les
sépare du vestibule urogénital. C’est ici, dans la partie basse (union un tiers
moyen–un tiers postérieur) du sillon que s’ouvre le canal de la glande de
Bartholin (1 cm de long et 2 mm de large).
En remontant, les petites lèvres se divisent pour entourer le clitoris formant le
capuchon ou prépuce clitoridien et au-dessous de lui le frein du clitoris.
En descendant, les nymphes se perdent sur la face interne des grandes lèvres,
elles peuvent se réunir, c’est la fourchette. Les nymphes sont deux surfaces de

Mont du pubis (pénil)

Clitoris

Grandes lèvres
Sillon génito-crural

Figure 1.7
Vulve normale.
10 Les maladies sexuellement transmissibles

Clitoris
Petite lèvre
Grande lèvre
Vestibule

Fourchette

Figure 1.8
Vulve normale.

glissement : l’une sur la grande lèvre (enduit sébacé), l’autre sur le canal vulvaire
(glande de Bartholin).

Vascularisation
Les organes génitaux externes sont vascularisés par l’artère pudendale interne.
La peau du périnée est irriguée par les artères pudendales externes. Le vagin
dépend de l’artère utérine et de l’artère vaginale (iliaque interne), l’utérus de
l’artère utérine (artère iliaque interne), les trompes de l’artère ovarienne et le
rameau ovarien est issu de l’artère utérine.
Le drainage veineux de la vulve se fait vers les veines pudendales (puis les vei-
nes fémorales et iliaques internes), celui du vagin vers les veines utérines et
pudendales et celui de l’utérus se fait par les veines utérines puis les veines ilia-
ques internes.

Innervation
La sensibilité du tiers antérieur du périnée antérieur est assurée par les branches
génitales des nerfs ilio-inguinal et génitofémoral (plexus lombal).
Celle des deux tiers postérieurs du périnée antérieur et du périnée postérieur
est assurée par le nerf pudendal.

Lymphatiques
Les lymphatiques drainant le tiers antérieur de la vulve se dirigent vers le mont
de Vénus, se recourbent et se rendent aux lymphonœuds inguinaux superficiels.
Ceux des deux tiers postérieurs vont directement dans les lymphonœuds
inguinaux superficiels, certains croisant la ligne médiane.
1. Anatomie 11

Ceux du gland du clitoris se collectent en formant un réseau présymphysien


qui se draine soit dans les lymphonœuds rétrocruraux externes, soit dans les
lymphonœuds inguinaux profonds.
Les lymphatiques de l’utérus vont dans trois directions : lymphonœuds para-
aortiques, inguinaux superficiels (ligament rond) et ceux situés à la bifurcation
de l’artère iliaque commune. Ceux des trompes se dirigent vers les lym-
phonœuds lombaires et iliaques internes. Le vagin se draine dans les lym-
phonœuds iliaques externes, iliaques internes et du promontoire.

Bibliographie
Kamina P. Anatomie gynécologique et obstétricale, Maloine, Paris, 1974.
Rouvière H. Anatomie humaine, descriptive, topographique et fonctionnelle Tome 2, Tronc.
Masson, Paris,�����������������������������������
�����������������������������������������
2002, 784p.
Vitte V. Chevalier J.-M. Nouvelle anatomie humaine Atlas, Méd pratique. Sauramps Médical,
Paris, 2006.
2 Flore génitale de la femme

R. Viraben, J.-P. Lepargneur

Classiquement, on oppose une flore vulvaire peu différente de celle de tout épi-
derme kératinisé et une flore vaginale colonisant une muqueuse. Cette sépa-
ration reste didactique car une partie de l’épithélium vulvaire est muqueux sur
les petites lèvres et il existe une contamination réciproque de voisinage entre ces
deux structures en continuité.

Flore vaginale
Lactobacilles
La caractéristique essentielle de la flore des organes génitaux externes de la
femme est le développement de lactobacilles vaginaux, bacilles Gram positif
reconnus par Döderlein dès 1892. La présence des lactobacilles semble très
dépendante de l’imprégnation œstrogénique : ils apparaissent à la puberté et
diminuent après la ménopause. Les œstrogènes induisent une augmentation de
la charge en glycogène des cellules épithéliales vaginales. Le glycogène est cata-
bolisé en glucose par ces mêmes cellules. Les lactobacilles utilisent ce glucose
par fermentation, aboutissant à la formation d’acide lactique, et contribuent
ainsi au maintien du pH vaginal au-dessous de 4,5. Le rôle des œstrogènes sur
les lactobacilles est sans doute plus complexe : l’administration d’œstrogènes
pour stérilité induit des modifications quantitatives mais aussi qualitatives des
lactobacilles. les gestations augmentent globalement, le nombre des lactoba-
cilles et les menstruations le diminuent. L’identification exacte des espèces de
lactobacilles dépend des méthodes d’analyse utilisées : les études conventionnel-
les de culture et de caractérisation fondées sur la fermentation des sucres ont
montré une prédominance des espèces L. acidophilus et L. fermentum ; les études
génotypiques plus récentes retrouvent essentiellement trois espèces L. crispatus,
L. gasseri et L. jensenii plus accessoirement L. iners et L. vaginalis. Les classifica-
tions basées sur les homologies de l’ADN apparaissent plus fiables que les études
reposant sur les propriétés biochimiques qui révèlent des variations importantes
à l’intérieur d’une même espèce.
Les lactobacilles sont également présents dans la partie distale du tube digestif
qui est généralement considéré comme la source ou le réservoir de ces bactéries.
L. crispatus et jensenii sont notamment présents dans ces deux localisations.
Toutefois, dans l’intestin, les lactobacilles restent minoritaires de l’ordre de 1 %
de la flore ; dans le vagin, ils représentent plus de 70 % et parfois la totalité de
celle-ci.
2. Flore génitale de la femme 13

Rôle protecteur des lactobacilles


Les lactobacilles protègent la muqueuse vaginale du développement de micro-
organismes potentiellement pathogènes. L’interaction entre des structures spé-
cifiques de la paroi des lactobacilles (adhésines) et des récepteurs de
l’épithélium vaginal (fibronectines) aboutit à la formation d’un biofilm. Ce der-
nier est responsable de l’agrégation de micro-organismes comme Escherichia
coli, Candida albicans et Gardnerella (G.) vaginalis. Les lactobacilles génèrent par
ailleurs des composés antimicrobiens : acides organiques, peroxyde d’hydro-
gène et bactéricine. Les acides organiques en général, et principalement l’acide
lactique, proviennent de la fermentation par les lactobacilles du glucose fourni
par les cellules vaginales. Contrairement aux cellules humaines qui sont suscep-
tibles de produire le seul isomère L de l’acide lactique, les lactobacilles peuvent
produire l’isomère D. Ces deux formes chirales sont représentées dans le vagin :
l’acide lactique vaginal est donc bien d’origine bactérienne. Le maintien du pH
vaginal autour de 4 inhibe en grande partie le développement de bactéries
issues de l’environnement ou d’origine intestinale, à l’exception de Candida
albicans.
La production de peroxyde d’hydrogène est caractéristique de certaines
espèces de lactobacilles comme L. crispatus et L. jensenii. Chez ces espèces
dépourvues de cytochrome, le métabolisme oxydatif met en jeu des oxydases à
flavoprotéine réduisant l’O2 en H2O2. L’effet bactéricide s’exerce directement ou
par l’intermédiaire de radicaux OH et O2 qui altèrent les acides nucléiques, en
particulier dans les micro-organismes dépourvus de système de protection cata-
lase-peroxydase. L’effet bactéricide est potentialisé par les ions halogénures pré-
sents dans les sécrétions biologiques (en particulier le chlorure de sodium dont
la concentration est élevée dans le mucus utérin au cours de l’ovulation).
Les bactériocines sont des polypeptides antimicrobiens synthétisés dans les
ribosomes à spectre d’action étroit qui altèrent la paroi cellulaire en provoquant
une lyse bactérienne. Deux peptides au moins issus de lactobacilles vaginaux
ont été isolés avec certitude. L’un est actif sur G. vaginalis, l’autre sur diverses
souches d’entérocoques.
Les lactobacilles sont susceptibles d’effets antimicrobiens par d’autres méca-
nismes, en particulier, en produisant des substances tensio-actives. Ce biosurfac-
tant peut inhiber l’adhésion de souches bactériennes et solubiliser les lipides des
capsides virales. Ces propriétés ne sont pas démontrées in vivo, sauf peut-être
pour l’adhésion vaginale de Neisseria gonorrhoeae.

Autres bactéries de la flore vaginale (tableau 2.1)


Le lactobacille représente une proportion très variable de la flore génitale nor-
male. Des bactéries diverses, certaines non cultivables, sont par ailleurs mises en
évidence dans le vagin. Le profil bactériologique de la flore vaginale normale est
donc difficile à établir : 
n l’absence de lactobacille s’observe chez des femmes « normales » ;
n à l’inverse, la simple présence de bactéries comme Gardnerella ou Mycoplasma
ne semble pas caractéristique d’un état pathologique ;
n certaines bactéries comme Atopobium sont également des producteurs d’acide
lactique ;
14 Les maladies sexuellement transmissibles

Tableau 2.1
Bactéries* cultivables détectées dans le vagin de la femme saine d’après
Jakobsson

Espèces bactériennes dont le portage est habituel (108/g de sécrétion)


Lactobacillus spp. : L. crispatus, L. jensenii, L. gasseri prédominants**
Corynébactéries
Bifidobacterium spp.
Streptococcus viridans alpha hémolytique non groupable
Espèces bactériennes dont le portage est fréquent (104/g de sécrétion)
Staphylococcus coagulase  et 
Streptococcus B et D
Entérobactéries : E. coli, Proteus
Gardnerella vaginalis
Anaérobies : Bacteroides–Prevotella sp., Clostridium sp.
Mycoplasmes : Mycoplasma hominis, Ureaplasma urealyticum
Espèces bactériennes dont le portage est peu fréquent ( 104/g de sécrétion)
Streptococcus A, Pneumococcus, Haemophilus influenzae
*Des levures sont aussi fréquemment retrouvées (Candida albicans et non albicans).
**La présence de Lactobacillus iners non producteur d’H2O2 marquerait un déséquilibre de flore.

n les bifidobactéries, peu étudiées, participent vraisemblablement au côté des


lactobacilles au bon équilibre de la flore vaginale ;
n enfin, des bactéries anaérobies strictes de type Bacteroides–Prevotella et de
type Clostridium–Eubacterium de découverte sporadique sont d’origine intesti-
nale et correspondent à une flore transitoire.

Flore vulvaire
La flore vulvaire s’apparente à la flore cutanée standard, mais les particularités
anatomiques de la vulve lui confèrent une certaine spécificité microbiologique.
C’est une zone de plis favorisant le contact de versants cutanés entre eux à effet
occlusif. De nombreux orifices anal, urétral, vaginal sont à proximité immédiate.
En revanche, les habitudes vestimentaires, le type de sous-vêtement utilisé et les
garnitures influent finalement peu sur la flore vulvaire. Dans l’ensemble, il existe
une charge microbienne sur la vulve 100 fois plus importante que sur le reste du
tégument. Dans cette flore prédominent Staphylococcus epidermidis, Micrococcus,
Diphteroides lipophilique et non lipophilique. La présence de lactobacilles et par-
fois de Gardnerella apparaît comme une contamination vaginale. Cette flore est
relativement stable au cours du cycle menstruel. Staphylococcus aureus est trouvé
en abondance et la vulve apparaît comme le principal réservoir de ce germe. Il
existe de plus des variations significatives selon les individus, les zones étudiées
et les techniques d’analyse. La flore des petites lèvres est moins variée que celle
des grandes lèvres et très comparable à la flore vaginale pour un sujet donné.
La flore génitale est un ensemble complexe, reflet de l’unicité de l’individu.
Cette spécificité rend particulièrement difficile la définition d’une norme caracté-
risant un sujet qualifié de sain.
2. Flore génitale de la femme 15

Bibliographie
Hyman RW et al. Microbes on the human vaginal epithelium. Proc Natl Acad Sci USA 2005 ;
102 : 7952-57.
Jakobsson T, Forsum U. Changes in the predominant human Lactobacillus flora during in vitro
fertilisation. Ann Clin Microbiol Antimicrob 2008 ; 7 : 14.
Lepargneur JP. La flore vaginale. In: Frenay J, Renaud F, Riegel P, Leclercq R. Précis de
Bactériologie clinique. Paris: éditions Eska, 2007.
3 Flore génitale masculine

I. Casin, M. Janier

La flore génitale masculine est d’une complexité bien moindre que la flore génitale
féminine. L’urètre régulièrement lavé par les mictions est très peu colonisé par les
bactéries, surtout à distance du méat. Il faut noter cependant que certaines espèces
bactériennes peuvent entraîner des urétrites ; en particulier les mycoplasmes qui
sont saprophytes de l’urètre chez de nombreux hommes asymptomatiques.
En revanche, la flore des organes génitaux externes est riche et ceci d’autant
plus que l’on se rapproche de la région périnéale et anale.

Flore urétrale
L’urètre est l’aboutissement de l’appareil urogénital masculin et le lieu de passage
des urines et de toutes les sécrétions glandulaires des organes génitaux mascu-
lins. En communication directe avec l’environnement extérieur, la muqueuse uré-
trale offre des conditions favorables à une colonisation bactérienne.
Selon la nature de l’épithélium de revêtement, on distingue plusieurs zones :
n l’urètre pénien antérieur constitué d’un épithélium glandulaire ;
n la portion terminale muqueuse ou fosse naviculaire ;
n l’orifice externe et le gland, constitués d’un épithélium malpighien non kératinisé.
Le passage de l’urètre profond à l’orifice externe s’accompagne de modifica-
tions quantitatives et qualitatives de la flore bactérienne qui devient plus abon-
dante et est constituée d’un plus grand nombre d’espèces de bactéries.
Une grande variété de micro-organismes peut être trouvée dans l’urètre anté-
rieur des individus sains (tableau 3.1). Les espèces suivantes ne sont habituelle-
ment pas impliquées dans des manifestations pathologiques : staphylocoques
coagulase négative, Streptococcus spp., corynébactéries, entérobactéries,
Pseudomonas spp., Acinetobacter spp., Neisseria non pathogène, Mycoplasma
hominis. Parmi les anaérobies on trouve : Actinomycetes spp., Lactobacillus spp.,
Peptostreptococcus spp., Propionibacterium spp., Bifidobacterium spp.

Micro-organismes occasionnellement pathogènes


Ils sont, en général, quantitativement minoritaires dans la flore urétrale. Leur
présence en grand nombre est souvent corrélée avec des symptômes cliniques
variés, allant de la simple gêne urétrale, avec quelques brûlures mictionnelles, à
l’urétrite vraie ou la méatite.
Les espèces impliquées sont : Staphylococcus aureus, entérocoques,
Streptococcus agalactiae, Haemophilus spp., Gardnerella vaginalis, Ureaplasma
urealyticum ; concernant les anaérobies : Bacteroides spp., Prevotella spp.,
Mobiluncus. Parmi les levures, Candida albicans est fréquemment retrouvé.
3. Flore génitale masculine 17

Tableau 3.1
Micro-organismes retrouvés dans l’urètre masculin
Organisme Fréquence d’isolement* Implication pathologique**
Acinetobacter spp. B 
Actinomyces spp. B 
Bacillus spp. C 
Bacteroides spp. A 
Bifidobacterium spp. C 
Candida spp. B 
Chlamydia trachomatis B 
Clostridium spp. A 
Corynebacterium spp. B 
Enterobacteriaceae A 
Enterococcus B 
Flavobacterium C 
Fusobacterium B 
Gardnerella vaginalis C 
Haemophilus spp. B 
Lactobacillus spp. C 
Mobiluncus spp. C 
Moraxella spp. B 
Mycoplasma hominis B 
Mycoplasma genitalium B 
Neisseria gonorrhoeae B 
Neisseria spp. B 
Peptostreptococcus spp. B 
Prevotella spp. A 
Propionibacterium spp. B 
Pseudomonas spp. B 
Staphylococcus spp. A 
Streptococcus spp. B 
Trichomonas vaginalis B 
Ureaplasma urealyticum B 
*A : habituellement retrouvé ; B : occasionnellement retrouvé ; C : rarement retrouvé.
**   : si présent, rarement impliqué dans une infection ;    : si présent, occasionnellement impliqué ;
 : si présent, habituellement impliqué.
18 Les maladies sexuellement transmissibles

Micro-organismes constamment pathogènes


Neisseria gonorrhoeae et Chlamydia trachomatis ne font pas partie de la flore rési-
dente de l’urètre masculin. Ce sont les principaux agents des urétrites masculi-
nes, mais environ 50 % des patients ayant une urétrite ne sont pas infectés par
ces deux pathogènes. Parmi les autres micro-organismes responsables, on trouve
Mycoplasma genitalium et Trichomonas vaginalis.

Flore du gland
Composition
Elle comporte un grand nombre de bactéries saprophytes :
n corynébactéries ;
n staphylocoques blancs ;
n Staphylococcus aureus ;
n anaérobies (Bacteroides…) ;
n bacilles Gram négatif ;
n spirochètes saprophytes ;
n Mycobacterium smegmatis ;
n mycoplasmes ;
n Candida non albicans ;
n Candida albicans.
La flore balanique est variable en fonction de la circoncision et de la sexualité
des individus. Ainsi, dans une étude israélienne, Serour et al. ont montré que les
hommes circoncis étaient moins souvent colonisés par des bactéries Gram
négatif et par des anaérobies que les hommes non circoncis. En revanche, le
portage de bactéries Gram positif, en particulier le staphylocoque blanc, est plus
fréquent chez les hommes circoncis.
Dans une étude anglaise, David et al. ont montré que la colonisation par
Candida albicans était plus fréquente chez les hétérosexuels (20 % contre 13 %),
bien que cette différence ne soit pas significative. Dans cette même étude, les
hétérosexuels avaient plus souvent une balanite, en particulier candidosique.
Enfin, la colonisation candidosique n’était pas liée à la circoncision, ni à l’utilisa-
tion des préservatifs.
Dans notre expérience (Abdennader et al.), le portage de Candida albicans
était de 33 % chez les patients ayant une balanite contre 4 % chez les témoins,
montrant ainsi que la présence de Candida albicans n’est pas très fréquente sur
le gland normal mais possible. Par ailleurs, on a retrouvé plus souvent sur le prélè-
vement des balanites, que chez les témoins, des streptocoques bêta-hémoly-
tiques du groupe B, des staphylocoques dorés, des Haemophilus para-influenzae
et des bactéries anaérobies. En revanche, on n’a pas retrouvé en plus grande
quantité de streptocoques du groupe G, de Streptococcus milleri, de streptoco-
ques D, ni de bactéries Gram négatif.
Affirmer donc la responsabilité de ces diverses bactéries dans la physiopatholo-
gie d’une balanite est extrêmement difficile, sauf si les colonies sont très abondan-
tes et la culture pure. Il peut d’ailleurs, dans tous les cas, s’agir d’une colonisation
secondaire bactérienne ou mycosique d’une dermatose du gland. Une exception
3. Flore génitale masculine 19

notable est le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A, toujours pathologique


sur le gland, pouvant être responsable de balanites sévères, d’érysipèle, voire de
cellulite des organes génitaux (gangrène de Fournier, de type synergistique avec
anaérobies et, éventuellement, bactéries Gram négatif).

Spirochètes et Neisseria saprophytes


En pratique, la présence de quelques spirochètes saprophytes sur les organes
génitaux ne gêne pas l’interprétation d’un examen au microscope à fond noir,
contrairement aux difficultés que pose la présence d’un grand nombre de spiro-
chètes saprophytes dans la bouche. Quant à la présence de Neisseria saprophy-
tes sur un frottis d’écoulement urétral, elle se traduit par la présence de cocci
Gram négatif, éventuellement en diplocoques mais toujours extracellulaires et
jamais intracellulaires dans les polynucléaires, qui signent la présence de
Neisseria gonorrhoeae.

Flore pharyngée
Elle ajoute encore à la complexité des échanges de micro-organismes lors des
relations sexuelles. Ainsi, le portage de méningocoque est très fréquent, particu-
lièrement chez les hommes homosexuels, près de 25 % dans l’étude de Russell
et al. dans un centre de MST de Londres (contre 11 % chez les hommes hétéro-
sexuels et 6 % chez les femmes). Il s’agit, le plus souvent, de méningocoques
non groupables (50 %), plus rarement B (25 %) et C (10 %), potentiellement
responsables d’urétrites masculines (surtout le méningocoque B). Le pharynx
héberge également des Neisseria saprophytes : en particulier, Neisseria sicca plu-
tôt chez les homosexuels et N. lactamica plutôt chez les hétérosexuels, mais éga-
lement Neisseria flava, subflava, catarrhalis, etc. Le portage pharyngé de
gonocoques, bactéries toujours pathogènes, est également fréquent, de l’ordre
de 15 % chez les homosexuels ayant une urétrite gonococcique et ce portage est
presque toujours totalement asymptomatique. Le pharynx se comporte, en fait,
comme un réservoir pour la transmission du gonocoque (on estime que 50 %
des urétrites gonococciques chez les homosexuels sont contractées par fellation).
Les prélèvements pharyngés sont difficiles et l’interprétation des résultats n’est
pas aisée, en particulier l’examen direct parmi une flore très riche comportant de
plus des Neisseria saprophytes et des méningocoques. La culture est indispensa-
ble pour distinguer ces différentes Neisseria. Chez les hétérosexuels, 10 % des
urétrites gonococciques seraient dues au seul sexe oral et 6 % des hétérosexuels
ayant une urétrite gonococcique ont un portage pharyngé acquis après cunnilin-
gus. Or, le dépistage des gonococcies pharyngées est particulièrement important
du fait de la mauvaise diffusion de nombreux antibiotiques dans le pharynx.
Le pharynx est également riche en spirochètes saprophytes, en particulier en
cas de mauvais état buccodentaire. La présence de ces spirochètes saprophytes
rend très difficile l’interprétation d’un examen au microscope à fond noir. Le
pharynx héberge également des Haemophilus influenzae et para-influenzae par-
fois responsables après fellation d’urétrites mais, également, des anaérobies
(Fusobacterium), des streptocoques bêta-hémolytiques retrouvés dans 5 à 10 %
des cas dans l’étude de Russell (essentiellement du groupe C, plus rarement du
groupe G, anecdotiquement du groupe A en cas d’angine). Enfin, le pharynx,
bien entendu, héberge des levures en quantités importantes dans environ un
20 Les maladies sexuellement transmissibles

quart des pharynx normaux aussi bien dans l’étude de David que dans celle de
Russell (sans corrélation avec la sexualité mais plus souvent en cas de prise
récente d’antibiotiques).
Signalons enfin la possibilité d’un portage pathologique de Chlamydia tracho-
matis (asymptomatique) et, bien entendu, la possibilité de transmettre par le
sexe oral un herpès buccal de type I à partir de lésions cliniques ou d’une
excrétion asymptomatique.

Bibliographie
Abdennader S et al. Balanites et agents infectieux – étude prospective de 100 cas. Ann
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4 Outils diagnostiques des
infections sexuellement
transmissibles

A. Bianchi

Le diagnostic d’une infection sexuellement transmissible repose chaque fois que


possible sur la caractérisation des agents pathogènes au site de l’infection (uro-
génital, anorectal ou sur une lésion cutanée). Certains agents, difficiles à détecter
par les méthodes classiques microbiologiques, sont recherchés par les tests de
biologie moléculaire.
La recherche d’anticorps spécifiques élaborés contre ces différents agents peut
représenter une méthode diagnostique simple, à partir d’un prélèvement san-
guin. Certaines sérologies (VIH, hépatite B) sont fiables, automatisées. D’autres
sérologies sont mal standardisées, utilisent des méthodes anciennes (tréponé-
matoses) ou restent expérimentales.

Prélèvements cutanéomuqueux
Prélèvements d’ulcérations
Différents agents infectieux provoquent des ulcérations anogénitales ou buccales
dont il est difficile de certifier cliniquement l’origine, même avec une grande
expérience. De plus, il existe des étiologies multiples possibles pour une même
ulcération, notamment co-infection herpes simplex virus �������������
(HSV)
������� et syphilis.
Le diagnostic biologique du chancre demande plusieurs prélèvements de
l’ulcération :
n sur la sérosité qui sourd au centre, l’examen à l’état frais et au microscope à
fond noir pour la recherche de tréponème ;
n à partir du pus prélevé en bordure du chancre avec frottis coloré au bleu de
méthylène ou au Gram et mis en culture pour la recherche d’Haemophilus
ducreyi (milieux spécifiques pour la croissance) ;
n prélèvements du plancher des lésions pour la recherche de virus herpes sim-
plex (culture cellulaire et/ou PCR) et de Chlamydia trachomatis (PCR).
Ce diagnostic est délicat du fait de l’absence de pratique dans de nombreux
laboratoires du fond noir et de la culture d’H. ducreyi ou des PCR HSV ou
Chlamydia. Il existe des techniques de PCR multiplex pour amplifier simulta-
nément les principaux agents responsables d’ulcérations génitales, H. ducreyi,
T. pallidum et HS��
V� type 1 et 2. Les nouvelles trousses commercialisées doivent être
évaluées. Cependant, la sensibilité de détection de T. pallidum par PCR semble,
22 Les maladies sexuellement transmissibles

dans toutes les études, meilleure que la microscopie à fond noir. La PCR, tout
comme la sérologie, est actuellement incapable de distinguer la syphilis vén-
érienne des tréponématoses endémiques non vénériennes (pian, bejel, pinta).

Prélèvements urogénitaux, anogénitaux (infections


asymptomatiques ou symptomatiques)
La recherche de C. trachomatis par amplification génique (PCR, PCR en temps
réel) sur des prélèvements « atraumatiques » faciles à réaliser (premier jet
d’urine, autoprélèvement vulvovaginal) semble le choix le plus judicieux en
matière de dépistage systématique de l’infection chez les jeunes. Ces tests de
biologie moléculaire, sensibles, spécifiques et rapides, s’adaptent parfaitement
au diagnostic des infections urogénitales à C. trachomatis, supplantant toutes les
autres méthodes (culture cellulaire, recherche d’antigènes par immunofluores-
cence ou test immuno-enzymatique, sérologie).
N. gonorrhoeae est un diplocoque à coloration de Gram négatif, dont le dia-
gnostic par examen microscopique direct d’un frottis coloré est peu sensible
chez la femme et dont l’isolement en culture sur milieux appropriés est délicat
du fait de la fragilité de la bactérie. Les trousses permettant la recherche de
N. gonorrhoeae par amplification génique sont toujours couplées à celles de
C. trachomatis. L’apport de la PCR pour la détection de N. gonorrhoeae semble
incontestable bien que peu utilisé en France en raison de la nécessité absolue de
suivre la sensibilité des souches aux antibiotiques.
Des techniques d’amplification génique permettant la recherche de
Mycoplasma genitalium existent. C’est l’exemple type d’une bactérie dont la
connaissance du pouvoir pathogène a progressé grâce aux techniques de biolo-
gie moléculaire. Les techniques de biologie moléculaire de détection multiple se
développent :
n C. trachomatis, N. gonorroheae, M. genitalium, T. vaginalis, U. urealyticum dans
le cas d’urétrites masculines ;
n C. trachomatis, N. gonorroheae, M. genitalium, T. vaginalis, M. hominis chez les
femmes symptomatiques ;
n C. trachomatis, N. gonorroheae, M. genitalium dans le cadre d’arthrites réac-
tionnelles, prostatites…
Le diagnostic d’une infection à papillomavirus humain (PVH) repose pour le
clinicien sur le trépied cyto-histo-colposcopique. Les PVH n’étant actuellement
pas cultivables in vitro, le diagnostic fait appel à des techniques de biologie
moléculaire (PCR ou hybridation moléculaire) permettant de détecter et de typer
le génome viral sur différents prélèvements cellulaires. Les indications de ce dia-
gnostic restent à définir ; elles sont limitées en France aux frottis cervicaux limi-
tes (ASCUS).
L’utilisation systématique d’un contrôle interne avant l’extraction des acides
nucléiques et les règles de bonne pratique de laboratoire contribuent à la qualité
du diagnostic microbiologique par biologie moléculaire. Le génotypage et la
recherche de marqueurs (résistance aux antibiotiques, facteurs de virulence…)
par biologie moléculaire sont peu utilisés en pratique courante dans le cadre des
MST d’origine bactérienne et sont réservés à certains laboratoires spécialisés.
4. Outils diagnostiques des infections sexuellement transmissibles 23

Prélèvements sanguins
En matière de syphilis, les tests de dépistage reposent sur la combinaison d’un
test utilisant des antigènes non tréponémiques cardiolipidiques détectant des
anticorps antiphospholipides (veneral disease research laboratory [VDRL] ou rapid
plasma reagin [RPR]) avec un test à antigènes tréponémiques détectant des anti-
corps spécifiques des tréponèmes pathogènes (TPHA, Elisa…). L’association d’un
test tréponémique avec un test non tréponémique permet de dépister une
syphilis primaire ou secondaire avec une très grande sensibilité. La réponse anti-
corps est retardée par rapport à la lésion primaire. Toute sérologie positive
nécessite le titrage des anticorps sur les deux tests. Le meilleur marqueur de
guérison est la disparition des anticorps anticardiolipidiques. Les problèmes d’in-
terprétation se posent face à des sérologies modérément positives pour lesquel-
les, dans certains contextes cliniques, il est difficile de différencier une syphilis
latente, pouvant potentiellement évoluer, d’une cicatrice sérologique, d’une
syphilis anciennement traitée ou d’une tréponématose endémique.
Les sérologies VIH et de l’hépatite B sont fiables, standardisées et automatisées.
La dernière génération de trousses sérologiques de dépistage du VIH est basée sur
la détection simultanée des anticorps anti-VIH et de l’antigène (Ag) p24. Le
western-blot ou l’immunoblot restent indispensables à la confirmation, révélant un
« profil » d’anticorps, à un stade caractéristique de l’infection. L’utilisation de test
rapide est en cours d’évaluation en France, afin d’accroître le recours au dépistage
et de réduire les infections à VIH non diagnostiquées dans certaines catégories de
population. Le diagnostic de l’infection par le VHB et l’appréciation du statut
immunitaire du patient reposent sur la détection de différents marqueurs sérolo-
giques : Ag HBs, Ac anti-HBs, IgM anti-HBc, Ac anti-HBc, Ag Hbe et Ac anti-Hbe
avec des tests bien standardisés. Les techniques de biologie moléculaire appliquées
aux prélèvements sanguins sont utiles au suivi des infections VIH et hépatite B
(charges virales plasmatiques, génotypage, recherche des mutations de résistance).
Concernant les virus herpes simplex, il existe des tests sérologiques détectant
les anticorps spécifiques de type HS�������������������������������������������������
V������������������������������������������������
-1 et HS����������������������������������������
V���������������������������������������
-2 à l’aide des glycoprotéines gG1
et gG2 (techniques immuno-enzymatiques ou apparentées, immunoblot,
western-blot). Les indications de ces sérologies restent à définir.
Au stade d’infection basse à C. trachomatis, le sérodiagnostic ne présente
aucun intérêt car il est souvent négatif. Dans les infections profondes, le dia-
gnostic sérologique peut trouver son utilité. Il est important de bien connaître
les réactions utilisées, leurs indications et leurs limites.
Face aux difficultés du diagnostic étiologique clinique et à la fréquence des
pathogènes responsables d’une même symptomatologie, l’avenir en matière de
diagnostic microbiologique est aux techniques de détection multiple permettant
la recherche sur un même prélèvement de différents agents.
Dans l’interprétation des résultats sérologiques, il faut toujours garder à l’es-
prit qu’en dehors du VIH et de l’hépatite B, un sérodiagnostic isolé a géné-
ralement peu de valeur. Chaque test sérologique doit être considéré en fonction
des particularités pathogéniques de l’infection, de son stade et comme un
élément d’appoint au diagnostic étiologique qui ne peut être souvent affirmé
que par la mise en évidence de l’agent causal dans les lésions, par culture et/ou
détection génomique.
24 Les maladies sexuellement transmissibles

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5 Antibiotiques et maladies
sexuellement transmissibles

M. Janier

Le traitement idéal d’une maladie bactérienne sexuellement transmise doit obéir


à des critères stricts d’efficacité (reposant sur l’épidémiologie locale de l’infection
en tenant compte des résistances aux antibiotiques qui varient dans le temps et
dans l’espace), d’innocuité, de faible coût et, si possible, d’administration en une
dose pour permettre une observance thérapeutique optimale (l’efficacité s’ac-
compagnant, de ce fait, d’un arrêt rapide de la transmission aux partenaires).

Traitements dits « minute »


On dispose du traitement « minute » (ou dose unique) par benzathine–
pénicilline IM dans la syphilis précoce, par ceftriaxone IM dans la gonococcie
non compliquée et par azithromycine per os dans les infections non compliquées
basses à Chlamydia trachomatis. De même, le chancre mou peut être traité par
un traitement « minute » de type ceftriaxone ou fluoroquinolone et les infections
à trichomonas par un traitement antiparasitaire dose unique de métronidazole.

Effets secondaires et contre-indications


Les contre-indications doivent être parfaitement respectées, en particulier les
allergies aux bêta-lactamines interdisent l’administration des pénicillines et
céphalosporines. Les troubles de l’hémostase et les traitements anticoagulants
interdisent les injections intramusculaires. La grossesse ou (la possibilité de gros-
sesse) interdisent les tétracyclines et les fluoroquinolones (macrolides, azithro-
mycine et bêta-lactamines sont permis). Les enfants ne doivent pas être traités
par les tétracyclines, ni par les fluoroquinolones.
Enfin, rappelons que les tétracyclines et les fluoroquinolones sont photosensi-
bilisantes et que le patient doit en être prévenu.

Traiter les partenaires


La transmission sexuelle de ces infections pose un problème particulier, celui de
traiter simultanément l’ensemble des partenaires ou, du moins, d’interdire toute
relation sexuelle tant que le ou les partenaires ne sont pas traités. Il existe, en
effet, un réel risque de recontamination (dite « en ping-pong ») et si l’abstinence
pose problème, l’utilisation des préservatifs est un minimum. Le traitement des
partenaires est systématique quels que soient les examens pratiqués et leurs
résultats (incubation variable). L’idéal est cependant d’examiner et de prélever le
partenaire parallèlement à l’administration systématique du traitement.
26 Les maladies sexuellement transmissibles

Syphilis
Treponema pallidum reste constamment sensible à la pénicilline G qui inhibe la
synthèse du peptidoglycane de sa paroi. Compte tenu de la division très lente
du tréponème (33 heures en cas de syphilis précoce, plusieurs jours dans les
syphilis tardives), les schémas thérapeutiques doivent assurer un taux sérique
tréponémicide pendant 10 jours dans la syphilis précoce, et jusqu’à 30 jours
dans la syphilis tardive pour offrir toutes les garanties, d’où l’utilisation de péni-
cillines retard (benzathine-benzylpénicilline G ou BBP [Extencilline®]), employée
en dose unique intramusculaire dans la syphilis précoce et en injection hebdo-
madaire avec des schémas moins bien codifiés dans la syphilis tardive. Les autres
bêta-lactamines et céphalosporines sont également efficaces, mais ces
traitements ne sont pas administrables en traitement « minute », nécessitant des
injections ou des prises orales multiples, exposant au risque d’inconfort et sur-
tout de mauvaise observance thérapeutique. Seuls les traitements par pénicilline
retard sont bien codifiés et validés par l’expérience sur de très grosses cohortes
de patients. En cas d’allergie aux bêta-lactamines, l’utilisation de céphalospo-
rines est également dangereuse. Enfin, le coût est très en faveur du traitement
par la BBP.
Treponema pallidum n’étant pas cultivable, l’efficacité des différents antibioti-
ques ne peut être évaluée que chez l’animal au laboratoire (orchite expéri-
mentale du lapin). Treponema pallidum est, en effet, également sensible aux
tétracyclines, aux macrolides et apparentés (azithromycine). Le seul traitement
correctement validé, même s’il est moins puissant que la pénicilline G, est la
doxycycline en prise orale biquotidienne pendant 15 jours dans la syphilis
précoce. Une surveillance clinique et sérologique s’impose toutefois pour ce trai-
tement par doxycycline dont l’efficacité n’est pas aussi régulière que celle de la
BBP. Signalons également que les tétracyclines ne sont pas validées chez le
patient VIH. Les macrolides sont des traitements médiocres et passent mal la
barrière placentaire. Enfin, un grand nombre de souches de Treponema pallidum
en Europe et aux États-Unis a développé très rapidement des résistances à
l’azithromycine (mutations ARNr 23S). Le seul antibiotique diffusant correcte-
ment dans le système nerveux central est la pénicilline G dont la propagation est
fonction de la dose. Les tétracyclines et les macrolides ne doivent pas être utili-
sés. Ainsi, la neurosyphilis se traite par des perfusions de pénicilline G intravei-
neuse et les syphilis tardives (avec possibilité de neurosyphilis asymptomatique)
ne doivent pas être traitées par des macrolides, ni des tétracyclines.

Gonococcie
De nombreux antibiotiques peuvent être utilisés dans le traitement des infec-
tions génitales à Neisseria gonorrhoeae. La sensibilité du gonocoque aux antibio-
tiques se modifie constamment et varie selon le lieu. Les recommandations
thérapeutiques diffèrent donc dans le temps et selon les pays, voire selon les vil-
les. Elles doivent être réactualisées constamment. L’acquisition des résistances de
Neisseria gonorrhoeae aux antibiotiques a été progressive : apparition de souches
faiblement résistantes à la pénicilline (résistance de bas niveau de type chromo-
somique dès 1957), puis apparition de souches productrices de pénicillinase
5. Antibiotiques et maladies sexuellement transmissibles 27

hautement résistantes à la pénicilline (résistance plasmidique médiée par un


plasmide 4,4 et 3,2 MDa en 1975, TEM1) (NGPP), apparition de souches faible-
ment résistantes aux tétracyclines (résistance chromosomique) et de souches
hautement résistantes aux tétracyclines (résistance médiée par le transposon tet 
M en 1985) et, plus récemment, apparition de souches résistantes aux fluoro-
quinolones d’abord faiblement résistantes (souches résistantes à l’acide nalidixi-
que), puis souches hautement résistantes aux fluoroquinolones (résistance à la
ciprofloxacine). Les résistances aux fluoroquinolones sont dues à des mutations
sur l’ADN gyrase et la topo-isomérase 4 de la bactérie (Gyr A, Par C et Gyr B). La
première souche de Neisseria gonorrhoeae hautement résistante aux fluoroquino-
lones est apparue en en France en 1998. Enfin, des résistances par mutations
protéiques ribosomiales concernent les macrolides et l’azithromycine.
Actuellement, les résistances du gonocoque, en France comme dans tous les
pays, sont telles que l’on ne peut utiliser ni les bêta-lactamines (sauf céphalospo-
rines de troisième génération), ni les tétracyclines, ni les macrolides, ni les
fluoroquinolones. Le gonocoque reste, dans la grande majorité des cas, sensible
aux aminosides et, en particulier, à la spectinomycine, antibiotique qui, cepen-
dant, a une mauvaise biodisponibilité et conduit à des échecs cliniques non rares
(10 %). Les céphalosporines de troisième génération, en particulier la ceftriaxone
utilisable par voie intramusculaire en dose unique de 500 mg, restent efficaces
dans tous les cas. Cependant, des souches de gonocoque à sensibilité diminuée
aux céphalosporines ont été décrites récemment en Asie, avec quelques échecs
cliniques après traitement par céfixime oral.
En plus des grandes difficultés thérapeutiques dues aux résistances bacté-
riennes, le traitement des gonococcies doit prendre en compte la possibilité fré-
quente d’une association à un portage pharyngé pratiquement toujours
asymptomatique et à la mauvaise diffusion des antibiotiques dans le pharynx.
Ainsi, le seul antibiotique dont la validation pharyngée est solide est la
ceftriaxone.

Chlamydia trachomatis
Les antibiotiques efficaces in vitro contre Chlamydia trachomatis sont les tétracy-
clines, les macrolides et l’azithromycine, ainsi que certaines fluoroquinolones.
L’acquisition de résistances est limitée par la petite taille du génome responsable
d’un nombre restreint de mutations et de transfert génétique faible. Cependant,
des mutants in vitro résistants à la ciprofloxacine sont connus (mutations dans le
gène de l’ADN gyrase). Les résistances aux tétracyclines sont exceptionnelles
(résistances dites hétérogènes touchant une bactérie sur 100 ou sur 1000).
Cependant, malgré l’absence de résistance bactériologique, les échecs thérapeu-
tiques pour les infections à Chlamydia trachomatis ne sont pas rares (rechutes ou
réinfections ?). Un contrôle de guérison est recommandé quelques semaines
après le traitement. Les traitements les mieux validés pour les infections à
Chlamydia trachomatis sont la doxycycline par voie orale en prise biquotidienne
pendant 7 jours ou l’azithromycine 1 g per os dose unique. En cas de forme
compliquée (endométrite, salpingite, orchiépididymite) ou de formes invasives
(maladie de Nicolas-Favre ou LGV), le traitement doit être plus long (15 jours
pour une salpingite, 21 jours pour la LGV…).
28 Les maladies sexuellement transmissibles

Autres MST
Chancre mou
Toutes les souches d’Haemophilus ducreyi sont hautement résistantes à la péni-
cilline (sécrétion d’une pénicillinase), beaucoup sont également résistantes aux
tétracyclines, aux sulfamides, au triméthoprime. Des souches résistantes aux
fluoroquinolones apparaissent également.

Mycoplasmes génitaux
Les mycoplasmes étant des bactéries dépourvues de paroi sont totalement
insensibles à la pénicilline et aux bêta-lactamines. Mycoplasma hominis est natu-
rellement résistant aux macrolides. Ureaplasma urealyticum est naturellement
résistant aux lincosamides. Les mycoplasmes ont développé des résistances
acquises aux tétracyclines (transposon tet M) dans environ 10 % des cas pour
Ureaplasma urealyticum. Des résistances acquises aux fluoroquinolones et aux
macrolides ont été également été décrites. En particulier, Mycoplasma genita-
lium, en fonction de la pression de sélection, peut développer à la fois des résis-
tances aux tétracyclines et des résistances à l’azithromycine. En Suède, 60 % des
souches de Mycoplasma genitalium sont résistantes aux cyclines.

Autres MST et anti-infectieux


Des souches de Trichomonas vaginalis sont résistantes au métronidazole (traite-
ment alternatif par tinidazole, ornidazole ou secnidazole).
Les médicaments anti-herpétiques sont virostatiques. Il s’agit soit d’analogues
nucléosidiques de la guanosine (aciclovir et famciclovir) nécessitant leur activation
par une thymidine kinase virale, soit d’analogues nucléotidiques de la cytosine
(cidofovir) ou de pyrophosphates (foscarnet) qui inhibent directement les polymé-
rases virales. Les résistances du virus HS�����
V����
-2 à l’aciclovir (souches thymidine kinase
négatives TK) sont observées spécifiquement chez les immunodéprimés chez
lesquels elles concernent environ 5 % des souches. Les souches résistantes aux
anti-herpétiques par mutations de l’ADN polymérase sont beaucoup plus rares.

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6 Histoire de la vénéréologie
et des maladies
sexuellement transmissibles

M. Janier

Histoire de la syphilis
La syphilis était totalement inconnue des auteurs anciens. En revanche, depuis
Hippocrate, des descriptions précises ont été faites de la blennorragie, du chan-
cre mou et de l’herpès génital. L’émergence de la syphilis se situe au décours de
la bataille de Fornoue, le 5 juillet 1495. La maladie a essaimé très rapidement à
partir de Naples dans toute l’Europe, favorisée par le retour des mercenaires et
des soldats en France, en Allemagne, en Autriche et en Angleterre. De nombreux
textes à partir de 1496 décrivent précisément cette nouvelle maladie, en parti-
culier le petit livre de Joseph Grünbeck (De la Mentulagre). Le mal de Naples est
également appelé mal français par les Anglais et les Italiens et bubas par les
Espagnols. La maladie est particulièrement virulente jusqu’à la fin du xvie siècle.
Encore appelée vérole (grande vérole), elle ne devient syphilis que beaucoup
plus tard, au xixe siècle. L’éponyme syphilis provient d’un poème épique italien
de 1530 (Syphilis Sive Morbus Gallicus) écrit par Hieronymus Fracastor. L’origine
américaine de la syphilis a suscité des polémiques qui ne sont pas closes après
plus de cinq siècles d’histoire. Elle reste néanmoins l’hypothèse la plus plausible :
celle d’une tréponématose endémique en Amérique centrale, rapportée par les
marins des expéditions de Christophe Colomb en Europe. L’exhumation des
squelettes en Europe et en Amérique précolombienne est en faveur d’une telle
hypothèse. De nombreuses traces de tréponématose probablement endémique
et possiblement syphilitique existent sur les squelettes datant de l’époque de
l’Amérique précolombienne, alors que les cas européens sont rares et discuta-
bles. En plus des problèmes de conservation de l’ADN, les PCR ne permettent
pas, actuellement, de différencier syphilis et tréponématoses non vénériennes.
Les traitements utilisés pendant des siècles contre la syphilis ont été les sels de
mercure sous toutes leurs formes et le bois de gaïac importé d’Amérique. Au
e
xix  siècle, les grands noms de la syphiligraphie furent Philippe Ricord et Alfred
Fournier. Philippe Ricord (1800–1889) classa la syphilis précisément en trois sta-
des (syphilis primaire, secondaire et tertiaire) et sépara définitivement la syphilis
des verrues génitales, des balanites et de la blennorragie (confondues depuis les
expériences malheureuses de John Hunter au xviiie siècle). La séparation des
chancres syphilitiques indurés et des chancres mous, dits simples, revient, en
revanche, à son élève Léon Bassereau (1858). Alfred Fournier (1832–1914), pre-
mier titulaire de la chaire de clinique des maladies cutanées et syphilitiques (ou
30 Les maladies sexuellement transmissibles

dermatologie–vénéréologie) en 1879, rapporta le tabès (1875), puis la paralysie


générale (1894) à la syphilis. Citons également Jonathan Hutchinson (syphilis
congénitale) et Douglas Argyll-Robertson (le signe oculaire), deux éminents
syphiligraphes anglais du xixe siècle.
Le tréponème pâle a été découvert à Berlin, en 1905, par le zoologiste Fritz
Schaudinn et par le dermatologiste Éric Hoffmann. L’année suivante, Albert
Neisser et August Paul von Wassermann, appliquant la technique de fixation du
complément de Bordet, mettent au point les premières sérologies de la syphilis
(sérologies cardiolipidiques dites de Bordet-Wassermann). Les travaux de Queyrat
(1856–1933), Balzer (1849–1929), Milian (1871–1945), Sézary (1880–1956) et
de Graciansky (1909–1999) doivent également être mentionnés. Après 1945, la
pénicilline a avantageusement remplacé les traitements prolongés par le mer-
cure, l’arsenic et le bismuth. Les schémas thérapeutiques ont été simplifiés pro-
gressivement avec l’utilisation des pénicillines retard (benzathine–pénicilline G).

Histoire des autres maladies vénériennes


La blennorragie a été longtemps confondue avec la syphilis et traitée par des
médications balsamiques associées à des instillations intra-urétrales de produits
divers, surtout de nitrate d’argent. Neisseria gonorrhoeae a été identifié par Albert
Neisser en 1879. Les infections gonococciques ont ensuite été traitées par les
sulfamides, puis par de nombreux antibiotiques vis-à-vis desquels le gonocoque
a développé progressivement des résistances.
Le chancre mou, beaucoup plus fréquent que la syphilis au xixe siècle, séparé
cliniquement de la maladie syphilitique par l’école de Ricord, est définitivement
individualisée par Augusto Ducreyi de Naples en 1889 (Haemophilus ducreyi).
L’herpès génital, connu depuis l’Antiquité, a été particulièrement bien décrit
par Astruc au xviiie siècle. La découverte du virus herpès revient à Parker en 1925
et l’aciclovir, à la géniale Gertrude Belle Elion, en 1977.
Trichomonas vaginalis est le premier micro-organisme responsable de MST
découvert : le mérite en revient en 1836 au Français Alfred Donné.
Le granulome ulcéreux est individualisé par Mc Léod en 1882, et son agent
étiologique est découvert par le colonel Donovan en 1905 (granulome inguinal
ou donovanose).
Nocard et Roux découvrent les mycoplasmes en 1898. Le dernier (Mycoplasma
genitalium) est mis en évidence en 1981 par Tully et Taylor-Robinson qui ont
consacré leur carrière à ces micro-organismes, en particulier Ureaplasma urealyti-
cum et Mycoplasma hominis.
L’histoire des infections à Chlamydia trachomatis est plus récente. D’abord,
sont découvertes les inclusions du trachome en 1907 par Van Prowazek, puis, en
1944, les urétrites à inclusions par Harkness. La lymphogranulomatose vén-
érienne (LGV), décrite en 1913 par trois dermatologues lyonnais (Durand,
Nicolas et Favre) est rattachée plus tard aux infections chlamydiennes.
Gardnerella vaginalis est découvert en 1953 par Léopold Gardner.
Les micro-organismes responsables des MST sont actuellement tous
séquencés. Le premier (Mycoplasma genitalium) a été séquencé par Fraser en
1995, c’est aussi le plus petit génome bactérien connu (0,58 Mb), puis ont
séquencés Treponema pallidum en 1998 (1,1 Mb), Chlamydia trachomatis en
6. Histoire de la vénéréologie et des maladies sexuellement transmissibles 31

1998 (1,1 Mb), HS������������������������


V�����������������������
-2 en 1998 (0,16 Mb), Neisseria gonorrhoeae en 2000
(2,2 Mb), Haemophilus ducreyi en 2000 (1,8 Mb).

Histoire du sida et du VIH


En juin 1981, le centre de contrôle des maladies d’Atlanta (CDC), étonné par
des demandes récentes et inhabituelles de pentamidine, met en évidence une
épidémie de pneumonies à Pneumocystis carinii chez des hommes jeunes, de
Californie, également victimes d’autres infections opportunistes (candidose buc-
cale, rétinite à CMV, herpès chronique) ainsi que de très inhabituelles maladies
de Kaposi. Ces hommes sont homosexuels. C’est le début de l’histoire du sida.
Très rapidement, d’autres cas sont découverts chez des hémophiles polytransfu-
sés (1982), chez des toxicomanes américains (1982), puis en Haïti et en Afrique,
enfin en Europe à partir de 1983.
L’origine virale du syndrome est découverte par Luc Montagnier à l’Institut
Pasteur, en 1983. Le virus est d’abord appelé LAV (lymphadenopathy associated
virus) et HTLV-III (human T lymphotropic virus) par l’Américain Robert Gallo, décou-
vreur de l’interleukine 2 en 1976, de l’HTLV-I en 1978 et de l’HTLV-II en 1982. Ce
virus est enfin appelé en 1986 VIH (virus de l’immunodéficience humaine).
Le premier médicament antirétroviral efficace, né dans les années 1960, est uti-
lisé à partir de 1987 (zidovudine). Le pronostic de la maladie est radicalement
transformé à partir de 1995 avec l’utilisation d’inhibiteurs des protéases : saquina-
vir, puis indinavir et ritonavir et, plus récemment, par d’autres familles thérapeu-
tiques, inhibiteurs non nucléosidiques de la reverse transcriptase, anti-intégrase,
inhibiteurs de fusion, etc.
En 1994, Patrick Moore et Yuan Chang découvrent un virus du groupe herpès
dans des tumeurs de maladie de Kaposi et des lymphomes des séreuses. Ce
virus, appelé d’abord KSHV (Kaposi sarcoma associated virus) et, actuellement,
HHV-8 (human herpes virus type 8) est unanimement reconnu comme l’agent
étiologique de la maladie de Kaposi décrite en 1872, à Vienne, par Moritz
Kohn-Kaposi.
Il est à noter que le préservatif masculin est utilisé depuis l’Égypte ancienne. Il
a longtemps été fabriqué à partir de cæcum de mouton. On ignore toujours
totalement d’où vient le terme de condom utilisé depuis le xviiie siècle et attribué
à un docteur Condom qui n’a jamais existé.

Bibliographie
Janier M et al. De la vénéréologie aux maladies sexuellement transmissibles. Ann Dermatol
Vénéréol 1989 ; 116 : 957-64.
Janier M. Clinique et cliniciens des maladies vénériennes. In: Wallach D, Tilles G. La dermatolo-
gie en France. Toulouse : Privat ; 2002, 197-219.
7 épidémiologie des
infections sexuellement
transmissibles en France

A. Gallay, A. Bouyssou, F. Lot,


C. Brouard, V. Goulet

Les infections sexuellement transmissibles (IST) sont des infections dont l’agent
responsable est préférentiellement transmis par voie sexuelle. L’absence fré-
quente de signe clinique constitue un facteur limitant le diagnostic et le traite-
ment et participe à leur transmission insidieuse. La transmission des IST n’est pas
égale pour tout acte sexuel avec ou sans pénétration. Les pratiques sexuelles
conditionnent le risque de contamination en fonction des caractéristiques physi-
ques et biologiques propres à l’agent infectieux et de la réceptivité de l’hôte. Le
lien entre le VIH et les IST est complexe et étroit. La potentialisation de la trans-
mission du VIH par la présence d’une IST est documentée, notamment en pré-
sence de lésions génitales comme pour la syphilis ou l’herpès. L’épidémiologie
des IST est ainsi un marqueur des comportements et des prises de risques
sexuels dans un environnement social.
L’épidémie de VIH/sida a fait émerger la question de la sexualité et de l’iden-
tité sexuelle pour mieux appréhender l’épidémiologie des IST, adapter et pro-
mouvoir les politiques de prévention primaire et secondaire. Les IST ont
bénéficié de l’application des mesures de prévention de risque du VIH/sida (pro-
motion du préservatif) mises en place à la fin des années 1980. L’incidence des
infections gonococciques a diminué régulièrement jusqu’au milieu des années
1990, ainsi que l’incidence de l’hépatite B symptomatique (de 21 pour 100 000
en 1991 à 6 pour 100 000 habitants [IC 95 % : 2–12] en 1996) et ce, avant
même la recommandation de vaccination universelle en 1994… L’arrivée des
traitements antirétroviraux puissants en 1995 a été décisive dans la décroissance
de l’épidémie de sida. Cependant, elle s’est accompagnée d’un relâchement des
comportements de prévention sexuelle dans certains groupes de population, à
l’origine d’une recrudescence de plusieurs IST. À partir de 1996, la hausse
annuelle régulière de l’incidence des gonococcies annonçait la recrudescence
d’autres IST telles que la syphilis fin 2000 et l’épidémie européenne de LGV rec-
tale chez les homosexuels en 2003.

Outils épidémiologiques et limites


Les manifestations cliniques des IST sont le plus souvent le point d’ancrage d’un
système de recueil de données pour la surveillance épidémiologique, alors que
ces infections sont le plus souvent asymptomatiques. En France, certaines IST
7. Épidémiologie des infections sexuellement transmissibles en France 33

devaient être déclarées aux autorités sanitaires selon un texte réglementaire


datant de 1942. La refonte des maladies à déclaration obligatoires (DO) réalisée
en 1985 n’a pas intégré ces maladies dont la déclaration est tombée en
désuétude et a été abandonnée officiellement en 2000. Des dispositifs sentinel-
les de surveillance ont été mis en place depuis 1985 (les urétrites masculines par
le réseau Sentinelles de médecins généralistes, les gonococcies par le réseau de
laboratoires Rénago et les chlamydioses par le réseau de laboratoires Rénachla).
Un peu pus tard, en 2003, les diagnostics d’infection à VIH et d’hépatite aiguë B
symptomatique ont été introduits dans la liste des maladies à déclaration obliga-
toire. La DO du VIH est venue compléter la DO du sida existant depuis 1986.
Devant la recrudescence de la syphilis en 2000 et l’émergence de la LGV en
2003, d’autres systèmes de surveillance des IST ont été développés. Ceux-ci
reposent sur la participation volontaire des centres d’information, de dépistage
et de diagnostic des IST (CIDDIST, anciens dispensaires antivénériens [DAV]), de
consultations hospitalières et de cabinet libéraux.
Ces différents systèmes sont suffisamment robustes pour suivre les tendances
évolutives des IST symptomatiques, ainsi que leurs caractéristiques sociodémo-
graphiques, cliniques et comportementales. Cependant, la participation repo-
sant sur le volontariat émanant le plus souvent des structures où consultent des
personnes les plus à risque, la prise en compte insuffisante des IST asymptomati-
ques et l’absence de dénominateurs permettant d’estimer des incidences consti-
tuent des facteurs limitants pour évaluer l’importance des IST, probablement très
sous-estimée dans la population sexuellement active.
Les principales IST présentées ici sont celles bénéficiant d’un système de sur-
veillance (les chlamydioses urogénitales [non LGV], les gonococcies, la syphilis, la
LGV rectale, l’infection à VIH et l’hépatite B) ou pour lesquelles il existe des données
d’études ponctuelles (les infections à papillomavirus et les infections herpétiques).

Épidémiologie des IST


Infection à Chlamydia trachomatis urogénitale
L’infection à Chlamydia trachomatis urogénitale (non LGV) est l’infection sexuel-
lement transmissible bactérienne la plus fréquente en France avec un enjeu
déterminant en santé publique du fait de son retentissement sur la fertilité
féminine. Contrairement aux autres IST, telles que la gonococcie, la syphilis ou le
VIH qui circulent surtout dans des sous-groupes de la population, l’infection
chlamydienne est endémique en France. Les personnes atteintes sont le plus
souvent asymptomatiques et transmettent de ce fait l’infection à leur partenaire
lors de rapports sexuels non protégés. En l’absence de traitement antibiotique,
le portage de la bactérie peut être très long (plus d’un an) avec risque de trans-
mission à tous les partenaires sexuels. Cette infection concerne principalement
la population sexuellement active de 18 à 29 ans où la prévalence est de 2,6 %,
alors qu’elle est de 0,5 % de 30 à 44 ans. La prévalence est maximale chez les
femmes de 17 à 26 ans et chez les hommes de 20 à 29 ans (étude NatChla
intégrée dans l’enquête nationale sur le contexte de la sexualité en France). Les
facteurs de risque (âge jeune, plus d’un partenaire sexuel ou un nouveau
partenaire l’année précédant le diagnostic) identifiés dans cette étude sont ceux
34 Les maladies sexuellement transmissibles

habituellement cités dans les publications internationales. La prévalence est


beaucoup plus élevée (5 à 15 %) dans certains types de consultation qui drai-
nent des sujets à risque, tels que les CIDDIST, les consultations de dépistage ano-
nyme et gratuit (CDAG) et les centres de planning familiaux. La Haute Autorité
de santé (HAS) a recommandé en 2002 de proposer systématiquement un
dépistage à tous les consultants de ces centres, âgés de moins de 25 ans, ainsi
qu’à toute personne présentant les facteurs de risque d’infection chlamydienne.
D’après les données de Rénachla, le nombre de diagnostics augmente en France
depuis 2000, mais le nombre de recherches, notamment chez les patients
asymptomatiques, a également augmenté. Il est donc difficile de savoir si cela
correspond à une progression de cette infection en France ou à un meilleur
dépistage.

Infections gonococciques
La décroissance de l’incidence des gonococcies entre 1986 et 1996 a été suivie
d’une hausse annuelle régulière jusqu’en 2007 (dernières données disponibles).
Les gonocoques sont principalement isolés chez l’homme (84 %) et presque la
moitié par des laboratoires d’Île-de-France. L’âge médian des hommes est de
30 ans et celui des femmes, toujours plus jeunes, de 23 ans. Parmi les patients
consultant pour une infection gonococcique dans un CIDDIST, 69 % sont des
hommes homosexuels. La recrudescence des gonococcies s’est accompagnée de
l’apparition de souches résistantes à la ciprofloxacine (traitement de première
intention jusqu’en 2005), dont la proportion n’a cessé d’augmenter chaque
année pour atteindre 43 % en 2006. La durée de l’infection prolongée par les
échecs thérapeutiques contribue à la transmission et à l’augmentation de l’inci-
dence des gonococcies. Le pharynx étant un réservoir des gonocoques, l’autre
facteur pouvant contribuer à cette hausse est la modification de certaines prati-
ques sexuelles à risque, notamment une fréquence croissante de la fellation non
protégée.

Syphilis
La syphilis est en recrudescence en Europe et en France depuis la fin de l’année
2000. Entre 2000 et 2006, 2306 cas de syphilis précoce ont été déclarés en
France, dont 61 % en région Île-de-France (figure 7.1). Alors que le nombre de
cas franciliens a baissé entre 2002 et 2005, pour augmenter à nouveau en 2006,

Cas
350
IIe-de-France
300
Autres régions
250
200
150
100
50
0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Figure 7.1
Nombre de cas de syphilis précoce par région et par an (réseau de surveillance
de la syphilis, France, 2000–2006).
7. Épidémiologie des infections sexuellement transmissibles en France 35

la hausse annuelle est régulière dans les autres régions. Parmi ces 2306 diagnos-
tics, 26 % concernent une syphilis primaire, 41 % une syphilis secondaire et 33 %
une syphilis latente précoce. Comme dans d’autres pays européens et aux États-
Unis, la syphilis touche essentiellement des homo/bisexuels masculins (80 % des
cas en France). Les femmes représentent 5 % de l’ensemble des patients atteints
de syphilis avec cependant une croissance annuelle régulière du nombre de cas.
Cette proportion est inférieure à celle observée dans d’autres pays (12 % des cas
en 2004 au Royaume-Uni et 8 % des cas en 2003 aux Pays-Bas). Les hommes
sont âgés en moyenne de 37 ans (15–80) et les femmes sont plus jeunes (33 ans
en moyenne). La prévalence de l’infection à VIH est très élevée chez les homo/
bisexuels masculins. En France, entre 2000 et 2002, les patients séropositifs pour
le VIH représentaient plus de la moitié des cas, puis cette proportion s’est stabili-
sée autour de 42 %. La prévalence d’infection à VIH est de 51 % chez les homo/
bisexuels masculins et 13 % chez les hétérosexuels (tableau 7.1).

Lymphogranulomatose vénérienne rectale


La lymphogranulomatose vénérienne (LGV) rectale est due à Chlamydia
trachomatis de sérotype L1, L2 ou L3. Cette maladie a émergé en Europe en
2003 où elle touche uniquement les homosexuels dans sa forme rectale. En
France, la hausse régulière annuelle du nombre de LGV rectales (21 en 2003

Tableau 7.1
Caractéristiques des personnes ayant une syphilis précoce, selon leur
orientation sexuelle (réseau de surveillance de la syphilis, France, 2000–2006)
Homo/bisexuels Hommes Femmes
masculins heterosexuals hétérosexuelles
(n  1892) % (n  271) % (n  117) %
Stades de la syphilis :
– primaire, secondaire 69 63 38
– latente précoce 31 37 62
Statut sérologique VIH :
– positif 49 14 5
– négatif 46 77 83
– inconnu, non renseigné 5 9 12
Motifs de la consultation :
– signes d’IST 59 53 30
– autres signes cliniques 6 10 25
– dépistage 27 32 27
– partenaire avec une IST 8 5 18
Nombre médian de partenaires 10 2 1
(12 mois)
Au moins une fellation non protégée 98 % 95 % 95 %
(12 mois)
Au moins une pénétration* non 51 % 85 % 92 %
protégée (12 mois)
* Pénétration vaginale ou anale.
36 Les maladies sexuellement transmissibles

et 171 en 2007) suggère la persistance de la transmission de la maladie au sein


de la population homosexuelle masculine. Cependant, elle pourrait être le reflet
d’un meilleur diagnostic suite aux campagnes de sensibilisation réalisées en
2004 auprès des professionnels de santé. Depuis le début de l’épidémie, la
France et le Royaume-Uni ont un nombre de cas cumulé de LGV rectales des
plus élevé (N  554 au 31 décembre 2007 et N  423 au 30 avril 2007 respec-
tivement). En France, la plupart des cas déclarés proviennent de la région Île-de-
France (95 %) et le nombre annuel de cas de LGV rectale enregistré est
probablement sous-estimé. La médiane d’âge est de 37 ans. De manière compa-
rable à d’autres pays industrialisés, 75 % des patients sont séropositifs pour le
VIH. Comme aux Pays-Bas, seul le sérovar L2b a été décrit en France. D’autres
sérovars ont été décrits au Royaume-Uni et en Allemagne.

VIH
Depuis 2003, ce sont environ 3000 séropositivités VIH qui sont découvertes cha-
que année, chez des personnes ayant été contaminées par rapports sexuels,
dont un tiers chez des homosexuels et deux tiers chez des hétérosexuels. Le
nombre de diagnostics chez les homosexuels a eu tendance à augmenter entre
2003 et 2006 puis s’est stabilisé, tandis que celui chez les hétérosexuels est en
légère baisse sur toute la période.
Concernant les hommes homosexuels découverts séropositifs pour le VIH en
2006, leur âge médian est de 36 ans, 82 % d’entre eux sont de nationalité française
(9 % de nationalité inconnue) et 40 % sont domiciliés en Île-de-France. Le diagnos-
tic est fait à un stade asymptomatique pour 54 % d’entre eux. Plusieurs constats
plaident pour une épidémie active dans cette population : la non-diminution du
nombre de diagnostics, la stabilité de l’âge au moment du diagnostic entre 2003
et 2006 qui plaide pour un renouvellement de la population, la proportion impor-
tante d’infections récentes datant de moins de 6 mois (39 % en 2006).
Les découvertes de séropositivité chez les hétérosexuels en 2006 concernent
57 % de femmes et 43 % d’hommes, d’âges médians respectifs de 33 et 41 ans,
originaires d’un pays d’Afrique subsaharienne pour respectivement 53 % et
39 % d’entre eux. Ils sont domiciliés dans 48 % des cas en Île-de-France.
L’épidémie de VIH chez les hétérosexuels est le fait de deux épidémies distinctes,
l’une dans la population française et l’autre liée à la situation épidémique en
Afrique subsaharienne. Cette dualité est retrouvée dans d’autres pays européens,
notamment au Royaume-Uni. En France, les constats sont encourageants ;
on note un nombre de diagnostics en baisse chez les hétérosexuels mais ceci
pourrait être dû à des modifications du recours au dépistage ou des flux
migratoires.

Hépatite B
En France métropolitaine, la prévalence de l’Ag HBs chez les personnes âgées de
18 à 80 ans a été estimée en 2004 à 0,65 % [IC 95 % : 0,45–0,93], soit
280 821 personnes [IC 95 % : 179 730–381 913]. Parmi elles, seules 44,8 %
avaient connaissance de leur statut du fait d’un dépistage antérieur. La prévalence
de l’Ag HBs est plus élevée chez les hommes (1,1 %) que chez les femmes
(0,21 %) quel que soit l’âge. l’Ag HBs est plus fréquent chez les bénéficiaires de la
7. Épidémiologie des infections sexuellement transmissibles en France 37

CMU complémentaire que chez les non-bénéficiaires (1,8 % vs 0,57 %), chez les
personnes originaires d’Asie (0,92 %) et d’Afrique subsaharienne (5,25 %). Dans
la population des adultes suivis pour une infection VIH en France en 2004, on
estime à 7,0 % la prévalence de l’Ag HBs. L’incidence de l’infection aiguë sympto-
matique a été estimée à 1 pour 100 000 habitants [IC 95 % : 0,92–1,14] en 2005.
Ainsi, sur la base de la proportion d’hépatite aiguë B symptomatique (10 % avant
5 ans et de 30–50 % au-delà), 2500 à 3000 nouvelles infections à VHB survien-
draient chaque année. Une analyse des certificats de décès de 2001 a permis d’es-
timer à 1507 [IC 95 % : 640–2373] le nombre de décès associés au VHB
(personnes décédant avec une infection à VHB) dont 1327 décès [IC 95 % : 463–
2192] imputables. L’hépatite B est une maladie à prévention vaccinale. Mais, suite
à la controverse sur le lien entre la vaccination et la sclérose en plaques, la couver-
ture vaccinale chez les nourrissons a malheureusement stagné autour de 30 % (à
29 % en 2004). Chez les adolescents, la couverture vaccinale a nettement dimi-
nué, passant de 62,4 % en 2000–2001 à 42,4 % en 2003–2004. L’absence de
confirmation d’un risque d’affection démyélinisante centrale et le remboursement
depuis mars 2008 d’un vaccin hexavalent permettant de vacciner les nourrissons
sans injection supplémentaire devraient relancer cette vaccination.

Infections à papillomavirus
L’infection à papillomavirus (PVH) est une des trois principales infections sexuel-
lement transmissibles dans la population générale avec l’herpès génital et les
infections à Chlamydia trachomatis. Tout acte sexuel, même sans pénétration, est
associé à un risque d’infection par les PVH. C’est une infection le plus souvent
transitoire. La précocité des premiers rapports, le nombre de partenaires sexuels,
le multipartenariat sont autant de facteurs élargissant le niveau d’exposition de
la population aux PVH. Plus de 70 % des hommes et des femmes font au moins
une infection PVH au cours de leur vie, le plus souvent asymptomatique. Le ris-
que à long terme est celui de cancer du col utérin. Le lien de causalité entre can-
cers et lésions précancéreuses du col utérin et certains génotypes de
papillomavirus dits à haut risque est établi. La proportion des cancers invasifs du
cancer du col de l’utérus attribuable aux PVH 16 et 18 est de 70,7 % dans le
monde et de 81,8 % en France. Le cancer du col de l’utérus est un cancer de la
femme de moins 65 ans. Le taux d’incidence du cancer du col de l’utérus a
diminué régulièrement entre 1980 et 2005 ( 2,9 %). Le cancer du col de
l’utérus est le dixième cancer féminin en France avec un nombre de cas inci-
dents estimés à 3068 en 2005, soit un taux d’incidence standardisé sur la popu-
lation mondiale de 7,1 pour 100 000 femmes. Le pic d’incidence est à 40 ans et
l’âge médian du diagnostic à 51 ans. La survie relative du cancer du col de
l’utérus est de 75 % à 3 ans et de 70 % à 5 ans, elle diminue avec l’âge. Il se
situe au quinzième rang de la mortalité liée aux cancers féminins avec
1067 décès en 2005 soit un taux de mortalité standardisé sur la population
mondiale de 1,9 pour 100 000 femmes. L’infection à PVH est à prévention vac-
cinale pour les infections liées aux génotypes 6, 11, 16 et 18 depuis 2007.

Herpès génital
Les virus herpes simplex de type 1 et 2 (HS�����������������������������������
V����������������������������������
-1 et HS��������������������������
V�������������������������
-2) sont l’une des infec-
tions virales les plus fréquentes. La transmission de HS����������������������������
V���������������������������
-2 est sexuelle, alors que
38 Les maladies sexuellement transmissibles

HS���������������������������������������������������������������������������
V��������������������������������������������������������������������������
-1 se transmet le plus souvent par contact direct chez l’enfant. La primo-
infection ou la réactivation d’une infection pendant la grossesse peut être res-
ponsable d’infection néonatale sévère. La séroprévalence à HS�������������
V������������
-2 augmente
avec l’âge, plus élevée chez la femme que chez l’homme, elle est maximum
entre 30 et 40 ans. Une étude française de séroprévalence chez des sujets âgés
de plus 35 ans a estimé la séroprévalence de HS������������������������������������
V�����������������������������������
-2 à 17,2 % chez la femme et à
13 % chez l’homme. En Europe, elle varie selon les pays, de 5 à 40 % chez la
femme âgée entre 30 et 40 ans, et de moins de 5 à 25 % chez l’homme dans la
même tranche d’âge. La séroprévalence HS�����������������������������������������
V����������������������������������������
-1 baisse dans les pays développés,
elle est aujourd’hui située à moins de 70 %. La baisse de l’infection HS���������
V��������
-1 dans
l’enfance et la fréquence croissante du sexe oral a eu comme conséquence une
augmentation des primo-infections génitales à HSV-1. Cependant, la grande
majorité des herpès récurrents reste due à HS�������
V������
-2.

Conclusion
Les IST sont à nouveau en progression depuis la fin des années 1990. Certains
sous-groupes de population sont plus particulièrement touchés (homosexuels,
migrants subsahariens) et d’autres sont encore insuffisamment explorés (prosti-
tuées, usagers de drogue) car d’accès difficile. La gravité IST n’est pas négli-
geable (stérilité féminine, syphilis congénitale ou tertiaire et certains cancers).
De plus, certaines IST peuvent potentialiser l’infection par le VIH et récipro-
quement. Dans un contexte où le VIH/sida demeure une réalité, la surveillance
et la prise en charge des IST sont une priorité. Les cliniciens et les microbiologis-
tes ont un rôle déterminant dans la remontée des données et la connaissance de
l’épidémiologie des IST en France.
En plus des campagnes de prévention primaire orientées sur les groupes les
plus touchés, il est nécessaire de les développer aussi en direction des hétéro-
sexuels. Il est impératif que le clinicien soit averti des pratiques à risque de ses
patients pour leur proposer des conseils adaptés. Face aux limites de la pré-
vention primaire, la prévention secondaire est axée sur le dépistage et le traite-
ment (le plus souvent simple et efficace pour le cas index mais également pour
ses partenaires). Enfin, la diminution de l’incidence de certaines IST nécessite
l’application des recommandations vaccinales quand elles existent (hépatite B et
papillomavirus).

Bibliographie
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7. Épidémiologie des infections sexuellement transmissibles en France 39

Institut de veille sanitaire. Lutte contre le VIH/sida et les infections sexuellement transmissibles
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Velter A. Rapport enquête presse gay 2004. Institut de veille sanitaire ; juin 2007. Site Internet :
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8 Gonococcie

M. Janier

Les gonococcies sont dues à Neisseria gonorrhoeae, bactérie Gram négatif, se


présentant sous forme de diplocoques essentiellement intracellulaires (dans les
polynucléaires) et de transmission uniquement sexuelle.
L’incubation est courte (en général, 2 à 5 jours).

Urétrite gonococcique masculine


L’urétrite masculine aiguë est typiquement très symptomatique avec écoulement
purulent jaune verdâtre (figure 8.1), méatite œdémateuse, dysurie marquée
(chaude-pisse) et rarement adénopathies inguinales, mais sans fièvre. Quatre-
vingt-dix pour cent des gonococcies s’accompagnent d’un écoulement urétral,
plus souvent purulent que clair. Beaucoup plus rarement, il n’existe que des
signes fonctionnels sans écoulement et, exceptionnellement, les patients sont
totalement asymptomatiques.
Des complications locales sont possibles, pour la plupart, anecdotiques : infec-
tions des glandes de Littre, de Tyson et de Cowper, balanite, abcès péri-
urétraux, etc. Une prostatite aiguë est possible ainsi qu’une épididymite ; toutes
deux exceptionnelles. Les rétrécissements urétraux post-blennorragie ne se
voient plus.

Figure 8.1
Gonococcie masculine :
urétrite purulente.

Gonococcie féminine
L’infection gonococcique féminine est symptomatique dans moins de la moitié
des cas, se manifestant soit par des leucorrhées plus ou moins abondantes et
rarement purulentes, soit par des symptômes urétraux à type de brûlures
8. Gonococcie 41

mictionnelles et de dysurie. En effet, Neisseria gonorrhoeae colonise essentielle-


ment l’endocol, mais parfois, également, l’urètre féminin.
À l’examen au spéculum, il existe, le plus souvent, une cervicite avec col
érythémateux, friable et écoulement mucopurulent, parfois hémorragique
(figure 8.2). L’importance de l’inflammation du col et des leucorrhées condi-
tionne l’existence ou non de symptômes. Le col peut être aussi parfaitement
normal. Des complications sont possibles : infections des glandes de Skene, bar-
tholinite et surtout salpingite aiguë fébrile.

Figure 8.2
Gonococcie féminine :
cervicite mucopurulente.

Autres gonococcies
La localisation pharyngée est extrêmement fréquente. Elle est pratiquement
toujours totalement asymptomatique. Elle peut être isolée ou associée à une
infection gonococcique génitale, particulièrement chez la femme et chez
l’homosexuel.
L’anorectite gonococcique : tous les intermédiaires sont possibles entre le
portage asymptomatique et l’anorectite aiguë fébrile purulente, douloureuse et
hémorragique. L’anorectite ne se voit qu’en cas de pénétration anale réceptive.
La conjonctivite gonococcique est une conjonctivite bactérienne purulente
avec risque de cécité. Il peut s’agir d’une infection manuportée à partir d’un
foyer génital. La conjonctivite gonococcique néonatale ou ophtalmie gonococci-
que a disparu avec l’instillation systématique de nitrate d’argent ou d’antibioti-
ques dans les yeux des nouveau-nés (manœuvre de Crédé).
La septicémie gonococcique subaiguë touche surtout l’adulte jeune, en par-
ticulier la femme et l’homme homosexuel chez lesquels le diagnostic d’infection
gonococcique est plus difficile (col, pharynx, rectum). Le tableau clinique asso-
cie une fièvre, en général peu élevée mais traînante, des arthralgies, des ténosy-
novites, ainsi que des signes cutanés (pustules lenticulaires entourées d’un halo
érythémateux siégeant aux extrémités et dans les régions para-articulaires en
petit nombre, fugaces). Une polyarthrite ou une oligoarthrite asymétriques peu-
vent s’y associer, touchant surtout les poignets, les genoux, les chevilles, les
mains, s’accompagnant de ténosynovite et d’un liquide articulaire de type infec-
tieux. Plus rarement, une mono-arthrite du poignet ou du genou est seule
42 Les maladies sexuellement transmissibles

présente. Les localisations septicémiques, hépatiques, myocardiques, méningées,


endocarditiques et la splénomégalie sont plus rares.

Diagnostic microbiologique
Examen direct
L’examen direct est la première étape : le frottis, à l’écouvillon, est étalé sur une
lame et coloré au bleu de méthylène ou à la coloration de Gram. En cas d’uré-
trite masculine, le prélèvement se fait à partir de l’écoulement urétral (prélè­
vement au méat). Il peut se faire également, en l’absence d’écoulement urétral,
par un écouvillonnage endo-urétral (à environ 2 cm) mais, dans ce cas, les per-
formances du prélèvement sont médiocres et l’examen est mal accepté.
Chez la femme, l’écouvillonnage se fait à l’endocol et au méat urétral (il est
classique d’associer un prélèvement à ces deux sites).
La sensibilité de l’examen direct par rapport à la culture est excellente dans
l’urétrite masculine avec écoulement (ce qui est le cas de la grande majorité des
urétrites gonococciques), proche de 100 %. Une quasi-certitude d’infection
gonococcique est apportée par la découverte de diplocoques extra- et surtout
intracellulaires Gram négatif (figure 8.3). La seule présence de diplocoques
extracellulaires n’apporte qu’un élément de présomption (il peut s’agir aussi de
Neisseria saprophytes). Exceptionnellement, la découverte de diplocoques intra-
et extracellulaires traduit la présence de méningocoques.
En revanche, du fait de la richesse de la flore cervicovaginale, l’examen direct
de l’endocol est difficile à lire et sa sensibilité pour le diagnostic d’une gonococ-
cie ne dépasse pas 20 à 30 %. La sensibilité est encore plus faible au pharynx et
au rectum, si bien que le frottis pharyngé et le frottis anorectal sont sans intérêt.

Figure 8.3
Diplocoques colorés par
le bleu de méthylène
à l’intérieur d’un
polynucléaire.

Cultures
Elles sont toujours indispensables. C’est la seule manière de faire le diagnostic
de certitude dans les gonococcies féminines, pharyngées, anorectales, mais
8. Gonococcie 43

également nécessaires dans l’urétrite masculine pour isoler les souches et étudier
leur sensibilité aux antibiotiques. Le gonocoque est une bactérie fragile néces-
sitant un prélèvement au laboratoire, des milieux de croissance spécifiques, en
général, des géloses au sang cuit (milieu de Thayer-Martin) sans adjonction
d’antibiotiques (milieu de croissance) et avec adjonction d’antibiotiques (milieu
de sélection), additionnés de différentes molécules, en particulier de vancomy-
cine, colimycine, néomycine, amphotéricine B, triméthoprime, etc. (milieux
VCN, VCAT).
Les cultures doivent être incubées en milieu riche en CO2. Les colonies pous-
sent rapidement, en 24 à 48 heures. L’identification précise est faite par galerie
biochimique. La recherche de pénicillinase est systématique ainsi que l’antibio-
gramme. Il est à noter que Neisseria gonorrhoeae n’est pas cultivé à partir des
urines.

PCR Neisseria gonorrhoeae


Il existe plusieurs tests d’amplification moléculaire de Neisseria gonorrhoeae dont
certains sont couplés à l’amplification de Chlamydia trachomatis, voire de
Mycoplasma genitalium. Certains tests sont en cours de validation car ils sem-
blent manquer de spécificité vis-à-vis des autres Neisseria, mais certaines PCR
Neisseria gonorrhoeae semblent plus sensibles que la culture pour le diagnostic
des gonococcies féminines, en particulier.
L’inconvénient majeur des PCR Neisseria gonorrhoeae est de priver de la sensi-
bilité aux antibiotiques. Ces tests pourraient avoir, à l’avenir, un intérêt dans le
dépistage des sujets asymptomatiques lorsqu’ils seront validés dans le premier jet
d’urines, à condition que les résultats positifs soient confirmés par une culture.
Enfin, signalons qu’il n’existe pas de sérologie fiable des gonococcies.

Traitement des gonococcies non compliquées


Traitement de première intention
Dix à vingt pour cent des souches de gonocoques sont, actuellement, productri-
ces de pénicillinase en France. Plus de 50 % sont hautement résistantes aux fluo-
roquinolones. Les seuls antibiotiques utilisables, en première intention, efficaces
sur toutes les souches de gonocoque sont les céphalosporines de troisième gén-
ération insensibles à la pénicillinase : la ceftriaxone (Rocéphine®) et le céfixime
(Oroken®).
La ceftriaxone est utilisée à la dose de 500 mg intramusculaire en une injec-
tion unique. C’est l’antibiothérapie de choix en cas de gonococcie pharyngée
isolée ou associée à une atteinte génitale. Le portage pharyngé est fréquent chez
les femmes et les homosexuels masculins (environ 20 %). La tolérance de la
ceftriaxone est excellente avec d’exceptionnels accidents anaphylactiques.
L’antibiotique est utilisable au cours de la grossesse. Il n’a pas été rapporté, en
France, de souches de gonocoques résistantes à la ceftriaxone, mais des souches
à sensibilité diminuée sont apparues en Asie. Le seul inconvénient de la cef-
triaxone est d’imposer une injection intramusculaire. En cas de trouble de l’hé-
mostase, l’injection peut se faire en sous-cutané. La seule contre-indication à ce
traitement est l’allergie aux bêta-lactamines.
44 Les maladies sexuellement transmissibles

Le céfixime s’utilise par voie orale en une prise unique de 400 mg. Il est moins
rapidement efficace que la ceftriaxone et n’a pas été évalué sur le pharynx de
manière exhaustive. Son utilisation chez la femme et l’homosexuel masculin (ris-
que de gonococcie pharyngée) n’est pas conseillée. Quelques échecs cliniques
ont été observés en Asie sur des souches à sensibilité diminuée aux céphalospo-
rines de troisième génération.

Traitement de deuxième intention


Les traitements sont en cas d’impossibilité d’utiliser les céphalosporines de troi-
sième génération du fait d’une allergie aux bêta-lactamines :
n la spectinomycine s’utilise en une injection unique intramusculaire de 2 g. Il
s’agit d’un aminoside avec peu d’effets secondaires et d’un coût modéré.
Cependant, malgré l’absence de résistances, on note environ 10 % d’échecs
probablement par mauvaise biodisponibilité. De plus, la spectinomycine est
totalement inefficace sur les gonococcies pharyngées ;
n la ciprofloxacine s’utilise en une prise orale unique de 500 mg. Son efficacité sur
le pharynx est médiocre. Du fait de la fréquence des résistances (plus de 50 %),
la ciprofloxacine ne peut être utilisée qu’en cas d’allergie aux bêta-lactamines et
après documentation de la sensibilité de la souche par l’antibiogramme ;
n l’azithromycine n’est active dans les gonococcies qu’à des doses élevées (2 g)
mal supportées. Il y a peu de place pour cet antibiotique dans le traitement
des gonococcies sauf, peut-être, pour certaines gonococcies pharyngées,
d’autant que des résistances sont apparues récemment ;
n la pénicilline et les cyclines sont abandonnées.
Sous traitement, l’écoulement urétral se tarit très rapidement en moins de
24 heures, le plus souvent. Un contrôle clinique s’impose à J7. Un contrôle
microbiologique est inutile en cas de traitement par ceftriaxone mais s’impose,
en revanche, en cas d’utilisation d’un autre antibiotique et particulièrement en
cas de localisation pharyngée initiale.

Traitement des partenaires


Quels que soient la nature et les résultats des examens complémentaires prati-
qués chez les partenaires, un traitement antigonococcique systématique doit
leur être administré.

Approche thérapeutique syndromique


Quel que soit le plateau technique à disposition, la sensibilité imparfaite des exa-
mens complémentaires et le risque fréquent de ne pas revoir le patient à une
deuxième consultation imposent l’administration immédiate d’un traitement
antigonococcique, sans attendre les résultats des éventuels examens complé-
mentaires pratiqués, devant toute urétrite avec écoulement, cervicovaginite
mucopurulente ou anorectite. Cette approche thérapeutique est recommandée
par l’OMS dans les pays en voie de développement, mais elle est également
applicable dans les pays développés.
Les examens complémentaires sont, cependant, toujours intéressants pour
documenter, a posteriori, l’épisode et faciliter le traitement des partenaires.
8. Gonococcie 45

Cas particuliers
n L’association fréquente de la gonococcie à une infection concomitante à
Chlamydia trachomatis (environ 20 %) nécessite de systématiquement associer
un traitement antichlamydien à tout traitement antigonococcique.
n Chez la femme enceinte, la ciprofloxacine et la spectinomycine sont contre-
indiquées (ainsi que les tétracyclines).
n Septicémie à gonocoque : traitement long par ceftriaxone, 1 g/jour IM ou IV
pendant 7 à 10 jours.
n Prostatite gonococcique : ceftriaxone, 1 g/jour IM pendant 7 à 10 jours.
n Orchiépididymite gonococcique : ceftriaxone, 500 mg IM dose unique asso-
ciée à un traitement antichlamydien.
n Sujets positifs pour le VIH : traitement standard.

Thérapeutique
Gonococcie génitale non compliquée
Une culture est indispensable ( pharynx et anus chez la femme et l’homosexuel
masculin).
l Ceftriaxone : 500 mg IM – dose unique

l Ou cefixime : 400 mg per os – dose unique

Un contrôle clinique est nécessaire à J7. Un contrôle bactériologique n’est utile


qu’en cas d’échec clinique.
Un contrôle pharyngé à J7 est indispensable si la culture est positive à J0 et le
patient traité par cefixime.

Thérapeutique

Gonococcie génitale non compliquée, sujet allergique aux bêtalactamines


l Spectinomycine : 2 g IM, dose unique
l Ou ciprofloxacine : 500 mg per os, dose unique
Un contrôle clinique est nécessaire à J7. Un contrôle bactériologique est obligatoire
en cas de persistance des symptômes ou en cas de résistance bactériologique. Le
traitement alternatif est alors proposé. En cas d’impossibilité, désensibilisation aux
bêta-lactamines et ceftriaxone.
Un contrôle pharyngé à J7 est indispensable si la culture est positive à J0.

Bibliographie
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9 Chlamydia trachomatis

B. de Barbeyrac, M. Clerc,
O. Peuchant, C. Bébéar

Les chlamydias sont des eubactéries à développement intracellulaire obligatoire


formant une inclusion intracytoplasmique caractéristique. C. trachomatis est en
France le principal agent bactérien responsable d’infection sexuellement transmis-
sible. Le caractère paucisymptomatique de l’infection urogénitale est à l’origine
de la dissémination et des complications observées chez la femme jeune telles
que les salpingites et les grossesses extra-utérines. L’utilisation de plus en plus cou-
rante des tests d’amplification génique autorise le dépistage de l’infection sur des
prélèvements non invasifs, tels que l’autoprélèvement vaginal et l’urine, rendant
le traitement plus précoce et donc limitant les complications possibles.
Sa responsabilité dans les IST en fait un agent prioritaire dans les problèmes
de santé publique. L’évolution souvent chronique de l’infection à Chlamydia sou-
lève la question de la persistance du micro-organisme.

Caractéristiques bactériologiques
La bactérie existe essentiellement sous deux formes, le corps élémentaire (CE) et
le corps réticulé (CR). Le CE adapté au transit extracellulaire est incapable de se
multiplier et constitue la forme infectieuse. Le CR, adapté au milieu intracellulaire,
est non infectieux et constitue la forme métaboliquement active de la bactérie.
Le cycle de développement fait intervenir plusieurs étapes (figures 9.1 et 9.2).
Dans certaines conditions, le cycle de développement est altéré, le CR ne se
transforme pas en CE mais persiste dans une forme altérée, appelée corps aber-
rant. Le terme de persistance correspond à une association bactérie–hôte dans
laquelle la bactérie est viable mais non cultivable.
In vitro, des facteurs induisant la persistance ont pu être identifiés. Il s’agit
d’antibiotiques comme la pénicilline G, de facteurs d’ordre nutritionnel et immu-
nitaire (présence d’interféron gamma (IFN)).
In vivo, les implications sont importantes et contribueraient à l’immunopatho-
génicité de la maladie. Cette notion de persistance a des conséquences sur le dia-
gnostic et le traitement. Les outils de diagnostic permettent généralement de
mettre en évidence la bactérie dans sa forme normale et cultivable et non dans
cette forme aberrante. Seules les techniques de biologie moléculaire permettent
d’identifier la bactérie et de poser le diagnostic. Concernant le traitement, les for-
mes persistantes ne répondent pas aussi bien aux antibiotiques que les formes
normales. En effet, les formes persistantes contiennent des taux réduits de sa prin-
cipale protéine de membrane appelée MOMP (major outer membrane protein),
d’où une diminution du transport des antibiotiques. De plus, la persistance est
une réponse au stress et ces réponses sont connues pour induire une moindre
sensibilité aux antibiotiques des bactéries.
9. Chlamydia trachomatis 47

CE CR
CE N N N
2 8h 3
1 N
N Cellule épithéliale

24 h inclusion N
48 h lyse cellulaire
N 5 4
40 h
N N
CE

CE : N : Noyau CR :
Figure 9.1
Cycle de développement des chlamydias.
CE : corps élémentaire, CR : corps réticulé. Après attachement du CE à la paroi de la
cellule épithéliale (1) et pénétration au sein d’une vacuole (1), le CE se transforme
en CR (2) qui se multiplie (3). Chaque CR néoformé se transforme en CE (4). Les CE
sont libérés lors de la lyse cellulaire (5).

Figure 9.2
Tapis cellulaire de cellules McCoy infectés par C. trachomatis sérovar D.
Les flèches montrent des inclusions intracytoplasmiques contenant des corps
élémentaires marqués par un anticorps fluorescent.

Épidémiologie – dépistage
C. trachomatis est divisée en 19 sérovars selon l’antigénicite de sa MOMP. Les
sérovars A, B, Ba et C sont responsables du trachome, une cause majeure de
cécité dans les pays d’endémie situés dans les zones intertropicales. Les sérovars
D, Da, E, F, G, Ga, H, I, Ia, K responsables d’infections oculogénitales de
48 Les maladies sexuellement transmissibles

répartition mondiale et les sérovars L (L1, L2, L2a et L3) sont des sérovars inva-
sifs, responsables de la lymphogranulomatose vénérienne (cf tableau 9.1).
Les infections oculogénitales à sérovars de D à K sévissent dans la population
générale et touchent les personnes jeunes, particulièrement de 16 à 25 ans. Les
facteurs de risque sont ceux des IST (changement de partenaires, multipartenai-
res, célibat, rapport sexuel non protégé).
Aux États-Unis où la maladie est à déclaration obligatoire, le CDC rapporte un
taux de prévalence de 347,8 cas/100 000 en 2006, soit un accroissement de 5,6 %
comparé au taux de 2005. Au Danemark, la prévalence est de 456 cas/100 000 en
2007. En France, la maladie n’est pas à déclaration obligatoire, les études montrent
des taux variables suivant les populations étudiées, de 6 à 11 % dans les centres de
planning familial, de 1 à 3 % dans les universités de Paris V, Paris X et Bordeaux.
L’enquête NatChla, l’un des volets de l’enquête nationale en population générale
sur la sexualité en France réalisée fin 2005, a montré une prévalence globale de
1,5 % et de 3 % chez les jeunes de 18 à 24 ans. Le réseau de surveillance des labo-
ratoires Rénachla donnent des chiffres de l’ordre de 4 % et qui semblent en aug-
mentation depuis 2005.
À l’heure actuelle, des études sont encore nécessaires pour évaluer les bén-
éfices des politiques de dépistage de l’infection à C. trachomatis. La politique de
dépistage « opportuniste » choisie en France vise à dépister les personnes à ris-
que se présentant spontanément dans les centres médicaux. Il semble que le
dépistage sur le seul critère d’âge, inférieur à 25 ans chez la femme et 30 ans
chez l’homme soit coût-efficace à partir d’une prévalence de 3 %. C’est le cas
dans les CIDDIST, CDAG, centres de planning familial et d’orthogénie.

Manifestations cliniques
C. trachomatis est responsable de cervicite chez la femme et d’urétrite chez
l’homme (tableau 9.1). Cependant, ces infections sont peu ou non symptomati-
ques chez 70 % des femmes et 50 % des hommes.

Tableau 9.1
Manifestations cliniques de l’infection à C. trachomatis
Sérovars Manifestations cliniques Complications
A–C Kératoconjonctivite Trachome cicatriciel, cécité
D–K H : urétrite, proctite Épididymite
F : cervicite, urétrite, proctite Endométrite
Salpingite
Douleurs pelviennes
Grossesse extra-utérine
Périhépatite (syndrome de Fitz-Hugh-Curtis)
Infertilité
H    F : conjonctivite Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter
Arthrite réactionnelle
L LGV –
9. Chlamydia trachomatis 49

Figure 9.3
Urétrite à liquide clair
(C. trachomatis).

Chez l’homme
C. trachomatis est la principale cause d’urétrite non gonococcique ou post-
gonococcique. L’urétrite peut se compliquer d’orchiépididymite chez l’homme
jeune. Dans la majorité des cas, elle se présente comme une urétrite subaiguë
avec un écoulement peu abondant, séreux, spontané ou provoqué à la pression
du canal urétral, se limitant parfois à une simple goutte matinale (figure 9.3).
Dans 15 à 20 % des cas, l’urétrite à C. trachomatis se présente comme une uré-
trite aiguë avec un écoulement abondant, purulent, accompagné de vives brû-
lures mictionnelles et quelquefois d’hémorragies. La période d’incubation peut
aller de 48 heures à plus de 2 mois (12 à 16 jours en moyenne) après le contact
infectant.
Les pratiques homosexuelles peuvent entraîner des proctites aiguës, moins
symptomatiques que celles associées aux sérovars L, et un portage pharyngé
qu’il convient de rechercher.
Le rôle de C. trachomatis dans les prostatites n’est pas clair et l’infection à
C. trachomatis ne semble pas jouer un rôle majeur dans l’infertilité masculine.
Une complication observée préférentiellement chez l’homme mais qui peut se
voir aussi chez la femme est le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter (FLR)
(figure 9.4). Le classique syndrome de FLR consiste en une triade de symptômes,
arthrite, conjonctivite et urétrite. Ce syndrome peut se développer à la suite
d’infections causées par d’autres bactéries colonisant les muqueuses comme les
Yersinia, Shigella, Salmonella… et plus particulièrement chez les patients pos-
sédant l’antigène HLA B27.
Les séquelles d’infection à C. trachomatis chez l’homme, restent mineures et
rares, comparativement à celles observées chez la femme.

Chez la femme
L’infection réalise le plus souvent une cervicite asymptomatique. Elle est la plu-
part du temps de découverte fortuite lors d’un bilan gynécologique systématique
ou à l’occasion d’une consultation motivée par l’apparition d’une urétrite chez le
partenaire. La cervicite varie dans son intensité. Le col est souvent œdématié,
50 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 9.4
Kératodermie plantaire
en clous de tapissier
du syndrome de
Fiessinger-Leroy-Reiter.

congestif et friable. Les femmes ayant une ectopie cervicale sont plus sensibles à
l’infection. Cette localisation cervicale peut s’accompagner d’une localisation
urétrale sans pour autant entraîner des symptômes à type d’urétrite ou de dysu-
rie. Une leucocyturie amicrobienne isolée doit évoquer la possibilité d’une infec-
tion à Chlamydia.
Il est possible que la grossesse augmente le risque d’infection à C. trachomatis
(ectopie cervicale œstrogénique).
De nombreux auteurs ont étudié le rôle possible de l’infection maternelle à
C. trachomatis dans le déroulement pathologique de la grossesse. Des complica-
tions telles que rupture prématurée des membranes, accouchement prématuré,
naissance de bébés de petits poids, retard de croissance in utero ont été sug-
gérées, mais les résultats de ces études sont parfois contradictoires. L’infection
cervicale de la femme enceinte augmente le risque de développer une endomé-
trite post-partum. L’endométrite à C. trachomatis se caractérise par son dévelop-
pement tardif 2 à 6 semaines après la naissance. Ces endométrites tardives
apparaissent chez 22 % des femmes ayant une infection à C. trachomatis contre
5 % chez les femmes non infectées et sont associées à un accouchement par
voie basse.
Le nouveau-né acquiert C. trachomatis principalement lors du passage de la
filière génitale à partir de l’infection cervicale maternelle. Le taux de contamina-
tion du nouveau-né à la naissance est élevé, de 50 à 70 %. Parmi les nouveau-
nés contaminés, plus de 50 % présentent une conjonctivite, environ 20 % une
pneumopathie et les autres restent asymptomatiques.
Les salpingites constituent la complication majeure de la cervicite à
C. trachomatis. L’endométrite précède ou est associée à la salpingite. Il peut
s’agir de salpingites aiguës, subaiguës ou chroniques infracliniques. Ces der-
nières ne sont révélées que par leurs conséquences : stérilité, GEU (grossesse
extra-utérine), douleurs pelviennes chroniques. À partir de l’infection utérotu-
baire, C. trachomatis peut gagner la région périhépatique et provoquer un syn-
drome de Fitz-Hugh-Curtis. La périhépatite est souvent de découverte fortuite
9. Chlamydia trachomatis 51

au cours d’une cœlioscopie effectuée lors d’une salpingite. La symptomatologie


est celle d’une cholecystite aiguë chez une femme jeune.
Chez l’homme et la femme, C. trachomatis est responsable de conjonctivites
isolées par auto-inoculation à partir d’un foyer génital.

Examens de laboratoire
De grands progrès ont été faits ces vingt dernières années concernant la sensibilité
et la spécificité des techniques de détection de l’infection à C. trachomatis. La culture
cellulaire reste la méthode de référence en raison de sa grande spécificité, mais sa
sensibilité médiocre n’en fait pas un bon test de routine. De nombreuses techniques
autres que la culture cellulaire se sont développées dont le principe repose soit sur la
détection des antigènes bactériens, soit sur celle des acides nucléiques (tableau 9.2).

Tableau 9.2
Diagnostic direct de C. trachomatis
Méthodes Temps Avantages Limites
Culture cellulaire 72 h Spécificité, souche Sensibilité 80–85 %
Détection IFD 45 min Simple, test unitaire Sensibilité 75–80 %
antigénique Lecture subjective
Elisa 4 h Automatisation, coût Sensibilité 75–80 %
Test sur membrane 30 min Test unitaire Faible spécificité (test de
confirmation)
Biologie Sonde 2 h Facile à faire Sensibilité 75–80 %
moléculaire
Amplification (PCR 2–4 h Sensibilité    95 % Contamination
temps réel, SDA, Spécificité    99 % Coûteux
TMA, NASBA) Préparation de
l’échantillon
PCR : polymerase chain reaction ; SDA : strand displacement amplification ; TMA : transcription mediated
amplification ; NASBA : nucleic acid sequence based amplification.

Échantillons
Leur type dépend des circonstances et des conditions techniques de diagnostic
(tableau 9.3).
Chez l’homme, symptomatique ou non, le premier jet d’urine remplace avanta-
geusement l’écouvillonnage urétral, douloureux et mal supporté. Cependant, seules
les méthodes d’amplification génique et certains tests antigéniques sont autorisés
sur le premier jet d’urine, alors que sur l’écouvillonnage urétral, il est possible d’utili-
ser toutes les techniques et notamment la culture cellulaire. L’auto-écouvillonnage
du pénis a une moindre sensibilité et ne peut remplacer le premier jet d’urine. Chez
les homosexuels, il est recommandé de pratiquer un écouvillonnage anal qui peut
être réalisé par le patient lui-même et un écouvillonnage pharyngé.
Chez la femme symptomatique, un écouvillonnage de l’endocol est pratiqué
au cours de l’examen gynécologique. On peut y associer un écouvillonnage
52 Les maladies sexuellement transmissibles

Tableau 9.3
Avantages et limites des principaux échantillons urogénitaux
Sexe Échantillons Avantages Limites Techniques
utilisables
Homme Écouvillon urètre Sensibilité Invasif, mal supporté Toutes
Urine Non invasive Sensibilité moindre BM**
Autoprélevé Certains Elisa
Écouvillon pénis Non invasive Sensibilité faible BM
Autoprélevé
Femme Écouvillon col Sensibilité Invasif Toutes
Écouvillon urètre* Sensibilité Invasif Toutes
Urine Non invasif Sensibilité moindre BM
Autoprélevé
Écouvillon vagin Non invasif BM
Autoprélevé
Sensibilité
* Seulement en association avec l’écouvillonnage du col et en cas d’urétrite associée.
** BM : tests de biologie moléculaire avec amplification.

urétral pour augmenter les chances de retrouver la bactérie. En cas de suspicion


d’infection haute, des biopsies d’endomètre ou des trompes et du liquide
recueilli dans le cul-de-sac de Douglas peuvent être prélevés lors d’un examen
par cœlioscopie. Dans le cadre du dépistage de l’infection, l’auto-écouvillonnage
vulvovaginal donne de meilleurs résultats que le premier jet d’urine. Ses caracté-
ristiques (non invasif) en font un test de dépistage de choix.
Les conditions de transport dépendent des techniques utilisées pour le dia-
gnostic. Pour la culture cellulaire, il est nécessaire d’utiliser un milieu de trans-
port permettant la survie de la bactérie, comme le milieu au saccharose
phosphate 2SP ou autres milieux de ce type commercialisés. Pour les techniques
de biologie moléculaire, en particulier pour celles détectant les ARN qui doivent
être stabilisés, un milieu de transport est proposé. Pour les techniques détectant
l’ADN, il est possible de transporter les écouvillons secs.

Culture cellulaire
La culture cellulaire reste la méthode de référence avec une spécificité de 100 %
mais une sensibilité extrêmement variable d’un laboratoire à l’autre en raison de
l’impossibilité de standardiser toutes les étapes. Elle est dans les meilleurs cas de
80 à 90 %, mais elle peut descendre à 50 %. Il faut noter également que cer-
tains prélèvements se révèlent inadéquats pour la culture comme le sperme, les
urines et souvent les liquides péritonéaux et articulaires. Elle est de plus en plus
délaissée au profit de techniques plus sensibles.

Techniques antigéniques
Parmi les tests de détection des antigènes par réaction immunologique, on dis-
tingue le test direct sur frottis et les tests Elisa et apparentés. La spécificité de ces
9. Chlamydia trachomatis 53

tests dépend de la nature monoclonale ou polyclonale des anticorps utilisés et


des antigènes vers lesquels ils sont dirigés, MOMP (spécificité d’espèce) et/ou
LPS (lipopolysaccharide ; spécificité de genre).
Le test direct consiste à étaler l’échantillon prélevé par écouvillonnage sur une
lame. L’examen de la lame, ensuite colorée par des anticorps fluorescents révèle
des CE extracellulaires, exceptionnellement des inclusions, sur un tapis de cellu-
les épithéliales, témoin de la qualité du prélèvement. Ce test présente l’avantage
d’une grande sensibilité pour un observateur entraîné mais son inconvénient
majeur est celui de la subjectivité de la lecture.
L’automatisation de la lecture de la plupart des tests Elisa et apparentés per-
met un résultat objectif. Les inconvénients majeurs de ces tests sont leur man-
que de sensibilité et parfois leur manque de spécificité. Un test de confirmation
devrait être systématiquement pratiqué. Les tests sur membrane ont l’avantage
d’être d’utilisation simple et rapide (30 min), mais ils restent réservés aux prélè-
vements endocervicaux. Récemment, un test rapide, dont la sensibilité a été
améliorée par utilisation d’une technique d’amplification du signal, a été com-
mercialisé. Les premiers essais semblent prometteurs, mais la sensibilité ne
dépasse pas 80 %.

Tests de biologie moléculaire


La sonde d’hybridation sans amplification (Pace 2, Gen-Probe) a été le premier
test moléculaire, largement utilisé avant l’arrivée des tests moléculaires avec
amplification. Ses performances sont celles d’un bon Elisa mais du fait de sa
moindre sensibilité, il n’est pas recommandé pour les prélèvements non invasifs
(urine, auto-écouvillonnage).
Étant données leurs excellentes performances en sensibilité et spécificité, les
tests d’amplification sont les techniques de choix pour le diagnostic et le
dépistage de l’infection à C. trachomatis. Plusieurs tests sont commercialisés utili-
sant des principes différents : PCR et PCR en temps réel (Roche, Abbott, Qiagen),
SDA (strand displacement amplification – Becton Dickinson), TMA (transcription
mediated amplification – Gen-Probe), NASBA (nucleic acid sequence based 
amplification – bioMérieux). Les cibles sont variées, soit des gènes multiples
comme le plasmide cryptique présent en 5 à 10 copies (Roche, Abbott) et l’ARN
ribosomique (Gen-Probe, bioMerieux), soit un gène unique comme le gène
omp1 codant la MOMP (Qiagen). Ces techniques présentent l’avantage d’être
automatisées, ce qui diminue le risque de contamination, et pour certaines, de
détecter plusieurs micro-organismes en même temps comme Neisseria gonor-
rhoeae et dans un avenir proche, Mycoplasma genitalium. Les principaux incon-
vénients sont le coût, la sensibilité aux inhibiteurs, ce qui exige l’utilisation de
contrôle interne et la spécificité de la cible.
En 2006, une baisse importante de la prévalence de l’infection a été décrite en
Suède en raison de l’apparition d’une souche délétée de 377 pb sur son plasmide,
non détectée par les tests utilisant cette cible. Cette souche ne semble pas avoir
diffusé en Europe comme le montre l’ensemble des enquêtes faites dans diffé-
rents pays au cours des années 2006–2008 (une seule souche détectée en France
et en Irlande, trois en Norvège, une dizaine au Danemark). Les industriels concer-
nés ont dû améliorer leur test, généralement en ajoutant une cible supplémen-
taire. Cet incident incite à une surveillance étroite de l’évolution de la prévalence,
54 Les maladies sexuellement transmissibles

ce qui nécessite des systèmes de surveillance opérationnels. Sur un plan biologi-


que, la leçon à retenir est que la variabilité génique peut avoir des conséquences
sur le diagnostic. Il convient de rester vigilant et de contrôler la bonne adéquation
entre les moyens et les caractéristiques des souches circulantes.

Systèmes de typage
L’identification des sérovars de C. trachomatis présente un intérêt épidémio-
logique et au niveau individuel permet de différencier les recontaminations des
rechutes dans la mesure où les deux souches isolées n’ont pas le même sérovar.
Elle peut avoir une application thérapeutique immédiate dans le cadre du dia-
gnostic de la LGV.
Le sérotypage a été réalisé grâce à des anticorps monoclonaux reconnaissant
des épitopes portés par la MOMP. Des techniques de typage, basées sur l’étude du
polymorphisme de restriction du gène omp1 des différents sérovars ont été déve-
loppées et permettent un typage directement dans l’échantillon clinique. De nou-
velles techniques de typage basées sur l’analyse du chromosome entier sont plus
discrimantes et permettent de différencier les souches au sein d’un même sérovar.

Sérodiagnostic
Il consiste en la mise en évidence des anticorps circulants. La technique de réf-
érence reste la MicroImmunoFluorescence (MIF) de lecture difficile. Les techni-
ques immuno-enzymatiques ont l’avantage d’être plus spécifiques, rapides,
automatisées et de lecture objective. Cependant, l’appréciation quantitative
n’est pas bien codifiée.
D’une manière générale, la recherche d’anticorps anti-C. trachomatis n’a pas
la même valeur diagnostique que la mise en évidence de la bactérie. En raison
de la persistance des anticorps des mois, voire des années après l’infection, il est
souvent difficile de distinguer une cicatrice sérologique d’une réelle infection en
évolution.
Dans les infections génitales basses, le sérodiagnostic a peu d’intérêt car l’in-
fection restant superficielle, le taux d’anticorps est faible. En revanche, dans les
infections profondes à C. trachomatis, le sérodiagnostic prend tout son intérêt
étant donné l’accessibilité difficile du site infectieux chez l’homme comme chez
la femme. Un taux élevé d’IgG ou d’Ig totales ( 1/64) est significatif d’une
infection passée ou en cours. Récemment, la recherche d’anticorps anti-hsp
(heat shock protein) 60 spécifiques de C. trachomatis (Chsp60) a été proposée. La
présence d’anticorps dirigés contre les Chsp60 pourrait être un marqueur de
passage à la chronicité et serait donc utile à la prise en charge thérapeutique.
Le sérodiagnostic doit être limité à certaines circonstances cliniques comme
les infections hautes ou disséminées à type d’arthrite, les ulcérations génitales ou
rectales évoquant une LGV, un bilan d’hypofertilité du couple.

Traitement
Sensibilité aux antibiotiques
L’étude de la sensibilité des souches ne se fait pas en routine étant donné la
lourdeur des techniques. Peu d’antibiotiques sont naturellement actifs sur
9. Chlamydia trachomatis 55

C. trachomatis. Parmi les antibiotiques potentiellement actifs, on trouve dans un


ordre d’activité décroissante in vitro, la rifampicine avec les CMI les plus basses,
les tétracyclines, notamment la minocycline et la doxycycline, les fluoroquinolo-
nes les plus récentes (moxifloxacine), les macrolides vrais (érythromycine,
roxithromycine, azithromycine) et certaines fluoroquinolones moins récentes
(ofloxacine, ciprofloxacine).
Les Chlamydia présentent une résistance naturelle aux aminosides, à la vanco-
mycine, aux quinolones de première génération, au métronidazole et à la coli-
mycine. Parmi les -lactamines, seule la pénicilline G et l’amoxicilline présentent
une certaine activité qualifiée de paradoxale puisque la bactérie est dépourvue
de peptidoglycane.
In vivo, la résistance acquise aux antibiotiques chez C. trachomatis est peu
documentée. In vitro, il a été possible de sélectionner des mutants résistants.

Conséquences thérapeutiques
Étant donné les possibilités de transmission sexuelle et de dissémination de l’in-
fection aux voies génitales hautes, il est important de traiter spécifiquement
l’infection à C. trachomatis.
Suivant les recommandations récentes de l’AFSSAPS, le traitement de pre-
mière intention des infections urogénitales non compliquées fait appel à
l’azithromycine en « traitement minute » à la dose de 1 g per os en une seule
prise ou à la doxycycline 100 mg per os, 2 fois/j pendant 7 jours. L’azithromycine
en dose unique, de par sa grande pénétration tissulaire, ses taux sériques bas et
sa longue durée de vie, constitue l’antibiotique de choix en générant moins d’ef-
fets indésirables que la doxycycline, et en assurant une meilleure observance. Les
alternatives thérapeutiques reposent sur l’érythromycine base (500 mg, 2 fois/j
pendant 7 jours) ou l’éthylsuccinate d’érythromycine (800 mg, 4 fois/j pendant
7 jours) ou l’ofloxacine (300 mg, 2 fois/j pendant 7 jours).
Chez la femme enceinte, l’amoxicilline a été proposée mais, à l’heure actuelle,
c’est l’azithromycine qui est recommandé.
Il est indispensable de traiter parallèlement le(s) partenaire(s) et d’avoir des
relations sexuelles protégées pendant le traitement.
Les infections génitales hautes se traitent plus longtemps que les infections
basses, pendant 14 à 21 jours.
La possibilité de persistance de l’infection après traitement justifie la mise en
place d’un contrôle post-thérapeutique par recherche directe de la bactérie à
distance du traitement (5 semaines).

Thérapeutique
Infection non compliquée à Chlamydia trachomatis
l Azithromycine : 1 g par voie orale en dose unique
l Ou doxycycline per os : 100 mg, 2 fois/j pendant 7 jours
56 Les maladies sexuellement transmissibles

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10 Mycoplasmes urogénitaux

C. Bébéar, C. Cazanave,
S. Pereyre, C.-M. Bébéar

Bactéries polymorphes dépourvues de paroi, les mycoplasmes sont responsables


d’infections respiratoires, génitales et d’infections systémiques chez les immuno-
déprimés. Trois espèces isolées des voies génitales ont un pouvoir pathogène
reconnu, Mycoplasma hominis, M. genitalium et Ureaplasma spp. regroupant
deux nouvelles espèces, U. parvum et U. urealyticum (précédemment biovar
1 et 2 de U. urealyticum). Les éléments les plus nouveaux concernent
M. genitalium. Isolé pour la première fois en 1980 chez deux patients atteints
d’urétrite non gonococcique (UNG), c’est un agent reconnu d’infection sexuel-
lement transmissible chez l’homme. Son rôle, de mieux en mieux connu, est
important à préciser en raison des échecs thérapeutiques dont il est responsable.
Les infections génitales à mycoplasmes ne présentent pas de traits cliniques
spécifiques permettant de les identifier. Seul le diagnostic biologique peut en
faire la preuve avec à la fois des difficultés techniques (M. genitalium est difficile-
ment cultivable) et des difficultés d’interprétation (beaucoup d’espèces sont
commensales).

Épidémiologie, habitat
Ureaplasma spp. et M. hominis appartiennent à la flore urogénitale commensale
d’un nombre non négligeable de personnes. Le taux de colonisation varie avec
l’âge, les facteurs hormonaux, la race, le niveau socio-économique et l’activité
sexuelle. Il est plus important chez la femme que chez l’homme. Il peut attein-
dre près de 50 % dans le vagin pour Ureaplasma spp., mais est généralement
inférieur à 10 % pour M. hominis.
Plusieurs études récentes portant sur des populations d’adultes jeunes (25 ans)
rapportent une prévalence de M. genitalium comprise entre 0,8 et 4,1 %. Les
facteurs de risques associés à l’infection à M. genitalium sont un nombre élevé de
partenaires, la durée plus brève d’une relation stable et un plus jeune âge lors du
premier rapport sexuel.

Pouvoir pathogène
Le pouvoir pathogène des mycoplasmes génitaux est souvent difficile à établir.
Des modifications du postulat de Koch ont été proposées. M. genitalium paraît
bien répondre à ces critères (critères épidémiologiques, réponse immunitaire,
réponse au traitement, pouvoir pathogène expérimental).
La pathogénie des infections à mycoplasmes génitaux est mal connue.
M. genitalium et M. hominis possèdent des propriétés d’adhésion. Diverses activi-
tés enzymatiques et la production de certains métabolites expliquent le pouvoir
58 Les maladies sexuellement transmissibles

pathogène de Ureaplasma spp. et de M. hominis. Les trois espèces sont capables


de pénétrer à l’intérieur des cellules.

Infections masculines
M. genitalium et Ureaplasma spp. sont des agents d’UNG non chlamydiennes
(UNGNC), aiguës et chroniques. M. genitalium serait la deuxième cause d’UNG
derrière C. trachomatis. Dix-neuf études cas témoins portant sur 3879 patients
ont été revues par Jensen. Sur les 2069 patients ayant une UNG, 21,1 % étaient
positifs pour M. genitalium en PCR contre 6,7 % dans le groupe témoin sans
UNG. La prévalence de M. genitalium seul, déterminée dans les UNGNC de
15 études, était de 19,2 %, comparée à une prévalence de 28 % pour
C. trachomatis. De plus, M. genitalium était sexuellement transmissible à un taux
similaire à celui de C. trachomatis, mais indépendamment de celui-ci. Un argu-
ment supplémentaire réside dans la survenue d’échecs thérapeutiques. Les tétra-
cyclines, autrefois antibiotiques de choix pour le traitement des UNG, ne le sont
plus dans le cas des urétrites causées par M. genitalium. Des échecs sont aussi
observés avec des traitements monodose par l’azithromycine.
Les Ureaplasma spp. seraient plutôt des agents d’urétrite chronique.
Cependant, une étude récente paraît différencier le rôle pathogène des deux
espèces. U. urealyticum étant détecté en dehors de tout autre pathogène, plus
souvent chez des patients atteints d’urétrite, alors que la présence de U. parvum
serait le témoin d’une simple colonisation.
Ureaplasma spp. et M. genitalium sont par ailleurs des agents d’arthrite
réactionnelle.

Infections féminines
Le rôle des mycoplasmes est moins bien connu dans les infections féminines. Les
espèces les plus impliquées sont M. hominis et M. genitalium.

Vaginose bactérienne
La vaginose bactérienne, caractérisée par un déséquilibre de la flore, s’accompa-
gne dans deux tiers des cas d’une prolifération importante de M. hominis. Celle-
ci peut être le point de départ d’infections des voies génitales hautes
(endométrite, salpingite). Ureaplasma spp. a également été incriminé comme
agent d’endométrite mais pas de salpingite.

Autres infections genitales


Seul M. genitalium joue un rôle dans les cervicites mucopurulentes et les urétrites
féminines. Il a également été mis en cause dans la survenue d’endométrites et
de salpingites aiguës confirmées par cœlioscopie, au cours desquelles il a été
retrouvé au col et dans l’endomètre mais rarement dans les trompes (les femmes
infectées par M. genitalium étaient plus souvent séropositives pour le VIH).

Troubles de la reproduction, infections néonatales


Outre un rôle possible de M. genitalium dans les infertilités tubaires, la fonction
de Ureaplasma spp. et M. hominis a été évoquée dans divers troubles de la repro-
duction (tableau 10.1). L’association la plus plausible concerne Ureaplasma spp.
10. Mycoplasmes urogénitaux 59

Tableau 10.1
Infections à mycoplasmes urogénitaux
Pathologie M. hominis Ureaplasma spp M. genitalium
Infections UNG   
génitales
Épididymites, prostatites   
masculines
Infertilité   ?
Infections Vaginose bactérienne   
gynécologiques
Cervicites   
Endométrites   
Salpingites   
Troubles de la Chorioamniotites   ?
reproduction
Fièvres, endométrites   ?
post-partum
Avortement spontané   ?
Prématurité   ?
Retard de croissance   ?
intra-utérin
Atteintes Faible poids de naissance   ?
néonatales
Infections respiratoires,   ?
neurologiques,
bactériémies, abcès
Maladie pulmonaire   ?
chronique
Infections Arthrites septiques   
extragénitales
Arthrites réactionnelles   
Autres localisations   
  : association certaine, rôle causal démontré ;  : association significative mais rôle causal non démontré ;
 : pas d’association ; ? : rôle inconnu, non déterminé.

et la prématurité. Ureaplasma spp. et M. hominis peuvent provoquer des chorio-


amniotites et bactériémies lors de l’accouchement, susceptibles d’entraîner
des infections néonatales. Elles sont importantes à diagnostiquer en raison des
changements thérapeutiques qu’elles impliquent. Ces dernières, rares, survien-
nent chez des nouveau-nés très prématurés et fortement hypotrophiques.
Ureaplasma spp. a été mis en cause dans la survenue de dysplasie bronchopul-
monaire (maladie pulmonaire chronique), chez le nourrisson sans pour autant
démontrer l’efficacité d’un traitement antibiotique anti-uréaplasme.

Infections systémiques
Ureaplasma spp. et M. hominis sont des agents d’infections chez les immunodé-
primés. Ureaplasma spp. est responsable de près de 40 % des arthrites septiques
survenant chez des sujets hypogammaglobulinémiques tandis que M. hominis a
60 Les maladies sexuellement transmissibles

été isolé lors de bactériémies, médiastinites, infections profondes variées. Le rôle


de M. genitalium est ici très mal connu.

Diagnostic biologique
Seules les méthodes permettant la mise en évidence directe des mycoplasmes
génitaux ou de leur ADN sont utilisables. Les sérologies ne sont pas à recom-
mander dans un but diagnostique.
Ureaplasma spp. et M. hominis peuvent être recherchés par culture, à partir de
prélèvements génitaux ou extragénitaux. La PCR, potentiellement intéressante à
partir de prélèvements extragénitaux comme le liquide articulaire ou le liquide
amniotique, n’est pas standardisée. Des méthodes de PCR en temps réel ont été
décrites mais aucune de ces techniques n’est commercialisée. La culture se fait
sur des milieux liquides et gélosés complexes en 48 heures environ, et doit être
demandée spécifiquement au laboratoire. Différents kits existent pour la
détection et la quantification de Ureaplasma spp. et de M. hominis à partir des
prélèvements génitaux. Leur mise en évidence, significative quand ils sont isolés
d’un échantillon normalement stérile, est plus difficile à interpréter quand il
s’agit d’un prélèvement où ils peuvent être à l’état commensal, même après
quantification. Une appréciation quantitative donne des arguments pour faire la
différence entre état commensal et infection.
Seule la PCR est utilisable pour M. genitalium dont la culture est quasi impossi-
ble. Faute de technique clairement standardisée, elle a surtout à l’heure actuelle
des applications épidémiologiques. Là encore, des techniques de PCR en point
final et surtout de PCR quantitative en temps réel sont rapportées dans la litté-
rature. L’existence de trousses commercialisées devrait permettre de l’utiliser
dans un but diagnostique.

Traitement
Les mycoplasmes résistent aux bêta-lactamines et à tous les antibiotiques agis-
sant sur la paroi bactérienne. Seuls tétracyclines, macrolides et apparentés et
fluoroquinolones récentes sont actifs.
Des résistances acquises aux tétracyclines, sources d’échecs thérapeutiques et
dues à la présence du gène tet M, existent actuellement en France chez 18,7 %
des souches de M. hominis de 2,2 % des souches d’Ureaplasma spp. Bien que de
telles résistances n’aient pas été décrites chez M. genitalium, un nombre non
négligeable d’échecs thérapeutiques ou de rechutes d’UNG ont été observés
après traitement par les tétracyclines.
La situation est plus complexe pour les macrolides et apparentés. M. hominis a
une résistance naturelle aux macrolides ayant un cycle à 14 atomes (érythromy-
cine) ou 15 atomes (azithromycine), mais est sensible à la josamycine. Ureaplasma
spp. est sensible aux macrolides et aux streptogramines, mais résiste aux lincosa-
mides (tableau 10.2). Les résistances acquises aux macrolides sont rares chez
M. hominis et Ureaplasma spp. Des résistances acquises à l’azithromycine, dues à
des mutations de l’ARNr 23S ont été décrites chez M. genitalium et sont à l’origine
d’échecs thérapeutiques par l’azithromycine. Les antibiotiques indiqués dans ces
cas sont les fluoroquinolones, particulièrement la moxifloxacine, très active sur les
mycoplasmes mais potentiellement responsable d’effets secondaires sévères.
10. Mycoplasmes urogénitaux 61

Tableau 10.2
Activité de différents antibiotiques vis-à-vis de M. hominis, Ureaplasma spp. et
M. genitalium*
Antibiotiques M. hominis Ureaplasma spp. M. genitalium
Tétracyclines Tétracycline 0,2–2 0,05–2 0,06–0,12
Doxycycline 0,03–2 0,02–1  0,01–0,3
Macrolides et Érythromycine 32–   1000 0,02–16  0,01
apparentés
Clarithromycine 16–   256  0,004–2  0,01–0,06
Azithromycine 4–   64 0,5–4  0,01–0,03
Josamycine 0,05–2 0,03–4 0,01–0,02
Spiramycine 32–   64 4–32 0,12–1
Clindamycine  0,008–2 0,2–64 0,2–1
Lincomycine 0,2–4 8–256 1–8
Pristinamycine 0,1–0,5 0,1–1  0,01–0,02
Fluoroquinolones Ciprofloxacine 0,5–4 0,1–4 2
Ofloxacine 0,5–4 0,2–4 1–2
Lévofloxacine 0,1–2 0,12–2 0,5–1
Moxifloxacine 0,06–0,12 0,12–0,5 0,03–0,06
Chloramphénicol 4–25 0,4–8 0,5–4
*D’après Bébéar CM et al. Mycoplasmes et chlamydiae : sensibilité et resistance aux antibiotiques. Rev Fr Lab
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L’activité des antibiotiques ne peut être testée en pratique courante que pour
M. hominis et Ureaplasma spp. pour lesquels il existe des kits adaptés disponibles
dans le commerce. Elle est importante à étudier chez les sujets immunodéprimés.

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New York : Mc GrawHill ; 2008, 709-36.
11 Trichomonose

I. Alcaraz, A. Vermersch-Langevin, E. Mazars

Trichomonas vaginalis est un protozoaire flagellé, mobile, extracellulaire, anaérobie.


Parasite strictement humain, il n’existe que sous forme végétative. Il est très sensi-
ble à la dessiccation et meurt rapidement dans le milieu extérieur. Sa transmission
d’un individu à un autre ne peut s’effectuer qu’en milieu humide. L’OMS a évalué
l’incidence de l’infection par Trichomonas vaginalis en 1999 à 173 millions de nou-
veaux cas/an, la classant comme première cause de maladie sexuellement trans-
missible dans le monde. En fonction des régions et des types de populations, la
prévalence de l’infection est très variable mais souvent sous-estimée parce que le
parasite est insuffisamment recherché et que beaucoup de méthodes diagnosti-
ques manquent de sensibilité. On ne possède pas de système de surveillance en
France de Trichomonas vaginalis. L’infection est habituellement bénigne, les com-
plications sont exceptionnelles. Cependant, l’infection est à risque lors de la gros-
sesse, favorisant fausse couche et accouchement prématuré. Son rôle assuré dans
la transmission du VIH a été démontré dans les zones de forte endémie. Le taux de
transmission au cours des rapports sexuels est très élevé surtout de l’homme à la
femme. La transmission non sexuelle est exceptionnelle.

Clinique
Chez la femme
T. vaginalis vit dans les cellules épithéliales squameuses de la paroi antérieure du
vagin, dans les glandes de Skene et l’urètre. Le développement de T. vaginalis est
encouragé par le déséquilibre en œstrogènes qui favorise l’atrophie épithéliale
vaginale, le développement d’un milieu alcalin et la disparition de la flore de
Döderlein. Les contraceptifs oraux semblent jouer un rôle directement protec-
teur. Il est fréquemment associé aux vaginoses bactériennes. L’incubation dure
entre 4 et 28 jours. Dans 15 à 25 % des cas, l’infection est asymptomatique.
Les formes subaiguës sont les plus fréquentes et représentent 60 à 70 % des
cas. Elles donnent des tableaux de vaginite associant des leucorrhées, souvent
des signes d’urétrite, un prurit et sont alors inconfortables. Les leucorrhées sont
plus ou moins abondantes, parfois jaunes ou vertes, quelquefois spumeuses et
malodorantes. La colposcopie peut mettre en évidence des signes de colpite
focale framboisée ou en macules « léopard » dans environ la moitié des cas. Ces
signes ne sont que très rarement perçus à l’examen simple du col. Il n’y a pas
d’atteinte de l’endocol donc pas à proprement parler de cervicite.
Les formes aiguës sont rares, moins de 10 % des cas. Les leucorrhées sont très
abondantes, mousseuses et aérées, jaunâtres, blanchâtres ou verdâtres, avec une
odeur de plâtre frais. Le prurit est intense associé à une dyspareunie, des trou-
bles urinaires tels que cystalgies, brûlures, pollakiurie. Dans ces formes, une
réelle cervicite est possible.
11. Trichomonose 63

Au total, T. vaginalis serait retrouvé dans 10 % des vaginites. Des formes uri-
naires isolées sont possibles, plutôt chez la femme ménopausée. Les complica-
tions sont extrêmement rares : skénite, bartholinite, vaginite emphysémateuse,
endométrite et atteinte des annexes. Au cours de la grossesse, les infections
symptomatiques peuvent entraîner fausse couche, rupture prématurée des
membranes, hypotrophie ou prématurité.

Chez l’homme
L’infection est dans 90 % des cas asymptomatique. Les sécrétions prostatiques
et les mictions pourraient avoir un rôle sur l’élimination partielle de T. vaginalis.
Le parasite est hébergé dans l’urètre, la prostate et sur le prépuce. Les formes
symptomatiques donnent un tableau d’urétrite en général discrète : suintement
discret avec goutte matinale, prurit et méatite inconstants. L’infection par
T. vaginalis touche des hommes en moyenne plus âgés que l’infection par
C. trachomatis. Les complications sont aussi très rares : prostatite, atteinte des
vésicules séminales avec hémospermie, épididymite, orchiépididymite.

Diagnostic
Le diagnostic de certitude biologique repose sur la qualité du prélèvement local. Il
se fait sur un écouvillon stérile imprégné de sérum physiologique qui doit être
acheminé sans délai au laboratoire. Chez la femme, le prélèvement est effectué sur
les leucorrhées et dans le cul-de-sac postérieur. La glaire cervicale doit être prélevée
avant toute toilette intime et tout traitement, avec si possible 24 à 48 heures d’abs-
tinence avant le prélèvement. Le prélèvement peut se faire aussi à l’urètre mais pas
sur les urines où l’examen manque de sensibilité. Chez l’homme, le prélèvement se
fait par recueil de la goutte matinale, à l’urètre antérieur ou peut se faire sur le pre-
mier jet urinaire. L’examen direct des sécrétions à l’état frais se fait après dilution
dans une goutte de sérum physiologique entre lame et lamelle. Il présente une
sensibilité d’environ 60 %, qui varie de, 40 à 80 %, en fonction de la taille de l’ino-
culum, du maintien de l’humidité de l’écouvillon, du délai du transport et de l’ex-
périence de l’observateur (figure 11.1). L’efficacité de cette technique repose sur la

Figure 11.1
Trichomonas vaginalis
(coloration au Giemsa,
flèches).
64 Les maladies sexuellement transmissibles

mobilité du parasite qui a la taille d’un lymphocyte. Parmi les techniques de colora-
tion, l’immunofluorescence à l’acridine orange a la meilleure sensibilité et une
bonne spécificité. La technique de référence est encore la culture sur milieux spéci-
fiques (Roiron ou Diamond) dont la spécificité est de 100 % et la sensibilité supé-
rieure à celle de l’examen direct et des techniques de coloration. Le délai d’attente
est de 3 à 7 jours. La contamination bactérienne peut poser problème. Plusieurs
protocoles ont été publiés pour détecter l’ADN de T. vaginalis par PCR sur prél-
èvement cervicovaginal chez la femme, sur les urines chez l’homme. La sensibilité
apparaît nettement supérieure à celle de la culture avec une spécificité qui reste
proche de 100 %. La répétition des prélèvements augmente encore cette sensibi-
lité. En pratique, aucun réactif n’est actuellement commercialisé en France.

Traitement
Il est consensuel :
®
n métronidazole (Flagyl ) per os : 2 g, dose unique ;
®
n ou nimorazole (Naxogyn ) per os : 2 g, dose unique ;
n ou métronidazole : 500 mg, 2 fois/j per os pendant 7 jours.
La prise d’alcool est déconseillée en raison de l’effet antabuse. Le traitement
du ou des partenaires est indispensable compte tenu de la très forte transmissi-
bilité. Il doit toujours être réalisé simultanément. La guérison est obtenue dans
90 à 95 % des cas.
Les rares échecs peuvent être dus à une sensibilité diminuée au métronidazole.
Les tests de résistance in vitro aux antiparasitaires sont mal corrélés à la réponse
clinique et ne sont plus recommandés. On propose de renouveler une cure de
métronidazole 500 mg 2 fois/j pendant 7 jours, et en cas de nouvel échec : 2 g/j
pendant 3 à 5 jours.
Le tinidazole (Fazigyne 500®) peut avoir une efficacité sur certaines souches
résistantes au métronidazole. Plusieurs protocoles existent. Le plus couramment,
on administre 2 g/j pendant 2 jours. Certains protocoles envisagent des cures
plus longues.
En cas de nouvel échec, on peut proposer de répéter la cure en associant trai-
tement local et per os par métronidazole ; au besoin, la cure est renouvelée cha-
que mois pendant 6 mois sous surveillance neurologique et de l’hémogramme.
Il faut dans tous les cas s’assurer de l’efficacité du traitement du ou de la parte-
naire qui dans ces cas est presque toujours asymptomatique.
Pour la femme enceinte, on ne traite que si l’infection est symptomatique car
alors les phénomènes inflammatoires locaux exposent au risque de fausse cou-
che ou d’accouchement prématuré. Le métronidazole per os dose unique 2 g est
préféré au traitement local dont le taux d’efficacité est inférieur à 50 %. Aucun
effet tératogène humain du métronidazole n’a été démontré à ce jour par les
méta-analyses.
En cas d’allaitement, on privilégie le métronidazole per os dose unique 2 g, en
suspendant l’allaitement 24 heures.
En cas d’allergie aux nitro-imidazolés, il n’y a pas d’alternative thérapeutique
efficace. Le taux de guérison spontané serait d’environ 20 %. Des protocoles de
désensibilisation sont possibles.
11. Trichomonose 65

Thérapeutique
Trichomonose
l Métronidazole per os : 2 g, dose unique
l Ou nimorazole per os : 2 g, dose unique
l Ou métronidazole : 500 mg 2 fois/j per os pendant 7 jours

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12 Syphilis

M. Janier

La syphilis est une maladie transmise sexuellement due à Treponema pallidum


ssp. pallidum, bactérie spiralée non cultivable in vitro dont le génome a été
séquencé (Fraser). Apparue à la fin du xve siècle en Europe, probablement impor-
tée d’Amérique, elle a terrorisé les populations pendant quatre siècles. Depuis le
milieu du xxe siècle, la pénicilline G, à laquelle T. pallidum est toujours très sensi-
ble, a progressivement fait chuter l’incidence de la maladie qui avait presque
disparu à la fin du xxe siècle dans le sillage de la peur du sida. Mais la reprise des
comportements sexuels à risque dans la communauté homosexuelle au début
du xxie siècle a entraîné une épidémie de syphilis précoce dans tous les pays
développés.

Chronologie de la syphilis (figure 12.1)


La classification chronologique de Ricord est toujours très utilisée. Elle distingue
trois phases cliniques successives : 
n la syphilis primaire, définie par le chancre syphilitique ;
n la syphilis secondaire, caractérisée par des manifestations cliniques, cutanées
le plus souvent, au cours de la bactériémie tréponémique :
n la syphilis tertiaire, déterminée par des manifestations cliniques en rapport
avec une réaction granulomateuse organisée autour de quelques tréponèmes :
les gommes syphilitiques cutanées, muqueuses ou viscérales.

TPHA
FTA
NELSON
VDRL
10 ans
J0 J30 J60 3e mois 6e mois 1 an 2 ans
∑If2 ∑III
∑If1

50% ∑I ∑p ∑t

∑ LATENTE (eu sérologique)


atteinte méningée
100%
Tt = BBP Tt long

ÉVOLUTION DES ∑ NON TRAITÉES

Figure 12.1
Chronologie de la syphilis non traitée. � contage ; J0 : 1er jour du chancre ;
Σp : syphilis précoce ; Σt : syphilis tardive ; ΣI : syphilis primaire ; ΣII : syphilis
secondaire ; ΣIII : syphilis tertiare ; f1 : 1ere floraison ; f2 : 2e floraison ;
Tt : traitement ; BBP : Benzathine pénicilline.�����
12. Syphilis 67

Seulement un tiers des patients non traités a des manifestations secondaires et


10 % des manifestations tertiaires. Lorsque l’examen clinique est normal, on
parle de syphilis sérologique (ou latente). La phase primaire étant constante, la
syphilis latente commence après la guérison du chancre ; elle peut être inter-
rompue par la survenue éventuelle des manifestions secondaires et tertiaires. Par
souci de simplification, on peut séparer la maladie syphilitique en deux phases
précoce et tardive. Le délai de 1 an (après le début du chancre) est retenu
comme frontière par la plupart des experts (2 ans pour l’OMS).
La syphilis précoce regroupe la syphilis primaire, la syphilis secondaire (qui
survient toujours dans l’année qui suit le chancre) et la syphilis latente de moins
d’un an d’évolution. Ces différentes formes ont en commun une forte contagio-
sité, un risque négligeable de neurosyphilis parenchymateuse et une possibilité
d’être facilement guéries par une seule injection IM de benzathine–pénicilline G.
La syphilis tardive regroupe toutes les autres formes de syphilis : la syphilis
tertiaire et toutes les syphilis sérologiques évoluant depuis plus d’un an ou d’an-
cienneté indéterminée. Le risque de méconnaître une neurosyphilis parenchy-
mateuse est au centre de la discussion. Les indications de la ponction lombaire
ne sont pas consensuelles. Le traitement doit être renforcé (trois injections de
benzathine–pénicilline G). Le risque de contagion est quasi nul.

Treponema pallidum
Le tréponème pâle (Treponema pallidum ssp. pallidum) est l’agent de la syphilis.
On le trouve en quantité dans les lésions primaires et secondaires, particuliè-
rement dans les lésions muqueuses érosives ou ulcérées. Le génome de
T. pallidum est séquencé mais pas ceux des autres tréponèmes. T. pallidum ssp.
endemicum (agent du béjel), T. pallidum ssp. pertenue (agent du pian) et
T. carateum. Les homologies des deux premiers avec T. pallidum ssp. pallidum
sont telles qu’il est impossible de les différencier morphologiquement, sérologi-
quement ou par PCR.
Lors de l’examen au microscope à fond noir, T. pallidum se déplace par ondu-
lations et mouvements spiralés très caractéristiques. Il convient cependant de
signaler que les spirochètes saprophytes de la cavité buccale peuvent lui ressem-
bler et que l’examen à fond noir est fastidieux et nécessite une technique irré-
prochable et un biologiste expérimenté. Les causes de négativité de l’examen au
microscope à fond noir sont nombreuses (prise d’antibiotiques, application d’an-
tiseptiques, prélèvement hémorragique). L’examen au microscope à fond noir
permet un diagnostic de certitude de la syphilis primaire ou secondaire. De plus,
les résultats sont immédiats. L’immunofluorescence directe anti-T. pallidum est
obsolète. En revanche, les techniques d’hybridation in situ sont intéressantes et
permettent de localiser les tréponèmes dans les tissus (y compris dans le derme
et l’épiderme des syphilis secondaires) plus facilement que la technique argenti-
que de Warthin-Starry, aléatoire et d’interprétation difficile. Quant aux techni-
ques de PCR, elles sont appelées à de grands développements (notamment
pour la mise en évidence de résistance aux antibiotiques). Probablement plus
sensibles que la microscopie à fond noir, elles peuvent être pratiquées de
manière différée sur un écouvillon sec, mais ne permettent pas d’obtenir une
réponse immédiate.
68 Les maladies sexuellement transmissibles

Le tréponème n’est pas cultivable sur gélose. Les souches ne peuvent être
entretenues que sur l’animal de laboratoire (orchite expérimentale du lapin) qui
permet de tester la sensibilité aux antibiotiques mais aussi, exceptionnellement,
d’être utilisé à des fins diagnostiques.

Sérologies de la syphilis
Aucune sérologie n’est spécifique de la syphilis vénérienne, toutes sont croisées
avec les tréponématoses non vénériennes (pian, béjel, pinta), y compris le test d’im-
mobilisation des tréponèmes (Nelson), obsolète et supprimé de la nomenclature.
En pratique, deux types de tests sont utilisés : les tests dits tréponémiques et
les tests non tréponémiques.

Tests dits tréponémiques


Ils utilisent des antigènes tréponémiques : TPHA (treponema pallidum haemag-
glutination), TPPA (treponema pallidum particle agglutination), FTA (fluorescent
treponemal antibody) et une multitude de tests immuno-enzymatiques (EIA). Le
test le plus sophistiqué est l’immunoblot Treponema pallidum. Certains tests peu-
vent être déclinés vers la recherche d’IgM (sans grand intérêt dans l’état actuel
des tests qui manquent encore de sensibilité et de spécificité) : SPHA-IgM, FTA-
IgM, EIA-IgM, immunoblot-IgM. Les tests tréponémiques se positivent dans les
jours qui suivent le début du chancre, de J5 à J10, les plus précoces étant le FTA-
IgM et certains EIA mais il existe toujours une fenêtre sérologique totalement
silencieuse dans les 5 à 10 premiers jours.
La positivité d’un de ces tests signifie une infection tréponémique (vénérienne
ou non), sans préjuger de son ancienneté, de son évolutivité, ni de sa guérison
éventuelle. Le titrage sérologique (donné par la dernière dilution positive) n’est
peu utile, il n’est d’ailleurs pas possible avec les EIA. Il est cependant exigé par la
nomenclature. Tous ces tests ont une très bonne sensibilité sauf dans les pre-
miers jours du chancre. Cependant, même si leur spécificité est proche de
100 %, en cas de très faible prévalence, la valeur prédictive positive peut être
globalement assez mauvaise.

Tests non tréponémiques


Ils utilisent des réactions d’agglutination de particules lipidiques. Le plus utilisé
est le VDRL (venereal disease research laboratory). Il se positive vers le 8e–10e jour
du chancre (quelquefois plus précocement, voire avant les tests tréponémiques).
Les titres du VDRL sont bien corrélés à l’évolutivité de la maladie. Ils sont maxi-
mum 6 à 12 mois après le chancre (syphilis secondaire ou latente) puis dimi-
nuent très lentement avec le temps. En l’absence de traitement, leur
négativation est exceptionnelle. Les syphilis tertiaires à VDRL négatif sont virtuel-
les. Le VDRL quantitatif est utilisé dans la surveillance des syphilis traitées. Sa
négativation (en 1 à 2 ans) dans la syphilis primaire ou secondaire est le meilleur
garant de la guérison de la maladie. Une décroissance des titres d’un facteur 4
(deux dilutions) au 3e–6e mois est satisfaisante. Une augmentation d’un fac-
teur 4 implique de retraiter le patient (recontamination). Dans la syphilis sérolo-
gique (particulièrement si elle est tardive), la décroissance n’est pas codifiée, elle
se fait d’autant plus lentement que la syphilis est ancienne et le titre de départ
12. Syphilis 69

faible. Un VDRL positif isolément est possible en l’absence de toute trépon-


ématose dans de nombreuses circonstances : infections virales et bactériennes,
toxicomanie IV, connectivites, grossesse… Enfin, en excès d’anticorps anticardio-
lipides, le test peut être faussement négatif (phénomène de zone) ; il convient
alors de diluer le sérum pour démasquer la positivité du VDRL, ce que les labora-
toires doivent effectuer lorsque le test tréponémique est positif.
Aucun marqueur, vraiment spécifique et sensible, d’infection active à traiter
n’existe et le diagnostic biologique se doit d’être confronté à la clinique et à l’in-
terrogatoire. Les cas difficiles étant ceux des recontaminations, des syphilis ter-
tiaires, des syphilis congénitales et des taux d’anticorps élevé et persistant,
malgré un traitement adapté ou lors de certaines tréponématoses endémiques.

Syphilis primaire
Elle est définie par le chancre syphilitique qui apparaît au point d’inoculation de
Treponema pallidum quelques jours à semaines après le contact (10 à 90 jours, en
moyenne 3 semaines). L’ulcération est due à des phénomènes de vascularite sep-
tique in situ (phénomène d’Artus), alors que l’infection s’est déjà généralisée (pré-
sence de tréponèmes dans les méninges et le sang dès le stade primaire)
(figures 12.2 et 12.3). Treponema pallidum est capable de traverser une muqueuse,
plus difficilement une peau kératinisée (nécessite une abrasion).

Figure 12.2
Chancre syphilitique du
gland.

Figure 12.3
Chancre syphilitique du
fourreau.
70 Les maladies sexuellement transmissibles

Seules les syphilis transplacentaires ou d’inoculation veineuse sont dépourvues


de phase primaire.
Le chancre syphilitique est typiquement une exulcération (érosion superfi-
cielle), indolore, propre, unique et siégeant sur le versant muqueux des organes
génitaux (sillon balanopréputial, petites lèvres, muqueuse vaginale, col).
L’induration cartilagineuse et débordant l’érosion est un excellent signe clini-
que (chancre induré).
L’adénopathie, non inflammatoire, apparaît 5 à 10 jours après le début du
chancre (volontiers plusieurs ganglions unilatéraux). Cette adénopathie n’est
palpable que si le chancre n’est pas profond (col, rectum).
En fait, tous ces éléments peuvent manquer, en particulier si le délai de
consultation est long et le chancre surinfecté, l’induration peut ne pas être pré-
sente, le chancre peut être profond (avec risque de cicatrice) et douloureux, il
peut siéger n’importe où (non seulement sur le versant cutané des organes
génitaux mais aussi dans la cavité buccale, l’anus, le rectum, voire dans des sites
plus exotiques : menton, sein, pied…). Des chancres multiples sont possibles
simulant parfois un herpès (mais sans vésicule) ainsi que des adénopathies
inflammatoires dues à la surinfection (mais sans bubon).
Devant une ulcération génitale anale (figure 12.4), voire buccale (figure 12.5),
l’important est de traiter comme une syphilis, quels que soient les examens

Figure 12.4
Chancre syphilitique
anal.

Figure 12.5
Chancre syphilitique du
visage.
12. Syphilis 71

complémentaires effectués. En effet, les sérologies restent négatives la première


semaine et la microscopie à fond noir est peu sensible et réservée à des centres
spécialisés.
Dans tous les cas, le chancre disparaît spontanément ne laissant de cicatrice
que s’il est profond. Mais le malade n’est pas guéri pour autant, il entre en
syphilis latente et est exposé aux éventuels accidents secondaires et tertiaires.
Sous traitement, les tréponèmes disparaissent du chancre en quelques heures et
le chancre cicatrise en quelques jours, fonction de sa profondeur. Pour des rai-
sons anatomiques, le chancre passe plus souvent inaperçu chez les femmes et
les homosexuels masculins, chez lesquels la syphilis est volontiers diagnostiquée
en phase secondaire ou sérologique.

Syphilis secondaire
Elle est définie par l’existence de lésions cliniques, essentiellement cutanées,
dues à la dissémination septicémique des tréponèmes. Elle survient chez environ
un tiers des patients non traités au stade primaire.
Une première floraison apparaît vers la 6e semaine, jusqu’à la 10e, parfois
avant même que le chancre ne soit cicatrisé, faite de macules rosées du tronc,
non prurigineuses, passant souvent inaperçues. Elle dure quelques heures à quel-
ques semaines.
Une deuxième floraison parfois intriquée dans la première, est composée
des syphilides papuleuses, vers le 2e–6e mois : papules cuivrées, non prurigineu-
ses, souvent squameuses (collerette de Biett), prédominant sur le visage, le
tronc, les paumes et les plantes, souvent nombreuses et distribuées symétri-
quement (figures 12.6 à 12.9). L’atteinte muqueuse réalise les plaques muqueu-
ses, érosives ou végétantes (plaques fauchées de la langue, fausse perlèche,
condylomata lata péri-anales), très contagieuses (figure 12.10). Une alopécie
temporale est possible. Le polymorphisme clinique (squames, croûtes, ulcéra-
tions, pustules, nécroses) fait discuter selon les cas un psoriasis, un lichen plan,
un parapsoriasis en gouttes, une dermatite séborrhéique, une rosacée, une toxi-
dermie, une virose… Il n’y a, en revanche, jamais de vésicule ni bulle (sauf chez
le nouveau-né).

Figure 12.6
Syphilis secondaire
psoriasiforme.
72 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 12.7
Syphilides palmaires.

Figure 12.8
Syphilides secondaires
du pénis.

Figure 12.9
Syphilides plantaires.

Les signes généraux sont inconstants mais fréquents. Ils peuvent même
exceptionnellement survenir sans qu’il y ait de lésions cutanées ou muqueuses
(ou que celles-ci aient spontanément disparu) :
n polyadénopathies (classiquement occipitales, épitrochléennes) ;
n hépatosplénomégalie ;
12. Syphilis 73

Figure 12.10
Condyloma lata péri-
anales de la syphilis
secondaire.

n hépatite (cholestatique et/ou cytolytique) ;


n fièvre ;
n altération de l’état général ;
n douleurs osseuses (périostite et géodes) ;
n céphalées (évocatrices) ;
n poly-arthralgies, voire polyarthrite.
L’atteinte méningée, très fréquente, est le plus souvent asymptomatique. Elle
peut aussi se manifester par une méningite clinique, voire une atteinte radicu-
laire et des paires crâniennes, une hypertension intracrânienne. La présence de
T. pallidum dans le LCR est fréquente d’ailleurs dès la phase primaire. Les attein-
tes oculaires (uvéite, iridocyclite, choriorétinite), de même que toute anomalie
neurologique, imposent la ponction lombaire qui n’est pas faite systémati-
quement (quel que soit le statut VIH).
Le diagnostic, à ce stade, est facilité par la positivité de toutes les sérologies
(excepté un possible phénomène de zone pour le VDRL). Les titres sont élevés.
L’examen au microscope à fond noir d’une lésion érosive (surtout muqueuse)
permet une confirmation immédiate du diagnostic. Lorsqu’une histologie est
pratiquée devant une dermatose d’origine inexpliquée, une image évocatrice
comporte un infiltrat dermique riche en plasmocytes mais ceci est inconstant
(possibles aspects eczématiforme, psoriasiforme, lichénoïde, pseudo-lymphome
voire vascularite). Les tréponèmes peuvent être mis en évidence plus facilement
par hybridation in situ, coloration de Warthin-Starry ou amplifiés par PCR.

Syphilis tertiaire
Elle est devenue exceptionnelle, mais on voit encore des paralysies générales,
des insuffisances aortiques… La syphilis tertiaire associe à des degrés divers des
lésions :
n cutanéomuqueuses : tubercules dermiques et gommes hypodermiques, peu
nombreux, annulaires, s’ouvrant à la peau, dont l’histologie comporte des
granulomes tuberculoïdes organisés autour de rares tréponèmes ;
n osseuses : ostéochondrite des os longs, ostéite des os plats, effondrement du
palais et des structures nasales ;
74 Les maladies sexuellement transmissibles

n cardiovasculaires : insuffisance aortique, anévrisme calcifié de l’aorte thoraci-


que, coronarite ;
n neurologiques : neurosyphilis.
On a décrit des gommes dans tous les viscères (foie, cœur, poumons…).
Au stade de la syphilis tertiaire, le diagnostic peut être difficile mais les séro-
logies sont positives ; les syphilis tertiaires à VDRL négatif sont exceptionnelles et
ne doivent pas être considérées en pratique. En revanche, les titres des séro-
logies tréponémiques et non tréponémiques peuvent être faibles. Moins de
10 % des syphilis engendrent, en l’absence de tout traitement et après des
années de syphilis latente, des manifestations tertiaires dont les patients sont
susceptibles de mourir. La grande difficulté est de déterminer, en cas de syphilis
latente tardive (ou d’ancienneté indéterminée), en d’autres termes devant une
sérologie syphilitique positive, sans antériorité sérologique et avec un examen
clinique normal, qui doit bénéficier d’une ponction lombaire afin de dépister
une neurosyphilis cliniquement (encore) silencieuse.
Les différentes manifestations de la neurosyphilis (tertiaire) ont en commun
une atteinte méningée, très fréquente, le plus souvent asymptomatique mais
pouvant être associée à une atteinte des nerfs crâniens :
n les syphilis méningovasculaires surviennent assez tôt au cours de l’évolution
(1–12 ans) : accidents vasculaires cérébraux ischémiques, myélites ;
n la paralysie générale est plus tardive (10–15 ans) : démence, dysarthrie, syn-
drome pyramidal ;
n le tabès (ou ataxie locomotrice) est encore plus tardif (15 à 20 ans), la sclérose
des cordons postérieurs de la moelle étant dépistable plus précocement par
de discrètes anomalies de la sensibilité profonde et une abolition des réflexes
rotuliens et achilléens, avant la survenue de douleurs fulgurantes, d’ataxie et
de troubles de l’équilibre ;
n les manifestations oculaires sont possibles, isolées ou associées aux tableaux
neurologiques précédents : signe d’Argyll-Robertson (abolition des photomoteurs
avec myosis, anisocorie et conservation du réflexe d’accomodation–convergence)
(figure 12.11), rétinite, uvéite, névrite optique ;

Figure 12.11
Signe d’Argyll-
Robertson avec
anisocorie.

n àl’examen du LCR, hypercytose modérée (à prédominance lymphocytaire ou


de polynucléaires, voire plasmocytaire) et hyperprotéinorachie sont fréquentes
mais peuvent manquer. Les sérologies tréponémiques (TPHA) sont toujours
positives dans le LCR. Leur négativité élimine le diagnostic de neurosyphilis. En
revanche, leur positivité n’est pas synonyme de neurosyphilis car le TPHA du
12. Syphilis 75

LCR est fréquemment positif dès lors que le TPHA sérique est positif. La positi-
vité du VDRL dans le LCR est considérée, par les experts, comme synonyme de
neurosyphilis mais moins de 25 % des neurosyphilis ont un VDRL positif dans le
LCR. Beaucoup d’index ont été imaginés pour essayer de faire la part entre
anticorps produits in situ et anticorps diffusant du plasma, en utilisant des quo-
tients d’anticorps et de protéines (albumine, IgG). Aucun n’a fait la preuve de
son intérêt en pratique pour affirmer un diagnostic de neurosyphilis. Les diffi-
cultés d’interprétation sont encore plus grandes chez les patients VIH  qui ont
souvent des anomalies du LCR (hypercytose) en l’absence de toute syphilis.

Syphilis et infection VIH


La syphilis précoce a une présentation clinique globalement régulière au cours
de l’infection VIH : tout au plus, on note une plus grande fréquence de chancres
multiples, de concomitance syphilis primaire/syphilis secondaire et de réactions
d’Herxheimer (tendances). L’atteinte neurologique (clinique et anomalies du
LCR) n’est pas plus fréquente. La ponction lombaire n’est donc pas utile sauf en
présence de signes neurologiques ou oculaires patents.
Malgré quelques études discordantes, l’évolution sérologique n’est pas non
plus très différente au cours de l’infection VIH en particulier concernant le VDRL,
permettant une surveillance classique des sérologies. Cependant, des syphilis
secondaires authentiques à sérologies négatives ont été observées.
Concernant la syphilis tardive, l’absence d’études incite à la prudence.
Certains proposent une PL systématique, en particulier si le VDRL est  32 et les
CD4  350/mm3.

Syphilis congénitale
Elle est aujourd’hui exceptionnelle (une dizaine de cas par an en France) tou-
chant les femmes précaires dont la grossesse n’a pas été surveillée (la sérologie
syphililtique est obligatoire lors du premier examen de grossesse). En cas de
facteurs de risque, une deuxième sérologie est recommandée au cours du 3e tri-
mestre. Le passage transplacentaire de T. pallidum s’effectue après le 3e mois.
La syphilis congénitale précoce est l’équivalent de la syphilis secondaire ; elle
se révèle de la naissance à l’âge de 2 ans : signes cutanéomuqueux (éruption
habituelle, pemphigus palmaire, rhinite croûteuse), osseux (ostéochondrite et
périostite), méningés, hépatosplénomégalie, pancytopénie… La mortalité est de
50 % (in utero ou néonatale). Le risque est d’autant plus important que la syphi-
lis maternelle est récente.
La syphilis congénitale tardive est l’équivalent de la syphilis tertiaire ; elle se
révèle après l’âge de 2 ans, volontiers (50 %) asymptomatique : atteinte oculaire
(kératite, iridocyclite, choriorétinite), neurologique (méningite, rarement autre),
auditive (atteinte de l’oreille interne) ; rarement des gommes ou des atteintes
viscérales.
Les séquelles de la syphilis congénitale appelées stigmates, sont la triade
d’Hutchinson (anomalies dentaires avec incisives en piolet, kératite interstitielle
et surdité), les séquelles de la rhinite (nez en lorgnette), celles de la périostite
(anomalies du visage, bosse frontale, tibias en lame de sabre), la perforation
palatine, etc.
76 Les maladies sexuellement transmissibles

Traitement
La quasi-impossibilité d’affirmer la guérison de la syphilis, rendant nécessaire une
surveillance prolongée, ne doit pas laisser la place à des improvisations folklori-
ques. La pénicilline G retard (benzathine-benzylpénicilline G ou BBP [Extencilline®])
n’a pas de challenger sérieux. Son efficacité a été démontrée sur de grandes séries
historiques. Elle fait l’objet d’un très large consensus international, est très facile à
administrer (une seule injection dans la syphilis précoce, trois dans la syphilis tar-
dive), permet une observance maximale. Enfin, son coût est extrêmement bas. Le
seul facteur limitant est la nécessité d’une injection intramusculaire stricte dont le
caractère douloureux est nettement atténué par le mélange à un anesthésique
local. Les alternatives thérapeutiques à la BBP ne sont envisageables qu’exception-
nellement : anomalie de l’hémostase et allergie aux bêta-lactamines.

Syphilis précoce (syphilis primaire, secondaire et latente de moins d’un


an d’évolution) :
n BBP : 1 injection IM de 2,4 millions d’unités, dose unique (avec 1 cc de xylo-
caïne non adrénalinée à 1 %). Garder le patient 30 minutes sous surveillance ;
n alternative (allergie aux bêta-lactamines, anomalies de l’hémostase) : doxycy-
cline 100 mg, 2 fois/j per os pendant 14 jours (non validé en cas d’infection
VIH). Alternative interdite chez la femme enceinte ; chez le patient VIH  et la
femme enceinte : induction de tolérance à la pénicilline ;
n pas de PL sauf en cas de signes neurologiques ou oculaires, quel que soit le
statut VIH ;
n la réaction d’Herxheimer est très fréquente et le plus souvent sans gravité
(fièvre) : prévenir le patient, paracétamol, rarement prednisone en préventif
1/2 mg/kg (femme enceinte, nouveau-né) ;
n surveillance : clinique, VDRL à 3 mois, 6 mois et 1 an. La négativation du VDRL
est le meilleur critère de guérison. Une diminution de 2 dilutions du VDRL à
6 mois est souhaitable. Une augmentation de 2 dilutions fait craindre une
recontamination ; il est alors licite de retraiter le patient.

Syphilis tardive (syphilis tertiaire non neurologique et syphilis latente de


plus d’un an d’évolution) :
n BBP : 1 injection IM de 2,4 millions d’unités/semaine pendant 3 semaines ;
n l’alternative par la doxycycline 100 mg, 2 fois/j per os pendant 28 jours, en
cas d’allergie aux bêta-lactamines, n’est pas optimale. Beaucoup préfèrent un
traitement par BBP après désensibilisation à la pénicilline ;
n indication de la ponction lombaire :
l toute anomalie neurologique ou oculaire,

l patients en échec clinique et/ou sérologique (non consensuel),

l patients traités par la doxycycline (théorique),

l patients VIH  (pour certains), surtout si les CD4 sont  350/mm3 et le


VDRL  32 (pour beaucoup),
l patients ayant une syphilis tertiaire non neurologique (bilan d’extension) ;
12. Syphilis 77

n la réaction d’Herxheimer est rare mais ses conséquences peuvent être graves
(aggravation neurologique). Sa prévention doit être envisagée systémati-
quement chez les sujets âgés ;
n la décroissance des titres du VDRL n’est pas codifiée et la négativation
exceptionnelle.

Neurosyphilis
n pénicilline G intraveineuse : 20 millions d’unités/j pendant 10 à 15 jours ;
n aucune alternative thérapeutique ;
n désensibilisation en cas d’allergie aux bêta-lactamines ;
n ponction lombaire de contrôle à 6 semaines puis éventuellement à 3–6 mois
si des anomalies persistent.

Thérapeutique
Syphilis précoce
Benzathine pénicilline G : 1 injection IM de 2,4 millions d’unités, dose unique
(avec xylocaïne non adrénalinée 1 % 1 cc).

Thérapeutique
Syphilis précoce et allergie aux bêta-lactamines (hors
����������������������
grossesse)������
Doxycycline 100 mg, 2 fois/j per os pendant 14 jours
Cette recommandation n’est pas validée en cas d’infection VIH pour laquelle nous
préconisons la désensibilisation à la pénicilline.

Thérapeutique
Syphilis latente tardive
Benzathine pénicilline G : 2,4 millions d’unités, 1 injection IM/semaine pendant
3 semaines.

Thérapeutique
Neurosyphilis
Pénicilline G intraveineuse : 20 millions unités/j pendant 10 à 15 jours.
Il n’y a aucune alternative thérapeutique.
78 Les maladies sexuellement transmissibles

Thérapeutique
Syphilis tertiaire non neurologique
Benzathine pénicilline G : 2,4 millions unités, 1 injection IM/semaine pendant
3 semaines.

Bibliographie
Herida M et al. L’épidémiologie des infections sexuellement transmissibles en France. Med Mal
Infect 2005 ; 35 : 281-9.
Janier M et al. Syphilis précoce. Ann. Dermatol Vénéréol 2006 ; 133 : 2S 19-23.
Janier M et al. Syphilis tardive. Ann. Dermatol Vénéréol 2006 ; 133 : 2S 24-7.
Janier M, Caumes E. Syphilis. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). 8: 039-A10. 2003.
Janier M. Thérapeutique. La syphilis (excepté la syphilis congénitale). Ann Dermatol Vénéréol
1999 ; 126 : 625-8.
Rolfs R et al. A randomized trial of enhanced therapy for early syphilis in patients with and
without HIV infection. N Engl J Med 1997 ; 337 : 307-14.
13 Chancre mou

E. Caumes

Le chancre mou peut être observé au retour de voyages dans certaines régions
tropicales ou apparaître de façon sporadique au gré de petites épidémies.

Épidémiologie
Le chancre mou est dû à une bactérie, Haemophilus ducreyi. Le terme de chan-
crelle est obsolète.
Il est endémique dans de nombreux pays tropicaux, en Afrique noire, en Asie
et en Amérique latine. Il est plus fréquent chez l’homme que chez la femme.

Clinique
La période d’incubation est courte (3 à 7 jours). La lésion génitale est plus sou-
vent localisée sur la peau que sur la muqueuse génitale. La papule initiale se
transforme très rapidement en pustule puis en une ulcération, classiquement
décrite comme profonde, sale, purulente et douloureuse, en opposition au chan-
cre syphilitique.
La lésion génitale est associée dans près de 50 % des cas à un bubon inguinal
fait d’adénopathies satellites, le plus souvent unilatérales, très inflammatoires,
évoluant spontanément vers la fistulisation à la peau qui se fait classiquement en
un seul pertuis (figure 13.1).
Les complications principalement observées sont un phimosis chez l’homme
et une perte de substance cutanée (ulcère phagédénique).

Figure 13.1
Chancre mou avec bubon inguinal.
80 Les maladies sexuellement transmissibles

Diagnostic positif
Le prélèvement est pratiqué sur les berges de l’ulcération cutanée et à partir du
pus aspiré du bubon. L’examen direct met en évidence, par la coloration de
Gram (positif dans 50 % des cas quand il est comparé à la PCR), des bacilles
Gram négatif (coloration bipolaire), caractéristiques quand ils sont regroupés en
chaîne de bicyclette ou en banc de poissons (figure 13.2). La culture (positive
dans 60 à 80 % des cas) est considérée comme la technique de référence, mais
elle est difficile et ne peut être pratiquée que dans des laboratoires spécialisés,
comme la PCR, technique la plus sensible.

Figure 13.2
Examen direct (bleu de méthylène).
Bacilles à coloration bipolaire évocateurs d’Haemophilus ducreyi (flèches).

Traitement
L’azithromycine (1 g per os) et la ceftriaxone (250 mg IM) offrent l’avantage
d’être efficaces en traitement minute, seulement recommandé chez des patients
chez lesquels un suivi clinique peut être assuré. Les alternatives sont la cipro-
floxacine (1 g/j per os pendant 3 jours) ou l’érythromycine (2 g/j per os pendant
7 jours). L’association triméthoprime–sulfaméthoxazole n’est plus utilisée.
Le traitement du bubon consiste à aspirer, à l’aiguille, son contenu, de façon
itérative, jusqu’à son affaissement chez un malade mis au repos. Toute interven-
tion chirurgicale est inutile et peut être dangereuse.
Le suivi doit être jugé sur l’évolution clinique de l’ulcération génitale et non pas
sur celle du bubon. L’ulcération s’améliore dans les trois jours et une re-épithélisation
apparaît dans les 7 jours suivant le début du traitement. La durée de cicatrisation,
variable selon la taille de l’ulcère, peut aller jusqu’à plus de 2 semaines.
Une co-infection par Treponema pallidum ou un herpès doit être éliminée
(chancre « mixte », 10 % des cas).
Les partenaires sexuels des 10 jours précédant l’apparition des symptômes
doivent être traités même en l’absence de symptômes (portage asymptomati-
que d’Haemophilus ducreyi prouvé).
13. Chancre mou 81

Thérapeutique
Chancre mou
l Azithromycine : 1 g per os en une seule prise
l Ou ceftriaxone : 250 mg IM en une seule injection
l Ou ciprofloxacine : 500 mg, 2 fois/j per os pendant 3 jours
l Ou érythromycine : 2 g/j per os pendant 7 jours

Bibliographie
Caumes E et al. Chancre mou. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133 ����������������:��� 2S :
��� ���������������
31-2.
Lewis DA. Chancroid: clinical manifestations, diagnosis, and management. Sex Transm Infect
2003 ; 79 : 68-71.
Sehgal VN, Srivastava G. Chancroid : contemporary appraisal. Int J Dermatol 2003 ; 42 :
182-90.
14 Donovanose
(granulome inguinal)

E. Caumes

La donovanose est une maladie tropicale, rare, limitée à certains pays mais pou-
vant être observée en France métropolitaine chez des voyageurs, aux Antilles et
en Guyane française.

Épidémiologie
Elle est causée par Klebsiella granulomatis (anciennement dénommée
Calymmatobacterium granulomatis), transmise sexuellement mais aussi par auto-
inoculation et contamination fécale. La maladie est plus fréquente chez l’homme
que chez la femme.
Elle est maintenant principalement observée en Afrique du Sud, Inde, Australie
(aborigènes), Papouasie-Nouvelle-Guinée, Caraïbes et Brésil.

Clinique
La durée d’incubation est inférieure à 50 jours (3 à 40 jours chez 92 % des
patients).
C’est d’abord une papule puis une ulcération génitale, granulomateuse, à
fond propre, indolore, d’évolution chronique et avec des bordures en relief (leis-
hmaniose génitale) (figure 14.1). Il n’y a pas d’adénopathie satellite. Les localisa-
tions sont principalement génitales (90 %) ou inguinales (10 %), extragénitales
(6 %) exceptionnellement anales (chez les homosexuels). Des formes pseudo-
néoplasiques sont décrites (évolution locale granulomateuse).

Figure 14.1 
Donovanose de la
fourchette vulvaire.
14. Donovanose (granulome inguinal) 83

Des complications régionales peuvent survenir à type de lymphœdème


génital, de mutilation génitale ou de carcinome (0,25 %).
Des formes septicémiques ont été décrites avec diffusion osseuse, hépatique,
pulmonaire à la suite d’actes chirurgicaux ou d’accouchements.

Diagnostic
Des corps de Donovan sont mis en évidence dans le frottis d’un broyat d’ulcé-
ration génitale ou périnéale coloré au Giemsa chez 60 à 80 % des patients consi-
dérés, sur des éléments cliniques, comme atteints de donovanose. La culture, la
PCR et les sérologies ne sont pas de pratique courante.

Traitement
Le traitement de première intention est un macrolide, soit azithromycine per os
(1 g/semaine pendant 3 à 4 semaines, 500 mg/j pendant 1 semaine), soit
érythromycine per os (2 g/j en 4 prises quotidiennes) pendant une durée mini-
male de 21 jours. Les fluoroquinolones (ofloxacine, ciprofloxacine) peuvent aussi
être utilisés pendant au minimum 2 à 3 semaines.

Thérapeutique
Donovanose
l Érythromycine : 500 mg, 4 fois/j per os pendant 21 jours
l Ou azithromycine : 1 g per os par semaine pendant 4 semaines
l Ou ofloxacine : 200 mg, 2 fois/j per os pendant 21 jours
l Ou ciprofloxacine : 500 mg, 2 fois/j per os pendant 21 jours

Bibliographie
Caumes E et al. Donovanose (granulome inguinal). Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133 : 2S35.
O’Farrell N. Donovanosis. Sex Transm Infect 2002 ; 78 : 452-7.
Richens J. Donovanosis (granuloma inguinale). Sex Transm Infect 2006 ; 82 : 21-2.
15 Lymphogranulomatose
vénérienne

B. de Barbeyrac, F. Juguet,
M. Clerc, C. Bébéar

La lymphogranulomatose vénérienne (LGV) ou maladie de Nicolas et Favre est


une maladie vénérienne fréquente dans les régions tropicales et subtropicales,
exceptionnelle dans les pays industrialisés jusqu’à ces dernières années. Une
recrudescence de l’infection anorectale chez les homosexuels est en cours en
Europe notamment chez les patients séropositifs pour le VIH. Elle est due aux
sérovars L1, L2, L2a et L3 de C. trachomatis qui possèdent un tropisme lymphati-
que. La LGV est une maladie systémique chronique dont le point de départ est
une ulcération génitale souvent méconnue, révélée par deux tableaux cliniques
principaux, l’adénite inguinale et la rectite aiguë. Le diagnostic différentiel doit
éliminer les autres causes d’ulcérations génitales ou anorectales, une néoplasie
et une maladie de Crohn. Un traitement à base de cyclines, précoce et prolongé,
permet la guérison.

Épidémiologie
La LGV sévit de manière endémique dans les zones tropicales et subtropicales
incluant les Antilles, l’Amérique latine, le Sud-Est asiatique, l’Inde, la Papouasie-
Nouvelle-Guinée, l’Afrique noire. Son incidence et sa prévalence sont très mal
connues et la proportion des ulcérations génitales attribuées à C. trachomatis
varie de moins de 1 % à 10 %.
Elle était exceptionnelle dans les pays industrialisés (Europe, Etats-Unis) jus-
qu’en 2003. La plupart des cas étaient importés et des cas sporadiques ont été
rapportés en France (27 cas à Paris de 1981 à 1986). Aux États-Unis, l’incidence
était de 0,1/100 000 en 1994. Des cas groupés ont été signalés à Rotterdam
courant 2003. À la suite de l’alerte européenne donnée début 2004, de nom-
breux pays ont lancé des campagnes de surveillance et l’épidémie a été identi-
fiée à Hambourg, Paris, Londres, Stockholm, Vienne et Zurich suivis par
l’Amérique du Nord et l’Australie. Fin 2008, la France comptait 725 cas. Malgré
les campagnes d’information, le nombre de cas ne cesse d’augmenter
(figure 15.1). Les souches circulantes sont de type L2. La mutation décrite par
les Hollandais dans leur souche appelée L2b a été retrouvée dans les souches
identifiées en France, Allemagne, Autriche, Canada et Australie.
La surveillance organisée sur le territoire français a permis d’observer la pré-
sence de rectite à C. trachomatis de sérovars autres que L. Sur l’ensemble des
échantillons rectaux analysés au CNR depuis le début de l’épidémie, un tiers des
15. Lymphogranulomatose vénérienne 85

174
180 170
160 LGV : 725
Non LGV : 316 140
140
Nbre de souches

120 117
102
100 83
80 70 76
60 54 Figure 15.1 
40 Courbe de l’évolution
19 26
20 3 3 4 des anorectites à
0 C. trachomatis en
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 France.

souches sont de sérovars Da (10 %), G (9,5 %), J, E et F (cf. figure 15.1). Dans


11 cas, des souches L2 ont été isolées d’échantillons d’autres origines (urine,
urètre, ulcération et ganglion) toujours chez des hommes.

Clinique
La symptomatologie de la LGV est assez riche, sensiblement différente selon le
sexe et attribuable à l’atteinte lymphatique et ganglionnaire. L’évolution de la
maladie se fait classiquement en trois phases :
n la maladie débute par un chancre génital, 1 à 3 semaines après le contage,
qui passe inaperçu dans plus de 50 % des cas. La lésion primaire est transi-
toire, souvent minime à type de papule ou de pustule indolore, parfois herpé-
tiforme. Elle se situe dans la région anogénitale, chez l’homme dans le sillon
balanopréputial, sur le fourreau, à l’orifice urétral, sur le scrotum et chez la
femme, sur les grandes lèvres, sur la paroi postérieure du vagin et occasion-
nellement sur le col. Des lésions extragénitales, anorectales et pharyngées
sont possibles suivant le mode de contamination ;
n la phase secondaire est celle de l’adénite inguinale, le plus communément
unilatérale (dans deux tiers des cas) et la rectite aiguë. L’existence d’un chan-
cre étant exceptionnellement un motif de consultation, la LGV est révélée par
ces deux tableaux cliniques :
l l’adénite (figure 15.2) survient quelques jours à quelques semaines (10 à
30 jours), rarement des mois, après le chancre et atteint un ou plusieurs
ganglions inguinaux et/ou fémoraux. Quand plusieurs ganglions sont impli-
qués, ils peuvent fusionner pour former un bubon ulcéré et fistulisé à la
peau réalisant une poradénite en « pomme d’arrosoir ». Quand un ganglion
fémoral et un ganglion inguinal sont impliqués, ils sont séparés par un sillon
réalisant le classique signe de la poulie de Greeblatt, très évocateur mais
inconstant (15 à 20 % des cas) (figure 15.3). Chez la femme, les lésions
secondaires passent souvent inaperçues et la femme consulte pour un syn-
drome génito-anorectal caractérisé par des décharges anales sanguinolentes
et mucopurulentes dues à l’ouverture des ganglions périrectaux,
l la rectite aiguë (figure 15.4) se manifeste par un ténesme, des douleurs rec-
tales et parfois un écoulement mucopurulent. Elle peut être spectaculaire en
anuscopie avec des ulcérations creusantes, une muqueuse erythémateuse,
un enduit purulent, et avec parfois des adénopathies périrectales palpables,
86 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 15.2 
Adénopathie inguinale.

Figure 15.3 
Adénopathie inguinale avec signe de
la poulie caractéristique.

d’allure pseudo-tumorale. Cet envahissement lymphatique s’accompagne


de manifestations générales, fièvre, érythème polymorphe ou noueux, arth-
rite. Les atteintes anorectales peuvent être plus modestes, avec des ulcéra-
tions anales non spécifiques ou une simple rectite érythémateuse ;
n la phase tertiaire se caractérise par des lésions fibreuses génitales avec possibi-
lité d’anorectite sténosante et proliférante, de fistules rectovaginales et de rétré-
cissement inflammatoire du rectum. En l’absence de traitement, cette évolution
peut se compliquer d’une destruction du tissu lymphatique, responsable d’un
15. Lymphogranulomatose vénérienne 87

Figure 15.4 
Rectite érythémateuse
d’aspect non
spécifique.

Figure 15.5 
Adénopathie inguinale
ulcérée associée à un
lymphœdème vulvaire
(esthionème).

lymphœdème génital (éléphantiasis). Chez la femme, c’est l’esthionème vul-


vaire (figure 15.5), hypertrophie granulomateuse des grandes lèvres et des par-
ties molles de la vulve et de l’anus, symétrique ou non. Chez l’homme, c’est
l’éléphantiasis du scrotum et du pénis.

Diagnostic
Diagnostic différentiel
Au stade de chancre génital, le diagnostic différentiel se fait avec les autres causes
d’ulcération génitale : syphilis, herpès génital, chancre mou et donovanose. Au
stade de l’adénopathie, le diagnostic se discute avec le bubon du chancre mou
(souvent unique, très inflammatoire, fistulisant à la peau par un seul pertuis, asso-
cié constamment à un chancre mou non induré, sale, multiple, douloureux, rame-
nant un pus franc), une syphilis, une donovanose, les adénopathies de la
88 Les maladies sexuellement transmissibles

mononucléose infectieuse, de la maladie des griffes du chat, les localisations ingui-


nales des mycétomes, de l’histoplasmose africaine et de la tuberculose.
Devant une rectite, le diagnostic différentiel essentiel est une atteinte rectale
de la maladie de Crohn, dans une moindre mesure une gonococcie et un herpès
rectaux. Devant des lésions anorectales ulcérées, il faut également penser aux
associations diagnostiques, les co-infestations étant fréquentes en particulier
chez l’homme homosexuel VIH positif.

Diagnostic bactériologique
Recherche directe
Le chancre indolore étant souvent méconnu, le prélèvement consiste en une
ponction du ganglion. Dans le cas d’une localisation anorectale, on effectue un
écouvillonnage anal (au mieux sous anuscopie) ou rectal. Les techniques de dia-
gnostic sont les mêmes que celles utilisées pour le diagnostic d’une infection
génitale à C. trachomatis. La culture cellulaire a une bonne sensibilité car les sou-
ches de sérovars L sont très virulentes. Pour les écouvillons anaux, les méthodes
d’amplification sont recommandées. Devant un résultat positif, seul le typage de
la souche permet d’affirmer le diagnostic. Il se fait par génotypage moléculaire
du gène omp1 codant la MOMP (major outer membrane protein). Cette protéine
porte les épitopes antigéniques définissant les sérovars. Cette technique effec-
tuée au CNR est basée sur l’étude du polymorphisme de restriction du gène
omp1 amplifié par PCR directement à partir de l’échantillon.

Sérodiagnostic
Les sérovars L étant invasifs, les titres sérologiques des IgG et des IgA sont en
général très élevés  1/512), ce qui chez un homme ayant une recherche
directe positive est très évocateur d’une LGV.

Traitement
La LGV se traite par doxycycline à 100 mg, 2 fois/j pendant 21 jours ou érythro-
mycine 500 mg, 4 fois/j pendant 21 jours. Les rectites doivent être traitées par
doxycycline (100 mg 2 fois/j pendant 7 jours) et ceftriaxone (250 mg IM), sou-
vent associé à du valaciclovir (1 g/j) en attendant les résultats du laboratoire. Si
l’anorectite à C. trachomatis est confirmée, le traitement par doxycycline est de
7 jours et si le sérotypage identifie une souche de sérovar L, le traitement est
poursuivi 21 jours ou aussi longtemps que les symptômes d’anorectite persis-
tent. L’azithromycine 1 g, 1 fois/semaine pendant 3 semaines, a été proposée.
Les ulcérations génitales étant un facteur de risque d’acquisition d’une autre IST
et vu le contexte épidémiologique, il est justifié de pratiquer une sérologie VIH
et de la syphilis. Les complications tardives, comme le rétrécissement rectal,
peuvent être améliorées par le traitement antibiotique qui réduit l’inflammation
mais ne corrige pas les méfaits de la fibrose. Les fistules anales ou rectovaginales
et l’esthionème exigent un traitement chirurgical.
Les partenaires doivent être examinés et, en l’absence de symptômes, un trai-
tement par 1 g d’azithromycine en une seule fois ou à base de cyclines pendant
7 jours peut leur être proposé.
15. Lymphogranulomatose vénérienne 89

Thérapeutique
Lymphogranulomatose vénérienne
l Doxycycline : 100 mg, 2 fois/j per os pendant 21 jours
l Ou érythromycine : 500 mg 4 fois/j per os pendant 21 jours

Bibliographie
Caumes E et al. Lymphogranulome vénérien (maladie de Nicolas-Favre). Ann Dermatol
Vénéréol 2006 ; 133 : 2S33-4.
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McLean CA et al. Treatment of lymphogranuloma venereum. Clinical Infectious Diseases
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 : S147-S152.
16 Herpès génital

J. Le Goff, B. Halioua,
B. Milpied, O. Chosidow

Les infections dues aux virus herpès simplex hominis de type 1 (HSV-1) et de
type 2 (HSV-2) comptent parmi les infections virales humaines les plus fré-
quentes. Ces virus enveloppés à ADN double brin appartiennent à la famille
Herpesviridae et partagent 50 % d’homologie génétique. Ces deux virus sont
principalement responsables d’infections cutanéomuqueuses. Schématiquement,
HSV-1 est généralement responsable de l’herpès orofacial et HSV-2 de l’herpès
génital ; chaque type viral peut cependant être la cause de l’une des deux for-
mes cliniques. Ces virus peuvent être aussi associés à des infections sévères sys-
témiques chez les patients immunodéprimés (transplantation, infection VIH) ou
dans des conditions particulières (grossesse, prédisposition génétique pour
l’encéphalite herpétique).
La prévalence de l’infection HSV-2 est élevée dans les pays en développement,
en particulier en Afrique subsaharienne, où la prévalence dans la population
générale adulte varie en fonction des pays entre 30 et 80 % chez les femmes et
10 à 50 % chez les hommes. Dans les pays industrialisés, la séroprévalence est
plus faible entre 5 et 30 %, mais a connu une augmentation de l’ordre de 30 %
ces vingt dernières années. En France la dernière enquête nationale de séropré-
valence montre des fréquences de 65 % et 15 % pour les infections HSV-1 et
HSV-2 respectivement.

Physiopathologie
La physiopathologie des infections HSV-1 et HSV-2 est similaire. Le premier
contact avec le virus est associé à une multiplication virale locale associée ou
non à des signes cliniques. Alors que la réponse immune innée non spécifique
contrôle la réplication virale localement, le virus infecte les terminaisons nerveu-
ses des neurones sensitifs. Les nucléocapsides virales sont alors acheminées par
voie rétro-axonale jusqu’au noyau neuronal des ganglions sensitifs locoré-
gionaux correspondants au territoire de la porte d’entrée de l’infection (gan-
glion de Gasser pour une infection orofaciale, ganglions sacrés pour les
infections génitales). À cet endroit, le virus persiste dans un état de latence avec
une expression des gènes herpétiques limitée aux ARN LATs (latency associated
transcripts) et sans production de virions permettant au virus d’échapper à la
surveillance immunitaire. Au cours de stimulus divers (stress, exposition solaire,
traumatismes, menstruation, fièvre) dont les mécanismes précis restent encore
incertains, le virus peut se réactiver. Les nouveaux virions produits regagnent les
territoires cutanéomuqueux initialement infectés par voie axonale centrifuge.
Ces réactivations peuvent être symptomatiques ou asymptomatiques. Ces cycles
16. Herpès génital 91

alternant les états de latence et de réactivations virales persistent tout au long de


la vie de l’individu infecté.

Épidémiologie
L’herpès génital est une maladie sexuellement transmissible extrêmement
répandue et en progression ; elle concerne actuellement au moins 2 millions d’in-
dividus en France. L’infection herpétique représente la cause la plus fréquente des
ulcérations génitales dans le monde. La réduction de la prévalence de l’herpès
génital figure parmi les objectifs de santé publique définis suite à un rapport
publié en 2002 par le Haut Comité de la santé publique. Il est plus souvent asso-
cié au virus HSV-2. Dans les pays industrialisés, une part croissante des ulcérations
génitales est liée au virus HSV-1. L’amélioration des conditions socio-économiques
et de l’hygiène dans les pays industrialisés a entraîné une diminution importante
des cas de primo-infection herpétique orofaciale à HSV-1 dans l’enfance. En
conséquence, de nombreux adolescents, qui n’ont pas encore été en contact
avec le HSV-1, peuvent l’acquérir au moment de leurs premiers rapports sexuels
(acquisition génitogénitale ou orogénitale). Par exemple, l’infection génitale par
le HSV-1 représente désormais jusqu’à 50 % des causes d’ulcération génitale dans
certains centres médicaux au Royaume-Uni. La moyenne dans les pays déve-
loppés se situe entre 5 et 30 %. En France, une seule étude prospective a évalué
la fréquence de HSV-1 chez des patients se présentant dans un centre de mala-
dies sexuellement transmissibles, avec une symptomatologie compatible avec des
lésions herpétiques. Les résultats de cette enquête montrent une fréquence
élevée du virus HSV-1 dans les cas de premier épisode clinique (23 %) et de
primo-infection (61 %) d’herpès génital, et a contrario, la place prépondérante
(98 %) du virus HSV-2 dans les récurrences cliniques (Janier).
Environ 75 à 90 % des individus séropositifs pour l’herpès de type 2 mécon-
naissent leur statut sérologique, alors que la plupart ont une réplication virale
asymptomatique. L’excrétion génitale asymptomatique du virus est considérée
comme le moment de l’histoire naturelle de la maladie herpétique au cours
duquel a lieu la plupart des cas de transmission sexuelle ou néonatale. La popu-
lation sexuellement active infectée par le HSV-2 qui n’a pas été diagnostiquée
constitue donc un réservoir de la transmission du virus.
Au sein des couples sérodiscordants, le risque d’acquisition de l’infection par
le partenaire non infecté semble plus important au début de la relation, en parti-
culier au cours de la première année et chez la femme. Le risque de transmission
ne peut toutefois être totalement écarté, même après plusieurs années.

Clinique
Les infections herpétiques sont souvent asymptomatiques, aussi bien le premier
contact infectant que les réactivations.

Primo-infection herpétique génitale


Le terme de primo-infection est généralement réservé au premier contact avec
un des deux virus HSV-1 ou HSV-2. Lorsqu’il s’agit du premier contact avec un
type chez un individu préalablement infecté par l’autre type, on parle de
92 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 16.1
Primo-infection
herpétique vulvaire.

primo-manifestation ou d’infection initiale non primaire. La primo-infection ou


primo-manifestation génitale n’est pas reconnue dans près de 80 % des cas
parce qu’elle est soit asymptomatique soit atypique et non diagnostiquée.
L’incubation est en moyenne de 7 jours (2 à 20 jours). La primo-infection se tra-
duit généralement par l’apparition de maculopapules suivie de vésicules, de pus-
tules, puis d’érosions (figures 16.1 et 16.2). Les lésions sont douloureuses et
durent environ 3 semaines. Elles peuvent être associées à des signes généraux :
fièvre, myalgies, dysurie, adénopathies inguinales (80 %), méningite (10–30 %).
Parfois, des rétentions urinaires sont observées, plus rarement des radiculites et
exceptionnellement des méningoencéphalites. Au cours d’une infection initiale
non primaire d’évolution spontanée, la durée moyenne est de 5 à 10 jours pour
la douleur, de 12 à 20 jours pour la guérison de la poussée.

Chez la femme
La primo-infection se manifeste par une vulvite ou vulvovaginite aiguë, avec la
survenue brutale d’une douleur intense, vulvaire ou vulvopérinéale, qui peut
parfois précéder de quelques jours l’apparition des lésions. L’examen clinique
révèle une inflammation vulvaire aiguë et parfois un œdème vulvaire, avec la
présence de vésicules souvent étendues, confluentes en bouquet, qui se rom-
pent rapidement, laissant place à des érosions multiples. Les lésions peuvent
aussi s’observer dans le vagin, au périnée et sur les fesses. Une leucorrhée est
fréquemment associée (85 % des cas).
16. Herpès génital 93

Figure 16.2
Primo-infection
herpétique du
fourreau.

Chez l’homme
Les lésions siègent fréquemment sur le fourreau ou sur le gland avec un tableau
de balanoposthite érosive. Elles peuvent également être observées sur les cuisses,
les fesses et le reste du périnée. Plus rarement, une urétrite isolée est observée.
Les primo-infections anales, péri-anales et rectales sont relativement fréquentes
chez les homosexuels, avec un tableau clinique volontiers sévère et fébrile.

Réactivations herpétiques
Réactivations asymptomatiques
Les réactivations asymptomatiques sont fréquentes et quasi systématiques chez
tous les individus infectés, aussi bien chez des individus ayant des récurrences
cliniques que chez des individus toujours asymptomatiques, avec en moyenne
une excrétion virale pendant 20 % des jours. La majorité des réactivations sont
de courte durée (12 heures). La présence de lésions symptomatiques est plus
fréquente au cours des épisodes qui durent plus de 24 heures (30 %), qu’au
cours des épisodes de moins de 24 heures (10 %). L’excrétion virale asympto-
matique constitue la source majeure de la transmission de l’herpès génital et
explique la progression de l’herpès génital dans la population.

Récurrences cliniques
La fréquence des récurrences est très variable d’un individu à l’autre et aussi chez
un même patient. Elle est plus élevée au cours de l’année suivant la primo-infection
avec en moyenne quatre à cinq épisodes par an et fonction de la sévérité de la
primo-infection. Cette fréquence tend généralement à décroître par la suite. Les
récurrences sont souvent précédées par la survenue de prodromes à type de
brûlure, de prurit, d’hypoesthésie ou de dysesthésie locale et ne sont habituelle-
ment pas associées à des signes généraux. L’éruption apparaît toujours dans la
même zone anatomique avec des lésions moins sévères et moins étendues et qui
persistent moins longtemps que lors de la primo-infection.
La présence de vésicules est très évocatrice d’herpès, aucune autre MST n’en
donne (figure 16.3). En revanche, de simples érosions, même disposées en
94 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 16.3
Herpès du fourreau
(vésicules et érosions
polycyliques).

Figure 16.4
Herpès du prépuce.

Figure 16.5
Herpès du fourreau
(ulcération unique).

bouquet, peuvent correspondre à des lésions de syphilis ou de chancre mou


(figures 16.4 et 16.5).
Les récurrences cliniques sont plus fréquentes avec HSV-2 que HSV-1. La durée
des symptômes est plus prolongée et les lésions sont plus sévères au cours des
récurrences HSV-2.
16. Herpès génital 95

À côté des manifestations cliniques typiques décrites précédemment, les pré-


sentations atypiques sont fréquentes aussi bien dans le cadre de la primo-infection
que des récurrences. Il est nécessaire de pratiquer un examen clinique soigneux et
d’évoquer une possible infection herpétique devant toute ulcération atypique ou
pour toute lésion génitale et/ou périnéale récidivante (érosion, vésicules, plaque
érythématopapuleuse). Il est alors recommandé de réaliser un prélèvement micro-
biologique afin d’objectiver ou réfuter l’existence d’une infection herpétique.

Herpès génital et grossesse


La grossesse est une situation particulière au regard de l’infection herpétique.
Alors que l’herpès génital au cours de la grossesse ne se distingue pas clinique-
ment des lésions observées chez la femme non enceinte, les virus HSV-1 et HSV-2
peuvent rarement – principalement suite à une primo-infection ou une primo-
manifestation – être responsables d’hépatite herpétique fulminante ou d’infections
disséminées associées à une mortalité importante en l’absence de traitement.
L’infection herpétique génitale au cours de la grossesse entraîne un risque de
transmission verticale. C’est une pathologie rare mais grave, en raison du risque
de mortalité et de séquelles neuropsychiques en cas de survie. Son incidence est
difficile à évaluer et varie en fonction des critères de définition (entre 1/1800
aux États-Unis et 1/60 000 en Grande-Bretagne). En France, il n’existe aucune
étude permettant de l’évaluer précisément, mais elle est estimée de 1 à
3 cas pour 100 000 grossesses soit environ 20 cas chaque année.
Il existe pour la mère différentes situations pour chacune desquelles des
méthodes de prévention sont proposées en fonction du risque de transmission
au fœtus (tableau 16.1). Le risque de transmission est plus élevé au cours d’une
primo-infection ou d’une primo-manifestation HSV-2 que lors d’une récurrence,
en particulier à proximité du terme (40 à 70 % en cas de primo-infection et
50 % en cas de primo-manifestation dans le mois précédant l’accouchement).
Le risque de transmission est inférieur à 5 % au cours d’une récurrence clinique
pendant la délivrance. Le risque est encore plus faible lors des réactivations
asymptomatiques. Toutefois, il faut souligner que les deux tiers des transmissions
verticales sont consécutifs à une réactivation asymptomatique. Environ 10 % des
femmes enceintes séronégatives pour HSV-2, ont un partenaire séropositif pour
HSV-2, et sont donc exposées au risque de contracter une primo-infection ou
une primo-manifestation herpétique à HSV-2 au cours de la grossesse.
La majorité des cas d’herpès néonatal est due à HSV-2, mais le virus HSV-1 est
également responsable d’infection néonatale, jusqu’à 30 % des cas décrits aux
États-Unis. L’herpès néonatal peut se manifester par une infection disséminée,
une atteinte neurologique isolée ou une atteinte oculocutanée (tableau 16.2).
La transmission transplacentaire est possible mais rare et généralement consé-
cutive à une virémie associée à une primo-infection. La mère, l’entourage fami-
lial ou le personnel soignant ayant une réactivation herpétique labiale peuvent
être la source d’une transmission postanatale.

Interactions avec le VIH


Au moment des premières descriptions du sida, les infections herpétiques figu-
raient parmi les infections inaugurales fréquentes. Les patients infectés par le VIH
Tableau 16.1
Risques et mesures de prévention de l’herpès néonatal*
96

Mère Fréquence Risque Conduite à tenir avant Conduite à tenir au moment de l’accouchement
chez les mères d’infection du l’accouchement
Présence Absence de lésions Rupture des
d’enfants nouveau-né
de lésions membranes
infectés
  6 h
Primo-infection ou primo- Rare 40–70 %  ACV** 200 mg per Césarienne Accouchement par voie
manifestation symptomatique os, 5 fois/j jusqu’à basse autorisée si traitement
dans le mois précédant l’accouchement antiviral adapté
l’accouchement Césarienne possible si
absence de traitement – à
discuter au cas par cas
Primo-infection ou primo- Rare 40–70 % ACV** 200 mg per os, 5 fois/j Césarienne Accouchement par voie
manifestation symptomatique pendant 10 jours basse autorisée
avant le dernier mois  ACV** 400 mg per os à Pas de césarienne
précédant l’accouchement 36 SA jusqu’à l’accouchement Prise en charge du
nouveau-né
Les maladies sexuellement transmissibles

Récurrence en prépartum 2–5 % Traitement curatif : mêmes Césarienne Début récurrence  7 jours,
objectifs qu’en dehors de la accouchement par voie
grossesse basse autorisée
Traitement préventif : pas de Début récurrence  7 jours,
recommandation – efficacité césarienne à discuter au cas
probable avec ACV 400 mg par cas
per os de 36 SA jusqu’à
l’accouchement
Antécédents connus d’herpès 1/1000 Pas de recommandation Accouchement par voie basse
génital Éventuellement prélèvements à visée virologique
Pas d’antécédents connus Deux tiers des 1/10 000 Prévention générale des MST pendant la grossesse
d’herpès génital cas
* D’après la conférence de consensus sur la prise en charge de l’herpès cutanéomuqueux chez le sujet immunocompétent.
** L’aciclovir est proposé dans les recommandations de la conférence de consensus. En considérant sa biodisponibilité, le valaciclovir peut être une alternative efficace et permettant de
simplifier le traitement.
SA : semaines d’aménorrhée.
16. Herpès génital 97

Tableau 16.2
Infections herpétiques néonatales
Forme Fréquence Mortalité Délai Signes cliniques Prise en
d’apparition charge
Cutanéomuqueuse 30–40 % 0 % 6 jours Lésions uniquement ACV 20 mg/kg
cutanées ou muqueuses toutes les
et oculaires 8 heures par
voie IV pendant
14 jours
Neurologique 30–40 % 15 % 9e–12e jour Méningo-encéphalite – ACV 20 mg/kg
troubles du toutes les
comportement ou de la 8 heures par
conscience   voie IV pendant
convulsions  lésions 21 jours
cutanées ou muqueuses
Systémique 20–60 % 30–40 % 5e–6e jour Hépatite,
pneumopathie, atteinte
neurologique  lésions
cutanées ou muqueuses

ont en l’absence de traitement antirétroviral des réactivations plus fréquentes,


associées parfois à des lésions nécrotiques, extensives, hyperalgiques et résis-
tantes au traitement antiviral (5 %). Une infection herpétique chronique (1 mois)
(figures 16.6 et 16.7) ou viscérale (œsophagienne, bronchique, pulmonaire)
place un patient infecté par le VIH au stade C (sida) de la classification du CDC
(center for disease control).
L’infection herpétique génitale constitue par ailleurs un cofacteur majeur indé-
pendant de l’acquisition de l’infection VIH. Les individus séropositifs pour HSV-2
ont un risque d’être infectés par le VIH 2 à 4 fois plus élevé que ceux non infec-
tés par le HSV-2. Ce risque persiste que l’individu présente ou non des ulcéra-
tions herpétiques. Le risque est toutefois plus élevé au décours d’une
primo-infection et pendant l’année qui suit, qu’au cours d’une infection
ancienne. Un individu séropositif pour le HSV-2 a plus de risque d’acquérir le VIH
d’un partenaire séropositif pour le VIH qu’un individu séronégatif pour HSV-2
et ce, quelle que soit la charge virale VIH du partenaire. Plusieurs modèles

Figure 16.6
Herpès chronique chez
un patient VIH.
98 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 16.7
Herpès hyperplasique
chez un patient VIH.

montrent que dans les pays à forte prévalence HSV-2 (30 %), 25 à 50 % des
nouvelles infections VIH pourraient être attribuables à l’infection HSV-2.
Plusieurs données suggèrent aussi que le virus HSV-2 pourrait faciliter la trans-
mission sexuelle du VIH, c’est-à-dire qu’un individu co-infecté par le VIH et le
HSV-2 transmettrait plus l’infection VIH qu’un individu infecté par le VIH et
séronégatif pour le HSV-2. Enfin, des données récentes indiquent que la co-infec-
tion VIH–HSV-2 chez une femme enceinte pourrait augmenter le risque de trans-
mission du VIH au nouveau-né.
Les réactivations herpétiques génitales induisent une augmentation de la
charge virale VIH génitale et plasmatique, cette augmentation est plus élevée lors
des récurrences cliniques et associée au niveau de réplication du HSV-2. Quelques
études ont montré que le traitement suppresseur par le valaciclovir (VACV)
(500 mg, 2 fois/j) pendant 3 mois permettait de réduire la fréquence de détection
du VIH sur les muqueuses génitales ainsi que la charge virale VIH génitale
(0,3 log) et plasmatique (0,3 à 0,5 log), suggérant que le contrôle de l’in-
fection herpétique pouvait avoir un impact sur l’infection VIH. En revanche, deux
essais internationaux conduits en Afrique et en Amérique du Sud avec près de
5000 individus n’ont pas mis en évidence de bénéfice du traitement suppresseur
par aciclovir (ACV) ou VACV sur la prévention de l’acquisition du VIH chez les
individus séropositifs pour HSV-2. Une étude en cours, incluant des couples
monogames sérodiscordants pour le VIH, évalue l’impact du traitement suppres-
seur par aciclovir (400 mg, 2 fois/j) chez des individus co-infectés par HSV-2 et le
VIH sur la prévention de la transmission du VIH à leur partenaire. Les synergies
fortes entre l’infection VIH et HSV-2 et l’efficacité modérée des stratégies de
contrôle de l’infection HSV-2 soulignent le besoin urgent de développer de nou-
velles approches thérapeutiques et vaccinales anti-herpétiques.

Diagnostic
Il est important d’établir un diagnostic devant toute ulcération génitale. Ce dia-
gnostic est essentiel pour la prise en charge médicale de l’ulcération et l’infor-
mation du patient sur la persistance de l’infection herpétique et les probables
réactivations symptomatiques ou non. Informé, le patient sait plus facilement
reconnaître les réactivations et peut aussi plus rapidement bénéficier d’un
16. Herpès génital 99

traitement médical adapté. Il pourra par ailleurs mettre en œuvre un comporte-


ment de prévention vis-à-vis de la transmission du virus, et réduire d’éventuels
comportements à risque d’acquisition d’autres MST et du VIH. Un algorithme
simplifié du diagnostic biologique est proposé (figure 16.8).
Érosion ou ulcération génitale*

Culture virale ou PCR

Positive Négative

Sérologie spécifique de type

HSV-1-/HSV-2- HSV-1+/HSV-2- HSV-1+/HSV-2+

Herpès génital Primo-infection HSV-1 ou Primo-infection HSV-2 ? Infection génitale


HSV-2 2E sérum** 2E sérum** HSV-2 probable

* En fonction du contexte clinique et épidémiologique, une infection à Treponema pallidum ou à


Haemophilus ducreyi doit être évoquée et recherchée.
**La réalisation d’un autre prélèvement pour culture virale en cas de récurrence des lésions est une
alternative possible, mais elle risque de retarder le diagnostic si la récurrence ne survient
pas suffisamment tôt.
Figure 16.8
Érosion ou ulcération génitale.

Dans les formes typiques, les caractéristiques des lésions et l’anamnèse suffisent
à poser le diagnostic. Toutefois, dans le cas de récurrences fréquentes, il est sou-
haitable d’établir au moins une fois un diagnostic biologique positif. Considérant
que les formes atypiques sont les plus fréquentes, le recours à des examens
microbiologiques est nécessaire (recherche de syphilis, herpès et chancre mou).
Différents outils sont disponibles pour établir le diagnostic d’une infection her-
pétique. Le diagnostic direct doit être privilégié pour identifier l’infection. La qua-
lité du prélèvement est essentielle, en recueillant le maximum de cellules
infectées par écouvillonnage de la lésion. L’écouvillon est ensuite rapidement
exprimé sur les parois d’un tube contenant un milieu de transport viral acheminé
au laboratoire dans les plus brefs délais ou conservé à 4 °C. La mise en évidence
du virus peut être réalisée par différentes techniques : isolement viral en culture
cellulaire, détection des antigènes viraux et détection du génome viral par PCR.

Culture cellulaire
Une lignée cellulaire susceptible à l’infection herpétique est inoculée avec le
milieu de transport viral infecté. La morphologie des cellules est examinée toutes
les 24 heures pour observer l’apparition d’un effet cytopathogène caractéristique
survenant entre 24 et 72 heures. Le délai peut parfois être plus long en particu-
lier si le patient est sous traitement anti-herpétique. En cas d’effet cytopatho-
gène, un typage viral est réalisé par immunomarquage fluorescent des cellules
avec des anticorps spécifiques de HSV-1 et des anticorps spécifiques de HSV-2. La
100 Les maladies sexuellement transmissibles

culture cellulaire a longtemps été la technique de référence mais souffre d’un


manque de sensibilité par rapport aux techniques de biologie moléculaire.

Biologie moléculaire
Désormais, les techniques de PCR, en particulier les méthodes de PCR en temps
réel, doivent être considérées comme les techniques de référence bien qu’elles ne
soient pas inscrites à la nomenclature des actes de biologie médicale. Elles sont
3 à 4 fois plus sensibles que la culture, tout particulièrement pour le diagnostic
des formes atypiques et des récurrences, avec une spécificité proche de 100 %.

Détection antigénique
Les recherches des antigènes viraux sur le prélèvement primaire par méthode
immuno-enzymatique ou immunofluorescente sont moins sensibles que la PCR
et progressivement abandonnées.

Cytodiagnostic de Tzanck
Il repose sur l’observation d’un effet cytopathogène herpétique directement sur
les cellules du prélèvement après une coloration au Giemsa permet de donner
une réponse rapide mais c’est la technique la moins sensible et elle requiert une
très bonne qualité de prélèvement.

Sérologies
Le diagnostic indirect ne doit être envisagé que si le diagnostic direct s’avère
négatif ou impossible à réaliser.
Les premières techniques disponibles permettaient de détecter des anticorps
anti-HSV, mais sans pouvoir distinguer les anticorps anti-HSV-1 des anticorps anti-
HSV-2. Bien que la sérologie non spécifique de type figure à la nomenclature des
actes de biologie médicale, son intérêt est limité. En effet, une séropositivité permet
uniquement d’établir qu’un individu est infecté par au moins un des virus HSV.
Cette information est généralement peu utile. Une sérologie négative éliminant
une infection par l’un ou l’autre des deux virus est plus contributive, à condition
que la sensibilité du test soit identique vis-à-vis des deux virus. En l’absence d’IgG
et d’IgM, elle permet d’exclure une étiologie herpétique dans un contexte d’ulcé-
rations récurrentes. Elle permet aussi d’établir un diagnostic de primo-infection her-
pétique en cas de séroconversion lorsqu’on dispose de deux sérums distincts mais
est ininterprétable en présence d’une primo-manifestation. La recherche des IgM
doit être réservée au seul cas de suspicion de primo-infection et n’est interprétable
que s’il existe un profil de séroconversion. Au cours de la primo-infection herpé-
tique, les anticorps anti-HSV non spécifiques de type apparaissent après le contact
infectant dans un délai de 5 à 10 jours pour les IgM et de 1 à 2 semaines pour les
IgG. Après la primo-infection, les IgM disparaissent en quelques semaines, alors
que les IgG persistent toute la vie. Certaines récurrences peuvent néanmoins s’ac-
compagner d’une réapparition des IgM, notamment chez le sujet immunodé-
primé, a contrario la présence d’IgM n’est pas toujours synonyme de réactivation.
Récemment, plusieurs trousses sérologiques, détectant spécifiquement la pré-
sence d’anticorps anti-HSV-1 et anti-HSV-2, ont été développées et permettent
de faciliter le diagnostic des infections herpétiques génitales, en particulier si le
16. Herpès génital 101

diagnostic direct est négatif ou impossible à mettre en œuvre. Les tests utilisant
comme source d’antigènes des protéines gG1 et gG2 recombinantes doivent
être privilégiés. La détection d’anticorps anti-HSV-2 permet d’établir le diagnostic
d’une infection génitale herpétique. En revanche, la détection isolée des anti-
corps anti-HSV-1, étant donné la prévalence élevée des infections HSV-1 orofacia-
les, n’est pas contributive au diagnostic d’une infection génitale herpétique.
Seule la séroconversion HSV-1 permet dans un contexte clinique évocateur de
poser le diagnostic d’infection génitale HSV-1. En cas de primo-infection, le délai
de séroconversion varie entre 21 et 120 jours en fonction de la trousse utilisée.

Traitement
Le traitement des infections herpétiques repose essentiellement sur des antivi-
raux inhibant la réplication de l’ADN viral, efficaces sur les formes aiguës et pour
la prévention des récurrences. Aucun traitement ne permet d’éradiquer l’infec-
tion virale des sites de latence ganglionnaires.
Les antiviraux utilisés dans le traitement de l’herpès génital sont :
n l’aciclovir ;
n le valaciclovir �������������������������������������
(VACV)�������������������������������
 : prodrogue de l’aciclovir ;
n le penciclovir (PCV) ;
n le famciclovir (FCV) : prodrogue du penciclovir.
Ces molécules sont des analogues nucléosidiques qui inhibent l’ADN poly-
mérase virale par interruption de l’élongation de l’ADN et par inhibition compé-
titive avec les nucléosides naturels. Ces molécules ont une affinité 30 fois plus
élevée pour l’ADN polymérase virale que pour l’ADN polymérase cellulaire
conférant un index de sélectivité élevé (ratio entre la concentration cytotoxique
50 % et la concentration inhibitrice 5 %). Pour être actives, ces molécules doi-
vent être triphosphorylées, la première phosphorylation étant réalisée par la thy-
midine kinase virale, les deux autres par des kinases cellulaires. L’aciclovir et le
penciclovir ont des biodisiponibilités faibles (20 %). Les promédicaments respec-
tifs valaciclovir et famciclovir ont une biodisponibilité plus élevée (60 %) et
garantissent de bonnes concentrations plasmatiques avec peu de prises, facili-
tant l’observance du traitement par voie orale.
Chez des patients immunodéprimés (infection VIH et surtout transplantation),
il existe des résistances à ces molécules, principalement suite à la sélection de
mutations sur la thymidine kinase. L’acide phosphonoformique (PFA) ou foscarnet
peut alors être utilisé. Cette molécule inhibe l’ADN polymérase et ne nécessite
pas d’étapes de phosphorylation préalable. Le cidofovir (CDV), analogue nucléo-
tidique de la cytosine, est monophosphorylé et donc actif sur les virus résistants
avec une TK mutée. Ces deux médicaments s’administrent en intraveineux, ont
une certaine néphrotoxicité et imposent un usage exclusivement hospitalier.

Traitement de la primo-infection
L’infection initiale sévère justifie l’administration d’un traitement antiviral pen-
dant 5 à 10 jours. Plusieurs schémas ont été validés et ont reçu une AMM :
n valaciclovir : 500 mg, 2 fois/j pendant 10 jours ;
n aciclovir : 200 mg, 5 fois/j pendant 10 jours ;
102 Les maladies sexuellement transmissibles

n dans les cas les plus sévères, le traitement peut débuter par une administra-
tion intraveineuse (5 mg/kg/8 heures). Un relais par voie orale selon les poso-
logies précédentes est possible ;
n famciclovir : 250 mg, 3/j pendant 5 jours. Ce produit a obtenu l’AMM, mais
n’est pas disponible en France.
Les traitements antiviraux locaux seuls ou en association avec les traitements
par voie générale n’ont pas fait la preuve d’un bénéfice clinique pertinent.

Traitement de l’herpès récurrent


Les symptômes sont spontanément moins marqués que ceux observés lors de la
première manifestation et l’intérêt clinique d’un traitement antiviral est limité. Le
bénéfice est d’autant plus élevé que l’initiation du traitement est précoce. La
conférence de consensus de 2002 recommande que les malades disposent, sur
prescription médicale, d’aciclovir ou de valaciclovir de façon à commencer le
traitement dès les premiers symptômes. Le nombre de prises plus faible avec le
valaciclovir peut faciliter le traitement. Une réduction d’un à deux jours de la
durée des lésions peut être escomptée :
n aciclovir : 200 mg, 5 fois/j pendant 5 jours ;
n valaciclovir : 1000 mg/j en 1 ou 2 prises pendant 5 jours ;
n famciclovir : 125 mg, 2 fois/j pendant 5 jours.
Les traitements antiviraux locaux n’ont pas non plus fait la preuve de leur effi-
cacité dans cette indication.
Les schémas thérapeutiques du traitement des récurrences génitales herpétiques
pourraient évoluer prochainement. En effet, plusieurs études récentes rapportent
des efficacités similaires des traitements de plus courte durée aux mêmes posolo-
gies (VACV 500 mg 2 fois/j pendant 3 jours versus 5 jours, ACV 800 mg, 2 fois/j
pendant 2 jours versus placebo). Des résultats récents montrent aussi qu’un traite-
ment d’une journée initié par le patient au moment des prodromes (valaciclovir
2 g, 2 fois/j pendant 1 jour ; FCV 1 g 2 fois/j pendant 1 jour versus VACV 500 mg,
2 fois/j pendant 3 jours) pourrait être aussi efficace. Ces résultats sont cohérents
avec la cinétique virale, sachant que le pic de réplication est observé dans les
24 heures suivant le début de la lésion. Ces études n’ont été menées que chez des
individus immunocompétents et n’ont pas encore été validées par les autorités.

Traitement préventif des herpès génitaux récurrents


Pour les patients ayant des récurrences fréquentes ( 6 récurrences par an, ou
au moins quatre si sévères), les traitements suppresseurs ont une efficacité
indiscutable sur le nombre de récidives et la qualité de vie des sujets atteints. Les
schémas thérapeutiques validés sont les suivants :
n aciclovir : 400 mg, 2 fois/j ;
n valaciclovir : 500 mg/j en 1 à 2 prises ;
n famciclovir : 500 mg/j en 1 ou 2 prises (pas d’AMM en France).
La durée du traitement reste indéterminée, la conférence de consensus recom-
mandant de réaliser une évaluation tous les 6 à 12 mois. Ces traitements sont habi-
tuellement bien supportés et ne sélectionnent pas de résistance virale chez le sujet
immunocompétent. Ils n’ont qu’un effet suspensif. Une étude récente publiée en
2004 a montré sur 1484 couples sérodiscordants pour le HSV-2 que l’administration
16. Herpès génital 103

de valaciclovir administré au partenaire infecté réduisait de 50 % la fréquence


d’acquisition du HSV-2 par le partenaire susceptible et de 75 % celle d’un herpès
génital symptomatique. Toutefois, le traitement suppresseur pour la prévention
de la transmission sexuelle de l’herpès ne figure pas dans les indications AMM.
L’aciclovir crème à 5 % n’a pas d’effet sur la prévention des récurrences.
À côté des traitements médicamenteux, il est recommandé :
n d’informer le malade sur l’histoire naturelle de l’infection ;
n d’évaluer les facteurs ou circonstances déclenchants ;
n d’assurer si nécessaire une prise en charge psychologique ;
n de préconiser l’utilisation du préservatif lors des poussées cliniques identifiées ;
n de prendre en charge la douleur.

Autres traitements
Le resiquimod et l’imiquimod sont des agonistes de Toll-like récepteurs et ont
des propriétés immunomodulatrices locales en stimulant les réponses cellulaires
Th1 par l’induction de la production d’interféron alpha, de plusieurs interleuki-
nes (6, 12, 18) et de TNF-alpha. Les données encore préliminaires suggèrent un
impact sur le plan virologique avec une réduction des réactivations. Toutefois,
aucun résultat probant ne permet encore de conclure à l’intérêt clinique de ces
composés. Les inhibiteurs d’hélicase des virus herpès simplex sont de nouveaux
antiviraux mais leur développement clinique est encore peu avancé.

Résistances aux traitements


L’apparition de souches virales résistantes aux antiviraux chez les individus
immunocompétents est exceptionnelle ( 1 %) et rarement associée à un échec
thérapeutique. Elle est plus fréquente chez les immunodéprimés (5 % chez les
individus infectés par le VIH, jusqu’à 30 % chez les greffés de cellules souches
hématopoïétiques). Elle est liée dans la majorité des cas à des mutations dans le
gène de la thymidine kinase (TK) conduisant à des phénotypes de TK déficiente
ou TK absente. Les virus sont alors résistants aux inhibiteurs nucléosidiques de
l’ADN polymérase (ACV, VACV, PCV, FCV) et restent sensibles au CDV et PFA.
Plus rarement, des mutations dans le gène de l’ADN polymérase peuvent être
responsables de résistances à tous les inhibiteurs.

Prévention
Il n’existe à ce jour aucune stratégie permettant d’éliminer totalement le risque de
transmission et/ou d’acquisition de l’herpès génital. L’utilisation du préservatif, en
particulier son usage fréquent et au cours des lésions symptomatiques, permet de
réduire la transmission. Toutefois, la possibilité de réactivation sur des sites cutanés
de localisations variées n’écarte pas la possibilité d’une transmission. Il a été men-
tionné précédemment qu’un traitement antiviral suppresseur permettait aussi de
réduire le risque de transmission. La combinaison de ces stratégies pourrait aug-
menter l’efficacité de la prévention. Il faut souligner cependant qu’aucune recom-
mandation émanant de société savante ou de conférence de consensus n’a été
publiée et que peu de données d’études randomisées et médico-économiques sont
disponibles. L’information et l’éducation des patients sont des points essentiels dans
la prise en charge de la maladie et la prévention de la transmission de l’infection.
104 Les maladies sexuellement transmissibles

À ce jour, aucun vaccin anti-herpétique préventif ou curatif n’est encore dis-


ponible. Une étude évaluant un vaccin anti-HSV-2 consistant en une protéine
recombinante gD n’a montré qu’un effet limité avec une réduction du risque
d’acquisition du HSV-2 de 40 % mais uniquement dans un sous-groupe de fem-
mes séronégatives pour HSV-1 et HSV-2. Le vaccin est inefficace chez les hom-
mes et les femmes séropositives pour HSV-1. D’autres recherches sont en cours.

Informations complémentaires disponibles pour les patients


Outre les informations et les conseils dispensés par le médecin, il faut porter à la
connaissance du patient l’existence de documents destinés au grand public et
d’associations de patients :
l association Herpès, téléphone : 0 825 80 08 08 ;

l International Herpès Management Forum (IHMF) : www.ihmf.org ;

l guide pratique France Info : Michel Cymes M, Françoise Ramel F. Combattre

l’herpès. Paris : Jacob-Duvernet ; 2004.

Thérapeutique
Herpès génital : primo-infection et premier épisode clinique
l Aciclovir per os : 200 mg, 5 fois/j ou 400 mg 3 fois/j (IV : 5 mg/kg, toutes les
8 h) pendant 7 à 10 jours
l Ou valaciclovir à la dose de 500 mg, 2 fois/j per os pendant 10 jours

En aucun cas, ce traitement ne prévient la survenue ultérieure de récurrences.

Thérapeutique
Herpès génital : récurrences
Aciclovir, valaciclovir sont efficaces dans cette indication, mais n’ont d’intérêt que
dans les épisodes potentiellement importants et/ou prolongés.
L’efficacité dépend de la rapidité d’instauration du traitement, dès l’apparition des
prodromes.
l Aciclovir (200 mg, 5 fois/j) per os pendant 5 jours

l Ou valaciclovir (500 mg, 2 fois /j) per os pendant 5 jours

Thérapeutique
Herpès génital : traitement préventif des récurrences
l Chez les patients présentant au moins 6 récurrences annuelles
l Valaciclovir : 500 mg/j per os en une prise en continu. Réévaluer
����������������������������
la situation tous
les 6 à 12 mois.�������
16. Herpès génital 105

Thérapeutique
Herpès génital et grossesse
La conférence de consensus de 2002 recommande la prescription systématique
d’aciclovir per os à partir de la 36e semaine d’aménorrhée (400 mg, 3 fois/j) chez
les femmes ayant eu un premier épisode d’herpès génital pendant la grossesse.

Bibliographie
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lis. Herpes 2007 ; 14 ; Suppl 1 : 5A-11A.
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17 Condylomes anogénitaux
(ou verrues génitales)

F. Bouscarat, F. Pelletier,
C. Drobacheff-Thiébaut, F. Aubin

Épidémiologie
Les infections anogénitales à papillomavirus humains (PVH) sont les plus fré-
quentes de toutes les infections sexuellement transmissibles. Elles affectent 1 à
2 % de la population aux États-Unis, mais 10 à 15 % de la population présen-
terait une infection latente. Quatre-vingts pour cent des individus âgés de plus
de 50 ans ont été en contact avec les PVH génitaux. La prévalence des condylo-
mes chez les sujets âgés de moins de 25 ans est de 5 % et augmente régu-
lièrement. Cette infection constitue un marqueur d’activité sexuelle. Peu de
données épidémiologiques sont disponibles pour la France. L’incidence annuelle
des condylomes est estimée entre 100 et 200 nouveaux cas pour 100 000 perso
nnes. Si les condylomes anogénitaux externes sont dans plus de 80 % des cas
associés aux PVH-6 et 11, d’autres PVH à haut risque oncogène peuvent être
aussi impliqués. Les infections génitales à PVH constituent donc un important
problème de santé publique en termes socio-économiques, mais aussi en raison
du potentiel carcinogène de certains PVH (16 et 18) dans le cancer du col utérin
et de façon moins importante dans les cancers vaginaux, vulvaires et les carcino-
mes anaux. Leur diagnostic est souvent facile (condylomes acuminés) et, contrai-
rement aux atteintes cervicales et anales, le risque oncogène est nul ou très
faible. L’infection est volontiers multifocale et doit faire pratiquer un bilan d’ex-
tension locorégional car les lésions bénignes externes peuvent être un marqueur
de lésions précancéreuses internes (col utérin ou de l’anus) par co-infection à
des PVH à haut risque oncogène.

Histoire naturelle
Les progrès de la biologie moléculaire ont permis de mettre en évidence le rôle
étiologique des PVH dans la survenue des condylomes génitaux et du cancer du
col utérin. Ces virus ont également été localisés sur les autres muqueuses géni-
tales (vagin, vulve, pénis) et l’anus. On distingue les PVH à bas risque (PVH-6,
11…) qui sont responsables de lésions bénignes à type de condylomes, des PVH
à haut risque (PVH-16, 18…) qui sont associés au développement de lésions pré-
cancéreuses et cancéreuses. Le virus peut disséminer à distance par la desqua-
mation des cellules épithéliales infectées qui expulsent les virus complets. Le
virus peut persister à l’état latent non contaminant dans les cellules épithéliales
sous forme épisomale (ADN viral libre) dans les lésions bénignes. Enfin, de façon
17. Condylomes anogénitaux (ou verrues génitales) 107

aléatoire et plus rare, le génome viral peut s’intégrer dans l’ADN de la cellule
hôte et déclencher le processus de carcinogenèse.
Les PVH entrent en contact avec les muqueuses génitales au moment d’un
rapport sexuel. Le risque de contamination après un rapport sexuel infectant est
de 60 à 70 %. La transmission est plus importante dans le sens femme–homme
que dans le sens homme–femme. La contamination en dehors des rapports
sexuels est possible en raison de la résistance du virus aux écarts de température
(eau, linge, gants, matériels souillés). Selon une étude chez des étudiantes nord-
américaines, 40 % des jeunes femmes de moins de 25 ans sont porteuses de
PVH avec une fréquence très importante de formes latentes qui font du PVH un
marqueur d’activité sexuelle.
Ces infections dépendent très largement du comportement sexuel de l’individu.
L’âge des premiers rapports, le nombre de partenaires et le changement de parte-
naire sont les trois facteurs déterminants de l’infection à PVH. L’utilisation de pré-
servatifs et la circoncision protègent incomplètement de la transmission du virus.
Le mode de transmission verticale de la mère à l’enfant a été montré en particulier
lors de l’accouchement mais aussi lors de l’auto-inoculation pour les enfants.
L’infection à PVH est le plus souvent transitoire. L’infection est même le plus
souvent éliminée avant l’apparition des lésions par la mise en place d’une
réponse immunitaire efficace. La clairance s’effectue en 12 mois pour 70 % des
infections asymptomatiques et dans plus de 90 % des cas en 24 mois. Il existe
une plus grande rapidité d’élimination de ces virus chez la femme jeune. La clai-
rance peut être incomplète avec infection latente. En cas d’immunodépression
(iatrogène, VIH, etc.), une infection productive peut resurgir.
Le génotype 16 (PVH oncogène) possède une capacité de persistance plus
importante que les autres génotypes et est retrouvé dans plus de la moitié des
tissus tumoraux.
Enfin, des facteurs environnementaux influent sur la persistance des PVH. La
pilule contraceptive, les infections intercurrentes, la parité et le tabagisme favori-
sent la persistance des PVH.

Clinique
Topographie des lésions
Chez l’homme non circoncis, les lésions siègent surtout dans le sillon balanopré-
putial (figure 17.1), sur le gland, le frein et la face interne du prépuce. Chez
l’homme circoncis, les lésions siègent principalement sur le fourreau de la verge
(figure 17.2). Une atteinte méatique ou urétrale est possible. Elle est très distale
(dernier centimètre) dans la majorité des cas. Une atteinte péri-anale, plus fré-
quente chez l’homosexuel, est possible chez l’hétérosexuel. D’autres localisa-
tions sont possibles : scrotum, plis inguinaux.
Chez la femme, les lésions externes affectent le vestibule, les lèvres, le clitoris
et sont associées dans un tiers des cas à des atteintes cervicales ou vaginales. Les
atteintes urétrales sont plus rares. Des atteintes péri-anales sont associées chez
20 % des femmes ayant une atteinte vulvaire. Les lésions endo-anales sont favo-
risées par les rapports réceptifs anaux, la présence de lésions péri-anales, l’exis-
tence d’une immunodépression. Les localisations extrapérinéales cliniques orales,
labiales, laryngées ou conjonctivales sont très rares chez l’immunocompétent.
108 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 17.1
Condylomes du
prépuce.

Figure 17.2
Condylomes
pygmentés de la base
de la verge.

Morphologie des lésions


On distingue trois types de lésions :
n les condylomes acuminés ou végétations vénériennes sont les plus fréquentes.
Elles sont exophytiques, plus ou moins kératosiques, en fonction de leur topogra-
phie, blanchâtres papillomateuses, hérissées de multiples excroissances, souvent
multiples, parfois confluentes en nappe. L’examen à la loupe permet de visualiser
l’aspect caractéristique de ponctuations vasculaires au sommet des papilles ;
n les lésions papuleuses peuvent être pigmentées ou non. Elles siègent volontiers
sur l’épithélium kératinisé. Elles ont plutôt une structure bénigne et correspon-
dent le plus souvent à des PVH à faible potentiel oncogène, principalement 6-
11. Certaines lésions sont rouges ou leucoplasiques. Elles doivent inciter à un
prélèvement biopsique car elles correspondent fréquemment à des lésions his-
tologiques de haut grade de malignité, plus souvent associées à des PVH
potentiellement oncogènes (PVH-16, 18… ; maladie de Bowen et papulose
bowénoïde) (figure 17.3) ;
17. Condylomes anogénitaux (ou verrues génitales) 109

Figure 17.3
Maladie de Bowen du
gland.

n lescondylomes plans correspondent à des lésions à peine visibles lors de


l’examen sans préparation. Elles peuvent être objectivées après application
d’acide acétique à 5 %, apparaissant alors sous forme de macules blanches.
Ce type de lésions doit être recherché chez tout patient ayant des lésions acu-
minées car des associations lésionnelles sont fréquentes.
La distinction entre ces trois types de lésions cliniques a un intérêt dans la
mesure où il existe une corrélation entre la clinique et les données histologi-
ques : les lésions exophytiques sont exceptionnellement le siège de dysplasie
histologique, ce qui n’est pas le cas des lésions papuleuses ou planes.

Prise en charge
Le diagnostic de condylome est en général facile. Il faut apprécier l’extension
locorégionale des lésions, volontiers multifocale, rechercher une autre MST asso-
ciée et préciser le terrain (immunodépression…). L’objectif est surtout de faire le
bilan d’extension aux sites pour lesquels le risque néoplasique est identifié (col
utérin , vulve, vagin, anus) et d’examiner les partenaires.

Indications de la biopsie de lésions externes


Il n’est pas nécessaire de biopsier des lésions externes cliniquement évocatrices de
condylomes acuminés. On pratique une biopsie en cas de doute diagnostique,
110 Les maladies sexuellement transmissibles

d’atteinte maculopapuleuse rouge ou leucoplasique, de macules acidophiles sur


base érythémateuse ou de formes résistantes au traitement.

Indications des typages viraux


Les typages viraux n’ont pas montré leur intérêt dans les lésions externes. Il
existe une assez bonne corrélation :
n entre le type viral et le type de lésion. Les lésions acuminées sont plus souvent
dues à des PVH à risque faible (PVH-6 et 11) ; les PVH à haut risque sont sou-
vent présents dans les lésions peu visibles ou « infracliniques » ;
n entre la prévalence des PVH oncogènes et le degré de dysplasie.
Les modalités thérapeutiques ne dépendent pas des types viraux.

Indications de l’urétroscopie chez l’homme


Une atteinte méatique ou urétrale est présente dans 20 à 25 % des cas, localisée
sur le 1,5 cm distal (fossette naviculaire) dans 90 % des cas (pas d’atteinte uré-
trale postérieure isolée). L’urétroscopie n’est pas nécessaire si le pôle supérieur
des lésions est visualisé par l’éversion des berges du méat, cas le plus fréquent.

Indications de l’anuscopie
L’examen péri-anal est systématique (multifocalité). Les lésions anales siègent
rarement au-delà de la ligne pectinée. L’examen endocanalaire anal est indiqué
chez les patients ayant des lésions péri-anales, en cas de rapports réceptifs
anaux, chez les sujets homo- ou bisexuels, et chez des patients ayant une immu-
nodépression. La place de la cytologie anale est à déterminer.

Dépistage d’autres MST


Tout patient ayant des condylomes doit bénéficier d’un dépistage d’autres infec-
tions sexuellement transmissibles volontiers asymptomatiques (Chlamydia, syphi-
lis, hépatite B) et d’une sérologie VIH. Chez l’homosexuel, en particulier quand il
existe des partenaires multiples et des rapports non protégés principalement
traumatiques (fist, utilisation d’accessoires), il est licite de proposer aussi une
sérologie de l’hépatite C et de rechercher une LGV.

Bilan chez les partenaires


Pour la partenaire féminine : il faut faire un examen gynécologique (col, vagin,
vulve, périnée) avec test à l’acide acétique, un frottis cervicovaginal et une col-
poscopie si nécessaire. Le bilan est complété en fonction des données des exa-
mens précédents : biopsie en fonction du type de lésion, de leur localisation (col
utérin ) et des résultats antérieurs.
Pour le partenaire masculin : il faut faire un examen clinique (bon éclairage,
examinateur entraîné) à l’œil nu et à la loupe. La péniscopie (examen du pénis
au colposcope) n’est pas nécessaire. Le test à l’acide acétique dans le contexte
du dépistage lésionnel chez l’homme n’a pas démontré son intérêt, il est plus
utile dans la surveillance de la maladie et du traitement.
17. Condylomes anogénitaux (ou verrues génitales) 111

Verrues génitales de l’enfant


La majorité des infections à PVH de l’enfant se présente sous forme de verrues qui
touchent selon l’âge 3 à 20 % des enfants. L’infection à PVH survient tôt dans
l’enfance et le plus souvent de façon transitoire. L’aspect clinique d’une localisa-
tion anogénitale de verrues est difficile à distinguer de véritables condylomes acu-
minés. Les abus sexuels sont impliqués dans seulement 3 à 35 % des cas de
condylomes anogénitaux chez l’enfant. La probabilité de maltraitance sexuelle
augmente avec l’âge de l’enfant. Les condylomes anogénitaux chez l’enfant
seraient davantage dus à une transmission non sexuelle de type auto-inoculation
ou par l’intermédiaire d’objets. Pour évoquer une maltraitance sexuelle, il faut
donc être prudent et mener un interrogatoire et un examen clinique soigneux
dans un cadre multidisciplinaire avant d’engager une procédure judiciaire.

Condylomes et immunodépression
L’immunodépression, en particulier cellulaire, favorise les infections à PVH, qui
sont plus fréquentes, plus extensives et multifocales, plus chroniques ou récidi-
vantes. Cela concerne en particulier, de façon comparable, les transplantés d’or-
ganes et les patients infectés par le VIH. Chez les sujets infectés par le VIH, les
condylomes génitaux et anaux sont plus fréquents que dans la population
générale et peuvent s’associer à des dysplasies. L’infection anale à PVH, clinique
ou latente, peut induire des lésions intra-épithéliales (dysplasies ou néoplasies
intra-épithéliales) dont celles de haut grade sont précurseurs du cancer anal.
L’incidence des infections à PVH du canal anal est élevée chez les homosexuels
mais aussi, à un moindre degré, chez les autres patients.
Dans l’enquête Oncovih qui recense les nouveaux cas de tumeurs liées à l’infec-
tion VIH, en France en 2006, les cancers de l’anus arrivent à la troisième position
chez les hommes (49 cas sur 537 tumeurs) et chez les femmes, les cancers du col
de l’utérus et de l’anus arrivent respectivement en sixième et septième positions
(10 et 6 cas sur 136). La restauration immunitaire observée sous trithérapie antiré-
trovirale ne semble pas s’accompagner d’une réduction de la prévalence des
infections ni des dysplasies. Certains travaux montrent la persistance d’une préva-
lence élevée d’infection PVH à haut risque et des dysplasies anales et même une
augmentation des infections à PVH buccales sous HAART. Un dépistage proctolo-
gique annuel est recommandé chez les hommes ayant des rapports anaux, chez
les femmes ayant une dysplasie du col et chez tout patient ayant un antécédent
de condylomes anogénitaux. Les modalités de traitement ne diffèrent actuelle-
ment pas de celles des patients VIH négatifs, mais elles ont un fort taux de récidive
qui impose une surveillance post-thérapeutique renforcée.
Quant au dépistage cervical, il est recommandé tous les ans, par frottis et l’as-
sociation combinée à un test de recherche des PVH oncogènes est à évaluer
(recommandée seulement en France si atypies cellulaires de signification indé-
terminée au frottis : ASCUS).

Traitement
Avant tout traitement, pour éviter les confusions ou amalgames PVH/cancer, infec-
tion virale/« maladie condylome », il faut préciser les modes de contamination et
112 Les maladies sexuellement transmissibles

les délais d’incubation des condylomes (3 semaines à plusieurs années !), et ainsi


éviter des conséquences dramatiques au sein de couples stables. Le traitement vise
à faire disparaître les lésions visibles, l’objectif d’une éradication virale est illusoire.
Le degré de contagiosité élevé dans le cas des condylomes acuminés est faible
en cas de lésions dysplasiques ou cancéreuses. Il faut insister sur les possibilités
de régression spontanée des lésions et sur la fréquence des formes asymptoma-
tiques expliquant des modes de révélation retardés et la négativité du bilan chez
l’un des partenaires ; souligner la bénignité des lésions externes, la fréquence
des récidives. Certaines lésions « non couvertes » sont transmissibles malgré le
préservatif. La transmission de condylomes lors des « préliminaires » amoureux
sans préservatif est fréquente et explique certaines contaminations. Il convient
d’insister sur la nécessité d’une surveillance adaptée selon un « calendrier »
précis pour évaluer la réponse au traitement.
Le traitement des lésions externes est complexe, moins codifié que pour les
lésions du col. Le traitement est local. Les problèmes principaux sont le caractère
souvent multifocal des lésions et le taux élevé de récidives. Aucun traitement ne
présente d’avantages marquants sur les autres. La méthode employée dépend
de la localisation, du type lésionnel, de l’expérience du thérapeute et reste, pour
les méthodes destructrices, intervenant-dépendante. Une place importante doit
être faite aux traitements auto-appliqués, ce qui implique que le patient ait été
« formé » à identifier ses lésions. La tolérance et l’efficacité des traitements auto-
appliqués sont variables et dépendent de l’observance des patients. Ceci laisse
encore une place importante aux méthodes ablatives ou physiques destructrices
les plus utilisées par les dermatologues, surtout quand le patient est un homme.
Il est illusoire en cas d’immunodépression sévère de penser guérir le patient
de lésions profuses tant que l’immunodépression n’est pas contrôlée ; dans ce
contexte particulier l’agressivité des thérapeutiques est modulée en fonction de
la demande du patient et la priorité est au dépistage et aux traitements des
lésions précancéreuses.
On distingue plusieurs types de traitements : les traitements chimiques, les
traitements physiques et chirurgicaux et les traitements immunomodulateurs.
On ne dispose pas de traitement antiviral efficace utilisable sur les condylomes.

Traitements chimiques
Podophylline et podophyllotoxine
La podophylline a été supplantée par la podophyllotoxine qui est appliquée par
le patient lui-même. Ces deux molécules sont contre-indiquées chez la femme
enceinte. La podophyllotoxine est appliquée à l’aide d’un applicateur ou d’un
coton-tige à raison de 3 jours consécutifs par semaine matin et soir pendant
16 semaines. Cinquante pour cent des patients traités ne présentent aucune
complication. Les effets secondaires possibles sont une inflammation locale, des
brûlures et/ou des érosions superficielles. Une douleur au moment de l’applica-
tion peut être ressentie. Les lésions vulvaires et anales sont à éviter.

5-fluorouracile (5-FU)
Il s’agit d’une crème appliquée en fine couche à raison de 1 à 3 fois/semaine
pendant 6 semaines au maximum. Il est volontiers utilisé pour la vulve. Les effets
17. Condylomes anogénitaux (ou verrues génitales) 113

secondaires sont plus fréquents et plus intenses qu’avec la podophyllotoxine. La


meilleure efficacité a été rapportée pour des lésions urétrales ou anales. Il
entraîne des dermatites sévères avec érythème, voire des nécroses douloureuses.
Acide trichloracétique (jusqu’à 85 %)
Il peut être appliqué en solution alcoolique ou aqueuse par le praticien. Plus effi-
cace sur les lésions muqueuses que cutanées, il possède une utilité sur des
lésions méatiques ou urétrales pour lesquelles il est appliqué avec un coton-tige
1 à 2 fois/semaine pendant 3 semaines. Le produit n’est pas absorbé donc ne
nécessite pas de rinçage et n’est pas contre-indiqué chez la femme enceinte. Les
effets secondaires sont des brûlures ou érosions.

Traitements immunomodulateurs : imiquimod


(Aldara®)
Les résultats obtenus avec l’interféron sont très décevants. En revanche, l’imiqui-
mod est efficace. L’imiquimod est une molécule ligand des récepteurs de l’im-
munité innée Toll-like de type 7 (TLR-7) dont la fixation sur les macrophages et
les monocytes entraîne la production de l’interféron , du TNF- et d’autres
cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6).
L’imiquimod crème à 5 % est appliquée en couche mince à raison de 3 fois/
semaine le soir au coucher à rincer le matin de façon soigneuse. La durée maxi-
male du traitement est de 16 semaines.
Un érythème est quasiment toujours observé mais permet la poursuite du trai-
tement. Des brûlures plus sévères sont rapportées, voire des ulcérations ou des
érosions.
Le traitement montre une efficacité dans 67 % des cas avec des résultats
moins bons chez l’homme circoncis mais une tolérance meilleure.
L’imiquimod est réservé aux lésions externes, inefficace en cas d’immunodé-
pression sévère ( 200 CD4) chez les sujets VIH. Son évaluation récente chez
des sujets VIH  contrôlés par HAART ( 200 CD4) montre des résultats inter-
médiaires. Ce traitement a l’AMM chez le sujet immunocompétent.

Traitements physiques ou chirurgicaux


Cryothérapie
C’est un traitement de choix souvent de première intention pour les lésions
externes de petite taille. L’azote liquide est appliquée à l’aide d’un coton-tige
pendant 10 secondes. Les fréquences d’application sont fonction du type des
lésions, de leur localisation, de leur étendue et du statut immunitaire du patient.
Les effets secondaires les plus fréquents sont principalement des douleurs et des
ulcérations.
Laser
Le laser CO2 nécessite une anesthésie locale ou générale en fonction de
l’étendue des lésions. Il demande un bon entraînement de l’opérateur afin de ne
pas engendrer de cicatrices inesthétiques. L’ablation des lésions atteint selon cer-
taines études 100 % si la technique est correctement effectuée ; un taux de
récidive de 35 % est néanmoins observé. Les effets secondaires du traitement
114 Les maladies sexuellement transmissibles

sont principalement les douleurs mais aussi la coalescence des petites lèvres, le
phimosis, voire des hyper- ou hypopigmentations.
Électrocoagulation
Cette méthode est supplantée aujourd’hui par le laser CO2 mais peut encore
être employée dans les centres non équipés de laser. Elle est utilisée sous anes-
thésie locale ou générale suivant l’étendue des lésions. Les résultats permettent
d’obtenir la disparition des lésions mais environ un tiers des patients récidivent.
Des cicatrices, des dépigmentations ainsi que des phimosis sont rapportés.
Chirurgie
L’exérèse chirurgicale des lésions peut être envisagée mais pas en première
intention. Elle peut se discuter sur des lésions isolées faciles à exciser. La circonci-
sion est parfois le seul traitement possible de lésions étendues du prépuce. La
chirurgie est justifiée en cas de doute diagnostique. Les vulvectomies partielles
ou totales sont indiquées dans le cadre des néoplasies intra-épithéliales.

Indications thérapeutiques
Les indications thérapeutiques sont fonction du type de lésions, de leur localisa-
tion, de l’expérience du clinicien, de l’accession aux techniques mais également
des souhaits et de la disponibilité du patient, de son niveau de compréhension
des modalités thérapeutiques. Une surveillance clinique est nécessaire : contrôle
3 et 6 mois après la disparition des lésions cliniques. L’association de techniques
ablatives destructrices à effet immédiat ou presque à un traitement auto-
appliqué est tout à fait envisageable.

Prévention
L’efficacité des préservatifs et de la circoncision pour la prévention des infections à
PVH est discutée en raison de la présence de virus en peau non lésionnelle. La
contagiosité des condylomes acuminés, le risque de dissémination ou de réin-
fection et la preuve de son efficacité dans la prévention d’autres MST incitent
cependant à conseiller l’utilisation du préservatif. La durée de la protection par
préservatifs après éradication des lésions au sein d’un couple n’est pas codifiée.
On conseille des rapports avec préservatifs pendant le traitement et pendant une
période de « sécurité » après la rémission clinique. La normalité de deux examens
pratiqués à 3 mois d’intervalle peut être considérée comme raisonnable pour envi-
sager l’arrêt du préservatif dans un couple stable (la majorité des récidives s’obser-
vent à 3 mois). Dans les condylomatoses florides, le risque d’auto-inoculation par
l’utilisation du préservatif incite à conseiller une abstinence durant la période du
traitement. La disparition des lésions sous traitement peut prendre 1 à 6 mois et
bien que les récidives soient fréquentes, les lésions disparaissent tôt ou tard.
Il n’y a pas d’arguments formels en faveur du rôle du préservatif dans la pré-
vention du cancer du col utérin.

Conclusion
Si les connaissances sur les infections anogénitales à PVH ont considérablement
évolué ces dernières années, leur prise en charge a peu changé. Cependant,
17. Condylomes anogénitaux (ou verrues génitales) 115

l’arrivée des vaccins prophylactiques protégeant contre les PVH-6, 11, 16 et 18
qui sont d’une efficacité proche de 100 %, permet d’envisager une réduction
importante de ces infections. En effet, sous réserve d’une couverture vaccinale
de 100 %, on peut espérer une prévention d’environ 85 % des infections ano-
génitales à PVH-6, 11, 16 et 18.

Thérapeutique
Verrues génitales externes
l Lésions limitées en nombre et en taille :
– cryothérapie ;
– ou imiquimod ;
– ou podophyllotoxine (sauf vulve et anus).
l Lésions nombreuses ( 10) ou étendues ( 1 cm2) :

– 1er épisode : imiquimod ou destruction (laser, chirurgie, électrocoagulation) ;


– Récidives : destruction (laser, chirurgie, électrocoagulation)  imiquimod.

Bibliographie
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18 Maladies sexuellement
transmissibles mineures,
ectoparasitoses, molluscums

C. Chartier

Les MST mineures comportent les ectoparasitoses cutanées et les molluscums


contagiosums. On parle d’affections mineures, car la transmission se fait par
contact cutané ou par l’intermédiaire de la pilosité pubienne, ne nécessitant pas
un rapport sexuel ; en outre, il n’existe pas de complications urologiques ou gyné-
cologiques. L’utilisation du préservatif en modifie peu ou pas l’épidémiologie.

Ectoparasitoses cutanées
Les ectoparasitoses cutanées sont souvent mal vécues sur le plan psychologique,
car considérées à tort comme dues à un manque d’hygiène.

Gale
Il s’agit d’une ectoparasitose due à Sarcoptes scabiei hominis. La transmission est
interhumaine et nécessite des contacts intimes, prolongés chez des personnes
partageant le même lit. La durée de survie du parasite en dehors de l’homme est
brève (1 à 2 jours) ; en dessous de 20 °C, l’acarien femelle est immobile et meurt
rapidement ; au-dessus de 55 °C, l’acarien meurt en quelques minutes.
L’incubation est de 3 semaines. Le diagnostic est clinique : prurit à recrudes-
cence nocturne, souvent à caractère familial. L’examen clinique recherche des
lésions de grattage dans les espaces interdigitaux, la face antérieure des poi-
gnets, l’emmanchure antérieure des aisselles, les mamelons, l’ombilic, le four-
reau de la verge (présence de lésions papuleuses, excoriées, prurigineuses : c’est
le chancre scabieux) (figure 18.1), la face interne des cuisses. Les signes spéci-
fiques sont plus rarement retrouvés ; il s’agit du sillon scabieux et de l’éminence
acarienne. Le sillon scabieux est une petite lésion sinueuse, filiforme, de quel-
ques millimètres de longueur, correspondant au trajet de l’acarien femelle dans
la couche cornée. Il siège surtout dans les sillons interdigitopalmaires et sur la
face antérieure des poignets. L’éminence acarienne est une surélévation de la
taille d’une tête d’épingle correspondant à la position de la femelle à l’extrémité
du sillon. La symptomatologie est discrète lorsque l’hygiène est correcte (« gale
des gens propres »), particulièrement riche en cas de déficit immunitaire. La gale
norvégienne est une érythrodermie croûteuse observée en règle chez des
patients âgés et classiquement non ou peu prurigineuse.
Il n’est pas nécessaire d’effectuer des examens complémentaires.
18. Maladies sexuellement transmissibles mineures, ectoparasitoses, molluscums 117

Figure 18.1
Nodules scabieux du
gland et du scrotum.

Parmi les complications, on retient essentiellement le prurit post-scabieux (2 à


4 semaines) et l’impétiginisation des lésions.
Le traitement doit concerner les sujets atteints de gale et l’entourage. Il doit se
faire dans le même temps pour éviter les recontaminations.
Le traitement « moderne » repose sur l’ivermectine (Stromectol®). La posolo-
gie est de 200 g/kg de poids en dose unique soit 3 à 6 comprimés ; une
deuxième cure est nécessaire 15 jours plus tard ; ce traitement est contre-
indiqué chez la femme enceinte et l’enfant de moins de 15 ans.
Le traitement « classique » repose sur différents topiques. Il faut éviter de pres-
crire des aérosols chez des patients asthmatiques. L’application des produits
locaux se fait sur l’ensemble du corps, à l’exception du visage. Ces différents trai-
tements ne sont pas remboursés. Le benzoate de benzyle (Ascabiol®) est le plus
utilisé ; on dispose également de l’esdépallethrine, du lindane et du crotamiton.
La propagation de la gale par l’intermédiaire de vêtements contaminés est
une éventualité assez rare ; on recommande de laver les vêtements et la literie à
60° ; le parasite étant fragile aux températures habituelles, il est parfois suffisant
d’aérer la literie et d’isoler les vêtements pendant quelques jours puis de les laver
normalement.

Phtiriase pubienne
Il s’agit d’une ectoparasitose due à Phtirius inguinalis (morpion). Le parasite se
localise dans la pilosité génitale ; l’adulte est accroché à la racine du poil, les lentes
sont fixées sur les tiges pilaires. La transmission est sexuelle mais des cas de conta-
mination indirecte sont possibles (literie, serviettes). Chez l’homme, la parasitose
peut s’étendre sur la pilosité abdominale, thoracique, la barbe, les cils…
Le diagnostic clinique se résume à un prurit pubien associé à des excoriations
cutanées de la région génitale. L’examen permet de mettre en évidence les para-
sites adultes, les lentes et un piqueté hémorragique. En cas de localisation
ciliaire, il existe parfois une conjonctivite et une blépharite.
118 Les maladies sexuellement transmissibles

Le traitement fait appel à des antiparasitaires locaux qui ne sont pas rembour-
sés par la Sécurité sociale. Le rasage n’est pas indispensable mais accélère la
guérison. On y associe un traitement local parmi les molécules suivantes : le
malathion (Prioderm®), les pyréthrines ou le lindane.
Certains auteurs recommandent de décontaminer la literie par simple lavage à
60° ; il n’est pas utile de traiter toute la famille comme au cours de la gale.

Molluscum contagiosum
Les molluscums contagiosums sont dus à un virus à ADN du groupe des poxvi-
rus. Il existe deux sous-types MCV-1 et MCV-2 ; d’autres sous-types viraux ont
été récemment mis en évidence.
La lésion élémentaire est une papule perlée rose ou translucide, de 1 à 5 mm
de diamètre, avec une ombilication centrale (figure 18.2). La transmission est
volontiers sexuelle dans la forme éruptive de l’adulte immunocompétent ; les
lésions s’étendent alors sur le pubis, l’hypogastre et les organes génitaux exter-
nes. Chez le patient immunodéprimé, les molluscums peuvent être disséminés
et pseudo-tumoraux.

Figure 18.2
Molluscums
contagiosums du
fourreau.

Le diagnostic est clinique. Exceptionnellement, une biopsie est nécessaire pour


confirmation histologique.
L’abstention thérapeutique n’est pas souhaitable en raison du risque de multi-
plication des lésions et de transmission sexuelle. Les traitements physiques sont
parfois douloureux et peuvent nécessiter une anesthésie locale de contact
(crème Emla®) :
n le curetage enlève toute la lésion ; la méthode est efficace mais sanglante ;
n la cryothérapie par azote liquide nécessite souvent plusieurs applications à
2 ou 3 semaines d’intervalle ;
n l’électrocoagulation ou le laser CO2 sont efficaces mais comportent un risque
cicatriciel non négligeable.
Les traitements chimiques locaux sont nombreux mais aucun n’est satisfai-
sant : différentes préparations sont utilisées dont l’acide trichloroacétique à
33 % ; la trétinoïne et l’imiquimod ont été essayés mais n’ont pas l’AMM. Des
études sont en cours concernant le cidofovir.
18. Maladies sexuellement transmissibles mineures, ectoparasitoses, molluscums 119

Thérapeutique
Gale
l Benzoate de benzyle à 10 % sur peau humide : durée d’application de 12 à
24 heures ; on peut renouveler l’application au bout de 24 heures ; le produit
peut être à l’origine d’irritation ou d’eczématisation.
l Ou esdépallethrine : durée d’application de 12 heures (les aérosols sont formel-

lement contre-indiqués chez les patients asthmatiques).


l Ou ivermectine : 200 g/kg de poids en dose unique soit 3 à 6 comprimés à

3 mg ; une deuxième cure 15 jours plus tard est parfois nécessaire, en particulier
en cas de gale profuse.

Thérapeutique
Phtiriase pubienne
l Malathion : temps d’application de 12 heures.
l Ou pyréthrines naturelles (sans effet rémanent) et pyréthrines de synthèse (avec
effet rémanent). De nombreuses spécialités sont disponibles, souvent commer-
cialisées pour les pédiculoses de la tête ; ces traitements sont efficaces pour la
pédiculose pubienne. Il convient de respecter les temps d’application recom-
mandés par les fabricants.

Thérapeutique
Molluscum contagiosum
l Curetage : enlève toute la lésion ; la méthode est efficace mais sanglante.
l Ou cryothérapie par azote liquide : nécessite souvent plusieurs applications à
2 ou 3 semaines d’intervalle.

Bibliographie
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revue de la littérature. Annal Dermatol Vénéréol 2008 ; 135 : 326-32.
19 Primo-infection VIH

F.-J. Timsit

La primo-infection VIH correspond à l’ensemble des manifestations cliniques et


biologiques survenant dans les jours (5 à 30) suivant la contamination. Elle est
symptomatique dans 45 à 80 % des cas. Pourtant, parmi les nouvelles infec-
tions VIH déclarées en 2006, moins de 10 % étaient découvertes à l’occasion
de la primo-infection. Elle est sous-diagnostiquée. Les manifestations cliniques
sont d’intensité variable, parfois minimes, retrouvées à l’interrogatoire d’un
patient consultant pour un simple dépistage ou pour une MST, parfois impor-
tantes justifiant à elles seules une consultation, voire une hospitalisation
(figure 19.1).

Représentation schématique des marqueurs


virologiques au cours de la primo-infection
par le VIH en l’absence de traitement

Taux des
marqueurs anti-gp 160
anti-gp 120
anti-gp 41
anti-p24

Seuil de
détection ARN-VIH
des
marqueurs Ag p24

Contage J0 11–12 14–15 20–21 28–29 Temps (jours)


Fenêtre virologique ARN-VIH plasmatique
Primo-infection

Antigenemie p24
ADN proviral

Anticorps anti-VIH positifs par ELISA


Fenêtre sérologique
Ac anti-VIH positifs
Western-Blot

Rouzioux C. ANRS document d’information. novembre 97


Figure 19.1 
Représentation schématique des marqueurs virologiques au cours de la primo-
infection par le VIH en l’absence de traitement.
19. Primo-infection VIH 121

Manifestations cliniques et biologiques


Clinique
Les manifestations cliniques initiales sont souvent peu spécifiques et réalisent un
syndrome pseudo-grippal plus ou moins sévère : fièvre, sueurs, céphalées, arthral-
gies, myalgies, parfois troubles digestifs (diarrhée) et amaigrissement. Une polya-
dénopathie est fréquente, une splénomégalie possible. Les signes cutanéomuqueux
sont évocateurs : rash maculopapuleux, parfois discret fugace localisé au tronc ou
au visage, parfois généralisé, pharyngite (deux tiers des cas) à type d’angine
érythémateuse ou érythématopultacée, ulcérations buccales, génitales ou anales
présentes surtout en cas d’exposition sexuelle. L’association syndrome pseudo-
grippal  éruption cutanée  ulcérations cutanéomuqueuses (figure 19.2) est très
évocatrice. Des manifestations neurologiques sont rapportées dans 10 % des cas :
méningite ou méningo-encéphalite, plus rarement polyradiculonévrite, neuropa-
thie périphérique, paralysie faciale. D’autres atteintes ont été décrites : atteinte
pulmonaire à type de pneumopathie interstitielle, myocardite, monoarthrite,
conjonctivite, rhabdomyolyse. La médiane de durée d’une primo-infection est de
2 semaines, certains symptômes peuvent durer plusieurs semaines.

Figure 19.2 
Ulcérations génitales
au cours d’une primo-
infection VIH.

La primo-infection VIH doit être recherchée devant un syndrome pseudo-


grippal ou un syndrome mononucléosique au même titre que la mononucléose
infectieuse, la primo-infection CMV, la grippe, la syphilis, la toxoplasmose, les
hépatites…

Biologie
Les principales anomalies biologiques sont hématologiques et hépatiques. La
thrombopénie est fréquente (75 % des cas), associée à une leuconeutropénie et
une lymphopénie au début ; secondairement on peut observer une hyperlym-
phocytose, voire un syndrome mononucléosique. En cas de lymphopénie pro-
fonde, des infections opportunistes sont possibles. Une hépatite aiguë
cytolytique biologique est fréquente se traduisant par une élévation modérée
des transaminases.
122 Les maladies sexuellement transmissibles

Le diagnostic de certitude repose sur la confrontation des résultats sérolo-


giques (Elisa – western-blot [WB]), et virologiques (antigènémie p24 et charge
virale/ARN–VIH). La mesure de l’ARN–VIH plasmatique peut être positive 7 à
10 jours après la contamination. Elle ne détecte que le VIH-1. L’antigénémie p24
se positive dès le 15e jour, elle dépiste VIH-1 et 2, sa spécificité est de 100 %,
elle se négative en 2 à 3 semaines. C’est un test simple et peu coûteux.
Les nouveaux tests Elisa combinés détectent à la fois l’antigène p24 et les anti-
corps. Ils se positivent aussi dès le 15e jour et leur résultat peut être obtenu en
quelques heures.
Les anticorps sont détectables par tests Elisa en moyenne 20 à 25 jours après
le contage. La positivité est confirmée par le WB sur le premier sérum, souvent
incomplet au stade de primo-infection ; il faut des anticorps dirigés contre au
moins deux protéines d’enveloppe (gp 120, gp 160, gp 41) pour affirmer sa
positivité.
Une sérologie VIH négative ou incomplète associée à un ARN–VIH positif ou
une antigénémie VIH positive, signe la primo-infection.
Aucun marqueur n’est détectable dans les 7 à 10 jours suivant le contage.

Traitement
L’éradication virale n’est jamais obtenue sous l’effet d’un traitement antirétro-
viral efficace même prescrit très précocement. Aucune étude à ce jour n’a pu
montrer de bénéfice clinique à long terme d’un traitement antirétroviral à ce
stade. Il est réservé aux primo-infections cliniquement sévères, en cas d’atteinte
neurologique, d’infection opportuniste, ou s’il existe d’emblée un déficit immu-
nitaire profond (CD4  200/mm3). Dans ces cas, on prescrit une trithérapie. Il
est indiqué chez la femme enceinte. Dans tous les autres cas, les patients sont
suivis de manière rapprochée pendant 1 an, pris en charge et traités comme des
malades chroniques ensuite. Les essais d’immunothérapie n’ont pas à ce jour
donné de résultats probants.

Thérapeutique
L’instauration d’un traitement antirétroviral est recommandée dans les trois situa-
tions suivantes :
l si les symptômes sont sévères en particulier en cas de symptômes neurologiques

et/ou durables ;
l en cas de survenue d’infection opportuniste ;

l s’il existe d’emblée un déficit immunitaire (lymphocytes CD4  200/mm3).

Dans les autres cas de primo-infection paucisymptomatique, et en cas de primo-


infection asymptomatique, un traitement précoce n’est pas recommandé
d’emblée.

Bibliographie
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20 Hépatites virales B et C

S. Gayno

L’hépatite virale B est une infection sexuellement transmissible.


Les autres virus des hépatites ont une transmission sexuelle très faible,
récemment mise en exergue pour le virus de l’hépatite C chez les homosexuels
ayant des comportements sexuels à risque.

Hépatite virale B
Épidémiologie
L’hépatite B est un problème majeur de santé publique dans le monde avec
2 milliards d’individus qui ont rencontré le virus de l’hépatite B (VHB) et 350 mil-
lions de porteurs chroniques.
L’infection par le VHB donne des hépatites aiguës (ictériques dans 10 % des
cas, fulminantes dans 0,1 % des cas), qui évoluent vers la chronicité dans 10 %
des cas. Au début de l’infection chronique, il existe une réplication virale active
et des lésions histologiques minimes (phase de tolérance immunitaire). Après
plusieurs années d’évolution, la réplication virale diminue, puis disparaît. À cette
phase, une fibrose peut se développer, puis une cirrhose avec risque d’appari-
tion d’un carcinome hépatocellulaire. Il existe enfin des porteurs dits asympto-
matiques ou sains de l’antigène HBs qui ont des lésions hépatiques minimes,
non évolutives et une multiplication virale faible ou nulle.
Dans le monde, on distingue trois zones d’endémie selon la prévalence de
l’infection :
n zone d’endémie faible (moins de 2 % de porteurs chroniques) en Europe de
l’Ouest, Amérique du Nord et Australie ;
n zone d’endémie moyenne (entre 2 et 7 % de porteurs chroniques) en
Europe de l’Est, sur le pourtour méditerranéen, en Amérique centrale, au
Proche-Orient ;
n zone d’endémie forte (plus de 7 % et jusqu’à 20 % de porteurs chroniques)
en Afrique subsaharienne, Asie du sud-est, Chine, Amérique amazonienne.
En France, pays qui fait partie de la zone de faible endémie, l’infection par le
VHB touche 0,68 % de la population, principalement les migrants, les popula-
tions originaires des DOM-TOM, des précaires et des populations à risque
(homosexuels, sujets à partenaires multiples, partenaires sexuels des personnes
infectées, usagers de drogues, dialysés, anciens transfusés, patients infectés par
le VIH ou le VHC). Le dépistage de l’infection par le VHB est recommandé dans
ces populations à risque. En cas de négativité, le vaccin est recommandé.
124 Les maladies sexuellement transmissibles

Dépistage
Il associe la recherche de l’antigène HBs et des anticorps anti-HBs : si l’antigène
HBs est positif, la personne est infectée ; si l’anticorps anti-HBs est positif, la per-
sonne est immunisée (soit guérie après contact, soit vaccinée) ; si l’antigène HBs
et l’anticorps anti-HBs sont négatifs, la personne n’a pas rencontré le VHB et
n’est pas protégée, elle doit être vaccinée.

Bilan initial
Il comporte :
n un bilan virologique : IgM anti-HBc (pour éliminer une infection aiguë
récente), antigène HBe (marqueur indirect de multiplication virale), anticorps
anti-HBe (associés à un arrêt de la multiplication virale ou signent un virus
mutant), dosage quantitatif de l’ADN du VHB par PCR (pour évaluer la multi-
plication virale B) ;
n une évaluation de l’atteinte hépatique par un bilan biologique hépatique,
un dosage de l’alpha-fœto-protéine, une échographie et des tests non invasifs
de fibrose (biologiques ou élastométriques) ;
n la recherche de comorbidités (alcool, infection VIH, VHC, surinfection Delta).
Le patient doit être ensuite confié à un hépatologue, qui pose les indications
de la ponction biopsie hépatique et du traitement.

Hépatite B et VIH
L’infection par le VHB a des caractéristiques particulières : prévalence accrue, ris-
que accru de passage à la chronicité (20 % au lieu de 5 % chez l’adulte après
contamination), séroconversion e et s moins fréquentes, transaminases moins
élevées et virémie plus marquée, cirrhoses plus fréquentes, évolution fibrosante
plus rapide avec une forme particulière dite fibrose hépatique cholestasiante.
La mortalité est accrue par rapport à l’infection VHB seule (RR    19) et l’in-
fection VIH seule (surmortalité hépatique de 22 % et RR    3,9) par complica-
tion de la cirrhose : décompensation ou carcinome hépatocellulaire.
La vaccination B est moins efficace chez un patient infecté par le VIH et un
schéma avec quatre injections (J0, M1, M2, M6) est recommandé.

Transmission sexuelle du VHB


Le VHB est présent dans le sang (jusqu’à 109 v/mL), le sperme et les sécrétions
vaginales (jusqu’à 107 v/mL) et la salive (jusqu’à 105 v/mL).
Le risque de transmission sexuelle du VHB est estimé entre 30 et 80 % lors de
rapports sexuels non protégés avec un partenaire sexuel infecté, soit près de
100 fois supérieur à celui du VIH. Le risque augmente avec la charge virale. Il
n’est pas totalement annulé par les préservatifs. Il n’y a pas de transmission sali-
vaire prouvée du VHB.
Le partenaire sexuel stable doit donc être protégé et dépisté compte tenu de
l’exposition au risque, puis vacciné dès la première consultation (la vaccination
peut être interrompue selon le résultat du dépistage). La protection vaccinale est
contrôlée par le dosage des anticorps anti-HBs. Les préservatifs sont recomman-
dés tant que l’efficacité vaccinale n’est pas démontrée.
20. Hépatites virales B et C 125

Lors des situations urgentes d’exposition sexuelle au VHB (rapports non pro-
tégés, accident de préservatif, viol, annonce d’une infection), sont recommandés :
le dépistage, l’injection d’une dose vaccinale, l’injection IM d’immunoglobulines
spécifiques anti-HBs (si l’exposition date de moins de 72 heures) et si possible le
prélèvement du sujet source.

Hépatite virale C
De transmission essentiellement parentérale (sang), l’hépatite virale C est pandé-
mique et touche 170 millions d’individus dans le monde et 500 000 en France.
L’histoire naturelle de la maladie est marquée par un passage fréquent à la chroni-
cité (70 % des cas) qui peut évoluer vers la cirrhose (20 % après 20 ans) et le carci-
nome hépatocellulaire. Les avancées thérapeutiques successives permettent
actuellement une guérison (avec éradication virale définitive) dans 60 % des cas. Le
diagnostic de l’infection par le VHC repose sur la sérologie C et la PCR qualitative.

Transmission sexuelle du VHC


Le VHC est inconstamment trouvé dans le sperme et la glaire cervicale : la PCR
est positive dans 18 % des cas (38 % des co-infectés VIH–VHC), par intermit-
tence, à un taux proche du seuil de détection. Le VHC est retrouvé dans le sang
des menstruations.
La prévalence de l’infection par le VHC chez le partenaire sexuel d’un patient
infecté varie entre 0 et 6 %, et est toujours inférieure à 5 % en l’absence de fac-
teur de risque propre. Celle-ci augmente avec la charge virale C, une immuno-
dépression, une infection VIH, une MST, des partenaires sexuels multiples, une
maladie hépatique sévère.
Le risque de contamination sexuelle du VHC augmente avec la durée de vie
commune : de 0 à 0,6 % par année de vie commune, elle est estimée à
0,37/1000 personne-année dans les couples monogames stables.

Association VHC–VIH
La prévalence d’une co-infection VHC est de 24,3 % dans la population
VIH positive : 69 % des malades sont virémiques, 65 % ont des transaminases
élevées, 20 % sont cirrhotiques.
L’hépatite C a pour caractéristiques : une prévalence accrue, un risque accru
de passage à la chronicité, une réplication virale plus élevée, une évolution fibro-
sante plus rapide, une cirrhose plus fréquente (RR  2 à 5), une surmortalité
hépatique (18 %), un traitement moins efficace.
La transmission sexuelle du VHC en cas d’infection VIH est observée surtout
chez des homosexuels masculins pratiquant une sexualité à haut risque (rapports
anaux non protégés, partenaires multiples, rapports traumatiques avec saigne-
ments, utilisation de drogues récréatives).

Bibliographie
Derancourt C et al. Les vaccinations. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133 : 2S66.
INPES. Hépatite C. Dépistage, clinique, prise en charge et conseils aux patients. 2007.
Lok AS et al. Chronic hepatitis B. Hepatology 2007 ; 45 : 507-39.
Meffre C et al. Prevalence of hepatitis B and hepatitis C in France 2004. INVS 2007.
21 Virus Epstein-Barr,
cytomégalovirus,
herpèsvirus humain 8

N. Dupin 

Virus Epstein-Barr (EBV)


L’EBV est un gammaherpesvirus de distribution ubiquitaire infectant plus de 90 %
des sujets adultes en France comme dans la plupart des pays industrialisés. Il
existe deux pics d’infection entre 6 et 7 ans et entre 14 et 15 ans. Le virus a un
tropisme salivaire démontré et la transmission se fait par contact oro-oral.
L’excrétion salivaire de virus infectieux a été démontrée au moment de la primo-
infection et elle se prolonge pendant plusieurs mois après l’épisode initial. Une
étude de quantification de l’ADN viral a par ailleurs démontré que l’excrétion
salivaire pouvait être observée chez une proportion importante de sujets infectés
par l’EBV avec deux pics saisonniers au printemps et à l’automne. Le virus EBV
peut également être isolé de sécrétions génitales chez l’homme ou la femme.
Ainsi, dans une étude, l’ADN viral était retrouvé dans près de 30 % des prélè-
vements cervicaux et 13 % des frottis péniens. Dans un travail ayant porté sur
plus de 1000 étudiants, la prévalence de l’EBV était plus élevée chez les filles
(80 %) que chez les garçons (67 % ; p  0,001). La prévalence de l’EBV était
également plus élevée chez les sujets ayant déjà eu des rapports sexuels (83 %
vs 64 % ; p  0,01) et la prévalence augmentait avec le nombre de partenaires
sexuels. Dans cette étude, il existait un petit effet protecteur des préservatifs
suggérant une transmission via les rapports sexuels. Le virus EBV est l’agent
infectieux le plus fréquemment détecté dans les ulcérations aiguës de la vulve
ou ulcères de Lipschütz (cf. figure 28.2) sans cependant qu’une transmission
sexuelle ait pu être démontrée puisqu’il s’agit le plus souvent de jeunes filles
vierges mais ayant dans certains cas eu des rapports orogénitaux. Chez les
homosexuels, il existe de forts arguments pour une transmission sexuelle du
variant EBV-2 possiblement par contacts oro-anaux. Si la transmission sexuelle
est suggérée par les données épidémiologiques chez les hétérosexuels, les prati-
ques sexuelles associées à la transmission sont actuellement inconnues.

Cytomégalovirus (CMV)
Le cytomégalovirus (CMV) est un betaherpesvirus infectant plus de 50 % des adul-
tes des pays industrialisés. Le CMV a un tropisme salivaire et la transmission classi-
quement admise par tous est la transmission oro-orale. Il existe cependant des
données épidémiologiques qui suggèrent une possible transmission sexuelle chez
21. Virus Epstein-Barr, cytomégalovirus, herpèsvirus humain 8 127

les hommes hétérosexuels. Ainsi, dans une étude ayant concerné 470 hommes
hétérosexuels et ayant porté sur les facteurs de risque associés aux infections par
les virus de l’hépatite B, de l’hépatite C et le CMV, Hyams et al. ont démontré
qu’un antécédent de maladies sexuellement transmissibles était un facteur de ris-
que d’infection par le CMV. Chez des hommes séropositifs pour le VIH, des antéc-
édents de MST, le fait d’être homosexuel et le nombre de partenaires sexuels
étaient des facteurs de risque associés à la séropositivité pour le CMV. Dans cette
étude, il existait un effet protecteur des préservatifs suggérant une transmission
par contact génito-anal.

Herpèsvirus humain 8 (HHV-8)


L’HHV-8 est un gammaherpesvirus associé à la maladie de Kaposi (figure 21.1).
Contrairement à l’EBV et au CMV qui sont des virus relativement répandus,
l’HHV-8 n’infecte que 2 à 5 % des sujets adultes dans les pays industrialisés. En
revanche, le virus infecte près de 30 % des homosexuels dans ces mêmes pays,
suggérant une possible transmission lors des contacts sexuels chez les homo-
sexuels. Une étude menée chez des homosexuels de San Francisco a montré que
la prévalence de HHV-8 augmentait avec le nombre de partenaires sexuels. Dans
une étude rétrospective sur une cohorte d’homo/bisexuels, les facteurs associés
à la séropositivité HHV-8 étaient : le fait d’être VIH positif, le fait de ne pas avoir
de partenaires fixes, d’être originaire d’Europe du Sud et d’Amérique latine,
d’être plus âgé et d’avoir plus de partenaires sexuels. Parmi les pratiques à risque
chez les homosexuels, les rapports orogénitaux insertifs ou réceptifs étaient les
seuls rapports sexuels pour lesquels il y avait un sur-risque d’être infecté par
l’HHV-8. L’HHV-8 peut être détecté dans les sécrétions salivaires avec une
excrétion intermittente et parfois très élevée suggérant que la transmission
implique le contact oral comme pratique sexuelle à risque. En revanche, l’HHV-8
est très rarement détecté dans le sperme ou les sécrétions séminales. L’ensemble
de ces données plaident pour une transmission sexuelle par contact orogénital
chez les homosexuels, ce qui expliquerait que les mesures de « safe sex » n’aient
eu que très peu d’impact sur la prévalence de l’infection par l’HHV-8 chez les
homosexuels entre le début des années 1980 et la fin des années 1990. Aucune
étude n’a, à ce jour, clairement démontré la possibilité d’une transmission
sexuelle chez les hétérosexuels, qu’il s’agisse d’études provenant de pays à faible

Figure 21.1
Maladie de Kaposi du palais au cours
du sida.
128 Les maladies sexuellement transmissibles

prévalence ou de pays endémiques notamment en Afrique. Dans les pays à forte


prévalence, les études de transmission privilégient une transmission horizontale
par contacts salivaires répétés, la transmission verticale maternofœtale restant
possible mais plutôt marginale.

Bibliographie
Crawford DH et al. Sexual history and Epstein-Barr virus infection. J Infect Dis 2002 ; 186 :
731-6.
Henke-Gendo C, Schulz TF. Transmission and disease association of Kaposi’s sarcoma asso cia-
ted herpes virus: recent developments. Curr Opin Infect Dis 2004 ; 17 : 53-7.
Hyams KC et al. Heterosexual transmission of viral hepatitis and cytomegalovirus infection
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1993 ; 20 : 36-40.
Ling PD et al. The dynamics of herpes virus and polyomavirus reactivation and shedding in
healthy adults: a 14-month longitudinal study. J Infect Dis 2003 ; 187 : 1571-80.
22 Vaginose bactérienne

J.-P. Lepargneur, R. Viraben

Les termes de vaginose non spécifique puis de vaginose bactérienne ont été suc-
cessivement introduits en 1981 et 1983 par Spiegel, Amsel et Holmes pour
désigner un déséquilibre de flore vaginale. Il s’agit d’un concept singulier puis-
que le terme ne s’applique :
n ni à une affection caractérisée sur le plan clinique ou anatomique (excluant
une vaginite inflammatoire) ;
n ni à une infection définie sur le plan microbiologique : les infections spéci-
fiques (candidose ou trichomonose) sortent du cadre de définition ; il existe
des bactéries diverses en particulier Gardnerella vaginalis associées à cet état
mais aucune ne peut être tenue responsable de celui-ci, d’où le terme vague
de « bactérienne ».
La notion de déséquilibre de flore suppose la connaissance d’une flore nor-
male de référence ; or, celle-ci reste mal définie. De plus, la dégradation de la
flore génitale n’est pas univoque d’où les notions de déséquilibre de flore sans
vaginose, de vaginose partielle ou de vaginite aérobie et la nécessité de définir la
vaginose sur des critères précis.

Diagnostic clinique et microbiologique


La vaginose est en règle découverte au cours d’une consultation pour leucor-
rhées abondantes ou malodorantes.

Score d’Amsel
Le diagnostic clinique repose sur le score d’Amsel, pour lequel la vaginose est
avérée si trois paramètres au moins sont positifs parmi quatre :
n pH vaginal  4,5 ;
n présence de cellules indicatrices (clue cells) ;
n odeur aminée de poisson après addition d’une solution à 10 % de potasse sur
les pertes vaginales ;
n pertes blanc grisâtre homogènes caractéristiques (figure 22.1).
Ces critères ne sont pas de valeur identique :
n la constatation de leucorrhées n’est ni sensible ni spécifique ;
n l’odeur liée à la présence de bactéries anaérobies est spécifique, peu sensible ;
n l’élévation du pH observée au cours des règles, après les rapports ou dans cer-
taines infections vaginales (trichomonas) est très sensible mais peu spécifique ;
n la présence de cellules indicatrices est l’examen de référence. Il s’agit de cellu-
les desquamées de l’épithélium vaginal apparaissant, sur une lame à l’état
130 Les maladies sexuellement transmissibles

frais, granuleuses et à bords flous, par adhérence de bacilles et de cocci (20 %


des cellules doivent être de ce type sur le frottis) (figure 22.2).

Figure 22.1
Leucorrhées
abondantes de la
vaginose bactérienne.

Figure 22.2
Cellule indicatrice
coloration de
Gram  1000.

Score de Nugent
Le diagnostic biologique s’effectue par examen direct après coloration de Gram
permettant d’établir le score de Nugent (tableau 22.1), qui reste l’examen de
référence. Certains privilégient aujourd’hui l’état frais ; en effet la coloration tend
à sous-estimer les lactobacilles par rapport aux autres bactéries.

Flore bactérienne associée


La vaginose est définie comme une profonde altération qualitative et quantitative
de l’écosystème vaginal avec déplétion de la flore dominante normale à lactoba-
cilles et acquisition de diverses communautés bactériennes anaérobies. En culture,
Gardnerella vaginalis est régulièrement retrouvée ; cette bactérie n’est pas spéci-
fique de la vaginose (la moitié des femmes porteuses n’ont pas de vaginose) mais
sa présence en abondance (plus de 100 fois plus que les sujets contrôles) est assez
caractéristique. La présence d’autres bactéries anaérobies Mobiluncus, Bacteroides
22. Vaginose bactérienne 131

Tableau 22.1
Score de Nugent*
Score par morphotype
Morphotype 0  1/1000 1–5/1000 6–30/1000  30/1000
Lactobacilles 4 3 2 0
(grands, Gram postif)
Gardnerella-Bacteroides spp. 0 1 2 4
(petits, Gram variable)
Mobiluncus 0 1 2 3 4
(courbes, Gram négatif)
* 0–3 : normal ; 4–6 : intermédiaire ; 7–10 : vaginose bactérienne.

ou une co-infection avec Mycoplasma hominis ont été évaluées quant à leur rôle
de bactérie marqueur ou facteur de complication obstétricale. Aucune significa-
tion spécifique n’a pu leur être attribuée. Enfin, les techniques de biologie molé-
culaire ont montré la présence d’autres bactéries anaérobies pouvant avoir une
signification de « bactérie marqueur » : Atopobium vaginae, Megasphaera sp.,
Leptotrichia/Sneathia et nouvelles bactéries de l’ordre des Clostridiales.
La culture bactériologique a ainsi peu d’intérêt en pratique.

Circonstances d’apparition, facteurs favorisants


Tabac
Le tabagisme serait significativement associé à la vaginose et tout particuliè-
rement pendant les grossesses. Cette constatation pourrait s’expliquer soit par :
n une libération de prophages intégrés dans les lactobacilles sous l’effet de
dérivés du tabac entraînant leur destruction ;
n une baisse du taux sanguin d’œstradiol observée chez les fumeurs ayant pour
effet une diminution des lactobacilles.

Rapports sexuels
La vaginose bactérienne avait été primitivement considérée par Gardner comme
une infection sexuellement transmise, due à une espèce particulière d’Haemophilus,
sur la base d’inoculation à des sujets sains. Une approche alternative est de
considérer la vaginose comme un état physiologique post-coïtal. Le sperme basi-
que modifiant le pH serait à l’origine du déséquilibre de la flore. La constatation
de vaginoses chez les vierges et avec une forte prévalence chez les homosexuel-
les pourrait s’expliquer par la simple stimulation sexuelle répétée entraînant une
sécrétion vaginale avec la même conséquence sur l’élévation du pH. La pratique
des douches vaginales qui est un important facteur de risque pour la vaginose
pourrait relever du même mécanisme.

Terrain
Une altération de la réponse immunitaire innée a été évoquée pour expliquer le
développement de la vaginose ou l’apparition de complications obstétricales.
Les études restent préliminaires et partielles.
132 Les maladies sexuellement transmissibles

Le rôle d’un éventuel facteur racial est également débattu. Le milieu socio-écono-
mique interfère en général avec l’origine ethnique dans les études de prévalence.

Complications
La vaginose est associée à un risque d’infection amniotique et secondairement, à
un accouchement prématuré et un nouveau-né de bas poids de naissance.
La vaginose est également associée à un risque infectieux postopératoire après
hystérectomie ou avortement au cours du premier trimestre. Dans ce dernier
cas, le traitement de la vaginose apparaît justifié pour prévenir une maladie
inflammatoire du pelvis.
Par ailleurs, la vaginose bactérienne augmente le risque d’acquisition du VIH.

Traitement
Les moyens thérapeutiques diffèrent selon la cible : soit antibiothérapie visant à
détruire la flore de substitution, soit implantation d’une nouvelle flore de
lactobacilles.
Le métronidazole 500 mg, 2 fois/j pendant 7 jours est l’antibiotique le plus
utilisé. Ces traitements sont efficaces dans environ 80 % des cas mais avec un
taux de récidive de l’ordre de 60 % au bout de un an.
La clindamycine 300 mg, 2 fois/j pendant 7 jours est d’efficacité comparable.
Les formes topiques de ces antibiotiques, moins efficaces, ont été proposées
dans le traitement préventif au long cours. En France, seul le métronidazole en
ovule est commercialisé.
Dans la perspective de restaurer la flore vaginale, des probiotiques d’origine
agroalimentaire (L. acidophilus, rhamnosus et fermentum) administrés régu-
lièrement per os ou intravaginal ont fait l’objet d’études sur de petites séries
essentiellement contre placebo.
L’efficacité de ces traitements est en général évaluée sur d’éventuelles mani-
festations cliniques et le score de Nugent. Leur impact dans la diminution du ris-
que d’acquisition du VIH n’est pas démontré. La prévention des complications
au cours de la grossesse n’est pas non plus démontrée sauf peut-être en cas
d’antécédent de prématurité.
Le traitement reste recommandé en cas de vaginose symptomatique et chez
les patientes asymptomatiques, après certaines interventions gynécologiques
(avortement et hystérectomie).

Diagnostic bactériologique
Vaginose bactérienne
Prélèvement des sécrétions de la moitié inférieure du vagin.
Dépôt sur trois lames :
o
l n  1 : une goutte de KOH à 10 % test de Whiff (odeur aminée) ;

o
l n  2 : bandelette pour détermination du pH puis une goutte de sérum physio-

logique pour examen immédiat recherche de clue cells ;


o
l n  3 : fixée à l’air pour examen différé après coloration de Gram ou après

réhydratation en contraste de phase.


22. Vaginose bactérienne 133

Thérapeutique
Vaginose bactérienne
Métronidazole : 500 mg, 2 fois/j per os pendant 7 jours

Bibliographie
Atashili J et al. Bacterial vaginosis and HIV acquisition: a meta-analysis of published studies.
AIDS 2008 ; 22 : 1493-501.
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Gynaecol 2007 ; 21 : 355-73.
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Microbiol 1983 ; 18 : 170-7.
Vexiau-Robert D et al. Leucorrhées. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133: 2S47-8.
23 Candidose vulvovaginale

M. Feuilhade de Chauvin

La candidose vulvovaginale (CVV) n’est pas une MST mais une infection fongi-
que opportuniste liée à un dysfonctionnement spécifique des défenses locales.
Cette infection, sous forme d’un ou de plusieurs épisodes aigus isolés, toucherait
75 % des femmes en bonne santé au cours de leur vie. En revanche, les candidoses
vulvovaginales récidivantes ou chroniques authentifiées, définies par la survenue de
plus de quatre épisodes par an prouvés par un examen mycologique, apparaissent
très rares, bien qu’il n’y ait aucune donnée épidémiologique chiffrable.
Les Candida responsables de cette mycose sont Candida albicans dans la très
grande majorité des cas (90 % des cas) et beaucoup plus rarement Candida (ex-
Torulopsis) glabrata. Ces deux Candida font partie naturellement de la flore com-
mensale de la cavité vaginale. Les autres espèces de Candida, qui sont présentes
dans la lumière du tube digestif, ne sont qu’exceptionnellement impliquées dans les
CVV et toujours sur des terrains particuliers (immunosuppression, radiothérapie…).

Candida : du commensalisme à l’infection


Candida spp. est une levure à l’état saprophyte mais qui, lorsqu’elle devient
pathogène, (candidose) développe une forme de pseudo-filaments, voire de
filaments.
Ainsi, dans l’infection candidosique, trois stades doivent être distingués :
n l’état commensal ou saprophyte : la levure Candida est sous forme de blas-
tospores en faible quantité et en équilibre avec la flore locale des autres
micro-organismes ;
n la colonisation : la levure Candida est dans la cavité vaginale en plus grande
quantité que dans le stade précédent, mais garde sa forme de levure ou blas-
tospore sans pseudo-filament. Ce phénomène traduit une situation locale
anormale telle qu’une sécheresse vaginale ;
n l’infection ou candidose vaginale résulte d’interactions locales complexes
entre le Candida et son hôte. Dans ce cas, Candida albicans développe sa
forme pseudo-filamenteuse et devient capable d’adhérer à la muqueuse vagi-
nale et d’y pénétrer.
La situation est plus difficile à apprécier pour Candida glabrata qui ne déve-
loppe pas de pseudo-filament.

Diagnostic
Il repose sur une confrontation cliniquo-biologique.
23. Candidose vulvovaginale 135

Clinique
La symptomatologie clinique n’est pas spécifique : prurit et leucorrhées associés
à un érythème, voire un œdème vulvaire. Cela est très évocateur lorsque les leu-
corrhées sont très blanches et adhérentes (lait caillé) (figure 23.1). La survenue
de brûlures ou de dyspareunie n’évoque pas une candidose vulvovaginale, mais
cette dernière peut cependant être présente. Ces symptômes traduisent une
réaction locale d’hypersensibilité immédiate avec synthèse d’IgE spécifiques et
libération d’histamine. L’interrogatoire précise la période de survenue des symp-
tômes au cours du cycle menstruel (2e partie) et leur siège exact, interne et/ou
externe (vulvite et/ou vaginite). Bien d’autres affections vulvaires ou vaginales
répondent à ces critères (tableau 23.1).

Figure 23.1 
Candidose vulvovaginale typique
(aspect de lait caillé).

Examen mycologique
Seul l’examen mycologique peut confirmer le diagnostic en visualisant, par
l’examen direct, la présence de pseudo-filaments de Candida spp. dans les prélè-
vements vulvaires et vaginaux, voire de très nombreuses petites levures bour-
geonnantes s’il s’agit de Candida glabrata. La présence de pseudo-filaments
signe l’infection à Candida.
La simple culture (sans examen direct) ne permet pas de différencier la simple
colonisation d’une dermatose vulvaire (ou d’une sécheresse vulvaire) d’une vraie
candidose. Dans ces deux situations, de nombreuses colonies de Candida spp. sont
observées en culture (tableau 23.2). Or, dans le premier cas, seul le traitement de
la muqueuse pathologique conduit à la disparition des symptômes, alors que dans
la deuxième, seule la prise en charge correcte de l’infection fongique est efficace.
136 Les maladies sexuellement transmissibles

Tableau 23.1 
Diagnostics differentiels
Prurit Leucorrhée Érythème Œdème Brûlure et
caillebottée vulvaire vulvaire dyspareunie
Leucorrhées 0  possible 0 0 0
physiologiques
Dermite irritative  0   
Eczéma de contact  0   
Dermite séborrhéique  0   
Psoriasis  0   
Lichen scléro-atrophique  0  0 
Oxyurose  0  
Vaginose bactérienne Non 0   
Syndrome sec  0   

Tableau 23.2 
Interprétation des résultats de l’examen mycologique
Candida albicans Examen direct Culture
Commensal Rien ou quelques levures Rares ou quelques colonies
Colonisateur Nombreuses levures Nombreuses colonies
Pathogène Pseudo-filaments* Nombreuses colonies
* Exception : Candida glabrata qui ne présente pas de pseudo-filament mais l’examen direct visualise la présence
de nombreuses petites levures évocatrices. La vulvovaginite à C. glabrata est en pratique très rare.

L’examen mycologique doit être réalisé à distance de tout traitement antifon-


gique (arrêt de tout antifongique pendant 1 mois), à l’acmé des symptômes ou
dans la semaine précédant les règles.
Le diagnostic de candidose vulvovaginale est très souvent porté par excès et
la prescription répétée d’antifongiques risque d’entraîner une vulvovaginite d’ir-
ritation, voire une vaginose bactérienne.
Le diagnostic de candidose vulvovaginale peut être lourd de conséquences sur
le plan affectif au sein d’un couple et doit s’accompagner d’explications rassu-
rantes : ce n’est pas une MST et un traitement efficace existe.

Physiopathologie
Les seules études disponibles concernent les candidoses vulvovaginales récidi-
vantes à C. albicans (CVVR).

Rôle de la progestérone
La progestérone semble jouer un rôle important dans l’adhérence de C. albicans
aux cellules épithéliales vaginales (augmentation de l’adhérence et diminution
23. Candidose vulvovaginale 137

des réponses immunes locales). Les œstrogènes ne semblent jouer aucun rôle
dans la survenue des CVVR. Ces données sont confirmées par l’observation clini-
que : les CVVR se produisent toujours pendant la phase lutéale. Des facteurs
génétiques sont possibles.

Facteurs dits favorisants


En pratique, ils ne sont pas retrouvés chez les patientes souffrant d’une CVVR.
La virulence et la résistance des souches ne sont pas en cause : les études
génotypiques montrent qu’il s’agit de rechutes avec la même souche de
Candida, installée dans les couches profondes de la muqueuse vaginale, sans
résistance acquise aux antifongiques. L’antifongigramme n’a aucun intérêt pour
les souches de C. albicans. Il peut être utile pour les souches de C. glabrata,
levure dont la sensibilité primaire aux azolés est variable.
Une immunodépression sytémique n’est pas en cause : l’incidence des CVV
n’est pas augmentée chez les femmes séropositives pour le VIH ou ayant un sida,
souffrant de candidose mucocutanée chronique ou traitées par corticothérapie
systémique ou autres immunodépresseurs (chimiothérapie, greffe d’organes), à
l’opposé des candidoses oropharyngées dont l’incidence est augmentée chez
ces femmes.
L’arrêt d’une contraception orale n’est pas justifié :��������������������������
il faut simplement s’as-
surer d’une bonne trophicité vulvovaginale.
La recherche d’un diabète est inutile :�����������������������������������
une CVV peut survenir lors de la
décompensation d’un diabète parmi d’autres symptômes évocateurs. Mais elle
n’est jamais révélatrice d’un diabète, contrairement à certaines balanoposthites.
Le port de jeans serrés ou l’eau chlorée des piscines sont souvent évoqués
mais sont seulement des facteurs responsables de dermites irritatives locales
pouvant être colonisées secondairement par C. albicans.
Les antibiotiques sont en revanche un facteur déclenchant ponctuel de
candidose.

Traitement
Candidose aiguë
Le choix thérapeutique doit prendre en compte la sévérité des symptômes, le
mode de contraception et l’existence d’une grossesse.

Traitement de la vaginite
Il repose sur l’introduction dans le vagin d’antifongiques locaux, ovules, compri-
més… (tableau 23.3). Il n’y a pas de consensus sur la durée du traitement (1, 3,
6 jours ou plus ?). Cependant, si la symptomatologie est bruyante, il faut éviter
la prescription d’ovules trop dosés qui, par une lyse brutale du Candida, risquent
de majorer la réponse d’hypersensibilité immédiate.

Traitement de la vulvite
Il doit être associé à celui de la vaginite par l’application d’un antifongique local
(azolé, cyclopiroxolamine, polyène) sous forme de crème, émulsion ou lotion
pendant 2 à 4 semaines.
138 Les maladies sexuellement transmissibles

Tableau 23.3 
Antifongiques locaux en gynécologie (Vidal, 2008)
Nitro5 imidazolés
Nom Concentration Si grossesse
Fazol® G ovule 300 mg (isoconazole) ND*
Fongarex® ovule 900 mg (omoconazole) CI** 1er trimestre
Gyno-Daktarin® capsule molle vaginale 100 mg (miconazole) Oui, si nécessaire
400 mg
Gyno-Pévaryl® ovule 150 mg (éconazole) CI sauf nécessité
Gyno-Pévaryl® LP ovule 150 mg
Lomexin® capsule vaginale 600 mg (fenticonazole) CI sauf nécessité
Monazole® ovule 300 mg (sertaconazole) CI sauf nécessité
®
Myleugyn LP ovule 150 mg CI sauf nécessité
Terlomexin® capsule vaginale 200 mg (ferticonazole) CI
Antifongique  antibactériens  anti-trichomonas
Polygynax® capsule vaginale néomycine 35 000 UI  polymyxine 35 000 UI  nystatine
100 000 UI (déconseillé pendant grossesse)
Polygynax Virgo® capsule vaginale idem (pas de donnée pour grossesse)
Tergynan® capsule vaginale métronidazole 500 mg  néomycine 65 000 UI  nystatine
100 000 UI (déconseillé pendant grossesse)
Génériques
Éconazole 150 LP : ADS Pharma, Arrow, EG LP, Keller Pharma, Merck LP, Gualimed LP
Ranbaxy LP, Ratiopharm LP, Sandoz LP, Teva LP, Winthrop LP
Gynopévaryl® 150 mg ovules LP
Myleugyn® LP 150 mg
* ND  non précisé.
** CI  contre-indiqué.

Pour le confort, une toilette avec un pain dermatologique ou un savon doux


puis rinçage à l’eau contenant du bicarbonate de soude (1 cuillère à soupe pour
2 à 3 litres d’eau) peut être proposée.
Il n’y a aucune raison de proposer un traitement au partenaire, sauf s’il pré-
sente une balanite candidosique prouvée par un examen mycologique (examen
direct et culture).

Candidose récidivante
Il comporte le traitement de l’épisode aigu lorsque la patiente consulte et la pré-
vention des récidives.

Traitement
Le traitement de l’épisode aigu est identique à celui décrit ci-dessus mais com-
plété par la prescription d’un antifongique systémique, en pratique le fluconazole
23. Candidose vulvovaginale 139

à une dose de 150 mg (Béagyne® gélule à 150 mg non remboursé par la


Sécurité sociale). Le Triflucan® n’a pas d’autorisation de mise sur le marché dans
cette indication. Le kétoconazole (Nizoral®) n’est que rarement prescrit en raison
du risque hépatotoxique. Néanmoins, il n’y a aucun consensus sur cette associa-
tion d’un antifongique local et systémique.
Le traitement préventif des récidives est d’autant plus efficace que la date
de la récidive peut être précisée (c’est habituellement le cas) en général vers le
19–20e jour du cycle menstruel (pic de progestérone). Il peut être local (ovule…)
et/ou systémique (fluconazole) en une prise unique (généralement suffisante)
habituellement mieux accepté par la patiente et peut être plus efficace. Aux
USA, une prescription hebdomadaire de 150 mg de fluconazole est souvent faite
dans les CVVR. Cette prévention permet dans la majorité des cas une vie nor-
male, en particulier sexuelle.

Mesures d’accompagnement
Dans les CVVR, il semble utile, bien qu’empirique, de proposer un traitement
anticandidosique préventif en cas de prise d’antibiotique ou de trichomonacide.
Le port de vêtements très serrés, l’utilisation de tampons absorbants lors des
règles (effet buvard) doivent être déconseillés pour ne pas majorer l’irritation
locale. Certains médicaments (Trophigil®, Colpotrophine®) sont souvent bén-
éfiques pour rétablir une bonne trophicité de la muqueuse après l’épisode aigu
inflammatoire de la candidose.
Si la patiente est porteuse d’un stérilet, ancien et altéré, il est préférable de le
changer.
Chez la femme enceinte (60 % de CVV durant le 3e trimestre de la grossesse)
seul un traitement anticandidosique local (cf. tableau 23.3) est autorisé pour pré-
venir une possible candidose néonatale, particulièrement grave chez un prématuré.

Thérapeutique
Candidose vulvovaginale
l Ovules imidazolés : 1/j pendant 7 jours
l Ou traitement par fluconazole per os : 150 mg, dose unique
l Associé à une crème imidazolée (vulve) 1 à 2 fois/j pendant 7 jours

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Vexiau-Robert D. Leucorrhées. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133 : 2S : 47-8.
24 Principes de prise en charge
et de traitement des
patients infectés par le VIH

J.-P. Morini

Lors de la survenue d’une MST, il est indispensable, quel que soit le contexte, de
proposer au patient un dépistage de l’infection par le VIH. Une MST peut en effet
favoriser la transmission du virus (par exemple, par le biais de lésions muqueuses).
De plus, les études épidémiologiques montrent que dans la population des patients
fréquentant les centres de dépistage de MST, il existe une sur-représentation des
sujets séropositifs pour le VIH. La règle générale selon laquelle une MST peut être
l’occasion d’en découvrir une autre s’applique tout à fait au VIH.
Il n’y a pas si longtemps, le VIH était associé au mot sida, maladie mortelle et
à un pronostic forcément péjoratif. Depuis l’arrivée en 1996 de thérapies haute-
ment actives (HAART : highly active antiretroviral therapy), l’infection par le VIH
peut être contrôlée toute une vie, à défaut d’être guérie, à condition que le
patient soit dépisté, traité suffisamment tôt, que le traitement soit bien adapté à
chaque patient et bien suivi. Ainsi, son espérance de vie tend à se rapprocher de
plus en plus de celle de la population générale.

Dépister tôt
Il est nécessaire de dépister tôt l’infection par le VIH. Deux raisons se conjuguent
pour justifier un tel activisme : éviter la dissémination du virus et la destruction
du système immunitaire.

Éviter la dissémination du virus


C’est une mesure de santé publique. Le risque de transmission du VIH est corrélé
à l’importance de la charge virale, car la quantité de virus dans les comparti-
ments sexuels est (mis à part quelques exceptions) proportionnelle à celle dans
le sang. Or, c’est dans les jours et les semaines qui suivent la contamination que
celle-ci est la plus élevée. Il est admis aujourd’hui que la majorité des contamina-
tions se produit dans ce laps de temps, d’autant que le patient ignore, à ce
stade, son statut sérologique. C’est ici que se joue l’avenir épidémiologique de
cette MST. Dépister tôt et informer le patient des risques et des modalités de la
transmission lui permet d’adopter un comportement responsable. Certains pro-
posent même de traiter systématiquement toutes les primo-infections dans un
but de santé publique, sans tenir compte d’un éventuel bénéfice individuel (ce
bénéfice est pour l’instant discuté). Le débat n’est pas tranché.
24. Principes de prise en charge et de traitement des patients infectés par le VIH 141

Éviter la destruction du système immunitaire


Trop de patients en France sont encore de nos jours dépistés à un stade tardif de
l’infection VIH, ce qui compromet leur survie à plus ou moins long terme.
Certains patients le sont au stade sida, lors d’une infection opportuniste et celle-
ci comporte toujours, malgré une prise en charge de plus en plus efficace, un
risque de mortalité et/ou de séquelles (visuelles d’une rétinite à CMV, neurologi-
ques d’une toxoplasmose cérébrale, par exemple). D’autres patients sont
dépistés à un stade où, tout en étant asymptomatique, la destruction de leur
système immunitaire est déjà bien avancée et leur nadir de lymphocytes CD4
particulièrement bas. Ceux-ci risquent également d’avoir une charge virale
élevée au-dessus de 100 000 copies d’ARN/mL. Ces deux paramètres sont des
facteurs de mauvais pronostic pour la survie à long terme et de mauvaise
réponse aux traitements antirétroviraux. De plus, malgré les HAART, la restaura-
tion immunitaire chez ces patients n’est jamais d’aussi bonne qualité que lors-
que l’on part d’un niveau plus raisonnable (persistance d’une lymphopénie CD4,
« trous » dans le répertoire, risque accru pour un futur cancer ?).

Quand commencer un traitement antirétroviral


Cette question est toujours débattue et nous ne donnons les recommandations
valables en 2009 qu’à titre indicatif tant elles ont varié plusieurs fois dans l’histoire
de l’infection par le VIH et varieront certainement encore dans les prochaines
années. Rappelons que le traitement ne permet pas l’élimination du virus mais
empêche sa réplication : il est donc nécessaire de le poursuivre indéfiniment.

Indications du traitement
Schématiquement, il faut commencer un traitement :
n chez un patient symptomatique ;
n chez un patient asymptomatique :
3
l si les CD4 sont inférieurs à 350/mm ou s’ils sont  à 15 %,

l si la charge virale est élevée (100 000 copies/mL),

l s’il existe une décroissance rapide du taux des CD4 sans attendre que ceux-
ci atteignent 350/mm3.

Précautions
Il convient d’insister sur quelques précautions :
n sauf bilan « catastrophique », il faut éviter de prendre une décision sur un seul
chiffre de CD4 ou de charge virale, mais plutôt considérer l’évolution de la courbe
de ces deux paramètres et, dans l’idéal, avoir plusieurs déterminations dans le
temps, ce qui est une occasion pour souligner l’importance du suivi régulier clini-
que et biologique (tous les 4 à 6 mois) des patients asymptomatiques ;
n il faut aussi éviter de commencer un traitement antirétroviral sans avoir convaincu
le patient de sa nécessité et sans avoir délivré une large information sur les moda-
lités de prise des antirétroviraux (ARV) : horaires, à jeun ou pas, loi du « tout ou
rien » (plutôt tout arrêter que diminuer les doses ou arrêter un des médicaments
de la combinaison), que faire en cas d’oubli, d’effet secondaire, interactions
142 Les maladies sexuellement transmissibles

médicamenteuses à connaître, ne pas oublier de signaler à d’autres intervenants


la prise d’ARV. La cause principale d’échec thérapeutique est la mauvaise obser-
vance. Tout doit être fait pour l’éviter d’où la nécessité d’une bonne « prépa-
ration » du patient avant de commencer le traitement. Il n’y a, le plus souvent,
pas d’urgence à la mise en route de celui-ci. Mieux vaut parfois retarder de quel-
ques semaines ou mois le début des ARV, afin de bien motiver et informer le
patient. De la même manière, il est préférable, en cas de circonstances difficiles
de la vie (deuil, séparation), de conseiller l’arrêt temporaire du traitement plutôt
qu’une observance chaotique. Toutefois, les interruptions thérapeutiques de
confort, sans raison valable, sont à proscrire car délétères (augmentation de la
morbidité et du risque cardiovasculaire). Soulignons, une fois de plus, l’impor-
tance d’une bonne relation médecin–malade, d’un dialogue ouvert, confiant, ne
se contentant pas d’aborder seulement les aspects médicaux, mais aussi les diffi-
cultés occasionnées par un traitement à poursuivre indéfiniment.
Comme pour toute infection bactérienne ou virale, le bon sens voudrait que
l’on commence le plus tôt possible. Les particularités de l’infection par le VIH
(existence la plupart du temps d’une phase asymptomatique de plusieurs
années, nécessité d’un traitement à vie, « jeunesse » relative des ARV laissant
ouverte la question de leur innocuité à long terme, plus grande toxicité de la
première génération d’ARV) ont fait que jusqu’à présent, il était convenu de ne
pas commencer le traitement dès le diagnostic établi, mais de le différer à un
moment considéré comme un tournant évolutif de l’infection. Plus l’on dispo-
sera à l’avenir d’ARV puissants, faciles à prendre (nombre réduit de comprimés
et de prises) et d’une plus grande innocuité, plus la tendance sera de traiter tôt.

Choix du traitement antirétroviral (tableau 24.1)


Nous disposons aujourd’hui d’une large palette d’ARV, regroupés en plusieurs
familles de molécules agissant chacune à un stade de la réplication virale dont
les principales sont : 
n les INTI, inhibiteurs nucléosidiques (zidovudine, didanosine, lamivudine,
emtricitabine, abacavir) ou nucléotidiques (ténofovir), de la transcriptase
inverse, enzyme qui permet à ce rétrovirus de transcrire son ARN en ADN ;
n les INNTI, inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (névi-
rapine, éfavirenz, étravirine) ;
n les IP, inhibiteurs de protéase (atazanavir, indinavir, saquinavir, fosamprénavir,
lopinavir, tipranavir, darunavir), enzyme qui permet la synthèse des protéines
virales ; ils s’utilisent le plus souvent « boostés » par une petite dose d’une
autre antiprotéase : le ritonavir. L’interaction entre les deux molécules entraîne
une augmentation de la concentration plasmatique de l’IP boosté ;
n les inhibiteurs de fusion (enfuvirtide) ;
n les inhibiteurs du récepteur CCR5 (maraviroc) qui tous deux bloquent l’entrée
du virus dans la cellule ;
n les inhibiteurs d’intégrase (raltégravir) qui inhibent l’intégration de l’ADN pro-
viral dans le génome de la cellule.
L’objectif à atteindre est l’obtention d’une virémie plasmatique VIH indétec-
table, inférieure à 50 copies d’ARN/mL, seuil de détection des méthodes utilisées en
24. Principes de prise en charge et de traitement des patients infectés par le VIH 143

Tableau 24.1
Antirétroviraux
DCI Nom Forme Posologie
commercial galénique
INTI Zidovudine Rétrovir® Cp 300 mg 1 cp, 2 fois/j
(AZT)
Didanosine Videx® Gel 400, 250,  60 kg : 1 gel 400 mg/j
(ddI) 200 mg à jeûn
 60 kg : 1 gel 250 mg/j
Lamivudine Épivir® Cp 150, 300 mg 1 cp 150 mg/j, 2 fois/j ou
(3TC) 1 cp, 300 mg/j
Stavudine Zerit® Gel 15, 20, 30,  60 kg : 1 gel 40 mg,
(d4T) 40 mg 2 fois/j
 60 kg : 1 gel 30 mg,
2 fois/j
Abacavir (ABC) Ziagen® Cp 300 mg 1 cp, 2 fois/j
Ténofovir (TDF) Viréad® Cp 300 mg 1 cp/j pendant un repas
®
Emtricitabine Emtriva Gel 200 mg 1 gel, 1 fois/j
(FTC)
AZT/3TC Combivir® Cp 300/150 mg 1 cp, 2 fois/j
AZT/3TC/ABC Trizivir® Cp 1 cp, 2 fois/j
300/150/300 mg
TDF/FTC Truvada® Cp 300/200 mg 1 cp/j pendant un repas
ABC/3TC Kivexa® Cp 600/300 mg 1 cp/j
®
INNTI Névirapine Viramune Cp 200 mg 1 cp/j pendant 14 jours,
(NVP) puis 1 cp, 2 fois/j
Éfavirenz (EFV) Sustiva® Cp 600 mg 1 cp 600 mg /j au coucher
Gel 50, 100,
200 mg
Étravirine Intelence® Cp 100 mg 2 cp, 2 fois/j en fin de repas
(TMC 125)
TDF/FTC/EFV Atripla® Cp 300, 200, 1 cp/j
600 mg
IP Indinavir Crixivan® Gel 100, 200, 600 à 800 mg, 2 fois/j  
400 mg 100 mg RTV, 2 fois/j
Ritonavir (RTV) Norvir® Gel 100 mg Le plus souvent, booster
des autres IP 100 à 200 mg,
1 ou 2 fois/j
Saquinavir Invirase® Cp 500 mg 2 cp, 2 fois/j  100 mg RTV,
2 fois/j pendant un repas
Fosamprénavir Telzir® Cp 700 mg 1 cp, 2 fois/j  100 mg RTV,
2 fois/j
Lopinavir/RTV Kalétra® Cp 200/50 mg 2 cp, 2 fois/j
(Suite)
144 Les maladies sexuellement transmissibles

Tableau 24.1 (Suite)
DCI Nom Forme Posologie
commercial galénique
Atazanavir Reyataz® Gel 150, 200, 1 gel 300 mg/j  100 mg
300 mg RTV pendant un repas
Tipranavir Aptivus® Gel 250 mg 2 gel, 2 fois/j  200 mg
RTV, 2 fois/j pendant un
repas
Darunavir Prezista® Cp 300 mg 2 cp, 2 fois/j  100 mg
RTV, 2 fois/j pendant un
repas
Inhibiteur Enfuvirtide Fuzeon® Sol injectable 1 injection 90 mg, 2 fois/j
de fusion (T20) 90 mg/mL SC
Inhibiteur Raltégravir Isentress® Cp 400 mg 1 cp, 2 fois/j
d’intégrase
Anti-CCR5 Maraviroc Celsentri® Cp 150 mg 150, 300 ou 600 mg,
2 fois/j en fonction des
interactions avec les ARV
co-administrés

France en pratique courante. Ceci s’obtient habituellement en moins de 6 mois.


Une baisse de la charge virale, une augmentation des lymphocytes CD4, même
conséquentes, ne sont plus considérées comme des critères d’efficacité suffisants.
Aujourd’hui, seule une charge virale maintenue en permanence en dessous de
50 copies est la garantie d’un traitement efficace et donc d’un pronostic à long
terme excellent. Une charge supérieure même faiblement à 50 copies signifie la
persistance d’une réplication virale sous traitement, ce qui expose à l’émergence tôt
ou tard de souches résistantes dont la prolifération aboutit à l’échec thérapeutique.
Pour atteindre cet objectif, il nous semble indispensable de se référer à un
médecin spécialiste de l’infection VIH compte tenu :
n du nombre de molécules disponibles ;
n de la nécessité de les associer entre elles pour obtenir une thérapie hautement
active, seule en mesure de rendre la charge indétectable durablement ;
n de leurs interactions entre elles et avec de nombreux autres médicaments ;
n de l’évolution rapide des connaissances dans le domaine du VIH ;
n de l’apparition à un rythme soutenu de nouvelles molécules actives.
Il est indispensable au début de « frapper fort » pour rendre rapidement la
charge virale indétectable. Ceci s’obtient le plus souvent par une combinaison
de trois ARV, une « trithérapie » combinant :
n 2 INTI et 1 INNTI ;
n ou 2 INTI et 1 IP boosté par le ritonavir.
L’utilisation de deux INTI est facilitée par l’existence de deux formes associant
l’une l’abacavir et l’épivir, l’autre l’emtricitabine et le ténofovir en un seul com-
primé à prendre une fois par jour.
24. Principes de prise en charge et de traitement des patients infectés par le VIH 145

L’importance de l’immunodépression et de la charge virale ( 100 000 copies/


mL) module la « puissance de feu » du traitement. Pour le choix des nucléosi-
diques, on évite l’association abacavir/lamivudine si la charge virale est supé-
rieure à 100 000 copies/mL. Certaines nouvelles molécules, en particulier le
raltégravir ou le maraviroc, trouveront sans doute, à l’avenir, leur place dans ces
trithérapies « starter ».
Contrairement à certaines maladies infectieuses comme la tuberculose, il
n’existe pas un seul traitement de référence de l’infection VIH applicable à tous
les patients, mais plusieurs traitements possibles et il convient de personnaliser
celui-ci, de faire un traitement « à la carte », selon le profil du patient. Ici, l’ex-
pression « stratégie thérapeutique » prend tout son sens. Pour l’établir, il faut
prendre en compte un faisceau de paramètres :
n avant tout, réaliser un génotypage (séquençage des gènes codant les enzy-
mes cibles des ARV à la recherche de mutations conférant une résistance à cer-
taines molécules) car bien que cela soit rare (mais en augmentation au fil des
ans), il existe des patients naïfs de tout traitement infectés par des virus pré-
sentant d’emblée des mutations de résistance à certaines molécules, notam-
ment celles à barrière génétique faible (pour lesquelles, par exemple, une seule
mutation confère la résistance) comme les INNTI. Bien entendu, en cas
d’échec, le génotypage est l’examen de référence pour le choix d’une nouvelle
combinaison ;
n considérer le contexte social, le mode de vie, la profession, l’état psychologi-
que du patient. Mieux vaut par exemple éviter chez un patient dépressif ou
devant subir un traitement par interféron pour une hépatite C, chez un tra-
vailleur du bâtiment, un conducteur d’engin, une INNTI comme l’éfavirenz
qui peut accentuer un état dépressif, donner des vertiges ou des troubles de
la vigilance. Mieux vaut choisir une combinaison avec le moins de comprimés
possible, en une seule prise quotidienne chez ceux que l’idée d’un traitement
régulier rebute ou chez un patient socialement précaire, éviter des molécules
à faible barrière génétique chez les « oublieux » ;
n examiner les co-infections B et C et les pathologies associées, notamment
hépatiques, rénales, les antécédents cardiovasculaires, les troubles métabo-
liques. Ainsi, pour les patients infectés par le VHB, on utilise plus volontiers des
molécules actives sur les deux virus à la fois : la lamivudine ou l’emtricitabine,
associées au ténofovir. Pour ceux co-infectés par le VHC, c’est le pronostic de
l’hépatite qui prend le pas sur celui de l’infection VIH, d’autant que la co-infec-
tion aggrave l’évolution de l’hépatite C. S’il existe une pathologie hépatique
ou rénale, il est préférable d’éviter les ARV potentiellement hépatotoxiques
(névirapine, tipranavir) ou néphrotoxiques (indinavir, ténofovir). Chez ceux
ayant des facteurs de risque cardiovasculaires, les IP boostés (lopinavir, fosam-
prénavir) et l’abacavir semblent augmenter le risque d’infarctus. Enfin, s’il
existe des signes d’encéphalite, on privilégie les molécules ayant une bonne
pénétration dans le LCR comme la zidovudine, l’abacavir, la névirapine, l’indi-
navir et le lopinavir boostés et le maraviroc ;
n éviter les complications, se soucier des interactions médicamenteuses et des
concentrations plasmatiques des ARV. La recherche de l’allèle HLA B 5701 est
systématique avant toute prescription d’abacavir, son absence minimisant les
146 Les maladies sexuellement transmissibles

risques d’hypersensibilité à ce médicament. Plusieurs ARV sont à éviter sur cer-


tains terrains, par exemple la névirapine chez une femme ayant plus de
250 CD4/mm3 ou un homme ayant plus de 400 CD4/mm3. Il faut connaître
les associations médicamenteuses contre-indiquées : quelques associations
d’ARV (ténofovir  didanosine, raltégravir  tipranavir), les associations de cer-
tains médicaments avec quelques ARV (rifampicine  IP boosté ou raltégravir,
statines métabolisées par le cytochrome P450  IP boostés). La réalisation de
dosages pharmacologiques est conseillée lorsqu’on suspecte une interaction
pouvant diminuer les concentrations d’ARV. Le paramètre le plus utile est la
concentration plasmatique résiduelle. Une concentration inférieure à la concen-
tration cible favorise l’émergence de mutations de résistance. Lorsqu’il s’agit
d’une combinaison d’ARV prescrite à la suite d’un échec thérapeutique, les
concentrations exigées sont plus élevées que pour un virus sauvage (non
muté), d’autant plus élevées que les mutations de résistance sont nombreuses.

Suivi du traitement antirétroviral


Le traitement commencé, une surveillance régulière clinique et biologique s’im-
pose pour vérifier à l’occasion de consultations d’abord rapprochées puis espa-
cées au maximum de 4 à 6 mois :
n l’efficacité du traitement sur la charge virale et les lymphocytes CD4 ;
n la tolérance en se méfiant des complications pouvant survenir tardivement,
comme un syndrome de Fanconi avec le ténofovir, une cytopathie mitochon-
driale avec les nucléosidiques ;
n l’observance : horaires de prise par rapport aux repas, nombre d’oublis par
semaine sans craindre de reposer à chaque fois les mêmes questions (en
adressant éventuellement le patient à une consultation spécialisée d’obser-
vance en cas d’oublis fréquents) ;
n le bilan glucidolipidique, en rappelant régulièrement les règles hygiéno-
diététiques car de nombreux ARV favorisent les dyslipidémies ;
n l’absence d’une pathologie de restauration immunitaire ;
n dès que le déficit immunitaire est corrigé : l’existence de vaccinations à jour
pour l’hépatite A et B, la grippe et le pneumocoque.
L’idée d’un traitement en deux temps avec une phase d’attaque suivie d’un
allégement commence à s’imposer, ceci afin de minimiser les risques de compli-
cations à plus ou moins long terme des ARV (troubles métaboliques, cytopathie
mitochondriale, lipodystrophies, manifestations cardiovasculaires) et afin de faci-
liter l’observance au long cours. Cet allégement ne peut se concevoir qu’une
fois la charge virale devenue indétectable et après un certain laps de temps
(6 mois ?) permettant de s’assurer qu’elle l’est durablement. À ce moment-là, la
réplication virale est extrêmement réduite, le risque d’émergence de mutations
de résistance faible : il est envisageable de « lever le pied ». Plusieurs possibilités
sont en cours d’évaluation : « dé-booster » l’atazanavir en supprimant le ritona-
vir qui tend à favoriser les dyslipidémies ou diminuer le nombre d’INTI, voire les
supprimer, en s’appuyant sur une IP puissante comme par exemple le lopinavir
ou le darunavir boostés. Dans ces stratégies, une molécule comme le raltégravir
a un profil intéressant mais une place qui reste à préciser.
24. Principes de prise en charge et de traitement des patients infectés par le VIH 147

Les quatre indications suivantes sont à respecter :


n ne pas trop différer le début du traitement afin que la reconstitution immuni-
taire ne soit pas compromise ;
n frapper fort au début pour négativer la charge virale puis éventuellement
alléger ;
n tout faire pour favoriser l’observance et notamment faire le choix d’un traite-
ment adapté à chaque patient ;
n maintenir une surveillance étroite et prolongée, clinique et biologique du
traitement.

Bibliographie
Girard PM, Katlama C, Pialoux G. VIH. Doin ; 2007.
Guidelines for the use of antiretroviral agents in HIV-1 infected adults and adolescents.
Department of health and human services guidelines. Site Internet : www.aidsinfo.nih.gov
Hammer SM et al. Treatment for adult HIV infection. Recommendations of the International
AIDS society. JAMA 2008 ; 300 : 555-70.
Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH. Recommandations du groupe
d’experts. Rapport 2008 sous la direction du Pr.Yeni. Médecine-Sciences Flammarion ;
2008 et addendum 13 avril 2009.
25 Conduite à tenir après
exposition sexuelle au VIH,
VHB et VHC

J. Timsit

La prescription d’une trithérapie antirétrovirale à la suite d’une relation sexuelle


à risque de transmission du VIH est devenue une pratique courante, après avoir
été proposée pour la première fois en 1997. Elle répond à certaines règles, régu-
lièrement remises à jour et éditées par la Direction générale de la santé (DGS),
sous forme de recommandations exhaustives de bonnes pratiques. Le dépistage
des hépatites B et C y est associé.

Étapes de la prise en charge


Toute exposition sexuelle avec risque de transmission des virus VIH, VHB et VHC
doit faire l’objet, dans les meilleurs délais (toujours avant 48 heures), d’une
consultation auprès d’un médecin référent, d’un service spécialisé ou aux urgen-
ces hospitalières. Cette consultation a pour objectif d’évaluer le risque de trans-
mission des virus VIH, VHC et VHB, de faire un bilan initial et de délivrer, si
l’indication en est posée, une trithérapie à visée prophylactique pour une durée
de 3 ou 5 jours. Ce traitement est réévalué secondairement par un médecin
référent qui prescrit le traitement de 4 semaines et met en place la surveillance,
clinique, biologique et sérologique.
Dans tous les cas, il faut essayer de faire un contrôle sérologique du partenaire
source s’il est connu. Ceci ne doit pas retarder la mise en route d’un traitement
qui peut être interrompu secondairement. Si les deux partenaires consultent
ensemble, une sérologie peut être proposée en urgence, si possible avec un test
combiné, dont le résultat peut être obtenu rapidement et qui, s’il est négatif,
permet d’éviter le traitement.
Ce temps de prophylaxie post-exposition (PEP) doit être l’occasion d’un travail
de prévention et d’information-conseil avec le ou les partenaires concernés par
cet accident.

Évaluation du risque et indications thérapeutiques


Elle prend en compte le type d’exposition et le statut de la personne source. Les
pénétrations anales et vaginales, insertives ou réceptives, non protégées ou avec
rupture de préservatif sont considérées comme des risques majeurs pour lesquels
des probabilités de transmission par acte sexuel (PTAS) ont été évaluées
25. Conduite à tenir après exposition sexuelle au VIH, VHB et VHC 149

Tableau 25.1
Probabilité de transmission par acte sexuel
Statut VIH de la source Positif Inconnu
Type de rapports
Sexuels
Rapport anal PTAS Traitement recommandé si partenaire
Réceptif : 0,3–3 % UDIV ou ayant des pratiques sexuelles
Insertif : 0,01–1,8 % homosexuelles, bisexuelles à risque
Traitement recommandé Vivant dans une communauté où
l’épidémie est généralisée
Rapport vaginal PTAS Traitement recommandé si partenaire
Réceptif : 0,05–0,15 % UDIV ou ayant des pratiques sexuelles
Insertif : 0,03–0,09 % homosexuelles, bisexuelles à risque
Traitement recommandé Vivant dans une communauté où
l’épidémie est généralisée
Rapport oral PTAS non quantifiée PTAS non quantifiée
Traitement à évaluer au Traitement à évaluer au cas par cas
cas par cas
PTAS : probabilité de transmission par acte sexuel.
UDIV : usager de drogue par voie intra-veineuse���.

(tableau 25.1). Pour les fellations, le risque de transmission existe et doit être


envisagé au cas par cas. Certains facteurs augmentent le risque de transmission :
l’infectiosité du partenaire source, le saignement pendant les rapports sexuels,
les règles, l’existence d’une MST ou d’une ulcération associée. Ils doivent être
pris en compte.
Si le partenaire source est séropositif pour le VIH, le traitement est toujours indi-
qué en cas de pénétration et discuté en cas de fellation. Si le statut du partenaire
source n’est pas connu, on doit prendre en compte la prévalence théorique de l’in-
fection VIH dans la population à laquelle appartient le partenaire source. Fin 1997,
on estimait la prévalence de l’infection VIH dans la population hétérosexuelle non
toxicomane (UDIV  usager de drogue intraveineuse) à 0,1 %, dans la population
homosexuelle non UDIV à 13 % et dans la population UDIV à 17 %. Les données
de l’Institut national de veille sanitaire concernant les premières déclarations obliga-
toires d’infections VIH ont montré que seulement 10 % des contaminations
récentes étaient survenues avec un partenaire de statut VIH positif connu.
En cas d’agression sexuelle, compte tenu de la nature souvent traumatique du
rapport et de la notion d’appartenance de l’agresseur à un groupe de préva-
lence d’infections VIH élevé (5 % environ selon les données recueillies auprès
des urgences médico-judiciaires), le traitement est recommandé.

Traitement
Il faut informer le patient de l’efficacité démontrée de l’AZT dans la prévention
de la contamination VIH après piqûre chez les soignants, mais aussi du risque
d’échec, des effets indésirables des traitements et de l’importance de l’obser-
vance ; chez la femme, il faut demander un test de grossesse.
150 Les maladies sexuellement transmissibles

Le traitement est délivré au départ pour une durée de 3 à 5 jours et réévalué
par un médecin référent après ce délai. Il se fait avec une combinaison triple.
Il faut éviter, sauf cas particulier, l’abacavir, les analogues non nucléosidiques,
l’association d4T–ddI et l’indinavir, en raison des effets secondaires potentielle-
ment graves de ces médicaments.
Si le partenaire source n’est pas connu, on utilise un traitement standardisé
associant deux analogues nucléosidiques et une antiprotéase. Actuellement, les
analogues nucléosidiques recommandés sont les combinaisons ténofovir  
emtricitabine (Truvada®) ou zidovudine  lamivudine (Combivir®) associés au
lopinavir (Kalétra®). Si le partenaire source est séropositif connu et traité, le choix
des molécules tient compte du traitement, du niveau de charge virale et de l’his-
toire thérapeutique du patient source (notamment de la connaissance de résis-
tances à certaines molécules). S’il n’est pas traité, on préfère une association
avec du lopinavir.
Un traitement antinauséeux et antidiarrhéique peut être associé.
La durée totale du traitement est de 4 semaines.
Le traitement antirétroviral à visée prophylactique est délivré uniquement par
les pharmacies hospitalières.
Chez la femme enceinte, le choix thérapeutique prend en compte le risque de
primo-infection pendant la grossesse et celui lié à la toxicité possible des médi-
caments. Il n’y a pas de restriction à l’utilisation d’une trithérapie avec antipro-
téase. La prescription se fait selon les règles usuelles en excluant les médicaments
contre-indiqués pendant la grossesse (ddC, éfavirenz, d4T–ddI).

Transmission du VHB
Elle doit être considérée chez toute personne non vaccinée ou dont la réponse vac-
cinale n’est pas documentée (le taux protecteur d’anticorps anti-HBs est  10 UI/L),
après exposition sanguine ou sexuelle, sauf si le partenaire source n’est pas porteur
de l’Ag HBs.
Elle est au mieux prévenue par la sérovaccination dans les 48 heures : injec-
tion de 500 UI d’immunoglobulines anti-HBs et d’une dose de vaccin HB le
même jour en deux sites différents.

Transmission du VHC
Elle concerne essentiellement les expositions au sang ou à des liquides biologi-
ques contenant du sang. Récemment, des cas de transmission sexuelle du virus
de l’hépatite C ont été rapportés chez des homosexuels séropositifs incitant à
une plus grande vigilance de dépistage chez ces patients. Il n’existe pas de trai-
tement prophylactique. En revanche, un traitement précoce au moment de la
primo-infection VHC par Peg interféron permet la guérison dans un pourcentage
de cas supérieur à ce que l’on peut obtenir dans les hépatites chroniques. La
surveillance après exposition potentielle se fait à 1, 3 et 6 mois avec la sérologie
VHC et les ALAT ; la PCR–VHC est indiquée en cas d’élévation des ALAT
(tableau 25.2).
25. Conduite à tenir après exposition sexuelle au VIH, VHB et VHC 151

Tableau 25.2
Suivi et surveillance des infections VIH, VHB et VHC

Dans les 48 premières heures Sérologies VIH, VHB, VHC


Antigène p24
NFS, ALAT, créatinine*, phosphorémie*
Test de grossesse
Bilan à J15 pour les sujets traités NFS, ALAT, créatinine*, phosphorémie*
Bilan à M1 NFS, ALAT, créatinine*, phosphorémie*
Sérologies VHB, VHC
Recherche de MST (syphilis, PCR Chlamydia)
Sérologie VIH chez les patients non traités
Bilan M2–3 Sérologie VIH, VHB, VHC
Antigène p24
ALAT
Bilan M4 (3 mois après l’arrêt du Sérologies VIH, VHB, VHC
traitement)
* Si traitement par Truvada®.

Thérapeutique
Exposition sexuelle au VIH, VHB et VHC
Les grandes étapes de la prise en charge :
l le plus rapidement possible ( 48 h) ;

l évaluer le risque de transmission ;

l contrôler la sérologie du partenaire source ;

l décider ou non d’un traitement ;

l organiser la surveillance sérologique et le suivi thérapeutique ;

l tenter un peu de prévention.

Bibliographie
Circulaire DGS/DH/DRT no 99/680 du 8 décembre 1999 relative aux recommandations à met-
tre en œuvre devant un risque de transmission du VHB et du VHC par le sang et les liqui-
des biologiques.
Circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS no 2003/165 du 13 mars 2008 relative aux recommandations
de mise en œuvre d’un traitement antirétroviral après exposition au risque de transmission
du VIH.
Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH. Recommandations du groupe
d’experts. Rapport 2008 sous la direction du Pr.Yeni. Médecine-Sciences Flammarion ;
2008 ; 340-5.
26 Conduite à tenir devant une
urétrite masculine

D. Farhi, P. Gerhardt, N. Dupin

L’urétrite est définie par :


n la présence de plus de cinq polynucléaires neutrophiles (PN) au frottis urétral
au grossissement 100 ;
n ou la présence de plus de 10 PN à l’examen du premier jet d’urines centrifu-
gées au grossissement 400.
Les deux principaux agents des urétrites aiguës sont Neisseria gonorrhœæ et
Chlamydia trachomatis (sérovars D à K). Mycoplasma genitalium, agent causal mis
en évidence plus récemment, est plus rare et plus difficile à identifier en routine ;
de même que Trichomonas vaginalis, plus rarement responsable d’urétrite aiguë
masculine, il n’est recherché qu’en seconde intention. Ureaplasma urealyticum
n’est plus considéré comme une cause d’urétrite aiguë. Enfin, il faut garder à
l’esprit que, selon les séries, jusqu’à 50 % des urétrites aiguës restent d’étiologie
non identifiée.

Urétrite à Neisseria gonorrhoeae


Rappel clinique
Le gonocoque est transmissible par contact direct, essentiellement lors des rap-
ports sexuels, aussi bien génitogénitaux, qu’orogénitaux et génito-anaux. L’âge
médian est de 31 ans et 63 % des hommes atteints ont 21 à 35 ans.
La période d’incubation (2 à 7 jours) est contagieuse.
L’urétrite antérieure aiguë est la forme typique de l’infection. Le tableau clini-
que est le plus souvent bruyant, pouvant associer écoulement urétral purulent
ou mucopurulent (90 %), dysurie, douleurs urétrales à type de brûlures perma-
nentes ou mictionnelles, prurit urétral, méatite, voire balanite.
Le diagnostic d’urétrite gonococcique doit faire rechercher un second foyer
d’infection (anal et pharyngé). La gonococcie anale est le plus souvent asympto-
matique et doit être recherchée systématiquement chez les homosexuels en cas
de pénétration anale passive non protégée, par un écouvillonnage anal pour
culture. La gonococcie pharyngée est en général également asymptomatique,
elle est recherchée par écouvillonnage pharyngé systématique chez tout patient
ayant une urétrite gonococcique (homo- et hétérosexuels).
La recherche de complications (orchiépididymite, prostatite, septicémie,
conjonctivite…) est systématique (tableau 26.1).
26. Conduite à tenir devant une urétrite masculine 153

Tableau 26.1
Épidémiologie et manifestations cliniques des infections à Neisseria gonorrhœæ
et à Chlamydia trachomatis chez l’homme
Neisseria gonorrhoeae Chlamydia trachomatis
Prévalence parmi les 10 % 20 à 30 %
urétrites en France
Incubation 2–5 jours Plusieurs semaines (quelques
jours à quelques mois)
Écoulement 90 % (purulent ou 40 à 50 % (clair)
mucopurulent)
Cervicite Oui Oui
Portage asymptomatique Exceptionnel à l’urètre 10 à 35 % à l’urètre (selon
Plus fréquent pharynx et anus les séries)
Complications Prostatite, orchiépidydimite, Orchiépididymite, arthrite
septicémie (fièvre, signes réactionnelle, syndrome
cutanés), arthrites septiques, de Fiessinger-Leroy-Reiter,
conjonctivite kératoconjonctivite
Diagnostic Examen direct, culture sur PCR
sang cuit et antibiogramme
Dépistage Pas d’intérêt en dehors des Intérêt chez les sujets jeunes
sujets consultant pour une car souvent asymptomatique
MST, notamment recherche et risque de complications
de portage asymptomatique chez la femme (PCR sur
pharyngé ou anal premier jet d’urine dans les
deux sexes)

Prélèvements
Le diagnostic repose toujours sur l’examen bactériologique de l’écoulement
urétral. Des prélèvements pharyngés doivent être systématiquement réalisés
ainsi que des prélèvements anaux chez l’homosexuel.
L’examen direct de l’écoulement urétral a une sensibilité et une spécificité  
  95 % dans l’urétrite gonococcique avec écoulement. Néanmoins, la sensibilité
des prélèvements pharyngés et anorectaux est plus faible.
La culture sur gélose au sang cuit est toujours indiquée. Elle permet de confir-
mer le diagnostic, en identifiant le gonocoque, et d’obtenir un antibiogramme,
en 24 à 48 heures. La place de la PCR (polymerase chain reaction) n’est pas
encore consensuelle. Il n’existe pas de diagnostic sérologique pour les gonococ-
cies. La détection des antigènes gonococciques, manquant de sensibilité et de
spécificité, n’est plus pratiquée.

Traitement
Les indications thérapeutiques selon la forme clinique de gonococcie sont
résumées dans le tableau 26.2. Elles sont indépendantes du statut VIH.
154 Les maladies sexuellement transmissibles

Tableau 26.2
Traitement des urétrites aiguës

Neisseria gonorrhϾ Toujours associer un traitement anti-Chlamydia


Urétrite (ou anorectite) : ceftriaxone 500 mg IM DU ou céfixime
400 mg PO DU ou spectinomycine* 2 g IM DU ou ciprofloxacine*
500 mg PO DU
Pharyngite : ceftriaxone 500 mg IM DU
Chlamydia trachomatis Azithromycine 1 g PO DU ou doxycycline 100 mg, 2 fois/j, PO,
7 jours
Mycoplasma genitalium Azithromycine PO : 500 mg/j à J1  250 mg/j à J2–J5
IM : intramusculaire ; PO : per os ; DU : dose unique.
* Seulement si un antibiogramme est disponible et en cas de contre-indication/intolérance aux autres traitements.

Environ 15 % des gonococcies étant associées à une infection à C. trachomatis,


un antibiotique antichlamydien doit donc être systématiquement associé.
Les relations sexuelles sont à éviter pendant au moins 7 jours, et jusqu’à ce
que le traitement soit terminé et les partenaires atteint(e)s s traité(e)s.
Un contrôle clinique à J7 de la tolérance et de l’efficacité du traitement est
systématique. Il permet également :
n d’adapter le traitement au micro-organisme identifié et à l’antibiogramme ;
n de communiquer ces résultats au patient ;
n d’insister sur le dépistage des partenaires et les mesures de prévention des
autres MST.
Lors de cette consultation systématique, un contrôle bactériologique est
réalisé en cas d’infection pharyngée non traitée par ceftriaxone ou, dans les
autres localisations, en cas de persistance de signes cliniques.

Urétrite à Chlamydia trachomatis


Rappel clinique
Chlamydia trachomatis est la première étiologie d’infection bactérienne sexuelle-
ment transmissible dans les pays industrialisés. L’incidence est maximale entre
20 et 39 ans. C’est la première cause d’urétrite aiguë avant le gonocoque, mais
l’infection est souvent asymptomatique. La fréquence du portage asymptomati-
que contribue à la survenue des complications tardives de l’infection et au main-
tien de la chaîne épidémiologique. L’incubation est variable, de quelques jours à
quelques mois. L’écoulement urétral est présent dans moins de 50 % des cas.
Lorsqu’il est présent, il est le plus souvent clair, modéré et intermittent.
Le diagnostic d’urétrite chlamydienne doit faire rechercher d’autres foyers
infectieux (pharyngite et anorectite), rarement symptomatiques, et des compli-
cations (épididymite aiguë, syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter).

Prélèvements
La culture sur milieu cellulaire a une spécificité proche de 100 % et une sensibilité
de 50 à 80 %. Néanmoins, elle doit être faite sur un prélèvement endo-urétral
26. Conduite à tenir devant une urétrite masculine 155

désagréable, est réservée aux laboratoires spécialisés et n’est pas recommandée


en routine.
L’amplification génique par PCR, plus sensible que la culture, est devenue
l’examen clé du diagnostic ; elle se fait sur le premier jet d’urine (10 à 20 mL, au
moins 3 heures après la dernière miction).
La détection des antigènes de Chlamydia trachomatis, manquant de sensibilité
et de spécificité, n’est plus pratiquée.
La sérologie ne permet pas de distinguer une infection active d’une infection
ancienne et n’a donc aucun intérêt pour le diagnostic.

Traitement
Le traitement des urétrites chlamydiennes est résumé dans le tableau 26.2.
Les partenaires doivent être dépistés et traités. Un contrôle de guérison n’est
pas nécessaire sauf en cas de persistance de symptômes.

Urétrite à Mycoplasma genitalium


Rappel clinique
Mycoplasma genitalium est une bactérie intracellulaire. Ne possédant pas le
génome nécessaire à la synthèse d’acides aminés, sa survie dépend entièrement
de l’utilisation des gènes de la cellule hôte. Par conséquent, sa culture est diffi-
cile, non réalisable en routine.
Mycoplasma genitalium serait à l’origine de 20 à 25 % des urétrites masculines
aiguës non gonococciques–non chlamydiennes dans les pays développés et 40 %
en Afrique subsaharienne. L’écoulement est volontiers purulent. Mycoplasma
genitalium serait également impliqué dans des urétrites récidivantes ou dans les
urétrites chroniques. Un portage asymptomatique est retrouvé chez 2 à 5 % des
sujets immunocompétents et davantage chez les sujets infectés par le VIH.

Prélèvements
Il n’y a pas actuellement de test utilisable en routine pour le diagnostic d’infection
à Mycoplasma genitalium. La méthode de référence est la PCR, qui est réservée aux
laboratoires spécialisés. En l’absence de test de routine, la recherche de Mycoplasma
genitalium doit être limitée aux urétrites ne répondant pas à une première antibio-
thérapie active sur le gonocoque et Chlamydia trachomatis. La PCR peut être réa-
lisée sur un prélèvement d’écoulement urétral ou sur le premier jet d’urine.

Traitement
Le traitement des urétrites à Mycoplasma genitalium ne fait pas encore l’objet d’un
consensus. Des succès thérapeutiques ont été rapportés avec l’azithromycine
(500 mg à J1, puis 250 mg/j pendant 4 jours) ou la josamycine (1 g/12 heures
pendant 14 jours). Des échecs avec les cyclines ont été rapportés.

Urétrite à Trichomonas vaginalis


L’infection urétrale à Trichomonas vaginalis est le plus souvent asymptomatique,
mais peut être associée à un écoulement urétral.
156 Les maladies sexuellement transmissibles

Le diagnostic repose sur l’examen direct (peu sensible chez l’homme), mais
surtout sur la culture. La PCR, disponible seulement dans les laboratoires spécia-
lisés, a également une très bonne sensibilité.
Le traitement repose sur le métronidazole (2 g per os dose unique). L’alcool doit
être totalement évité pendant les 24 heures suivant la prise de cet antibiotique.

Orientation diagnostique devant un écoulement


urétral aigu
La conduite à tenir devant un écoulement urétral aigu est simple et découle des
données microbiologiques, épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques expo-
sées ci-dessus.
Elle peut être résumée en quatre étapes :
n prélèvements microbiologiques : tout patient ayant un écoulement urétral doit
avoir des prélèvements bactériologiques pour recherche de gonocoque (exa-
men direct, culture), une cytologie et une recherche de Chlamydia trachomatis
(PCR) sur le premier jet urinaire obtenu 3 heures après la dernière miction ;
n traitement empirique sans attendre les résultats des prélèvements et si possi-
ble sur le lieu de la consultation : ceftriaxone IM (500 mg, dose unique) et
doxycycline (200 mg/j, 7 jours), en l’absence d’allergie ;
n abstinence sexuelle recommandée pendant 7 jours ;
n information et incitation à consulter des partenaires sexuels des deux derniers
mois par le patient index.
En cas d’échec :
n lors de persistance des signes après un traitement bien conduit, deux étiolo-
gies plus rares doivent être évoquées et recherchées : Mycoplasma genitalium
(PCR) et Trichomonas vaginalis (examen direct, culture  PCR) ;
n dans de rares cas, si la démarche diagnostique et thérapeutique exposée ci-
dessus est non contributive, une prostatite chronique est recherchée.
En l’absence d’écoulement urétral (dysurie, prurit urétral, brûlures miction-
nelles), il convient d’éliminer une infection urinaire (bandelette sur le milieu de
miction) et de faire une recherche de C. trachomatis sur le premier jet. Le frottis
d’un urètre sec pour examen direct et culture gonococcique n’est pas indiqué.
Un traitement antichlamydien seul suffit, sauf risque particulier de gonococcie.
La sensibilité de la cytologie est trop médiocre dans les infections à Chlamydia,
particulièrement en l’absence d’écoulement, pour sélectionner les patients à dépister
et à traiter. Tout patient ayant des symptômes urétraux doit donc être traité.

Bibliographie
Afssaps. Traitement antibiotique probabiliste des urétrites et cervicites non compliquées.
Octobre 2008. Site Internet : www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Mises-au-point/Traitement-
antibiotique-probabiliste-des-uretrites-et-cervicites-non-compliquees/(language)/fre-FR
Dupin N et al. Detection and quantification of Mycoplasma genitalium in male patients with
urethritis. Clin Infect Dis 2003 ; 37 : 602-5.
Farhi D et al. Increasing rates of quinolone-resistant Neisseria gonorrhoeae in Paris, France. J Eur
Acad Dermatol Venereol 2007 ; 21 : 818-21.
Gerhardt P et al. Approches syndromiques : urétrite masculine. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ;
133 : 2S44-6.
27 Conduite à tenir devant une
cervicovaginite

D. Vexiau-Robert

Les infections génitales basses chez la femme sont fréquentes, le plus souvent
d’origine infectieuse, mais pas toujours sexuellement transmissibles. Les leucor-
rhées physiologiques ont chez une même femme, à chaque cycle, des caractères
similaires. Lorsqu’elles se modifient en couleur, abondance, aspect et/ou odeur,
elles sont pathologiques. Elles traduisent une inflammation vaginale (vaginite)
parfois associées à une irritation vulvaire (vulvovaginite). En cas d’atteinte de
l’endocol, il s’agit d’une cervicovaginite.
L’interrogatoire fait préciser :
n les symptômes souvent peu spécifiques (prurit, brûlures, leucorrhées, dysurie,
pollakiurie, métrorragies, dyspareunie, œdème, etc.) ;
n leurs circonstances de survenue (après un rapport sexuel, un accouchement,
une prise antibiotique) ;
n leur survenue par rapport au cycle, à la prise de la contraception, la nature de
celle-ci (pilule œstroprogestative mini dosée, progestative pure, préservatif,
stérilet, spermicides) ;
n les habitudes d’hygiène (toilette, tampons, serviettes hygiéniques), vestimen-
taires, etc.
L’examen clinique permet d’éliminer rapidement les excroissances cutanéo-
muqueuses que sont les condylomes, les ulcérations en rapport avec un herpès,
une syphilis, un chancre mou �������������������������������������������������������
ou ����������������������������������������������������
des aphtes, les vulvites irritatives ou de contact.
De même, la bartholinite aiguë est de diagnostic aisé devant une tuméfaction
très inflammatoire qui déforme le tiers postérieur de la grande lèvre.

Vulvovaginites
Les vulvovaginites sont dues principalement à trois affections : la trichomonose
qui est une MST, la candidose et la vaginose bactérienne qui se développent de
façon opportuniste. Il n’y a pas d’atteinte endocervicale.

Candidose (voir chapitre 23)


L’infection candidosique est due à la prolifération de levures saprophytes à la
faveur d’un déséquilibre de la flore vaginale : dans 90 % des cas, Candida albicans
est le responsable. Le diagnostic est clinique : la vulve est rouge, œdématiée, ver-
nissée le plus souvent et s’accompagne de leucorrhées blanches, caillebotées. La
présence de filaments ou de pseudo-filaments affirme le diagnostic à l’examen
158 Les maladies sexuellement transmissibles

direct (à l’exception de Candida glabrata qui ne filamente pas), la culture permet-


tant l’identification de la levure. Le traitement consiste en des soins locaux asso-
ciés à des ovules antimycosiques et des crèmes. Les molécules disponibles sont
toutes efficaces et choisies en fonction des habitudes de chacun. Cependant, une
infection candidosique qui persiste ou récidive rapidement après un traitement
efficace doit faire rechercher une autre infection et procéder à un prélèvement
vaginal. De même, une candidose associée à un muguet buccal doit conduire à
un dépistage sérologique du VIH. Les candidoses vulvovaginales sont souvent
dues à une colonisation mycosique de muqueuses trop sèches ou atrophiques.
Plus rarement, il s’agit d’une mycose sur muqueuse saine. Il faut dans ces deux
cas, supprimer tous les facteurs favorisants et réadapter le traitement hormonal,
afin d’assurer une trophicité vaginale satisfaisante.

Vaginose bactérienne (voir chapitre 22)


La vaginose bactérienne, elle aussi en rapport avec un déséquilibre de la flore de
Döderlein qui disparaît au profit de microrganismes commensaux dits opportu-
nistes (anaérobies, Gardnerella vaginalis, Mycoplasma hominis), peut se manifes-
ter par des leucorrhées nauséabondes, liquides. Les leucorrhées ont une odeur
de poisson caractéristique. Une goutte de sécrétion vaginale déposée sur une
lame avec une goutte de potasse (à 10 %) dégage immédiatement cette odeur
de poisson avarié. Le traitement repose sur des imidazolés par voie orale et
locale, suivi d’un traitement antimycosique.

Trichomonose (voir chapitre 11)


L’infection à Trichomonas vaginalis, qui est une maladie sexuellement transmissi-
ble, se caractérise également par des leucorrhées abondantes, verdâtres,
­malodorantes. Il est parfois difficile de faire la différence entre vaginose et tricho-
monose. Un prélèvement vaginal met en évidence à l’examen direct le parasite,
en déposant une goutte de sécrétion entre lame et lamelle. Une recherche
d’autres micro-organismes sexuellement transmis est nécessaire. Le traitement
est identique à celui de la vaginose bactérienne, mais il est justifié de rechercher
et de traiter le(s) partenaire(s) sexuel(s) et de demander les sérologies VIH, de
l’hépatite B et de la syphilis.

Autres infections
Les leucorrhées peuvent être également dues à des micro-organismes tels que
Escherichia coli, Proteus mirabilis ou autres entérobactéries. Le diagnostic précis
ne peut être apporté que par le prélèvement vaginal qui permet leur identifica-
tion. Quant à Ureaplasma urealyticum, micro-organisme opportuniste du vagin,
il témoigne seulement du déséquilibre de la flore vaginale. Le traitement, en
revanche, est simple et le même pour ces différents agents : pose d’ovules à
visée antiobiotique– antiseptique (type Polygynax®) pendant 5 à 6 jours.
Une autre étiologie très fréquente est l’oubli de tampons vaginaux ou
d’éponges contraceptives. La présence d’un corps étranger intravaginal entraîne
une réaction inflammatoire importante et très rapidement des leucorrhées, nau-
séabondes. Le traitement consiste à retirer le corps étranger et donner une
27. Conduite à tenir devant une cervicovaginite 159

antibiothérapie pendant 7 à 10 jours, par exemple amoxicilline associée à de


l’acide clavulanique et des cyclines, combinés à des ovules antimycosiques.

Cervicovaginites
Les cervicovaginites sont définies par une atteinte de l’endocol, qui se traduit par
des leucorrhées. Il n’y a pas de définition cytologique consensuelle des cervicova-
ginites car le nombre de polynucléaires (PN) varie en fonction du cycle : selon les
auteurs, plus de 10 PN, plus de 20 PN ou même un nombre de PN supérieur au
nombre de cellules épithéliales. Dans la forme aiguë typique, il s’agit d’un flot de
pus franc (vomique cervicale) sortant du col. Mais différentes formes cliniques sont
possibles, allant de l’inflammation du col qui saigne au contact à une glaire cervi-
cale limpide, avec ou sans polynucléaires, au frottis endocervical coloré au Gram.
Le contexte dans lequel ces leucorrhées surviennent est le plus souvent évocateur
(rapports sexuels récents, changement de partenaires…). Les cervicovaginites
peuvent s’accompagner de dysurie sans infection urinaire (bandelette négative),
de métrorragies, de sensibilité anormale du col, avec un toucher vaginal normal.
Les micro-organismes responsables sont Chlamydia trachomatis (la première
cause de cervivcite mucopurulente) et plus rarement Neisseria gonorrhoeae. La
responsabilité de Mycoplasma genitalium dans les cervicites est contestée. La
patiente doit être dirigée soit vers un service, soit vers un laboratoire spécialisé
en MST où sont effectués les prélèvements cervicovaginaux (frottis de l’endocol
coloré au Gram, culture pour rechercher N. gonorrhoeae à l’endocol et à l’urètre,
test d’amplification génique pour C. trachomatis à l’endocol et sur le premier jet
urinaire) et les sérologies VIH, de l’hépatite B et de la syphilis. Après prél-
èvement, ou en l’absence de laboratoire spécialisé, surtout chez une adolescente
ou une femme jeune, un traitement antichlamydien et antigonococcique est sys-
tématique sans attendre les résultats des examens. Un traitement par ovules
antimycosiques est nécessaire pendant la durée du traitement. L’abstinence est
recommandée jusqu’à la consultation de contrôle, 7 jours plus tard : le diagnos-
tic exact est porté, la guérison de la patiente contrôlée, et la prévention des réci-
dives ainsi que le traitement du ou des partenaire(s) sont évoqués.
Le diagnostic de vulvovaginite et/ou de cervicovaginite peut être aisé devant
des tableaux cliniques typiques, mais le plus souvent, le recours à des examens
spécialisés permet une meilleure prise en charge des patientes et de leurs parte-
naires. Le traitement doit être précoce puis adapté aux micro-organismes retrou-
vés. Il ne faut pas oublier les dépistages sérologiques et l’éducation des patientes
qui doit permettre une meilleure prévention.

Thérapeutique
Cervicite mucopurulente
l Ceftriaxone : 500 mg IM, dose unique
l  azithromycine : 1 g per os, prise unique
Ou doxycycline : 100 mg 2 fois/j pendant 7 jours
160 Les maladies sexuellement transmissibles

Bibliographie
Janier M et al. Approches syndromiques : cervicite muco-purulente. Ann Dermatol Vénéréol
2006 ; 133 : 2S : 49-50.
Vexiau-Robert D et al. Cervicovaginites. Aspects épidémiologiques, cliniques et étiologiques.
Étude de 200 cas consécutifs dans un centre MST à Paris. Gynécologie 1991 ; 42 : 346-54.
Vexiau-Robert D et al. Approches syndromiques : leucorrhées. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ;
133 : 2S : 47-8.
28 Conduite à tenir devant une
ulcération génitale

M. Janier

Une ulcération génitale est une perte de substance atteignant le derme (ou le
chorion) moyen/profond pouvant laisser une cicatrice et siégeant, au sens large,
dans la région génitale ou anopérinéale. Beaucoup d’ulcérations génitales aiguës
(moins de 4 à 6 semaines) sont des maladies sexuellement transmises. Le chan-
cre désigne, plus particulièrement, une ulcération (muqueuse ou cutanée) due à
une pathologie d’inoculation infectieuse. Par extension, le chancre désigne sou-
vent une ulcération génitale sexuellement transmise. Les ulcérations buccales
posent des problèmes particuliers, l’éventail diagnostique étant différent même
si les chancres buccaux (en particulier de la syphilis) ne sont pas rares.
La démarche diagnostique est la même devant une érosion génitale qui est
définie par une perte de substance n’atteignant que le derme (ou le chorion)
superficiel et ne laisse pas de cicatrice. Le chancre syphilitique, tout au moins au
début et en l’absence de surinfection, est typiquement érosif plutôt qu’ulcéré.
Devant une ulcération génitale aiguë, il faut, avant tout, éliminer une étiologie
infectieuse sexuellement transmise et, particulièrement, une syphilis. Actuellement
en France, toute ulcération génitale aiguë est à considérer, a priori, comme une
syphilis, même si la première cause d’ulcération génitale est l’herpès.
Devant une ulcération génitale chronique, une biopsie est le plus souvent
indispensable.

Ulcérations génitales aiguës


Éliminer une MST
En dehors du cas très particulier où il existe, à l’examen clinique, des vésicules
permettant d’affirmer le diagnostic d’herpès génital (beaucoup plus rarement :
zona sacré ou dermatose bulleuse), aucun élément clinique (nombre, taille,
induration, douleur, adénopathies…) ne permet une prédiction fiable de
l’étiologie. En effet, les délais de consultation et les surinfections peuvent modi-
fier sensiblement l’aspect clinique. Le diagnostic d’herpès génital est trop sou-
vent porté par excès ; d’où la règle, devant toute ulcération génitale ou anale,
de rechercher Treponema pallidum par l’examen au microscope à fond noir et de
pratiquer les sérologies de la syphilis (cf. chapitre 12). Tous ces examens peuvent
être négatifs dans la syphilis primaire. Le traitement antisyphilitique doit donc
être administré à la première consultation, sans en attendre les résultats. Les
autres étiologies des ulcérations génitales aiguës sont plus rares : chancre mou,
162 Les maladies sexuellement transmissibles

donovanose et maladie de Nicolas-Favre dans un contexte de contact avec un


sujet originaire d’un pays d’endémie (la maladie de Nicolas-Favre est également
réapparue chez les homosexuels masculins) ; enfin, primo-infection par le VIH
(souvent dans un contexte d’altération de l’état général fébrile).

Examens à pratiquer devant une ulcération


génitale aiguë
Il faut pratiquer :
n examen au microscope à fond noir ;
n frottis pour examen direct (Gram) ;
n cultures herpès (ou PCR) ;
n culture ou PCR Chlamydia trachomatis ;
n culture pour germes banals ;
n sérologie syphilis (TPHA–VDRL  FTA, EIA) ;
n sérologie VIH (Ag-Ac) ;
n selon le contexte, culture Haemophilus ducreyi et recherche de corps de
Donovan.
Malgré un plateau technique performant, près de la moitié des ulcérations géni-
tales aiguës reste sans étiologie retrouvée.

Autres causes d’ulcérations génitales


aiguës fréquentes
Les ulcérations traumatiques, thermiques, caustiques : l’interrogatoire n’est
pas toujours facile. L’utilisation intempestive d’antiseptiques agressifs, en parti-
culier alcooliques, est très fréquente, souvent dans un contexte de crainte
d’avoir contracté une infection. Les morsures humaines sont particulièrement
dangereuses. Les lésions traumatiques restent, cependant, un diagnostic
d’exclusion.
Les chancres scabieux : il s’agit plutôt de papules excoriées par le grattage
dans un contexte, le plus souvent évocateur de prurit (parfois localisé aux orga-
nes génitaux mais, le plus souvent généralisé).
Les aphtes génitaux : il s’agit, également, d’un diagnostic d’exclusion. Ils sur-
viennent dans un contexte d’aphtose bipolaire (les aphtes buccaux associés
manquent rarement). L’aphte génital est très douloureux, entouré d’une aréole
inflammatoire et recouvert d’un enduit jaunâtre « beurre frais ». Ils ne sont pas
précédés par une vésicule. Les aphtes siègent chez la femme sur les petites et les
grandes lèvres ; chez l’homme, le plus souvent, sur le scrotum. Ils doivent faire
rechercher une maladie de Behçet (signes cutanés, vasculaires, neurologiques et
oculaires) (figure 28.1).
L’ulcère aigu de la vulve de Lipschütz : il s’agit d’une ou de plusieurs ulcéra-
tions vulvaires souvent en miroir, hyperalgiques de début aigu, classiquement
observées chez la jeune fille vierge. Il s’agit d’une manifestation particulière de la
primo-infection EBV (figure 28.2).
Les toxidermies bulleuses : il s’agit, essentiellement, de l’érythème pigmenté
fixe ou toxidermie bulleuse fixe, avec une ou plusieurs bulles de grande taille
siégeant à cheval sur le sillon balanopréputial (figure 28.3). Les médicaments
28. Conduite à tenir devant une ulcération génitale 163

Figure 28.1
Aphte scrotal au cours
d’une maladie de
Behçet.

Figure 28.2
Ulcère aigu de la vulve
de Lipschütz.

Figure 28.3
Toxidermie bulleuse.

responsables sont les tétracyclines, les sulfamides, le paracétamol, etc. La pigmen-


tation est contingente. La réactivation des lésions survient dans les heures qui sui-
vent la reprise du médicament responsable. Signalons également la possibilité de
lésions bulleuses génitales dans l’érythème polymorphe bulleux d’origine médi-
camenteuse, toujours associées à des lésions buccales (figure 28.4).
164 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 28.4
Érythème polymorphe.

Figure 28.5
Pemphigoïde bulleuse.

Le zona sacré : c’est un diagnostic différentiel rare et souvent difficile de l’her-


pès génital.

Ulcérations génitales chroniques


Les ulcérations génitales chroniques sont rarement des MST. Certes, un chancre
syphilitique ou un chancre mou peuvent évoluer sur plusieurs semaines en l’ab-
sence de traitement, c’est aussi le cas de la donovanose qui peut persister plu-
sieurs mois. Au-delà de 4 semaines, un herpès génital est défini comme
chronique et traduit une immunodépression, en général, sévère (patient au
stade de sida ou autres causes d’immunodépression).
Parmi les autres causes infectieuses d’ulcération génitale chronique, citons
l’amibiase et la bilharziose anopérinéale. Les aphtes chroniques sont classiques
dans l’aphtose bipolaire et dans la maladie de Behçet.
Les bulloses immunologiques peuvent avoir des localisations génitales : pem-
phigus, dermatoses à IgA linéaire et pemphigoïde cicatricelle (figure 28.5), en
particulier. Les lésions sont plus récidivantes que réellement chroniques.
28. Conduite à tenir devant une ulcération génitale 165

Figure 28.6
Carcinome verruqueux
du pénis sur lichen
scléreux.

Figure 28.7
Carcinome anal.

Figure 28.8
Carcinome verruqueux
vulvaire.

Citons, également, la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, les


neutropénies profondes, les ulcérations de la maladie de Verneuil, les histiocyto-
ses langheransiennes.
Il importe surtout, de ne pas méconnaître une lésion néoplasique (figures 
28.6, 28.7 et 28.8), d’où le caractère indispensable de la biopsie devant toute
166 Les maladies sexuellement transmissibles

ulcération génitale chronique. Il s’agit en général de carcinomes épidermoïdes,


survenant soit d’emblée, soit sur un lichen scléreux, soit succédant à une mala-
die de Bowen des organes génitaux (PVH-16 et 18).

Bibliographie
Spindler E, Janier M. Ulcérations génitales. Encycl Méd Chir Akos ; 1998, 2.0695.
Verraes-Derancourt S et al. Approches syndromiques : ulcération génitale. Ann Dermatol
Venéréol 2006 ; 133 : 2S51-2.
29 Conduite à tenir devant
une balanite

M. Janier

Les balanites (inflammation du gland) ou balanoposthites (inflammation du


gland et du prépuce) sont rarement des MST (balanites à Trichomonas vaginalis,
balanites préchancreuses de Follman au cours de la syphilis primaire, méatites et
balanites accompagnant une urétrite).
On exclut de ce cadre les localisations balaniques des dermatoses inflamma-
toires (psoriasis, lichen plan ou érosif, lichen scléreux, dermatoses bulleuses).

Balanites aiguës
Ce sont les plus fréquentes, souvent attribuées à tort à une candidose.
Il s’agit plutôt en règle d’une balanite ou balanoposthite d’irritation, allergi-
que ou caustique, provoquée ou aggravée par de nombreux topiques, en parti-
culier antifongiques. Ces balanites d’irritation sont favorisées par un prépuce
long, des toilettes parcimonieuses ou, à l’inverse, un excès d’hygiène (antisepti-
ques et savons agressifs). L’arrêt de tous les topiques est souvent bénéfique.
Les balanites infectieuses sont dominées par l’étiologie candidosique. Plus rare-
ment, il s’agit de balanites à streptocoque (A, B, C ou G) (figures 29.1 et 29.2) ou
à anaérobies. Ces balanites n’ont pas de caractère clinique spécifique, sauf la pré-
sence de pustules, très bien corrélées avec l’étiologie candidosique (figure 29.3).
En présence d’une balanite aiguë supposée infectieuse, il convient de prati-
quer un écouvillonnage du sillon balanopréputial ou du gland avec examen
direct à la recherche de levures et de pseudo-filaments mycéliens, culture sur
milieu de Sabouraud et culture pour germes banals (streptocoques). La richesse
de la flore bactérienne commensale du sillon balanopréputial nécessite de ne
retenir que les cultures pures avec de nombreuses colonies. Il est à noter que la
présence d’un streptocoque A est toujours anormale avec un risque d’érysipèle,
voire de gangrène de Fournier. La présence, à l’examen direct, de filaments
mycéliens est le meilleur argument pour le diagnostic de balanite candidosique,
car la présence de quelques colonies de Candida albicans en culture est banale.
La balanite candidosique aiguë révèle rarement un diabète qu’il faut, cependant,
impérativement rechercher en cas de balanite chronique ou récidivante. Le plus
souvent, il s’agit d’un épiphénomène guérissant spontanément et, dans la majo-
rité des cas, contemporain d’une candidose vulvovaginale de la partenaire.

Balanites chroniques
Il peut s’agir, ici aussi, de dermatoses localisées au gland (psoriasis, lichen plan
et lichen scléreux essentiellement) nécessitant une prise en charge spécifique
168 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 29.1
Balanopsthite à streptocoque A.

Figure 29.2
Érysipèle compliquant une
balanite streptococcique.

avec pour le lichen plan et le lichen scléreux une confirmation biopsique et un


traitement par les dermocorticoïdes (de niveau I pour le lichen scléreux et de
niveau II ou III pour le psoriasis et le lichen plan).
Les balanites chroniques sont souvent des balanites d’irritation chez un sujet
âgé, favorisées par un prépuce long et par la macération de l’urine entre le
gland et le prépuce. La prise en charge comporte des mesures simples : arrêt
des topiques irritants, lavage à l’eau et au savon surgras, éventuellement nitrate
29. Conduite à tenir devant une balanite 169

Figure 29.3
Balanoposthite à
Candida albicans
(pustules).

Figure 29.4
Balanite à plasmocytes
de Zoon.

d’argent à 1 % et pâte à l’eau. Ces balanites d’irritation sont souvent variables
dans le temps avec des guérisons entrecoupées d’aggravations. Ce caractère
fluctuant est très rassurant. Une circoncision est parfois nécessaire lorsque les
lésions persistent malgré ces mesures.
La règle absolue est de biopsier toute balanite chronique, spécialement si elle
est fixe, s’étend ou résiste aux traitements locaux. L’important est, en effet,
d’éliminer une maladie de Bowen caractérisée par des plaques érythémateuses
bien limitées, fixes, réalisant parfois l’aspect de l’érythroplasie de Queyrat, rouge
vif. Ces lésions peuvent évoluer rapidement vers un carcinome invasif et doivent
être détruites. Un important diagnostic différentiel de la maladie de Bowen du
gland est la balanite à plasmocytes de Zoon, typiquement en miroir sur la face
dorsale du gland et la face interne du prépuce, bien limitée, orangée, pseudo-
érosive avec une histologie rassurante (plasmocytaire) chez des hommes âgés le
plus souvent (figure 29.4). Il s’agit d’une capillarite ou dermatose de l’interface.
Le traitement de la balanite de Zoon est la circoncision.
170 Les maladies sexuellement transmissibles

Bibliographie
Abdennader S et al. Balanites et agents infectieux. Étude prospective de cent cas. Ann
Dermatol Vénéréol 1995 ; 122 : 580-4.
Chaine B, Janier M. Dermatoses génitales masculines. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris).
Dermatologie, 98-8346-A-10. 2005.
Chaine B, Janier M. Diagnostic et traitement des balanites. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris).
Urologie, 18-690-A-11. 2006.
Janier M et al. Approches syndromiques : balanite. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133 :
2S56-7.
30 Conduite à tenir devant
une anorectite

S. Fouéré

Les anorectites sexuellement transmises sont observées en cas de pénétration


anale passive, plus rarement par anilingus ou introduction d’objets. Le tableau
clinique est plus ou moins riche et intense selon les agents étiologiques et les
individus.
Les signes fonctionnels associent diversement : prurit, sensation de brûlure,
faux besoins, sensation de plénitude rectale, de corps étranger, ténesme, rector-
ragie, écoulement muqueux ou purulent, constipation ou, plus rarement, diar-
rhée (qui implique l’atteinte de zones plus haut situées du tube digestif). La
difficulté est que ces plaintes proctologiques sont fréquentes et rarement d’ori-
gine vénérienne, même chez un patient prédisposé par son habitus sexuel à ce
type de pathologie.

Rappels anatomiques
l Le rectum pelvien est recouvert d’un épithélium glandulaire.
l Le canal anal est la zone de transition entre l’épithélium digestif du rectum et
l’épithélium malpighien kératinisé du périnée. Sa longueur varie de 4 à 10 cm.
La ligne pectinée sépare les deux tiers supérieurs du canal anal (épithélium
cuboïde) du tiers inférieur (épithélium malpighien non kératinisé).
l La marge anale est la zone de transition où l’épithélium malpighien se

kératinise.
L’examen se fait en position génu-pectorale ou en décubitus latéral
gauche (mieux vécu psychologiquement) : inspection (qui peut retrouver
des éléments d’orientation étiologique : anite, lésions de grattage, liché-
nification, ulcérations, condylomes, écoulement), palpation et anuscopie.
L’anuscopie est l’examen essentiel ; elle confirme le diagnostic en mon-
trant une muqueuse inflammatoire et, là encore, des éléments sémiolo-
giques d’orientation. Elle doit être indolore (la douleur d’une thrombose
hémorroïdaire, d’une fissure, d’un abcès peut toutefois l’empêcher). Elle
permet de vérifier l’intégrité des structures anatomiques, d’examiner la
muqueuse du canal anal, d’y rechercher des lésions. Elle permet en outre
d’effectuer des prélèvements de bonne qualité.
172 Les maladies sexuellement transmissibles

Glossaire proctologique
l Marisque : repli de peau anale normale, comme un pli radiaire épaissi, cica-
trice d’une thrombose hémorroïdaire externe.
l Fissure : ulcération en forme de « raquette » dont l’extrémité effilée centri-

pète est intracanalaire, située dans l’axe antéropostérieur de l’orifice anal.


C’est une déchirure cutanéomusculaire, favorisée par le spasme du sphincter
anal. Une fissure latérale est suspecte et doit faire rechercher une autre cause
d’ulcération. À la phase aiguë, elle est extrêmement douloureuse. À la phase
chronique, son fond atone et fibrineux est bordé à l’extérieur par un repli
cutané hyperplasique appelé marisque sentinelle.
l Fistule anale : elle résulte d’une infection des glandes anales situées au fond

des cryptes de Morgagni. Elle se manifeste comme une tuméfaction doulou-


reuse abcédée de la marge anale, laissant parfois sourdre du pus.
l Thrombose hémorroïdaire externe : elle se présente comme une tumé-

faction bleuâtre, flasque et souvent très douloureuse de la marge anale. Elle


régresse en une dizaine de jours laissant une marisque séquellaire.
l Thrombose hémorroïdaire interne : elle peut se manifester par une douleur

intracanalaire et une tuméfaction palpable au toucher rectal. Le plus souvent


cependant, elle se résume à des saignements striant le papier toilette. Les
poussées itératives entraînent un relâchement muqueux et un prolapsus
d’abord temporaire, puis permanent, irréductible, se produit.

Anorectites à Chlamydia trachomatis


Sérovars classiques (D à K)
Les sérovars classiques de Chlamydia trachomatis à tropisme anogénital (D à K)
donnent lieu à peu de signes cliniques en général : simple prurit, sensation de
faux besoins, rarement douleurs péri-anales, constipation et ténesme. Un écou-
lement muqueux à mucopurulent, des rectorragies sont possibles. L’infection est
asymptomatique dans près des trois quarts des cas (jusqu’à 90 % selon certaines
séries). Chlamydia trachomatis serait néanmoins, par ordre de fréquence, le
second agent causal d’anorectite symptomatique (19 %).
L’anuscopie révèle une muqueuse érythémateuse, fragile, saignant au contact,
plus rarement un exsudat mucopurulent.

LGV
Les sérovars L1, L2 et L3 de Chlamydia trachomatis sont responsables d’une
symptomatologie plus sévère. Classiquement, la LGV évolue en trois phases.
L’épidémie de LGV rectale qui frappe les communautés urbaines occidentales
d’homo- et bisexuels masculins depuis 2003 est due à de nouveaux mutants de
Chlamydia trachomatis (sérovars L2b et L2c).
La maladie évolue d’un seul tenant après une incubation de 15 jours, d’abord
anorectite banale, le plus souvent sans adénopathie inguinale associée, devenant
30. Conduite à tenir devant une anorectite 173

de plus en plus sévère et symptomatique pour aboutir après quelques semaines


à un tableau sérieux d’ano-rectocolite, évocateur de maladie inflammatoire
intestinale (maladie de Crohn, lymphome digestif). L’aspect endoscopique
(anuscopie, rectoscopie) renforce la confusion en montrant une muqueuse
hémorragique, siège d’ulcérations, de suppuration et de fausses membranes.

Anorectite gonococcique
Premier agent causal d’anorectite vénérienne symptomatique (55 % des cas), le
gonocoque peut donner lieu à une maladie sévère, mais l’infection demeure très
souvent asymptomatique. La durée moyenne d’incubation est de 5 jours. La
sémiologie de l’anorectite gonococcique ne diffère pas radicalement des autres
mais peut s’enrichir d’un écoulement franchement purulent et se compliquer
d’une cryptite et d’abcès péri-anaux.

Anorectite herpétique
HSV-2 et, de fréquence croissante, HSV-1 sont responsables d’une anorectite
douloureuse, touchant le plus souvent la portion inférieure du canal anal et la
peau péri-anale, typiquement vésiculeuse avec érythème périvésiculeux marqué.
L’existence de prodromes, d’un ténesme, d’une constipation réflexe, de signes
urinaires, de signes généraux, d’une adénopathie inguinale, peut orienter le dia-
gnostic. Il n’est pas rare, en particulier en cas de récurrence, que l’infection se
résume à une ulcération unique.

Autres MST
Syphilis
Un chancre anal primaire peut se présenter comme une fissure. Dans ce cas, la
localisation en dehors de l’axe antéropostérieur et l’absence de douleur doivent
attirer l’attention.
Au stade secondaire, on peut observer une rectite inflammatoire avec plaques
muqueuses, érosions en « traces d’escargot » et, rarement, des lésions papuleu-
ses péri-anales : les condyloma lata.

PVH
Les condylomes anaux sont volontiers responsables d’une sensation de corps
étranger, d’un prurit. En cas de tumeur de Buschke-Löwenstein ou de condylo-
matose anale extensive, la surinfection peut réaliser une anorectite à pyogènes.
Il importe de la traiter avant d’appliquer un traitement spécifique.

Rectocolites infectieuses à déterminisme vénérien


(Shigella spp., Campylobacter spp., Salmonella spp.,
Entamoeba histolytica, Giardia lamblia, entérites virales)
Ici, ce n’est pas une inoculation rectale directe qui est responsable de la sympto-
matologie digestive : la transmission se produit à la faveur de contacts sexuels
de type oro-anal. La symptomatologie rectale fait partie d’un tableau plus
174 Les maladies sexuellement transmissibles

riche : diarrhée, épreintes, syndrome dysentérique, signes généraux. La surve-


nue sur un mode épidémique dans de petites communautés d’homosexuels
masculins, en particulier ou en succession rapide entre deux partenaires sexuels,
doit attirer l’attention sur le caractère vénérien de l’infection et faire adopter les
mesures prophylactiques adéquates. La coproculture, l’examen parasitologique
des selles permettent de porter le diagnostic étiologique.

Anorectites d’autres causes


Ce sont des :
n maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (maladie de Crohn, rectoco-
lite hémorragique) ;
n maladies infectieuses non vénériennes (anite streptococcique, anorectite à
Candida, oxyurose) ;
n anorectites d’origine traumatique (viol, sex-toys, fist-fucking), caustique (lave-
ments itératifs, procédures cosmétiques de blanchiment), alimentaire (poivres,
piment), iatrogène (anti-inflammatoires).

Examens complémentaires
Ils sont pratiqués selon le contexte :
n écouvillonnage anal au minimum, idéalement endorectal au cours d’une anus-
copie, pour recherches :
l bactériologique (frottis pour examen extemporané au bleu de méthylène
ou au Gram pour recherche de gonocoques, ensemencement sur géloses
sélectives pour gonocoques et streptocoques, milieu de transport pour
amplification génique de C. trachomatis),
l virologique (HSV) : dans un milieu de transport pour ensemencement sur
cultures cellulaires  PCR ;
n prélèvement d’une ulcération pour recherche de tréponèmes au microscope à
fond noir. Interprétation complexe en raison de la présence de spirochètes
commensaux ;
n VDRL–TPHA en cas de suspicion de syphilis, sérologie C. trachomatis en cas de
suspicion de LGV.

Traitement
Mesures d’hygiène
n Proscription du papier hygiénique au profit d’un lavage doux à l’eau tiède et
au savon, suivi d’un séchage par tamponnement.
n Lavage méticuleux des mains après soins locaux avec brossage des ongles.
n La constipation réflexe doit être combattue, car elle aggrave les symptômes
locaux en favorisant une anite hémorroïdaire. À cet effet, on évite les microla-
vements au profit de mucilages.
n Les topiques (antiseptiques moussants ou non, crèmes thérapeutiques ou
« émollientes ») ne sont prescrits que s’ils sont nécessaires, après identification
30. Conduite à tenir devant une anorectite 175

de la cause. Dans ce domaine, les patients doivent plus souvent être modérés
qu’encouragés.

Traitements spécifiques
n Chlamydia trachomatis (sérotypes D à K) : doxyxycline 200 mg/j en 2 prises
pendant 1 semaine ou azithromycine 1 g en dose unique. En fait, les délais de
génotypage étant longs, le traitement doit durer 3 semaines dans la crainte
d’une LGV.
n LGV : doxyxycline 200 mg/j en 2 prises pendant 3 semaines. Des cas de trai-
tement efficace par une dose unique hebdomadaire de 1 g d’azithromycine,
3 semaines de suite ont été rapportés.
n Neisseria gonorrhoeae : ceftriaxone 500 mg IM dose unique en première inten-
tion (absence de résistance, bonne diffusion anorectale, urétrale et pharyn-
gée). Contre-indication à la voie IM : cefixime 400 mg en prise orale unique.
Allergie aux céphalosporines : spectinomycine 2 g IM (94,5 % de guérison des
gonococcies rectales mais peu efficace sur le pharynx).
n Herpès : valaciclovir 500 mg matin et soir ou aciclovir 200 mg 5 fois/j ou 400 mg
3 fois/j (10 jours en cas de primo-infection, 5 jours en cas de récurrence).
n Syphilis : benzathine–pénicilline 2,4 millions d’unités en une injection IM en
dose unique. Allergie : idéalement, désensibilisation et traitement précédent,
alternativement, doxycycline 200 mg/j pendant 2 semaines.
n Rectocolites à transmission sexuelle :
l bactériennes à bacilles à Gram négatif entériques : antibiothérapie adaptée
à l’antibiogramme ;
l giardiase : métronidazole 500 mg 2 fois/j pendant 5 à 10 jours ou tinida-
zole 2 g en prise unique ou albendazole 400 mg/j pendant 5 jours ;
l amibiase : métronidazole 500 mg, 3 fois/j pendant 5 à 10 jours ;

l viroses : diète hydrique, mesures d’hygiène.


n Traitement syndromique d’une anorectite sans élément d’orientation chez
un patient suspect de contamination vénérienne et après prélèvements
nécessaires :
l en l’absence d’ulcération : traiter a priori une lymphogranulomatose vén-
érienne et une gonococcie ;
l en présence d’ulcération(s) : traiter en plus une syphilis et/ou un herpès.

Bibliographie
Halioua B et al. Approches syndromiques : MST anorectales. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ;
133 : 2S54-5.
Klausner JD et al. Etiology of clinical proctitis among men who have sex with men. Clin Infect
Dis 2004 ; 38 : 300-2.
31 Conduite à tenir devant une
orchiépididymite

A. Bernard, P. Méria

L’épididymite correspond à l’inflammation de l’épididyme. C’est une affection


fréquente, notamment chez l’adulte jeune avec un pic de fréquence entre 20 et
40 ans.
L’orchite est une inflammation du testicule, isolée ou volontiers associée à une
épididymite par contiguïté.
L’étiologie est infectieuse dans plus de 70 % des cas.
Deux situations cliniques doivent être distinguées :
n l’orchiépididymite du sujet jeune, de la puberté à 35–40 ans, correspondant
dans la majorité des cas à une infection sexuellement transmissible ;
n celle du sujet de plus de 40 ans ou de l’enfant prépubère, s’intégrant au
groupe général des infections urogénitales.

Pathogénie – physiopathologie
L’infection épididymotesticulaire est unilatérale le plus souvent, mais peut être
bilatérale dans 10 % des cas environ.
Elle peut avoir plusieurs origines :
n contamination ascendante ou rétrograde, de loin la plus fréquente ;
n voie hématogène, dans un contexte de bactériémie ou virémie (orchite
ourlienne) ;
n voie lymphatique péridéférentielle, expliquant les rares cas d’épididymite
après ligature du canal déférent.

Diagnostic
Il est essentiellement clinique.

Interrogatoire
Il recherche :
n un rapport sexuel non protégé ;
n un écoulement urétral inaugural ;
n des signes infectieux chez la/le partenaire ;
n des antécédents urologiques ;
n des facteurs iatrogènes récents tels qu’un geste endoscopique ;
31. Conduite à tenir devant une orchiépididymite 177

n des symptômes évocateurs :


l douleur scrotale, souvent rapidement progressive, irradiant le long du cor-
don spermatique,
l signes fonctionnels urinaires : dysurie, pollakiurie, impériosités, brûlures
mictionnelles.

Examen clinique
Il recherche :
n des signes inflammatoires locaux, d’intensité variable, par une inspection bila-
térale et comparative :
l un scrotum augmenté de volume, rouge, chaud, douloureux, non
transilluminable,
l une douleur de l’épididyme parfois localisée à un noyau, le plus souvent de
la queue de l’épididyme, et/ou du testicule, soulagée par la manœuvre de
soulèvement de la bourse (signe de Prehn),
l disparition du sillon inter-épididymotesticulaire dans les formes évoluées,

l funiculite associée,

l hydrocèle vaginale réactionelle ;

n des signes associés :


l examen des organes génitaux externes (OGE) : chancre, vésicules, condylo-
mes, écoulement urétral,
l TR : recherche d’une prostatite,

l orifices herniaires : éliminer une hernie inguinoscrotale étranglée ;

n des signes infectieux généraux : fièvre, frissons ;


n des signes de gravité locaux (collection fluctuante, fistulisation…) et généraux
(défaillance hémodynamique).

Examens complémentaires
Examens microbiologiques
Ils sont essentiels pour établir le diagnostic et adapter secondairement
l’antibiothérapie :
n la bandelette urinaire (sur le premier et le deuxième jet urinaire) à la recherche de
leucocytes et de nitrites. Sa négativité n’élimine pas le diagnostic, certains faux
négatifs étant dus à des germes intracellulaires ou à une infection décapitée ;
n le prélèvement d’un éventuel écoulement urétral (gonocoque) ;
n une PCR Chlamydia trachomatis sur le premier jet d’urine (avant toilette du méat) ;
n l’examen cytobactériologique des urines (ECBU), avec antibiogramme : sur le
milieu du jet urinaire, après toilette du méat, pour la recherche des germes
banals. Il affirme l’infection, identifie le germe et son profil de sensibilité aux
antibiotiques.
Les critères d’infection urinaire, partiellement ou complètement réunis, sont :
4
n une leucocyturie significative, supérieure à 10 /mL ;
n la présence de germes à l’examen direct après coloration ;
5
n une numération bactérienne supérieure à 10 /mL.
178 Les maladies sexuellement transmissibles

Sa négativité n’élimine pas le diagnostic et fait parfois prescrire un traitement


d’épreuve si tous les autres diagnostics différentiels ont été éliminés.
Il faut prescrire la recherche spécifique du bacille de Koch lorsqu’une tubercu-
lose urogénitale est suspectée, en répétant si besoin les examens pour améliorer
la sensibilité :
n les hémocultures, réalisées lors de pics fébriles ou de frissons, qui sont néan-
moins souvent négatives ;
n une sérologie Chlamydia trachomatis (infection haute) ;
n la ponction épididymaire percutanée est exceptionnellement indiquée, limitée
aux rares échecs de l’antibiothérapie, aux épididymites récidivantes sans étio-
logie ou aux patients porteurs de sonde vésicale. La biopsie épididymaire est
en revanche systématique en cas d’exploration chirurgicale.
La spermoculture n’est pas réalisée car elle n’a pas d’intérêt, notamment dans
les formes aiguës.
Bilan biologique standard
Il permet de rechercher un syndrome inflammatoire non spécifique. Il est facul-
tatif (NFS-VS-CRP).
Échographie-doppler épididymotesticulaire
Elle n’est pas indispensable pour établir le diagnostic positif. Elle peut être utile
dans les formes atypiques pour éliminer un diagnostic différentiel ou en cas de
forme sévère. Elle ne doit pas faire retarder la chirurgie en cas de torsion.
Elle recherche classiquement :
n une augmentation du volume épididymotesticulaire, un épididyme et un
parenchyme testiculaire hétérogènes et hypervascularisé au doppler, tradui-
sant l’atteinte inflammatoire. L’absence de flux sanguin oriente vers une tor-
sion du cordon spermatique ;
n des complications : hydrocèle, abcès.
Elle apporte des arguments pour les diagnostics différentiels : torsion du cor-
don spermatique, tumeur testiculaire, sans pouvoir établir aucun diagnostic de
certitude. Elle peut être utile en cas d’évolution défavorable pour rechercher une
complication.

Principaux diagnostics différentiels


On évoque devant tout tableau de douleur scrotale aiguë :
n la torsion du cordon spermatique : fréquente chez l’adolescent et l’adulte
jeune, il s’agit d’une urgence chirurgicale qui impose au moindre doute une
exploration scrotale. Elle ne doit être en aucun cas retardée par la réalisation
d’examens complémentaires dont la fiabilité diagnostique est limitée ;
n la torsion des hydatides (annexes correspondants à des reliquats embryonnai-
res) : survenant volontiers chez le garçon prépubère. Elle se manifeste par une
douleur localisée avec un ensemble épididymotesticulaire normal ;
n les tumeurs :
l du testicule : parfois douloureuses en cas d’hémorragie aiguë intratumorale.
L’examen cherche une masse testiculaire séparée de l’épididyme sain par un
sillon (signe de Chevassu). L’écho-doppler scrotal peut être utile au diagnostic
31. Conduite à tenir devant une orchiépididymite 179

sans pour autant pouvoir formellement distinguer une tumeur d’une orchite
focale. Devant toute orchite d’évolution défavorable sous traitement, notam-
ment lorsque le testicule reste ferme et anormal, une exploration scrotale par
voie inguinale est indiquée ;
l de l’épididyme : exceptionnelles, elles sont affirmées par l’examen
anatomopathologique ;
n les causes traumatiques : à rechercher systématiquement à l’interrogatoire ;
n la hernie inguinoscrotale engouée ou étranglée : recherchée par la palpation
systématique des orifices herniaires inguinaux devant toute douleur scrotale ;
n la colique néphrétique dans sa forme à douleur projetée.

Agents pathogènes
Le micro-organisme responsable n’est mis en évidence que dans 70 % des cas. Il
convient de distinguer, en fonction de l’âge, les MST de l’homme jeune des
infections urogénitales.

MST (C. trachomatis et N. gonorrhoeae)


Impliqués dans près de 35 % des épididymites, ils occasionnent fréquemment
une urétrite. Ils peuvent être associés.
Chlamydia trachomatis est impliquée dans respectivement 30 et 55 % des
infections de l’adulte et de celles du sujet de moins de 35 ans.
Neisseria gonorrhoeae occasionne moins de 5 % des épididymites de l’adulte
(10 % avant 35 ans).
Les entérobactéries sont des bacilles Gram négatif commensaux de l’intestin.
E. coli est le plus fréquent et il est souvent impliqué chez les homosexuels, par
contamination lors des rapports anorectaux.

Infections urogénitales
Elles sont responsables de 25 % des épididymites, pour la plupart avant la
puberté ou après 35 ans.
Les entérobactéries, et surtout E. coli, sont impliquées dans 15 % des cas (en
moyenne et 40 % après 35 ans). Les autres sont plus rares (Proteus, Klebsiella,
Enterobacter, Serratia, Citrobacter…).
Les autres bacilles Gram négatif sont Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter…
Les cocci Gram positif, plus rares, sont représentés par les staphylocoques
(Staphylococcus aureus, saprophyticus, epidermidis) et l’entérocoque (Streptococcus
faecalis).
Les agents infectieux sont rares (moins de 10 % des épididymites) : brucellose
(orchite), tuberculose urogénitale, etc.

Évolution et complications
La mise en route précoce d’un traitement adapté permet dans la majorité des
cas une résolution complète des symptômes avec restitution ad integrum de
l’épididyme et du testicule. Il faut néanmoins avertir le patient que la disparition
des symptômes peut être longue, même lorsque l’infection est jugulée.
180 Les maladies sexuellement transmissibles

L’existence initiale de signes de mauvais pronostic, déterminant trois formes crois-


santes de gravité de l’infection, est associée à un risque accru de complications :
n forme modérée : repères anatomiques conservés, testicule normal ;
n forme sévère : perte des repères anatomiques normaux, testicule douloureux ;
n forme très sévère : atteinte inflammatoire de la paroi scrotale et/ou du cordon
spermatique.

Complications aiguës
Elles peuvent être les suivantes:
n Orchite : atteinte du testicule par extension directe de l’infection.
n Abcédation de l’épididyme et/ou du testicule : plus fréquente chez les patients
immunodéprimés, la palpation percevant une masse fluctuante, très doulou-
reuse. Le syndrome infectieux est marqué. L’évolution peut se faire selon plu-
sieurs modes :
l rupture de l’abcès dans le scrotum responsable d’une pyocèle scrotale ;

l fonte purulente de l’épididyme et/ou du testicule ;

l fistulisation spontanée à la peau.

n Ischémie testiculaire : lorsqu’une funiculite est associée, l’œdème du cordon


entraîne une compression de ce dernier à l’orifice inguinal externe ou une
compression directe des artères et veines testiculaires avec risque de throm-
bose veineuse. Ses complications sont la nécrose testiculaire, l’abcès et surtout
l’atrophie séquellaire.

Complications tardives
Elles peuvent être les suivantes:
n Infertilité secondaire d’origine :
l excrétoire : s’il existe des anomalies transitoires du spermogramme à la
phase aiguë de l’infection, la gravité tient plus au risque d’obstruction tubu-
laire tardive secondaire à l’existence d’un ou plusieurs nodules fibreux ;
l sécrétoire : par destruction des cellules germinales, lors de l’atteinte
testiculaire ;
l immunologique : par la formation d’auto-anticorps antispermatozoïdes.
n Épididymite chronique : elle peut correspondre au stade irréversible des formes
sévères, surtout lorsque le traitement est inadapté. Elle se caractérise par des dou-
leurs scrotales ou une gêne chronique et une fréquente hypofertilité. La palpation
perçoit une induration partielle ou totale de l’épididyme et/ou du testicule.
n Atrophie testiculaire : elle est le plus souvent d’origine ischémique.
n Récidives : elles se présentent lorsque le traitement est mal conduit ou si les
facteurs de risque de l’infection persistent.

Traitement
Il est essentiellement médical, associant :
n des mesures symptomatiques non spécifiques : repos, antalgiques, sous-
vêtements serrés, suspensoir. La place des anti-inflammatoires non stéroïdiens
31. Conduite à tenir devant une orchiépididymite 181

est discutée et ne peut s’envisager qu’en complément d’une antibiothérapie


efficace ;
n une antibiothérapie adaptée au terrain et modifiée éventuellement en fonc-
tion des résultats bactériologiques, à bonne diffusion épididymaire, conduite
en ambulatoire sauf dans les formes sévères.
En cas de suspicion de MST (sujet jeune, urétrite, bandelette urinaire normale
sur le deuxième jet), une antibiothérapie efficace contre Chlamydia trachomatis
et Neisseria gonorrhoeae est donnée avec :
n ceftriaxone 500 mg IM, dose unique ;
n  doxycycline 100 mg 2 fois/j per os pendant 10 jours.

En cas d’infection urogénitale


Le traitement de première intention fait appel aux fluoroquinolones ou au cotri-
moxazole fort (2 comprimés/j) par voie orale. Les formes sévères peuvent nécessiter
une forme intraveineuse initiale avec une association aminoside-céphalosporine de
3e génération. Il faut dans tous les cas adapter secondairement le traitement à l’an-
tibiogramme. La durée du traitement est le plus souvent de 3 semaines, voire plus
en cas de prostatite associée.
Au décours de l’épisode, il est recommandé de réaliser une débit-métrie pour
rechercher un obstacle urétral. En cas d’anomalie, une exploration endoscopi-
que ou radiologique du bas-appareil est discutée.
En cas de doute entre une origine urétrale (MST) et urinaire, un traitement
par fluoroquinolones est justifié (actif contre les entérobactéries et Chlamydia
trachomatis), mais seulement si le risque de gonococcie est faible (absence
d’écoulement urétral) du fait de la fréquence des résistances du gonocoque à
ces antibiotiques.
Le traitement chirurgical, avec prélèvements multiples pour analyse bacté-
riologique et anatomopathologique, est très rarement nécessaire (doute avec
une torsion, abcès, nécrose, etc.).

Suivi
Le patient doit être revu systématiquement en fin de traitement afin de s’assurer
de la guérison clinique et microbiologique.
L’échec du traitement ou l’apparition de récidives peuvent s’expliquer par :
n une réinfection par la/le partenaire non traité ;
n une antibiothérapie mal prise, inadaptée ou trop courte ;
n la persistance ou l’apparition d’anomalies structurales telles qu’une sténose de
l’urètre.
La grande majorité des orchiépididymites est d’étiologie infectieuse. Les ger-
mes incriminés dépendent surtout du terrain. Toutefois, il persiste assez fré-
quemment des formes sans germe mis en évidence. Le diagnostic différentiel est
la torsion du cordon spermatique qui, en cas de doute, impose une scrototomie
exploratrice.
182 Les maladies sexuellement transmissibles

Thérapeutique
Épididymite du sujet jeune (< 35 ans)
l Ceftriaxone : 500 mg IM, dose unique
  doxycycline : 100 mg, 2 fois/j per os pendant 10 jours
l Ou ofloxacine : 200 mg, 3 fois/j per os pendant 10 jours

Bibliographie
Boccon-Gibod et al. Infections génitales masculines, Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris).
Néphrologie-Urologie, 8-003-I-20. 5-6.
Janier M et al. Approches syndromiques orchiépididymite. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133 :
2S53.
Roupret M, Association française des urologues en formation. Cahiers des ECN. Elsevier
Masson ; 2007, 26-33.
32 Maladies sexuellement
transmissibles et grossesse

D. Vexiau-Robert

Les infections sexuellement transmissibles doivent être dépistées précocement


chez la femme enceinte car elles engagent le pronostic à la fois pour la mère et
pour l’enfant.

Syphilis
Le dépistage sérologique de la syphilis chez la femme enceinte est obligatoire au
1er trimestre de la grossesse. Cependant, certaines femmes ayant des difficultés
socio-économiques échappent à cette surveillance. La syphilis est transmise au
fœtus par voie transplacentaire après la 18e semaine de grossesse (2e trimestre).
L’enfant peut contracter une syphilis congénitale (rare, 10 cas/an). En cas de
syphilis maternelle et en l’absence de traitement, le fœtus est exposé à une mort
fœtale in utero, suivi d’une fausse couche spontanée, ou plus tardivement à une
rupture des membranes et à une expulsion prématurée ou à un simple retard
de croissance intra-utérine (RCIU). Il peut aussi être victime d’une forme précoce
néonatale (fœtopathie infectieuse). Avant 2 ans, il peut développer une forme
congénitale sévère avec atteinte multiviscérale avec une mortalité d’environ
20 %. Le risque de mortalité est d’autant plus grand que la syphilis maternelle est
récente. Après 2 ans, il peut exister des séquelles oculaires, auditives, dentaires,
ostéoarticulaires, neurologiques. Le traitement de la mère est une injection intra-
musculaire de benzathine–pénicilline G de 2,4 millions d’unités, en cas de syphilis
précoce. En cas de syphilis tardive, trois injections sont réalisées à une semaine
d’intervalle. La prescription de paracétamol ou de prednisone, 0,5 mg/kg/j la
veille de l’injection et pendant 3 jours, atténue la réaction d’Herxheimer. En cas
d’allergie à la pénicilline, une désensibilisation préalable est faite. Le traitement
du nouveau-né consiste en pénicilline G 150 000 u/kg/j en IV, 2 à 6 injections
par jour pendant 10 à 14 jours avec prévention de la réaction d’Herxheimer
(paracétamol) ou benzathine pénicilline 50 000 u/kg, dose unique IM.

Gonococcie
La gonococcie, pendant la grossesse, est soit symptomatique (leucorrhées puru-
lentes, métrorragies…), soit asymptomatique et le risque pour la grossesse est
majeur. Neisseria gonorrhoeae monte à partir du col et infecte les membranes,
entraînant une chorio-amniotite qui génère fausse couche spontanée et, plus
tard, rupture des membranes. On a décrit aussi des retards de croissance intra-
utérine. Le nouveau-né peut au passage de la filière génitale acquérir une
184 Les maladies sexuellement transmissibles

conjonctivite purulente. La transmission est pré- et périnatale. Le traitement de


la mère est la ceftriaxone, 500 mg en IM en dose unique. Celui du nouveau-né
est la ceftriaxone, 50 mg/kg/j en IV pendant 7 jours. La conjonctivite est pré-
venue systématiquement par un collyre antibiotique ou au nitrate d’argent à la
naissance (manœuvre de Crédé).

Chlamydia trachomatis
L’infection à Chlamydia trachomatis peut être acquise à tout moment de la gros-
sesse. Le diagnostic est aisé devant des leucorrhées symptomatiques, mais le plus
souvent l’infection est asymptomatique. Une PCR Chlamydia sur le premier jet
urinaire peut être proposée (en même temps que la recherche de sucre et d’albu-
mine) à toutes les femmes. Le risque est la fausse couche spontanée, la rupture
prématurée des membranes par infection de l’œuf. Si la grossesse se poursuit,
l’enfant peut avoir un RCIU. Lors de la naissance, au passage des voies génitales
(transmission périnatale), le nouveau-né peut contracter une conjonctivite (délai :
5 à 14 jours) ou développer, plus tard, une infection bronchopulmonaire (3e ou
4e semaine de vie). Le traitement de la mère est l’azithromycine, 1 g per os en
dose unique. En deuxième intention, on peut proposer de l’érythromycine,
500 mg en quatre prises par jour, per os, pendant 7 jours. Le traitement du
nouveau-né est l’érythromycine, 50 mg/kg/j en 4 doses par jour pendant 14 jours.

Trichomonose
L’infection à Trichomonas vaginalis est souvent symptomatique. L’examen direct
des sécrétions vaginales met en évidence le parasite et affirme le diagnostic. Au
2e et au 3e trimestre, les risques pour le fœtus sont la rupture prématurée des
membranes et un RCIU. Le traitement de la mère est le métronidazole : un ovule
matin et soir pendant 14 jours. En cas d’échec du traitement local, on prescrit
du métronidazole : 500 mg, 2 fois/j per os pendant 7 jours. En effet, la grossesse
n’est pas une contre-indication au traitement par métronidazole oral mais beau-
coup l’évitent au premier trimestre, préférant un traitement local.

Vaginose bactérienne
La vaginose bactérienne est une affection fréquente, souvent peu, voire, asymp-
tomatique (retard diagnostic). Un examen direct des sécrétions vaginales au
laboratoire permet le diagnostic (direct et cultures). Le risque est une infection
du pôle inférieur de l’œuf, puis une chorio-amniotite, une fausse couche au
1er trimestre, rupture prématurée des membranes et expulsion d’un fœtus
indemne de toute affection. Il est également décrit des RCIU. La transmission de
l’infection est périnatale. Le traitement consiste en une pose locale d’ovules et
un traitement per os : métronidazole, 500 mg 2 fois/j, per os, pendant 7 jours.

Herpès génital
La primo-infection herpétique au 1er et au 2e trimestre de la grossesse expose à
un risque d’avortement spontané et de RCIU, mais le risque d’herpès néonatal
32. Maladies sexuellement transmissibles et grossesse 185

est maximum au cours de la primo-infection survenant au 3e trimestre. L’herpès


néonatal peut se traduire par un tableau multiviscéral (hépatite, encéphalite,
CIVD), par une méningo-encéphalite de très mauvais pronostic, ou par une
forme cutanéomuqueuse, de bon pronostic sous traitement. La transmission se
fait par voie prénatale (rare) ou périnatale. Le traitement de la mère est, en cas
de primo-infection ou de premier épisode, l’aciclovir, 400 mg, 3 fois/j, per os,
pendant 10 jours, ou aciclovir IV, 5 mg/kg, 3 fois/j pendant 10 jours. En cas de
récurrence, on ne propose rien ou aciclovir per os, 400 mg, 3 fois/j pendant
5 jours. Si la patiente a fait un premier épisode pendant la grossesse, elle reçoit à
titre systématique un traitement d’aciclovir per os 400 mg 3 fois/j à partir de la
36e semaine d’aménorrhée. S’il existe des lésions herpétiques pendant le travail
(ou si primo-infection  1 mois), une césarienne est faite. Le nouveau-né reçoit
un traitement par aciclovir, 60 mg/kg/j par voie intraveineuse pendant 14 à
21 jours selon les résultats virologiques. Il ne faut pas oublier le risque post-natal
de primo-infection herpétique transmise par l’entourage familial ou soignant.

Hépatite B
L’hépatite B expose à des complications en cours de grossesse dans 30 % des
cas avec fausse couche spontanée au 1er trimestre, mort fœtale in utero, accou-
chement prématuré ou RCIU si la grossesse se poursuit. Le risque pour le nouveau-
né est une hépatite chronique avec cirrhose. La contamination se fait par voie
pré- et périnatale. La mère est prise en charge en hépatologie, le nouveau-né
reçoit une injection d’immunoglobulines spécifiques de l’hépatite B dans les
24 heures, puis est vacciné contre l’hépatite B (1re injection au 7e jour, 2e injection
au 30e jour de vie et 3e injection : 5 à 12 mois après la seconde).

Bibliographie
Halioua B et al. MST et grossesse. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133. 2S 61-2.
Janier M et al. Syphilis précoce et tardive. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133. 2S 19-27.
33 Homosexuels et maladies
sexuellement transmissibles

S. Fouéré

Homosexualité et bisexualité sont des concepts apparus avec la psychologie


et la sociologie aux xixe et xxe siècle en Occident pour décrire et analyser des
pratiques attestées dès l’aube de l’Histoire, existant probablement depuis les
débuts de l’humanité et retrouvées dans toutes les civilisations présentes et
passées.
Ces concepts, d’une part, dépassent la simple réalité de rapports sexuels entre
partenaires de même sexe et, d’autre part, ne sont pas forcément reconnus ou
utilisés par tous ceux qui ont à parler de ces rapports. Cela est devenu un pro-
blème aux États-Unis et en Grande-Bretagne où du fait des mouvements migra-
toires, des populations à risque élevé ne sont atteintes ni par les enquêtes
épidémiologiques, ni par les efforts de prévention des MST et du VIH/sida.
Pour cette raison, dans le champ des MST, les auteurs anglo-saxons utilisent
désormais l’acronyme « MSM » (Men who have Sex with Men), HSH en français.
Il centre utilement le propos sur le mode de transmission plutôt que sur un
concept plus large. Il permet en outre de désigner globalement tous ceux qui
sont amenés à avoir ce type de rapports indifféremment de la manière dont eux-
mêmes se définissent ou la société qui les entoure les caractérise.

Une population à risque élevé


Au cours des vingt-cinq dernières années, les HSH ont été électivement
atteints d’abord par l’épidémie de VIH/sida, puis, depuis la fin des années 1990
par les résurgences épidémiques de la syphilis et de la gonococcie, l’épidémie
de lymphogranulomatose vénérienne, des épidémies sporadiques d’hépatites
A, B ou C…

Importance du problème
Syphilis
Depuis 1999, son incidence ne cesse de croître dans les pays occidentaux.
Épidémie urbaine, elle tend en France à se généraliser à l’ensemble du territoire.
Les HSH représentent près de 80 % des patients en France (60 % aux états-Unis,
75 % en Allemagne). La fréquence des contaminations par sexe oral est
notable.
33. Homosexuels et maladies sexuellement transmissibles 187

Gonococcie
L’incidence de la gonococcie a tendance à diminuer globalement aux États-Unis
mais augmente chez les hommes et dans les formes rectales. En France, les
mêmes augmentations sont notées mais ont infléchi à la hausse l’incidence
nationale. En Grande-Bretagne, l’incidence chez les HSH est près de dix fois celle
observée chez les hétérosexuels stricts.

Lymphogranulomatose vénérienne (LGV)


L’épidémie de LGV rectale en cours dans les pays occidentaux est quasi exclusi-
vement observée chez les HSH, séropositifs pour le VIH dans les trois quarts
des cas.

VIH/sida
Les rapports homosexuels étaient à l’origine de 47 % des cas aux États-Unis en
2006 contre 39 % en 2001. En France, la proportion d’HSH parmi les sujets
VIH  diagnostiqués dans l’année est passée de 24 à 31 % entre 2003 et 2005
et demeure stable à 29 % en 2007.

Autres MST
Dans les communautés d’HSH urbains, on décrit régulièrement des flambées
épidémiques d’hépatites virales à transmission entérique ou sexuelle, de recto-
colites virales, bactériennes ou parasitaires, de staphylococcies à Staphylococcus
aureus résistant à la méticilline…

Facteurs favorisants, propres à cette population


Pratiques sexuelles spécifiques
Les pratiques anales (sodomie, anilingus, fist-fucking, introduction de jouets
sexuels) exposent à des risques spécifiques :
n localisations anales des MST classiques ;
n fragilité de la muqueuse digestive exposant aux infections par les virus à trans-
mission hématogène ;
n exposition aux micro-organismes à transmission entérique (HAV, rotavirus,
Campylobacter, Shigella, Salmonella, Entamoeba histolytica, Giardia…).

Degré d’exposition
Le nombre de partenaires sexuels est notablement élevé chez les HSH urbains
occidentaux. Les trois quarts des HSH américains ont des partenaires occasion-
nels, en moyenne quatre par an. En France, 89 % ont des partenaires occasion-
nels, en nombre supérieur à dix par an chez 54 % d’entre eux.

Facteurs sociologiques
Lieux de rencontre et Internet
En concentrant les HSH dans les lieux tels que les bars, en particulier les « cruising-
bars », autorisant des rapports sexuels sur place, les clubs ou boîtes de nuits, les
saunas et les lieux de plein air, cela favorise le risque de contamination.
188 Les maladies sexuellement transmissibles

Parallèlement, une méta-analyse de 2006 évalue à 1,71 le facteur de surinci-


dence de rapports non protégés avec un partenaire de statut VIH inconnu suite
à une rencontre par Internet.

Usage de drogues
Toutes les drogues sont utilisées de manière accrue par les HSH : aux États-Unis
en 2005, 43 % des HSH interrogés rapportaient un usage de drogue aux cours
des 12 derniers mois. Chez 75 % d’entre eux des rapports sexuels avaient eu
lieu sous leur influence. La désinhibition qui leur est due favorise les rapports
sexuels et les pratiques à risque.

Facteurs psychologiques
Les symptômes fréquemment observés de faible estime de soi, d’autodépré-
ciation et d’homophobie refoulée sont de puissants inducteurs de conduites à
risque. Celles-ci sont des équivalents suicidaires dans une population notable-
ment touchée par la pathologie dépressive (risque triple pour les épisodes
dépressifs majeurs, quintuple pour les tentatives de suicide).
Par ailleurs, les enquêtes montrent qu’il existe une baisse de vigilance depuis
l’apparition des trithérapies antirétrovirales efficaces. Un double mouvement de
lassitude vis-à-vis de l’usage de préservatifs et d’optimisme quant à l’efficacité
des traitements semble en être à l’origine.

Particularités de la prise en charge des HSH


Cadre
Certains pays proposent des filières spécifiques de prise en charge de la pré-
vention des MST et du VIH/sida chez les HSH. À défaut, il importe pour les
praticiens ayant à intervenir chez de tels patients dans le cadre de la prévention
et/ou du traitement des MST d’être conscients de certaines spécificités. La diver-
sité et la quantité des pratiques sexuelles des patients ne doivent pas inciter
au jugement mais à bien examiner avec le patient celles qui l’exposent aux MST
et comment il peut s’en protéger et en protéger ses partenaires. On l’incite à
recontacter ces derniers pour à son tour les inciter au dépistage et au
traitement.

En pratique
En présence de symptômes urétraux ou péniens de MST, on n’omet pas de
rechercher une atteinte anorectale.
En l’absence de symptômes, nous préconisons un dépistage régulier, au moins
annuel comprenant :
n sérologie
VIH, syphilis et HCV ;
n tests
urinaires ( pharyngés et anaux) pour recherche de Chlamydia et
gonocoques ;
n examen anogénital et selon certains, réalisation d’un frottis rectal pour recher-
che de dysplasie PVH induite.
33. Homosexuels et maladies sexuellement transmissibles 189

Conduite à tenir
MST chez les homosexuels et bisexuels masculins
l Vaccination hépatite A et B.
l Dépistage syphilis TPHA  VDRL : 2 fois/an.
l Recherche de N. gonorrhoeae dans le pharynx (culture) : 2 fois/an.
l Pour certains, sérologie C. trachomatis (LGV) : 1 fois/an et sérologie HHV-8.
l Si prise de risque  48 heures : discuter un traitement prophylactique
antirétroviral.

Bibliographie
Homosexualités au temps du Sida. Collection Sciences sociales et Sida. ANRS Éd. EDK ; 2003.
34 Glossaire des dermatoses
génitales

M. Janier

Dermatoses génitales masculines


Papules perlées du pénis (figure 34.1)
Ce sont une variante physiologique touchant 30 % des hommes après la puberté,
consistant en des petites élevures de couleur chair ou blanchâtre, donnant un aspect
perlé, voire hirsutoïde (mais non hyperkératosique), alignées le long de la couronne
du gland et souvent considérées à tort comme des condylomes vénériens. 
Histologiquement, ce sont des angiofibromes. L’abstention thérapeutique
s’impose.

Figure 34.1
Papules perlées du
pénis.

Grains de Fordyce (figure 34.2)


Ce sont des glandes sébacées ectopiques ou, plus souvent, associées à un reli-
quat folliculaire. Ils siègent sur le fourreau, quelquefois jusqu’à l’extrémité du
prépuce, à type de petites élevures blanc jaunâtre dont la pression fait parfois
sourdre un matériel sébacé. 
34. Glossaire des dermatoses génitales 191

Figure 34.2
Grains de Fordyce du
fourreau.

Psoriasis (figure 34.3)
Le gland est une localisation préférentielle du psoriasis, le plus souvent associée
à d’autres localisations mais parfois isolée, à type de plaques bien limitées,
érythémateuses dont le caractère squameux n’est évident que chez les sujets
circoncis. Il peut s’agir, également, d’une balanite pustuleuse, proche clinique-
ment de la balanite candidosique. On en rapproche les balanites périméatiques
et circinées du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter. Une biopsie n’est nécessaire
que dans les formes atypiques. 

Figure 34.3
Psoriasis du gland.

Lichen plan (figures 34.4 et 34.5)


Le lichen plan du gland n’est pas rare, affectant souvent une disposition annu-
laire ou arciforme, plus rarement donnant l’aspect de papules typiques de lichen
plan. L’atteinte du fourreau est, également, fréquente. En cas de lésion isolée
192 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 34.4
Lichen plan du
����������������
fourreau�����.

Figure 34.5
Lichen érosif
balono-préputial.

des organes génitaux, une biopsie peut se justifier. Il est à noter que le prurit est
rare au cours du lichen plan du gland et que les formes érosives sont exception-
nelles (contrairement au lichen érosif vulvovaginal). 

Lichen scléreux (figure 34.6)


Il est fréquent et survient à tout âge : maculopapules érythémateuses évoluant
très progressivement vers des plaques porcelainées et scléreuses, avec parfois
fragilité épithéliale et bulles hémorragiques. L’évolution se fait vers un anneau
scléreux rendant difficile le décalottage, voire vers la sténose du méat urétral. Des
localisations de la région anopérinéale sont possibles, plus rarement des localisa-
tions sur le reste du tégument. L’examen histologique confirme le diagnostic. Le
risque de carcinome spinocellulaire impose une surveillance au long cours. Les
dermocorticoïdes de niveau I sont, en général, efficaces. 
34. Glossaire des dermatoses génitales 193

Figure 34.6
Lichen scléreux du gland.

Lymphangite sclérosante de la verge (figure 34.7)


Il s’agit d’un cordon circonférentiel siégeant sous le sillon balanopréputial proba-
blement d’origine lymphatique, peu ou pas douloureux, survenant le plus sou-
vent après une activité sexuelle intense, plus rarement, satellite d’une infection
locale. Il guérit spontanément. 

Figure 34.7
Lymphangite circulaire
de la verge.

Œdème vénérien de la verge (figure 34.8)


Œdème de la partie distale du fourreau de la verge, en règle chez les hommes cir-
concis, survenant après une activité sexuelle intense et régressant spontanément. 

Angiokératomes du scrotum (figure 34.9)


Petits angiomes acquis rouge violacé et kératosiques, quelquefois associés à une
varicocèle, augmentant avec l’âge, banals lorsqu’ils sont isolés. Ils entrent excep-
tionnellement dans le cadre d’une maladie de Fabry. 

Kystes épidermiques du scrotum (figure 34.10)


Fréquents, entrant parfois dans le cadre d’une sébocystomatose, à différentier
de la calcinose idiopathique du scrotum (calcifications sous-cutanées). 
194 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 34.8
Œdème vénérien du pénis.

Figure 34.9
Angiokératomes du
scrotum.

Figure 34.10
Calcinose scrotale.
34. Glossaire des dermatoses génitales 195

Maladie de La Peyronie
Induration multinodulaire extensive des corps caverneux avec déformation dou-
loureuse de la verge pouvant entrer dans le cadre d’une polyfibromatose.

Lymphœdème pénoscrotal (figure 34.11)


Il entraîne une déformation du pénis en saxophone. Le lymphœdème peut sur-
venir dans le cadre d’une anasarque. Il peut aussi être localisé, idiopathique ou
secondaire à un obstacle lymphatique (post-infectieux – érysipèle – ou envahis-
sement tumoral ou après curage ganglionnaire). 

Figure 34.11
Pénis en saxophone.

Anomalies d’origine embryonnaire


Il s’agit, en général, de kystes du raphé médian possiblement associés à des mal-
formations plus profondes.

Lentiginose du pénis (figure 34.12)


Macules hyperpigmentées du gland et/ou du fourreau apparaissant pendant
l’adolescence et augmentant fréquemment avec les années, simple hypermé-
lanose de la basale ne nécessitant pas de traitement particulier à condition d’être
certain qu’il ne s’agit pas de nævus mélanocytaires. Elle est parfois associée à
une lentiginose labiale (maladie de Laugier). 
196 Les maladies sexuellement transmissibles

Figure 34.12
Lentiginose du gland.
Autres (figure 34.13)
Lichen nitidus (fourreau et gland), granulomes annulaires, maladie de Fox-
Fordyce, etc. 

Figure 34.13
Lichen nitidus du gland
et du fourreau.

Dermatoses génitales féminines


Les dermatoses vulvaires sont trop souvent considérées comme des mycoses. Un
grand nombre de dermatoses peuvent siéger sur la vulve et, également, être
secondairement colonisées par du Candida albicans.

Psoriasis vulvaire
C’est une localisation fréquente réalisant un intertrigo bien limité pouvant
déborder largement au-delà des grandes lèvres.
34. Glossaire des dermatoses génitales 197

Lichen plan
Il est également fréquent, volontiers érosif et pouvant entrer dans le cadre d’un
syndrome vulvovagino-gingival avec lichen érosif buccal. La biopsie confirme le
diagnostic et permet d’éliminer une dermatose bulleuse immunologique (pem-
phigus ou pemphigoïde cicatricielle), ainsi qu’une maladie de Hailey-Hailey.

Lichen scléreux (figure 34.14)


La vulve est une des localisations les plus fréquentes du lichen scléreux dont l’as-
pect est le même que sur la muqueuse génitale masculine, l’évolution se faisant
vers une disparition progressive des reliefs vulvaires. Le risque est l’évolution vers
le carcinome spinocellulaire. 

Figure 34.14
Lichen scléreux de la
vulve.

Papillomatose vulvaire idiopathique ou vulve


hirsutoïde (figure 34.15)
Parfois rapprochée des papules perlées du pénis, il s’agit en fait non pas d’angio-
fibromes mais d’une hyperplasie épidermique focale donnant un aspect granité
à la face interne des petites lèvres et au vestibule. Elle doit être différenciée des
glandes sébacées ectopiques (grains de Fordyce). 

Figure 34.15
Papillomatose vulvaire
physiologique.
198 Les maladies sexuellement transmissibles

Autres dermatoses
Vulvites allergiques, d’irritation, caustiques et eczéma sont évidemment possi-
bles (équivalents des balanites) de même que la lentiginose vulvaire, les angio-
kératomes vulvaires, le lymphœdème des grandes lèvres, etc.

Bibliographie
Chaine B. Dermatoses génitales masculines. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). Dermatologie,
98-8346-A-10. 2005.
Degos R. Dermatologie. Paris: Flammarion, 1981.
Saurat JH. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Paris: Masson, 2009.
35 Prévention et dépistage

C. Vernay-Vaïsse, C. Derancourt

Après une diminution dans les années 1970–1980, les infections sexuellement
transmissibles ont commencé à augmenter dans les pays dits « développés » au
milieu des années 1990, correspondant à l’avènement des multithérapies dans
l’infection VIH. Cette augmentation, révélatrice d’un relâchement dans les com-
portements de prévention de certaines populations, est d’autant plus inquié-
tante qu’elle peut favoriser la transmission de l’infection VIH. Les hommes ayant
des rapports sexuels avec les hommes sont prioritairement concernés mais aussi
certaines minorités ethniques, les populations en situation de vulnérabilité.
L’augmentation des MST concerne également la population générale (herpès,
Chlamydia).
De façon générale, les MST bactériennes ont un dépistage et un traitement
rapide, efficace, mais un risque de complications et de séquelles. Les MST vira-
les, en dehors de l’infection VIH, posent plus de difficultés de prévention (HSV,
PVH) et des problèmes de récurrences.
Si au cours des différentes années, l’accessibilité aux moyens de prévention et
en particulier aux préservatifs s’est améliorée, les obstacles à la prévention sont
toujours présents :
n le caractère tabou de la sexualité, encore plus de l’homosexualité, en particu-
lier chez les jeunes avec une homophobie ambiante, voire revendiquée dans
certains lieux ;
n les contraintes économiques, sociales mais aussi les représentations sociétales
ou culturelles ;
n la complexité du rapport aux pathologies :
l un ressenti lointain pour les maladies et donc leur prévention (infections
souvent latentes au premier plan desquelles l’infection VIH),
l au contraire, une banalisation des maladies et de leurs traitements, rendant
la perception de la prévention comme non nécessaire.
La communication sur la prévention est basée sur la responsabilité indivi-
duelle, sur le respect de soi et de l’autre en intégrant l’importance que peut
avoir le non-dit et la prise de risque dans la sexualité.
La prévention des MST s’est développée prioritairement autour de la pré-
vention du sida avec différentes approches complémentaires :
n une approche collective :
l communication avec sensibilisation du grand public, dans l’idéal autour de
messages simples avec des moyens adaptés, renouvelés permettant de faire
circuler des informations régulièrement,
l éducation à la santé auprès des jeunes,
200 Les maladies sexuellement transmissibles

l actions de prévention de proximité auprès des populations les plus concer-


nées ou les plus vulnérables,
l actions de réduction de risques auprès de groupes prioritaires ;

n une approche individuelle :


l consultation, conseil et accompagnement dans une démarche de pré-
vention et de dépistage,
l traitement prophylactique,

l vaccinations.

Moyens de prévention
Leur accès doit être facile et peu onéreux, voire gratuit.

Moyens barrières
Préservatifs masculins
Ils sont d’une grande efficacité sur la prévention des MST, sauf parfois en raison
de la transmission potentielle par contact peau à peau (gale, syphilis, infection à
PVH, herpès, chancre mou) ou par voie salivaire (hépatite B ?, HHV-8). L’échec
des préservatifs repose sur un mésusage ou sur la rupture (2 %). Plusieurs
modèles (couleur, parfum, texture) sont disponibles (taille standard : diamètre
52 mm jusqu’à 55 mm ; épaisseur standard : 0,02 mm jusqu’à 0,08 mm). La
date de péremption et la norme CE-EN 600 figurent sur l’emballage. La grande
majorité des préservatifs sont en latex. En cas d’allergie, il existe des préservatifs
en d’autres matériaux (polyuréthane ou autre matériel synthétique).
Les règles d’utilisation sont à rappeler pour certains :
n un nouveau préservatif pour chaque nouvel acte de pénétration orale, vagi-
nale ou anale ;
n éviter de manipuler le préservatif avec des ongles coupants ;
n pincer le réservoir lors de la pose et ne le dérouler sur le pénis qu’au moment
d’une érection complète, la pose se faisant avant pénétration ;
n lors du retrait du préservatif, tenir fermement le préservatif à la base du pénis
et le jeter en le nouant pour éviter la diffusion du sperme.
Les lubrifiants recommandés sont à base d’eau, les corps gras altérant le latex.
Ils sont plus particulièrement à conseiller en cas de pénétration anale (risque plus
élevé de rupture), ainsi que pour une lubrification adéquate pendant toute la
durée du rapport.
L’utilisation de préservatifs est à recommander en cas de nouvelle relation, de
partenaires multiples, de partenaire à partenaires multiples et si la personne ou son
(un de ses) partenaire(s) est porteur d’une infection sexuellement transmissible.
En cas de relation stable, un dépistage adapté est proposé pour les deux par-
tenaires avant leur arrêt. Un délai d’un mois est actuellement suffisant en termes
de séroconversion VIH.
Le maintien de son utilisation est le plus difficile de même qu’une nouvelle
utilisation après un arrêt dans un couple. Le médecin doit savoir écouter et aider
la personne dans les situations les plus risquées : couple n’ayant pas le même
statut sérologique, partenaires multiples, MST.
35. Prévention et dépistage 201

Préservatifs féminins
Leur intérêt majeur est leur utilisation sous responsabilité féminine. Cependant,
leur diffusion est limitée. Le modèle de 2e génération (Femidom® ou Female
Condom FC2®) en nitrile est disponible depuis 2006 en France (auparavant
depuis 1998, FC1 en polyuréthane). Il épouse la paroi vaginale sans comprimer
le pénis avec un anneau interne et externe. Il est résistant, hypoallergénique et,
contrairement aux produits en latex, il peut aussi bien s’utiliser avec des lubri-
fiants à base d’eau qu’avec ceux contenant des corps gras. Il peut être mis en
place 8 heures avant le rapport sexuel. Il n’est pas nécessaire de le retirer immé-
diatement après l’éjaculation. Le préservatif féminin, bien utilisé, est très certai-
nement un outil efficace pour diminuer nettement le risque de MST, mais peu
d’études cliniques ont été menées.

Digue dentaire
Il s’agit d’un carré de latex de 15 cm de côté qui peut être utilisé lors des prati-
ques oro-génitales (cunnilingus) ou oro-anales (anilingus ou rimming).

Microbicides
Ils sont toujours en expérimentation, sans preuve à ce jour de leur efficacité.

Vaccinations et traitement
L’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) peut être prévenue par vaccina-
tion. La stratégie repose sur les recommandations suivantes (ANAES 2003) : indi-
cation de vaccination universelle des nourrissons, vaccination des enfants et
adolescents avec mise en place d’un programme temporaire de rattrapage de la
vaccination. Cependant en France, cette stratégie bien que recommandée est
peu mise en œuvre en raison d’un fort lobbying antivaccin. Les nouveau-nés de
femmes porteuses de l’antigène HBs font l’objet d’une sérovaccination. Les pro-
fessionnels de santé doivent être vaccinés.
De plus, cette vaccination est indiquée pour : les utilisateurs de substances psycho-
actives, les personnes porteuses d’un piercing ou d’un tatouage, les sujets
contacts avec une personne porteuse de l’antigène HBs (dans la famille ou en collec-
tivité), les patients séropositifs pour le VIH ou le VHC, les hémodialysés chroniques,
les transfusés chroniques, les patients et personnels de structure accueillant des han-
dicapés mentaux, les personnes ayant un multipartenariat sexuel ou ayant une MST,
les voyageurs en pays de forte endémie, les détenus, les candidats à une greffe d’or-
gane, les populations migrantes en provenance de pays de forte endémie.
La vaccination contre le virus de l’hépatite A (VHA) est indiquée chez les
hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.
La vaccination contre les papillomavirus humains est proposée aux jeunes
filles avant les premiers rapports sexuels et rattrapage en cas de premier
partenaire…
Un traitement postexposition peut être proposé en fonction de l’exposition
au risque en particulier pour l’infection VIH.
Un dépistage accompagné d’un traitement prophylactique, sans attendre
les résultats, est systématiquement proposé en cas de partenaire porteur de cer-
taines MST : syphilis, gonorrhée, Chlamydia, trichomonas.
202 Les maladies sexuellement transmissibles

Circoncision
La circoncision a, dans plusieurs essais, montré un rôle protecteur contre l’acqui-
sition du VIH par le sujet masculin (mais pas pour la diminution de la transmis-
sion du VIH aux partenaires du sujet circoncis). Son rôle protecteur pour les
autres MST est moins clair.

Consultation de prévention
La consultation médicale représente un moment privilégié de prévention pou-
vant être pratiquée par des médecins ou des non-médecins formés en particulier
à l’information-conseil ou expérimentés : « l’accompagnement s’apprend en
accompagnant ». Au-delà de la simple transmission d’informations adaptées, la
consultation individuelle de prévention est basée sur l’écoute du consultant en
favorisant la parole et la réflexion. L’objectif est que le consultant puisse trouver
ses possibilités de changement de comportement en fonction du niveau de prise
de risque ou de l’aider à maintenir ce niveau en respectant sa demande sans
caractère intrusif. C’est avant tout une consultation de conseil faite dans un cli-
mat de confiance, une attitude de non-jugement, de respect, d’empathie, assorti
de questionnements à type de questions ouvertes et de reformulations.
La consultation est adaptée en fonction de la situation, des attentes immé-
diates, de l’attitude et des connaissances du consultant : si besoin rappeler les
principes essentiels des modes de transmission et la prévention des MST, être
clair quant au niveau de prise de risque, évaluer l’attitude du patient à l’égard
des préservatifs, ses capacités de négociation lors des rapports sexuels, repérer
l’existence de facteurs surdéterminants de la prise de risque (vulnérabilité psy-
chosociale, prise de substances psycho-actives), informer sur les possibilités de
dépistage des différentes MST et proposer les suivis adaptés de dépistage.

Proposition de dépistage
Le dépistage des différentes MST est envisagé par le clinicien dans diverses situa-
tions. Cette démarche de dépistage est évidente lorsque le motif de consultation
est une prise de risque sexuel ou une pathologie génitale. Elle est également
effectuée chez les consultants asymptomatiques dans certaines situations.

Patients symptomatiques
n En cas de symptômes génitaux évoquant une MST : urétrite aiguë, ulcé-
ration génitale aiguë, balanite, vulvite… Les différentes stratégies de dépistage
sont abordées dans les chapitres correspondants.
n En cas d’une éruption fébrile du tronc, envisager :
l une première ou deuxième efflorescence de syphilis secondaire ;

l une primo-infection VIH devant une éruption du tronc associée à une fièvre
durable « d’allure virale », éventuellement accompagnée d’aphtes bipolai-
res, de céphalées…
n Devant certaines pathologies dermatologiques, éliminer une infection VIH :
l poussée de dermatite séborrhéique de novo ou particulièrement importante
avec notamment atteinte importante du tronc ;
35. Prévention et dépistage 203

l candidose buccale survenant en dehors de toute prise d’antibiotique ;


l molluscum contagiosum de l’adulte ;
l survenue d’un zona chez un sujet âgé de moins de 50 ans ;

l poussée sévère de psoriasis.

n Devant certaines anomalies biologiques inexpliquées, l’infection VIH doit


être formellement éliminée :
l thrombopénie, hypergammaglobulinémie polyclonale ;

l syndrome mononucléosique ;

l lymphopénie ;

l cytolyse inexpliquée (qui doit également faire dépister une infection par les
VHB et VHC).
n Devant certains syndromes ou pathologies :
l l’infection VIH est évoquée devant toutes les pathologies qui classent au
stade de sida : pneumocystose, maladie de Kaposi, rétinite à cytomégalo-
virus, pneumopathies infectieuses récidivantes (plus de deux dans les douze
mois…), et devant certaines pathologies non classantes (cancer cervical,
cancer anal, vascularite, lymphome B…) ;
l la syphilis tertiaire est éliminée devant une démence inexpliquée, un tableau
psychiatrique en particulier subaigu et atypique, des signes cliniques d’at-
teinte des cordons postérieurs de la moelle, un accident vasculaire cérébral
ou médullaire chez un sujet jeune, une insuffisance aortique.
n En cas de MST documentée, les autres principales MST sont également
dépistées avec des modalités dépendant de la chronologie du contage.

Patients asymptomatiques
Le dépistage des MST est proposé :
n avant l’arrêt de l’utilisation des préservatifs dans le cadre d’une relation
stable ;
n en cas d’un diagnostic de MST chez le partenaire ;
n dans certaines situations (contraception, grossesse…) ;
n en cas de prise de risque ; rapports sexuels non protégés ;
n au décours de la prise des substances psychoactives ;
n en cas de séjour dans un pays à risque ;
n aux migrants ;
n aux personnes incarcérées.
Les indications sont nuancées en fonction de l’âge, du comportement sexuel,
du (des) partenaire(s) et des régions ou pays où les risques ont été pris.
Les principaux dépistages pouvant être proposés en l’absence de signe
sont :
n sérologie VIH ;
n sérologie VHB en l’absence d’antécédent de vaccination ou d’hépatite B
guérie ;
n sérologie VHC en cas de risque sanguin ;
n frottis cervical (systématique tous les 2 ans dès les premiers rapports sexuels) ;
204 Les maladies sexuellement transmissibles

n sérologie syphilitique ;
n PCR urinaire de Chlamydia trachomatis recommandée chez toutes les femmes
de 15 à 25 ans, et renouvelée tous les ans en cas d’un nouveau partenaire.
Lors de la consultation, outre l’accompagnement dans la prévention, la pro-
position de dépistage en fixe ses limites :
n délai de séroconversion, en fonction de la date de la dernière prise de risque,
proposition de renouveler certains dépistages ;
n absence de conclusion sur le ou les partenaires en cas de résultat négatif, d’où
la nécessité du dépistage simultané du ou des partenaires.
Pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes :
n proposition de dépistage VIH et TPHA/VDRL : 2 fois/an ;
n hépatites : proposition de vaccination hépatite B après dépistage (hépatite A
pour certains), dépistage VHC, 1 fois/an en fonction des pratiques ;
n Recherche de gonocoque dans le pharynx (culture) : 2 fois/an.

Bibliographie
Derancourt C et al. Prévention des MST. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133. 2S 67-71.
Derancourt C et al. Les vaccinations. Ann Dermatol Vénéréol 2006 ; 133. 2S66.
36 Vaccination anti-
papillomavirus humain

I. Bourgault-Villada

Intérêt du développement d’un vaccin anti-


papillomavirus humains (PVH) : concept et objectifs
Deux objectifs existent en termes de vaccination anti-PVH. Le premier obectif est
de mettre au point une vaccination prophylactique qui empêche le virus d’at-
teindre sa cible et/ou le détruit très vite avant qu’il n’ait le temps d’infecter les
kératinocytes des épithéliums malpighiens pluristratifiés. C’est ce qui est obtenu
après vaccination par la particule vide L1 qui induit une synthèse d’anticorps
présents à la surface de la muqueuse. Il s’agit d’un vaccin stérilisant pour lequel
le bénéfice attendu est d’éradiquer l’infection virale. Le deuxième objectif
répond à la définition d’un vaccin thérapeutique qui est administré une fois que
l’infection a déjà eu lieu, voire au stade de tumeur. Il s’agit alors de générer des
cellules du système immunitaire (lymphocytes T CD4 et CD8, par exemple)
qui sont capables de détruire les kératinocytes anormaux et ainsi d’éliminer les
lésions. Ces vaccins ciblent les protéines E6 et E7 des PVH oncogènes.

Essais
Vaccin prophylactique
Il utilise une VLP (virus like particle), protéine entièrement produite in vitro, qui
contient la protéine de capside L1 auto-assemblée prenant, dans l’espace, la taille et
la conformation identiques à celles de la particule virale. L’immunisation par voie
intramusculaire à l’aide de cette VLP conduit ainsi à une synthèse d’anticorps (IgG)
reconnaissant la particule virale native. Ces anticorps ont un titre sérique extrê-
mement élevé après vaccination, de l’ordre de 50 à 100 fois le taux d’anticorps
naturels obtenus après une infection. Ces anticorps à haut titre transsudent ensuite
dans les sécrétions génitales pour recouvrir la muqueuse et capter une particule
virale infectieuse. Les vaccins visant à obtenir des anticorps dirigés contre différents
PVH doivent être fabriqués avec des mélanges de VLP correspondant aux différentes
protéines de capside L1 des différents PVH. Deux vaccins prophylactiques existent :
®
n le Gardasil qui contient des VLP des PVH-6 et 11 (PVH responsables des
condylomes) et les VLP des PVH-16 et 18 (responsables de 70 % des cancers
du col utérin) ;
®
n le Cervarix qui associe les VLP des PVH-16 et 18.
Ces deux vaccins contiennent des adjuvants : l’aluminium pour le Gardasil®,
l’AS04, adjuvant lipidique associé à l’aluminium pour le Cervarix®.
206 Les maladies sexuellement transmissibles

Plusieurs essais cliniques ont été pratiqués chez la femme avec des VLP. Les
premiers essais de vaccination de phase I ont utilisé une VLP de PVH-16 et/ou de
PVH-11, et aucune toxicité n’a été observée. Des essais de phase II puis III ont
ensuite été réalisés comprenant des effectifs de plus de 30 000 femmes, vaccina-
tion VLP versus placebo. Ils ont montré une efficacité vis-à-vis des néoplasies cer-
vicales intra-épithéliales de haut grade (CIN) comprise entre 98 et 100 % pour
les deux vaccins chez des femmes séronégatives et PVH négatif du début à la fin
de la vaccination. Pour les femmes séronégatives et PVH négatif au moins au
début de la vaccination, les taux de protections sont de 95 %. Pour le Gardasil®,
les mêmes taux de protection ont été obtenus vis-à-vis des condylomes vulvaires
et vaginaux et vis-à-vis des néoplasies intra-épithéliales vulvaires et vaginales. La
tolérance des vaccins a été bonne et une séroconversion a été obtenue chez
99,7 % des femmes. Ces deux vaccins sont à présents commercialisés en France
et remboursées à 65 %. Les trois doses sont à administrer à J0, M2 et M6 pour
Gardasil® et à J0, M1 et M6 pour Cervarix®, le prix de vente étant respective-
ment de 135,59 € et 111,82 € par dose. L’autorisation de mise sur le marché
indique qu’il faut vacciner les jeunes filles de 14 ans, avec un rattrapage des jeu-
nes femmes de 15 à 23 ans à condition que ces dernières n’aient pas commencé
leur vie sexuelle depuis plus de 1 an. Il reste des questions non encore résolues
après la mise sur le marché de ces vaccins : la durée de la protection n’est pour
l’instant pas déterminée et le recul est de 5 et 6,5 ans pour chacun des deux
vaccins. On ne sait pas encore si cette protection est liée à un seuil minimal
d’anticorps. La protection croisée a été démontrée vis-à-vis des PVH-45 et 31 et
uniquement après vaccination par Cervarix®. Enfin, le devenir des autres virus
responsables du cancer du col utérin (PVH-31, 33, 45, 58, etc.) n’est pas encore
connu, bien qu’il soit très peu probable que ces virus émergent davantage. Il
n’en demeure pas moins qu’un suivi par frottis des femmes vaccinées est néces-
saire pour dépister des CIN dues à ces autres PVH oncogènes. Bien que le vaccin
ne soit pas tératogène chez l’animal, il est recommandé de ne pas vacciner une
femme enceinte. Il faut attendre d’avoir un plus grand nombre de femmes vac-
cinées pour être certain de la totale innocuité de ces vaccins ; un effet indési-
rable dont l’incidence serait inférieure à 1/4000 est actuellement indétectable.

Vaccin thérapeutique
Chez des malades infectées par un ou plusieurs PVH et ayant donc déjà des kéra-
tinocytes infectés, un vaccin thérapeutique a pour but de stimuler les réponses
immunitaires cellulaires T spécifiques de PVH-16 (lymphocytes T CD4 et
CD8). Divers vecteurs et approches peuvent être utilisés : les virus recombi-
nants associés aux gènes codant pour les PVH d’intérêt, les peptides de l’ADN,
des protéines recombinantes. Les antigènes viraux que l’on prend pour cibles
sont les protéines E6 et E7 qui portent les propriétés oncogènes des virus.
Le virus de la vaccine est très utilisé comme vecteur et a été associé aux gènes
codant pour E6 et E7 des PVH-16 et 18. Le vecteur développé par Transgene est
un MVA (modified virus Ankara) couplé aux gènes codant pour E6, E7 du PVH-16
ainsi qu’au gène codant pour l’IL-2. L’ajout du gène codant pour l’IL-2 avait
pour but d’optimiser la stimulation des lymphocytes T par le vaccin. Des essais
de phase I–II, chez des malades ayant des CIN de haut grade, ont montré une
efficacité chez neuf des 18 malades vaccinées, avec disparition des lésions, des
36. Vaccination anti-papillomavirus humain 207

PVH indétectables. Une conisation a été ainsi évitée et les malades n’ont pas eu
de rechute 12 mois après la vaccination. Ces résultats très encourageants doi-
vent être confirmés par des essais de phase III d’efficacité du vaccin versus un
placebo.
Des immunisations par ADN ont également été testées au cours d’un essai de
phase II et ont montré une régression de CIN de haut grade chez 73 % de fem-
mes de moins de 25 ans.
Des immunisations à l’aide de grands fragments peptidiques des protéines E6
et E7 du PVH-16 ont permis d’obtenir des résultats encourageants dans des néo-
plasies vulvaires intra-épithéliales. Enfin, l’utilisation de heat shock protéines de
Mycobacterium bovis associées à E7 (HspE7) a permis une régression de 30 % de
néoplasies anales intra-épithéliales chez 30 % des patients.
En conclusion, le vaccin prophylactique utilisant les VLP est très efficace vis-à-
vis des génotypes de PVH dont les VLP sont intégrées dans les vaccins. Il est
cependant nécessaire de poursuivre les frottis pour dépister des CIN liées à
d’autres PVH oncogènes. La durée maximale de la protection due à ces vaccins
n’est pas connue pour l’instant. En ce qui concerne les vaccins thérapeutiques,
le MVA–E6–E7–IL-2 est actuellement le vaccin le plus prometteur et pour lequel
une phase III est en cours d’élaboration.

Bibliographie
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sia in HIV-positive individuals. Aids 2006 ; 20 : 1151-55.
37 Annonce du diagnostic des
maladies sexuellement
transmissibles

L. Misery

La loi du 4 mars 2002, loi sur les droits des patients dite « loi Kouchner », est
claire : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette
information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de pré-
vention qui sont proposés, leur utilité, leur éventuelle urgence, leurs conséquences,
les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi
que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de
refus. (…) Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer le patient peuvent l’en dis-
penser. (…) Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. »

Annonce du diagnostic
L’annonce du diagnostic d’une MST est souvent très rapide, car les consultations
de vénéréologie sont souvent (trop) brèves. Pourtant, les conséquences psycho-
logiques de l’annonce d’une MST sont non négligeables.
Si le diagnostic d’une MST correspond à une certaine routine chez des
patients, il peut avoir un caractère dramatique chez d’autres. Plus que sur le dia-
gnostic lui-même (sauf en cas d’infection à VIH), la problématique se situe plutôt
autour des circonstances de contamination. La révélation du diagnostic d’une
MST peut correspondre à la révélation d’une infidélité ou plus souvent à un sen-
timent de tromperie lié au fait que le partenaire n’a pas été informé de la pré-
sence d’une MST. Il existe aussi souvent un sentiment de culpabilité car les
campagnes d’information sont suffisamment claires pour que chacun sache que
l’utilisation d’un préservatif est nécessaire. C’est pourquoi beaucoup de patients
parlent de préservatifs rompus plutôt que d’avouer leur non-utilisation. La culpa-
bilité peut aussi se situer par rapport à l’infidélité commise ou par rapport à un
« accident » vis-à-vis d’une conduite que le patient s’était fixée ou que la société
ou un groupe culturel (religion ou autre) lui avait fixée. La crainte de contaminer
est souvent évoquée. Le retentissement sur la vie sexuelle peut être majeur et
durable. Après la découverte d’une MST et son traitement, des symptômes sub-
jectifs peuvent persister longtemps, souvent pour des raisons psychologiques.
Enfin, la place des infections vénériennes dans la vie fantasmatique conduit à
« se sentir sale ». Ainsi, l’annonce du diagnostic d’une MST n’est pas aussi ano-
dine que celle d’une autre infection, ORL par exemple.
L’attente du patient se situe plutôt autour d’un traitement rapide et efficace,
le retentissement sur la qualité de vie étant parfois majeur, du fait des
37. Annonce du diagnostic des maladies sexuellement transmissibles 209

conséquences physiques et psychiques de l’infection. Lui proposer un traitement


est donc souvent la première chose à faire. Cela conduit rapidement à évoquer
le diagnostic et éventuellement des examens complémentaires. C’est alors que
des questions surviennent sur les circonstances de contamination (période d’in-
cubation, partenaire à incriminer, etc.). Elles peuvent être formulées par le
consultant ou il peut être nécessaire de les aborder. Si l’information est éthique-
ment et légalement due au patient, tout n’est pas toujours possible. Par exem-
ple, si la durée d’incubation est très bien connue pour une gonorrhée, elle est
impossible à donner pour des condylomes. De même, il convient d’être très pru-
dent lorsque les voies de contamination ne sont pas nécessairement sexuelles,
comme au cours des infections à papillomavirus ou surtout à Candida.
L’annonce du diagnostic d’une MST demande donc du temps et doit entrer
dans une discussion avec le patient, qui est différente à chaque consultation. Elle
ne se limite pas au diagnostic mais concerne aussi les examens complémen-
taires, l’évolution, le traitement, l’épidémiologie, etc. Le vocabulaire doit être
choisi en appréciant les connaissances du patient. Il est nécessaire de faire parti-
ciper le malade et de lui laisser ainsi le contrôle de la quantité et de la vitesse des
informations. Comme il faut systématiquement rechercher d’autres MST, l’infor-
mation concerne aussi ces autres maladies. Le consultant étant dans une posi-
tion de questionnement vis-à-vis des MST et de ses pratiques, il s’agit d’un
moment privilégié pour délivrer un message de prévention.

Place de l’entourage
Pour le médecin, connaître les circonstances de contamination a peu d’intérêt
scientifique. Il faut éviter de poser des questions indiscrètes, qui peuvent mettre
mal à l’aise le patient, ce qui n’empêche pas d’aborder franchement et simple-
ment les diverses pratiques sexuelles afin de mieux donner des conseils de pré-
vention. En revanche, il est indispensable de lui indiquer qu’il doit prévenir son,
sa ou ses partenaires, pour le diagnostic ainsi que le traitement. Du point de vue
médical, le sens de la contamination n’a pas d’importance : ce qui importe, c’est
de traiter le consultant et ses partenaires.
Si le patient est accompagné, s’assurer de la qualité de la personne accompa-
gnante (conjoint, partenaire, membre de la famille, ami, etc.) doit être le pre-
mier réflexe. Il faut demander clairement au patient si des informations peuvent
être données devant cette personne car le secret médical doit être scrupuleuse-
ment respecté.

Cas particulier de l’infection VIH ou


d’un cancer associé
Lorsque qu’une MST est accompagnée d’un cancer anogénital (essentiellement
après des infections à PVH) ou lorsque l’infection est une infection VIH, l’an-
nonce rejoint celle d’une maladie grave. Au cours d’une consultation de véné-
réologie ne peut être réalisé qu’un début d’annonce, au demeurant très
important, l’information étant complétée au cours de consultations ultérieures.
Toutefois, le diagnostic doit être d’emblée annoncé, des informations trop
vagues étant extrêmement anxiogènes.
210 Les maladies sexuellement transmissibles

Que dire ou ne pas dire ? L’équilibre n’est pas facile à trouver. L’anxiété ou la
dépression sont souvent associées au sentiment d’en savoir trop ou trop peu. Il
est donc fondamental de s’enquérir de ce que comprend et ressent le malade. Il
ne faut pas forcément tout dire, mais il ne faut jamais mentir. L’information doit
se dérouler dans une ambiance de vérité. Elle ne se limite pas au dévoilement
d’un diagnostic, c’est-à-dire qu’informer le patient, c’est être disponible et capa-
ble de répondre véritablement à sa demande. Il ne faut jamais laisser de ques-
tion sans réponse. Il est bien évident que les connaissances médicales sont
limitées, qu’on ne peut pas répondre à tout mais dire que l’on ne sait pas est
déjà une réponse. Les renseignements donnés doivent être utiles au malade. Le
patient est surtout préoccupé de savoir comment il peut organiser sa vie et par-
ticiper à la gestion de sa maladie. Il est clairement préférable d’éviter toute
considération pronostique personnelle ou générale.
Il est important de prendre le temps nécessaire pour que le patient puisse
apprivoiser cette réalité difficile. Il est alors utile de penser à une stratégie de
communication, c’est-à-dire de prévoir les objectifs de la consultation ainsi que
son déroulement : dans quel ordre va-t-on effectuer l’annonce ? comment y pré-
parer le patient ? quel choix de mots ? en fonction de quel contexte sociocultu-
rel ?… Il faut laisser de la place à l’espoir quel qu’il soit. En donnant de
mauvaises nouvelles, il faut tenter de les accompagner d’autres meilleures et de
mots d’espoir. Il ne faut pas hésiter à reparler avec le patient quelques jours plus
tard, à reprendre la discussion plusieurs fois. L’information n’est pas donnée une
fois pour toute.
Un traitement antidépresseur d’emblée n’a aucun intérêt mais la prescription
transitoire d’anxiolytiques peut être utile. Un soutien psychologique et social
doit être entrepris dès que possible.

Réactions du patient
Dans le cas général, la réaction du patient est aussi simple que lorsqu’il reçoit une
autre information qui ne concerne pas sa santé. Mais lorsque l’impact émotionnel
de l’annonce est trop fort (nouvelle inattendue, révélation d’une infidélité, mala-
die grave, etc.), des mécanismes de défense paradoxaux peuvent être rencon-
trés. Si l’angoisse est alors le dénominateur commun, avec un choc émotionnel,
voire une « fièvre émotionnelle » de 1 à 2 semaines, elle peut se décliner sous
d’autres aspects et engendrer des mécanismes de défense très divers.
Ainsi, une phase de sidération peut être contemporaine de l’annonce du dia-
gnostic. D’autres mécanismes de défense peuvent être retrouvés comme le déni
(le plus souvent partiel, mais parfois total) des informations données qui peut
d’un certain côté protéger le patient d’une angoisse trop massive et alors des-
tructrice, mais qui risque d’un autre côté d’avoir des répercussions négatives sur
la prise en charge médicale ultérieure (absence de surveillance, non-observance
des traitements). Des sentiments d’injustice, des attitudes de révolte avec méca-
nismes projectifs sur l’extérieur (comme par exemple rancœur à l’égard des
« bien portants ») se rencontrent fréquemment. Cette projection agressive est
souvent dirigée contre les soignants. Le patient peut aussi développer des attitu-
des d’hypermaîtrise ou encore de négociation, de marchandage, acceptant ainsi
tel ou tel aspect de sa maladie ou du traitement et en refusant tel autre. Le
37. Annonce du diagnostic des maladies sexuellement transmissibles 211

déplacement est un autre mécanisme de défense possible : le patient déplace


son anxiété vers un autre élément, parfois très éloigné de la maladie. Une véri-
table régression est possible : le malade ne se considère plus que comme
malade, se déclare « foutu » et désinvestit le monde extérieur tout en ayant des
attitudes puériles et passives. La sublimation est un mécanisme de défense au
contraire très efficace : le patient se sert de sa maladie comme d’un tremplin et
lutte contre la maladie pour lui-même et pour les autres.
Certaines circonstances sont des facteurs de vulnérabilité, prédictifs de réac-
tions « pathologiques » à l’annonce du diagnostic : antécédents psychiatriques,
difficultés sociales, difficultés affectives, médecin perçu comme peu aidant, trai-
tement perçu comme peu efficace, perspectives de survie courte, symptômes
médicaux inquiétants, cancers évolués.

Cas particulier des mineurs


Rappelons que la majorité sexuelle est à 15 ans.
Les droits des mineurs sont exercés par les parents. Ceux-ci reçoivent donc
l’information. Mais les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une infor-
mation et de participer à la prise de décision les concernant. Le patient mineur
peut exiger que son état de santé soit tenu secret vis-à-vis des titulaires de
l’autorité parentale. Le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement des
parents si les trois conditions suivantes sont cumulativement réunies :
n le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder la santé d’une per-
sonne mineure ;
n le mineur refuse expressément que les parents soient consultés ;
n le médecin a, sans succès, tenté de convaincre le mineur d’avertir ses parents.
Qu’il existe un climat de confiance entre le patient et ses parents ou non, il ne
faut jamais oublier que le seul consultant est le patient mineur et orienter toute
la consultation vers ses préoccupations. Une consultation de vénéréologie est à
la fois un moment difficile et une opportunité, où l’intimité naissante d’un jeune
patient est en cause.
38 Viol et maladies
sexuellement transmissibles

L. Fournier, F. Ramel

Toutes les enquêtes en population générale soulignent la fréquence des violen-


ces faites aux femmes (coups et blessures, violences à caractère sexuel, viols,
mutilations, homicides, etc.) et dès 2001, le Professeur Henrion soulignait la
nécessité du dépistage de ces traumatismes dans le cadre du suivi obstétrical
mais aussi en médecine générale. Malgré les progrès accomplis pour améliorer
l’accueil des victimes dans les commissariats et les accompagner dans leurs
démarches judiciaires, les agressions sexuelles restent souvent pour les praticiens
une terra incognita avec la crainte de mal faire et d’aboutir à une survictimisation
des victimes.
Les viols constituent un sous-ensemble particulier de ces violences qui impli-
quent de nombreux acteurs (policiers, magistrats, avocats, médecins et biologis-
tes, psychologues, association de victimes) dont les temps d’intervention sont
séquentiels et difficiles à coordonner car soumis à une logique professionnelle
propre.
La crainte de la transmission d’une maladie sexuellement transmissible à l’oc-
casion de l’agression sexuelle est parfois au premier plan, en particulier lorsque
l’auteur des faits n’est pas connu.

Cadre juridique et procédural


Le viol n’est pas une notion médicale, mais une notion juridique. Il s’agit en effet
d’une infraction définie par le Code pénal (article 222-23) comme « tout acte de
pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne
d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Cette définition très
large ne préjuge pas du genre de la victime (les hommes représentent 10 % des
victimes vues dans les services spécialisés), ni de l’orifice qui est pénétré, ni du
moyen de la pénétration. Elle se fonde essentiellement sur les circonstances.
Le Code pénal définit des circonstances aggravantes qui augmentent le quan-
tum des peines encourues et qui peuvent être liées :
n à la victime (victime mineure de moins de 15 ans, victime dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience
physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
l’auteur, viol commis à raison de l’orientation sexuelle de la victime) ;
n à la relation de l’auteur de viol et de la victime avant l’agression en cause (viol
par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne
ayant autorité sur la victime, viol par une personne qui abuse de l’autorité que
lui confèrent ses fonctions) ;
38. Viol et maladies sexuellement transmissibles 213

n aux moyens de violence utilisés (viol commis par plusieurs personnes, viol
avec usage ou menace d’une arme, viol précédé, accompagné ou suivi de tor-
tures ou d’actes de barbarie).
Depuis 2004, la victime d’un viol dispose d’une durée de 20 ans pour porter
plainte après les faits en cause. Au-delà, il y a prescription et aucune poursuite
n’est alors possible. Si le viol a été commis alors que la victime était mineure au
moment des faits, la prescription se compte à partir de la majorité de celle-ci.
Le Code pénal prévoit une exception au secret professionnel pour tout
médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur
de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique
ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer
que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été
commises. Lorsque la victime est mineure, son accord n’est pas nécessaire.
Le viol constitue un crime jugé en cour d’assises. Le premier temps de la pro-
cédure est une plainte qui est enregistrée au commissariat, transmise au procu-
reur de la République. Le dossier est ensuite instruit par un juge d’instruction qui
peut conclure son travail par une ordonnance de renvoi devant la cour d’assises. Il
est important de comprendre que la procédure judiciaire évolue dans le temps.
En effet, la phase initiale est un temps de recherche de preuves sur un mode
inquisitoire (réquisition médicale pour pratiquer l’examen de la victime) et devient
progressivement contradictoire (confrontation entre la victime et son agresseur,
interprétation des éléments de preuve, interprétation des circonstances de l’agres-
sion), ce qui permet à l’agresseur de se défendre et de suggérer le consentement
de la victime. Il est important de comprendre que le dossier judiciaire se fonde sur
des documents authentifiés, c’est-à-dire en pratique, sur des éléments qui ont fait
l’objet d’un procès-verbal, d’une réquisition ou d’une commission d’expertise.
Rappelons enfin que lors du procès d’assises, le médecin qui a examiné la vic-
time est généralement appelé à comparaître pour expliquer à la cour (magistrats
et jurés) le cadre de sa mission, ses constatations et ses conclusions.

Intervention médico-légale lors d’un viol


Le viol est une urgence médico-légale. En effet, un des progrès majeurs depuis
20 ans réside dans la possibilité d’analyser l’ADN sur les prélèvements biologi-
ques effectués et donc d’identifier l’auteur présumé de l’agression sexuelle en
cas d’éjaculation. La survie des spermatozoïdes dans le vagin est limitée à
2–3 jours. Elle est beaucoup plus courte dans la bouche et le rectum.
L’intervention du médecin concerne en premier lieu la victime et doit se faire
en règle générale sur réquisition après dépôt de plainte. La réquisition est une
demande émanant du parquet ou d’un officier de police judiciaire qui donne
l’ordre de faire une action dans l’intérêt de l’enquête. Le médecin doit obtem-
pérer sauf s’il existe une incompatibilité déontologique (parenté avec la victime,
médecin traitant de la victime – Code de déontologie médicale, art. 105).
Lorsque la victime est dans l’incapacité de porter plainte du fait de son état de
santé (violences nécessitant des soins urgents, soumission médicamenteuse), le
médecin doit prendre contact avec le parquet ou un commissariat de police
pour signaler le cas et obtenir rapidement une réquisition afin de valider sur le
plan procédural les prélèvements à caractère urgent.
214 Les maladies sexuellement transmissibles

La soumission médicamenteuse est une circonstance particulière d’agression


sexuelle sans violence physique rendue possible par une intoxication préalable
(benzodiazépines, GBH, etc.). Elle pose un réel problème diagnostique car la vic-
time se présente comme une personne confuse n’ayant pas de souvenir précis
des événements.
En matière de viol, la réquisition prévoit en général les demandes suivantes :
n examiner la victime et définir la durée de l’incapacité temporaire totale ;
n rechercher l’existence d’un état de grossesse ;
n pratiquer les prélèvements biologiques et toxicologiques utiles ;
n évaluer le retentissement psychologique immédiat.
Cette demande est de fait non limitative et laisse au médecin un degré d’ap-
préciation important en particulier en ce qui concerne les MST.
L’examen général de la victime aboutit à rédiger un certificat de coups et bles-
sures. Il doit s’attacher à rechercher des traces de défense et les traces de
contention. L’importance des violences physiques est traduite selon la pratique
habituelle en jours d’incapacité temporaire de travail. Il est recommandé de
séparer clairement les conséquences physiques des violences et le retentissement
psychologique de l’agression qui à travers un état de sidération connu dans ce
type de traumatisme peut également être à l’origine d’une incapacité tempo-
raire de travail. Un examen spécifique par un psychiatre est utile et devrait être
réalisé systématiquement.
L’examen gynécologique doit être réalisé sur une table adéquate, sous bon
éclairage, après avoir mis en confiance la victime et l’avoir informée des exa-
mens qui doivent être pratiqués en fonction de sa description de l’agression
(examen de l’hymen avec utilisation d’une sonde à ballonnet, examen au spé-
culum sans lubrifiant, toucher vaginal, examen au colposcope, toucher rectal,
examen de la bouche).
Les prélèvements à visée biologique (ADN) sont faits à l’aide d’écouvillons. Il
est important de noter la zone prélevée (cul-de-sac, col utérin) et de les numé-
roter. Les prélèvements sont immédiatement séchés à l’air, placés dans des sacs
plastiques étanches qui sont scellés et mis en congélation.
Un examen au microscope d’un étalement est souvent pratiqué afin de
rechercher des têtes de spermatozoïdes. Cet examen a surtout pour intérêt de
conforter les policiers dans leur travail de recherche.
Les sous-vêtements doivent être gardés, non lavés et mis sous scellés pour
analyse biologique ultérieure.
Des prélèvements de sang sur tube sec (référence pour l’ADN) et des prélè-
vements d’urine (toxicologie en cas de suspicion de soumission médicamen-
teuse) sont pratiqués chez la victime.
Ces prélèvements sous scellés sont dits conservatoires et ne peuvent être utili-
sés que par un expert désigné par une commission d’experts dans le cadre de la
procédure.
Outre le test de grossesse quantifié, les prélèvements à visée infectieuse sont
adressés au laboratoire :
n sérologies VIH-1 et 2, VHB, VHC, TPHA–VDRL ;
n examens de surveillance de trithérapie anti-VIH ;
n recherche de Chlamydia au col et dans les urines.
38. Viol et maladies sexuellement transmissibles 215

Les résultats de ces examens font partie du dossier médical de la victime, mais
peuvent être transmis au juge dans le cadre de la procédure.
Il est important de comprendre que ces examens reflètent en réalité l’état de
la victime avant l’agression en cause. Ils sont communiqués lors du procès et
peuvent alors être utilisés contre la victime. Il appartient alors au médecin d’ex-
pliquer la signification des résultats.
Les traitements préventifs d’exposition au risque VIH sont discutés au cas par
cas. Il s’agit d’urgence thérapeutique. Il n’en demeure pas moins que la victime
doit être informée de l’intérêt, des risques et des limites de ce type de traite-
ment, même dans cette situation de stress.
Il n’y a pas d’indication formelle concernant le traitement préventif anti-VIH,
mais il est recommandé de le proposer en cas de viol en réunion, de sodomie et
d’agresseur potentiellement à risque.
Le protocole est identique à celui des autres formes d’exposition au
risque VIH.
Les autres pathologies sont traitées en fonction des résultats sérologiques.
Depuis 2002, il est possible de pratiquer sur réquisition des tests de dépistage
des maladies infectieuses chez l’auteur présumé d’une agression sexuelle. Le
refus de se soumettre à la prise de sang en vue d’un tel examen constitue un
délit autonome. Cette possibilité permet de limiter la durée d’un traitement pré-
ventif si la sérologie s’avère négative. Elle soulève cependant des problèmes non
résolus (certitude de l’identité de l’agresseur proposé par les services de police,
modalité de communication des résultats entre le médecin qui suit la victime et
celui qui examine la personne en garde à vue).

Autres aspects des MST lors du viol


La nécessité d’un suivi psychologique des personnes ayant fait l’objet d’une
agression sexuelle est une évidence. Il s’agit en effet d’un traumatisme psycholo-
gique majeur susceptible d’entraîner des séquelles sous forme d’un syndrome de
stress post-traumatique chronique. Le premier contact avec la police et les
médecins oblige la victime à revivre l’épisode douloureux. Le médecin requis qui
est imposé à la victime doit être capable de prendre son temps, de faire preuve
d’une attention particulière pour expliquer la nécessité et l’importance des ges-
tes qu’il réalise.
La problématique des MST est très présente dans la phase initiale de la prise
en charge même si les risques de transmission sont très faibles dans l’expérience
des équipes médico-légales.
Dès le début de la prise en charge, l’apport des psychologues est indispensa-
ble. Cette prise en charge s’inscrit dans une aide plus large assurée par les asso-
ciations de victimes affiliées à l’INAVEM (Institut National d’Aide aux Victimes
et de Médiation) qui ont en plus une mission d’explication du déroulement de
la procédure judiciaire et d’accompagnement lors du procès.
Très récemment, la justice pénale a développé, en complément de sa fonction
de sanction des auteurs d’infraction, une attention spécifique sur les victimes de
la part de magistrats spécialisés et pas seulement par leurs avocats et les associa-
tions (juge délégué aux victimes ou JUDEVI). Le rôle précis de ces juges reste à
définir en matière d’infractions sexuelles. Ils permettront de montrer aux
216 Les maladies sexuellement transmissibles

victimes que la justice n’est pas focalisée sur leurs agresseurs et aideront à obte-
nir des compensations financières (commission d’indemnisation des victimes
d’infraction pénale ou CIVI) afin qu’au traumatisme psychologique ne s’ajoutent
pas des difficultés sociales ou professionnelles.

Bibliographie
Le praticien face aux violences sexuelles. Ministère de la santé. Site Internet : www.sante.
gouv.fr
Les droits des victimes. Ministère de la justice. Site Internet : www.justice.gouv.fr
39 Précarité et maladies
sexuellement transmissibles

A. Passeron

La précarité est une situation particulière de personnes qui, sans ressources suffi-
santes pour assurer leur subsistance, ont recours à des aides d’État quand elles y
ont droit, ou à des emplois ou des métiers clandestins, sous l’emprise le plus
souvent de personnes qui les exploitent. Dans de nombreux cas, elles sont dans
l’errance et sans domicile fixe.
Cet état d’isolement social a des conséquences graves sur la santé. En particu-
lier, les MST peuvent évoluer à bas bruit pendant longtemps sans être dépistées,
notamment l’infection par le VIH.
Les personnes particulièrement exposées au risque vénérien sont les tra-
vailleurs et travailleuses du sexe.

Structures de premier accueil


Associations
Elles ont un rôle important pour améliorer l’état de santé des individus en situation
précaire. Les actions de proximité et les interventions des éventuels médiateurs lin-
guistiques et travailleurs sociaux d’origine étrangère permettent d’entrer en
contact avec les personnes isolées. Le rôle des associations telles que Médecins du
monde, le Secours populaire, Aides, SOS Drogue International, SPRS (Service de
prévention et de réadaptation sociale) est également à souligner. Les associations
ont un rôle à la fois sanitaire et social. Les travailleurs sociaux qui en ont la respon-
sabilité sont attentifs aux demandes des personnes qu’elles reçoivent sur le plan
médical et sur le plan social. Le suivi régulier pour soins n’est pas toujours possible.

CDAG–CIDDIST
Les centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et les centres d’information
de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles
(CIDDIST) offrent une possibilité de dépistage, de soins et de suivi gratuits dans
le domaine des MST. Travaillant en collaboration avec les associations de leur
ville, ils reçoivent pour un bilan MST les personnes en situation précaire. Ils peu-
vent organiser des actions de dépistage hors les murs avec suivi et traitement si
la structure le permet. Leur efficacité a été démontrée par rapport à des sys-
tèmes contraignants et obligatoires.

Centres de planification et planning familiaux


Ils peuvent aussi pratiquer le dépistage et le traitement des MST, notamment
l’infection à Chlamydia, au cours d’un bilan gynécologique ou de contraception.
218 Les maladies sexuellement transmissibles

Bilan général
Le bilan de tout patient précaire arrivant pour la première fois dans une consul-
tation de MST doit répondre à quelques exigences décrites ci-dessous.

Interrogatoire
Il permet de dresser un bilan des antécédents médicaux, des vaccinations et des
consultations antérieures. Pour les étrangers, l’interrogatoire se fait si possible
dans la langue maternelle avec l’aide si besoin d’un médiateur linguistique.

Examen clinique, prélèvements et sérologies


Ils n’ont rien de particulier aux sujets précaires.

Cas particuliers
Prostituées de rue
Leur vie quotidienne est marquée, dans la plupart des cas, par la violence et la
peur du client, des proxénètes et de la police ; elles ont tendance à se regrouper
pour y faire face plus facilement. Les difficultés d’accès aux soins sont liées au
fait qu’elles sont d’origine étrangère, pays d’Europe de l’Est, d’Afrique ou d’Amé-
rique latine et que, souvent, seules les associations peuvent entrer en contact
pour leur donner les informations nécessaires sur la prévention des MST et les
centres gratuits. Les travailleurs sociaux doivent se rendre sur place, ils disposent
parfois d’un bus d’information qui permet un accueil plus convivial. Leurs dépla-
cements dans différents lieux, quartiers, villes, États, rendent difficile le suivi de
maladies telles que l’infection. Leurs besoins en information sexuelle sont impor-
tants et dépendent du niveau d’éducation.

SDF
Ils ont des problèmes de santé liés au manque d’hygiène, à la toxicomanie et,
en particulier, à l’alcoolisme pour un grand nombre. Le tabagisme est impor-
tant. Des maladies respiratoires et la tuberculose peuvent constituer une urgence
de soins.
Les MST peuvent se surajouter, favorisées par des rapports sexuels rarement
protégés.

Bibliographie
Fornasa CV et al. Knowledge of sexually transmitted diseases and condom use among female
street sex workers in Padua. Acta Dermatovenerol Alp Panonica Adriat 2005 ; 14 : 107-10.
Passeron A et al. Prostitutes from Eastern Europe in Nice-Côte d’Azur: epidemiology of STI
and social aspects. Conference on sexually transmitted infections. Mykonos: IUSTI Europe,
2004.
Index

A F

Albuginée, 1, 3 Fiessinger-Leroy-Reiter (syndrome de),


Amibiase, 175 48, 49, 153, 154, 191
Amsel (score d’), 129 Fissure anale, 172
Angiokératome du scrotum, 193 Fistule anale, 172
Aphte, 164 Fitz-Hugh-Curtis (syndrome de), 50
– génital, 162 Fordyce (grains de), 190
Argyll-Robertson (signe d’), 30, 74 Fornix, 8
Arthrite réactionnelle (cf. Fiessinger-Leroy- Fourchette, 9
Reiter, syndrome de), 58 Fournier (gangrène de), 19, 167
Fox-Fordyce (maladie de), 196
B
G
Bactériocine, 13
Balanite, 18 Giardiase, 175
Balanoposthite, 5 Granulome
Bartholin (glandes de), 9, 10 – annulaire, 196
Bartholinite, 41, 157 – inguinal, 82
Behçet (maladie de), 162, 164 Greeblatt (signe de la poulie de), 85, 86
Biett (collerette de), 71
H
Bowen (maladie de), 108, 109, 166, 169
Buschke-Löwenstein (syndrome de), 173 Herxheimer (réaction d’), 75, 183
Hutchinson (triade d’), 30, 75
C
K
Calcinose, 193
Chancrelle, 79 Kaposi (maladie de), 31, 127, 203
Chevassu (signe de), 178 Koch (postulat de), 57
Circoncision, 3, 18, 202 Kyste épidermique du scrotum, 193
Clue cells, 129
Condom, 31 L
Cowper (glandes de), 2, 40 La Peyronie (maladie de), 195
Crédé (manœuvre de), 41, 184 Lentiginose du pénis, 195
Crémaster, 1 Lichen
Crohn (maladie de), 165, 173, 174 – nitidus, 196
D – plan, 167, 191, 197
– scléreux, 166, 167, 192, 197
Dartos, 1, 3 Lipschütz (ulcère aigu de la vulve de),
Diamond (milieu de), 64 126, 162
Döderlein (flore ou bacilles de), 12, 62 Littre (glandes de), 3, 40
Donovan (corps de), 83 Lymphangite sclérosante de la
verge, 193
E Lymphœdème pénoscrotal, 195
Éléphantiasis, 87 M
Érysipèle, 19, 167
Érythème Marisque, 172
– pigmenté fixe, 162 McCoy (cellules), 47
– polymorphe, 163 Méningocoque, 19, 42
Esthionème, 87, 88 Morpion, 117
220 Index

N R
Nelson (test de), 68 Rectocolite hémorragique, 165
Nugent (score de), 130, 132 Roiron (milieu de), 64

S
O
Skene (glandes de), 9, 41, 62
Œdème vénérien de la verge, 193
Smegma, 3
Spirochète, 19
P
T
Papillomatose vulvaire idiopathique, 197
Papule perlée du pénis, 190 Tabès, 74
Papulose bowénoïde, 108 Thayer-Martin (milieu de), 43
Paralysie générale, 74 Tyson (glandes de), 3, 40
Paraphimosis, 3, 4 Tzanck (cytodiagnostic de), 100
Pectinée (ligne), 171
V
Pemphigoïde cicatricelle, 164
Phimosis, 3, 5 Varicocèle, 6
Poradénite, 85 Vérole, 29
Posthectomie, 3
Posthite, 5 W
Prehn (signe de), 177
Warthin-Starry (coloration de), 67, 73
Psoriasis, 167, 190, 196
Z
Q
Zone (phénomène de), 69, 73
Queyrat (érythroplasie de), 169 Zoon (balanite à plasmocytes de), 169

408874 – I – (1,2) – CSB 90° – MPS Limited

ELSEVIER MASSON S.A.S.


62, rue Camille Desmoulins
92442 Issy-les-Moulineaux Cedex
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2009

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