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CANCÉROLOGIE
touche préférentiellement les femmes HPV 18 [4]. Ces papillomaviridae
dans leur septième décennie, cepen- agissent en favorisant la prolifération
dant le profil épidémiologique se modi- cellulaire et en inhibant l’apoptose des
fie avec l’atteinte de patients mascu- cellules transformées via l’inhibition
lins, plus jeunes, séropositifs pour le des gènes suppresseurs de tumeurs
VIH : l’incidence est encore plus élevée p53 et pRB. L’infection anale par l’HPV
(45,9/100 000) chez les patients VIH+, reste le plus souvent latente (incuba-
homosexuels masculins, sans que tion après exposition : 1-15 mois) et
Objectifs pédagogiques l’avènement des thérapies antirétrovi- transitoire, l’immunité naturelle per-
rales n’ait entraîné de diminution [3]. mettant l’élimination du virus dans
– Définition histologique du carci- Le risque de cancer anal est ainsi mul- 80 % des cas. Généralement, l’appari-
nome épidermoïde invasif tiplié par 40 pour un homme infecté tion d’un carcinome épidermoïde inva-
– Classification TNM et échoendosco- par le VIH et par 80 chez les homo- sif est précédée par le développement
pique des carcinomes épidermoïdes sexuels VIH [3, 4].
de lésions dysplasiques de bas grade
– Bilan pré-thérapeutique optimal puis de haut grade. Pour autant, toutes
– Cas particulier de la prise en charge les lésions dysplasiques n’évoluent pas
des UsT1 vers le carcinome invasif, et le risque
Définition histologique de dégénérescence est influencé par
– Indications thérapeutiques et moda-
lités de surveillance après traite- du carcinome épidermoïde d’autres facteurs comme l’immuno-
ment invasif suppression (patients VIH+ ou traite-
ment immunosuppresseur). La dyspla-
sie régresse chez certains patients, de
Le type histologique le plus fréquent
ce fait le risque réel d’évolution de la
du cancer du canal anal est le carci-
dysplasie anale vers le cancer reste dif-
nome épidermoïde (80 % des cas), suivi
ficile à évaluer. Il est proposé pour
par le carcinome cloacogénique, et plus
rarement de l’adénocarcinome (ces répondre à cette question, d’inclure les
derniers sont considérés comme des patients porteurs d’AIN3 dans la
cancers du bas rectum), du carcinome cohorte coordonnée par le Groupe de
basocellulaire, lymphome ou méla- Recherche En Proctologie (GREP)
nome. Les 2 premiers proviennent de (contact : cohorte.ain3@aphp.fr). Une
l’épithélium malpighien à la partie seconde cohorte ANRS APACHES a pour
inférieure du canal anal. Ils peuvent objectif d’inclure les patients homo-
également provenir de la muqueuse sexuels masculins infectés par le VIH.
transitionnelle et étaient alors appelés Un examen proctologique de dépistage
carcinome basaloïde, cloacogénique ou est recommandé chez les hommes ou
transitionnel. Cette distinction n’est les femmes HIV aux antécédents de
Mots-clés : cancer du canal anal, radio- plus recommandée par la World Health condylomes anogénitaux et chez les
chimiothérapie, Organization dans la mesure où elle n’a femmes aux antécédents de dysplasie
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TNM usTNM
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N3 Adénopathies périrectales et inguinales ou iliaques
internes bilatérales ou inguinales bilatérales
Métastases (M)
Mx Non évalué Non applicable
M0 Pas de métastase
M1 Métastase(s) à distance
cancer chez ces patients (par des méca- – radiochimiothérapie pour les sur 3 semaines) et de chimiothérapie
nismes d’immunomodulation), ou si tumeurs localement évoluées (T2 > par mitomycine et 5Fu comme traite-
ces patients ont reçu un traitement 4 cm, T3-4 ou N+) sans qu’il y ait de ment préopératoire de tumeurs locale-
d’emblée moins intense (notamment consensus sur les doses et les tech- ment évoluées dans un objectif de résé-
en terme de doses de chimiothérapie niques (doses prophylactiques gan- cabilité secondaire [12]. C’est lors de la
ou de radiothérapie) ou plus longtemps glionnaires, dose totale, pause, tech- chirurgie qu’un taux de stérilisation
interrompu pour toxicité. nique conformationnelle avec ou tumorale inattendu (81 %) a fait bas-
sans modulation d’intensité [10]. culer la stratégie thérapeutique.
Néanmoins, depuis l’avènement des
thérapies antirétrovirales, les dernières L’enjeu du traitement reste la survie et
publications ne suggèrent pas de pro- le contrôle loco-régional tout en dimi- Radiothérapie
nostics différents suivant la sérologie nuant la toxicité et les séquelles, la ou radiochimiothérapie ?
HIV [9]. chirurgie (amputation abdomino-péri-
néale) restant réservée aux échecs ou
Les recommandations actuelles sont L’essai britannique de l’United
aux récidives après traitement [6, 11].
donc de ne pas sous-traiter les patients Kingdom Coordinating Committee on
HIV+. Cancer Research (UKCCR) et l’essai
De la chirurgie européen de l’European Organisation
à la radiochimiothérapie for Research and Treatment of Cancer
Indications thérapeutiques (EORTC) ont comparé l’association
Le traitement repose sur la radiochi- chimioradiothérapie avec 5Fu et mito-
miothérapie exclusive depuis les essais mycine versus radiothérapie seule avec
Le carcinome épidermoïde du canal de Nigro et al. sur la période 1974-1986. respectivement 577 et 110 patients
anal est un cancer curable dont les Auparavant le traitement consistait en inclus entre 1987 et 1994. Ces deux
modalités de traitement restent hété- une chirurgie radicale (amputation essais ont montré un avantage en
rogènes : abdominopérinéale associée néan- contrôle locorégional et en survie spé-
– radiothérapie exclusive pour les moins à de nombreuses récidives cifique ou survie sans colostomie en
tumeurs localisées (T1 ou T2N0) ou notamment ganglionnaires). En 1974, faveur de l’association radiochimiothé-
exérèse locale pour des tumeurs T1 Nigro et al. ont proposé l’association de rapie avec mitomycine et 5 Fu
de la marge anale. radiothérapie (30 Gy en 15 fractions (Tableau II) [13, 14].
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ciée, avec d’excellents résultats mais au technique, la fixation et l’orientation
aiguës et par conséquent d’éviter ou de prix d’une toxicité certaine. Il est pro- de la pièce permettant un diagnostic
diminuer les pauses fréquemment bable que ces tumeurs T1, en particu- histologique fiable.
nécessaires auparavant. Dans la lier de taille inférieure à 10 mm (asso-
mesure où elle est liée à un fort gra- ciée à un risque d’atteinte Tumeurs localement évoluées :
dient de dose à l’interface volumes ganglionnaire de l’ordre de 5 %) soient intensifications thérapeutiques
cibles/tissus sains, elle nécessite un surtraitées [8]. La question actuelle est
contrôle précis du positionnement du donc la désescalade thérapeutique Si les résultats sont excellents pour les
patient et des volumes cibles lors du avec plusieurs options : Les recomman- tumeurs localisées, ils restent problé-
traitement. dations du TNCD proposent de ne pas matiques pour les tumeurs localement
associer de chimiothérapie et de traiter évoluées, baissant rapidement à 60 %
Étalement du traitement, pause les T1 par radiothérapie exclusive : de survie sans récidive à 3 ans en cas
radiothérapie externe jusqu’à 45 Gy et d’envahissement ganglionnaire asso-
Il était fréquent dans les années 1990 boost de 15 à 20 Gy en irradiation cié. Pour ces tumeurs, la question
d’envisager une pause de plusieurs externe ou en curiethérapie [5]. Une actuelle concerne les options d’inten-
semaines entre la première et la deu- radiochimiothérapie en limitant la sification thérapeutique.
xième partie du traitement : cette dose à 30 Gy sur des volumes réduits
pause était nécessaire en raison de la et associée à une cure de mitomycine
toxicité aiguë du traitement et permet- et 5FU est proposée par d’autres Escalade de dose en radiothérapie
tait d’attendre une régression suffi- auteurs [21, 22].
L’essai ACCORD03, qui avait inclus en
sante de la tumeur pour proposer un
Parfois, une tumeur infiltrante est France 307 patients entre 1999 et 2005,
complément de dose en radiothérapie
découverte de manière fortuite sur une n’avait pas montré de bénéfice à une
externe ou en curiethérapie sur un
pièce d’hémorroïdectomie ou d’exérèse escalade de dose au-delà de 60 Gy.
volume réduit. Néanmoins un étale-
de lésions dysplasiques, posant la Néanmoins, la radiochimiothérapie
ment long serait associé à un risque de
question de l’intérêt d’une irradiation était réalisée en technique conforma-
moins bon contrôle local comme l’a
adjuvante. La stratégie se discute tionnelle avec un étalement long
montré l’analyse des data poolées des
e n R é u n io n d e C o n c e r t at io n puisqu’une pause de 3 semaines était
essais RTOG 8704 et 9811 [20].
Pluridisciplinaire et il convient de s’as- réalisée entre la première partie du
Sur le plan radiobiologique, il a été surer de l’absence d’envahissement traitement (45 Gy) et le complément
montré qu’un étalement long s’accom- ganglionnaire associé (IRM ou TEP- de dose. Ces interruptions de traite-
pagnait d’une accélération de la repo- scanner) et d’une marge d’exèrèse suf- ment, préjudiciables à son efficacité
pulation pour les tumeurs épider- fisante (> 1 mm) sans délabrement peuvent être évitées depuis le déve-
moïdes, pouvant expliquer ces sphinctérien, avant de proposer une loppement de la Radiothérapie
résultats. Il est donc recommandé surveillance rapprochée. Il est proposé Conformationnelle avec Modulation
d’éviter les pauses ou de réduire leur d’enregistrer ces patients dans la d’Intensité (RCMI). Elle permet d’envi-
durée dans le traitement de radiothé- cohor te nationale prospective sager de nouveaux essais d’escalade de
rapie, ce qui devient possible dans la ANABASE : http://www.ffcd.fr/index. dose avec utilisation de boost intégré
mesure où la toxicité aiguë est dimi- php/essais-therapeutiques/anus/354- permettant de ne pas allonger le temps
nuée par les techniques récentes. cohorte-anabase, afin de valider par total de traitement [23, 24].
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Question 1
Parmi les propositions suivantes au sujet du bilan pré-thérapeutique du carcinome épidermoïde du canal anal, une seule est
vraie
❏ A. Le TEP-scanner est recommandé dans le bilan initial à la recherche de métastases à distance, fréquentes dans ce type
de cancer
❏ B. L’écho-endoscopie permet un bilan exhaustif de l’envahissement ganglionnaire régional
❏ C. Le TEP-scanner modifie le stade initial dans 20 à 30 % des cas conduisant à des modifications de volumes et de doses
d’irradiation
❏ D. Une sérologie HIV positive contre-indique la chimiothérapie associée à la radiothérapie
❏ E. Une IRM n’est pas nécessaire si l’écho-endoscopie a été réalisée
Question 2
Une tumeur du canal anal (carcinome épidermoïde) localement évoluée T3N2M0 est diagnostiquée chez une patiente de
60 ans sans comorbidités, après un bilan pré-thérapeutique complet, quel traitement proposer ?
❏ A. Une radiochimiothérapie suivie de chirurgie
❏ B. Une radiochimiothérapie en modulation d’intensité sensibilisée par une association de mitomycine et de 5FU
❏ C. Une chimiothérapie néoadjuvante (2 cycles) suivie de radiochimiothérapie en modulation d’intensité sensibilisée par une
association de mitomycine et de 5FU.
❏ D. Une radiochimiothérapie en modulation d’intensité sensibilisée par une association de cisplatine et de 5FU
❏ E. Une amputation abdomino-périnéale
Question 3
Vous revoyez un patient de 70 ans à 8 semaines de la fin de son traitement de radiochimiothérapie pour une tumeur T3N1 du
canal anal de 5 cm initialement, à l’examen clinique vous percevez une tumeur résiduelle de 15 mm de hauteur, quelle
attitude préconisez vous ?
❏ A. Réalisation de biopsies
❏ B. Chirurgie : amputation abdomino-périnéale
❏ C. Chirurgie : exérèse du résidu tumoral
❏ D. Reprise de chimiothérapie
❏ E. Surveillance rapprochée à 2 mois avec IRM et TEP-scanner
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