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Cancer de la thyroïde
Encyclopédie Pratique de Médecine

M Popelier, T Delbot

L es cancers de la thyroïde représentent environ 2 % de l’ensemble des cancers et sont responsables de quatre
pour mille décès liés à un cancer. Ils regroupent plusieurs formes dont le pronostic et le traitement sont très
différents. Les quatre variétés principales sont les carcinomes papillaires, vésiculaires, médullaires et anaplasiques.
Si l’on excepte le cas particulier et rare du cancer anaplasique, il n’y a jamais d’urgence à diagnostiquer ni à traiter un
cancer de la thyroïde car son évolution naturelle est lente.
Leurs prises en charge relèvent toujours d’une équipe spécialisée.
© Elsevier, Paris.


L’atteinte osseuse est surtout l’apanage des pulmonaires au moment du diagnostic. L’âge,
Quand doit-on évoquer le cancer cancers vésiculaires et concerne le squelette axial, et inférieur à 45 ans, et le caractère histologique bien
de la thyroïde ?
les ceintures à l’exclusion des segments distaux des différencié constituent deux facteurs de bon
membres. Les lésions sont toujours lytiques, jamais pronostique. Sont à prendre en compte : la taille de
‚ Découverte d’un nodule thyroïdien ou
condensantes, volontiers soufflantes, hypervascu- la tumeur, l’atteinte ganglionnaire, l’extension
d’une adénopathie cervicale
laires, souvent multiples. tumorale extra capsulaire pour les formes papillaires,
Facteurs de risque de malignité en présence La découverte d’un nodule thyroïdien dans le l’invasion vasculaire pour les formes vésiculaires.
d’un nodule cadre d’un bilan de métastases ne doit pas faire
‚ Première étape du traitement
¶ Âge conclure trop hativement à une origine primitive
Le risque de malignité est plus important chez thyroïdienne compte-tenu de la fréquence des Elle est chirurgicale :
l’enfant et l’adulte de plus de 60 ans. nodules thyroïdiens bénins dans la population La thyroïdectomie totale est défendue par la
générale. plupart des équipes compte tenu du risque élevé de
¶ Sexe ■ Si la découverte est échographique, la multifocalité (en un ou deux temps selon que
Lorsqu’il existe un nodule, le risque de malignité
scintigraphie est inutile pour les nodules l’examen extemporané a permis d’établir ou non le
est quatre fois plus important chez l’homme.
infracentimétriques, et on peut proposer une diagnostic de cancer). Une thyroïdectomie partielle
¶ Radiations ionisantes cytoponction échoguidée s’il s’agit d’un nodule non (lobo-isthmectomie) est proposée par certains
Le risque concerne essentiellement l’enfant, kystique solitaire de plus de 8 mm. lorsqu’il s’agit d’une lésion papillaire unique
d’autant plus élevé que l’irradiation est importante et ■ Si la découverte est clinique, la scintigraphie infracentrimètrique.
subie à un jeune âge. Le risque relatif est de 7,7 par après confirmation échographique est justifiée, On associe un pick-up ganglionnaire récurrentiel
gray (multiplication par dix à vingt des cancers éventuellement avec cytoponction en cas de nodule et sus-claviculaire systématique, étendu à la chaîne
thyroïdiens de l’enfant en Ukraine et en Biélorussie froid. jugulocarotidienne en cas d’envahissement lors de
suite à l’accident de Tchernobyl. À noter qu’en l’examen extemporané.
France aucune augmentation de l’incidence des ‚ Association diarrhée motrice et flush Dans le cas particulier du microcancer (taille <
cancers thyroïdiens n’a été observé à la suite de cet Bien que rare, doit orienter vers la recherche d’un 1 cm), le diagnostic est le plus souvent porté après la
accident car l’irradiation est demeurée très au carcinome médullaire. chirurgie. L’attitude dépendra alors de l’ampleur du
dessous des seuils de risque). geste chirurgical initial, des facteurs pronostiques et
‚ La découverte d’un cancer du risque opératoire. Elle relève d’un avis spécialisé.
¶ Thyroïdite lymphocytaire chronique de
Hashimoto Il peut être également de découverte fortuite L’hospitalisation pour chirurgie thyroïdienne est
Elle augmente le risque relatif de lymphome lors de l’examen histologique d’une pièce de d’une durée inférieure à une semaine.
thyroïdien qui demeure rare. thyroïdectomie réalisée pour des raisons non La mortalité est quasi nulle. La morbidité dépend
carcinologiques. du type d’exérèse et de l’expérience du chirurgien.
‚ Découverte de métastases pulmonaires Le risque d’hématome compressif justifie une
ou osseuses, d’origine indéterminée surveillance rapprochée dans les 24 premières
Elle justifie la recherche d’un cancer thyroïdien
puisque celui-ci relève d’un traitement spécifique et
le pronostic de survie est à ce stade de plus de 50 %
à 5 ans (les métastases d’origine thyroïdienne étant

Épitheliomas différenciés
papillaires et vésiculaires
Le cancer papillaire représente plus de 70 % des
heures postopératoires.
Une hypoparathyroïdie survient dans 10 % des
cas. Elle reste le plus souvent asymptomatique et
n’est définitive que dans moins de 1 % des cas. En
généralement accessibles au traitement par cas et le cancer vésiculaire environ 15 %. cas de lobectomie simple, la surveillance
radio-iode). Globalement, la survie à long terme est excellente,
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systématique du calcium est inutile s’il n’y a pas de


Les métastases pulmonaires sont le plus souvent en moyenne 98 % à 5 ans, 80 % à 10 ans. symptomatologie (paresthésies péribuccales ou des
de type miliaire ou micronodulaires sur la Il existe deux pics de fréquence : l’adulte jeune et extrémités, crampes). En cas de thyro•dectomie
radiographie de thorax, bilatérales, prédominant aux la soixantaine. Le principal facteur de mauvais totale, un dosage systématique de la calcémie
bases. pronostic est la présence de métastases osseuses ou postopératoire est préférable. En dessous de

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2 mmol/L (80 mg/L), s’il existe des signes cliniques La dose de L-thyroxine requise est de l’ordre de 30 % des cas. Le plus souvent il s’agit d’un nodule
d’hypocalcémie, il faut traiter par du calcium 1g/jour 2,5 µg/kg, à poursuivre à vie. thyroïdien ou d’une adénopathie cervicale
et vitamine D dans sa version 1 ou 1-25 hydroxylée Faut-il doser les fractions libres des hormones métastatique, voire d’une métastase à distance.
(Un-alphat ou Rocaltrolt) en débutant à 0,25 µg par thyroïdiennes dans la surveillance du bilan Le pronostic est directement lié à la diffusion :
jour. La surveillance d’un tel traitement hormonal ? survie supérieure à 95 % à 5 ans dans les formes
vitaminocalcique repose sur le contrôle tous les 6 C’est le dosage de la TSH seul qui permet de locales et inférieure à 40 % en cas de diffusions
mois de la calcémie et de la calciurie (sur échantillon vérifier l’efficacité du freinage. En cas de mauvaise métastatiques. Globalement, environ 10 % des
associé à un dosage de la créatininurie). tolérance clinique évocatrice d’un état d’hyperthy- patients décèdent de leur cancer.
L’incidence des lésions du nerf récurrent varie roïdie, le dosage de la T3 libre peut permettre de Faut-il demander le dosage de la calcitonine
selon le type de la thyroïdectomie : quasi négligeable préciser la réalité biologique d’un éventuel devant tout nodule thyroïdien ?
en cas de lobectomie simple et plus importante s’il surdosage. En revanche, il est fréquent d’observer un
Dans moins de 1 % des nodules, il s’agira d’un
s’agit d’une thyroïdectomie totale, pour cancer taux de T4 libre légèrement au dessus des normes
cancer médullaire. La connaissance du diagnostic
notamment. sans que cela ne reflète une posologie excessive.
histologique avant l’intervention chirurgicale est
L’examen systématique des cordes vocales avant
‚ Quelle surveillance postopératoire à plus importante : curage ganglionnaire plus large,
l’intervention n’est pas justifié de manière
long terme ? recherche d’un éventuel phéochromocytome qui
systématique. Dans moins de 1 % des cas l’atteinte
doit être alors opéré avant le cancer thyroïdien pour
du récurrent est définitive, avec 2 à 3 % de formes Elle relève d’une équipe spécialisée et repose sur
des raisons de risque opératoire possible (choc) s’il
transitoires. Si l’évolution n’est pas spontanément la propriété du tissu thyroïdien, même tumoral, à
n’y a pas de précaution anesthésique spécifique. Par
favorable, une rééducation phoniatrique peut fixer l’iode et à produire la thyroglobuline, qui
conséquent, si une intervention pour nodule est
corriger la dysphonie. constitue un marqueur tissulaire très sensible. La
programmée, il est légitime de réaliser un dosage de
Plus rare est l’atteinte de la chaine sympathique stratégie des examens complémentaires, et en
calcitonine (pas de consensus). L’association d’un
cervicale responsable d’un syndrome de Claude particulier le rythme des scintigraphies de contrôle à
taux de calcitonine élevé (supérieur à 10 pg/mL) à un
Bernard Horner ou l’atteinte du nerf laryngé externe. l’iode 131 est variable d’un centre à l’autre. Un
nodule thyroïdien constitue une forte présomption
contrôle clinique et un dosage de la thyroglobuline
‚ Traitement par l’ iode 131 de cancer médullaire. Une élévation de la calcitonine
annuels sont un minimum.
peut se retrouver chez l’insuffisant rénal en dialyse et
L’administration d’iode 131 à dose ablative Le dosage de la thyroglobuline doit être couplé à
dans d’autres cancers, en particulier bronchiques,
(IRAthérapie) permet la destruction des reliquats la recherche d’anticorps antithyroglobuline (source
mais le test à la pentagastrine est alors négatif.
thyroïdiens avec pour objectifs de permettre une d’interférence) ou validé par un test de
surveillance ultérieure fiable par le dosage de la « recouvrement ».
thyroglobuline et la détection de métastases fixants La scintigraphie totocorporelle à l’iode 131 a Quand le diagnostic d’un cancer
le radioiode, qui sont parfois masquées en présence pour objectif de visualiser le tissu thyroïdien restant médullaire est confirmé, il faut :
de reliquats thyroïdiens cervicaux. Elle nécessite une et/ou d’éventuelles métastases, les cellules ✔ doser la calcémie, la phosphorémie,
hospitalisation de 48 heures en chambre protégée et métastatiques gardant la propriété de fixer l’iode la PTH et les métanéphrines
s’effectue idéalement 6 semaines après la sous le contrôle de la TSH. Elle ne peut être effectuée
urinaires à la recherche d’une
thyroïdectomie totale. Afin d’obtenir une stimulation qu’après sevrage en hormones thyroïdiennes pour
hyperparathyroïdie et d’un
thyréotrope de la captation du radioiode, toute permettre une stimulation thyréotrope satisfaisante :
phéochromocytome ;
administration de L-T4 doit être interrompue un on suspend le traitement par L-T-4 4 semaines avant
✔ déclarer le nouveau cas au registre
mois avant l’IRAthérapie (20 jours avant pour La l’examen avec relais par la T3 libre de demie vie plus
courte, qui doit être arrêté 15 jours avant l’examen.
national ;
L-T3). Toute surcharge iodée intempestive doit bien ✔ réaliser une enquête familiale ;
sûr être évitée et il faut s’assurer de l’absence de Cela permet au patient d’éviter de ressentir de
manière trop prolongée les symptômes d’« une ✔ adresser un tube de sang à un
grossesse. Il n’y a pas d’altération de la fertilité après
hypothyroïdie annoncée ». laboratoire de génétique spécialisé
l’ IRAthérapie, mais il est cependant souhaitable de
L’utilisation d’une TSH recombinante, pourrait pour la recherche d’une mutation.
différerer une éventuelle grossesse pendant un an.
dans l’avenir permettre d’éviter les défreinages.
‚ Traitement hormonal
‚ Comment conduire l’enquête familiale ?


Il a plusieurs objectifs :
Tout d’abord par l’interrogatoire, à la recherche
– inhiber la sécrétion de TSH compte tenu de Cancer médullaire de la thyroïde
de chirurgie thyroïdienne dans la famille. L’arbre
l’hormonodépendance des cancers thyroïdiens
généalogique est à reconstituer. Pour les parents,
différenciés ; Développé aux dépend des cellules C de la enfants et collatéraux du premier degré, on réalise
– compenser l’hypothyroïdie postchirurgicale. thyroïde, il représente moins de 10 % de l’ensemble un dépistage hormonal (test à la pentagastrine à
des cancers de la thyroïde. Il est caractérisé par un 0,5 µg/kg) et génétique (recherche d’une mutation
Quel degré de freination faut-il obtenir ? marqueur hormonal, la calcitonine qui permet son spécifique du protooncogène Ret).
L’obtention d’une TSH à 0,1 mU/L permet de diagnostic et sa surveillance. Il survient le plus
réduire significativement le risque de récidive. souvent dans la quatrième décennie. ‚ Test à la pentagastrine
L’intérêt d’abaisser davantage la TSH est Dans 25 % des cas, il s’agit de forme héréditaire
controversé. Il faut mettre alors en balance le risque impliquant un dépistage familial. Soixante-quinze L’obtention d’un pic de calcitonine supérieur à
carcinogène, à moduler en fonction des facteurs de pourcent de ces formes familiales s’intègrent dans 100 mg/L confirme le diagnostic et celui-ci est
gravité, et les effets secondaires d’un ralentissement des néoplasies endocriniennes multiples (NEM) qui douteux entre 30 et 100 pg/mL. Il faut alors
responsable d’une hyperthyroïdie fruste iatrogène : associent au cancer médullaire un phéochromo- interpréter le résultat à la lumière du dépistage
– tolérance clinique (palpitations, irritabilité), une cytome et/ou une hyperparathyroïdie. génétique. Si une mutation est présente, on
prescription simultanée de β bloquants pouvant être renouvelle le test à la pentagastrine tous les ans.
nécessaire ; ‚ Quand faut-il penser au cancer On ne peut éliminer une forme familiale que si le
– risque osseux : celui-ci n’étant démontré que médullaire ? test à la pentagastrine a pu être réalisé chez au
chez la femme ménopausée non substituée ; La symptomatologie endocrinienne associant moins trois apparentés au premier degré et s’est
– risque cardiaque, actuellement mal évalué. diarrhée motrice et flush n’est retrouvée que dans révélé négatif.

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‚ Traitement chirurgical la tentative d’exérèse chirurgicale). Il n’y a pas de d’un goitre diffus. Une hypothyroïdie le plus souvent
marqueur biologique spécifique. fruste est retrouvée dans plus de 40 % des cas. Il est
On réalise une thyroïdectomie totale bilatérale et plus fréquent en cas de thyroïdite chronique de
Le bilan d’extension, compte-tenu de l’envahis-
curage ganglionnaire dont l’étendue est variable Hashimoto. L’existence de vrais nodules au sein
sement local fréquent, comporte un examen ORL,
selon la taille de la tumeur, les résultats des examens d’une thyroïdite doit donc conduire à poursuivre les
une radiographie et un scanner thoracique. Des
extemporanés et la nature sporadique ou familiale. investigations comme pour tout nodule. L’aspect
localisations à distance sont possibles mais la gravité
La surveillance postopératoire s’effectue sur le échographique et scintigraphique est très
tient à l’atteinte locorégionale.
dosage de la calcitonine et de l’ACE. hétérogène. Le diagnostic est le plus souvent
Le traitement doit être réalisé le plus vite possible
et a pour objectif essentiel d’éviter la mort par apporté par l’histologie définitive.


suffocation. On combine une chirurgie, une Le traitement n’est pas bien codifié, centré sur
Cancer anaplasique radiothérapie externe et une chimiothérapie à base une polychimiothérapie variable selon le type et le
d’adriamycine. Le traitement par iode radio actif est grade de malignité. Une radiothérapie complémen-
sans intérêt car les cellules anaplasiques ne taire est performante en cas de lymphome de bas
concentrent pas l’iode. grade. La place de la chirurgie est discutée : le
Il s’agit d’une tumeur rare (2 à 6 % des tumeurs
traitement relève d’un avis spécialisé oncologique.
malignes de la thyroïde), rapidement extensive,


touchant les patients âgés. Le pronostic reste
catastrophique, la survie excédant rarement 6 mois. Lymphome thyroïdien Autres formes rares de cancer de la
Le diagnostic s’effectue sur des symptômes de thyroïde
compression (dysphonie, toux, dyspnée, dysphagie) ✔ Métastases d’autres tumeurs solides
parfois associés à une cervicalgie antérieure (1/3 des Il représente 1 à 2 % des tumeurs malignes (rein...).
cas), souvent dans un contexte de goitre ancien primitives de la thyroïde. Il peut être hodgkinien ou ✔ Tumeurs non épithéliales (sarcome,
ayant rapidement augmenté de volume. Il s’agit non hodgkinien. La prépondérance féminine reste tératome).
d’une masse solide, volontiers hypoéchogène, et de règle comme pour les autres tumeurs ✔ Infiltrations à partir d’une tumeur
hypofixante à la scintigraphie. Le diagnostic est thyroïdiennes. La présentation est souvent celle du voisinage.
confirmé sur la cytoponction ou la biopsie (ou lors de d’une thyroïde nodulaire, parfois douloureuse ou

Marc Popelier : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,


clinique du Mesnil, 46, rue Raymond Berrurier, 78320 Le Mesnil Saint-Denis, France.
Thierry Delbot : Ancien chef de clinique, assistant des Hôpitaux de Paris,
Service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier, T Delbot. Cancer de la thyroïde.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0500, 1998, 3 p

Références

[1] Modigliani E, et Le G.E.T.C. Le cancer médullaire du corps thyroïde en [3] Schlumberger M. Epithéliomas thyroïdiens différenciés. In : La thyroïde, de la
France en 1995. Ann Endocrinol 1996 ; 57 : 3-8 physiologie cellulaire aux dysfonctions - des concepts à la pratique. Paris : Expan-
sion scientifique française, 1992 : 431-438
[2] Mazzaferri EL, Jhiang SM. Long term impact of initial surgical and medical
therapy on papillary and follicular thyroid cancer. Am J Med 1994 ; 97 : 418-428

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Goitres simples
Encyclopédie Pratique de Médecine

M Popelier, T Delbot

L e goitre simple est une hypertrophie diffuse du corps thyroïde, par définition sans dysthyroïdie associée. Il s’agit
d’un motif fréquent de consultation. Il pose en pratique deux problèmes : ne pas porter ce diagnostic par excès
et ne pas presrire de traitement inutile.
© Elsevier, Paris

■ ■
retrouve alors une opacité médiastinale supérieure à
Épidémiologie Conditions d’examen contours nets), voire par une tomodensitométrie ou une
du corps thyroïde imagerie par résonance magnétique.

Le goitre simple atteindrait environ 2 à 5 % de la L’aspect de « gros cou » peut être lié à un excès de
population, avec une prédominance féminine (six
pour un homme). La taille du goitre peut être
variable au cours de la vie, influencée par les
épisodes de la vie génitale (puberté, grossesse,
tissu sous-cutané, sans hypertrophie thyroïdienne. Le
médecin doit être placé derrière le patient pour
palper la thyroïde, qui ascensionne à la déglutition
(faire boire une gorgée d’eau).

Faut-il traiter ?
La prophylaxie à l’échelle d’une population
ménopause). (supplémentation en iode du sel, de l’eau de boisson)
‚ Critères diagnostiques est une mesure de santé publique encore
Sa prévalence est liée au degré de carence iodée. La thyroïde normale est à peine palpable. Il est insuffisamment utilisée dans les pays en voie de
Malgré une augmentation de l’apport iodé ces difficile d’établir un critère diagnostique pour définir développement, et même en Europe.
dernières années, entraînant une diminution de la un goitre, les données anthropométriques du patient À l’échelle individuelle, l’intérêt d’une prophylaxie
prévalence du goitre, la France reste une zone de devant être prises en compte. S’il existe un doute sur par supplémentation en iodure de potassium reste
carence iodée relative. L’iodurie, reflet de l’apport une augmentation du volume de la thyroïde, c’est controversé dans les zones peu carencées comme la
iodé, est le plus souvent comprise entre 50 et l’échographie qui permettra de préciser les France.
100 µg/jour, tandis que les besoins en iodure définis dimensions de la thyroïde : on admet qu’il s’agit d’un En cas de goitre modéré, l’abstention thérapeutique
par l’Organisation mondiale de la santé sont de goitre lorsque le poids estimé est supérieur à avec surveillance clinique annuelle et contrôle de la
l’ordre de 125 µg/jour. La principale source d’iode est 20 grammes. TSH et de l’échographie tous les 2 ou 3 ans est la règle.
alimentaire, et la différence entre les « pays de mer » Si un goitre est confirmé, il faut vérifier la TSH. Dans le cas particulier de la femme enceinte
et les « pays de montagne », plus carencés, provenait La réalisation d’une scintigraphie est inutile en cas vivant en zone de carence iodée modérée, la
à l’origine de la forte teneur en iode des produits de de goitre échographiquement homogène. supplémentation en hormones thyroïdiennes et/ou
la mer. en iode présente théoriquement l’avantage de
‚ Recherche de signes de compression freiner l’augmentation d’un goitre préexistant. En
Les goitres endémiques (plus de 10 % de la effet, la grossesse est une situation de carence iodée
Ils concernent seulement certains goitres anciens
population) ont presque disparu en France. On relative. Les besoins en iode sont augmentés (175 à
volumineux et/ou plongeants.
rencontre donc actuellement des goitres 200 µg/jour), car il existe un effet « TSH-like » de
Sur l’œsophage : dysphagie. l’hormone choriogonadotrope (hCG), et l’on observe
sporadiques.
Sur la trachée : dyspnée (inspiratoire), toux de une discrète augmentation de la TSH secondaire à la
décubitus. Pour apprécier le retentissement trachéal, diminution des hormones thyroïdiennes libres


on peut réaliser une radiographie de la trachée (face (élévation de la protéine porteuse, thyroglobuline,
Physiopathologie et profil). Une déviation sans diminution de calibre par l’hyperœstrogénie). De plus, les pertes iodées
est habituellement dénuée de retentissement rénales sont augmentées, et il y a une consom-
fonctionnel majeur. mation accrue d’iode par l’unité fœtoplacentaire.
Le mécanisme de l’hypertrophie diffuse n’est pas Le plus souvent, la sensation de « boule dans la En cas de gros goitre compressif, une réduction
encore totalement élucidé. Il s’agit d’une adaptation gorge » ou de strangulation n’est pas en rapport avec chirurgicale (thyroïdectomie subtotale) est justifiée.
de la thyroïde à un défaut de synthèse hormonale. un syndrome compressif, mais davantage avec une La prescription d’un traitement freinateur par L-T4 en
La TSH (thyroid stimulating hormone) joue un rôle de symptomatologie « neurotonique ». postopératoire, avec pour objectif de diminuer le
facteur de croissance essentiel dans la goitrigenèse, risque de récidive est souhaitable. On cherche à
‚ Recherche du caractère
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mais n’explique pas tout. D’autres facteurs de freiner modérément la TSH pour l’amener dans les
croissance ont été impliqués. Des facteurs plongeant d’un goitre valeurs basses (proche de 0,1 mU/L).
goitrigènes environnementaux ont été mis en Lorsque l’échographie retrouve des bases lobaires Chez le sujet âgé ou inopérable, on peut recourir
évidence, tels que le tabac ou les thioglucosides dans plongeantes, l’importance du prolongement médiastinal au radioiode pour obtenir une réduction volumique,
les crucifères (choux). peut être précisée par une radiographie de thorax (qui sous couvert de corticoïdes.

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Marc Popelier : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,


clinique du Mesnil, 46, rue Raymond-Berrurier, 78320 Le Mesnil-Saint-Denis, France.
Thierry Delbot : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,
service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier et T Delbot. Goitres simples.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0450, 1998, 2 p

Références

[1] Leclère J, Duriez TH. Goitre sporadique. In : La thyroïde, de la physiologie [2] Siminoski K. Does this patient have a goiter? JAMA 1996 ; 273 : 813-815
cellulaire aux dysfonctions : des concepts à la pratique. Paris : Expansion scienti-
fique française, 1992 : 317-223

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Hyperthyroïdie
Encyclopédie Pratique de Médecine

T Delbot, M Popelier

S i certaines formes caricaturales de maladie de Basedow sont de diagnostic clinique aisé, il n’en va pas de
même dans les autres étiologies. Les choix thérapeutiques relèvent généralement d’un avis spécialisé.
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L’hyperthyroïdie est responsable d’anomalies Les étiologies principales sont :
Diagnostic biologiques qu’il faut donc savoir rattacher à l’excès – la maladie de Basedow ;
d’hormones thyroïdiennes. – l’adénome ou le goitre multinodulaire
‚ Quand faut-il y penser toxiques ;
à l’hyperthyroïdie ? – la surcharge iodée.
Anomalies biologiques de Certaines thyroïdites peuvent être responsables
l’hyperthyroïdie d’une phase d’hyperthyroïdie transitoire, habituelle
Signes cliniques de l’hyperthyroïdie dans la thyroïdite subaiguë de Quervain ou la
✔ Hématologique
✔ Généraux première phase de la thyroïdite du post-partum (le
Leucopénie.
Asthénie, amaigrissement, plus souvent cliniquement latente), plus rare dans la
✔ Hépatiques thyroïdite chronique de Hashimoto (Hashitoxicosis).
polyuropolydipsie. Élévation des gamma GT, des D’autres causes rares d’hyperthyroïdie sont
✔ Cardiovasculaires phosphatases alcalines, des rappelées.
Tachycardie, fibrillation auriculaire. transaminases, de la bilirubine,
✔ Dermatologiques diminution de l’albumine.
Hypersudation, thermophobie, prurit. ✔ Métaboliques Les étiologies rares d’hyperthyroïdie
✔ Digestifs Baisse du cholestérol total, intolérance ✔ Tumeurs trophoblastiques.
Polyphagie, diarrhée. aux hydrates de carbone (voire ✔ Tératome ovarien.
✔ Génitaux diabète), hypercalcémie, ✔ Métastases sécrétantes d’un cancer
Troubles des règles, gynécomastie. hyperphosphorémie. thyroïdien.
✔ Neuropsychiques
Tremblements, faiblesse musculaire,
‚ Quelles explorations complémentaires
irritabilité, agitation, troubles du ‚ Confirmation du diagnostic
faut-il envisager pour préciser l’étiologie
sommeil. Il repose sur l’abaissement de la TSH (thyroid d’une hyperthyroïdie ?
✔Oculaires stimulating hormone) avec ou sans élévation des La scintigraphie demeure l’examen clé. Quel
Rétraction de la paupière supérieure, hormones libres. Les dernières générations de traceur isotopique faut-il utiliser ? L’iode 123, plus
asynergie oculopalpébrale. dosages de la TSH ultrasensible possèdent une coûteux, n’est disponible que dans certains centres
bonne sensibilité dans les valeurs basses pouvant de médecine nucléaire. Il est indispensable d’y
Chez le sujet âgé, la présentation clinique est détecter des valeurs de TSH jusqu’à 0,005 mU/L. Si la recourir si l’on envisage d’emblée un traitement par
souvent trompeuse, se résumant à une altération TSH est abaissée lors d’un premier dosage de iode 131 (afin de permettre une dosimétrie). Dans
inexpliquée de l’état général ou à un trouble isolé du « débrouillage », il est alors justifié de la contrôler les autres cas, le recours au technétium est aussi
rythme cardiaque, le plus souvent une fibrillation avec un dosage des hormones libres. Le dosage de performant.
auriculaire. la T4 et de la T3 libres permet de préciser l’intensité L’échographie, sous réserve d’une bonne qualité
Chez l’enfant, le tableau clinique associe souvent de l’hyperthyroïdie. Certaines formes d’hyperthy- technique et d’un opérateur expérimenté, peut aider
baisse des performances scolaires et troubles du roïdie sécrètent préférentiellement de la T3 libre au diagnostic étiologique et guider les choix
caractère. (adénome toxique). thérapeutiques :
Certaines données cliniques orientent d’emblée Dans le cas particulier des patients traités par – par la mise en évidence d’éventuels nodules ;
vers une étiologie : amiodarone, un taux élevé de T4 libre s’observe en – en analysant le reste du parenchyme
– un goitre homogène vasculaire et/ou une dehors de toute hyperthyroïdie et seul la baisse de la thyroïdien en cas de nodule toxique exctinctif sur la
ophtalmopathie chez un sujet jeune orientant vers TSH permet d’affirmer ce diagnostic ; dans ce cas, scintigraphie (recherche de nodules froids associés) ;
c’est la T3 libre qui reflète le degré d’hypersécrétion.
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une maladie de Basedow ; – en apportant des arguments en faveur d’une


– un traitement par amiodarone en faveur d’une Les progrès en matière de dosage de la TSH ont maladie de Basedow (parenchyme hypoéchogène
hyperthyroïdie induite par une surcharge iodée ; marginalisé le test à la TRH qui montre en cas et hétérogène, hypervascularisation au doppler
– un nodule thyroïdien pouvant correspondre à d’hyperthyroïdie une absence d’élévation de la TSH couleur ou au doppler pulsé) ou d’une thyroïdite
un nodule toxique. (réponse « bloquée »). subaigüe (plages hypoéchogènes mal limitées) ;

1
3-0470 - Hyperthyroïdie

– en appréciant le retentissement mécanique thyroïdien comprenant la TSH et la T4 libre peut être


d’un goitre nodulaire sur l’axe trachéal ; Diagnostics différentiels de réalisé après un mois de traitement. On en profite
– en permettant d’effectuer une estimation du l’hyperthyroïdie devant une TSH basse pour revérifier la NFS. La TSH reste le plus souvent
volume thyroïdien nécessaire pour le calcul « bloquée ». C’est le dosage de la T4 libre qui permet
dosimétrique si un traitement par l’iode radioactif est
✔ « Hypohormonémie
au mieux d’évaluer le statut hormonal et de
indiqué. euthyroïdienne » dans les maladies
témoigner du passage sur le versant hypothyroïdien.
Le dosage des anticorps stimulants, antirécep- non thyroïdiennes sévères (cancer, Lorsque cela se produit, il n’y a toujours pas de
teurs de la TSH (TRAK) est d’un faible intérêt dénutrition...). consensus en ce qui concerne le schéma
diagnostic lorsque l’on dispose de la scintigraphie ✔ Syndrome dépressif. thérapeutique ultérieur. Il est le plus souvent
mais peut être utile comme indicateur pronostic de ✔ Hypercorticisme iatrogène ou recommandé de maintenir les ATS à fortes doses (au
réponse au traitement médical. Un taux élevé en endogène. moins 30 mg de Néomercazolet). On peut donc
début et surtout en fin de traitement constituerait un ✔ Hypothyroïdie centrale. diminuer la dose des ATS sans descendre au
facteur prédictif de rechute dans la maladie de dessous de 30 mg/j et on introduit la L-T4 à 50 ou
Basedow. 75 µg/j. Ce schéma « blocage-substitution » réputé
Le dosage des anticorps antiperoxydase (ATPO) et diminuer le risque de récidive après arrêt du
antithyroglobuline (ATG) est inutile dans la plupart – le traitement médicamenteux par antithyroï- traitement, a également le mérite d’être plus simple à
des cas. diens de synthèse, proposé en première intention ; contrôler puisqu’une fois la bonne dose de L-T4
Le dosage de l’iodurie des 24 heures permet – le traitement radical par l’iode radioactif ou par déterminée, il n’y a généralement pas lieu de
d’authentifier une surcharge iodée mais ne suffit pas chirurgie qui s’adresse surtout aux échecs du modifier les posologies jusqu’au terme du
à affirmer la responsabilité de celle-ci dans la précédent. Le choix relève d’un avis spécialisé et sera traitement. Un nouveau contrôle de T4 libre et de
survenue de l’hyperthyroïdie (examen non discuté au cas par cas. TSH 6 semaines plus tard permet d’adapter
remboursé par la Sécurité sociale). C’est la éventuellement la posologie. Une fois l’équilibre
¶ Quels antithyroïdiens de synthèse choisir ?
scintigraphie qui permet de distinguer l’hyperthy- atteint, un contrôle hormonal tous les 2 à 3 mois est
On a le choix entre le carbimazole (Néomerca-
roïdie induite par l’iode des autres étiologies suffisant.
zolet : comprimés à 5 ou 20 mg) en une prise
associées fortuitement à une surcharge iodée.
quotidienne, le propylthiouracile (PTU : comprimés à La durée optimale du traitement est de 12 à 18
50 mg disponibles à la Pharmacie centrale des mois. Sont considérés comme facteurs de risque de

‚ Quel traitement ?

Traitement Hôpitaux), le benzylthiouracile (Basdènet :
comprimés à 25 mg) en 3 prises quotidiennes. Ils
inhibent l’organification de l’iodure et bloquent la
synthèse des hormones thyroïdiennes. Le PTU
récidive après arrêt du traitement :
– la persistance d’un goitre volumineux ;
– un sécrétion préférentielle de T3 avant
traitement ;
Quel traitement proposer en attendant que soit diminue la conversion périphérique de T4 en T3. – la persistance d’anticorps antirécepteurs de la
précisé le diagnostic étiologique de l’hyperthyroïdie ? TSH à un taux élevé à la fin du traitement.
¶ Comment prescrire les antithyroïdiens
Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) vont de synthèse ? ¶ La surveillance du traitement par ATS
modifier le taux de captation du traceur isotopique et La dose d’attaque se situe entre 30 et 60 mg pour est-elle affaire de spécialiste ?
l’image scintigraphique. Lorsque c’est possible, il vaut le carbimazole, 300 et 600 mg pour le PTU, 250 et Certaines étapes clefs méritent un avis spécialisé :
mieux n’utiliser avant la scintigraphie qu’un 500 mg pour le benzylthiouracile. Le choix de la mise en route et fin du traitement.
traitement symptomatique : posologie dépend avant tout de l’intensité des signes
– un bêtabloquant, non cardiosélectif, pour lutter d’hyperthyroïdie. La prescription doit être ¶ Quand faut-il recourir au traitement par iode
contre les effets périphériques de l’hyperthyroïdie accompagnée d’une surveillance hématologique car 131 dans le cas d’une maladie de Basedow ?
type propranolol (Avlocardylt), 1/4 à 1 comprimé 3 En cas d’échec du traitement médical (récidive
ces médicaments peuvent être responsables d’une
fois par jour, en l’absence de contre-indication. De après arrêt des ATS), surtout chez les sujets de plus
agranulocytose, rare (moins de 0,5 %) mais non
plus, le propranolol diminue la conversion de T4 en de 40 ans et en l’absence de goitre volumineux.
prévisible. En cas de fièvre brutale, le plus souvent
T3, considérée comme la principale hormone Pour certains, le recours au radio-iode en première
dans le cadre d’une angine, il est prudent de stopper
thyroïdienne active ; le traitement et de réaliser en urgence une intention se justifie d’emblée dans un tel contexte.
– un anxiolytique, le plus souvent type numération formule sanguine (NFS). En dehors de La « rançon » d’un tel traitement est généralement
benzodiazépine. cette situation, si en cours de traitement les la survenue d’une hypothyroïdie définitive, plus ou
polynucléaires s’abaissent au dessous de moins tardive : 25 à 50 % des cas la première année
‚ Faut-il traiter les hyperthyroïdies selon la dose utilisée, puis 2 à 3 % par an.
1400/mm3, il est également préférable de stopper le
frustres ?
traitement. Une leucopénie initiale est en revanche Aucun retentissement n’a été mis en évidence sur
La constatation d’une TSH freinée (inférieure à 0,1 la fertilité mais l’habitude demeure d’éviter d’y
habituelle dans le cadre de l’hyperthyroïdie et ne
mU/L) avec un taux d’hormones libres thyroïdiennes recourir chez la femme jeune. La grossesse reste une
contre-indique pas la prescription d’ATS. D’autres
dans les limites de la normale, peut se rencontrer contre-indication formelle.
effets secondaires moins graves mais beaucoup plus
dans le cadre de goitres multinodulaires prétoxiques
fréquents sont observés : éruption érythémateuse ou L’exophtalmie évolutive contre-indique le choix
ou dans certaines formes mineures de maladie de
urticarienne, arthralgies, ictère. Habituellement ces de l’iode radioactif car il existe alors un risque
Basedow. Le retentissement cardiaque est difficile à
manifestations allergiques ne sont pas croisées et d’aggravation (pour certains en partie prévenue par
évaluer mais un certain degré d’hyperexcitabilité est
l’on peut tenter de changer de classe d’ATS. Il faut l’administration d’une corticothérapie).
probable. Le retentissement osseux à long terme est
avertir le patient du fait que l’efficacité des ATS ne se Le calcul de la dose d’iode 131 à administrer
également discuté. Surtout, il existe un risque de
fait sentir qu’après environ 2 semaines de s’effectue à partir de données échographiques et
passage en franche hyperthyroïdie. La décision
traitement. Le maintien des bêtabloquants durant scintigraphiques, en service de médecine nucléaire.
thérapeutique relève d’un avis spécialisé.
cette période est donc souhaitable si les symptômes Il est nécessaire de réduire au préalable l’intensité
Enfin, une TSH abaissée peut s’observer en cliniques sont importants.
dehors de l’hyperthyroïdie. de l’hyperthyroïdie avec une brève préparation par
¶ Quelles sont les modalités de surveillance ATS (quelques semaines) lorsque les taux initiaux
Maladie de Basedow du traitement médical ? d’hormones libres sont franchement élevés. Dans ce
On a le choix entre deux approches Un premier contrôle de la NFS au 10e jour, cas, la scintigraphie à visée dosimétrique doit être
thérapeutiques : systématique, est plus prudent. Un contrôle du bilan effectuée après cette préparation.

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Hyperthyroïdie - 3-0470

¶ Quelle surveillance effectuer après surveillance doit s’effectuer sur la TSH, qui s’abaisse l’élimination d’un produit de contraste iodé, jusqu’à
la prise du traitement par iode 131 ? physiologiquement au premier trimestre, mais 1 an dans le cas de l’amiodarone. Une guérison
Le traitement consiste en la prise orale unique surtout sur la T4 libre qu’il faut maintenir à la limite spontanée de l’hyperthyroïdie s’observe souvent
d’une gélule d’iode 131, l’hospitalisation n’étant pas supérieure de la normale. Une surveillance avant l’élimination totale de la surcharge iodée.
obligatoire compte tenu de la dose habituellement mensuelle ou tous les 2 mois est souhaitable. Si la tolérance est médiocre, on a alors le choix
utilisée (environ 5 à 10 mCi) dans la maladie de entre :
Basedow. Il existe un risque de majoration des ¶ Ophtalmopathie basedowienne
– les corticoïdes à doses fortes (1 mg/kg) ;
Elle accompagne souvent la maladie de Basedow,
signes d’hyperthyroïdie par relargage des hormones – le PTU (300 à 600 mg/j) d’efficacité discutée.
mais peut également s’observer dans la thyroïdite de
thyroïdiennes dans les 15 jours suivant l’irradiation Ces deux médicaments diminuent la conversion
Hashimoto (5 %). Elle est souvent bilatérale, mais
interne de la thyroïde, mais la prescription d’ATS en périphérique de T4 en T3. Dans les formes très
asymétrique. Elle peut être isolée, et la présence
prévention ne se justifie que dans des cas très graves, avec une mauvaise tolérance cardiaque, une
d’anticorps antirécepteurs de la TSH permet d’en
sévères. Le plus souvent, une « couverture » par hospitalisation est nécessaire pour des mesures
faire le diagnostic. À défaut, le scanner orbitaire (sans
bêtabloquants suffit. Il faut dans tous les cas revoir le symptomatiques (prise en charge de l’insuffisance
injection d’iode) s’impose (diagnostic différentiel des
patient dans ce délai pour réévaluer cliniquement la cardiaque) et discussion éventuelle des traitements
tumeurs orbitaires). Un bilan ophtalmologique
tolérance cardiovasculaire. plus spécialisés (perchlorate de potassium, échanges
systématique est préférable dans toute maladie de
Un contrôle du bilan hormonal est à prévoir en plasmatiques, thyroïdectomie).
Basedow. On peut quantifier l’exophtalmie par
règle 1 mois, 3 mois et 6 mois après la prise du
l’exophtalmomètre de Hertel et surtout par des
radio-iode. Un passage précoce en hypothyroïdie ne Thyrotoxicoses factices
mesures réalisées à partir du scanner orbitaire. On
signifie pas toujours hypothyroïdie et il ne faut Elles sont provoquées par l’usage d’hormones
parle de protrusion des globes oculaires à partir de
substituer d’emblée qu’en cas de mauvaise tolérance thyroïdiennes présentes dans des préparations
20 mm. Plusieurs classifications ont été proposées
clinique. La persistance d’une hyperthyroïdie pseudohoméopathiques à visée amaigrissante
selon le degré d’atteinte musculaire, cornéenne ou
biologique à 6 mois justifie l’administration d’une (vérifier la composition de telles préparations) ou par
du nerf optique.
seconde dose de radio-iode. La probabilité élevée la prise cachée d’hormones thyroïdiennes dans un
d’installation tardive d’une hypothyroïdie Son évolution est indépendante de celle contexte psychiatrique. La scintigraphie blanche et le
postradio-iode nécessite un contrôle annuel de la de l’hyperthyroïdie taux de thyroglobuline quasi nul permettent d’en
TSH chez les patients demeurés euthyroïdiens. Dans les formes bénignes, on peut se contenter faire le diagnostic.
d’un traitement symptomatique : lunettes sombres,
¶ A qui faut-il proposer la chirurgie
larmes artificielles contre la sécheresse oculaire. Il est Dans le cadre des thyroïdites (thyroïdite
en cas de maladie de Basedow ?
démontré que le tabac constitue un facteur subaiguë, thyroïdite du post-partum)
– en cas d’échec du traitement médical chez les
aggravant. La prise en charge des formes sévères Les ATS n’ont pas d’indication car inefficaces et
sujets de moins de 40 ans ;
relève de l’avis d’un ophtalmologiste spécialisé. Le inadaptés compte tenu du caractère transitoire de
– en cas de mauvaise compliance au traitement
traitement général repose sur la corticothérapie à l’hyperthyroïdie et du long délai d’action des ATS. Il
médical ;
fortes doses (au moins 1 mg/kg/j) pendant plusieurs faut donc recourir aux bêtabloquants et aux
– d’emblée en cas de goitre très volumineux ou
semaines. En cas d’échec ou de mauvaise tolérance anxiolytiques en cas d’hyperthyroïdie
de nodule froid associé ;
de la corticothérapie, on peut envisager une symptomatique.
– ou d’emblée également chez les femmes
radiothérapie orbitaire complémentaire. Enfin, en
jeunes désireuses à court terme d’une grossesse
cas de compression du nerf optique, il faut recourir à Adénome thyréotrope
pour lesquelles un traitement médical obligerait à
une chirurgie orbitaire de décompression.
reporter celle-ci. Maladie exceptionnelle. Le traitement est
Une préparation par les ATS est préalablement Adénome ou goitre multinodulaire toxique neurochirurgical et/ou radiothérapeutique, les
nécessaire pour permettre un retour en euthyroïdie Les manifestations cardiovasculaires (arythmie) traitements par analogue de la somatostatine étant
afin d’éviter la survenue d’une crise thyrotoxique sont souvent révélatrices. Il faut envisager ici un réservés aux échecs ou aux contre-indications de la
postopératoire. traitement radical soit par iode radioactif, soit par chirurgie.
On réalise une thyroïdectomie subtotale. Le risque chirurgie. L’indication relève d’un avis spécialisé. Une
de complications opératoires, hypoparathyroïdie et brève préparation par les ATS pour normaliser la T3 Erreurs à éviter devant une
paralysie récurrentielle, est minime lorsque le libre peut être nécessaire. Mais il faut éviter de « trop hyperthyroïdie
chirurgien est expérimenté. préparer » les adénomes toxiques par ATS avant
L’objectif d’euthyroïdie, utopique, n’est plus radio-iode car cela risque de réactiver le parenchyme ✔ Débuter un traitement par
recherché aujourd’hui. On préfère laisser le moins sain éteint et le traitement manquerait alors son antithyroïdiens de synthèse sans
possible de parenchyme pour éviter les rechutes objectif. Un traitement au long cours par les ATS ne avoir de diagnostic étiologique
postopératoires, ce qui implique un traitement se justifie qu’en cas de contre-indication à un d’hyperthyroïdie.
traitement radical et ne constitue qu’une solution
✔ Conclure à un adénome toxique
substitutif par la L-T4.
palliative chez des sujets très âgés, inopérables et
sans avoir réalisé de scintigraphie en
¶ Cas particuliers de la grossesse présence d’une hyperthyroïdie et
dont l’incontinence sphinctérienne ne permet pas
Les ATS et les anticorps stimulant les récepteurs d’un nodule.
d’administrer le radio-iode dans des conditions
de la TSH passent la barrière fœtoplacentaire alors ✔ Proposer un traitement radical
satisfaisantes de radioprotection.
que les hormones thyroïdiennes ne la franchissent d’hyperthyroïdie basedowienne en
presque pas. L’objectif essentiel est d’éviter une Hyperthyroïdie induite présence :
hypothyroïdie chez le fœtus, ce qui justifie par une surcharge iodée – d’une exophtalmie évolutive ;
l’utilisation d’une dose minimale d’ATS sans Contrairement au cas de l’hypothyroïdie par – d’une hyperthyroïdie biologique
adjoindre de la L-T4 pour maintenir une euthyroïdie surcharge iodée où l’on peut maintenir l’agent
majeure sans préparation médicale
préalable.
chez la mère. Le recours au PTU est préférable au responsable, il est nécessaire en cas d’hyperthyroïdie
✔ Traiter un trouble du rythme
carbimazole compte tenu d’un moindre passage d’en supprimer la cause. En pratique, il s’agit bien
cardiaque supraventriculaire par
placentaire. La grossesse induit une tolérance souvent de la Cordaronet qu’il faut remplacer par un
amiodarone sans bilan hormonal
immunologique qui tempère les processus autre agent antiarythmique. thyroïdien préalable et sans
auto-immuns et les ATS peuvent parfois être Si la tolérance est correcte, on peut attendre surveillance ultérieure.
suspendus au cours du dernier trimestre. La l’élimination de l’iode : 2 semaines à 3 mois pour

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3-0470 - Hyperthyroïdie

Thierry Delbot : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,


service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Marc Popelier : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,
clinique du Mesnil, 46, rue Raymond-Berrurier, 78320 Le Mesnil Saint-Denis, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : T Delbot et M Popelier. Hyperthyroïdie.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0470, 1998, 4 p

Références

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1731-1738 hyperthyroidism and hypothyroidism. JAMA 1995 ; 273 : 808-812

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[3] Leenhardt L, Delbot T, Toubert ME, Le Guillouzic D, Laurent MF, Guillaus- thyroidism. Br Med J 1996 ; 313 : 539-543
seau C et al. Hyperthyroïdies. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Endocrinologie,
10-003-A-10, 1996 : 1-15

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dism in the pregnant woman. J Clin Endocrinol Metab 1996 ; 81 : 1679-1682

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Hypothyroïdie
Encyclopédie Pratique de Médecine

M Popelier, T Delbot

L ’hypothyroïdie est une des maladies endocriniennes les plus fréquentes (2 à 3 % de la population). Sa
symptomatologie, volontiers polymorphe, et son installation insidieuse expliquent un fréquent retard au
diagnostic.
© Elsevier, Paris.


de maladies auto-immunes ou soumis à certaines
Diagnostic Quand faut-il doser systématiquement thérapeutiques.
la TSH ?
Comment affirmer le diagnostic ?
‚ Chez l’adulte ✔ Pathologies auto-immunes : Le diagnostic biologique d’hypothyroïdie repose
vitiligo, maladie de Biermer, diabète sur l’élévation de la TSH (thyroid stimulating
Quand faut-il penser à une hypothyroïdie ? insulinodépendant, cirrhose biliaire hormone), qu’il y ait ou non abaissement de la T4
La présentation classique du myxœdème, avec primitive, syndrome de libre. Dans le cadre d’une simple suspicion clinique,
son infiltration cutanéomuqueuse et les signes Goujerot-Sjögren. l’intérêt d’un dosage couplé de T4 libre est discutable.
d’hypométabolisme, est rarement rencontrée. Les ✔ Traitement par lithium, Le risque de méconnaître une insuffisance
formes mono- ou paucisymptomatiques sont en fait amiodarone ou interféron alpha. thyroïdienne d’origine haute est négligeable en
les plus fréquentes. ✔ Antécédent de traitement par iode l’absence de contexte clinique évocateur (syndrome
Dans certains contextes, le rique de méconnais- 131, de radiothérapie externe tumoral hypophysaire, autres signes d’insuffisance
sance du diagnostic par une banalisation de la cervicale ou de chirurgie antéhypophysaire).
symptomatologie doit inciter à une attention thyroïdienne. En cas d’élévation de la TSH, un dosage de
particulière. contrôle associé à un dosage de la T4 libre est justifié.
■ Après un accouchement, l’asthénie est Le dosage de la T 3 libre n’a pas d’intérêt
volontiers mise sur le compte d’une dépression du ■ Chez la personne âgée, les troubles de la diagnostique dans l’hypothyroïdie. Un taux abaissé
post-partum. mémoire et la tendance dépressive sont simplement se retrouve dans de nombreuses affections non
■ En période périménopausique, les plaintes les rapportés au vieillissement. endocriniennes (cirrhose hépatique, dénutrition...)
plus variées sont facilement rattachées aux ■ Enfin, la recherche systématique d’une responsables d’un syndrome de T3 basse, sans qu’il
perturbations de l’équilibre œstroprogestatif. hypothyroïdie est justifiée chez les patients porteurs y ait hypothyroïdie.
Le test à la TRH (thyrotropin releasing hormone) a
perdu son intérêt depuis l’avènement des dosages
Signes cliniques et biologiques de l’hypothyroïdie de TSH ultrasensibles.

✔ Cardiovasculaires Cas particulier du patient traité


Bradycardie, assourdissement des bruits du cœur, hypertension artérielle diastolique, par l’amiodarone
épanchement péricardique, troubles de la repolarisation sur l’électrocardiogramme. Ce médicament induit des modifications du bilan
✔ Cutanéomuqueux thyroïdien en abaissant la conversion périphérique
Infiltration cutanéomuqueuse (hypoacousie, voix rauque, ronflements), chute des de T4 en T3 , sans qu’il y ait pour autant de
cheveux, pâleur cireuse, peau sèche. dysthyroïdie. Ainsi, il est habituel de constater une
✔ Digestifs augmentation de la T4 libre à la limite supérieure de
Constipation, météorisme abdominal. la normale, voire un peu au-delà. Son corollaire est
✔ Génitaux une baisse de la T 3 libre. La TSH peut être
Aménorrhée, galactorrhée, troubles de la libido. transitoirement un peu augmentée au début du
✔ Hypométabolisme traitement par diminution du rétrocontrôle
Asthénie, frilosité, prise de poids modérée ou résistance à un amaigrissement. hypophysaire, essentiellement exercé par la T3 libre.
✔ Neuropsychiques
Ralentissement psychomoteur, dépression, troubles de la mémoire, paresthésies, Diagnostic étiologique d’une hypothyroïdie
crampes, myalgies, céphalées, syndrome du canal carpien, lenteur à la décontraction Est-il utile d’établir un diagnostic étiologique
© Elsevier, Paris

musculaire (réflexes ostéotendineux). sachant que la thérapeutique consistera de toute


✔ Biologiques façon en l’administration d’hormones thyroï-
Hypercholestérolémie, anémie normo- ou macrocytaire, hyponatrémie, élévation des diennes ? En fait, il s’agit de distinguer les
créatine-phosphokinases. hypothyroïdies définitives des formes transitoires, ce
qui implique d’en connaître le mécanisme.

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3-0480 - Hypothyroïdie

Tableau I. – Principaux médicaments iodés.

Produitst Quantité d’iode Principe actif iodé


Abboticine 200 143 µg/cuillère mesure Érythrosine
Akineton Retard 866 µg/comprimé Érythrosine
Antiphlogistine 7,7 mg/sachet de 110 g Iode
Anusol 290 µg/ suppositoire Oxyiodure de Bismuth
Asthmalgine 61,2 mg/dragée Iodure de potassium
Azedavit 150 µg/comprimé Iodure de potassium
Bétadine comprimé gynécologique 250 mg/comprimé Polyvidone iodée
Bétadine gargarisme 8,50 g/flacon (100 mL) Polyvidone iodée
Bétadine ovule 250 mg/ovule Polyvidone iodée
Bétadine pansement humide 10 g/100 mL Polyvidone iodée
Bétadine 10 % pommade 10 g/100 g Polyvidone iodée
Bétadine solution gynécologique 10 g/100 mL Polyvidone iodée
Bétadine tulle 10 % 250 mg/compresse Polyvidone iodée
Brufen 400 98,6 µg/comprimé Érythrosine
Carbosylane 845 µg/gélule Érythrosine
Cardiocalm 120 µg/comprimé Érythrosine
Cataridol 1 g/100 mL Iodure de sodium
Célocurine 46 mg/flacon (0,1 g) Iodure de suxaméthonium
Céporexine 250 142 µg/sachet Érythrosine
Céporexine 125 71 µg/sachet Érythrosine
Clamoxyl 500 570 µg/gélule Érythrosine
Cordarone 14,3 mg/comprimé Iodure de tiémonium
Corbionax 80 mg/comprimé Amiodarone
Cristopal 500 µg/goutte Teinture d’iode
Curéthyl B 91,2 µg/comprimé Iodure de sodium
Cuterpès 18 mg/tube Érythrosine
Dafalgan 1 096 µg/gélule Iododésoxycytidine
Dalacine 150 866 µg/gélule Érythrosine
Delbiase 65 µg/comprimé Érythrosine
Denoral 256 µg/comprimé Iodure de magnésium
Dioparine comprimé 3 mg/comprimé Buzépide métiodure
Direxiode 135 mg/comprimé Iodohéparinate de sodium
Disalgyl 0,017 g/tube Di-iodohydroxyquinoleine
Ercevit fort 171 µg/comprimé Isopropanide iodure
Énurétine vitamine E 0,5 mg/comprimé Di-iodohydroxyprépane
Fungizone 855 µg/cuillère à café Érythrosine
Granudoxy 274 µg/comprimé Iodure de potassium
Haldol 5 182 µg/comprimé Érythrosine
Haloperidol 5 188 µg/comprimé Érythrosine
Inadrox 0,02 g/comprimé Iodure de sodium
Iodo-gluthional vit B1 2 % 18 mg/ampoule Iodure de potassium ; iodure de sodium
Iodorganine mercier 4,5 à 7 mg/comprimé Caséine iodée
Iodorubinium hormonal 0,3 g/flacon Iodure de rubidium
Iodosorb topique 27 mg/sachet Cadexomère iodé
Ioducyl 0,6g /flacon (45 mL) Iodure de sodium
Keforal 250 180 µg/cuillère mesure Érythrosine
Magnogène 55 µg/cuillère à café Iodure de magnésium
Mantadix 513 µg/gélule Érythrosine
Marinol 3,85 mg/cuillère à café Iode
Nitrol 0,9 mg/flacon Teinture d’iode
Nutrigène 25 mg/comprimé Iodure de magnésium

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Hypothyroïdie - 3-0480

Tableau I. – Principaux médicaments iodés (suite).

Produitst Quantité d’iode Principe actif iodé


Opo-veinogène 25 mg/ampoule Iodure de sodium
Pervincamine forte 94,6 µg/gélule Érythrosine
Phakiodol collyre 127 mg/flacon (15 mL) Iodure de sodium
Plasmarine 3,8 mg/cuillère à café Iode
Pneumogéine 70 mg/cuillère à café Iodure de potassium
Pneumogéine barbital 70 mg/cuillère à café Iodure de potassium
Pneumogéine barbital 45 mg/suppositoire Iodométhylate
Prothiaden 25 121 µg/gélule Érythrosine
Quotivit OE 150 µg/comprimé Iodure de potassium
Ricridène 1 140 µg/gélule Érythrosine
Rifadine voie orale 821 µg/gélule Érythrosine
Rosampline 792 µg/gélule Érythrosine
Tan-intest sirop 8,5 mg/cuillère à soupe Sirop iodotannique
Tardyferon B9 180 µg/comprimé Érythrosine
Tiemozyl 7,1 mg/capsule Iodure de tiémonium
Trachyl 4 mg/comprimé Codéthyline ; iodométhylate
Triogène 1 350 µg/cuillère à café Érythrosine
Ultraflore 191 µg/gélule Érythrosine
Valium Roche sirop 570 µg/cuillère mesure Érythrosine
Vésadol 0,8 mg/comprimé Buzépide métiodure
Vita-iodurol (collyre) 0,57 mg/goutte Iodure de potassium
Vitalgine Solution 5 mg/100 mL Teinture d’iode
Vitaseptine 19 mg/flacon (5 mL) Iodure de sodium
Vivamyne 150 µg/comprimé Iodure de potassium

¶ Principales causes d’hypothyroïdie chez l’adulte ¶ Quelles explorations complémentaires Le dosage des anticorps antithyroïdiens
faut-il prescrire pour préciser l’étiologie confirme la thyréopathie auto-immune. Les
Formes définitives
d’une hypothyroïdie ? anticorps antiperoxydase sont plus spécifiques que
■ La thyroïdite chronique auto-immune, ou
Le plus souvent, les données de l’interrogatoire et les anticorps antithyroglobuline.
thyroïdite de Hashimoto.
de l’examen clinique orientent le diagnostic. Le dosage de l’iodurie des 24 heures authentifie
■ L’atrophie thyroïdienne idiopathique.
À l’anamnèse : une thyroïdectomie, un traitement une surcharge iodée. Il s’agit d’un examen non
■ Les hypothyroïdies iatrogènes définitives :
par iode radioactif, une surcharge iodée (tableau I), remboursé par la Sécurité sociale, qui n’est pas
postradio-iode, postchirurgicale (thyroïdectomie au réalisé par tous les laboratoires. La difficulté du
moins subtotale) et postradiothérapie externe un traitement par lithium, interféron ou
recueil urinaire des 24 heures justifie qu’on le couple
(atrophie postradique). antithyroïdiens de synthèse, un contexte de
au dosage de la créatininurie afin de le valider.
post-partum...
Formes transitoires Le dosage de l’iodémie n’a pas d’intérêt
À l’examen clinique : une cicatrice de diagnostique.
■ L’hypothyroïdie induite par une surcharge
cervicotomie, un goitre ferme et bosselé
iodée.
(Hashimoto). Hypothyroïdie centrale
■ La thyroïdite silencieuse du post-partum.
■ Rarement, la thyroïdite subaiguë au décours de Les données obtenues par l’échographie sont T4 libre basse sans élévation de la
son évolution. précieuses mais dépendent de la qualité de TSH.
■ L’hypothyroïdie iatrogène, en dehors des
l’opérateur. L’échographie peut confirmer une Autres signes d’insuffisance
surcharges iodées : lithium, interféron alpha et bien
atrophie thyroïdienne ou retrouver un parenchyme antéhypophysaire inhabituels dans le
caractéristique d’une thyroïdite de Hashimoto myxœdème : hypotension artérielle,
sûr antithyroïdiens de synthèse.
(hypoéchogénicité diffuse, lobulations par des peau fine et atrophique, amaigris-
Beaucoup plus rares travées hyperéchogènes). Une thyroïde normale sement.
■ Les hypothyroïdies congénitales révélées à échographiquement oriente avant tout vers une La recherche étiologique justifie un
l’âge adulte. cause iatrogène et en particulier vers une surcharge avis spécialisé (causes tumorales,
■ Le syndrome de résistance périphérique aux iodée. L’échographie occupe donc une place maladies de système, selle turcique
hormones thyroïdiennes (exceptionnel). La TSH est stratégique centrale pour orienter le diagnostic vide, hypophysites auto-immunes...).
augmentée ainsi que les hormones libres. étiologique s’il n’est pas cliniquement évident.

3
3-0480 - Hypothyroïdie

En cas de surcharge iodée, la scintigraphie ■ Oui s’il existe une cause reconnue suffisant, le plus souvent 75 µg, voire 50 µg chez la
permet de distinguer les hypothyroïdies induites par d’hypothyroïdie définitive. personne âgée. Il est alors souhaitable d’attendre au
l’iode d’une part, et l’association d’une surcharge ■ S’il n’existe pas d’étiologie clairement identifiée moins 4 à 6 semaines. Le dosage de la TSH suffit. Si
iodée avec une autre cause d’hypothyroïdie d’autre et que l’hypothyroïdie est asymptomatique, on peut la valeur de la TSH reste élevée, on majore la dose
part. Son indication relève d’un avis spécialisé. proposer un contrôle de la TSH à 3 mois et différer le de 25 µg. Le recours à des « demi-paliers » qui
traitement. nécessitent des demi-comprimés ne s’envisage que
‚ Chez l’enfant ■ En cas d’hypothyroïdie transitoire, seuls les dans un deuxième temps (par exemple :
Nouveau-né patients cliniquement symptomatiques doivent être sous-dosage avec 75 µg et surdosage avec 100 µg)
traités. Dans le cas particulier de l’hypothyroïdie ou chez des sujets fragiles.
Les hypothyroïdies sont découvertes grâce au
induite par l’amiodarone, on préfère le plus souvent
dépistage néonatal obligatoire du 5e ou 6e jour. ‚ À quel rythme contrôler le bilan
poursuivre le traitement et introduire parallèlement
Certaines sont transitoires (surcharge iodée, hormonal une fois l’équilibre atteint ?
la L-thyroxine.
traitement par antithyroïdiens de synthèse pendant
Le rythme proposé actuellement par les
la grossesse, passage transplacentaire d’anticorps ‚ Quelles sont les modalités références médicales opposables est au maximum
maternels bloquant la thyroïde pendant la d’administration de la L-thyroxine ? de deux dosages par an. Un contrôle clinique tous
grossesse), mais le plus souvent, elles correspondent
La demi-vie plasmatique de la T4 est de 7 jours, ce les 6 mois permet de s’assurer de l’observance et de
à une pathologie thyroïdienne congénitale (troubles
qui permet une monoprise quotidienne, de vérifier la palpation de la thyroïde s’il existe au
de l’hormonogenèse, dysgénésie ou ectopie).
préférence à jeun, avant le petit déjeuner. préalable un goitre. Des variations des besoins en
Il ne faut pas attendre les résultats des
Certains médicaments peuvent gêner l’absorption L-thyroxine peuvent s’observer au fil des années. On
explorations thyroïdiennes pour débuter le
ou le métabolisme de la L-thyroxine et justifier ainsi assiste souvent à une augmentation progressive des
traitement, car tout retard est préjudiciable au
un rééquilibrage des doses. besoins dans la thyroïdite de Hashimoto et au cours
développement du système nerveux central.
des hypothyroïdies postradio-iode. Par ailleurs, il
La stratégie diagnostique relève d’un avis
existe parfois une légère variation saisonnière des
spécialisé ; elle repose sur la scintigraphie,
Principaux médicaments interférant besoins en hormones thyroïdiennes (majoration
l’échographie et le dosage de la thyroglobuline.
avec la L-thyroxine hivernale et diminution estivale). Environ 5 % des
Certaines hypothyroïdies néonatales peuvent cas de thyroïdite chronique pourraient connaître une
échapper au dépistage (taux de TSH limite, rare cas ✔ Par augmentation de la clairance : amélioration, voire une normalisation spontanée
d’hypothyroïdie centrale). Les signes cliniques (diminution de la sécrétion d’anticorps bloquants ?).
carbamazépine (Tégrétolt),
suivants doivent faire suspecter cliniquement une En cas de survenue secondaire de manifestations
rifampicine (Rifadinet), phénytoïne
hypothyroïdie : cri rauque, constipation, cliniques de surdosage, on peut être amené à
(Di-Hydant).
prolongation de l’ictère néonatal au-delà du 7e jour, effectuer une diminution des doses, voire une
✔ Par interférence avec l’absorption
abdomen distendu, hernie ombilicale, macroglossie, fenêtre thérapeutique.
somnolence exagérée, difficultés à finir les biberons,
intestinale : colestyramine
(Questrant), sucralfate (Ulcart),
hypotonie, fontanelle postérieure large. ‚ Cas particuliers du sujet âgé,
hydroxyde d’alumine (Maaloxt), du coronarien
Grand enfant sulfate de fer (Tardyferont). ou de l’insuffisant cardiaque
Souvent découverte à l’occasion d’un retard ✔ Par diminution de la conversion de
Une élévation de la TSH chez la personne âgée
scolaire, la symptomatologie est proche de celle de T4 en T3 : amiodarone
est encore plus évocatrice d’hypothyroïdie, puisque
l’adulte. La principale étiologie est la thyroïdite (Cordaronet), propranolol la TSH baisse physiologiquement avec l’âge. Avec les
chronique auto-immune. (Avlocardylt). précautions liées à l’état cardiaque sous-jacent,
l’instauration d’une hormonothérapie ne doit pas


être différée, les effets bénéfiques étant parfois
Traitement ‚ Comment débuter un traitement
spectaculaires. La prise en charge doit s’effectuer en
par la L-thyroxine ?
collaboration avec un cardiologue, car le traitement
‚ Quelles hormones thyroïdiennes Le traitement est institué progressivement. Le par les hormones thyroïdiennes constitue une
utiliser ? rythme d’augmentation est dicté par l’âge, l’état véritable épreuve d’effort. De plus, l’hypothyroïdie
cardiaque et l’ancienneté de l’hypothyroïdie. Chez diminue les besoins en oxygène et peut masquer la
Les extraits thyroïdiens ne sont plus
un sujet jeune, on peut proposer de débuter à une symptomatologie angineuse. Au minimum, un
commercialisés.
dose de 50 µg, en augmentant de 25 µg toutes les électrocardiogramme est nécessaire, parfois
La tri-iodothyronine (T3), commercialisée sous le
semaines jusqu’à ce que l’objectif soit atteint. accompagné d’un bilan cardiologique plus complet.
nom de Cynomelt (comprimés à 25 µg), a une
action et une élimination rapides, ce qui nécessite La mise en route du traitement doit être très
‚ Quel est l’objectif thérapeutique progressive, en commençant entre 5 µg (1 goutte de
une prise pluriquotidienne (3 par jour), et ne convient en cas d’hypothyroïdie ?
pas pour un traitement substitutif au long cours en L-Thyroxine Roche) et 12,5 µg (½ comprimé de
raison des fluctuations des taux plasmatiques. L’objectif idéal théorique est atteint lorsque la TSH Lévothyroxt 25 µg), puis en augmentant de 12,5 µg
En pratique, c’est la L-thyroxine (L-T4) qui doit être est normalisée. Il faut néanmoins parfois se toutes les 2 à 3 semaines.
prescrite : Lévothyroxt, en comprimés dosés à 25, contenter d’un objectif plus modeste (sujet âgé, Le recours à l’hospitalisation est à discuter avec le
50, 75, 100 ou 150 µg, et L-Thyroxine Roche, en pathologies cardiovasculaires associées) en tenant cardiologue, mais n’est pas toujours indispensable.
comprimés dosés à 100 µg ou en solution (5 µg par compte de la tolérance clinique du traitement. La La prescription systématique de bêtabloquants ou
goutte). dose requise pour un traitement substitutif se situe de dérivés nitrés n’est pas justifiée et peut masquer
habituellement aux environs de 1,5 µg/kg, soit le la survenue d’une symptomatologie coronarienne.
‚ À partir de quelle valeur plus souvent entre 75 et 150 µg par jour.
de TSH faut-il traiter ? ‚ En cas de grossesse
Au-delà de 10 mU/L, l’indication d’une ‚ Quand faut-il contrôler Les besoins en hormones thyroïdiennes chez les
le bilan hormonal ?
hormonothérapie n’est pas discutable. Mais faut-il patientes préalablement traitées sont augmentés,
traiter lorsque la TSH est comprise entre 4 et 10 Il est inutile de contrôler les dosages hormonaux parfois jusqu’à 50 % de la dose initiale par jour au
mU/L avec une T4 libre normale ? avant d’avoir atteint un palier susceptible d’être cours du dernier trimestre.

4
Hypothyroïdie - 3-0480

‚ Coma myxœdémateux
Erreurs à éviter devant une hypothyroïdie
Il est devenu très rare depuis que l’on découvre
plus facilement les hypothyroïdies à un stade ✔ Débuter un traitement substitutif par L-T4 chez une personne âgée et/ou
précoce. Il peut encore s’observer chez les sujets coronarienne sans respecter une grande progressivité.
âgés ou en état de précarité à l’occasion d’un ✔ Demander un dosage de T3 libre en cas de sucpicion d’hypothyroïdie.
phénomène intercurrent (infection, arrêt du ✔ Demander systématiquement une scintigraphie.
traitement par hormones thyroïdiennes). La prise en ✔ Demander une scintigraphie après substitution hormonale.
charge s’effectue en soins intensifs.

Marc Popelier : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,


clinique du Mesnil, 46, rue Raymond-Berrurier, 78320 Le Mesnil-Saint-Denis, France.
Thierry Delbot : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,
service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier et T Delbot. Hypothyroïdie.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0480, 1998, 5 p

Références

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pellier : Sauramps Médical, 1992 : 45-59 1688-1689

[2] Leger A. Hypothyroïdie. In : La pathologie thyroïdienne. Diagnostic et traite- [5] Toft AD. Thyroxine therapy. N Engl J Med 1994 ; 331 : 174-180
ment. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1990 : 115-144

[3] Linsay RS, Toft AD. Hypothyroidism. Lancet 1997 ; 349 : 413-417

5
3-0460
3-0460

Nodule thyroïdien
Encyclopédie Pratique de Médecine

M Popelier, T Delbot

L a découverte d’un nodule thyroïdien est un motif fréquent de consultation. Il est souvent découvert par le
patient lui-même ou par son entourage, lors d’un examen systématique en médecine du travail, à l’occasion
d’un examen de la région cervicale pour une autre raison (infections ORL), ou repéré lors d’un échodoppler des
vaisseaux du cou.
Une telle découverte est anxiogène, car l’idée de cancer est généralement présente dans l’esprit du patient. L’enjeu
consiste à ne pas passer à côté d’une lésion cancéreuse (moins de 10 % des nodules) tout en évitant d’opérer
inutilement une lésion bénigne, sachant qu’il n’y a pas aujourd’hui de concensus quant à la stratégie des différents
examens complémentaires à effectuer, aucun ne permettant à lui seul de prédire la malignité de façon absolument
fiable.
© Elsevier, Paris.


Des signes d’hyperthyroïdie évoquent un – adénopathies satellites.
Première consultation adénome toxique (même s’il peut s’agir d’un nodule Elle permet en premier lieu de distinguer les vrais
hypo- ou normofonctionnel associé à une nodules des « pseudonodules » ou des variantes
hyperthyroïdie diffuse). anatomiques de la normale (lobes « globuleux »).
L’interrogatoire porte sur les antécédents Des signes d’hypothyroïdie doivent faire penser à Pour parler de nodule, il faut que la lésion soit
familiaux ou personnels de nodule, de goitre, une thyroïdite chronique à forme pseudonodulaire. circonscrite dans deux plans de coupe perpendicu-
d’irradiation cervicale ou de maladie endocrinienne laires, ce qui permet d’éviter certains pièges
pouvant s’intégrer dans une néoplasie endocri- classiques (vaisseaux, œsophage, plages
nienne multiple (cancer médullaire de la thyroïde,
phéochromocytome, adénome parathyroïdien).
Il faut s’enquérir du retentissement local du
nodule, surtout s’il est associé à une hypertrophie

Quels examens complémentaires
demander ?
hypoéchogènes non organisées en nodule).
Le diagnostic est parfois plus difficile avec un
pseudonodule, comme cela se rencontre dans les
thyroïdites auto-immunes (lobulations pseudo-
Le dosage de la TSH (thyroid stimulating nodulaires séparées par des travées
thyroïdienne : modification de la voix, dyspnée,
hormone) et l’échographie thyroïdienne sont hyperéchogènes, en particulier à la face postérieure
dysphagie ou simple gêne cervicale qui est bien
incontournables. des bases lobaires).
souvent sans rapport avec le nodule.
L’examen clinique tente d’apprécier le volume, le Certains nodules cliniquement évidents car
‚ Dosage de la TSH
siège, la consistance, la sensibilité et le caractère isolé superficiels, en particulier isthmiques, peuvent être
ou non du nodule au sein du parenchyme Il précise le statut thyroïdien. paradoxalement d’individualisation moins facile à
thyroïdien, avec une précision toutefois médiocre, Si la TSH est élevée traduisant une hypothyroïdie, l’échographie et risquent d’être méconnus si l’on ne
car les nodules postérieurs et les micronodules il faut compléter le bilan par les dosages de T4 libre recourt pas à des techniques améliorant l’analyse
infracentimétriques ne sont habituellement pas et d’anticorps antiperoxydase. des plans superficiels.
palpables. L’examen des aires ganglionnaires Si la TSH est abaissée, authentifiant une L’échographie ne peut affirmer la malignité d’un
cervicales en région jugulocarotidienne, le long des hyperthyroïdie qu’il faudra quantifier par le dosage nodule thyroïdien. Cependant, certains critères
muscles sternocleidomastoïdiens, dans la fosse de T 3 et T 4 libres, la scintigraphie est alors doivent faire considérer un nodule comme suspect
sus-claviculaire, ne doit pas être oublié. Enfin, on indispensable pour orienter la démarche de malignité : nodule solide, hypoéchogène, mal
tente de déterminer cliniquement le statut thyroïdien diagnostique et thérapeutique (cf chapitre limité, avec des calcifications punctiformes et des
par la recherche des signes d’hypo- ou « Hyperthyroïdie »). adénopathies satellites.
d’hyperthyroïdie. Le plus souvent, la TSH est normale. À ce stade, sont en faveur d’une lésion maligne :
– la consistance dure ;
‚ Certaines situations ‚ Échographie
– des signes compressifs ;
sont d’emblée évocatrices
Elle apporte des renseignements précieux : – des adénopathies cervicales : homolatérales,
© Elsevier, Paris

Des douleurs cervicales et une fièvre orientent – caractère isolé ou non ; d’un diamètre supérieure à 1 cm et non plates
vers une thyroïdite subaiguë à forme nodulaire. – taille et siège ; échographiquement ;
L’apparition brutale d’un nodule douloureux peut – nature solide, liquide ou mixte ; – l’âge du sujet inférieur à 20 ans ;
correspondre à un kyste hématique (hématocèle). – caractère hyper-, iso- ou hypoéchogène ; – le sexe masculin ;

1
3-0460 - Nodule thyroïdien

– le caractère isolé du nodule au sein d’un Le choix de l’iode 123 est préférable à celui du Les lésions vésiculaires sont de diagnostic
parenchyme normal par ailleurs ; technétium, car certains nodules chauds au cytologique difficile, car les anomalies cellulaires ne
– le caractère hypoéchogène solide à technétium sont froids à l’iode (qui constitue l’isotope sont pas systématiques, et seule l’analyse
l’échographie (a fortiori si l’on constate la présence de référence). histologique permet parfois de porter le diagnostic
de microcalcifications et de contours peu nets). Soixante-dix à 80 % des nodules sont froids, de néoplasie.
Deux examens peuvent alors guider la conduite c’est-à-dire ne fixent pas ou peu le traceur. Dix pour ¶ Incidents
diagnostique et thérapeutique : la scintigraphie et la cent d’entre eux sont malins. Si le nodule est chaud, Ce sont des hématomes, des douleurs, des
cytoponction. La place première ou seconde de le risque de cancer est très faible. malaises vagaux.
chacune des deux techniques dans la stratégie reste
Les traitements anticoagulants ou antiagrégants
actuellement discutée (fig 1, 2). ‚ Cytoponction plaquettaires doivent être arrêtés avant l’examen. En
Réalisée à l’aiguille fine avec un minimum de cas de traitement par antivitamine K, un relais est
‚ Scintigraphie
deux prélèvements par nodule, elle permet possible par l’héparine en attendant 6 heures après
Ses mauvaises indications sont : d’analyser la cytologie et de distinguer trois la dernière injection pour ponctionner. Les
– une lésion inférieure à 1 cm (pas de traduction catégories : maligne, bénigne, « intermédiaire » (ou antiagrégants doivent être arrêtés 1 semaine avant
scintigraphique) ; douteuse). Environ 20 % des prélèvements la ponction.
– l’existence d’une surcharge iodée (attendre demeurent ininterprétables (non significatifs). On peut s’aider de l’échographie (ponction
l’élimination de l’iode) ; échoguidée) pour améliorer les performances de la
– le « nodule » suspecté cliniquement mais non ¶ Limites cytoponction dans le cas des nodules non palpables
confirmé à l’échographie. Elle nécessite un cytologiste confirmé. malgré leur taille significative (siège postérieur) ou à
Les contre-indications de la scintigraphie sont la Le nodule ne doit pas être inférieur à 8 mm. prédominance kystique (ponction sélective dans la
grossesse et l’allaitement. Elle a une sensibilité de l’ordre de 90 %. partie solide).

‚ Quand faut-il doser la calcitonine


en cas de nodule thyroïdien ?
Nodule > 1 cm
TSH normale S’il existe des antécédents familiaux de cancer
médullaire, si le nodule est dur, et pour certains s’il
Scintigraphie siège dans le tiers supérieur d’un lobe.

‚ Le traitement « d’épreuve »
par hormones thyroïdiennes à dose
Nodule hyperfixant Nodule iso-
freinatrice a-t-il une place ?
ou hypofixant
Une diminution du volume du nodule est
observée dans 10 à 60 % des cas, et une disparition
dans près d’un tiers des cas. Mais une hormonosen-
Surveillance de la TSH Cytologie sibilité n’exclut en rien la malignité. Il s’agit donc
d’une fausse sécurité.
1 Stratégie « scintigraphie première » dans la stratégie diagnostique d’un nodule thyroïdien solitaire (ou
échographiquement dominant).

Nodule > 1 cm
TSH normale

Pour quels nodules solitaires
faut-il proposer
une intervention chirurgicale ?

Les figures 1 et 2 résument les grandes lignes de


Cytologie la stratégie thérapeutique. L’âge physiologique du
patient, sa compliance à une surveillance au long
Bénin Malin cours et sa cancérophobie éventuelle sont autant de
paramètres à prendre en compte.
Non significatif Intermédiaire ou douteux
‚ Faut-il proposer un traitement
par hormones thyroïdiennes après
lobo-isthmectomie pour nodule unique ?
Répétition de la ponction
Un contrôle de la TSH 2 mois après l’acte
chirurgical permet de reconnaître un passage en
Si toujours non significatif Scintigraphie hypothyroïdie, rare si le lobe restant est sain. Si la
TSH est normale, il n’est pas démontré à ce jour
qu’un traitement au long cours diminue le risque de
récidive. Celle-ci se rencontrerait dans 10 % des cas,
Argument Pas d'argument suffisant et c’est l’examen clinique qui la détecte.
de bénignité de bénignité
(nodule chaud) (nodule froid)

Surveillance Bilan préopératoire


2 Stratégie « cytologie première » dans la stratégie diagnostique d’un nodule thyroïdien solitaire (ou

Goitres multinodulaires

Ils diffèrent des nodules isolés dans leurs


échographiquement dominant).
pronostics évolutifs. Le risque de complications

2
Nodule thyroïdien - 3-0460


mécaniques est plus important, mais le risque de ‚ Faut-il proposer un traitement
malignité est classiquement plus faible. Enfin, le par hormones thyroïdiennes Nodules kystiques
risque de passage en dysthyroïdie est également à après thyroïdectomie subtotale
prendre en compte. pour goitre multinodulaire ?
Le risque élevé de récidive nodulaire sur le
C’est l’échographie qui fait le diagnostic. Il n’y a
‚ La conduite à tenir est-elle différente ? moignon postopératoire justifie la prescription d’un
pas d’arrière-pensée de néoplasie s’il s’agit d’un
L’étape « TSH-échographie » reste incontournable. traitement freinateur au long cours (objectif : TSH
kyste pur (peu fréquent), à différencier d’un nodule
proche de 0,1 mU/L).
Si la TSH est abaissée, il faut réaliser une kystisé, en réalité mixte (solide et liquide à
scintigraphie thyroïdienne qui va orienter le l’échographie), dont le pronostic et la prise en charge
diagnostic étiologique et les choix thérapeutiques (cf ✔ Nodules à opérer : rejoignent ceux des nodules pleins.
chapitre « Hyperthyroïdie »). – nodule solitaire (ou prédominant Le traitement du vrai kyste consiste en son
Si la TSH est augmentée, il faut doser les sur un goitre multinodulaire) d’un affaissement par ponction, suivi pour certains de la
anticorps antithyroïdiens dans l’hypothèse d’une diamètre supérieur à 3 cm ; mise sous traitement freinateur. En cas de récidive,
thyroïdite auto-immune à forme nodulaire. Un
– nodule « suspect » (dur, froid, solide une sanction chirugicale peut être nécessaire si le
traitement par L-thyroxine doit être mis en place,
hypoéchogène, avec adénopathies, volume le justifie.
dont l’objectif est de normaliser la TSH, voire de
cytoponction maligne ou douteuse,
l’amener dans les valeurs basses (environ 0,1 mU/L),
antécédent d’irradiation cervicale
pour obtenir un effet freinateur sur la dystrophie
dans l’enfance) ;
thyroïdienne. Erreurs à éviter devant un nodule
– thyrocalcitonine élevée ;
Si la TSH est normale, il faut distinguer : thyroïdien
■ les dystrophies multinodulaires diffuses sans
– âge inférieur à 20 ans avec nodule
nodule prédominant, ni retentissement mécanique, froid solitaire ; ✔ Appeler nodule toute anomalie
qui relèvent d’une surveillance clinique annuelle et – goitre multinodulaire compressif ; échographique (dystrophie, plage
échographique tous les 1 ou 2 ans. En cas – goitre multinodulaire ou adénome hypoéchogène au sein d’une
d’augmentation significative de volume d’un nodule toxique avant 40 ans. thyroïdite...).
au cours de la surveillance, la cytoponction est ✔ Faire opérer tous les nodules.
✔ Nodules à surveiller : ✔ Ne pas arrêter les anticoagulants
préférable. En cas de goitre volumineux et/ou
compressif, même en l’absence de nodule dominant, – dystrophie multinodulaire ou les antiagrégants avant une
le recours à la chirurgie peut s’imposer ; euthyroïdienne sans nodule cytoponction thyroïdienne.
■ les goitres multinodulaires avec nodule dominant : surveillance ✔ Ne pas s’assurer de l’absence de
dominant (clinique et/ou échographique). La échographique annuelle + grossesse avant une scintigraphie.
démarche diagnostique est alors superposable à cytoponction si évolutivité ; ✔ Doser la thyroglobuline dans le but
celle d’un nodule solitaire. – nodule kystique (après ponction de prévoir la malignité d’un nodule.
En cas de décision opératoire, il n’est pas évacuatrice) ; ✔ Répéter la scintigraphie en cas de
raisonnable d’opter pour une chirurgie partielle – nodule chaud prétoxique : TSH nodule froid.
(lobectomie), car le risque de récidive nodulaire sur le annuelle. ✔ Ne pas doser la TSH.
lobe restant est élevé.

Marc Popelier : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,


clinique du Mesnil, 46, rue Raymond-Berrurier, 78320 Le Mesnil-Saint-Denis, France.
Thierry Delbot : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris,
service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier et T Delbot. Nodule thyroïdien.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0460, 1998, 3 p

Références

[1] ANDEM. Recommandations pour la pratique clinique. La prise en charge [2] Leger A. Les nodules du corps thyroïde. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),
diagnostique du nodule thyroïdien. Ann Endocrinol 1996 ; 57 : 526-535 Endocrinologie, 10-009-A-40, 1994 : 1-5

3
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Thyroïdites
Encyclopédie Pratique de Médecine

M Popelier, T Delbot

L es thyroïdites regroupent un ensemble d’affections auto-immunes, inflammatoires ou infectieuses de la


thyroïde dont la sémiologie est polymorphe (dysthyroïdie, goitre ou cervicalgie). Il s’agit, pour certaines, de
pathologies fréquentes.
© Elsevier, Paris.


Quels examens complémentaires ? Quand faut-il adresser au spécialiste ?
Introduction Lesquels sont à demander en cas de suspicion En cas de doute diagnostique : forme nodulaire ou
de thyroïdite chronique lymphocytaire de pseudonodulaire, phase d’hyperthyroïdie compatible
Hashimoto ? avec un autre diagnostic (thyroïdite subaiguë ou
Dans les thyroïdites, plusieurs situations pratiques maladie de Basedow).
■ Un dosage de la TSH, pour préciser le statut
peuvent être distinguées.
thyroïdien. Quel est le traitement de la thyroïdite
■ Il existe des douleurs cervicales antérieures,
■ Une échographie qui permet de mesurer le chronique lymphocytaire de Hashimoto ?
irradiant aux oreilles dans un contexte d’épisode
goitre, d’étudier l’aspect du parenchyme (hypoécho- En cas d’hypothyroïdie, il faut mettre en route un
infectieux d’allure grippale. La palpation retrouve un
gène, hétérogène) et surtout de reconnaître traitement substitutif par hormones thyroïdiennes (voir
goitre très ferme et douloureux : il s’agit alors
d’authentiques nodules (à distinguer des pseudonodu- modalités dans chapitre Hypothyroïdie). S’il existe un
probablement d’une thyroïdite subaiguë de Quervain.
les de thyroïdite chronique dont les caractéristiques goitre associé, certains proposent comme objectif
■ On découvre un goitre de consistance ferme : il
échographiques sont différentes et qui n’ont pas la d’obtenir une TSH dans les valeurs basses de la
est en faveur d’une thyroïdite lymphocytaire d’origine
même valeur évolutive). normale, dans un but freinateur.
auto-immune ou maladie de Hashimoto, avec ou sans
hypothyroïdie associée. ■ Un dosage des anticorps antithyroïdiens qui Si la TSH est élevée avec un taux de T4 libre dans
■ Il existe des signes d’hypothyroïdie et un affirme le diagnostic. Les anticorps antiperoxydase les limites de la normale (hypothyroïdie subclinique),
contexte évocateur : période du post-partum, (ATPO), anciens « antimicrosomiaux », sont élevés l’évolution vers une franche hypothyroïdie est
volontiers entre le 3 e et le 6 e mois après dans plus de 90 % des cas. Les anticorps probable car le processus auto-immun est évolutif
l’accouchement, orientant vers une thyroïdite antithyroglobuline ne sont élevés que dans 60 à (environ 4 % des cas chaque année). La mise en route
silencieuse. Traitement par interféron alpha en faveur 80 % des cas ce qui rend leur dosage systématique d’un traitement substitutif est donc préférable.
d’une thyroïdite iatrogène. moins intéressant. Si le bilan hormonal est normal et qu’il existe un
■ La scintigraphie ne se justifie que si l’échographie goitre, l’intérêt d’une freination reste très controversée
décèle d’authentiques nodules supracentimètriques. surtout si le goitre n’est pas récent. Nous proposons


La fixation du traceur, iode ou technétium, montre plutôt une surveillance, par exemple clinique et
Thyroïdites auto-immunes classiquement une image hétérogène en « damier », biologique (TSH) une à deux fois par an et
non spécifique, et ne permet donc pas de distinguer un échographique tous les 2 - 3 ans.
vrai goitre multilodulaire d’une thyroïdite chronique
‚ Thyroïdite chronique lymphocytaire de sans vrai nodule. ‚ Thyroïdites silencieuses (ou indolentes)
Hashimoto ■ La présence de nodules froids supracentimétri- Il s’agit essentiellement de la thyroïdite du
ques au sein d’une thyroïdite fait discuter une post-partum.
Elle touche le plus souvent la femme (5 femmes
pour 1 homme), fréquente (4 % de la population). Le cytoponction. Elle est souvent méconnue. Il faut donc doser la TSH
goitre est souvent au premier plan puisque présent au moindre doute en cas d’anomalie compatible avec
dans 80 % des cas. Dans moins de 20 % des cas le Diagnostic différentiel une hypothyroïdie dans les mois suivants
goitre s’accompagne de signes d’hypothyroïdie. l’accouchement. Un syndrome dépressif est souvent
■ Le goitre simple : anticorps négatifs, euthyroïdie,
banalisé après un accouchement mis sur le compte
La présentation est parfois trompeuse : échogénicité normale.
d’un baby-blues et peut refléter une hypothyroïdie.
– le goitre n’est pas homogène, mais de ■ Une hypothyroïdie iodo-induite : anamnèse
L’évolution est biphasique :
consistance nodulaire ou pseudonodulaire ; anticorps négatifs, fixation bonne malgré la surcharge
– du 1er au 3e mois, une phase d’hyperthyroïdie
– il n’y a pas de goitre. On parle alors de thyroïdite iodée, iodurie des 24 heures augmentée.
rarement symptomatique. Parallèlement se constitue
atrophique qui peut être considérée comme un stade ■ Une maladie de Basedow : goitre vasculaire, un petit goitre indolore, modéré ;
tardif d’évolution d’une thyroïdite de Hashimoto ; anticorps antirécepteurs de la TSH élevés, – dans un deuxième temps, après le 3e mois,
– il peut exister une gêne cervicale, parfois même hyperfixation homogène et intense à la scintigraphie. s’installent des signes d’hypothyroïdie avec
une douleur ; En pratique, on ne peut guère distinguer autrement récupération spontanée dans la plupart des cas en
– il existe des signes d’hyperthyroïdie. C’est la que sur l’évolution une maladie de Basedow d’un quelques mois.
classique hashitoxicose (moins de 5 % des cas). Hashitoxicosis qui est une forme de passage entre les
Il faut s’enquérir des antécédents familiaux de deux thyréopathies auto-immunes dont l’expression Comment affirmer le diagnostic ?
© Elsevier, Paris

maladie thyroïdienne et des antécédents clinique différente est liée à la prépondérance de telle Le contexte est déjà évocateur.
personnels de maladie auto-immune : vitiligo, ou telle catégorie d’anticorps. L’échographie a sa place comme dans toute
diabète insulinodépendant, maladie de Biermer, ■ Un goitre multilodulaire : anticorps négatifs, vrais exploration d’un goitre. Elle montre un parenchyme
insuffisance surrénale (syndrome de Schmitt), nodules à l’échographie sans hypoéchogénicité un peu hypoéchogène au sein d’un goitre en règle
ménopause précoce. globale. modéré.

1
3-0490 - Thyroïdites

Les ATPO sont élevés dans plus de 3/4 des cas. pseudonodulaire dont l’évolution se fait selon une prednisone ou prednisolone. On maintient cette dose
La scintigraphie confirmerait le diagnostic : elle est séquence à « bascule ». pendant au moins 15 jours et on diminue
« blanche « au stade d’hyperthyroïdie, la récupération progressivement pour une durée totale d’environ deux
du contraste se faisant progressivement dans la Examens complémentaires mois. Des rebonds peuvent émailler l’évolution
seconde phase. ¶ Lesquels sont à demander en cas de suspicion de spontanée ou sous traitement.
thyroïdite subaiguë de de Quervain ? Pour lutter contre l’hyperthyroïdie, on peut recourir
Quel traitement ? – La NFS montre une hyperleucocytose avec à des bétabloquants. En cas d’hypothyroïdie, le recours
Il dépend du statut thyroïdien. Au stade polynucléose. La VS est toujours augmentée, souvent au traitement substitutif ne se justifie qu’en cas de
d’hyperthyroïdie, le traitement est rarement utile. Les supérieure à 80. symptômes cliniques. Le risque d’hypothyroïdie
antithyroïdiens de synthèse ne sont pas justifiés car – La TSH se situe dans la zone de l’hyperthyroïdie définitive est faible (moins de 5 %).
inefficaces. On se contente des bêtabloquants avec des taux d’hormones libres normaux ou
modérément augmentés.


(Avlocardylt : 1/2 à 3 comprimés par jour), sous
réserve de l’absence de contre indications. – Le dosage des anticorps antithyroïdiens n’est pas
d’un grand secours diagnostique. Ils sont normaux ou Thyroïdite aiguë infectieuse
Une hormonothérapie substitutive est nécessaire
discrètement augmentés, prédominant parfois sur les
en cas d’hypothyroïdie cliniquement symptomatique. Beaucoup plus rare, elle touche l’adulte jeune
antithyroglobulines.
La durée de traitement n’est pas codifiée car souvent immunodéprimé. Les germes sont soit des
l’évolution est variable, le risque d’hypothyroïdie – Faut-il pratiquer une échographie et une
scintigraphie ? Cocci à Gram positif, soit des bacilles à Gram négatif,
définitive étant toutefois rare. Une fenêtre rarement le Mycobacterium tuberculosis. Des
thérapeutique doit être tentée après quelques mois de – L’échographie est un examen facilement
accessible, peu coûteux, non invasif. L’aspect thyroïdites mycotiques et parasitaires ont été décrites
traitement. chez les patients atteints de sida. Les signes cliniques
échographique est assez caractéristique avec des
Une thyroïdite silencieuse peut survenir en dehors sont spectaculaires : cervicalgies antérieures, thyroïde
contours estompés, des plages hypoéchogènes mal
du post partum avec une évolution également douloureuse à la palpation, parfois fluctuante (abcès),
limitées.
biphasique et un tableau similaire. syndrome infectieux. Le diagnostic est confirmé par
– La scintigraphie moins facilement disponible,
plus coûteuse, est néanmoins d’une aide précieuse en l’échographie thyroïdienne. Il faut réaliser des


cas de doute diagnostique. Elle montre une absence prélèvements bactériologiques qui imposent souvent
quasi totale de fixation du traceur à la phase initiale. l’hospitalisation en vue d’une antibiothérapie adaptée.
Thyroïdite subaiguë de Des complications septiques et mécaniques (fistule
de Quervain
Quel autre diagnostic faut-il évoquer trachéo-oesophagienne ou médiastinite) sont
C’est une affection inflammatoire et réversible de la devant une cervicalgie antérieure ? exceptionnelles. On recherche le VIH. Le diagnostic
thyroïde. Son origine virale est probable comme en différentiel principal est celui de thyroïdite subaiguë de
Essentiellement un hématocèle. L’absence de
atteste son caractère épidémique et saisonnier à la fin de Quervain.
signes inflammatoires généraux et l’échographie
du printemps ou en été. Elle touche le plus souvent les permettent de trancher.


femmes entre 30 et 60 ans. De manière beaucoup plus exceptionnelle :
– certaines formes de début des thyroïdites de Thyroïdite fibreuse de Riedel
‚ Diagnostic Hashimoto (pas d’hyperthyroïdie biologique,
Le motif de consultation est le plus souvent une scintigraphie non blanche) ; Tout à fait exceptionnelle, il s’agit d’une fibrose
cervicalgie antérieure avec irradiation ascendante vers – la thyroïdite aiguë (immunodépression, tableau dense de la thyroïde et des tissus avoisinants
les mâchoires et les oreilles. septique sévère) ; responsables d’un goitre diffus, dur, adhérent au
À l’interrogatoire, il faut rechercher un épisode ORL – un cancer thyroïdien anaplasique (augmentation tissu voisin et associé à des signes de
type rhinopharyngite dans les jours précédants. rapide du volume de la thyroïde, sujet âgé). compression (dysphagie, dyspnée, dysphonie par
L’examen clinique retrouve un goitre modéré de atteinte récurentielle). Elle touche plus volontiers
Quel traitement ?
consistance dure, douloureux à la palpation, le plus l’adulte de plus de 50 ans, parfois associée à
souvent sans adénopathie. Il peut exister une fièvre et L’évolution spontanée se fait vers la guérison en d’autres maladies fibrosantes (fibrose rétropérito-
un syndrome grippal associé. Une phase d’hyperthy- quelques semaines avec parfois une phase néale). Il n’y a pas de dysthyroïdie. Le diagnostic
roïdie liée au relargage des hormones thyroïdiennes d’hypothyroïdie en règle asymptomatique. différentiel essentiel est celui d’un cancer
est habituelle au début de la maladie. Celle-ci est On peut proposer pour lutter contre les douleurs anaplasique ce qui justifie une vérification
modérée, rapidement réversible, pouvant évoluer cervicales, de l’aspirine à fortes doses (anti- histologique. Le pronostic est toutefois réservé,
secondairement vers une hypothyroïdie, le plus inflammatoires) : 2 à 3 g/j. Il ne faut pas hésiter à compte-tenu du caractère très infiltrant et
souvent transitoire. Parfois, il s’agit d’une forme recourir à la corticothérapie dans les formes fibrosant de cette maladie. Le traitement est
localisée à un seul lobe, avec une présentation hyperalgiques rebelles à l’aspirine : 0,5 à 1 mg/kg/j de chirurgical et avant tout décompressif.

Marc Popelier : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,


clinique du Mesnil, 46, rue Raymond Berrurier, 78320 Le Mesnil Saint-Denis, France.
Thierry Delbot : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris,
service central de médecine nucléaire, groupe hospitalier, Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Popelier et T Delbot. Thyroïdites.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0490, 1998, 2 p

Références

[1] Dayan CM, Daniels GH. Chronic autoimmune thyroiditis. N EnglJ Med [2] Maréchaud R. Thyroïdites. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Endocrinologie-
1996 ; 335 : 99-107 Nutrition, 10-008-A-40, 1992 : 1-10

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3-0510

3-0510
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Hyperparathyroïdie

F Oberlin, AC Koeger

P athologie fréquente, l’hyperparathyroïdie est dominée par deux de ses aspects : l’hyperparathyroïdie primaire,
de découverte souvent fortuite lors de bilans biologiques systématiques, et l’hyperparathyroïdie secondaire
des insuffisances rénales. Nous envisagerons, dans un premier temps, les aspects diagnostiques et thérapeutiques de
l’hyperparathyroïdie primaire, avant de traiter les grandes lignes du traitement de l’hyperparathyroïdie au cours de
l’insuffisance rénale, qui nous paraît relever d’un milieu spécialisé.
© Elsevier, Paris.


anticorps dirigés contre la partie moyenne de la
Hyperparathyroïdie primaire Tableau I. – Manifestations classiques de molécule, qui reconnaissent également des
l’hyperparathyroïdie primaire.
fragments C-terminaux inactifs.

‚ Bases épidémiologiques Manifestations rénales :


- lithiase rénale ‚ Traitement
L’hyperparathyroïdie primaire (HPT 1) touche, - néphrocalcinose
avec une prédominance féminine (deux ou trois - baisse de la clairance de la créatinine Traitement de l’hypercalcémie aiguë sévère
femmes pour un homme), des sujets de plus de 30 - fuite de phosphates
- acidose hyperchlorémique En cas d’hypercalcémie aiguë sévère, le
ans, avec une prévalence pouvant aller jusqu’à 1 à
traitement doit être entrepris dans un centre de soins
2 % de la population de plus de 70 ans. En fait, cette Manifestations osseuses :
- déminéralisation à prédominance corticale intensifs. Il faut corriger la déshydratation, souvent
prévalence pourrait être en cours de diminution,
- augmentation du risque fracturaire ? importante, induite par la polyurie liée à
sans que l’origine de cette baisse soit connue [16].
- ostéite fibrokystique l’hypercalciurie, grâce à des apports d’eau et de
L’hyperproduction de parathormone est due près
Manifestations musculaires : sodium par voie veineuse. Le furosémide (Lasilixt),
de neuf fois sur dix à un (ou plusieurs) adénome(s),
- diminution de la force musculaire en réduisant la réabsorption tubulaire du sodium,
beaucoup plus rarement à une hyperplasie primitive
réduit celle du calcium. Son utilisation à très fortes
des quatre parathyroïdes, exceptionnellement à un Manifestations neuropsychiatriques :
doses, pouvant dépasser 1,2 g/j, nécessite une
cancer parathyroïdien (moins de 1 % des HPT 1). - fatigue
- dépression ? compensation rigoureuse des pertes hydriques par
‚ Diagnostic - psychose ? des solutions salines. Les explorations complémen-
taires doivent être réduites au minimum en raison
Actuellement, la découverte d’une hypercalcémie Manifestations gastro-intestinales :
- ulcère gastrique du risque vital : c’est le seul cas où une cervicotomie
est le plus souvent fortuite (plus de 80 % des patients exploratrice peut être entreprise sans certitude
- pancréatite ?
sont asymptomatiques). Les manifestations rénales diagnostique.
sont peu fréquentes (moins de 20 %), et les signes Manifestations articulaires :
osseux sont le plus souvent réduits à une - chondrocalcinose
Existe-t-il un traitement médicamenteux
déminéralisation banale bien que le tableau clinique Hypertension ? des formes modérées d’hyperparathyroïdie
des formes classiques soit plus riche (tableau I). primaire ?
Exceptionnellement, le diagnostic est évoqué lors
On s’interroge actuellement sur l’efficacité de deux
d’une poussée aiguë d’hypercalcémie associant
types de traitement au cours de l’HPT 1 : le traitement
polyuropolydipsie, constipation, obnubilation, L’hypercalcémie est le plus souvent modérée,
œstrogénique substitutif et les bisphosphonates.
confusion, voire coma, imposant l’hospitalisation en mais peut parfois être difficile à mettre en évidence.
urgence (fig 1). La correction de la calcémie en fonction des protides ¶ Traitement œstrogénique substitutif
C’est l’association d’une hypercalcémie et d’une totaux ou de l’albuminémie, ou mieux, la mesure L’HPT 1 concerne fréquemment des femmes
directe du calcium ionisé, peuvent être plus
© Elsevier, Paris

parathormone haute ou normale/haute, inadaptée ménopausées. Bien que l’existence d’un risque
à l’hypercalcémie, qui permet de poser le particulièrement utiles. fracturaire soit controversée au cours de l’HPT 1, une
diagnostic. Une hypophosphatémie avec Le dosage de la parathormone intacte [1, 14] partie au moins de cette population est à risque.
abaissement de la réabsorption tubulaire des permet de mesurer l’hormone biologiquement Dans une étude randomisée contre placebo sur
phosphates est souvent associée. active, à l’inverse des méthodes utilisant des 2 ans [6], le traitement œstrogénique ne modifie pas

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3-0510 - Hyperparathyroïdie

Tableau II. – Effets cliniques attendus d’une


Découverte d'une hypercalcémie cure chirurgicale d’adénome parathyroïdien.

Rein : diminution des récidives de lithiase, amélio-


> 140 mg/L 120-140 mg/L 105-120 mg/L ration de la fonction rénale
Os : augmentation de la densité minérale lombaire
et fémorale [14]
Symptômes cliniques Pas de symptômes Muscle : augmentation de la force musculaire
ou électriques en Hypertension artérielle : peu ou pas d’effet, réduc-
rapport avec tion de la mortalité d’origine cardiovasculaire ( ?)
l'hypercalcémie Troubles psychiques :
Réhydratation per os - amélioration de l’asthénie et de la lassitude
Dosage parathormone 1-84 - effets sur les troubles psychiques des sujets âgés ?
Créatinine

Hospitalisation urgente Parathormone élevée Parathormone basse Tableau III. – Les indications chirurgicales
Réhydratation + furosémide IV Fonction rénale normale Enquête étiologique formelles selon la conférence de consensus du
Chirurgie si suspicion d'HPT 1 National Hearth Institute [5].

Hypercalcémie supérieure à 120 mg/L (supérieure


Hyperparathyroïdie primaire à 3 mmol/L)
Néphrocalcinose, lithiase rénale, calciurie des
24 heures supérieure à 250 mg (6,25 mmol) chez
(Échographie) les femmes et 300 mg (7,5 mmol) chez les hommes
Chirurgie en milieu spécialisé Densité minérale osseuse inférieure à -2,0 DS par
rapport à une population de même âge et de même
1 Conduite à tenir lors de la découverte d’une hypercalcémie. IV : intraveineux ; HPT 1 : hyperparathyroïdie sexe (Z-score)
primaire.
Patients de moins de 50 ans (après avoir éliminé
une hypercalcémie hypocalciurique familiale)
la valeur du calcium ionisé ou de la parathormo- Les traitements médicamenteux qui pourraient
némie chez les femmes traitées. En revanche, on avoir une indication au cours de l’HPT 1 visent à DS : déviation standard.

observe une baisse significative de la calciurie freiner directement la sécrétion parathyroïdienne.


ayant une carence en 25 OH vitamine D, une
(supérieure à 30 %) et des marqueurs du C’est le cas des dérivés non hypercalcémiants de la
fonction rénale « limite » et des phosphatases
remodelage osseux, et une augmentation de la 1,25 (OH)2 D et des agonistes des récepteurs
alcalines élevées.
densité minérale, tant au niveau du rachis lombaire calcium-sensibles [13] , actuellement en cours
Les résultats à attendre de l’intervention sont
que du col fémoral. Bien qu’il n’existe pas de d’évaluation.
résumés dans le tableau II. Une étude récente [15] a
données au long cours, un traitement hormonal
Traitement chirurgical mis en évidence une hypertrophie ventriculaire
substitutif doit être proposé à toute femme
gauche chez les patients ayant une hyperparathy-
ménopausée ayant une HPT 1, ce d’autant que son ¶ Localisation de l’adénome roïdie. Cette hypertrophie régresserait après chirurgie
effet protecteur sur le plan cardiovasculaire a une L’échographie a l’avantage de sa simplicité et de son chez les patients n’ayant pas d’hypertension, ce qui
utilité particulière au cours de cette maladie. faible coût. Entre des mains expérimentées, un appareil paraît un argument en faveur d’une intervention
temps réel de haute définition permet d’obtenir une
¶ Bisphosphonates aussi précoce que possible.
sensibilité de 75 % et une spécificité de 95 % [9]. Deux
Les bisphosphonates avaient potentiellement
facteurs essentiels font baisser la sensibilité : l’existence Évolution spontanée de l’HPT 1
un intérêt thérapeutique au cours de l’hypercal-
de nodules thyroïdiens et l’âge avancé du patient
cémie de l’HPT 1 du fait de leur action L’évolution spontanée des formes modérées d’HPT
(cervicarthrose, athérome carotidien...). C’est le seul
antiostéoclastique. En fait, qu’ils soient administrés 1 reste pleine d’incertitude. L’étude classique de la
examen qui nous paraisse licite lors d’une première
per os ou par voie veineuse, leur efficacité est Mayo Clinic [12] fait état d’une absence de variation de
intervention : l’examen réalisé au cours de
inconstante et transitoire sur la calcémie. La baisse la fonction rénale au bout de 10 ans de suivi, mais
l’intervention par le chirurgien est le seul qui trouve
de la calcémie s’accompagne alors d’une 20 % des patients initiaux ont été opérés et 20 % ont
l’adénome dans plus de 90 % des cas. La scintigraphie
majoration de l’hyperparathormonémie et d’une été perdus de vue. De plus, le prix du suivi atteignait
au méthoxy-isobutyl-isonitrile technétié (MIBI-Tc), qui
augmentation de la 1,25 (OH)2 D. De plus, les celui de la chirurgie au bout de 5 ans ½. Sur le plan
permettrait de dépister des masses de 225 mg [7], voire
symptômes cliniques des patients ainsi traités ne osseux, l’accentuation de la déminéralisation ou
le scanner et l’imagerie par résonance magnétique, qui
sont pas modifiés, soulignant que l’hypercalcémie l’existence d’un risque fracturaire paraissent dépendre
ne détecteraient pas de masse inférieure à 1 cm, ne sont
ne joue qu’un rôle mineur dans les symptômes du statut vitaminique D. Enfin, aucun élément ne
indiqués que lors d’une réintervention.
cliniques des formes modérées d’HPT 1 [11]. Enfin, permet de prédire la survenue (exceptionnelle) d’une
ces traitements sont potentiellement dangereux en ¶ Qu’attendre d’un geste chirurgical ? crise aiguë hypercalcémique.
cas d’intervention secondaire : en postopératoire, il Une première intervention, selon les équipes et
existe un « syndrome d’avidité osseuse », avec une les données cliniques et paracliniques, peut être Indications thérapeutiques
importante captation de calcium par l’os. réalisée par un abord unilatéral sous anesthésie En présence d’un patient ayant une HPT 1, le
L’équilibre calcémique est alors maintenu par une locale, avec contrôle peropératoire de la choix doit être fait entre chirurgie et abstention. La
hyperparathyroïdie (secondaire cette fois) et la parathormone 1-84 [2], ou sous anesthésie générale, conférence de consensus du National Hearth
mobilisation du calcium osseux. Cette mobilisation avec mise en évidence systématique des quatre Institute [5] a proposé des critères justifiant une
est rendue impossible par la présence de glandes parathyroïdiennes [10]. La normalisation de intervention chirurgicale (tableau III), auxquels il
bisphosphonates sur l’os, avec un risque la parathormonémie est ainsi obtenue d’emblée nous paraît nécessaire d’ajouter les pancréatites et
d’hypocalcémie prolongée majeure. Ajoutons que chez plus de 90 % des patients. En postopératoire, il les ulcères gastriques. Cependant, la parathyroïdec-
l’acide clodronique (Clastobant) n’est indiqué que peut exister une hypocalcémie par avidité osseuse tomie étant, entre des mains expérimentées, une
dans les cas d’hypercalcémie d’origine maligne. qui s’observe plus fréquemment chez les sujets âgés intervention dépourvue de complications majeures,

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Hyperparathyroïdie - 3-0510

peut, de plus, être toxique pour le cerveau et


Tableau IV. – Mesures proposées à des pa- Tableau V. – Les signes radiologiques de l’os- l’érythropoïèse. Enfin, son dépistage par le test à la
tients ayant une hyperparathyroïdie primaire téite fibreuse.
desferrioxamine [8] est source d’accidents toxiques.
(HPT 1) modérée, (hypercalcémie voisine de
2,8 mmol/L), refusant une intervention Augmentation de la résorption osseuse ¶ Sels de calcium
chirurgicale. Sous-périostée :
Le carbonate de calcium est le plus utilisé, car il a
- bord radial 2e phalange des 2e et 3e doigts
- houppes phalangiennes l’avantage d’être alcalinisant. La posologie doit être
Apports calciques normaux pour éviter d’accroître
la déminéralisation osseuse - crâne : aspect « poivre et sel » supérieure à 1,5 g/j, dose à laquelle la balance
Amincissement des corticales calcique des patients urémiques est positive ou
Assurer une diurèse abondante : se méfier des épi- Aspect flou de l’os trabéculaire équilibrée. La posologie, adaptée individuellement en
sodes de diarrhée et de vomissements
Ostéosclérose fonction de la phosphorémie, peut atteindre 4 à 7 g/j.
Apprendre au patient la symptomatologie évoca- Augmentation de la densité des plateaux verté- La prise doit avoir lieu au milieu du repas afin de
trice d’hypercalcémie aiguë ; braux : aspect en « maillot de joueur de rugby » maximiser l’effet chélateur sur le phosphore et de
Surveillance biologique régulière (rein +++) Calcifications des tissus mous réduire l’absorption du calcium. L’hypercalcémie est
Périarticulaires et vasculaires en effet la complication majeure de cette calcithérapie,
Mesure de densité osseuse lors du diagnostic, répé-
Plus rarement viscérales (poumon, cœur) et qu’elle soit associée ou non à une vitaminothérapie D.
tée 2 ans plus tard
cutanées
Le citrate de calcium est également bien toléré,
Traitement de toute hypertension artérielle ; traite-
ment œstrogénique substitutif mais il favorise l’absorption intestinale de l’aluminium.

Pas de diurétique thiazidique, pas de digitaline ; ‚ Principes thérapeutiques


Dérivés de la vitamine D
surveillance biologique en cas de prise de Au cours de l’insuffisance rénale, les mesures de
théophylline L’utilisation, à doses pharmacologiques, de la 1,25
prévention de l’hyperparathyroïdisme secondaire
(OH)2 D est abandonnée du fait de la rémanence de
doivent être prises précocement, dès que la filtration
son action hypercalcémique. Cependant, chez les
elle nous paraît devoir être proposée à tous les glomérulaire baisse en dessous de
dialysés présentant des taux bas de 25 OH
patients, même s’ils sont âgés [3]. En cas de refus, le 60 mL/min/1,73 m2, afin d’éviter, dans la mesure du
vitamine D, la supplémentation avec de la vitamine
tableau IV résume la conduite à tenir. possible, l’hyperplasie des parathyroïdes.
D 2 , D 3 , ou de la 25 OH vitamine D à dose
physiologique (800 UI/j ou 10 µg/j) est de règle.
Diététique


L’utilisation des dérivés 1-alpha-hydroxylés se heurte
Chez les patients ayant une insuffisance rénale au fait qu’ils augmentent l’absorption intestinale du
Hyperparathyroïdie secondaire
modérée, la réduction des apports en phosphore calcium et du phosphore. Ils sont utilisés à la phase de
réduit l’hyperparathormonémie. Les apports prédialyse de l’insuffisance rénale à faibles doses en
L’hyperparathyroïdie secondaire est caractérisée alimentaires en phosphore (1,0 à 1,8 g/j) raison du risque d’hypercalcémie et d’hypercalciurie,
par une hyperplasie des quatre glandes, en réponse proviennent essentiellement de la viande, du sans qu’il existe de certitude quant à la supériorité de
à une hypocalcémie chronique, comme on peut en poisson, des œufs, des produits laitiers et des ce traitement par rapport à un traitement par le
observer au cours des carences en vitamine D, des céréales. Ils doivent être abaissés au-dessous de carbonate de calcium. Chez les dialysés, l’existence
malabsorptions d’origine digestive, chez les 1 000 mg/j chez les patients ayant une insuffisance d’une relation étroite entre le taux de parathormone
gastrectomisés... En fait, l’essentiel des problèmes modérée, ce qui nécessite une réduction drastique 1-84 et les lésions histologiques osseuses [4] permet de
thérapeutiques se rencontre au cours des des apports en protéines animales et végétales, ainsi schématiser les indications des dérivés 1-alpha-
insuffisances rénales. Plus de 22 000 patients sont que des produits laitiers. Idéalement, ces apports hydroxylés de la vitamine D.
actuellement dialysés en France. devraient même être réduits à 600 mg/j, mais cette Dans les cas d’hyperparathyroïdies sévères
réduction est insupportable pour la majeure partie (parathormone à plus de dix fois la normale), la
‚ Physiopathologie des patients, ce qui rend indispensable le recours phosphorémie et la calcémie étant contrôlées
La physiopathologie de l’hyperparathyroïdisme aux chélateurs du phosphore. (chélateurs du phosphore, composition du bain de
au cours de l’insuffisance rénale [1] est schématisée dialyse), le traitement comporte des doses
dans la figure 2. Complexants intestinaux du phosphore
quotidiennes de 0,25 à 2 µg/j de calcitriol ou de 0,5
L’utilisation de complexants aluminiques à 4 µg/j de 1-alpha-(OH) D3. La supériorité de
‚ Manifestations radiologiques (carbonates ou hydroxydes) doit être évitée, même à l’administration intermittente orale ou intraveineuse
Les signes radiologiques de l’ostéite fibreuse sont dose modérée, en raison du risque d’apparition des dérivés 1-alpha-hydroxylés, par rapport à une
exposés dans le tableau V. d’ostéopathie adynamique. La surcharge aluminique administration continue, n’a pas été démontrée.
Lorsque les taux de parathormone sont entre trois
2 Mécanismes princi- et six fois ceux de la normale, l’indication du
Réduction de la masse néphronique Carence en 25 OH vitamine D traitement doit être discutée, en particulier si les
paux de l’hypersécrétion
Acidose parathyroïdienne au cours examens successifs mettent en évidence une
Baisse de l'activité de l’insuffısance rénale. augmentation progressive de ce taux. Lorsque le
Rétention de toxines urémiques de la 1-alpha-hydroxylase taux de parathormone est situé entre une fois et
Rétention de phosphore demie et trois fois la normale, il n’y a pas d’indication
à un traitement qui, en freinant la parathormone,
Carence d'apports risque d’induire une ostéopathie adynamique. Enfin,
Baisse de la 1,25 (OH)2 D
calciques lorsqu’un patient a une parathormone dans les
limites des valeurs normales, son turnover osseux
est a priori normal, et il n’y a pas d’indication à
Baisse du calcium ionisé
l’administration d’un dérivé 1-alpha-hydroxylé.

Parathyroïdectomie
Augmentation de la parathormone
Les indications de la parathyroïdectomie sont
schématisées dans le tableau VI. Dans la période

3
3-0510 - Hyperparathyroïdie

postopératoire, il faut se méfier de la survenue possible


d’hypocalcémies majeures dues au « syndrome
Tableau VI. – Indications de la parathyroïdectomie au cours de l’insuffisance rénale (d’après [1]).
d’avidité osseuse », qui peuvent provoquer des crises Indications absolues
convulsives. Ces crises peuvent survenir dans les 24 à
Hypercalcémie + hyperphosphorémie induites par le traitement médical avec parathormone élevée (plus de
36 heures qui suivent l’intervention, mais peuvent être sept fois la normale), après élimination des autres causes d’hypercalcémie et en particulier d’une intoxica-
plus tardives (3 à 4 semaines), volontiers dans les tion par l’aluminium
heures qui suivent une dialyse. Le traitement nécessite
Nécrose ischémique cutanée des extrémités en rapport avec une calciphylaxie
une calcithérapie, administrée dans un premier temps
par voie veineuse, et l’administration de dérivés Indications relatives
1-alpha-hydroxylés de la vitamine D, sous contrôle Ostéite fibreuse incomplètement contrôlée par le calcitriol
régulier de la calcémie, de la phosphorémie et de la
Prurit rebelle avec taux élevé de parathormone
magnésémie. Le traitement de l’hyperphosphorémie
n’est pas indiqué dans cette situation, car il risque
d’accentuer l’hypocalcémie.

Flavien Oberlin : Ancien chef de clinique-assistant.


Anne-Claude Koeger : Praticien hospitalier.
Service de rhumatologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Oberlin et AC Koeger. Hyperparathyroïdie.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0510, 1998, 5 p

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4
3-0512

3-0512
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Hypoparathyroïdie

F Oberlin, AC Koeger

L e terme d’hypoparathyroïdie recouvre un groupe de syndromes métaboliques associant une hypocalcémie et


une hyperphosphatémie. Deux grands types sont schématiquement opposés : les hypoparathyroïdies vraies,
qui résultent de l’absence ou de l’insuffisance de la sécrétion parathyroïdienne, et les pseudohypoparathyroïdies, liées
à un défaut de l’action de la parathormone. Il en existe plusieurs types.
© Elsevier, Paris.


molécules effectrices, parmi lesquelles l’adénylcy- musculaires, de fatigue, d’irritabilité et d’anxiété. Des
Physiopathologie clase, dont la stimulation entraîne la formation manifestations neurologiques peuvent être
de l’hypocalcémie
d’adénosine monophosphorique cyclique (AMPc). rencontrées : spasme carpopédal, laryngospasme,
Le calcium sérique existe sous trois formes : ionisé Une hypocalcémie pouvant s’accompagner de crises convulsives... L’hypocalcémie peut
(50 %), lié à des ions phosphates ou citrates (10 %), manifestations cliniques peut survenir si la s’accompagner de manifestations électriques, tant
et lié aux protéines (40 %). La concentration sérique production de parathormone ou de 1,25 (OH)2 D3 sur le plan cérébral que cardiaque. L’espace QT,
du calcium ionisé est maintenue, dans des limites est déficiente, ou s’il existe une altération au niveau corrigé pour le rythme cardiaque, peut être
étroites, par la parathormone et la 1,25 (OH)2 D3. des organes cibles [8]. augmenté : QTc = QT/= (R - R) 1/2 supérieur à 0,40
Lors d’une baisse du calcium ionisé, la sécrétion de la seconde chez l’homme et 0,45 seconde chez la
femme. Le dysfonctionnement cardiaque peut aller


parathormone est régulée par un récepteur
calcium-sensible situé à la surface des cellules jusqu’à l’insuffisance cardiaque réfractaire,
Manifestations cliniques nécessitant la correction de l’hypocalcémie.
parathyroïdiennes. La parathormone ainsi sécrétée
provoque, en quelques minutes, une augmentation Le caractère chronique d’une hypocalcémie peut
de la réabsorption tubulaire du calcium, une Il n’existe pas de corrélation stricte entre être évoqué devant une raréfaction de la pilosité,
augmentation de l’activité des ostéoclastes et, en 1 à l’importance de l’hypocalcémie et l’existence de une peau sèche, une hypoplasie de l’émail dentaire,
2 jours, une augmentation de l’absorption intestinale manifestations cliniques. Certaines hypocalcémies une cataracte chez un sujet jeune. Enfin, peuvent
du calcium par le biais du système vitaminique D. La chroniques n’occasionnent que peu ou pas de exister des calcifications cérébrales, à rechercher par
parathormone exerce ses effets sur l’os et le rein par symptômes, et sont des découvertes d’examens scanner plutôt que par radiographies simples.
l’intermédiaire d’un même récepteur spécifique. Ce systématiques. Les manifestations mineures sont Les patients ayant une hypoparathyroïdie ont, en
récepteur est couplé, par l’intermédiaire de G constituées de paresthésies péribuccales, de règle, une densité minérale élevée. Parmi les patients
protéines (protéines guanosine-dépendantes), à des dysesthésies des extrémités, de crampes ayant une pseudohypoparathyroïdie, ceux ayant un

1 En présence d’une hypocalcémie, rechercher une


Hypocalcémie Contrôle protidémie/albuminémie carence en vitamine D, une insuffısance rénale et une
carence magnésienne avant d’envisager un diagnostic
En cas de perturbation du métabolisme des protéines, d’hypoparathyroïdie ou de pseudohypoparathyroïdie.
mesure directe du calcium ionisé

Clairance de la créatinine selon Cockroft

Dosage de la phosphatémie et de la parathormone 1-84

Hypocalcémie/hypophosphorémie Hypocalcémie/hyperphosphorémie
Recherche d'un déficit magnésien :
Parathormone normale ou haute – magnésium sérique + globulaire
Carence en vitamine D – magnésurie des 24 heures
© Elsevier, Paris

Parathormone basse Parathormone haute


Hypoparathyroïdie Pseudohypoparathyroïdie

1
3-0512 - Hypoparathyroïdie

type Ib ont souvent une ostéopénie, voire des phosphaturie ; ceux ayant une pseudohypoparathy- ‚ Vitamine D
lésions osseuses, évoquant une hyperparathyroïdie. roïdie de type II ont une réponse en AMPc, mais pas
Le traitement des hypoparathyroïdies fait appel
de modification de la phosphaturie.
aux dérivés de la vitamine D ; le traitement par
L’existence, à côté du syndrome biochimique


parathormone 1-34 synthétique n’est actuellement
évocateur de pseudohypoparathyroïdie, d’une
Diagnostic qu’expérimental [10].
dysmorphie d’Albright (petite taille, faciès lunaire,
Le traitement au long cours, par des dérivés non
brachydactylie, ossifications hétérotopiques,
1-α-hydroxylés (ergocalciférol ou colécalciférol), est
hypoplasie de l’émail dentaire, retard mental) et de
Le diagnostic d’hypoparathyroïdie (fig 1) est possible mais peu utilisé en raison des fortes doses
résistances hormonales multiples (hypothyroïdie,
suspecté devant l’association d’une hypocalcémie nécessaires, de la toxicité potentielle du fait d’une
hypogonadisme...), est en faveur d’une
(calcémie inférieure à 2 mmol/L) et d’une demi-vie longue et de l’absence d’effet direct sur la
pseudohypoparathyroïdie de type Ia.
hyperphosphatémie (phosphorémie supérieure à sécrétion parathyroïdienne.
1,7 mmol/L), en l’absence d’insuffisance rénale [3]. Deux produits 1-α-hydroxylés sont disponibles :


Cependant, lors de carences profondes en calcium, – l’alfacalcidol : Un-Alfat [1-α-(OH) D3], disponible
magnésium ou vitamine D, des tableaux Traitement en gouttes (1 goutte : 0, 10 µg) ou sous forme de
biochimiques d’hypoparathyroïdie ou de capsules à 0, 25 et 1 µg ;
pseudohypoparathyroïdie, réversibles sous
‚ Traitement de la crise aiguë – le calcitriol : Rocaltrolt (1,25 dihydroxycholécal-
traitement, peuvent être observés, soulignant hypocalcémique de l’adulte ciférol [1,25 (OH) 2 D3]) disponible sous forme de
l’importance des ions Ca++ et Mg++ comme seconds capsules à 0, 25 µg.
messagers intracellulaires [2]. Cette notion ne doit pas Il se fait par l’injection par voie intraveineuse lente
(3 à 5 min) d’une ampoule de glubionate de calcium Bien qu’il s’agisse de dérivés 1-α-hydroxylés, ils ne
être oubliée dans les formes atypiques découvertes
(Calcium Sandozt), ou de galactogluconate de sont pas équivalents : le passage éventuel d’un
chez des adultes [9].
calcium (Calcibronatt). Ce traitement peut être dérivé à l’autre doit être entouré d’une surveillance
Le dosage de parathormone 1-84 « intacte » biochimique étroite.
poursuivi sous la forme d’une perfusion de sérum
permet, en règle, de différencier hypoparathyroïdie
glucosé à 5 % contenant 3 à 10 g/j de calcium. Le traitement doit être débuté à dose faible
(parathormone basse ou indétectable) et
Le traitement de l’hypoparathyroïdie et des (0,5 µg/j en 2 prises), sous contrôle hebdomadaire de
pseudohypoparathyroïdie (parathormone élevée).
pseudohypoparathyroïdies est, sauf exception, un la calcémie, de la phosphorémie et de la calciurie des
Les principales étiologies des hypoparathyroïdies 24 heures. Un palier d’1 semaine permet d’attendre
traitement à vie. Son but est de maintenir le taux
figurent dans le tableau I. l’effet maximal du traitement avant de décider d’une
sérique de calcium ionisé dans les limites normales,
La distinction entre les différentes formes de nouvelle augmentation de la posologie.
sans hypercalciurie, et, au cours des pseudohypopa-
pseudohypoparathyroïdie (tableau II) peut être faite L’objectif thérapeutique est de maintenir la
rathyroïdies, de ramener le taux de parathormone à
lors d’une perfusion courte de parathormone calcémie au-dessus de 2 mmol/L, ce qui assure la
la normale.
synthétique 1-34 [6] : les patients ayant une disparition des phénomènes d’hyperexcitabilité
pseudohypoparathyroïdie de type I n’ont ‚ Sels de calcium neuromusculaire et permet la disparition de la
d’augmentation ni de l’AMPc urinaire, ni de la majorité des manifestations cliniques, avec une
L’apport de calcium per os (1 à 2 g/j) est
nécessaire, au début du traitement. Il est souvent calciurie inférieure à 10 mmol/24 h. En effet, la
utile par la suite en raison de la fréquence des calciurie s’élève dès que la calcémie dépasse
Tableau I. – Principales étiologies des
hypoparathyroïdies. carences d’apports calciques, afin de maintenir 2 mmol/L, et ce de façon plus nette chez les patients
ceux-ci au voisinage des apports recommandés. Le ayant une hypoparathyroïdie vraie que chez ceux
Postchirurgicale carbonate de calcium est un peu moins cher et bien ayant une pseudohypoparathyroïdie, du fait de la
Toxique (alcool [5], irradiation) absorbé au niveau intestinal, mais on peut utiliser du réduction plus ou moins marquée de l’action de la
Déficit magnésien [2] parathormone sur l’os ou de la réabsorption
Infiltration (fer, cuivre, tuberculose, amylose, tu- gluconolactate ou du citrate de calcium. Ce dernier
meur...) aurait l’avantage d’être mieux absorbé en cas tubulaire du calcium [7]. Si le risque de lithiase
Auto-immune (association à d’autres endocrinopa- d’achlorhydrie absolue. Seul le phosphate tricalcique calcique est faible, celui de néphrocalcinose est réel.
thies) ne paraît pas adapté au traitement de Lorsqu’une remontée satisfaisante de la calcémie
Anomalie génétique (parathormone, récepteur ionisée ne peut être obtenue qu’au prix d’une
l’hypoparathyroïdie.
calcium-sensible)
Les associations de calcium et de vitamine D n’ont calciurie supérieure à 10 mmol/24 h, l’adjonction
Agénésie (syndrome de Di George...)
Idiopathique aucun intérêt dans cette pathologie, leur contenu en d’un diurétique thiazidique peut être discutée en
vitamine D étant trop faible. milieu spécialisé et sous surveillance biologique
stricte.
Du fait de la persistance d’un certain degré
Tableau II. – Classification schématique des pseudohypoparathyroïdies.
d’activité parathyroïdienne, la posologie moyenne
Pseudohypoparathyroïdie Type Ia Type Ib Type Ic Type II de dérivés de la vitamine D nécessaire pour
équilibrer un patient ayant une pseudohypoparathy-
Dysmorphie d’Albright ± - + -
roïdie est moindre que celle des patients ayant une
Réponse à la perfusion Diminuée Diminuée Diminuée Normale hypoparathyroïdie. Elle se situe en général entre 0,5
de Pth : AMPc néphrogé- et 2 µg/j pour l’alfacalcidol, comme pour le calcitriol.
nique
En cas d’élévation de la calcémie, une réduction de
Réponse à la perfusion Diminuée Diminuée Diminuée Diminuée la dose de vitamine D est nécessaire, si la calcémie
de Pth : réabsorption ne dépasse pas 2,7 mmol/L. Si l’hypercalcémie est
phosphates
sévère, il faut interrompre le traitement, et ne le
Résistances hormonales Multiples Limitées à la Pth Multiples Limitées à la Pth reprendre qu’après normalisation de la calcémie, à
Activité Gsα Diminuée Normale Normale Normale une dose plus faible. Grâce à ces dérivés à demi-vie
brève, cette normalisation ne prend que quelques
Héritabilité Autosomique Autosomique Inconnue Inconnue jours.
dominante dominante
Une fois l’équilibre atteint, les dosages sont
Pth : parathormone ; AMPc : adénosine monophosphorique cyclique. espacés de 4 à 6 semaines pendant plusieurs mois,

2
Hypoparathyroïdie - 3-0512

puis l’on pratique tous les 3 mois le calcul de la souffrance vasculaire, et ne dure que quelques jours. Si
clairance de la créatinine, les dosages de la calcémie,
Tableau III. – Sources potentielles de variation l’hypocalcémie est peu ou pas symptomatique, on
de la calcémie au cours de l’hypoparathyroïdie.
de la phosphorémie et de la calciurie des 24 heures. peut se contenter, les premiers jours, d’une simple
Une surveillance annuelle de l’état du cristallin est Baisse de la calcémie supplémentation calcique : 1 à 2 g/j.
justifiée. Une échographie rénale à la recherche de Traumatisme, infection (candidose digestive mé- En cas de manifestations cliniques ou
lithiase et de néphrocalcinose est nécessaire au connue +) d’hypocalcémie sévère (inférieure à 1,8 mmol/L),
Œstrogènes :
début du traitement, et doit être répétée au bout de l’introduction de vitamine D est nécessaire, de
- grossesse [4]
quelques années. Un certain nombre d’événements - début d’un traitement œstrogénique substitutif préférence sous forme de dérivés à demi-vie
extérieurs sont susceptibles de modifier les besoins Causes médicamenteuses : courte. Le traitement est mis en route pour
en vitamine D (tableau III). - furosémide : Lasilixt plusieurs semaines. La posologie est ensuite
- barbituriques réduite progressivement, tant que la calcémie se
- corticoïdes
maintient au-dessus de 2 mmol/L. Si la calcémie
‚ Hypoparathyroïdie après chirurgie - carence en magnésium
baisse significativement parallèlement à la
thyroïdienne [1] Augmentation de la calcémie réduction de la posologie, l’hypoparathyroïdie
Œstrogènes :
La thyroïdectomie au cours d’une maladie de persiste. L’absence de réponse 6 mois après
- arrêt d’un traitement œstrogénique substitutif
Basedow ou d’un cancer peut s’accompagner d’une - allaitement l’intervention nous paraît signer une hypoparathy-
insuffisance parathyroïdienne dans moins de 10 % Diurétiques thiazidiques roïdie définitive, et le patient doit être informé de la
des cas. Le plus souvent, elle est transitoire, liée à une nécessité d’un traitement à vie.

Flavien Oberlin : Ancien chef de clinique-assistant.


Anne-Claude Koeger : Praticien hospitalier.
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, service de rhumatologie, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Oberlin et AC Koeger. Hypoparathyroïdie.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0512, 1998, 3 p

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3
3-0600
3-0600

Adénomes hypophysaires
Encyclopédie Pratique de Médecine

G Turpin, L Foubert, S Dejager, E Bruckert

L es adénomes hypophysaires représentent 10 à 15 % des tumeurs intracrâniennes.

© Elsevier, Paris.


Introduction
Commande hypothalamique des hormones
antéhypophysaires
Les adénomes hypophysaires, tumeurs bénignes
GnRH GHRH TRH VIP CRH Hormones
dans la grande majorité des cas, peuvent être de ADH hypothalamiques
dimensions variables (microadénome ou stimulantes
macroadénome, respectivement inférieur ou
supérieur à 10 mm de diamètre), sécrétants ou non.
L’exploration biologique permettra de préciser la ou
les sécrétion (s) hormonale (s) et/ou l’insuffisance ACTH
antéhypophysaire partielle ou complète. Seul le FSH GH TSH PRL β lipotrophine Hormones
macroadénome entraînera un syndrome tumoral LH β endorphine antéhypophysaires
hypophysaire (céphalées, troubles visuels). Les
indications thérapeutiques dépendent du type
d’adénome et feront appel selon les cas à
l’intervention chirurgicale (voie haute sous-frontale Hormones
SRIF Dopamine hypothalamiques
ou surtout dans la majorité des cas voie basse freinatrices
transsphénoïdale), à la radiothérapie, au traitement
médical, éventuellement combinés. La surveillance 1 Commande hypothalamique des hormones antéhypophysaires.
post-thérapeutique comprendra :
– la recherche d’une récidive, toujours possible ; – adénome corticolipotrope, responsable d’une l’hyperplasie ou l’adénome thyréotrope,
– la recherche d’une hypersécrétion hormonale maladie de Cushing ; corticolipotrope, gonadotrope, respectivement
persistante en cas d’adénome sécrétant, nécessitant – adénome thyréotrope, responsable d’un secondaires à une insuffisance thyroïdienne,
un traitement complémentaire ; syndrome thyrotoxique pur avec ou sans goitre ; surrénale, gonadique primitives.
– la recherche d’une insuffisance hormonale – adénome gonadotrope, rarement parlant Ces hyperplasies ou adénomes secondaires
complète ou partielle, nécessitant un traitement cliniquement et biologiquement. nécessitent seulement le traitement substitutif de
substitutif indéfiniment poursuivi. Les nouvelles techniques d’études in vitro, l’insuffisance endocrinienne primitive.
peut-être surtout l’immunocytochimie, permettent
‚ Classification neurochirurgicale (Hardy)


aujourd’hui d’avancer les fréquences approximatives
Classifications suivantes : Elles est fondée sur trois critères : le volume de
– 56 % de prolactinomes (si l’on excepte les l’adénome, l’existence ou non d’une expansion
microadénomes, très fréquents) ; suprasellaire, l’existence ou non d’un envahissement
Elles sont de deux types. – 20 % d’adénomes somatotropes ; de la dure-mère qui tapisse le plancher sellaire. Elle
– au moins 10 % d’adénomes gonadotropes (le envisage cinq stades (fig 2).
‚ Classification endocrinienne plus souvent non fonctionnels) ; Il faut ajouter que certains adénomes sécrétants
On distingue, selon le caractère sécrétant ou non – 10 % d’adénomes non sécrétants ; sont mixtes, les deux les plus fréquents étant la
de l’adénome ( fi g 1 ) : les adénomes non – 3 % d’adénomes corticolipotropes et moins de sécrétion concomitante de prolactine et de GH, et
fonctionnels, autrefois appelés « chromophobes », et 1 % d’adénomes thyréotropes. celle de GH et de sous-unité alpha (la sous-unité
les adénomes sécrétants. Soit secondaires, une insuffisance endocrinienne alpha des glycoprotéines étant commune aux
Soit primitifs : chaque hormone hypophysaire périphérique primitive, non ou insuffisamment quatre hormones : FSH, LH, TSH, hCG ; c’est la
peut être sécrétée : traitée pendant de nombreuses années, va entraîner sous-unité bêta qui confère à chacune de ces
hormones leur spécificité).
© Elsevier, Paris

– adénome à prolactine, responsable le plus une augmentation de la releasing hormone


souvent d’un syndrome aménorrhée-galactorrhée hypothalamique correspondante (hormone de (Certains adénomes sont géants, véritable tumeur
chez la femme et d’une impuissance chez l’homme ; libération de la stimuline hypophysaire), d’où de la base du crâne, envahissant toutes les structures
– adénome somatotrope, responsable d’une hyperplasie de la lignée cellulaire intéressée, et avoisinantes [sinus caverneux, sinus sphénoïdal,
acromégalie ; éventuellement adénome secondaire. On a décrit fosses nasales...]).

1
3-0600 - Adénomes hypophysaires

recherchera surtout une insuffisance antéhypophy-


Selle Adénomes Grades saire en sachant que toutes les combinaisons sont
turcique possibles, associant les déficits thyréotrope,
Normale Lésion de quelques mm 0 corticotrope, gonadotrope, somatotrope,
au sein de l'hypophyse prolactinique pour donner au maximum le
panhypopituitarisme :
Trois examens ont une valeur d’orientation :
Normale Microadénome I Extension suprasellaire – l’hémogramme qui révèle une anémie
< 10 mm
normochrome ou hypochrome, normocytaire ;
A B C
– l’ionogramme sanguin qui objective une
hyponatrémie parfois très sévère avec normo- ou
Élargie Macroadénome II
hypokaliémie, secondaire le plus souvent à une
> 10 mm
enclos hémodilution par syndrome de sécrétion
inappropriée d’ADH ;
– il existe souvent une hypoglycémie, parfois
Élargie Macroadénome III
avec envahissement profonde, pourtant bien tolérée, secondaire à la
localisé du plancher carence en deux hormones antéhypophysaires
hyperglycémiantes (la GH, l’ACTH via le cortisol).
Élargie Macroadénome avec IV L’étude endocrinienne, dans ces macroadé-
envahissement nomes, doit être complète, en sachant que le déficit
diffus du plancher hormonal peut être progressif, atteignant
successivement : la fonction somatotrope, la
2 Classification radioanatomique des adénomes hypophysaires. première touchée ; c’est ensuite la LH, la FSH, la TSH,
puis l’ACTH ; la prolactine reste souvent longtemps
intacte.


cycles réguliers anovulatoires ; c’est l’impuissance
Bilan préthérapeutique La fonction thyréotrope sera explorée par le
des macroadénomes sexuelle dans le sexe masculin, plus rarement une
dosage de T4 libre (voire de T3 libre, en sachant que
gynécomastie avec ou sans galactorrhée, une
cette hormone est physiologiquement basse chez le
insuffisance gonadique.
sujet âgé), de TSH à l’état basal et sous stimulation
Les circonstances de découverte sont variables : – D’ACTH (ou de POMC) : c’est la maladie de
par TRH.
un des éléments du syndrome tumoral hypophy- Cushing, avec l’hypercorticisme essentiellement
La fonction corticotrope sera explorée par le
saire, un tableau endocrinien (insuffisance métabolique.
dosage de cortisolémie et d’ACTH à l’état basal à
antéhypophysaire ou hypersécrétion hormonale), – De TSH : c’est un syndrome thyrotoxique pur
8 heures du matin à jeun, le dosage dans les urines
une découverte d’examen radiologique d’hypermétabolisme avec ou sans goitre, sans
des 24 heures du FLU et des 17 OH urinaires. S’il n’y
systématique. ophtalmopathie basedowienne.
a pas de contre-indication (sujet âgé de moins de
– De gonadotrophines (FSH LH) : il est
65 ans, cortisolémie à 8 heures non inférieure à
Syndrome tumoral hypophysaire exceptionnel d’avoir un tableau d’hyperstimulation
5 µg/100 mL), un dosage de F, voire d’ACTH, sera
gonadique. En général, le diagnostic préopératoire
Il comprend typiquement : effectué sous stimulation par hypoglycémie
est celui d’adénome hypophysaire non fonctionnel,
– des céphalées : évocatrices d’une augmen- insulinique. Ce test, s’il existe une contre-indication,
et c’est l’immunocytochimie du tissu adénomateux
tation de la tension intrasellaire si elles sont pourra être remplacé par une stimulation de F par le
qui rectifie le diagnostic.
médiofrontales ou bitemporales, souvent beaucoup Synactènet ordinaire.
plus banales ; ¶ Recherche de signes cliniques d’hyposécrétion La fonction gonadotrope sera explorée par le
– des troubles visuels : quadranopsie temporale C’est au maximum le tableau de panhypopituita- dosage d’estradiol (E2) chez la femme non
supérieure au début, puis hémianopsie bitemporale risme avec la classique triade « pâleur, dépilation, ménopausée et de testostérone chez l’homme, et
hautement évocatrice, imposant une imagerie dépigmentation ». Il peut s’y associer des signes plus par les dosages de FSH et LH de base et sous
hypophysaire. Il peut s’agir, moins spécifiquement, spécifiques d’insuffisance thyréotrope (frilosité, stimulation par LH-RH.
d’une simple diminution de l’acuité visuelle. constipation, crampes...), d’insuffisance corticotrope La fonction somatotrope sera explorée par le
( a s t h é n i e , h y p o t e n s i o n . . . ) , d ’ i n s uffi s a n c e dosage de GH de base et éventuellement sous
Clinique gonadotrope (aménorrhée sans galactorrhée, ni hypoglycémie insulinique et celui d’IGFI.
Il faudra rechercher des signes d’hypersécrétion bouffées de chaleur dans le sexe féminin, La fonction prolactinique sera explorée par le
et/ou d’hyposécrétion antéhypophysaire : en impuissance, régression des caractères sexuels dosage de PRL de base et sous stimulation par TRH.
sachant qu’un macroadénome pourra donner, en secondaires et atrophie testiculaire dans le sexe Il faut savoir que l’on peut coupler les tests, et faire
plus des signes éventuels d’hypersécrétion masculin). Il n’y a pas, en général, d’amaigrissement. en une seule matinée les tests au TRH, au LH-RH et à
hormonale, une insuffisance de sécrétion des autres Il n’y a pas non plus de diabète insipide lors du bilan l’hypoglycémie insulinique.
stimulines si, par son volume, il comprime ou détruit préthérapeutique. Au terme de tous ces examens, si l’on note
les autres lignées cellulaires. l’intégrité ou un déficit partiel ou global des
Biologie
stimulines hypophysaires, il y a de fortes chances
¶ Recherche de signes cliniques d’hypersécrétion
Biologiquement, il faudra rechercher des signes pour qu’il s’agisse d’un adénome non fonctionnel.
– De GH : c’est la dysmorphie acromégalique,
d’hypersécrétion et/ou d’hyposécrétion
c’est-à-dire « l’hypertrophie singulière, non
antéhypophysaire. ¶ Éléments cliniques d’orientation
congénitale, des extrémités supérieures, inférieures S’il y a un élément clinique d’orientation en faveur
Dans le cas d’un macroadénome, tous les axes
et céphalique » de Pierre Marie. d’une hypersécrétion hormonale, on fera les
stimuliniques doivent être testés.
– De prolactine : c’est le syndrome aménorrhée- examens nécessaires pour déterminer le type de
galactorrhée par action antigonadotrope dans le ¶ Pas de signe d’orientation cette hypersécrétion (unique ou mixte) et pour
sexe féminin, parfois remplacé par une aménorrhée S’il n’y a aucun signe clinique d’orientation en rechercher d’éventuels déficits des autres stimulines
ou une oligospanioménorrhée isolées, voire des faveur d’une hypersécrétion hormonale, on hypophysaires.

2
Adénomes hypophysaires - 3-0600

– En cas de suspicion de prolactinome : on fera de T chez l’homme, de FSH et LH de base et sous fréquentes qu’avec la voie haute et se résument à
un dosage de PRL à l’état basal, la valeur normale LH-RH. La sous-unité alpha peut être élevée à l’état l’effraction méningée avec fistule de liquide
étant inférieure à 18 ng/mL chez l’homme, à 20 ou basal et sous TRH. céphalorachidien et risque de méningite, prévenu
25 ng/mL chez la femme, et sous stimulation par – Il est enfin de bonne règle de rechercher une par la reconstruction du plancher sellaire et le
TRH. Dans 80 à 90 % des cas, il n’y a pas néoplasie endocrinienne multiple de type I comblement du vide laissé par l’exérèse tumorale. Le
d’augmentation de la PRL, c’est-à-dire pas (syndrome de Wermer) qui associe typiquement un diabète insipide postopératoire est rare et souvent
d’augmentation supérieure à 100 % par rapport au adénome hypophysaire (à PRL, à GH, mixte PRL + transitoire (simple traumatisme de la posthypo-
taux de base. Ce test est fondamental, et permet GH, voire corticolipotrope), une hyperparathyroïdie physe). Les blessures de la carotide, les sinusites, les
souvent d’éliminer les autres étiologies primitive (par adénome, hyperplasie, hyperplasie mucocèles, les perforations septales sont
(hyperprolactinémie d’origine hypothalamique, adénomateuse), une pathologie pancréatique exceptionnelles avec un neurochirurgien entraîné.
iatrogène...). (gastrinome avant tout, mais il peut s’agir
d’insulinome, de glucagonome, de somatos- Radiothérapie
– En cas de suspicion d’adénome somatotrope :
tatinome, de vipome, de PPome...). On décrit Soit radiothérapie conventionnelle : 50 à 60 Gy
on fera un dosage de GH à l’état basal (valeur
également des adénomes thyroïdiens et des sont délivrés en 5 à 6 semaines, à raison de
normale inférieure ou égale à 5 ng/mL), au cours
adénomes surrénaliens sécrétants ou non, des 5 séances par semaine, sans dépasser 2 Gy par
d’un cycle nycthéméral et sous épreuve
carcinoïdes. séance. On utilise des photons gamma ou X de
d’hyperglycémie provoquée par voie orale. Chez le
2,30 meV.
sujet normal, la GH descend au-dessous de 2 ng/mL
Soit radiochirurgie, méthode récente utilisant le


2 heures après la prise orale de 75 ou 100 g de
Cas particulier repérage tridimensionnel de la lésion à traiter par
glucose, la GH n’étant pas freinée en cas d’adénome des microadénomes technique stéréotaxique. Ceci permet de délivrer des
somatotrope. L’IGFI est élevée. Il existe enfin, dans
dosages de rayonnement importants tout en
75 % des cas environ, une réponse paradoxale de la
épargnant les structures avoisinantes. Si
GH sous TRH. La maladie de Cushing est liée, dans la grande
l’implantation stéréotaxique d’un isotope radioactif
– En cas de suspicion d’adénome corticolipotrope majorité des cas, à un microadénome corticolipo-
(Yttrium 90, Or 198, Iridium 192) n’est plus guère
(il s’agit d’un microadénome dans plus de 80 % des trope. Les autres types de microadénomes, non
utilisée, certains auteurs ont recours aux faisceaux de
cas) : il faut d’abord affirmer le diagnostic fonctionnels ou fonctionnels, sont exceptionnels en
particules lourdes alpha ou à la radiothérapie
d’hypercorticisme non freinable par un cycle dehors du microprolactinome.
multifaisceaux à partir d’une émission gamma
nycthéméral de F et ACTH (le cycle est aboli, F et Il n’est pas nécessaire en cas de microadénome administrée par de multiples portes d’entrée.
ACTH sont tous deux élevés ou du moins l’ACTH est (diamètre inférieur à 10 mm) d’explorer les autres
Le risque de la radiothérapie est l’insuffisance
trop élevée pour le taux de cortisolémie), un dosage fonctions antéhypophysaires qui seront conservées.
antéhypophysaire, partielle ou globale, pouvant
de FLU et 17 OH dans les urines des 24 heures (tous En revanche, le microadénome à prolactine est survenir jusque 5 à 10 ans après la fin du traitement.
deux augmentés), l’absence de freinage de F à 8 fréquent et pose véritablement un problème à part : En revanche, la nécrose radique ne se voit plus
heures du matin après la prise la veille à 23 heures sa fréquence chez la femme est estimée à 0,1 %, les guère dans les centres spécialisés. Un âge supérieur
de 1 mg de dexaméthasone (DXM) (test de freinage autres étiologies des hyperprolactinémies étant à 65 ans est une contre-indication à ce traitement.
minute). Il faudra ensuite préciser l’étiologie surtout d’origine iatrogène ; de nombreux
microprolactinomes ne sont pas parlants Traitements médicaux
hypophysaire de cet hypercorticisme en faisant dans
cliniquement ; il existe des microlésions Ce sont les agonistes dopaminergiques dans les
cet ordre deux tests de stimulation (CRF et
hypophysaires banales (soit kystiques, soit prolactinomes, les analogues de la somatostatine
Métopironet), puis un test de freinage fort à 8 mg de
adénomateuses non fonctionnelles...) comme il en dans les adénomes somatotropes.
DXM par jour pendant 2 jours. Le microadénome
existe au niveau de la thyroïde, de la surrénale... ;
corticolipotrope est typiquement caractérisé par un
test au CRH positif avec augmentation de ACTH et F,
son risque de progression tumorale chez des ‚ Indications thérapeutiques
patientes non traitées est de 6,9 % sur 5 ans.
un test à la Métopironet explosif avec élévation Elles dépendent du type de l’adénome.
Autrement dit, dans 93,1 % des cas, le microprolac-
importante des 17 OH, un freinage fort positif. Le
tinome reste, en l’absence de traitement et au bout Adénome non fonctionnel
microadénome responsable est parfois tellement
de 5 ans, un microprolactinome. Une hyperprolacti-
petit qu’il n’est pas visible à l’imagerie par résonance L’indication d’une exérèse chirurgicale (par voie
némie de base au-dessus de 300 ng/mL signe le
magnétique (IRM). C’est pourquoi il a été proposé basse) est en général envisagée, une radiothérapie
diagnostic de microadénome à prolactine même si
des tests très sophistiqués comme le dosage complémentaire étant réservée aux cas d’exérèse
l’imagerie est normale, de même qu’une
préopératoire de F et ACTH de base et sous très incomplète ou aux récidives.
augmentation plus modérée de la prolactine non
stimulation par CRH dans les deux sinus pétreux
stimulable par TRH. Prolactinome
inférieurs ou le dosage peropératoire de F et ACTH
dans les sinus caverneux. L’intervention chirurgicale première ne se discute


qu’en cas de microadénome ou de macroadénome
– En cas de suspicion d’adénome thyréotrope :
Traitement enclos. En revanche, un adénome invasif avec ou
on fera un dosage de FT3, FT4, TSH (la TSH est trop
sans expansion suprasellaire (ou latérale, ou
élevée pour les taux périphériques de T3 et T4), un
inférieure) nécessite un traitement médical de
dosage de TSH sous TRH (le taux reste impavide), un
première intention. On a le choix entre :
dosage de sous-unité alpha (le rapport molaire ‚ Méthodes thérapeutiques
– la 2 bromo-ergocriptine ou Parlodelt
alpha/TSH étant supérieur à 1, ce qui permet On dispose aujourd’hui de plusieurs méthodes (comprimés à 2,5 mg et gélules à 5 et 10 mg) ;
d’éliminer le syndrome de résistance aux hormones thérapeutiques. – le mésilate de bromocriptine ou Parlodel lart
thyroïdiennes, seule autre pathologie pouvant (ampoules de 50 mg, 1 injection/mois) ;
entraîner une augmentation de FT3, FT4 et TSH). Les Chirurgie – le lisuride ou Doperginet (comprimés à 0,2 mg
anticorps antirécepteurs TSH (TRAK) sont négatifs. Voie haute sous-frontale ou surtout voie basse et 0,5 mg) ;
– En cas de suspicion d’adénome gonadotrope ororhinoseptale trans-sphénoïdale dans plus de – la quinagolide ou Norprolact (comprimés à 25,
(mais le diagnostic est exceptionnellement fait avant 90 % des cas. Cette voie basse est beaucoup moins 50 lg pour initier le traitement, puis 75 ou 150 lg).
l’intervention chirurgicale et l’examen immunocyto- traumatisante, la mortalité opératoire est presque Les trois premiers sont des dérivés de l’ergot de
chimique) : on fera un dosage d’E2 chez la femme, nulle. Les complications sont beaucoup moins seigle et donnent des effets secondaires : nausées,

3
3-0600 - Adénomes hypophysaires

vomissements, sensations vertigineuses par De sorte que la tendance actuelle est : insuffisance corticotrope postopératoire est un
hypotension orthostatique. Il est de bonne règle de – après avoir évalué la sensibilité de l’adénome élément pronostique important, signant la rémission,
débuter le traitement par 1/2 comprimé à 2,5 mg de par un test aigu à la Sandostatinet, un traitement et est constatée dans 75 % des cas ; en cas d’exérèse
Parlodelt le soir au coucher, et d’augmenter ensuite médical préopératoire peut être indiqué. Il est parfois incomplète ou d’échec de la chirurgie, la
très progressivement la dose jusqu’à normalisation nécessaire d’augmenter la posologie jusqu’à 1 000 à radiothérapie est efficace dans 50 % des cas.
de la prolactinémie. Bien souvent 5 mg/j de 1 500 µg/j en trois injections quotidiennes par voie Ce n’est qu’en cas d’échec de ces tentatives
Parlodelt suffisent, mais des adénomes géants sous-cutanée ; thérapeutiques que l’on aura recours à la
peuvent nécessiter des posologies jusqu’à 50 mg/j. – l’exérèse chirurgicale par voie basse sera surrénalectomie totale bilatérale, suivie d’un
D’une façon générale, les prises au milieu des repas ensuite la règle. La GH en postopératoire est traitement quotidien et indéfiniment poursuivi
et au coucher améliorent la tolérance. La grossesse inférieure à 5 ng/mL dans 60 % des cas. Mais les par 30 mg d’hydrocortisone et 50 lg de 9
n’est pas une contre-indication, mais le traitement ne véritables critères de guérison semblent être une GH alphafluorohydrocortisone.
sera poursuivi qu’en cas de macroadénome. Dans inférieure à 2 ng/mL au cours d’un cycle
10 % des cas environ, il existe une résistance à ce nycthéméral, une IGFI normale, la restauration des Adénome gonadotrope et sous-unité alpha
traitement. La résistance à la bromocriptine se définit réponses normales de GH sous hyperglycémie ; Exérèse chirurgicale, radiothérapie en cas
par l’absence de normalisation de la PRL et/ou
– en cas de non-guérison, on a le choix entre la d’exérèse incomplète, bromocriptine en cas de non-
d’involution tumorale sous 15 mg/j au bout de
radiothérapie et le traitement médical par un guérison sont souvent nécessaires car il s’agit de
3 mois de traitement. Le Norprolact est alors
analogue de la Somatostatinet, ou une combinaison volumineux adénomes, diagnostiqués tardivement
souvent efficace.
des deux. (en raison de leur expression endocrinienne pauvre)
Dans le microprolactinome, la normalisation de la souvent par l’immunocytochimie de la pièce
PRL est obtenue dans environ 70 à 75 % des cas Adénome corticolipotrope opératoire. Les traitements médicaux (agonistes et
avec restauration de cycles ovulatoires et disparition antagonistes du GNRH) semblent peu efficaces.
de la galactorrhée. Mais la guérison définitive ne Il nécessite en général : une préparation à
s’observe quasiment jamais avant 4 ans de l’intervention chirurgicale par un antistéroïdien de
Adénome thyréotrope
traitement, et parfois beaucoup plus, et ne dépasse synthèse, aminoglutéthimide (Orimétènet), le
guère 20 % des cas. kétoconazole (Nizoralt), le mitotane (OP’DDD) ; une Exérèse chirurgicale, radiothérapie en cas
exérèse chirurgicale par voie basse après localisation d’exérèse incomplète, analogue de la somatostatine
Dans le macroprolactinome, l’effet antihormonal
radiologique ou biologique du microadénome ; une représentent la séquence thérapeutique habituelle.
se double d’un effet antitumoral dès les premières
semaines du traitement. En particulier l’expansion
suprasellaire réagit très vite au traitement, dans les
Liste des abréviations.
10 premiers jours. Ainsi, un macroprolactinome avec
expansion suprasellaire et compression ✔ Hormones hypothalamiques :
chiasmatique est une urgence médicale, et non TRH : Thyreostimulin Releasing Hormone (hormone libérant la TSH)
chirurgicale. L’indication d’une exérèse chirurgicale CRF (CRH) : Corticotrophin Releasing Factor (ou hormone)
pourra éventuellement être secondairement posée, GNRH : Gonadotrophin Releasing Hormone (ou LH-RH)
mais le traitement médical peut lui aussi être GHRH : Growth Hormone Releasing Hormone (ou somatocrinine)
poursuivi, l’effet antitumoral pouvant se poursuivre à VIP : Vasoactive Intestinal Peptide
long terme. ADH : Hormone antidiurétique
SRIF : Somatostatine
Adénome somatotrope ✔ Hormones hypophysaires :
Il s’agit en règle générale d’un macroadénome. TSH : Thyroid Stimulating Hormone
Dans les rares cas de microadénome, l’exérèse ACTH : Adreno Corticotrophin Hormone
sélective par voie trans-sphénoïdale s’impose. POMC : Pro-opiomélanocortine
Le traitement de l’adénome somatotrope s’est
enrichi de médicaments efficaces : non pas tellement
FSH
LH %Gonadotrophines

la bromocriptine (qui nécessite 3 à 4 prises GH : Hormone de croissance (Growth Hormone)


quotidiennes, des doses supérieures à 10 mg/j), mais PRL : Prolactine
les analogues de la somatostatine. Le SRIF inhibe la ✔ Hormones périphériques :
sécrétion d’insuline, de glucagon, la sécrétion – Thyroïdiennes : T3 : Tri-iodothyronine - FT3 : T3 libre
pancréatique externe. L’octréotide (Sandostatinet) T4 : Tétra-iodothyronine - FT4 : T4 libre
possède 8 acides aminés (au lieu de 14 pour le SRIF), – Surrénales : F : cortisol
a une action inhibitrice de la GH 45 fois plus DHA : Déhydro-épi-androstérone et son sulfate S-DHA
importante et nettement moindre sur l’insuline, le ∆4 : ∆4 Androstènedione
glucagon, la sécrétion pancréatique externe. Il se fixe – Gonadiques : E2 : estradiol
sur les récepteurs hypophysaires du SRIF et inhibe la P : Progestérone
sécrétion de GH. On dispose actuellement de T : Testostérone
l’octréotide par voie sous-cutanée (Sandostatinet ✔ Autres :
100 µg toutes les 8 heures) et d’une forme retard 17 OH : 17 hydroxycorticoïdes (métabolites des glucocorticoïdes)
(Somatulinet 30, une injection intramusculaire tous FLU : Cortisol libre urinaire
les 14, voire tous les 10 jours). Les effets secondaires IGFI : Insulin Growth Factor I (ou Somatomédine C)
sont des troubles digestifs à type de diarrhée, Sous-unité α : commune aux 4 glycoprotéines (FSH, LH, TSH, HCG)
flatulences, douleurs abdominales, et de lithiase hCG : human Chorionic Gonadotrophin
biliaire. L’effet antihormonal de ce traitement DXM : Dexaméthasone
médical est net, mais l’effet antitumoral moins NEM : Néoplasie endocrinienne multiple (ou polyadénomatose)
constant.

4
Adénomes hypophysaires - 3-0600


à doses progressives jusqu’à 100 ou 125 c/j pour la traitement sur l’hypersécrétion hormonale, la bonne
Surveillance post-thérapeutique fonction thyréotrope, 30 mg d’hydrocortisone par compensation de l’insuffisance hormonale
jour pour la fonction corticotrope, 250 mg éventuellement associée.
d’Androtardylt toutes les 3 semaines chez l’homme
‚ Problèmes particuliers
En postopératoire immédiat et traitement hormonal substitutif œstroprogestatif
En cas d’adénome mixte, PRL et GH surtout, on
chez la femme en l’absence des contre-indications
La surveillance nécessite la recherche : peut être amené à associer Parlodelt et analogue de
habituelles pour la fonction gonadotrope. Un simple
– d’une insuffisance corticotrope : vers le 8e jour la somatostatine.
dosage annuel de T4 libre et 17 OH permet de savoir
postopératoire lorsque le patient sera seulement à En cas d’insuffisance gonadotrope, il n’y a que
si la substitution thérapeutique est correcte et
30 mg d’hydrocortisone par jour ; peu de risque prostatique chez l’homme avant
suffisante ;
– d’une hyponatrémie, parfois sévère, vers le 7e 65 ans sous androgénothérapie ; chez la femme on
– d’une hypersécrétion hormonale résiduelle en
jour postopératoire, par syndrome de sécrétion privilégiera les œstrogènes par voie percutanée ou
cas d’adénome sécrétant traité. On a alors le choix
inappropriée d’ADH transitoire probablement transdermique surtout s’il existe un reliquat tumoral
de compléter le traitement par la radiothérapie et/ou
secondaire à un traumatisme de la posthypophyse. hypophysaire (en association avec les progestatifs
le traitement médical, agoniste dopaminergique si
Elle sera traitée par restriction hydrique ; habituels non norstéroïdes).
hyperprolactinémie, analogue du SRIF si
– d’un diabète insipide définitif, en cas de section E n c a s d ’ i n s uffi s a n c e s o m a t o t r o p e , l a
hypersomatotrophinémie.
haute de la tige pituitaire, responsable d’une compensation à long terme par une injection
dégénérescence rétrograde du faisceau ‚ Après radiothérapie (seule ou après quotidienne de GH par voie sous-cutanée à la dose
supra-opticoposthypophysaire, puis des noyaux chirurgie et radiothérapie) de 0,125 U/kg/semaine a fait la preuve de son
supra-optiques et paraventriculaires. innocuité et de son efficacité (sensation de
La même surveillance s’impose, une insuffisance mieux-être, disparition de l’asthénie, diminution de la
antéhypophysaire partielle ou globale pouvant masse grasse et augmentation de la masse maigre
Ultérieurement survenir jusque 5 à 10 ans après la fin du traitement. et de la densité osseuse, amélioration des
La recherche tous les ans pendant au moins La nécrose radique est exceptionnelle dans les performances intellectuelles). On se heurte au coût
5 ans : services spécialisés. élevé de ce traitement et au non-remboursement
– d’une récidive tumorale (champ visuel, scanner actuel. Ce traitement ne saurait être envisagé en cas
ou IRM) ; ‚ Après ou sous traitement médical
d’adénome somatotrope traité.
– d’une insuffisance antéhypophysaire partielle Il faut contrôler le volume de l’adénome en En cas de diabète insipide, on aura recours au
ou globale, qu’il faudra compenser par la L-thyroxine l’absence d’intervention chirurgicale, l’efficacité du Minirint.

Gérard Turpin : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.


Luc Foubert : Ancien chef de clinique-assistant.
Sylvie Dejager : Ancien chef de clinique-assistant.
Éric Bruckert : Professeur des Universités, praticien hospitalier adjoint.
.
Service d’endocrinologie-métabolisme 1, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : G Turpin, L Foubert, S Dejager et É Bruckert. Adénomes hypophysaires.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0600, 1998, 5 p

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Cushing. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Endocrinologie, 10-015-B-10, 1981 :
1-22

5
3-0620
3-0620

Diabète insipide central


Encyclopédie Pratique de Médecine

S Dejager, L Foubert, P Presberg, S Gerber, G Turpin

L e diabète insipide (DI) est la conséquence d’une incapacité rénale à concentrer les urines se traduisant par une
polyurie hypotonique. On distingue le diabète insipide central dû à un déficit en vasopressine (AVP) et sensible
au traitement par un analogue de l’AVP, du diabète insipide neutrogénique où l’hormone est présente mais inefficace
du fait d’une résistance rénale à son action. Le diagnostic clinique est confirmé par le test de restriction hydrique qui
permet de classer correctement 90 % des DI. Le diagnostic étiologique des diabètes insipides centraux, en dehors
d’un contexte chirurgical ou post-traumatique évident, repose sur un examen clé : l’imagerie par résonance
magnétique (IRM). Le traitement est univoque et toujours efficace, basé sur l’administration, par voie endonasale, de
l’hormone.
© Elsevier, Paris.


la migration axonale jusqu’au niveau de la Dans certains cas de DI idiopathiques, la détection
Introduction posthypophyse où les complexes AVP-NP II sont d’auto-anticorps circulants, anticellules à AVP, a fait
stockés sous forme de granules. La posthypophyse ne suggérer l’intervention d’un processus auto-immun.
constitue donc qu’un lieu de stockage.


Le DI est caractérisé par un syndrome polyuropoly- La demi-vie de l’AVP est très courte, de l’ordre de 5 à
dipsique, avec polyurie primaire, comportant un risque 10 minutes. Place des explorations
complémentaires
de déshydratation. La polyurie est hypo-osmolaire Les actions physiologiques de l’AVP s’exercent par
(moins de 200 mOsm/kg d’eau) : l’urine est claire, le biais de l’activation de deux grands types de
En dehors d’un contexte urgent ou d’un contexte
diluée et « insipide », à la différence de la polyurie récepteurs membranaires spécifiques, situés à la
neurochirurgical évident, une première période
osmotique du diabète sucré. La soif est compensatrice. surface des cellules cibles : V1 et V2, tous deux couplés
d’observation est nécessaire, avec mesure de la
aux protéines G. La liaison de l’AVP à son récepteur
diurèse (avec créatininurie pour s’assurer d’un recueil
rénal V2 déclenche un signal intracellulaire qui rend la
Les pathologies de la soif, associées à complet des urines de 24 heures) et de l’absorption
cellule tubulaire perméable à l’eau, grâce à la
des polyuries massives, avaient déjà quotidienne spontanée. La diurèse mesurée est
mobilisation de vésicules contenant des aquaporines. supérieure à 100 mL/h chez l’adulte. La polyurie peut
intrigué nos prédécesseurs médecins : Les aquaporines sont des canaux hydriques contrôlant être arbitrairement définie comme discrète (2,5 à
c’est à la fin du XVIIIe siècle que la réabsorption de l’eau libre ; elles appartiennent à 4 L/24 h), modérée (4 à 6 L/24 h) ou sévère (>6 L/
W Cullen a opposé le « goût de miel » une famille de protéines de transport récemment 24 h).
des urines du diabète sucré, de clônées [1]. Le bilan initial d’une polyurie comprend une
l’absence de goût des urines du DI. L’homéostasie hydrique est assurée par la soif, qui glycémie, une bandelette urinaire, une calcémie et un
régit les entrées d’eau, et l’AVP qui régule les sorties en ionogramme sanguin et urinaire. L’interrogatoire, suivi
adaptant la réabsorption par le rein. L’AVP libérée de ces examens simples, permet d’éliminer facilement
Le diabète insipide central (DIC) est secondaire à un dans la circulation agit sur les cellules tubulaires les polyuries osmotiques du diabète sucré et les formes
déficit absolu ou relatif en AVP (arginine vasopressine rénales : le volume des urines diminue et leur acquises de DI néphrogénique, notamment iatrogène
ou hormone antidiurétique) par atteinte hypothalamo- osmolarité s’élève. (cf : Diagnostic différentiel et figure 1).
hypophysaire. Ce déficit est en rapport avec un défaut
La régulation de la sécrétion de l’AVP est assurée Le premier élément du diagnostic positif est
de synthèse ou de sécrétion de l’AVP, mais peut être
essentiellement par l’osmolalité plasmatique, mais d’authentifier le caractère hypotonique des urines.
difficile à différencier, dans les formes partielles, de la
également par des stimuli non osmotiques (volémie, Celui-ci est démontré par la densité urinaire, inférieure
polydipsie primaire consécutive à une perturbation
hypoglycémie, nausées, neurotransmetteurs et à 1 005, et l’osmolalité urinaire, inférieure à 200
primitive de la soif [5]. Au contraire, le diabète insipide
facteurs pharmacologiques). mOsm/kg d’eau ou inférieure à l’osmolalité
néphrogénique, en relation avec une résistance du
Un DIC complet ne survient qu’après une plasmatique (normale ou élevée). La clairance de l’eau
tube collecteur rénal à l’action de l ’AVP, pose peu de
destruction de plus de 85 % des neurones sécrétants. libre calculée est positive.
problème diagnostique et sera facilement reconnu.
Un DIC transitoire peut accompagner toute lésion de
la neurohypophyse, mais seule une atteinte haut CF H2O = V (1 - U / P)


située de la tige pituitaire peut engendrer un DI
Physiopathologie du DIC CF H2O : clairance de l’eau libre.
permanent. Sinon, même quand les terminaisons
axonales sont lésées, les neurones peuvent régénérer
V : volume urinaire.
et former une néoposthypophyse ectopique au-dessus U : osmolalité urinaire.
L’AVP est un peptide de neuf acides aminés, sécrété de la lésion. P : osmolalité plasmatique.
par la posthypophyse, synthétisé par les neurones des Dans le DIC familial de transmission autosomique
noyaux hypothalamiques sous la forme d’une dominante, des formes anormales de la NP II L’examen paraclinique essentiel pour le diagnostic
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préprohormone. Cette préprohormone est composée secondaires à une mutation du gène, entraînent une positif de DI est ensuite le test de restriction hydrique.
d’un peptide signal, de l’AVP et d’une séquence anomalie de maturation de l’AVP. Plus de 25 Ce test étudie les capacités maximales de
correspondant à sa protéine porteuse spécifique mutations hétérozygotes sont décrites, la plupart se concentration du rein.
(neurophysine ou NP II). La maturation s’effectue par situant dans une zone de liaison de l’AVP et de la Le dosage radio-immunologique de l’AVP
un clivage progressif à l’intérieur des neurones lors de NP II [10]. plasmatique reste accessoire (le dosage de ce peptide

1
3-0620 - Diabète insipide central

dans la PP, une hyponatrémie va progressivement


apparaître en raison de la persistance de la potomanie,
Syndrome polyuro-polydipsique
conséquence d’une véritable « intoxication par l’eau ».
(hors contexte neurochirurgical)
Les DI néphrogéniques seront inchangés.
Dans le diagnostic étiologique de DIC, l’exploration
morphologique hypothalamo-hypophysaire est très utile
ÉLIMINER : avec un examen clé, l’IRM. En séquence pondérée T1,
polyurie osmotique du diabète sucré l’hypersignal spontané de la posthypophyse (fig 2) a en
polyurie des hypokaliémies règle disparu, en relation avec la déplétion en granules
polyurie des hypercalcémies
neurosécrétoires. L’IRM permet souvent d’établir ou de
suspecter la cause, en détectant une petite tumeur
hypothalamoneurohypophysaire, un épaississement
Polyurie hypotonique : isolé ou une section de tige pituitaire, ou des anomalies
Densité U < 1005 parenchymateuses cérébrales [8] (fig 3, 4, 5, 6, 7).
Osmolalité U < 200 mOsm/L inadaptée (absence
d'hyponatrémie)
Osmolalité plasmatique > 288 mOsm/L

ÉLIMINER :
DIN acquis iatrogène
DIN acquis sur tubulopathie interstitielle chronique
2 Hypersignal spontané normal de la posthypo-
physe en IRM T1, coupe sagittale. ■
Diagnostic différentiel
du DI central

Une polyurie hypotonique « adaptée » peut se


rencontrer après perfusions de solutés hypotoniques.
ÉPREUVE DE RESTRICTION HYDRIQUE Elle permet l’élimination physiologique d’une
surcharge hydrique iatrogène et doit être respectée.
Une polyurie hypotonique inadaptée à l’osmolalité
Polydipsie primaire Diabète insipide plasmatique (normale ou élevée) doit faire discuter
deux diagnostics : le DI néphrogénique (DIN) et la PP.
1 Arbre décisionnel devant une polyurie. La PP est un trouble fonctionnel de la soif. Le
contexte clinique est important pour évoquer le
diagnostic. Il faudra rechercher une installation
✔ Test de restriction hydrique progressive après un choc affectif ou un traumatisme
Il doit se faire sous surveillance psychologique, un éventuel contexte névrotique. Mais
horaire du pouls, de la pression parfois aucun élément évocateur n’est retrouvé et le
artérielle, de la diurèse et du poids et diagnostic est particulièrement difficile dans les formes
être obligatoirement complété, en fin anciennes. En effet, une potomanie ancienne peut
d’épreuve, par l’administration de d’une part induire un DI central car l’inflation des
liquides extracellulaires entraîne une inhibition de la
dDAVP pour tester la sensibilité du
sécrétion d’AVP, et d’autre part diminuer l’efficacité du
tubule rénal à l’AVP. La natrémie, les 3 Germinome pinéal à double localisation (hypotha- gradient de concentration corticomédullaire rénal.
osmolalités plasmatique et urinaire lamique et pinéale).
Le DIN peut être familial ou plus souvent acquis.
sont dosées toutes les heures, et Contrairement aux DIC familiaux, les DIN congénitaux
La restriction hydrique permet le diagnostic de
l’épreuve est prolongée jusqu’à 90 % des polyuries hypotoniques. Toutefois, la sont caractérisés cliniquement par l’apparition des
stabilisation du volume, de la densité distinction entre DIC partiel et polydipsie primaire (PP) symptômes dès les premières semaines de vie. Deux
et de l’osmolarité urinaire (en règle ancienne reste parfois difficile. Dans les cas douteux, grands types de mutations sont décrits à l’origine des
sur 8 à 9 heures). Il peut être d’autres épreuves pourront être pratiquées, en DIN congénitaux. Le premier, de transmission
l’absence de contre-indications. récessive liée à l’X, est secondaire à une mutation du
interrompu à tout moment, en fonction
Le test de stimulation par perfusion salée gène du récepteur V2, tandis que le second, beaucoup
de l’état clinique, ou si la perte de moins fréquent, de transmission autosomique
hypertonique (5 %) montre une réponse de l’AVP
poids dépasse 5 %. récessive, est en rapport avec une mutation
normale dans les PP, mais une stimulation insuffisante
dans le DIC. homozygote du gène de l’aquaporine [10].
très fragile est délicat et rarement décisif, car Un test thérapeutique à la dDAVP (10 à 20 µg/j Les formes acquises sont rencontrées dans de
d’interprétation difficile en fonction de l’osmolalité pendant 15 jours) avec libre accès aux boissons peut nombreuses affections rénales (tubulopathies
plasmatique). être utile, sous surveillance clinique attentive. Les DIC interstitielles chroniques), au cours de perturbations
Les critères de l’interprétation de l’épreuve sont s’accompagneront d’une amélioration des métaboliques (hypercalcémie et hypokaliémie), ou
donnés dans le tableau I. symptômes, avec réduction de la polyurie, alors que, sont iatrogènes, avec au premier plan le lithium.

Tableau I. – Critères d’interprétation de l’épreuve de restriction hydrique.

Diabète insipide central Diabète insipide néphrogénique Polydipsie primaire


Poids chute chute stable
Diurèse stationnaire stationnaire diminuée
Osmolalité urinaire stationnaire basse stationnaire basse élévation progressive
< 300 mOsm/L < 300 mOsm/L > 750 mOsm/L
Osmolalité plasmatique élevée élevée stationnaire
> 295 mOsm/L > 295 mOsm/L
Test thérapeutique à l’AVP positif négatif positif ( ?)

2
Diabète insipide central - 3-0620

7 Craniopharyngiome de la région hypothalamique.

et un aspect hétérogène en IRM, associant des parties


kystiques et charnues. C’est une tumeur bénigne à
croissance lente, survenant plus souvent avant l’âge
de 20 ans (fig 7).
Les autres causes tumorales comprennent les
germinomes (tumeurs malignes mais très radiosensi-
bles) s’accompagnant dans 90 % des cas d’un DI brutal
et précoce [4] ; les métastases hypophysaires (sein,
endomètre, prostate, poumon, côlon et mélanomes)
4 Section de tige pituitaire traumatique. dont le DI est dans 70 % des cas le symptôme initial, et
exceptionnellement les adénomes hypophysaires
invasifs à développement suprasellaire. Dans toutes
ces atteintes, le DIC peut être initialement masqué par
l’opsiurie de l’insuffisance corticotrope.

S’il existe d’autres tumeurs


exceptionnelles de la région pouvant
entraîner un DI, on peut
schématiquement retenir, avant
30 ans : le craniopharyngiome ou le
germinome [4], et après 50 ans : la
métastase.

Le DI post-traumatique est plus fréquent chez les


victimes d’un traumatisme crânien sévère, surtout
lorsqu’il existe une fracture de la base du crâne et de la
face, avec des lésions des nerfs crâniens et un déficit
antéhypophysaire. Le caractère transitoire ou définitif
5 Sarcoïdose avec infiltration et grosse tige 6 Métastase d’un cancer du poumon.
dépend du niveau de l’atteinte : plus elle est distale,
pituitaire. l’hormone non mature au niveau de la posthypo- plus la chance de récupération secondaire (parfois
physe). Ces DI sont bien sûr sensibles à l’AVP tardive) est élevée. L’atteinte peut être complète ou


Diagnostic étiologique
du DI central
Le DI central familial est une affection autosomi-
exogène [10].
Les formes acquises sont de loin les plus fréquentes,
avec au premier plan les causes post-traumatiques (fig
4) ou postopératoires et les formes tumorales.
partielle selon le nombre de neurones viables restants.
Dans la chirurgie (surtout hypothalamique par voie
haute), le DI peut avoir une évolution caractéristique
en trois phases : un DI les premiers jours par sidération
que dominante, d’apparition retardée dans l’enfance Les causes tumorales sont représentées par les des neurones, suivi d’une rémission avec parfois
et d’aggravation progressive au cours de la vie. Il craniopharyngiomes essentiellement, en raison de la même un syndrome de sécrétion inappropriée d’AVP
n’existe pas d’atteinte antéhypophysaire associée. Le fréquence dans ces tumeurs d’un développement au 7e jour (par libération de l’AVP stockée par les
taux de vasopressine est indétectable, mais à la suprasellaire important. Le syndrome tumoral neurones en dégénérescence), et enfin un DI souvent
différence des DI idiopathiques, l’hypersignal de la (céphalées, troubles visuels et hypopituitarisme) est définitif.
posthypophyse en IRM est le plus souvent conservé souvent présent. L’aspect morphologique est assez Les causes non tumorales sont représentées par les
(puisqu’il existe une accumulation progressive de typique, avec des calcifications en radiologie standard affections granulomateuses ou infectieuses.

3
3-0620 - Diabète insipide central

Un DI complique fréquemment l’histiocytose X. Le Minirint) : analogue structural de synthèse de l’AVP Dans 60 à 80 % des cas, le DI est partiel. Le Minirint
diagnostic sera facilité dans les formes systémiques plus stable, à action prolongée, et à activité pressive peut être utilisé à plus faible dose, mais d’autres
dont les autres atteintes sont à rechercher (lésions quasi nulle (analogue V2 pur). La dDAVP existe sous médicaments sont également disponibles :
osseuses lytiques, atteinte pulmonaire, exophtalmie). trois formes : Diabinèset (chlorpropamide)
L’IRM peut mettre en évidence une tige épaissie, voire – voie injectable, sous forme d’ampoules de 1 mL
Il agit à la fois en stimulant la sécrétion d’AVP et en
un aspect tumoral de la région hypothalamo- dosées à 4 µg. La voie sous-cutanée est très utilisée, augmentant son action au niveau rénal. La posologie
hypophysaire, et une disparition de l’hypersignal par exemple après une intervention neurochirurgicale, initiale est de 100 mg souvent augmentée à 250 mg
spontané. La sarcoïdose se complique également très avec des posologies usuelles de 1 à 2 µg x 2/j ; ou 500 mg/j et peut être efficace en une prise
fréquemment d’un DI dans sa forme neurologique (fig – voie nasale, qui nécessite des doses cinq à dix quotidienne. L’effet hypoglycémiant limite toutefois
5). De même, il faut rechercher les autres atteintes fois supérieures à la voie injectable car la son utilisation.
systémiques cutanées, osseuses ou pulmonaires. L’IRM biodisponibilité n’est que de 10 %. Elle est délivrée soit
est l’examen clé et peut monter un épaississement de en spray, apportant 10 µg par pulvérisation, soit à Lipavlont (clofibrate)
la tige mais aussi une atteinte leptoméningée et l’aide d’un rhinile (cathéter gradué) avec des flacons de Il stimule la sécrétion d’AVP, mais sa tolérance
parenchymateuse cérébrale (fig 5). 2,2 mL dosés à 0,1 mg/mL. La manipulation du digestive est moyenne. La posologie usuelle est de
Les causes infectieuses, tuberculose, toxoplasmose, cathéter nécessite la participation active du patient et 500 mg x 4 /j.
ou infection à VIH, sont rares. un bref apprentissage, mais est actuellement la Thiazidiques
Certaines affections antéhypophysaires méthode de choix, la plus précise. Les posologies Ils peuvent paradoxalement réduire la diurèse en
s’accompagnent très rarement de DI. usuelles sont de 10 à 20 µg/j chez l’adulte (soit une entraînant une déplétion sodée modérée, à la
Dans l’hypophysite lymphocytaire, le DI est pulvérisation matin et soir ou 0,1 mL matin et soir) ; posologie de 50 à 100 mg/j. Ils diminuent la clairance
retrouvé dans 5 à 15 % des cas [3]. Les hypophysites – voie orale, maintenant disponible en France de l’eau libre et, après une phase de diurèse initiale,
touchent avec prédilection la femme dans la période (Minirint comprimés à 0,1et 0,2mg), reste peuvent réduire de moitié la polyurie. Souvent un
du péripartum [7]. L’IRM montre une pseudotumeur anecdotique. (les posologies dix fois supérieures à la régime désodé modéré et une supplémentation
hypophysaire, prenant le contraste de façon voie nasale sont nécessaires, puisqu’il s’agit d’un potassique associée sont nécessaires.
homogène. Dans le syndrome de Sheehan, dont le peptide largement hydrolysé dans le tractus digestif).
diagnostic repose essentiellement sur la notion d’un Tégrétolt (carbamazépine)
accouchement traumatique, le DI survient avec une C’est le meilleur traitement oral actuel des formes
fréquence similaire de 5 % [6]. Il en est de même dans partielles, bien toléré et efficace, à la posologie de 200
La tolérance de la voie nasale est
les autres cas d’apoplexie hypophysaire, sur à 600 mg/j. Il agit à la fois en stimulant la sécrétion
adénomes préexistants ou non.
excellente et il n’existe pas de d’AVP et en augmentant son action au niveau rénal.
Enfin, reste le vaste chapitre des inclassés : les DI phénomènes d’échappement au long
idiopathiques. C’est un diagnostic d’exclusion, qui cours. La plupart des patients sont
nécessite d’avoir soigneusement recherché toutes les équilibrés par une dose toutes les
causes, notamment par IRM itératives. Le suivi et la
recherche répétée d’une étiologie restent
indispensables, certains DI initialement idiopathiques
étant secondairement étiquetés (affections
12 heures, mais une dose unique
au coucher est parfois suffisante.

Conclusion

granulomateuses en particulier) [2, 4]. Si les syndromes polyuropolydipsiques représen-


La grossesse est un cas particulier. Un DI peut être La difficulté réside dans le traitement des patients tent un motif de consultation relativement fréquent en
aggravé ou apparaître par inactivation plasmatique de présentant des troubles de la soif associés (hypo- ou médecine générale, l’étiologie en sera exceptionnelle-
l’AVP en fin de grossesse. Dès le deuxième trimestre, la adipsie par atteinte du centre hypothalamique de la ment un DIC. La première étape, réalisable en routine,
sécrétion de vasopressinase placentaire augmente la soif). Le principe est de fixer la diurèse (par exemple à est de diagnostiquer une polyurie hypotonique.
clairance métabolique de l’AVP (sécrétion x 1000 entre 2 L/24 h) avec une dose déterminée de Minirint, et Hormis un contexte évocateur (chirurgical, tumoral
la 4e et la 38e semaine) [9]. d’adapter les apports hydriques pour maintenir la ou traumatique, une cause iatrogène de DIN
balance. Chez ces patients adipsiques, tous les apports facilement éliminée à l’interrogatoire du patient, ou un


doivent être notés sur une « feuille de route ». Une contexte névrotique majeur), le diagnostic d’une
Approche thérapeutique surveillance quotidienne du poids est essentielle, ainsi polyurie hypo-osmolaire exige une épreuve de
qu’une surveillance hebdomadaire de la natrémie. restriction hydrique en hospitalisation, pour
Il sera parfois utile de prévoir une fenêtre différencier un DIC partiel ou complet d’une PP.
Le traitement du DIC complet repose sur thérapeutique pour ne pas passer à côté d’un DI Le diagnostic étiologique et la prise en charge d’un
l’administration de dDAVP (desmopressine ou transitoire. DIC authentifié se fera en règle en milieu spécialisé.

Sylvie Dejager : Chef de clinique-assistant.


L Foubert : Chef de clinique-assistant.
P Presberg : Chef de clinique-assistant.
G Turpin : Professeur, chef de service.
Service d’endocrinologie-métabolisme 1, groupe hospitalier Pitié-salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
S Gerber : Attaché en neuroradiologie, service du Pr Marsault,
groupe hospitalier Pitié-salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : S Dejager, L Foubert, P Presberg, S Gerber et G Turpin. Diabète insipide central.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0620, 1998, 5 p

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Diabète insipide central - 3-0620

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Sheehan’s syndrome. Clin Endocrinol (Oxf) 1989 ; 30 : 613-618

5
3-0590
3-0590

Exploration radiologique de
Encyclopédie Pratique de Médecine

la région hypothalamohypophysaire
S Gerber, L Foubert, S Dejager, C Marsault, G Turpin

L ’Imagerie par résonance magnétique est actuellement l’examen de référence pour l’exploration de la
pathologie hypothalamohypophysaire.
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précoce pour quelques lésions de vascularisation réaliser une IRM, le scanner n’étant pas indiqué de
Introduction artérielle prédominante, par rapport au tissu par ses risques d’irradiation, mais aucun produit de
sain [5, 9]. contraste n’est utilisé.
La petite taille de l’hypophyse impose la
L’imagerie hypothalamohypophysaire a réalisation d’images en coupes fines (1 mm
considérablement évolué ces dernières années. Les
indications de la radiologie conventionnelle (radios
standards, tomographies, quelques indications
d’artériographie) ont quasiment disparu au profit du
d’épaisseur au scanner, 3 mm en IRM) et avec des
matrices haute résolution pour obtenir une
résolution spatiale suffisante, actuellement de l’ordre
de 0,6 à 0,7 mm sur les appareils les plus récents.

Imagerie normale

L’hypophyse présente de nombreuses variations


scanner et surtout de l’IRM, qui s’est imposée comme morphologiques physiologiques au cours de la vie et
Les trois plans de coupe de l’espace sont utilisés :
l’examen de référence en pathologie l’interprétation de l’imagerie ne peut se concevoir en
le plan coronal est plus particulièrement indiqué
hypothalamohypophysaire [1]. dehors du contexte clinique et biologique.
pour l’étude de l’antéhypophyse et de l’hypotha-
Chez l’adulte, la hauteur de l’hypophyse est
lamus, le plan sagittal est le plan de référence de la
mesurée à 6-8 mm, discrètement plus importante chez


neurohypophyse et le plan axial reste indispensable
la femme mais sans modification significative au cours
Anatomie - Techniques d’imagerie au bilan préthérapeutique des volumineuses
du cycle menstruel. Dans la période pubertaire, une
tumeurs.
hypertrophie nette est constatée, moins importante
chez le garçon que chez la fille (50 % des cas) où la
hauteur hypophysaire peut atteindre 10 mm [2]. Cette


L’hypophyse est une glande de petite taille, située
à la base du crâne dans la selle turcique ; elle Sensibilité - Spécificité hypertrophie est également constatée pendant la
présente un volumineux lobe antérieur ou grossesse (12 mm) jusqu’à la première semaine du
antéhypophyse (75 % de son volume), et un petit postpartum, au delà de laquelle l’hypophyse revient à
lobe postérieur en continuité avec la tige pituitaire sa taille normale indépendamment de l’allaitement.
formant avec celle-ci la neurohypophyse ou Le scanner permet le diagnostic positif de la On en rapproche l’aspect convexe de l’hypophyse du
posthypophyse. Les noyaux hypothalamiques sont plupart des lésions intra-, supra- ou latérosellaires. nouveau-né jusqu’à 1 mois. Il est décrit une diminution
situés au niveau des parois antérolatérales et du Néanmoins, la suprématie de l’IRM n’est plus progressive de la hauteur de l’hypophyse avec l’âge
plancher du 3e ventricule. contestable ni dans le dépistage des très petites sans distinction de sexe.
La vascularisation de la glande pituitaire est lésions, ni dans l’appréciation du bilan d’extension [1] Des variations physiologiques sont également
principalement assurée par le système veineux porte principalement latéralement au sinus caverneux ; la constatées en fonction de la morphologie
hypophysaire, mais un apport artériel direct du possibilité d’associer des séquences morphologiques anatomique de la selle turcique : plus ou moins
siphon carotidien a récemment été démontré. (T1), de caractérisation tissulaire (T2, suppression de étroite, plus ou moins creusée, son aspect peut
L’hypophyse ne comportant pas de barrière graisse), dynamiques (séquences rapides) et influencer le caractère plus ou moins convexe du
hématoencéphalique, le parenchyme glandulaire angiographiques (angio-MR) offre à l’IRM une bord supérieur de la glande hypophysaire [1]. Cet
normal se rehausse après injection intraveineuse sensibilité et une spécificité supérieures de 20 à 30 % aspect « convexe » du bord supérieur de la glande est
d’un produit de contraste (contraste iodé au scanner, à celles du scanner [3]. De plus la multiplicité des noté dans 18 % de la population générale [2]. La tige
gadolinium à l’IRM) de façon intense et homogène plans de coupe possibles en fait l’examen de pituitaire mesure de 1,8 à 3 mm d’épaisseur, une
avec un maximum à la 2e minute, puis la prise de référence pour l’étude de la neurohypophyse. mesure supérieure à 4 mm étant considérée comme
contraste décroît progressivement ; compte-tenu de Cependant, l’IRM présente des contre-indications pathologique. Sa position verticale et médiane est
l’architecture du système porte, le rehaussement de absolues (pace-maker, corps étranger métallique classique mais inconstante et une déviation de la
la posthypophyse est plus précoce que celui de intraoculaire, certains clips vasculaires) ou relatives tige est notée dans 46 % des cas physiologiques [1].
l’antéhypophyse. Cette cinétique de la prise de (surpoids majeur) ; à l’opposé, il n’existe aucune L’antéhypophyse est, de façon normale, isodense
contraste de la glande est l’une des caractéristiques contre-indication absolue au scanner et peu de au parenchyme cérébral (scanner) et en isosignal T1
contre-indications relatives (grossesse, impossibilité
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exploitées par l’imagerie (coupes dynamiques de et T2 à la substance blanche cérébrale (IRM). Le lobe
scanner, séquences rapides d’IRM) pour dissocier les de maintenir la tête en hyperextension). En pratique, postérieur apparaît en hypersignal T1 : cet
petites lésions intrasellaires (microadénomes) de la les indications du scanner sont dominées par les hypersignal serait dû aux constituants phospholipi-
glande saine : la prise de contraste de ces lésions contre-indications ou les impossibilités d’obtention diques de la neurophysine contenue dans les
étant soit retardée dans la majorité des cas, soit plus d’une IRM. Pendant la grossesse, il est préférable de granules sécrétoires (fig 1). Bien que sa présence ne

1
3-0590 - Exploration radiologique de la région hypothalamohypophysaire

1 IRM T1 - hypophyse normale. Hypersignal spon-


tané T1 de la posthypophyse.
3 IRM T1-gadolinium (A) et T2 (B) - microadénome gauche de 6 mm de diamètre en hyposignal T1
soit pas constante à l’état normal, cet hypersignal est et hypersignal T2.
constamment absent en cas de diabète insipide
d’origine centrale.


Pathologie

‚ Pathologie antéhypophysaire

Pathologie tumorale
¶ Adénomes hypophysaires
Ils sont la pathologie intrasellaire la plus fréquente
et représentent 10 à 15 % des tumeurs
intracrâniennes de l’adulte. Ce sont des tumeurs
bénignes à croissance lente, révélées par un
syndrome endocrinien en rapport avec une 4 IRM T1 - macroadénome holosellaire. Hypersi-
hypersécrétion hormonale, ou par un syndrome de gnal spontané T1 de l’adénome en rapport avec une 5 IRM T1-gadolinium - macroadénome holosellaire.
compression des structures de voisinage. Leurs hémorragie tumorale. Extension suprasellaire, compression du chiasma, en-
caractéristiques de signal sont indépendantes du vahissement du sinus caverneux droit et englobement
caractère sécrétoire ou non et du type d’hypersé- l’IRM (fig 3) [6]. Certains macro-adénomes sont de la carotide droite intracaverneuse.
crétion hormonale [6]. L’imagerie présente trois spontanément hémorragiques et apparaissent alors
grands axes d’intérêt qui orientent la prise en charge traitement chirurgical, l’hypophyse saine présente
en hypersignal T1 (fig 4) et hyperdenses au scanner.
thérapeutique. une réexpansion avec néanmoins une « cicatrice » en
L’injection de produit de contraste sensibilise l’aspect
■ Le diagnostic positif de l’adénome ; le plus regard de l’adénomectomie (fig 7) ; l’analyse du
en T1 des microadénomes, et permet de dissocier les
souvent, les adénomes apparaissent hypodenses au foyer opératoire est extrêmement difficile avant 4
zones charnues des zones kystiques des
scanner (fig 2), en hyposignal T1 et hypersignal T2 à mois, de par les remaniements œdémateux et
macroadénomes. Les très petites lésions (< 2 mm)
inflammatoires, le comblement de la zone
sont difficiles à visualiser, d’autant plus que les
d’adénomectomie par des implants de spongel ou
faux-positifs existent, et une confrontation
de gélatine, la réfection du plancher par des plans
biologique est indispensable.
musculoaponévrotiques [8], qui peuvent être à
■ Le bilan d’extension apprécie l’extension
l’origine d’erreurs d’interprétation. Les reliquats
supra- ou infrasellaire, le degré de compression des
lésionnels sont de localisation et signal identiques à
voies optiques (fig 5). L’extension de la lésion au
l’adénome initial ; les récidives sont rares (12 %) et
sinus caverneux conditionne le pronostic et souvent
ne surviennent que dans les 4 à 10 ans.
les indications thérapeutiques, même pour les petites
lésions : facile à affirmer lorsque la carotide ¶ Craniopharyngiome
intracaverneuse est englobée dans la tumeur, C’est une tumeur (3 % des tumeurs intracrâ-
l’envahissement de la paroi interne du sinus niennes de l’adulte) développée aux dépens des
caverneux est beaucoup plus difficile à visualiser et éléments embryonnaires résiduels de la poche de
n’est souvent confirmée qu’à l’examen histologi- Rathke ; sans activité hormonale, elle est révélée par
que [4]. La liberté du sinus ne peut être certaine que des signes compressifs sur les structures cérébrales
lorsqu’il existe du tissu hypophysaire sain entre ou hypothalamohypophysaires. À la fois kystique et
celui-ci et la tumeur [4]. charnue, parfois calcifiée ou hémorragique,
■ La surveillance sous traitement médical peut l’extension suprasellaire de la tumeur est la plus
montrer une régression du volume tumoral, une fréquente (fig 8). Le pronostic fonctionnel est lourd
2 Scanner avec injection - microadénome de 4 mm liquéfaction progressive (fig 6) ou parfois une (atteinte de la tige) et les récidives postopératoires
de diamètre de l’aileron hypophysaire droit.
nécrose hémorragique de l’adénome. Après fréquentes.

2
Exploration radiologique de la région hypothalamohypophysaire - 3-0590

8 IRM T1 - crâniopharyngiome à extension supra-


sellaire. Hypersignal spontané T1 en rapport avec
la composante lipidique de la tumeur et isosignal T1
de la portion charnue.

6 IRM T2 (A), T1 (B), T1-gadolinium (C, D) - contrôle après traitement médical par Parlodelt d’un
macroadénome : liquéfaction et affaissement de l’adénome droit en hypersignal T2 et net hyposignal T1.

9 IRM T1-gadolinium - Métastase antéhypophy-


saire d’un cancer pulmonaire.

On en rapproche le kyste de la poche de Rathke,


principalement intrasellaire, le plus souvent
asymptomatique et de découverte fortuite.

¶ Autres tumeurs intrasellaires


Elles sont exceptionnelles : les métastases
antéhypophysaires compliquent 5 % des cancers et
n’ont aucune caractéristique spécifique (fig 9). Les
abcès hypophysaires, exceptionnels, ont toujours
une origine locale (sinusite, méningite) ou
hématogène et apparaissent comme une image
kystique à parois épaisses.

Atteintes non tumorales


¶ Selle turcique vide
Souvent asymptomatique, elle est parfois révélée
(5 % de la population) par un syndrome endocrinien
déficitaire ou par une hyperprolactinémie modérée
de déconnexion ; à l’IRM, la loge sellaire est occupée
par du liquide céphalorachidien (LCR) et le
parenchyme très aminci (fig 10).

¶ Hypophysite lymphocytaire
7 IRM T1 (A), T1-gadolinium (B) - aspect postopératoire : « cicatrice » d’adénomectomie gauche et expansion Elle est secondaire à un désordre inflammatoire
normale de l’hémiselle droite. auto-immun de la fin de grossesse ou du

3
3-0590 - Exploration radiologique de la région hypothalamohypophysaire

12 IRM T1-gadolinium - Infiltration et élargisse- 15 IRM T1-gadolinium - Méningiome sphénocaver-


ment de la tige pituitaire et du tuber cinéreum dans neux droit envahissant le sinus caverneux et la loge
le cadre d’une histiocytose X. sellaire.
10 IRM T1 - selle turcique vide postopératoire :
réfection du plancher sellaire par des plans musculo-
graisseux, amincissement très important de l’antéhy-
pophyse résiduelle, ptose modérée du chiasma et du
gyrus rectus, bonne visualisation de la tige.

16 IRM T1 - anévrysme géant du siphon carotidien


gauche partiellement thrombosé étendu à la loge
sellaire.
13 IRM T1 - astrocytome hypothalamique. Infiltra-
tion du plancher du 3e ventricule, de l’hypophyse et de
l’hypothalamus ; noter l’absence d’hypersignal T1 ‚ Pathologie de la région sellaire
de la neurohypophyse.
11 IRM T1-gadolinium - Hypophysite lymphocy- Tumeurs de voisinage
taire. Hypertrophie homogène et prise de contraste Elles peuvent s’étendre à l’hypophyse et générer
intense de la glande hypophysaire dont le bord supé- des troubles endocriniens : les méningiomes (10 %
rieur est discrètement triangulaire. de localisation sellaire) (fig 15), les kystes dermoïdes
ou épidermoïdes plus infiltratifs, les chordomes du
clivus. Le diagnostic différentiel avec un adénome
post-partum ; l’IRM retrouve une glande peut être difficile dans certaines tumeurs extensives
volumineuse et homogène, d’aspect triangulaire, de la base du crâne, justifiant les dosages
sans adénome (fig 11) [7]. biologiques systématiques notamment la
prolactinémie devant toute tumeur de la base.
¶ Syndrome de Sheehan
C’est une nécrose ischémohémorragique du Malformations vasculaires de voisinage
postpartum, confirmée par l’IRM, sans adénome. Ces malformations (anévrysmes du siphon
‚ Pathologie neurohypophysaire carotidien, anévrysmes géants du polygone de
et hypothalamique Willis, fistules carotidocaverneuses) en sont
Les atteintes de la neurohypophyse et de rapprochées (fig 16) ; leur diagnostic différentiel se
l’hypothalamus sont plus rares. Les manifestations 14 IRM T1-gadolinium - Gliome du chiasma avec fait par le scanner et l’IRM.
cliniques en sont variables : diabète insipide (atteinte extension au nerf optique droit.


de la posthypophyse), puberté précoce (tuber
cinereum). L’IRM note l’absence constante de Conclusion
l’hypersignal T1 physiologique (diabète insipide) et, une atteinte pinéale. Les atteintes hypothalamiques
le plus souvent, une infiltration de la tige plus ou sont plus souvent dues à des hamartomes (tuber) ou
moins étendue au plancher du 3e ventricule et à ses des gliomes (plancher du 3e ventricule). Les gliomes L’IRM est actuellement l’examen de référence
parois (fig 12). Les principales étiologies de du plancher (fig 13) surviennent souvent dans le pour l’exploration de la pathologie hypothalamohy-
l’infiltration neurohypophysaire sont les cadre d’une maladie de Recklinghausen, soit par pophysaire, les indications du scanner étant de plus
granulomatoses (sarcoïdose, histiocytose X), les extension d’un gliome chiasmatique (fig 14) vers en plus limitées. La confrontation clinico-biologico-
métastases (principalement du sein, de la prostate et l’hypothalamus, soit par atteinte primitive de radiologique est indispensable pour le diagnostic et
du poumon), et les germinomes souvent associés à l’hypothalamus. la prise en charge thérapeutique.

4
Exploration radiologique de la région hypothalamohypophysaire - 3-0590

Sophie Gerber : Attaché des Hôpitaux.


Luc Foubert : Ancien chef de clinique-assistant.
Sylvie Dejager : Ancien chef de clinique-assistant.
Claude Marsault : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Gérard Turpin : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’endocrinométabolisme 1, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : S Gerber, L Foubert, S Dejager, C Marsault et G Turpin. Exploration radiologique de la région
hypothalamohypophysaire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0590, 1998, 5 p

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5
3-0610
3-0610

Selles turciques vides


Encyclopédie Pratique de Médecine

P Cohen-Presberg, S Dejager, L Foubert, G Turpin

U ne selle turcique vide est observée chez 5 % de la population.

© Elsevier, Paris.


par de nombreux auteurs : 41,5 à 54,5 % des patients une standardisation du dosage des anticorps
Introduction explorés pour STV présenteraient également un antihypophysaires seront nécessaires.
adénome hypophysaire suspecté soit devant une
hypersécrétion anormale (de growth hormone [GH] ou
Une selle turcique vide (STV) est définie comme une
hernie de la citerne optochiasmatique à travers le
diaphragme sellaire, réalisant ainsi une arachnoïdo-
cèle, c’est-à-dire la présence de liquide
de prolactine souvent), soit à l’imagerie. En revanche,
une selle turcique élargie et partiellement vide est
retrouvée chez 8 à 17 % des patients explorés pour
adénome hypophysaire à GH ou à prolactine.

Signes cliniques
et profil hormonal

‚ STV primaire
céphalorachidien (LCR) dans la cavité sellaire [1]. Une STV peut également être la conséquence d’une
L’hypophyse est généralement plaquée en bas et en apoplexie hypophysaire. Il s’agit d’une nécrose Le symptôme principal amenant à la découverte
arrière contre le plancher sellaire et devient à peine hémorragique survenant dans 90 % des cas sur un d’une STV est l’existence de céphalées motivant la
visible. Le diagnostic se fait sur l’imagerie. On doit alors adénome hypophysaire mais parfois également sur une réalisation d’examens radiologiques cérébraux. Les
rechercher une étiologie avant de retenir le diagnostic hypophyse normale. L’extravasation de sang et de tissu céphalées, aspécifiques, sont présentes chez 60 à
de STV idiopathique ou primaire. nécrosé dans l’espace sous-arachnoïdien entraîne une 80 % des patients. On retrouve fréquemment le même
irritation méningée (associant fièvre, altération de la profil chez les patients présentant une STV primaire. Il
conscience, voire coma). Une expansion supérieure peut s’agit le plus souvent de femmes d’âge moyen,

■ entraîner une compression du chiasma et des nerfs multipares, obèses (dans 90 % des cas) et
Rappel anatomique optiques responsable d’une baisse de l’acuité visuelle et hypertendues (dans 1/3 des cas). L’existence d’une
d’une altération du champ visuel. Une expansion STV est rapportée chez 10 % des patients présentant
latérale dans le sinus caverneux entraîne une atteinte une pseudotumeur cérébrale. Un déficit hormonal est
La dure-mère tapisse toutes les parois osseuses de des nerfs crâniens III, IV, V et VI, l’anomalie la plus rarement rapporté. Buchfelder, dans une série de 195
la selle turcique. Au niveau du toit de la selle, la dure- fréquente étant l’ophtalmoplégie associant ptosis, patients, retrouve un bilan normal dans 65 % des cas,
mère se replie pour former le diaphragme sellaire. mydriase et diplopie. Une hémiplégie peut même être la un panhypopituitarisme dans 5,6 % des cas, un déficit
Celui-ci fer me donc la partie supérieure de la selle en conséquence d’une compression carotidienne. hypophysaire dissocié (surtout à GH) dans 23,6 % des
laissant juste un orifice de passage à la tige pituitaire. cas et une hyperprolactinémie dans 17 % des cas [2].
Sont décrits comme facteurs prédisposants d’une
L’hyperprolactinémie est le plus souvent expliquée par
apoplexie hypophysaire, les tests dynamiques de
l’étirement de la tige pituitaire. Le déficit en GH est


stimulation hypophysaire en particulier au facteur
difficile à estimer dans ce contexte d’obésité qui réduit
Physiopathologie déclenchant la sécrétion de thyréostimuline [TRH],
la réponse de la GH au stimulus hypoglycémique.
l’hyperestrogénie (dans le cadre d’une grossesse ou
induite par des médicaments), l’HTA, l’athérosclérose, le ‚ STV secondaire
traitement anticoagulant, le diabète, les anomalies de
On peut opposer les STV dites primaires, qui sont Le diagnostic de STV secondaire se fait
l’hémostase, la radiothérapie hypophysaire,
considérées comme une simple variante anatomique essentiellement sur l’anamnèse du patient. Il est
l’angiographie carotidienne, la ventilation assistée, les
et dont la pathogénie n’est pas encore comprise aux évident chez un patient dont on sait qu’il a été traité
traumatismes crâniens et les infections du système
STV secondaires. pour un adénome hypophysaire. Il nécessite un
respiratoire. Toutefois, 77 % des cas d’apoplexie restent interrogatoire très précis chez les patients sans
‚ STV primaire sans étiologie évidente. L’apoplexie hypophysaire antécédent connu d’adénome, à la recherche d’un
donne typiquement un tableau aigu mais peut aussi épisode de nécrose hypophysaire (cf supra).
La pathogénie de la STV primaire est encore mal
passer inaperçue dans près de la moitié des cas. Cependant, un tel épisode n’est retrouvé que dans
élucidée. La formation d’une STV nécessite certes une
déficience du diaphragme sellaire mais aussi une Enfin, la régression d’une hyperplasie hypophysaire 50 % des cas. L’interrogatoire et l’examen clinique
seconde anomalie qui pourrait être une obésité, une secondaire à une grossesse ou à une insuffisance recherchent également des signes évocateurs
hypertension artérielle (HTA), une pseudotumeur hormonale périphérique (le plus souvent thyroïdienne) d’hypersécrétion (persistance d’un syndrome
cérébrale définie par une hypertension intracrânienne a également été proposée comme cause de STV. dysmorphique, épisode d’aménorrhée associée ou
(HTIC) bénigne (dans 10 à 65 % des cas) [3], voire de Plus récemment, une hypothèse auto-immune a été non à une galactorrhée, etc). Les anomalies
simples fluctuations de pression du LCR au cours de la évoquée, en particulier par Komatsu en 1988 [5]. Il a en hormonales sont beaucoup plus fréquentes dans ce
journée. L’hyperpression du LCR entraînerait le effet retrouvé la présence d’anticorps antihypophysaires cadre-là et leur fréquence comparable à celle
remodelage et l’agrandissement de la selle turcique. chez 75 % des patients présentant une STV dite retrouvée dans les adénomes hypophysaires [2]. La
primaire. La STV pourrait représenter le stade final de nature du déficit est fonction du type de tumeur
‚ STV secondaire l’atrophie d’une hypophysite auto-immune. D’autres hypophysaire sous-jacente, de l’extension de la
Une STV peut également être la conséquence d’une auteurs n’ont pas retrouvé d’anticorps antihypophysai- destruction hypophysaire et du type de traitement.
© Elsevier, Paris

pathologie hypophysaire connue ou méconnue. Le res ; on pourrait supposer que les anticorps présents au
diagnostic est évident après traitement d’un adénome cours de l’hypophysite aient disparu au stade ultime de ‚ Rhinorrhée
hypophysaire par chirurgie, radiothérapie ou l’évolution, c’est-à-dire au stade de STV. La spécificité de Une rhinorrhée de LCR, secondaire à une brèche
bromocriptine. L’association entre STV (le plus souvent ces anticorps est très discutée et leur valeur durale par érosion du plancher sellaire, a été rapportée
partielle) et adénome hypophysaire a été rapportée controversée. Des études complémentaires et surtout chez 4 % des patients porteurs d’une STV. Elle est

1
3-0610 - Selles turciques vides

parfois asymptomatique et donc à rechercher étiologie. Le bilan ophtalmologique. Comprenant un


systématiquement. Elle peut se compliquer d’une champ visuel et un fond d’œil), et la recherche d’une
méningite. rhinorrhée sont indispensables. Le bilan hormonal
‚ Anomalies visuelles nécessite des dosages de base et après stimulation des
principales hormones hypophysaires (ACTH, LH, FSH,
Des anomalies visuelles ont été rapportées, le plus
TSH, prolactine) et périphériques (cortisol, T4 libre,
souvent dans les STV secondaires. Il s’agit essentiellement
testostérone ou estradiol). Actuellement, la recherche
d’hémianopsie bitemporale ou de quadranopsie. La ptose
d’un déficit en GH est réservée aux enfants.
du chiasma, secondaire à l’arachnoïdocèle, ne serait pas
suffisante à elle seule pour expliquer l’altération du champ Au terme de ce bilan on peut retenir le diagnostic de
visuel. Celle-ci serait due, en fait, à des modifications de la STV secondaire ou primaire. Dans ce dernier cas, le
vascularisation du chiasma, survenues au moment de traitement des facteurs de risque associés (HTA,
l’apoplexie hypophysaire ou secondaires à l’étirement de obésité) est conseillé. La substitution hormonale est
la tige pituitaire. instaurée en cas de déficit. L’éventuelle hyperprolacti-
némie peut être contrôlée par un agoniste


dopaminergique type Parlodelt. Le risque de
Diagnostic méningite en cas de rhinorrhée conduit à proposer un
traitement chirurgical qui consiste à reconstruire le
plancher sellaire. Malheureusement, cette intervention
Dans la plupart des cas, la STV est retrouvée est souvent inefficace. Si la rhinorrhée persiste, il est
fortuitement au cours d’une imagerie cérébrale souvent nécessaire d’effectuer une dérivation du LCR.
demandée pour des raisons diverses (céphalées, 2 IRM T2 : selle turcique vide primaire (coupe
On peut proposer, en cas de déficit du champ
traumatisme crânien, etc.). sagittale).
visuel, une chiasmapexie par voie transsphénoïdale
Le diagnostic de STV se faisait à l’origine par pour soulager la traction exercée sur le chiasma
l’encéphalographie gazeuse qui montrait la présence La radiographie de la selle turcique retrouve des optique.
d’air dans la selle turcique sous le diaphragme sellaire. anomalies du contour, du plancher sellaire ou une Les autres indications opératoires sont les
érosion de la corticale osseuse. L’absence d’asymétrie adénomes hypophysaires associés, les céphalées
du plancher sellaire, le caractère harmonieux de la invalidantes et résistantes à tout traitement (bien que
ballonnisation de la selle, sont en faveur d’une STV l’efficacité soit discutée), une arachnoïdocèle
primaire alors qu’une selle turcique complètement
importante avec amincissement et érosion du
déformée évoque plutôt une STV secondaire. Dans
plancher sellaire.
tous les cas, actuellement, l’imagerie par résonance
L’intervention se fait par voie rhinoseptale trans-
magnétique (IRM) hypophysaire est l’examen de
sphénoïdale, la cavité est comblée par du tissu [4].
référence pour toute pathologie hypophysaire (fig 1,
2). Elle permet d’éliminer un kyste, de rechercher un
adénome hypophysaire associé, d’apprécier un
éventuel retentissement sur la tige pituitaire et les
voies visuelles, en particulier le chiasma optique.

Conclusion


Conduite à tenir devant une STV Une STV primaire est le plus souvent découverte
de découverte fortuite fortuitement à l’occasion d’une imagerie cérébrale. Il
à l’imagerie
s’agit d’une pathologie bénigne, et, en l’absence de
dysfonctionnement hypophysaire ou de troubles
Nous recommandons d’effectuer une IRM visuels associés, il n’y a pas d’indication à poursuivre
hypophysaire afin de visualiser au mieux la selle les investigations. Une STV secondaire bénéficie du
1 IRM T1 : selle turcique vide secondaire, postopé-
turcique et le chiasma optique. L’interrogatoire et même type de prise en charge qu’un adénome
ratoire et ptose du chiasma optique (coupe frontale).
l’examen clinique permettent d’orienter vers une hypophysaire.

Pascale Cohen-Presberg : Chef de clinique-assistant.


Sylvie Dejager : Chef de clinique-assistant.
Luc Foubert : Chef de clinique-assistant.
Gérard Turpin : Professeur, chef du service d’endocrinologie-métabolisme.
service d’endocrinologie-métabolisme 1, groupe hospitalier pitié-salpêtrière, 47-83, boulevard de l’hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : P Cohen-Presberg, S Dejager, L Foubert et G Turpin. Selles turciques vides.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0610, 1998, 2 p

Références

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2
¶ 3-0630

Aménorrhées
N. Bourcigaux, S. Christin-Maitre

L’aménorrhée (absence de règles) transitoire ou permanente est secondaire à un dysfonctionnement de


l’axe hypothalamohypophysaire ovarien ou à une anomalie anatomique utérine ou vaginale. On
distingue généralement l’aménorrhée « primaire » en l’absence de cycle menstruel chez la fille après l’âge
de 16 ans avec ou sans développement pubertaire et « secondaire » devant l’interruption du cycle
(≥ 6 mois) chez une femme préalablement réglée. Cette distinction est artificielle. Leurs étiologies peuvent
être communes, l’aménorrhée primaire est principalement liée à une anomalie chromosomique ou
génique. La démarche diagnostique doit comporter un interrogatoire, un examen clinique minutieux et
un bilan hormonal. Après avoir éliminé une grossesse, les différentes causes peuvent se classer en quatre
types : les aménorrhées avec carence estrogénique secondaire à un déficit gonadotrope d’origine
hypothalamohypophysaire (congénital, tumoral, ou inflammatoire) ; les aménorrhées par anovulation
chronique ; les insuffisances ovariennes primitives ; les aménorrhées par anomalie utérine. Toute
aménorrhée doit être explorée.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Aménorrhée ; Hypogonadisme ; Insuffisance ovarienne ; Syndrome des ovaires polykystiques ;
Hyperandrogénie

Plan souligne simplement que les premières relèvent surtout de


causes chromosomiques et géniques.
L’absence de règles est physiologique pendant la grossesse, la
¶ Introduction 1
lactation et la ménopause. En revanche, toute interruption du
¶ Rappel physiologique 1 cycle menstruel, au-delà de 1 mois, après arrêt d’une contracep-
Au niveau hypothalamique 1 tion orale est anormale et justifie une enquête étiologique. En
Au niveau hypophysaire 1 pathologie, l’existence d’une aménorrhée témoigne d’une
Au niveau ovarien 2 atteinte de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien ou d’une
Au niveau utérin 2 anomalie anatomique du tractus de reproduction.
¶ Conduite diagnostique 2
Aménorrhée primaire 2
Aménorrhée secondaire 3 ■ Rappel physiologique
¶ Causes des aménorrhées 4
Aménorrhées avec carence estrogénique secondaire à un déficit L’existence de cycles menstruels réguliers témoigne du bon
gonadotrope (estradiol bas, gonadotrophines « normales » fonctionnement de la mécanique ovulatoire et de l’intégrité de
ou basses) 4 l’organe cible utérin. Un cycle ovulatoire nécessite la parfaite
Aménorrhées par anovulation chronique 5 intégrité anatomique, fonctionnelle et moléculaire de l’axe
Insuffisances ovariennes primitives (FSH et LH élevées avec gonadotrope [1].
estradiol bas) 6
Aménorrhées par anomalie utérine 6 Au niveau hypothalamique
¶ Conclusion 6 La physiologie de l’axe gonadotrope nécessite la présence de
neurones à gonadotropin releasing hormone (GnRH) fonctionnels
ayant migré pendant la vie embryonnaire de la placode olfac-
tive vers le noyau arqué [2]. Ils ont une activité pulsatile qui ne
■ Introduction peut cependant survenir que chez un sujet ayant des apports
nutritionnels suffisants. La GnRH formée de dix acides aminés
Les aménorrhées sont définies par l’absence de cycle mens- est libérée dans le sang porte hypothalamohypophysaire [3].
truel. Chez la fille, après l’âge de 16 ans avec ou sans dévelop-
pement pubertaire, il s’agit de l’aménorrhée primaire. Une Au niveau hypophysaire
interruption des cycles chez une femme préalablement réglée au
moins six mois est une aménorrhée secondaire. La distinction La GnRH se lie sur les récepteurs membranaires des cellules
classique entre aménorrhée primaire et aménorrhée secondaire gonadotropes. La présence de GnRH est nécessaire non seule-
est artificielle puisque leurs étiologies se recouvrent. Elle ment à la sécrétion mais aussi à la biosynthèse de la sous-unité

Traité de Médecine Akos 1


3-0630 ¶ Aménorrhées

Pulsation : 90 60 240 minutes


de la GnRH
LH

FSH
Hypophyse

Progestérone

Estradiol

Corpus
Ovulation albicans
Corpus luteum
Ovaire

Recrutement
Dominance Recrutement
Sélection
Endomètre

Jours du cycle 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 2
Figure 1. Cycle menstruel. GnRH : gonadotropin-releasing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone ; LH : luteinizing hormone.

a et des sous-unités b des gonadotrophines, qui forment la LH


luteinizing hormone (LH) et la follicle stimulating hormone (FSH) [4].
Récepteur LH
Cholestérol
Au niveau ovarien Cellule de
Le stock de follicules ovariens est présent dès la vie embryon- la thèque
naire [1]. Le follicule ovarien est formé de plusieurs couches. Il
existe une couche externe appelée la thèque et une couche Delta 4 androstènedione
interne formée par les cellules de la granulosa. Les cellules de la
granulosa entourent l’ovocyte. Lors du cycle, la LH se lie à son
Cellule de
récepteur situé sur la membrane des cellules de la thèque et la Membrane
la granulosa
FSH se lie à son récepteur situé sur les cellules de la granulosa. Delta 4 androstènedione basale
L’ovulation est la conséquence du pic de LH. La stéroïdogenèse
ovarienne nécessite une mécanique hautement coordonnée. Le
cycle ovarien débute par le premier jour des règles. La première Aromatase
partie du cycle est appelée phase folliculaire, la deuxième partie
survenant après l’ovulation s’appelle la phase lutéale. Le cycle
dure en moyenne de 28 à 32 jours. En phase folliculaire la Récepteur FSH
Estradiol
biosynthèse de 17 b-estradiol (E2) est prédominante. Elle est
responsable de la prolifération endométriale. Dans les cellules de FSH
la thèque interne, sous l’effet de LH, se forme l’androstè-
Figure 2. Théorie bicellulaire. FSH : follicle stimulating hormone ; LH :
nedione. Dans les cellules de la granulosa sous l’effet de FSH, les
luteinizing hormone.
androgènes sont transformés en estradiol selon la théorie
bicellulaire. C’est l’aromatisation des androgènes. Après l’ovula-
.

tion, la stéroïdogenèse ovarienne est déviée vers la production


de progestérone (Fig. 1, 2).
■ Conduite diagnostique (Fig. 3)
Aménorrhée primaire
Au niveau utérin
Interrogatoire
La desquamation cyclique de l’endomètre nécessite l’intégrité
anatomique de l’utérus, formé à partir des dérivés des canaux de Devant une aménorrhée primaire, la probabilité d’une cause
Müller. Elle n’est possible que si une prolifération suffisante de génétique est importante. Il convient donc de rechercher
cette muqueuse est obtenue en phase folliculaire sous l’effet de l’existence, dans la famille, d’autres individus atteints d’hypo-
l’E2. De même la transformation en endomètre sécrétoire apte gonadisme. L’interrogatoire permet aussi de rechercher une
à la nidation ne se produit qu’en présence de progestérone. carence nutritionnelle liée ou non à une maladie chronique.
Finalement, c’est la chute conjointe des concentrations d’E2 et
de progestérone, en l’absence de grossesse, qui provoque les Examen clinique
modifications vasculaires qui seront à l’origine de la nécrose Il précise le développement pubertaire. La présence d’un
endométriale et donc des règles. L’âge moyen de survenue des développement mammaire permet de préjuger d’une sécrétion
règles est actuellement de 12 ans et 8 mois dans les pays d’estradiol. Le délai entre le début du développement mam-
occidentaux. maire et les premières règles est en moyenne de 3 ans. Il est

2 Traité de Médecine Akos


Aménorrhées ¶ 3-0630

Dosage plasmatique :
hCG, PRL, FSH, LH, estradiol, testostérone

FSH FSH, LH normale ou FSH normale, Testostérone


hCG PRL
Estradiol Estradiol LH normale ou > FSH > 1,5 ng/ml
Estradiol normal
Testostérone normale ou
Grossesse Hyperprolactinémie Insuffisance Insuffisance
ovarienne gonadotrope
Échographie Échographie
Éliminer la prise de IRM pelvienne ovarienne
médicament hypothalamohypophysaire Scanner
hyperprolactinémiant surrénalien
Ovaires > 10 ml ou Anomalie
IRM > 12 follicules / ovaire utérine
hypothalamohypophysaire

Infiltration de la tige Tumeur Syndrome Rokitanski


Adénome des ovaires Résistance aux Tumeur
hypothalamohypophysaire Infiltration
à prolactine ++ Normale polykystiques androgènes surrénalienne
= HPRL de déconnexion hypothalamo-
hypophysaire ou ovarienne
Tumeurs non sécrétantes

Enquête Enquête
nutritionnelle familiale

Figure 3. Arbre décisionnel. FSH : follicle stimulating hormone ; GH : growth hormone ; LH : luteinizing hormone ; PRL : prolactine ; hCG : human chorionic
gonadotropin ; IRM : imagerie par résonance magnétique; HPRL: hyperprolactinémie.

nécessaire à ce stade de la démarche diagnostique de rechercher endocrinienne ou chronique pouvant retentir sur l’axe gonado-
une anosmie dont la présence confirme le syndrome de Kall- trope, le fonctionnement ovarien. Il est nécessaire d’apprécier
mann. Une petite taille et un syndrome malformatif font l’état nutritionnel. L’histoire gynécologique et obstétricale est
évoquer un syndrome de Turner. utile pour dater l’ancienneté des troubles. L’existence de bouffées
L’examen a pour but de visualiser la pilosité pubienne, de chaleur fera suspecter une insuffisance ovarienne. En cas de
d’évaluer la perméabilité et la trophicité du vagin et du col. Il douleurs pelviennes cycliques, on s’oriente vers une cause utérine
doit être complété par une échographie pelvienne de bonne d’autant plus qu’il existe une notion de traumatisme endo-utérin
qualité qui précisera la taille et la position des gonades et (curetage, interruption volontaire de grossesse).
l’existence de dérivés mullériens. L’absence d’utérus doit faire
rechercher une anomalie anatomique telle le syndrome de Examen clinique
Rokitansky, mais surtout du tissu testiculaire dans les canaux Devant toute aménorrhée, la mesure du poids et de la taille
inguinaux dont la présence évoque des troubles de l’hormono- avec l’établissement de l’indice de masse corporelle (poids/
synthèse ou de la réceptivité aux androgènes. taille2) (Indice de masse corporelle, IMC ou body mass index,
L’existence d’une ambiguïté des organes génitaux externes BMI) est nécessaire pour dépister une carence nutritionnelle
avec une masculinisation fait rechercher une dysgénésie gona- relative. La normale du BMI se situe entre 20 et 25. Les signes
dique, une hyperplasie congénitale des surrénales. d’hyperandrogénie (séborrhée, acné, hirsutisme) peuvent
Devant une aménorrhée primaire chez une adolescente ayant accompagner une aménorrhée. Ils orientent vers certaines
par ailleurs un développement pubertaire, la démarche diagnos- causes en particulier le syndrome des ovaires polykystiques ou
tique, après avoir vérifié l’absence de grossesse et d’une agénésie une hyperplasie congénitale des surrénales, le plus souvent par
utérine, sera celle d’une aménorrhée secondaire. Une aménor- déficit en 21-hydroxylase. Une galactorrhée doit être recherchée
rhée primaire à l’âge de 15 ans doit être explorée. mais, en pratique, ce signe clinique est d’une sensibilité et d’une
spécificité médiocres pour reconnaître une pathologie de la
Aménorrhée secondaire prolactine.

Une grossesse doit toujours être éliminée, même si l’aménor- Test aux progestatifs
rhée date de plusieurs mois. En effet, la patiente a pu présenter
Il a pour but d’apprécier la sécrétion ovarienne d’estradiol
un cycle ovulatoire après quelques mois d’anovulation. Les
d’une femme en aménorrhée. Il consiste en l’administration
aménorrhées secondaires sont le plus souvent le résultat d’une
d’un progestatif pendant 10 jours : le test est dit positif si
pathologie acquise. Cependant, une anomalie génétique est
surviennent des règles dans les 5 jours suivant l’arrêt du
toujours possible.
progestatif. Ce test qui rend compte de l’imprégnation par les
estrogènes de l’endomètre, est, au contraire, négatif, lorsque la
Interrogatoire
carence estrogénique est sévère et ceci, indépendamment de sa
L’interrogatoire recherche des causes évidentes comme un cause. Les signes de carence estrogénique sont présents lorsque
rapport sexuel potentiellement fécondant, certaines prises l’atteinte gonadotrope ou ovarienne est profonde.
médicamenteuses (traitements augmentant la prolactine, ou des L’examen gynécologique est important pour apprécier l’état
antécédents de radiothérapie, chimiothérapie), une maladie des muqueuses et visualiser la glaire.

Traité de Médecine Akos 3


3-0630 ¶ Aménorrhées

Dosages hormonaux de première intention Tableau 1.


Hypogonadismes hypogonadotropes congénitaux. Estradiol bas,
Les premiers examens complémentaires, human chorionic gonadotrophines normales ou basses. Impubérisme dans les formes
gonadotropin (hCG), prolactine, LH, FSH, E 2 , ont pour but complètes.
d’écarter une grossesse méconnue (hCG) puis de rechercher une
pathologie de la prolactine, un déficit gonadotrope (E2 bas, Protéine Chromosome Type
concentrations de LH et de FSH non élevées) ou une insuffi- Avec anosmie Anosmine Xp, KAL1 perte de fonction [5]
sance ovarienne (E2 bas, concentrations élevées de LH et surtout FGF-R 1 8p, KAL 2 perte de fonction [6, 7]
de FSH). Les androgènes (testostérone, D4-androstènedione, [8]
Sans anosmie R-GnRH 4q perte de fonction
17-OH progestérone) sont dosés en cas de signes cliniques [9, 10]
R-GPR54 19p perte de fonction
d’hyperandrogénie. Ils recherchent le syndrome des ovaires
Leptine 7q perte de fonction [7]
polykystiques et doivent éliminer le bloc en 21-hydroxylase. Le
test à la GnRH n’est pas nécessaire dans l’exploration des R-Leptine 1p perte de fonction
aménorrhées. FGF-R1 : fibroblast growth factor receptor 1 ; GnRH : gonadotropin releasing hormone.
Aménorrhée due à une anomalie anatomique dans le développement des canaux
de Müller. Caryotype XY : résistance aux androgènes (testicule féminisant) ;
■ Causes des aménorrhées (Fig. 4) déficit en 5a-réductase ; déficit du gène SRY.

Aménorrhées avec carence estrogénique (tumeur embryonnaire) ou des processus infiltratifs hypothala-
secondaire à un déficit gonadotrope mohypophysaires, telles la sarcoïdose, les infundibulohypophy-
(estradiol bas, gonadotrophines sites et l’histiocytose.
« normales » ou basses) Hypogonadismes congénitaux (Tableau 1)

Aménorrhées d’origine hypothalamique Ils se révèlent par un impubérisme dans leur forme complète.
Il s’agit du syndrome de Kallmann de Morsier qui associe à
avec prolactine normale
l’hypogonadisme une anosmie ou une hyposmie (absence ou
Elles peuvent être définies comme l’incapacité de l’hypotha- diminution de l’odorat). Cette pathologie résulte, dans sa forme
lamus à libérer la GnRH. Le test aux progestatifs est souvent liée au chromosome X, de différentes mutations du gène KAL-1
négatif dans les aménorrhées d’origine hypothalamique, ce qui qui code pour l’anosmine. Cette protéine est impliquée dans la
témoigne de la profondeur de la carence estrogénique. Une migration des neurones à GnRH, de la placode olfactive vers le
imagerie par résonance magnétique (IRM) ou, à défaut, un noyau arqué pendant la vie embryonnaire [5]. Les formes de
scanner de la région hypothalamohypophysaire est indispensa- Kalmann liées à l’X n’atteignent que les garçons. Dans la forme
ble à la recherche d’une éventuelle tumeur ou infiltration. de Kallmann de Morsier de transmission autosomique, des
mutations du gène codant pour le récepteur du fibroblast growth
Atteintes organiques de l’hypothalamus factor (FGF) de type 1 (FGFR-1) ont été mises en évidence en
Même si elles sont rares, les atteintes organiques de l’hypo- 2003 [6]. Dans les formes d’hypogonadisme hypogonadotrophi-
thalamus doivent être éliminées, en particulier un processus que sans anosmie, des cas de perte de fonction du récepteur de
tumoral ou infiltratif de la région hypothalamohypophysaire. Il la GnRH ont été identifiés, la première en 1997 [8]. En 2003 un
est nécessaire d’éliminer un processus tumoral ou infiltratif de nouvel acteur a été identifié dans des cas d’hypogonadisme
la région hypothalamohypophysaire. La radiothérapie encépha- hypogonadotrophique sans anosmie : le gène du récepteur GPR
lique ou de la base du crâne entraîne également une atteinte 54 [9]. Le Kiss peptide et son récepteur GPR54 contrôleraient la
hypothalamique. Les tumeurs en cause sont essentiellement les sécrétion de GnRH et joueraient un rôle primordial dans le
macroadénomes hypophysaires et les craniopharyngiomes déclenchement de la puberté [10].

Tumeurs Hypothalamus Syndrome de Kallmann


Infiltrations avec anosmie
Radiothérapie Gène KAL1, anosmine
Gène KAL2, R-FGF1

GnRH Hypogonadisme sans anosmie


Gène Kiss1, R-GPR 54
Adénome Gène du récepteur au GnRH
Hypophysite Hypophyse
Nécrose (Sheehan)

FSH Gène de la sous-unité β


LH de la FSH

Anomalies chromosomiques
Syndrome de Turner
(délétions Xq)

SOPK Gène FOXL2


Gène du recepteur FSH, LH
IOP Gènes codant pour les facteurs et
Ovarite auto-immune enzymes de la stéroïdogenèse
Radiothérapie
Chimiothérapie Anomalies utérines
Figure 4. Axe hypothalamo-hypophyso-ovarien : principales causes d’aménorrhée. GnRH : gonadotropin-releasing hormone ; FSH : follicle stimulating
hormone ; LH : luteinizing hormone ; PRL : prolactine ; SOPK : syndrome des ovaires polykystiques ; IOP : insuffisance ovarienne prématurée.

4 Traité de Médecine Akos


Aménorrhées ¶ 3-0630

La corrélation entre génotype et phénotype, hypogonadisme Déficits gonadotropes d’origine hypophysaire


avec anosmie implique l’anosmine ou le FGFR-1 (Kall 1 et 2) et
Ils sont beaucoup plus rares que les atteintes hypo-
hypogonadisme sans anosmie implique GPR54 ou le récepteur
thalamiques.
du GnRH, n’est en fait pas si aisée. En effet, plusieurs mutations
Au plan étiologique, le syndrome de Sheehan résulte classi-
du FGFR-1 responsables d’une perte de fonction du récepteur
quement d’une nécrose hypophysaire du post-partum à la suite
peuvent correspondre au sein d’une même famille à un phéno-
d’un accouchement hémorragique avec collapsus vasculaire. Le
type variable d’hypogonadisme avec ou sans anosmie avec ou
tableau clinique bien connu associe une aménorrhée du post-
sans anomalie de la ligne médiane [7].
partum et une absence de montée laiteuse. En fait, une grande
Parmi les causes génétiques d’hypogonadisme hypogonado- majorité des aménorrhées du post-partum est plutôt due à une
trophique, quelques cas exceptionnels de mutation du gène de atteinte auto-immune de l’hypophyse. Ces hypophysites
la leptine ou de son récepteur ont été identifiés [11] . Cette lymphocytaires peuvent, comme la nécrose hypophysaire, se
hormone, synthétisée par le tissu adipeux, joue un rôle dans le révéler par une absence de montée laiteuse et une aménorrhée
déclenchement de la puberté, probablement par action du post-partum, mais il manque la notion étiologique d’accou-
hypothalamique. chement hémorragique [13] . L’IRM hypophysaire permet de
Atteintes fonctionnelles hypothalamiques suspecter le diagnostic en montrant une grosse hypophyse en
hypersignal spontané, parfois d’allure pseudotumorale ou
Elles représentent de loin, la cause la plus fréquente d’amé- inversement une selle turcique vide [14].
norrhées secondaires d’origine hypothalamique. Elles sont Tout à fait exceptionnels sont les déficits gonadotropes par
souvent classées comme psychogènes mais elles résultent atteinte génétique des gonadotrophines. En 1993, un cas
presque toujours d’un apport calorique insuffisant. L’aménor- d’aménorrhée primaire liée à un déficit en FSH mais avec
rhée peut survenir dans un contexte extrême d’anorexie sécrétion normale de LH a été rapporté [15]. Deux autres cas ont
mentale (< 66 % du poids idéal) ou BMI < 16. Cependant, un été décrits depuis. Aucun cas de mutation de LH avec une LH
tableau d’aménorrhée peut être observé chez des femmes inactive n’a été décrit à ce jour chez une femme.
jeunes, apparemment normales, (BMI proche de 20) mais dont
les apports nutritionnels, en particulier en lipides, sont insuffi-
sants par rapport à leur dépense énergétique [12]. Ces patientes
Aménorrhées par anovulation chronique
ont une diminution significative de la masse grasse et un arrêt Les anovulations se caractérisent par l’absence de pic cyclique
de la pulsatilité de la GnRH. De même une activité physique de LH et de sécrétion de progestérone. Les troubles des règles
intense, plus de 6 heures par semaine (jogging, danse, gymnas- sont représentés par une aménorrhée, parfois des irrégularités
tique) induit un ralentissement des pulses de GnRH. menstruelles ou des ménométrorragies. Ces troubles peuvent
alterner chez une même patiente.
Hyperprolactinémies
Anovulations chroniques sans carence
Le taux normal de prolactine chez la femme est inférieur à estrogénique avec signes d’hyperandrogénie
20 ng/ml. Les hyperprolactinémies résultent le plus souvent, en
l’absence de prise de médicaments hyperprolactinémiants, de Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)
tumeurs de la région hypothalamohypophysaire, en particulier C’est une pathologie fréquente, hétérogène et primitivement
des adénomes à prolactine appelés prolactinomes. Au plan ovarienne qui affecte 5 à 20 % des femmes en âge de procréer.
symptomatique, l’hyperprolactinémie peut débuter par des Depuis la conférence de consensus de Rotterdam en 2003, ce
irrégularités menstruelles puis conduire à une aménorrhée qui syndrome est défini par l’association d’au moins deux des trois
traduit alors simplement une atteinte gonadotrope plus pro- critères suivants [16] :
fonde. L’effet antigonadotrope de la prolactine s’exerce de façon • une dysovulation qui se manifeste par des irrégularités
prédominante au niveau hypothalamique par diminution de la menstruelles ou une aménorrhée, présentes souvent depuis la
fréquence des pulses de GnRH par atteinte hypothalamique. puberté ;
Les adénomes à prolactine représentent 80 % des adénomes • une hyperandrogénie clinique (acné, hirsutisme) ou biologi-
hypophysaires et constituent une cause très fréquente d’hyper- que (une élévation de la D4-androstènedione plasmatique et
prolactinémie. Un taux de prolactine supérieur à 200 ng/ml une élévation parallèle de la testostérone) ;
signe un adénome à prolactine. Il est nécessaire de distinguer les .
• des ovaires de taille ≥ 10 cm2 ou au minimum 12 follicules
microadénomes (taille inférieure à 10 mm) des macroadénomes par ovaires à l’échographie pelvienne réalisée en début de
(taille supérieure à 10 mm). Dans le bilan des adénomes à phase folliculaire.
prolactine, il est nécessaire d’évaluer le taux d’hormone de À ces critères s’ajoutent, chez 20 à 80 % des patientes, des
croissance car les adénomes peuvent être mixtes (prolactine- anomalies métaboliques : une hyperinsulinémie et une résis-
GH). En cas d’extension suprasellaire, le retentissement de tance à l’insuline associées ou non à un surpoids. D’autres
l’adénome doit être évalué par un champ visuel et une mesure anomalies, en dehors des critères diagnostiques, sont fréquem-
de l’acuité visuelle. L’extension de l’adénome peut être latérale ment présentes. Biologiquement, la concentration de LH peut
dans les sinus caverneux avec atteinte des paires crâniennes III, être élevée. Elle n’est pas obligatoire pour établir le diagnostic
IV, V, VI. de SOPK. La FSH est classiquement normale. La concentration
Les hyperprolactinémies par atteinte hypothalamique ou plasmatique d’E 2 est normale pour une phase folliculaire
déconnexion hypothalamohypophysaire relèvent essentielle- précoce, mais ne varie pas au cours du cycle. Le test aux
ment de processus tumoraux sellaires ou suprasellaires volumi- progestatifs est positif.
neux (macroadénomes hypophysaires autres qu’un prolacti-
Aménorrhées par hyperandrogénie organique ovarienne
nome, craniopharyngiome, gliome du chiasma, dysgerminome,
ou surrénalienne
méningiome), de maladies infiltratives (sarcoïdose, histiocytose,
hypophysite) ou d’atteintes hypothalamiques consécutives à Toute hyperandrogénie sévère peut être responsable d’une
une radiothérapie. Le taux de prolactine est classiquement aménorrhée [17]. Lorsque l’origine est tumorale, les signes de
inférieur à 100 ng/ml. virilisation sont importants (hypertrophie clitoridienne et des
masses musculaires), souvent d’apparition récente. Si la concen-
Aménorrhées liées à d’autres endocrinopathies tration plasmatique de testostérone dépasse 1,5 ng/ml, il faut
rechercher une tumeur de l’ovaire ou de la surrénale. En
Les troubles des règles sont rares au cours des hypothyroïdies. l’absence d’imagerie montrant clairement une tumeur ova-
L’hypercorticisme, indépendamment de son étiologie, est une rienne, il peut être nécessaire de réaliser un cathétérisme
cause beaucoup plus importante d’aménorrhée. Elle résulte simultané des deux veines ovariennes et d’une veine périphéri-
essentiellement du déficit gonadotrope. que pour localiser l’ovaire responsable de l’hyperandrogénie.

Traité de Médecine Akos 5


3-0630 ¶ Aménorrhées

L’hyperandrogénie surrénalienne peut être consécutive à une Les aménorrhées secondaires d’origine utérine sont la consé-
sécrétion directe de testostérone par la tumeur. Cette tumeur est quence de synéchies utérines secondaires à des gestes traumati-
le plus souvent un corticosurrénalome. Le diagnostic sera ques sur l’utérus (curetages répétés, interruption volontaire de
facilement confirmé par un scanner des surrénales. grossesse, chirurgie pour myomes ou césarienne). Plus rarement
Finalement, un déficit enzymatique surrénalien, en particulier il s’agit d’une tuberculose utérine.
en 21-hydroxylase, doit être éliminé [18]. Cette enzyme surréna-
lienne joue un rôle clé dans la stéroïdogenèse. Dans sa forme à
révélation tardive, le diagnostic est porté devant une hyperan- ■ Conclusion
drogénie, des troubles des règles, une infertilité ou une aménor-
rhée. Ce diagnostic est envisagé si la concentration basale, Il est nécessaire de toujours éliminer une grossesse. Les causes
prélevée le matin, de 17-OH-, molécule en amont du bloc en les plus fréquentes d’aménorrhée sont : le syndrome des ovaires
21-hydroxylase, est supérieure à 2 ng/ml. Si nécessaire, le polykystiques, l’hyperprolactinémie et l’aménorrhée hypothala-
diagnostic sera confirmé par une élévation supérieure à mique. Dans les cas d’aménorrhée primaire avec une petite
12 ng/ml après stimulation par l’adrenocorticotropic hormone taille, il est nécessaire d’évoquer le syndrome de Turner. Si la
(ACTH), lors d’un test au Synacthène®. Il existe de rares cas de taille est normale, de rares causes génétiques d’hypogonadisme
déficit en 11-hydroxylase. hypogonadotrophique ont été identifiées ces dernières années.
Elles permettent de mieux comprendre la physiologie de l’axe
gonadotrope.
Insuffisances ovariennes primitives .

(FSH et LH élevées avec estradiol bas)


Si l’épuisement du capital folliculaire survient avant la
■ Références
puberté, la présentation clinique est celle d’un impubérisme [1] Chabbert-Buffet N, Djakoure C, Christin-Maitre S, Bouchard P.
avec une aménorrhée primaire [19]. Lorsque la disparition des Regulation of the human menstrual cycle. Front Neuroendocrinol
follicules ovariens a lieu après la puberté, on observe une 1998;19:151-86.
aménorrhée primaire ou secondaire avec dans certains cas des [2] Schwanzel-Fukuda M, Jorgenson KL, Bergen HT, Weesner GD,
bouffées de chaleur, une dyspareunie et le test aux progestatifs Pfaff DW. Biology of normal luteinizing hormone-releasing hormone
est négatif [20] . Dans tous les cas, les dosages hormonaux neurons during and after their migration from olfactory placode.
mettent en évidence une élévation des concentrations des Endocr Rev 1992;13:623-34.
[3] Crowley Jr. WF, Filicori M, Spratt DI, Santoro NF. The physiology of
gonadotrophines, surtout de FSH > 40 mUI/ml, avec une
Gonadotropin-Releasing hormone (GnRH) secretion in men and
concentration d’estradiol basse. Les étiologies sont le syndrome
women. Recent Prog Horm Res 1985;41:473-531.
de Turner (monosomie X dans sa forme 45X exceptionnelle ou [4] Christin-Maitre S. Les gonadotrophines. Reprod Hum Horm 2001;14:
dans les formes mosaïques) qui peut associer une petite taille, 501-10.
un cubitus valgus, une coarctation de l’aorte, un rein en « fer [5] Soussi-Yanicostas N, de Castro F, Julliard AK, Perfettini I, Chedotal A,
à cheval », une implantation basse des cheveux, des naevi [21]. Petit C. Anosmin-1, defective in the X-linked form of Kallmann syn-
Un caryotype est nécessaire pour faire le diagnostic et éliminer drome, promotes axonal branch formation from olfactory bulb output
du matériel Y. Des traitements de chimiothérapie ou de neurons. Cell 2002;109:217-28.
radiothérapie dans l’enfance, l’adolescence ou chez la femme [6] Dode C, Levilliers J, Dupont JM, De Paepe A, Le Du N, Soussi-
jeune peuvent induire des insuffisances ovariennes. Cependant, Yanicostas N, et al. Loss of function mutations in FGFR1 cause
dans plus de 90 % des cas, l’arrêt de fonctionnement de autosomal dominant Kallmann syndrome. Nat Genet 2003;33:
l’ovaire avant l’âge de 40 ans s’accompagne d’un caryotype 463-5.
normal et reste inexpliqué. De rares cas de mutation du gène [7] Pitteloud N, Acierno Jr. JS, Meysing A, Eliseenkova AV, Ma J,
codant pour le récepteur de la FSH ont été identifiés chez des Ibrahimi OA, et al. Mutations in fibroblast growth factor receptor 1
cause both Kallmann syndrome and normosmic idiopathic
femmes avec une aménorrhée primaire et un arrêt de la
hypogonadotropic hypogonadism. Proc Natl Acad Sci USA 2006;103:
folliculogenèse au-delà du stade antral [22]. Dans le syndrome 6281-6.
rare de blépharophimose qui associe des troubles des paupières [8] de Roux N, Young J, Misrahi M, Genet R, Chanson P, Schaison G, et al.
et des gonades féminines, des mutations du gène FOXL2 ont A family with hypogonadotropic hypogonadism and mutations in the
été identifiées [23]. Dans les cas familiaux, une prémutation du gonadotropin-releasing hormone receptor. N Engl J Med 1997;337:
gène de l’X fragile doit être éliminée. 1597-602.
[9] de Roux N, Genin E, Varel JC, Matsuda F, Chaussain JL, Milgrom E.
Hypogonadotropic hypogonadism due to loss of function of the KiSS-
Aménorrhées par anomalie utérine 1-derived peptide receptor GPR54. Proc Natl Acad Sci USA 2003;100:
10972-6.
Les anomalies congénitales du tractus génital pouvant être
[10] Dungan HM, Clifton DK, Steiner RA. Minireview:kisspeptin neurons
responsables d’une aménorrhée primaire ne sont pas exception-
as central processors in the regulation of gonadotropin-releasing
nelles. Une imperforation hyménéale ou une malformation hormone secretion. Endocrinology 2006;147:1154-8.
vaginale seront suspectées chez une jeune fille ayant un [11] StrobelA, Issad T, Camoin L, Ozata M, StrosbergAD.Aleptin missense
développement pubertaire normal et des douleurs pelviennes mutation associated with hypogonadism and obesity. Nat Genet 1998;
cycliques. Elle sera confirmée par l’examen gynécologique. Une 18:213-5.
agénésie utérine (syndrome de Rokitansky) sera évoquée devant [12] Luoh S, Bain P, Polakiewick R, Goodheart M, Gardner H, Jaenisch R,
un tableau similaire sans douleur. L’échographie et si besoin une et al. Zfx mutation results in small animal size and reduced germ cell
IRM permettent de confirmer le diagnostic [24]. number in male and female mice. Development 1997;124:2275-84.
Le principal problème diagnostique en l’absence d’ambiguïté [13] Young J. Reprod Hum Horm 2001;14:705.
sexuelle est de faire la différence entre une agénésie mullérienne [14] Caturegli P, Newschaffer C, OliviA, Pomper MG, Burger PC, Rose NR.
Autoimmune hypophysitis. Endocr Rev 2005;26:599-614.
isolée et des anomalies sévères de la biosynthèse ou de la
[15] Matthews CH, Borgato S, Beck-Peccoz P, Adams M, Tone Y,
réceptivité aux androgènes. Le taux de testostérone plasmatique
Gambino G, et al. Primary amenorrhoea and infertility due to a muta-
est élevé en cas d’anomalie de la réceptivité des androgènes. tion in the beta-subunit of follicle-stimulating hormone. Nat Genet
Une caractéristique clinique est l’absence totale de pilosité. Ce 1993;5:83-6.
syndrome est appelé syndrome de résistance aux androgènes. Le [16] The Rotterdam ESHRE/ASRM-Sponsored PCOS consensus workshop
caryotype est XY. Les patients présentent des mutations avec group. Revised 2003 consensus on diagnostic criteria and long-term
perte de fonction plus ou moins complète du récepteur aux health risks related to polycystic ovary syndrome (PCOS). Hum Reprod
androgènes [25]. 2004;19:41-7.

6 Traité de Médecine Akos


Aménorrhées ¶ 3-0630

[17] Lobo RA. Ovarian hyperandrogenism and androgen-producing tumors. [22] Meduri G, Touraine P, Beau I, Lahuna O, Desroches A, Vacher-
Endocrinol Metab Clin North Am 1991;20:773-805. Lavenu MC, et al. Delayed puberty and primary amenorrhea associated
[18] Forest MG. Recent advances in the diagnosis and management of with a novel mutation of the human follicle-stimulating hormone
congenital adrenal hyperplasia due to 21-hydroxylase deficiency. Hum receptor: clinical, histological and molecular studies. J Clin Endocrinol
Reprod Update 2004;10:469-85. Metab 2003;88:3491-8.
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47 patients. J Clin Endocrinol Metab 2001;86:5498-508. 2002;511:121-34.

N. Bourcigaux (nathalie.bourcigaux@sat.aphp.fr).
S. Christin-Maitre.
Service d’endocrinologie de la reproduction, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bourcigaux N., Christin-Maitre S. Aménorrhées. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine
Akos, 3-0630, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Traité de Médecine Akos 7


3-0690
3-0690

Contraception hormonale féminine


Encyclopédie Pratique de Médecine

P Lecomte

L oin d’être une distribution de « pilule », la consultation de contraception, extrêmement fréquente, reste un
moment privilégié pour le médecin généraliste. Il doit : discuter avec la patiente de ses connaissances
concernant la reproduction ; apprécier les facteurs de risque cardiovasculaires et adapter le mode de contraception ;
informer des avantages et inconvénients des différentes méthodes ; lutter contre le tabagisme, facteur potentiel de
complication.
Les contre-indications absolues doivent être connues et respectées. Les antécédents thromboemboliques personnels
et familiaux sont particulièrement importants. Malgré la diffusion médiatique importante de cette avancée majeure
dans la maîtrise de la fertilité des couples, le médecin généraliste devra être précis dans son discours pour insister sur
la période d’adaptation nécessaire à ce traitement et en améliorer l’acceptabilité. Il devra aussi savoir répondre aux
situations d’exception (contraception postcoïtale, maladies graves) et se méfier des associations médicamenteuses.
© Elsevier, Paris.


permet d’affirmer que, à l’aube de l’an 2000, la exemple le lévonorgestrel, soit de dérivés plus
Introduction contraception orale idéale n’existe pas. Il s’agit récents du norgestrel (désogestrel), norgestimate ou
néanmoins de la méthode contraceptive la plus gestodène. Ces derniers stéroïdes sont plus
utilisée dans les pays développés. fortement antigonadotropes, pouvant être utilisés à
Malgré la diffusion de l’information, toutes les
doses plus faibles, ce qui contribue à la diminution
difficultés concernant cet acquis majeur de la


de la dose totale de stéroïde ingérée et accroît la
deuxième moitié du vingtième siècle, « la pilule »,
Estrogènes et progestatifs tolérance métabolique.
n’ont pas disparu. Le médecin généraliste doit être
particulièrement attentif à diffuser une information ‚ Estroprogestatifs (tableau I)
pertinente sur ce sujet, y compris et surtout à ‚ Estrogènes
Ils sont de différents types : combinés
l’adolescente et dans des milieux sociaux Il s’agit exclusivement d’un estrogène de monophasiques avec une même dose d’estrogène
défavorisés. Savoir expliquer simplement (et être synthèse, l’éthinylestradiol (EE), dérivé artificiel de et de progestatif dans chaque comprimé, séquentiels
entendu) n’est pas toujours simple...Il faut profiter de l’estradiol, principal estrogène sécrété par l’ovaire avec l’estrogène seul suivi de l’estrogène associé au
cet acte de prévention (vis-à-vis du risque de auquel un radical éthinyle a été ajouté. Cela confère progestatif, combinés biphasiques ou triphasiques
grossesse) pour : au produit un effet estrogénique puissant permettant avec des doses variables de l’estrogène et du
– tester les connaissances de la patiente vis-à-vis au stéroïde d’échapper à la dégradation digestive au progestatif. Les termes de « mini- » ou « normo- »
de la sexualité et s’adapter à ses choix personnels, prix d’une surcharge hépatique, le foie scindant le dosés n’ont pas de sens scientifique : ils
éthiques et moraux ; radical éthinyle de l’estradiol proprement dit qui est correspondent à des doses plus faibles ou plus
– informer sur les maladies sexuellement ensuite dégradé par cet organe, comme l’hormone importantes de stéroïdes entrant dans la
transmissibles et leur prévention ; naturelle. Le point essentiel est l’induction composition des pilules.
– interroger sur les antécédents personnels et enzymatique importante créée par cette
familiaux concernant les maladies métaboliques, transformation biochimique source d’effets


l’hypertension et la maladie thromboembolique secondaires dose dépendants : synthèse de
sans omettre de parler des vaccinations (rubéole, triglycérides, de facteurs de coagulation, Mécanisme d’action et efficacité
hépatite B). d’angiotensinogène, de protéines de liaison des
Loin d’être une prescription banale, il s’agit d’un stéroïdes hépatiques (SHBG, TBG, CBG). Ce dernier
acte médical demandant du temps et une ‚ Mécanisme d’action
point permet de comprendre certaines modifications
prescription adaptée à chaque cas. de dosages hormonaux plasmatiques de femmes Il existe toujours une action freinatrice sur les
Historiquement purement progestative, et mal sous estroprogestatifs avec augmentation des hormones gonadotropes FSH et LH stimulant
tolérée, la contraception orale s’est vite affirmée hormones totales : thyroxine, cortisol, testostérone physiologiquement la fonction ovarienne. Il est
comme estroprogestative. Les doses élevées pouvant conduire à des interprétations erronées. Les admis que 50 µg d’éthinylestradiol sont nécessaires
d’estrogènes améliorant la tolérance endométriale doses d’éthinylestradiol utilisées vont de 50 à 20 µg pour bloquer seuls l’antéhypophyse gonadotrope.
se sont accompagnées de complications par comprimé avec des effets secondaires diminués En réalité, les différents progestatifs associés sont
métaboliques et thromboemboliques, conduisant à mais non abolis par les doses les plus faibles. aussi antigonadotropes, les molécules les plus
© Elsevier, Paris

une baisse progressive de la dose d’estrogènes récentes l’étant davantage. C’est ce qui explique la
améliorant la tolérance métabolique et vasculaire ‚ Progestatifs bonne efficacité contraceptive de préparations
mais pas la tolérance endométriale. L’emploi de Il s’agit soit de dérivés estrane, stéroïdes à 18 contenant 20 µg d’éthinylestradiol associés à des
progestatifs plus puissamment antigonadotropes et atomes de carbone, par exemple la noréthistérone, doses faibles de progestatifs puissants, désogestrel
de doses faibles d’estrogènes est un compromis qui soit de dérivés gonane à 19 atomes de carbone, par ou gestodène. Par ailleurs, pour toutes les

1
3-0690 - Contraception hormonale féminine

Tableau I. – Liste des estroprogestatifs (EP) actuellement disponibles.

Type d’EP Dose EE (µg) Progestatif Nom commercial Remboursement Sécurité


sociale 65 %
50 norgestrel 0,5 mg Stédirilt oui
Combiné monophasique
50 noréthistérone ac 1 mg Milli Anovlart oui
normodosé
50 norgestriénone 2 mg Planort non
35 noréthistérone 1 mg Ortho-Novumt non
35 norgestimate 0,25 mg Cilestt/Effıprevt non
35 cyprotérone ac 2 mg Dianet non

Combiné monophasique 30 lévonorgestrel 0,15 mg Minidrilt oui


minidosé 30 désogestrel 0,15 mg Cycléane 30t/ Varnolinet non
30 gestodène 0, 075 mg Minulett/Monevat non
20 désogestrel 0,15 mg Cycléane 20t/Mercilont non
20 gestodène 0,075 mg Mélianet/Harmonett non
30/40 lévonorgestrel 0,15/0,20 Adepalt oui
Combiné biphasique
30/40 noréthistérone ac 1/2 mg Miniphaset oui
30/40/30 gestodène 0,05/0,07/0,1 Phaevat/Triminulett non
35/35/35 noréthistérone 0,5/0,75/1 Triellat oui
Combiné triphasique
30/40/30 lévonorgestrel 0,05/ Trinordiolt oui
0,075/0,125
50 lynestrénol 2,5 mg x 15 Ovanont non
Séquentiels
50 lynestrénol 1 mg x 15 Physiostatt non

préparations combinées, l’emploi continu pendant La tolérance clinique de la pilule n’est pas parfaite des doutes quant au risque cardiovasculaire induit
21 jours du progestatif coagule le mucus cervical, avec des effets digestifs très fréquents lors de par ces préparations. Cette baisse du HDL cholestérol
classique deuxième verrou contraceptif, le troisième l’initialisation du traitement (nausées, vomissements est moins marquée avec les progestatifs de la série
étant lié aux modifications de l’endomètre vite liés à l’impact hépatique de l’éthinylestradiol estrane. C’est également le cas avec les progestatifs
atrophié. principalement), des migraines (aggravées mais les plus récents, désogestrel et gestodène, où
parfois améliorées par la contraception), des prises l’élévation du HDL cholestérol est franche.
‚ Efficacité de poids avec lourdeur de jambes et effets L’interprétation faite de ces variations lipidiques
Elle s’exprime par l’indice de Pearl en % (nombre dermatologiques androgéniques liés au progestatif, reste discutée [11]. Les facteurs de confusion sont
de grossesses accidentelles x 12 x 100/ nombre total des dépressions avec chute de la libido liées à la nombreux et tout particulièrement les effets
de mois d’exposition). Un indice de Pearl de 0,01 % composante estrogénique insuffisante. Dans ces cas, vasculaires directs de l’éthinylestradiol sur
signifie l’occurrence d’une grossesse parmi 10 000 trois remarques s’imposent : l’endothélium ou les facteurs de risque associés, au
femmes traitées pendant une année (soit 120 000 – expliquer à la patiente la nécessité d’adaptation premier rang desquels il faut citer le tabagisme.
cycles). Pour l’ensemble des estroprogestatifs de l’organisme (du foie) à l’apport d’hormones de
Métabolisme glucidique
combinés, les indices de Pearl sont très faibles : 0,1, synthèse et ne pas modifier immédiatement la
prescription qui vient d’être faite ; L’éthinylestradiol et les progestatifs dérivés
0,01 ou même 0. Encore faut-il savoir que les oublis
– connaître les variations de métabolisation des gonane ou estrane sont des facteurs d’insulinorésis-
de prise sont inclus dans ces chiffres. On peut donc
différents stéroïdes, d’une femme à l’autre, avec des tance et d’intolérance au glucose. Comme ces effets
affirmer que la contraception hormonale
taux d’androgènes et d’estrogènes circulants très sont dose dépendants, les préparations les plus
estroprogestative est la plus efficace des méthodes
variables ; récentes, faiblement dosées, présentent des effets
contraceptives réversibles. Les estroprogestatifs
– s’interroger sur le degré d’acceptation de la limités de ce point de vue [10].
séquentiels (tableau I) sont moins efficaces (indice de
Pearl 0,3). méthode contraceptive par la patiente et l’entourage Poids
et voir le sens caché du ou des symptômes allégués. Du fait de ce qui précède sur l’insulinorésistance et
de la nature des progestatifs dérivés pour la plupart


‚ Effets métaboliques
de la testostérone, la tendance à la prise de poids a
Effets secondaires Il faut considérer le métabolisme lipidique, longtemps été une plainte de certaines patientes
glucidique, le poids et l’hypertension artérielle (HTA). justifiant parfois l’abandon de la méthode. La
diminution des doses des deux composés a diminué
Aucune association estroprogestative n’en est Métabolisme lipidique
l’impact de la contraception estroprogestative sur le
dépourvue. La « bonne » pilule est celle qui est bien L’éthinylestradiol augmente le HDL cholestérol,
poids même si sa responsabilité ne peut être
tolérée par une femme donnée à un moment fraction protectrice vasculaire mais augmente de
totalement exclue dans certains cas individuels.
donné. Par bonne tolérance, on entendra absence façon dose dépendante les VLDL triglycérides, y
de signes de surdosage estrogénique (mastodynie, compris avec les préparations contenant 20 µg. Avec Hypertension artérielle
excitation) ou de sous-dosage (spottings, asthénie, les associations estroprogestatives contenant un Le premier passage hépatique des stéroïdes
dyspareunie, oligoménorrhée) et absence dérivé norgonane, le HDL cholestérol est abaissé absorbés par voie orale en est responsable. La
d’hyperandrogénie (séborrhée, acné, prise de poids). malgré l’effet de l’éthinylestradiol, ce qui a généré fréquence d’apparition d’une HTA, de l’ordre de 5 %,

2
Contraception hormonale féminine - 3-0690

lévonorgestrel ou gestodène [17]. Le risque d’embolie composition (RR 1,24). Cette augmentation du
Tableau II. – Contre-indications à la prescrip- pulmonaire est évalué à 2,2 dans une étude récente risque de cancer du sein pour des femmes ayant pris
tion d’un estroprogestatif.
chez les utilisatrices actuelles d’estroprogestatifs (pas un estroprogestatif par rapport à celles n’en ayant
Absolues : d’effet évident chez d’anciennes utilisatrices [4]. jamais utilisé est faible (RR 1,07) et identique chez les
− maladies thromboemboliques (artérielles ou vei- Toutefois, ce risque reste faible, le nombre femmes ayant des facteurs de risque familiaux et
neuses) ou antécédents thromboemboliques ; d’accidents thromboemboliques non mortels étant celles qui en sont dépourvues. Après arrêt de la
− affections cardiovasculaires : hypertension arté- évalué avec ce type de pilule à 16 cas pour 100 000 pilule, le risque diminue progressivement pour
rielle, coronaropathies, valvulopathies, troubles du
rythme thrombogènes ; femmes traitées si l’on respecte les contre- s’annuler 10 ans après l’arrêt de l’estroprogestatif. Le
− atteintes cérébrovasculaires ; indications de prescription [7]. risque est plus marqué pour une contraception orale
− insuffısance rénale ; Le risque de thrombose artérielle est peu prolongée (RR 1,16) ou débutée avant 20 ans (RR
− pathologie oculaire d’origine vasculaire ; important au niveau des membres inférieurs. En 1,22). Chez les utilisatrices, les cancers du sein ont été
− tumeurs malignes du sein et de l’utérus, hormo- découverts à un stade localisé (moins de
revanche, les accidents vasculaires cérébraux ont été
nodépendantes ;
− affections hépatiques sévères ou récentes ; réévalués récemment [5, 6]. Le risque d’accident localisations extramammaires : RR 0,70) et donc de
− tumeurs hypophysaires ; ischémique est faible chez les femmes de moins de meilleur pronostic.
− hémorragies génitales non diagnostiquées ; 35 ans, sans hypertension ni tabagisme (odds ratio <
− connectivites ; 2), évalué chez les utilisatrices de faibles doses à 1,53
− porphyries ; Il faut donc surveiller cliniquement et
et à 5,3 pour des doses plus fortes. Le rôle aggravant
− otosclérose ;
− cholestase récurrente ou prurit récidivant lors de l’hypertension doit être souligné (odds ratio par une échographie mammaire les
d’une grossesse ; 10,7) [6]. Le risque d’accidents hémorragiques est peu femmes prenant un estroprogestatif,
− diabète, hyperlipidémies (hypertriglycéridémies, augmenté (odds ratio 1,38), ce risque n’apparaissant quelle qu’en soit la composition, et
hypercholestérolémies) ; que chez les femmes de plus de 35 ans [5]. Le risque ceci pendant et au décours de ce
− femme enceinte ou qui allaite : cf « Antibio-
thérapie chez la femme enceinte et allaitante ». d’hémorragies méningées sous-arachnoïdiennes traitement. La mammographie est
semble non significativement accru, les facteurs de souvent de peu d’intérêt chez la femme
Relatives : confusion étant l’HTA (risque multiplié par 10 à15) jeune étant donné la densité du tissu
− affections métaboliques : obésité ;
− tumeurs bénignes du sein et dystrophies utérines ou le tabac (odds ratio > 3). Ces accidents peuvent mammaire.
(hyperplasie, fibrome) ; être précoces et lourds de conséquences chez des
− galactorrhée, élévation du taux de prolactine ; femmes jeunes ; trop souvent, les facteurs de risque
− antécédents de lithiase biliaire non opérée ; (HTA, tabac, accidents thromboemboliques Cancer du col utérin
− prise d’inducteurs enzymatiques : cf « Interac- familiaux) ont été négligés.
tions médicamenteuses ». La majorité des études, dont certaines
contradictoires, permet de conclure à un risque
Risque d’infarctus du myocarde augmenté chez les utilisatrices [1]. Certains facteurs de
pourrait n’être qu’un mode de révélation d’un terrain
Il est accru sous estroprogestatifs et ceci paraît lié confusion existent : précocité des rapports sexuels,
prédisposé. La contre-indication d’un estroprogestatif
à la composante estrogénique prise par voie orale. multiplicité des partenaires et donc des risques
en cas d’hypertension préexistante est absolue
Une étude récente [13] montre que le risque viraux importants dans la genèse du cancer du col.
(tableau II).
d’infarctus du myocarde fatal et non fatal est Et dans l’autre sens, meilleur suivi gynécologique des
‚ Effets vasculaires [17] augmenté chez les utilisatrices (RR 2,5). Les décès par femmes sous estroprogestatifs. La durée d’utilisation
infarctus du myocarde seraient plus fréquents dans de cette méthode semble jouer un rôle.
Risque thrombotique
les délais d’utilisation de moins de 4 ans et le risque Il est donc essentiel de surveiller le frottis cervical
Il est augmenté par les contraceptifs estroproges- coronarien ne serait pas augmenté chez les des femmes traitées en appliquant les références
tatifs et l’éthinylestradiol en est majoritairement anciennes utilisatrices. médicales opposables (RMO) (un frottis de
responsable. L’augmentation de facteurs de Là encore, le rôle du tabac doit être souligné. Les dépistage tous les 3 ans après deux frottis normaux
coagulation (VII, fibrinogène) et son activation (dont estroprogestatifs moins dosés en éthinylestradiol à 1 an d’intervalle ; un frottis par an chez les
témoigne l’augmentation des fragments 1+2 de la entraînent moins d’infarctus du myocarde mais ce femmes à risque).
prothrombine) et l’hyperfibrinolyse (baisse de risque n’est pas annulé [8].
l’antithrombine III ou de la protéine S et élévation du Cancer ovarien
plasminogène et du tPA avec diminution du PAI1)
Les études sont concordantes : sous estroproges-
ont été amplement démontrées même s’il existe des En résumé, il n’est pas douteux que la tatifs, il existe une diminution du risque de 40 % et
facteurs individuels modulant ces effets. Il faut prise d’un estroprogestatif augmente le cet effet évolue en parallèle avec la durée de la prise
rappeler que des résistances à la protéine C activée risque de thrombose veineuse et celui du composé et perdure à l’arrêt [14].
(RPCA) acquises ont été décrites sous estroproges- d’accident artériel, en particulier
tatifs sans rapport avec un facteur V Leiden. Ces coronarien chez les femmes tabagiques Cancer de l’endomètre
facteurs individuels ne font que renforcer
surtout. Malgré la diminution du
l’importance de l’interrogatoire concernant les Il existe une diminution du risque d’hyperplasie et
risque avec les faibles dosages de cancer de l’endomètre avec l’emploi
antécédents personnels et familiaux de thrombose.
d’éthinylestradiol, ce risque persiste. d’estroprogestatifs combinés mais un risque accru
Dans les familles où le facteur V est muté (facteur
Leiden), le risque de thrombose veineuse sous avec les pilules de type séquentiel prises de façon
estroprogestatif est augmenté 8 fois [15]. prolongée [14].
‚ Effets oncogènes
Il faut distinguer le risque thromboembolique
veineux et le risque de thrombose artérielle. Avec le temps, les études sont plus précises et l’on Tumeurs hépatiques
Le risque d’accident thromboembolique peut donc affirmer certaines conclusions. La surcharge du fonctionnement hépatique et
veineux [13, 17] est accru (risque relatif [RR] = 4) surtout l’impact sur les canaux biliaires de l’éthinylestradiol
dans les quatre premiers mois d’utilisation ; il est Cancer du sein explique cette complication rare mais parfois
indépendant de l’âge, de l’HTA ou inconstamment Une méta-analyse récente apporte des réponses dramatique (hémopéritoine avec collapsus
du tabagisme, mais aggravé par le surpoids [7]. pertinentes à cette question [2]. Il existe une très cardiovasculaire). Il s’agit d’adénomes ou
Le risque de thrombose veineuse semble doublé discrète augmentation du risque chez les femmes d’hamartomes hépatiques souvent hypervascula-
par l’emploi de préparations contenant sous estroprogestatifs, quelle qu’en soit la risés, très souvent latents. Cette complication est rare

3
3-0690 - Contraception hormonale féminine

(3 pour 100 000 femmes/an) mais peut être très


grave du fait de l’évolution torpide. Le risque de La première prescription et sa surveillance
cancer du foie ne semble pas augmenté [18]. Elle doit comprendre un temps d’explication, d’interrogatoire et un examen clinique
Il faut donc interroger les femmes sous sommaire. Tester les connaissances de la physiologie du fonctionnement ovarien, du
estroprogestatifs à la recherche de douleurs de motif réel de la demande est parfois instructif. L’interrogatoire recherchera une
l’hypocondre droit et percuter le foie. Lorsqu’une contre-indication à la prescription d’un estroprogestatif (tableau II), en étant
douleur est signalée ou retrouvée à la percussion, particulièrement vigilant sur les antécédents thromboemboliques non seulement
une échographie abdominale (et /ou un scanner) est personnels mais aussi familiaux concernant les sujets jeunes, et le tabagisme qui doit
nécessaire. être chiffré. Les interférences médicamenteuses potentielles devront être recherchées.
L’examen clinique s’intéressera au poids et à la taille permettant de calculer l’indice
Tumeurs hypophysaires
de masse corporelle (P/T2), chiffres de pression artérielle, examen des seins et de
Le rôle des estrogènes dans l’augmentation du l’utérus, réalisation d’un frottis cervical de dépistage. La recherche d’une
volume de l’antéhypophyse est bien connu au cours hyperlipidémie (mesure du cholestérol et des triglycérides) sera complétée par une
de la grossesse : doublement du volume avec
mesure de la glycémie à jeun. En cas d’antécédent de thrombose veineuse
hyperplasie des cellules somatotropes et lactotropes.
personnelle ou familiale, il faudra rechercher un déficit en antithrombine III, en
L’existence d’un macroprolactinome contre-indique
protéine C ou en protéine S et surtout la RPCA.
de façon formelle l’utilisation d’un estroprogestatif
La surveillance est codifiée par les RMO (tableau III). Un dosage de cholestérol et
mais un microprolactinome ne la contre-indique pas,
à condition de surveiller par IRM. Même si le rôle de
de triglycérides à 3 mois et à 12 mois à jeun et une surveillance du poids et de la
l’éthinylestradiol reste discuté dans la survenue
pression artérielle sont nécessaires. L’hypertriglycéridémie dépend de la dose
d’une hyperprolactinémie, avec des susceptibilités d’éthinylestradiol de la préparation utilisée. Des signes de surdosage estrogénique
individuelles importantes, il est tacitement admis sont évoqués devant mastodynie, irritabilité, anxiété, céphalées, gonflement
dans les contraceptions prolongées de mesurer tous abdominopelvien et invitent à prescrire un estroprogestatif moins dosé en estrogène
les 3 ans la prolactinémie pendant les 8 jours d’arrêt ou plus dosé en progestatif. Une lourdeur de jambes commande d’alléger la dose de
de la pilule. Si les taux observés à deux reprises progestatif et/ou de prescrire un tonique veineux 20 jours par mois, en commençant
dépassent 40 µg/L, il faudra explorer cette au 6e jour de la prise de pilule. Il vient d’être démontré qu’il existe des récepteurs de
hyperprolactinémie. la progestérone sur la paroi veineuse. La prise de poids reste très débattue et sans
doute liée à des susceptibilités individuelles, au moins avec les dosages faibles. À
‚ Interactions médicamenteuses long terme, on est souvent confronté à une diminution des règles ou un spotting par
Du fait de leur métabolisme hépatique, les atrophie endométriale progressive, voire à une dyspareunie. Il faut alors prescrire un
interférences avec d’autres médicaments ne doivent estroprogestatif séquentiel pendant trois cycles avant de reprendre la pilule
pas être négligées. Ils peuvent augmenter l’activité habituelle. Il est clair qu’il n’y a pas d’estroprogestatif parfait ou qui le demeure en
des benzodiazépines, des antidépresseurs cas d’utilisation prolongée. La durée de la prise d’une contraception hormonale
tricycliques, de la prednisolone. Ils diminuent l’action dépend de la patiente qui en bénéficie. Il n’y a pas de raison médicale de l’arrêter
des antidiabétiques oraux (insulinorésistance). s’il ne survient pas d’effets secondaires ou de complications. Signalons que l’arrêt
Certains médicaments potentialisent l’effet toxique périodique de la contraception hormonale n’est pas justifié (elle reste pourvoyeuse
hépatique, il s’agit du TAO qu’il est formellement d’avortements par IVG) et que la récupération de la fécondité est immédiate, même
contre-indiqué d’associer. Enfin, certains s’il semble préférable de laisser un cycle spontané pour régénérer l’endomètre. Il va
médicaments diminuent l’effet contraceptif, de soi que la fécondité récupérée est celle qui préexistait à la prise de pilule et que si
d’autant qu’il s’agit de dosages faibles : anti-
des troubles du cycle non explorés avaient été masqués par la prise du traitement,
épileptiques, rifampicine, antibiotiques.
une exploration hormonale va être nécessaire. Dans le cas d’une intervention
‚ Aménorrhée postpilule chirurgicale programmée, la contraception estroprogestative doit être interrompue 4
à 6 semaines avant du fait du risque de thrombose, nous l’avons vu.
Elle est rare et correspond à une atrophie
endométriale progressive. Le simple arrêt de la
contraception avec les précautions nécessaires suffit
à rétablir le cycle. Si tel n’est pas le cas, il faudra Tableau III.
éliminer une grossesse et doser la prolactine. On ne − Il n’y a pas lieu, au cours de la surveillance biologique d’une contraception orale, chez une femme de
confondra pas aménorrhée postpilule et troubles du moins de trente-cinq ans, lorsque ni le premier bilan comprenant nécessairement la mesure à jeun de la gly-
cycle préalables à la contraception qui cémie, du cholestérol total et des triglycérides plasmatiques, ni les bilans de contrôle effectués 3 mois puis
réapparaissent avec l’arrêt des comprimés 12 mois après n’ont montré d’anomalies, de pratiquer d’autres explorations biologiques.
contraceptifs. − Il n’y a pas lieu, au cours de la surveillance biologique d’une contraception orale, chez une femme de
moins de trente-cinq ans, lorsque le premier bilan et les bilans de contrôle effectués 3 mois puis 12 mois
‚ Cas particuliers après n’ont pas montré d’anomalies, de répéter les examens de contrôle plus d’une fois tous les 2 ans, en
l’absence de faits nouveaux.
Jeune fille
La prescription doit être efficace et tenir compte
de l’oubli possible. Une association moyennement
dosée est initialement préférable. Lorsque la jeune
fille est adaptée au traitement, l’utilisation de faibles
dosages peut s’envisager mais ces pilules ne sont Femme de 40 ans contraception, la contraception progestative ayant
pas remboursées. Une mention particulière doit être La contraception après 40 ans doit garder son une place de choix (cf infra).
faite pour l’acné, fréquente à cet âge. Si certaines caractère d’efficacité. S’il n’y a pas de facteur de Terrain : diabète, obésité...
pilules estroprogestatives semblent bien adaptées risque cardiovasculaire, la prescription
(Diane 35 t) l’absence de remboursement leur fera estroprogestative peut être maintenue, en Ces terrains particuliers contre-indiquent l’emploi
préférer parfois des préparations combinées employant de préférence des dosages faibles. Si tel de l’éthynil-estradiol. On utilisera volontiers une
remboursées avec une efficacité non négligeable. n’est pas le cas, il faut discuter d’un autre mode de pilule progestative pure faiblement dosée en continu

4
Contraception hormonale féminine - 3-0690

Contraception mécanique
Tableau IV. – Contraception microprogestative.
Elle ne sera pas détaillée ici.
Type de progestatif Nom du progestatif Dose (mg) Nom commercial
¶ DIU
19 norestrane lynestrénol 0,5 Exlutont Il s’agit d’un dispositif en plastique recouvert de
19 norgonane norgestrel 0,03 Microvalt cuivre ou de progestérone qui est placé dans l’utérus
et qui empêche la nidation. Son efficacité est bonne
19 norestrane noréthistérone 0,6 Milligynont
mais n’est pas absolue (Indice de Pearl 0,1 %) avec
19 norgonane norgestriénone 0,35 Ogylinet en particulier un risque de GEU. L’autre grand risque
est celui d’une infection ascendante entraînant
endométrite et salpingite, d’où la règle de ne pas
(cf infra). L’utilisation d’estroprogestatifs peu dosés et pour cette indication. Ils peuvent être utilisés du 5e
proposer ce mode de contraception à une
sur une période courte est autorisée. au 25e jour du cycle avec une bonne sécurité
nullipare. Donnant volontiers des spottings ou des
Contraception postcoïtale contraceptive (actions antiglaire, antiendomètre et
métrorragies prémenstruelles, son principal intérêt
Il s’agit d’une contraception d’exception lors d’un antigonadotrope) (indice de Pearl 0,01 %). Ils sont
est d’être un moyen inerte, sans aucune
rapport supposé fécondant et non programmé. employés en cas de pathologie mammaire ou conséquence métabolique et bien adapté à la
Initialement de fortes doses d’estrogènes ont été utérine bénigne mais aussi à la périménopause. Leur patiente diabétique après son premier accou-
utilisées pendant 5 jours (0,5 à 5 mg d’éthinyles- principal inconvénient est d’entraîner des chement. À l’opposé cette méthode implique un
tradiol ou 20 à 30 mg d’estrogènes conjugués). Cette hypoestrogénies prolongées avec le risque de utérus anatomiquement normal (absence de
prise d’estrogènes qui devait survenir dans les 72 favoriser l’ostéoporose ou la pathologie malformations et de myomes) et une ovulation
heures succédant au rapport était efficace pour cardiovasculaire et une tolérance médiocre avec parfaite car les anomalies du cycle ne seront pas
empêcher la nidation au prix d’effets secondaires aménorrhées ou spotting. Des schémas dits de corrigées par cette méthode évidemment. Signalons
gênants : nausées, vomissements, mastodynies, freination-substitution sont possibles et utiles en enfin la perte d’efficacité du stérilet en cas de
risque thromboembolique et de grossesse période de périménopause, en rajoutant de traitement anti-inflammatoire (AINS, salicylés).
extra-utérine (GEU). Des progestatifs ont pu être l’estradiol par voie cutanée les dix derniers jours de
utilisés. La méthode utilisant les estroprogestatifs a la prise du progestatif. Des travaux ont montré que ¶ Préservatifs
été proposée par Yuzpe [19]. La prise de 2 comprimés Si leur efficacité contraceptive est médiocre
certains de ces progestatifs (tableau V) (progestatifs
d’une pilule contenant 50 µg d’éthinylestradiol et (efficacité 88 à 95 %), leur intérêt est surtout de jouer
marqués d’un astérisque) pouvaient ne pas entraîner
un rôle capital dans la prévention des maladies
de 500 µg de norgestrel après le rapport (2 de modifications métaboliques fâcheuses et être
sexuellement transmissibles (MST), y compris le VIH.
comprimés de Stédirilt par exemple), prise répétée employés sur des terrains à risque (lupus,
Ils sont bien adaptés à une contraception
12 heures plus tard permet une efficacité réévaluée antécédents thromboemboliques, etc) [9].
occasionnelle, en particulier chez les jeunes chez qui
récemment de 98,1 % sur 2 871 femmes traitées [3].
Les effets secondaires, nausées et vomissements
¶ Progestatifs injectables à action retard les MST sont en constante augmentation.
Il s’agit d’une contraception d’exception réservée
sont ici moindres. D’autres méthodes sont
aux patientes atteintes de maladies psychiatriques
envisageables dans cette indication : emploi de la


incapables d’utiliser un estroprogestatif sans oubli ou
mifépristone (Mifégynet), insertion d’un dispositif Conclusion
de tolérer un stérilet. Non dénués d’inconvénients
intra-utérin (DIU).
(métrorragies, spotting, aménorrhées très fréquentes
et déstabilisantes), cette contraception expose à des
‚ Autres méthodes contraceptives
échecs en particulier à la fin de la période d’activité La prescription d’un estroprogestatif doit être
Contraception progestative de l’injection trimestrielle. Deux progestatifs sont effectuée avec soin et le rôle du médecin généraliste
employés : acétate de médroxyprogestérone est essentiel. L’interrogatoire y joue un rôle
¶ Contraception microprogestative (tableau IV) (150 mg tous les 3 mois), énanthate de prépondérant. Ce moyen efficace de réguler les
Il s’agit de faibles doses de progestatifs norestrane
noréthistérone (200 mg tous les 3 mois) (tableau V). naissances est une fabuleuse conquête pour les
ou norgonane agissant par modification de
l’endomètre et du mucus cervical mais sans effet
antigonadotrope à ces doses. Par conséquent, Tableau V. – Principaux progestatifs à fortes doses utilisés en contraception (hors AMM).
l’efficacité contraceptive est moins parfaite (Indice de
Pearl de 0,1 à 0,2) avec risque de GEU, et la méthode Type de progestatif Nom du progestatif Voie utilisée dose/cp dose/j Nom commercial
d’emploi plus difficile : prise à heure fixe. La 19 norestrane lynestrénol per os 5 mg 10 mg Orgamétrilt
persistance d’un taux d’estradiol circulant important
19 norestrane éthynodiol diacétate per os 2 mg 4 mg Lutométrodiolt
parfois en fait une méthode peu souhaitable chez la
femme périménopausique. Leur principal 19 norestrane noréthistérone per os 5 mg 10 mg Norlutent
inconvénient est représenté par les troubles du dérivés 17 OH P chlormadinone acé- per os 5 mg 10 mg Lutérant*
cycle : aménorrhée, métrorragies, (70 % des cas) tate
source d’angoisse vis-à-vis du risque de grossesse et
dérivés 17 OH P médrogestone per os 5 mg 10 mg Colpronet
de GEU. L’absence de retentissement métabolique
(lipides, coagulation ou HTA) en fait une méthode de dérivés 17 OH P cyprotérone acétate per os 50 mg 50 mg Androcurt
choix pour les femmes obèses, diabétiques, dér norprégnane nomégestrol acétate per os 5 mg 5 mg Luténylt*
hyperlipidémiques ou hypertendues. Il s’agit
dér norprégnane promégestone per os 0,5 mg 0,5 mg Surgestonet*
également d’une méthode que l’on peut employer
chez les cardiaques avec valvulopathie ou dérivés 17 OH P médroxyprogestérone IM 150 mg/3 mois Dépo-Proverat
coronaropathie. acétate
19 norestrane noréthistérone IM 200 mg/3 mois Noristératt
¶ Contraception macroprogestative énanthate
Historiquement, il s’agit des premiers stéroïdes
employés en contraception. Ils n’ont pas l’AMM * : progestatifs pouvant être employés sur terrains à risque.

5
3-0690 - Contraception hormonale féminine

couples. Il faudra toujours cependant adapter sa l’avortement, réduction des risques de cancer La lutte contre le tabagisme est un corollaire
prescription au terrain et mettre en balance les effets ovarien ou endométrial) avec d’autres effets moins important de la prescription d’une contraception
positifs (réduction de la mortalité et morbidité liées à favorables au plan cardiovasculaire et thrombotique. hormonale.

Pierre Lecomte : Professeur des Universités, praticien hospitalier,


service d’endocrinologie et maladies métaboliques, médecine B, centre hospitalier universitaire Bretonneau, 2 boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex 01, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Lecomte. Contraception hormonale féminine.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0690, 1998, 6 p

Références

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6
Diminution de la sécrétion
3-0720

3-0720

surrénalienne
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

de DHEA avec l’âge : adrénopause ?


J Young, G Schaison

L ’action la plus spectaculaire, retrouvée dans les différents essais cliniques, est l’amélioration de la libido chez la
femme.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : surrénales, adrénopause, DHEA, androgènes, vieillissement.


Introduction
400 ng/mL
+
1 Comparaison des corti-
solémies de base et après
stimulation par le Synac-
thènet ordinaire chez des
cortisol plasmatique

cortisol plasmatique

hommes (à gauche) jeunes


Un nouveau néologisme est né en médecine : T (tirets) et âgés (trait plein),
l’adrénopause. La ménopause désigne l’épuisement et chez des femmes (à
300 T
de l’ensemble des fonctions ovariennes (exocrine et droite) jeunes (trait plein)
endocrine) chez la femme après 45 ans. Cet T
ou après la ménopause
épuisement global des sécrétions hormonales avec (tirets).
l’âge ne s’observe pas au niveau du cortex 200 T
surrénalien. En effet, il n’existe pas de diminution T T T
documentée de la sécrétion de cortisol ou T
d’aldostérone chez les sujets âgés. Seule une
diminution de la sécrétion des androgènes 100
surrénaliens, la déhydroépiandrostérone (DHEA) et 0 30 60 0 30 60
temps (min) temps (min)
son estersulfate (SDHEA), a été démontrée. Un certain
nombre de questions font actuellement l’objet de
controverses : cette diminution de la DHEA et du
SDHEA associée au vieillissement est-elle délétère ?
Est-ce qu’un traitement hormonal substitutif par la hommes femmes hommes femmes
DHEA doit être envisagé systématiquement chez les 30 30 15 15
personnes âgées ? Des éléments de réponse
commencent à être apportés par des études 25 25
réalisées chez des malades avec insuffisance 12 12
surrénale ayant un déficit important en DHEA et chez
SÉRUM SDHEA (µmoI/L)

20
SÉRUM DHEA (nmol/L)

des patients âgés. 20


9 9
La glande surrénale est formée de deux 15 15
compartiments : la médullaire, responsable de la
sécrétion des catécholamines et le cortex, lieu de la 6 6
biosynthèse des stéroïdes surrénaliens. Le cortex est 10
schématiquement divisé en trois couches : la
glomérulée, la fasciculée et la réticulée, responsables 5
3 3
5
respectivement de la sécrétion d’aldostérone, de
cortisol et des androgènes surrénaliens, principale-
0 0 0 0
ment la DHEA et son ester, SDHEA, plus
accessoirement l’androstènedione. Aucune diminution 20 30 40 50 60 70 80 20 30 40 50 60 70 80 20 30 40 50 60 70 80 20 30 40 50 60 70 80
avec l’âge de la sécrétion d’aldostérone ou de cortisol âge (années)
n’a été démontrée dans l’espèce humaine (fig 1). En
2 Évolution des taux plasmatiques de déhydroépiandrostérone (DHEA) (à gauche) et de son ester sulfate
revanche, une décroissance très importante de la
(SDHEA) (à droite) chez des hommes et des femmes en fonction de l’âge. Noter que la concentration de SDHEA
sécrétion de DHEA et de SDHEA s’observe avec l’âge (µmol/L) est près de 500 fois supérieure à celle de DHEA (nmol/L).
(fig 2). Le terme d’« adrénopause » ne s’applique donc
qu’à la couche réticulée de la corticosurrénale et à la
production de DHEA et de son sulfate. Dans cette métabolisme de ces stéroïdes surrénaliens, ce qui potentielles de leur carence ainsi que les effets que l’on
brève revue, nous faisons le point sur la sécrétion et le permet de mieux comprendre les conséquences peut attendre d’un traitement par la DHEA.

1
3-0720 - Diminution de la sécrétion surrénalienne de DHEA avec l’âge : adrénopause ?


Biosynthèse de la DHEA
et du sulfate de DHEA DHEA

2
1
∆4-dione

2
3
E1

2
La DHEA est un stéroïde à 19 atomes de carbone,
dérivé du cholestérol et conservant la structure à
double liaison, D-5 D-6, ainsi que le groupe 3-b- 1 3
hydroxyl estérifiable (fig 3). La conversion du ∆5-diol Testostérone E2
cholestérol en DHEA implique deux cytochromes P450 Ho
avec des activités hydroxylases et desmolases Cholestérol
spécifiques. Ces activités enzymatiques sont fortement
exprimées chez l’homme dans les surrénales et les
gonades. Il s’agit du cytochrome P450scc (side chain
1
o DHT
clivage), responsable de la conversion du cholestérol
en prégnénolone et qui constitue la première étape de 5 Biosynthèse tissulaire des androgènes et estrogè-
toute la stéroïdogenèse [16]. Ensuite, la prégnénolone nes actifs à partir de la déhydroépiandrostérone
subit une 17-a-hydroxylation en 17-a-hydroxyprégné- (DHEA) surrénalienne. 1 : 3-b-hydroxystéroïde dé-
nolone. Ce stéroïde 17-a-hydroxylé peut alors faire shydrogénase (3b-HSD) ; 2 : 17-b-hydroxystéroïde
l’objet d’une scission de la liaison carbone C17-20 déshydrogénase (17b-HSD) ; 3 : aromatase ; 4 : 5-a-
(activité 17-20 lyase, également appelée 17-20 Ho réductase ; D-5-diol : androstène-3-b, 17-b-diol ;
desmolase) et donc permettre la biosynthèse de la D-4-dione : androstènedione ; DHT : dihydrotestos-
Prégnénolone térone ; E1 : estrone ; E2 : estradiol.
DHEA (fig 3) [16] . Ces deux dernières réactions
enzymatiques sont catalysées par la même protéine, le
cytochrome P450 C17. La faible expression dans la de toute variation de la sécrétion de cortisol et
couche réticulée du cortex surrénalien d’une enzyme
o d’ACTH [ 1 0 ] . Ce changement sécrétoire de la
2a
appelée la 3-b-hydroxystéroïde-déshydrogénase- corticosurrénale est appelé l’adrénarche. Une
D4-D5 isomérase, rend compte de la faible production oH augmentation rapide des taux circulants a ensuite lieu
d’androstènedione par cette glande. pendant la seconde décennie de la vie. Ainsi, les taux
La DHEA est activement convertie dans la plasmatiques les plus élevés de DHEA et de SDHEA
corticosurrénale en SDHEA (fig 4). Cette conversion est s’observent entre 15 et 45 ans, puis décroissent pour
catalysée par une famille d’enzymes appelées les atteindre les taux les plus faibles après 60 ans (fig 2).
sulfotransférases. Dans la surrénale adulte, la DHEA Ho Le vieillissement est donc associé à une diminution du
sulfotransférase (DHEA-ST) a été logiquement localisée 17- Hydroxyprégnénolone SDHEA [4, 9, 13]. Cette diminution s’accompagne d’une
dans la zone réticulée du cortex surrénalien. involution de la couche réticulée.
La présence du groupe sulfate chargé augmente la
solubilité du stéroïde mais aussi sa demi-vie. Les
2b o


concentrations de SDHEA dans le plasma résultent Métabolisme de la DHEA
principalement de la synthèse et la sécrétion de ce et du SDHEA dans les tissus
stéroïde par la glande surrénale. Cependant, cette extrasurrénaliens
conversion est aussi importante au niveau hépatique
Le SDHEA sécrété par la surrénale est métabolisé
où la DHEA-ST est très fortement exprimée.
Les concentrations plasmatiques de SDHEA sont
Ho dans l’organisme par une enzyme appelée sulfatase
responsable de l’hydrolyse de la liaison ester (fig 4). La
500 à 1 000 fois plus importantes que celles de la Déhydroépiandrostérone DHEA libre ainsi obtenue est convertie en stéroïdes
DHEA libre (fig 2). Le dosage de cette dernière n’est
sexuels actifs. Le détail de ces voies métaboliques est
correctement réalisé que dans certains laboratoires 3 Biosynthèse de la déhydroépiandrostérone à par- illustré par la figure 5. La 17-b-HSD et la 3-b-HSD sont
spécialisés. Le plus souvent, le dosage de la forme libre tir du cholestérol dans la couche réticulée du cortex les deux enzymes clés de la biosynthèse des stéroïdes
donne des élévations artéfactuelles par hydrolyse du surrénalien. 1. Le clivage de la chaîne latérale du cho- sexuels et leur présence est essentielle à la
SDHEA. Pour mieux apprécier la sécrétion lestérol a lieu après pénétration de ce composé dans transformation de la DHEA en D-4-dione puis en
androgénique de la corticosurrénale, il faut donc doser les mitochondries grâce à la protéine StAR. Cette testostérone et/ou en estrogènes actifs dans les tissus
le SDHEA. réaction est catalysée par le cytochrome P450scc périphériques. Les 5-a-réductases et l’aromatase,
(activité 20-22 desmolase). La 17-a-hydroxylation responsables respectivement de la conversion de la
(2a) et le clivage de la liaison carbone C17,20 (2b)


testostérone en dihydrotestostérone (DHT) et en
Évolution de la DHEA(S) (activité 17-20 lyase) sont catalysés par la même estradiol, sont aussi largement exprimées dans de
en fonction de l’âge : adrénarche protéine, le cytochrome P450 C17.
et vieillissement nombreux tissus [8].
Le métabolisme de la DHEA surrénalienne en
Pendant la vie fœtale, la surrénale sécrète des androgènes actifs est quantitativement très important
quantités importantes de DHEA et de SDHEA. Cette O O dans la prostate où la 17-b-HSD, la 3-b-HSD et la 5-a-
sécrétion est essentielle à la synthèse des estrogènes Sulfatase réductase sont très fortement exprimées. En effet, la
par le placenta. Après la naissance se produit une DHEA-ST
castration médicale ou chirurgicale ne diminue la DHT
involution de la surrénale fœtale, qui est remplacée prostatique que de 40 %, alors que la concentration
par le cortex adulte, et une diminution de la sécrétion HO O3SO plasmatique de testostérone circulante est diminuée
de DHEA. Pendant l’enfance et jusqu’à l’âge de 7-8 ans, PAPS de 90 à 95 %. Après suppression des androgènes
PAP
la production de DHEA par la corticosurrénale est nulle d’origine testiculaire, la concentration intraprostatique
4 Structure de la déhydroépiandrostérone (DHEA)
du fait du faible développement de la couche réticulée de DHT, dérivée de la DHEA surrénalienne, demeure
(à gauche) et de son ester sulfate (SDHEA) (à droite).
et de l’absence d’activité 17-20 desmolase. À cet âge, donc à un niveau suffisant pour posséder un effet
La conversion de DHEA en SDHEA est catalysée par
seule l’activité 17-a-hydroxylase est exprimée, ce qui androgénique qui peut être délétère dans certaines
une sulfotransférase (ST). La sulfatase permet l’hy-
permet une biosynthèse normale de cortisol par la situations, comme par exemple le cancer de la
drolyse de la liaison ester du SDHEA. La DHEA et
couche fasciculée. À partir de 7 ans, les surrénales prostate [8].
le SDHEA sont en interconversion permanente dans
commencent à produire de la DHEA et du SDHEA Le métabolisme de la DHEA exogène a été très bien
[7, 16]
l’organisme. PAPS : 3’-phosphoadénosine, 5’-phos-
. Cette biosynthèse est associée à une aug- étudié chez des patients ayant une insuffisance
phosulfate ; PAP : 3’-phosphoadénosine, 5’-phos-
mentation de l’épaisseur de la couche réticulée et à un surrénale primitive ou secondaire dans le cadre d’une
phate.
accroissement de l’activité 17-20 lyase indépendante insuffisance antéhypophysaire [1, 15]. Il a ainsi été

2
Diminution de la sécrétion surrénalienne de DHEA avec l’âge : adrénopause ? - 3-0720

que cette molécule puisse avoir des effets propres


DHEA ou placebo Placebo 10 indépendants de son métabolisme en androgènes et
50 mg DHEA
60 200 mg ou ° estrogènes [ 1 4 ] . Ce point est cependant très
°
° 8 Placebo controversé. En effet, la DHEA et son sulfate ne
°

Testostérone (nmoI/L)
50 °
(f : 0,52-2,6) possèdent pas de récepteur spécifique, condition à
6 ° (m : 9,5-31) tout effet biologique propre. Néanmoins, certains
°
40 (f : 4,1-28)
°
°
effets au niveau du système nerveux central ont été
° °
décrits in vitro ou in vivo chez les rongeurs. Il s’agit
DHEA (nmoI/L)

(m : 5,9-29) °
° 4
° d’une action de la DHEA ou de son sulfate comme
30 ° ° DHEA (200 mg)
*
* * * *
protecteurs neuronaux, modulateurs des récepteurs de
2 *
*
DHEA (50 mg) certains neuromédiateurs comme l’acide c-aminobuty-
20
* Placebo rique (GABAA), l’acide aminé excitateur NMDA et le
*
*
*
0 A récepteur sigma [2] . De même, certains effets
* * *
10 *
pharmacologiques sur le comportement agressif et
400 DHEA mnésique d’animaux de laboratoire ont été décrits [14].
°
0 ou Par ailleurs, une modulation de quelques paramètres
0 2 4 6 8 Placebo °
° de l’immunité après administration de DHEA a été
300
(f : 70-340) rapportée. Les mécanismes de ces effets sur le système
50 °
E2 (pmoI/L)

° (m : 37-150) immunitaire, non retrouvés par tous les auteurs, ne


°
°
° 200 sont pas encore élucidés. Ils pourraient impliquer un
40 (f : 2,1-14,0)
° ° récepteur hypothétique de ce stéroïde au niveau des
DHEAS ( µmoI/L)

° ° (m : 4,2-15,2)

* * *
cellules immunocompétentes ou être simplement
30 ° ° 100 * *
consécutifs au métabolisme de la DHEA en hormones
*
° 200 mg sexuelles actives.
20 *
* *
Placebo
* * 0


50 mg 0 2 4 6 8
10 *
*
Temps (heures) B Intérêt thérapeutique potentiel
* du traitement substitutif
Placebo
7 Effet de l’administration de déhydroépiandrosté- des personnes âgées par la DHEA
0 rone (DHEA) per os sur les taux plasmatiques de tes-
0 2 4 6 8
tostérone (A) et d’estradiol (E2) (B) chez des patients Comme nous l’avons vu, une des caractéristiques
Temps (heures)
en insuffısance antéhypophysaire non substitués essentielles de la DHEA et du SDHEA est la diminution
6 Taux plasmatiques de déhydroépiandrostérone par des stéroïdes sexuels. Entre parenthèses, valeurs de leur taux plasmatique au cours de la vie. Le
(DHEA) (nmol/L) (A) et de son ester sulfate (SDHEA) normales chez des hommes (m) et des femmes (f) vieillissement est d’autre part marqué par une
(µmol/L) (B) chez des patients en insuffısance antéhy- jeunes en début de cycle. diminution de la masse musculaire et une
pophysaire. Les taux plasmatiques de ces stéroïdes augmentation du tissu adipeux. De même,
sont très bas du fait de l’insuffısance surrénale secon- l’épuisement ovarien et la baisse de la DHEA et du l’ostéoporose, l’atrophie cutanée, l’athérosclérose, une
daire (placebo). La DHEA administrée par voie orale SDHEA surrénaliens concourent à l’effondrement des susceptibilité plus grande aux infections, une
est massivement convertie en SDHEA. La dose androgènes et estrogènes circulants. En effet, augmentation du nombre de cancers, un abaissement
de 50 mg est suffısante pour rétablir les taux normaux l’administration chronique de DHEA ne modifie pas ou des défenses immunitaires chez les sujets âgés
observés chez des sujets jeunes (indiqués entre paren- peu les concentrations plasmatiques de testostérone et pourraient être en partie hormonodépendants. Les
thèses : f [femmes], m [hommes]). d’estradiol chez l’homme, alors que celles-ci sont stéroïdes sexuels jouent un rôle important au cours du
nettement augmentées chez les femmes âgées ou en vieillissement. Chez la femme en postménopause, le
montré que la DHEA administrée par voie orale est insuffisance surrénale [1, 3, 6, 15]. bien-fondé d’un traitement estroprogestatif n’est plus à
fortement convertie en SDHEA par la sulfotransférase démontrer.
hépatique (fig 6). Le métabolisme de ce stéroïde Si la diminution de la SDHEA avec l’âge explique, au


sulfoconjugué suit ensuite les conversions vues plus moins en partie, certains symptômes liés au
Autres effets possibles
haut qui aboutissent à la formation de stéroïdes de la DHEA vieillissement, le traitement substitutif de cette carence
sexuels (fig 5, 7). hormonale progressive paraît logique. D’autre part, le
On a vu plus haut que la majorité des effets modèle de l’insuffisance surrénale (primitive ou
reproductibles de la DHEA peuvent être expliqués par secondaire à l’insuffisance corticotrope) est du plus


L’essentiel des effets documentés la conversion de ce précurseur stéroïdien en stéroïdes grand intérêt pour savoir quelles sont les
et reproductibles de la DHEA
résultent de sa conversion sexuels. On ne peut cependant complètement exclure conséquences réelles du déficit en DHEA et quel
en stéroïdes sexuels
Tableau I. – Effets de la déhydroépiandrostérone par conversion en stéroïdes sexuels.
Les principaux effets androgéniques et estrogéni-
ques observés après traitement prolongé par la DHEA Effets androgéniques Effets estrogéniques
sont indiqués dans le tableau I. L’action la plus
spectaculaire, retrouvée dans les différents essais # Libido et sexualité # Minéralisation osseuse
cliniques, est l’amélioration de la libido chez la femme # Bien-être # Marqueur d’ostéoformation
[1, 3]
. Les effets sur la densité minérale osseuse, (physique - psychique) (ostéocalcine)
l’ostéoformation et l’ostéorésorption sont modestes et
d’autres effets, comme les modifications de la # Sébum & Marqueurs d’ostéorésorption
composition corporelle, ne sont pas retrouvés par tous Acné (phosphatases alcalines, hydroxyproline)
les auteurs [6]. Il est notable que tous ces effets # Épaisseur cutanée Maturation de l’épithélium vaginal
bénéfiques ont été rapportés chez des femmes avec
des concentrations initiales basses de DHEA, qu’elles # IGF I dans le plasma* # HDL cholestérol*
soient âgées ou atteintes d’une insuffisance surrénale (à faible dose)
[1, 3]
. Chez l’homme, même âgé, en revanche, la DHEA & HDL cholestérol
ne semble pas avoir d’effet bénéfique reproductible (à forte dose)
[3, 6]
. Cette différence entre les sexes s’explique par la
persistance chez l’homme, même très âgé, d’une
# Masse musculaire*
imprégnation androgénique et estrogénique d’origine * Non retrouvés par tous les auteurs.
testiculaire. Chez la femme âgée, en revanche, HDL : high density lipoprotein ; IGF : insulin-like growth factor.

3
3-0720 - Diminution de la sécrétion surrénalienne de DHEA avec l’âge : adrénopause ?

bénéfice peut être espéré de la substitution pouvaient être expliqués par la conversion de cette en cas d’administration chronique. De même, la
hormonale. Il est nécessaire cependant de répondre à hormone en stéroïdes sexuels, tout particulièrement conversion en estrogènes pourrait entraîner une
un certain nombre de questions. en androgènes. Ces études ont eu comme mérite de augmentation du risque de cancer du sein similaire à
La carence en SDHEA chez les patients atteints souligner l’intérêt potentiel d’un apport androgénique celle qui a été décrite après traitement hormonal
d’insuffisance surrénale ou corticotrope est-elle chez les femmes carencées en hormones mâles et de substitutif de la ménopause.
associée aux anomalies constatées au cours du montrer que la testostérone pouvait jouer un rôle sur
vieillissement ? La substitution par ce stéroïde permet-
elle de corriger ces anomalies ? En fait, aucune étude
n’a montré jusqu’à ce jour que la carence profonde en
SDHEA observée au cours de ces pathologies
le bien-être et la sexualité [5, 11, 12]. L’intérêt de
l’administration de DHEA par rapport à un traitement
direct par la testostérone est essentiellement d’ordre
pharmacocinétique. La conversion de ce stéroïde de

Conclusion

Le SDHEA, produit par la couche réticulée de la


surrénaliennes entraîne des symptômes de demi-vie courte en SDHEA dont la demi-vie est longue corticosurrénale, est le stéroïde dont la concentration
vieillissement, en dehors de troubles possibles de la permet l’administration quotidienne d’un seul plasmatique est la plus élevée chez l’homme, mais son
qualité de vie, liés partiellement à la carence en comprimé. Le métabolisme relativement faible de la rôle physiologique demeure peu clair. La vieillesse
androgènes chez les femmes [1]. Il faut de même SDHEA en stéroïdes sexuels permet d’autre part de s’accompagne d’une baisse importante de la DHEA et
souligner que la vieillesse n’est pas le seul état limiter les surdosages thérapeutiques, ce qui n’est pas du SDHEA, processus qui est appelé par certains
physiologique caractérisé par des taux plasmatiques le cas avec les formes galéniques de la testostérone « adrénopause ». Le rôle de cette décroissance dans les
très bas de DHEA et de SDHEA. L’enfance, avant actuellement disponibles. processus pathologiques liés à l’âge n’est pas
l’adrénarche, s’accompagne d’une absence de Si l’intérêt thérapeutique de la DHEA se confirme démontré. Les seuls effets bien documentés de la
sécrétion de cet androgène surrénalien sans aucune chez les femmes âgées, il faudra, comme avec tout DHEA dans l’espèce humaine semblent résulter de son
conséquence pathologique. médicament, le confronter à sa tolérance de façon à métabolisme en stéroïdes sexuels actifs. Les premiers
Les travaux récents réalisés chez des femmes établir un rapport bénéfice-risque. Il ne faut pas en essais cliniques réalisés chez les sujets âgés et des
ménopausées ou addisoniennes [1, 3] ont montré, effet oublier que l’administration de DHEA diminue la patientes en insuffisance surrénale semblent indiquer
comme nous l’avons vu, que la plupart des effets fraction high density lipoprotein (HDL) du cholestérol, un effet bénéfique potentiel chez la femme, surtout lié
observés après traitement « substitutif » par la DHEA ce qui peut avoir des effets cardiovasculaires délétères à sa conversion en androgènes.

Jacques Young : Praticien hospitalier universitaire.


Gilbert Schaison : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction, hôpital de Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : J Young et G Schaison. Diminution de la sécrétion surrénalienne de DHEA avec l’âge : adrénopause ?
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0720, 2001, 4 p

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4
3-0680
3-0680

Gynécomasties
Encyclopédie Pratique de Médecine

H Combe, P Lecomte

L a gynécomastie se définit par une augmentation de volume uni- ou bilatérale de la glande mammaire chez
l’homme. Rencontrée à tous les âges de la vie, elle est particulièrement fréquente à la puberté et au-delà de 70
ans. Le diagnostic positif est clinique. La mammographie peut parfois être utile. Le diagnostic étiologique repose en
grande partie sur l’interrogatoire et l’examen clinique complet comprenant toujours la palpation des organes
génitaux externes. Excepté chez l’adolescent où son existence est physiologique, quelques explorations
complémentaires sont nécessaires, au premier rang desquelles figure l’échographie testiculaire qui permet de déceler
des tumeurs infracliniques. Le traitement doit toujours comporter la suppression de la cause. Le choix entre traitement
médical et chirurgical sera fonction de l’ancienneté de la gynécomastie et de son retentissement psychologique et
esthétique. La molécule la plus employée est la dihydrotestostérone par voie percutanée. En cas d’intervention, la
réalisation d’une incision périaréolaire ne laisse pas de cicatrice et permet la guérison définitive.
© Elsevier, Paris.


Introduction

La gynécomastie est un motif fréquent de ‚ Diagnostic positif



Diagnostic

consultation. Son retentissement psychologique et


La gynécomastie se définit par l’augmentation de
esthétique peut être important. En dehors des
volume uni- ou bilatérale de la glande mammaire chez
gynécomasties néonatales, on observe deux pics de
l’homme (fig 1). Premier temps de l’examen,
fréquence : à la puberté où 60 à 70 % des adolescents
l’inspection ne suffit pas à porter le diagnostic. C’est la
et des adultes jeunes sont atteints et chez l’adulte où la
palpation qui met en évidence une structure centrée
prévalence est la plus élevée entre 50 et 80 ans. Quel
sur l’aréole, de consistance ferme. Il faut apprécier la
que soit l’âge de survenue, l’interrogatoire et un
taille de la gynécomastie - qui peut parfois prendre
examen clinique complet permettent dans la plupart
l’aspect d’un sein féminin - son caractère uni-ou
des cas de poser le diagnostic, d’en reconnaître la
bilatéral, sa sensibilité, l’existence d’un écoulement
cause et de proposer un traitement. Néanmoins, des
examens complémentaires soigneusement choisis et/ou d’adénopathies satellites. Une fois le diagnostic
sont nécessaires pour ne pas méconnaître certaines établi, l’examen clinique doit être méticuleux.
étiologies nécessitant un traitement spécifique. L’interrogatoire précise l’existence d’antécédents
familiaux similaires, l’âge de survenue, le mode


évolutif, les prises médicamenteuses, l’existence d’une
Physiopathologie diminution de la libido, d’une impuissance et les
antécédents hépatiques, cardiaques et rénaux. La
palpation des organes génitaux externes doit être
Œstrogènes et androgènes sont les deux principaux systématique, à la recherche d’une micro-orchidie,
d’une tumeur, d’une ambiguïté sexuelle, d’une 1 Gynécomastie bilatérale au cours du syndrome
facteurs intervenant dans le développement
anomalie d’abouchement de l’urêtre (hypospadias). de Klinefelter.
mammaire. Les premiers stimulent la prolifération des
canaux galactophores et du tissu conjonctif, alors que Les fosses lombaires seront soigneusement
les seconds l’inhibent. Chez l’homme, les œstrogènes examinées et l’on recherchera des signes
proviennent majoritairement de l’aromatisation des d’insuffisance gonadique ou antéhypophysaire, de
androgènes sécrétés par les cellules de Leydig du dénutrition et d’hyperthyroïdie.
testicule et les cellules de la corticosurrénale.
Œstrogènes et androgènes sont véhiculés dans le sang ‚ Diagnostic différentiel Tumeurs
par une protéine porteuse, la sex hormone binding En cas d’hypertrophie mammaire unilatérale, il faut
Adipomastie
globulin (SHBG). Son affinité est plus grande pour les évoquer :
androgènes et cela peut jouer un rôle dans la Elle est fréquente au cours de l’obésité. Elle est – les tumeurs bénignes : fibromes, lipomes, non
physiopathologie des gynécomasties. En effet, le bilatérale, n’est pas centrée par l’aréole mais suit le centrés sur l’aréole. Leur structure n’est pas
© Elsevier, Paris

développement d’une gynécomastie traduit une bord inférieur du grand pectoral. Sa consistance est canaliculaire ;
diminution systémique ou locale du rapport molle, plus ou moins grenue. Elle peut coexister avec – les tumeurs malignes : elles représentent moins
testostérone/estradiol. Histologiquement, il existe une une gynécomastie, ce qui rend le diagnostic difficile. de 1 % des cancers de l’homme et prennent la forme
prolifération diffuse des composants du tissu Une mammographie peut être utile pour faire la part d’une tuméfaction irrégulière, dure, souvent adhérente
mammaire. des choses. aux plans profonds et non centrée sur l’aréole.

1
3-0680 - Gynécomasties

L’existence d’un écoulement sanglant et/ou


d’adénopathies est fortement évocatrice du diagnostic. Tableau I. – Étiologie des gynécomasties. Tableau II. – Principales causes iatrogènes et
La mammographie est ici nécessaire, de même que la toxiques des gynécomasties.
Gynécomasties physiologiques
cytoponction diagnostique
Néonatale Androgènes et stéroïdes anabolisants
Pubertaire Hormones gonadotrophines chorioniques
Sujet âgé Œstrogènes et agonistes des œstrogènes


Antiandrogènes, inhibiteurs de la synthèse des an-
Gynécomasties non physiologiques drogènes :
Étiologies Tumeurs : - acétate de cyprotérone
- testiculaires (cellules germinales, cellules de - flutamide
Leydig, de Sertoli) - isoniazide
- surrénaliennes (adénome, corticosurréna- - kétoconazole
Leur fréquence respective et leur répartition lome malin)
- métronidazole
dépendent en partie de l’âge. Elles sont regroupées - sécrétion ectopique d’hCG (cancer bronchi-
Antiulcéreux :
dans le tableau I. Une cause médicamenteuse ou que, hépatique, rénal, pancréatique...)
- cimétidine
Déficit en testostérone :
toxique doit être systématiquement recherchée - oméprazole
- congénital :
(tableau II). Les produits en cause sont nombreux, mais - ranitidine
Klinefelter
les spironolactones (Aldactonet, Aldactazinet) et la Chimiothérapie (agents alkylants)
anorchidie
cimétidine (Tagamett) arrivent en tête. Le mécanisme Médicaments cardiovasculaires :
résistance aux androgènes
varie selon le produit : inhibition compétitive de
- spironolactones
blocs enzymatiques (3-b-hydroxystéroïde,
- méthyldopa
l’action des androgènes (spironolactones, cimétidine..), 17-b-hydroxystéroïde)
- digitoxine
inhibition de la synthèse des androgènes (imidazolés, - acquis :
- réserpine
vincristine...), effet œstrogénique directs (Distilbènet) oreillons
Psychotropes :
ou « œstrogène-like » (haschich, marijuana, traumatisme
- antidépresseurs tricycliques
radiothérapie
digitaliques) ou enfin induction d’une hyperprolactiné- - diazépam
prolactinome
mie : méthyldopa, tricycliques... - phénothiazines
Hermaphrodisme vrai
Certaines gynécomasties sont physiologiques : la - halopéridol
Cirrhose
gynécomastie néonatale survient entre le 2e et le 4e Toxiques :
Renutrition
- alcool
jour de vie. Elle est liée à l’action des œstrogènes Insuffısance rénale, dialyse
- amphétamines
d’origine maternelle et régresse spontanément. Hyperthyroïdie
- marijuana
La gynécomastie pubertaire est très fréquente et Augmentation de l’aromatase périphérique
- haschich
Iatrogène
concerne 40 à 60 % des adolescents. Elle est souvent - héroïne
Toxique
unilatérale et sensible. Elle régresse spontanément en Autres :
6 à 18 mois la plupart du temps. Si l’anamnèse et Gynécomasties idiopathiques - phénytoïne
l’examen clinique doivent être conduits de la même - pénicillamine
manière que chez l’adulte, les explorations peuvent
bien souvent être simplifiées (cf « Examens
complémentaires »). Il faut se rappeler que la
gynécomastie est exceptionnelle chez l’enfant. Sa Chez le sujet âgé, une gynécomastie serait présente l’augmentation des concentrations plasmatiques de
présence doit faire rechercher une cause tumorale chez 75 % des patients au-delà de 50 ans. Elle est liée à SHBG, ce qui entraîne une hyperœstrogénie relative.
surrénalienne, testiculaire ou intracrânienne. une diminution du taux d’androgènes avec l’âge et à Elle doit rester un diagnostic d’élimination.

GYNÉCOMASTIE

INTERROGATOIRE : EXAMEN CLINIQUE :


- antécédents rénaux, hépatiques, - caractères sexuels secondaires
cardiaques, familiaux identiques - organes génitaux externes
- ancienneté, évolutivité - abdomen, fosses lombaires
- médicaments, toxiques - thyroïde
- dialyse, renutrition
- diminution de la libido, impuissance

GYNÉCOMASTIE ISOLÉE GYNÉCOMASTIE ASSOCIÉE À ...

Période néonatale, pubertaire Adulte


Tumeur testiculaire Micro-orchidie Altération de l'état général Anomalie des organes génitaux Hyperthyroïdie Causes évidentes
et/ou hyperœstrogénie externes, des caractères sexuels
marquée et/ou syndrome secondaires, hypogonadisme
Prolactinémie Échographie testiculaire
tumoral

Prolactine Normal Tumeur testiculaire Caryotype TSH


Testostérone
FSH, LH...
TDM surrénales, abdomen, FSH, LH...
thorax
Estradiol, testostérone,
IRM hypophysaire Pas d'autre examen FSH, LH, β-hCG,
α-fœtoprotéine
test à l'hCG
Résistance aux androgènes
Corticosurrénalome Hermaphrodisme vrai Iatrogène, toxique
Tumeur hépatique, Anorchidie Insuffisance cardiaque
Pas d'exploration Prolactinome Gynécomastie Tumeur à cellules de Leydig Klinefelter
rénale, pancréatique, Infection virale Cirrhose
Surveillance idiopathique Tumeur maligne Blocs enzymatiques
bronchique Renutrition
Traumatisme

2 Examens complémentaires face à une gynécomastie.

2
Gynécomasties - 3-0680


En cas d’anomalie de la palpation abdominale ou tamoxifène (Nolvadext, 20 mg/j) ont donné des
Examens complémentaires des fosses lombaires, de signes d’hyperœstrogénie résultats encourageants avec un taux de réduction
marqués (hyperpigmentation aréolaire), d’altération de de la gynécomastie allant de 36 % à 95 % selon les
l’état général, il faut demander un examen études et les doses utilisées. Aucun effet secondaire
Ils sont guidés par l’interrogatoire et l’examen tomodensitomètrique de l’abdomen, du thorax à la n’a été décrit. Certains auteurs proposent un
clinique (fig 2). Le dosage de la créatinine plasmatique, recherche d’un corticosurrénalome, d’une tumeur traitement d’essai de 3 mois par tamoxifène en cas
du taux de prothrombine ou de la TSH permet de hépatique, pancréatique, rénale ou bronchique. Ce de gynécomastie récente et douloureuse. Les
confirmer une insuffisance rénale ou hépatique, une n’est qu’en l’absence d’orientation clinique ou en cas inhibiteurs de l’aromatase, tels que la testolactone
hyperthyroïdie. En période strictement pubertaire, s’il de négativité des examens complémentaires que l’on ont été testés avec succès, sans effet secondaire.
n’y a aucun élément clinique d’orientation, il n’est pas sera amené à parler de gynécomastie idiopathique (10 Mais en pratique, c’est la dihydrotestostérone (DHT)
nécessaire d’engager des explorations complémen- à 20 % des cas) ou de gynécomastie de la sénescence (Andractimt), non aromatisable et administrée par
taires coûteuses qui n’apportent rien au diagnostic. chez le sujet âgé. voie percutanée qui reste la plus employée.
Néanmoins, une surveillance régulière doit être L’élévation des concentrations plasmatiques de DHT
effectuée. freine l’axe hypothalamohypophysaire. L’effet sur la


Reprenant les résultats de l’exploration hormonale douleur est rapide. Kuhn et al. retrouvent 75 % de
de près de 600 patients âgés de 18 à 25 ans, Gautier et Traitement réduction du volume du tissu mammaire dont 25 % de
al estiment que s’il n’existe aucune autre anomalie que disparition complète lors du traitement d’un groupe
la gynécomastie au terme d’un examen clinique d’hommes ayant une gynécomastie parapubertaire
rigoureux, la réalisation d’une échographie testiculaire Il dépend avant tout de la cause : arrêt d’une prise prolongée. La posologie est de 125 mg appliqués sur
et d’un dosage de la prolactine suffit en première médicamenteuse, d’un toxique, substitution la gynécomastie matin et soir pendant 3 à 6 mois.
intention chez l’adulte jeune. Dans cette étude en effet, androgénique d’un hypogonadisme, correction d’une
‚ Traitement chirurgical
95 % des gynécomasties étaient idiopathiques, et les hyperthyroïdie etc. Néanmoins, la gynécomastie ne
examens doivent viser à écarter une pathologie régresse pas toujours après traitement étiologique. La chirurgie fait appel à un plasticien qui enlève le
tumorale testiculaire infraclinique ou hypophysaire. Dans ce cas, comme pour les gynécomasties tissu glandulaire par une incision périaréolaire. Le
L’échographie permet de détecter des tumeurs idiopathiques et les gynécomasties parapubertaires geste est simple et les résultats esthétiques et sur la
testiculaires de 2 mm de diamètre et son coût est prolongées, un traitement médical ou chirurgical est douleur sont immédiats. Il est indiqué après échec de 3
faible (K20). Selon le type de tumeur, la fréquence de la nécessaire. à 6 mois de traitement médical ou d’emblée lorsque la
gynécomastie est variable : 10 à 30 % pour les gynécomastie est ancienne.
tumeurs à cellules de Leydig et 1 % pour les ‚ Traitement médical


séminomes. La découverte d’une tumeur testiculaire Il faut se rappeler que nombre de gynécomasties
doit faire demander un dosage des marqueurs ont tendance à régresser spontanément, ce qui rend Conclusion
tumoraux β-hCG et a-fœtoprotéine. Ces dosages difficile l’évaluation précise de l’efficacité réelle des
doivent être complétés par la détermination de traitements médicaux. L’action des médicaments est
l’œstradiol plasmatique de base et après stimulation maximale durant la phase active de constitution de la La gynécomastie est un problème fréquemment
par hCG, de la LH, de la FSH et de la testostérone. gynécomastie (prolifération cellulaire). Ainsi, au-delà rencontré. Sa prise en charge doit tenir compte des
Bien que ne représentant qu’une faible proportion d’un an d’évolution, leur efficacité tend à décroître. données de l’interrogatoire et de l’examen clinique.
des étiologies, une hyperprolactinémie fera demander La testostérone figurait auparavant parmi les Chez l’adolescent, son caractère physiologique
une IRM hypophysaire. En cas de micro-orchidie thérapeutiques proposées. En fait, elle n’améliore pas explique que les explorations complémentaires ne
bilatérale, il faut prescrire un caryotype (syndrome de l’évolution de la gynécomastie et risque même par soient pas nécessaires lorsqu’elle est isolée. Dans les
Klinefelter avec élévation des gonadotrophines FSH et aromatisation et transformation en œstradiol de autres cas, des examens simples et peu coûteux
LH et caryotype XXY). Une anomalie des organes l’aggraver. Le danazol (Danatrolt) à la dose de permettent de confirmer le diagnostic étiologique. Une
génitaux externes, des signes d’hypoandrisme 200 mg/j chez l’adolescent et 400 à 600 mg/j chez origine médicamenteuse ou tumorale doit
conduiront à des explorations hormonales plus l’adulte donne des résultats moyens avec des effets constamment être évoquée. Fonction de la cause et de
complexes à la recherche d’une insensibilité aux secondaires non négligeables (prise de poids, l’ancienneté de la gynécomastie, le traitement, médical
androgènes, d’un hermaphrodisme vrai, d’un bloc crampes, acné, nausées). Les antiœstrogènes, citrate et/ou chirurgical permet la régression complète dans
enzymatique ou d’une anorchidie congénitale. de clomiphène (Clomidt, 50 à 100 mg/j) et la majorité des situations.

Hervé Combe : Chef de clinique-assistant.


Pierre Lecomte : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service endocrinologie et maladies métabolique, CHU Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours Cedex 01, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Combe et P Lecomte. Gynécomasties.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0680, 1998, 3 p

Références

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3
3-0650
3-0650

Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme


Encyclopédie Pratique de Médecine

H Combe, P Lecomte

L ’hirsutisme doit être distingué de l’hypertrichose qui n’est que l’exagération de la pilosité chez la femme dans
des zones non androgénodépendantes. Bien que souvent d’origine « bénigne » (ovaires polykystiques,
hirsutisme idiopathique), il ne doit pas être négligé, car il peut être le premier symptôme d’une tumeur ovarienne ou
surrénalienne. Dans ce cas, il s’accompagne souvent de signes de virilisation (clitoridomégalie, raucité de la voie...).
Le dosage des androgènes circulants (testostérone, sulfate de déhydroépiandrostérone, 17-hydroxyprogestérone et
∆4-androstènedione) en phase folliculaire permet une première approche diagnostique. Leur taux plasmatique,
notamment celui de la testostérone, et les données de l’examen clinique guident le choix des autres explorations
complémentaires : test de stimulation par l’ACTH (adrenocorticotrophic hormone), tomodensitométrie surrénalienne,
échographie ovarienne... Le traitement doit répondre à deux objectifs : supprimer la cause de l’hirsutisme lorsqu’elle
est retrouvée (exérèse d’une tumeur par exemple) et diminuer la pilosité. Ce dernier point justifie dans la grande
majorité des cas l’utilisation prolongée d’antiandrogènes tels que l’acétate de cyprotérone. Les moyens cosmétiques
comme l’épilation électrique sont réservés aux hirsutismes majeurs et doivent être débutés après plusieurs mois de
traitement médical bien conduit.
© Elsevier, Paris.


d’autres facteurs. L’hyperstimulation du follicule 90 % à la sex hormone binding globulin (SHBG) qui
Introduction pilosébacé par un excès local et/ou plasmatique lui sert de vecteur plasmatique. Cette protéine lie
d’androgènes (hyperandrogénie) rend compte de également l’œstradiol avec une affinité plus faible.
l’existence de l’hirsutisme, ou hyperpilosité vraie. Seule la forme libre de la T peut pénétrer dans les
Le possible retentissement psychologique et cellules des tissus cibles. Les ovaires et les surrénales
social de l’hirsutisme en fait un motif fréquent de sécrètent chacun environ 25 % de la quantité totale
L’hirsutisme se définit comme d’androgènes. Les 50 % restants proviennent de la
consultation. Si la demande initiale est souvent
d’ordre esthétique, il ne faut pas oublier que l’accentuation de la pilosité chez la conversion périphérique au niveau de la peau
l’hirsutisme peut être le signe révélateur d’affections femme et son extension à des essentiellement, mais aussi du foie et du tissu
endocriniennes nécessitant un traitement territoires où elle n’existe adipeux des précurseurs suivants : ∆4-androstè-
spécifique : tumeur androgénosécrétante, habituellement que chez l’homme. nedione (∆4A), déhydroépiandrostérone (DHA) et
hyperplasie de la surrénale... Il ne doit donc pas être sulfate de déhydroépiandrostérone (SDHA). Le
négligé. Des examens simples en première intention métabolite actif intracellulaire de la T, la
permettent dans la plupart des cas d’en préciser L’association à une hyperséborrhée et à une déhydrotestostérone (DHT), obtenu après action de
l’étiologie et de proposer une prise en charge acné, deux autres pathologies androgéno- la 5α-réductase de type 2 au niveau de la peau (fig
adaptée. dépendantes, est fréquente. En revanche, une voix 2), est le plus puissant des androgènes. Viennent
rauque, une hypertrophie clitoridienne et musculaire, ensuite, par ordre décroissant, la ∆4A, la DHA et le
une alopécie frontotemporale et une atrophie SDHA. Deux voies de synthèse, ∆4 et ∆5, permettent


mammaire signent l’existence d’un virilisme. la formation des androgènes à partir du cholestérol
Définition La répartition particulière de la pilosité au cours de dans les ovaires et dans les surrénales. La première
l’hirsutisme et son caractère dense et dru permettent est plus active dans les ovaires et la seconde dans les
de le distinguer de l’hypertrichose qui n’est que surrénales. De ce fait, le principal androgène sécrété
Afin d’éviter des explorations inutiles, il semble l’exagération de la pilosité des zones non par l’ovaire est la ∆4A, et le principal androgène
utile de revenir sur quelques notions permettant de androgénodépendantes. Dans ce cas, l’hyperpilosité produit par la surrénale, le SDHA (fig 1).
distinguer une situation pathologique d’une simple est diffuse, souvent familiale et existe avant la
puberté.
« variante » de la normale. Le follicule pilosébacé ‚ Chez la femme hirsute
forme une unité constituée par le poil entouré d’une
gaine, à laquelle est appendue une glande sébacée. L’effet de l’hyperandrogénie dépend à la fois du
Cet ensemble est particulièrement sensible à l’action
des androgènes qui contrôlent la pilosité des zones
sexuelles : pubis, aisselles pour les deux sexes (poils
ambosexuels), visage, thorax, abdomen, périnée et
‚ Chez la femme normale

Physiopathologie
taux de production des androgènes et de la
sensibilité de la peau à leur action. Quel que soit le
site principal de production (ovaire, surrénales ou
peau), la clairance métabolique de la T est
© Elsevier, Paris

face supéro-interne des cuisses chez l’homme. Ces augmentée chez la femme hirsute, alors que les
zones sont dites « androgénodépendantes ». Dans La synthèse des androgènes est résumée dans la concentrations plasmatiques de T peuvent être
les autres régions du corps (cheveux, cils, sourcils, figure 1. Comme chez l’homme, mais à des taux dix normales (hirsutisme idiopathique). Une diminution
avant-bras et jambes), les androgènes favorisent fois moindre, la testostérone (T) est le principal relative des concentrations de SHBG a été constatée,
également la pousse du poil, en même temps que androgène circulant chez la femme. Elle est liée pour provoquant l’augmentation de la forme libre de la T

1
3-0650 - Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme

Tableau I. – Étiologies des hirsutismes.


SDHA
Origine ovarienne
Tumorale
Cholestérol Arrhénoblastome
SURRÉNALES Gonadoblastome
Voie ∆5 Tumeurs à cellules lipidiques
Lutéome de la grossesse
Non tumorale
17-hydroxyprégnénolone Déhydroépiandrostérone Syndrome des ovaires polykystiques
(DHA) Hyperthécose
3βOHSTDase
Prégnénolone Origine surrénalienne
3βOHSTDase
Tumorale
∆4-androstènedione Testostérone Corticosurrénalome bénin
3βOHSTDase
Corticosurrénalome malin
Non tumorale
Progestérone 17-hydroxyprogestérone Bloc en 21-hydroxylase
Bloc en 11β-hydroxylase
Voie ∆4 OVAIRES Bloc en 3β-hydroxystéroïde déshydrogénase
Origine hypophysaire
1 Synthèse des androgènes. Les flèches fines correspondent aux voies de synthèse, les flèches épaisses Prolactinome
indiquent l’origine principale de l’androgène. 1. SDHA : sulfate de déhydroépiandrostérone. 2. 3bOHSTDase : Maladie de Cushing
3b-hydroxystéroïde déshydrogénase.
Iatrogène
Progestatifs de synthèse dérivés de la noréthis-
térone
Danazol
DHA Phénytoïne
Diazoxide
Minoxidil
Ciclosporine
Hirsutisme idiopathique
3β-hydroxystéroïde déshydrogénase

androgènes. L’association des deux mécanismes est


possible. Les étiologies sont regroupées dans le
∆4-androstènedione tableau I. Le syndrome des ovaires polykystiques
(SOPK), ou « hyperandrogénie fonctionnelle
ovarienne », et l’hirsutisme idiopathique recouvrent
17β-hydroxystéroïde à eux deux la majorité (90 %) des causes
déshydrogénase d’hirsutisme. Viennent ensuite les déficits
ADN enzymatiques, les tumeurs et les causes iatrogènes.
Testostérone libre


R'
Évaluation clinique
5α-réductase

L’évaluation du degré d’hirsutisme est subjective,


DHT car elle dépend de l’examinateur. Elle est néanmoins
+ R' nécessaire, car, répétée, elle permet de juger de
SHBG
l’évolution sous traitement. La méthode d’évaluation
la plus employée est celle de Ferriman et Gallway,
semi-quantitative (fig 3). Onze régions du corps sont
Androstanediol cotées de 1 à 4 en fonction de la sévérité de
l’hirsutisme pour chacune. Le total des points indique
le degré d’hirsutisme, lui-même défini par un score
+ R supérieur à 8. L’interrogatoire doit faire préciser la
présence d’antécédents familiaux identiques,
l’ethnie, l’âge de la puberté, les prises médicamen-
teuses, l’ancienneté et le mode évolutif de
2 Métabolisme des androgènes au niveau de la peau. 1. DHA : déhydroépiandrostérone ; 2. SHBG : sex hormone l’hirsutisme, l’existence de troubles des règles
binding globulin ; 3. DHT : dihydrotestostérone ; 4. R : récepteur cytosolique ; 5. R’ : récepteur nucléaire. (oligospanioménorrhée, aménorrhée) ou d’une
infertilité. Outre la quantification de l’hirsutisme par
le score de Ferriman et Gallway, l’examen clinique
doit rechercher les signes de virilisation décrits plus


et donc une augmentation de sa biodisponibilité. La haut, une hypertension artérielle, une obésité
peau, qui est à la fois « utilisateur » et producteur Étiologies androïde, un acanthosis nigricans, une petite taille,
d’androgènes grâce à des enzymes telles que la une tumeur à la palpation de l’abdomen et des
5α-réductase de type 2, la 3β-hydroxystéroïde fosses lombaires, de gros ovaires lors de l’examen
déshydrogénase ou la 17β-hydroxystéroïde L’hirsutisme relève soit d’une hyperproduction gynécologique, une galactorrhée et des signes
déshydrogénase, joue un rôle central dans la d’androgènes d’origine ovarienne ou surréna- d’hypercorticisme. La courbe de température est
physiopathologie (fig 2). lienne, soit d’une hypersensibilité de la peau aux essentielle et renseigne sur l’existence ou non

2
Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme - 3-0650

LOCALISATION - ZONE
Lèvre supérieure
STADE
1
DÉFINITION

Quelques poils sur le bord externe


SCORE ■
Examens complémentaires

2 Une petite moustache sur le bord externe La grande majorité des hirsutismes étant en
3 Une moustache s'étendant sur la moitié rapport avec un SOPK ou idiopathique, il est inutile
externe d’engager d’emblée des explorations complexes et
4 Une moustache s'étendant jusqu'à la coûteuses.
ligne médiane
Menton 1 Quelques poils dispersés
2 Poils dispersés avec des zones plus denses Rappelons que les examens
3 et 4 Complètement recouvert, légers et épais complémentaires doivent être guidés
Poitrine 1 Quelques poils périaréolaires par l’interrogatoire et l’examen
2 Avec quelques poils médians en plus clinique et que les dosages hormonaux
3 Les trois quarts de la surface sont recouverts doivent impérativement être pratiqués
4 Pilosité recouvrant toute la poitrine le matin entre 8 h et 10 h et en
Partie supérieure du dos 1 Quelques poils dispersés première partie de cycle pour être
2 Un peu plus mais encore dispersés interprétables (avant le 7e jour, entre
3 et 4 Recouvrant complètement la moitié
supérieure du dos, légers et épais
le 3e et le 5e jour au mieux, le 1er jour
des règles marquant le début du cycle).
Moitié inférieure du dos 1 Touffe de poils sacrée
2 La même avec extension latérale
Les contraceptifs oraux doivent bien
3 Les trois quarts de la surface sont recouverts entendu être arrêtés. En cas
4 Pilosité diffuse sur toute la surface d’aménorrhée, le praticien peut s’aider
Moitié supérieure de l'abdomen 1 Quelques poils médians d’un test aux progestatifs
2 Plus fournis et toujours médians (dydrogestérone, Duphastont : 1
3 et 4 Partie supérieure complètement recouverte comprimé pendant 10 jours) pour
Moitié inférieure de l'abdomen 1 Quelques poils médians provoquer artificiellement la survenue
2 Une raie médiane de poils (trainée) des règles. Si ce test est négatif
3 Une bande médiane de poils (absence de règles, signe d’une hypo-
4 Pilosité en losange
œstrogénie profonde), le jour suivant
Bras, cuisse, jambe 1 Pilosité clairsemée ne touchant pas plus du la dernière prise de Duphastont est
quart de la surface du segment de membre
2 Un peu plus étendue ; la couverture reste considéré comme étant le premier jour
incomplète du cycle.
Avant-bras Couverture complète de la face postérieure :
1, 2, 3, 4 deux stades pour pilosité légère Les examens hormonaux de première
deux stades pour pilosité dense intention, quelle que soit l’orientation clinique,
doivent comporter, pour la plupart des auteurs, un
TOTAL
dosage de la T, du SDHA, de la 17-hydroxyproges-
3 Évaluation du degré d’hirsutisme par le score de Ferriman et Gallway. térone (17-OHP) et de la ∆4A. Certains y ajoutent la
LH (hormone lutéinisante) de base. Ces dosages
simples permettent de confirmer l’hyperandrogénie
et de préciser son origine (fig 4). C’est principalement
le taux de testostérone qui permet de différencier les
d’une ovulation et sur sa qualité. Ainsi, l’étiologie de
Caractéristiques de l’hirsutisme pathologies tumorales des autres causes. Chez la
l’hirsutisme peut être en partie suspectée avant
idiopathique femme en période d’activité génitale, si le taux de T
même les explorations complémentaires :
est supérieur à 2 ng/mL (7 nmol/L), une cause
– ancien, généralisé, avec antécédents familiaux, ✔ Ancien, généralement apparu à la tumorale est probable. Il en est de même si le SDHA
d’aggravation progressive et lente, sans trouble des puberté. dépasse 9 000 ng/mL (20 µmol/L). Chez la femme
règles et avec une ovulation conservée, l’hirsutisme ✔ Antécédents familiaux identiques. ménopausée, ces valeurs sont respectivement de
a toutes les chances d’être idiopathique ; ✔ Aggravation très progressive, voire 1 ng/mL (3,5 nmol/L) et de 4 500 ng/mL (10 µmol/L).
– récent, « explosif » et accompagné de signes de stabilisation au fil des ans. La 17-OHP permettra de confirmer le diagnostic de
virilisation, il est fortement suspecté d’être d’origine bloc surrénalien en 21-hydroxylase à révélation
✔ Absence de médication pouvant
tumorale ; tardive dans plus de 80 % des cas si son taux
causer un hirsutime. dépasse 2 ng/mL (6 nmol/L) et dans 100 % des cas si
– apparu à la puberté, associé à une obésité ✔ Examen clinique normal. le taux dépasse 10 ng/mL (30 nmol/L). Entre ces
androïde, à une spanioménorrhée d’aggravation ✔ Absence de virilisation. deux valeurs, un test de stimulation par l’ACTH
progressive et à de gros ovaires (inconstant), il est
✔ Cycles réguliers. (Synacthènet Immédiat 0,25 mg en intramusculaire
probablement lié à un SOPK. Les multiples
présentations cliniques du SOPK s’intégrant
✔ Ovulation conservée (courbe ou en intraveineux) sera nécessaire. Une élévation
thermique). de la 17-OHP supérieure à 20 ng/mL (60 nmol/L) à la
probablement dans un seul et même cadre
✔ Dosages hormonaux (testostérone, 60e minute signe le diagnostic de bloc enzymatique
physiopathologique, la distinction des types I et II de
en 21-hydroxylase (1 à 6 % des hirsutismes). Les
Stein et Leventhal devient quelque peu caduque ; ∆4-androstènedione, SDHA,
déficits en 11β-hydroxylase et en 3β-hydroxysté-
– dans le cas d’un bloc enzymatique 17-hydroxyprogestérone) normaux. roïde déshydrogénase à révélation tardive sont
surrénalien, l’hirsutisme est ancien, la ménarche est Si toutes ces conditions sont réunies, exceptionnels. Le premier est classiquement
apparue tardivement, il existe une virilisation l’hirsutisme a de fortes chances d’être responsable d’une hypertension artérielle avec
partielle et l’on retrouve des antécédents familiaux « idiopathique ». Le traitement peut alcalose hypokaliémique liée à l’élévation du
identiques. Le morphotype est également être débuté sans autre exploration. composé S (11-désoxycortisol) et de la 11-désoxy-
particulier : petite taille et aspect trapu. corticostérone (DOC) qui possède une activité

3
3-0650 - Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme

gonadotropin « hCG », œstroprogestatifs...)


HIRSUTISME n’apportent rien en pratique quotidienne.


Antécédents familiaux Score de Ferriman
Ethnie Virilisation Traitement
Âge de la puberté Surpoids
Ancienneté Petite taille
Mode évolutif Hypertension artérielle
Troubles des règles Gros ovaires Le traitement doit être étiologique chaque fois
Courbe ménothermique Galactorrhée que cela est possible : chirurgie des tumeurs
Infertilité Signes d'hypercorticisme ovariennes et surrénaliennes, suppressions de
Médicaments Tumeur des fosses lombaires traitements inducteurs d’hyperandrogénie... Dans le
Tumeur abdominale cas particulier d’une d’hyperplasie surrénalienne par
bloc enzymatique, la freination de l’ACTH,
responsable de la stimulation de la synthèse des
androgènes surrénaliens, par l’hydrocortisone
T (20 mg/j) ou la dexaméthasone (Décadront ou
17-OHP Dectancylt : 0,25 mg à 0,5 mg le soir) est logique.
SDHA Néanmoins, l’efficacité sur l’hirsutisme n’est pas
∆4A toujours très marquée, et un traitement
(LH) symptomatique doit y être associé. Ce dernier fait
appel aux antiandrogènes. En Europe, c’est l’acétate
de cyprotérone (Androcurt) qui est le plus largement
employé parmi les antiandrogènes stéroïdiens. Ceci
se justifie car il est à la fois progestatif,
T > 2 ng/mL 0,45 ng/mL < T < 2ng/mL 0,2 ng/mL < T < 0,45 ng/mL antiandrogène et antigonadotrope, et donc
(Virilisation) ∆4A ∆4 normale
contraceptif, à la dose de 50 mg ou de 25 mg/j (1 ou
½ comprimé). La survenue d’une atrophie de
l’endomètre responsable d’une aménorrhée et/ou
de spotting est inévitable. Ces effets secondaires
SDHA ∆4A 17-OHP LH après GnRH peuvent être prévenus par l’association d’un
∆4A œstrogène à l’acétate de cyprotérone. Sur le plan
SDHA métabolique, l’estradiol naturel par voie orale
(Progynovat, Oromonet, Provamest, Estrofemt) ou
par voie percutanée (Estraderm TTSt, Oesclimt,
Œstrodoset, Œstrogelt, Systent) est préféré à
TDM abdominale IRM pelvienne Échographie l’éthinylestradiol.
Cathétérisme Cathétérisme ovarienne
veineux étagé veineux étagé
Plusieurs schémas thérapeutiques sont
possibles

Tumeur Bloc enzymatique Hirsutisme idiopathique


✔ Acétate de cyprotérone : 50 mg/j,
Tumeur ovarienne SOPK
surrénalienne Hyperthécose surrénalien 20 jours par mois (5e au 25e jour du
(Lutéome de 90 % des hirsutismes cycle), associé à l’estradiol naturel
la grossesse) durant la même période, avec un
4 Conduite à tenir devant un hirsutisme. 1. T : testostérone ; 2. 17-OHP : 17- hydroxyprogestérone ; 3. SDHA : arrêt de 7 à 10 jours puis reprise
sulfate de déhydroépiandrostérone ; 4. ∆4A : ∆4-androstènedione ; 5. LH : hormone lutéinisante ; 6. GnRH : (effet contraceptif à partir du 2e
gonadotrophin releasing hormone ; 7. TDM : tomodensitométrie ; 8. IRM : imagerie par résonance magnéti- cycle de traitement).
que ; 9. SOPK : syndrome des ovaires polykystiques. ✔ Acétate de cyprotérone : 50 mg/j,
20 jours par mois (5e au 25e jour du
minéralocorticoïde. Le second est caractérisé par surrénaliennes seront au mieux repérées par cycle), associé à l’estradiol naturel
l’élévation de tous les stéroïdes de la voie ∆5 et l’examen tomodensitométrique. Un cathétérisme
du 15e au 25e jour du cycle, avec un
surtout de la 17-hydroxy-∆5-prégnénolone. Ces rétrograde des veines surrénaliennes et ovariennes
avec dosages étagés est parfois nécessaire dans les
arrêt de 7 à 10 jours puis reprise
dosages sont réservés à des laboratoires très
spécialisés et ne sont pas disponibles en routine. situations complexes (petites tumeurs ovariennes). (effet contraceptif à partir du 2e
La prolactinémie sera quant à elle dosée en cas Lorsque ces explorations ne sont pas contributives, cycle de traitement).
de galactorrhée. Le cortisol libre urinaire des 24 l’exploration chirurgicale doit être envisagée avec ✔ Acétate de cyprotérone : 50 à
heures sera demandé devant la moindre suspicion échographie peropératoire. 100 mg/j, 10 jours par mois (5e au
d’hypercorticisme. L’étude de la réponse de LH après Les autres dosages hormonaux sont superflus : 15e jour du cycle) et
stimulation par la GnRH (gonadotrophin releasing le métabolite de la DHT, le 3α-androstanediol éthinylestradiol : 50 µg/j du 5e au
hormone) sera effectuée en cas de suspicion de glucuronide, ne reflète pas fidèlement l’activité 25e jour du cycle, avec un arrêt de 7
SOPK. Elle est très fortement exagérée au cours du 5α-réductase cutanée comme on a pu le penser et
à 10 jours puis reprise (effet
SOPK. L’échographie ovarienne par voie est donc inutile pour le diagnostic d’hirsutisme
sus-pubienne, ou mieux par voie endovaginale, idiopathique. La DHA est difficile à doser, sa demi-vie
contraceptif dès le premier cycle).
permettra de mettre en évidence des ovaires est courte et ses concentrations fluctuentes. Elle
multi-microfolliculaires au stroma épaissi. En cas de T n’apporte pas plus de renseignements que le SDHA, La pilule Dianet est une association de 35 µg
plasmatique à des concentrations tumorales, sauf lors d’une stimulation par le Synacthènet à la d’éthinylestradiol et de 2 mg d’acétate de
l’échographie par voie endovaginale et l’imagerie recherche d’un bloc en 3β-hydroxystéroïde cyprotérone. Sa concentration en acétate de
par résonance magnétique du pelvis permettent de déshydrogénase, éventualité rarissime. Les autres cyprotérone est trop faible pour traiter un hirsutisme.
détecter les tumeurs ovariennes. Les tumeurs tests de freinage ou de stimulation (human chorionic Néanmoins, elle peut tout à fait être associée à

4
Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme - 3-0650

l’Androcurt (1 ou 2 comprimés du 1er au 10e jour de semblent prometteurs, mais il n’y a pas périodique du score de Ferriman et Gallway. Dans le
la prise de Dianet). L’effet contraceptif est obtenu d’autorisation de mise sur le marché en France pour cas particulier du SOPK, la lutte contre l’obésité et
dès le premier cycle de traitement. traiter l’hirsutisme. l’insulinorésistance, souvent associées à ce syndrome,
Il existe d’autres antiandrogènes. La spirono- L’utilisation prolongée des analogues de la GnRH est capitale. Il faut essayer d’obtenir une réduction
lactone (100 mg/j) (Aldactonet) est très utilisée aux est réservée à de rares cas d’hirsutisme d’origine pondérale par des mesures hygiénodiététiques
États-Unis où l’acétate de cyprotérone n’est pas ovarienne. adaptées et un exercice physique régulier.
disponible. Elle n’a pas de propriétés contraceptives, Au traitement étiologique et symptomatique, peut
Dans tous les cas, il faut prévenir la patiente que
s’associer un traitement cosmétique. La décoloration
et les résultats sur l’hirsutisme semblent moins bons l’effet du traitement n’est pas immédiat : 3 mois pour
par solution d’eau oxygénée ou d’ammoniaque peut
qu’avec l’acétate de cyprotérone. Le flutamide la séborrhée et l’acné, 6 mois, voire plus, pour
rendre service. Elle peut néanmoins entraîner une
(Eulexinet) et le nilutamide (Anandront) sont des l’hirsutisme. De plus, le traitement doit être prolongé
irritation cutanée. Elle doit être répétée car l’effet est
antiandrogènes non stéroïdiens encore en cours au moins 2 ans et parfois indéfiniment. La surveillance
transitoire. Le rasage mécanique ou chimique est à
d’étude dans ce type d’indication. Les résultats de son efficacité peut se faire grâce à l’évaluation
proscrire, car il favorise la repousse plus rapide et
plus drue du poil. L’épilation à la cire chaude ou
froide ou encore par épilateur électrique peut être
utilisée. L’épilation par diathermocoagulation
(« épilation électrique ») est définitive, parfois
FAIRE douloureuse et réservée à certaines zones : visage,
Distinguer l’hirsutisme d’une hypertrichose. thorax et abdomen. Elle est indiquée en cas
Interrogatoire et examen clinique complets. d’hirsutisme majeur et n’est débutée qu’après
Arrêt des médications pouvant interférer avec les dosages. plusieurs mois de traitement par les antiandrogènes.
Dosages hormonaux en 1re partie de cycle.
Explorations de départ simples (testostérone, ∆4A, SDHA, 17-OHP).
Traiter l’étiologie chaque fois que possible.
« Petits moyens » : cire, décoloration, épilation électrique (définitive).
Traitement prolongé (OPK), en avertir la patiente.

Conclusion

L’hirsutisme est le plus souvent d’origine bénigne,


mais il pose des problèmes cosmétiques parfois
NE PAS FAIRE majeurs. Le SOPK et l’hirsutisme idiopathique en sont
Explorer une hypertrichose. les principales étiologies. Le praticien doit
néanmoins toujours garder à l’esprit la possibilité
Omettre de rechercher une virilisation.
d’une cause tumorale ovarienne ou surrénalienne.
Oublier d’arrêter une pilule contraceptive avant les dosages. C’est l’examen clinique et le taux des androgènes
Ne pas savoir la date des dernières règles. plasmatiques dosés en première partie de cycle qui
Tests de stimulation, imagerie d’emblée. orientent les explorations complémentaires de
Méconnaître une tumeur. deuxième intention. Le traitement doit toujours être
Rasage. étiologique, mais fait également appel aux
Utiliser Dianet seule pour un hirsutisme. antiandrogènes, tels que l’acétate de cyprotérone, de
manière prolongée.

Hervé Combe : Chef de clinique-assistant.


Pierre Lecomte : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, clinique médicale B, CHU Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex 01, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Combe et P Lecomte. Hyperpilosité, hirsutisme, virilisme.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0650, 1998, 5 p

Références

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Endocrinol Metab 1986 ; 15 : 129-145 hair growth and hormone levels in hirsute women : the relative importance of the
ovary and the adrenal in the pathogenesis of hirsutism. J Clin Endocrinol Metab
[2] Lucky AW. Hormonal correlates of acne and hirsutism. Am J Med 1995 ; 98 1990 ; 70 : 1096-1102
(suppl 1A) : 1A-89S-1A-94S
[7] Rosenfield RL, Deplewski D. Role of androgens in developmental biology of
[3] Randall VA. Androgens and human hair growth. Clin Endocrinol 1994 ; 40 : the pilosebaceous unit. Am J Med 1995 ; 98 (suppl 1A) : 1A-80S-1A-88S
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[8] Vermeulen A, Giagulli VA. Physiopathology of plasma androstanediol-
[4] Rittmaster RS. Clinical relevance of testosterone and dihydrotestosterone me- glucuronide. J Steroid Biochem Mol Biol 1991 ; 39 : 829-833
tabolism in women. Am J Med 1995 ; 98 (suppl 1A) : 1A-17S-1A-21S

[5] Rittmaster RS. Medical treatment of androgen-dependant hirsutism. J Clin


Endocrinol Metab 1995 ; 80 : 2559-2563

5
¶ 3-0711

Hypogonadisme masculin
J. Young

L’hypogonadisme chez l’homme est traditionnellement défini comme l’ensemble des signes fonctionnels
et physiques en rapport avec une carence en androgènes testiculaires. À cette définition clinique s’ajoute
une définition hormonale qui est celle d’une baisse de la testostérone circulante. Rigoureusement un sujet
est considéré comme hypogonadique si la concentration plasmatique de testostérone totale est en
dessous de deux déviations standards par rapport à la moyenne de sujets normaux d’une tranche d’âge
donnée. Le plus souvent le diagnostic est assez facile devant l’existence d’une baisse significative de la
testostérone totale. Dans ces cas, le dosage des gonadotrophines LH et FSH permet de rattacher la
défaillance testiculaire à une anomalie hypothalamohypophysaire lorsque ces hormones hypophysaires
sont basses (hypogonadisme hypogonadotrophique ou déficit gonadotrope) où à une maladie
primitivement gonadique lorsqu’elles sont élevées. L’utilisation des dosages de testostérone libre doit être
proscrite car elle conduit à une sous-estimation constante de la testostérone circulante. Enfin, l’existence
d’un hypogonadisme réel chez l’homme âgé est toujours un sujet de controverse en l’absence d’une
définition claire. Chez ces patients l’androgénothérapie n’est pas justifiée compte tenu d’une efficacité
contestable et de l’absence d’études ayant montré une innocuité à long terme.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hypogonadisme ; Puberté ; Testostérone ; Kallmann ; Klinefelter ; GnRH ; Gonadotrophine ;


Andropause

Plan ■ Présentation clinique


¶ Épidémiologie 1 Elle sera discutée en détail dans les paragraphes consacrés
¶ Présentation clinique 1 aux déficits gonadotropes et aux insuffisances testiculaires.
Globalement les signes cliniques sont fonction de la date
¶ Hypogonadismes hypogonadotrophiques 2
d’apparition et de la profondeur de l’hypogonadisme. En
Déficit gonadotrope congénital isolé 2
physiologie, la sécrétion testiculaire de testostérone est
Diagnostic différentiel entre déficit gonadotrope congénital
importante pendant la vie fœtale, à la naissance et à partir de
et retard pubertaire simple (ou puberté différée) 2
la puberté. Compte tenu des effets de la testostérone sur la
Déficit gonadotrope acquis 3
masculinisation des organes génitaux externes (OGE), chez les
Exploration hormonale 4
fœtus XY une atteinte de la production androgénique testicu-
¶ Hypogonadismes hypergonadotrophiques et insuffisances laire va aboutir lorsqu’elle est complète à un phénotype
testiculaires primitives 5
féminin. Dans les atteintes partielles on observe une ambi-
Présentation clinique 5
guïté sexuelle avec hypospadias périnéoscrotal ou au mini-
Exploration hormonale 5
mun un micropénis. Si l’atteinte gonadique est sévère et
Diagnostic différentiel 5
apparaît après la masculinisation des OGE mais avant la
Étiologies 5
naissance on peut observer un micropénis souvent associé à
une cryptorchidie chez le nouveau-né. Ces signes se surajou-
tent à l’absence de développement pubertaire si le patient est
■ Épidémiologie examiné à l’adolescence. Une absence de puberté est aussi le
La prévalence de l’hypogonadisme masculin a été estimée à signe d’appel si le déficit gonadique est complet et se met en
1/200 hommes adultes. Des travaux récents ont montré que place pendant l’enfance.
seuls 10 à 30 % des hommes atteints d’un syndrome de Kline- Après la puberté le diagnostic d’hypogonadisme est beau-
felter étaient diagnostiqués cliniquement pendant leur exis- coup plus difficile. L’involution de la virilisation post-
tence [1]. On peut donc supposer que d’autres causes pubertaire ne s’observe en effet qu’après des années
d’hypogonadisme, en particulier acquis où les signes cliniques d’évolution d’un déficit gonadique complet. Un signe évoca-
sont difficiles à mettre en évidence, soient aussi insuffisamment teur, mais souvent méconnu, est la diminution de la libido
diagnostiquées. Inversement, depuis quelques années, la qu’il ne faut pas confondre avec les troubles de l’érection
fréquence de l’« hypogonadisme » chez l’homme âgé est très beaucoup plus rarement en rapport avec une carence en
probablement surestimée. androgènes.

Traité de Médecine Akos 1


3-0711 ¶ Hypogonadisme masculin

■ Hypogonadismes
hypogonadotrophiques
L’hypogonadisme hypogonadotrophique ou déficit gonado-
trope est défini par une sécrétion insuffisante des gonadotro-
phines LH (hormone lutéinisante) et FSH (hormone
folliculostimulante) retentissant sur la fonction gonadique [2]. Le
déficit en gonadotrophines peut être isolé ou s’inscrire dans un
tableau d’insuffisance antéhypophysaire qu’il faut systémati-
quement rechercher. Il peut être congénital ou résulter d’une
pathologie acquise avant ou après l’âge de la puberté. L’origine
du déficit de production des gonadotrophines peut être primi-
tivement hypophysaire ou secondaire à une anomalie de la
sécrétion hypothalamique de gonadotrophin releasing hormone
(GnRH) par lésion organique ou atteinte fonctionnelle. L’ima-
gerie par résonance magnétique (IRM) de la région hypothala-
mohypophysaire est l’examen clé de l’exploration étiologique
des déficits gonadotropes. Elle permet de les rattacher dans de
nombreux cas à des processus tumoraux, infiltratifs ou inflam-
matoires de l’hypothalamohypophyse (Fig. 1). Les principales
causes des déficits gonadotropes sont indiquées dans les
Tableaux 1,2.

Déficit gonadotrope congénital isolé


Il est le plus souvent suspecté devant une absence de déve-
loppement pubertaire après l’âge de 14 ans (Tableau 3, Fig. 2).
Le diagnostic peut être suspecté avant l’âge de la puberté devant
l’existence d’une cryptorchidie uni- ou bilatérale ou d’un
micropénis (Fig. 2) [3]. Lorsque le diagnostic est tardif, une
pilosité pubienne peut apparaître, secondaire à la conversion
tissulaire des androgènes surrénaux en testostérone qui peut
faire croire, à tort à un développement pubertaire. Les déficits
gonadotropes partiels se caractérisent par un certain degré de
virilisation et un volume testiculaire compris entre 6 et
12 ml [4]. La croissance staturale pendant l’enfance est normale
et malgré l’absence de pic de croissance pubertaire il n’y a pas
chez ces adolescents de retard statural. Lorsque le déficit
gonadotrope est découvert à l’âge adulte, un retard de matura-
tion osseuse et une ostéopénie peuvent s’observer [5]. La non-
fermeture des cartilages de conjugaison des os longs explique
l’aspect eunuchoïde et la grande taille souvent observés chez ces
patients après l’âge de 15 ans (Fig. 2).

Diagnostic différentiel entre déficit


gonadotrope congénital et retard
pubertaire simple (ou puberté différée)
Le retard pubertaire simple (RPS) est surtout fréquent chez le
garçon. Il se présente comme un déficit gonadotrope avec
absence de développement testiculaire après l’âge de 14 ans.
Lors du suivi, même en l’absence de tout traitement la puberté Figure 1. Macroadénome hypophysaire à prolactine responsable d’un
apparaît. Le RPS pose un problème diagnostique difficile avec retard pubertaire secondaire à un hypogonadisme hypogonadotrophique
un déficit gonadotrope congénital idiopathique et ceci jusqu’à chez un adolescent de 17 ans.
l’âge de 20 ans. Au-delà le RPS est exceptionnel. Le tableau
clinique est celui d’un retard staturopubertaire sans aucun
élément clinique d’orientation évocateur d’un hypogonadisme individuel. Les chevauchements s’expliquent par la sécrétion
hypogonadotrope congénital (micropénis, cryptorchidie) ou non nulle des gonadotrophines dans les déficits gonadotropes
d’un syndrome de Kallmann (anosmie). Les antécédents fami- congénitaux partiels. D’autre part, l’apparition d’une réponse de
liaux de retard pubertaire sont fréquents mais ne constituent l’axe gonadotrope aux tests de stimulation chez les patients
pas un argument formel. Ces patients consultent plus précoce- ayant une puberté différée est le plus souvent contemporaine de
ment car le retard statural est souvent au premier plan, ce qui
l’augmentation de la taille des testicules.
n’est pas le cas des déficits gonadotropes congénitaux isolés. Au
En pratique, il s’agit donc d’un diagnostic d’élimination en
plan hormonal, le RPS se présente comme le déficit gonado-
trope congénital avec une baisse concomitante de la testosté- l’absence d’éléments cliniques permettant de rattacher le retard
rone et des gonadotrophines. De ce fait, de nombreuses pubertaire à un hypogonadisme hypogonadotrophique congé-
explorations hormonales ont été proposées pour tenter de les nital et en l’absence d’anomalie de la région hypothalamohy-
distinguer, avant l’âge de 18 ans. La plus ancienne est la mesure pophysaire à l’IRM (Fig. 1).
des gonadotrophines dans les urines des 24 heures [6]. Depuis Le traitement de ces sujets par de faibles doses de testostérone
quelques années on fait appel à la stimulation des gonadotro- permet un développement des organes génitaux externes qui
phines par l’administration sous-cutanée des agonistes de la limite le retentissement psychologique de l’impubérisme et
GnRH [7]. Enfin, plus récemment certains travaux évoquent permet la surveillance en consultation. L’augmentation sponta-
l’intérêt du dosage de l’inhibine B ou de l’hormone antimullé- née du volume testiculaire confirme l’absence de pathologie et
rienne. En fait, aucun test n’apporte de certitude à l’échelon le caractère simplement différé de la puberté.

2 Traité de Médecine Akos


Hypogonadisme masculin ¶ 3-0711

Tableau 1. Tableau 3.
Étiologie des hypogonadismes hypogonadotrophiques congénitaux. Manifestations cliniques d’un déficit gonadotrope congénital chez
l’homme.
Isolés Syndrome de Kallmann (avec anosmie) par
mutation de KAL-1 (anosmine) et KAL-2 Testicules < 5 ml
(récepteur du FGF de type 1) ou KAL-3 (ré- Pénis < 5 cm
cepteur de type de la prokinectine) et
Scrotum non pigmenté et lisse
KAL-4 (prokinéticine 2)
Aspect eunuchoïde : distance tête/pubis < pubis/sol
Mutations inactivatrices du récepteur de
la GnRH Pas de retard statural
Mutations avec perte de fonction du récep- Morphotype féminin
teur GPR54 Pilosité axillopubienne absente ou réduite
Mutations de la sous-unité b de LH Absence de golfes frontaux
Mutations de la sous-unité b de FSH Voix infantile
Idiopathiques (gène[s] non encore identi- Masses musculaires réduites
fié[s]) Libido absente
Associés à d’autres endocri- Avec hypoplasie congénitale des surrénales Retard de maturation osseuse
nopathies (révélés (mutations de DAX-1) Ostéoporose
en période néonatale ou Avec obésité morbide par mutations du
pendant l’enfance) gène de la leptine ou de son récepteur
Avec insuffisance antéhypophysaire
(par interruption congénitale de la tige
hypophysaire ou mutation de Prop-1)
Associés à des atteintes Syndrome de Willi-Prader (délétion
neurologiques du chromosome 15 paternel)
Syndrome de Laurence-Moon (gène non
identifié)
Syndrome de Bardet-Bield (7 gènes
différents identifiés)
Syndrome de Gordon Holmes (avec
syndrome cérébelleux, gène non identifié)

Tableau 2.
Étiologie des hypogonadismes hypogonadotrophiques acquis.
Tumeurs de la région hypo- Craniopharyngiome
thalamohypophysaire Adénomes hypophysaires
Dysgerminomes, gliomes
Métastase hypophysaire
Processus infiltratifs hypo- Hémochromatose
thalamohypophysaires Sarcoïdose
Hypophysite ou infundibulite
Histiocytose
Iatrogéniques et trauma- Chirurgie de la région hypothalamohypo-
tiques physaire
Radiothérapie hypophysaire ou encéphali-
que
Traumatisme crânien
Fonctionnelles Hyperprolactinémie
Carence nutritionnelle (anorexie mentale,
maladies chroniques, activité physique
excessive avec malnutrition relative)
hypercortisolisme
Tumeurs testiculaires ou surrénaliennes Figure 2. Patient de 18 ans atteint d’hypogonadisme hypogonadotro-
sécrétant des estrogènes (gynécomastie phique congénital. Noter le micropénis et la cicatrice inguinale d’une
associée) intervention pour cryptorchidie (à droite).
Médicamenteuses (androgènes, anaboli-
sants, œstroprogestatifs, agonistes de
la GnRH, corticoïdes) est responsable d’une fatigue physique et d’une baisse des
performances. La diminution du volume testiculaire qui traduit
l’atteinte de la spermatogenèse ne s’observe que dans les déficits
complets et prolongés. En effet, le volume testiculaire normal
Déficit gonadotrope acquis chez l’adulte qui est compris entre 12 et 30 ml, est occupé pour
96 % par les tubes séminifères et les éléments germinaux. Une
Il est difficile à reconnaître. En effet, les caractères sexuels ne infertilité n’est que rarement la première manifestation de
rétrocèdent le plus souvent que partiellement. La fréquence des l’hypogonadisme. En revanche, la diminution de la libido et
rasages ne diminue que lentement du fait de l’autoentretien. S’il l’indifférence sexuelle beaucoup plus qu’une impuissance
apparaît une dépilation complète, c’est qu’il existe un panhy- érectile, doivent faire évoquer le déficit en testostérone. La
popituitarisme avec absence complète de sécrétion d’androgènes suspicion diagnostique d’hypogonadisme hypogonadotrophique
gonadiques et surrénaux. La diminution des masses musculaires chez l’adulte sans passé pathologique impose la recherche d’un

Traité de Médecine Akos 3


3-0711 ¶ Hypogonadisme masculin

9 P < 0,001
8 400

7 n = 51 P < 0,001

Inhibine B (pg/ml)
P < 0,001
T (ng/ml)

6 300
5 n = 66
4 200
3 n = 44
2 n = 42 100
n = 42
1
0 0
Témoins HHC Témoins HHC HHA
Figure 3. Testostérone (T) plasmatique chez des hommes atteints Figure 5. Inhibine B circulante chez des sujets normaux et des patients
d’hypogonadisme hypogonadotrophique congénital (HHC) comparati- avec hypogonadisme hypogonadotrophique congénital (HHC) ou acquis
vement aux valeurs observées chez des sujets normaux d’âge similaire. après la puberté (HHA).

9.0 n = 42 P < 0,001 immunofluorométriques (IFMA) ou immunoenzymatiques (EIA)


des gonadotrophines sensibles et spécifiques. La sensibilité de
7.5 ces dosages permet de différencier les sujets normaux (ayant des
6.0 taux plasmatiques compris habituellement entre 3 UI/l et 7 UI/l
pour la FSH et entre 3 UI/l et 8 UI/l pour la LH) des sujets ayant
n = 42
UI/l

4.5 des concentrations plasmatiques basses ou indétectables (Fig. 4),


ce qui n’était pas le cas avec les anciens dosages radio-
3.0 immunologiques des gonadotrophines.
1.5 En pratique, cependant, les dosages des gonadotrophines ne
sont jamais interprétables sans un dosage simultané de testo-
0.0 stérone. Certes des gonadotrophines très basses ou indétectables
FSH LH FSH LH ne s’observent qu’en présence d’un déficit gonadotrope com-
Témoins HHC plet. Mais les patients atteints de déficit gonadotrope partiel
Figure 4. Gonadotrophines plasmatiques FSH et LH chez des hommes peuvent avoir des concentrations plasmatiques de gonadotro-
atteints d’hypogonadisme hypogonadotrophique congénital (HHC) com- phines dans la zone normale (Fig. 4).
parativement aux valeurs observées chez des sujets normaux d’âge simi-
laire (témoins). Inhibine B plasmatique
Jusqu’à présent, les dosages d’inhibine n’étaient pas utilisables
dans l’exploration gonadotrope en raison de leur incapacité à
processus tumoral hypothalamohypophysaire et la recherche de
reconnaître les différentes formes d’inhibine circulante. Depuis
stigmates cliniques et biologiques d’hémochromatose
une dizaine d’années, un immunodosage spécifique de l’inhi-
(Tableau 3).
bine B utilisant des anticorps monoclonaux est disponible. Il
permet d’objectiver une baisse de ce peptide témoin de
Exploration hormonale l’atteinte fonctionnelle sertolienne dans les déficits gonadotro-
pes profonds (Fig. 5) [9-11].
Testostérone plasmatique
Le diagnostic d’hypogonadisme hypogonadotrophique repose Test à la GnRH
sur la mise en évidence d’une concentration plasmatique de Il explore la sécrétion hypophysaire des gonadotrophines
testostérone basse (Fig. 3) associée à une non-élévation des après injection intraveineuse de 100 µg de GnRH exogène. Mais
gonadotrophines LH et FSH (Fig. 4). Ce diagnostic est extrême- ce test ne permet pas à lui seul de définir le siège hypothalami-
ment facile en présence d’un déficit gonadotrope complet où la que ou hypophysaire du déficit gonadotrope. Il peut être négatif
testostérone est toujours inférieure à 1 ng/ml. Le diagnostic est dans les atteintes hypothalamiques profondes et positif dans les
plus difficile dans les formes partielles où la testostérone atteintes hypophysaires partielles. Normalement, les concentra-
plasmatique peut atteindre des valeurs à la limite inférieure de tions plasmatiques de LH sont multipliées par 3 à 6 fois, celles
celles observées chez les individus normaux. La difficulté est de FSH par 1,5 à 2, le pic étant obtenu le plus souvent entre
majorée par le caractère pulsatile de la sécrétion de testostérone 30 et 45 minutes après l’injection. Cette stimulation est
chez les sujets normaux qui peuvent parfois présenter des nadirs supraphysiologique puisque les concentrations plasmatiques de
compris entre 3 et 2 ng/ml [8]. C’est dire l’intérêt dans ces GnRH dépassent d’un ordre de grandeur celles observées dans
formes d’effectuer plusieurs prélèvements de testostérone et de le sang portal hypothalamohypophysaire.
confronter les chiffres à la présentation clinique. Les kits Chez les patients atteints d’un déficit gonadotrope d’origine
commerciaux habituellement utilisés pour doser la testostérone hypothalamique, la réponse à cette stimulation est habituelle-
permettent une mesure directe de ce stéroïde dans le plasma ment insuffisante. On peut cependant observer une réponse
sans extraction par des solvants organiques. Les dosages radio- normale ou inversée avec élévation de FSH supérieure à celle de
immunologiques sont fiables mais ils mesurent la testostérone LH. Cette réponse doit cependant tenir compte des valeurs
totale et donc la fraction liée à la protéine porteuse des stéroïdes basales de la testostérone et de l’inhibine B. Dans les déficits
sexuels SHBG. Celle-ci peut être éliminée par le sulfate d’ammo- gonadotropes congénitaux, la réponse au test est très variable et
nium, mais la mesure de la testostérone non liée à la SHBG dépend de la profondeur du déficit souvent reflétée par le degré
(testostérone biodisponible) n’est que rarement indispensable en d’atrophie gonadique. Ainsi, dans les formes complètes avec un
dehors des cas où il existe une baisse apparente de testostérone volume des gonades inférieur à 3 ml la réponse est souvent
par diminution de la SHBG, comme par exemple dans les absente, alors que chez des patients ayant un déficit partiel
hypothyroïdies, les obésités et les hyperinsulinismes. (eunuques fertiles) la réponse peut être positive, voire exagérée
pour la LH [4, 12, 13]. En cas de réponse négative, seule une
Gonadotrophines plasmatiques administration pulsatile de GnRH pendant une période supé-
Le diagnostic de déficit gonadotrope est maintenant facile rieure à 10 jours permet de reconnaître le niveau hypothalami-
grâce à l’utilisation des dosages immunoradiométriques (IRMA), que de l’atteinte.

4 Traité de Médecine Akos


Hypogonadisme masculin ¶ 3-0711

En résumé, le test à la GnRH sert plus à évaluer la profondeur 300


d’un déficit gonadotrope qu’à faire le diagnostic positif de 275
celui-ci. 250 n = 335
225
Exploration globale des fonctions hypophysaires 200
Même si un déficit gonadotrope paraît isolé, l’évaluation 175

UI/l
hormonale de l’ensemble des fonctions antéhypophysaires et de 150
la posthypophyse est obligatoire pour ne pas méconnaître un 125
panhypopituitarisme et une hyperprolactinémie. 100
Limite sup nle
75

■ Hypogonadismes
50
25

hypergonadotrophiques 0
FSH LH

et insuffisances testiculaires Figure 7. Gonadotrophines circulantes chez des patients âgés de 18-
19 ans atteints d’un syndrome de Klinefelter (communication personnelle
primitives de B. Bauduceau, Hôpital [HIA] Bégin).
Les atteintes testiculaires primitives touchent le plus souvent
la fonction exocrine (spermatogenèse) avec une préservation au
10.0
moins partielle de la sécrétion leydigienne de testostérone. En n = 335
réaction à cette défaillance testiculaire se produit une augmen-
tation des gonadotrophines.
7.5

Testostérone ng/ml
Présentation clinique
Les insuffisances testiculaires primitives sont moins souvent nle
responsables d’un impubérisme (Fig. 6) que les déficits gonado- 5.0
tropes. Lorsqu’un hypogonadisme est présent il est le plus
souvent partiel. De ce fait, les insuffisances testiculaires primi-
tives étaient fréquemment diagnostiquées devant la découverte
2.5
de petites gonades lors d’un examen systématique du testicule
au cours du service militaire. Actuellement, elles sont découver-
tes parfois à l’adolescence devant un retard pubertaire mais
surtout plus tardivement à l’occasion d’une consultation pour 0.0
gynécomastie ou infertilité. Figure 8. Testostérone circulante chez des patients âgés de 18-19 ans
atteints d’un syndrome de Klinefelter (communication personnelle de B.
Exploration hormonale Bauduceau, Hôpital [HIA] Bégin).
Au plan hormonal, la FSH plasmatique est pratiquement
toujours augmentée (Fig. 7). L’inhibine B est souvent basse, 1 ng/ml). L’élévation de la LH très fréquente, est proportion-
voire indétectable, en rapport avec l’atteinte sertolienne. nelle à la sévérité de l’atteinte leydigienne mais reste toujours
La concentration de testostérone plasmatique est souvent inférieure à celle de la FSH (Fig. 7). Parfois seul le test à la GnRH
normale (Fig. 8) mais peut être modérément abaissée (entre 2 et permet de l’extérioriser.
3 ng/ml) (Fig. 8). Chez les rares patients présentant des signes
d’hypoandrisme des chiffres plus bas peuvent être observés (< à Diagnostic différentiel
Chez l’adulte, un diagnostic différentiel difficile de l’insuffi-
sance testiculaire primitive est le macroadénome gonadotrope
sécrétant de la FSH dimérique. Dans les deux cas, le tableau
peut associer des signes d’hypoandrisme, une diminution du
volume testiculaire avec une FSH plasmatique augmentée.
Parfois l’attention est attirée par l’existence d’un syndrome
chiasmatique ou caverneux qui oriente vers une atteinte
hypophysaire. Une baisse concomitante de la LH et de T plas-
matiques, associée à une augmentation de la FSH doit faire
évoquer le diagnostic. Au moindre doute, le diagnostic est
confirmé par la réalisation d’une IRM hypophysaire.

Étiologies
Elles sont détaillées dans le Tableau 4. Nous ne développons
que les plus fréquentes.

Anomalies chromosomiques, génétiques


et congénitales
Syndrome de Klinefelter
Il domine par sa fréquence puisqu’il atteint près de 1/600 des
nouveau-nés masculins [14].
Il résulte d’une anomalie des chromosomes sexuels avec, le
plus souvent (près de 90 % des cas), une formule XXY (Fig. 9).
Cliniquement, il se traduit le plus souvent par une atrophie
gonadique majeure avec un volume inférieur à 6 ml qui
contraste avec une virilisation correcte. Les signes d’hypoan-
Figure 6. Patient présentant un syndrome de Klinefelter. drisme sont inconstants. Rarement il s’agit d’un impubérisme,

Traité de Médecine Akos 5


3-0711 ¶ Hypogonadisme masculin

Tableau 4.
Étiologies des insuffisances testiculaires primitives.
Chromosomiques Syndrome de Klinefelter (caryo-
type 47, XXY dans plus de 90%
des cas) +++
Anomalies des gonosomes plus
rares (XYY, XXYY, etc.)
Hommes XX (avec translocation
d’une portion du chromosome Y
contenant la séquence de détermi-
nation testiculaire SRY)
Anomalies des autosomes
(délétions, translocations)
Génétiques Maladie de Steinert (dystrophie
myotonique) : autosomique domi-
nante avec cataracte, calvitie, fai-
blesse musculaire, hypogonadisme
Syndrome de Noonan (Turner
mâle) : autosomique récessif avec
cou palmé, ptosis, hypogonadisme,
sténose de l’artère pulmonaire,
petite taille
Mutations de la protéine StAR
17a-hydroxylase et ou C17-20 lyase
3b hydroxystéroïde déshydrogé-
nase Figure 9. Formule chromosomique d’un sujet atteint de Klinefelter. Ce
caryotype montre la présence de deux chromosomes X (cercle).
17b-hydroxystéroïde-
déshydrogénase
Mutations des récepteurs de LH D’autres anomalies sont parfois associées, comme une intolé-
et de FSH rance au glucose, des bronchopneumopathies chroniques, une
Anorchidie pathologie auto-immune. La possibilité d’un cancer du sein,
Cryptorchidie bilatérale
conséquence de la gynécomastie, justifie une surveillance
clinique et mammographique régulière.
Toxiques et traumatiques Chimiothérapie anticancéreuse
Le diagnostic peut être fait par un frottis buccal, mettant en
(chez l’enfant ou l’adulte)
évidence un corpuscule de Barr.
Radiations ionisantes Actuellement on peut, dans certains centres, faire appel à une
Alcoolisme chronique +++ analyse moléculaire par Southern Blot du chromosome X. Le
Insecticides, dibromochloro- résultat de cet examen est plus rapide que celui du caryotype
propane classique (Fig. 9) qui reste néanmoins l’examen de référence.
Torsion ou traumatisme testiculaire
bilatéral Anorchidie
Castration chirurgicale bilatérale L’étiologie de l’anorchidie est évidente quand il s’agit d’une
Orchites Ourlienne castration bilatérale ou lorsqu’il existe la notion de traumatisme
Autres : gonococcie, sarcoïdose,
vasculaire spontané ou chirurgical dans la première enfance
polyendocrinopathies auto- (orchidopexie, cure de hernie inguinale bilatérale). Dans les
immunes autres cas, on invoque une torsion testiculaire bilatérale sans
que cela puisse être toujours prouvé.
Insuffisance testiculaire liée à
la sénescence (avec déficit de l’axe
L’anorchidie congénitale (vanishing testis) reste de mécanisme
hypothalamohypophysaire, appelé mystérieux. Il n’est pas douteux qu’un testicule fonctionnel ait
aussi déficit androgénique partiel existé jusqu’à la 14e semaine de la vie in utero. La régression
des hommes âgés). des canaux de Müller, le développement des dérivés wolffiens
ainsi que la masculinisation parfaite des organes génitaux
externes en témoignent. Le tableau clinique ne comporte donc
et parfois d’un développement plus ou moins complet des aucune ambiguïté sexuelle mais simplement un scrotum vide.
caractères sexuels secondaires (Fig. 6) [14]. Après la puberté s’associe un impubérisme avec une testosté-
Une gynécomastie bilatérale (Fig. 6) est fréquente en raison rone effondrée et des concentrations plasmatiques de FSH et de
du taux relativement bas de testostérone, associée parfois à une LH élevées.
sécrétion testiculaire excessive d’estradiol, conséquence de
l’élévation de la LH. Déficits enzymatiques de la stéroïdogenèse surrénalienne
La grande taille, lorsqu’elle existe s’accompagne de et testiculaire
macroskélie. Ils sont très rares et dans la majorité des cas diagnostiqués à
L’existence d’un déficit intellectuel est discutée. Souvent la période néonatale ou pendant l’enfance. Ils entraînent un
absent, parfois mineur et plus rarement profond avec troubles déficit de la biosynthèse de la testostérone et donc une absence
du comportement. Dans ce dernier cas le nombre de chromo- de masculinisation du sinus urogénital qui aboutit à un pseu-
somes surnuméraires est souvent supérieur à 1 (formules dohermaphrodisme masculin avec phénotype féminin ou
chromosomiques XXXY ou XXXXY). Pour certains, il s’agirait ambiguïté sexuelle. Lorsque la stéroïdogenèse surrénalienne est
plus de troubles des acquisitions que d’un vrai déficit affectée s’associe un tableau d’insuffisance surrénale primitive.
intellectuel [14].
L’atteinte exocrine avec azoospermie est quasi constante dans Mutations inactivatrices des récepteurs des gonadotrophines
les formes non mosaïques. Depuis la fin du service militaire, Elles sont exceptionnelles et ne seront pas détaillées ici. Les
l’infertilité est souvent un motif de consultation. La destruction mutations du récepteur de la LH donnent un phénotype
progressive de la lignée germinale est liée à la présence d’un X féminin dans les formes sévères, une ambiguïté sexuelle à la
surnuméraire. naissance ou un micropénis et un hypogonadisme à l’âge adulte

6 Traité de Médecine Akos


Hypogonadisme masculin ¶ 3-0711

dans les formes partielles. Les mutations inactivatrices du 50


récepteur de FSH ont comme conséquence une atteinte prédo- r2 = 0.11

Testostérone (nMol/l)
minante du testicule exocrine avec une diminution variable du 40 p < 0.001
volume testiculaire, une oligospermie parfois très sévère respon-
sable d’une infertilité. Le développement pubertaire et la 30
virilisation de ces patients sont normaux. L’exploration hormo-
nale met en évidence une augmentation constante de la FSH et 20
une baisse de l’inhibine B plasmatiques. La testostérone est
normale et la LH normale ou augmentée. 10
Syndrome de résistance aux androgènes
0
Il est secondaire à des anomalies génétiques du récepteur des 20 40 60 80 100
androgènes. Celles-ci sont responsables d’une perte plus ou
Âge (années)
moins complète de la fonction de transduction de ce récepteur
au niveau des organes cibles des androgènes. Il ne s’agit donc Figure 10. Testostérone (en nmol/l) circulante en fonction de l’âge
pas à proprement parler d’une pathologie testiculaire. Cepen- chez des hommes d’après une étude transversale réalisée aux États-Unis.
dant, l’existence chez certains de ces patients avec des atteintes
très partielles du récepteur, d’un tableau d’hypogonadisme
associé à une gynécomastie contrastant avec une testostérone rapport avec un dysfonctionnement du couple hypothalamohy-
élevée associée à des gonadotrophines élevées explique que cette pophyse. Dans ce dernier cas, il faut écarter une lésion de cette
affection soit incluse dans ce chapitre. région par la réalisation d’une IRM et pratiquer une mesure de
la prolactinémie compte tenu de la fréquence des adénomes
Insuffisances testiculaires acquises
hypophysaires à prolactine.
À côté du syndrome de Klinefelter elles sont à l’origine de la La situation est moins commode lorsque la TT est comprise
majorité des insuffisances testiculaires. entre 2 et 3 ng/ml. Ici quatre éventualités sont à envisager.
Atteintes toxiques Tout d’abord il peut s’agir d’une baisse partielle liée à l’âge
qui serait relativisée par l’existence de normes de testostérone
Les agents alkylants ainsi que l’irradiation testiculaire lèsent adaptées à l’âge du sujet. En deuxième lieu il est souhaitable
l’épithélium germinal. Cette atteinte peut être transitoire. Elle de vérifier s’il existe une maladie chronique ou des prises
semble irréversible au-delà de 600 rads, avec à la biopsie médicamenteuses pouvant retentir sur le fonctionnement
testiculaire disparition des spermatogonies de type A. Ceci
gonadique. La troisième possibilité est celle d’un chiffre bas
justifie la cryoconservation du sperme avant tout traitement
par le simple fait que le prélèvement a été effectué au
agressif d’un cancer. Mais la qualité du sperme n’est pas parfaite
moment d’un nadir de la sécrétion de testostérone qui est,
chez les patients présentant un testicule tumoral. Au-delà de
rappelons-le, pulsatile. Dans ce cas un deuxième prélèvement,
800 rads, une atteinte leydigienne avec baisse de la testostérone
à réaliser dans tous les cas, montrant un chiffre normal
est possible. Devant les progrès réalisés dans le traitement des
hémopathies malignes de l’enfant, le nombre de survivants permet d’écarter un hypogonadisme. Finalement, un chiffre
consultant à l’âge adulte pour insuffisance testiculaire augmente de TT compris dans cet intervalle peut témoigner d’un
de jour en jour [15]. hypogonadisme débutant ce qui nous ramène à la situation
précédente.
Orchites Trancher entre ces quatre possibilités est un véritable défi
En période prépubertaire, l’infection par le virus des oreillons quotidien pour l’endocrinologue. C’est dans ce cas que le
s’accompagne rarement d’orchite. En revanche, 25 % des dosage de la TB et celui de la SHBG peuvent être utiles mon-
hommes infectés en période pubertaire ou à l’âge adulte, trant par exemple une baisse de cette protéine porteuse,
développent une orchite le plus souvent cliniquement évidente responsable d’une baisse artefactuelle de la TT avec une TB
et unilatérale. Cependant, une biopsie testiculaire réalisée au normale ce qui est fréquent chez les malades obèses ou ayant
moment de l’atteinte gonadique met en évidence des lésions une hypothyroïdie.
bilatérales, expliquant la grande fréquence de l’infertilité chez À ce stade, nous devons répéter que compte tenu de la sous-
ces patients (plus de 60 %). L’atteinte isolée des tubules estimation très fréquente de la TL circulante par les kits
séminifères explique l’atrophie testiculaire. Un certain degré du commerce ce type de dosage qui risque de déclen-
d’insuffisance leydigienne est parfois observé. Depuis la pratique cher une épidémie d’« hypogonadismes » ne peut être
généralisée de la vaccination dans l’enfance, l’incidence de recommandé [16].
l’orchite ourlienne a heureusement diminué.
Insuffisance testiculaire liée à la sénescence
Un certain nombre d’études cliniques et hormonales
indiquent un déclin modéré des fonctions gonadiques avec .

l’âge [16] (Fig. 10). La testostérone totale (TT), biodisponible (TB)


et libre diminue très progressivement avec l’âge. Le diagnostic ■ Références
de déficit androgénique partiel lié à l’âge (PADAM) ne doit être [1] Bogensen A, Juul S, Hojbjerg Gravholt C. Prenatal and post natal
envisagé chez un sujet âgé (en pratique après 60 ans) que si la prevalence of Klinefelter syndrome: a national registry study. J Clin
testostérone totale est inférieure à 3 ng/ml. C’est dans cette Endocrinol Metab 2003;88:622-6.
catégorie de sujets qu’il faut particulièrement déconseiller les [2] Young J. Hypogonadismes hypogonadotrophiques chez l’homme.
dosages de « testostérone libre » compte tenu de la sous- Encycl Méd Chir (Elsevier, SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition,
estimation constante de la testostérone circulante par cette 10-027-D-10, 2000.
technique [16]. [3] Schaison G, Young J, Pholséna M, Brailly S, Nahoul K, Couzinet B.
En pratique, lorsque la TT chez un homme âgé, a priori en Failure of combined follicle-stimulating hormone-testosterone admi-
bonne santé est inférieure à 2 ng/ml le diagnostic d’hypogona- nistration to initiate and/or maintain spermatogenesis in men with
disme est probable. La démarche diagnostique est la même que hypogonadotropic hypogonadism. J Clin Endocrinol Metab 1993;77:
chez un sujet jeune. Il faut donc localiser le niveau, hypothala- 1545-9.
mohypophysaire ou testiculaire en dosant les gonadotrophines [4] De Roux N, Young J, Misrahi M, Genet R, Chanson P, Schaison G, et al.
plasmatiques FSH et LH. Une élévation, en particulier de FSH, Mutations in the GnRH receptor: a family with hypogonadotropic
témoigne d’une atteinte testiculaire primitive alors qu’une hypogonadism and mutations in the gonadotropin-releasing hormone
baisse ou des taux « normaux » des gonadotrophines est en receptor. N Engl J Med 1997;337:1597-602.

Traité de Médecine Akos 7


3-0711 ¶ Hypogonadisme masculin

[5] Finkelstein JS, Neer RM, Biller BM, Crawford JD, Klibanski A. [11] Young J, Chanson P, Salenave S, Noel M, Brailly S, O’Flaherty M, et al.
Osteopenia in men with a history of delayed puberty. N Engl J Med Testicular anti-Müllerian hormone (AMH) secretion is stimulated by
1992;326:600-4. recombinant human FSH in patients with congenital hypogonadotropic
[6] Kulin H, Demers V, Chinchilli V, Martel J, Stevens L. Usefulness of hypogonadism. J Clin Endocrinol Metab 2005;90:724-8.
sequential urinary follicle-stimulating hormone measurements in the [12] Barkan AL, Reame NE, Kelch RP, Marshall JC. Idiopathic
diagnosis of adolescent hypogonadotropinism in males. J Clin hypogonadotropic hypogonadism in men: dependence of the hormone
Endocrinol Metab 1994;78:1208-11. responses to gonadotropin-releasing hormone (GnRH) on the
[7] Ghai K, Cara JF, Rosenfield RL. Gonadotropin releasing hormone magnitude of the endogenous GnRH secretory defect. J Clin
agonist (Nafarelin) test to differentiate gonadotropin deficiency from Endocrinol Metab 1985;61:1118-25.
constitutionally delayed puberty in teen-age boys. A clinical research
[13] De Roux N, Young J, Brailly-Tabard S, Misrahi M, Milgrom E,
center study. J Clin Endocrinol Metab 1995;80:2980-6.
Schaison G. The same molecular defects of the GnRH receptor
[8] Winters SJ. Endocrine evaluation of testicular function. Endocrinol
Metab Clin North Am 1994;23:709-23. determine a variable degree of hypogonadism in affected kindred.
[9] Anawalt BD, Bebb RA, Matsumoto AM, Groome NP, Illingworth PJ, J Clin Endocrinol Metab 1999;84:567-72.
McNeilly AS, et al. Serum inhibin B levels reflect sertoli function in [14] Lanfranco F, Kamischke A, Zitzmann M, Nieschlag E. Klinefelter syn-
normal men and men with testicular dysfunction. J Clin Endocrinol drome. Lancet 2004;364:273-83.
Metab 1996;81:3341-5. [15] Cicognani A, Pasini A, Pession A, Pirazzoli P, Burnelli R, Barbieri E,
[10] Young J, Couzinet B, Brailly-Tabard S, Chanson P, Loumaye E, et al. Gonadal function and pubertal development after treatment of a
Schaison G. Effects of human recombinant luteinizing hormone and childhood malignancy. J Pediatr Endocrinol Metab 2003;16(suppl2):
follicle-stimulating hormone in patients with acquired 321-6.
hypogonadotropic hypogonadism: study of Sertoli and Leydig cell [16] Young J. Déficit androgénique partiel de l’homme âgé. Méd Clin
secretions and interactions. J Clin Endocrinol Metab 2000;85:3239-44. Endocrinol Diabète 2004 (n° hors série).

J. Young (jacques.young@bct.ap-hop-paris.fr).
Service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Hôpital de Bicêtre, 94275 Le Kremlin Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Young J. Hypogonadisme masculin. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 3-0711,
2007.

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8 Traité de Médecine Akos


3-0710
3-0710

Ménopause : qui traiter, quels


Encyclopédie Pratique de Médecine

traitements, quelle surveillance ?


P Lecomte

L a ménopause n’est pas un phénomène récent mais reste un fait social encore méconnu. L’accroissement de la
longévité dans les pays développés a amené à s’interroger sur le « vivre plus longtemps » mais aussi « vivre
mieux ». Les femmes symptomatiques vont donc demander au médecin généraliste ce qu’il faut penser du traitement
hormonal substitutif (THS) de la ménopause. Celui-ci doit pouvoir expliquer, à partir des données scientifiques les
plus récentes, ses avantages sur la prévention des risques cardiovasculaire et osseux, parfaitement démontrés, et
rassurer vis-à-vis du risque de cancer, en particulier mammaire, en sachant rester vigilant. La majorité des femmes
étant asymptomatique, elles devront bénéficier des mêmes informations. Le principal obstacle au THS reste la reprise
de saignements périodiques, et il faut reconnaître qu’il n’y a pas de solution universelle à ce problème. L’avis de la
patiente correctement informée doit être respecté, et il ne sert à rien d’imposer le THS. Il faut insister sur la qualité de
vie qu’il apporte (au niveau de la sexualité, du sommeil, de l’équilibre) en étant objectif. Il ne s’agit pas d’un
traitement antidépresseur ou d’un somnifère. Une meilleure surveillance des femmes traitées est un point sans doute
important. Enfin, le THS, qui ne dispense pas d’une hygiène de vie avec persistance d’une activité physique régulière,
diététique appropriée et traitement de l’ensemble des facteurs de risque, doit être adapté à chaque cas.
© Elsevier, Paris.

■ ■
semblent les motifs principaux de ces arrêts de
Introduction traitement. La prescription d’un THS devra donc être Manifestations cliniques
adaptée au profil de santé de la femme et précédée
d’une information claire et précise de ses avantages
L’âge de la ménopause en France est de 51 ans et et inconvénients [5]. Les symptômes ressentis par la femme ne
l’espérance de vie de la femme de 81 ans. La résument pas les problèmes posés par la carence
population française féminine de plus de 50 ans est œstrogénique. Les deux points qui méritent d’être


évaluée à 9 millions, et le vieillissement de la détaillés et expliqués aux femmes sont par ordre
population augmentera encore ce chiffre dans Rappel physiologique chronologique : le risque d’ostéoporose et le risque
l’avenir. La femme va donc vivre au moins 30 ans cardiovasculaire (cf paragraphe « Complications »).
après l’arrêt de la fonction ovarienne, exposée aux Les symptômes qui amènent à consulter figurent
risques induits par la carence en œstrogènes. Cette La ménopause, éthymologiquement « arrêt des sur le tableau I. Les bouffées de chaleur et les
carence est source de désagréments et de cycles menstruels », fait habituellement suite à une sudations entraînant troubles du sommeil et malaise
symptômes inconstants qui amèneront un faible période d’irrégularités des cycles avec alternance de général sont les plus fréquents. Quarante pour cent
pourcentage à consulter. Mais la baisse prolongée périodes où l’ovaire est réfractaire aux sollicitations des femmes s’en plaignent, mais 60 à 70 % en
des œstrogènes est source d’autres manifestations hypophysaires par les gonadotrophines et d’autres présentent. Nervosité, irritabilté, tendance
plus sournoises qui méritent l’attention du médecin : où il reste sensible (période périménopausique de 40 dépressive, difficultés de concentration, instabilité
risque cardiovasculaire accru et ostéoporose à 51 ans). La carence œstrogénique est secondaire à sont également perçues et altèrent la qualité de vie.
postménopausique. Ces deux risques, à l’origine la disparition des follicules, et c’est essentiellement Soixante pour cent de ces femmes se plaignent
d’une importante morbidité et mortalité, l’œstrone, œstrogène aromatisé en particulier au d’une prise de poids. Les troubles psychologiques
représentent un problème de santé publique niveau du tissu adipeux à partir de la delta sont inconstants (30 à 40 % des femmes) et il est
important ; ils peuvent être atténués par le THS. 4-androstènedione, androgène sécrété par l’ovaire difficile de faire la part de l’impact de la carence
Dans la population française, 12 % seulement des et la surrénale, qui est retrouvé dans le sang, hormonale (il existe des récepteurs de E2 sur de
patientes en âge d’être traitées le sont, contre 18 % l’estradiol [2] étant inférieur à 40 ng/L. Du fait de la nombreuses structures cérébrales) et le rôle du
en Allemagne et 26 % aux États-Unis. Il faut donc carence en inhibine B, facteur rétrocontrôlant contexte socio-culturel (syndrome du « nid vide »). La
informer la population, convaincre le généraliste du négativement la FSH et sécrété par les follicules, les dépression vraie n’est pas améliorée par le THS, mais
bien-fondé et de l’innocuité de la thérapeutique, et valeurs circulantes des gonadotrophines FSH et LH de nombreuses femmes expriment un mieux-être
estimer dans des études longitudinales de suivi de s’élèvent respectivement au-dessus de 50 et 30 UI/L. global sous traitement. L’impact des estrogènes sur
cohorte les bénéfices réels par rapport aux coûts du Ces dosages sont inutiles pour le diagnostic, sauf l’évolution de la maladie d’Alzheimer mérite des
travaux plus approfondis [15].
© Elsevier, Paris

THS. Le principal écueil est celui du suivi du lorsque la cible hormonale, l’utérus, fait défaut.
traitement au long cours par ces femmes, puisqu’on L’élévation de FSH et l’abaisssement de E2 sont alors Les troubles génito-urinaires sont liés à la carence
estime que 40 % seulement des femmes chez qui ce évocateurs, avec une marge d’erreur liée à en E2 avec atrophie du trigone vésical, entraînant
traitement est prescrit le poursuivent au-delà de 1 an. l’alternance des périodes réfractaires et sensibles cystites répétées ou cystalgies à urines claires,
La reprise des cycles et la crainte du cancer du sein déjà évoquées. atrophie vulvovaginale avec dyspareunie, atrophie

1
3-0710 - Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ?

noréthistérone acétate, promégestone) mais


Tableau I. – Principaux symptômes de la ménopause. n’annulent en aucun cas l’effet bénéfique des
Symptôme Symptôme exprimé Symptôme retrouvé œstrogènes sur l’os [16].

Bouffées de chaleur 50-60 % 70-75 % ‚ Aspects cardiovasculaires


Troubles psychiques 20-25 % 40-50 % Ils sont essentiels dans la discussion de l’intérêt du
THS. Les lésions coronariennes représentent, de
Céphalées 25 % 45 %
très loin, la première cause de mortalité (20 000
Troubles génito-urinaires 10 % 20 % accidents coronariens en France chaque année) et
Atrophie cutanée 10 % 15 % de morbidité chez la femme ménopausée, avant le
cancer du sein ou l’ostéoporose.
Diminution de libido 20 % 50 %
La carence œstrogénique joue un rôle,
indépendamment de l’âge, puisque la disparition de
endométriale, source de métrorragies, atrophie des la protection par l’œstradiol se manifeste également
Tableau II. – Facteurs de risque d’ostéoporose
ligaments de suspension de l’utérus avec prolapsus chez des femmes plus jeunes après une ménopause
postménopausique.
vésical ou utérin et incontinence urinaire d’effort. prématurée. Il est probablement utile de rappeler
La peau subit des variations avec, essentiel- Âge que :
lement, amincissement du derme, diminution de la – le cholestérol total s’élève avec l’âge et tout
Race
vascularisation et sécheresse, disparition des fibres particulièrement le LDL, cholestérol dangereux pour
élastiques [ 3 ] . À partir de notre expérience Ménopause précoce (avant 40 ans) les vaisseaux, alors que le HDL2 cholestérol
personnelle, nous voudrions rappeler que l’épaisseur Antécédents de traitements prolongés/répétés par diminue ;
du derme est accrue par le THS, permettant une corticoïdes – la résistance à l’insuline et son corollaire,
meilleure résistance de la peau aux agressions. l’hyperinsulinisme, est plus marquée chez le sujet
Dysthyroïdies (hyperthyroïdies)
Le THS permet de supprimer les phénomènes âgé. Elle est source d’une augmentation des facteurs
vasomoteurs et d’améliorer le sommeil, de lutter Antécédents familiaux d’ostéoporose de la coagulation (I, VII) et surtout d’une diminution
contre l’instabilité émotionnelle, d’améliorer la Immobilisation prolongée physiologique de la fibrinolyse (augmentation du
résistance et de diminuer la tendance dépressive, de PAI1, baisse de l’antithrombine III), facteurs de
Aménorrhée prolongée
faire disparaître les symptômes vésicaux et vaginaux thrombose ;
et d’aider à une rééducation périnéale, de redonner Tabagisme, alcool, café – ces éléments du syndrome X sont proba-
une meilleure libido et une vie sexuelle plus blement liés à l’hypertension artérielle qui en fait
Maigreur
harmonieuse [12]. partie et dont la prévalence augmente également
Apports calciques faibles (< 1 g/j) avec l’âge.
On a beaucoup insisté, ces dernières années, sur


Complications

‚ Ostéoporose postménopausique
radiographies standard sont peu fiables pour établir
le diagnostic d’ostéoporose, sauf en cas de fracture
bien sûr. Il nous semble donc utile de voir au moins
l’impact de l’E2 sur la paroi vasculaire artérielle. Il
existe des récepteurs d’E 2 dans les cellules
musculaires lisses des vaisseaux humains. La
réactivité à des substances vasoconstrictrices
les sujets à risque bénéficier de cette détermination (angiotensine II par exemple) est diminuée in vivo en
Physiologiquement, le remodelage osseux est de densité osseuse réalisée dans des centres bien présence d’E2, et la production de substances
constant : destruction osseuse par les ostéoclastes et équipés et compétents (la reproductibilité de la vasodilatatrices (prostacycline, NO) par l’endothélium
reconstruction osseuse par les ostéoblastes. Après la méthode doit être bonne, avec une variabilité de est augmentée en présence d’E2. L’E2 aurait des
survenue d’un pic de masse osseuse vers 18-25 ans, l’ordre de 1 % ; rappelons que la perte de densité effets antioxydants sur l’endothélium in vitro [1]. Lors
la perte osseuse (3 % tous les 10 ans) est progressive osseuse est de 1 à 3 % par an chez la femme d’un régime athérogène chez l’animal, l’épaisseur de
dans les deux sexes. Lorsque la carence ménopausée). Malheureusement, cet examen n’est la plaque d’athérome est diminuée par E2, avec ou
œstrogénique est manifeste, la perte de substance pas codifié dans les actes de la Sécurité sociale et sans progestatif associé. En clinique, il est patent à
osseuse s’accélère, et apparaît progressivement n’est donc pas remboursé (coût : 400 à 500 F). Cette l’examen doppler des vaisseaux que l’index de
l’ostéoporose postménopausique, atteignant mesure s’effectue sur les vertèbres lombaires et/ou le pulsatilité, qui s’élève avec la carence œstrogénique,
principalement l’os trabéculaire (vertèbres). col fémoral, en utilisant un programme informatique va rediminuer avec le THS, témoignant ainsi d’une
On admet que 30 % environ des femmes pour comparer les résultats à des sujets indemnes souplesse plus grande des artères (utérine, cérébrale,
ménopausées seront atteintes par l’ostéoporose, appariés par âge. mammaire, etc). Les progestatifs et la progestérone
avec son cortège clinique de douleurs osseuses en Le THS, quelles que soient la voie d’administration entraînent une lourdeur des jambes, et les femmes
cas de complications : fractures-tassements et la nature des œstrogènes administrés, est capable s’en plaignent en période estivale. Ce n’est que
vertébraux, fractures du poignet ou du col fémoral. de prévenir la survenue de l’ostéoporose récemment que ce phénomène a été compris avec
Les œstrogènes protègent l’os par le biais de postménopausique en ralentissant la perte osseuse, la découverte de récepteurs de la progestérone en
récepteurs retrouvés sur les ostéoblastes, et, sur ces principalement sur l’os trabéculaire, plus faible concentration dans la paroi veineuse, au
mêmes cellules, existent des récepteurs pour la accessoirement sur l’os cortical. Les doses efficaces niveau des cellules musculaires lisses [13].
parathormone dont les taux circulants s’élèvent en sont encore discutées, mais on admet que 0,625 mg


postménopause. d’œstrogènes conjugués ou 2 mg d’un sel
Une femme ménopausée sur trois ou quatre étant d’œstradiol per os ou 1,5 mg d’estradiol par voie Traitements : indications,
atteinte par l’ostéoporose, il semble donc nécessaire cutanée sont également bénéfiques. Aucune
contre-indications
de préciser les sujets à risque. Certains antécédents thérapeutique n’a fait la preuve d’une efficacité
sont essentiels à considérer (tableau II). Mais ces comparable. Il reste efficace même s’il est commencé ‚ Quels traitements ?
données statistiques ne s’appliquent pas toujours plusieurs années après la survenue de la Le THS associe classiquement un œstrogène et un
aux cas individuels. L’élément diagnostic le plus ménopause [14]. Les progestatifs isolés (en cas de dérivé de la progestérone de façon séquentielle : 20
fiable actuellement semble être l’absorptiométrie contre-indications aux œstrogènes) sont efficaces à ou 30 jours d’œstrogène, 10 à 15 jours de
biphotonique alors que, faut-il le rappeler, les un moindre degré (médroxyprogestérone acétate, progestérone (fig 1).

2
Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ? - 3-0710

américaines avec un suivi de plus de 10 ans,


Œstrogènes en continu réalisées en utilisant un œstrogène per os (en Nous pouvons affirmer que la
général le Prémarint, ou sulfate d’œstrone, principal progestérone micronisée
Progestérone 15 j/mois œstrogène « naturel » de la jument gravide), il nous (Utrogestant), ses dérivés proches
semble prudent de recommander l’emploi de (Duphastont, Colpronet), les dérivés
Œstrogènes 1er au 25e jour
l’estradiol par voie cutanée chaque fois qu’il existe de la 17-hydroxyprogestérone
des facteurs de risque cardiovasculaire (Lutérant) ou les dérivés
Progestérone 12e au 25e jour (hypertension, tabagisme, dyslipidémie, obésité, 19-norprogestérone (Luténylt,
diabète). Dans tous les autres cas, il est possible de Surgestonet) sont d’une totale
Œstrogènes en continu prescrire un œstrogène par voie orale, ce qui semble innocuité métabolique.
Schéma dit « sans règles » mieux accepté par certaines femmes, à condition
d’en surveiller les effets secondaires, ce qui alourdit
Progestérone en continu tous les jours Bien plus, certains d’entre eux n’ont aucun effet
ou 1 jour sur 2
le coût du traitement, et en respectant les
contre-indications (celles de la pilule œstro- délétère sur la coagulation de témoins normaux. Il
1 Différentes prescriptions des œstrogènes et des progestative). n’est pas prouvé qu’il en soit de même en cas
progestatifs en postménopause. d’antécédents de phlébites ou d’accidents
Les progestatifs utilisables sont résumés sur le
thromboemboliques, et la prudence veut que l’on
tableau V). Une controverse assez artificielle existe à
Les œstrogènes utilisés sont soit des œstrogènes respecte encore actuellement les contre-indications
ce sujet entre Anglo-Saxons et Latins. L’emploi, aux
donnés per os, soit des œstrogènes administrés par du Vidal concernant les antécédents
États-Unis, de progestatifs dérivés norestranes,
voie cutanée (tableau III). Les effets secondaires des thromboemboliques.
(dérivés d’une structure de base testostérone), a
mêmes œstrogènes (estradiol, œstrogène naturel de conduit à s’interroger sur l’innocuité de ces produits Il existe des préparations associant des
la femme en activité génitale par exemple) ne sont au plan métabolique. Abaissement du HDL œstrogènes et des progestatifs, récemment apparus
pas identiques selon la voie d’administration cholestérol, résistance à l’insuline, prise de poids et sur le marché, qui associent un œstrogène ancien, le
(tableau IV). hypercoagulabilité ont entraîné une certaine valérate d’œstradiol (Progynovat ou Provamest) et
Pour toutes ces raisons, et sans méconnaître les réticence dans la prescription conjointe du un progestatif qui est soit le médroxyprogestérone
résultats publiés de grandes études de cohorte progestatif. acétate (Divinat), soit le cyprotérone acétate
(Climènet), deux molécules connues de longue date
(tableau VI). Si ces traitements permettent de traiter
Tableau III. – Principaux œstrogènes prescrits par voie générale à la ménopause. un nombre de femmes accru, on peut les prescrire
en respectant les contre-indications. Il ne semble pas
Type/dose et voie d’administration Nom commercial Remboursement (65 %)
qu’il s’agisse d’une avancée thérapeutique majeure.
Œstrogènes administrés per os
‚ Qui traiter ?
Valérate d’œstradiol 1 et 2 mg Progynovat NON
Valérate d’œstradiol 2 mg Provamest OUI Contre-indications métaboliques
Œstrogènes sulfoconjugués1,25 mg Prémarint NON et vasculaires
Œstrogènes sulfoconjugués 0,625 mg Prémarint NON
Estradiol micronisé 1 et 2 mg Estrofemt NON Il y a peu de contre-indications métaboliques au
Estradiol micronisé 2 mg Oromonet OUI THS si on utilise un œstrogène par voie cutanée et
Éthinylestradiol 50 µg sécable Éthinylestradiol Rousselt OUI de la progestérone naturelle. Les femmes
Hydroxyestrone Colpormont NON diabétiques et/ou obèses peuvent être traitées, de
Œstrogènes par voie cutanée même que le sujet hyperlipidémique. Si les
œstrogènes per os sont alors apparemment
Estradiol 1,5 mg/d percutané gel (règle) Œstrogelt OUI
Estradiol 0,75 mg/d percut flacon doseur Œstrodoset OUI intéressants sur ce seul paramètre lipidique,
Estradiol 0,5 mg/d percut flacon doseur Estrevat OUI (élévation de l’HDL cholestérol plus marqué par
Estradiol transdermique 2mg Œsclimt 25 OUI rapport aux œstrogènes cutanés), il faut aussi
Estradiol transdermique 4 mg Œsclimt 50 OUI souligner l’élévation des triglycérides, dose
Estradiol transdermique 8 mg Œsclimt 100 OUI dépendante, l’impact défavorable des œstrogènes
Estradiol transdermique 3,2 mg Systent 50 NON
Estradiol transdermique 5 mg Estraderm TTSt 25 OUI per os sur la paroi artérielle ou sur la coagulation,
Estradiol transdermique 10 mg Estraderm TTSt 50 OUI deux effets non observés avec les œstrogènes
Estradiol transdermique 20 mg Estraderm TTSt 100 NON administrés par voie cutanée. En l’absence de
Estradiol transdermique 3,3 mg Menorestt 37,5 OUI contre-indication, y compris l’intoxication tabagique
Estradiol transdermique 4,3 mg Menorestt 50 OUI ou la sédentarité, l’emploi des œstrogènes per os est
Estradiol transdermique 6,6 mg Menorestt 75 OUI
Estradiol transdermique 8,7 mg Menorestt 100 OUI possible. Sur le plan vasculaire, si les études
américaines utilisant des œstrogènes per os
(Prémarint) sont intéressantes, car montrant dans
des cohortes importantes un effet bénéfique
Tableau IV. – Principaux effets secondaires des œstrogènes administrés par voie orale et cutanée.
indiscutable au plan coronarien (diminution du
Œstrogènes per os Œstrogènes par voie cutanée risque coronarien, y compris des infarctus léthaux
d’environ 40 à 50 %) [10], cette diminution du risque
LDH cholestérol diminué LDL cholestérol stable
étant amplifiée par l’utilisation conjointe de
HDL cholestérol augmenté HDL2 cholestérol augmenté progestatifs [9], il n’en reste pas moins qu’une grande
VLDL triglycérides augmentés VLDL triglycérides stables prudence est nécessaire pour traiter les sujets à
risque, et en particulier les sujets ayant des
Angiotensinogène/rénine augmentés Angiotensinogène/rénine stables
antécédents thromboemboliques [8]. Il faut signaler à
Tolérance glucidique diminuée Tolérance glucidique inchangée ce sujet qu’une tendance vers un traitement des
Facteurs de la coagulation augmentés Facteurs de la coagulation inchangés femmes à risque cardiovasculaire élevé s’est fait jour
récemment [10]. Bien entendu, le THS n’est qu’un

3
3-0710 - Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ?

des cas l’apparition de l’hyperplasie de l’endomètre


Tableau V. – Principaux progestatifs prescrits par voie orale en postménopause. induite par l’emploi exclusif d’œstrogènes. Une
Composition et dosage Nom commercial Remboursement (65 %) durée de traitement progestatif de 12 à 15 jours
semble idéale pour prévenir une hyperplasie
Progestérone micronisée 100 mg Utrogestant OUI atypique de l’endomètre [2] . Les cancers de
Didrogestone 10 mg Duphastont OUI l’endomètre apparus sous THS sont de meilleur
pronostic que ceux apparaissant chez des femmes
Médrogestone 5 mg Colpronet OUI
jamais traitées, et des données identiques sont
Médroxyprogestérone 10 mg Gestoralt OUI observées pour les cancers du sein découverts sous
Chlormadinone 2 et 5 mg Lutérant OUI THS.

Démégestone 0,5 mg Lutionext OUI ¶ Autres cancers


Ceux-ci n’étant pas hormonodépendants (ovaire,
Promégestone 0,125/0,250/0,500 mg Surgestonet OUI
col utérin), il ne s’agit donc pas de contre-indications
Nomégestrol acétate 5 mg Luténylt OUI au THS.
Éthynodiol diacétate 2 mg Lutométrodiolt OUI Contre-indications gynécologiques
Lynestrénol 5 mg Orgamétrilt OUI Elles sont inexistantes. Nous avons déjà vu
l’absence de contre-indications en cas d’antécédent
de mastopathie bénigne. Il en est de même si la
Tableau VI. – Œstroprogestatifs prescrits en postménopause. femme est porteuse d’un fibrome ou d’une
endométriose. Deux précautions s’imposent alors :
Composition/doses des comprimés Nom commercial Remboursement (65 %) différer de quelques mois après l’arrêt des règles le
11 cp E2 valérate 2 mg Climènet OUI début du traitement, employer de préférence un
+ 10 cp cyprotérone acétate 1 mg progestatif puissamment anti-œstrogénique, en
particulier les dérivés 19-norprégnanes.
11 cp E2 valérate 2 mg Divinat OUI
+ 10 cp médroxyprogestérone ac 10 mg Autres contre-indications
21 cp E2 micronisé 2 mg Kliogestt OUI Il s’agit de maladies rares telles que le lupus ou les
+ noréthistérone acétate NEA1 mg porphyries intermittentes, les otospongioses ou les
12 cp E2 micronisé 2 mg adénomes hypophysaires non opérés. D’après des
+ 10 cp E2 micron 2 mg + NEA1 mg Trisequenst OUI données récentes, les mélanomes malins opérés ne
+ 6 cp E2 micronisé 1 mg représenteraient plus une contre-indication absolue,
et le rôle des œstrogènes sur la croissance tumorale
élément du traitement. La suppression du de risque accru de cancer lié à l’association de des adénomes hypophysaires est sans doute faible
tabagisme, le contrôle du poids, le traitement d’une progestatifs [6]. Tout le monde s’accorde sur la (expérience des prolactinomes).
hyperlipidémie, la lutte contre la sédentarité restent nécessité d’un dépistage mammographique
essentiels pour diminuer la mortalité des femmes systématique, quelles que soient les données de ‚ Surveillance du traitement
ménopausées, traitées ou pas [11]. l’examen clinique avant la prescription du THS. Elle est très simple et se résume à la prescription
Si l’on utilise une étude par méta-analyse, il d’une mammographie tous les 2 ou 3 ans (tous les
Contre-indications carcinologiques
semble que le THS n’augmente que très ans en cas de microcalcifications douteuses ou
Elles restent, au moins dans les mentalités des
modérément le risque de cancer du sein (risque d’aspect suspect à vérifier). Si le doute se précise à la
patientes et des médecins, un obstacle fréquent au
relatif 1,3), surtout en cas de traitement prolongé [7]. Il cytoponction, une exérèse de la zone suspecte
traitement.
faut encore souligner que beaucoup d’études s’impose. Ces femmes seront encore surveillées par
¶ Cancer du sein englobent la valeur 1, ce qui leur fait perdre en un frottis cervical de dépistage, à répéter tous les 3
C’est la première cause de mortalité par cancer significativité, et que les méta-analyses sont ans. L’emploi d’œstrogènes par voie cutanée
chez la femme, loin derrière les causes rassurantes. Concernant les antécédents de dispensera d’examens glucidolipidiques, si les
cardiovasculaires. Ce fléau a une incidence mastopathie bénigne, y compris les formes valeurs étaient initialement normales. Dans le cas
maximale vers 50 à 60 ans, ce qui coïncide avec proliférantes, il ne s’agit pas non plus d’une contraire, un examen annuel est suffisant, avec au
l’âge de la ménopause. Il est donc important contre-indication. Si le risque d’induire ou de révéler moins une fois la mesure du HDL cholestérol ou des
d’apprécier si le THS a un impact sur la prévalence de apolipoprotéines. La mesure de l’estradiol circulant
un cancer par le THS reste probablement faible, il
cette pathologie. Les données restent polémiques et n’est pas indispensable. Il nous semble utile de
n’en est pas de même pour les femmes déjà opérées
insuffisantes. Le rôle carcinogénique des œstrogènes l’envisager tous les 3 ans, car le THS doit être prescrit
d’un cancer du sein. Il semble alors raisonnable, chez
est admis à partir de données chez l’animal, n’étant pendant 10 à 15 ans, et une contrainte
ces femmes à haut risque, d’éviter le traitement
sans doute qu’un des événements dans l’apparition thérapeutique maintenue plusieurs années nous
hormonal, et il s’agit, pour l’instant, de la principale
du cancer (rôle des oncogènes et des virus, facteurs semble abusive si elle est inefficace.
contre-indication au THS, même si certains
de croissance locaux...). Le rôle protecteur des Sans méconnaître les limites de cet examen et les
commencent à discuter cette attitude (cancer de bon
progestatifs est actuellement sujet de controverse, discussions concernant la valeur efficace (entre 50 et
pronostic histologique, faible envahissement
surtout à partir de données in vitro. Il existe 100 pg/mL ou 200 à 350 pmol/L), sa prescription
ganglionnaire, réceptivité hormonale conservée) [4].
probablement plusieurs récepteurs des progestatifs nous semble devoir être conservée, faute de
sur le sein et, dans certaines conditions, les ¶ Cancer de l’endomètre marqueurs simples périphériques de l’action des
progestatifs auraient peut-être un rôle de Il est numériquement beaucoup plus rare. Il s’agit œstrogènes actuellement. La mesure de la densité
prolifération cellulaire. Dans l’état actuel de nos certes d’un cancer hormonodépendant. S’il a été osseuse, qui est un de ces marqueurs, ne sera pas
connaissances, il ne nous semble pas utile de correctement traité et s’il est de bas grade, il nous répétée plus d’une fois tous les 3 ans, deux valeurs
supprimer le complément progestatif de 15 jours semble possible de prescrire un THS, avec peut-être normales pour l’âge étant suffisantes pour arrêter la
chez les femmes hystérectomisées, attitude une surveillance particulièrement étroite. Il est surveillance. Il s’agit d’une méthode efficace pour
préconisée par certains. Les données épidémiolo- démontré, par de nombreuses études, que dépister les ostéoporoses à haut niveau de
giques les plus récentes ne mettent pas en évidence l’association de progestatifs prévient dans la majorité remodelage et les sujets non répondeurs au THS au

4
Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ? - 3-0710

plan osseux (d’autres traitements de l’ostéoporose le progestatif un jour sur deux ou concomitamment THS, le risque de cancer du sein paraissant
existent, qui sont hors de notre propos). à l’œstrogène, tous les jours, etc. Il est plus honnête augmenter avec l’âge, alors que l’état osseux est
Si la survenue de mastodynies est un bon signe de dire que ce problème n’est, hélas, pas résolu, et amélioré tant que dure le traitement, de même que
clinique pour suspecter un surdosage en que la sensibilté endométriale au traitement est trop l’état cardiovasculaire [5] . Il reste essentiel de
œstrogènes, la disparition des bouffées de chaleur variable pour qu’une quelconque « recette » soit dialoguer avec la patiente qui va bénéficier du
est toujours observée si la dose est efficace. La universellement efficace, même si quelques succès traitement, chaque prescription devant être
garantie d’un traitement adapté sur la notion ponctuels sont observés. individuelle.
d’hémorragies de privation régulières est trompeuse, Plusieurs points méritent attention :


car on teste la sensibilté de l’endomètre aux – les sujets à haut risque tirent-ils réellement
sollicitations hormonales, variable d’une femme à Conclusion bénéfice du traitement ?
l’autre. La survenue de saignements anarchiques – les traitements par œstrogènes par voie
doit amener à un examen clinique, un frottis cutanée, en dehors de leurs aspects théoriques
endométrial et une hystéroscopie +/- curetage. Tous Les aspects cardiovasculaires et la prévention des
séduisants, sont-ils efficaces pour prévenir les
ces examens sont superflus en cas de règles accidents coronariens par le THS sont de puissants
maladies cardiovasculaires ?
régulières. Un tiers environ des patientes non arguments en faveur du traitement hormonal, dont
– le coût du traitement est-il raisonnable,
hystérectomisées traitées n’ont pas de règles. Si la l’efficacité et l’innocuité semblent assurées. L’effet
comparé à ceux, direct et indirect, des maladies
réapparition des saignements est souvent un bénéfique, en matière de prévention de
prévenues (ostéoporose et coronaropathies) ?
obstacle au traitement, il faut insister pour dire que le l’ostéoporose ne semble pas négligeable sur le plan
C’est en répondant à ces interrogations que l’on
traitement sans règles n’existe pas. Pour en diminuer morbidité et mortalité. Le cancer du sein reste un
parviendra à un consensus sur le THS. Les éléments
l’abondance, on peut raccourcir la durée sujet débattu, mais il semble que le THS ne soit pas
d’administration des œstrogènes, utiliser un un facteur de risque majeur. Une des discussions actuels plaident cependant largement pour une plus
progestatif plus anti-œstrogénique, essayer d’utiliser actuelles paraît être de préciser la durée optimale du grande diffusion.

Pierre Lecomte : : Professeur des Universités, praticien hospitalier,


service d’endocrinologie et des maladies métaboliques, médecine B, hôpital Bretonneau, 37044 Tours cedex 03, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Lecomte. Ménopause : qui traiter, quels traitements, quelle surveillance ?
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0710, 1998, 5 p

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5
¶ 3-0721

Puberté normale et pathologique


R. Brauner

Les caractères sexuels apparaissent dans 95 % des cas entre 8 et 13 ans (moyenne 11,5 ans) chez la fille
et entre 9 et 14 ans (moyenne 12,5 ans) chez le garçon. L’évaluation du développement des caractères
sexuels et du volume testiculaire ainsi que le suivi des courbes de taille, indice de corpulence et périmètre
crânien font partie de l’examen clinique de l’enfant. La puberté précoce est définie par le développement
des caractères sexuels avant l’âge de 8 ans chez la fille et de 9 à 10 ans chez le garçon. La prise en charge
d’un enfant amené pour puberté précoce se fait en trois étapes : 1) s’agit-il d’une puberté précoce
pathologique ou d’une variante de la puberté normale ? ; 2) en cas de puberté précoce pathologique,
est-elle centrale ou périphérique ? ; 3) en cas de puberté précoce centrale, est-elle due à une lésion ou
est-elle idiopathique et y a-t-il une indication à un traitement freinateur ? Le retard pubertaire est défini
par l’absence de développement des caractères sexuels au-delà de 13 ans chez la fille et de 14 ans chez le
garçon. La prise en charge d’un enfant amené pour retard pubertaire se fait en cinq étapes : 1) s’agit-il
d’une absence de puberté ou y a-t-il des signes de démarrage de la puberté ; 2) s’agit-il d’un retard
pubertaire pathologique ou simple ? ; 3) en cas de retard pubertaire pathologique, est-il central ou
périphérique ? ; 4) la petite taille est-elle due uniquement au retard pubertaire ? ; 5) quelles sont les
indications thérapeutiques ?
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Adolescent ; Croissance ; Hypothalamo-hypophyse ; Puberté ; Puberté précoce ;


Retard pubertaire

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 La puberté est la période de transition entre l’enfance et l’état
adulte. Elle s’exprime sur le plan clinique par un développe-
¶ Puberté normale 1 ment des caractères sexuels et par une accélération de la vitesse
Étapes de l’activation pubertaire 1 de croissance staturale. Elle conduit à l’acquisition des fonctions
Développement des caractères sexuels 2 de reproduction.
Croissance pubertaire 2
¶ Variantes de la puberté normale 2
¶ Pubertés précoces 3
■ Puberté normale
S’agit-il d’une puberté précoce pathologique ou d’une variante
de la puberté normale ? 3 Étapes de l’activation pubertaire (Tableau 1)
S’il y a puberté précoce pathologique, est-elle centrale ou Le démarrage de la puberté est secondaire à une activation de
périphérique ? 3 l’hypothalamus. Cela induit des activations successives de
Puberté précoce centrale 3 l’antéhypophyse, des gonades, puis des tissus cibles périphéri-
¶ Retards pubertaires 5 ques. Des phénomènes de rétrocontrôle existent entre chacune
S’agit-il d’une absence de puberté ou y a-t-il des signes de des étapes. En effet, l’hypothalamus sécrète de manière pulsatile
démarrage de la puberté ? 5 du luteinizing hormone-releasing hormone (LH-RH, appelé aussi
S’agit-il d’un retard pubertaire pathologique ou simple ? 5 LRF ou GnRH). L’augmentation de LH-RH induit une augmen-
En cas de retard pubertaire pathologique, est-il d’origine centrale tation de la sécrétion de gonadotrophines (luteinizing hormone
ou périphérique ? 5 ou LH et follicle stimulating hormone ou FSH) par l’antéhypo-
La petite taille est-elle due uniquement au retard pubertaire ? 5
physe. L’augmentation de la sécrétion des gonadotrophines
induit un développement des gonades. Chez le garçon, l’aug-
Traitement 6
mentation de FSH induit un développement des tubes sémini-
fères et donc l’augmentation du volume testiculaire ;
l’augmentation de LH induit une stimulation des cellules de
Leydig et donc une augmentation de la sécrétion de testosté-
rone. Ainsi, les gonades augmentent leur sécrétion de stéroïdes
sexuels, testostérone par les testicules chez le garçon et estradiol

Traité de Médecine Akos 1


3-0721 ¶ Puberté normale et pathologique

Tableau 1. squelettique. Pour déterminer l’âge osseux, la méthode la plus


Étapes de l’activation pubertaire. utilisée est celle de Greulich et Pyle. [4] Elle utilise la radiogra-
1. Gonadarche
phie de la main et du poignet gauches de face (un seul cliché).
L’apparition de l’os sésamoïde du pouce est un repère commode
Phénomène initiateur mal compris
car elle est en général contemporaine du démarrage pubertaire ;
Organe Hormone elle correspond à un âge osseux de 11 ans chez la fille et de
Hypothalamus # LH-RH ou LRF ou GnRH 13 ans chez le garçon. L’âge osseux permet d’approcher la
Antéhypophyse # LH et FSH (pic LH > pic FSH) fraction de sa taille adulte qu’un enfant a déjà prise, et donc sa
Gonades # Testostérone > 0,5 ng/ml potentialité de croissance résiduelle jusqu’à la taille adulte. La
# Estradiol > 15 pg/ml prédiction de taille adulte se calcule, pour un enfant donné, à
Développement caractères sexuels secondaires + accélération de la crois- partir de sa taille et de son âge osseux. La méthode la plus
sance utilisée est celle de Bayley et Pinneau. [5] Il y a une marge
2. Adrénarche : les hormones surrénaliennes participent à la pilosité d’erreur entre la taille prédite et la taille adulte.
sexuelle
LH : luteinizing hormone ; RH : releasing hormone ; LRF luteinizing hormone releasing
factor : GnRH : gonadotrophine releasing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone. ■ Variantes de la puberté normale
Elles sont aussi appelées pubertés précoces (PP) partielles ou
puis progestérone par les ovaires chez la fille. Ce phénomène est dissociées. Elles ne correspondent pas à une entité nosologique
appelé « gonadarche ». Les surrénales augmentent leur sécrétion réelle, mais elles posent des problèmes de diagnostic différentiel
de déhydroépiandrostérone (DHA). Ce phénomène, appelé avec les pubertés pathologiques. Il faut s’assurer que le dévelop-
« adrénarche », débute avant la « gonadarche », vers l’âge de pement du caractère sexuel reste isolé et ce, avec un recul de
8 ans chez la fille et de 10 ans chez le garçon. plus de 1 an.
Le développement prématuré isolé des seins chez la fille
(Tableau 2) est aussi appelé premature thelarche. Il s’agit le plus
Développement des caractères sexuels souvent d’une fille âgée de moins de 3 ans qui a eu une poussée
mammaire néonatale, et dont les parents consultent en raison
Les caractères sexuels apparaissent dans 95 % des cas entre d’une impression d’augmentation du résidu de développement
8 et 13 ans (moyenne : 11,5 ans) chez la fille et entre 9 et mammaire néonatal. Le diagnostic de premature thelarche est fait
14 ans (moyenne : 12,5 ans) chez le garçon. Le développement sur le caractère isolé du développement des seins. Lorsque ce
des caractères sexuels secondaires est coté de 1 à 5 selon la diagnostic est retenu, aucun traitement n’est nécessaire. Son
classification de Marschall et Tanner [1, 2], le stade 1 correspon- évolution se fait le plus souvent vers la régression spontanée.
dant à l’aspect prépubère et le stade 5 au développement adulte. Le développement prématuré isolé de la pilosité sexuelle
Il y a des variations de l’âge de démarrage pubertaire d’un (Tableau 3) est aussi appelé premature pubarche ou adrénarche. Il
enfant à l’autre, mais la séquence d’apparition des caractères correspond à une maturation surrénalienne précoce avec un
sexuels secondaires est en règle générale respectée. Chez la fille, taux plasmatique élevé de DHA sulfate. Le diagnostic de
le premier signe est le développement d’un bourgeon mam- premature pubarche est fait sur le caractère isolé de la pilosité
maire (souvent unilatéral au début) accompagné ou suivi de sexuelle.
l’apparition d’une pilosité pubienne. La pilosité axillaire
apparaît 1 à 1 an et demi après. L’intervalle moyen entre le
début du développement des seins et l’apparition des premières
règles est de 2,2 ans. Celles-ci ne deviennent cycliques qu’après Tableau 2.
1 à 2 ans et les premiers cycles sont anovulatoires. Chez le Premature thelarche.
garçon, le signe qui indique le démarrage pubertaire est l’aug- Définition : développement prématuré isolé des seins chez la fille, non
mentation du volume testiculaire. Les testicules prépubères pathologique.
mesurent autour de 2 × 1 cm et des dimensions testiculaires Mécanisme : stimulation hypothalamo-hypophyso-ovarienne transi-
supérieures à 3 × 2 cm indiquent une activation de l’axe toire ou sensibilité accrue de la glande mammaire à l’estradiol ?
hypothalamo-hypophyso-testiculaire. La sécrétion de testosté- Éléments du diagnostic
rone contribue, avec les hormones surrénaliennes, au dévelop-
Âge inférieur à 3 ans : absence de signe de puberté précoce pathologique :
pement de la pilosité sexuelle. Elle induit une augmentation des
– pilosité sexuelle
dimensions de la verge, des érections et une mue de la voix. Il
est fréquent d’observer au cours de la puberté une intumescence – accélération de la croissance
mammaire appelée gynécomastie. Celle-ci est parfois doulou- – avance d’âge osseux
reuse. Elle est le plus souvent transitoire et disparaît – augmentation de l’estradiol
spontanément. Maintien du caractère isolé après un recul supérieur à 1 an

Croissance pubertaire Tableau 3.


Le gain annuel en taille passe de 5 cm avant la puberté à Premature pubarche ou adrénarche.
9 cm durant le pic de croissance pubertaire. L’âge moyen à la Définition : développement prématuré isolé de pilosité sexuelle ± acné,
survenue de ce pic est de 12 ans chez la fille et de 14 ans chez non pathologique
le garçon. [3] Le nombre total moyen de centimètres pris entre Mécanisme : maturation surrénalienne précoce
la première menstruation et la taille adulte est de 7 cm lorsque
Éléments du diagnostic
la première menstruation survient à 13,5 ans. La différence de
Âge supérieur à 6 ans
taille adulte est de 13 cm entre les garçons et les filles. Cette
différence vient essentiellement du fait que le pic de croissance Fille dans 80 % des cas
pubertaire survient plus tôt et est moins ample chez la fille que Absence de signe de puberté précoce pathologique :
chez le garçon. En effet, la taille adulte est atteinte en moyenne – développement des seins
à 16 ans chez la fille et à 18 ans chez le garçon. Cette différence – accélération de la croissance
de durée totale de la croissance de 2 ans conduit à une diffé- – avance d’âge osseux
rence de taille adulte d’environ 10 cm.
– autres signes d’hyperandrogénie (hirsutisme, # clitoris)
L’âge osseux correspond, pour un individu, à l’âge réel de la
Taux plasmatiques de testostérone et 17OH-progestérone normaux
majorité des individus de son sexe qui ont la même maturation

2 Traité de Médecine Akos


Puberté normale et pathologique ¶ 3-0721

La puberté avancée est définie par un démarrage de la S’il y a puberté précoce pathologique,
puberté entre 8 et 10 ans chez la fille et entre 9 et 11 ans chez
le garçon. Elle pose deux questions : faut-il rechercher une
est-elle centrale ou périphérique ?
pathologie à son origine et y a-t-il un risque de réduction de la La PP est le plus souvent d’origine centrale due à l’activation
taille adulte ? L’existence de pubertés avancées dans la famille prématurée de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique ; la
est contre une pathologie. Lorsqu’il n’y a pas de puberté réponse des gonadotrophines (LH et FSH) à l’injection de LH-RH
avancée dans la famille ou que la progression clinique de la (test) montre une augmentation de LH et de FSH avec un
puberté est anormalement rapide, un examen neuroradiologique rapport pic LH/pic FSH supérieur à 0,6 chez la fille et à 2 chez
permet d’exclure une lésion de cette région. Une puberté le garçon. [6] La PP périphérique peut être d’origine ovarienne,
avancée peut réduire le potentiel de croissance de 5 cm. Cette testiculaire ou surrénalienne ; la réponse des gonadotrophines à
réduction ne pose pas de problème lorsque la taille de l’enfant l’injection de LHRH montre l’absence d’augmentation des
est proche de la moyenne, mais elle peut aggraver le déficit gonadotrophines.
statural d’un enfant déjà petit. Ainsi la survenue d’une puberté Chez la fille, la PP périphérique isosexuelle est due à une
avancée, d’évolution rapide, chez un enfant ayant une petite production anormale d’estradiol par une lésion ovarienne ou
taille constitutionnelle peut être une indication à freiner sa exceptionnellement surrénalienne ; celle-ci donne un tableau
puberté. Cependant, une telle décision doit être limitée à de d’estrogénisation (développement des seins, menstruation). La
rares cas et prise en service spécialisé. PP périphérique hétérosexuelle est due à une production
anormale d’androgènes ; celle-ci donne un tableau d’hyperan-
drogénie (développement de la pilosité sexuelle, hirsutisme,
■ Pubertés précoces hypertrophie du clitoris). Elle peut exceptionnellement venir
d’une tumeur ovarienne ou surrénalienne, mais le plus souvent,
La puberté précoce (PP) est définie par le développement des elle est due à une hyperplasie congénitale des surrénales dans
caractères sexuels avant l’âge de 8 ans chez la fille et de 9 à sa forme non classique.
10 ans chez le garçon. Ce développement peut correspondre à Chez le garçon, le volume testiculaire est l’élément qui guide
une PP pathologique ou à une PP non pathologique (appelée vers l’origine centrale ou périphérique de la PP. En effet, un
aussi variante de la puberté normale, voir plus haut). La PP volume testiculaire pubertaire indique une origine centrale de la
pathologique peut être d’origine centrale (appelée aussi vraie) PP. Si le volume testiculaire est prépubère, le taux plasmatique
ou périphérique (appelée aussi pseudo-PP). La prise en charge de testostérone guide l’enquête étiologique. S’il est bas, inférieur
d’un enfant amené pour PP se fait en trois étapes que nous à 0,5 ng/ml, cela oriente vers un développement prématuré
analyserons successivement. isolé non pathologique de la pilosité sexuelle. Cette situation est
rare chez le garçon et doit rester un diagnostic d’exclusion. S’il
est supérieur à 0,5 ng/ml, il s’agit d’une PP périphérique
S’agit-il d’une puberté précoce isosexuelle. La production de testostérone est exceptionnelle-
pathologique ou d’une variante ment due à une testotoxicose ou à une tumeur testiculaire ou
de la puberté normale ? surrénalienne ou sécrétant des gonadotrophines chorioniques,
(hCG), qui ont une activité LH. Le plus souvent, elle est due à
Chez la fille, le motif de consultation est le développement une hyperplasie congénitale des surrénales dans sa forme non
des seins, de la pilosité sexuelle et/ou l’accélération de la vitesse classique. Si la recherche d’une étiologie est négative alors que
de croissance en taille avant l’âge de 8 ans. Les éléments en le taux plasmatique de testostérone est supérieur à 0,5 ng/ml, il
faveur d’une PP pathologique sont l’association de deux de ces peut s’agir d’une PP centrale à son début, vue avant l’augmen-
signes, en particulier du développement des seins et de la tation du volume testiculaire. Les PP périphériques hétéro-
pilosité sexuelle, ou la survenue d’un développement des seins sexuelles sont dues à une production anormale d’estrogènes par
après l’âge de 2 à 3 ans ou de menstruations. une tumeur testiculaire ou surrénalienne. Cette production
Chez le garçon, le motif de consultation est le développement donne une gynécomastie.
de la pilosité sexuelle et/ou l’augmentation des dimensions de
la verge avec survenue d’érections avant l’âge de 10 ans.
Des examens complémentaires peuvent être nécessaires pour Puberté précoce centrale
distinguer une PP pathologique d’une variante de la puberté
La PP centrale est-elle due à une lésion ou est-elle idiopathi-
normale.
que et y a-t-il une indication à un traitement freinateur ?

Formes étiologiques
Les étiologies des PP centrales ont une répartition différente
“ Mise au point selon le sexe : les formes idiopathiques sont rares chez le garçon
(20 à 30 %) et fréquentes chez la fille (80 %). Le diagnostic de
l’étiologie d’une PP centrale se pose différemment selon le
Puberté précoce (PP). contexte dans lequel elle survient. [7] En effet, dans certains cas,
• La présentation clinique, complétée par quelques il est facile de la rapporter à une étiologie, soit parce qu’elle
examens complémentaires, permet de distinguer une PP survient chez un enfant traité pour une pathologie connue pour
pathologique d’une variante de la puberté normale. être cause de PP centrale (hydrocéphalie, gliome des voies
• La réponse des gonadotrophines au LH-RH (test) optiques, antécédents d’irradiation crânienne), soit parce qu’elle
permet de distinguer une PP centrale d’une PP s’accompagne de signes neurologiques, oculaires ou cutanés
périphérique (beaucoup plus rare). (maladie de von Recklinghausen) qui orientent d’emblée vers
• Dans la PP centrale du garçon, l’examen une étiologie. Mais le plus souvent, la PP centrale paraît isolée
neuroradiologique et le traitement freinateur sont au premier examen. Un examen neuroradiologique est fait de
manière systématique devant toute PP centrale. Il doit permettre
nécessaires.
de bien analyser la région hypothalamohypophysaire et les
• Dans la PP centrale de la fille, l’examen voies optiques, les deux étiologies les plus fréquentes étant le
neuroradiologique reste nécessaire, en attendant la gliome des voies optiques et l’hamartome hypothalamique.
confirmation de la valeur prédictive de l’absence de lésion Devant une PP centrale de la fille, les indicateurs indépendants
du système nerveux central (SNC), de l’âge supérieur à d’une lésion du système nerveux central (SNC) sont l’âge de
6 ans et de l’estradiol bas. Le traitement freinateur n’est début inférieur à 6 ans et l’estradiol élevé. [8, 9] Les PP centrales
pas nécessaire dans tous les cas. idiopathiques surviennent souvent chez des filles qui ont un
surpoids ou qui ont grossi rapidement. [7]

Traité de Médecine Akos 3


3-0721 ¶ Puberté normale et pathologique

X
X
X
X

X
X

R1
P2 S2
analogue LH RH

S2

R1 R1

N1 N1

A B
Figure 1. Courbes de croissance staturales de deux filles ayant une puberté précoce centrale idiopathique.
A. Forme évolutive avec avance importante de l’âge osseux nécessitant un traitement freinateur.
B. Forme peu évolutive, non traitée, avec une taille adulte (165 cm) supérieure à la taille génétique (160 cm).
Développement des seins (S2), de la pilosité pubienne (P2) et premières règles (R1).

Formes évolutives adulte. Les analogues du stimulus hypothalamique (LH-RH) sont


utilisés à forte dose pour freiner la sécrétion des gonadotrophi-
Dans les PP centrales lésionnelles et chez un garçon, le nes par l’hypophyse. [11] À l’arrêt du traitement, le développe-
traitement freinateur est nécessaire. À l’inverse, chez une fille ment pubertaire reprend. Il n’a pas été rapporté d’effet
ayant une PP centrale idiopathique, l’évolutivité est variable secondaire de ce traitement. La fonction de reproduction ne
d’un cas à l’autre [10]. Le plus souvent (50 à 60 % des cas), il devrait pas être altérée, mais cela demande à être confirmé avec
s’agit d’une forme classique évolutive nécessitant un traitement plus de recul. Du fait de ces éléments et du coût élevé des
freinateur d’emblée (Fig. 1,2). Plus rarement (30 % des cas), il analogues du LH-RH, la décision de traitement est à prendre en
s’agit d’une forme peu évolutive, voire spontanément régressive, service spécialisé.
qui ne nécessite pas de traitement freinateur d’emblée. Notre schéma actuel de prise en charge d’un enfant qui a une
PP est le suivant :
Traitement • à la première évaluation, dosage des taux plasmatiques
En cas de lésion intracrânienne, les indications thérapeuti- d’estradiol ou de testostérone et test au LH-RH pour exclure
ques sont fonction du type et de la localisation de celle-ci : une cause périphérique de PP et déterminer le rapport pic
exérèse, radiothérapie, chimiothérapie ou abstention thérapeu- LH/pic FSH ;
tique avec surveillance. • si la PP est d’origine centrale, un examen neuroradiologique
La sécrétion prématurée de stéroïdes sexuels (estradiol ou est fait pour rechercher une lésion intracrânienne ;
testostérone) augmente la vitesse de croissance et la progression • s’il s’agit d’un garçon, d’une PP centrale par lésion ou d’une
de la maturation osseuse. Cela peut induire une soudure PP idiopathique évolutive de la fille, un traitement par
prématurée des cartilages de croissance, et ainsi diminuer la analogue du LH-RH est prescrit et ce, pour une durée mini-
durée de la croissance, aboutissant à la réduction de la taille mum de 2 ans.

4 Traité de Médecine Akos


Puberté normale et pathologique ¶ 3-0721

Tableau 4.
Étiologies des retards pubertaires.
1. Anomalies hypothalamohypophysaires (= hypogonadismes
hypogonadotropes)
Congénitales : déficit en gonadotrophines
Isolé ou avec anosmie (syndrome de Kallmann de Morsier)
Associé à d’autres déficits hypophysaires
Acquises
Tumeurs (craniopharyngiome, adénome à prolactine) Irradiation
2. Anomalies gonadiques (= hypogonadismes hypergonadotropes)
P2 Congénitales
Anomalies des chromosomes sexuels (syndromes de Turner et de Kline-
felter)
Anorchidie
Insuffisance ovarienne primitive
Acquises : infection, torsion, traumatisme, irradiation, chimiothérapie,
auto-immunité
3. Retard pubertaire simple
4. Troubles fonctionnels : psychologiques ou affection chronique
décompensée

car il est en partie dû à l’augmentation des androgènes surréna-


liens. L’âge osseux est en règle inférieur à l’âge chronologique
M et à l’âge osseux de démarrage pubertaire.

S’agit-il d’un retard pubertaire


pathologique ou simple ?
Chez le garçon, il s’agit dans 80 % des cas d’un RP simple.
Les éléments en faveur de ce diagnostic sont : l’existence de RP
simples dans la famille, l’absence de signe fonctionnel ou
physique, une prise de poids normale et la présence de signes
de début de puberté. Quelques examens complémentaires
peuvent être nécessaires car le diagnostic de RP simple est un
diagnostic d’élimination.

En cas de retard pubertaire pathologique,


est-il d’origine centrale ou périphérique ?
Les taux plasmatiques de gonadotrophines (FSH et LH) sont
normaux ou bas dans les anomalies hypothalamo-
hypophysaires et dans le RP simple. Ils sont au contraire
augmentés (supérieurs à 5 à 9 UI/l selon les normes du labora-
toire) dans les anomalies gonadiques. Cependant, cette aug-
Figure 2. Courbe de croissance d’un garçon ayant un retard pubertaire mentation n’apparaît que lorsque l’âge osseux a dépassé 11 à
simple : le pic de croissance pubertaire est retardé, ce qui induit un 12 ans chez la fille et 13 à 14 ans chez le garçon. Ainsi, la
changement transitoire de couloir de croissance. mesure de ces taux permet de distinguer les anomalies gonadi-
ques des autres groupes (Tableaux 4 et 5). Si les taux plasmati-
ques sont normaux ou bas, la réponse à l’injection de LH-RH
Dans les formes non traitées car peu évolutives, un contrôle (test) est typiquement discriminante : en cas de déficit en
clinique et de l’âge osseux est fait tous les 3 à 6 mois. gonadotrophines, les taux n’augmentent pas ; en cas de RP
simple, ils augmentent. Les deux étiologies les plus fréquentes
de RP pathologique sont le syndrome de Klinefelter chez le
■ Retards pubertaires garçon (Tableaux 6 et 7) et le syndrome de Turner chez la fille
(Tableaux 8 et 9).
Le retard pubertaire (RP) est défini par l’absence de dévelop-
pement des caractères sexuels au-delà de l’âge de 13 ans chez la
fille et de 14 ans chez le garçon. La prise en charge d’un enfant La petite taille est-elle due uniquement
amené pour RP se fait en cinq étapes que nous analyserons au retard pubertaire ?
successivement.
En cas de RP, l’accélération de la vitesse de croissance est
retardée, ce qui induit un changement de couloir de croissance.
S’agit-il d’une absence de puberté Cela pose la question de ne pas méconnaître une pathologie qui
ou y a-t-il des signes de démarrage serait responsable du RP et du changement de couloir de
croissance. Il peut s’agir d’une malabsorption, d’un déficit en
de la puberté ? hormone de croissance (GH) idiopathique ou surtout dû à une
Le plus souvent, à la première consultation pour RP, il y a un tumeur ou, beaucoup plus rarement, d’un hypercorticisme ou
développement des seins chez la fille ou une augmentation du d’une hypothyroïdie par thyroïdite. Le changement de couloir
volume testiculaire chez le garçon. Cela indique que l’axe de croissance associé à un RP pose la question de savoir s’il y a
hypothalamo-hypophyso-gonadique est probablement normal. une indication à évaluer la sécrétion de GH. Dans notre
Le développement de la pilosité sexuelle est moins informatif expérience, le déficit en GH découvert à l’âge pubertaire est,

Traité de Médecine Akos 5


3-0721 ¶ Puberté normale et pathologique

Tableau 5. Tableau 7.
Conduite du diagnostic étiologique dans le retard pubertaire. Syndrome de Klinefelter.
Première étape 1. Anomalie chromosomique
Interrogatoire : Le plus souvent : 47,XXY
– tailles et âges pubertaires dans la famille Plus rarement : 48,XXXY ou mosaïque 46,XY/47,XXY
– antécédents : ectopie testiculaire, pathologie 2. Insuffisance testiculaire
– troubles fonctionnels : céphalées, diarrhée, anosmie Spermatogenèse :
– contexte psycho-socio-affectif – testicules petits à la puberté
– apport alimentaire – stérilité
Examen clinique – FSH élevée
Courbe de croissance staturopondérale Production de testostérone :
Examens complémentaires : – normale puis diminuée
– radiographie de la main et poignet gauches de face (1 cliché) – LH normale ou peu élevée
– taux plasmatiques de LH, FSH, testostérone, prolactine 3. Autres signes
Exclure pathologie générale : vitesse de sédimentation, anticorps antitransglu- Majeurs :
taminase, T4, TSH, selle turcique de profil... selon le contexte. – grande taille
Seconde étape en fonction de LH et FSH – gynécomastie
Augmentés : anomalie gonadique → caryotype – retard mental ou scolaire modérés
Normaux ou bas : anomalie hypothalamohypophysaire ou RP simple : Inconstants :
décider si :
– cardiopathie
– test au LH-RH
– ectopie testiculaire
– examen neuroradiologique
LH : luteinizing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone.
LH : luteinizing hormone ; RH : releasing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone.

Tableau 8.
Tableau 6. Circonstances de diagnostic du syndrome de Turner.
Circonstances de diagnostic du syndrome de Klinefelter.
Éléments constants :
Éléments constants :
– anomalie du chromosome X
– anomalie chromosomique
– petite taille
– insuffisance de la spermatogenèse
– dysgénésie gonadique
– 1/1 000 naissances garçons
Fréquence à la conception 1,5 %, mais avec des avortements spontanés,
Caryotype demandé pour : 1/3 000 naissances filles
1. In utero : Caryotype demandé pour :
– âge avancé de la mère 1. In utero :
– antécédents de pathologie obstétricale – âge avancé de la mère
2. Dans l’enfance : retard mental et scolaire – antécédents de pathologie obstétricale
3. À l’âge pubertaire : – anomalies à l’échographie fœtale (croissance, cou, cœur)
– non-augmentation du volume testiculaire 2. En période néonatale : lymphœdème des extrémités
– gynécomastie persistante 3. Dans l’enfance :
4. À l’âge adulte : stérilité – petite taille
– particularités morphologiques
dans la grande majorité des cas, transitoire [12], en dehors des 4. À l’âge pubertaire :
déficits hypophysaires acquis secondaires à une lésion organique – absence de développement des seins
de cette région (en particulier un craniopharyngiome). De plus, – aménorrhée primaire
un déficit transitoire en GH ne réduit pas la taille adulte ; il 5. À l’âge adulte : stérilité
n’est donc pas, en général, une indication à un traitement par 6. À tout âge : cardiopathie
GH.

Lorsque le RP est secondaire à une anomalie hypothalamo-


hypophysaire ou gonadique, il est une indication à un traite-
“ Mise au point ment substitutif. Le traitement est débuté vers l’âge de 12 ans
chez la fille et de 13 ans chez le garçon, en tenant compte de
la demande de l’adolescent. Les objectifs de ce traitement sont
Retard pubertaire. d’induire un gain statural pubertaire normal, un développement
La prise en charge d’un enfant qui a un retard pubertaire des caractères sexuels secondaires, puis une activité sexuelle
comporte : adulte normale, puis, si possible, une fertilité. Il est mené en
• La recherche d’une pathologie à l’origine du RP ; trois étapes. La première étape consiste à donner une faible dose
• La prise des décisions thérapeutiques ; d’estradiol ou de testostérone pour accélérer la vitesse de
• L’information de l’enfant devenu adolescent sur sa vie croissance sans faire progresser de manière excessive la matura-
sexuelle et ses possibilités de fertilité. tion osseuse. Lorsque la taille adulte est proche ou atteinte, la
dose est augmentée et, chez la fille, l’estradiol est associé à de
la progestérone de manière cyclique. Lorsqu’il y a souhait de
fertilité et que l’anomalie est hypothalamohypophysaire et non
gonadique, le traitement est un analogue du LH-RH ou l’asso-
Traitement ciation de hMG (human menopausic gonadotropin à effet FSH) et
Lorsque le RP survient chez un patient suivi pour une de hCG (à effet LH).
pathologie connue, il conduit à essayer d’optimiser le traite- Dans le RP simple du garçon, le développement pubertaire se
ment de cette pathologie. fait de manière complète mais retardée. La question se pose de

6 Traité de Médecine Akos


Puberté normale et pathologique ¶ 3-0721

■ Références
.

Tableau 9.
Syndrome de Turner.
1. Anomalie chromosomique :
[1] Marshall WA, Tanner JM. Variations in the pattern of pubertal changes
in girls. Arch Dis Child 1969;44:291-303.
– typiquement 45X
[2] Marshall WA, Tanner JM. Variations in the pattern of pubertal changes
– mosaïque 45X/46XX, 45X/47XXX, 45X/46XY in boys. Arch Dis Child 1970;45:13-23.
– anomalie de structure [3] SempeA, Pedron G, Roy-Pernot MP. Auxologie, méthode et séquences.
2. Petite taille : taille finale moyenne 142-147 cm Paris: Laboratoires Théraplix; 1979.
3. Dysgénésie gonadique : [4] Greulich WW, Pyle SI. Radiographic atlas of skeletal development of
the hand and the wrist. Stanford: Stanford University Press; 1959.
– la LH et la FSH sont élevées
[5] Bayley N, Pinneau SR. Tables for predicting adult height from skeletal
– les organes génitaux internes (vagin et utérus) sont féminins normaux age: revised for use of Greulich-Pyle hand standards. J Pediatr 1952;
– la stérilité est le problème essentiel. 40:432-41.
4. Autres signes : [6] Oerter KE, Uriarte MM, Rose SR, Barnes KM, Cutler Jr. GB.
– lymphœdème des mains et des pieds à la naissance Gonadotropin secretory dynamics during puberty in normal girls and
– anomalies morphologiques (cou court, thorax large, cubitus valgus) boys. J Clin Endocrinol Metab 1990;71:1251-8.
[7] Chemaitilly W, Trivin C, Adan L, Gall V, Sainte-Rose C, Brauner R.
– cardiopathie (coarctation de l’aorte)
Central precocious puberty: clinical and laboratory features. Clin
– malformation rénale (rein en fer à cheval) Endocrinol (Oxf) 2001;54:289-94.
Traitement : [8] Chalumeau M, Chemaitilly W, Trivin C, Adan L, Bréart G, Brauner R.
– hormone de croissance dont l’efficacité à augmenter la taille adulte est Central precocious puberty in girls: the use of clinical epidemiology to
variable predict central nervous system abnormalities. Pediatrics 2002;109:
– œstroprogestatif à partir de l’âge pubertaire 61-7.
[9] Chalumeau M, Hadjiathanasiou CG, Ng SM, Cassio A, Mul D,
LH : luteinizing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone. Cisterno MA, et al. How to select girls with precocious puberty for
brain imaging? An evidence based approach: the EUROPUB study.
J Pediatr 2003;143:445-50.
savoir s’il faut accélérer le développement pubertaire. Dans [10] Fontoura M, Brauner R, Prevot C, Rappaport R. Precocious puberty in
notre expérience, l’absence de développement des caractères girls: early diagnosis of a slowly progressing variant. Arch Dis Child
sexuels et la petite taille sont souvent difficiles à tolérer sur le 1989;64:1170-6.
plan psychologique après l’âge de 15 ans. Cela est encore plus [11] Adan L, Chemaitilly W, Trivin C, Brauner R. Factors predicting the
marqué lorsque le RP survient chez un garçon qui a une petite adult height in girls with idiopathic central precocious puberty: impli-
taille constitutionnelle. Parallèlement, il a été montré que, à cations for treatment. Clin Endocrinol (Oxf) 2002;56:297-302.
condition d’être utilisé selon un schéma défini, le traitement [12] Couto-Silva AC, Trivin C, Adan L, Lawson-Body E, Souberbielle JC,
par la testostérone n’induit pas de progression excessive de la Brauner R. Management of boys with short stature and delayed puberty.
maturation osseuse et donc pas de réduction de la taille J Pediatr Endocrinol Metab 2005;18:569-75.
adulte. [13] La décision de traitement par la testostérone dépend [13] Richman RA, Kirsch LR. Testosterone treatment in adolescent boys
du niveau de testostérone plasmatique. Elle est à prendre en with constitutional delay in growth and development. N Engl J Med
service spécialisé. 1988;319:1563-7.

R. Brauner, Professeur des Universités, praticien hospitalier.


Université Paris-Descartes, Faculté de médecine, Service d’endocrinologie et troubles de la croissance, hôpital Bicêtre AP-HP, 78, rue du Général-Leclerc,
94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Brauner R. Puberté normale et pathologique. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 3-0721,
2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Traité de Médecine Akos 7


¶ 3-0740

Retard de croissance staturopondérale :


diagnostic et prise en charge
C. Bouvattier

Le retard statural est un motif de consultation fréquent en pédiatrie. Il est défini par une taille inférieure à
– 2 DS ou un ralentissement de la vitesse de croissance. L’analyse du retard de croissance est réalisée à
partir de la courbe staturopondérale. Sa prise en charge fait intervenir des éléments anamnestiques et
cliniques, et des explorations biologiques et radiologiques ciblées. La petite taille idiopathique est le
diagnostic le plus fréquemment retrouvé, mais reste un diagnostic d’élimination. Le bilan étiologique a
pour but d’éliminer les retards staturaux primitifs (déficit en hormone de croissance, pathologies
hypothalamohypophysaires) et secondaires (maladies générales de l’enfance, maladies osseuses
constitutionnelles, maladies digestives). Le caryotype doit être systématique chez les filles dont la taille est
inférieure à – 2 DS, à la recherche d’un syndrome de Turner. Toute cassure de la vitesse de croissance
impose la réalisation d’une imagerie cérébrale. La prise en charge thérapeutique fait appel au traitement
de la maladie causale, quand il est possible, et à l’hormone de croissance synthétique, dans le cadre de ses
indications.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Vitesse de croissance ; Craniopharyngiome ; Syndrome de Turner ;


Retard de croissance intra-utérin ; Hormone de croissance

Plan ou à – 2 déviations standards (DS) pour l’âge, et concerne par


définition 2,5 % des enfants normaux. Les tailles de 95 % des
¶ Introduction 1
enfants bien portants sont comprises entre − 2 et + 2 DS, ce qui
correspond à une taille adulte comprise entre 151 et 174 cm
¶ Diagnostic clinique 1 chez les filles et 163 à 187 cm chez les garçons. La mauvaise
Antécédents familiaux 1 perception psychologique de la petite taille dans la société
Antécédents périnataux 2 actuelle conduit de nombreux parents à consulter pour des
Courbe de croissance staturopondérale 2 retards staturaux de moindre importance. La démarche diagnos-
Données de l’anamnèse 2 tique vis-à-vis des enfants de petite taille doit être large. Elle a
Examen clinique 2 pour objectif de distinguer les retards staturaux pathologiques
¶ Investigations paracliniques 3 primitifs ou secondaires, souvent accessibles à un traitement,
Évaluation de la maturation osseuse 3 des extrêmes de la croissance normale et de détecter les mala-
Évaluation de la fonction somatotrope : épreuves de stimulation dies graves générales de l’enfance. Les courbes de référence
de la GH, dosages d’IGF1 et d’IGFBP3 3 françaises sont celles de Sempé et Pédron, qui figurent sous
Reste du bilan hormonal 4 forme simplifiée dans le carnet de santé.
Paramètres biologiques (malnutrition, malabsorption, tubulopathie) 4
Caryotype 4
Radiographies du squelette 4
¶ Étiologies des retards staturaux 4
■ Diagnostic clinique
Causes organiques non endocriniennes 4 L’interrogatoire et l’examen clinique orientent vers des
Causes endocriniennes 5 étiologies précises et conditionnent les investigations
Cause non organique 5 paracliniques.
¶ Traitement 5
¶ En pratique 6 Antécédents familiaux (Tableau 1)
La taille des parents permet de définir la taille « cible »
(Tableau 2). Des petites tailles familiales font évoquer une petite
■ Introduction taille constitutionnelle ou une pathologie génétique (déficit en
hormone de croissance [GH], hypothyroïdie, maladie osseuse
La petite taille est un motif de consultation fréquent en ...). Des pubertés tardives orientent vers un retard pubertaire
pédiatrie. Elle correspond à une taille inférieure au 3e percentile simple ou un déficit gonadotrope.

Traité de Médecine Akos 1


3-0740 ¶ Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge

Tableau 1. Tableau 4.
Orientations diagnostiques en fonction des antécédents familiaux. Orientations diagnostiques en fonction de la courbe de croissance.
Petites tailles familiales Vitesse de croissance régulière : petite taille mais sur une DS de crois-
Petite taille constitutionnelle ou familiale sance stable
Maladie osseuse constitutionnelle Petite taille idiopathique ou constitutionnelle (fréquent mais diagnostic
Déficit en GH d’origine génétique d’élimination)
Pubertés tardives familiales Dysplasies squelettiques
Retard simple de la croissance et de la puberté RCIU sans rattrapage
Antécédents d’anosmie ou impubérisme Infléchissement de la vitesse de croissance
Déficit gonadotrope Cassure : tumeur hypophysaire (craniopharyngiome)
Difficultés socioéconomiques Infléchissement progressif : déficit somatotrope, hypothyroïdie, mala-
Malnutrition dies chroniques, malabsorption, malnutrition, Turner, dysplasies sque-
lettiques, hypercorticisme iatrogène
Infléchissement de la vitesse de croissance prépubertaire : retard simple
Tableau 2. de la croissance et de la puberté
Taille cible. Retard pondéral > retard statural
Taille cible (cm) = Taille père (cm) + Taille mère (cm) + 13 (garçon) –13 Causes nutritionnelles
(fille) / 2 Retard statural et obésité
Hypercorticisme
Pseudohypoparathyroïdie
Tableau 3.
Orientations diagnostiques en fonction des antécédents périnataux. Syndrome de Willi-Prader

Retard de croissance intra-utérin (TN et/ou PN < - 2 DS)


Grossesse
Tableau 5.
- toxémie gravidique Orientations diagnostiques en fonction des signes fonctionnels.
- intoxication maternelle
Céphalées, vomissements : tumeur cérébrale
- infections (rubéole, cytomégalovirus)
Troubles digestifs : anorexie mentale, maladie cœliaque, maladie de
Dysplasies squelettiques
Crohn
Maladies métaboliques
Polyuropolydypsie : diabète insipide central ou néphrogénique, diabète
Anomalies chromosomiques
insulinodépendant
Syndromes polymalformatifs
Ictère prolongé, hypoglycémies néonatales, micropénis
Déficit somatotrope ou panhypopituitarisme Tableau 6.
Orientations diagnostiques en fonction de l’examen clinique.
Aspect dénutri : causes nutritionnelles
Antécédents périnataux (Tableau 3) Implantation basse des cheveux, hypertélorisme, épicanthus, ptosis,
cou palmé, pterygium colli, thorax en « bouclier », cubitus valgus :
Le poids, la taille et le périmètre crânien, rapportés au terme syndrome de Turner
de la grossesse, doivent être soigneusement notés. Le retard de
Anomalies des segments de membres : dysplasie squelettique
croissance intra-utérin (RCIU) ou l’hypotrophie peuvent être
secondaires à une pathologie maternelle (intoxication, taba- Obésité, érythrose faciale : Cushing
gisme...), placentaire (toxémie gravidique...). L’existence Goitre : hypothyroïdie
d’hypoglycémies néonatales, un ictère néonatal prolongé, un Saillie des bosses frontales, ensellure nasale, palais ogival : déficit soma-
micropénis, font évoquer le diagnostic d’hypopituitarisme totrope
congénital. L’absence de maladie générale est un élément
Colobome irien, fente palatine, micropénis : anomalie de la ligne mé-
négatif important.
diane avec déficit somatotrope
Retard ou avance pubertaire : retard simple de la croissance et de la pu-
berté, puberté précoce soudée
Courbe de croissance staturopondérale
Syndromes dysmorphiques avec RCIU : Cornelia de Lange, Silver-
(Tableau 4) [1] Russell...
Sa réalisation est indispensable. La mesure de la taille de Obésité, retard mental, hypogonadisme : Willi-Prader, Laurence-Moon-
l’enfant doit être exprimée en DS sur une courbe de croissance, Bardet-Biedl, pseudohypoparathyroïdie
et tous les points notés dans le carnet de santé reportés. La
vitesse de croissance calculée sur 1 an permet de différencier les
retards de croissance à vitesse de croissance normale, des
ralentissements de la vitesse de croissance, et de comparer Données de l’anamnèse (Tableau 5)
l’évolution du poids et de la taille. Un enfant est de petite taille Sont précisés à l’interrogatoire : le niveau scolaire, l’exis-
si sa taille est inférieure à – 2 DS sur la courbe de croissance, tence de signes fonctionnels (troubles digestifs, polyuropoly-
inférieure à – 2 DS par rapport à sa taille cible, ou si sa vitesse dypsie, céphalées ...), les maladies chroniques éventuelles, un
de croissance est inférieure à 4 cm/an. traitement au long cours (corticothérapie...).
Toute cassure de la croissance fait craindre un déficit soma-
totrope secondaire à une tumeur hypophysaire, à confirmer
rapidement par une imagerie par résonance magnétique (IRM)
Examen clinique (Tableaux 6, 7, 8)
cérébrale. La plus fréquente est le craniopharyngiome. Quand Il évalue tout particulièrement, outre l’examen clinique
l’infléchissement de la vitesse de croissance est progressif, on général, le développement pubertaire, l’état nutritionnel. Il
évoque un déficit somatotrope, une maladie osseuse constitu- s’attache à repérer l’existence d’anomalies morphologiques
tionnelle, un syndrome de Turner chez la fille, une pseudohy- (anomalies de la ligne médiane, dysmorphie faciale, anoma-
poparathyroïdie ou une maladie chronique. lies des segments de membres, des extrémités).

2 Traité de Médecine Akos


Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge ¶ 3-0740

Tableau 7. Tableau 9.
Croissance et puberté normales. Facteurs hormonaux de la croissance postnatale.
Taille (cm) Poids (kg) Périmètre Hormone de croissance (GH)
crânien Synthétisée et sécrétée par les cellules somatotropes de l’antéhypophyse
Naissance 50 3,4 35 Chaîne polypeptidique de 191 résidus d’acides aminés
12 mois 75 10 47 Sécrétion pulsatile, essentiellement nocturne, contrôlée par deux fac-
2 ans 85 12 49 teurs hypothalamiques : le GRF ou GHRH et la somatostatine
4 ans 100 16 51 Se lie à un récepteur hépatique spécifique pour induire la synthèse
d’IGF1
De 4 ans à la puberté : + 5-6 cm/an, +2-3 kg/an
Insulin like growth factor (IGF1)
Période prépubertaire : ralentissement physiologique de la vitesse de
croissance : 4-5 cm/an Facteur essentiel de la croissance postnatale
Puberté chez la fille : âge moyen 11,5 ans Agit directement sur le cartilage de croissance
- premier signe : développement des seins Hormones thyroïdiennes (T4, T3)
- premières règles 2 ans plus tard Indispensables au développement du système nerveux central dans les
deux premières années de vie
- gain statural moyen : 24 cm
Action sur la croissance et la maturation osseuse
- taille finale moyenne : 163 cm
Stéroïdes sexuels (estradiol et testostérone)
Puberté chez le garçon : âge moyen 12,5 ans
Accélèrent la vitesse de croissance à la puberté en augmentant la sécré-
- premier signe : augmentation de volume des testicules
tion de GH et la sécrétion d’IGF1 et en ayant une action directe sur le
- gain statural moyen : 27 cm cartilage de croissance
- taille finale moyenne : 175 cm Les estrogènes soudent les cartilages de croissance
Indicateurs de fin de croissance Glucocorticoïdes (cortisol)
- vitesse de croissance < 2 cm/an Leur excès inhibe la croissance
- âge osseux > 15 ans (fille), > 16 ans (garçon)

De façon systématique, toute cassure de la croissance doit


Tableau 8. faire réaliser une imagerie cérébrale.
Stades pubertaires selon Tanner.
Trois paramètres sont appréciés : Évaluation de la maturation osseuse
P : pilosité pubienne
G : développement des organes génitaux externes chez le garçon
L’âge osseux est évalué à l’aide d’une radiographie de la main
et du poignet gauche de face, comparée aux radiographies de
S : développement des seins chez la fille
référence de l’atlas de Greulich et Pyle [2]. Il a une faible valeur
P1 : Absence de poils pubiens diagnostique et pronostique avant la puberté. L’âge osseux est
P2 : Quelques poils longs sur le pubis, à la racine de la verge ou sur les souvent proche de l’âge chronologique dans les petites tailles
grandes lèvres constitutionnelles, les maladies osseuses constitutionnelles, les
P3 : Pilosité pubienne au-dessus de la symphyse pubienne anomalies chromosomiques avec retard statural. Il est classique-
P4 : Pilosité pubienne fournie ment inférieur à l’âge chronologique dans les déficits somato-
P5 : Pilosité pubienne adulte tropes, les hypothyroïdies, les maladies chroniques, les retards
S1 : Pas de développement des seins simples de la croissance et de la puberté.
Une croissance normale nécessite avant tout un système
S2 : Nodule palpé sous le mamelon
endocrinien (Tableau 9) et un squelette normaux.
S3 : L’aréole s’élargit, le mamelon se décolle
S4 : Le sein se développe
S5 : Seins de femme adulte
Évaluation de la fonction somatotrope :
G1 : Longueur des testicules < 25 mm, verge infantile épreuves de stimulation de la GH, dosages
G2 : Augmentation du volume testiculaire > 25 × 35 mm, développe- d’IGF1 et d’IGFBP3 [3]
ment du scrotum
Ces explorations sont indiquées :
G3, G4 : Développement de la verge et de la taille des testicules • en période néonatale, devant des hypoglycémies, un ictère
G5 : Développement adulte des organes génitaux externes prolongé, un micropénis (verge < 3 cm), après évaluation de
la fonction thyroïdienne (T4L, « thyroid stimulating hormone »
[TSH]) et corticotrope (test au Synactène®) ;
• dans l’enfance lorsque la vitesse de croissance se ralentit ;
■ Investigations paracliniques • à l’adolescence, devant un retard statural et pubertaire.
Les stimuli pharmacologiques de la GH les plus utilisés sont
Au terme des investigations cliniques, on distingue schéma- l’ornithine, l’hypoglycémie insulinique associée à l’arginine, le
tiquement plusieurs situations : glucagon associé aux bêtabloquants. Le déficit en hormone de
• le retard de croissance est secondaire à une affection chroni- croissance est affirmé lorsque le pic de GH est inférieur à
que connue, traitée ou non. La démarche médicale est 5 ng/ml ou 25 µU/ml. Ces tests sont fiables pour le diagnostic
d’essayer d’améliorer la prise en charge de la maladie en des déficits francs en GH mais peu sensibles et spécifiques dans
question pour minimiser le retentissement sur la croissance ; les autres cas (réalité des déficits partiels, déficits GH fonction-
• le retard de croissance est inquiétant (taille < – 3 DS, vitesse nels dans les retards pubertaires et chez les enfants en
de croissance très ralentie, signes cliniques évocateurs). Il est surpoids...). Les limites de ces épreuves tiennent à leur caractère
l’occasion du diagnostic d’une maladie endocrinienne ou non physiologique, au choix arbitraire de la valeur-seuil à
non. Certains diagnostics doivent être recherchés, même en 10 ng/ml, à la disparité des mesures selon le radio-essai utilisé,
l’absence d’éléments cliniques évocateurs ; à leur manque de reproductibilité, et à la dépendance de la
• le retard de croissance est modéré (– 2 DS), il est un symp- réponse à l’âge, le stade pubertaire ou l’état nutritionnel. Mais
tôme. Aucune maladie organique n’est mise en évidence. Ce malgré toutes ces critiques, ces tests restent la base du diagnos-
sont les retards de croissance les plus fréquents (petites tailles tic de déficit en GH.
familiales, RCIU, retard simple de la croissance et de la Le dosage de l’« insulin-like growth factor 1 » (IGF1) permet
puberté). d’améliorer la sensibilité et la spécificité du diagnostic de déficit

Traité de Médecine Akos 3


3-0740 ¶ Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge

en GH. Molécule synthétisée par les hépatocytes et sécrétée Tableau 11.


dans le flux sanguin en réponse à la stimulation par la GH, Morphotype classique du syndrome de Turner.
l’IGF1 est un facteur de croissance dont les cibles principales Retard statural 99%
sont les cartilages de conjugaison. Sa protéine de transport
Impubérisme 80%
principale (du foie vers les tissus), l’IGFBP3 est aussi synthétisée
sous contrôle de la GH, et peut être dosée. L’IGF1 et la BP3 doi- RCIU 60%
vent être interprétées en fonction de l’âge de l’enfant et de son Ptosis, épicanthus, hypertélorisme
état nutritionnel. Oreilles basses implantées
Implantation basse des cheveux
Reste du bilan hormonal Cou court, pterygium colli
Thorax large, mamelons écartés
T4L, TSH, cortisol 8 h.
Cubitus valgus
Lymphœdème des mains et des pieds à la naissance
Paramètres biologiques (malnutrition, 4es métacarpiens courts
malabsorption, tubulopathie) Nævus pigmentés
Numération formule sanguine (NFS), réticulocytes, vitesse de Otites fréquentes avec surdité mixte
sédimentation (VS), protéine C réactive (CRP), orosomucoïde, Coarctation de l’aorte
ionogramme sanguin, calcémie, phosphorémie, phosphatases Reins en « fer à cheval »
alcalines, ferritine, anticorps de la maladie cœliaque.

Maladies chroniques non digestives


Caryotype
Toutes les maladies chroniques retentissent sur la croissance,
Il permet en particulier de faire le diagnostic du syndrome de car elles entraînent une augmentation du métabolisme de base
Turner. et souvent une anorexie. La recherche d’une maladie rénale doit
être systématique, les signes cliniques manquant souvent :
Radiographies du squelette insuffisance rénale (ionogramme sanguin), tubulopathies,
syndrome de Bartter (ionogrammes sanguin et urinaire, protéi-
Des clichés de : bassin de face, rachis lombaire face et profil, nurie, rapport calciurie/créatininurie). On retrouve parmi ces
bras et avant-bras de face et profil suffisent pour poser le causes viscérales les maladies pulmonaires chroniques (asthme,
diagnostic de dysplasie squelettique. mucoviscidose, corticothérapie générale ou inhalée), les
encéphalopathies chroniques, les cardiopathies congénitales, les
anémies hémolytiques congénitales, les maladies métaboliques
■ Étiologies des retards staturaux héréditaires...

Causes constitutionnelles génétiques


Causes organiques non endocriniennes Maladies osseuses (achondroplasie, hypochondroplasie,
Maladies digestives, malnutrition (Tableau 10) [4] dysplasie spondyloépiphysaire, pycnodysostose...) [5]
Elles sont suspectées lorsqu’il existe des anomalies de propor-
La maladie cœliaque peut être asymptomatique dans tion des segments osseux, des antécédents familiaux de très
l’enfance et retentit sur la croissance staturopondérale. Une petites tailles, un retard statural (achondroplasie, pycnodysos-
anémie par carence martiale fait suspecter une malabsorption. tose), mais sont parfois cliniquement peu évidentes (hypochon-
La présence d’anticorps antigliadine, réticuline, endomysium, droplasie, dyschondrostéose). Leur diagnostic repose sur des
recherchée systématiquement, pose le diagnostic, qui est radiographies de squelette. L’achondroplasie et l’hypochondro-
confirmé par des biopsies du grêle. Son traitement repose sur la plasie sont en rapport avec des mutations du récepteur du
prescription d’un régime sans gluten. Une maladie de Crohn est facteur de croissance fibroblastique FGFR3.
évoquée devant un syndrome inflammatoire associé ou non à
des troubles digestifs parfois très modérés. Maladies syndromiques de l’enfant
L’anorexie et les carences d’apports retentissent sur la Le retard statural est très fréquent dans ce vaste groupe de
croissance. La courbe staturale met en évidence un déficit maladies associant souvent un retard mental et un syndrome
pondéral en général plus important que le retard statural. Les polymalformatif (syndrome de Noonan, Smith-Lemli-Opitz,
tests de stimulation de la GH sont inutiles quand l’origine Silver-Russell, Prader-Willi...).
nutritionnelle ou digestive est évidente : les concentrations Un caryotype haute résolution doit être réalisé facilement.
d’IGF1 et d’IGFBP3 sont basses.
Syndrome de Turner (Tableau 11) [6]
Sa fréquence est de 1/2 500 naissances féminines. Le phéno-
Tableau 10.
type clinique est rarement complet. Un RCIU est présent une fois
Causes nutritionnelles des retards de croissance.
sur deux. La vitesse de croissance peut être normale jusqu’à
Carence d’apport 2-3 ans, puis se ralentit. La taille finale sans traitement se situe
Malnutrition entre 142 et 147 cm selon les pays. L’impubérisme est secondaire
Anorexie mentale à la dysgénésie gonadique (80 %). En période néonatale et à l’âge
habituel de la puberté, les gonadotrophines sont élevées. Le
Anorexie des maladies chroniques
syndrome de Turner peut comprendre une cardiopathie (coarcta-
Maladie cœliaque
tion aortique, sténose de l’artère pulmonaire), souvent repérée en
Anticorps antigliadine, antiréticuline, antiendomysium positifs. Leur période néonatale. Les otites sont fréquentes et en partie respon-
négativité élimine le diagnostic sables d’une surdité. Le développement psychomoteur est normal
Atrophie villositaire à la biopsie du grêle sauf dans les cas de petits chromosomes X en anneau où le retard
Maladie de Crohn mental est fréquent. Le diagnostic est confirmé par un caryotype :
Vitesse de sédimentation, protéine C réactive, orosomucoïde élevés le plus souvent une monosomie X (50 %), mais les mosaïques
Coloscopie et biopsies (15 %), les anomalies de structure de l’X (30 %), et la présence
Mucoviscidose
de matériel Y (5 %) ne sont pas rares.
Toute taille inférieure à – 2 DS chez une fille, quel que soit
Test de la sueur
son âge, doit faire réaliser un caryotype.

4 Traité de Médecine Akos


Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge ¶ 3-0740

Tableau 12. en GH devrait être réservé aux enfants porteurs d’anomalies du


Causes de déficit en GH ou de résistance à la GH. gène de la GH et aux hypopituitarismes congénitaux et acquis.
Malformative En période néonatale, un ictère prolongé, des hypoglycémies
mettant en jeu le pronostic neurologique (secondaires au déficit
Avec anomalies de la ligne médiane : fente palatine, incisive centrale
en GH parfois associé à un déficit corticotrope), un micropénis
unique
font rechercher un déficit antéhypophysaire congénital. L’inflé-
Avec anomalies cérébrales : holoprosencéphalie , agénésie septale, dys-
chissement de la vitesse de croissance n’est souvent visible que
plasie septo-optique, hydrocéphalie, kyste arachnoïdien ...
vers 18 mois. L’IRM met souvent en évidence une interruption
Génétiques de la tige pituitaire, une hypoplasie hypophysaire, et une
Déficits isolés en GH : délétions ou mutations du gène de la GH posthypophyse ectopique.
Déficits hypophysaires multiples dus à des mutations de facteurs de Dans l’enfance, le retard statural se constitue plus ou moins
transcription impliqués dans la morphogenèse hypophysaire (anomalie rapidement.
du gène pit1, Prop1, Hesx3...) Le diagnostic repose sur l’évaluation des taux plasmatiques :
Résistance à la GHRH • de GH. Les taux de base n’ont pas de valeur. Le diagnostic
Résistance à la GH: syndrome de Laron (mutation du récepteur de la repose sur les explorations dynamiques décrites plus haut. Il
GH) est confirmé par un pic de GH inférieur à 10 ng/ml ou
Maladies hypothalamiques ou hypophysaires acquises 25 µg/ml lors des tests de stimulation. Un pic de
Tumeurs hypothalamohypophysaires : craniopharyngiome, dysgermi- GH > 10 ng/ml infirme le diagnostic ;
nome, adénome • d’IGF1 et l’IGFBP3, qui sont bas.
Tumeurs cérébrales à distance de la région hypothalamohypophysaire : Les autres fonctions hypophysaires sont évaluées systémati-
gliome, astrocytome, médulloblastome ... quement (T4L, TSH, cortisol, prolactine, « follicle stimulating
Déficits secondaires au traitement de maladies malignes extracrâniennes hormone » [FSH] et « luteinizing hormone » [LH] en période
(irradiation crânienne) : leucémie, lymphomes... néonatale ou si l’enfant est pubère). Les causes de déficit
somatotrope sont nombreuses (plus de 50 !). Les principales
Histiocytose, sarcoïdose, hypophysite lymphocytaire
sont résumées dans le Tableau 8.
Idiopathique
L’hypopituitarisme acquis se manifeste par un ralentissement
Déficits « fonctionnels » transitoires péripubertaires. L’administration de la vitesse de croissance et des signes associés (diabète
de stéroïdes sexuels à faible dose permet parfois de normaliser la réponse insipide, céphalées, troubles visuels). Il impose la réalisation en
de la GH aux test pharmacologiques. Attitude thérapeutique à discuter.
urgence d’une IRM. Le craniopharyngiome est la tumeur la plus
fréquemment retrouvée dans l’enfance.

Causes endocriniennes Retard de croissance intra-utérin [8]


Hypothyroïdie Il se définit par une taille de naissance < - 2 DS pour l’âge
gestationnel (courbes de Usher et McLean). Dans près de 80 %
Congénitale ou acquise, non traitée, elle entraîne un retard des cas, la taille se normalise dans les 2 ans qui suivent la
de la croissance et de la maturation osseuse. Les hypothyroïdies naissance. Au-delà de 3 ans, les chances de rattrapage sont
congénitales sont dépistées depuis 1978 par le dosage de TSH inexistantes et l’enfant restera petit. La puberté débute à un âge
sur buvard à 3 jours de vie. Elles demeurent donc exceptionnel- normal. Cette entité très hétérogène regroupe des enfants
les dans l’enfance, chez les enfants non dépistés. Dans les porteurs d’anomalie chromosomique, de syndrome malformatif,
hypothyroïdies périphériques (thyroïdite de Hashimoto), la ou ayant souffert in utero d’une pathologie maternelle ou
recherche d’un goitre complète l’examen clinique. L’hypothy- fœtale.
roïdie est asymptomatique en dehors de la croissance. Les
anticorps antithyroïdiens, antithyroglobuline et antiperoxydase
sont positifs. Le dosage de T4 libre permet le diagnostic
Retard simple de la croissance et de la puberté
d’hypothyroïdie, la TSH est élevée dans les hypothyroïdies C’est une cause fréquente de retard de croissance, surtout
périphériques, normale ou basse dans les hypothyroïdies chez le garçon, mais aussi un diagnostic d’élimination. La
d’origine centrale, en général associées à des déficits hypophy- courbe de croissance est en général normale jusqu’à 8-10 ans
saires multiples. puis elle s’infléchit pour atteindre – 2 à – 3 DS. La puberté est
retardée (> 13 ans chez la fille, > 14 ans chez le garçon). L’âge
Hypercorticismes endogènes ou iatrogènes osseux est en général très inférieur à l’âge statural. Des antécé-
Le syndrome de Cushing est exceptionnel chez l’enfant. Il dents familiaux sont fréquemment retrouvés à l’interrogatoire.
doit être évoqué devant toute prise de poids chez un enfant Ce diagnostic n’est retenu qu’après élimination des causes
dont la vitesse de croissance staturale s’infléchit. S’y associe un organiques de retard de croissance. Cette situation, souvent mal
hirsutisme, une amyotrophie, une acné. Le diagnostic est vécue sur le plan psychologique, nécessite parfois, outre une
souvent tardif. Le cortisol libre urinaire est élevé, s’accompagne surveillance régulière, l’administration de petites doses de
d’une disparition du cycle circadien du cortisol sanguin et de stéroïdes sexuels.
l’absence de freinage du cortisol par le Dectancyl®. L’hypercor-
ticisme est d’origine centrale (adénome hypophysaire à adreno-
corticotrophic hormone [ACTH]) ou périphérique (tumeur de la Cause non organique
surrénale).
Les hypercorticismes iatrogènes sont les plus fréquents chez La petite taille « constitutionnelle » concerne par définition
l’enfant. Le retard de croissance apparaît pour de faibles doses 2,5 % des enfants normaux. L’examen clinique est normal. La
de corticothérapie orale. La récupération dépend de la posologie vitesse de croissance est souvent normale pour l’âge et le niveau
et de la durée du traitement. de taille est concordant avec les tailles parentales. La normalité
du dosage d’IGF1 et quelques clichés de squelette écartent toute
Hypopituitarismes (Tableau 12) [7] arrière-pensée de pathologie organique.
Le déficit en GH se manifeste différemment selon l’âge de
l’enfant, l’étiologie du déficit (congénital ou acquis), son
intensité et son association à d’autres déficits hypophysaires. ■ Traitement
Bien que rarement en cause devant un retard statural sévère
(moins de 10 % des cas, fréquence estimée entre 1/30 000 à Il dépend de l’étiologie de la petite taille. La GH biosynthé-
1/40 000 enfants), ce diagnostic doit être reconnu en raison des tique est proposée aujourd’hui dans le déficit en GH, le syn-
conséquences thérapeutiques qu’il implique. Le terme de déficit drome de Turner, le RCIU et l’insuffisance rénale chronique.

Traité de Médecine Akos 5


3-0740 ¶ Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge

■ En pratique [2] Greulich WW, Pyle SI. Radiographic atlas of skeletal development
of the hand and the wrist. Stanford: Stanford University Press;
Tout retard de croissance supérieur à – 2 DS doit être pris en 1959.
charge de même que tout ralentissement de la vitesse de [3] Badaru A, Wilson DM. Alternatives to growth hormone stimulation
croissance. testing in children. Trends Endocrinol Metab 2004;15:252-8.
Tout pronostic statural doit être livré aux parents et à l’enfant [4] Hill ID, Dirks MH, Liptak GS, Colletti RB, Fasano A, Guandalini S,
avec beaucoup de réserve. Le pronostic de taille adulte devrait et al. Guideline for the diagnosis and treatment of celiac disease in
intégrer la taille de l’enfant, sa taille de naissance et les tailles children: recommendations of the NorthAmerican Society for Pediatric
parentales, le degré de maturation osseuse de son squelette. La Gastroenterology, Hepatology and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol
méthode la plus utilisée est celle de Bayley et Pinneau, qui Nutr 2005;40:1-9.
permet un calcul de taille prédictif et utilise l’âge osseux [9]. Ces [5] Megarbane A, Maroteaux P, Caillaud C, Le Merrer M.
tables de calcul ne sont pondérées ni par la taille de naissance Spondyloepimetaphyseal dysplasia of Maroteaux (pseudo-Morquio
ni pour les tailles parentales. Elles restent très utilisées en raison type II syndrome): report of a new patient and review of the literature.
de leur simplicité, bien qu’elles aient été établies il y a plus de Am J Med Genet 2004;125:61-6.
30 ans. Il faut garder à l’esprit que toute prédiction de taille [6] Ranke MB, Saenger P. Turner’s syndrome. Lancet 2001;358:309-14.
peut être remise en question par un événement majeur dans la [7] Reynaud R, Barlier A, Chadli-Chaieb M, Saveanu A, Simonin G,
croissance d’un enfant : l’âge auquel il débute sa puberté, et se Enjalbert A, et al. Congenital hypopituitarism: when should tran-
garder de donner de faux espoirs ou des chiffres précis, en scription factor gene screenings be performed? Presse Med 2004;33:
particulier avant le début pubertaire. 400-5.
.
[8] Johnston LB, Savage MO. Should recombinant human growth
hormone therapy be used in short small for gestational age children?
■ Références [9]
Arch Dis Child 2004;89:740-4.
Bayley N, Pinneau SR. Tables for predicting adult height from skeletal
[1] Sempé M, Pedron G, Roy-Pernot MP. Auxiologie, méthode et séquen- age: revised for use of Greulich-Pyle hand standards. J Pediatr
ces. Paris: Laboratoires Théraplix; 1979. 1952;40:432-41.

C. Bouvattier (c.bouvattier@svp.aphp.fr).
Service d’endocrinologie pédiatrique, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bouvattier C. Retard de croissance staturopondérale : diagnostic et prise en charge. EMC (Elsevier SAS,
Paris), Traité de Médecine Akos, 3-0740, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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6 Traité de Médecine Akos


¶ 3-0640

Syndrome des ovaires


polymicrokystiques
B. Néraud, S. Jonard-Catteau, D. Dewailly

Le syndrome des ovaires polymicrokystiques est la cause la plus fréquente de dysovulation et/ou
d’hyperandrogénie et s’accompagne souvent d’un surpoids. Son diagnostic fait appel à l’échographie
ovarienne, qui montre l’accumulation de follicules de petite taille, et aux dosages sanguins qui montrent
un excès d’androgènes. On traite les manifestations gênantes de l’hyperandrogénie (hirsutisme, acné,
alopécie) par des médicaments à action antiandrogénique. Les cycles sont régularisés par une association
œstroprogestative. L’anovulation est le plus souvent réversible sous citrate de clomifène, sinon, on utilise
les gonadotrophines injectables en veillant à éviter les hyperstimulations. La prise en charge du syndrome
métabolique est fondamentale pour diminuer le risque de survenue d’un diabète de type 2 ; elle permet
aussi d’améliorer nettement la fonction ovulatoire.
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Mots clés : Ovaires polykystiques ; Hyperandrogénie ; Hirsutisme ; Syndrome métabolique ;


Insulinorésistance ; Oligoanovulation ; Infertilité

Plan l’association de deux ou trois des critères suivants : l’oligoano-


vulation chronique, l’hyperandrogénie et un aspect d’ovaires
polykystiques à l’échographie [2].
¶ Introduction 1
Par ailleurs, le SOPMK est volontiers associé à une surcharge
¶ Physiopathologie 1 pondérale et nécessite l’évaluation des facteurs de risque
Hyperandrogénie 1 métaboliques chez les patientes concernées.
Anomalies de la folliculogenèse 2 Le diagnostic de SOPMK est un diagnostic d’élimination : il
Insulinorésistance 2 est en effet nécessaire d’écarter préalablement la présence d’une
¶ Démarche diagnostique 2 autre cause d’hyperandrogénie, en particulier d’une hyperplasie
Signes cliniques 2 congénitale des surrénales par bloc enzymatique en
Signes échographiques 3 21-hydroxylase ou d’une tumeur sécrétant des androgènes.
Signes biologiques 4
¶ Prise en charge thérapeutique 4
Troubles de l’ovulation 4 ■ Physiopathologie
Hyperandrogénie 5
Prise en charge diététique et lutte contre l’insulinorésistance 6 En dépit des très nombreux travaux menés afin de déterminer
¶ Conclusion 6 la cause du SOPMK, sa physiopathologie reste encore mal
comprise. Cependant, actuellement, les preuves s’accumulent
pour suggérer que les anomalies centrales du SOPMK seraient
primitivement ovariennes.
L’hyperandrogénie apparaît de plus en plus comme le
■ Introduction « cœur » du SOPMK, dont le premier impact serait l’altération
de la folliculogenèse. L’hyperinsulinisme n’agirait pas comme
Le syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPMK) est la un facteur causal mais plutôt comme un élément surajouté, ni
cause la plus fréquente d’anovulation, d’infécondité et d’hyper- nécessaire ni suffisant pour la constitution d’un SOPMK mais
androgénie chez la femme : en effet, il affecte 5 à 20 % des représentant l’amplificateur phénotypique le plus commun.
femmes de 15 à 35 ans. Il s’agit d’un des désordres endocriniens La physiopathologie comporte trois composantes : l’hyperan-
les plus courants [1]. drogénie, les anomalies de la folliculogenèse et l’insulinorésis-
tance du SOPMK.
La définition du SOPMK a beaucoup évolué au cours du
temps. Il fut initialement décrit par Stein-Leventhal en 1932,
comme l’association d’une aménorrhée, d’un hirsutisme et Hyperandrogénie
d’une infécondité avec un aspect macroscopique (en laparoto-
mie exploratrice) de deux gros ovaires blanc nacré dits polymi- Le phénomène primitivement responsable de l’altération de
crokystiques. Plus récemment, il fut défini lors d’une conférence la fonction ovulatoire au cours du SOPMK semble être un excès
de consensus qui s’est tenue à Rotterdam en 2003 comme de synthèse d’androgènes au niveau de l’ovaire [3] . Cette

Traité de Médecine Akos 1


3-0640 ¶ Syndrome des ovaires polymicrokystiques

synthèse a lieu au sein des cellules thécales et se fait sous « Follicular arrest »
l’influence de facteurs extra-, mais surtout intraovariens.
La classique augmentation de l’hormone lutéinisante (LH) La deuxième anomalie de la folliculogenèse dans le SOPMK
sérique n’apparaît plus comme un phénomène central dans la est le défaut de sélection d’un follicule dominant. L’inhibition
physiopathologie du SOPMK. En effet, bien que fréquente, de la progression de la classe 5 vers le follicule dominant
celle-ci est inconstamment retrouvée. Lorsqu’elle est présente, conduit à la stagnation et à l’accumulation des follicules
elle résulte à la fois de l’accélération de la fréquence des pulses sélectionnables, créant ainsi l’aspect d’ovaires multifolliculaires
de LH et de l’amplitude de ces pulses [4]. Elle est de moins en à l’échographie. Ce phénomène nommé « follicular arrest »
moins considérée comme un phénomène primitif. Elle semble résulte vraisemblablement du défaut d’action de la « follicle
témoigner de l’action au niveau hypothalamohypophysaire des stimulating hormone » (FSH) sur la cohorte folliculaire et/ou
androgènes en excès, déséquilibre qui interviendrait dès la vie d’une action prématurée de la LH.
fœtale. Il n’existe pas à proprement parler un déficit de la FSH mais
L’hyperandrogénie est également amplifiée par l’hyperinsuli- plutôt une résistance à son action, due à des inhibiteurs locaux,
nisme qui augmente la fraction libre (c’est-à-dire active) des qui pourraient être l’« insulin-growth-factor-binding protein 4 »
(IGFBP-4) ou l’hormone antimullérienne (AMH). L’IGFPB-
androgènes circulants en diminuant les taux de leur protéine de
4 serait un bon candidat car il vient d’être montré que son
transport (la « sex hormone binding globulin » ou SHBG). L’hyper-
expression dépend de celle du récepteur de la LH [17], dont
insulinisme accroît de plus les effets de la LH sur la synthèse
certains pensent qu’elle est prématurée dans les cellules de la
stéroïdienne au sein des cellules thécales [5].
granulosa des follicules d’OPMK. Toutefois, pour l’instant, il n’y
La culture de cellules provenant d’OPMK, prolongée suffi-
a pas d’argument convaincant pour retenir l’hypothèse d’un
samment longtemps pour éliminer la responsabilité d’influences
rôle central de l’IGFPB-4 dans le « follicular arrest » [18]. Par
in vivo, telles que l’augmentation des taux de LH et/ou d’insu- ailleurs, l’augmentation des taux d’AMH chez les patientes avec
line, met en évidence l’augmentation de production de déhy- SOPMK est en étroite relation avec l’excès de follicules détectés
droépiandrostérone, de progestérone, de 17-alpha-hydroxy- à l’échographie [19]. L’AMH pourrait ainsi être responsable d’un
progestérone et d’androstènedione [6]. effet auto-inhibiteur de la cohorte folliculaire sur elle-même, en
Les expériences de transfection indiquent que le promoteur particulier via son effet inhibiteur sur l’aromatase.
de CYP17 est plus actif dans les cellules thécales d’OPMK que
dans les cellules normales, tandis que le promoteur StAR n’est
pas régulé de façon différente [7, 8]. Ces travaux suggèrent que Insulinorésistance
la transcription des gènes codant pour des hormones stéroïdo-
géniques spécifiques est naturellement « up-régulée » dans les Le syndrome métabolique rencontré dans le SOPMK ne paraît
cellules thécales d’OPMK, mais toutes les étapes enzymatiques pas s’individualiser du syndrome métabolique « standard ».
ne sont pas concernées. Cependant, du fait du jeune âge où le SOPMK est bien souvent
Dès lors, et bien que l’observation des familles des patientes mis en évidence, le syndrome métabolique est diagnostiqué
présentant un SOPMK fasse fortement suspecter une origine bien avant la survenue de ses habituelles complications,
génétique à l’hyperandrogénie, avec une transmission de type notamment le diabète de type 2 dont la prévalence est accrue
« autosomique dominant », il est peu probable qu’elle soit due de façon significative. Le SOPMK se présente alors comme le
à l’anomalie d’un seul gène codant pour une enzyme stéroïdo- premier révélateur clinique de l’insulinorésistance. On insiste de
génique bien précise [9]. Des études sont actuellement en cours plus en plus sur l’importance de l’excès de graisse viscérale, que
en vue d’identifier d’éventuels gènes conduisant à l’hyperan- l’on dépiste facilement en pratiquant la mesure du tour de
drogénie dans l’OPMK [10]. taille [20].

Anomalies de la folliculogenèse
■ Démarche diagnostique
Deux phénomènes essentiels constituent les troubles du
développement folliculaire : l’excès de croissance folliculaire Les motifs de consultation qui conduisent au diagnostic de
précoce et le « follicular arrest » [11]. SOPMK sont le plus souvent un souhait de grossesse, des
troubles des règles ou un hirsutisme.
La présentation clinique du SOPMK est très polymorphe,
Excès de croissance folliculaire précoce offrant toute une gamme de variantes allant du tableau typique,
associant un hirsutisme, une oligospanioménorrhée et une
L’analyse histomorphométrique des ovaires polykystiques a
surcharge pondérale, à l’absence totale de signe clinique.
permis de montrer que les follicules sont présents à tous les
stades de croissance en nombre deux à trois fois plus important Depuis la conférence de consensus de Rotterdam de 2003, le
SOPMK est défini par l’association d’au moins deux critères
sur ces ovaires que sur des ovaires normaux [12, 13], seul le pool
parmi les trois suivants :
des follicules primordiaux étant normal.
• oligo- et/ou anovulation ;
Cette multifollicularité prédominant sur les petits follicules se
• hyperandrogénie (clinique et/ou biologique) ;
présente comme la caractéristique spécifique des OPMK, qui les
• ovaires polykystiques à l’échographie,
distingue des autres causes d’ovaires multifolliculaires, comme
après exclusion des autres étiologies [2].
l’anovulation hypothalamique ou l’hyperprolactinémie.
La multifollicularité est très probablement liée à l’effet
trophique des androgènes favorisant la croissance des petits Signes cliniques
follicules. En effet, on a établi une corrélation positive entre le
nombre de ces follicules et les taux d’androgènes circulants [14], Troubles des cycles
aussi bien dans le SOPMK que dans d’autres situations d’hyper-
androgénie (hyperplasie congénitale des surrénales, tumeurs L’oligospanioménorrhée se définit par des cycles de plus de
virilisantes, apports exogènes d’androgènes) [15, 16]. De plus, les 45 jours ou par la survenue de moins de 8 cycles par an. C’est
études expérimentales menées chez des singes Rhésus femelles la présentation la plus classique des troubles des règles dans le
recevant de fortes de doses de testostérone ou de dihydrotestos- SOPMK. On peut toutefois aussi observer une aménorrhée, des
térone, suggèrent que les androgènes favorisent la croissance des cycles modérément allongés (35 à 45 jours) ou encore des cycles
petits follicules dans les ovaires de primate. normaux.

2 Traité de Médecine Akos


Syndrome des ovaires polymicrokystiques ¶ 3-0640

1 Quelques poils sur le bord externe


Lèvre 2 Une petite moustache sur le bord externe
supérieure 3 Une moustache s'étendant sur la moitié externe
4 moustache complète
1 Quelques poils disséminés
1 2 3 4
Menton 2 Poils disséminés avec des zones de concentration 1 2 3 4
3/4 Barbe légère ou importante
1 Quelques poils périaréolaires
Poitrine 2 Avec quelques poils médians en plus
3 Les trois quarts de la surface sont recouverts
4 Pilosité recouvrant toute la poitrine
1 2 3 4 Partie 1 Quelques poils disséminés 1 2 3 4
supérieure 2 Un peu plus mais encore disséminés
du dos 3/4 Recouvrant complètement la moitié supérieure
du dos, toison légère ou épaisse
1 Touffe de poils sacrés
Moitié
2 La même extension latérale
inférieure
3 Les trois quarts de la surface sont recouverts
1 2 3 4 du dos
4 Pilosité diffuse sur toute la surface 1 2 3 4
Moitié 1 Quelques poils médians
supérieure 2 Plus fournis et toujours médians
de l'abdomen 3/4 Partie supérieure complètement recouverte
Moitié 1 Quelques poils médians
inférieure 2 Une raie médiane de poils (traînée)
1 2 3 4 de 3 Une bande médiane de poils
l'abdomen 4 Pilosité en losange 1 2 3 4

Bras 1 Pilosité clairsemée ne touchant pas plus du quart


cuisses de la surface du segment de membre
Jambes 2 Un peu clairsemée : la couverture reste incomplète
3/4 Couverture complète légère ou dense
1 Couverture complète de la postérieure
1 2 3 4 Avant-bras 2 Pilosité légère 1 2 3 4
3/4 Pilosité dense

Figure 1. Score de Ferriman et Gallway.

Ces troubles peuvent survenir d’emblée dès les premiers Syndrome métabolique
cycles ou bien s’installer par la suite. Dans ce dernier cas, on
retrouve très souvent la notion d’une prise de poids importante, Le consensus de Rotterdam a retenu la définition de 1998 de
concomitante de l’apparition du trouble des cycles. Cet élément l’American Diabetes Association [21]. Au moins trois critères
anamnestique est fondamental à rechercher par la reconstitu- parmi les cinq suivants doivent être présents pour affirmer le
tion systématique de l’historique du poids de la patiente. syndrome métabolique :
Les troubles menstruels sont le reflet du défaut d’ovulation • tour de taille > 88 cm chez la femme ;
dans le SOPMK. • triglycérides ≥ 1,50 g/l ;
L’oligoanovulation peut être responsable d’une infertilité et le • HDL-cholestérol < 0,50 g/l chez la femme ;
diagnostic de SOPMK sera alors évoqué à l’occasion d’une • pression artérielle ≥ 130/≥ 85 mmHg ;
consultation pour souhait de grossesse. • intolérance aux hydrates de carbone avec une glycémie
comprise entre 1,00 et 1,26 g/l à jeun ou bien comprise entre
Hyperandrogénie 1,40 et 1,99 g/l 2 heures après une hyperglycémie provoquée
par voie orale (75 g de glucose).
Elle peut associer les éléments cliniques suivants : Sur le plan clinique, on peut retrouver un acanthosis nigri-
• un hirsutisme, qui se définit comme la présence d’une cans, témoin cutané de l’hyperinsulinisme sévère. Il s’agit de
pilosité dans des zones normalement réservées à l’homme. Il zones hyperkératosiques rugueuses et hyperpigmentées qui
résulte de l’action directe des androgènes sur le follicule siègent de façon élective au niveau des aisselles, des sillons sous-
pileux et doit être distingué de l’hypertrichose qui correspond mammaires et des plis inguinaux.
à une augmentation anormale de la pilosité dans les zones
physiologiques chez la femme. La sévérité de l’hirsutisme est
évaluée grâce au score de Ferriman et Gallway (≥ 6) (Fig. 1) ; Signes échographiques
• une acné, liée au caractère androgénodépendant des glandes
sébacées. Sa persistance au-delà de l’adolescence est un bon L’échographie transvaginale est actuellement l’examen
signe d’hyperandrogénie ; morphologique de choix pour le diagnostic du SOPMK. En effet,
• une hyperséborrhée, siégeant principalement au niveau du elle est préférée à l’échographie sus-pubienne pour sa plus
cuir chevelu ; grande résolution (sondes à haute fréquence) qui permet une
• une alopécie androgénique féminine intéressant le vertex vue plus précise de la nature interne des ovaires, surtout chez
avec persistance de la ligne bordante frontale ; les patientes obèses. Elle est aussi plus rapide, voire plus
• rarement, des signes de virilisme : hypertrophie clitoridienne, confortable car ne se pratique pas vessie pleine.
hypertrophie musculaire, raucité de la voix. Ces signes L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’est pas utilisée
doivent faire évoquer une hyperandrogénie tumorale, parfois en routine en raison de son coût élevé, de ses difficultés
associée à un SOPMK. d’accessibilité et de l’impossibilité d’étudier correctement les

Traité de Médecine Akos 3


3-0640 ¶ Syndrome des ovaires polymicrokystiques

Seuls quelques dosages sanguins sont nécessaires dans la


démarche diagnostique du SOPMK. L’algorithme décisionnel
(Fig. 3) propose des seuils d’alerte devant faire évoquer des
causes d’hyperandrogénie nécessitant une prise en charge
spécifique. Le bilan biologique a trois objectifs essentiels.

Éliminer les autres causes d’hyperandrogénie


En effet, le diagnostic de SOPMK ne peut être retenu que si
les autres causes d’hyperandrogénie ont pu être écartées (il s’agit
essentiellement des tumeurs androgénosécrétantes nécessitant
une prise en charge oncologique et des blocs enzymatiques
surrénaliens congénitaux). Dans ce but, on dose :
• les androgènes : la testostérone et la D-4-androstènedione
Figure 2. Aspect échographique d’ovaires polykystiques. sont volontiers élevées. En théorie, il faut utiliser le dosage de
la testostérone libre mais il est encore peu répandu. En
pratique, on dose la testostérone totale plutôt que la D-4-
androstènedione [2]. Le dosage du sulfate de déhydroépian-
ovaires dans les trois plans de l’espace. On la réserve aux
drostérone (SDHEA) recherche un corticosurrénalome,
suspicions de tumeur ovarienne associée. L’échographie tridi-
cependant, cette pathologie est très rare et il existe d’autres
mensionnelle est encore peu développée.
marqueurs qui lui sont plus spécifiques ;
L’échographie doit être pratiquée en début de cycle (de j1 à j5).
• la 17-hydroxyprogestérone : son élévation doit faire recher-
cher un déficit en 21-hydroxylase par la pratique d’un test au
Dimensions, surface et volume Synacthène®.
Il convient de mesurer le diamètre maximum des ovaires
dans les trois plans : longitudinal, antéropostérieur et Éliminer les autres causes de troubles des règles
transversal.
Le calcul de surface ou de volume reste une estimation. On Le bilan doit explorer :
dispose de trois méthodes pour les évaluer : le calcul manuel • les gonadotrophines : la LH est classiquement augmentée
selon la formule de l’ellipse (p/4×L×l) ou bien le calcul par la mais en réalité souvent normale, la FSH est normale en phase
machine après avoir délimité les contours de l’ovaire soit point folliculaire précoce ;
par point, soit par ajustement d’une ellipse. • la prolactine, qui est augmentée dans de rares cas de SOPMK.

Follicules Dépistage du syndrome métabolique


Chaque ovaire doit être balayé en section longitudinale d’une Il est également pratiqué à cette occasion, adapté au profil
extrémité à l’autre pour compter le nombre total de follicules. clinique de la patiente. Le bilan biologique doit comporter :
Leur diamètre doit être mesuré par la moyenne des deux axes • glycémie à jeun et 2 heures après un repas ;
perpendiculaires. • chez les patientes obèses (indice de masse corporelle ≥ 30 kg/
L’étude du stroma est trop subjective et n’est pas nécessaire m2) ou avec des antécédents familiaux de diabète de type 2,
au diagnostic. on complétera ces dosages par une hyperglycémie provoquée
par voie orale avec mesure des glycémies et insulinémies à 30,
Critères diagnostiques 60, 90 et 120 minutes après l’absorption de 75 g de glucose ;
• bilan lipidique comprenant la mesure du HDL-, du LDL-
Les éléments suivants ont été retenus lors de la conférence de cholestérol et des triglycérides.
consensus de Rotterdam [22] : dans le SOPMK, on doit retrouver
au moins un item parmi les deux suivants :
• nombre de follicules de 2 à 9 mm supérieur à 12 par ovaire ;
• au moins un volume ovarien > 10 ml (Fig. 2). ■ Prise en charge thérapeutique
Limites
Troubles de l’ovulation
Si on trouve un follicule dominant (supérieur à 10 mm) ou
un corps jaune, il faut refaire l’examen au cycle suivant. La prise en charge thérapeutique des troubles de l’ovulation
La définition n’est pas applicable sous contraception œstro- doit être adaptée à la demande de la patiente.
progestative car les ovaires sont plus petits même si l’apparence
multifolliculaire peut persister.
S’il n’y a pas de souhait de grossesse
En l’absence de désir de grossesse et s’il n’y a pas d’hyperan-
Signes biologiques drogénie (cf. infra), on va mettre en place un traitement dont
Les dosages hormonaux sanguins doivent être pratiqués en l’objectif est de régulariser les cycles et de protéger l’endomètre.
début de cycle, c’est-à-dire idéalement entre le 2e et le 5e jour Le traitement le plus simple consiste en une association
du cycle. Lorsque la patiente est en aménorrhée ou en spanio- œstroprogestative faiblement dosée dont le progestatif est peu
ménorrhée, on déclenche des règles par l’administration d’un androgénique ou à action antiandrogénique. Il faut bien sûr
traitement progestatif non antigonadotrope pendant 1 semaine proscrire les progestatifs qui ont une action androgénique
(Duphaston®). intrinsèque parce qu’ils peuvent aggraver l’hyperandrogénie
Il est important de s’assurer de l’absence de prise récente de clinique et les troubles du métabolisme glucidique et lipidique.
traitement corticoïde, même administré par voie locale, ainsi On peut également proposer l’administration séquentielle
que de l’absence de médication pouvant induire une hyperpro- d’un progestatif seul (type Duphaston®), par exemple du 16e au
lactinémie. 25e jour du cycle, s’il n’y a pas de souhait de contraception.

4 Traité de Médecine Akos


Syndrome des ovaires polymicrokystiques ¶ 3-0640

Figure 3. Arbre décisionnel dans la démarche


diagnostique du SOPMK. * Selon critères de
17-OHP (ng/ml) DHA-S (µmol/l) Rotterdam.

>5 2à5 <2 < 20 > 20

Test au
Synacthène® Tumeur surrénalienne ?
Testostérone (ng/ml)

> 12 < 12 > 1,5 Tumeur ovarienne ?

Déficit en < 1,5


21-hydroxylase

Oligoanovulation ?

Oui Non Échographie : OPK ?

Oui* Non
SOPMK

Idiopathique

En cas d’infertilité chronic low-dose ») pour minimiser les risques d’hyperstimula-


tion. Bien entendu, ce type de traitement est assorti d’une
On propose des traitements inducteurs de l’ovulation. Bien surveillance très rapprochée par l’échographie (comptage et
entendu, un bilan étiologique complet s’impose dans le cadre mesure de la taille des follicules) et la biologie (estradiol, LH),
de l’infécondité, avec notamment examen du conjoint et et l’ovulation ne pourra être déclenchée que si l’on a obtenu la
pratique d’un spermogramme afin de ne pas ignorer une cause situation optimale de un ou deux follicules dominants présents
d’origine masculine associée, qui nécessiterait le recours à des pour les deux ovaires.
techniques d’assistance à la procréation (fécondation in vitro Enfin, il est capital de rappeler que la réduction pondérale en
par exemple). On recherche également une anomalie de la cas d’obésité est fondamentale et peut parfois à elle seule
filière génitale féminine, en particulier tubaire, par la réalisation permettre d’obtenir spontanément une ovulation et une
d’une hystérosalpingographie. grossesse.
Dans un premier temps, on utilise le citrate de clomifène Certains commencent d’ailleurs à utiliser la metformine
(CC) : Clomid®, Pergotime®. Cet antiœstrogène lutte contre le (Glucophage®) dans cette indication avec des résultats intéres-
rétrocontrôle négatif des estrogènes sur la FSH. Le traitement est sants, augmentant l’efficacité du traitement inducteur de
administré les 5 premiers jours du cycle. La posologie initiale est l’ovulation et diminuant peut-être le risque de fausse couche
de 1 comprimé par jour. On contrôle la survenue d’une ovula- spontanée et de diabète gestationnel (hors autorisation de mise
tion par la surveillance ménothermique quotidienne (reportée sur le marché [AMM]).
sur un graphique par la patiente) et par le dosage de la proges- Certains proposent comme alternative le « drilling » ovarien
téronémie en deuxième partie de cycle, aux alentours du avec des résultats prometteurs sur la reprise d’une ovulation
24e jour. L’ovulation a eu lieu si la progestérone est supérieure spontanée dans un nombre important de cas. Cette technique,
à 5 ng/ml. Lors du premier cycle de traitement par CC, on pratiquée par voie cœlioscopique ou par fertiloscopie (endosco-
pratique en outre une échographie pelvienne entre le 10e et le pie pelvienne transvaginale), consiste en la réalisation d’impacts
12e jour afin de dépister une éventuelle hyperstimulation. d’électrocoagulation à la sonde unipolaire au niveau des ovaires.
En l’absence d’ovulation constatée avec 1 comprimé de CC,
la posologie est augmentée à 2 puis, si besoin, 3 comprimés par
jour lors des cycles suivants. On dépasse rarement cette posolo- Hyperandrogénie
gie et, en cas d’inefficacité, la patiente est considérée comme
résistante au CC. Concernant l’hirsutisme, les modalités de traitement dépen-
On pratique jusqu’à 6 cycles si le CC est efficace. dent de la sévérité de l’atteinte.
De 20 à 25 % des patientes sont résistantes au CC. On peut Pour les formes modérées et peu étendues, l’épilation suffit.
alors proposer une stimulation par les gonadotrophines. Leur Les antiandrogènes sont indiqués dans les formes plus
usage doit être attentivement surveillé en raison du fort risque sévères. L’acétate de cyprotérone (Androcur®) est un progestatif
d’hyperstimulation ovarienne et de grossesse multiple à cause qui peut être administré 20 jours sur 28 ou 30 à la posologie de
de la multifollicularité. En général, on utilise de la FSH recom- 50 mg par jour, en association avec un œstrogène par voie orale
binante ou urinaire ou de l’hMG (« human menopausal gonado- ou transdermique. Plus rarement, on peut prescrire la spirono-
tropin »). Il existe des protocoles visant à augmenter très lactone (hors AMM), antagoniste minéralocorticoïde et des
progressivement et prudemment les doses (stratégie du « step-up récepteurs aux androgènes, en association à une contraception

Traité de Médecine Akos 5


3-0640 ¶ Syndrome des ovaires polymicrokystiques

“ Points forts
• Le SOPMK est la cause la plus fréquente d’hyperandrogénie et d’infécondité chez la femme, il affecte 5 à 20 % des femmes de 15
à 35 ans.
• La conférence de consensus de Rotterdam de 2003 a défini le SOPMK comme l’association de 2 ou 3 des critères suivants :
oligoanovulation chronique, hyperandrogénie et aspect d’ovaires polykystiques à l’échographie.
• Les anomalies de la folliculogenèse dans le SOPMK sont représentées par un excès de croissance folliculaire prédominant sur les
petits follicules et par un défaut de sélection d’un follicule dominant au sein de la cohorte folliculaire.
• L’oligospanioménorrhée est le trouble des règles le plus classique dans le SOPMK. On peut cependant trouver une aménorrhée ou
bien des cycles modérément allongés, voire normaux.
• L’hyperandrogénie se manifeste le plus souvent par un hirsutisme (score de Ferriman et Gallway ≥ 6), une acné, une
hyperséborrhée et une alopécie androgénique.
• Le syndrome métabolique doit être recherché systématiquement dans le cadre du bilan diagnostique du SOPMK.
• L’échographie transvaginale est l’examen morphologique le mieux adapté pour analyser les dimensions des ovaires et compter et
mesurer les follicules. Dans le SOPMK, on doit retrouver au moins un volume ovarien supérieur à 10 ml et/ou un nombre de follicules
de 2 à 9 mm supérieur à 12 par ovaire.
• Le bilan hormonal doit être pratiqué en début de cycle. Il permet essentiellement d’écarter une autre cause d’hyperandrogénie :
tumeur virilisante ou déficit enzymatique surrénalien de révélation tardive.
• La prise en charge des troubles des cycles fait appel à une association œstroprogestative faiblement dosée dont le progestatif est
peu androgénique ou à action antiandrogénique.
• La prise en charge de l’infécondité fait appel en première intention au citrate de clomifène. En cas d’échec, on peut utiliser les
gonadotrophines injectables. Le risque d’hyperstimulation ovarienne lors de l’utilisation de ces traitements justifie la plus grande
prudence et une surveillance biologique et échographique attentive.
• La lutte contre l’insulinorésistance par la réduction pondérale et l’activité physique régulière est fondamentale pour améliorer la
fonction ovulatoire. La metformine et les thiazolidinediones pourraient apporter une aide intéressante (hors AMM).

œstroprogestative. D’autres molécules sont en cours d’évalua-


tion. Il s’agit en particulier d’inhibiteurs de la 5-alpha-réductase
■ Conclusion
de type 1 ou de type 2 (finastéride) et d’antiandrogènes non
De par sa grande fréquence, le syndrome des ovaires polymi-
stéroïdiens (flutamide).
crokystiques mérite d’être bien connu. On dispose actuellement
L’efficacité débute à partir du 5e mois de traitement et est
d’outils performants (échographie, biologie) qui ont conduit à
maximale après 18 mois au moins.
proposer des critères diagnostiques précis et une nouvelle
Le traitement hormonal doit nécessairement être associé à la
définition consensuelle pour ce syndrome très polymorphe. Sur
pratique régulière de l’épilation des zones concernées à la cire,
le plan thérapeutique, il convient de bien évaluer la demande
par électrolyse ou au laser. La repousse du poil devient progres-
de la patiente en matière de procréation et de lutte contre
sivement plus lente et moins dense. On assiste le plus souvent
l’hyperandrogénie. La prévalence croissante du syndrome
à une rechute progressive à l’arrêt du traitement, justifiant une
poursuite au long cours. métabolique doit conduire à le rechercher systématiquement car
le SOPMK démasque une population de patientes à risque
L’alopécie androgénique fait appel aux antiandrogènes avec
un résultat plus décevant. métabolique.
L’acné peut être traitée par des topiques, des antibiotiques, un
œstroprogestatif avec activité antiandrogénique ou des rétinoï-
des, selon sa sévérité.

Prise en charge diététique et lutte contre


l’insulinorésistance ■ Références
[1] Franks S. Polycystic ovary syndrome. N Engl J Med 1995;333:853-61.
Il s’agit d’un élément fondamental dans la prise en charge du
[2] The Rotterdam ESHRE/ASMR-sponsored PCOS consensus workshop
SOPMK.
group. Revised 2003 consensus on diagnostic criteria and long-term
Les patientes en surpoids doivent bénéficier de conseils health risks related to polycystic ovary syndrome (PCOS). Hum Reprod
diététiques et au mieux d’un suivi régulier. On réalise une 2004;19:41-7.
enquête alimentaire et on propose une répartition des apports [3] Strauss 3rd JF, Dunaif A. Molecular mysteries of polycystic ovary syn-
quotidiens en trois repas en limitant les grignotages, les sucres drome. Mol Endocrinol 1999;13:800-5.
rapides et les lipides. Il est important de dépister des troubles du [4] Taylor AE, McCourt B, Martin KA, Anderson EJ, Adams JM,
comportement alimentaire (boulimie) qui justifieraient une Schoenfeld D, et al. Determinants of abnormal gonadotropin secretion
prise en charge psychologique. in clinically defined women with polycystic ovary syndrom. J Clin
En cas de sédentarité, l’activité physique doit être introduite, Endocrinol Metab 1997;82:2248-56.
au minimum sous la forme de 30 minutes de marche rapide par [5] Dunaif A. Insulin resistance and the polycystic ovarian syndrome :
jour et, dans l’idéal, d’une réelle activité sportive. mechanism and implications for pathogenesis. Endocr Rev 1997;
Au-delà du respect des règles hygiénodiététiques, certains 18:774-800.
médicaments peuvent apporter une aide en diminuant l’insuli- [6] Nelson VL, Legro RS, Strauss 3rd JF, McAllister JM. Augmented
norésistance. Il s’agit de la metformine (hors AMM) ou des androgen production is a stable steroidogenic phenotype of
thiazolidinediones (hors AMM) actuellement à l’étude chez les propagated theca cells from polycystic ovaries. Mol Endocrinol
sujets non diabétiques. 1999;13:946-57.

6 Traité de Médecine Akos


Syndrome des ovaires polymicrokystiques ¶ 3-0640

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B. Néraud.
S. Jonard-Catteau.
D. Dewailly (ddewailly@chru-lille.fr).
Service de gynécologie endocrinienne et médecine de la reproduction, hôpital Jeanne de Flandre, CHU de Lille, avenue Eugène-Avinée, 59037 Lille cedex,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Néraud B., Jonard-Catteau S., Dewailly D. Syndrome des ovaires polymicrokystiques. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 3-0640, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Traité de Médecine Akos 7


3-0775

3-0775
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Anorexie mentale

S Criquillion-Doublet, MN Laveissiere-Deletraz

C ’est une pathologie fréquente et grave, deuxième cause de mortalité chez les adolescents.

© 1999 , Elsevier, Paris.

■ ■
– chez les femmes, absence d’au moins trois
Introduction cycles menstruels consécutifs (aménorrhée primaire Aspects épidémiologiques
ou secondaire). (Une femme est considérée comme
aménorrhéïque même si les règles ne surviennent
Les troubles du comportement alimentaire, et Un certain nombre de facteurs sont à l’origine
qu’après l’administration d’hormones, type
plus spécifiquement l’anorexie mentale et la d’une sous-estimation de l’incidence réelle des
progestatifs).
boulimie, ont suscité un nombre très important de troubles des conduites alimentaires, en particulier
L’anorexie peut être de type restrictif : restriction
travaux de recherche depuis une quinzaine pour l’anorexie mentale. Trente pour cent des
alimentaire stricte, sans recours à des crises de
d’années. patients ne sont vus qu’une fois, dans des conditions
boulimie, aux vomissements provoqués, ou à la
Sur le plan épidémiologique, les études récentes diverses : chez le médecin généraliste, chez le
prise de purgatifs. Elle peut être de type boulimie
indiquent une augmentation de leur fréquence, la spécialiste ou en milieu hospitalier à l’occasion de
avec vomissements ou prises de purgatifs de
gravité potentielle de la maladie anorexique, et son complications somatiques. Un certain nombre de
manière régulière.
risque de chronicisation. Les récents travaux malades, par ce biais, échappent ainsi aux études
neurobiologiques soulignent le rôle des interactions menées en milieu spécialisé.


entre systèmes monoaminergiques, peptidiques et Ces données soulignent la difficulté des enquêtes
neuroendocriniens, ainsi que l’existence de facteurs Rappels physiologiques épidémiologiques qui permettent pourtant de
génétiques probables. préciser les différents facteurs de risque,
Sur le plan psychopathologique, même si l’on l’organisation et l’attribution de thérapeutiques
‚ Au cours de l’anorexie mentale adaptées. Il en va de même pour la boulimie, entité
retrouve chez ces sujets certains traits de caractère
communs, aucun type de personnalité spécifique ne L’aménorrhée observée est dite hypothalamo- nosographique relativement récente. L’incidence de
peut être individualisé, l’anorexie se « greffant » sur hypogonadotrope-hypoœstrogénique. Les progrès l’anorexie mentale paraît augmenter depuis 20 ans,
des personnalités variées, éventuellement récents de la neuroendocrinologie ont profon- passant de 1/100 000 à 4/100 000, même si l’on
névrotiques ou psychotiques. dément modifié nos connaissances sur les troubles prend en compte l’effet d’âge (c’est-à-dire la
du fonctionnement hypothalamohypophysaire dans proportion de jeunes entre 15 et 25 ans dans la
Quel est l’impact réel des facteurs socioculturels,
cette maladie. On le sait, toute modification de poids population générale qui a augmenté ces 10
environnementaux, nutritionnels et familiaux sur le
importante induit une régression fonctionnelle du dernières années), l’effet de cohorte (population d’un
développement de la maladie ? Quel type de
gonadostat, qui va atteindre au maximum un niveau âge donné, soumise aux mêmes influences
traitement faut-il proposer et dans quel cadre ? Quels
prépubertaire. culturelles, sociales ou économiques), ou encore
sont les facteurs de pronostic ?
À l’amaigrissement, principalement en cause, l’effet de période (augmentation de l’intérêt
s’associent d’autres facteurs non négligeables : le médico-socio-économique pour les troubles du


type et l’intensité de la restriction alimentaire, comportement alimentaire ces dernières années).
Définition l’hyperactivité physique, les facteurs psychoaffectifs Ces effets semblent influer sur la fréquence
et l’âge (l’axe hypothalamohypophysaire est apparente ou réelle des troubles. L’anorexie touche
d’autant plus fragile qu’on est proche de une population féminine, dans la proportion de dix
L’anorexie mentale est définie selon les critères l’adolescence). filles pour un garçon. L’âge de début se situe en
diagnostiques de la classification américaine des Les troubles ovariens observés ne sont que la moyenne entre 16 et 17 ans. La moyenne d’âge des
maladies mentales DSM IV par : conséquence d’un défaut de stimulation sujets dans les études cliniques est de 19 ans.
– le refus de maintenir un poids corporel hypophysaire, lui-même lié à l’effondrement de la L’incidence de l’affection pour les femmes se situant
au-dessus d’un poids minimal normal pour l’âge et la gonadotrophin releasing hormone (GNRH). dans la tranche d’âge 16-25 ans est de 30/100 000.
taille (par exemple, perte de poids conduisant au Dix pour cent des anorexies se révèlent avant l’âge
maintien du poids à au moins 85 % du poids ‚ À la phase avancée (maigreur de 10 ans. Classiquement, ce sont ces dernières
attendu, ou incapacité à prendre du poids pendant la maximale) formes qui seraient les plus graves, par l’importance
période de croissance, conduisant à un poids Les taux de follicle stimulating hormone (FSH) et des troubles de la personnalité associés et les retards
inférieur à 85 % du poids attendu) ; luteinizing hormone (LH) sont effondrés (LH/FSH = 1). de croissance qu’elles occasionnent.
– la peur intense de prendre du poids ou de La réponse à la GNRH est positive, mais de faible La prévalence de l’anorexie mentale (non plus
devenir gros, alors que le poids est inférieur à la amplitude. La pulsatilité de la sécrétion de LH l’incidence), en considérant que la durée moyenne
© Elsevier, Paris

normale ; n’existe plus. Les ovaires sont petits et sans signe d’évolution est de 4 ans, serait de 1/100 000 chez
– l’altération de la perception du poids ou de la d’activité à l’échographie. Les taux des œstrogènes, les femmes entre 16 et 25 ans, 1/250 entre 14 et 18
forme de son propre corps, l’influence excessive du de la progestérone et des androgènes (hormis ceux ans, 6,5/100 chez les danseuses et les mannequins.
poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, du SDHA [sulfate de déhydroandrostérone]) sont L’épidémiologie clinique nous donne aussi des
ou le déni de la gravité de la maigreur actuelle ; effondrés. informations sur l’évolution de la maladie : le

1
3-0775 - Anorexie mentale

pronostic à 3 ans est à peu près de un tiers de ‚ Facteurs de personnalité Ceux-ci signalent alors un symptôme isolé,
guérison, avec cependant 50 % de formes Cliniquement, certains traits de caractère comme les troubles menstruels (retard pubertaire,
chroniques. Avec un suivi de 24 années, s’il existe communs sont souvent retrouvés chez la jeune oligoménorrhée, aménorrhée primaire ou
environ 60 % de guérison, le pourcentage de décès femme anorexique : surinvestissement intellectuel, secondaire), qui reste modéré à ce stade et souvent
est important (20 % des cas), alors que le nombre de insatisfaction personnelle, manque de confiance en « masqué » par la jeune fille qui se camoufle derrière
décès attendu pour cette population d’âge est soi, manque d’aisance sociale, sentiment plusieurs épaisseurs de pull-overs.
d’environ 2 % : c’est la deuxième cause de mortalité d’insécurité, sans arrêt combattus par des attitudes Ils profitent de cette consultation dans un
dans la population adolescente. perfectionnistes, méticuleuses et exigeantes, une vie deuxième temps pour exprimer leur malaise devant
relationnelle marquée par un comportement leur enfant, jeune adolescente qui leur échappe et
paradoxal avec maintien de relations de dont ils ne comprennent pas le changement de


Facteurs étiologiques

L’origine multifactorielle de l’anorexie mentale


dépendance, attachement vis-à-vis de l’entourage
familial, et tentative de suppléer à cette dépendance
par le déni de cet attachement. La sexualité est
complètement désinvestie et la notion de plaisir
comportement : « elle était sans problème et a
toujours eu envie de nous faire plaisir. » Ils décrivent
une enfant devenue soucieuse, morose ou triste, ne
souriant plus, s’isolant de plus en plus, renfermée, de
n’existe pas. moins en moins expressive et spontanée, indécise,
semble la plus probable.
Les difficultés d’expression verbale et d’expression abandonnant un à un ses centres d’intérêt pour ne
‚ Facteurs génétiques des affects sont souvent présentes. Sur le plan s’intéresser qu’aux études, anxieuse et supportant de
psychopathologique, on ne retrouve pas de plus en plus mal de ne pas maîtriser le temps, le sien
Les études récentes effectuées par l’équipe du et celui des autres.
professeur Russel plaident en faveur d’un facteur personnalité « type » de l’anorexique. Les premières
descriptions de jeunes filles anorexiques faisaient C’est au médecin d’être attentif et de savoir parler
génétique dans l’anorexie mentale. En effet, selon les
état de structure hystérique ou obsessionnelle. avec tact à cette mère anxieuse, puis de recevoir seul
études, la concordance pour l’anorexie mentale chez
Actuellement, toutes les études effectuées à l’aide de cette jeune fille qui paraît à la fois fragile et
les sujets monozygotes est de l’ordre de 50 à 60 %,
questionnaires de personnalité retrouvent des déterminée à « maîtriser » ce corps dont elle ne
contre 5 à 10 % chez les sujets hétérozygotes, et 5 %
personnalités très diverses, allant des structures perçoit pas les limites et qu’elle souhaite le plus
des femmes apparentées au premier degré de sujets
névrotiques à d’authentiques schizophrénies. mince possible.
anorexiques ont eu une histoire d’anorexie.
Cette prise de contact est extrêmement difficile,


‚ Facteurs physiologiques et nutritionnels mais essentielle, car elle va largement conditionner
Aspects cliniques la suite de la prise en charge. Dès à présent, l’objectif
De nombreux travaux sur les mécanismes de ce premier entretien est :
neurochimiques intracérébraux ont montré qu’il – d’évaluer l’importance du trouble alimentaire
existe un grand nombre de systèmes de ‚ Signes cliniques précoces sur le plan clinique par un examen physique
neurotransmission en jeu dans la régulation de l’état Le début des troubles se situe classiquement à complet, souvent subnormal à ce stade : seule la
nutritionnel et du comportement alimentaire. Ces l’adolescence (dans 8 % des cas seulement en phase pesée, difficile à accepter par la patiente, peut déjà
systèmes monoaminergiques, neuropeptiques et prépubertaire). révéler un poids nettement inférieur à celui
neuroendocriniens (axe hypothalamohypophysaire) L’âge moyen de début est de 17 ans. Le annoncé ;
interviennent dans la mise en place d’ajustements déclenchement des conduites restrictives survient – de repérer l’existence de stratégies de
alimentaires qualitatifs et quantitatifs appropriés, alors qu’il existe une prise de poids souvent modérée contrôle du poids et d’expliciter à la jeune fille la
sans que l’on puisse établir de façon formelle une au moment de la puberté, associée ou non à des gravité de ces conduites (hypokaliémie, œsophagite,
relation de causalité entre une dysrégulation conduites de grignotages, ou même à une problèmes dentaires), l’existence de conduites
neurochimique et l’existence de troubles désorganisation alimentaire fréquente dans cette boulimiques associées ou d’un mérycisme débutant,
anorexiques. population d’âge. La décision d’effectuer un régime l’importance des troubles du schéma corporel (la
Les perturbations endocriniennes et métaboliques « sérieux » est souvent encouragée par l’entourage jeune fille dit se sentir grosse au niveau du ventre,
observées ne peuvent pas s’expliquer par la seule familial, du moins au début. Ensuite, une attitude des fesses et des cuisses), la présence de troubles
perte de poids. particulière à l’égard de la nourriture, et de façon psychologiques associés (dysphorie, tristesse, voire
plus générale, du corps, puis de la relation à l’autre plus rarement syndrome dépressif caractérisé), est
‚ Facteurs familiaux
se développe au détriment des échanges affectifs. parfois le seul point d’attache qui permet de nouer le
L’approche des familles d’anorexiques n’a pas mis La nourriture, ou plutôt son absence, devient un dialogue lorsque le déni des difficultés alimentaires
en évidence d’éléments spécifiques, mais il est enjeu à l’insu de la famille. L’obsession de sentir son est au premier plan, l’intensité de l’anxiété (de
frappant de constater, rappelle P Jeammet, l’absence corps de plus en plus mince génère des attitudes l’anxiété sociale, la peur de la sexualité et, plus
d’autonomie de ces jeunes filles dans ces familles, particulières : la jeune fille saute des repas, stocke les généralement, la peur du passage à la vie adulte) ;
l’enchevêtrement des liens affectifs, l’empiétement aliments dans ses poches, mâchonne, coupe en – enfin, d’apprécier le retentissement de la
des générations, la dérive incessante des relations menus morceaux, sélectionne et trie les aliments, maladie au sein de la famille ou de l’entourage
triangulaires vers des relations duelles plus ou moins tout en imposant à ses proches des prises proche, l’existence de graves conflits avec la famille
alternantes avec l’un ou l’autre parent, l’absence de alimentaires riches et volumineuses. La restriction pouvant eux-mêmes faire poser l’indication d’une
leadership, la crainte et la non-expression des alimentaire s’accompagne alors de vomissements hospitalisation rapide.
conflits au sein de la famille, seuls garants d’une cachés après les repas, parfois de prises Les examens biologiques de base prescrits sont
certaine « homéostasie » familiale. intempestives de laxatifs ou de diurétiques, et d’une les suivants : numération formule sanguine (NFS)
consommation excessive de boissons. (anémie, discrète thrombocytopénie et leucopénie
‚ Facteurs culturels De véritables rituels se mettent en place par avec lymphocytose liée aux diurétiques et aux
Les facteurs socioculturels jouent un rôle rapport à la nourriture, aux repas familiaux, aux laxatifs), ionogramme à la recherche d’une
indéniable dans la genèse de l’anorexie, du moins horaires, mettant en relief une irritabilité croissante, hypokaliémie et d’une hyperazotémie, protidémie et
sont-ils largement incriminés comme facteurs un repli sur soi, et une tension qui deviennent glycémie à jeun à la recherche d’une hypoglycémie,
favorisant l’éclosion de la maladie. Sans réduire insoutenables pour la famille. ferritine et fer sérique (anémie par carence ferrique),
l’anorexie mentale à un effet de mode esthétique de À ceci s’ajoute une hyperactivité, d’abord thyroid stimulating hormone (TSH) (syndrome de
femme mince (l’anorexie existait déjà aux XVIIIe et physique, qui traduit cette obsession de maigrir, le basse T3), amylasémie (élevée ou à la limite
XIXe siècles), l’image idéalisée du corps mince, souci de maîtrise et la volonté d’aller au-delà des supérieure de la normale lors de vomissements,
maîtrisé et contrôlé, correspond sans aucun doute à limites du corps et de l’esprit. Dans un premier boulimies associées ou mérycisme), électrophorèse
une recherche de maîtrise des sensations, de même temps, le déni est tel qu’elles rejettent en bloc l’idée des protéines de nutrition (chute de protéine C) et
que la recherche de performances physiques et d’une quelconque aide médicale. La demande de élévation plus tardive du cholestérol plasmatique.
intellectuelles se fait au détriment des échanges consultation chez le médecin généraliste ou le Ces examens permettront d’organiser une
affectifs. gynécologue est souvent à l’initiative des parents. deuxième consultation qui aura pour objectifs :

2
Anorexie mentale - 3-0775

– de faire prendre conscience, clinique (pesée) et Les autres manifestations cliniques, telles que perte de l’immunité cellulaire, se manifestent
biologie à l’appui, de la réalité du trouble du l’hypothermie et la frilosité, sont la conséquence souvent à bas bruit et sont traitées tardivement.
comportement alimentaire, de sa gravité et du risque d’une hypothyroïdie fonctionnelle (syndrome de
de chronicisation ; basse T3). Crises convulsives
– de faire le lien entre l’existence de ces difficultés L’ostéoporose est la principale complication que Elles sont rares et liées à une hypoglycémie aiguë
alimentaires et le « malaise psychologique » ressenti l’on doit redouter. Elle concerne en effet l’avenir ou à une absorption liquidienne massive (supérieure
qui nécessite dès à présent une prise en charge osseux de la patiente et les séquelles, en particulier à 10 L/j).
spécifique par un psychiatre spécialisé dans le tardives, pourront être lourdes de conséquences.
traitement des troubles du comportement On le sait, la masse osseuse totale (ou pic de
alimentaire.

‚ Signes cliniques « tardifs »


Ce sont les manifestations d’une anorexie qui
masse osseuse) se constitue au cours de l’enfance et
de l’adolescence, pour être définitivement acquise
quelques années après l’apparition des règles et se
maintenir jusqu’à 35 ans. Toute carence du

Éléments du pronostic

Sont de mauvais pronostic les facteurs suivants :


développement osseux dans cette période sera donc – le déclenchement de l’anorexie en phase
évolue depuis plusieurs années, celles que la
irrécupérable par la suite. prépubertaire ou en fin d’adolescence ;
psychiatrie « adulte » découvre lors du premier
Le rôle des hormones sexuelles sur la – une durée longue de la maladie et de
entretien chez les jeunes filles ayant un cursus
minéralisation du squelette est bien établi, mais nombreuses hospitalisations antérieures, même si
médical déjà bien rempli : du médecin généraliste
d’autres facteurs interviennent. Chez l’anorexique, à l’on observe des rémissions tardives après plus de
consulté par les parents pour un conseil pendant
l’aménorrhée hypo-œstrogénique sont associées la 8 ans d’évolution de la maladie ;
l’adolescence, au médecin endocrinologue, puis
perte de poids avec la réduction de la masse – le déni massif des troubles ;
gynécologue, puis dermatologue. Les consultations
musculaire, des carences nutritionnelles sévères et – l’importance des troubles du schéma corporel ;
auprès de spécialistes sont multiples et déclenchées
une hypercortisolémie. – le degré d’amaigrissement et la rapidité de la
par la survenue de complications somatiques
La mesure de la masse osseuse permet perte de poids ;
préoccupantes.
d’apprécier l’importance de la déperdition osseuse – l’existence de conduites boulimiques et de
Une grande partie de ces troubles sont liés à la qui est abaissée en moyenne de 25 % par rapport à stratégies de contrôle de poids telles que les
dénutrition et aux stratégies de contrôle du poids celui des femmes témoins. En revanche, la vomissements et la prise intempestive de laxatifs ;
mises en place souvent précocement chez la jeune renutrition avec reprise de poids, même avant le – la prise en charge tardive des troubles ;
fille anorexique. La tolérance de l’organisme peut retour des cycles menstruels, entraîne une nette – l’existence de difficultés de communication et
être extrême et les complications ne survenir amélioration, sans que l’on puisse mesurer d’expression des émotions au sein de la famille ;
qu’après une longue évolution. pleinement encore la qualité et la rapidité de cette – la coexistence de troubles psychologiques
L’amaigrissement est souvent spectaculaire, récupération qui reste le plus souvent partielle. associés.
dépasse 25 % du poids initial, jusqu’à 50 % du poids Les troubles cognitifs prennent la forme de
idéal théorique pour l’âge et la taille : le corps est troubles de l’attention, de la mémoire et de la


efflanqué, anguleux, la silhouette est androïde, la concentration, et se traduisent à l’examen
fonte musculaire est massive. tomodensitométrique par une atrophie cortico-sous- Conduite à tenir
La peau est sèche, écailleuse, les cheveux sont corticale réversible, avec un élargissement des sillons
secs, cassants, clairsemés, les ongles striés. On note et une dilatation ventriculaire.
L’hospitalisation est indispensable lorsque le
une hypertrichose avec un aspect de lanugo.
Les caries sont fréquentes, associées à une ‚ Complications retentissement de l’anorexie menace le pronostic
vital. Si celle-ci n’a pas été préparée au cours
érosion de l’émail dentaire plus marquée sur les Peu fréquentes mais graves, elles se manifestent
d’entretiens préalables, elle est souvent refusée par
incisives supérieures (dents plus blanches) chez les tardivement par rapport à l’état clinique de
la jeune fille qui n’en comprend pas la nécessité, ou
vomisseuses chroniques (depuis au moins 4 ans). dénutrition dans lequel se trouvent ces sujets.
même par les parents qui souhaitent le
Les œdèmes sont fréquents : périorbitaires et au rétablissement rapide de leur enfant tout en
niveau des membres inférieurs, ils traduisent un Mortalité
supportant difficilement l’idée de la séparation lors
abus de sel, l’excès d’apport liquidien (une Les études récentes indiquent un taux de de l’hospitalisation.
potomanie de plusieurs litres d’eau par jour est mortalité allant de 5 à 18 % des cas à 15 ans L’hospitalisation « en urgence » ne doit être
habituelle), un trouble de la natrémie et/ou une d’évolution de la maladie. Parmi les causes de cette réservée qu’aux cas extrêmes, nécessitant au
hypoprotidémie. évolution péjorative, ce sont les complications de la préalable un séjour dans une unité de réanimation
Les troubles circulatoires se manifestant par une dénutrition (cachexie, infections et septicémies, afin de pallier au plus vite les complications de la
acrocyanose des extrémités. L’hypotension artérielle insuffisance cardiaque ou rénale) et les troubles dénutrition et des troubles hydroélectrolytiques.
et une bradycardie sont fréquentes. hydroélectrolytiques (arrêt cardiaque) qui Pendant ce séjour en réanimation, si l’axe
Les troubles digestifs sont secondaires à la prédominent. Le suicide est en revanche thérapeutique est centré sur la réalimentation
restriction alimentaire et souvent l’un des uniques relativement rare (6 % des décès). (celle-ci devra s’effectuer par voie entérale le plus tôt
motifs de consultation : constipation chronique possible, en limitant les perfusions aux corrections
Troubles cardiaques
aggravée par la prise intempestive de laxatifs qui des troubles ioniques), il est extrêmement important
favorise une stéatorrhée, une déperdition protéique Cinquante pour cent des anorexiques présentent de préparer dès ce stade l’hospitalisation dans une
et l’apparition de saignements intestinaux. Le retard des signes particuliers à l’électrocardiogramme unité de soins spécialisée dans le traitement des
de la vidange gastrique explique les sensations de (même en l’absence d’hypokaliémie) : bradycardie troubles des conduites alimentaires.
ballonnement intestinal et la difficulté à digérer dont sinusale avec inversion de l’onde T, aplatissement de En effet, l’hospitalisation ne se déroulera dans de
se plaignent les anorexiques après l’ingestion de T et sous-décalage de ST, bloc auriculoventriculaire, bonnes conditions que si la malade, la famille et
nourriture. et parfois, tachycardie ventriculaire et arrêt cardiaque l’entourage proche comprennent la nécessité du
L’aménorrhée est constante : elle succède à un (hypokaliémie majeure). traitement, adhèrent aux modalités de soins
amaigrissement net dans 25 % des cas, apparaît au L’œdème aigu du poumon survient lorsque la proposées et inscrivent ce séjour hospitalier comme
moment où le sujet commence à maigrir dans 55 % réalimentation (avec apport liquidien trop important) une première étape du traitement qui se poursuivra
des cas, et débute avant la restriction alimentaire est conduite trop vite. en ambulatoire pendant plusieurs mois ou même
dans 15 % des cas. Elle persiste le plus souvent, quelques années. Cette préparation, dans notre
même après normalisation du poids. Les études Complications infectieuses expérience clinique, est fondamentale pour la suite
catamnestiques récentes montrent que 55 % Il s’agit essentiellement d’infections cutanées, du traitement.
seulement des anorexiques retrouvent des cycles urinaires et pulmonaires (herpès, mycoses à Gram Les objectifs du traitement, en consultation
menstruels réguliers. négatif et tuberculeuses). Elles sont majorées par la externe ou en hospitalisation, sont triples.

3
3-0775 - Anorexie mentale

‚ Réalimentation place d’un traitement psychothérapique adapté ; terme ; les neuroleptiques ne sont indiqués que
selon le cas, on proposera une psychothérapie lorsqu’il existe une symptomatologie d’allure
Elle doit se faire de façon progressive et tenir
comportementale ou comportementale et cognitive, psychotique associée. La prescription d’œstroproges-
compte des troubles quantitatifs et qualitatifs de
centrée sur le comportement alimentaire, s’il existe tatifs peut permettre l’installation de cycles artificiels,
l’alimentation de la patiente. Une évaluation des
de grosses perturbations quantitatives et surtout mais surtout la prévention osseuse.
conduites alimentaires individualisée est nécessaire
à partir d’un questionnaire portant sur les qualitatives de l’alimentation, des idées irrationnelles


préférences alimentaires d’une part, et les choix concernant celle-ci ou de l’estime de soi. La thérapie
alimentaires d’autre part. Un travail sur la familiale vise à modifier la structure familiale mal Conclusion
rediversification de l’alimentation s’avère aussi adaptée à la résolution des conflits. Selon le
fondamental que celui portant sur l’augmentation professeur Russel, les thérapies familiales semblent L’anorexie mentale, et plus généralement les
du poids et doit s’effectuer très progressivement, en efficaces lors de la prise en charge de sujets jeunes troubles du comportement alimentaire, suscitent une
réintroduisant peu à peu les aliments considérés par (< 19 ans) vivant dans leur famille ; leur efficacité attention croissante des médecins et de tous ceux
la patiente comme étant de plus en plus difficiles à serait même supérieure à une prise en charge en qui sont concernés par la santé publique, à la fois
ingérer. psychothérapie individuelle. Si l’indication de parce qu’il s’agit d’une pathologie en augmentation
En début d’hospitalisation, des suppléments thérapie familiale ne se pose pas, des entretiens constante dans les pays occidentaux, mais aussi
caloriques liquidiens sont parfois nécessaires. familiaux sont indispensables, comme la d’une affection grave, deuxième cause de mortalité
participation des familles au groupe de parents qui chez les adolescentes.
‚ Reprise de poids permet l’émergence d’émotions qui jusque-là n’ont L’anorexie mentale est une affection essentiel-
C’est un objectif essentiel, mais si cette reprise de pu être exprimées, même à l’intérieur de la famille. lement féminine, neuf fois sur dix chez la jeune fille,
poids ne s’accompagne pas d’une modification La psychothérapie d’inspiration psychanaly- associant une restriction délibérée de nourriture, un
durable des habitudes alimentaires de la patiente, tique individuelle est associée le plus souvent à amaigrissement important et une aménorrhée,
elle ne sera que de courte durée. Il est très important d’autres techniques : thérapies de relaxation lorsque sous-tendus par des troubles du schéma corporel et
de fixer avec la patiente, dès les premiers entretiens, la composante anxieuse est au premier plan et que la hantise de grossir.
le poids à atteindre qui tiendra compte du poids les troubles du schéma corporel sont dominants, Un certain nombre de facteurs étiopathogéniques
idéal théorique (body mass index [BMI] = poids/taille2 techniques d’affirmation de soi s’il existe un défaut ont été proposés : facteurs génétiques, facteurs
entre 20 et 25) et du poids antérieur « stable » avant d’assertivité, et thérapie de groupe qui doit biologiques (réponse favorable de certains sujets aux
le début des troubles restrictifs. encourager la perception, l’identification et antidépresseurs), facteurs neurobiologiques, facteurs
l’expression des affects afin d’assouplir le socioculturels, mais aussi facteurs individuels et de
‚ Moyens thérapeutiques utilisés fonctionnement de chacune et de renforcer par là le personnalité, bien qu’il n’y ait a priori pas de
Deux phases sont prévues dans le contrat sentiment de l’identité. personnalité prémorbide spécifique.
thérapeutique qui mentionne les objectifs globaux et Par ailleurs, vis-à-vis des traitements Le pronostic de cette affection est réservé : si un
hebdomadaires. médicamenteux, l’ensemble des travaux sur tiers des sujets guérissent, une anorexique sur deux
La première phase est marquée par l’abord l’anorexie mentale n’a permis de prouver ni l’intérêt, présente une forme chronique et l’évolution est
médical des troubles somatiques et biologiques, une ni l’efficacité d’une quelconque chimiothérapie à mortelle dans 6 à 18 % des cas sur une période de
réalimentation active mais pas trop rapide avec une long terme. 15 ans.
reprise de poids de l’ordre de un tiers du poids à L’avantage de la prescription de psychotropes se L’approche thérapeutique est longue, complexe,
gagner, et la mise en place d’une approche situe dans leur effet anxiolytique qui aide à dépasser spécialisée et multidisciplinaire. Elle doit être
psychothérapeutique en fonction des éléments du la peur de manger, favorise le gain de poids et individualisée : abord nutritionnel approprié,
bilan clinique et psychologique. C’est à cette phase diminue l’hyperactivité ; la prescription techniques comportementales et/ou cognitives,
que se décide l’indication d’une éventuelle d’antidépresseurs peut être proposée chez des sujets approche corporelle par les thérapies de relaxation,
hospitalisation si la réalimentation initiale n’est pas anorexiques présentant un épisode dépressif majeur prescription éventuelle d’antidépresseurs, enfin, aide
obtenue en ambulatoire. associé à des conduites restrictives. En pratique, les psychothérapique individuelle et familiale. Les
La deuxième phase doit aboutir à une anxiolytiques et les hypnotiques ne seront prescrits résultats ne seront appréciés qu’avec un recul
restauration du poids et correspond à la mise en que ponctuellement, et de toute façon à court suffisant de plusieurs années.

Sophie Criquillion-Doublet : Praticien hospitalier,


service du Professeur B Samuel-Lajeunesse, centre hospitalier Sainte-Anne, clinique de la faculté, 100, rue de la Santé, 75674 Paris cedex 14, France.
Marie-Noëlle Laveissiere-Deletraz : Attachée,
service du Professeur Dubuisson, groupe hospitalier Cochin-Port-Royal, 27, rue du Faubourg St-Jacques, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : S Criquillion-Doublet et MN Laveissiere-Deletraz. Anorexie mentale.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, MG-30775, 1999, 4 p

Références

[1] Doublet S. Anorexie mentale. Reprod Hum Horm 1993 ; 6 : 341-348 [3] Jeammet PH. Anorexie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Psychiatrie, 37-
350-A-10, 1984 : 1-16
[2] Eisler I, Dare C, Russell GF, Szmukler G, Le Grange D, Dodge E. Family and
individual therapy in anorexia nervosa. A 5-year follow-up. Arch Gen Psychiatry [4] Samuel-Lajeunesse B, Foulon C. Les conduites alimentaires. Paris : Masson,
1997 ; 54 : 1025-1030 1994

4
¶ 3-0795

Chirurgie de l’obésité : conditions,


intérêt, limites
J.-L. Schlienger

La chirurgie de l’obésité apparaît aujourd’hui comme le traitement de l’obésité massive, les traitements
diététiques et médicaux conventionnels s’avérant insuffisants à long terme. Elle a pour but de créer une
restriction de la prise alimentaire éventuellement combinée à une malabsorption. L’implantation d’un
anneau gastrique, la gastroplastie verticale calibrée et le court-circuit gastrique sont les procédures
chirurgicales les plus utilisées chez un nombre croissant de patients. L’optimisation des résultats et la
prévention des complications se fondent sur le respect des recommandations, la sélection des patients sur
des critères nutritionnels, médicaux et psychocomportementaux par une équipe multidisciplinaire, le
choix d’une option chirurgicale adaptée à chaque patient par une équipe chirurgicale entraînée et un
suivi postchirurgical prolongé. Néanmoins, les résultats sont inconstants et imparfaits et il n’existe ni
indication, ni procédure chirurgicale idéale.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Obésité massive ; Chirurgie de l’obésité ; Gastroplastie ; Court-circuit gastrique ; Perte de poids

Plan que la prise de conscience assez récente de la gravité de l’obésité


en termes de surmortalité et de surcoût ont conduit à recher-
cher de nouveaux moyens thérapeutiques et à proposer un
¶ Introduction 1
traitement chirurgical dit bariatrique puisque son but est de
¶ Interventions de chirurgie bariatrique 1 faire perdre du poids.
Réduction du volume gastrique 1 Aux États-Unis, c’est dès 1991 qu’une conférence de consen-
Réduction du volume gastrique et malabsorption 2 sus du NIH (National Institute of Health) a validé le principe de
Dérivation biliopancréatique 2 la restriction ou des courts-circuits gastriques dans l’obésité
¶ Résultats 2 massive au vu des bons résultats enregistrés à 5 ans et de la
¶ Complications 3 faible morbimortalité postopératoire [2]. En France, les recom-
Complications chirurgicales 3 mandations actualisées en 2004 reconnaissent que la chirurgie
Complications fonctionnelles 4 de l’obésité fait désormais partie de la stratégie thérapeutique
Complications nutritionnelles 4 des formes morbides de l’obésité dans le cadre d’un projet
Troubles du comportement alimentaire 4 médical global sous réserve d’en respecter les indications et les
contre-indications [3]. L’intérêt médical de cette chirurgie a été
¶ Indications et contre-indications de la chirurgie bariatrique 4
établi par plusieurs études.
Indications 4
Contre-indications 4
¶ Suivi postopératoire 5 ■ Interventions de chirurgie
¶ Clés du succès de la chirurgie bariatrique 5 bariatrique [4]

¶ Conclusion 5
Réduction du volume gastrique
La gastroplastie avec cerclage périgastrique ajustable (GCA) est
■ Introduction l’intervention la plus pratiquée (Fig. 1). Plus de 20 000 Français
y ont eu recours. La réduction du volume gastrique est obtenue
L’obésité est une maladie chronique, sa gravité tient aux par la mise en place d’un anneau autour de la partie supérieure
complications cardiovasculaires, pulmonaires, ostéoarticulaires de l’estomac de façon à créer une poche gastrique (néogastre) de
et métaboliques qu’elle induit. Elle est à l’origine d’une mau- 15 à 25 ml dont l’évacuation se fait à travers un chenal étroit
vaise qualité de vie et d’incapacité professionnelle et est associée créé par l’anneau. Le calibre du chenal d’évacuation vers
à une augmentation de l’incidence de certains cancers (sein, l’estomac sous-jacent est ajusté grâce à un ballonnet accolé à la
colon, endomètre). Son traitement est difficile. Les résultats face interne de l’anneau relié par une tubulure à un réservoir
obtenus après une prise en charge hygiénodiététique, psycho- sous-cutané. Le remplissage ou la vidange se font par ponction
comportementale et médicamenteuse selon diverses stratégies transcutanée dans le réservoir, ce qui permet d’ajuster le calibre
combinées sont médiocres à moyen et à long terme [1]. en fonction des besoins et de la sensation de satiété [5].
L’incapacité de la plupart des malades à modifier durable- Dans la gastroplastie verticale calibrée (GV), la réduction du
ment leur comportement alimentaire et leur style de vie ainsi volume gastrique est obtenue par un agrafage des parois

Traité de Médecine Akos 1


3-0795 ¶ Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites

Figure 3. Court-circuit gastrique (GCG) (anse montée en Y).

Figure 1. Gastroplastie par cerclage périgastrique ajustable (GCA). 1.


Anneau. 2. néogastre. 3. tubulure. 4. boîtier sous-cutané. 5. manchon
gonflable.

Figure 2. Gastroplastie verticale calibrée (GV). Figure 4. Dérivation biliopancréatique (DBP) avec hémigastrectomie.

Cette chirurgie gastrique de l’obésité, totalement réversible,


antérieures et postérieures de l’estomac avec création d’une est réalisable par voie laparoscopique avec un faible taux de
poche gastrique tubulaire de 15 à 25 ml qui s’évacue à travers conversion laparotomique. Elle a pratiquement supplanté les
un anneau intragastrique inextensible (Fig. 2). Une variante autres interventions dont le but était de créer une malabsorp-
consiste à remplacer l’agrafage par une transsection partielle de tion. Les courts-circuits digestifs jéjunaux-iléaux excluant une
la poche gastrique. grande partie de l’intestin fonctionnel ont été abandonnés en
Ces deux interventions ont en commun la réduction du raison de la fréquence et de la gravité des complications avec
volume gastrique avec confection d’un néogastre de faible risque de dénutrition, hépatopathie, lithiase oxalique et
contenance entraînant une limitation de la prise alimentaire. colonisation bactérienne dans l’anse borgne.

Réduction du volume gastrique Dérivation biliopancréatique


et malabsorption La dérivation biliopancréatique (DBP) est associée à une
Le court-circuit gastrique (CCG) ou by-pass consiste en une hémigastrectomie et une dérivation de l’anse grêle avec création
anastomose gastrojéjunale par montage d’une anse jéjunale en d’une gastrojéjunostomie en Y (Fig. 4). Cette intervention garde
Y située au niveau d’un néogastre de faible contenance réalisé quelques adeptes dans la superobésité en dépit d’un risque
par un agrafage horizontal fermant l’accès au reste de la cavité opératoire et de complications postopératoires non négligeables.
gastrique (Fig. 3). Cette intervention associe le principe de la
réduction gastrique à celui de la malabsorption, les aliments
n’étant pas absorbés dans l’anse intestinale qui court-circuite le
■ Résultats
duodénum et les sécrétions biliopancréatiques sur une longueur La chirurgie gastrique de l’obésité entraîne un amaigrissement
de 80 à 200 cm. par l’inconfort qu’elle provoque lors de la prise alimentaire. La

2 Traité de Médecine Akos


Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites ¶ 3-0795

Tableau 1. Tableau 2.
Résultats de divers procédés de chirurgie bariatrique d’après la méta- Fréquence des complications de la chirurgie de l’obésité en % d’après la
analyse de Buchwald et al. [6]. méta-analyse de Maggard et al. [9].
GCA GV CCG DBP GCA GV CCG DBP
Mortalité 0,1 % 0,1 % 0,5 % 1,1 % Troubles digestifs (ensemble) 7 17,5 16,9 32,7
Réduction de l’excès pondéral 47 % 68 % 65 % 70 % Reflux gastro-œsophagiens 4,7 2,2 10,9 /
Diminution IMC 10,4 % 14,2 % 18 % / Vomissements 2,5 18,4 15,7 5,9
GCA : gastroplastie par cerclage adapté ; GV : gastroplastie verticale calibrée ; Anomalies électrolytiques / 2,5 16,9 /
CCG : court-circuit gastrique (by pass) ; DBP : dérivation biliopancréatique. et nutritionnelles
Complications chirurgicales 13,2 23,7 18,7 5,9
GCA : gastroplastie par cerclage adapté ; GV : gastroplastie verticale calibrée ;
faible capacité gastrique est incompatible avec un repas normal CCG : court-circuit gastrique (by-pass) ; DBP : dérivation biliopancréatique.
dont le volume atteint 500 ml. Il en résulte une hyperpression
intragastrique avec nausées et vomissements précoces contrai- à 2 ans après chirurgie bariatrique contre 6,17 % chez des sujets
gnant le sujet à réduire sa ration ou à éviter de manger. Le contrôles [11].
rassasiement précoce réduit l’envie de consommer des aliments En apparence, les bénéfices de la chirurgie gastrique supplan-
protéiques tels que la viande, induit plus ou moins consciem- tent largement les risques liés à l’intervention chirurgicale bien
ment un comportement de restriction alimentaire et renforce la que le recul soit souvent insuffisant. Tel n’est pas le cas dans la
sensation de satiété. En cas de court-circuit gastrique, la cohorte exemplaire de la Swedish Obese Subject, qui porte sur
malabsorption accroît la perte de poids. Il s’y ajoute un dumping plusieurs milliers de patients et dont les résultats à 10 ans
syndrome entraînant une réaction aversive aux aliments. viennent d’être publiés [4]. Cette étude prospective non rando-
Les résultats de cette chirurgie se jugent sur l’importance et misée compare 851 sujets opérés par une chirurgie gastrique de
la persistance de la perte de poids et sur l’amélioration des restriction à 852 sujets témoins appariés. La perte de poids
comorbidités (Tableau 1). maximale est observée à 6 mois dans le groupe témoin
Dans une revue systématique comparant 64 séries de GCA (- 1 ± 6 %) et à 1 an dans le groupe opéré (- 21 ± 10 % après
à 54 séries de GV ou de CCG, la GCA est associée à une GCA, - 26 ± 9 % après GV et - 38 ± 7 % après CCG). Par la suite
mortalité de 0,05 % et une morbidité de 11,3 % contre respec- survient une reprise pondérale lente et progressive avec à 10 ans
tivement 0,3 % et 26 % pour la GV et 0,5 % et 24 % pour le une variation pondérale de + 1,6 ± 12 % chez les témoins, et
CCG [7]. chez les opérés de - 13 ± 13 % après GCA, - 16 ± 11 % après GV
L’efficacité est plus difficile à préciser en raison de la durée et de - 25 ± 11 % après CCG. Les apports énergétiques sont
très variable du suivi postopératoire et d’une méthodologie réduits de - 28,6 % chez les opérés contre - 2,8 % chez les sujets
statistique parfois imparfaite. La perte de poids et de masse témoins. Sur le plan métabolique, la glycémie basale s’élève de
grasse est supérieure à celle observée après un traitement 18,7 % chez les témoins alors qu’elle diminue de - 2,5 % chez
hygiénodiététique et pharmacologique. La perte de poids se les opérés avec une variation de l’insulinémie de + 18,7 % chez
poursuit pendant 18 à 30 mois puis s’estompe, une reprise les témoins et de - 28,2 % chez les opérés. La diminution du
pondérale modérée étant habituelle. À 4 ans, la réduction de cholestérol total n’est pas différente dans les deux groupes. Les
l’excès de poids (par rapport à un IMC [indice de masse variations de la pression artérielle sont modérées pour la
corporelle] = 30) est de 40 à 65 % pour la GCA, de 40 à 70 % systolique (+ 4,4 % versus + 0,5 %) et insignifiantes pour la
pour la GV et de 50 à 67 % pour le CCG. À long terme, diastolique. Chez les opérés, le risque relatif de présenter un
l’évolution du poids est toujours à l’avantage de la chirurgie diabète est de 0,25 (IC [intervalle de confiance] à 95 % 0,17
bariatrique bien que de nombreux patients reprennent une – 0,38). Il est de 0,75 pour l’hypertension artérielle (HTA) (IC
partie du poids perdu. À dix ans, la perte de poids reste 0,52 – 1,08) et de 0,49 (0,34 – 0,71) pour l’hyperuricémie.
appréciable. La comparaison entre les trois techniques donne un L’amélioration ou la rémission d’un diabète, d’une HTA ou
net avantage au CCG [8]. d’une hyperuricémie est significative au seuil de 0,001 %.
Une autre revue systématique avec une méta-analyse porte Toutefois après 8 ans, l’incidence de l’HTA est comparable à
sur un total de 22 094 patients inclus dans 136 études traités celle des témoins.
par divers procédés de chirurgie bariatrique [6]. La réduction Au total, la chirurgie bariatrique améliore ou prévient les
moyenne de l’excès de poids est de 61,2 % pour l’ensemble complications métaboliques et cardiorespiratoires de l’obésité
après une durée de suivi qui n’excède pas, parfois, quelques massive. D’aucuns considèrent même qu’elle est l’un des
mois. Cette revue décrit les effets bénéfiques de l’intervention traitements privilégiés du diabète de type II [12].
mais passe sous silence les complications à court et moyen De plus, la chirurgie bariatrique entraîne une réduction
terme. Le diabète disparaît ou est amélioré dans 86 % des cas notable du coût imputable aux médicaments nécessités par le
avec une rémission dans 77 % des cas. La dyslipidémie est traitement des comorbidités [13].
améliorée chez plus de 70 % des patients. L’hypertension est Ces résultats encourageants sont associés à une amélioration
améliorée dans 78 % des cas et ne justifie plus de traitement de la qualité de vie et de la perception de l’état de santé à 2 et
dans 61 % des cas. Enfin, le syndrome d’apnée du sommeil à 4 ans [14].
disparaît dans 85 % des cas. Cette méta-analyse démontre que
la chirurgie bariatrique, qu’elle qu’en soit la nature, est à même
de réduire le risque ou d’améliorer les comorbidités de l’obésité.
Une méta-analyse portant sur les quatre types d’intervention
■ Complications [6, 9, 15]
(Tableaux 2 et 3)
a été réalisée récemment à partir de 147 publications dont
89 concernent les résultats pondéraux. Elle confirme globale-
Complications chirurgicales
ment les résultats précédents mais souligne les performances La mortalité opératoire est faible mais des complications
particulièrement remarquables de la DBP [9]. La comparaison postopératoires précoces peuvent nécessiter un traitement
avec le traitement diététique est à l’avantage de la chirurgie à complémentaire ou une réintervention. Il s’agit surtout d’acci-
partir du 6e mois de suivi ; la différence s’accroît au fil du temps dents thromboemboliques et d’infections pulmonaires ou
(- 30,5 kg versus - 8,0 kg après 24 mois). L’avantage par rapport abdominales. Dans 2,2 % des cas de chirurgie gastrique, une
au traitement pharmacologique est pratiquement du même réintervention est nécessaire pour des raisons techniques : fistule
ordre [10]. Dans cette méta-analyse, les complications fonction- gastrique, abcès profond, hémorragie. Elles sont moins fréquen-
nelles sont les plus fréquentes après DBP alors que paradoxale- tes après GCA bien que quelques perforations gastriques et
ment, les complications chirurgicales y sont les moins surinfections du boîtier sous-cutané aient été rapportées.
fréquentes. Dans une cohorte de plusieurs milliers de sujets Les complications tardives sont plus fréquentes et imposent
obèses, la mortalité toutes procédures confondues est de 0,68 % une réintervention chez 10 à 20 % des patients : déconnexion

Traité de Médecine Akos 3


3-0795 ¶ Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites

Tableau 3. d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke avec intolérance alimen-


Principales complications observées après chirurgie gastrique. taire sévère a été décrit au décours d’une GV. Les autres
GCA ou GV CCG
conséquences nutritionnelles sont mal connues. Une diminu-
tion des concentrations plasmatiques en fer et en zinc et
Intolérance alimentaire ++ + l’apparition d’une anémie macrocytaire modérée ont été
Vomissements +++ + rapportées chez près d’un malade sur deux.
Pyrosis, RGO ++ +
Diarrhée + +++ Troubles du comportement alimentaire
Douleurs + +
Préexistant souvent à la chirurgie, les troubles du comporte-
Dilatation de la poche +++
ment alimentaire (TCA) persistent volontiers après et contri-
Dilatation œsophagienne ++ buent aux complications chirurgicales. La phase transitoire
Dumping syndrome ++ d’intolérance alimentaire aux aliments solides nécessitant une
Ulcère anastomotique ++ adaptation de la consistance et du volume des aliments peut
Carence martiale + + être suivie par des troubles du comportement alimentaire
Carence vitaminique + + d’autant plus fréquents qu’il existait des troubles psychologiques
Dénutrition protéique + +
auparavant. Une alimentation compulsive préopératoire est de
mauvais pronostic et prédispose à une alimentation déstructu-
GCA : gastroplastie par cerclage adapté ; GV : gastroplastie verticale calibrée ; rée. Paradoxalement, certains des patients qui avaient le profil
CCG : court-circuit gastrique (by pass) ; RGO : reflux gastro-œsophagiens.
psychologique le plus médiocre en préopératoire ressentent une
amélioration notable de leur qualité de vie en postopératoire. La
GCA et la GV seraient mieux adaptées à un comportement
de la tubulure du réservoir dans la GCA, désunion de l’agrafage d’hyperphagie. Le CCG paraît plus efficace en cas de prises
et érosions gastriques dues au contact de l’anneau de calibrage alimentaires interprandiales fréquentes.
dans la gastroplastie, sténose ou ulcération anastomotique dans La chirurgie bariatrique ne peut prétendre corriger les
le CCG. Les complications sont plus fréquentes après DBP. TCA [19]. Leur prévalence est la même avant et après l’interven-
tion. La sélection des patients et la prise en charge psychologi-
Complications fonctionnelles que contribuent à prévenir ou à éviter les complications à type
de glissement de l’anneau, de dilatation du néogastre et de
Elles sont décrites avec chacune des techniques de chirurgie dénutrition.
gastrique. L’intolérance alimentaire avec nausées, vomissements
parfois incoercibles, les dysphagies et le pyrosis sont de gravité
variable. Les vomissements sont fréquents à la phase précoce et ■ Indications et contre-indications
persistent volontiers à raison de 2 à 3 épisodes par semaine à la
suite d’une insuffisance de mastication ou d’un excès alimen- de la chirurgie bariatrique
taire. Ils sont bien tolérés par la plupart des patients mais
La chirurgie de réduction gastrique ou la chirurgie favorisant
peuvent aussi être symptomatiques d’une striction gastrique ou
une malabsorption intestinale associée trouve indéniablement
d’une sténose. Après GCA, la dilatation du néogastre et la
une place dans la stratégie de traitement de l’obésité. Toutefois,
bascule de celui-ci autour de l’anneau par gravité peut entraîner
les complications et les échecs sont loin d’être négligeables et
une occlusion du chenal d’évacuation. Une dépose de l’anneau
tout doit être mis en œuvre pour les éviter ou les prévenir par
résout cette complication favorisée par des excès alimentaires et
une sélection rigoureuse des patients qu’il faut confier à une
un positionnement trop bas de l’anneau. L’intolérance alimen-
équipe chirurgicale entraînée et par un suivi postopératoire
taire sévère peut être levée par une simple adaptation du
multidisciplinaire au long cours, comme le rappellent les
calibrage de l’anneau dans la GCA alors qu’elle peut nécessiter
recommandations [3].
une réintervention en cas de GV. L’œsophagite peptique par
reflux est une complication fréquente corrigée par un traitement
médical ou une amélioration du comportement alimentaire. Le Indications
dumping syndrome est fréquent et en partie souhaité après CCG
La chirurgie bariatrique concerne des sujets dont l’obésité
et dérivation biliopancréatique. Il survient après la consomma-
majeure retentit sur la santé et dont le risque opératoire est jugé
tion d’aliments à fort pouvoir osmotique comme le sucre et se
acceptable. Sont candidats, soit les patients ayant une obésité
manifeste par des sueurs et un malaise vagal. La déshydratation
morbide (IMC > 40 kg/m2) résistant aux traitements conven-
peut être la conséquence d’un néogastre trop petit avec intolé-
tionnels avec un risque important de complications, soit les
rance aux liquides qu’il est recommandé de consommer en
patients ayant une obésité dont l’IMC est compris entre 35 et
dehors des repas [16]. La diarrhée complique le CCG et la DBP.
40 kg/m2 associée à des comorbidités menaçant le pronostic
L’insuffisance de perte pondérale peut être la conséquence
vital ou fonctionnel (atteinte cardiaque, syndrome d’apnée du
d’un montage chirurgical imparfait. La réduction du calibre est
sommeil, diabète, atteinte ostéoarticulaire invalidante). Ces
une solution facile dans la GCA mais une réintervention peut
patients doivent bénéficier d’une prise en charge médicale
être nécessaire dans la GV ou le CCG. Plus souvent, elle est due
spécialisée pendant au moins un an en accord avec les recom-
au non-respect des mesures diététiques avec des prises alimen-
mandations formulées pour la prévention et le traitement de
taires interprandiales [17].
l’obésité, (diététique, activité physique, prise en charge psycho-
logique et traitement des complications).
Complications nutritionnelles Après avoir reçu une information détaillée sur les risques et
les contraintes de l’intervention, les patients doivent s’engager
En dehors d’une dénutrition secondaire à une intolérance à un suivi médical prolongé.
alimentaire majeure avec vomissements itératifs ou à des
troubles du comportement alimentaire à type d’anorexie, la Contre-indications
chirurgie bariatrique expose à un risque de carence marginale
en micronutriments. Un déficit en folates et en vitamine B12 Outre celles liées à l’anesthésie générale, les principales
responsable d’une élévation modérée de l’homocystéinémie a contre-indications sont l’absence de motivation, l’absence de
été rapporté chez près de 80 % des patients après une GCA et prise en charge médicale prolongée préalable, l’impossibilité
fait craindre à terme une majoration du risque cardiovasculaire pour le patient de s’astreindre à un suivi médicodiététique
dans la mesure où une élévation de 5 µmol de l’homocystéiné- prolongé ou le refus d’une prise en charge psychologique si
mie majore le risque relatif de 1,8 chez la femme. La carence en nécessaire. Les troubles addictifs (alcoolisme, toxicomanie), les
vitamine B12 est plus fréquente après CCG [18]. Un tableau troubles dépressifs sévères et les troubles du comportement

4 Traité de Médecine Akos


Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites ¶ 3-0795

alimentaire graves (frénésie alimentaire) sont d’autres contre- bilan nutritionnel est souhaitable au début d’une grossesse
indications dont le non-respect conduit souvent à l’échec (carences martiale et en vitamine B12 quasi constantes), chez les
ou à des complications chirurgicales, nutritionnelles et personnes âgées ou au décours d’une affection intercurrente.
psychiatriques. Pendant la grossesse, une supplémentation en folates, en fer et
Sauf exception dûment argumentée, les enfants, les adoles- en vitamines B12 est proposée de façon systématique avec une
cents et les personnes âgées de plus de 70 ans sont exclus de surveillance rapprochée de la situation digestive et du matériel
principe du champ de cette chirurgie. implanté.
Dans tous les cas, la décision finale résulte d’une discussion La dénutrition protéique avec une perte de masse maigre
multidisciplinaire associant le médecin traitant, le médecin excessive ne doit pas être méconnue, même chez les sujets
spécialiste de l’obésité, une diététicienne, un psychiatre ou un encore obèses.
psychologue, le chirurgien et éventuellement l’anesthésiste. Elle
prend en compte l’ensemble de la situation somatique et
psychologique, le contexte familial et social et la capacité du

▲ Mise en garde
patient à suivre un programme thérapeutique. L’équipe multi-
disciplinaire décide du type d’intervention et des conditions du
suivi après s’être assurée que la prise en charge préopératoire des
comorbidités est optimale. L’échec d’une perte de poids avant Erreurs à ne pas commettre :
l’intervention n’est pas un critère d’exclusion.
• ne pas respecter les recommandations spécifiques ;
• ne pas faire de bilan nutritionnel et d’accompagnement
diététique prolongé avant l’intervention ;
• sélectionner des patients ayant d’importants troubles
▲ Mise en garde du comportement alimentaire ;
• sélectionner des patients souhaitant échapper aux
contraintes diététiques et d’activité physique ;
Contre-indications et non-indications de la
• céder à l’enthousiasme d’un patient obèse
chirurgie gastrique.
insuffisamment informé et engagé ;
• Troubles psychiatriques sévères.
• s’adresser à une équipe n’ayant pas d’expérience dans
• Troubles du comportement alimentaire graves
le domaine de l’obésité ;
(boulimie, frénésie).
• ne pas maintenir un suivi nutritionnel et psychologique
• Conduites addictives (alcoolisme, toxicomanie).
prolongé après l’intervention.
• Risque anesthésique majeur.
• Obésité de cause curable.
• IMC < 40.
• IMC < 35 si comorbidité menaçant le pronostic vital ou
fonctionnel. ■ Clés du succès de la chirurgie
• Enfants, adolescents. bariatrique
La prise en charge du patient par une équipe multidiscipli-
naire de référence ayant une réelle expertise dans le traitement
de l’obésité est un élément important de réussite au même titre
■ Suivi postopératoire qu’une sélection rigoureuse des patients. La motivation du
patient doit être soutenue par une information insistant sur
Un suivi médicochirurgical est indispensable pour éviter des l’importance du suivi médical, nutritionnel et psychologique
complications et faciliter la perte pondérale. Un contrôle avant, autant qu’après l’intervention. Les contraintes alimen-
radiologique du montage chirurgical est recommandé à inter- taires postintervention doivent être présentées comme condi-
valles réguliers afin de s’assurer de la bonne position de tionnelles au succès parce qu’elles sont le meilleur moyen de
l’anneau et du boîtier et de l’absence de dilatation du néogastre prévenir les complications tardives et les TCA. De fait, le succès
et de l’œsophage. L’accompagnement médical a pour but de la chirurgie bariatrique est conditionné pour une part non
d’adapter le traitement des comorbidités à la nouvelle situation négligeable par l’aptitude du patient à modifier ses habitudes
métabolique. Il en est de même de l’accompagnement alimentaires et son mode de vie. L’éducation nutritionnelle est
psychologique. primordiale.
Le suivi nutritionnel est impératif [20]. Il facilite la tolérance
immédiate et évite un certain nombre de complications fonc-
tionnelles. Après la gastroplastie, l’alimentation hachée des ■ Conclusion
premiers jours doit rapidement faire place à la prise de trois
petits repas de texture normale et éventuellement d’une La chirurgie bariatrique fait partie de la stratégie du traite-
collation qui seront consommés lentement après une mastica- ment de l’obésité massive ou compliquée résistant aux traite-
tion prolongée. ments conventionnels bien conduits [9, 14]. Elle apporte un
Les principes de la diversification alimentaire avec une faible bénéfice incontestable en termes de réduction pondérale et
densité énergétique et une grande densité nutritionnelle sont d’amélioration des comorbidités. Elle n’est pas anodine et ne
valables après comme avant l’intervention sous réserve d’une peut être proposée qu’à des sujets sélectionnés suivant des
réintroduction progressive des aliments. Un recensement critères rigoureux après un suivi médiconutritionnel et psycho-
soigneux des aliments non tolérés est fait afin de substituer les logique d’au moins un an, en résistant à l’excès d’enthousiasme
micronutriments importants dont ils sont les vecteurs. La des patients et de leur médecin. La décision prise, l’intervention
multiplication des petits repas est déconseillée. Les boissons est réalisée par une équipe expérimentée. Le CCG et la DBP sont
sont limitées au moment des repas. plus adaptés aux superobésités ; la GCA ou la GV paraissent
Après CCG, la reprise de l’alimentation normale est différée particulièrement indiquées en cas d’hyperphagie sans grignotage
pour permettre la cicatrisation du montage. Une alimentation mais il n’existe pas d’étude coût/efficacité/risque démontrant
semi-liquide sans sucres ajoutés, hyposodée, fractionnée en 5 à formellement la supériorité d’un type d’intervention. Après
6 prises est poursuivie pendant une semaine. l’intervention, un suivi multidisciplinaire prolongé reste de mise
Le dépistage des carences et leur correction sont un autre afin de contrôler la perte pondérale et les carences et d’éviter les
temps du suivi nutritionnel. Une supplémentation systématique complications tardives fonctionnelles et nutritionnelles qui sont
en folates est indiquée chez les femmes en âge de procréer. Un d’autant plus fréquentes et plus graves que le suivi est de

Traité de Médecine Akos 5


3-0795 ¶ Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites

mauvaise qualité. La chirurgie bariatrique n’est pas un exercice [8] Sjöström L, Lindroos AK, Peltonen M, Torgerso J, Bouchard C,
chirurgical mais une intervention de type comportemental Carlsson B, et al. Lifestyle, diabetes, and cardiovascular risk factor 10
nécessitant une éducation du patient. years after bariatric surgery. N Engl J Med 2004;351:2683-93.
Le conseil alimentaire reste indispensable au long cours. [9] Maggard MA, Shugarman LR, Suttorp M, Maglione M, Sugarman HJ,
Livingston EH, et al. Meta-analysis: surgical treatment of obesity. Ann
Quelques points forts sont à rappeler sans relâche : manger
Intern Med 2005;142:547-59.
lentement, dans le calme, mastication lente de petites bouchées, [10] Li Z, Maglione M, Tu W, Mosica W, Arterbum D, Shugarman LR, et al.
fractionnement en 4 à 5 prises d’une alimentation de texture Meta-analysis: pharmacologic treatment of obesity. Ann Intern Med
normale n’excluant aucun aliment (en proposant seulement une 2005;142:532-46.
réduction des aliments mal tolérés), maintenir un apport [11] Christov NV, Sampalis JS, Liberman M, Look D, Auger S, McLean AP.
protéique satisfaisant même si la viande est mal tolérée, boire à Surgery decreases long-term mortality, morbidity and health care use in
distance des repas. morbidly obese patients. Ann Surg 2004;240:416-23.
[12] ScheenAJ.Agressive weight reduction treatment in the management of
type 2 diabetes. Diabetes Metab 1998;24:116-23.
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J.-L. Schlienger (jean-louis.schlienger@chru-strasbourg.fr).


Service de Médecine interne et nutrition, CHU Hautepierre, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Schlienger J.-L. Chirurgie de l’obésité : conditions, intérêt, limites. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de
Médecine Akos, 3-0795, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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6 Traité de Médecine Akos


3-0850
3-0850

Complications du diabète
Encyclopédie Pratique de Médecine

C Sachon, A Grimaldi, A Heurtier

L e diabète est la première cause de cécité avant l’âge de 50 ans, de prise en charge en dialyse pour insuffisance
rénale terminale, ou encore d’amputation des membres inférieurs. Cinquante pour cent des diabétiques
meurent d’insuffisance coronaire prématurée.
Pourtant, un tiers à la moitié des complications du diabète pourraient être évités !
© Elsevier, Paris.


lorsque l’osmolarité calculée dépasse 350 mOsm/L,
Introduction Traitement du coma hypoglycémique selon la formule : osmolarité = (Na + 13) 2 + glycémie
✔ DID en mmol/L (N = 310 mOsm/L).
Une ou plusieurs ampoules de G30 en La présence d’une cétonurie à + ou ++ n’élimine
Il faut distinguer les complications métaboliques (les pas le diagnostic de coma hyperosmolaire qui repose
IV ou une injection IM. (ou même
comas hypoglycémique, hyperosmolaire, acidocétosi- sur le calcul de l’osmolarité.
sous-cutanée) de glucagon, suivie si
que et l’acidose lactique), les complications Il est essentiel de penser systématiquement à la
microangiopathiques (rétinopathie, néphropathie,
besoin est d’une deuxième 10 minutes possibilité d’un coma hyperosmolaire chez un sujet
neuropathie), et enfin les complications plus tard. âgé prenant des traitements corticoïdes ou diurétiques.
macroangiopathiques. ✔ DNID Une surveillance systématique de la glycémie, de la
Une ou plusieurs ampoules de G30 en glycosurie et du bilan hydrique est nécessaire et
IV. suffisante pour éviter le coma hyperosmolaire. S’il se

‚ Coma hypoglycémique

Complications métaboliques Hospitalisation : perfusion de G5 ou
G10 pendant 24 à 48 heures.
rencontre essentiellement chez le vieillard, le coma
hyperosmolaire peut se détecter chez les jeunes
Antillais, grands consommateurs de boissons sucrées.

Traitement
‚ Coma hyperosmolaire
C’est une complication que l’on voit essentiellement Il repose sur une hydratation importante, de 8 à
Ce coma, avec déshydratation massive, met
au cours du diabète insulinodépendant (DID) traité par 12 L/ 24 heures, en commençant par 2 L de sérum
plusieurs jours à s’installer ; il peut toujours être
l’insuline. physiologique en 2 heures.
prévenu à la phase initiale associant hyperglycémie et
Le coma hypoglycémique comporte essentielle- hyponatrémie, c’est-à-dire lorsque l’osmolarité est La diurèse est l’élément de surveillance essentiel, en
ment un risque traumatique, il est cependant grave encore normale ou peu élevée. Il suffit alors de effet, si le malade n’urine pas malgré une
chez l’enfant, le sujet âgé, l’alcoolique, l’insuffisant prescrire une hydratation par des boissons réhydratation intensive, il faut le transférer en service
rénal et le sujet dénutri. Le traitement du coma abondantes et une insulinothérapie sous-cutanée à de réanimation.
hypoglycémique repose sur l’injection intraveineuse faible dose, en assurant parallèlement une surveillance Une insulinothérapie intraveineuse doit être
(IV) d’une ou plusieurs ampoules de glucosé quotidienne, voire pluriquotidienne, urinaire et prescrite.
hypertonique à 30 %, suivie d’une perfusion de sanguine. Lors du coma, la déshydratation est massive Il faut bien sûr traiter également la cause
glucosé à 5 ou 10 % ou de l’injection intramusculaire et nécessite généralement 8 à 12 L de perfusion en 24 déclenchante, et le plus souvent prescrire une
(IM) de glucagon. Il n’y a, en principe, pas lieu heures. antibiothérapie à large spectre après avoir réalisé les
d’hospitaliser un diabétique insulinodépendant au prélèvements locaux et des hémocultures.
décours du coma hypoglycémique, dans la mesure où Physiopathologie Enfin, peut-être l’élément le plus important du
il ne présente pas de déficit neuropsychologique à la Ce coma survient généralement chez des sujets traitement est la prévention des complications
sortie de son coma, où il ne vit pas seul, si son âgés, diabétiques non insulinodépendants connus, ou secondaires à la déshydratation massive et à
entourage sait injecter le glucagon. En revanche, il est parfois même chez des sujets dont le diabète n’est pas l’alitement. Ces complications sont en effet
nécessaire de rechercher avec lui la cause du coma connu. Une infection (bronchite, grippe), une diarrhée responsables du décès dans 20 à 30 % des cas.
hypoglycémique. ou une prise de corticoïdes sont responsables d’une
Dans le cas d’un coma hypoglycémique chez un ‚ Coma acidocétosique
hyperglycémie importante avec apparition d’une
diabétique non insulinodépendant (DNID) traité par polyurie. Le sujet âgé perçoit mal la soif et ne boit pas Il complique le plus souvent le diabète
sulfamides hypoglycémiants, l’hospitalisation est suffisamment. En conséquence, se développe une insulinodépendant, mais peut s’observer dans 10 à
indispensable car l’hypoglycémie risque de déshydratation extracellulaire avec hypotension 15 % des cas lors du diabète non insulinodépendant,
réapparaître quelques heures après le traitement initial artérielle et insuffisance rénale fonctionnelle. Au début, en situation de stress biologique (accident
en raison de la durée d’action prolongée des l’hyperglycémie entraîne une hyperosmolarité cardiovasculaire, intervention chirurgicale ou infection
sulfamides hypoglycémiants. Le glucagon est contre- extracellulaire responsable d’une sortie d’eau et de sévère avec hypersécrétion de catécholamines et de
indiqué chez le diabétique non insulinodépendant potassium du secteur cellulaire. L’osmolarité est glucagon).
traité par sulfamides hypoglycémiants, car le glucagon normale, l’ionogramme sanguin montre une
conserve son effet insulinosécréteur, et risque donc hyperglycémie, une hyponatrémie et une hyperkalié- Pièges de l’acidocétose
d’aggraver l’hypoglycémie. Le traitement repose sur mie. Dans un deuxième temps s’installe une L’acidocétose peut être souvent confondue avec
© Elsevier, Paris

une à plusieurs ampoules de G30 en IV et d’une insuffisance rénale fonctionnelle, la polyurie n’est plus une gastroentérite devant un syndrome abdominal
perfusion de glucosé à 5 ou 10 %, qui doit être mise en vraiment osmotique, la natriurèse diminue, la avec douleurs et vomissements. Elle peut simuler
place pendant 24 à 48 heures. Il faudra bien sûr revoir natrémie s’élève, l’osmolarité augmente, accentuant la une pneumopathie en raison d’un tableau
le traitement du malade et diminuer les sulfamides à la déshydratation intracellulaire responsable de troubles d’hyperpnée lié à l’acidose métabolique. Elle peut
sortie de l’hôpital. de la conscience. On parle de coma hyperosmolaire enfin s’accompagner d’une asthénie intense avec

1
3-0850 - Complications du diabète

L’insulinothérapie est de l’ordre de 10 unités


Traitement du coma hyperosmolaire Il faut penser à l’acidocétose chez un d’insuline rapide à l’heure en intraveineuse, tant
✔ Réhydratation : 2 L en 2 heures, DID devant : que persiste la cétose. Lors de la disparition de la
1 L en 2 heures, 1 L toutes les une gastroentérite, cétose, le traitement par injection sous-cutanée
3 heures (sérum physiologique à une hyperpnée, peut être repris.
9 ‰ jusqu’au 3e L compris, glucosé une asthénie intense avec crampes. L’apport de potassium est essentiel, en effet, la
correction de l’acidose et la prescription d’insuline
à 2,5 % ou sérum physiologique à ✔ Conduite à tenir
arrêtent la sortie du potassium de la cellule et induisent
4,5 ‰ ensuite, substituts du plasma Mesurer la glycémie capillaire. au contraire une rentrée intracellulaire du potassium.
en cas d’hypotension). Si elle est ≥ 3 g/L, rechercher la La diurèse osmotique et les éventuels vomissements
✔ Chlorure de potassium à partir du cétonurie. aggravent l’hypokaliémie. Le potassium doit donc être
3e L de perfusion et après résultat de ✔ Causes de l’acidocétose chez le rajouté dans les perfusions, le plus souvent à partir du
l’ionogramme sanguin (sauf si DID 3e L d’hydratation, dès que la kaliémie atteint 4 mEq/L.
oligoanurie). Diminution importante, voire arrêt, de Le traitement de la cause déclenchante est
✔ Insulinothérapie : 10 unités/h l’insulinothérapie par crainte du coma impératif, une antibiothérapie doit être mise en route
au moindre doute de cause infectieuse.
jusqu’à glycémie ≤ 13,75 mmol/L hypoglycémique lors d’une pathologie
(2,50 g/L), puis 3 ou 4 unités/h. infectieuse avec baisse de l’appétit.
Antibiotiques si besoin après Arrêt d’insuline en cas de problèmes ‚ Acidose lactique
hémocultures. psychologiques graves. Elle s’observe essentiellement lors du non-
✔ Héparine de bas poids moléculaire Panne de pompe à insuline. respect des contre-indications des biguanides :
à doses préventives (Fraxiparinet : Glucophaget, Stagidt et Glucinant. Elle est
0,3 mL, ou Lovenoxt : 0,4 mL). redoutable car elle entraîne le décès dans 50 %
Traitement des cas. Par précaution, les biguanides doivent
✔ Humidification bronchique,
L’hydratation : environ 6 L en 24 heures, dont la être systématiquement arrêtés 2 jours avant toute
aspiration pharyngée, soins de la moitié doit passer pendant les 6 premières heures. anesthésie générale et 2 jours avant une
cavité buccale. radiographie comportant une injection d’iode
✔Protection des conjonctives : collyre (urographie intraveineuse, angiographie, scanner
antiseptique, sérum physiologique. Traitement de l’acidocétose diabétique avec injection...). En revanche, il n’y a pas lieu
✔ Lit fluidisé, soins antiescarres. sévère d’arrêter les biguanides lors de l’angiographie
✔ Surveillance toutes les heures : ✔ Insulinothérapie rétinienne à la fluorescéine. Il est indispensable
conscience, poids, tension artérielle Dix unités/h par voie intraveineuse. d’arrêter les biguanides chez un diabétique
Après disparition de la cétose : présentant un syndrome infectieux sévère, un
(TA), diurèse, glycémie.
injections sous-cutanées toutes les accident cardiovasculaire ou devant être opéré.
✔Surveillance toutes les 4 heures : En cas d’acidose lactique, le malade doit être
ionogramme sanguin, 3 heures en fonction de la glycémie
immédiatement transféré en réanimation pour
électrocardiogramme (ECG), glycémie. capillaire (après avoir fait une injection
épuration extrarénale.
intraveineuse de 10 unités en même
temps que l’injection sous-cutanée pour
crampes et troubles de la vue. Devant de tels éviter tout hiatus insulinique). Contre-indications des biguanides
tableaux, il faut savoir, en particulier chez le ✔ Réhydratation : 1 L en 1 heure, 1 L (Glucophaget, Stagidt, Glucinant)
diabétique insulinodépendant déjà connu, mesurer en 2 heures, 1 L en 3 heures, 1 L
la glycémie capillaire. Si elle est supérieure ou égale à Insuffisance rénale (créatininémie >
toutes les 4 heures (500 mL à 1 L de 150 µmol/L ou clairance de la
3 g/L, il faut aussitôt rechercher l’acétone dans les
bicarbonate isoosmotique à 14 ‰ si le
urines. Lorsque l’acidocétose complique un diabète créatinine < 60 mL/min.
insulinodépendant déjà connu, il s’agit, le plus
pH est ≤ 7, puis 1 à 2 L de sérum
physiologique à 9 ‰, puis du glucosé Alcoolisme, insuffisance
souvent, d’une erreur de raisonnement lors d’une
isotonique avec 4 g de NaCl et 4 g de hépatocellulaire.
pathologie infectieuse intercurrente. Le malade
n’ayant pas faim arrête son insulinothérapie, ou du KCl/L). Insuffisance cardiaque évolutive.
moins la diminue de façon importante pour éviter Le potassium est apporté à partir du Insuffisance respiratoire.
tout risque d’hypoglycémie. La cétose aggrave le 3e L après contrôle de l’ionogramme Apnée du sommeil.
tableau digestif, le malade mange encore moins et sanguin, de l’ECG et en surveillant la
diminue encore son insuline, ce qui conduit à Sida.
diurèse. On ne doit pas dépasser 2 g de
l’acidocétose métabolique. Le diabétique doit être Greffe rénale, hépatique ou cardiaque.
KCl en 1 heure.
éduqué, en cas de maladie intercurrente, à surveiller
sa glycémie très régulièrement, toutes les 3 heures, et
✔ Si besoin est, antibiothérapie IV Calcul de la clairance de la créatinine
à rechercher l’acétone dans ses urines si sa glycémie après hémoculture et prélèvements selon la formule de Cockroft
est supérieure ou égale à 2,50 g/L avant les repas. Si locaux, en adaptant la posologie à Clairance de la créatinine (mL/min) =
son hyperglycémie s’accompagne de cétonurie à + l’insuffisance rénale fonctionnelle (140 – âge) x (poids en kg)/
ou ++, il doit faire immédiatemment des fréquente. créatininémie (µmol/L) x 1,25 chez
suppléments d’insuline rapide, entre 4 et 10 unités Si besoin est héparine de bas poids l’homme.
selon ses doses d’insuline antérieures. Ce sont les moléculaire à doses préventives.
résultats glycémiques et cétonuriques qui guident les ✔ Règles d’arrêt des biguanides
✔ Surveillance
doses d’insuline à injecter, et non les apports Deux jours avant une anesthésie
Toutes les heures : conscience,
alimentaires. Si le patient ne peut rien avaler, a générale ou une radio avec injection
fortiori s’il vomit, il doit être hospitalisé en urgence de
fréquence respiratoire, pouls, TA,
diurèse, température, cétonurie, d’iode.
façon à être mis sous perfusion, avec insulinothéra-
pie intraveineuse. Lors de l’éducation des glycémie capillaire. Aussitôt devant un syndrome
diabétiques insulinodépendants, il est primordial de Toutes les 4 heures : ionogramme infectieux sévère ou devant un
leur apprendre que l’insulinosécrétion est sanguin, glycémie, réserve alcaline, accident cardiovasculaire ou
permanente chez le sujet non diabétique, même en ECG. respiratoire.
l’absence de repas.

2
Complications du diabète - 3-0850


plusieurs années, d’un simple fond d’œil,
Microangiopathie diabétique l’angiographie rétinienne n’étant généralement ✔ Classification de la rétinopathie
proposée qu’après 5 ans d’évolution de la maladie.
diabétique
La classique triopathie diabétique regroupe la Formes cliniques Absence de rétinopathie.
rétinopathie, la néphropathie et la neuropathie La rétinopathie diabétique évolue selon deux Rétinopathie diabétique non
diabétique. Il est aujourd’hui prouvé que l’équilibre du modes : l’ischémie et l’œdème. proliférante minime, modérée, sévère.
diabète, grâce à une insulinothérapie optimisée, ■ L’ischémie se caractérise par les territoires non Rétinopathie préproliférante.
permet d’en prévenir l’apparition ou d’en freiner perfusés vus à l’angiographie, les hémorragies
l’évolution. Rétinopathie proliférante, débutante,
intrarétiniennes, les nodules cotonneux, les anomalies
du calibre veineux et les néovaisseaux intrarétiniens,
modérée, sévère.
puis prérétiniens, notamment prépapillaires, Maculopathie ischémique, œdémateuse
L’équilibre glycémique grâce à une
responsables d’hémorragies intravitréennes. Ces focale, œdémateuse diffuse cystoïde,
insulinothérapie optimisée permet de néovaisseaux sont responsables du développement œdémateuse diffuse non cystoïde.
prévenir les complications de d’une fibrose gliale, qui entraîne un décollement de L’examen du fond d’œil doit être
microangiopathie et d’en freiner rétine.
demandé systématiquement chaque
l’évolution. ■ L’œdème peut être responsable d’exsudats durs,
qui prédominent au pôle postérieur. Une des causes
année par le médecin traitant.
de perte de l’acuité visuelle du diabétique est la L’angiograhie rétinienne est
La survenue et l’évolutivité des complications sont
maculopathie œdémateuse, dont le développement demandée par l’ophtalmologiste.
étroitement corrélées à la durée du diabète et au degré
est corrélé à l’équilibre glycémique et à la pression Elle est systématique lors de la
d’équilibre glycémique. Lorsque les complications ont
artérielle diastolique. L’œdème maculaire est plus découverte d’un diabète non
déjà évoluées, il n’est pas possible de les faire régresser
fréquent au cours des rétinopathies proliférantes. Dans insulinodépendant.
malgré un équilibre glycémique parfait, on peut du
le diabète de type II, il est souvent plus étendu et plus
moins en freiner l’aggravation. Il faut cependant être Elle est effectuée environ 5 ans après
mal toléré, avec une baisse importante de l’acuité
prudent car l’amélioration trop rapide de l’équilibre le début du diabète insulinodépendant.
visuelle.
métabolique peut initialement être responsable d’une
Elle est demandée à titre systématique
aggravation de la neuropathie et de la rétinopathie.
Les risques de rétinopathie et de glomérulopathie
tous les 3 ans environ, lorsque le fond
Environ 30 % des diabétiques sont d’œil est normal.
ne sont pas équivalents. En effet, près de 50 % des atteints d’œdème maculaire après
diabétiques insulinodépendants développent une ✔ Demande d’examen ophtalmo-
20 ans d’évolution de la maladie. logique, renseignements
rétinopathie sévère, seulement la moitié d’entre eux
présentent une glomérulopathie clinique. L’incidence à fournir
annuelle de la rétinopathie sévère reste stable, environ Traitement Date du début du diabète.
3 % après 20 ans de diabète, celle de la glomérulopa- Qualité de l’équilibre glycémique :
Il faut souligner avant tout l’importance de la
thie s’effondre après 20 ans de diabète pour tomber à
prévention de la rétinopathie diabétique grâce à bon, moyen, mauvais, très mauvais.
3 ‰ après 30 ans d’évolution. Il existe donc des
facteurs de protection ou de susceptibilité de l’atteinte
l’équilibre glycémique, avec une moyenne glycémique Pression artérielle : traitement
inférieure à 1,60 g/L, soit une hémoglobine A1C éventuel.
glomérulaire. Ces facteurs sont essentiellement d’ordre
inférieure ou égale à 7,5 % (N : 4-5,6 %), et le Existence ou non d’une néphropathie.
génétique.
traitement de l’hypertension artérielle (HTA), avec, Programmation d’une grossesse ou
pour objectif, une pression artérielle inférieure à
contraception à préciser.
L’objectif glycémique de prévention de 130/80 mmHg.
Conseils au diabétique qui va en
la microangiopathie n’est pas la
consultation d’ophtalmologie
normoglycémie. HTA et microangiopathie L’examen ne nécessite pas d’être à
On peut prévenir la microangiopathie L’HTA aggrave la rétinopathie et la jeun.
sévère grâce à une HbA1C ≤ 7,5 % (N : glomérulopathie. S’y rendre par les transports en
4 à 5,6), soit une moyenne glycémique Objectif tensionnel < 130/80 mmHg. commun ou accompagné, en effet,
≤ 1,60 g/L. il est difficile de conduire pupilles
Enfin, au stade de rétinopathie proliférante dilatées.
‚ Rétinopathie diabétique débutante, un traitement par laser doit être proposé. Se munir de lunettes de soleil pour
Elle reste la première cause de cécité dans les pays La maculopathie œdémateuse doit également atténuer l’éblouissement.
développés, chez les sujets de 20 à 60 ans, et ce bénéficier d’un traitement par laser. Il s’agit parfois Il arrive que l’injection de fluorescéine
malgré un traitement par photocoagulation au laser d’un traitement difficile lorsque les lésions à provoque des nausées, il faut le
dont les indications sont aujourd’hui parfaitement photocoaguler se trouvent près de la région fovéolaire. signaler dans la mesure où il est
précisées.
‚ Néphropathie diabétique possible d’atténuer ces symptômes
Dépistage Sa principale manifestation est l’augmentation de
(Primpérant...).
La rétinopathie diabétique se développe sans que le l’albuminurie. Après l’examen, les urines sont
malade ne perçoive de symptôme. La baisse de fluorescentes, le produit y est éliminé.
l’acuité visuelle témoigne de lésions très avancées. Glomérulopathie incipiens Comment apprécier la qualité de
Tout malade diabétique doit donc être informé sur le Elle se définit par la microalbuminurie positive. En l’examen ophtalmologique ?
risque de rétinopathie et éduqué sur la nécessité du effet, on parle de glomérulopathie incipiens lorsque Le fond d’œil doit avoir été examiné
dépistage des lésions rétiniennes par l’examen l’albuminurie se situe entre 30 et 300 mg/24 h ou 20 à après dilatation pupillaire.
systématique annuel du fond d’œil. 200 µg/min, ou encore 20 à 200 mg/L. Le recueil des Le compte rendu doit être détaillé et
Lors du diagnostic du diabète non insulinodépen- urines peut se faire sur 24 heures, sur la nuit, ou encore
dant, il existe déjà, dans 10 à 20 % des cas, une sur simple miction. On ne parle de néphropathie
préciser l’état de la macula.
rétinopathie diabétique. Il est donc indispensable, dès incipiens que si cette microalbuminurie est retrouvée L’indication ou non d’une
le diagnostic de diabète non insulinodépendant, au moins à deux dosages. Une microalbuminurie angiographie doit être précisée.
d’effectuer une angiographie rétinienne à la recherche positive ne signifie toutefois pas systématiquement La tension oculaire doit avoir été
de lésion. Dans le cadre du diabète insulinodépendant, néphropathie incipiens, il faut éliminer d’autres causes mesurée.
où le début est brutal, on peut se contenter, pendant de microalbuminurie augmentée : infection urinaire,

3
3-0850 - Complications du diabète

rein, et obtenir une pression artérielle inférieure à il faut rechercher une prostatite qui nécessitera un
Les cinq stades de la néphropathie 130/80 mmHg. Chez le diabétique non insulinodépen- traitement antibiotique adapté d’au moins 4
diabétique dant âgé de plus de 50 ans, la microalbuminurie semaines.
✔ Stade 1 : néphropathie élevée n’a pas la même signification que chez le
diabétique insulinodépendant ou lorsque le diabétique
fonctionnelle.
non insulinodépendant est jeune, âgé de moins de 30 ✔ Urographie intraveineuse et
Augmentation de la taille des reins et ans. En effet, chez le diabétique non insulinodépen-
du volume glomérulaire. dant de plus de 50 ans, la microalbuminurie positive
infection urinaire
Augmentation de la filtration doit être considérée comme un marqueur de risque Elle est indispensable chez les femmes
glomérulaire de 20 à 40 %. vasculaire avec risque de mortalité coronarienne dans de plus 50 ans présentant des
TA normale. les 10 ans multiplié par trois. infections urinaires récidivantes,
Microalbuminurie normale. et chez l’homme.
Glomérulopathie patente
✔ Stade 2 : lésions rénales ✔ Diagnostic de pyélonéphrite aiguë
On parle de néphropathie diabétique patente
histologiques sans traduction Devant une infection urinaire avec
lorsque l’albuminurie dépasse 300 mg/24 h. En règle,
clinique. il existe une rétinopathie diabétique associée, le plus douleurs lombaires et fièvre, l’examen
✔ Stade 3 : néphropathie incipiens. souvent sévère. S’il n’en existe pas, il y a lieu de approprié pour porter le diagnostic de
Augmentation de la filtration demander l’avis d’un néphrologue, qui décidera pyélonéphrite, semble être celui de la
glomérulaire. éventuellement d’une ponction biopsie rénale pour tomodensitométrie avec injection
confirmer le diagnostic. Il faut bien sûr vérifier avant d’iode, suivi de clichés urographiques.
Augmentation de l’albuminurie
l’absence d’autres pathologies uronéphrologiques (la ✔ Néphropathie due au produit de
supérieure à 20 µg/min. taille des reins est normale et l’échographie ne révèle
Augmentation annuelle de la pression pas d’anomalie des voies urinaires en cas de
contraste iodé
artérielle de 3 à 4 mmHg. néphropathie diabétique). Au stade de néphropathie Lorsque la créatinine est supérieure à
✔ Stade 4 : néphropathie clinique. patente, la clairance glomérulaire décroît 135 µmol/L, il existe un risque
Dépôts mésangiaux nodulaires diffus. inexorablement, avec une moyenne de 1 mL/ d’insuffisance rénale aiguë lors
min/mois, ce qui mène à l’épuration extrarénale en d’injection de produits iodés.
Hyalinose artériolaire.
7 ans environ. Cette évolution inexorable peut être Créatinine Incidence
Diminution de la filtration ralentie grâce au traitement antihypertenseur, avec,
glomérulaire. < 135 µmol/L environ 0
pour objectif, une pression artérielle inférieure à
Protéinurie croissante. 140/90 mmHg. Les inhibiteurs de l’enzyme de entre 135 et 180 µmol/L 50 %
HTA supérieure à 140/90 mmHg. conversion sont actuellement les antihypertenseurs de entre 180 et 360 µmol/L 75 %
✔ Stade 5 : insuffisance rénale référence en cas de néphropathie diabétique. En cas ≥ à 360 µmol/L 95 %
terminale. de néphropathie sévère, il existe un risque important ✔ Précautions à prendre pour réaliser
d’hypoglycémie, il faut donc être prudent et ne une radiographie avec injection de
Obstruction glomérulaire.
rechercher qu’un équilibre glycémique acceptable, produit de contraste iodé chez un
Filtration glomérulaire inférieure à avec une glycémie moyenne inférieure à 2 g/L. Sur le
10 mL/min. plan diététique, il est souhaitable de proposer un
diabétique
HTA volodépendante. régime modérément hypoprotidique, c’est-à-dire de la Vérifier la créatininémie.
✔ Néphropathie incipiens viande et du fromage à un repas sur deux seulement. Arrêter, si possible avant l’examen, les
Microalbuminurie supérieure à La correction de l’hyperlipidémie est également diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme
20 µg/min, à plusieurs reprises, en- souhaitable, soit par fibrates, soit par inhibiteur de de conversion, les médicaments
l’HMG Co-A (hydroxy-36 méthyl glutaryl coenzyme A néphrotoxiques types anti-
dehors de toute autre pathologie réductase). Il faudra bien sûr éviter les médicaments
néphrologique (lithiases rénales, inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
néphrotoxiques et être très prudent si une
infection urinaire...). radiographie avec injection de produit iodé est
et aminosides. Ne les reprendre
✔ Traitement nécessaire. Chez le diabétique non insulinodépendant, qu’après contrôle de la créatininémie
Équilibre parfait du diabète. les biguanides sont formellement contre-indiqués dès 48 heures après l’examen.
Hémoglobine A1C (inférieure à 7,5 %). que la clairance de la créatinine est inférieure à 50 Les biguanides (Glucophaget, Stagidt
mL/min, quant aux sulfamides, le seul autorisé reste le et Glucinant) doivent être
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
Glibénèset lorsque la clairance devient inférieure à 50 impérativement arrêtés 48 heures
Éventuellement, régime mL/min, en raison de sa demi-vie courte.
hypoprotidique 0,8/kg/j. avant, jusqu’à 48 heures après
✔ Données épidémiologiques l’examen.
Treize pour cent des dialysés en Lorsque la clairance est inférieure à Hydrater le malade selon la fonction
France sont diabétiques. 30 mL/min, les antidiabétiques oraux rénale. Si la fonction rénale est
Trente pour cent des dialysés aux sont formellement contre-indiqués, et anormale, il convient de perfuser 1 L
Étas-Unis, dans les pays scandinaves l’insulinothérapie est le seul traitement de sérum physiologique isotonique 8 à
et à la Réunion sont diabétiques. possible. 12 heures avant l’examen, et 500 mL
Soixante à quatre-vingts pour cent des dans les 3 heures qui suivent
diabétiques dialysés sont des Infections urinaires l’examen.
diabétiques non insulinodépendants. Leur diagnostic repose sur l’examen Chez le DID, le sérum physiologique
cytobactériologique des urines (ECBU). Une sera remplacé par du G5 lors du
concentration égale ou supérieure à 10 5 départ du malade à l’examen,
germes/mL affirme l’infection urinaire, les l’insuline retard sera normalement
lithiase rénale, déséquilibre aigu du diabète... En cas de leucocytes altérés affirment la pyurie. L’antibio- injectée.
néphropathie incipiens, le plus souvent, il existe une gramme doit toujours être effectué, le traitement
rétinopathie diabétique associée, la pression artérielle doit comporter une antibiothérapie pendant
quant à elle est normale mais commence déjà à 8 jours avec contrôle de la normalisation de
s’élever. Devant une néphropathie incipiens, il faut l’ECBU. Douleurs lombaires, fièvre ou récidive
‚ Neuropathie diabétique
rechercher un équilibre parfait du diabète, traiter par avec le même germe doivent faire suspecter une Sa survenue dépend de l’équilibre glycémique et de
inhibiteurs de l’enzyme de conversion pour protéger le atteinte parenchymateuse rénale. Chez l’homme, la durée du diabète.

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Complications du diabète - 3-0850


L’âge supérieur à 50 ans, le sexe masculin et la de la sensibilité à la douleur, qui joue un rôle essentiel
grande taille sont des facteurs de susceptibilité. dans la pathogénie des ulcérations trophiques du pied.
Complications
macroangiopathiques
Mononeuropathies et mononeuropathies Neuropathie végétative
multiples
¶ Manifestations cardiovasculaires et sudorales Soixante-quinze pour cent des diabétiques
On distingue cruralgie et méralgie paresthésique au On peut dépister précocement une dénerva- décèdent des complications de l’athérosclérose.
niveau des membres inférieurs, et atteinte des nerfs tion cardiaque parasympathique par étude des
oculomoteurs, plus particulièrement du 3 et du 6. Lors ‚ Particularités cliniques de la
variations de la fréquence cardiaque lors de la
de l’atteinte du 3, la réactivité pupillaire est normale. macroangiopathie diabétique
respiration profonde, lors de la manœuvre de
Quant à l’amyotrophie diabétique proximale, elle Valsalva et lors du passage de la position couchée La survenue d’une athérosclérose précoce
survient essentiellement chez les diabétiques non à la position debout. L’hypotension orthostatique s’observe essentiellement dans deux situations
insulinodépendants de plus de 50 ans. Le pronostic de témoigne d’une dénervation sympathique cliniques.
ces atteintes est en général bon, quelle que soit la périphérique. ■ Chez les diabétiques insulinodépendants ou
nature du traitement. non, atteints d’une glomérulopathie diabétique, elle-
¶ Manifestations urogénitales même, le plus souvent, associée à une rétinopathie
Polyneuropathies diabétiques sévère. Chez ces patients, parallèlement à
L’impuissance atteindrait 30 % des diabétiques. Elle
Elles sont beaucoup plus fréquentes. Leur peut toutefois être exclusivement d’origine psychique. l’albuminurie supérieure à 300 mg/24 h et au déclin
topographie est habituellement distale, en chaussettes, L’atteinte vésicale est fréquente, on retrouve une progressif de la fonction glomérulaire, on constate une
avec, rarement, atteinte des membres supérieurs. Les altération de la débitmétrie urinaire. HTA, une dyslipidémie et une tendance thrombogène.
réflexes sont abolis, plus particulièrement les La gastroparésie diabétique peut se traduire par des L’ensemble constitue une véritable angiopathie
achilléens, la sensibilité profonde est altérée, avec troubles digestifs postprandiaux immédiats, avec maligne. L’atteinte rénale multiplie par dix les risques
diminution de la sensibilité vibratoire au diapason ; il sensation de satiété, pesanteur épigastrique, nausées, de mortalité coronarienne et d’amputation des
existe des troubles de la sensibilité superficielle tactile, éructations malodorantes. L’achlorhydrie qui membres inférieurs chez ces patients.
thermique et douloureuse. Enfin, on observe une perte l’accompagne peut favoriser une pullulation ■ Chez les diabétiques non insulinodépendants
microbienne participant à la pathogénie de la diarrhée avec obésité androïde d’aspect pseudo-cushingoïde.
diabétique. Chez les femmes, l’obésité androïde correspond à un
✔ L’électromyogramme est le plus rapport taille/hanches > 0,80, chez l’homme, ce
souvent inutile pour le diagnostic et Traitement de la neuropathie diabétique rapport est > 0,95. Ces patients présentent une graisse
la surveillance de la neuropathie Il repose tout d’abord sur l’équilibre du viscérale importante par contraste, avec une graisse
diabétique, car il ne permet pas diabète aussi parfait que possible, par multi- sous-cutanée abdominale peu développée, une HTA
injections d’insuline, voire même par pompe à sévère, une dyslipidémie (triglycérides élevés, HDL-
d’explorer les fibres de la douleur.
insuline. Pour le traitement de la douleur, des cholestérol diminué) et un risque d’insuffisance
✔ Traitement de la gastroparésie coronaire très élevé.
antalgiques banals ou les AINS peuvent être
diabétique
utilisés. Ensuite, les antiépileptiques sont
Fractionnement des repas en évitant ‚ Particularités des complications de
proposés, surtout efficaces en cas de douleur
les aliments riches en fibres. l’athérosclérose chez le diabétique
fulgurante. Certains antidépresseurs ont un
Médicaments prokinétiques : effet antalgique.
Primpérant, Motiliumt, Prepulsidt, La mortalité liée à l’athérosclérose est
Érythrocinet (250 mg per os avant les multipliée par deux chez le diabétique
✔ Traitement de la douleur des
repas). par rapport au non diabétique.
neuropathies diabétiques
NB : l’association Érythrocinet-
douloureuses
Prepulsidt est formellement contre-
indiquée en raison d’un risque Rechercher le meilleur équilibre ■ Les accidents vasculaires cérébraux entraînent
d’allongement de l’espace QT. possible du diabète, si besoin est avec plus souvent des micro-infarctus responsables de
✔ Causes de diarrhée chez le insulinothérapie par multi-injections, lacunes, en particulier s’il existe une HTA.
voire pompe à insuline. ■ L’ischémie myocardique est deux à trois fois plus
diabétique
Utilisation d’antalgiques usuels souvent indolore, sans toutefois être asymptomatique.
Prise de biguanides.
Pancréatite chronique. (paracétamol, acide salycilique, AINS).
Hyperthyroïdie. Utilisation d’antidépresseurs Il faut penser à un infarctus du
Maladie cœliaque. tricycliques en commençant par une myocarde chez le diabétique devant :
Diarrhée diabétique impérieuse, posologie de 10 à 25 mg/j le soir, avec des troubles digestifs, avec parfois
postprandiale évoluant par poussées de augmentation progressive des doses. douleurs épigastriques,
quelques jours avec retour à un transit La dose d’entretien efficace se situe une asthénie importante,
normal, voire constipation. habituellement entre 50 et 100 mg/j, en une dyspnée d’effort,
✔ Traitement de la diarrhée diabétique respectant les contre-indications : bloc des troubles du rythme cardiaque,
Antibiotiques à large spectre (cyclines auriculoventriculaire du 2e degré, un déséquilibre inexpliqué du diabète,
ou amoxycilline). hypotension orthostatique sympto- une simple baisse de la pression
Métronidazole : Flagylt. matique, adénome prostatique avec artérielle.
Ralentisseurs du transit, lopéramide : risque de rétention aiguë d’urines,
Imodiumt. glaucome à angle fermé.
Chélateur des sels biliaires : Utilisation d’antidépresseurs non L’infarctus du myocarde est souvent responsable
d’une insuffisance cardiaque séquellaire chez le
Questrant. tricycliques, qui ont moins d’effets
diabétique, en particulier chez la femme.
✔ Médicaments aggravant secondaires.
Le traitement de l’infarctus ne diffère pas de celui
l’impuissance Utilisation d’anticonvulsivants type des non diabétiques. Les antidiabétiques oraux sont
Bêtabloquants, diurétiques et autres Tégrétolt, Di-hydant, et surtout arrêtés et remplacés par l’insuline, au moins
antihypertenseurs. Rivotrilt, dont la posologie doit être transitoirement, avec un objectif glycémique de
Fibrates. adaptée à partir d’une dose de départ 1,60 g/L environ.
Médicaments à visée neuropsychique. de 0,5 mg/j. ■ L’artérite des membres inférieurs : la claudication
intermittente est souvent absente en raison d’une

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3-0850 - Complications du diabète

neuropathie associée. L’artérite des membres ■ Arrêt de l’intoxication tabagique. Une aide délétères. Les bêtabloquants gardent leur indication en
inférieurs se caractérise chez le diabétique par sa antitabac peut être proposée, mais sous-entend la cas d’insuffisance coronarienne. Les diurétiques à
topographie. prise de décision du patient d’arrêter de fumer. faible dose n’ont pas d’effets métaboliques délétères.
■ Diminution des boissons alcoolisées. Ils doivent être systématiques dans toute prescription
■ Traitement d’une dyslipidémie. comportant trois antihypertenseurs en raison de leur
Topographie de l’artérite des membres
■ Traitement de l’HTA grande synergie.
inférieurs chez le diabétique.
Dans un tiers des cas, elle est L’HTA est deux fois plus fréquente chez le
diabétique que chez le non diabétique.
proximale, corrélée aux facteurs de ✔ Traitement de l’HTA chez l’obèse
Chez le diabétique insulinodépendant, la pression
risques classiques (HTA, hyperlipi- diabétique ou intolérant aux
artérielle s’élève progressivement vers les valeurs
démie, tabac). hautes de la normale, parallèlement à l’apparition de
hydrates de carbone
Dans un tiers des cas, elle est distale, la microalbuminurie (néphropathie incipiens). Le Mesures hygiénodiététiques.
au-dessous du genou. traitement est indispensable dès ce stade, l’objectif est Activité physique. Une heure par jour
Dans un tiers des cas, elle est globale. d’obtenir une pression artérielle inférieure à ou, à défaut, trois à quatre fois par
130/85 mmHg. semaine.
Toutefois, même lorsque l’artérite est distale, une Antihypertenseurs métaboliquement
artère au-dessous de la cheville reste le plus souvent neutres : µ1-bloquants, IEC, Ica.
perméable. Les inhibiteurs de l’enzyme de ✔ Effets secondaires des
conversion (IEC) ont un rôle antihypertenseurs particulièrement
La palpation d’un pouls pédieux spécifique de protection néphronique redoutés chez les diabétiques
n’élimine pas l’existence d’une artérite et sont les antihypertenseurs de Risque d’insuffisance coronaire :
sévère des axes jambiers sus-jacents. première intention chez les DID dihydralazine (Népressolt), prazosine
En cas d’artérite, il ne faut jamais présentant une néphropathie incipiens. (Minipresst, Alpresst).
faire d’amputation, même a minima, Risque d’aggravation de
sans exploration vasculaire (mesure de Au stade de néphropathie patente, on associe l’hypoglycémie : bêtabloquants non
la TcPO2, doppler, artériographie). plusieurs antihypertenseurs, dont toujours un cardiosélectifs.
Il est en effet indispensable d’évaluer diurétique de l’anse. L’objectif est alors une pression Risque d’hypotension orthostatique :
les possibilités de revascularisation. artérielle inférieure à 140/90 mmHg. diurétiques, antihypertenseurs
Au stade de néphropathie patente, le traitement centraux, vasodilatateurs.
‚ Prévention de la macroangiopathie peut être gêné par une hypotension orthostatique Risque d’hyperkaliémie : diurétiques
nécessitant une répartition des prises dans le
Elle repose sur le traitement des facteurs de risque. épargneurs de potassium,
■ Recherche d’un bon équilibre glycémique avec nycthémère. L’objectif est alors une pression artérielle
en position assise inférieure à 130/80 mmHg, sans
bêtabloquants non cardiosélectifs,
un objectif probablement plus strict que pour la IEC.
prévention de la microangiopathie (moins de 1,20 g/L malaise orthostatique.
avant les repas, moins de 1,40 g/L 2 heures après les Chez le diabétique non insulinodépendant, il s’agit Aggravation d’une insuffisance
repas). L’exercice physique et les biguanides (en le plus souvent d’une HTA essentielle. cardiaque : bêtabloquants, vérapamil
l’absence de contre-indication) doivent permetttre Actuellement, l’association IEC-inhibiteurs calciques (Isoptinet), benzothiazépine
d’améliorer l’insulinorésistance. (Ica) est très utilisée, ils n’ont pas d’effets métaboliques (Tildiemt).
Œdème des membres inférieurs :
Objectifs lipidiques chez le diabétique adulte dihydropyridines. Attention chez les
LDL-cholestérol < 1,30 g/L. diabétiques à risque podologique !
Triglycérides < 1,50 g/L. Insuffisance rénale aiguë : IEC (et
HDL-cholestérol > 0,35 g/L chez l’homme. inhibiteurs des récepteurs de
> 0,40 g/L chez la femme. l’angiotensine II) en cas
Traitement de l’hypertriglycéridémie chez le diabétique : d’hypovolémie et de sténose bilatérale
Équilibre du diabète. des artères rénales.
Réduction pondérale. Toux : IEC.
Activité physique. Constipation, pollakiurie : Isoptinet,
Diminution voire arrêt des boissons alcoolisées. Tildiemt.
Fibrates Impuissance : tous les
NB : chez l’insuffisant rénal, les fibrates doivent être prescrits avec prudence en antihypertenseurs.
raison du risque de néphrotoxicité. Aggravation d’une artérite des
Les inhibiteurs de l’HMG Co-A peuvent être prescrits, en surveillant les membres inférieurs : bêtabloquants
transaminases et les créatine-kinases, compte tenu du risque de rhabdomyolyse. non cardiosélectifs.

Claude Sachon : Diabétologue.


André Grimaldi : Diabétologue.
Agnès Heurtier : Chef de clinique-assistant.
Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, A Grimaldi et A Heurtier. Complications du diabète.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0850, 1998, 7 p

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Complications du diabète - 3-0850

Références

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dependent diabetes mellitus. N Engl J Med 1993 ; 329 : 977-986
[2] Clark C, Lee A. Prevention and treatment of the complications of diabetes
mellitus. N Engl J Med 1995 ; 332 : 1210-1217 [6] The relationship of glycemic exposure (HbA 1c) to the risk of development
and progression of retinopathy in the diabetes control and complications trial.
[3] Grimaldi A, Sachon C, Bosquet F. Les diabètes : comprendre pour traiter. Diabetes 1995 ; 44 : 968-983
Paris : Médicales internationales, 1995

[4] Tchobroutsky G, Slama G, Assan R, Freychet P. Traité de diabétologie. Paris :


Pradel, 1990

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Diabète non insulinodépendant


Encyclopédie Pratique de Médecine

C Sachon, A Grimaldi, N Masseboeuf, E Corset

L e traitement du diabète non insulinodépendant (DNID) a connu quatre évolutions. La diététique n’est ni
hypoglycémique ni hypolipidique ; il est tout aussi essentiel de combattre l’insulinorésistance grâce à une
activité physique quotidienne et à la prescription de médicaments insulinosensibilisants ; en cas d’échec, on a recours
plus précocement à l’insulinothérapie associée aux hypoglycémiants oraux ; le malade doit devenir son propre
thérapeute grâce à une autosurveillance glycémique. Le médecin quitte alors son rôle de prescripteur et
d’ordonnateur pour celui de conseiller et d’éducateur.
© Elsevier, Paris.


moyenne glycémique inférieure à 1,50 g/L. Cela
Introduction équivaut à obtenir une glycémie préprandiale La glycémie n’est qu’un marqueur de
inférieure à 1,40 g/L, et postprandiale inférieure à risque et il convient de normaliser les
1,80 g/L. Ces objectifs glycémiques sont valables autres facteurs de risque vasculaires.
pour la prévention de la rétinopathie et de la
Le DNID résulte d’une insulinorésistance et d’une
glomérulopathie diabétique. Pour la neuropathie, les
insulinodéficience.
objectifs glycémiques doivent être plus stricts. Ils L’arrêt de l’intoxication tabagique est d’autant
Au cours des années précédant le DNID, il existe
doivent être révisés lorsqu’il s’agit de personnes plus justifié que 65 % des accidents cardiovascu-
un hyperinsulinisme consécutif à une insulinorésis-
âgées dont l’espérance de vie est inférieure à 10 ans laires des diabétiques surviennent chez les patients
tance, essentiellement musculaire. Après cette phase
et qui ne présentent aucune complication tabagiques. Une aide antitabac doit être proposée si
d’hyperinsulinisme euglycémique, l’insulinosécrétion
microvasculaire (pas de rétinopathie diabétique). Il besoin.
décroît, et la glycémie à jeun augmente
faut alors éviter prioritairement l’hypoglycémie, sans
progressivement. L’insulinodéficience devient
opter toutefois pour une hyperglycémie trop
absolue lorsque la glycémie à jeun atteint 2 g/L. Difficultés de prise en charge du
importante favorisant les infections à répétition. Des
L’insulinorésistance responsable du diabète a trois
glycémies préprandiales autour de 2 g/L paraissent DNID
composantes.
acceptables. En revanche, s’il existe une rétinopathie,
Une composante génétique, retrouvée chez les La prise en charge du DNID sous-
quel que soit l’âge, les glycémies préprandiales
enfants ayant une tolérance glucidique strictement entend des changements de
doivent idéalement être inférieures à 1,60 g/L pour
normale, mais dont les parents sont diabétiques non comportement, tant de la part des
limiter le risque d’aggravation.
insulinodépendants.
Chez une jeune femme diabétique non patients, que des soignants
Une composante hémodynamique, marquée par
insulinodépendante ayant un désir de grossesse, ✔ Difficultés liées à la maladie :
une diminution de la densité capillaire musculaire
l’objectif glycémique doit être beaucoup plus strict : – maladie asymptomatique = malade
qui pourrait être responsable à la fois d’une
glycémies à jeun inférieures à 0,90 g/L, glycémies insouciant...
augmentation des résistances vasculaires favorisant
postprandiales inférieures à 1,20 g/L sous régime (et
l’hypertension artérielle et d’une insulinorésistance. ✔ Difficultés liées au malade :
arrêt des hypoglycémiants oraux), et si nécessaire
Une composante métabolique secondaire à la insulinothérapie avant même l’arrêt de la
– il doit être actif dans sa prise en
lipo-oxydation due à l’obésité et plus particuliè- contraception. charge ;
rement à l’excès de tissu adipeux viscéral libérant – sentiment de culpabilité lié à l’excès
une grande quantité d’acides gras libres. Le flux de nourriture, au plaisir de manger,
portal d’acides gras libres favorise la synthèse Objectifs glycémiques de prévention de au regard des autres...
hépatique des triglycérides et stimule la la microangiopathie – sentiment d’incapacité à faire face
néoglucogenèse hépatique. De plus, au niveau Glycémie à jeun < 1,40 g/L
musculaire, l’oxydation des acides gras libres inhibe aux difficultés, engendrant le
Glycémie postprandiale < 1,80 g/L fatalisme et la « politique de
l’oxydation du glucose.
HbA1C ≤ 7 %, voire ≤ 7,5 % (N : 4-5 à l’autruche ».
6 %) ✔ Difficultés liées aux soignants :


(glycémie moyenne ≤ 1,50 à 1,60 g/L) « perte du pouvoir » :
Objectifs du traitement – ils sont plus formés à la prise en
Prévention de la macroangiopathie charge de la maladie aiguë que de la
‚ Prévention des complications La pression artérielle doit être inférieure à maladie chronique ;
© Elsevier, Paris

de micro- et de macroangiopathie 140/90 mmHg. – nécessité de partage de


Les triglycérides doivent être inférieurs à 1,50 g/L connaissances avec les malades :
Prévention de la microangiopathie et l’HDL-cholestérol (hight density lipoprotein) formation des patients ;
Il semble qu’il suffise d’obtenir une hémoglobine supérieur à 0,35 g/L chez l’homme et 0,40 g/L chez – nécessité de travail d’équipe.
(Hb) A1C inférieure à 7 % (N : 4-5 à 6 %), soit une la femme.

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3-0810 - Diabète non insulinodépendant

L’exercice physique doit être fortement conseillé


aux diabétiques non insulinodépendants. Tableau I. – Les différentes graisses.
Chez la femme, le traitement hormonal substitutif Graisses saturées Graisses mono-insaturées Graisses poly-insaturées
de la ménopause comportant des œstrogènes
naturels par voie percutanée n’est pas contre- (À consommer modérément) (À privilégier en priorité) (À privilégier)
indiqué, au contraire. Lait entier, fromage, beurre, Huile d’olive, d’arachide, de Poissons gras
crème fraîche colza
Margarines ordinaires (envelop- Avocat, olives Huile de tournesol, de maïs, de
pées dans du papier aluminium), soja, de noix, de pépins de raisin


végétaline Margarine au tournesol ou au
Traitement du DNID Noix de coco
maïs (en barquettes)
Pâtisseries, viennoiseries

‚ Principes diététiques chez Huile IsioTM 4


le diabétique non insulinodépendant Noix, noisettes, amandes

En fait, la composition du régime diabétique Charcuterie, viandes grasses, abats, œufs


Saindoux, graisse d’oie
correspond à celle qui est conseillée pour l’ensemble
Chocolat
de la population.

Restriction calorique Tableau II. – Teneur en matières grasses des fromages.


La restriction calorique dépend des résultats de
l’enquête alimentaire. Il est totalement irréaliste de Fromages % matières grasses % réel de graisses
proposer un régime qui donne faim. En règle Fromage blanc ou petits-suisses 40 10
générale, on ne descendra pas en dessous de Fromage blanc ou petits-suisses 20 5
1 500 cal/j. Elle doit porter sur la diminution de la Fromage blanc ou petits-suisses à 0 % 0 0
consommation des graisses et de l’alcool. Les Yaourt 1
glucides doivent être présents, c’est pourquoi, pour Camembert, brie, chaource 45 20 à 25
Gruyère, roquefort, reblochon, munster, raclette 50 à 55 25 à 30
éviter la faim, on conseillera une consommation Doubles et triples crèmes : Boursault, Boursin, 60 à 65 35 à 40
associée de féculents et de légumes verts. Pour éviter Caprice des Dieux
les grignotages de fin d’après-midi et les
compulsions alimentaires, il faut proposer au moins
trois repas équilibrés par jour, petit déjeuner,
déjeuner et dîner, et il est même parfois souhaitable de l’existence éventuelle d’une enveloppe fibreuse
de proposer la prise d’une collation systématique Une portion de fromage = 30 à 40 g. plus ou moins respectée par les préparations
vers 16 ou 17 heures (fruit ou laitage + boisson Une portion de fromage blanc = 100 g. industrielles et par la cuisson.
chaude, thé ou café). Le taux de matières grasses Ensuite, l’index glycémique : c’est l’importance de
correspond au taux de matières l’hyperglycémie provoquée par un aliment en
relation avec un aliment de référence (glucose ou
Comment prescrire un régime ? grasses contenu dans « l’extrait sec »
pain).
✔ Tenir compte de l’enquête du fromage lorsque l’eau contenue a
Le pain, la pomme de terre, la semoule et les
alimentaire et comportementale. été entièrement éliminée. carottes, qui ont comme le glucose un index
✔ Quel qu’il soit, un régime n’est pas glycémique élevé (70 à 100), sont fortement
réaliste s’il s’accompagne d’une hyperglycémiants.
sensation de faim. Le vin, le whisky, la vodka et le rhum Les fruits, les pâtes alimentaires, le riz et le sucre
ne contiennent pas de sucre, mais ils (saccharose) ont un index glycémique moyen (40 à
✔ Il doit comporter trois repas par
contiennent des calories ! 60), c’est-à-dire modérément hyperglycémiant (le riz
jour avec, si besoin, des collations. a un index variable selon sa provenance, son
Un verre de vin ou une dose d’alcool
raffinement et son degré de cuisson).
fort = 70 calories.
Le fructose, les laitages, les légumineuses (haricots
Graisses Apéritif anisé, bière et cidre blancs, lentilles...) ont un index glycémique bas (20 à
On conseille aux diabétiques de diminuer leurs
contiennent 5 % de glucides. 40), et sont donc peu hyperglycémiants.
apports en graisses, surtout saturées, celles-ci Liqueurs et vins cuits contiennent Les glucides doivent être présents à chaque repas.
favorisant l’insulinorésistance et l’athérosclérose. On 15 % de glucides. Ce n’est pas un régime hypoglucidique.
recommande donc l’augmentation relative de la
consommation en poisson et en huiles végétales Glucides Le pain est très hyperglycémiant.
poly- et mono-insaturées (huile d’olive, d’arachide et
de colza) (tableaux I, II). En ce qui concerne les glucides, on distingue Les fruits sont modérément
aujourd’hui deux notions. hyperglycémiants.
D’abord la rapidité de l’ascension glycémique Les légumineuses sont peu
Attention aux graisses ! après l’ingestion de glucides, qui dépend du temps hyperglycémiantes.
Apports caloriques des pommes de de transit gastrique et de l’accessibilité aux enzymes
digestifs. La vidange gastrique est ralentie par
terre selon le mode de préparation Conseil diététique
l’augmentation de la teneur en graisses et en
200 g de purée (15 % de glucides) + 1 protéines et par la richesse en fibres alimentaires. De Il doit également porter sur la façon de manger. Il
noix de beurre = 300 calories. la même façon, les aliments solides sont digérés plus est conseillé de s’asseoir pour manger, et de fixer
100 g de frites (50 % de glucides) = 15 lentement que les aliments liquides, et les aliments avant les repas la quantité d’un certain nombre
frites = 400 calories. froids sont moins rapidement absorbés que les d’aliments dont la consommation doit être limitée.
100 g de chips (50 % de glucides) = 1 aliments tièdes. Au cours d’un repas mixte, il existe En règle générale, on ne fixe pas d’interdit. Prendre
paquet moyen = 500 calories. une vitesse moyenne de transit gastrique. des féculents, mais ne pas se resservir, prendre des
L’accessibilité aux enzymes digestifs dépend surtout légumes verts à volonté, boire entre les plats et

2
Diabète non insulinodépendant - 3-0810

manger lentement en posant la fourchette entre translocation des transporteurs de glucose, dits GLUT l’éduquer à adapter son traitement lorsqu’il fait du
chaque bouchée favorisent l’apparition plus rapide 4, de la même façon que le fait l’insuline. sport : diminution éventuelle des sulfamides
de la sensation de satiété. L’augmentation du transport intramusculaire du hypoglycémiants avant une activité physique
Les édulcorants sont autorisés, toutefois, il faut glucose persiste 12 à 24 heures après un effort importante. Cette mesure devra bien sûr
savoir que « sans sucre » signifie seulement sans suffisamment intense. Par ailleurs, l’activité physique s’accompagner d’un autocontrôle glycémique avant
saccharose et non sans glucides ; ainsi, un produit entraîne une augmentation du débit sanguin et après l’activité physique.
sans sucre peut contenir du fructose, des polyols ou musculaire chez les sujets entraînés, et une
du sorbitol. Attention aux produits allégés : le augmentation de la densité des capillaires ‚ Hypoglycémiants oraux
chocolat light contient moins de glucides, mais plus musculaires. L’activité physique augmente Il existe actuellement trois familles d’antidiabé-
de lipides que le vrai chocolat ! également la masse musculaire, en particulier le tiques oraux : les sulfamides hypoglycémiants, les
pourcentage des fibres musculaires au métabolisme biguanides et les inhibiteurs des α-glucosidases.
gluco-oxydatif insulinosensible.
Attention : sans sucre signifie Sulfamides hypoglycémiants (tableau III)
seulement sans saccharose et non sans Ils agissent en se liant à un récepteur spécifique
glucides ! Effets bénéfiques de l’exercice présent sur la membrane de la cellule B
musculaire. Intérêt chez le DNID pancréatique. Il s’agit en réalité d’une sous-unité du
canal potassique ATP dépendant dont ils
Les substituts de repas peuvent présenter un ✔ Augmentation du transport
intérêt chez les diabétiques obèses, ils peuvent être provoquent la fermeture. Cette fermeture entraîne
intramusculaire du glucose. une modification des flux ioniques (potassique puis
prescrits soit comme un substitut d’un des trois repas,
✔ Augmentation du débit sanguin calcique) et des modifications électriques à l’origine
en y ajoutant un fruit et un laitage, afin de respecter
l’équilibre alimentaire, soit comme collation en fin
musculaire. de l’excrétion d’insuline. Physiologiquement, le canal
d’après-midi pour éviter compulsion ou grignotage. ✔ Augmentation de la densité des potassique est sous la dépendance du rapport
capillaires musculaires. ATP/ADP (acide adénosine diphosphorique)
Éducation du patient ✔ Augmentation de la masse intracellulaire ; l’élévation de ce rapport par
musculaire, d’où amélioration de la l’oxydation intramitochondriale du glucose lors de
Il est indispensable que le diabétique sache que le
l’hyperglycémie déclenche la fermeture du canal. Les
pain contient 50 % de glucides, c’est-à-dire que dans sensibilité à l’insuline, baisse de la
sulfamides hypoglycémiants sont inefficaces chez les
50 g de pain, il y a 25 g de sucre, soit cinq morceaux pression artérielle, amélioration du diabétiques insulinodépendants, incapables de
de sucre n° 4. Il est important de rappeler que toutes bilan lipidique... sécréter de l’insuline. Les sulfamides hypoglycé-
les huiles sont aussi caloriques les unes que les
miants stimulent donc l’insulinosécrétion et peuvent
autres, à l’exclusion de l’huile de paraffine qui est L’exercice musculaire a les mêmes
être responsables d’une prise de poids de 2 à 3 kg. Ils
acalorique. effets que l’insuline au niveau du tissu comportent un risque hypoglycémique. Ce risque
D’autres erreurs sont classiques en matière de musculaire mais non au niveau du s’observe avec tous les sulfamides hypoglycémiants.
diététique : le gruyère est considéré comme un tissu adipeux. Il est cependant plus important avec les sulfamides
fromage de régime, le vin est suspect de contenir du
de première génération, à durée d’action
sucre... autant d’erreurs qu’il faut corriger en
particulièrement longue (Diabinèset et Glucidoralt,
apprenant au malade à composer des repas Comment prescrire l’activité physique ?
qui ne doivent plus être utilisés), et avec le Daonilt,
équilibrés et à utiliser les équivalences qui Il est indispensable d’en expliquer l’importance sulfamide hypoglycémiant le plus puissant dont la
permettent de consommer tous les aliments sans au malade, voire même de lui faire mesurer sa demi-vie plasmatique de 5 heures masque en réalité
excès. glycémie avant et 2 heures après une activité une durée d’action prolongée. Le Daonilt existe sous
physique importante. L’évaluation de l’efficacité de trois formes : le Daonilt 5 mg, l’Hémi-Daonilt 2,5 mg
50 g de pain = cinq morceaux de sucre l’activité physique sera source de motivation et le Daonilt Faible 1,25 mg. Classiquement, on
importante pour le diabétique. prescrit les sulfamides à raison d’un comprimé avant
n° 4 = 25 g de sucre.
Pour être efficace, l’activité physique doit être chaque repas. Il semble cependant que leur durée
Un fruit moyen = trois à quatre
suffisante et régulière, avec au moins 30 minutes d’action, suffisamment prolongée pour la plupart,
morceaux de sucre n° 4 = 15 à 20 g de d’activité comportant une suée, 2 heures de marche permette leur administration en deux prises, 1
sucre. tous les 2 jours, ou encore 1 heure de marche comprimé le matin, 2 le soir, ou l’inverse, voire en
chaque jour. une seule prise. Cela peut permettre d’éviter la prise
‚ Exercice physique L’activité doit être adaptée aux goûts et aux du midi, souvent oubliée par le malade.
possibilités du malade : marche, natation, jardinage,
Arguments physiopathologiques sport collectif, inscription à un club de gymnastique...
La tenue d’un carnet de surveillance pourra aider
Les sulfamides hypoglycémiants
L’importance de l’activité physique est essentielle
dans le traitement du DNID. En effet, le tissu le patient à respecter son contrat. Sur ce carnet, le stimulent la sécrétion d’insuline. Ils
musculaire est quantitativement le tissu le plus malade pourra indiquer la nature et la durée comportent donc un risque
important pour le métabolisme du glucose. Les quotidienne de l’activité physique, mais également d’hypoglycémie.
muscles oxydent et stockent 70 % des glucides les écarts diététiques (« en plus ou en moins ») et les Les hypoglycémies sous sulfamides
ingérés. L’insulinorésistance observée dans le DNID résultats glycémiques. Ce carnet permettra un hypoglycémiants surviennent surtout
prédomine au niveau du tissu musculaire, alors que dialogue avec le médecin traitant et l’adaptation de en fin d’après-midi (vers 18 heures).
le tissu adipeux reste relativement sensible à la prise en charge en fonction des résultats.
Un diabétique traité par sulfamides
l’insuline. L’insuline augmente le transport Si le diabétique a plus de 50 ans et s’il présente
des facteurs de risque vasculaires, il sera prudent de
hypoglycémiants doit être averti du
intramusculaire du glucose, mais elle facilite en
réaliser un test d’effort avant de prescrire l’activité risque d’hypoglycémie et avoir du
même temps la prise de poids. Le médicament idéal
du DNID devrait donc avoir les mêmes effets que physique de façon à rechercher l’existence d’une sucre sur lui.
l’insuline sur le tissu musculaire, en particulier sur le ischémie myocardique silencieuse.
transport du glucose, et avoir des effets opposés à Il faudra vérifier l’absence de risque podologique ¶ Règles à respecter lors de la prescription
ceux de l’insuline sur le tissu adipeux : c’est le cas de (ni artérite, ni neuropathie). En cas de risque, des de sulfamides hypoglycémiants
l’exercice musculaire. En effet, l’exercice physique précautions particulières doivent être prises, Attention aux risques hypoglycémiques, en
augmente les besoins en acide adénosine concernant notamment la qualité des chaussures particulier chez le sujet âgé.
triphosphorique (ATP) au niveau de la cellule utilisées et la durée plus limitée de la marche. Commencer par des posologies faibles en
musculaire, ce qui stimule la glycogénolyse Il faudra informer le patient du risque augmentant progressivement en fonction des
musculaire puis entraîne une activation et une hypoglycémique au cours de l’activité physique et résultats glycémiques et des objectifs fixés.

3
3-0810 - Diabète non insulinodépendant

Tableau III. – Sulfamides hypoglycémiants.

Nom de Dénommination Demi-vie Durée d’action Puissance Posologie Prix 1997


spécialitét commune plasmatique d’action (francs)
Sulfamides Glucidoral Carbutamide 45 h plusieurs jours +++ 1-3 cp/jour 11,90/30 cp
hypoglycémiants Dolipol Tolbutamide 4-6 h < 24 h + (cp à 500 mg) 8,90/20 cp
de première géné- 1-3 cp/jour
ration
Daonil Faible Glibenclamide 5-10 h ≥ 24 h + 1-3 cp/jour 22,40/60 cp
1,25 mg (cp à 1,25 mg)
Hémi-Daonil Glibenclamide 5-10 h ≥ 24 h ++ 1-3 cp/jour 31,90/60 cp
2,5 mg (cp à 2,5 mg)
Miglucan
Daonil 5 mg Glibenclamide 5-10 h ≥ 24 h +++ 1-3 cp/jour 19,80/20 cp
(cp à 5 mg)
Englucan
Sulfamides hypo-
Glutril Glibornuride 8h ≥ 24 h ++ 1-3 cp/jour 21,40/20 cp
glycémiants de
(cp à 25 mg)
deuxième généra-
tion Diamicron Gliclazide 10-12 h ≥ 24 h ++ 1-3 cp/jour 48,80/20 cp
(cp à 80 mg)
Glibénèse Glipizide 2-4 h < 24 h ++ 1-3 cp/jour 33,40/20 cp
(cp à 5 mg)
Minidiab Glipizide
Ozidia Glipizide 2-4 h ≥ 24 h ++ 5 à 20 mg/jour en
une seule prise
(cp à 5 mg) 47,30/30 cp
(cp à 10 mg) 81,10/30 cp

Recommander l’autosurveillance glycémique : biguanides n’ont pas d’action insulinosécrétrice, exceptionnelle, mais d’une particulière gravité,
une fois par semaine si les objectifs glycémiques mais une action d’épargne insulinique. Ils n’ont une puisque mortelle une fois sur deux. Il faut redouter
sont atteints, chaque jour si les glycémies restent action hypoglycémiante qu’en présence d’insuline. l’acidose lactique dans deux situations : d’une part
supérieures à 2 g/L de façon à mobiliser le Leur action essentielle se situe au niveau du foie et lorsque le biguanide s’accumule en raison d’une
diabétique sur l’activité physique et le régime. Il faut du tissu musculaire dont ils augmentent insuffisance rénale, entraînant alors un blocage de la
proposer une autosurveillance en fin d’après-midi l’insulinosensibilité. Les biguanides sont donc néoglucogenèse hépatique, d’autre part lorsque la
chez les patients présentant des épisodes de fringale actuellement le médicament de première intention production de lactate est pathologiquement
pouvant correspondre à d’authentiques dans le traitement du DNID avec insulinorésistance. augmentée.
hypoglycémies... Leur prescription doit être progressive en raison de Les biguanides peuvent être associés aux
Le patient doit être averti du risque hypoglycé- leur mauvaise tolérance digestive (nausées, crampes sulfamides hypoglycémiants ainsi qu’à l’insuline
mique lié aux sulfamides hypoglycémiants et avoir épigastriques, inconfort abdominal, diarrhée chez les diabétiques non insulinodépendants en
toujours sur lui trois morceaux de sucre. motrice) : 1 seul comprimé par jour, puis 2, puis 3, raison de leur rôle sur l’épargne insulinique. Ils
Les sulfamides ne doivent pas être pris en pris en milieu ou en fin de repas. On peut envisager peuvent ainsi limiter la prise de poids favorisée par
l’absence de repas ou si une activité physique l’association d’un demi-sachet de Questrant, pris 30 l’insuline.
importante est prévue. minutes avant les repas pendant quelques semaines,
Il faut conseiller au malade d’avoir un double de afin d’améliorer la tolérance digestive. Le risque Inhibiteurs des α-glucosidases
son ordonnance sur lui de façon à pouvoir la principal des biguanides est l’acidose lactique. Elle est Ils sont représentés sur le marché essentiellement
montrer à tout nouveau médecin consulté. En effet, par le Glucort (acarbose). Les glucides absorbés sont
certains médicaments sont susceptibles de Les biguanides sont formellement dégradés par l’amylase salivaire et pancréatique en
potentialiser l’action des sulfamides hypoglycé- contre-indiqués : disaccharides, puis par les α-glucosidases en
miants : le Daktarint, le Bactrimt, les fibrates, monosaccharides, qui seuls peuvent franchir la
✔ en cas d’insuffisance rénale ;
l’Antalvict, le Di-Antalvict, les inhibiteurs de barrière intestinale. Les inhibiteurs de l’α-glucosidase
l’enzyme de conversion (IEC), ainsi que tous les
✔ en cas d’insuffisance cardiaque
inhibent le dernier stade de la digestion des sucres.
médicaments susceptibles d’entraîner une décompensée ; Ceux-ci sont donc absorbés au niveau colique et non
insuffisance rénale aiguë diminuant l’élimination ✔ en cas d’ischémie coronarienne au niveau intestinal. L’hyperglycémie postprandiale
urinaire des sulfamides hypoglycémiants. évolutive ; est ainsi réduite. L’inconvénient majeur de ces
Comme le rappelle la règle des références ✔ en cas d’insuffisance respiratoire médicaments est la stagnation et la fermentation
médicales opposables (RMO), il n’est pas utile sévère ; des sucres non digérés dans l’intestin, responsables
d’associer deux sulfamides hypoglycémiants. ✔ en cas d’infection suraiguë ; de flatulences, de douleurs digestives et de diarrhée,
✔ en cas de gangrène ou d’ischémie surtout en début de traitement. Il faut commencer
Biguanides par des posologies faibles de 50 mg par jour, à
critique des membres inférieurs ;
Les biguanides ont une action d’épargne augmenter progressivement jusqu’à 100 mg par
✔ en cas d’accident vasculaire jour en trois prises.
insulinique. Ce sont les médicaments de première
cérébral récent.
intention en cas d’insulinorésistance.
Seule la metformine est aujourd’hui commercia-
Les biguanides doivent être arrêtés 2


lisée en France avec quatre produits : le jours avant toute anesthésie générale Quand recourir à l’insulinothérapie
Glucophaget 500 mg, le Glucophaget 850 mg ou radiographie comportant une chez le diabétique non
(retard), le Glucinant et le Stagidt 700 mg. Le plus injection de produit iodé (urographie insulinodépendant ?
puissant est le Glucophaget 850 mg, qui est intraveineuse, coronarographie,
également le moins bien toléré sur le plan digestif. scanner avec injection...). À court terme, l’insulinothérapie peut améliorer
Contrairement aux sulfamides hypoglycémiants, les l’équilibre glycémique, mais à long terme, elle

4
Diabète non insulinodépendant - 3-0810

favorise une prise de poids qui à son tour risque spécialisée. Parfois, cela suffit à améliorer l’équilibre cas, les sulfamides seront arrêtés, les biguanides
d’aggraver l’insulinorésistance et de détériorer du diabète, sans avoir à recourir d’emblée à seront le plus souvent possible conservés, en
l’équilibre glycémique. Un certain nombre l’insulinothérapie. espérant réduire les besoins en insuline et la prise
d’arguments laissent penser que l’hyperinsulinisme pondérale. Pour une meilleure acceptation de
favorise la répartition androïde des graisses. l’insulinothérapie chez le diabétique non
L’insulinothérapie risque donc d’aggraver le cercle
L’insulinothérapie ne doit pas être insulinodépendant, il est souvent souhaitable de lui
vicieux à la base de la physiopathologie du DNID : prescrite en cas de prise de poids proposer un contrat de courte durée, par exemple
insulinorésistance musculaire → hyperinsulinisme → récente chez le DNID. une insulinothérapie le soir au coucher pendant 1
obésité de type androïde → insulinorésistance. Il faut, avant de la prescrire, renforcer mois, puis un essai d’arrêt de l’insulinothérapie avec
Avant de prescrire l’insulinothérapie chez un la diététique, l’exercice physique et le autosurveillance glycémique de façon à évaluer les
diabétique non insulinodépendant, il convient donc traitement oral. résultats. Si les glycémies remontent au-dessus de
de respecter quelques règles : L’apprentissage de l’autocontrôle l’objectif fixé, 1,60 g/L au réveil, le malade est le plus
– ne pas prescrire d’insuline en cas de prise de souvent très motivé pour reprendre
glycémique peut être une aide
poids récente ; l’insulinothérapie.
importante à la prise en charge du
– en cas d’amaigrissement au contraire, après
DNID, en permettant au malade de
avoir vérifié l’absence de pathologie sous-jacente, Insulinothérapie de première intention
l’insulinothérapie doit être prescrite ;
juger des résultats de ses efforts et des
conséquences de ses actes ; il permet chez le DNID
– avant de prescrire une insulinothérapie, il faut =
s’assurer de l’optimisation du traitement classique ; souvent d’éviter ou de retarder
l’insulinothérapie. traitement oral dans la journée + une
au cours d’une hospitalisation ou d’une consultation
spécialisée, il peut être nécessaire de vérifier la
injection d’insuline semi-retard au
diététique, l’activité physique et la prise réelle des
DNID déséquilibré + amaigrissement coucher.
hypoglycémiants oraux. Devant une hypertriglycéri- = insulinothérapie.
démie associée, il ne faut pas hésiter à prescrire un L’insulinothérapie ne résout cependant pas
fibrate dont l’association avec la metformine semble ¶ Quel type d’insulinothérapie prescrire ? toujours les problèmes de déséquilibre du diabète
avoir un effet synergique. En cas d’hypertension Le mieux est de recourir à une insulinothérapie chez le diabétique non insulinodépendant. Si elle ne
artérielle, le traitement par l’IEC ou traitement par minimale, c’est-à-dire une injection le soir en permet pas d’améliorer les résultats glycémiques
alpha-1-bloquant peut également améliorer conservant les hypoglycémiants oraux dans la évalués par l’HbA1C à raison de 3 injections par jour
l’équilibre glycémique. Enfin, il est souvent utile de journée. On pourra choisir une insuline type NPH avec prise de poids, il faut sûrement se poser la
vérifier l’absence de dépression, qui pourrait (neutral protamine hagedorn), injectée le soir au question de l’intérêt de l’insulinothérapie et
bénéficier d’un traitement par antidépresseur coucher, ou, si les glycémies sont très élevées après envisager une hospitalisation en unité d’éducation
sérotoninergique (Prozact, Floxyfralt, Deroxatt) ; le repas du soir, une insuline biphasique type diabétologique.
– avant de prescrire une insulinothérapie chez un Mixtardt ou Umuline Profil, injectée le soir avant le


diabétique non insulinodépendant, il est nécessaire dîner. Cette insulinothérapie nécessite un
de l’informer sur l’intérêt de l’insulinothérapie en ce autocontrôle glycémique chaque matin au réveil, Médicaments de demain...
qui concerne les complications microangiopa- l’objectif à atteindre étant d’obtenir une glycémie au
thiques, et de lui présenter les inconvénients réveil inférieure à 1,60 g/L. L’insuline sera
potentiels sur la prise de poids. Une formation augmentée de 2 unités en 2 jusqu’à obtenir cet Des médicaments qui stimuleront l’insulinosé-
préalable du malade à la prise en charge de son objectif. crétion : ligand endogène des récepteurs des
diabète s’impose, avec formation diététique, Si, malgré cette injection effectuée le soir en sulfamides, inhibiteurs α2-adrénergiques, glucagon
entraînement physique et apprentissage de association avec les antidiabétiques oraux, les like peptide 1.
l’autocontrôle glycémique, grâce à l’hospitalisation résultats glycémiques ne sont pas satisfaisants, on Des médicaments améliorant l’insulinorésistance :
de semaine en unité d’éducation diabétologique passera alors à 2, voire 3 injections par jour. Dans ce thiazolidine-diones, inhibiteurs de la lipolyse...

Claude Sachon : Attaché des Hôpitaux.


André Grimaldi : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Nathalie Masseboeuf : Diététicienne.
E Corset : Diététicien.
Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, A Grimaldi, N Masseboeuf et E Corset. Diabète non insulinodépendant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0810, 1998, 5 p

Références

[1] Charbonnel B, Boivineau C, Chopinet P, Daninos JM, Drouin P, Guyon F et al. [5] Tchobroutsky G, Slama G, Assan R, Freychet P. Traité de diabétologie. Paris :
Autosurveillance glycémique chez le diabétique. Recommandations de l’Alfé- Pradel, 1990
diam. Diabete Metab 1995 ; 21 : 285-289
[6] Warram J, Hopczynski J, Janka H, Krolewski A. Epidemiology on non-insulin-
[2] Felber JP, Acheson K, Tappy L. From obesity to diabetes. Chichester : John dependent diabetes mellitus and its macrovascular complications: a basis for the
Wiley development of cost- effective programs. Endocrinol Metab Clin North Am 1997 ;
26 : 165-188
[3] Ferrannini E. Insulin resistance and disease. Clin Endocrinol Metab 1993 ; vol
13

[4] Grimaldi A, Cornet P, Massebœuf N, Popelier M, Sachon C. Guide pratique


du diabète. Paris : Collection médiguides, 1997

5
3-0800

3-0800
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Diagnostic du diabète

C Sachon, P Cornet, A Grimaldi

O n compte en France 1 500 000 diabétiques : 15 % sont diabétiques insulinodépendants, 85 % non


insulinodépendants. Le diagnostic se fait sur le dosage de la glycémie à jeun, sans que l’on ait besoin de
recourir à l’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO). Le seuil glycémique retenu (supérieur ou égal à
1,26 g/L à jeun) correspond au seuil à risque de microangiopathie, en particulier de rétinopathie.
Le risque de macroangiopathie (athérosclérose) semble majoré pour des valeurs glycémiques plus basses, mais le
risque global vasculaire dépend alors essentiellement des autres facteurs de risques associés : hypertension artériel-
le (HTA), hypertriglycéridémie, hypo-high density lipoprotein (HDL), cholestérolémie, tabagisme, sédentarité.
© 1999 , Elsevier, Paris.

■ ■
30 % aux États-Unis. Il en est de même dans les pays
Introduction scandinaves et dans l’île de la Réunion. De fait, 50 à Définition du diabète
75 % des diabétiques dialysés sont des diabétiques
non insulinodépendants.
Le diabète est un problème de santé publique, Le diabète se définit par une hyperglycémie
Le diabète reste la première cause médicale de chronique, soit une glycémie à jeun supérieure à
aussi bien en France, où l’on dénombre environ
cécité avant 50 ans dans les pays développés. On 1,26 g/L (7 mml/L) à deux reprises. Cette définition
2,5 % de diabétiques, soit 1 300 000 de diabétiques
estime à 2 % le pourcentage des diabétiques qui repose en fait sur plusieurs études épidémiologiques
connus et 200 à 300 000 diabétiques qui s’ignorent,
mais aussi en Europe, où le nombre de diabétiques deviendront aveugles et à 10 % le taux de ceux qui prospectives qui ont montré de façon convergente
est évalué à 30 millions, et aux États-Unis où il y a 15 seront malvoyants. On comptabilise chaque année que lorsque la glycémie à la deuxième heure de
millions de diabétiques, pour moitié méconnus. aux États-Unis 5 000 à 10 000 nouveaux cas de l’HGPO est supérieure ou égale à 2 g/L, il existe un
Dans le monde entier, on dénombre 100 millions de cécité dus au diabète. risque de survenue dans les 10 à 15 ans suivants
diabétiques. Le terme de diabète recouvre en fait Cinq à 10 % des diabétiques subiront un jour une d’une rétinopathie diabétique. Dans la mesure où
deux maladies différentes : amputation d’orteils, de pied ou de jambe. Quatre une glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g/L
– le diabète insulinodépendant (type 1), qui cinquièmes d’entre eux sont des diabétiques non correspond à une glycémie à la deuxième heure de
survient le plus souvent avant l’âge de 20 ans et insulinodépendants. En France, on compte environ l’HGPO supérieure ou égale à 2 g/L, on n’a plus
représente 10 à 15 % des diabètes ; 3 000 à 5 000 amputés par an chez les diabétiques. besoin de recourir à l’« étalon or » de l’HGPO.
– le diabète non insulinodépendant (type 2), qui Le quart des journées d’hospitalisation pour le
survient le plus souvent après l’âge de 50 ans et diabète sont dues à des problèmes podologiques,
avec des durées moyennes d’hospitalisation Nouvelle définition du diabète
représente 85 à 90 % des diabètes.
d’environ 30 jours. Le coût du diabète est estimé à Glycémie à jeun supérieure à 1,26 g/L
13 milliards de francs. Pour lutter contre ce coût, la (7 mmol/L) à deux reprises
Le diabète en France représente 2,5 % Déclaration de Saint-Vincent, adoptée en 1989 par ou
de la population dont : les représentants de l’Organisation mondiale de la glycémie supérieure à 2 g/L
✔ 10 à 15 % de diabétiques santé (OMS), des gouvernements européens et des (11,1 mmol/L) à n’importe quel
insulinodépendants ; organisations de malades, dont les représentants de moment de la journée.
✔ 85 à 90 % de diabétiques non la France, a rappelé les bonnes pratiques médicales
L’HGPO n’est plus utile mais la
insulinodépendants. en diabétologie. Elle a fixé pour objectif, dans les 5
ans, une réduction d’un tiers à la moitié des
glycémie supérieure à 2 g/L
complications du diabète. Plusieurs études ont en (11,1 mmol/L) à la deuxième heure de
C’est le diabète non insulinodépendant qui pose effet montré que la modification de l’organisation l’HGPO à deux reprises reste
un problème de santé publique. Sa prévalence des soins visant à obtenir une formation des patients l’« étalon or ».
augmente parallèlement au vieillissement, à eux-mêmes permet de réduire de 50 % le taux des
l’urbanisation, à la sédentarisation et au amputations.
développement de l’obésité dans les populations ‚ Pourquoi une nouvelle définition
des pays industrialisés. Cette maladie n’épargne du diabète ?
pourtant pas les pays sous-développés où le diabète Complications du diabète en France. La définition du diabète est fondée sur le seuil
non insulinodépendant atteint parfois une glycémique à risque de microangiopathie, en
✔ Environ 13 % des dialysés sont
prévalence de 20 à 30 %, en raison d’une particulier à risque de rétinopathie, et il n’est pas
prédisposition génétique couplée à une modification
diabétiques. question à ce jour de changer de problématique.
rapide du mode de vie : urbanisation brutale, ✔ Le diabète est la première cause de Mais jusqu’en 1998, on retenait deux valeurs
© Elsevier, Paris

sédentarisation et alcoolisation des populations. cécité avant 50 ans. glycémiques seuils : soit plus de 1,40 g/L à jeun, soit
Le diabète représente un coût financier important ✔ Chaque année 3 000 à 5 000 2 g/L à la deuxième heure de l’HGPO (et ce à deux
en raison du taux élevé de complications diabétiques sont victimes d’une reprises).
dégénératives. Treize pour cent des dialysés en amputation des membres inférieurs. Ces deux valeurs manquaient de cohérence. En
France sont diabétiques, tandis que ce taux dépasse effet, si presque tous les malades qui ont une

1
3-0800 - Diagnostic du diabète

glycémie à jeun supérieure à 1,40 g/L ont plus de


2 g/L à la deuxième heure de l’HGPO, l’inverse n’est Hémoglobine glyquée ou hémoglobine Médicaments susceptibles d’altérer la
pas vrai : beaucoup des patients ayant une glycémie HbA1c. tolérance au glucose :
supérieure à 2 g/L à la deuxième heure de l’HGPO Elle reflète la moyenne glycémique des ✔ corticoïdes (sous toutes les
ont moins de 1,40 g/L à jeun. Dans la mesure où 2 mois précédant le dosage : formes) ;
l’HGPO est moins souvent demandée, on méconnaît
✔ normale = 4 à 6 % avec une ✔ bêtabloquants non cardiosélectifs ;
nombre de diabétiques authentiques. La
concordance optimale est obtenue pour une valeur technique de chromatographie ✔ diurétiques hypokaliémants ;
glycémique à jeun de 1,26 g/L. C’est donc cette liquide à haute pression (HPLC) ; ✔ progestatifs de synthèse de type
valeur qui a été retenue pour la définition du ✔ 6 % = 1,20 g/L de moyenne norstéroïdes ;
diabète, sans qu’il soit désormais besoin de recourir glycémique ; ✔ sympathicomimétiques
à l’HGPO. Heureusement, il n’est pas encore question ✔ 7 % = 1,50 g/L de moyenne (Salbutamolt) ;
de définir le diabète par le risque de macroangio- glycémique ; ✔ antiprotéases (traitement du sida).
pathie (athérosclérose), car on ne sait pas s’il existe ✔ 8 % = 1,80 g/L de moyenne
un seuil ou si le risque augmente à partir des valeurs
glycémique. Elle est inutile si le bilan métabolique à
supérieures de la normale, et surtout le bénéfice
thérapeutique n’est pas encore démontré...
Pour traduire HbA1c en moyenne jeun (glycémie, cholestérol, triglycérides, HDL
On distingue donc désormais, dans un « dégradé » glycémique, on ajoute 0,30 g/L de cholestérol) est strictement normal.
métabolique : glycémie pour chaque augmentation Elle est inutile chez les personnes de plus de 70
– les sujets normaux ; de 1 % de l’HPLC à partir de la valeur ans car l’attitude thérapeutique ne dépend pas des
– les sujets hyperglycémiques non diabétiques de 6 % (glycémie moyenne de résultats.
(glycémie entre 1,10 et 1,25 g/L à jeun) ; 1,20 g/L). Elle ne présente pas d’intérêt devant une
– les diabétiques (glycémie supérieure ou égale à hyperglycémie à jeun non diabétique comprise entre
1,26 g/L). échographie ou un scanner du pancréas. Ces 1,10 et 1,26 g/L associée à l’un des éléments du
Les intolérants au glucose restent à ce jour définis examens sont parfois utiles pour l’enquête syndrome d’insulinorésistance métabolique (obésité,
par une glycémie comprise entre 1,40 et 2 g/L à la étiologique. Pour affirmer le diagnostic de diabète, il répartition androïde des graisses, hérédité
deuxième heure de l’HGPO. faut seulement répéter le dosage de la glycémie à diabétique, HTA, hyperlipidémie). Le traitement
hygiénodiététique (activité physique, équilibre
‚ Trois manières de séparer le normal jeun. Le plus souvent, l’hyperglycémie modérée est
asymptomatique. On peut constater parfois une alimentaire) doit être prescrit d’emblée, compte tenu
du pathologique
discrète perte de poids (1 à 3 kg) et une asthénie, des facteurs de risque vasculaire.
– La normale peut être définie statistiquement
par la limite supérieure de la moyenne plus deux mais le malade peut se sentir parfaitement bien.
déviations standards (DS), ou par la limite supérieure Le syndrome cardinal diabétique qui comporte Répartition androïde des graisses.
des 95e percentiles, c’est-à-dire que 95 % de la polyuropolydipsie, amaigrissement, hyperphagie
Elle se définit par une prédominance
population normale a une valeur au-dessous du n’existe que pour des glycémies supérieures à 3 g/L.
Il existe alors une glycosurie importante, responsable
topographique des graisses à la partie
seuil fixé. Par corrélation, il s’ensuit que si l’on
de polyurie osmotique, entraînant à son tour une supérieure du corps, alors que
demande 20 examens à titre systématique, au
moins un résultat devrait être au-dessus de la polydipsie. Parfois, c’est une infection cutanée, l’obésité gynoïde se caractérise par
normale. urogénitale (balanite, mycose vaginale, cystite...) qui une prédominance des graisses au
– La limite entre la normale et le pathologique permet de faire le diagnostic du diabète. Ainsi, le niveau des fesses et des cuisses.
peut être définie par le risque encouru, par exemple diabète n’est souvent qu’un symptôme biologique à On parle de répartition androïde
le risque de rétinopathie pour le diabète ou de risque de rétinopathie diabétique. Cette définition lorsque le rapport tour de taille-tour
l’insuffisance coronaire pour le cholestérol. Lorsqu’il permet de préciser l’objectif thérapeutique de
de hanche est supérieur à 0,80 chez la
existe un seuil à risque, la limite est facile à fixer. En prévention de la microangiopathie rétinienne :
glycémie inférieure à 1,26 g/L avant les repas (HbA1c
femme ou supérieur à 0,95 chez
revanche, lorsqu’il existe un continuum, la limite est
inférieure ou égale à 6,5 %). Cet objectif glycémique l’homme. Certains définissent l’obésité
forcément arbitraire. Il faut le plus souvent faire
appel à la troisième méthode. permet également la prévention de la glomérulo- androïde uniquement par le périmètre
– La limite est définie par le seuil d’intervention pathie et de la neuropathie. Cependant, les abdominal supérieur à 90 cm chez la
thérapeutique dépendant du rapport bénéfice- personnes âgées semblent avoir une susceptibilité à femme, supérieur à 100 chez l’homme.
risque. C’est souvent la méthodologie la plus la neuropathie pour des glycémies moins élevées.
satisfaisante mais aussi la plus complexe, puisque le Quant au seuil glycémique à risque macroangio-
pathie, il n’est pas clairement déterminé. Ce risque L’HGPO garde finalement une place très limitée
seuil peut varier selon la nature de l’intervention
dépendrait en effet de l’existence ou non d’un dans des situations difficiles à interpréter : élévation
thérapeutique, hygiénodiététique seule ou
syndrome d’insulinorésistance métabolique. Dans ce de la glycémie au-dessus de la normale tout en
médicamenteuse. Le bénéfice thérapeutique dépend
cas, il semble que même une hyperglycémie restant inférieure à 1,26 g/L en l’absence de contexte
lui-même du risque global qui peut résulter de
modérée supérieure à 1,10 g/L comporte un risque d’insulinorésistance métabolique ou glycémie à jeun
nombreux paramètres, par exemple pour le risque
de survenue d’accident cardiovasculaire. normale mais glycémie postprandiale, c’est-à-dire 90
d’insuffisance coronaire, des taux de low density
minutes à 2 heures après le début du repas, élevée,
lipiprotein (LDL) et de HDL cholestérol, de l’hérédité, Au cours de la grossesse, la plupart des auteurs
comprise entre 1,40 et 2 g/L. L’HGPO permet alors
du tabagisme, de l’HTA, de la glycémie..., en tenant s’accordent à considérer comme anormale une
de poser le diagnostic de diabète (glycémie à la
compte de l’espérance de vie du patient fonction de glycémie maternelle à jeun supérieure à 1 g/L. Il
deuxième heure supérieure ou égale à 2 g/L), alors
son âge et des autres pathologies. De plus, le seuil n’existe effectivement pas de seuil glycémique à
que le dosage de l’HbA1c n’est pas suffisamment
d’intervention peut être modulé pour des raisons risque pour la macrosomie fœtale mais un
standardisé et fiable pour permettre aujourd’hui son
économiques en fonction des priorités de santé continuum.
utilisation comme critère diagnostique.
publique.


Comment diagnostiquer un
diabète ? ■
L’hyperglycémie provoquée orale
a-t-elle encore une place ?
L’HGPO doit donc devenir exceptionnelle. Elle est
‚ Intolérance aux hydrates de carbone
ou hyperglycémie à jeun non diabétique
On parle d’hyperglycémie à jeun non diabétique
lorsque la glycémie est comprise entre 1,10 et
Pour porter le diagnostic de diabète, il n’est pas inutile chaque fois que la glycémie à jeun est 1,26 g/L. On parle d’intolérance aux hydrates de
utile de doser l’insulinémie ou le peptide C ou les supérieure ou égale à 1,26 g/L puisqu’il s’agit d’un carbone lorsque la glycémie à jeun étant inférieure à
anticorps anti-îlots, ni même de demander une authentique diabète. 1,26 g/L, la glycémie à la deuxième heure de l’HGPO

2
Diagnostic du diabète - 3-0800


est comprise entre 1,40 et 2 g/L avec une valeur externe avec stéatorrhée et parfois malabsorption
intermédiaire (30, 60, 90 minutes) supérieure ou
Comment déterminer l’étiologie dont le traitement relève des extraits pancréatiques.
du diabète ?
égale à 2 g/L. Le traitement de ces malades par insulinothérapie
Sous les termes d’hyperglycémie à jeun non Les données cliniques sont essentielles pour le comporte un risque majeur d’hypoglycémies sévères
diabétique et d’intolérance aux hydrates de carbone, diagnostic étiologique. L’âge du patient, son poids et en raison d’une carence associée en glucagon. Des
on recouvre trois groupes de patients : son histoire pondérale, l’existence d’une éventuelle calcifications pancréatiques peuvent être mises en
– ceux qui évolueront vers le diabète et dont le cétonurie, l’hérédité familiale de diabète, les évidence sur le cliché d’abdomen sans préparation.
pourcentage est évalué à 25-50 % dans les 10 ans. antécédents personnels de maladies auto-immunes On observe également des pancréatites
Ce sont ceux dont la glycémie est proche du seuil en particulier thyroïdiennes, les antécédents de chroniques calcifiantes familiales ou pancréatites
diabétique, ceux ayant une surcharge pondérale diabète gestationnel (poids de naissance supérieur à calcifiantes nutritionnelles, chez les immigrés
importante, ou ceux ayant une hérédité diabétique ; 4 kg à terme ou supérieur au 90e percentile quel que africains en particulier.
– ceux qui resteront hyperglycémiques non soit le terme), la notion d’examens antérieurs ayant
diabétiques ou intolérants aux hydrates de carbone retrouvé des glycémies déjà un peu élevées, ‚ Hémochromatose
en raison d’une insulinorésistance ou d’une l’association à une HTA ou une hypertriglycéridémie, Elle peut également s’accompagner d’un diabète.
anomalie de l’insulinosécrétion : 25 à 50 % des la prise de médicaments potentiellement Le dosage du fer sérique et de la transferrine permet
patients ; diabétogènes (corticoïdes sous quelque forme que le diagnostic confirmé par la mise en évidence de la
– ceux qui retrouveront une tolérance glucidique ce soit, pilule œstroprogestative, diurétiques mutation HFE (gène de l’hémochromatose). Le seul
normale : environ 25 %. thiazidiques, bêtabloquants...) orientent le diagnostic traitement efficace de la surcharge ferrique consiste
étiologique. en des saignées initialement hebdomadaires, mais le
diabète est irréversible.
‚ Diabète de type 1


Quels risques pour l’hyperglycémie ‚ Formes cliniques atypiques
à jeun non diabétique et pour Il est parfois évident. Devant un syndrome
l’intolérance aux hydrates de carbone ? cardinal associant polyuropolydipsie, amaigris-
Diabète de type 1 d’évolution lente
sement et asthénie chez un sujet de moins de 30
Par définition, il n’existe pas de risque de ans, avec cétonurie associée à la glycosurie, on peut Il s’observe chez les personnes de plus de 40 ans
survenue de microangiopathie diabétique. affirmer l’existence d’un diabète insulinodépendant avec ou sans surpoids, présentant un diabète non
ou diabète de type 1. On ne retrouve d’antécédent insulinodépendant, non cétosique, mais associé à
familial que dans un cas sur dix. une maladie auto-immune (dysthyroïdie, maladie de
Intolérance aux hydrates de carbone Biermer, vitiligo). Chez ces patients, l’existence d’une
ou hyperglycémie à jeun non ‚ Diabète de type 2 insulite auto-immune mise en évidence par la
diabétique À l’opposé, il se caractérise par la découverte positivité des marqueurs d’auto-immunité (anticorps
fortuite d’une hyperglycémie chez un sujet de plus anti-îlots de Langerhans, anticorps anti-GAD
+
de 50 ans avec un surpoids ou ayant été obèse, avec [anti-acide glutamiqque décarboxylase]) est un
syndrome d’insulinorésistance argument en faveur d’une insulinothérapie dès le
surcharge pondérale de prédominance abdominale
métabolique diagnostic. Le diabète est alors facile à équilibrer
(rapport taille-hanche supérieur à 0,8 chez la femme,
= supérieur à 0,95 chez l’homme). Le plus souvent, on avec de petites doses d’insuline.
risque de macroangiopathie retrouve une hérédité familiale de diabète non
Sujet de plus de 40 ans, sans antécédent
insulinodépendant. Le diabète de type 2 est souvent
familial de diabète, sans obésité, voire même
associé à une HTA essentielle et/ou à une
En ce qui concerne le risque de macroangio- avec amaigrissement récent
hypertriglycéridémie. Le diagnostic se fait le plus
pathie, il semble que la glycémie soit un mauvais Il faut rechercher systématiquement une
souvent lors d’un examen systématique. En effet, le
marqueur de risque. La macroangiopathie dépend pathologie sous-jacente lors du diagnostic de
diabète de type 2 est asymptomatique. Le retard au
essentiellement des facteurs de risques associés. S’il diabète non insulinodépendant : thyrotoxicose,
diagnostic est d’environ 5 ans. Ainsi, dans 20 % des
existe une insulinorésistance accompagnée cancer du pancréas, infection torpide peu ou pas
cas, il existe déjà une complication du diabète au
d’obésité ou de répartition androïde des graisses ou fébrile, maladie de Horton chez les personnes de
moment du diagnostic. C’est pourquoi, lors de la
de sédentarité, il existe un risque athérogène, en plus de 60 ans. Le scanner du pancréas ne doit être
découverte du diabète de type 2, un bilan
particulier coronarien. Le plus souvent, il existe demandé que s’il existe des signes cliniques
systématique doit être effectué, notamment un fond
d’autres facteurs de risque vasculaire, tels que l’HTA, évocateurs de pathologie pancréatique.
d’œil à la recherche d’une rétinopathie diabétique.
l’hyperlipidémie avec triglycérides élevés et HDL
L’examen podologique doit être systématique, à la
cholestérol bas, défaut de fibrinolyse. L’existence de
recherche d’une artérite et d’une neuropathie. La
ce syndrome d’insulinorésistance métabolique L’échographie et le scanner du
demande d’un échodoppler des artères des
donne sa signification de facteur de risque aux pancréas ne doivent pas être
membres inférieurs n’est légitime qu’en cas de doute
anomalies biologiques ou hémodynamiques systématiques lors de la découverte
clinique. Le diagnostic de neuropathie diabétique se
modérées n’ayant pas par elles-mêmes de caractère d’un diabète non insulinodépendant.
fait exclusivement sur la clinique ; il n’y a pas lieu de
pathologique certain : glycémie limite supérieure à la
demander d’exploration électrophysiologique. Le En l’absence de tableau clinique
normale mais non diabétique, tension artérielle
comprise entre 130 et 140 mmHg pour la systolique
dosage de la microalbuminurie est systématique. évocateur (amaigrissement, vitesse de
L’existence d’une microalbuminurie augmentée sédimentation accélérée), il n’y a pas
et 80 à 90 mmHg pour la diastolique, triglycérides
témoigne plus du risque cardiovasculaire global que lieu de demander d’examens
compris entre 1,50 et 2 g/L, avec HDL cholestérol
du risque de néphropathie. S’il existe des facteurs de d’imagerie pancréatique ou de
compris entre 0,35 et 0,45 g/L.
risque vasculaire associés au diabète (HTA,
marqueurs biologiques à la recherche
hyperlipidémie, tabagisme, augmentation de la
microalbuminurie), on demande un échodoppler des d’un cancer du pancréas lors du
Caractéristiques du syndrome diagnostic de diabète non
vaisseaux du cou. Un électrocardiogramme d’effort
d’insulinorésistance métabolique : insulinodépendant, chez un sujet de
est demandé s’il existe trois facteurs de risque ou des
✔ diminution de la tolérance aux localisations d’athérosclérose. plus de 40 ans sans antécédent
hydrates de carbone ; familial de diabète.
✔ répartition androïde des graisses ; ‚ Pancréatite chronique calcifiante
✔ HTA ; La découverte d’un diabète chez un homme de
✔ dyslipidémie (triglycérides élevés, plus de 40 ans, dénutri, avec des antécédents Diabète de « type 3 »
HDL cholestérol bas). d’alcoolisme, doit la faire suspecter. Elle associe au Il doit être suspecté chez les Africains et les
déficit endocrine une insuffisance pancréatique Indiens. Ce diabète apparaît entre 30 et 40 ans. Son

3
3-0800 - Diagnostic du diabète

début est aigu, généralement avec cétose. métabolisme régule la sécrétion d’insuline. Tout se Diabète lipoatrophique
L’évolution se fait secondairement vers un mode passe comme si le « lecteur de glycémie » de la cellule Congénital ou acquis, il est caractérisé par la
non insulinodépendant. Il n’y a pas de marqueurs B du pancréas était déréglé, lisant 1 g/L lorsque la disparition du tissu adipeux. Il existe une
d’auto-immunité, pas d’insuffisance pancréatique glycémie est en réalité à 1,20 ou 1,40 g/L. Les insulinorésistance majeure avec hyperlipidémie et
externe. Ce diabète associe carence insulinique et diabètes Mody III et Mody IV sont dus à des stéatose hépatique. À l’examen clinique, on peut
insulinorésistance. mutations de facteurs de transcription nucléaire (HNF retrouver un acanthosis nigricans (pigmentation
[hepatic nuclear factor] ) retrouvés au niveau du foie brunâtre avec aspect épaissi et velouté de la peau, et
‚ Autres formes plus rares de diabète
et du pancréas. Leur évolution est souvent plus nombreux papillomes au niveau du cou, des
Diabète Mody sévère que celle du Mody II. aisselles, de l’ombilic), témoins de
l’insulinorésistance.
C’est un diabète d’hérédité autosomale
Diabète secondaire à une mutation de l’acide Diabètes endocriniens
dominante. Il s’agit d’un diabète non insulinodé-
désoxyribonucléique mitochondrial
pendant, survenant avant l’âge de 20 ans, parfois Ils sont associés au phéochromocytome, au
même dans l’enfance. Le diabète Mody II réalise une Il associe une surdité de perception et se syndrome de Cushing, à l’acromégalie, à la maladie
hyperglycémie bénigne familiale due à une caractérise par une hérédité maternelle. Il peut de Crohn, au glucagonome, au somatostatinome.
mutation de la glucokinase, enzyme de la cellule B s’associer à des atteintes tissulaires diverses, Seuls les signes cliniques évocateurs de ces
du pancréas, entraînant la phosphorylation du musculaires, neurologiques, cardiaques, rétiniennes. différentes pathologies doivent amener à pratiquer
glucose en glucose-6-phosphate dont le Ce diabète est parfois d’emblée insulinodépendant. des dosages hormonaux nécessaires au diagnostic.

Claude Sachon : Attachée des Hôpitaux.


Philippe Cornet : Médecin généraliste.
André Grimaldi : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, P Cornet, A Grimaldi. Diagnostic du diabète.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0800, 1999, 4 p

Références

[1] Alberti KG. Quelques problèmes posés par la définition et l’épidémiologie du [4] Laville M. Diabète, dialyse, dépenses de santé. Néphrologie 1996 ; 17 :
diabète de type 2 (non insulinodépendant) dans le monde. Diabète Métab 1994 ; 319-320
20 : 315-324
[5] McCance DR, Hanson RL, Pettitt DJ, Bennette PH, Hadden DR, Knowler
[2] Grimaldi A, Cornet P, Massebœuf N, Popelier M, Sachon C. Guide pratique WC. Diagnosing diabetes mellitus. Do we need new criteria? Diabetologia 1997 ;
du diabète. Paris : Collection Médiguide du généraliste, 1997 40 : 247-255

[3] Grimaldi A, Heurtier A. Les critères de diagnostic du diabète de type 2. Rev [6] Papoz L, Williams R, Fuller J. Le diabète en Europe. Paris : Inserm/John
Prat 1999 ; 49 : 16-21 Libbey, 1994

4
3-0870
3-0870

Grossesse, contraception,
Encyclopédie Pratique de Médecine

ménopause et diabète
C Sachon, A Grimaldi, F Tournant

L es complications fœtales de la grossesse diabétique peuvent être évitées grâce à un parfait équilibre du diabète
lors de la conception, tout au long de la grossesse et lors de l’accouchement. Le diabète gestationnel, ou
hyperglycémie maternelle gestationnelle, apparaît à partir de la 26e semaine d’aménorrhée. Son dépistage peut se
faire par le simple dosage de la glycémie à jeun et postprandiale. Son risque essentiel est la macrosomie fœtale.
La grossesse de la femme diabétique doit être programmée. Les femmes diabétiques en âge de procréer doivent
donc bénéficier d’une contraception adaptée, la prise au long court de la pilule œstroprogestative étant
contre-indiquée.
Le diabète n’est pas une contre-indication au traitement hormonal substitutif de la ménopause, au contraire !
© Elsevier, Paris.


Grossesse et diabète
La grossesse diabétique reste une grossesse à
Les échographies au cours de la
grossesse diabétique :
✔ la 1re, entre 11 et 12 semaines
Grossesse diabétique : risques pour
l’enfant
✔ Malformations multipliées par trois
risque dont le pronostic s’est considérablement d’aménorrhée, vérifie le terme et si le diabète existe avant la
amélioré grâce aux progrès diabétologiques et peut dépister des malformations grossesse.
obstétricaux. Les taux de mortalité néonatale et de sévères ; ✔ Macrosomie, traumatisme
malformations rejoignent ceux de la population non ✔ la 2e, entre 20 et 22 semaines obstétrical.
diabétique, chez les femmes diabétiques d’aménorrhée, permet d’effectuer le ✔ Hypoglycémie.
régulièrement suivies en consultation. bilan morphologique fœtal ; ✔ Hypocalcémie.
‚ Diabète connu avant la grossesse ✔ la 3e et la 4e, à 24 et 32 semaines ✔ Hyperbilirubinémie.
d’aménorrhée, vérifient la morpholo- ✔ Polyglobulie.
Progrès obstétricaux
gie cardiaque et l’épaisseur du ✔ Détresse respiratoire.
Les échographies précoces, pratiquées vers la 11e septum interventriculaire. ✔ Maladie des membranes hyalines
ou 12e semaine permettent, de vérifier le terme,
(aujourd’hui exceptionnelle)
voire même de dépister certaines malformations.
✔ Cardiomyopathie avec hypertrophie
Une deuxième échographie, entre la 20e et la 22e Progrès diabétologiques septale.
semaine, permet le bilan morphologique. Des
échocardiographies fœtales à 24 et 32 semaines Le rôle délétère de l’hyperglycémie maternelle
permettent d’apprécier la morphologie cardiaque et pour le fœtus est mieux compris depuis ces dernières Toute femme diabétique en âge de procréer doit
l’épaisseur du septum interventriculaire. décennies. donc être informée sur la grossesse.
L’échographie, comme la clinique, apprécient la Dès la conception et lors de l’organogenèse,
croissance fœtale et permettent de dépister la l’hyperglycémie peut entraîner avortement ou
macrosomie ou l’hypotrophie ainsi qu’un excès de malformations. Lors du développement fœtal, elle La nécessité de programmer les
liquide amniotique. L’étude des flux fœtaux stimule l’hyperinsulinisme fœtal responsable de grossesses chez les femmes diabétiques
placentaire et utérin permet d’apprécier la qualité macrosomie, d’hypoxie tissulaire, de retard de justifie la prescription d’une contracep-
des échanges entre la mère et l’enfant. La maturation pulmonaire ou encore d’hypertrophie tion efficace.
surveillance obstétricale permet de dépister une cardiaque. Lors de l’accouchement, elle majore le
menace d’accouchement prématuré, une éventuelle risque d’hypoglycémie insulinique sévère chez le
souffrance fœtale évaluée selon la diminution des nouveau-né.
Prise en charge de la grossesse diabétique
mouvements actifs du fœtus. En fin de grossesse, les La compréhension du rôle néfaste de
(tableaux I, II)
© Elsevier, Paris

enregistrements du rythme cardiaque fœtal sont l’hyperglycémie maternelle avant et tout au long de
pratiqués très régulièrement à l’approche du terme, la grossesse met ainsi l’accent sur la nécessité de La prise en charge de la grossesse et de sa
chaque semaine, puis chaque jour, puis deux fois par programmer les grossesses chez les femmes programmation par les femmes diabétiques est plus
jour lorsque la patiente est hospitalisée en fin de diabétiques régulièrement suivies en consultation, et difficile chez la femme diabétique non insulinodé-
grossesse. donc sur l’importance d’une contraception fiable. pendante (DNID), souvent plus âgée et sans doute

1
3-0870 - Grossesse, contraception, ménopause et diabète

l’autosurveillance urinaire doit être effectuée chaque


Tableau I. – Diabète connu avant la grossesse. matin à la recherche d’une cétose de jeûne. Si elle est Tableau III. – Grossesse diabétique : risques
maternels.
Nécessité de programmation des grossesses positive, il faudra adapter l’insulinothérapie et
Contraception effıcace. instituer une collation au coucher). Les femmes Prééclampsie multipliée par trois.
Éducation à l’autocontrôle glycémique : six à sept doivent être vues en consultation de diabétologie Acidocétose au cours du 3e trimestre avec risque
tests/j. tous les 15 jours pour la prise de poids, de la de mort fœtale.
Optimisation de l’insulinothérapie chez les DID pression artérielle en position semi-assise ou en Infections urinaires avec risque de pyélo-
avec normalisation de l’hémoglobine A1C avant décubitus latéral gauche, un bilan biologique avec néphrite.
conception. dosage de la fructosamine (glycémie moyenne des Insuffisance rénale : un risque sur deux de ne
Arrêt des antidiabétiques oraux chez les DNID. 15 derniers jours), un examen des urines par pas avoir un enfant vivant à terme, risque d’ag-
Insulinothérapie avec normalisation des glycémies gravation de l’insuffısance rénale et de l’hyper-
avant la conception si besoin est. bandelette à la recherche d’une infection ou d’une tension artérielle.
microalbuminurie. Insuffisance coronarienne : contre-indication de
Objectifs glycémiques au cours de la grossesse Tous les 2 mois, on effectue la mesure de la grossesse
DID : glycémies entre 0,60 et 1,60 g/L au cours du l’hémoglobine A 1 C , de l’uricémie ou de la
nycthémère. Hypertension artérielle et grossesse
créatininémie. Un examen ophtalmologique est
DNID : glycémies < 0,90 g/L avant les repas ; Elle est deux fois plus fréquente chez la femme
< 1,20 g/L 1 heure 30 minutes après le début du systématique en début de grossesse et vers la 26e diabétique, surtout s’il existe une microangiopa-
repas. semaine, plus souvent s’il existe une rétinopathie. Si thie ou une surcharge pondérale.
besoin est, un arrêt de travail prolongé est prescrit Elle se définit par une pression artérielle systoli-
DID : diabète insulinodépendant ; DNID : diabète non insulinodépendant. pour faciliter la prise en charge du diabète. que supérieure ou égale à 140 mmHg, ou une
pression diastolique supérieure ou égale à 90
L’hospitalisation en service de diabétologie est rare.
mmHg à deux reprises, mesurée au repos en dé-
Elle peut se pratiquer avant la grossesse pour cubitus latéral gauche ou en position assise.
Tableau II. – Surveillance de la femme diabéti- améliorer l’équilibre glycémique grâce à une Elle est le plus souvent secondaire à une insuffı-
que lors d’une grossesse. insulinothérapie optimisée, elle est nécessaire parfois sance placentaire.
au cours de la grossesse si l’objectif glycémique n’est Son traitement ne doit pas réduire le débit san-
Avant la grossesse pas atteint. guin placentaire, il est au contraire essentiel de
Sérologies habituelles (rubéole, toxoplasmose, sy- l’améliorer.
L’accouchement se déroule, aussi souvent que
philis, VIH). Le repos physique et psychique est indispensable.
possible, à terme, par voie basse. L’hospitalisation en
Examen stomatologique. On prescrit des antihypertenseurs avec, pour ob-
maternité pour surveillance de fin de grossesse n’est jectif, une diminution progressive de la pression
Examen ophtalmologique + bilan du diabète.
plus systématique avant la 38e semaine, dans la artérielle en évitant de descendre en dessous de
Optimisation de l’insulinothérapie.
mesure où il n’existe pas de problèmes obstétricaux, 130/80 mmHg.
Pendant la grossesse si le diabète est parfaitement équilibré et si la femme Médicaments utilisés
Consultation tous les 15 jours en diabétologie : habite à proximité de la maternité, ce qui permet Classiquement :
poids, pression artérielle, recherche d’infection une surveillance ambulatoire.
urinaire et d’albuminurie à la bandelette. Fructo- - des antihypertenseurs centraux (Aldomett, Ca-
samine, analyse du carnet de surveillance. Pendant l’accouchement, une insulinothérapie tapressant) ;
Tous les 2 mois : dosage de l’hémoglobine A1C, de par voie intraveineuse est mise en place avec - des vasodilatateurs (Népressolt, Minipresst,
l’uricémie ou de la créatininémie. contrôle de la glycémie capillaire toutes les Alpresst).
Examen ophtalmologique au début de la grossesse demi-heures. Le nouveau-né est surveillé Plus récemment :
(s’il n’a pas eu lieu avant) et vers la 26e semaine, systématiquement dès la naissance à la recherche - des bêtabloquants ;
plus souvent s’il existe une rétinopathie. d’hypoglycémie ou d’hypocalcémie néonatale. - les inhibiteur calciques.
À partir du 2e trimestre : supplémentation en fer et
en acide folique. Traitement contre-indiqué
Complications de la grossesse diabétique Régime désodé.
Prescription d’Aspégict 100 mg en cas de rétino-
pathie diabétique ou d’hypertension artérielle de la La grossesse diabétique reste cependant une Diurétiques.
11e à la 34e semaine d’aménorrhée. grossesse à risque (tableau III) : la toxémie Inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
gravidique avec hypertension et protéinurie est plus
fréquente (multiplée par trois par rapport à la En cas de microangiopathie diabétique et/ou de modification du doppler
utérin, un traitement antiplaquettaire préventif (aspirine 100 mg/j) semble
moins bien informée. Chez cette femme, le population générale), l’acidocétose diabétique chez justifié.
Ce traitement devra être interrompu à 34 semaines d’aménorrhée pour
traitement oral sera arrêté avant le début de la les femmes insulinodépendantes est une respecter la coagulation lors de l’accouchement.

grossesse, avec insulinothérapie si besoin est, complication possible du 3e trimestre, les infections
c’est-à-dire si le régime ne permet pas d’obtenir des urinaires avec pyélonéphrite aiguë se sont
glycémies normales, inférieures à 0,90 g/L avant les multipliées, enfin, dans le cadre d’une insuffisance diabète gestationnel, qui correspond à une
repas, et inférieures à 1,20 g/L après. rénale, il n’existe qu’une chance sur deux de mettre intolérance aux hydrates de carbone, apparaissant le
Chez les diabétiques insulinodépendantes (DID), au monde un enfant vivant, avec risque majeur plus souvent entre la 26 et la 28e semaine de
une optimisation du traitement sera réalisée d’aggravation de l’hypertension artérielle (HTA) et de grossesse.
pendant la programmation de la grossesse avec l’insuffisance rénale au cours de la grossesse, en Dans le diabète gestationnel pur, il n’existe pas
trois, voire quatre injections d’insuline par jour, général réversible après l’accouchement. Quant à d’augmentation du risque de malformations
l’objectif glycémique étant d’obtenir une l’insuffisance coronarienne, elle constitue une néonatales, en revanche ce risque augmente s’il
normalisation de l’hémoglobine A1C dès cette contre-indication à la grossesse avec un risque de s’agit d’un diabète méconnu avant la grossesse.
période avec des glycémies oscillant entre 0,60 et décès maternel d’environ 50 %.
1,60 g/L au cours du nycthémère. Risques du diabète gestationnel
‚ Cas particuliers du diabète découvert en
Quel que soit le type de diabète, l’autosurveillance Le diabète gestationnel vrai correspond à environ
cours de grossesse
glycémique est indispensable et doit comporter six à 3 % des grossesses. Il s’agit d’une résistance à
sept contrôles quotidiens avec adaptation Il peut s’agir d’un diabète non insulinodépendant l’insuline liée à la sécrétion de l’hormone lactogène
thérapeutique immédiate (adaptation des doses méconnu jusqu’à la grossesse, d’un authentique et de l’hormone de croissance placentaires, qui
d’insuline aux glycémies instantanées, ou adaptation diabète insulinodépendant qui se révèle au cours de entraînent une dégradation de la tolérance
de la prise alimentaire selon les résultats, la grossesse, ou encore de ce que l’on appelle de glucidique.

2
Grossesse, contraception, ménopause et diabète - 3-0870

L’hyperglycémie provoquée par voie orale n’étant


Diabète gestationnel vrai : définition pas réalisable sur le plan économique en pratique de Tableau IV. – Indications du dépistage du dia-
bète gestationnel.
✔ Trois pour cent des grossesses. masse, le test de O Sullivan a été proposé. Il consiste
✔ Intolérance aux hydrates de à mesurer la glycémie 1 heure après l’absorption de − Chez les femmes présentant des facteurs de
carbone apparaissant vers la 26-28e 50 g de glucose chez les femmes présentant des risque :
semaine d’aménorrhée. facteurs de risque de diabète gestationnel. • dès la 1re consultation.
L’interprétation de ce test de O Sullivan est • à 26 semaines d’aménorrhée ;
variable selon les auteurs, et justifie le recours à une • à 32 semaines d’aménorrhée si le dépistage
Le risque de ce diabète gestationnel est la était négatif à 26 semaines ;
hyperglycémie provoquée par voie orale sur 3
macrosomie fœtale, qui correspond à un poids de − À 28 semaines d’aménorrhée et non répété si le
heures selon que la valeur glycémique se situe de
naissance supérieur au 90e percentile pour le terme. dépistage était négatif chez toutes les femmes
1,30 à 1,50 g/L... Si le diagnostic de diabète sans facteurs de risque âgées de plus de 25 ans.
Le risque de cette macrosomie est celui d’un
gestationnel ne fait pas l’objet d’un consensus
traumatisme obstétrical avec dystocie des épaules,
international, sa prise en charge est à peu près
fracture de la clavicule, étirement ou paralysie du
uniforme. C’est pourquoi il serait logique de définir le
plexus brachial. Pour éviter ces risques, la césarienne
diabète gestationnel par les valeurs glycémiques
est souvent proposée sur les données échogra-
justifiant une intervention thérapeutique, soit des Tableau V. – Traitement du diabète gestation-
phiques, cliniques ou de pelvimétrie. Les autres nel selon les résultats glycémiques et l’exis-
valeurs glycémiques préprandiales, supérieures ou
risques encourus par le nouveau-né sont ceux liés à tence de facteurs de risque maternels.
égales à 0,90 g/L, soit des glycémies 1 heure 30
l’hyperinsulinisme fœtal, c’est-à-dire l’hypoglycémie,
minutes après le repas, supérieures ou égales à
l’hypocalcémie, la polyglobulie, l’hyperbilirubinémie Régime diabétique personnalisé de 1 500 à
1,20 g/L. 2 000 calories/j et autocontrôle glycémique avant
et l’hypertrophie cardiaque, comme pour les autres
et 1 heure 30 minutes après chaque repas si :
grossesses diabétiques.
• la glycémie à jeun est ≥ 0,90 g/L ;
Propositions pour le dépistage du • et/ou la glycémie postprandiale est ≥ 1,20 g/L.
Comment dépister un diabète gestationnel ? diabète gestationnel chez les femmes Insulinothérapie
Si la prise en charge du diabète gestationnel est présentant des facteurs de risque : − En l’absence de facteurs de risque maternels si,
bien codifiée, il n’en est pas de même pour son ✔ glycémie à jeun ; malgré le régime :
dépistage. L’étalon or proposé pour le diagnostic de ✔ glycémie 1 heure 30 minutes après • la glycémie à jeun est ≥1 g/L ;
diabète gestationnel reste, dans la plupart des le début du petit déjeuner apportant • et/ou la glycémie postprandiale est ≥ 1,40 g/L.
centres, l’hyperglycémie provoquée par voie orale. 50 g de glucides ; − En présence de facteurs de risque maternels si,
Selon les travaux de O Sullivan, en 1964, le diabète ✔ diagnostic de diabète gestationnel si malgré le régime :
gestationnel se définit par deux valeurs glycémiques la glycémie à jeun est ≥ 0,90 g/L ou • la glycémie à jeun est ≥ 0,90 g/L ;
• et/ou la glycémie postprandiale est ≥ 1,20 g/L.
au-dessus de la normale lors d’une hyperglycémie si la glycémie postprandiale est
provoquée par voie orale sur 3 heures après ≥ 1,20 g/L.
absorption de 100 g de glucose : glycémie égale à
1,05 g/L à jeun, 1,90 g/L à la 1re heure, 1,65 g/L à la
Exemples de petit déjeuner apportant
50 g de glucides : sont supérieures ou égales à 1,20 g/L. Le plus
2e heure, et 1,45 g/L à la 3e heure. Toutefois, le
travail initial de O Sullivan avait pour fonction de ✔ un café noir ou thé sans sucre + souvent, l’insulinothérapie comprendra trois
deux croissants ; injections par jour, soit une injection d’insuline rapide
définir le risque maternel de diabète dans les 10
années suivant la grossesse (25 % des femmes ✔ un café noir ou thé + deux sucres le matin, le midi et le soir avant les repas, soit une
présentant un diabète gestationnel deviennent + 80 g de pain ou six biscottes + injection d’insuline biphasique matin et soir avec, si
diabétiques, 25 % d’entre elles gardent une beurre. besoin est, une insuline rapide le midi.
intolérance aux hydrates de carbone). Ce n’est que


secondairement que ces valeurs ont été validées
Traitement du diabète gestationnel Contraception, ménopause
pour le risque fœtal. Chaque auteur a adapté à sa
façon les résultats de O Sullivan. Il existe aujourd’hui Un régime diététique de 1 500 à 2 000 calories/j et diabète
plusieurs versions de « O Sullivan corrigé ». selon l’enquête alimentaire avec un apport de 150 à
200 g de glucides fractionnés en trois repas et trois
collations.
‚ Contraception
Facteurs de risque de diabète L’éducation à l’autosurveillance glycémique six Toute femme diabétique en âge de procréer doit
gestationnel : fois par jour, c’est-à-dire avant et une 1 heure 30 être informée sur la nécessaire programmation des
✔ âge > 35 ans ; minutes après le début de chaque repas, soit à l’aide
grossesses. Elle doit donc bénéficier d’une
✔ obésité (BMI > 25) ; de bandelettes visuelles, soit grâce à un lecteur de
contraception efficace et adaptée, sachant que :
✔ prise de poids excessive ; glycémie.
✔ antécédent familial de diabète non Une éducation à l’autosurveillance urinaire – l’éthinyl-œstradiol, même à faible dose,
insulinodépendant ; chaque matin au réveil pour vérifier l’absence de favorise les thromboses vasculaires ;
✔ antécédent de diabète gestationnel cétose de jeûne consécutive à un régime trop – les progestatifs dérivés des norstéroïdes à forte
ou de trouble de la glycorégulation restrictif. activité antigonadotrope androgénique dégradent la
sous pilule œtroprogestative ; L’insulinothérapie est proposée si, malgré le tolérance glucidique et abaissent le HDL-cholestérol
✔ antécédents obstétricaux : régime, les glycémies préprandiales atteignent ou ( h i g h d e n s i t y l i p o p r o t e i n s ) , et sont donc
macrosomie, hydramnios, mort dépassent 1 g/L, et/ou si les glycémies 1 heure 30 contre-indiqués chez les diabétiques.
fœtale in utero ; minutes après le début des repas atteignent ou
Il existe plusieurs techniques.
✔ hypertension artérielle ; dépassent 1,40 g/L. Toutefois, s’il existe des facteurs
✔ prééclampsie ; de risque maternels (tableaux IV, V), l’insulinothé- ■ Les pilules progestatives microdosées, en
✔ problèmes obstétricaux de la rapie sera proposée plus précocement, c’est-à-dire si l’absence de contre-indication gynécologique
grossesse en cours. les glycémies préprandiales sont supérieures ou (mastopathie bénigne, dysovulation), qui nécessitent
égales à 0,90 g/L, et si les glycémies postprandiales une prise quotidienne à heure fixe sans oubli. Elles

3
3-0870 - Grossesse, contraception, ménopause et diabète

sont un peu moins efficaces que les pilules La pilule œstroprogestative est contre-indiquée en ‚ Ménopause
œtroprogestatives et moins bien tolérées (spotting, raison de ses risques vasculaires. Le diabète n’est pas une contre-indication au
parfois aménorrhée, mastodynie). Elle reste possible chez la diabétique traitement substitutif de la ménopause, au contraire,
■ Les progestatifs « normodosés ». Les insulinodépendante jeune ayant un diabète récent dans la mesure où le risque d’ostéoporose et
progestatifs non androgéniques sont bien tolérés sur bien équilibré, pour une courte durée (avant d’athéromatose est accru chez la femme diabétique.
le plan métabolique et gynécologique. grossesse). On utilise des œtrogènes par voie percutanée
■ Le stérilet chez la multipare, en l’absence On utilise de préférence les œtroprogestatifs les (Œstrogelt, Estradermt) qui n’ont pas d’incidences
d’antécédent infectieux annexiel utérin. moins dosés en éthinyl-œstradiol (30 µg ou métaboliques, auxquels on associe un progestatif à
■ Les moyens locaux dont l’efficacité dépend moins), associés à un progestatif faiblement l’exclusion des progestatifs norstéroïdes dérivés de la
toutefois de la discipline d’utilisation. androgénique. testostérone.

Claude Sachon : Attaché des Hôpitaux.


André Grimaldi : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Flavie Tournant : Chef de clinique-assistant.
Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, A Grimaldi et F Tournant. Grossesse, contraception, ménopause et diabète. Encycl Méd Chir (Elsevier,
Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0870, 1998, 4 p

Références

[1] Diabetes and pregnancy. Diabet Rev 1996 : vol 4 [4] Reece A, Coustan D. Diabetes mellitus in pregnancy. New York : Churchill
Livingstone, 1995
[2] Dornhorst A, Hadden D. Diabetes and pregnancy: an international approach to
diagnosis and management. New York : John Wiley, 1996 [5] Tchobroutsky C, Tchobroutsky G, Slama G, Assan R, Freychet P. Diabètes et
grossesse. In : Traité de diabétologie. Paris : Pradel, 1990 : 783-798
[3] Grimaldi A, Sachon C, Bosquet F. Les diabètes : comprendre pour traiter.
Paris : Éditions médicales internationales, 1995 : 428-443

4
3-0880
3-0880

Hyperlipoprotéinémies,
Encyclopédie Pratique de Médecine

diagnostic et traitement
F Dairou

D ans leur très grande majorité, les hyperlipoprotéinémies sont des affections métaboliques génétiques qui
favorisent une artériosclérose prématurée. C’est dans le but de prévenir, réduire ou retarder les manifestations
cardiovasculaires ischémiques de ces maladies qu’il faut les prendre en charge. Le diagnostic, la classification ainsi
que les traitements diététique et médicamenteux sont à mettre en œuvre successivement afin de s’associer à la prise
en charge simultanée des autres facteurs de risque athérogènes.
© Elsevier, Paris.


Introduction

Les hyperlipoprotéinémies ou dyslipoprotéi-


Tableau I. – Composition des lipoprotéines.

Lipoprotéine Taille
(angströms)
CT
%
TG
%
PL
%
APO
%
Mobilité
électrophorèse

némies sont définies comme l’augmentation CHYLOS 1 000/10 000 3 95 5 2 (A1, AIV, C) CHYLO
permanente de la concentration plasmatique d’une VLDL 300/800 20 65 15 7 (B, E) prébêta
ou plusieurs classes de lipoprotéines, parfois comme
LDL 200/220 50 12 22 22 (B) bêta
une composition anormale d’une lipoprotéine. On
en rapproche la diminution isolée des lipoprotéines HDL 70/100 20 6 25 50 (A1, A2, C, E) alpha
de haute densité (HDL). Leur risque essentiel est de
Lp (a) 265 35 43 19 (B, a) prébêta
favoriser une maladie athéromateuse précoce,
source de complications cardiovasculaires
ischémiques. Dans la majorité des cas, la
dyslipidémie est constitutionnelle, permanente,
pouvant souvent être dépistée dès l’enfance et sa graisses alimentaires
physiopathologie correspond à une perturbation
héréditaire du métabolisme des lipoprotéines due à CHYLO
une anomalie de structure d’un enzyme, d’une
apolipoprotéine ou d’un récepteur des lipoprotéines. intestin
ag réserve
Plus rarement, l’élévation du taux circulant des
lipoprotéines est la conséquence d’un autre état
remnants
pathologique transitoire ou permanent, la
HDL
dyslipoprotéinémie est alors secondaire.
naissant
agl acides acétate


biliaires
Rappel du métabolisme rs
des lipoprotéines [1] HMGR
ct liaison
tg ct des HDL
lh LDL ACAT
Les lipides, peu solubles dans le plasma, circulent
associés aux apolipoprotéines (APO) sous forme ce
d’édifices parfois volumineux, les lipoprotéines. VLDL
ldl r
Toutes les lipoprotéines contiennent en quantité foie macrophage
variable du cholestérol, des triglycérides, des
IDL
phospholipides et des APO. Le tableau I donne la
VLDL
composition des lipoprotéines normales. La figure 1 agl HDL3
représente le métabolisme des lipoprotéines. tg
© Elsevier, Paris

tg HDL2 LCAT
‚ Chylomicrons (CHYLO) cetp
lpl
Les chylomicrons (CHYLO) proviennent par voie adipocyte
ce
lymphatique des cellules intestinales où ils sont
1 Métabolisme des lipoprotéines.
synthétisés à partir des éléments de la digestion. Aux

1
3-0880 - Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement

triglycérides prédominants s’associent les APO B48, cholestérol estérifié et surtout des APO, APO A1, APO la plus fréquente des maladies génétiques chez
CII, CIII, CI, A1, A2, A4 et E. Ils séjournent dans le A2. Dans la circulation, les HDL vont s’enrichir en l’homme. Cette mutation entrave la liaison du
courant sanguin 1 à 6 heures suivant le repas. À cholestérol estérifié et un peu en triglycérides ; au récepteur aux lipoprotéines et ralentit leur
jeun, ils disparaissent du plasma. Leur dégradation contact des membranes cellulaires, elles se chargent catabolisme. Les LDL ont une durée de vie allongée
est assurée par les enzymes lipolytiques dont le plus en cholestérol libre. Dans le plasma, la lécithine dans le plasma. La mutation sur le gène est de
important est la lipoprotéine lipase (LPL) activée par cholestérol acyltransférase (LCAT), dont l’APO A1 est nature variable : on en a décrit plus de 200
l’APO CII. Il en résulte des résidus de plus petite taille, l’activateur, transforme le cholestérol libre en intéressant diverses parties de la chaîne du récepteur
les « remnants ». Ceux-ci sont liés et internalisés dans cholestérol estérifié qui est emmagasiné au centre BE. La forme homozygote de la maladie du
les cellules par les récepteurs E et BE. des HDL. Il existe des récepteurs des HDL sur les récepteur est exceptionnelle, elle est observée en cas
cellules périphériques (macrophages) qui permettent d’héritage double d’une anomalie des récepteurs des
‚ Lipoprotéines de très basse densité la liaison des HDL et leur internalisation. Les HDL ne LDL, touchant les deux parents. Le propositus est
(VLDL) sont pas détruites mais subissent une réexcrétion porteur de deux allèles mutants dont la mutation est
Les lipoprotéines de très basse densité (VLDL) après s’être chargées de cholestérol, de sorte qu’elles en général différente, sauf en cas de consanguinité.
proviennent pour une faible part de la cellule assurent un retour du cholestérol vers le foie : c’est le Le trouble métabolique entraîné par cette double
intestinale et pour beaucoup de la cellule hépatique. reverse transport du cholestérol. Il explique le rôle atteinte est beaucoup plus sévère que dans la forme
Les triglycérides représentent 70 % de leur antiathérogène de cette lipoprotéine. hétérozygote. La fréquence de la forme homozygote
composition. Leur APO B est l’APO B100. Ces VLDL est de un cas sur un million de naissances.
naissantes vont effectuer des échanges avec les ‚ Différentes classes de lipoprotéines L’hypercholestérolémie familiale par déficit en
lipoprotéines de haute densité grâce à la protéine de Les différentes classes de lipoprotéines peuvent APO B correspond à une mutation située au niveau
transfert (CFTP). Elles acquièrent du cholestérol être étudiées après une séparation que l’on réalise du site biologiquement actif de l’APO B sur l’acide
estérifié et des APO (APO C, APO E). Elles subissent en fonction de leur migration (électrophorèse), de aminé 3500. Le défaut de liaison de la lipoprotéine
une lipolyse sous l’influence des enzymes leur densité (ultracentrifugation), ou en fonction de et de son récepteur est dû ici à l’anomalie de la
lipolytiques (LPL), qui va modifier leur composition : leur contenu en APO (techniques immunologiques). chaîne de l’APO B, mais les conséquences cliniques
diminution des triglycérides et enrichissement en Les dosages des lipides courants sont le dosage des et biologiques sont les mêmes que dans la maladie
cholestérol. Certains éléments de la surface des VLDL triglycérides, du cholestérol total, son fractionnement des récepteurs. La presque totalité des cas décrits de
deviendront des HDL. La demi-vie des VLDL est avec la mesure du cholestérol des HDL (HDL C) par cette étiologie sont des formes hétérozygotes pour le
d’environ 5 heures. La lipoprotéine de densité une méthode de précipitation sélective, des APO B et défaut métabolique. La fréquence de la maladie est
intermédiaire (IDL) qui en résulte est captée par les A1. L’aspect du sérum renseigne sur la présence en un peu plus faible que celle de la maladie du
récepteurs E hépatiques ou continue à se excès de lipoprotéines riches en triglycérides. Les récepteur, environ un cas sur 700 naissances. Ces
transformer pour devenir la lipoprotéine de basse valeurs de cholestérol, du cholestérol des HDL et des deux étiologies n’expliquent pas la totalité des
densité. triglycérides permettent de calculer la valeur du hypercholestérolémies pures. Dans un grand
cholestérol des LDL, selon la formule de Friedewald. nombre de cas, en général de sévérité moindre, on
‚ Lipoprotéines de basse densité (LDL) ne retrouve pas d’anomalie des récepteurs ni de
Les lipoprotéines de basse densité (LDL) qui n’ont l’APO B. L’étiologie est alors inconnue. Un des
à leur surface que l’APO B100 vont apporter le Formule de Friedewald mécanismes physiopathologiques invoqués est un
cholestérol aux cellules périphériques de l’organisme Cholestérol des LDL = cholestérol trouble fonctionnel de l’activité des récepteurs des
pour fournir la synthèse des membranes cellulaires total - HDL cholestérol - TG/5. LDL, ralentie par l’importance des apports
et la fabrication de stéroïdes. L’APO B est alimentaires de cholestérol. La fréquence de ces
spécifiquement liée par le récepteur BE, liaison qui formes modérées dites essentielles est trois fois plus
Le dosage de l’APO B totale permet d’identifier
précède l’internalisation de la lipoprotéine dans les grande que celle des défauts génétiques précédents.
toutes les surcharges en LDL et/ou en VLDL, mais il
cellules. Les LDL y sont hydrolysées par les enzymes Dans toutes les hypercholestérolémies, le risque
est surtout fiable dans les surcharges pures en LDL,
du lyzosome et cet apport de cholestérol dans la athérogène est élevé, avec une relation
avec un sérum clair. Le dosage des APO ne peut
cellule a trois conséquences : proportionnelle entre le taux du cholestérol des LDL
remplacer les dosages de cholestérol et de
– la régulation de la synthèse des récepteurs des et la sévérité et la précocité des manifestations
triglycérides mais il constitue un élément de contrôle
LDL ; athéromateuses.
de ces derniers et peut renseigner sur d’éventuelles
– le freinage de l’HMG Co-A réductase (HMG R) ;
variations de composition des lipoprotéines. Les ‚ Hypertriglycéridémie endogène
– l’activation de l’acyl Co-A cholestérol
valeurs des rapports APO A1/APO B, ainsi que ceux (surcharge en VLDL ou type IV)
acyltransférase (ACAT).
du cholestérol total/HDL C ont été considérées, sur
Dans le plasma, la demi-vie des LDL est de 3,6 C’est un groupe hétérogène d’affections, ce qui
de larges échantillons de population, comme très
jours. Une modification progressive de la structure explique de nettes différences de fréquence selon les
prédictives du risque cardiovasculaire. Pour une
de l’APO B par des réactions d’oxydation traduit le populations étudiées, jusqu’à 10 % dans certaines
exploration à visée diagnostique, tous les dosages
vieillissement des lipoprotéines. Ces lipoprotéines études anglo-saxonnes. Dans ce chiffre très élevé
doivent être faits à jeun, en dehors de tout régime ou
modifiées n’ont plus de dégradation possible par la sont sans doute comptabilisées bon nombre de
traitement hypolipidémiant.
voie des récepteurs et ne peuvent être dégradées dyslipidémies où les facteurs d’environnement
que par les macrophages. L’importance de ces LDL prennent le pas sur les facteurs génétiques. Les


modifiées est grande dans la genèse de l’athérome Épidémiologie et physiopathologie hypertriglycéridémies héréditaires reconnues sur des
car un excès de LDL modifiées captées par les des dyslipoprotéinémies arguments familiaux ne concernent que 0,5 à 0,8 %
macrophages aboutit à une cellule spumeuse. primitives [2] de la population générale adulte, et le mode de
transmission est clairement autosomique dominant.
‚ Lipoprotéines de haute densité (HDL) ‚ Hypercholestérolémies (surcharge On ne connaît pas le défaut métabolique, mais la
en LDL, type IIa) physiopathologie correspond à un excès de la
Les lipoprotéines de haute densité (HDL) ont trois
origines : l’hépatocyte, la cellule intestinale et La forme hétérozygote d’hypercholestérolémie synthèse des VLDL. Trois facteurs alimentaires
l’hydrolyse des VLDL. Il s’agit en fait d’un groupe familiale par maladie du récepteur est due à la contribuent à l’installation ou à l’amplification de ce
hétérogène. Les deux principales sous-classes sont transmission, par un seul des deux parents, d’une trouble métabolique : l’intolérance aux hydrates de
les HDL2 et les HDL3. À leur naissance, les HDL mutation génétique sur le récepteur BE des LDL. Elle carbone et le diabète, la consommation d’alcool et
contiennent un peu de lipides, phospholipides, a une fréquence de un cas sur 500 naissances. C’est les apports excessifs de calories et la pléthore

2
Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement - 3-0880

pondérale. Le taux des triglycérides permet


d’opposer les hypertriglycéridémies majeures Tableau II. – Classification des lipoprotéines.
(au-dessus de 500 mg/dL) et mineures (triglycérides Hypercholestérolémies Hyperlipidémies mixtes Hypertriglycéridémies
entre 150 et 500 mg/dL). Le risque athérogène est
moins élevé que dans les hypercholestérolémies et Lipoprotéine LDL LDL + VLDL IDL VLDL CHYLO +/-
VLDL
dans les hyperlipidémies mixtes, mais il est
néanmoins présent dans un quart des cas. Type IIa IIb III IV I ou V
Dénomination Hypercholestérolé- Hyperlipidé- Dysbêtalipo- Hypertrigly- Hyperchylo-
‚ Hyperlipidémie mixte mies familiales mies mixtes protéinémie céridémie micronémie
Elle est aussi fréquente que les hypercholestérolé- ou combinées endogène
mies : 0,5 à 0,8 % de la population. Le défaut Déficience en APO B
métabolique n’est pas connu dans l’hyperlipidémie
Hypercholestérolémie
de type IIb qui correspond à une double surcharge essentielle
en LDL et en VLDL. L’hyperlipidémie de type III est
beaucoup plus rare (0,02 %). Elle est due à un double Défauts Mutation récepteur Homozygotie Mutation ho-
métaboliques LDL E2E2 mozygote LPL
facteur héréditaire : conjonction d’un excès de connus
synthèse des VLDL et d’un phénotype particulier des Mutation APO B
isomorphes de l’APO E, le phénotype E2E2, Risque +++ +++ +++ ± −
caractérisé par la médiocre affinité de l’APO pour les athérogène
récepteurs des lipoprotéines. La surcharge réalisée
est une surcharge en IDL. Le risque vasculaire est très


grand dans toutes les hyperlipidémies mixtes, dont
avec xanthomes plans (autosomique récessif), le
deux tiers des cas, en l’absence de traitement, se Diagnostic clinique
déficit en LCAT (autosomique récessif), la fish-eye et biologique [3]
compliqueront avant 60 ans.
disease (autosomique dominant). De grandes études
‚ Hyperchylomicronémies (surcharge épidémiologiques ont démontré sans ambiguïté une
‚ Hypercholestérolémie (type IIa)
en chylomicrons dans le type I, corrélation inverse entre la concentration
surcharge associée en chylomicrons plasmatique des HDL et le risque de maladie L’examen clinique n’est anormal que dans les
et en VLDL dans le type V) cardiovasculaire ischémique. Au-dessus de 40 ans formes sévères. Dans la très grande majorité des
cette incidence double entre les sujets à taux élevé formes les plus communes, le diagnostic ne repose
Ce sont des hyperlipidémies exceptionnelles
de HDL et les sujets à taux bas. Cette corrélation est que sur les examens biologiques. Les signes
d’une fréquence de un cas sur 100 000 naissances.
aussi affirmée sur des critères coronarographiques. cliniques, s’ils sont rares, ont cependant valeur
Le défaut métabolique est un défaut d’épuration par
Le taux de l’HDL C est corrélé négativement au d’alerte, surtout pour les signes cutanés,
anomalie de la lipoprotéine-lipase ou de son
risque vasculaire cérébral. particulièrement spectaculaires.
activateur, l’APO CII. Plus d’une trentaine de
mutations sur les gènes de la lipoprotéine-lipase ou Hypercholestérolémie familiale hétérozygote
de l’APO CII ont déjà été décrites. La transmission se ‚ Surcharge en lipoprotéine (a)
fait sur un mode autosomique récessif. Les sujets ¶ Circonstances de découverte
De connaissance relativement récente, c’est une Les circonstances de découverte sont variables :
atteints sont homozygotes. La consanguinité
surcharge en une lipoprotéine particulière fortuite, systématique, lors d’une enquête familiale
parentale est très fréquente et l’on observe souvent
ressemblant aux LDL mais qui possède en plus une motivée par un autre cas dans la famille, ou à
plusieurs cas dans une même fratrie. Les
APO (a) caractérisée par une forte glycosylation et l’occasion d’un accident cardiovasculaire.
hétérozygotes, classiquement indemnes, sont
dont la migration électrophorétique sur situe en
peut-être atteints d’une forme banale d’hyperlipi- ¶ Signes fonctionnels
position prébêta. La protéine (a) offre une analogie
démie mixte avec une fréquence inhabituelle. Il n’y a Des signes fonctionnels sont possibles mais peu
structurale importante avec le plasminogène. Son
pas de complications athéromateuses dans le type I, caractéristiques : vertiges, acouphènes, céphalées. Il
taux est réglé par des facteurs génétiques et n’est
mais elles sont possibles, assez tardivement, dans le peut s’agir de l’expression clinique de la maladie
influencé ni par le régime, ni par des facteurs
type V. athéromateuse dans le territoire coronaire : angor
d’environnement. L’importance physiopathologique
d’effort ou de repos, ou sur les artères périphériques :
‚ Hypoalphalipoprotéinémies de la « lipoprotéine (a) » Lp (a) est grande, car si l’on
claudication intermittente.
(déficit en HDL) ignore son rôle dans le métabolisme, il apparaît

Les hypoalphalipoprotéinémies (déficit en HDL)


certain que son taux est corrélé positivement à ¶ Arc cornéen
l’incidence de coronaropathie. Les modalités de la L’arc cornéen est un dépôt de cholestérol complet
doivent être étudiées dans le cadre des
transmission héréditaire de ce paramètre sont mal ou simplement partiel, c’est un cercle ou un arc de
dyslipoprotéinémies en raison de leur risque
connues, et seraient sous contrôle polygénique. On cercle blanc ou grisâtre situé à la périphérie de la
athérogène. C’est avant tout un symptôme d’une
doit connaître le taux de la Lp (a) dans les conditions cornée. Présent dans trois quarts des cas, il n’a pas
grande fréquence, volontiers associé à d’autres
suivantes : de valeur formelle pour le diagnostic d’hypercholes-
désordres lipidiques, en particulier ceux qui
– à titre pronostique : dans les grandes térolémie car on peut le voir dans d’autres
comportent une hypertriglycéridémie. On peut donc
hyperlipidémies athérogènes pour savoir si une hyperlipidémies, et même chez certains sujets
observer un taux bas d’HDL dans les hypertriglycéri-
élévation de la Lp (a) vient aggraver le pronostic normolipidémiques, surtout après 50 ans
démies endogènes, dans les hyperlipidémies mixtes,
vasculaire de ces affections ; (gérontoxon).
et dans les hyperchylomicronémies. Les
abaissements isolés des HDL ne sont pas pour – pour déterminer la cause d’une maladie ¶ Xanthélasma
autant un groupe homogène et l’on ne connaît le athéromateuse précoce qui n’est pas expliquée par Le xanthélasma est un xanthome palpébral, de
défaut métabolique que dans de rares cas, sous un autre facteur de risque athérogène. coloration jaune vif, car il correspond à une
forme d’une mutation génétique siégeant sur le Sa découverte doit conduire, en cas de valeur très infiltration cutanée de LDL, à la différence de l’arc
gène de l’APO A1, d’anomalie de son métabolisme élevée, à une enquête biologique familiale. Les cornéen qui correspond à un dépôt de cholestérol. Il
(maladie de Tangier) ; on a décrit un déficit familial médicaments efficaces sont rares et d’action s’observe dans 25 % des cas. Il n’y a pas de relation
combiné en APO A1 et APO CIII, un déficit en HDL modeste (tableau II). entre le taux de la cholestérolémie et l’étendue du

3
3-0880 - Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement

xanthélasma ou sa date d’apparition. Son évolution ¶ Renseignements familiaux ¶ Enquête familiale


est capricieuse : il peut disparaître avec le traitement Les renseignements familiaux sont très L’enquête familiale retrouve classiquement une
ou évoluer pour son propre compte. Lorsqu’il importants à considérer et la construction de l’arbre hypercholestérolémie familiale chez les deux
persiste, l’exérèse chirurgicale est raisonnable au généalogique est un temps essentiel de parents. L’anomalie du récepteur ou de son gène
bout de 6 mois de correction biologique. l’observation. Les renseignements sont parfois n’est pas obligatoirement la même chez les deux
directement accessibles. Bien souvent, il faut partir à parents, sauf dans le cas fréquent de consanguinité.
¶ Xanthomes tendineux la recherche des renseignements familiaux et aller La détermination du type de la mutation du gène du
Les xanthomes tendineux sont très spécifiques de jusqu’à déclencher une enquête biologique au récepteur des LDL sur l’étude de l’ADN est possible,
l’hypercholestérolémie familiale. Ils réalisent un moins dans la fratrie, les ascendants et les enfants. permettant de repérer les vrais homozygotes avec
épaississement des tendons, régulier ou non, On retrouve le caractère autosomique dominant de une mutation identique sur les deux allèles ou une
proportionnel à l’importance de l’hypercholestéro- la transmission : un des deux parents est mutation différente (doubles hétérozygotes).
lémie. Ils apparaissent vers l’âge de 20-25 ans dans transmetteur et atteint d’une forme analogue à celle
cette forme hétérozygote. Ils sont souvent Hypercholestérolémie essentielle pure
du propositus, l’autre parent est indemne. Dans la
accompagnés d’accès douloureux paroxystiques, les fratrie et dans la descendance, un nombre égal de Elle est beaucoup plus fréquente et ne comporte
tendinites pour lesquelles, si c’est un motif de sujets atteints et de sujets indemnes est observé, pratiquement pas de dépôt de cholestérol en dehors
première consultation, il faut penser au diagnostic. Ils dans les deux sexes. d’un arc cornéen inconstant. Les complications
siègent, par ordre de fréquence décroissante, aux vasculaires par contre sont présentes mais moins
tendons d’Achille, aux tendons des muscles précoces, moins diffuses que dans l’hypercholestéro-
extenseurs des doigts et plus rarement aux tendons Hypercholestérolémie familiale homozygote lémie familiale. L’enquête familiale peut retrouver la
du triceps brachial, aux extenseurs des orteils, aux ¶ Xanthomes cutanés même situation que dans l’hypercholestérolémie
tendons rotuliens. Il est rare d’observer des Les xanthomes cutanés apparaissent préco- familiale, plus souvent une transmission moins
xanthomes périostés sur la crête tibiale et la cement. Ils sont d’abord plans, puis prennent du stéréotypée avec d’autres types d’hyperlipoprotéi-
tubérosité tibiale antérieure, des xanthomes relief avec le temps. Jaunes vifs, ils deviennent némies dans la famille.
aponévrotiques palmaires ou plantaires ou des rouges au centre quand ils sont volumineux. Leur La biologie montre un sérum clair, un cholestérol
xanthomes viscéraux intrathoraciques ou siège est extrêmement variable s’ils sont abondants. élevé (250-320mg/dL, 6,45-8,30 mmol/L), une APO
intracérébraux. L’échographie permet de juger de Commençant en général aux faces d’extension des B élevée, des triglycérides normaux. Les valeurs à
leur évolution régressive sous traitement. Ils ne sont genoux et des coudes, aux doigts, sur les plis de partir desquelles une hypercholestérolémie doit être
cependant pas pathognomoniques de l’hypercholes- flexion, et en particulier sur les commissures prise en charge et traitée ont été recommandées par
térolémie familiale puisqu’ils existent dans certaines interdigitales, au pli interfessier, à la face antérieure des conférences de consensus internationales. Les
affections rares que sont la xanthomatose recommandations françaises recommandent de
des poignets ou à la face postérieure des chevilles.
cérébrotendineuse, la bêtasitostérolémie ou les traiter un adulte à partir du taux de 220 mg/dL
Leur évolution se fait spontanément vers
autres rares surcharges en stérols végétaux. (5,7 mmol/L) de cholestérol total et de 160 mg/dL
l’aggravation progressive, tandis que sous traitement
(4,1 mmol/L) de cholestérol des LDL. Mais l’analyse
la régression est habituelle à condition d’atteindre un
¶ Signes cardiovasculaires des facteurs de risque athérogènes associés à
abaissement de la cholestérolémie au-dessous de
Les signes cardiovasculaires traduisent les l’hypercholestérolémie peut conduire à moduler la
300 mg/dL (7,7 mmol/L), ce qui est maintenant
complications athéromateuses. L’examen physique prise en charge, avec une plus grande agressivité
possible, soit avec un traitement médicamenteux
peut retrouver des souffles artériels ou orificiels. thérapeutique en cas de facteurs de risque multiples.
multiple, soit avec l’anastomose portocave ou les
L’atteinte artérielle n’a pas de spécificité par rapport
LDL aphérèses. Les autres dépôts possibles sont l’arc ‚ Hypertriglycéridémies endogènes
à l’athérome banal en dehors de sa date
cornéen et le xanthélasma. Les xanthomes (type IV)
d’apparition, d’autant plus précoce que la surcharge
tendineux sont constants mais d’apparition plus
en LDL est importante, pouvant débuter dès 30 ans, Forme majeure
tardive que les xanthomes cutanés, vers la deuxième
et de sa fréquence, quatre fois plus que dans la
population générale. Par ordre de fréquence
décade de la vie, plus tôt que dans la forme ¶ Signes cliniques
hétérozygote. Les signes cliniques peuvent associer des troubles
décroissante, les territoires atteints sont les territoires
digestifs : diarrhée, douleurs abdominales
coronarien, cérébrovasculaire, les artères des
membres inférieurs, l’artère mésentérique. On ¶ Athérome redoutable fréquentes, vagues, diffuses à tout l’abdomen, ou
L’athérome redoutable par sa précocité touche la localisées à l’hypocondre droit ou gauche, qui
observe 5 % d’infarctus myocardique avant 30 ans,
portion initiale de l’aorte, entraînant une sténose peuvent être dues à la stéatose hépatique, à la
20 % à 40 ans, 50 % à 50 ans, 85 % à 60 ans. La
valvulaire aortique et envahissant les ostia des rapidité d’installation d’une hépatomégalie, à la
mortalité vasculaire est sévère dans les deux sexes.
coronaires. L’expression clinique de cette atteinte stéatose splénique ou plus grave, à un infarctus de la
Les contrôles paracliniques par l’échotomographie
peut revêtir tous les aspects de l’insuffisance rate. Surtout elles peuvent traduire une complication
des artères, l’effet doppler, l’ECG d’effort, doivent
coronarienne et du rétrécissement aortique. Dans un pancréatique. En fait, le plus souvent la
s’efforcer de détecter la maladie vasculaire avant son
tel tableau, l’exploration coronarographique est de symptomatologie fonctionnelle est absente ou
expression clinique. Les angiographies préciseront
règle et doit être réalisée le plus tôt possible. difficile à rapporter à son origine, et c’est la
alors les lésions.
Spontanément, la maladie coronarienne était découverte fortuite d’un sérum lactescent qui révèle
¶ Examens biologiques responsable de la léthalité constante avant 25 ans. l’affection. L’examen physique montre l’hépatomé-
Les examens biologiques montrent une galie, assez fréquente, mousse, elle a tous les
caractères d’une surcharge stéatosique, la
cholestérolémie à 280-450 mg/dL (7,25- ¶ Signes biologiques
11,5 mmol/L), un cholestérol des LDL à 170- Les signes biologiques montrent une cholestéro- splénomégalie inconstante.
400 mg/dL (4,4-10,5 mmol/L). Le sérum est clair, les lémie supérieure à 600 mg/dL (15,5 mmol/L) qui ¶ Xanthomatose éruptive
triglycérides normaux, l’APO B au double de la peut atteindre 1500 mg/dL (39 mmol/L). Le La xanthomatose éruptive est le seul dépôt
normale (130-250 mg/dL). L’électrophorèse des cholestérol des LDL dépasse 550 mg/dL cutané de lipides que l’on peut observer dans cette
lipoprotéines est sans utilité diagnostique. Les (14 mmol/L). Les triglycérides sont normaux ou variété. Elle n’est pas spécifique car on l’observe
anomalies lipidiques sont d’une grande stabilité en parfois discrètement élevés, le cholestérol des HDL également dans l’hyperchylomicronémie. Il s’agit de
dehors des traitements. Les taux du cholestérol des est souvent abaissé, l’APO B est à quatre fois la vésicules de petite taille, de coloration jaune vif, non
HDL sont en principe normaux. valeur normale, la Lp (a) est augmentée. i n fl a m m a t o i r e s , n o n d o u l o u r e u s e s , n o n

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Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement - 3-0880

prurigineuses, qui évoluent rapidement vers une ¶ Signes cliniques montre la variété de lipoprotéine qui est en
disparition sans séquelle lorsque l’hyperlipidémie Les signes cliniques sont pratiquement absents, surcharge, en général une double surcharge en LDL
régresse. Elles siègent avec prédilection au niveau du limités à un inconstant arc cornéen. Il n’y a pas de et VLDL réalisant le type IIb. La variabilité des chiffres
thorax, des flancs, de la face antérieure des genoux, pancréatite aigüe. Les complications vasculaires de cholestérol et de triglycérides caractérise les
postérieure des coudes, au niveau des fesses. La observées sont surtout des anomalies artérielles hyperlipidémies mixtes qui peuvent revêtir
lipémie rétinienne est une vision directe de la discrètes dépistées au doppler ou à l’échographie transitoirement des aspects de type IIa ou de type IV.
lactescence du sérum au fond d’œil. Il existe une des artères superficielles, chez les patients âgés de La répétition des analyses est ici tout particuliè-
surcharge adipeuse dans les formes pléthoro- ou plus de 50 ans ayant parallèlement une anomalie de rement souhaitable.
glucidodépendantes, mais dans la forme la glycorégulation. Mais d’autres types de
alcoolodépendante, il n’y a pas d’excès pondéral. complications vasculaires sont possibles, ¶ Enquête familiale
athéromateuses, dans d’autres territoires, ou à type L’enquête familiale est parfois démonstratrice
¶ Complication majeure de thrombose avec des artères apparemment saines d’une transmission autosomique dominante mais
La complication majeure est la pancréatite aigüe, c’est moins constant que dans l’hypercholestéro-
sur les artériographies. Elles sont plutôt plus
parfois révélatrice ; tous les degrés de gravité lémie familiale.
fréquentes que dans le type IV majeur ; ceci peut être
peuvent être observés depuis la pancréatite
expliqué par la limite assez imprécise entre type IV
œdémateuse, assez vite régressive, bien objectivée ¶ Type III
mineur et hyperlipidémie mixte qui est un grand
par l’échographie ou la tomodensitométrie La dysbêtalipoprotéinémie ou type III est une
fournisseur de complications vasculaires.
abdominale, jusqu’à la gravissime pancréatite aigüe variété rare d’hyperlipidémie mixte.
hémorragique, souvent léthale rapidement ou après ¶ Signes biologiques
Les signes biologiques comportent une élévation
¶ Signes cliniques
une longue évolution émaillée par des complications
Les dépôts extravasculaires de cholestérol sont là
de faux kystes du pancréas. La pancréatite survient à des triglycérides inférieure à 500 mg/dL
encore le plus fréquemment représentés par l’arc
l’acmé de la poussée lipémique. À l’origine de celle-ci (5,70 mmol/L), un cholestérol normal, le sérum est à
cornéen et le xanthélasma. Les xanthomes tubéreux
il faut rechercher une cause déclenchante, surtout un peine opalescent, l’électrophorèse montre la
sont caractéristiques des hyperlipidémies de type III.
écart de régime, parfois le rôle des estrogènes et en surcharge de la bande des prébêtalipoprotéines.
L’APO B est soit normale, soit élevée. L’enquête Leur aspect est celui d’une lésion très en relief,
particulier la grossesse.
familiale doit toujours être réalisée, mais le caractère boursoufflée, rougeâtre, la coloration jaune initiale
¶ Complications athéromateuses héréditaire de l’anomalie lipidique est incons- ayant souvent disparu. Le siège de prédilection est
Les complications athéromateuses sont assez juxta articulaire, aux coudes, aux genoux, aux doigts.
tamment retrouvé.
exceptionnelles mais on peut voir des accidents L’évolution est chronique : ils disparaissent sous
vasculaires à type de thrombose ou d’embols. La ‚ Hyperlipidémies mixtes (type IIb, type III) l’effet du traitement de l’hyperlipidémie en quelques
maladie athéromateuse est un peu plus fréquente mois. Le syndrome des plis palmaires est très
Il s’agit d’une des hyperlipidémies athérogènes les
dans les formes glucidodépendantes et intéresse caractéristique de l’hyperlipidémie de type III : c’est
plus fréquentes. Rarement exprimée chez l’enfant,
plutôt les artères des membres inférieurs que le un xanthome plan, ou parfois en relief qui souligne
ou alors sous forme d’une hypercholestérolémie
territoire coronarien. les plis palmaires d’une coloration jaune vif.
pure, c’est typiquement un trouble métabolique de
¶ Biologie l’adulte. La symptomatologie clinique, lorsqu’elle L’hépatomégalie, ou rarement la splénomégalie,
La biologie est caricaturale, montrant une existe, reproduit, a minima, les signes des peuvent être observées. La surcharge pondérale est
surcharge considérable en VLDL. Le sérum est hypercholestérolémies pures et les signes des fréquente.
lactescent et au test de décantation, les VLDL ne hypertriglycéridémies.
¶ Signes vasculaires
fl o t t e n t p a s . L e s T G p e u v e n t d é p a s s e r
Type IIb Les signes vasculaires sont de même nature que
10 000 mg/mL (110 mmol/L). La composition des
ceux des autres hyperlipidémies mixtes.
VLDL, qui contiennent 1/5 de cholestérol, explique ¶ Signes cliniques
que cette importante surcharge entraîne une Les signes cliniques sont : les troubles digestifs, ¶ Biologie
hypercholestérolémie qui peut atteindre et dépasser l’obésité, l’arc cornéen souvent terne, grisâtre, plutôt Le cholestérol et les triglycérides sont plus élevés
2 000 mg/dL (52 mmol/L). L’électrophorèse des complet que partiel, le xanthélasma assez fréquent. que dans l’hyperlipidémie mixte habituelle,
lipoprotéines montre la surcharge en VLDL, d’ailleurs dépassant des taux de 350 mg/dL pour le
¶ Complications vasculaires
souvent associée à des chylomicrons. Les autres cholestérol et pour les triglycérides. Des examens
Les complications vasculaires sont d’une grande
paramètres lipidiques sont difficiles à déterminer car particuliers sont nécessaires pour détecter la
fréquence, dépassant 68 % des sujets atteints
la lactescence du sérum gêne tous les dosages surcharge en IDL : l’électrophorèse montre une
d’hyperlipidémie mixte. Deux types de complications
néphélométriques. Les enzymes hépatiques et broad betalipoproteine, l’ultracentrifugation permet
sont observées, les unes athéromateuses, souvent
pancréatiques témoignent, s’ils sont élevés, des de mesurer les IDL (lipoprotéines de densité
diffuses à plusieurs territoires avec deux localisations
complications suivantes : stéatose hépatique ou intermédiaire) en surcharge, et l’étude du phénotype
prédominantes, coronarienne et les membres
pancréatite. des APO E retrouve le phénotype E2E2
inférieurs. Les autres à type de thrombose, faisant
caractéristique.
¶ Cas familiaux sans doute intervenir un trouble de la coagulation
D’autres cas familiaux sont possibles mais très associé à l’hyperlipidémie, dont la nature n’est pas
inconstants. Les antécédents familiaux de diabète connue. On retrouve cependant une augmentation Lipoatrophie partielle des membres inférieurs
non insulinodépendant ont de la valeur. de certains inhibiteurs de la fibrinolyse, corrélée au Il existe une variété particulière d’obésité que l’on
taux des triglycérides. À la différence des peut voir reliée à l’hyperlipidémie mixte (ainsi
¶ Enquête alimentaire hypercholestérolémies, il n’y a pas de proportion-
L’enquête alimentaire est très importante pour le d’ailleurs qu’à l’hypertriglycéridémie endogène) :
nalité entre les taux des lipides et le risque de c’est une obésité avec lipodystrophie. Dénommée
traitement : ces hypertriglycéridémies massives se
complication : les formes les plus discrètes peuvent « syndrome X » par les auteurs anglo-saxons,
séparant en hypertriglycéridémies glucidodépen-
se compliquer même précocement. « obésité androïde » en France, c’est un syndrome
dantes, pléthorodépendantes, ou alcoolodépen-
dantes. ¶ Biologie génétique dont on ne connaît pas le défaut
La biologie montre une élévation parallèle du métabolique exact et dont la transmission semble
Type IV cholestérol et des triglycérides, le sérum est plutôt dominante. Il concerne plus souvent la femme
Le type IV mineur est d’une très grande fréquence opalescent, le cholestérol des HDL est souvent bas, (où il est peut-être mieux reconnu en raison de son
et correspond à une surcharge de VLDL modérée. l’APO B élevée. L’électrophorèse des lipoprotéines opposition à l’obésité gynoïde habituelle).

5
3-0880 - Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement


¶ Signes cliniques risque de pancréatite récidivante est plus élevé en
Diagnostic différentiel :
La répartition tronculaire de la graisse sous- raison des plus grandes difficultés de correction de dyslipidémies secondaires
cutanée est prédominante, avec un pannicule l’hypertriglycéridémie.
adipeux important au cou, au thorax, associé à une
hypertrophie mammaire, et à l’abdomen. Il existe un ‚ Rénales
Biologie
effacement de la taille et le rapport taille/hanche est
L’hypertriglycéridémie est en règle massive (1 000 Syndrome néphrotique
supérieur à l’unité (valeur limite supérieure : 0,80
chez la femme, 0,95 chez l’homme). Au niveau des à 10 000 mg/dL, 11-110 mmol/L), l’hypercholestéro- Le syndrome néphrotique comporte une
membres, la distribution des graisses est surtout lémie existe dans le type V mais non dans le type I, hyperlipidémie secondaire, dont l’évolution suit celle
proximale à la face supéro-interne des bras et à la la décantation du sérum au froid permet de de la protéinurie, avec élévation de toutes les classes
face antéro-interne de la partie haute des cuisses, visualiser les lipoprotéines en surcharge. L’étiologie de lipoprotéines. Il n’y a pas de dépôt extravasculaire
contrastant avec l’absence de surcharge graisseuse est recherchée par les études de l’activité de la de cholestérol dans cette hyperlipidémie acquise. La
sous-cutanée au niveau du reste des membres. lipoprotéine-lipase et triglycéride-lipase hépatique. formule lipidique est celle d’un type IIa ou IIb avec
L’ensemble donne un aspect de « gros tronc sur des une hypercholestérolémie parfois considérable. C’est
jambes grêles ». L’importance de la surcharge ‚ Hypoalphalipoprotéinémies lorsque le syndrome néphrotique est permanent,
pondérale est variable de 10 à 30 % et plus. Des donc en cas de résistance au traitement, que se pose
explorations tomodensitométriques montrent une L’hypoalphalipoprotéinémie est de diagnostic la question du caractère athérogène ou
augmentation de la graisse viscérale. Il existe une purement biologique et ne peut être reconnue que thrombotique de ce symptôme.
hypertension artérielle. Certaines formes peuvent par la mesure de l’HDL cholestérol ou le dosage de
comporter un acanthosis nigricans (épaississement l’APO A1. On considère pathologiques pour l’HDL Insuffisance rénale chronique et hémodialyse
kératosique de la peau avec pigmentation siégeant cholestérol, les valeurs inférieures à 40 mg/dL L’urémie chronique s’accompagne d’hypertrigly-
surtout au niveau du cou, des aisselles et de la (1,05 mmol/L) chez l’homme, 45 mg/dL céridémie chez 60 à 80 % des patients. C’est une
ceinture) que l’on retrouve dans d’autres syndromes (1,16 mmol/L) chez la femme. Cette hypoalphalipo- surcharge pure en VLDL, réalisant une hypertriglycé-
d’insulinorésistance. Ce syndrome s’accompagne protéinémie peut être d’importance moyenne (entre ridémie mineure, acquise, apparaissant à un stade
d’antécédents familiaux de lipodystrophie de même 20 et 40 mg/dL) : c’est la majorité des cas lorsqu’il avancé de l’insuffisance rénale, sans relation avec la
type, souvent de pathologie athéromateuse et existe un facteur d’environnement à la baisse des nature de la néphropathie, ni avec les autres
éventuellement d’antécédents familiaux diabétiques. HDL : hypertriglycéridémie endogène, hyperlipi- conséquences de l’insuffisance rénale. Elle persiste
démie mixte, obésité, tabagisme, insuffisance rénale lors de l’épuration extrarénale, seule la
¶ Biologie chronique. Plus rarement il peut s’agir d’un transplantation est capable de la faire disparaître.
Les désordres biologiques sont fréquents et
effondrement de cette lipoprotéine avec des valeurs Elle est cliniquement silencieuse et son rôle dans la
concernent les lipides réalisant une hyperlipidémie
d’HDL cholestérol inférieures à 10 mg/dL. Dans ce genèse des complications athéromateuses propres à
mixte ou une hypertriglycéridémie de type IV, les
cas il s’agit soit d’un obstacle majeur de la synthèse ce terrain est probablement important en raison du
glucides avec un diabète patent ou une intolérance
comme dans les grandes hypertriglycéridémies caractère permanent de cette situation et de son
aux hydrates de carbone. L’insulinorésistance
massives, dans l’insuffisance hépatique grave soit, association fréquente à d’autres risques athérogènes
semble le facteur biologique causal. Le défaut
d’une anomalie génétique (mutation de l’APO A1, (HTA).
métabolique de ce syndrome n’est pas connu.
maladie de Tangier, fish-eye disease, déficit en LCAT).
Signalons encore dans les modifications du tissu
L’enquête familiale s’impose dès qu’un facteur ‚ Hépatiques
adipeux, les tableaux plus rares de la lipomatose
étiologique évident n’est pas retrouvé.
disséminée et le syndrome de Launois-Bansaude qui Insuffisance hépatique
s’accompagnent assez inconstamment d’hyperlipi-
‚ Surcharge en lipoprotéine a L’insuffisance hépatique avancée effondre les
démie mixte ou d’hypertriglycéridémie de type IV.
lipoprotéines et notamment les HDL. Par contre
‚ Hyperchylomicronémies (type I, type V) Elle n’a pas d’expression clinique. Elle peut être l’alcoolisme chronique modéré s’accompagne d’un
évoquée sur l’électrophorèse des lipoprotéines taux élevé d’HDL mais surtout d’APO A2, en principe
Les surcharges isolées en CHYLO ou associées en
montrant une bande de prébêtalipoprotéine sans intérêt protecteur pour l’athérome.
CHYLO et en VLDL sont des affections très
excessive qui contraste avec l’absence d’hypertrigly-
exceptionnelles de l’enfant.
céridémie. On doit alors demander spécifiquement Cholestase
Signes cliniques ce dosage qui est immunonéphélométrique. La
La cholestase peut réaliser une grande
Les signes cliniques des hyperchylomicronémies valeur limite haute est de 35 mg/dL. Il faut
hypercholestérolémie avec importante élévation des
et des HTG endogènes majeures sont analogues ; la rechercher ce facteur de risque athérogène en
phospholipides. C’est seulement en l’absence d’ictère
principale différence clinique réside dans l’âge de présence d’une maladie cardiovasculaire ischémique
que cette hyperlipidémie peut poser des problèmes
révélation de l’affection, chez l’adulte pour les HTG survenant précocement, sans facteur de risque
diagnostiques comme dans la cirrhose biliaire
endogènes, chez l’enfant pour les hyperchylomicro- apparent. Il est moins utile de le connaître lorsque primitive, d’autant que peuvent exister des dépôts
némies primaires. Le tissu adipeux a un existe un autre facteur d’athérome, sauf en cas de xanthomateux. La lipoprotéine en surcharge dans la
développement variable en fonction de l’étiologie. discordance entre une maladie athéromateuse cholestase est une lipoprotéine anormale, la LpX qui
Dans l’hyperlipidémie de type I, toute surcharge diffuse et/ou évolutive contrastant avec le caractère ne contient pas d’APO B. Le taux circulant de l’APO B
adipeuse est absente, et les sujets atteints sont modeste des facteurs de risque. Un seul dosage est normal.
maigres. Dans le type V, on observe parfois une suffit. La découverte d’une telle anomalie doit
discrète surcharge pondérale. provoquer une enquête familiale. ‚ Endocriniennes
Complications athéromateuses Tels sont les signes cliniques et biologiques des
dyslipoprotéinémies. Il ne faut pas négliger la valeur Diabète sucré
Totalement absentes dans le type I, elles sont,
d’alarme des signes cliniques mais aussi leur Au cours du diabète sucré les anomalies lipidiques
sinon fréquentes du moins possibles dans le type V.
signification évolutive : la disparition des dépôts sont fréquentes. Il faut distinguer les hypertriglycéri-
Complication extravasculaires de cholestérol que s’efforce démies endogènes glucidodépendantes déjà vues,
La complication dominante est la pancréatite : d’obtenir le traitement normolipidémiant a une des hyperchylomicronémies majeures, seules
comme dans l’hypertriglycéridémie endogène, sa valeur indicatrice certaine sur la protection véritablement secondaires à la carence insulinique et
survenue est conditionnée par l’hyperlipémie. Le cardiovasculaire que l’on apporte au patient. contemporaines de certaines acidocétoses

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Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement - 3-0880

diabétiques. Elles sont régressives avec paracliniques sans attendre l’apparition des signes (C18 : 1, oléique) et polyinsaturées (dérivées de deux
l’insulinothérapie. À distance d’une telle lipémie, et cliniques. Le contrôle correct des autres facteurs de acides gras essentiels, l’acide linoléique et l’acide
sous insuline, les taux lipidiques sont souvent risque athérogène est enfin indispensable. Le alphalinolénique que l’on trouve dans les huiles
normaux. traitement est un traitement au long cours. Les végétales dérivées du tournesol, du maïs, du soja et
fenêtres thérapeutiques sont inutiles. Il doit toujours du colza), pour compenser la réduction des graisses
Hypothyroïdie débuter par le régime seul, déterminé par la entraînée par la diminution des acides gras saturés.
L’hypothyroïdie donne surtout une hypercholes- classification du trouble, et l’on doit contrôler l’action L’apport souhaitable est de 6-8 % pour l’acide
térolémie, parfois une hyperlipidémie mixte voire un biologique de ce traitement diététique. Le régime linoléique, et de 0,5 à 1 % pour l’acide linolénique.
type III. La réversibilité est complète sous thyroxine. auquel une adhésion optimale est nécessaire doit L’utilité des acides eicosapentaénoque et
Si ce n’est pas le cas, une association de être expliqué, vérifié, et rendu parfaitement docosahexaénoque comme antiagrégants
l’hypothyroïdie à une hyperlipidémie idiopathique acceptable. Si la correction est complète, le plaquettaires, et de façon moins certaine comme
doit être envisagée. traitement diététique est poursuivi en permanence. hypolipidémiants, justifie l’augmentation de la
Si la correction complète n’est pas obtenue, un consommation de poisson et d’huiles de poisson.
Hypercorticisme, acromégalie, traitement médicamenteux doit être ajouté : c’est
hypopituitarisme, anorexie une association, le régime étant poursuivi avec les Sucres et alcool
L’hypercorticisme, l’acromégalie, l’hypopituita- médicaments. Les sucres à absorption rapide, dont l’action
risme et l’anorexie mentale peuvent s’accompagner hyperglycémiante est la plus notable, ont un effet
d’hyperlipidémie secondaire. néfaste dans presque toutes les hypertriglycéri-
Les buts du traitement sont : démies et surtout s’il existe un diabète ou une
‚ Maladies générales ✔ normaliser cholestérol et obésité. L’alcool, à l’évidence facteur causal
triglycérides ; prédominant dans les hypertriglycéridémies
Certaines maladies générales comme le lupus
érythémateux, la périartérite noueuse s’accompa-
✔ prévenir ou retarder l’athérome et alcoolodépendantes, a un rôle important dans tous
gnent d’une hyperlipidémie mixte modérée. Le ses complications vasculaires ; les types IV et les hyperlipidémies mixtes et doit être
syndrome immunodéficitaire acquis entraîne dans ✔ prévenir les pancréatites ; supprimé totalement dans ces situations.
plus de la moitié des cas une hypertriglycéridémie ✔ éviter les effets secondaires ;
✔ normaliser les autres facteurs de Régime pauvre en graisse
endogène modérée.
risque. Il n’y a que peu d’indication d’un régime où les
‚ Médicamenteuses graisses représentent moins de 10 % des calories
Les principes du traitement sont : totales : il est difficile à réaliser au long cours et en
Les causes iatrogènes d’hyperlipidémie sont ✔ traitement permanent ; général néfaste dans les dyslipoprotéinémies les plus
nombreuses. Certains traitements peuvent être ✔ pas de fenêtre thérapeutique ; communes à cause de la prépondérance accordée
retirés et le risque est donc limité. C’est le cas du ✔ régime seul d’abord et traitement aux hydrates de carbone qui aggravent les
traitement de l’acné par les rétinodes, des médicamenteux associé au régime hypertriglycéridémies ; sa seule indication se
antihypertenseurs bêtabloquants ou diurétiques qui ensuite ; retrouve dans les rares hyperchylomicronémies. La
peuvent être substitués, des inhibiteurs de la ✔ surveillance régulière de la suppression des graisses de supplémentation doit
synthèse du cortisol. La corticothérapie est tolérance clinique et biologique ; être associée à la suppression des graisses
responsable (comme l’était l’hypercorticisme) d’une ✔ surveillance régulière de intrinsèques contenues dans de nombreux aliments,
hyperlipidémie mixte. Au cours des traitements l’efficacité.
immunosuppresseurs des transplantés, cette
complication est problématique, en particulier chez ✔ Petit déjeuner
les greffés cardiaques dont le risque majeur est ‚ Domaines d’intervention Café ou thé - lait demi-écrémé
l’athérome du greffon. du traitement diététique (150 mL) ou un yaourt nature ou
Les estroprogestatifs ont une action complexe car fromage blanc 20 % (100 g) - pain
il faut distinguer les doses physiologiques Apport calorique global (60 g) ou quatre biscottes - margarine
d’hormones naturelles (traitement de la ménopause) Il doit être réduit chaque fois qu’il existe un de tournesol (10 g) - deux morceaux
qui élèvent le cholestérol des HDL et abaissent le surpoids. Lorsqu’il n’y a pas d’excès pondéral, la de sucre ou une orange pressée.
cholestérol des LDL, et les doses freinatrices avec des diététique conseillée est un régime isocalorique, ✔ Déjeuner
dérivés de synthèse (utilisés dans la contraception) équilibré de 1800 à 2 500 cal/j, en fonction de Crudités ou salade non limitées,
qui en général élèvent les HDL, mais aussi les VLDL. l’activité physique habituelle, comportant 40 à 50 % assaisonnement : huile de tournesol ou
des calories sous forme de glucides, 30 à 40 % sous d’olive (une cuillère à soupe) - viande


forme de lipides, 20 % sous forme de protéines. maigre ou poisson (100 g) ou deux
Traitement œufs (limités à deux par semaine) -
des dyslipoprotéinémies [4]
Cholestérol alimentaire féculents (200 g cuits) - 10 g de graisse
La quantité de cholestérol alimentaire doit être végétale - fromage à 45 % (50 g) (une
‚ Principes généraux du traitement réduite à moins de 300 mg/j (apport alimentaire seule fois par jour) - un fruit de 150 g
Les buts du traitement sont de normaliser le usuel : 600 à 1 200 mg). - pain (60 g).
cholestérol et les triglycérides, afin de prévenir ou ✔ Dîner
retarder la maladie athéromateuse et ses Répartition des acides gras Crudités ou salade non limitées,
complications vasculaires ainsi que les pancréatites. La quantité d’acides gras saturés doit être réduite assaisonnement : huile de tournesol ou
La prise en charge des dyslipidémies implique une à 8-10 % de la ration calorique quotidienne. Les d’olive (une cuillère à soupe) - viande
grande régularité dans le traitement aussi bien aliments riches en graisses animales doivent être maigre ou poisson (100 g) ou deux
diététique que médicamenteux. La surveillance proscrits ou limités : lait et ses dérivés (beurre, œufs (limités à deux par semaine) -
régulière est nécessaire pour éviter les écarts fromages), graisses de la viande, abats, jaune d’œufs, légumes verts (200 g cuits) - 10 g de
progressifs de régime, pour dépister les effets charcuterie, crustacés. Les acides gras désaturés graisse végétale - un fruit de 150 g -
secondaires des médicaments, pour juger de doivent se substituer à cette restriction. Il faut pain (60 g).
l’évolution cardiovasculaire sur des explorations augmenter la quantité de graisses mono-insaturées

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3-0880 - Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement

Tableau III. – Médicaments hypolipidémiants.

Famille Résines Fibrates Statines Acide nicotinique


Nom pharmacologique Cholestyramine Clofibrate Simvastatine Acide nicotinique
Spécialité Questrant Lipavlont Zocort, Lodalest non commercialisé
Présentation sachets 4 g capsules 500 mg comprimés 20 mg préparation mag
Posologie quotidienne 4-24 g 1,5-2 g 5-40 mg 500-2000 mg
Colestipol Fénofibrate Pravastatine
Colestidt Lipanthylt, Secalipt Elisort, Vastent
Présentation sachets 5 g gélules 67, 200, comprimés 300 mg comprimés 20 mg
Posologie quotidienne 5-20 g 67-200 mg 5-40 mg
Ciprofibrate Fluvastatine
Lipanort Lescolt, Fractalt
Présentation gélules 100 mg comprimés 20, 40 mg
Posologie quotidienne 100 mg 20-80 mg
Bézafibrate Cérivastatine
Befizalt Staltort
Présentation comprimés 200, 400 mg comprimés 0,3 mg
Posologie quotidienne 400-600 mg 0,3 mg
Gemfibrozil Atorvastatine
Lipurt Tahort
Présentation comprimés 450 mg comprimés 10, 40 mg
Posologie quotidienne 900-1350 mg 20-80 mg
Surveillance clinique colique gastrique, biliaire, musculaire musculaire
Surveillance biologique TG transaminases CPK CPK transaminases TG
Précautions interactions médicamenteu- posologie réduite si insuffısance rénale
ses
Associations OUI fibrates, statines résines résines
Associations NON Fibrates entre eux ; méfiance +++
avec les statines ; méfiance +++ avec
ciclosporine

réduisant ainsi notablement les possibilités d’apports Fibrates l’anastomose portocave et la transplantation
de viande. Tous les dérivés du lait doivent être Les fibrates utilisés sont les dérivés du clofibrate, hépatique. Le traitement de choix actuel consiste en
totalement écrémés. La ration calorique est en le fénofibrate, actif à la dose de 300 à 400 mg/j, le l’épuration itérative du plasma de ses LDL par des
conséquence souvent réduite, faisant courir un ciprofibrate (100 mg/j), le bézafibrate (800 mg/j) et le LDL aphérèses sur colonnes d’affinité chimique ou
risque d’amaigrissement peu souhaitable. On peut gemfibrozil (900 mg/j). Ce sont des médicaments immunologique. Chez les sujets totalement
minimiser ce risque en utilisant des acides gras à hypocholestérolémiants et encore plus hypotriglycé- déficitaires en récepteurs BE, la thérapie génique est
chaînes moyennes. ridémiants. Leurs effets secondaires sont assez à l’étude.
‚ Traitement médicamenteux (tableau III) nombreux quoique de faible gravité : la toxicité
musculaire en cas de surdosage, hépatique,
Résines chélatrices des acides biliaires ‚ Indications
l’accroissement de la lithogénicité biliaire, la baisse
Les résines chélatrices des acides biliaires sont des de la fonction sexuelle doivent rendre vigilants au Le régime des hypercholestérolémies pures agit
substances qui fixent les acides biliaires dans le tube cours de ces traitements (surveillance biliaire, principalement par la réduction du cholestérol
digestif et stimulent la synthèse et l’activité des surveillance des transaminases et des CPK). alimentaire, la limitation des acides gras saturés et
récepteurs. Ce sont des agents hypocholestérolé- l’utilisation obligée d’acides gras mono-insaturés et
miants qui n’ont pas d’action hypotrigly- Autres hypolipidémiants polyinsaturés. Son efficacité est assez modérée, de
céridémiante, au contraire. Ces résines sont la l’ordre de 5 à 10 % pour la baisse du LDL C. Mais sa
Les autres hypolipidémiants sont des
cholestyramine et le colestipol. La posologie varie de
médicaments de seconde intention. L’acide prescription reste indispensable pour ne pas
8 à 32 g/j. Des effets secondaires, surtout digestifs,
nicotinique pur n’est disponible en France que sous observer une résistance à l’action des traitements
peuvent rendre le traitement inconfortable à cause
forme de préparation magistrale. La posologie doit médicamenteux. Le résultat du régime est parfois
du météorisme, de la diarrhée ou surtout d’une
atteindre très progressivement 2 à 3 g/ j. Les effets suffisant dans les formes mineures. Les formes
constipation. Une posologie très progressive est
secondaires sont des flushes qui en limitent moyennes et sévères nécessitent toujours
nécessaire pour faire accepter ce traitement.
l’utilisation. Le tiadénol, la néomycine per os et le l’adjonction de médicaments. Les résines sont
Inhibiteurs de l’HMG R probucol sont des hypocholestérolémiants d’activité choisies en premier à la dose que nécessite le taux
Les inhibiteurs de l’HMG R sont la simvastatine, la modérée. La vitamine E (tocophérol) est un de la cholestérolémie. Les inhibiteurs de l’HMG R
pravastatine et la fluvastatine. Ils agissent par antioxydant qui a possiblement une action sont réservés aux formes sévères, surtout chez
inhibition compétitive avec le mévalonate, substrat antiathéromateuse propre. l’homme et chez la femme après la ménopause, les
de l’HMG R. La réduction du cholestérol dérivés des fibrates aux formes moyennes en cas
intracellulaire stimule la synthèse et l’activité des
‚ Traitements non médicamenteux d’intolérance aux résines. Des associations sont
récepteurs. La posologie est de 10 à 40 mg/j. Leurs Il s’agit des traitements extrêmes que réclament souvent nécessaires, soit qu’une monothérapie soit
effets secondaires essentiels sont une toxicité les formes homozygotes de l’hypercholestérolémie insuffisante, soit que l’on préfère donner plusieurs
musculaire, en fait rare mais qui demande que l’on familiale, résistantes aux médicaments. Les médicaments associés à dose faible pour minimiser
surveille les enzymes musculaires. traitements chirurgicaux sont le court-circuit iléal, les effets secondaires. Chez la femme enceinte les

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Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement - 3-0880

Tableau IV. – Aide à la décision thérapeutique selon le niveau de risque (LDL cholestérol = cholestérol total - HDL cholestérol - triglycérides/5 ; for-
mule fiable tant que le taux de triglycérides reste inférieur à 300 g/dL).

Valeur du LDL cholestérol


(les valeurs sont en mg/dL [mmol/L])
Catégorie de patients ayant une élévation Valeur d’instauration du Valeur d’instauration du
Valeur cible Valeur cible
du LDL cholestérol traitement diététique traitement médicamenteux
Prévention primaire des hommes de moins > 220 (5,7) < 160 (4,1) pas d’indication en première
de 45 ans ou femmes non ménopausées intention
n’ayant aucun autre facteur de risque
Prévention primaire des hommes de moins > 220 (5,7) malgré une diété- < 160 (4,1)
de 45 ans ou femmes non ménopausées tique suivie pendant 6 mois
n’ayant aucun facteur de risque après échec
de la diététique
Prévention primaire des sujets ayant un > 160 (4,1) < 160 (4,1) > 190 (4,9) < 160 (4,1)
facteur de risque
Prévention primaire des sujets ayant au > 130 (3,4) < 130 (3,4) > 160 (4,1) < 130 (3,4)
moins deux autres facteurs de risque
Prévention secondaire des sujets ayant une > 130 (3,4) < 100 (2,6) > 130 (3,4) malgré une diété- < 100 (2,6)
maladie coronaire patente tique suivie pendant 3 mois

traitements médicamenteux doivent être de base à la détermination des niveaux 500 mg/dL (5,6 mmol/L) : l’orientation du patient
interrompus. Chez l’enfant, seules les résines sont d’intervention thérapeutique. Cinq groupes de sujets vers un centre spécialisé dans le traitement des
utilisables. à risque ont été déterminés. dyslipoprotéinémies est souhaitable (tableau IV)
Dans les hyperlipidémies mixtes le régime a une (fig 2).
■ Groupe A : cholestérol total inférieur à
plus grande importance : la moitié des cas peut être
200 mg/dL (5,2 mmol/L) ou inférieur à 250 mg/dL
corrigée par une diététique bien suivie. Il est capital
(6,5 mmol/L) sans autre facteur de risque
ici de revenir au poids idéal et le régime ‚ Résultat des études de prévention
athérogène, triglycérides inférieurs à 200 mg/dL
hypocalorique global est mis en œuvre dès qu’existe
(2,3 mmol/L) : il n’y a pas d’investigation Après des débuts difficiles dans les années 1970,
un surpoids. À poids normal, la limitation des sucres
supplémentaire à prévoir et l’on attend 5 ans pour la multiplication de ces études à fini par démontrer
à absorption rapide, la limitation des féculents, la
suppression de l’alcool seront associées à la répéter cette exploration lipidique. clairement qu’il était possible de prévenir, stabiliser,
substitution des graisses animales par les graisses voire faire régresser la maladie athéromateuse.
■ Groupe B : cholestérol supérieur à 250 mg/dL
végétales mono- ou polyinsaturées sans limiter L’analyse d’un certain nombre d’échecs anciens
(6,5 mmol/L) ou entre 200 et 250 mg/dL
l’apport lipidique global. L’étude longitudinale sous montre qu’il faut y mettre le prix : multiplicité de
(5,2-6,5 mmol/L) associé à deux autres facteurs de
régime seul doit être relativement longue, 2 à 3 l’intervention sur les facteurs de risque, précocité et
risque athérogène, triglycérides inférieurs à
mois, avant la décision d’un traitement durée de l’action thérapeutique, importante
200 mg/dL (2,3 mmol/L) : des mesures diététiques
médicamenteux complémentaire en cas d’échec. Les dénivellation des niveaux lipidiques, ce que
doivent être mises en œuvre. La prise en charge des
dérivés des fibrates sont les médications essentielles permettent les trois grandes classes de
autres facteurs de risque athérogène doit être
des hyperlipidémies mixtes. médicaments hypolipidémiants, résines, fibrates,
effectuée. La surveillance qui est organisée dira si, au
Les hypertriglycéridémies par surcharge en VLDL statines. Il a fallu longtemps pour démontrer que
traitement diététique, un traitement médicamenteux
ou en VLDL+CHYLO sont habituellement corrigées l’efficacité ne concernait pas que la morbidité mais
doit être associé secondairement.
complètement sous régime seul dans plus de 80 % que la mortalité cardiovasculaire était réduite. La
des cas. Les indications de l’adjonction des ■ Groupe C : cholestérol inférieur à 200 mg/dL crainte d’un accroissement de la mortalité non
médicaments doivent être l’exception. Le régime est (5,2 mmol/L), triglycérides compris entre 200 et cardiovasculaire est maintenant exclue. Les études
analogue à celui des hyperlipidémies mixtes. Dans 500 mg/dL (2,3-5,6 mmol/L) : après avoir recherché les plus récentes ont été menées avec des statines :
l’hypertriglycéridémie exclusivement dépendante de les diverses causes d’hypertriglycéridémies en prévention primaire, l’étude 4S, dans une
l’alcool, il est possible de corriger complètement la secondaires, des mesures diététiques doivent être cohorte de 4 444 sujets suivis 5,4 ans, a montré
poussée d’hyperlipémie par la seule suppression de prises. avec la simvastatine, une réduction de 42 % des
l’alcool. Lorsque le traitement médicamenteux est événements coronariens mortels ou non mortels
■ Groupe D : cholestérol entre 200 et 300 mg/dL
nécessaire, ce sont les fibrates qu’il faut utiliser, ou en (111 cas au lieu de 189 dans le groupe placebo), et
(5,2-7,8 mmol/L), triglycérides entre 200 et
cas d’échec, l’acide nicotinique. de 30 % de la mortalité totale (182 cas au lieu de
500 mg/dL (2,3-5,6 mmol/L). Cette situation impose
Les hyperchylomicronémies sont une situation 256 dans le groupe placebo). En prévention
le bilan des autres facteurs de risque comme en A et
rare pour laquelle les traitements médicamenteux primaire, le traitement par la pravastatine dans
des hyperlipidémies secondaires comme en C. À la
sont inopérants et qui justifie un régime pauvre en l’étude WOSCOPS a réduit de 30 % les infarctus
période de traitement diététique, succédera,
graisses, particulièrement astreignant. non mortels (143 au lieu de 204) dans une cohorte
lorsqu’elle est d’efficacité insuffisante, un traitement
de 6 595 hommes âgés de 45 à 64 ans suivis
‚ Stratégies de prise en charge médicamenteux hypolipidémiant orienté par la
pendant 4,9 ans. De nombreuses études de
des dyslipoprotéinémies classification du trouble.
régression de l’athérome sont venues ces 10
Les grandes études prospectives (étude de ■ Groupe E : cholestérol total supérieur à dernières années confirmer les bénéfices observés
Framingham, étude prospective parisienne) ont servi 300 mg/dL (7,8 mmol/L), triglycérides supérieurs à dans les essais de prévention.

9
3-0880 - Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement

clinique, les antécédents familiaux, les dosages


complémentaires des APO et si besoin de
Cholestérol > 200 mg/dL (5,2 mmol/L) NON Bilan lipidique l’électrophorèse de lipoprotéines. Un bilan doit faire
(tous les 5 ans) dans 5 ans
le compte des autres facteurs de risque athérogènes
OUI et de la situation artérielle afin d’évaluer le risque
NON
vasculaire global. Le bénéfice du traitement (la
DEUX DES FACTEURS SUIVANTS prévention vasculaire) est d’autant plus grand que le
PRÉSENTS : risque est élevé. C’est un traitement permanent et de
= Sexe masculin
= Tabac longue durée qui exige une mobilisation dont le
NON Cholestérol > 250 mg/dL
= Diabète (6,5 mmol/L) médecin traitant doit être l’artisan.
= HTA
= Antécédents familiaux
cardiovasculaires précoces OUI
= symptômes angineux
= Contraception
extroprogestative
Abréviations
✔ ACAT : acyl Co-A cholestérol
OUI acyltransférase.
✔ ag : acides gras.
LDL > 160 mg/dL (4,15 mmol/L) Recommandations ✔ agl : acides gras libres.
ou
NON
diététiques ✔ ce : cholestérol estérifié.
HDL < 35 mg/dL (0,9 mmol/L) +/- prise en
ou charge des autres
✔ cetp : protéine de transfert du
Triglycérides > 160 mg/dL (1,8 mmol/L) facteurs de risque cholestérol estérifié.
✔ CHYLO : chylomicrons.
✔ ct : cholestérol total.
✔ HDL : lipoprotéines de haute
= Recommandations diététiques densité.
= Instaurer la surveillance biologique (annuelle ou plus) ✔ HMG R : hydroxyméthylglutaryl
= Investigations supplémentaires pour le diagnostic et Co-A réductase.
OUI
la classification
= Traitement médicamenteux (si LDL reste > 160 mg/dL) ✔ IDL : lipoprotéines de densité
= Prise en charge des autres intermédiaire.
facteurs de risque
✔ LCAT : lécithine cholestérol
acyltransférase.
2 Arbre décisionnel. ✔ LDL : lipoprotéines de basse
densité.


repérer les sujets à risque (antécédents personnels et ✔ ldl r : récepteur des LDL.
Conclusion familiaux de pathologie cardiovasculaire ou de ✔ lh : lipase hépatique.
trouble lipidique, existence d’un arc cornéen, ✔ lpl : lipoprotéine-lipase.
existence d’un facteur majeur de risque athérogène, ✔ rs :récepteur « scavenger ».
Les dyslipoprotéinémies concernent près de 4 % diabète, hypertension artérielle, tabagisme, obésité). ✔ tg : triglycérides.
de la population et sont au tout premier plan dans la Le dépistage est effectué par les dosages de ✔ VLDL : lipoprotéines de très basse
hiérarchie des facteurs de risque d’athérome cholestérol, triglycérides et d’HDL cholestérol. Une densité.
coronarien. Le rôle du médecin traitant est de classification du trouble s’appuie sur le contexte

François Dairou : Praticien hospitalier,


service d’endocrinologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Dairou. Hyperlipoprotéinémies, diagnostic et traitement.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0880, 1998, 10 p

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inherited disease (5th ed). New-York : McGraw Hill, 1983 : 589-747

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Hypoglycémies organiques

J Bertherat

L e diagnostic d’hypoglycémie est souvent évoqué. Sa confirmation suppose un dosage de glycémie en


laboratoire. La mesure par bandelette réactive de la glycémie capillaire manque en effet de précision pour
assurer le diagnostic. L’insulinome est rare et le retard de diagnostic fréquent. Il doit être évoqué par l’interrogatoire
devant la survenue brusque de symptômes de neuroglycopénie, à jeun ou à l’effort. Le diagnostic sera confirmé par
la mise en évidence d’un hyperinsulinisme inapproprié à l’hypoglycémie, soit spontanément, soit lors d’une épreuve
de jeûne codifiée. L’enquête topographique, à l’aide de l’imagerie, ne doit être entreprise qu’après la démonstration
d’une hypoglycémie par hyperinsulinisme endogène.
© Elsevier, Paris.


Introduction

Les hypoglycémies sont responsables d’une


Suspicion clinique d'hypoglycémie

symptomatologie polymorphe et variable, et la Traitement hypoglycémiant ?


suspicion d’hypoglycémie est une préoccupation Pathologie générale hypoglycémiante ?
fréquente en consultation. De plus, les causes
d’hypoglycémie organique sont multiples et
Oui Non
diverses. Cependant, en dehors des hypoglycémies
médicamenteuses (en particulier les traitements (+ hypoglycémie lors
hypoglycémiants du diabète sucré), le diagnostic d'un malaise ou
d’hypoglycémie organique n’est que rarement prélèvement à jeun) Démontrer l'hypoglycémie
confirmé. Le diagnostic de « malaise hypoglycé- - Glycémie lors d'un malaise
- Glycémie à jeun systématique
mique » est, en pratique, souvent porté par excès Traitement - Sinon : épreuve de jeûne
chez des patients présentant des symptômes
variables et souvent mal définis, dont l’origine
hypoglycémique n’a pas été prouvée. Il est donc
essentiel de suivre une démarche diagnostique Absence d'hypoglycémie
rigoureuse avant de retenir le diagnostic Hypoglycémie
d’hypoglycémie, puis d’en rechercher l’étiologie.
Nous nous intéresserons aux hypoglycémies
organiques de l’adulte, à l’exclusion des causes Insulinémie adaptée (<5 µU/mL)
médicamenteuses.
Insulinémie inadaptée (> 5 µU/mL)


Diagnostic

‚ Sur quels éléments rechercher une


Peptide C effondré Peptide C non effondré

Insulinome Échoendoscopie
Insuline exogène
hypoglycémie ? (Insulinémie souvent très élevée) (Sulfamides) TDM
Anamnèse 1 Démarche diagnostique d’une hypoglycémie organique. TDM : tomodensitométrie.
C’est une étape fondamentale pour le diagnostic
d’hypoglycémie (fig 1). d’hypoglycémie peuvent être liés, d’une part à la symptômes et la symptomatologie sont très
L’hypoglycémie est un syndrome clinique au réponse du système nerveux autonome, d’autre part variables d’un patient à l’autre. En revanche, chez un
cours duquel la baisse de la glycémie conduit à une à la souffrance du système nerveux central due à la patient donné, ils sont assez reproductibles d’un
neuroglycopénie. Le clinicien se doit donc de neuroglycopénie. malaise à l’autre.
rechercher et d’analyser soigneusement les Les principaux signes neurovégétatifs sont :
symptômes secondaires à cette neuroglycopénie Analyse des symptômes sueurs, tremblements, tachycardie, anxiété, nausées,
© Elsevier, Paris

pour approcher le diagnostic d’hypoglycémie. Les symptômes neurovégétatifs surviennent, en fringale.


L’interrogatoire du patient, éventuellement complété général, pour des glycémies inférieures à 0,6 g/L Ceux de neuroglycopénie sont : asthénie (peu
à l’aide de l’entourage, sera donc la première étape (3,3 mmol/L) et les signes de neuroglycopénie pour spécifique), difficultés de concentration, troubles
capitale du diagnostic [4]. La symptomatologie devra des glycémies inférieures à 0,5 g/L (2,75 mmol/L). visuels, céphalées, difficultés de langage, troubles
soigneusement être précisée. Les symptômes Cependant, le seuil glycémique d’apparition des psychiatriques, syndrome confusionnel, déficit

1
3-0885 - Hypoglycémies organiques

¶ Régression rapide des symptômes après guidant ainsi les explorations. Le problème est
Signes cliniques d’un malaise ingestion de sucre parfois simplement résolu chez des patients
hypoglycémique C’est un argument majeur pour rattacher les polymédicamentés et souffrant de pathologies
✔ Signes de neuroglucopénie +++. symptômes à une hypoglycémie. multiples et/ou sévères guidant facilement le
✔ Signes neurovégétatifs (peu ¶ Prise de poids diagnostic étiologique. Une étude a mis en évidence
spécifiques). Elle est souvent observée dans certaines une hypoglycémie chez 1,2 % des sujets hospitalisés
tout venant [2]. Ceci s’explique le plus souvent par la
✔ Horaire : à jeun, après un effort étiologies d’hypoglycémie comme l’insulinome.
coexistence de plusieurs pathologies sévères et/ou
physique. ¶ Aggravation dans le temps des épisodes de thérapeutiques pouvant chacune entraîner une
✔ Correction rapide après apport de Cette aggravation en fréquence et en intensité (en hypoglycémie. Les médicaments responsables
glucose. particulier pour les signes neurologiques) est un d’hypoglycémie ne sont pas traités dans ce chapitre.
✔ Aggravation des malaises dans le argument pour une hypoglycémie organique.
temps. ‚ Comment retenir le diagnostic
d’hypoglycémie ? Étiologie des hypoglycémies
organiques de l’adulte (en dehors des
neurologique, crise comitiale, au maximum coma Les symptômes d’hypoglycémie étant non
médicaments)
(avec sueurs, contractures, parfois signe de Babinski spécifiques, il est important de confirmer
bilatéral). biologiquement l’hypoglycémie avant d’en retenir le ✔ Insulinome.
L’élément essentiel orientant le clinicien vers une diagnostic. Le diagnostic d’hypoglycémie organique ✔ Volumineuse tumeur
hypoglycémie organique est la présence de signes doit remplir les critères de la caractéristique triade de extrapancréatique (IGF II [insulin-
neuroglycopéniques survenant épisodiquement. Whipple (glycémie inférieure à 0,50 g/L, like growth factor]).
Leur existence, en particulier des troubles contemporaine de symptômes d’hypoglycémie ✔ Insuffisance surrénalienne primaire
neurologiques ou psychiatriques, doit inciter à cédant après correction de l’hypoglycémie). Lors de ou secondaire.
poursuivre les investigations. À l’inverse, lorsqu’un la première consultation, le clinicien dispose ✔ Hypopituitarisme.
interrogatoire bien conduit ne met en évidence que cependant très rarement de ces trois éléments.
✔ Insuffisance hépatocellulaire
des signes neurovégétatifs, sans aucun signe de La mesure de la glycémie capillaire au doigt n’est
pas fiable pour le diagnostic d’hypoglycémie
sévère.
neuroglycopénie, le diagnostic d’hypoglycémie est
organique, en dehors de la prise en charge du ✔ Insuffisance rénale sévère.
peu probable. La note confusionnelle parfois
observée lors d’une hypoglycémie organique rend diabétique traité. La mesure de la glycémie capillaire ✔ Infection sévère, état de choc.
souvent la description de ses symptômes par le risque souvent de sous-estimer la glycémie et de ✔ Auto-immune.
patient peu précise. Tout doit alors être fait pour conduire au diagnostic par excès. Une glycémie ✔ Jeûne, cachexie, anorexie.
compléter l’anamnèse par l’interrogatoire de réalisée au laboratoire sur un prélèvement effectué ✔ Insuffisance cardiaque congestive.
l’entourage. lors d’un malaise serait la meilleure façon de ✔ Exercice physique intense.
confirmer le diagnostic. Le plus souvent, ce
✔ Chirurgie du phéochromocytome.
Autres arguments cliniques pour une prélèvement n’a pas pu être effectué lors d’un
malaise spontané.
✔ Mutation activatrice de la
hypoglycémie organique
La mesure systématique de la glycémie à jeun glucokinase.
¶ Horaires sera réalisée en première intention, mais cet examen ✔ Mutation inhibitrice de la PC1.
Des malaises survenant le matin à jeun ou dans
simple sera souvent non concluant, car le
la journée à distance des repas sont évocateurs
prélèvement est habituellement effectué en dehors
d’hypoglycémie organique. Une distinction a À l’inverse, le clinicien peut se trouver, à l’issue de
d’un épisode d’hypoglycémie. Il est alors évident
longtemps été faite entre les hypoglycémies la première consultation, face à un patient ne
qu’une glycémie normale ne permet pas d’écarter le
survenant à jeun et les hypoglycémies postpran- présentant aucune étiologie évidente d’hypogly-
diagnostic. À l’inverse, une glycémie normale lors
diales. Une cause organique est suspectée aux cémie. En l’absence d’éléments d’orientation, un
d’un malaise spontané permet évidemment
premières, alors que les secondes sont souvent certain nombre de causes, en particulier
d’écarter le diagnostic.
rapportées à des troubles fonctionnels. En réalité, les endocriniennes, doivent être discutées et
L’existence d’une histoire clinique évocatrice de
symptômes postprandiaux surviendraient recherchées avant de poursuivre les explorations et
malaises hypoglycémiques, en particulier lorsqu’il
fréquemment en l’absence de réelle hypoglycémie. éventuellement de proposer une épreuve de jeûne,
existe des signes de neuroglycopénie, doit inciter le
Le diagnostic d’« hypoglycémie fonctionnelle », porté si l’hypoglycémie n’a pas à ce stade pu être prouvée.
clinicien à poursuivre les explorations pour
fréquemment, sans qu’aucune hypoglycémie ait pu
confirmer l’hypoglycémie. L’épreuve de jeûne est
être documentée sur un prélèvement sanguin, chez Causes d’hypoglycémie organique en dehors
alors l’exploration de référence pour prouver une
des patients présentant des symptômes 2 à 5 heures de l’insulinome
hypoglycémie. Il est évident que sa prescription doit
après un repas, est actuellement très controversé. En
être faite lorsque le clinicien estime que la ¶ Pathologies générales sévères
dehors de situations très particulières, comme les
symptomatologie est bien compatible avec le Ces nombreuses pathologies sont, en général,
sujets gastrectomisés, ces malaises postprandiaux ne
diagnostic d’hypoglycémie organique, après une déjà clairement diagnostiquées, souvent chez des
seraient contemporains d’une baisse glycémique
évaluation complète des données cliniques patients déjà hospitalisés au moment où
modérée mais significative que dans 5 % des cas [6].
détaillées auparavant.
À l’inverse, les malaises survenant chez certains l’hypoglycémie survient, et sont donc facilement
L’épreuve de jeûne a surtout pour but de identifiées : insuffisance hépatocellulaire sévère,
patients présentant des hypoglycémies organiques
rechercher une hypoglycémie survenant dans le insuffisance rénale sévère, état infectieux sévère ou
(par exemple, certains cas d’insulinome ou de rares
cadre d’un insulinome. Avant de réaliser une
cas d’hypoglycémie de l’adulte d’origine génétique) état de choc, cachexie, anorexie, intoxication (alcool),
épreuve de jeûne, il conviendra donc de rechercher,
peuvent avoir un horaire postprandial [7]. Signalons insuffisance cardiaque congestive...
par la clinique et éventuellement quelques examens
deux causes génétiques d’hypoglycémie de l’adulte
complémentaires simples dictés par la clinique, ¶ Insuffisance surrénalienne primaire
récemment identifiées et pouvant entraîner des
certaines étiologies d’hypoglycémie. Ces dernières ou secondaire
malaises postprandiaux : la mutation inactivatrice de
sont en général facilement mises en évidence, à la Elle doit être écartée par la réalisation d’un test au
la proconvertase 1 (PC1) et la mutation activatrice de
différence de l’insulinome. Synacthènet Immédiat, avant réalisation d’une
la glucokinase.
épreuve de jeûne. Rappelons à cette occasion qu’il
¶ Lien avec l’effort physique ‚ Étiologie des hypoglycémies organiques faudra se méfier d’une hypoglycémie lors de l’arrêt
L’aggravation ou l’apparition des symptômes à Souvent, la présentation clinique, l’analyse du d’une corticothérapie ou la correction d’un
l’effort physique est un bon argument d’hypogly- terrain et des traitements pris par le patient, hypercorticisme chez un patient bénéficiant d’un
cémie organique. permettent d’emblée une orientation étiologique, traitement hypoglycémiant.

2
Hypoglycémies organiques - 3-0885

¶ Hypopituitarisme
Il représente, en particulier chez l’enfant, une Insulinome Avant de prescrire une épreuve de
autre cause endocrinienne d’hypoglycémie. Cette ✔ Trois quarts des tumeurs jeûne
dernière est alors liée au manque des hormones symptomatiques du pancréas ✔ Analyse complète des données
hyperglycémiantes que sont l’hormone de endocrine. cliniques évoquant l’hypoglycémie.
croissance et le cortisol.
✔ Incidence : 4 cas/1 000 000/an. ✔ Analyse des traitements et du
¶ Hypoglycémies par tumeurs extrapancréatiques ✔ Retard diagnostique fréquent. terrain à la recherche d’une
(non islet cell-tumor hypoglycemia) ✔ Multiples : 10 %. étiologie évidente d’hypoglycémie.
Ces rares tumeurs entraînent des hypoglycémies
✔ Malin : 10 %. ✔ Dosage de la glycémie, de
souvent sévères et itératives. Le diagnostic de ces
hypoglycémies est, en général, porté rapidement (en
✔ Petite taille : un tiers de diamètre l’insulinémie et du peptide C à jeun
3 mois dans 58 % des cas et en 1 an dans 89 % des inférieur à 1 cm. et si possible lors d’un malaise.
cas). Les tumeurs responsables sont souvent ✔ Éliminer une insuffisance
d’origine mésenchymateuse et habituellement après l’exérèse d’un insulinome. Les récurrences sont surrénalienne (test au Synacthènet
volumineuses. Leur siège est intrathoracique dans estimées à 6 % à 10 ans et 8 % à 20 ans [8]. Les Immédiat).
un tiers des cas et rétropéritonéal dans deux tiers des localisations ectopiques sont exceptionnelles (moins ✔ Ne pas méconnaître une tumeur à
cas. Environ trois quarts de ces tumeurs sont de 1 % des cas, localisées dans l’estomac, le IGF II : radiographie thoracique.
malignes. Les tumeurs le plus fréquemment duodénum, le diverticule de Meckel, mésentéri-
incriminées sont d’origine mésenchymateuse : que....). Enfin, il s’agit fréquemment de petites
fibrome ou fibrosarcome pleural, léiomyome, particulier des jeunes femmes, peuvent présenter
lésions, puisque 30 % des insulinomes ont un
léiomyosarcome, rhabdomyome, rhabdomyosar- une glycémie à 0,4 g/L en fin d’épreuve de jeûne.
diamètre inférieur à 1 cm [9]. De plus, il n’y a pas de
come... Une étude rétrospective sur 223 tumeurs Dans l’hypothèse d’un insulinome, une insulinémie
corrélation entre la durée et la sévérité des
pleurales met en évidence 12 cas d’hypoglycémie, non effondrée (c’est-à-dire supérieure à 5 µU/mL
symptômes et le volume tumoral. De petites
dont neuf observés pour des tumeurs de plus de lorsqu’un dosage par IRMA [immunoradiometric
tumeurs de 0,5 g peuvent être symptomatiques par
10 cm [1]. S’agissant de volumineuses tumeurs, elles assay] ayant une sensibilité de 5 µU/mL est utilisé)
une hypersécrétion d’insuline importante. La
sont habituellement facilement mises en évidence sera observée alors que le patient est en
difficulté du diagnostic d’insulinome est souvent
par l’examen clinique, éventuellement complété par hypoglycémie et ne présente pas de cétonurie [7].
responsable d’un retard important de celui-ci par
une radiographie de thorax et une échographie Après 24 heures de jeûne, 75 % des patients
rapport au début des symptômes.
abdominale. L’hypoglycémie est liée à l’expression présentant un insulinome sont en hypoglycémie,
par la tumeur d’IGF II. Par un effet de rétrocontrôle Comment porter le diagnostic d’insulinome ? après 48 heures de jeûne, l’hypoglycémie survient
direct ou indirect, il est observé des taux dans 98 % des cas. Moins de 0,6 % des patients
L’étape indispensable est évidemment de savoir
plasmatiques bas d’insuline, d’hormone de ayant un insulinome ne présenteront pas
évoquer le diagnostic d’hypoglycémie devant une
croissance (GH [growth hormone]) et d’IGF I. d’hypoglycémie après un jeûne prolongé de 72
symptomatologie parfois trompeuse (par exemple
heures. À la fin de l’épreuve de jeûne, l’insulinémie
dans les formes psychiatriques). Une fois évoqué, le
¶ Hypoglycémie d’origine auto-immune reste supérieure à 10 µU/mL dans 98 % des cas et
diagnostic biologique d’hypoglycémie par
Cette forme d’hypoglycémie est rare et est liée à supérieure à 5 µU/mL chez tous les patients [3].
hypersinsulinisme endogène doit être rigoureu-
la présence d’autoanticorps antirécepteurs de L’épreuve de jeûne, à condition d’une réalisation
sement établi avant de porter le diagnostic
l’insuline ou anti-insuline. On l’observe soigneuse et d’une interprétation rigoureuse, a donc
d’insulinome et d’en rechercher la localisation. Une
habituellement chez des patients présentant un une excellente sensibilité pour le diagnostic
glycémie inférieure ou égale à 0,45 g/L
terrain auto-immun marqué. d’hyperinsulinisme.
(2,47 mmol/L), associée à une insulinémie
supérieure à 5 µU/mL, et un peptide C en rapport Le dosage concomitant du peptide C, qui sera en
Insulinome rapport avec l’insulinémie, permet d’écarter des
avec l’insulinémie permettent de retenir le
Une suspicion d’hypoglycémie organique, sans diagnostic d’hyperinsulinisme endogène [7]. Il est injections d’insuline exogène mais pas une
argument en faveur des causes précédentes, doit indispensable d’avoir une insulinémie contempo- hypoglycémie par prise de sulfamides ou certaines
inciter à rechercher un insulinome. L’insulinome raine d’une véritable hypoglycémie pour porter formes d’hypoglycémies auto-immunes. Le clinicien
entraîne souvent des malaises intermittents, chez un correctement le diagnostic. Raisonner sur un a habituellement l’attention attirée sur ces dernières
sujet apparemment bien portant et souvent rapport insulinémie/glycémie en dehors d’une situations, qui sont assez rares, par le contexte
normoglycémique en dehors des épisodes aigus. hypoglycémie, ou sur la normale de l’insulinémie à clinique (milieu médical ou paramédical, parent d’un
Pour cette raison, le diagnostic d’insulinome est jeun du laboratoire effectuant le dosage, risque fort sujet diabétique traité...). Dans le cas des
souvent évoqué lors d’une première consultation d’induire le clinicien en erreur. hypoglycémies induites par les sulfamides, la
pour suspicion d’hypoglycémie au cours de laquelle recherche de sulfamides dans le plasma ou les
Chez certains patients, l’hyperinsulinisme est facile
aucun argument n’est retrouvé en faveur d’une des urines peut parfois être utile, mais est difficilement
à documenter sur un prélèvement effectué lors d’un
causes d’hypoglycémie précédemment exposées. réalisable de façon systématique en dehors des
malaise, ou chez un patient présentant une histoire
Cependant, même si l’insulinome est la plus sulfamides de première génération.
clinique évocatrice mais consultant en dehors d’un
fréquente des tumeurs du pancréas endocrine, il Lorsque le diagnostic d’hyperinsulinisme
malaise, sur un prélèvement le matin à jeun. En effet,
reste peu fréquent, puisque son incidence est endogène est porté sur les explorations endocri-
une hypoglycémie est retrouvée sur un prélèvement
estimée à quatre cas par million de personnes niennes, alors, mais seulement alors, les
à jeun le matin chez la moitié des patients
chaque année [8]. Ce diagnostic sera donc finalement investigations morphologiques devront être
présentant un insulinome [9]. Dans les autres cas, la
rarement confirmé. réalisées pour localiser l’insulinome.
réalisation d’une épreuve de jeûne sera
L’insulinome peut se voir à tout âge chez l’adulte, indispensable au diagnostic.
avec une légère prédominance entre 35 et 55 ans. Il Localisation d’un insulinome
s’agit le plus souvent d’une tumeur unique. Dans Épreuve de jeûne Cette tumeur endocrine pouvant être de très
10 % des cas cependant, il s’agit de tumeurs Elle est standardisée et se réalise en petite taille, il est essentiel d’avoir la confirmation
multiples, en particulier chez les patients présentant hospitalisation et sous une étroite surveillance biologique d’une hypoglycémie par hyperinsuli-
une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 médicale. L’épreuve se poursuivra jusqu’à 72 heures nisme endogène avant de réaliser les explorations
(NEM1). Dans 5 à 10 % des cas, il s’agit de lésions et sera interrompue auparavant si la glycémie est morphologiques.
malignes. Comme souvent pour les tumeurs inférieure à 0,4 g/L (2,2 mmol/L) et que le patient L’échoendoscopie et l’examen tomodensitomé-
endocrines, le diagnostic histologique de malignité présente des signes ou des symptômes trique, avec la technique d’acquisition hélicoïdale,
des insulinomes est difficile à porter, en dehors d’une d’hypoglycémie. L’existence de signes cliniques lors sont les explorations non invasives réalisées en
effraction capsulaire ou d’une dissémination d’une baisse de la glycémie est importante à noter, première intention. L’échoendoscopie doit être
tumorale. Pour ces raisons, un suivi est indispensable dans la mesure où certains sujets normaux, en pratiquée par un opérateur expérimenté, dans les

3
3-0885 - Hypoglycémies organiques

mains duquel la sensibilité de l’examen dépasse Contrairement aux hypoglycémies survenant Le diazoxide (Proglicemt) agit sur un canal
90 % [1]. Un examen tomodensitométrique réalisé chez le diabétique insulinotraité, le recours au potassique ATP-dépendant et inhibe l’insulinosé-
avec une technique rigoureuse est un élément glucagon, pour corriger une hypoglycémie, peut être crétion. Un effet périphérique musculaire et de
important du bilan initial, permettant la localisation inefficace si la pathologie responsable entraîne une stimulation de la néoglucogenèse hépatique
tumorale dans 60 à 70 % des cas et surtout la déplétion hépatique en glycogène. Dans certains participerait aussi à l’action hyperglycémiante. La
recherche de localisations secondaires ganglion- hyperinsulinismes, le glucagon pourrait aggraver posologie sera progressivement augmentée jusqu’à
naires ou hépatiques [1]. l’insulinosécrétion. Pour ces raisons, il est préférable, correction des hypoglycémies. Une posologie de
La place de l’imagerie par résonance magnétique si cela est possible, de recourir au sérum glucosé qui 300 à 600 mg est parfois nécessaire. Dans les
(IRM) reste à définir et cet examen ne peut pas être sera toujours rapidement efficace. insulinomes malins, une posologie plus élevée peut
recommandé systématiquement actuellement pour être discutée si les effets secondaires le permettent.
l’exploration d’un insulinome. Par ailleurs, Traitement à long terme des hypoglycémies L’efficacité semble moindre, voire nulle, dans les
l’échographie conventionnelle par voie organiques tumeurs agranulaires. Les effets secondaires les plus
transpariétale manque de sensibilité puisqu’elle ne fréquents sont la rétention hydrosodée, les nausées,
détecte qu’environ 60 % des insulinomes [1]. Dans le Le traitement vise avant tout la cause de
l’hypoglycémie, lorsque cette dernière est curable l’hypertrichose. Le diazoxide doit être associé à un
cas de figure rare d’un insulinome non visualisé par
(insuffisance surrénale, insulinome...). Ceci permet diurétique thiazidique, ce qui limite les œdèmes mais
l’échoendoscopie et le scanner, les explorations
évidemment la disparition des épisodes favorise l’hypokaliémie.
vasculaires invasives comme l’artériographie, les
d’hypoglycémie. Les analogues de la somatostatine ont été
prélèvements veineux étagés, ou le dosage veineux
En l’attente du traitement de la cause, ou lorsque proposés dans les insulinomes et les tumeurs
sus-hépatique d’insuline après stimulation calcique
intra-artérielle, peuvent avoir leur place, mais cette dernière n’est pas curable, les mesures sécrétrices d’IGF II dans un but antisécrétoire. L’effet
imposent le recours à des équipes spécialisées. diététiques sont essentielles. Un apport adapté en dans les insulinomes semble cependant inconstant
sucres d’absorption lente est préconisé pour et modeste. Une aggravation des hypoglycémies est
maintenir une normoglycémie. Des collations entre parfois observée et pourrait être liée à une inhibition

■ les repas, voire des collations nocturnes, seront des hormones de la contre-régulation comme le
Traitement instituées. Le recours à des perfusions intraveineuses glucagon ou la GH.
de glucose est parfois nécessaire lors d’hypogly- Les bêtabloquants et inhibiteurs calciques ont été
cémies sévères et fréquentes (par exemple dans essayés avec des résultats inconstants et modestes
‚ Prise en charge thérapeutique d’une
l’insulinome), en attendant l’efficacité d’un traitement dans les insulinomes. De même, les corticoïdes à
hypoglycémie organique
additionnel. fortes doses (1 mg/kg/j) peuvent aider à stabiliser la
Malaise hypoglycémique Le traitement de l’insulinome est avant tout glycémie dans certaines situations délicates.
Les sucres d’absorption rapide par voie orale sont chirurgical. Celui-ci est guidé par les études Enfin, dans l’insulinome malin, une chimiothé-
utilisés lors d’un malaise sans troubles de morphologiques préopératoires. Dans 90 % des cas, rapie est souvent discutée lorsqu’une exérèse
conscience. Un apport adapté en sucres d’absorption le traitement chirurgical aboutit à la guérison des chirurgicale n’est pas possible. Cette chimiothérapie
lente est ensuite préconisé, pour maintenir une hypoglycémies [1]. Les échecs sont habituellement sera à discuter en fonction de l’évolution tumorale et
normoglycémie. liés à l’absence de localisation de l’insulinome ou à du bilan d’extension. L’association streptozocine
Le recours à une injection intraveineuse de l’existence d’une autre localisation (insulinomes (500 mg/m2 intraveineux, pendant 5 jours, en cycle
glucose est nécessaire lors d’un malaise avec multiples des NEM1 ou insulinomes malins) et plus de 6 semaines) et adriamycine (50 mg/m 2
troubles de conscience. Il est alors impératif rarement à une lésion inextirpable. La performance intraveineux toutes les 3 semaines) semble la plus
d’administrer sans tarder le sérum glucosé : sérum des explorations actuelles, en particulier efficace [5].
glucosé à 30 % (trois à quatre ampoules de 20 mL) l’échoendoscopie, devrait encore améliorer les Dans les tumeurs hypoglycémiantes sécrétrices
par voie intraveineuse stricte et lente, puis relais résultats. Chez les patients présentant un insulinome, d’IGF II, l’injection de GH recombinante s’oppose au
éventuel par perfusion de sérum glucosé à 10 %, le diazoxide est souvent nécessaire en l’attente de la rétrocontrôle négatif exercé sur l’axe somatotrope et
sous surveillance médicale. chirurgie ou dans les formes métastatiques. permet une amélioration des hypoglycémies.

Jérôme Bertherat : Chef de clinique-assistant,


clinique des maladies endocriniennes et métaboliques (Pr Luton), hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : J Bertherat. Hypoglycémies organiques.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0885, 1998, 4 p

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vanced islet-cell carcinoma. N Engl J Med 1992 ; 326 : 519-523

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Le pied diabétique
Encyclopédie Pratique de Médecine

C Sachon, A Heurtier, G Havan, A Grimaldi

S oixante-cinq pour cent des amputations des membres inférieurs des diabétiques sont réalisées après l’âge de
65 ans. Le coût d’une amputation de jambe revient au salaire de deux infirmières à plein temps pendant 1 an.
Sur vingt malades diabétiques que suit en moyenne chaque généraliste, un ou deux seulement risquent un jour
d’être amputés. Il est essentiel de les dépister, puisqu’une prise en charge spécialisée permet de réduire de 50 % le
taux des amputations. L’examen des pieds à la recherche de signes d’artérite ou de neuropathie fait partie du bilan
annuel du diabétique. Les diabétiques à risque podologique doivent bénéficier d’un examen des pieds et des
chaussures à chaque consultation.
© Elsevier, Paris.


‚ Neuropathie interne du pied, avec constitution d’un pied plat élargi,
Introduction La neuropathie, quant à elle, intervient par plusieurs responsable de troubles statiques importants,
mécanismes. provoquant durillons et maux perforants.
■ Elle supprime les symptômes d’alerte par
Le pied diabétique est un problème de santé abolition de la perception douloureuse qui assure la Caractéristiques des diabétiques à
publique, puisque 50 % des amputations de cuisse ou protection normale des pieds contre ses ennemis, au
de jambe sont réalisées chez le diabétique. Cinq à
risque podologique :
premier rang desquels les chaussures, les durillons, les
10 % des diabétiques seront un jour amputés d’orteils, ongles, les corps étrangers retrouvés accidentellement
✔ artérite : diminution ou abolition
de pied(s) ou de jambe(s). L’incidence annuelle des dans les chaussures, la « chirurgie de salle de bains »... des pouls périphériques ;
amputations chez les diabétiques est de 50 000 aux ■ La neuropathie est responsable de troubles de la ✔ neuropathie : abolition de la
États-Unis et d’environ 5 000 en France. Cependant, sensibilité profonde et de troubles moteurs qui perception douloureuse ;
plusieurs études ont montré la possibilité de réduire de entraînent des troubles statiques importants (avant ✔ troubles statiques liés aux troubles
50 % les amputations des membres inférieurs chez les pied rond, pieds creux et orteils en marteau), de la sensibilité profonde ;
diabétiques et de diminuer de moitié environ la durée responsables d’appuis anormaux, source d’hyperkéra-
d’hospitalisation pour pied diabétique. Plusieurs tose, durillons et callosités. Ces durillons deviennent
✔ sécheresse de la peau,
questions se posent alors : quels sont les diabétiques à très durs, blessent le tissu sous-cutané et provoquent la hyperkératose liée à la neuropathie
risque ? Pourquoi ne sont-ils pas dépistés ? Comment formation d’une petite poche hydrique. Le liquide, sous végétative ;
améliorer le dépistage des diabétiques à risque tension lors de l’appui, diffuse entre les tissus et forme ✔ âge > 65 ans.
podologique ? Quelle est la conduite à tenir en cas de une véritable lame de décollement. L’hyperkératose
plaie du pied chez le diabétique ? est sèche, elle se fissure et favorise la surinfection avec
constitution d’un abcès sous-cutané qui peut diffuser


vers l’os, le long des tendons, vers les parties molles,


Quels sont les diabétiques ou au contraire s’ouvrir à la peau et créer le mal Pourquoi ces diabétiques
à risque ? perforant plantaire avec sa couronne hyperkératosi- ne sont-ils pas dépistés ?
que. Le mal perforant plantaire, lié à la neuropathie
diabétique siège aux points d’appui, c’est-à-dire le plus La principale raison de cette absence de diagnostic
Les diabétiques à risque podologique, c’est-à-dire à souvent sous la tête des premier et 5e métatarsiens. des diabétiques à risque podologique, et peut-être la
risque d’amputation sont ceux atteints d’artérite ou de ■ La neuropathie végétative est responsable d’une plus importante, est l’absence de douleur qui
neuropathie diabétique. Devant un trouble trophique, sécheresse cutanée anormale avec absence de accompagne la neuropathie. N’ayant pas mal, le
on retrouve une fois sur six une artérite isolée, trois fois sudation, ce qui favorise une hyperkératose avec malade néglige et sous-estime la gravité d’une plaie, et
sur six une neuropathie isolée, et deux fois sur six un développement de durillons et de callosités. Au niveau la laisse donc évoluer. Il arrive même souvent que le
pied mixte, artériel et neuropathique. du talon, l’hyperkératose se fissure et peut se malade ne signale pas sa plaie au niveau du pied
surinfecter, entraînant une nécrose talonnière en cas puisqu’elle ne fait pas mal. Ce n’est même parfois
‚ Artérite d’ischémie associée. qu’en demandant au patient de se déchausser que le
En cas d’artérite, toute plaie, même minime, risque ■ Enfin, le pied de Charcot est une complication de médecin découvre la plaie. Par ailleurs, l’examen des
de ne pas cicatriser. Cela s’explique facilement, la neuropathie végétative. Il s’agit d’une ostéonécrose pieds n’est pas systématique lors des consultations,
puisqu’il faut environ 20 fois plus d’oxygène pour consécutive à des shunts artérioveineux accompagnés faute de temps le plus souvent, parfois parce que le
© Elsevier, Paris

obtenir la cicatrisation d’une plaie cutanée que pour d’œdèmes neurotrophiques et de maldistribution malade lui-même n’est pas très enclin à quitter ses
assurer le maintien d’un revêtement cutané. La plaie sanguine fragilisant les os du pied. La fracture apparaît chaussures par difficulté ou à cause d’une hygiène
ne cicatrise donc pas, elle se surinfecte, ce qui entraîne le plus souvent au sommet de l’arche interne du pied, douteuse. Les complications podologiques conduisant
une décompensation brutale avec constitution, en au niveau du 1er cunéiforme et du scaphoïde. Lors de au drame de l’amputation surviennent le plus souvent
quelques heures, de la gangrène d’un orteil. la fracture, on observe un effondrement de l’arche après l’âge de 65 ans. Le médecin généraliste, au cours

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3-0860 - Le pied diabétique

de son exercice, y sera rarement confronté, il n’est Les diabétiques à risque podologique sont donc les concerne la gangrène gazeuse, qui est exceptionnelle,
donc pas mobilisé pour l’examen du pied chez le diabétiques porteurs d’une artérite, d’une neuropathie, et la cellulite extensive avec septicémie menaçant la
diabétique. Lorsque le risque podologique est reconnu, ou encore porteurs des deux. On les retrouve plus vie du malade.
la prise en charge par le malade n’est pas toujours particulièrement parmi les personnes de plus de 65
facile : il est âgé, souvent obèse, peu souple ans. Des problèmes rhumatologiques (coxarthrose) ou ‚ En cas d’hospitalisation
(coxarthrose), parfois atteint de baisse d’acuité visuels peuvent limiter la prise en charge par le malade Quatre mesures s’imposent.
visuelle... Enfin, les soins de pédicurie ne sont pas lui-même des soins podologiques. Les diabétiques à ■ Faire des prélèvements bactériologiques
remboursés... risque podologique se recrutent tout particulièrement profonds, si possible avec culturette pour que les
parmi les diabétiques alcoolotabagiques, qui prélèvements ne soient pas secs. Ces prélèvements
présentent souvent artérite et neuropathie ; les sont réalisés après désinfection à la Bétadinet des


Comment dépister les diabétiques
à risque podologique ?

‚ Artérite
diabétiques atteints de microangiopathie sévère, en
particulier une néphropathie diabétique qui aggrave
l’artérite et la neuropathie ; enfin, les diabétiques
greffés rénaux et greffés rein-pancréas sont
bords cutanés de la plaie.
■ Interdiction de l’appui. L’arrêt de l’appui doit être
total, ce qui n’est pas facile à faire comprendre à un
malade atteint de neuropathie. Pour supprimer l’appui,
particulièrement à risque en raison de leur traitement on utilisera une chaussure Baroukt si la plaie se trouve
L’examen clinique est caractéristique, avec des immunosuppresseur (les corticoïdes favorisant au niveau de l’avant pied, une chaussure Sanitalt si la
pouls distaux abolis ou faibles, une peau fine, fragile, l’athérosclérose et inhibant l’angiogenèse). Par ailleurs, plaie se trouve au talon, une canne anglaise ou une
avec une pilosité diminuée ou absente, une chez ces patients, le risque infectieux est très important botte de décharge avec appui sous-rotulien, voire
hyperonychie avec des ongles épais, susceptibles de en cas de plaie. même un fauteuil roulant. Si la plaie est secondaire à
blesser le lit de l’ongle sous-jacent. On constate parfois Une éducation du patient doit être mise en route un frottement, il ne faut pas hésiter à découper la
une amyotrophie importante avec les tendons trop dès le diagnostic du risque podologique. Si le patient chaussure ou le chausson pour supprimer ce
visibles. Enfin, le pied peut être froid. L’examen d’une n’est pas apte à prendre lui-même soin de ses pieds, il frottement. En cas d’ischémie, il faut prescrire un
artérite est clinique mais doit être complété par un est indispensable de former une tierce personne dans matelas antie-scarre et protéger les talons. La
examen doppler, voire même une artériographie, en son entourage, et de l’adresser à une consultation de protection des talons peut se faire grâce à un bloc de
particulier chaque fois qu’un geste chirurgical est podologie spécialisée en diabétologie. mousse en forme de prisme, sur lequel le malade fera
prévu. Chez les diabétiques qui ne sont pas à risque reposer ses jambes en laissant ses talons dans le vide,
podologique, l’examen clinique des pieds peut ne pas sans appui.
‚ Neuropathie être fait systématiquement à chaque consultation. Il ■ Prescription d’un traitement anticoagulant par
Le pied neuropathique est plutôt chaud, avec des doit cependant être effectué une fois par an en héparinothérapie à doses hypocoagulantes en cas
pouls parfois bondissants, une peau épaisse et sèche, profitant de l’occasion pour rappeler le rôle nocif du d’ischémie, et isocoagulantes en cas de neuropathie.
et une hyperkératose au niveau des points d’appui, tabac chez les fumeurs. ■ Prescrire un traitement antibiotique avant même
c’est-à-dire sous la tête des métatarsiens et au niveau les résultats du prélèvement bactériologique chaque
fois qu’il existe des signes infectieux extensifs, d’autant


du talon, ainsi que sous la styloïde du 5e métatarsien.
Les réflexes ostéotendineux peuvent être abolis ou Conduite à tenir en cas de plaie plus s’il s’agit de signes généraux, mais également
diminués. Avec le diapason gradué, on note une du pied chez un diabétique devant toute plaie ischémique faisant craindre qu’une
diminution de la perception vibratoire en-dessous de surinfection décompense ou aggrave une gangrène.
4. Au-delà de 65 ans, cet examen n’est plus L’antibiothérapie doit être à large spectre couvrant
La première étape est de rechercher la cause de la staphylocoques, streptocoques, germes à Gram
interprétable. On constate parfois des troubles du sens
blessure. Lorsque le patient l’ignore, il s’agit d’un signe négatif, et, s’il s’agit d’une ischémie, également les
de position des orteils, une diminution de perception
de gravité mettant en évidence l’existence d’une anaérobies. L’association préconisée peut être
du chaud et du froid, un défaut de la perception de la
neuropathie. L’examen de la plaie permet ensuite de Augmentint + quinolone, Cifloxt + Oflocett ou
douleur ; que l’on peut apprécier avec une simple
déterminer s’il s’agit d’une plaie artéritique ou d’une Pyostacinet + Flagylt. S’il existe des signes généraux,
aiguille en piquant le malade au niveau, notamment,
plaie neuropathique. Les plaies artéritiques se situent on associe un aminoside par voie parentérale pendant
de la pulpe des orteils et en comparant l’examen avec
au niveau des points de frottement, elles sont quelques jours.
la perception ressentie au niveau des mains ou du
douloureuses s’il n’existe pas de neuropathie associée. Dans tous les cas de plaie du pied chez un
mollet. Avec un monofilament en nylon, on peut
Les plaies neuropathiques existent au niveau des diabétique, un rappel antitétanique doit être effectué.
apprécier la perception au tact et à la pression.
points d’appui sous la tête des métatarsiens, elles Si le malade n’est pas vacciné, on réalisera un sérum
L’examen clinique suffit à déterminer s’il existe ou non
peuvent également se situer au niveau de la pulpe des antitétanique, et une vaccination doit être mise en
une neuropathie. Il est inutile d’avoir recours aux
orteils en marteau. Les maux perforants peuvent se route.
examens neuroélectrophysiologiques.
développer sur des points de frottement anormaux,
tels que les hallux valgus, les cors sur le dos des orteils ‚ Bilan à effectuer les jours suivants
Caractéristiques cliniques des pieds ou entre les orteils où le frottement peut créer un œil La plaie sera explorée à la recherche d’un contact
selon la présence d’une artérite ou de perdrix. Le mal perforant est toujours infecté, il est osseux. La détersion sera variable selon qu’il s’agira
d’une neuropathie entouré d’une kératose très dure. L’abrasion de cette d’une plaie neuropathique, le débridement sera alors
kératose mettra en évidence une plaie beaucoup plus large, ou d’une plaie artéritique, le débridement sera
✔ Pied artéritique. importante que ne le laissait supposer la plaie initiale. prudent et peu agressif de façon à permettre la
Abolition des pouls. limitation spontanée d’une nécrose sèche spontanée.
Peau fine. ‚ Faut-il hospitaliser toute plaie Des clichés osseux seront réalisés pour rechercher une
Pilosité absente ou diminuée. du pied chez le diabétique ? ostéite, celle-ci étant hautement suspecte s’il existe un
Hyperonychie. L’hospitalisation ne se justifie pas chez un contact osseux lors de l’examen de la plaie. Un écho-
Amyotrophie avec tendons trop diabétique bien équilibré présentant une plaie au pied, doppler des artères des membres inférieurs ainsi que
visibles. mais sans neuropathie ni artérite. Il suffit, dans ce cas, la mesure de la pression transcutanée en oxygène
de bien nettoyer la plaie à l’eau et au savon, d’utiliser permettront d’apprécier la qualité de la vascularisation.
Diminution de la chaleur cutanée.
un antiseptique incolore type Merfènet, de surveiller L’antibiothérapie sera adaptée en fonction de
✔ Pied neuropathique. régulièrement la coloration cutanée, et de faire un l’évolution locale et des résultats de l’antibiogramme.
Pouls bondissants. pansement de protection. La surveillance de la plaie Si un geste chirurgical est prévu, on réalisera toujours,
doit être régulière. En l’absence de surinfection et en en cas d’artérite, une artériographie. Cette
Hyperkératose au niveau des points l’absence d’artérite, la prescription d’antibiotiques n’est artériographie est indispensable dans l’objectif de
d’appui : têtes des métatarsiens, pas nécessaire. En revanche, si le diabétique est pontages distaux, mais également en cas de chirurgie
syloïde 5e métatartien, talon. porteur d’une artérite ou d’une neuropathie, orthopédique, même limitée. En l’absence d’ischémie,
Diminution ou abolition de la l’hospitalisation s’impose. Il s’agit toutefois, le plus un geste d’orthopédie podologique conservatrice, sans
sensibilité. souvent, d’une urgence médicale et non d’une amputation, pourra être réalisé pour accélérer la
urgence chirurgicale. Le seul cas d’urgence chirurgicale cicatrisation de la plaie. Ultérieurement, l’éducation du

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Le pied diabétique - 3-0860

malade sera indispensable de façon à prévenir des savon de Marseille. Il doit apprendre à la désinfecter Il est préférable d’utiliser des ciseaux à bout rond et
récidives de plaie au niveau des pieds. Le malade doit avec un produit incolore type Hexomédinet, Merfènet de couper les ongles à angle droit en arrondissant
savoir s’il est porteur ou non d’une artérite ou d’une incolore, Lactacydt..., faire un pansement avec du tulle légèrement les angles de façon à ce qu’ils ne
neuropathie, et, dans ces situations, il doit apprendre gras et une compresse stérile, ne pas coller s’incarnent pas.
les gestes qui lui permettront d’éviter toute nouvelle directement le sparadrap sur la peau. En cas d’artérite, En cas d’ongle incarné, il faut consulter un pédicure
récidive de plaie au niveau de ses pieds. un simple sparadrap collé directement sur la peau peut podologue ou un médecin podologue.
être responsable d’une plaie nécessitant une Corps étrangers
hospitalisation, il est donc indispensable de mettre une


Un malade ayant un pied à risque doit être éduqué
Apprendre au diabétique à tester bande et de coller le sparadrap sur la bande. Enfin, si le
à passer systématiquement la main dans ses
la sensibilité de ses pieds patient s’est blessé sans repérer la cause de la blessure,
chaussures avant de les enfiler.
il doit contacter rapidement son médecin. Il en est de
même si la plaie devient inflammatoire et Mycoses
‚ Plusieurs questions doivent être posées Elles sont favorisées par la transpiration et la
douloureuse.
Sent-il bien la chaleur de l’eau lorsqu’il se lave ? macération. Pour éviter les mycoses, il faut bien laver
Perçoit-il bien le sol sur lequel il marche lorsqu’il est les pieds, sécher entre les orteils très soigneusement,
pieds nus ? Repère-t-il tout de suite le moindre corps
étranger ou couture blessante dans ses chaussures ?
Lorsqu’il achète des chaussures neuves, sent-il tout de
suite si elles sont à sa taille ou non ? S’est-il déjà blessé
le pied sans en connaître la cause ?

Éducation et conseils aux
diabétiques à risque podologique

‚ Quels sont les ennemis du pied ?


changer de chaussettes ou de collant tous les jours,
changer également de chaussures tous les jours en cas
de transpiration excessive. Dans ce cas, il est
souhaitable d’avoir deux paires de chaussures à porter
en alternance un jour sur deux.
En l’absence d’artérite ou de neuropathie, aucune Les chaussures, la corne, les ongles, les mycoses Lorsqu’il existe une mycose, le traitement (Pevarylt,
éducation spéciale n’est nécessaire, de simples interdigitales, les corps étrangers retrouvés dans la Daktarint, Amycort) doit être appliqué chaque jour
conseils d’hygiène doivent être rappelés : se laver tous chaussure, la chaleur, qui peut provoquer des entre les orteils, après lavage et essuyage soigneux,
les jours les pieds et bien sécher entre les orteils pour brûlures : bouillotte, couverture chauffante, feu de mais le traitement doit également concerner les
éviter la macération et la mycose. Lorsqu’il existe un cheminée, eau brûlante, plaque chauffante, la chaussures. Il est préférable d’utiliser des poudres
risque podologique, il faut insister sur la nécessité de « chirurgie de salle de bain ». plutôt que des crèmes qui favorisent la macération.
changer chaque jour de chaussettes, de choisir des Le traitement doit être poursuivi pendant 1 mois.
chaussures en cuir souple, confortables et si les pieds Comment choisir ses chaussures ? Brûlures
sont secs, d’appliquer chaque jour une crème
Les chaussures doivent être fermées. Elles doivent En cas de neuropathie, il faut éduquer le patient à se
hydratante, type Biafinet, Nivéat, Neutrogénat ou
être portées avec des chaussettes. Il faut les acheter en méfier des sources de chaleur importante : bouillotte,
Akildiat, qui permet de lutter contre la kératose et de
fin de journée. Elles doivent être en cuir très souple, couverture chauffante, eau du bain, mais également
sensibiliser le patient aux soins à apporter à ses pieds.
dessus ainsi que la doublure. La semelle ne doit pas sable chaud, l’été sur la plage. Un diabétique à risque
Il est à rappeler qu’il ne faut pas utiliser de coricides sur
être trop souple. Les lacets sont préférables à d’autre podologique ne doit jamais marcher pieds nus.
les cors et les durillons, beaucoup trop agressifs pour
un pied fragilisé par l’artérite ou ne percevant plus la fermeture. Les chaussures qui ont déjà blessé doivent ‚ Matériel utile pour une plaie chez un
douleur, et leur préférer une lime non dangereuse. être jetées. La morphologie du pied doit être observée patient diabétique
de façon à choisir des chaussures s’adaptant à elle. – Sérum physiologique.
‚ Comment éviter l’artérite – Désinfectant doux : Septivont, Lactacydt.
ou la neuropathie ? Corne – Tulle gras.
Chez tout diabétique à risque podologique ou non, Elle doit être limée avec une lime non agressive, – Compresses stériles.
l’arrêt du tabac doit être conseillé pour éviter l’artérite. type pierre ponce ou Maniquickt fonctionnant à pile. – Bandes Nylext.
L’équilibre du diabète est important pour éviter la Pour prévenir la corne, il faut graisser les pieds de – Micropore.
neuropathie ; il faut obtenir une hémoglobine A1C façon à ce que la peau ne se fissure pas (Biafinet, ‚ Objets dangereux
inférieure à 7,5 %, soit une moyenne glycémique Nivéat, Neutrogénat, Akildiat...). – Ciseaux pointus.
inférieure à 1,50 g/L. – Feuille de saule.
Les autres facteurs de risque doivent également Ongles
– Coupe cor et râpe du Dr Scholl.
être surveillés, la tension artérielle et le bilan lipidique Si le malade n’est pas assez souple, et s’il ne voit pas – Sparadrap collé à même la peau.
en particulier. assez clair pour entretenir ses ongles lui-même, il faut – Solution de Bétadinet (à utiliser uniquement sur
En cas de blessure du pied, le diabétique doit être en confier l’entretien à un pédicure ou une tierce prescription médicale).
éduqué à nettoyer sa plaie à l’eau courante et au personne. – Sèche-cheveux pour sécher les plaies.

Claude Sachon : Attaché des Hôpitaux.


Agnès Heurtier : Chef de clinqiue.
George Havan : Attaché des Hôpitaux.
André Grimaldi : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de diabétologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Sachon, A Heurtier, G Havan et A Grimaldi. Le pied diabétique.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0860, 1998, 3 p

Références

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Unger R. Le diabète sucré : reconnaître, comprendre, traiter. Paris : Maloine,
1984 : 419-439

[2] Grimaldi A, Sachon C, Bosquet F. Les diabètes : comprendre pour traiter.


Paris : Éditions médicales internationales, 1995 : 411-421

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Les échecs du traitement


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

de l’obésité
B Waysfeld, A Laurent-Jaccard

L ongtemps le corps médical a cru en sa toute puissance en matière d’obésité. Les échecs ne semblaient relever
que de la mauvaise volonté des patients, désignés comme coupables en raison de leur hyperphagie ou de
l’insuffisance de leur activité physique. Aujourd’hui, il est clair que nous ne savons pas traiter l’obésité, et le constat
apparaît accablant. Cependant, les progrès accomplis dans la connaissance de cette affection multifactorielle, aux
composantes génétiques, environnementales et psychologiques, le changement de regard sur les maladies
chroniques en général et la prise en compte de l’intérêt de résultats partiels ont modifié nos critères de jugement
même si, à ce jour, ni les médecins, ni les patients ne peuvent se déclarer satisfaits.
© Elsevier, Paris.


traitement, ce qui peut être considéré comme le bon des moyens associant diverses mesures à la
Constat résultat à court terme [8]. Le suivi et les résultats diététique, ainsi que des résultats plus nuancés.
au-delà de 1 an manquent le plus souvent, comme
manque l’évaluation fine et détaillée, biologique et ‚ Jusqu’à la fin des années 1970
Pour l’obèse, maigrir constitue à la fois une
psychologique, des sujets pris en compte. Il n’est Dans l’ensemble, les résultats, notamment les plus
obligation et une impossibilité. D’un côté, le culte de
bien entendu pas envisageable de comptabiliser les anciens, ne précisent pas les caractéristiques de
la minceur assorti d’un racisme antigros, les
sujets qui retrouveraient leur poids idéal théorique l’échantillon de départ, ni le nombre de sujets
handicaps sévères et les risques de complications, de
durablement, car ils représentent l’exception. effectivement suivis (tableau I). Les critères de succès
l’autre, la nécessaire soumission à une contrainte
diététique maintenue à vie et de ce fait sont le plus souvent exprimés en kg (5 à 10), et non
insupportable. Position paradoxale d’autant plus
difficile à tolérer que de très nombreuses méthodes
« amaigrissantes » sont encore et toujours proposées.
Elles ont toutes en commun d’utiliser des formes plus

Résultats
En pratique, on peut distinguer deux périodes :
en pourcentage du poids initial [10]. Au vu de ces
résultats, le célèbre aphorisme de Stunkard reste
parfaitement valable : « La majorité des obèses ne
consulte pas et parmi ceux qui consultent, une
– une première, jusqu’à la fin des années 1970,
ou moins subtiles ou sournoises de restriction majorité ne s’engage pas dans un programme
au cours de laquelle le poids reste le critère
calorique (du simple régime à la chirurgie gastrique thérapeutique. Parmi ceux qui s’engagent, une
d’évaluation quasiment unique ;
ou intestinale), et de se montrer toutes efficaces... à majorité ne maigrit pas. Parmi ceux qui maigrissent,
– une seconde, au cours des dernières années,
court terme et inefficaces ou aggravantes à plus long une majorité regrossit. »
où l’on voit apparaître des méthodologies plus fines,
terme. De surcroît, elles jettent le discrédit sur les Seule exception, et qui a valeur de paradigme,
actions médicales plus nuancées intégrant la Christiakis, non mentionné dans le tableau, qui
correction des erreurs alimentaires qualitatives
Critères de succès d’un traitement de obtient 71 % de succès à 5 ans dans un contexte
associée à diverses méthodes psychoéducatives : l’obésité bien particulier : patients suivis hebdomadairement
approche cognitivocomportementaliste ; ateliers Perte de poids de 5 kg, de 10 kg, de faisant partie d’un club « anticoronarien » et ayant
cuisine ; activité physique adaptée à chaque cas ; 10 % de l’excès pondéral : les critères déjà connu un accident coronaire. Ainsi, quand la
prise en charge psychologique. de succès d’un traitement de l’obésité demande d’amaigrissement est somatique,
Enfin, l’amaigrissement massif est lui-même se sont succédé depuis 30 ans. Si le largement sous-tendue par une angoisse de mort, et
délétère : outre les décès par dénutrition et troubles poids théorique est le plus souvent surtout quand les sujets sont suivis de manière
du rythme cardiaque, la restriction calorique inaccessible, le poids souhaité ne l’est rapprochée et en groupe, la contrainte diététique
chroniquement maintenue entraîne de nombreux pas moins, et le poids physiologique peut être longtemps poursuivie et les résultats s’en
troubles psychologiques [1] : défaut de vigilance, reste difficile à définir. Une perte de trouvent améliorés.
troubles du sommeil, humeur fluctuante, dépression, 10 à 15 % du poids initial améliore
et surtout troubles du comportement alimentaire souvent les grandes fonctions ‚ Au cours des dernières années
(TCA) de type compulsif et boulimique. somatiques, mais reste vécue comme Sans être exhaustive, la liste que nous présentons
Ce rapide constat doit encore mentionner que les un échec par les sujets qui présentent est représentative des recherches et travaux actuels :
© Elsevier, Paris

résultats pondéraux du traitement de l’obésité ont une obésité sévère et même moyenne. les études obéissent à une méthodologie précise
quasiment disparu des grands congrès interna- L’objectif ne peut qu’être défini au cas (double aveugle s’il s’agit d’un médicament,
tionaux. Le poids n’est habituellement mentionné par cas, en fonction des résistances de multicentrique ou long terme dans les autres cas), les
que pour signaler que les sujets compliants ont tous ordres et de la demande du sujet. sujets sont mieux définis, les moyens évoluent vers
perdu 10 à 15 % du poids initial en 6 à 9 mois de la pluridisciplinarité et la pharmacothérapie fait son

1
3-0790 - Les échecs du traitement de l’obésité

Tableau I. – Principaux résultats avant 1980 : ère pondérale du traitement de l’obésité.

Année de Pourcentage
Auteurs Critères de succès Nombre de sujets Durée considérée Remarques
publication de succès
Fellows 1931 5 kg 193 Sans 21 sur 193 3 % devenus non obèses
Stunkard 1959 10 kg 100 1 an 6
2 ans 2
Swanson et Dinello 1970 30 kg 25 4 ans 16 En « termes pondéraux »
Schrubb 1971 Poids de sortie 59 3 ans 15
Sohar et Sneh 1971 6 kg 38 14 ans 13 Effectif initial non précisé
Apfelbaum 1973 3 kg 140 4 ans 15
Schaller et Guy-Grand 1975 5 % du poids 206 2 ans ½ 34
Drenick et Johnson 1978 Poids de sortie 207 7 ans 3,4

Tableau II. – Principaux résultats depuis 1990 : approche multifactorielle du traitement de l’obésité.

Année de
Auteurs Méthodologie Durée d’observation Nombre de sujets Moyens Résultats
publication
Rossner 1992 Étude à long terme 10 à 12 ans 18 % de 68 IMC > 40 Programme cognitif : –10,6 kg (moyenne)
ouverte « traités » à 4 ans exercice, conseils nutri- Diminution de la graisse
tionnels, ateliers cui- abdominale
sine, sessions de renfor-
cement
Pontiroli 1996 Double aveugle 12 semaines 29 diabétiques 1 000 kcal/j + Benfluo- ↑de la sensibilité à
de type II rex ou placebo l’insuline, ↑de la perte
de poids dans le groupe
verum
Dietz 1996 Analyse d’articles ? ? Évaluation des moyens 2 à 10 kg attribuables
originaux pharmacologiques aux médicaments,
plateau à 6 mois
James 1997 Double aveugle 1 an 228 Régime (–600 kcal/j), –8,5 kg pour le verum,
Orlistat 120 mg/j ou 5,4 kg pour le placebo
placebo
Wauters 1997 Ouverte multicentrique 6 mois 50 30 < IMC < 45 Sibutramine 10 mg/j, –11,2 kg +/– 6,3 avec
régime (–600 kcal/j) ↓de la graisse abdomi-
nale
Klem 1997 Registre national de 5 ans 629 femmes Prise en compte des Importance de l’activité
contrôle du poids 155 hommes sujets ayant maintenu physique
–13,6 kg sur 5 ans

IMC : indice de masse corporelle.

Les grandes ères du traitement de l’obésité*


Pour H Saltiel, l’obésité a été « ceinturée » pendant 30 ans par le fameux traitement
triple, extraits thyroïdiens, diurétiques, amphétamines, aujourd’hui totalement rejeté.

Résistances

Elles peuvent être schématiquement classées en


Puis est venue la « dictature diététique » sous toutes ses formes, avec des résultats
deux catégories qui peuvent s’intriquer et se
n’intéressant que le seul court terme. L’ère « psychologisante » l’a suivie et ne renforcer mutuellement [5].
conserve son intérêt que dans les troubles primitifs du comportement alimentaire.
Nous sommes entrés dans l’ère « biologisante » qui, à ce jour, n’a pas connu de ‚ Résistances biologiques
traduction décisive dans la pratique quotidienne.
Certaines témoignent d’une adaptation
*H Saltiel. Le concours médical 1994 : 757-761
métabolique comme la diminution des dépenses de
repos et de la thermogenèse postprandiale après
amaigrissement.
Cette adaptation rend compte de l’impossibilité de
apparition. Quant aux résultats, ils ne se limitent pas précédents, démontrant qu’en dépit d’une meilleure descendre en dessous d’un certain poids, sauf
à la seule évaluation de la perte de poids, mais prise en considération des sujets et des facteurs de régime très sévère entraînant une dénutrition
mentionnent fort justement la diminution de la risque, l’obésité reste une affection mystérieuse. Si (inférieure à 1 000 kcal/j). La reprise pondérale sera
graisse abdominale, voire l’augmentation de la l’on ignore encore la cause première du d’autant plus facile et rapide que l’amaigrissement
sensibilité à l’insuline ou l’importance de l’activité déclenchement de l’obésité, on connaît mieux les aura été obtenu avec un régime très restrictif.
physique (tableau II).Vus sous l’angle strictement facteurs de pérennisation du surpoids, c’est-à-dire la Au niveau adipocytaire, l’hyperplasie constitue un
pondéral, ces résultats ne diffèrent pas des nature des résistances mises en jeu. sérieux facteur de résistance. Dans une série

2
Les échecs du traitement de l’obésité - 3-0790

‚ Concept d’obésité métabolique


Obèse Il émerge même ces dernières années : il concerne
certains individus, obèses ou non, en termes pondéraux,
mais qui présentent une surcharge adipeuse
abdominale associée à des anomalies métaboliques :
c’est donc la masse grasse qu’il s’agit de réduire et pas
Corps Aliment Autre Société
nécessairement le poids. L’activité physique peut se
montrer plus efficace à long terme sur la réduction de
ces obésités androïdes et sur la préservation de la masse
De la mère Comportements boulimiques Partenaire sexuel Consommatrice maigre que le seul régime [3].
Lieu pulsionnel Grignotages compensatoires Adversaire sexuel Frustrante
Symbole sexuel Aliment symbole social Signifiant de l'angoisse Rejetante ‚ Chirurgie
Pas de sens
Elle permet de nouveaux espoirs, en particulier
1 Relation de sens. l’utilisation de la gastroplastie verticale de Mason :
elle consiste à agrafer l’estomac en ne laissant
personnelle où nous avons analysé 57 patients pouvaient supporter cette amputation d’eux-mêmes qu’une petite poche gastrique proximale (de 15 à
suivis avec plus de 1 an de recul, les seuls retours au ou de leur image, en devenant ce que certains ont 60 mL), cette poche se vidant dans le reste de
poids idéal théorique survenaient chez des sujets appelé des « obèses maigres ». l’estomac par un orifice de petit diamètre (12 mm),
modérément obèses et normoplasiques [10]. Mais calibré par une bande inextensible. Réservée à des
dans ce domaine, le fait récent majeur est la sujets présentant plus de 100 % de surpoids, la


découverte de la leptine : cette hormone, produite gastroplastie verticale améliore notablement la
Nouveaux critères,
par les adipocytes, sécrétée dans le système nouveaux espoirs qualité de vie de plus de la moitié des sujets grâce à
circulatoire et agissant au niveau système nerveux plus de 40 % de perte de l’excès pondéral. La moitié
central, est capable, chez l’animal, de modifier le Vu sous l’angle pondéral, le traitement de des patients retrouvent un index de masse
comportement alimentaire et la thermogenèse. l’obésité est un échec. Ne faut-il pas cependant corporelle inférieur à 30 [7].
Même si cette découverte n’a, à ce jour, aucune proposer des réponses plus spécifiques en fonction
‚ Pharmacothérapie
application chez l’homme obèse (chez lequel on du problème posé ?
parle de « leptinorésistance » en raison de taux de Si face à une obésité massive, l’urgence Elle est source de nombreux espoirs.
leptine constamment élevés), elle représente le cardiorespiratoire commande l’amaigrissement rapide, Après le retrait mondial de la fenfluramine (et de
modèle attendu d’une substance protéique produite face à un sujet présentant un état dépressif, il importe au son isomère) du fait de complications cardiovascu-
par les adipocytes et servant d’informateur aux contraire d’attendre, de surseoir ou de renoncer. laires, la commercialisation prochaine de la
structures centrales, hypothalamiques notamment. Sibutramine, inhibiteur de la récapture de la
Le pont semble jeté entre une anomalie génétique et ‚ Objectifs sérotonine et de la noradrénaline, ainsi que de la
certains TCA [9]. Ils méritent d’être précisés, car ils varient tétrahydrolipstatine, inhibiteur de la lipase gastrique
Mentionnons encore la découverte récente du considérablement d’un sujet à l’autre. Ces objectifs et pancréatique, permet d’envisager des pertes de
gène de la protéine découplante, intervenant dans la peuvent être hiérarchisés en fonction des poids additionnelles au régime de l’ordre de 5 %
production de chaleur et dont l’anomalie pourrait caractéristiques et des demandes de chaque sujet [6]. pour chaque produit.
jouer un rôle dans l’obésité. D’autres molécules sont à l’étude :
‚ Résultats partiels – les thiazolidinesdiones : capables de réduire
‚ Résistances psychologiques l’expression du gène ob codant pour la leptine [2] ;
Assez accessibles (perte et maintien de 10 % du
Souvent intriquées aux précédentes, les poids initial), ils peuvent grandement améliorer un – le butabindine : inhibiteur spécifique d’une
résistances psychologiques à l’amaigrissement trouble métabolique, diabète ou dyslipémie, ainsi peptidase qui dégrade la cholecystokinine et
apparaissent à travers la valeur adaptative que qu’une pathologie cardiovasculaire [12, 13, 14]. prolonge ses effets satiétogènes ;
peuvent revêtir les TCA et le gros corps lui-même (cf – des molécules à action thermogénique sélective.
chapitre « Troubles du comportement alimentaire »).
Objectifs du traitement ‚ Nouveaux espoirs
Elles se manifestent encore dans une « manière
d’être au monde » de certains sujets chez lesquels le ✔ Perdre du poids. Maintenir un Ils peuvent naître de l’utilisation de concepts
statut d’obèse tient lieu d’identité. Que l’anomalie poids stable. anciens mais non appliqués en pratique : l’obésité
soit primitive ou conduisant à l’obésité, secondaire à ✔ Accepter le poids ou le surpoids. est un symptôme au carrefour de multiples
la surcharge, la relation de sens qui lie l’obèse à son Traiter une complication. disciplines, et chaque sujet doit être appréhendé à
corps, à l’aliment ou à la société, est facteur de ✔ Réduire une obésité androïde (avec travers son histoire personnelle et de multiples
résistance [10, 11]. Sous un certain angle, l’obésité peut ou sans surpoids). facteurs corrélatifs (âge de début, durée, distribution
être vue comme un état qui permet à certains ✔ Agir sur les conséquences du tissu adipeux, comportement alimentaire,
d’acquérir ou de conserver un équilibre psychologiques des régimes. dépression, demande, avantages liés à l’obésité,
psychobiologique global (fig 1). Ces remarques sont ✔ Établir, à un poids donné, le tolérance à la frustration, etc), justifiant une stratégie
à rapprocher des obésités fantômes observées après rapport bénéfices/risques. individualisée [6]. Une formation complémentaire des
amaigrissement, comme si certains sujets ne médecins s’avère nécessaire dans ce domaine.

Bernard Waysfeld : Assistant,


ancien chef de clinique, unité d’endocrinologie-nutrition, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris cedex 15, France.
Anne Laurent-Jaccard : Médecin adjoint,
policlinique universitaire de Lausanne, 19, rue César-Roux, CH 1005 Lausanne, Suisse.
Toute référence à cet article doit porter la mention : B Waysfeld et A Laurent-Jaccard. Les échecs du traitement de l’obésité.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0790, 1998, 4 p

3
3-0790 - Les échecs du traitement de l’obésité

Références

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Thiazolidinediones repress ob gene expression in rodents via activation of peroxi- [9] Oppert JM. Leptine et régulation du poids corporel. Cah Nutr Diet 1997 ; 32 :
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et al. The insuline resistance-dyslipidemic syndrome: contribution of visceral obe- 11-24
sity and therapeutic implications. Int J Obes Relat Metab Disord 1995 ; 19 (suppl
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l’amaigrissement. Med Hyg 1979 ; 37 : 1397-1399
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tive study of intentional weight loss and mortality in never-smoking overweight
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US white women aged 40-64 years. Am J Epidemiol 1995 ; 141 : 1128-1141
Rev Prat 1984 ; 34 : 3111-3120

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of individuals successfull at long term maintenance of substantial weight loss. Am type II diabetic patients. Arch Intern Med 1987 ; 147 : 1749-1753
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treatment of obesity with vertical banded gastroplasty. In : Ailhaud G, Guy-Grand weight men and women. N Engl J Med 1991 ; 325 : 461-466
BJ, Lafontan M, Ricquier D eds. Obesity in Europe. Montrouge : John Libbey,
1991 : 183-187

4
3-0780

3-0780
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Obésité

A Laurent-Jaccard, B Waysfeld

A u-delà des considérations scientifiques, on ne saurait omettre que l’homme est d’abord une entité
psychosomatique, une personne globale. L’approche de l’obèse comme une « machine thermodynamique »
ne saurait nous faire oublier qu’on est également confronté à « une machine désirante ».
© Elsevier, Paris.


toute une psychopathologie qui peut rendre compte
Introduction des TCA. Pour ces derniers, il n’est pas toujours aisé Tableau I. – Définition de l’obésité selon
le body mass index (BMI).
de faire la différence entre TCA, cause de l’obésité, et
TCA résultant de la restriction calorique. Normalité 18,5-24,9
L’obésité se définit simplement comme
L’environnement médiatique pousse en effet de Excès pondéral 25-29,9
l’accumulation de triglycérides, en excès, dans le Obésité 30-34,9
nombreuses femmes à se mettre à divers régimes,
tissu adipeux. Pour autant, une telle définition ne
pour un idéal de minceur souvent inaccessible, dont Obésité morbide ≥ 35
saurait satisfaire ni le patient, ni le médecin, ni le « Super-obésité » ≥ 40
les effets pervers résultent en une prise de poids
chercheur. Le patient se vit comme trop gros, et la
progressive et un yo-yo pondéral funeste.
référence au visuel comporte une part importante de BMI : body mass index ou index de masse corporelle = poids en kg divisé
Il s’agit d’un sujet d’actualité, puisque l’obésité par la taille en mètres au carré.
subjectivité. Pour le médecin, la référence au poids et
vient d’être reconnue comme un problème de santé
au rapport poids/taille est habituelle, mais ne permet l’Europe de l’est (40 à 50 % des femmes dans
publique, et qu’aux États-Unis, plus du tiers de la
pas d’accéder au rapport masse grasse/masse totale. certains pays). La France, comme le Royaume-Uni et
population adulte est obèse.
Pour le chercheur, au-delà du pourcentage de masse l’Allemagne, compte 5 à 10 millions d’obèses. Ces
Il s’agit d’un sujet difficile puisqu’à ce jour, il
grasse, ce sont tous les mécanismes centraux et taux sont en augmentation, et peuvent être mis en
n’existe pas de véritable traitement de l’obésité, la
périphériques du bilan d’énergie qui sont impliqués, rapport avec l’accroissement alarmant des cas de
surcharge adipeuse résultant toujours d’une rupture
dans leurs aspects hormonaux, neuroendocriniens diabète.
d’équilibre entre apports et dépenses, mais l’origine
et génétiques, pour ne citer que les principaux. On sait, par ailleurs, que la prévalence de l’obésité
de cette rupture peut encore être discutée :
Dans la pratique, le médecin considère le plus de l’enfant est élevée là où l’obésité de l’adulte est
dérèglement des centres régulateurs, primitif et sous
souvent l’obésité comme une maladie à trois ou fréquente.
l’action d’une anomalie d’information (leptine ?),
quatre dimensions : aspect génétique, bilan Dans les pays industrialisés, la prévalence de
défaut de gaspillage énergétique, insuffisance
calorique, conséquences psychologiques, l’obésité est associée à la pauvreté, surtout chez les
d’activité physique l’emportant sur les apports
complications. Ces dimensions aboutiront à des femmes, alors qu’elle est liée à l’obtention d’une
caloriques, TCA entraînant une masse grasse
définitions impliquant, isolément ou en association : certaine aisance dans les pays émergents. On a pu
excessive, pour ne citer que quelques mécanismes
la génétique, les troubles du comportement dire que l’obésité frappait en bas de l’échelle sociale,
menant à une prise de poids capable, à son tour, de
alimentaire (TCA), les facteurs psychologiques, les alors que les TCA concernaient plutôt le haut, sous
consommer davantage d’énergie, jusqu’à
pathologies liées à la surcharge. Ainsi sont nées de nos latitudes (tableau I).
restauration d’un état d’équilibre.
multiples définitions de l’obésité : génétique ou état
constitutionnel, facteur de risque, maladie ‚ Part de la génétique


psychosomatique (ou maladie bouc émissaire) et, à et de l’environnement
la phase des complications, pathologie caractérisée. Facteurs à prendre en compte L’obésité augmente dans de nombreux pays,
Du côté du patient, le trouble évolue d’une simple malgré une baisse de l’apport énergétique, en
entrave à son intégration au monde du désir et de particulier lipidique, depuis deux décennies. Les
l’échange, à la réalité d’un handicap sévère ou d’une ‚ Données épidémiologiques facteurs d’environnement comme la sédentarité ne
mort prématurée. Contrairement à ce qui se produit pour le suffisent pas, à eux seuls, à expliquer cette évolution.
Au pôle organique, facteur de risque et « paradoxe français » dans le domaine cardiovascu- Il existe un moment où ces facteurs rencontrent
pathologie, au pôle psychologique, malaise, laire, l’obésité ne connaît pas d’exception en France. un terrain favorisant de développement de l’obésité.
dégradation de la qualité de vie et isolement social. Certes, le pays le plus atteint est le continent On parle de 25 % comme part de l’hérédité
Ainsi, l’obésité se situe dans un continuum nord-américain, particulièrement en ce qui concerne intervenant dans la constitution de l’obésité. Ce taux
psychologique et pathologique, au sein duquel il ses minorités noires ou hispaniques, où la n’est qu’une moyenne. Pour certains, l’hérédité ne
nous semble utile de souligner quelques paradigmes prévalence de l’obésité féminine atteint 40 %. jouera aucun rôle, pour d’autres, elle sera le facteur
significatifs.
© Elsevier, Paris

En Europe, si l’on définit comme obèses ceux dont prédominant : jusqu’à 80 % de la variance du BMI
Il s’agit d’un sujet complexe, du fait même de sa le body mass index (BMI) est supérieur à 30 kg/m2, la chez des jumeaux, des adoptés, ou des familles
situation interdisciplinaire. Interfèrent, en effet, des prévalence de l’obésité est de 15 à 20 % de la étudiées, sont attribuables à des facteurs génétiques.
aspects génétiques et environnementaux, des population d’âge moyen, moins en Scandinavie et L’héritabilité est estimée à la hauteur de 30 à 40 %
considérations endocrinométaboliques, ainsi que aux Pays-Bas (environ 10 %), mais plus dans pour des facteurs comme la distribution du tissu

1
3-0780 - Obésité

adipeux, l’activité physique, le métabolisme de base,


la variation de la dépense énergétique en réponse à Tableau II. – Quelques molécules influençant la prise et la dépense énergétiques.
la suralimentation, certains aspects des préférences Signaux afférents Signaux afférents
ou des comportements alimentaires, l’activité de la
lipoprotéine lipase, des taux de base de la lipolyse, # Appétit & Appétit
&Dépense énergétique # Dépense énergétique
etc. L’héritabilité des facteurs génétiques semble au
moins aussi forte que, par exemple, dans Tractus intestinal • Opioïdes • Glucagon
l’hypertension artérielle. • Neurotensine • Cholécystokinine
• Somatostatine • Bombésine
On a pu jusqu’ici identifier plusieurs protéines • Glucose
importantes pour la régulation de l’énergie comme
l’UCP1, 2 et 3. Ces molécules ont un rôle probable Système endocrinien • Adrénaline (effet alpha-adrénergique) • Adrénaline (effet bêta-adrénergique)
• Androgènes • Œstrogènes
dans la pathogenèse de l’obésité.
• Glucocorticoïdes
Étant donné l’importance des stocks énergétiques • Insuline
pour la survie individuelle et la capacité de • Peptide YY
reproduction, la possibilité de conserver l’énergie • Progestérone
sous forme de tissu adipeux a dû, un jour, conférer Tissu adipeux • Leptine
un avantage pour la survie. Pour cette raison, on
SN périphérique • Noradrénaline (effet alpha-adrénergique) • Noradrénaline (efft bêta-adrénergique)
peut présumer que les humains sont enrichis de
gènes qui favorisent la prise énergétique, le stockage SN central • Opioïdes • Sérotonine
et la diminution des dépenses. Toutefois, depuis
• Somatostatine • Cholécystokinine
moins d’un siècle, la combinaison de l’accès aisé à
une nourriture de densité calorique élevée et d’un SN : système nerveux.
style de vie sédentaire, a rendu les conséquences
métaboliques de ces gènes défavorables. est beaucoup plus élevée que celle des autres sociales. Elle se manifeste déjà dans l’enfance, bien
Dans de nombreux cas, l’obésité est proba- nutriments. La disponibilité d’une nourriture que le poids supérieur des enfants des classes
blement due à de subtiles altérations des hautement palatable et dense en calories, ainsi laborieuses soit plus attribué à un déséquilibre de
interactions entre la génétique et l’environnement, qu’un mode de vie sédentaire, favorisent la prise l’apport alimentaire au cours de la journée (supérieur
qui favorisent le dépôt de calories sous forme de pondérale. Les mécanismes régulateurs ne sont pas le soir, inférieur le matin), qu’à une prise alimentaire
graisses [10]. encore connus de manière détaillée, et on peut plus importante que celle des autres enfants [9].
s’étonner du fait que la plupart des gens soient
Les TCA, sous forme de grignotage ou
‚ Cas de la leptine capables de conserver un poids raisonnablement
d’alimentation compulsive, la disparition des repas
La leptine est une hormone produite par les constant. En effet, le surplus d’énergie nécessaire au
pris en famille au profit d’une nourriture consommée
adipocytes, sécrétée dans le système circulatoire, qui développement de l’obésité sur des années est si
seul, rapidement et à n’importe quelle heure du jour,
est un signal de satiété adressé aux récepteurs petit, du moins au début, que le patient peut ne pas
sont d’autres facteurs psychosociaux induisant une
hypothalamiques. Chez l’animal, elle est capable de le remarquer. On peut donc devenir obèse sans être
prise alimentaire excessive.
modifier le comportement alimentaire et la glouton ni paresseux.
thermogenèse : administrée à des rats déficients en La constance relative du stockage énergétique est À cela s’ajoute la sédentarité accrue, liée aux
leptine, elle exerce une activité anti-obésité le résultat de l’activité coordonnée d’un système transports modernes, au temps passé devant la
puissante. Toutefois, son rôle dans la pathogenèse complexe, dont les composants vont des centres télévision, et à la mécanisation des travaux
ou le traitement de l’obésité humaine est obscur. Un corticaux les plus élaborés aux adipocytes. Comme ménagers qui facilite la prise pondérale chez les
déficit génétique en leptine semble rarissime chez le montre le tableau II, un grand nombre de facteurs, sujets prédisposés.
l’homme. Les importantes concentrations de leptine issus du corps entier, envoient des signaux afférents
Enfin, il semble que certaines situations de stress
circulante, mesurées chez l’obèse, sont à un plus petit nombre de centres fonctionnels, dans
soient capables d’induire des changements marqués
probablement consécutives à l’augmentation du le système nerveux central, qui médient des
dans la production hormonale et le système nerveux
tissu producteur de leptine, soit le tissu adipeux. Par interactions avec les schémas efférents pour réguler
autonome, compatibles avec des modifications du
rapport au cas du non-obèse, la concentration de la dépense énergétique (par exemple, à travers les
métabolisme énergétique, en particulier via la
leptine dans le liquide céphalorachidien est très systèmes nerveux sympathiques et parasympa-
sécrétion insulinique, capable de conduire à une
basse, ce qui peut refléter un certain degré de thiques et les hormones thyroïdiennes), et la prise
prise pondérale, sans hyperphagie détectable [5].
résistance à la leptine. Ce concept a besoin d’être énergétique (par le comportement alimentaire).
précisé par des études complémentaires, tenant
‚ Facteurs psychosociaux : sociogenèse ‚ Coût économique
compte des autres paramètres (comportementaux,
métaboliques ou génétiques) existant chez les sujets « Notre société fabrique de plus en plus d’obèses,
Le fardeau économique que représente l’obésité a
étudiés. mais les tolère mal ». Ce que disait le Professeur
été estimé dans de nombreux pays. L’évaluation
Tremolières, il y a quelques décennies, s’applique
‚ Régulation énergétique repose sur la prévalence de l’obésité et le nombre de
encore aujourd’hui.
et neurophysiologique maladies qui lui sont imputables. On peut alors
L’épidémiologie nous apprend que dans les pays
chiffrer les dépenses de santé nécessaires pour
La quantité de triglycérides dans le tissu adipeux industrialisés, l’obésité se rencontre plus
traiter ces affections. Les coûts indirects sont estimés
est le résultat des différences entre la prise fréquemment lorsque le statut socioéconomique est
à partir du nombre de journées de travail perdues,
énergétique (alimentaire) et la dépense énergétique bas, surtout chez les femmes. Des études ont montré
imputables à l’obésité, et les coûts de la mortalité sur
(surtout le métabolisme de base et l’activité qu’en France, les hommes et les femmes des classes
la base de la perte de revenus de l’individu, du fait de
physique), sur une certaine durée. Bien que des inférieures, qui comptent deux à quatre fois plus
sa mort prématurée.
mécanismes homéostatiques tentent de stabiliser d’obèses, mangent significativement plus que les
cette différence, de petits déséquilibres sur une classes supérieures. Cette hyperphagie, déterminée En France, les coûts directs représentent 1 à 2 %
longue période peuvent avoir un effet cumulatif culturellement, a probablement un effet permissif sur du total des dépenses de santé. Si l’on envisage les
important. L’apport de graisses en particulier semble l’expression phénotypique d’un patrimoine coûts totaux, le taux passe à 5 à 7 %, comme c’est le
peu régulé. Or, la densité énergétique de la graisse génétique qui doit être partagé par toutes les classes cas aux Pays-Bas ou aux États-Unis [7].

2
Obésité - 3-0780

Tableau III. – Avantages liés à la perte pondérale. Techniques et attitudes nécessaires à


Lipides Diminution du cholestérol total et du cholestérol HDL l’obtention d’une information de
Diminution des triglycérides qualité [3]
Augmentation du cholestérol HDL ✔ Poser les questions ouvertes (c’est-
Diabète Diminution nette de la glycémie à jeun à-dire auxquelles on ne peut pas
répondre simplement par oui ou
Hypertension artérielle Diminution de la tension artérielle systolique et surtout de la tension arté-
rielle diastolique non).
✔ Laisser le patient expliquer son
Mortalité Diminution de la mortalité générale
Diminution des décès liés au diabète
problème dans ses termes jusqu’au
Diminution des décès dus aux cancers liés à l’obésité bout.
✔ Utiliser les moyens verbaux ou non
verbaux, pour encourager la
‚ Complications aussi positivement la qualité de vie. Les personne à formuler l’exposé de sa
Il faut savoir que le poids joue un rôle, en valeur inconvénients physiologiques liés à l’obésité, en plainte (facilitation).
absolue, mais que c’est surtout la prise pondérale, particulier lorsqu’elle est massive, affectent les ✔ Rechercher s’il y a d’autres
donc le caractère dynamique de la courbe de poids, fonctions physiques et psychosociales. Les problématiques en utilisant une
qui a une place prépondérante. handicaps fonctionnels, énumérés ci-dessous, sont question ouverte, par exemple :
L’hypertension artérielle par exemple, progresse difficilement vécus, et contribuent probablement à la « quoi d’autre ? ».
avec la prise pondérale, en particulier lorsque la mortalité accrue des hommes massivement obèses, ✔ Déterminer avec le patient
graisse est localisée au niveau de l’abdomen. Le due, en partie, à divers accidents fatals. Les obèses
le domaine à traiter en priorité.
risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) est massifs ont de la peine à accomplir un travail lourd.
✔ Vérifier et reformuler les plaintes.
lui-même lié à l’élévation de la pression artérielle, L’absentéisme et l’incapacité à être employé à temps
comme les maladies coronariennes où la complet augmentent lorsque le poids s’accroît. Pour
dyslipidémie est également impliquée. En ce qui 90 obèses massifs interrogés par Larsen, les scores – maladies (comorbidité, endocrinopathie) ;
concerne ces dernières, l’étude prospective effectuée de qualité de vie les plus mauvais concernaient – poids minimal et maximal au cours de la vie,
pendant 16 ans chez plus de 95 000 infirmières l’achat des vêtements et le fait de se trouver en phase d’évolution actuelle (ascendante,
américaines, a montré une relation linéaire entre la public. La solitude et l’isolement social des obèses, descendante, poids stable) ;
prise pondérale et les coronaropathies (deux fois principalement des femmes, sont sources de – quel poids a été maintenu, sans régime et sans
plus de risques avec un BMI de 30 kg/m2 qu’avec un souffrance qui doivent être prises en compte [6]. TCA, et à quel moment de la vie ?
BMI inférieur à 23 kg/m2), le diabète, la mortalité – y a-t-il une restriction alimentaire ?
générale, ainsi que le cancer du sein postménopausi- Il conviendra d’évaluer le fonctionnement
que [4]. À l’opposé, une perte pondérale de 10 kg Altérations communes des fonctions
psychologique du patient. Nombre d’obèses sont
entraîne de nombreux avantages (tableau III). naturelles chez l’homme obèse massif
anxieux ou déprimés. Les échelles d’anxiété et de
Ces données concernent les cas d’obésité avérée. ✔ Dyspnée.
dépression (exemple : Hamilton) peuvent être utiles
Une étude norvégienne, citée par D Bourque, menée ✔ Troubles du sommeil.
à ce moment-là.
pendant 10 ans sur 1,8 million de personnes, ✔ Faim pathologique.
La motivation du patient va être déterminante. Le
indique que les femmes qui vivent en moyenne le ✔ Difficultés sexuelles.
vrai sens de sa demande devra être décrypté.
plus longtemps, ont un BMI de 26 à 28 kg/m2 [2]. ✔ Transpiration excessive.
Ne pas tenir compte de la demande, notamment
✔ Incontinence urinaire (femmes). dans sa dimension psychologique, en proposant
‚ Obésité et qualité de vie ✔ Incapacité à se laver soi-même. une réponse strictement alimentaire expose à des
La perte pondérale n’a pas que des effets
✔ Diminution de la liberté de déconvenues prévisibles.
favorables physiques et métaboliques : elle influence mouvements.
Enquête alimentaire et comportementale


Il ne s’agit pas là seulement de connaître ce que le
L’obésité est un facteur de risque Clinique patient mange, mais aussi comment et dans quel
pour : contexte psychosocial il s’alimente. Ces informations
✔ l’hypertension artérielle ; devront être prises en compte lors des recommanda-
✔ l’hypercholestérolémie ; ‚ Entretien tions thérapeutiques.
✔ l’hypertriglycéridémie ; L’entretien a trois fonctions essentielles : la récolte La remise d’un carnet alimentaire sera
✔ les accidents vasculaires cérébraux d’informations, la gestion des émotions, la accompagnée de recommandations précises. Le
(AVC) ; préparation à l’observance thérapeutique. patient doit inscrire, tout de suite après avoir mangé
✔ la coronartopathie ; On s’attachera d’abord à savoir s’il existe des cas
✔ le diabète de type II ; d’obésité ou de diabète de type II dans la lignée
✔ certains cancers ; paternelle ou maternelle. Il faudra distinguer :
✔ les calculs biliaires ; L’évolution du poids devra être connue : ✔ une demande personnelle, directe,
✔ l’arthrose ; – âge d’apparition de l’excès pondéral (enfance : somatique ;
✔ les affections respiratoires à quel âge s’est produit le « rebond » d’obésité qui est ✔ une demande indirecte,
(particulièrement le ronflement et les susceptible de déterminer l’obésité de l’adulte, psychologique, vraie (concerne
apnées du sommeil) ; adolescence, âge adulte) ; le poids lui-même), ambiguë ou
✔ les complications d’anesthésie ; – rôle des événements marquants (mariage, déplacée (défense qui masque
✔ les blessures par accident ; grossesse[s], divorce[s], deuil[s], service militaire, la réalité psychologique), selon que
✔ l’hypertrophie prostatique ; opération[s]) ; la modification souhaitée passe ou
✔ les troubles du cycle menstruel. – arrêt du sport ou du tabac, changement non par un changement pondéral.
d’activité physique (achat d’une voiture) ;

3
3-0780 - Obésité

et non le soir ou le lendemain, l’heure, le type


d’aliments, son poids ou sa quantité (par exemple : Tableau IV. – Risques de complications méta- Selon l’orientation clinique :
boliques liées au tour de taille.
40 g de fromage, deux tranches de pain bis, une ✔ TSH (thyroid stimulating
demi-plaque de chocolat) qu’il a consommé. Il Risque Risque hormone) ;
Sexe
pourra être utile de savoir également si la prise accru substantiellement accru ✔ test de freinage à la dexaméthasone
alimentaire s’est faite en solitaire ou en société. Le (cortisol plasmatique à jeun, entre
Homme ≥ 94 cm ≥ 102 cm
carnet doit couvrir 2 à 4 semaines au moins, afin de 7 et 8 heures après avoir pris 1 mg
prendre en considération les fêtes, les anniversaires Femme ≥ 80 cm ≥ 88 cm
de dexaméthasone à minuit) ;
et autres sorties. Les informations recueillies seront ✔ si TCA : potassium, chlore, fer,
quantitatives, qualitatives (graisses cachées, alcool), ferritine ;
et concerneront la répartition de la prise alimentaire On notera en particulier : ✔ si suspicion d’un syndrome d’apnée
dans la journée. ✔ la taille et le poids : pour calculer du sommeil, appelé autrefois
L’enquête alimentaire devra être discutée avec le le BMI ; syndrome de Pickwick : oxymétrie
patient, à la fois dans une perspective cognitive ✔ le tour de taille (cf supra), plus nocturne.
(révélant, par exemple, l’importance de la simple à mesurer que le rapport
consommation de graisses cachées que le patient taille/hanches, dont les normes sont :
peut tout à fait ignorer), et comportementale. On pour la femme, inférieur à 0,85 ; du surpoids et le surpoids maximum atteint,
recherchera de manière plus directive les grandes l’hyperphagie ou les TCA éventuels, le rôle joué (ou
pour l’homme, inférieur à 1 ;
erreurs alimentaires, surtout s’il y a eu un récupéré) par le « gros corps », la structure
✔ la tension artérielle, mesurée avec
changement de mode de vie. Le patient prend-il psychologique qui sous-tend la demande de maigrir,
un brassard long adapté à la
régulièrement un petit déjeuner ? Consomme-t-il le caractère statique ou dynamique de la courbe
circonférence du bras ;
suffisamment de glucides complexes, de légumes pondérale, l’importance de la pression sociale ou
✔ les stigmates d’endocrinopathie
cuits pour lui assurer des fibres en suffisance ? médicale qui s’exerce sur le patient, le nombre, les
Mange-t-il au moins quatre aliments par repas pour
(thyroïdienne, surrénalienne) ;
types et les résultats des tentatives antérieures, tous
atteindre un équilibre et une diversité nécessaires ?
✔ palpation des testicules chez
ces items et leurs combinaisons sont d’importance
Sait-il combien de temps lui dure un litre d’huile ou l’adolescent et l’homme jeune :
décisive pour le traitement.
une livre de beurre ? etc. recherche d’un hypogonadisme ;
Il convient de les segmenter, selon que le patient
L’enquête permettra d’avoir une première ✔ les troubles cutanés : mycose,
est un homme ou une femme, que l’obésité est
évaluation du comportement alimentaire, en infection des plis ;
ancienne ou récente, qu’il existe ou non des TCA.
repérant les consommations prandiales et ✔ les signes évoquant le yo-yo
extraprandiales, sous forme de grignotages, pondéral : perte de l’élasticité Dans l’obésité récente
compulsions ou boulimie (pour plus de détails sur la cutanée, tablier graisseux,
vergetures ; Les facteurs déclenchants peuvent faire écho à un
valeur signifiante et adaptative de ces troubles, se
événement antérieur qui peut avoir trait aux
référer au chapitre « Troubles du comportement ✔ l’examen de la statique et de la
antécédents familiaux. C’est le cas de la femme
alimentaire »). mobilité de la colonne, des hanches
mince jusqu’à 25-30 ans, qui prend 30 kg lors de ses
Lorsqu’un tel trouble est présent, il est possible et des genoux.
grossesses. On découvre alors que sa mère a eu une
que sa gravité impose le recours à un psychiatre ou
trajectoire identique. On peut parler de « génétique
à une équipe pluridisciplinaire spécialisée dans les
‚ Bilan biologique permissive », qui ne se manifeste dans le phénotype
comportements alimentaires, avant d’envisager une
qu’à l’occasion d’événements particuliers, ici les
intervention diététique.
grossesses.
En effet, tant que l’aspect compulsif des
comportements alimentaires et les états
Routine : Toujours dans l’obésité récente, la découverte
émotionnels qui les sous-tendent (anxiété,
✔ hémogramme ; d’une décompensation psychologique, manifeste ou
dépression, dévalorisation) n’ont pas été abordés, il ✔ glycémie à jeun (à contrôler deux latente (des symptômes d’anxiété ou de dépression
fois si pathologique) ; se rencontrent chez deux sujets sur cinq), va justifier
est inutile de s’attaquer au problème du poids. Ce
✔ acide urique ; un traitement spécifique qui améliorera
faisant, il faudrait éviter que le patient ne vive
✔ bilan lipidique (cholestérol total, considérablement le pronostic.
l’abstention du traitement diététique comme un
cholestérol-HDL, triglycérides) ; Bien évidemment, il faut aussi tenir compte de
rejet, phénomène que tout obèse a vécu à plusieurs
✔ gamma-GT (éventuellement l’activité physique et des modifications du
reprises dans sa vie, et qui ne peut que péjorer sa
transaminases, à cause de la comportement alimentaire, en sachant que ces
condition, en renforçant sa culpabilité et sa réticence
fréquence des stéatoses hépatiques) ; éléments ne jouent un rôle que s’ils rencontrent des
vis-à-vis des médecins. Ne pas vouloir agir sur le
✔ chez la femme statut du fer (il n’est prédispositions génétiques.
poids momentanément ne dispense d’ailleurs pas
de proposer un style de vie sain. pas rare que les obèses soient
Dans l’obésité ancienne ou enkystée
Enfin, il conviendra d’évaluer l’activité physique, pléthoriques et dénutris).
sans oublier que celle-ci, contrairement aux apports Outre les facteurs précédents qu’il aura fallu
alimentaires souvent sous-estimés lors de l’entretien, rechercher par une anamnèse soigneuse, il faudra
a tendance à être surévaluée par le patient.

‚ Bilan somatique
Il faut pratiquer un examen clinique complet.
‚ Bilan

Traitement
tenir compte des traitements antérieurs et des
restrictions qui sont venues alimenter les résistances
à la fois somatiques et psychosomatiques (le sujet
a-t-il réussi à maintenir une phase de poids stable ?
Chez l’enfant ou l’adolescent obèse, il importe de a-t-il connu une période de minceur (« obèse
mesurer la taille. Sachant que l’obésité de l’enfant Lorsque le médecin se retrouve en fin de mince »), ou s’y est-il senti heureux ? (désir réalisé est
s’accompagne plutôt d’une avancée staturopon- consultation, il dispose d’un grand nombre souvent désir perdu).
dérale, la découverte d’une petite taille chez un d’informations qu’il doit traiter en les classant. Le rôle des fluctuations pondérales est encore
enfant ou un adolescent obèse justifie le recours à Les antécédents familiaux, l’âge et les contesté. Il semble toutefois qu’en terme de
l’endocrinologue (tableau IV). circonstances d’apparition de l’obésité, l’ancienneté longévité, une variation pondérale de plus de 10 %

4
Obésité - 3-0780

du poids est associée à une plus forte mortalité, au


contraire d’une prise pondérale modérée au cours Afin de ne pas nuire, on suggérera :
Restriction
de l’âge adulte [8]. ✔ l’équilibre alimentaire, selon le
Les obésités enkystées sont souvent celles où les principe de la pyramide alimentaire
Faim Satiété Culpabilité
complications prédominent, et pour lesquelles les (beaucoup de légumes, deux à trois
objectifs du traitement sont différents de ceux de fruits par jour, des féculents à
Rupture du
l’obésité récente. On devra se décider alors entre : chaque repas, peu de graisses régime
– le maintien du poids, en se focalisant sur le saturées mais une à deux cuillerées
traitement des complications, et en tentant d’aider le à soupe d’huile par jour, des 1 Cercle vicieux des régimes trop restrictifs.
patient à se réconcilier avec lui-même ; protéines en suffisance mais sans
– une perte modérée du poids (10 % du poids excès (60 à 90 g/j, selon la taille) ; C’est un des avatars de nos sociétés que d’avoir
initial), dont il faudra suivre attentivement la ✔ la correction des erreurs réservé de moins en moins de place aux
stabilisation prolongée (au moins 1 à 2 ans). alimentaires (qualitatives) et une mouvements, et cela peut être mis en parallèle avec
Lorsque les TCA dominent le tableau, comme restriction légère à modérée, à la véritable épidémie d’obésité que nous
c’est souvent le cas chez la femme jeune, il faudra
condition que le sujet ait un poids connaissons. Les effets pernicieux de la diminution
aider le sujet à accepter que le traitement de la masse maigre sont, malheureusement,
stable depuis 3 à 6 mois, qu’il ne
psychologique prime sur la perte pondérale. toujours encore trop négligés.
présente pas de TCA ni de difficultés
Dans l’obésité massive et la super-obésité psychologiques qui nécessiteraient
un traitement idoine en première ‚ Abord psychologique
Il ne faudra pas oublier la part psychologique. Ces
sujets ne sont pas qu’une forteresse pleine : ils ont
intention. Au stade initial de la prise en charge, il faut que le
médecin et les patients se mettent d’accord sur le
aussi une histoire, des sentiments, une fragilité liée
type de traitement et son application. Il s’agit d’une
aux nombreux échecs et rejets qu’ils ont endurés, ‚ Activité physique forme de projet où l’on négocie un objectif à long
« comme si maigrir était une question de régime »
Plus le BMI augmente, plus celle-ci est difficile. Ce terme, qui risque de décevoir un patient pressé, et
disait A Zamberlan. Pour celle-ci, l’aide du monde
n’est donc pas tant à faire du sport qu’à bouger plus parfois plein d’illusions malgré ses échecs passés.
médical ne s’applique pas seulement à la perte
qu’il faudra inciter le sujet, par exemple, en Cette forme de contrat doit éviter de se focaliser sur
pondérale, mais surtout à la reconnaissance du
choisissant les escaliers au lieu de l’ascenseur, ou en le poids.
corps, à l’écoute patiente, à la déculpabilisation, à la
possibilité de retrouver la confiance en soi abolie. On descendant du bus une station plus tôt que la Certes, la perte pondérale fait partie des buts à
pourrait dire que plus on est obèse, plus l’aide destination prévue. atteindre, mais, pour assurer le maintien de celle-ci, il
psychologique, et parfois celle du psychiatre, sont Avoir une activité physique aide à maigrir et faut mettre l’accent sur les changements à long
nécessaires. inversement. Le régime seul entraîne une perte de terme. Le patient doit faire connaître quelles sont les
Enfin, dans les items qu’il ne faudra pas cesser de masse maigre en plus de la perte de graisse, alors modifications, même minimes, qu’il se sent prêt à
prendre en compte, il y aura : que l’activité physique permet de maintenir celle-ci, appliquer sa vie durant. Cette attitude est loin de
– l’âge du rebond pondéral (si ce dernier a voire de l’augmenter. Le métabolisme de base celles où tous les sacrifices sont consentis, pendant
existé) ; augmentera parallèlement, même au repos. une période brève, pour une perte pondérale
– la courbe pondérale et ses charnières ; Il faut aussi prendre garde à la durée de l’effort : rapide..., qui sera suivie d’une reprise de poids dès le
– le comportement alimentaire, en terme de plus elle se prolonge, plus les graisses sont brûlées. retour aux habitudes antérieures.
vitesse d’absorption de la nourriture, de Pour inciter à l’activité physique, il faudra prendre Pour une obésité simple (non compliquée par une
rassasiement et de satiété. le temps d’expliquer au sujet que ce qu’il perçoit comorbidité), il faut envisager de voir le sujet au
d’abord comme une contrainte, risque bien de se moins une fois par mois. S’il y a nécessité d’une
‚ Buts transformer en plaisir, au bout de quelques relation de soutien, voire d’une thérapie à visée
Il faudra donc tenir compte : semaines. psychologique, il faut augmenter cette fréquence à
– de la demande ; une consultation tous les 15 jours.
– du sujet ; En ce qui concerne d’autres aspects spécifiques de
En pratique, on proposera : la prise en charge psychologique, il faut parfois
– de la pathologie (comorbidité) ;
✔ une activité physique au quotidien, passer la main.
– de la famille ;
– de l’environnement socioéconomique.
comme la marche, pour totaliser On peut citer quelques unes de ces thérapies.
Le traitement ne passe pas forcément par la perte
30 à 60 min/j ; L’approche cognitivocomportementale
pondérale. Il sera souvent plus utile de viser la
✔ une activité physique d’intensité comporte un volet cognitif touchant, par exemple, la
stabilisation du poids et la correction des erreurs, moyenne, en aisance respiratoire (le régulation pondérale ou l’utilisation des substrats.
qu’elles soient alimentaires ou du style de vie. patient doit pouvoir parler pendant On pourra expliquer au patient le cercle vicieux des
qu’il bouge). Ceci permet d’obtenir régimes trop restrictifs (fig 1).
‚ Méthodes : la diététique une véritable endurance ; Le volet comportemental utilise une méthode
Plus qu’un seul traitement diététique, c’est toute ✔ au préalable, un examen progressive, basée sur le carnet alimentaire et la
l’hygiène de vie qu’il faut envisager. Certains sujets cardiovasculaire, voire une épreuve gestion des émotions, permettant de repérer les
ont un style de vie défavorable, qui a joué un rôle d’effort, et un bilan locomoteur ; déclencheurs de certains comportements
dans leur prise pondérale. Il faut pouvoir les ✔ une activité physique, en fonction alimentaires et les stratégies pour y faire face.
distinguer, et leur proposer une prise en charge à la des goûts et de la faisabilité, avec On peut encore citer l’approche systémique ou
fois comportementale et diététique. une progression adaptée à la familiale, l’approche psychothérapique, qui va de
Après la démonstration des échecs du traitement condition physique ; la psychothérapie de soutien aux thérapies
de l’obésité, il est recommandé d’éviter les régimes ✔ la régularité : trois à sept fois par d’obédience analytique, à la psychanalyse
restrictifs : la restriction entraîne bien une perte semaine, en commençant par de elle-même, au traitement individuel ou en groupe.
pondérale, mais ne permet pas une issue petites séances dont on augmente la On peut dire, en tout cas, que la multiplicité des
thérapeutique à long terme. À vrai dire, nous durée progressivement. approches thérapeutiques témoigne de l’inefficacité
n’avons pas de traitement efficace de l’obésité. relative de chacune d’entre elles.

5
3-0780 - Obésité

‚ Médicaments ou neuropeptide, risque de compliquer plus que de


simplifier la tâche du clinicien, demandant des Erreurs à ne pas commettre
Dans l’utilisation des psychotropes, il faut savoir
connaissances beaucoup plus précises et diversifiées ✔ Ne pas tenir compte de la demande
d’abord que les benzodiazépines ne se justifient que
lors d’anxiété importante et douloureuse, de façon
que celles qui ont permis jusqu’ici de traiter les sujets réelle, profonde et subjective du
obèses. sujet.
transitoire, et dans l’idée de passer un cap. Ce n’est,
en aucun cas, un traitement de fond que l’on peut ✔ Prescrire d’emblée un régime
‚ Chirurgie
poursuivre pendant des années. En revanche, on restrictif (la mauvaise adhérence au
Dans l’obésité massive, lorsque tout a été tenté à régime restrictif favorise les
peut aussi les utiliser comme déconditionnement de
plusieurs reprises et que la perte pondérale est rechutes, via les TCA, qui émaillent
passage à l’acte en réponse à des stimulations non
impossible à maintenir, ou même à atteindre, la le parcours des obèses.
spécifiques, mais seulement pour une brève durée.
chirurgie est le dernier recours. Son effet sur ✔ Méconnaître des symptômes
Antidépresseurs l’amélioration de la qualité de vie des patients très psychologiques comme la dépression
obèses a été démontré. Il est beaucoup plus marqué
La dépression franche, chez les obèses, justifie un ou l’anxiété.
que lors de régimes. Les résultats à court terme de la
traitement par un médicament antidépresseur, en ✔ Croire qu’une prescription
gastroplastie verticale en bandes, du « gastric
association avec d’autres mesures thérapeutiques. Le médicamenteuse, quelle qu’elle soit,
banding » ou du bypass gastrique sont en général
meilleur antidépresseur est, pour un médecin donné, puisse remplacer le soutien et
bons, aussi bien sur la santé physique et la
celui qu’il possède le mieux, sachant que tout patient l’accompagnement tout au long du
comorbidité que sur l’état psychique. À long terme,
déprimé qui n’est pas amélioré après un traitement à traitement.
les résultats diffèrent selon les études, et l’on attend
doses convenables, doit être adressé au psychiatre. Ce
les conclusions des divers protocoles prospectifs en
sont les antidépresseurs sérotoninergiques (fluoxétine, ne fait pas l’unanimité, car elle doit tenir compte à la
cours un peu partout dans le monde. Les
fluvoxamine, paroxétine, citalopram, sertraline) qui fois de l’hérédité, de l’environnement, de la
complications, comme l’anémie ou les déficits
présentent l’avantage d’une meilleure tolérance psychologie individuelle, familiale et sociale, de
vitaminiques, peuvent être contrôlées par un suivi
d’ensemble et d’une action plus nette sur l’impulsivité l’importance de la souffrance et de la pression de la
attentif. Le patient doit être informé des résultats
qui préside au TCA. Le fait d’introduire un produit demande, de la gravité des complications
attendus, des complications éventuelles, du type
capable d’augmenter l’inertie d’un système laisse un métaboliques et somatiques, bref du projet qui aura
d’alimentation et de son contenu en graisses à suivre
temps à la représentation, la mentalisation, et donc à pu être élaboré à l’issue des trois ou quatre
après l’opération (celle-ci doit être effectuée par une
la possibilité d’une prise ou d’une emprise consultations préalables à toute mesure thérapeutique
équipe pluridisciplinaire expérimentée), ainsi que des
psychothérapique. Par là même, ces produits visant à s’inscrire dans la durée. Tout amaigrissement
contrôles à poursuivre la vie durant sont
permettent, à court et moyen terme, une action sur les amène à des réajustements psychologiques que le
indispensables.
TCA, alors que l’état dépressif n’est ni manifeste, ni médecin doit pouvoir anticiper et expliquer à son
latent (voir chapitre « Troubles du comportement patient. Citons pêle-mêle : la modification d’attitude de
alimentaire »).

Perspectives du traitement médicamenteux


Des médicaments pour traiter l’obésité ont existé,

Indications des traitements

La combinaison de différentes mesures


l’entourage, l’érotisation du corps et l’expression de
l’agressivité qui n’est plus filtrée pas le tissu adipeux
isolant. Mentionnons aussi le risque de syndrome
anxiodépressif et de perturbation de l’image du corps,
et ont disparu. D’autres médicaments seront thérapeutiques sera proposée chaque fois que d’obésité fantôme en particulier. Tout le programme
commercialisés prochainement, dont certains sont possible. Une meilleure diététique et hygiène de vie, proposé ne peut s’accomplir si l’on ne se respecte pas,
manifestement des médicaments novateurs, et un abord psychologique a minima, et une certaine si on ne s’aime pas. Or, les obèses souvent ne s’aiment
d’autres des molécules proches des amphétami- activité physique, ne devront jamais manquer. pas. Le travail du médecin est sans doute aussi de leur
niques. Le développement futur des produits Pour rentrer dans le détail des indications, il faudrait apprendre à s’aimer tels qu’ils sont, pour pouvoir
spécifiques, ciblés sur tel ou tel neurotransmetteur proposer une typologie des obésités qui, pour l’instant, accéder à un changement éventuel.

Anne Laurent-Jaccard : Médecin-adjoint,


polyclinique médicale universitaire de Lausanne, 19, rue César-Roux, CH 1005 Lausanne, Suisse.
Bernard Waysfeld : Assistant,
ancien chef de clinique, unité d’endocrinologie-nutrition, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Laurent-Jaccard et B Waysfeld. Obésité.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0780, 1998, 6 p

Références

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1993 ; 43 : 1908-1910
[2] Bourque D. À 10 kg du bonheur. Paris : Édition de l’homme, 1991 : 1-136
[7] Levy E, Levy P, Le Pen C, Basdevant A. The economic cost of obesity : the
[3] Cohen-Cole SA. The medical interview. The 3-function approach. Saint french situation. Int J Obesity 1995 ; 19 : 788-792
Louis : Mosby-Year Book, 1991
[8] Reubin A, Muller DG, Sorkin JD. Long term effect of change in body weight
[4] Colditz GA, Manson JC, Hankinson SE. The Nurses Health Study - 20 years on all cause mortality. A review. Ann Intern Med 1983 ; 119 : 737-743
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therapeutic importance. In : Ailhaud G, Guy-Grand B, Lafontan M, Ricquier D [10] Rosenbaum M, Leibel R, Hirsch J. Obesity. N Engl J Med 1997 ; 337 :
eds. Obesity in Europe. London : John Libbey Eurotext, 1992 : 417-420 396-404

6
3-0820

Place des nouveaux hypoglycémiants 3-0820


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

oraux dans la stratégie


thérapeutique du diabète de type 2
JF Blicklé

L ’amélioration du contrôle glycémique du diabétique de type 2 passe par une utilisation optimale de l’ensemble
des moyens thérapeutiques à la disposition du clinicien. L’introduction récente de la classe des glinides,
insulinosécrétagogues d’action rapide et brève, et de celle des thiazolidinediones ou glitazones, qui agissent comme
des insulinosensibilisateurs, offre des alternatives à l’association classique sulfamide-metformine.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : diabète de type 2, inhibiteurs des a-glucosidases, glinides, thiazolidinediones.


Introduction

Après 40 ans d’hégémonie des sulfamides


Tableau I. – Objectifs glycémiques et adaptation thérapeutique dans le diabète de type 2.

Hémoglobine A1c
(%)
Glycémie moyenne
(g/L)
Adaptation thérapeutique

hypoglycémiants (SH) et de la metformine (Met), ≤ 6,5 ≤ 1,20 Maintenir le traitement en cours sauf si hypoglycémie ou élé-
l’arsenal thérapeutique du diabète de type 2 s’est ment clinique nouveau
enrichi en 1994 avec la mise sur le marché du 6,5-8 1,20-1,80 1) Évaluer le rapport bénéfice/risque et la marge thérapeuti-
premier inhibiteur des a-glucosidases (IAG), que (âge, affections associées, risque d’hypoglycémie...)
l’acarbose, ouvrant la voie au concept de régulation 2) Renforcer l’observance
de la glycémie postprandiale (GPP) [1]. Toutefois, 3) Renforcer le traitement oral
malgré un mécanisme d’action original, cette classe
>8% > 1,80 Renforcement thérapeutique indispensable
thérapeutique conserve une place relativement
marginale. Plus récemment, le répaglinide, premier
représentant des glinides, a fait son apparition [2]. Lui performance, valeurs normales : 4,4 à 6 %). Si le
aussi se positionne clairement comme un régulateur dosage de l’HbA1c est ininterprétable (hémoglobino-
de la GPP mais, à la différence des IAG qui sont pathie, anémie hémolytique, saignements répétés,
complémentaires des SH et de la Met, cet saignées, hypersplénisme…) ou si un dosage fiable Insuline seule
insulinosécrétagogue d’action rapide et brève entre n’est pas disponible, il convient de se référer aux
en concurrence directe avec les anciens SH. Enfin, valeurs de la glycémie en sachant que ce paramètre Insuline + traitement oral
plus récemment encore, la classe des thiazolidi- est beaucoup plus variable d’un jour à l’autre et que
nediones (TZD) ou glitazones a été admise en la glycémie à jeun (GAJ) n’en représente qu’une Association d’antidiabétiques oraux
Europe [2]. Les conditions de prescription de ses deux composante (tableau I). Monothérapie par voie orale
représentants, la rosiglitazone et la pioglitazone, sont La diététique représente avec l’activité physique la
actuellement limitées, mais le potentiel de cette base de la thérapeutique (fig 1). Lorsqu’elle ne Régime et activité physique
classe apparaît extrêmement prometteur si aucune permet pas d’atteindre l’objectif au bout de 3 mois
donnée inattendue de pharmacovigilance à long ou qu’elle devient insuffisante à le maintenir, la mise 1 Stratégie générale de prise en charge du diabète
terme ne vient en freiner le développement. en place d’une monothérapie devient nécessaire. En de type 2.
raison de sa supériorité démontrée chez les patients
en surpoids [8], la Met doit être donnée en première Si la monothérapie ne permet plus d’obtenir ou


Stratégie thérapeutique générale
du diabète de type 2
intention si l’indice de masse corporelle (poids/taille2)
excède 28. En cas d’intolérance ou de contre-
indication à ce traitement ou chez les sujets de poids
normal, le choix est laissé à l’appréciation du
de maintenir le résultat escompté, il convient dans
un premier temps de vérifier l’observance diététique
et des prises médicamenteuses. Si l’HbA1c reste
supérieure à 6,5 %, le recours à une association
Le diabète de type 2 est une maladie évolutive clinicien. Logiquement, une hyperglycémie à jeun thérapeutique devient nécessaire. Classiquement,
nécessitant une adaptation thérapeutique fait choisir la Met ou à défaut un SH, des signes celle-ci repose sur un SH et la Met, mais les nouvelles
continuelle face à son évolution spontanée vers d’insulinopénie un SH, tandis qu’une hyperglycémie molécules offrent actuellement des alternatives
l’aggravation de l’hyperglycémie et à l’apparition à prédominance postprandiale oriente vers intéressantes.
éventuelle de complications [7]. Les recommanda- l’utilisation d’un IAG chez le patient en surpoids ou Lorsque, sur la base d’un suivi trimestriel, la
tions actuelles [5] vont dans le sens d’additions d’un glinide chez un patient de poids normal. bithérapie s’avère insuffisante à maintenir l’objectif
thérapeutiques successives avec l’objectif, ambitieux La posologie de la monothérapie est ajustée de glycémique, l’heure de l’insulinothérapie a sonné. En
mais probablement justifié en ce qui concerne la façon progressive en fonction de sa tolérance et de général, du fait de sa bonne acceptation, de la facilité
France, de maintenir une hémoglobine (Hb) A1c son efficacité, suivie initialement, du fait de la lenteur de sa mise en place et de la simplicité de l’adaptation
inférieure ou égale à 6,5 % dans le cas général de réaction de l’HbA1c, sur les cycles glycémiques et des doses d’insuline sur la seule GAJ, c’est
(dosage en chromatographie liquide à haute éventuellement l’autosurveillance. l’insulinothérapie au coucher (bed-time) en

1
3-0820 - Place des nouveaux hypoglycémiants oraux dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2

Tableau II. – Inhibiteurs des a-glucosidases disponibles en France.

Dosage par cp Dose maximale Effet attendu sur l’HbA1c


DCI Nom commercial Précautions d’emploi
(mg) recommandée (mg) aux posologies maximales
Acarbose Glucort 50 - comprimés à avaler ou croquer au début du repas
300 - 0,75 %
100 - augmentation très progressive de la dose
Miglitol Diastabolt 50 - comprimés à avaler ou croquer au début du repas
300 - 0,75 %
100 - augmentation très progressive de la dose

DCI : dénomination commune internationale ; cp : comprimé ; Hb : hémoglobine.

association à un traitement antidiabétique oral qui a


Tableau III. – Caractéristiques pharmacocinétiques du répaglinide chez le diabétique de type 2.
la préférence. Cette stratégie limite de plus le risque
d’hypoglycémie et de prise de poids potentiellement Tmax : 1,0 à 1,4 heure pour des doses de 0,5 à 4 mg
délétère à long terme. L’administration de l’insuline T1/2 : 1,0 à 1,4 heure
au coucher (vers 22 h 30) peut néanmoins poser un Cmax (2 mg) : 2,60 ± 13,0 ng/mL
problème chez des patients ayant une autonomie Liaison aux protéines : ≈ 98 %
réduite et dépendants du passage d’une infirmière, Métabolisme hépatique, métabolites inactifs
ou chez ceux ayant une vie nocturne active. Le Élimination rapide 90 % par voie biliaire, 8 % par voie rénale
second inconvénient tient au profil d’action de Pharmacocinétique peu influencée par la prise alimentaire, l’âge, l’insuffısance rénale
l’insuline NPH habituellement utilisée dans ce
schéma, qui conduit à un risque non négligeable par la diététique et ayant de façon prépondérante ayant une hyperglycémie postprandiale marquée et
d’hypoglycémie vers 3 heures du matin si l’on une hyperglycémie postprandiale, en sachant que la une GAJ peu élevée. Il peut être avantageux par
cherche une correction parfaite de la GAJ. La mise Met garde une priorité chez le patient en surpoids. rapport aux SH d’action longue chez les patients
sur le marché de la glargine (Lantust), un analogue En seconde intention, ils peuvent être utilisés en ayant des horaires d’alimentation irréguliers ou une
lent de l’insuline, devrait résoudre ces deux association avec la Met chez des patients en activité physique épisodiquement intense. A priori, il
problèmes du fait de sa durée d’action plus longue et surpoids chez lesquels on préfère retarder le recours représente un insulinosécrétagogue intéressant chez
de son profil plus plat permettant son administration à un SH du fait d’un effet potentiellement délétère le sujet âgé, mais son utilisation au-delà de 75 ans
à l’heure du dîner et peut-être d’éviter l’échappement sur le poids ou chez les patients traités par SH n’est pas validée. D’autre part, en raison de son
glycémique en cours de journée lié à une présentant une intolérance à la Met. Dans ces deux élimination essentiellement biliaire, il peut trouver
insulinosécrétion insuffisante en période indications, les IAG entrent actuellement en une place dans le traitement de sujets diabétiques de
postprandiale. Lorsque celui-ci survient, le recours à concurrence avec les TZD. type 2 en insuffisance rénale modérée.
une insulinothérapie conventionnelle, voire Les IAG sont fréquemment utilisés en trithérapie, L’association à la Met représente probablement
intensifiée, devient nécessaire. mais il est rare que cette association permette de sa meilleure indication, les deux molécules agissant
Il est possible que la classe des TZD ouvre des différer grandement le passage à l’insuline de sorte de façon complémentaire, l’une sur la GAJ, l’autre sur
perspectives de trithérapie qui viendront ajouter d’ici que cette stratégie n’est pas recommandée. la GPP. L’avantage par rapport à l’association
quelques années une étape supplémentaire avant le classique SH et Met tient à l’effet insulinosécréteur
passage à l’insuline. plus rapide et plus bref du glinide, permettant un


Quelle place pour les glinides ?
meilleur contrôle de la GPP et une moindre
insulinisation interprandiale, donc un risque plus


faible d’hypoglycémie à distance des repas et
Quelle place pour les inhibiteurs
des a -glucosidases ? ‚ Modalités de prescription peut-être une moindre prise de poids.
Le répaglinide a également été utilisé en
Le répaglinide (Novonormt), seul représentant de
association avec l’insuline au coucher chez des
cette classe thérapeutique actuellement
patients non contrôlés par une bithérapie orale à
‚ Effets métaboliques commercialisé, agit sur la sécrétion d’insuline par des
posologie maximale.
L’acarbose (Glucort) et le miglitol (Diastabolt), mécanismes assez voisins de ceux des SH [4]. Il s’en
distingue toutefois par ses caractéristiques L’association avec les TZD a été testée, mais
agissant en ralentissant l’absorption intestinale des n’entre pas strictement dans des mentions
glucides alimentaires, peuvent en théorie être pharmacocinétiques (tableau III), le faisant entrer
dans la classe des insulinosécrétagogues d’action d’autorisation de mise sur le marché actuelle de cette
associés à toutes les autres classes thérapeutiques, à classe.
l’exception des glinides eux aussi ciblés sur le rapide et brève. Il doit être administré avant chaque
repas à une dose de 0,5, 1, 2 ou 4 mg, ajustée de Enfin, l’association avec les SH classiques et les
contrôle de la GPP [3].
façon progressive sur le résultat de la GPP. La dose IAG est illogique et non validée. Elle doit de ce fait
Leur effet sur la GAJ et l’HbA1c est en revanche
est habituellement mais non obligatoirement être proscrite.
plus modeste que celui des autres classes
identique aux trois repas principaux. L’avantage du
thérapeutiques (tableau II). Les limitations à leur
répaglinide par rapport aux SH tient à son effet
emploi tiennent surtout à leurs effets indésirables
insulinosécréteur plus rapide et plus bref que celui de


digestifs (météorisme, flatulences, diarrhées), dont la
ces derniers, permettant un meilleur contrôle de la Quelle place thérapeutique
seule prévention efficace consiste en une
GPP et un moindre risque d’hypoglycémie à distance pour les thiazolidinediones ?
augmentation très progressive de la posologie. Les
des repas ou en cas d’omission d’un repas et
IAG n’entraînent pas par eux-mêmes d’hypogly-
peut-être, mais ce point reste à démontrer, de prise
cémie, mais ils potentialisent l’effet hypoglycémiant
pondérale. Son inconvénient tient à une action ‚ Effets métaboliques
des SH et de l’insuline. Le resucrage doit dans ce cas
relativement insuffisante en deuxième partie de nuit
faire appel à du glucose (exemple, tablettes Les TZD représentent une nouvelle classe
à l’origine d’un mauvais contrôle de la GAJ. Son effet
énergétiques) et non du saccharose. d’insulinosensibilisateurs agissant, en activant les
indésirable principal est l’hypoglycémie.
récepteurs nucléaires PPARc, à l’interface entre le
‚ Quels schémas ? ‚ Quels patients et quels schémas métabolisme du tissu adipeux et l’utilisation
Les IAG peuvent être utilisés en monothérapie, en thérapeutiques ? périphérique du glucose ainsi que son métabolisme
prolongement des mesures hygiénodiététiques En monothérapie, le répaglinide s’adresse hépatique [ 6 ] . Deux représentants en sont
initiales chez des patients insuffisamment contrôlés essentiellement aux diabétiques de poids normal actuellement commercialisés (tableau IV).

2
Place des nouveaux hypoglycémiants oraux dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2 - 3-0820

Tableau IV. – Glitazones commercialisées en France.

Posologies Effets attendus Effets sur les paramètres Effets indésirables


DCI Nom commercial Précautions d’emploi
recommandées (mg) sur l’HbA1c (%) lipidiques fréquents
Rosiglitazone Avandiat 4-8 - 0,96 à - 1,36 CT ↑, TG =, HDL-C ↑, LDL-C↑ 1) CI : insuffısance cardiaque - œdèmes
2) Pas d’AMM en monothérapie de - rétention hydro-
première intention et en association sodée
avec l’insuline
Pioglitazone Actost 15-30 - 1,10 à - 1,28 CT , TG ↓, HDL-C↑, LDL-C = 3) Surveillance hépatique la première - prise de poids
année

DCI : dénomination commune internationale ; Hb : hémoglobine ; CT : cholestérol total ; TG : triglycérides ; HDL : high density lipoproteins ; LDL : low density lipoproteins ; CI : contre-indication ; AMM : autorisation de mise sur le
marché.

‚ Indications Pioglitazone (Actost) fait, cette prise de poids n’a pas d’effet délétère sur
la sensibilité à l’insuline des patients et sur leur
Le potentiel des TZD est extrêmement prometteur En association avec la Met ou les SH : 15 mg/j en
équilibre métabolique à long terme.
dans les domaines de la préservation au long cours une prise unique ou 30 mg/j si l’objectif glycémique
de la fonction b-cellulaire et de la prévention n’est pas atteint**, la posologie d’un SH devant ‚ Quelle place thérapeutique ?
cardiovasculaire. Leurs conditions de prescription éventuellement être réduite en cas d’hypoglycémie. Actuellement, les TZD représentent incontesta-
sont toutefois actuellement limitées à la bithérapie* blement une alternative séduisante à l’association
en association avec la Met chez les patients en ‚ Surveillance SH-Met chez des patients obèses.
surpoids insuffisamment contrôlés par la dose Chez le patient de poids normal en échec de
Du fait des accidents d’hépatotoxicité enregistrés
maximale tolérée ou en association avec les SH chez traitement par SH, la Met garde logiquement
avec la troglitazone, retirée de ce fait du marché, un
des patients de poids normal présentant une une place prioritaire en raison de ses effets
dosage des transaminases est recommandé avant
intolérance ou une contre-indication à l’utilisation de bénéfiques démontrés, mais les TZD peuvent
l’instauration du traitement, puis tous les 2 mois au
la Met [2]. L’insuffisance cardiaque, même modérée, trouver leur place du fait des contre-indications et
cours de la première année de prescription. Le
et l’association à l’insuline représentent des des intolérances digestives relativement fréquentes à
traitement doit être interrompu en cas d’élévation cet agent, limitant le recours à des posologies
contre-indications à l’utilisation de cette classe.
des transaminases à plus de trois fois la valeur maximales.
normale ou s’il apparaît des signes cliniques, en
‚ Conditions de prescription L’originalité de la classe thérapeutique des TZD
particulier un ictère. Après la première année, la tient à la possibilité d’une protection b-cellulaire, qui
La prescription des TZD peut actuellement être surveillance des tests hépatiques n’est plus permettrait de maintenir l’efficacité du traitement
initiée par le médecin généraliste, aussi bien que les obligatoire. Il n’est pas certain, au vu des données de antidiabétique oral à long terme, et à des effets
spécialistes en endocrinologie-diabétologie et en pharmacovigilance, que cette recommandation soit pléiotropes potentiellement bénéfiques sur le plan
médecine interne, mais elle relève encore de la maintenue pour la rosiglitazone et la pioglitazone. de la prévention du risque cardiovasculaire de ces
procédure des médications d’exception La prise de TZD s’accompagne assez fré- patients. Il est certain que si les études en cours
(ordonnances 60-3976). quemment d’un certain degré de rétention confirment les données préliminaires actuellement
hydrosodée à l’origine d’une hémodilution et parfois disponibles et qu’aucune alerte de pharmacovigi-
‚ Posologies recommandées d’une pseudoanémie (contrôle de la numération lance ne se fait jour, cette classe devrait voir ses
formule sanguine avant la prescription) et pouvant indications élargies à la monothérapie de première
Rosiglitazone (Avandiat)
favoriser une décompensation chez certains patients intention et éventuellement à la trithérapie.
En association avec la Met : 4 mg/j (ou 2 × insuffisants cardiaques.
2 mg/j) ; 8 mg/j (ou 2 × 4 mg/j) si l’objectif
glycémique n’est pas atteint après 8 semaines.
En association avec les SH : 4 mg/j (ou 2 × 2 mg/j)
avec réduction de la posologie du SH en cas
Les autres effets indésirables fréquents sont les
œdèmes liés à une augmentation de la perméabilité
capillaire et à la rétention hydrosodée, ainsi qu’une
prise de poids par augmentation de la masse grasse

Conclusion

Ces nouvelles classes thérapeutiques ne sont


d’hypoglycémie. liée aux mécanismes d’action même de ce nullement destinées à se substituer aux SH et à la
médicament. Celle-ci s’observe au cours de la Met pour lesquels on dispose de données d’efficacité
première année du traitement et ne concerne que et de tolérance à long terme. Elles offrent toutefois
le tissu adipeux sous-cutané, les dépôts de graisse chez certains patients des alternatives intéressantes
intra-abdominale évoluant favorablement. De ce pour atteindre, en fonction de leur profil
métabolique et de leur rythme de vie, un équilibre
glycémique optimal. Il est possible que dans l’avenir
* Depuis le 28 août 2003, l’AMM de la rosiglitazone et de la le recours à la trithérapie orale, actuellement
pioglitazone a été élargie à la monothérapie de deuxième intention insuffisamment validée, permette de retarder le
(remboursement attendu pour le 2e trimestre 2004). ** AMM européenne récente pour la dose de 45 mg de pioglitazone. passage à l’insuline.

3
3-0820 - Place des nouveaux hypoglycémiants oraux dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2

Jean-Frédéric Blicklé : Professeur, chef de service.


Service de médecine interne, diabétologie et maladies métaboliques, clinique médicale B, Hôpital civil, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JF Blicklé. Place des nouveaux hypoglycémiants oraux dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0820, 2003, 4 p

Références

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4
3-0760

3-0760

Sémiologie du comportement
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

alimentaire
B Waysfeld, A Laurent-Jaccard

L a table régule la prise alimentaire qui se fait sous le regard de l’autre, témoin et garant d’un comportement
« normal ».
© Elsevier, Paris.


‚ Analyse des signaux Rassasiement et satiété
Introduction
Pour chaque phase, l’analyse des signaux permet Le rassasiement se caractérise par la diminution
d’expliquer l’initiation, la poursuite et l’interruption de la prise alimentaire (ralentissement de la vitesse
Un comportement peut se définir comme un de la prise alimentaire. d’ingestion, du nombre de bouchées par unité de
temps).
ensemble de conduites concourant vers un but. En
matière de comportement alimentaire, la finalité est Faim La satiété est une sensation floue qui va, selon les
clairement la survie de l’individu et le maintien de individus, du sentiment de n’avoir plus faim, jusqu’à
C’est un état d’éveil marqué par le besoin. Elle est
l’espèce. Cependant, chez l’homme, l’ensemble des la nausée ou l’assoupissement. La satiété, plus ou
considérée comme normale si elle correspond à une
moins nette selon les individus, peut s’évaluer par les
conduites aboutissant à la prise alimentaire paraît au sensation de vide ou de « creux à l’estomac ». Elle
questions suivantes : « Avez-vous encore faim à la fin
service d’une triple demande : énergétique, peut s’accompagner d’anxiété, de nervosité et
du repas ? Pouvez-vous continuer à manger même
hédonique et symbolique. Les différentes fonctions d’irritabilité. On peut la reproduire par une
quand vous n’avez plus faim ? » La satiété répond à
assurées par l’aliment sont interdépendantes et hypoglycémie, même si sa manifestation spontanée
une cascade de signaux qui se mettent en place
permettent d’obtenir une double homéostasie : n’est habituellement pas contemporaine d’une réelle
progressivement (fig 1).
interne, en assurant l’équilibre énergétique et hypoglycémie. Elle correspond à la question [1] : « Y
nutritionnel, et externe, en régulant les échanges du a-t-il quelque chose à manger ? » Moyens divers
sujet avec son environnement. Ceux-ci permettent une approche semi-
La pathologie du comportement alimentaire Appétit
quantitative du comportement alimentaire. Le
résulte d’une rupture d’équilibre d’une ou de Il correspond à l’envie de manger un aliment ou volume du repas-test varie en fonction de l’état
plusieurs de ces fonctions elles-mêmes intriquées [7]. un groupe d’aliments. Il répond au plaisir métabolique. Il diminue après une précharge qui
prévisionnel attendu des sensations agréables rend le rassasiement plus précoce. On peut mesurer
procurées par la consommation d’un aliment que la salivation provoquée par la vue ou l’odeur d’un


l’on aime. aliment, sachant que cette salivation diminue après
Séquence comportementale : faim,
appétit et satiété

Elle comporte trois phases.


SIGNAUX
Une phase préingestive, caractérisée par un éveil
orienté par la recherche, l’acquisition, la préparation
des aliments et éventuellement leur stockage.
Une phase ingestive, correspondant à la prise Postabsorptifs
alimentaire elle-même, que l’on peut analyser en
termes de structure du repas (volume, choix des
Sensoriels Cognitifs Postingestifs
aliments, rapidité d’ingestion, temps de mastication
et arrêt de la prise alimentaire) et de consommation ALIMENT
en macro- et micronutriments. Précoce
Tardif
Une phase postingestive, correspondant à la
© Elsevier, Paris

RASSASIEMENT Satiété
satiété, état de bien-être et parfois de somnolence.
Durant cette phase, la prise alimentaire est
normalement inhibée, aboutissant à l’intervalle
1 Cascade des composantes de la satiété (selon Blundell).
prandial.

1
3-0760 - Sémiologie du comportement alimentaire

une précharge de fort niveau calorique. Citons nourriture et boit 35 m3 d’eau, dans le même temps, gaspillage énergétique par défaut de protéine
encore l’étude de la microstructure du repas par des sa masse corporelle ne fait qu’augmenter de 10 à découplante, également appelée UCP2 [6], et qu’ils
moyens vidéo informatisés, les échelles d’élévation 15 kg, soit une erreur relative inférieure à 0,25 ‰. étaient davantage prédisposés à l’obésité.
visuelle et les nombreux questionnaires permettant Ainsi, à long terme, il existe bien une adéquation
Contrôle métabolique
d’évaluer les attitudes alimentaires (EAT, Stunkard, entre apports alimentaires et dépenses énergétiques,
Garner et Garfinkel...). Quant à l’alliesthésie décrite seule condition de conservation d’une masse Si à long terme l’état des réserves énergétiques
par Cabannac [3], elle consiste en une modification corporelle constante [4]. informe le cerveau qui modifie en retour la prise
de la perception affective des aliments en fonction alimentaire, à court terme, ce sont les signaux
de l’état énergétique interne du consommateur : une ‚ Régulation de la masse corporelle postingestionnels et postabsorptifs qui assurent le
sensation qualifiée d’agréable à jeun devient moins On sait depuis longtemps que c’est la masse rassasiement et la satiété (signaux sensoriels,
agréable, voire aversive, chez le sujet en réplétion. corporelle, et plus précisément le niveau des hormonaux, nerveux, flux des nutriments) (fig 1). Les
Elle se « négative » et participe ainsi au rassasiement réserves énergétiques, qui est régulée. On peut mécanismes qui sous-tendent le rassasiement sont
qui joue un rôle dans le contrôle régulateur de la donner comme argument le retour au poids initial complexes, nombreux et redondants, des récepteurs
prise alimentaire [5]. de presque tous les obèses soumis à une restriction. posthépatiques à la chimiosensibilité intestinale [5].
L’hypothèse « lipostatique » de la régulation Signalons l’existence d’un rassasiement conditionné
qui repose sur l’établissement de liens mémorisés


pondérale avait déjà été proposée dans les années
Déterminants de la prise 1950 par Mayer. La découverte de la leptine (du grec entre l’image sensorielle des aliments et leurs effets
alimentaire leptos, minceur) est venue étayer cette hypothèse, postabsorptifs, évalués lors des consommations
même si le rôle de cette hormone reste encore antérieures. Le rassasiement sensoriel spécifique
Le comportement alimentaire est déterminé par obscur chez l’homme : la leptine est le modèle d’une décrit le phénomène par lequel l’homme occidental,
un système biopsychologique complexe qui permet hormone produite par les adipocytes, sécrétée dans confronté à un repas varié, va consommer
l’intégration d’informations multiples provenant à la la circulation et agissant sur les systèmes centraux de successivement un peu de chaque aliment,
fois de l’intérieur de l’organisme et de l’environ- la prise alimentaire et du bilan d’énergie. La quantité atteignant pour chacun un rassasiement partiel
nement (fig 2). de masse grasse corporelle paraît le déterminant avant de passer au suivant. La diversité alimentaire
principal des concentrations plasmatiques de leptine est donc source d’hyperconsommation, comme le
‚ Prise alimentaire et balance énergétique démontre le modèle d’obésité expérimentale bien
chez l’animal comme chez l’homme [8].
Si les entrées d’énergie sont intermittentes, les connu du rat « cafétéria ». Le rassasiement sensoriel
sorties sont en partie constantes : dépenses basales Rôle régulateur de la dépense énergétique spécifique ne suffit pas à limiter l’accroissement de la
et thermogenèse, auxquelles il faut ajouter le travail L’homme, comme l’animal, ne peut évacuer prise alimentaire des populations occidentales [4].
mécanique. Toute rupture d’équilibre entre les directement un excès d’apports nutritionnels : Contrôle psychosensoriel
entrées et les sorties entraîne des variations de l’inflation de la masse grasse reste, pour beaucoup
Les sensations gastriques ne semblent pas jouer
masse. Or les variations pondérales de la majorité d’individus, le seul moyen de consommer davantage
le rôle qu’on leur prêtait autrefois dans le
des individus restent minimes : si un adulte entre 20 d’énergie. Des travaux récents ont montré que
comportement alimentaire. La faim n’est pas liée à la
et 70 ans (donc en 50 ans) ingère 25 tonnes de certains sujets avaient des capacités moindres de
vacuité gastrique, et la gastrectomie ne la supprime
pas. En revanche, la palatabilité des aliments
intervient à plusieurs niveaux. Les qualités
organoleptiques des aliments (odeur, couleur, goût,
consistance) génèrent des sensations plus ou moins
Psychologie Réserves énergétiques agréables qui vont définir leur palatabilité forte ou
médiocre. La palatabilité influence la consommation
des aliments. Si elle est élevée, le sujet consommera
Affects Faim Métabolisme de repos davantage d’aliments et pourra même continuer à
Satiété et rendements
manger alors qu’il est rassasié (cas du dessert sucré
Rationalisation hautement palatable).
Les facteurs cognitifs, appelés stimuli, dépendent
Apports Dépenses de l’expérience personnelle, familiale et sociale, et
Métabolisme
alimentaires énergétiques
aboutissent à des conditionnements. On mange plus
parce que c’est l’heure que parce qu’on a faim.
L’affectivité influence encore le comportement
alimentaire : une même émotion ou un conflit de
même nature entraînera chez l’un une hyperoxie,
Disponibilité chez l’autre une anorexie [1].
Appétit

Conditionnement
Apprentissage
(habitudes) Palatabilité
Travail
musculaire
alimentaire

Fonctions du comportement

Le comportement alimentaire assure les besoins


en macro- et micronutriments et participe à
l’équilibre énergétique, assurant aussi la régulation
Environnement du poids corporel.
socioculturel et économique
‚ Besoins en macro- et micronutriments
Ils sont assurés par la sélection des aliments.
L’alimentation doit couvrir les besoins nutritionnels
2 Schéma incomplet des interrelations factorielles intervenant dans la régulation des réserves énergétiques essentiels : protéiques, minéraux, hydroélectroly-
(d’après B Guy-Grand).
tiques et vitaminiques. Parmi ceux-ci, il est notable

2
Sémiologie du comportement alimentaire - 3-0760

que l’apport protéique reste relativement fixe. Quels ‚ Aliment, organisateur des échanges est un haut lieu d’échanges symboliques. Autour de
que soient la latitude et le niveau d’activité, il se situe la table se matérialise une certaine intégration à
entre 11 et 16 % de l’apport énergétique total. Un Le repas pris ensemble joue un rôle d’échange, travers les rencontres familiales, amicales, préludes à
individu placé dans un environnement donné paraît d’intégration et de régulation. la socialisation. Enfin, la table régule la prise
sélectionner les aliments de telle sorte que les trois alimentaire qui se fait sous le regard de l’autre,
grandes classes de macronutriments (glucides, La table symbolise le lieu privilégié où s’expriment témoin et garant d’un comportement « normal ». Être
lipides, protides) représentent une fraction tous les aspects de la convivialité. Les informations y normal, c’est aussi être comme l’autre, et les
relativement stable des apports énergétiques. Cette circulent, des sentiments sont échangés. Manger empreintes familiales précoces jouent un rôle
donnée se vérifie en dépit des variations de la permet à la fois d’être ensemble, de communier sans déterminant dans les comportements normaux ou
composition de l’alimentation au fil des siècles. nécessairement communiquer verbalement. La table dévoyés des futurs adultes [9].

Bernard Waysfeld : Assistant, ancien chef de clinique,


unité d’endocrinologie-nutrition, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris, France.
Anne Laurent-Jaccard : Médecin adjoint,
policlinique universitaire de Lausanne, 19, rue César-Roux, CH 1005 Lausanne, Suisse.

Toute référence à cet article doit porter la mention : B Waysfeld et A Laurent-Jaccard. Sémiologie du comportement alimentaire.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0760, 1998, 3 p

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3
3-0770

3-0770

Troubles du comportement
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

alimentaire
B Waysfeld, A Laurent-Jaccard

D ’apparition récente dans le champ médical, les troubles du comportement alimentaire doivent être mieux
connus du praticien, en raison de leur fréquence, de leur complexité et de leur évolution spontanée habituelle
vers l’aggravation.
© Elsevier, Paris.


Introduction

La fréquence exacte des troubles du compor-


Boulimie
✔ Survenue récurrente de crises de boulimie (binge eating). Une crise de boulimie
répond aux caractéristiques suivantes :
tement alimentaire (TCA) est difficile à déterminer – absorption, en une période de temps limitée (par exemple moins de 2 heures),
mais peut être évaluée entre 2 % et 10 % en d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens
fonction du sexe, du type de trouble et de la absorberaient dans une période de temps similaire et dans les mêmes
population étudiée (ils touchent préférentiellement circonstances ;
les sujets féminins de haut niveau socioculturel). – sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire.
La complexité tient au fait que les TCA ✔ Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la
représentent des symptômes au carrefour des prise de poids, tels que : vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs,
champs biologique, psychosociologique et diurétiques, lavements ou autres, médicaments, jeûne, exercice physique excessif.
nutritionnel, pouvant légitimement être revendiqués ✔ Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés
par différents spécialistes. surviennent tous les deux en moyenne deux fois par semaine, pendant 3 mois.
L’évolution chronique habituelle, l’absence de ✔ L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme
traitement simple et l’intrication aux fluctuations corporelle.
pondérales et à l’obésité, contribuent à faire des TCA ✔ Le trouble ne survient pas exclusivement pendant les périodes d’anorexie
un problème de santé publique.
mentale :
– type avec vomissements ou prise de purgatifs (purging type) ;


Différents troubles
du comportement alimentaire
Il faut rappeler qu’il n’existe pas de comportement
– type sans vomissement : jeûne, exercice physique, laxatifs (non purging type).
Hyperphagie boulimique (binge eating disorder ou BED)
Il existe des épisodes récurrents de crises de boulimie, en l’absence d’un recours
régulier aux comportements compensatoires inappropriés caractéristiques de la
alimentaire normal. Si le principe des trois repas par
boulimie.
jour représente une référence, le sujet se livrant à des
(DSM IV Masson, 1996).
grignotages discontinus ou à un seul gros repas par
jour ne relève pas du pathologique, dès lors que ce
comportement n’est préjudiciable ni à lui-même, ni à La compulsion implique la recherche impérative
son entourage. Tableau I. – Conséquences psychologiques
d’un aliment souvent spécifique. Elle est d’une restriction alimentaire sévère.
‚ Troubles prandiaux habituellement connotée de plaisir et de culpabilité
et fait écho aux pulsions agressives et érotiques non Obsession de la nourriture Défaut de vigilance
L’hyperphagie prandiale prédomine chez les Apathie, troubles du
satisfaites : « je me suis vengée sur la nourriture » Rituels alimentaires
sujets masculins, que ce comportement s’inscrive sommeil
évoque à la fois la colère, la frustration et la
dans un contexte de gourmandise et de convivialité, Accès compulsifs et bouli-
satisfaction substitutive sur l’objet nourriture. Humeur fluctuante
ou de gloutonnerie largement alcoolisée. Cette miques
La boulimie (étymologiquement « faim de bœuf ») Dépression Chute de la libido
hyperphagie conduit souvent à des obésités
androïdes, graves sur les plans métabolique et consiste en l’absorption massive d’une grande
cardiovasculaire. quantité de nourriture, habituellement sans faim, et L’association ou la succession dans le temps de
rapidement suivie d’un sentiment d’intense phases boulimiques et anorexiques chez un même
‚ Troubles extraprandiaux culpabilité. La mise en œuvre de stratégies de sujet fait parler de boulimarexie. Les comportements
Ils sont nombreux, d’importance et de contrôle de poids est habituelle, à la différence de de restriction, presque toujours volontaires,
signification fort différentes. l’hyperphagie boulimique (cf infra).
© Elsevier, Paris

entraînent des troubles psychologiques d’autant plus


Le grignotage apparaît comme le plus Les autres troubles peuvent être rapidement sévères que le régime aura été plus restrictif et
élémentaire : simple remplissage discontinu, il cités : le night eating syndrome consiste en une prise prolongé (tableau I). Ces perturbations ne doivent
renvoie souvent à l’ennui et à la solitude, sans importante de nourriture, volontiers sucrée, au pas être confondues avec les troubles émotionnels
signification psychopathologique. milieu de la nuit, chez des sujets plutôt anxieux. qui peuvent conduire directement aux TCA.

1
3-0770 - Troubles du comportement alimentaire

■ ■
propulser sans qu’elles le demandent dans un circuit
Clinique psychologique ou psychiatrique, c’est risquer de Facteurs étiologiques
provoquer leur fuite prématurée. La marge de
Le temps clinique est capital, car même si le manœuvre du clinicien est particulièrement étroite ;
Il n’est pas facile pour le clinicien de faire la part
diagnostic est évident, diverses informations vont – parfois, le tableau est plus lourdement connoté
des différents facteurs favorisant les TCA. D’une part,
permettre de préciser l’étiologie des TCA, guidant psychologiquement : alternance de dépressions et
il existe une multiplicité de registres biologique,
ainsi la thérapeutique. L’observation, obtenue de périodes stables ou euphoriques, d’apragmatisme
psychophysiologique, psychologique et sociologique
davantage à partir de l’écoute que de l’attitude ou d’hyperactivité, de boulimie et de maîtrise du
étroitement intriqués, d’autre part, causes et
d’enquête devra préciser divers éléments : comportement alimentaire. L’avis du psychiatre
conséquences peuvent se renforcer mutuellement.
– l’anamnèse pondérale, en notant en particulier s’avère fondamental et n’est habituellement pas
Ainsi, une perception négative de l’image du corps
le poids aux différents âges, l’impact des épisodes de récusé : il permettra de préciser la place du
peut entraîner des TCA qui, via le surpoids, vont
la vie génitale, les régimes suivis et leurs résultats ; symptôme alimentaire dans la pathologie aggraver la perception négative du corps. Les
– le comportement alimentaire, et notamment psychiatrique et le type de prise en charge stratégies de contrôle, vomissements surtout,
l’existence d’une restriction assez sévère dans préconisée. renforcent l’isolement et les perturbations de
l’année qui a précédé les premiers TCA, les Le tableau boulimique peut être individualisé en personnalités fragiles, narcissiquement défaillantes
justifications réelles ou alléguées à cette restriction. raison de sa fréquence et de sa gravité. (fig 1).
En outre, le degré de dépendance aux affects ainsi
La crise, de fréquence variable, survient dans un
que la nature de ces affects (envie, colère, frustration,
contexte de solitude déclenchée par des facteurs ‚ Facteurs biologiques
solitude) seront notés (cf chapitre « Sémiologie du
aussi divers que le stress, la contrariété,
comportement alimentaire ») ; Il n’est guère possible d’envisager ici les
l’hypoglycémie, la fatigue. Le contact avec l’aliment
– le niveau d’activité physique, nul, modéré ou interactions complexes des neuromédiateurs de la
déclenche une jouissance fugace ou à tout le moins,
intense. Certains sujets semblent même faim, de l’envie de manger et de la satiété. Signalons
le soulagement d’une tension, suivi très rapidement
authentiquement dépendants du sport, utilisé qu’il s’agit d’un domaine de recherche en pleine
comme une drogue, s’inscrivant dans la stratégie de d’un sentiment de profonde culpabilité. L’acte explosion, au sein duquel dominent, sur le versant
contrôle du poids et assurant la maîtrise sur une boulimique est toujours solitaire, honteux, caché. Les orexigène, le neuropeptide Y (NPY) et les
image du corps vécue négativement ; stratégies de contrôle, vomissements surtout, endorphines et sur le versant anorexigène, la
– les caractéristiques psychologiques majeures : purgatifs, périodes de jeûne, lui font suite très cholecystokinine, la sérotonine, la dopamine et chez
le sujet a-t-il connu des hospitalisations, des rapidement. certains animaux, la leptine.
dépressions ? Quels traitements a-t-il suivi ? Les La personnalité sous-jacente paraît plus ou moins La sérotonine a été plus spécialement impliquée
difficultés psychologiques préexistaient-elles à la perturbée et toutes les structures psychologiques dans la pathologie compulsive : le concept de
survenue des TCA ou apparaissent-elles comme la peuvent se rencontrer. On note cependant peu de « carbohydrates cravers » (dévoreurs de sucre)
conséquence du surpoids, des fluctuations névroses classiques, davantage d’organisations correspond à des sujets dont les compulsions aux
pondérales ou d’une mauvaise image du corps ? limites de la personnalité, marquées d’impulsivité et hydrates de carbone corrigeraient les troubles de
Existe-t-il une demande qui justifierait d’emblée une d’une tendance à l’« agir », utilisées comme un l’humeur liés à un déficit en sérotonine. Tout se
prise en charge par un psychothérapeute ? moyen de résoudre des conflits profonds par un passe comme si la prise de glucides augmentait, via
– l’examen clinique recherchera des anomalies recours à la sensorimotricité, court-circuitant ainsi la le tryptophane, la sérotonine intracérébrale
métaboliques et endocriniennes, et en particulier des mentalisation des affects. (Wurtman). En somme, l’aliment glucidique pourrait
anomalies du palais, des parotides et de l’émail Au plan étiologique, chez certains sujets être utilisé comme un médicament.
dentaire chez les boulimiques vomisseuses dominent des troubles de la régulation pondérale Certains sujets, biologiquement prédéterminés à
(l’intensité du symptôme n’est pas toujours reconnue liés aux restrictions imposées dans une recherche l’obésité, pourraient présenter une valeur de
ou avouée) ; éperdue de minceur. D’autres trouvent dans le consigne de leur pondérostat (s e t p o i n t )
– l’enquête alimentaire sera confiée à un passage à l’acte boulimique une solution, certes particulièrement élevée. Les TCA seraient, chez eux,
médecin nutritionniste ou à un diététicien. Elle devra mauvaise, obtenant dans l’« avoir » une primitivement au service d’un pondérostat perturbé.
distinguer les situations de maîtrise et de restriction compensation à leur manque à être, à leurs À ce jour, seule une réponse pharmacologique
des phases d’anarchie ou d’abandon. Elle précisera problèmes d’identité (cf infra). semblerait susceptible de les aider.
globalement l’insuffisance du nombre de repas, du
nombre d’aliments par repas et des quantités de
glucides lents absorbés ;
– le bilan biologique sera centré sur la recherche Racisme antigros
d’une dyslipémie et des complications du surpoids et Idéal de minceur
de la dénutrition. On peut en effet être floride et (registre sociologique)
carencé (cf proposition auteur ).
Au terme de cette observation, le TCA pourra soit Frustration
Tension
être considéré comme une réponse adaptée à un Métabolisme Faim...
changement de statut nutritionnel (diabète par génétiquement Restriction
exemple), soit apparaître comme le symptôme d’une
pathologie comportementale, manifeste ou latente : « économe » alimentaire TCA Surpoids
– le trouble du comportement est souvent mis en (registre biologique)
avant par des jeunes femmes normopondérales ou
Vomissements
en léger surpoids, se plaignant avant tout d’une
Laxatifs
insatisfaction de l’image du corps. En dépit d’une Mauvaise image de soi
apparence habituellement soignée et souriante, ces Adolescence
jeunes femmes ne sont pas heureuses et masquent Troubles de la personnalité
souvent des symptômes anxiodépressifs. Privilégier (registre psychologique)
le TCA c’est ignorer l’arrière-plan psychologique, et in
1 Causes et conséquences des troubles du comportement alimentaire (TCA) se renforçant mutuellement.
fine, les amener à l’échec. Mais en revanche, les

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Troubles du comportement alimentaire - 3-0770

‚ Facteurs psychophysiologiques les épisodes dépressifs devront faire l’objet d’un


traitement antidépresseur, le plus difficile étant Tableau III. – Signification du gros corps.
Théorie de « l’externalité » quelquefois de les repérer. En effet, à côté des Registre Registre
On a pu montrer que certains sujets se montraient dépressions franches, on rencontre des états poids-puissance obésité-rempart
particulièrement sensibles aux caractéristiques dépressifs masqués derrière des problèmes
Toute puissance infan- Angoisse de morcelle-
externes des aliments : aspect, odeur, goût, et peu somatiques ainsi que des TCA symptomatiques de tile ment
sensibles aux signaux internes de satiété. Au-delà de dépression saisonnière, les sujets réagissant à la Occuper l’espace Angoisse de mort
l’influence psychologique, cette « externalité » est diminution de la lumière par une sorte d’hibernation Virilité Lutte antidépressive
avec hyperphagie, l’ensemble de ces symptômes « Faire le poids » so- Agressivité propre
largement dépendante du niveau des réserves
cialement Désir sexuel
énergétiques, donc en rapport avec une éventuelle restant sensible aux antidépresseurs
restriction alimentaire. sérotoninergiques.
Les aspects psychosociologiques jouent un rôle L’environnement personnel, familial, social
Théorie de la restriction renforçateur : dans une société vouée au culte de joue- t-il un rôle d’entretien ou de renforçateur du
l’image et des télésystèmes, la perfusion d’images symptôme ? La situation du patient est-elle
Cette théorie, proposée par Herman et Polivy,
comme l’obtention du « tout, tout de suite » tend à « aménageable » ou dramatiquement enkystée ?
postule que c’est le déficit énergétique résultant de la
bloquer l’imaginaire individuel et favorise les Quels appuis le thérapeute peut-il escompter ? Sur
restriction alimentaire qui génère les troubles du
réactions impulsives. Celles-ci court-circuitent la quels leviers s’appuyer ?
comportement.
mentalisation. La présentation d’un idéal féminin L’évaluation de la fonction adaptative des TCA
Ceux-ci prennent donc une valeur adaptative au
maigre et physiologiquement inaccessible, pousse le demeure essentielle.
plan métabolique. De nombreux facteurs favorisent
plus grand nombre à la restriction, vectrice de yoyos Les TCA ne sont pas que délétères en ce qu’ils
la restriction (fig 1) qui, une fois engagée, a tendance
pondéraux et, in fine, d’obésité ou de TCA. C’est engendrent souffrance, dépréciation et isolement
à s’autoentretenir à travers les troubles
évidemment à l’adolescence que toutes les forces en affectif. Ils représentent aussi une défense
psychologiques qu’elle engendre.
présence risquent de se cristalliser (fig 1). comportementale et à ce titre, une tentative
‚ Facteurs psychologiques d’autoguérison. Les significations des TCA
apparaissent dans le tableau II et doivent être prises


L’accent a été mis très tôt sur les perturbations
en compte dans l’approche thérapeutique.
de la relation mère-enfant. Si la mère, par une Approche thérapeutique Le gros corps qui résulte inconstamment des TCA
attitude inappropriée, propose une réponse
peut également revêtir une fonction adaptative en
alimentaire systématique à toute demande de
Face à des symptômes aussi complexes dans ce qu’il est secondairement récupéré dans le
l’enfant, celui-ci ne pourra pas faire la différence
leurs causes comme dans leurs conséquences, système de défense du sujet (tableau III).
entre ses besoins alimentaires et ses autres besoins
l’approche thérapeutique sera multidisciplinaire,
(amour, colère, sommeil) : c’est la confusion des ‚ Axe diététique de la prise en charge
nécessitant dans un premier temps une évaluation
affects. Plus tard, le sujet aura recours à la prise
de l’importance et de la gravité des TCA. Il est de fait inséparable de l’axe psychologique
alimentaire comme réponse à tout besoin ou à toute
émotion (Hilde Bruch). que nous aborderons plus loin et que nous
La mère peut aussi anticiper sur les besoins de ‚ Évaluation globale des TCA préférons isoler dans un souci de clarification.
l’enfant et se comporter en « trop bonne mère ». Du côté du symptôme, il importe de préciser sa
D’autres typologies maternelles ont été décrites Quelques grands principes doivent toujours
nature, du banal grignotage jusqu’à l’état de mal
être respectés
mais, dans tous les cas, la séquence besoin-manque- boulimique. Son retentissement, limité ou
désir-objet se trouve perturbée par le court-circuit du envahissant la vie psychique, relationnelle et même – Ne pas faire de régimes, au sens restrictif du
manque et du désir. À toute stimulation ou somatique du sujet, doit être apprécié. Enfin, la terme, car ceux-ci ne peuvent que majorer les TCA.
sollicitation, physiologique comme psychologique, le valeur adaptative du TCA ne peut être négligée, le – Limiter les interdits alimentaires de toutes
sujet risque de répondre sur le modèle du « tout, tout symptôme pouvant jouer un rôle dans l’équilibre sortes qui pérennisent le système du tabou et de la
de suite », s’orientant ainsi vers une conduite personnel et familial du sujet (tableau II). transgression. Ils mettent à tort l’accent sur l’intérêt
addictive qui peut choisir, entre autres, l’aliment L’analyse psychologique du patient n’est pas de maigrir, ce qui n’est jamais le problème, du moins
comme objet d’addiction. toujours du ressort du généraliste ou de dans un premier temps.
Un authentique fonctionnement psychosoma- l’endocrinologue et nécessite souvent la
tique peut également être repéré. À la différence de collaboration avec un psychiatre sensibilisé à ces Proposer la tenue d’un carnet alimentaire
la névrose marquée de culpabilité, d’angoisse et de questions : l’appréciation de la personnalité visera à Tenu au jour le jour, il permet de noter les apports
dépression, à l’opposé de la psychopathie et de son déterminer le niveau de fragilité : registre (repas, composition, horaire, quantité), mais aussi
passage à l’acte (acting out), le sujet psychosoma- psychotique ou organisation limite, plus rarement nature et importance des TCA, stratégies de contrôle
tique, faute d’avoir les mots pour dire ses émotions, névrose bien différenciée nécessitant des prises en (vomissements, jeûne), ainsi que le contexte
peut recourir à des comportements visant le corps charges bien différentes. émotionnel dans lequel ils surviennent. L’expérience
propre (acting in). Ce mode de résolution des conflits montre, en effet, que pour un sujet donné, les
est particulièrement délétère. situations restent assez stéréotypées : angoisse-
Tableau II. – Signification des troubles du
Les relations TCA-dépression restent l’objet de ennui-tristesse-solitude-insatisfaction de l’image de
comportement alimentaire.
controverses. Pour beaucoup d’auteurs, les soi et de son mode de vie. Le carnet possède en
boulimiques sont des dépressives en raison de leurs Quantitatifs Qualitatifs lui-même une valeur thérapeutique : outre la prise
antécédents personnels et familiaux et de l’efficacité Registre socioculturel Registre individuel de conscience de certains comportements souvent
des antidépresseurs. Pour d’autres, les boulimiques Habitudes familiales Remplissage d’un vide déniés, il assure la continuité du lien avec le
relèvent davantage d’une organisation dépressive Société d’abondance Communication non thérapeute entre les rendez-vous et joue ainsi le rôle
de la personnalité marquée d’immaturité, Civilisation de consom- verbale de « médicament-médecin ». Enfin, le carnet, par son
d’impulsivité et surtout de dépendance. C’est ce type mation Sédation de l’angoisse recours à l’écrit, introduit une mentalisation, une
Équivalent appétit/santé Équivalent agressif
de personnalité qu’on retrouve également parmi les Convivialité symbolisation des comportements, ce qui constitue
Lutte antidépressive
anorexiques chez lesquelles la boulimie constitue Équivalent érotique déjà un traitement du court-circuit affectif de l’effort
une modalité évolutive fréquente. Quoiqu’il en soit, pour ne pas penser, que représentent une majorité

3
3-0770 - Troubles du comportement alimentaire

de TCA. Le but avoué de maigrir, souvent mis en convenables dans les différents nutriments, fasse corporelles (travail sur l’image du corps), l’abord
avant et parfaitement stérile tant que les TCA sentir ses premiers effets, au risque de provoquer familial, peuvent aussi répondre à certaines
persistent, se trouve heureusement remplacé par la une légère prise de poids dont le sujet sera prévenu. indications spécifiques.
conscience de l’objectif comportemental à atteindre. La lutte contre l’autoentretien et l’autoaggravation
‚ Axe pharmacologique
L’accent sera mis sur l’équilibre et la du symptôme sera expliquée et combattue par la
diversification, le premier résultant logiquement du nécessité de prendre tous les repas prévus, même en Il est principalement représenté par les
second : trois à quatre aliments par repas, antidépresseurs. Indiqués et utiles en cas d’état
cas de boulimie. L’ensemble de ces conseils, si
importance des féculents, des légumes et des fruits dépressif franc, les antidépresseurs, surtout les
éloignés des habitudes, devra être présenté comme
frais. sérotoninergiques, ont démontré également leur
un but à atteindre progressivement, ce qui diffère de
efficacité chez les sujets non déprimés. Ils
la demande de « tout, tout de suite » habituellement
Contrat thérapeutique semblent agir en augmentant le délai dans la
formulée.
réponse comportementale de ces sujets impulsifs,
Certains sujets acceptent le principe d’un contrat Les traitements comportementaux et cognitifs
la difficulté étant souvent de les faire accepter à
thérapeutique où il est clairement stipulé : permettent souvent des résultats remarquables. Le des jeunes femmes qui redoutent particuliè-
– qu’ils ne doivent pas chercher à maigrir (dans programme complet de Fairburn se déroule sur une rement toute forme nouvelle de dépendance.
un premier temps) ; vingtaine de séances réparties en trois étapes : Quant aux tranquillisants, ils ne peuvent être
– qu’ils doivent prendre trois repas par jour, plus
– la première, sur sept à huit séances, rejoint le prescrits que pour passer un cap.
une ou deux collations ;
temps psychoéducationnel ci-dessus, en y associant
– qu’ils doivent prendre pain ou féculent à ‚ Indications
la conscience progressive et la « fonction » des TCA,
chaque repas ;
boulimie notamment : le sujet va progressivement Les indications des différentes mesures sont
– qu’ils ne doivent pas sauter le repas suivant,
être capable de reconnaître et de nommer l’affect qui impossibles à codifier. Elles varient en fonction de la
même en cas de boulimie ;
déclenche le comportement anormal ; demande, de l’importance et du retentissement des
– qu’ils doivent évidemment éliminer tout
– la seconde est principalement centrée sur la TCA. L’abord diététique, associé à une base
traitement médicamenteux (amphétamine,
« restructuration cognitive ». Il s’agit d’identifier tous comportementaliste, apparaît comme le socle
diurétique notamment).
les systèmes de pensée et de croyance qui indispensable. Dans les formes déjà invétérées, seule
l’approche cognitive et/ou psychothérapique permet
‚ Axe psychologique entretiennent les TCA : perte de l’estime de soi
favorisant les préoccupations corporelles, d’obtenir une guérison ou une amélioration. La
En dépit de la demande pressante de nombreuses collaboration nutritionniste-psychiatre s’avère très
perfectionnisme, dépendance, peur de grossir. C’est
jeunes femmes souhaitant entreprendre d’emblée souvent nécessaire.
sur l’ensemble des pensées dites « dysfonctionnel-
une psychothérapie profonde, l’étape diététique
devra toujours précéder, ou au moins être associée, les » qu’il faut travailler en proposant des solutions ‚ L’avenir est à la prévention
à toute prise en charge psychologique. alternatives ; Il importe :
Le temps psychoéducationnel est en effet – le dernier temps consolide les acquis – de repérer des sujets à risque parmi ceux qui
toujours nécessaire. Le cercle vicieux perte de poids, précédents et prévient des risques de rechute en présentent un métabolisme « économe » ;
faim, comportements compulsifs et boulimiques, précisant les stratégies à adopter. – de sensibiliser des femmes aux ravages du
doit être toujours précisément expliqué et associé à Les psychothérapies, du simple soutien à la terrorisme de la minceur, de manière à favoriser
d’éventuels commentaires sur le carnet alimentaire. psychanalyse, ne peuvent être abordées dans ce l’émergence de valeurs féminines dégagées de
L’importance des féculents à chaque repas sera cadre. Soulignons que dans tous les cas, le l’androgynie régnante ;
soulignée en précisant que ces « aliments- thérapeute doit manifester sa présence souple pour – de rétablir un lien social et une qualité
médicaments » n’agissent pas comme une pilule permettre l’installation d’un sentiment de sécurité. Le relationnelle qui constituent le meilleur rempart
magique. Il faut en effet plusieurs semaines pour silence est habituellement mal supporté comme le contre la solitude et la dépression.
qu’une nouvelle régulation pondérale, basée sur sont toutes les interprétations blessantes pour le Nombre de ces objectifs dépassent largement le
trois à cinq repas par jour avec des apports narcissisme de ces patients fragiles. Les thérapies cadre strictement médical.

Bernard Waysfeld : Ancien chef de clinique-assistant,


unité d’endocrinologie-nutrition, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris cedex 15, France.
Anne Laurent-Jaccard : Médecin-adjoint,
policlinique universitaire, 19, rue César-Roux, CH 1005 Lausanne, Suisse.

Toute référence à cet article doit porter la mention : B Waysfeld et A Laurent-Jaccard. Troubles du comportement alimentaire.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0770, 1998, 4 p

Références

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taire chez l’adulte. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Thérapeutique, 25-201-A-
10, 1992 : 1-9

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Vitamines dans la pratique


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

clinique de tous les jours


A Lemoine

L a toxicité des vitamines est très faible. Ceci ne saurait justifier des comportements anarchiques en matière de
consommation ou de prescription vitaminiques.
© 1999 , Elsevier, Paris.


– la correction des carences vitaminiques éventuellement coprophages. Chez l’homme,
Généralités avérées ; l’absorption de la plupart des vitamines ainsi
– l’utilisation de fortes ou de mégadoses dans synthétisées paraît modeste. Dans certains cas, la
une optique pharmacologique ; disparition de cette synthèse peut entraîner des
Les vitamines ont été mises en évidence à
– la correction d’anomalies innées vitaminodé- perturbations perceptibles (administration
l’occasion de leurs carences. Ce sont en effet, dans la
pendantes du métabolisme. d’antibiotiques à un sujet sous antivitamine K).
plupart des cas, des maladies spécifiques guéries ou
prévenues par la vitamine incriminée qui ont permis Ce dernier point correspond à des maladies très
de mettre en évidence, d’isoler, puis de synthétiser rares et prises en charge par des spécialistes, à la fois ‚ Rôles des vitamines [6, 7, 8, 9]
les vitamines. sur les plans diagnostique et thérapeutique. Nous ne
Les 13 vitamines représentent une grande variété
L’histoire des vitamines a eu beaucoup l’aborderons pas ici, renvoyant les lecteurs intéressés
de molécules sans rapport chimique entre elles.
d’influence sur la place qu’elles occupent dans la à des ouvrages spécialisés [1, 6, 7, 8, 9].
Certaines ont un rôle trophique et sont nécessaires
pratique médicale. Les vitamines restent avant tout au fonctionnement de cellules spécifiques. C’est le
‚ Métabolisme des vitamines -
des composés « anticarence ». cas de la vitamine A et du fonctionnement rétinien
Physiopathologie
De plus, leur image dans le public, le caractère et, plus généralement, de la trophicité de l’œil. Si le
parfois mystérieux de leur mode d’action, la crainte Les métabolismes des 13 vitamines sont très problème a disparu en pratique dans les pays
née de l’évolution alimentaire due à l’industriali- divers. Nous n’évoquerons que les points ayant un industrialisés, rappelons que la carence en vitamine
sation, et de nombreuses autres données plus ou intérêt clinique direct, entraînant une fragilité ou une A est notamment responsable, dans les pays
moins conscientes dans lesquelles la publicité susceptibilité métabolique particulière.
sous-développés, de centaines de milliers de cas de
intervient largement, leur confèrent une place Certaines vitamines sont absorbées au moyen de cécité. La vitamine C est, entre autres fonctions,
parfois excessive dans les préoccupations sanitaires mécanismes très complexes et fragiles, dont le essentielle pour le métabolisme du tissu conjonctif et
de nos concitoyens. dérèglement peut entraîner des carences (vitamine du cristallin. La vitamine E agit sur la stabilisation et
Le remboursement des spécialités pharmaceu- B12 et maladie de Biermer par exemple). la trophicité des membranes.
tiques à base de vitamines a été supprimé. Des L’absorption physiologique est généralement le La plupart agissent comme transporteurs de
spécialités vitaminiques sont délivrées sans contrôle fait de mécanismes actifs utilisant des transporteurs.
protons et d’électrons, comme coenzymes de
médical dans la grande distribution, sous forme de Une absorption passive, en cas d’administration de
réactions biochimiques, parfois de façon très
compléments alimentaires. Certains consommateurs fortes doses, est souvent possible.
localisée dans l’ensemble des réactions, parfois de
en font parfois un usage inconsidéré, les parant de L’importance des réserves et la rapidité de leur façon beaucoup plus large, intéressant directement
vertus excessives. Un rôle thérapeutique fut parfois renouvellement sont deux données essentielles à la tout le métabolisme des protéines pour la vitamine
abusivement prêté aux vitamines. Tout ceci a pu compréhension des mécanismes conduisant à une B6, celui des glucides pour la B1, les carboxylations
amener certains médecins à douter de l’efficacité et carence. Chez un sujet qui dispose de réserves dans le cas de la biotine (B8), le métabolisme des
de la nécessité des vitamines, au point que leur juste normales, les symptômes de carence n’apparaissent acides nucléiques (B9 et B12)...
place n’est parfois plus reconnue. qu’après de longues périodes de défaut d’apport (2 à
La vitamine D se comporte comme une véritable
Dans la pratique médicale courante, des états de 3 ans pour la vitamine B12), pour les vitamines dont
hormone. Rendue active dans le foie et les reins, elle
déficience ou de carence vraie sont parfois les réserves sont importantes. À l’inverse, la carence
agit sur le métabolisme osseux et, plus
rencontrés, comme nous le verrons ci-dessous. en vitamines à faibles stocks (C, B1 …) s’exprime en
généralement, sur celui du calcium.
La notion de « besoin alimentaire » a beaucoup quelques semaines.
Les métabolismes des diverses vitamines sont
évolué depuis quelques décennies. Des doses La plupart des vitamines subissent une
parfois interdépendants, et il est nécessaire que leur
supérieures à ce qui est nécessaire pour éviter la transformation biochimique pour devenir actives.
ration respecte un certain équilibre.
carence pourraient être utiles pour prévenir certains Cette activation a lieu dans le foie (phosphoryla-
états pathologiques dégénératifs ou certaines tions) pour les vitamines du groupe B, et dans le foie
‚ Besoins et apports conseillés
maladies plus ou moins liées à l’âge. De nouvelles puis les reins pour la vitamine D (hydroxylations en
recherches, très actives, se développent autour de 25 et en 1). Une altération importante des organes Pour pouvoir définir les besoins en vitamines, il
ces thèmes. où a lieu cette activation (cirrhose, insuffisance faut avoir précisé les objectifs que la couverture de
Les vitamines présentes dans les compléments rénale) retentit sur la ou les fonctions vitaminiques. ces besoins permet d’atteindre. Le besoin le plus
alimentaires sont réservées à la prévention des Les vitamines peuvent être catabolisées, fondamental est couvert quand il n’y a pas de
déficiences et de leurs conséquences à long terme. éliminées sous forme plus ou moins active par voie carence. Cette définition n’est pas suffisante. Une
© Elsevier, Paris

La prévention devrait être mieux prise en compte urinaire et parfois fécale. Il existe un cycle alimentation correcte doit permettre, non seulement
par les médecins. Dans la pratique clinique, trois entérohépatique pour certaines d’entre elles. La flore d’éviter les carences, mais aussi d’être durablement
types d’indications curatives concernent la intestinale est capable de synthétiser certaines en bonne santé. La définition de la « bonne santé »,
prescription de vitamines sous forme de vitamines en quantité appréciable. Cette donnée est donnée par l’Organisation mondiale de la santé
médicaments : importante dans la recherche sur des animaux (OMS), est généralement acceptée : « Est en bonne

1
3-0890 - Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours

Tableau I. – Apports conseillés [5] et doses limites de sécurité [2] dans la consommation des vitamines.

A D(4) E K B1 B2 PP B5 B6 B9 B12 C
µg(2) UI UI µg mg mg mg EN(3) mg mg µg µg mg
Enfants 1 à 3 ans 400 400 7 15 0,7 0,8 9 3 0,8 100 2 35
Enfants 4 à 9 ans 600 400 10 25 0,8 1,0 12 5 1,0 200 2 50
Garçons 10 à 12 800 400 15 30 1,2 1,4 14 8 1,4 200 2 60
Filles 10 à 12 800 400 15 30 1,2 1,4 14 8 1,4 200 2 60
Adolescents 13 à 19 1000 400 18 35 1,5 1,8 18 10 1,8 300 3 80
Adolescentes 13 à 19 800 400 18 35 1,3 1,5 15 10 1,5 300 3 80
Hommes adultes 1000 400 18 45 1,5 1,8 18 10 1,8 300 3 80
Femmes adultes 800 400 18 35 1,3 1,5 15 10 1,5 300 3 80
Femmes enceintes 1000 800 18 45 1,8 1,8 20 10 1,8 500 4 90
Femmes allaitantes 1300 600 18 55 1,8 1,8 20 10 1,8 500 4 90
Personnes âgées valides 800 480 18 35 1,3 1,5 15 10 1,5 300 3 80
(1)
DLS (en ANC) 1 2,5 4 ND * * 2 * 2 2 * 12
(1) : DLS : Dose limite de sécurité. Doses proposées dans le rapport du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France [2]
, correspondant au dixième de la plus petite dose pour laquelle un effet secondaire a été observé. Ces niveaux de
consommation peuvent être maintenus sans limite de temps. Unité d’expression : multiple des apports nutritionnels conseillés (ANC) pour la catégorie d’âge considérée ; ND : non déterminée.
* : En l’absence d’effet toxique connu, la détermination de DLS apparaît sans justification.
(2) : µg ER = µg d’équivalent rétinol. Cette expression permet de prendre en compte les apports vitaminiques potentiels dus aux caroténoïdes.
(3) : mg EN = mg d’équivalent niacine. Une partie de la PP peut être synthétisée à partir du tryptophane.
(4) : La vitamine D n’est que partiellement apportée par l’alimentation. En France, plus de la moitié provient de la synthèse par effet de l’exposition solaire.

santé, un individu qui vit dans un état de bien-être alimentaires soient alors insuffisants est garantie s’engagent à restituer à l’aliment sa teneur
physique et psychique, et se trouve donc capable de proportionnel à l’écart entre ces apports et les ANC. vitaminique initiale, dans une limite de 80 à 200 %
réaliser toutes ses potentialités ». de cette teneur. La composition doit être précisée sur
‚ Sources de vitamines
Les besoins sont normalement couverts par l’emballage. Elle est parfois exprimée en
l’alimentation quand elle est suffisante et variée. Les vitamines sont normalement apportées par pourcentage des ANC moyens.
Certaines vitamines peuvent être en partie l’alimentation. Une ration suffisante sur le plan Après avoir lentement évolué à l’occasion des
synthétisées dans l’organisme. Les caroténoïdes quantitatif et équilibrée permet de couvrir, sans
transformations induites par l’urbanisation, la
peuvent, par exemple, se transformer en vitamine A difficulté, les besoins de l’individu. Cependant, les
mécanisation du travail et des transports, la
quand les apports de rétinol ne sont pas suffisants. vitamines présentes dans les aliments peuvent être
civilisation des loisirs, la demande du consommateur
Un apport minimal de rétinol reste cependant détruites, car ces composés organiques sont fragiles.
s’est progressivement orientée vers la recherche
nécessaire. En France, les deux tiers de la ration en Leur vulnérabilité est très variable. Les agents
d’aliments susceptibles de favoriser la santé.
vitamine D sont d’origine endogène. La synthèse de « agresseurs » sont généralement rencontrés dans le
Cette recherche de santé, de forme et de bien-être
vitamine D, sous l’effet du rayonnement solaire, cursus des matières premières, et les technologies
agroalimentaires et culinaires courantes (tableau II). par l’alimentation a une traduction dans la
permet de couvrir le reste des besoins. On voit que le composition générale des rations alimentaires, et
mode de vie peut avoir, dans ce cas, un rôle essentiel L’évolution des modes de vie dans notre pays a
favorisé la multiplication des facteurs délétères à donc dans leur profil vitaminique.
et des conséquences à plus ou moins long terme.
l’égard des vitamines alimentaires. L’industriali- La recherche de la maîtrise du poids aboutit
Les apports nutritionnels conseillés (ANC)(1) sont
sation, l’urbanisation et l’allongement des circuits de également à des pratiques diététiques qui
ceux que recommandent les experts des organismes
distribution alimentaire ont certes favorisé la retentissent sur la composition micronutritionnelle
officiels. Ces apports sont, en France, calculés pour
diversification des rations, mais, à l’inverse, ont des rations.
couvrir les besoins quotidiens normaux de la
population. Ils ne prennent pas en compte les permis de consommer des aliments longuement Enfin, le recours à des aliments raffinés, jeunes,
besoins particuliers de certains individus qui ont un conservés, produits des semaines ou des mois provenant de cultures ou d’élevages accélérés au
mode de vie ou une pathologie responsables d’une auparavant. maximum pour améliorer la rentabilité des
augmentation des besoins. Les médecins doivent L’industrie agroalimentaire a pris la mesure du exploitations et suivre le goût des consommateurs,
donc considérer les ANC comme le besoin basal, et phénomène et propose de plus en plus au tend à appauvrir la ration vitaminique. Si l’on
tenir compte du fait que la maladie ou son consommateur des aliments dont la teneur en excepte les boissons alcoolisées, dont la
traitement peuvent augmenter ce besoin. vitamines est garantie, voire renforcée. Les consommation est fort ancienne, la consommation
Les ANC varient en fonction du sexe et de l’âge industriels qui commercialisent des produits à teneur parfois massive, dans certaines catégories de
(tableau I). Ils sont adaptés aux besoins parfois
spécifiques d’une population définie. Ils sont Tableau II. – Facteurs susceptibles de réduire la teneur des aliments en vitamines.
régulièrement réévalués en fonction des acquisitions
Agents Conditions Vitamines les plus concernées
scientifiques.
Si les ANC ne sont pas atteints, il n’y a pas Oxygène Transport, stockage, préparation, A, D, E, B9, C
forcément carence. Le risque que les apports cuisson
Chaleur Cuisson, stockage, réchauffage B1, C
pH (acides et/ou bases) Eau de cuisson, conservation, K, B1, B2, B9, B12, acide pantothénique, C
recette cuisine
Rayonnement Conservation C, A, B12
(1)
Se reporter aux « Apports nutritionnels conseillés pour la Lumière Stockage, préparation B12, A, D, K
population française » [4]. Ces apports sont régulièrement réévalués Dilution, rinçage Nettoyage, blanchiment, cuisson à Toutes les vitamines hydrosolubles
par les comités d’experts et prennent en compte l’évolution du grande eau
mode de vie, des habitudes et de l’état sanitaire, ainsi que les Chélation Composition de l’aliment et additifs B9
travaux scientifiques fondamentaux qui permettent de faire Élimination Raffınage industriel des céréales Groupe B, E
évoluer les concepts.

2
Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours - 3-0890

population, d’aliments à faible densité nutritionnelle évaluation des apports, biologie. Il est souhaitable de
(en particulier de boissons sucrées et de produits les associer pour pouvoir constituer un faisceau Y a-t-il un risque de carence
riches en énergie et pauvres, voire dépourvus de d’arguments en cas d’anomalie fruste. d’apport ?
vitamines) est relativement récente. Les études prospectives recherchent la correction ✔ Les apports sont-ils corrects ?
La question de la densité nutritionnelle (vitamine (tests thérapeutiques) ou la prévention (études ✔ Le niveau énergétique de la ration
en mg/énergie en kcal) des aliments est essentielle, d’intervention comme SUVIMAX(2) de certaines
est-il suffisant ?
car elle permet de prévoir l’évolution de la ration anomalies, de pathologies ou d’états morbides.
vitaminique en fonction du niveau énergétique des Seules, des enquêtes de ce type permettent d’établir
✔ La diversité des sources
rations. En cas d’utilisation des mêmes aliments pour que la relation statistique entre deux phénomènes alimentaires est-elle grande ?
un « régime amaigrissant », il est facile de calculer à est de type causal.
partir de quel niveau énergétique les ANC en teneur en vitamines peut, nous l’avons signalé plus
vitamines ne seront plus couverts. ‚ Clinique
haut, varier énormément d’un produit à un autre,
Les signes cliniques de carence sont classiques, selon les conditions de préparation, de conservation,
mais peu utilisables en pratique car très tardifs.


de cuisson. L’utilisation de tables de composition
Diagnostic des déficiences La déficience vitaminique, période de carence alimentaire, quelle que soit leur qualité, ne peut
et des carences débutante, comporte des signes non spécifiques et donner que des indications relativement imprécises,
discrets. L’asthénie et l’anorexie, par exemple, sont de valeur limitée chez un sujet isolé (sauf en cas de
presque toujours présentes. L’anorexie pose un déséquilibre grave). En revanche, ces enquêtes sont
problème particulier : elle aggrave la déficience et indispensables à la compréhension du statut
Savoir quand évoquer une déficience peut donc favoriser le passage à une carence avérée. vitaminique de groupes de populations.
vitaminique C’est en particulier le cas chez les personnes âgées. Pour leur interprétation, les résultats des enquêtes
✔ Le diagnostic de déficience Par ailleurs, les signes sont d’une grande banalité, sont généralement comparés aux ANC des
vitaminique est rarement possible en et leur manque de spécificité ne permet pas de faire populations étudiées.
le diagnostic. Ainsi, l’hypervascularisation des Les médecins disposent rarement du concours de
pratique médicale courante.
conjonctives est beaucoup plus souvent due à une diététiciens rompus à ce type d’enquête.
✔ Il repose sur un faisceau cause locale qu’à un déficit en vitamine C. Pourtant,
d’arguments définissant le niveau de cette anomalie est présente chez la majorité des
risque de déficience. patients présentant une déficience biologique en Des marqueurs du risque de déficience
vitamine C et chez tous ceux qui ont un scorbut. ou de carence d’apport peuvent être
Les carences vitaminiques sont rares dans les L’accumulation des signes cliniques de déficience mis en évidence simplement, à
pays développés. De véritables carences avérées nutritionnelle (anomalies cutanéomuqueuses, l’interrogatoire, par le médecin
sont cependant diagnostiquées chez des patients perturbations fonctionnelles et générales diverses,
praticien.
dénutris ou porteurs de pathologies spécifiques. Les troubles psychologiques inhabituels …) doit être
déficiences vitaminiques sont, en revanche, considérée comme un signe d’alerte, et doit pousser
fréquentes. Elles n’ont généralement aucune à rechercher des facteurs de risque de déficience Certains groupes alimentaires sont-ils exclus ou
traduction clinique évidente. Elles fragilisent les vitaminique et à s’intéresser aux habitudes sous-représentés ? Le niveau énergétique des rations
individus qui en sont affectés et peuvent, à l’occasion alimentaires. est-il suffisant ? Les techniques culinaires sont-elles
d’un épisode intercurrent, accélérer le dévelop- agressives pour les vitamines ?
‚ Diététique
pement d’une carence véritable, posant alors un À titre d’exemples, on peut citer la carence en
problème immédiat. Les enquêtes alimentaires destinées à apprécier vitamine B12 des personnes consommant une
Un sujet qui reçoit durablement une ration les rations vitaminiques doivent être précises et alimentation végétalienne (sans produits animaux
vitaminique inférieure à ses besoins développe, à soigneuses. Les calculs s’appuient sur des tables de d’aucune sorte et sans levure), la déficience en
terme, une déficience puis une carence en vitamine composition qui donnent des valeurs moyennes. La folates et en vitamine C des individus ne
(fig 1). Ce postulat est compliqué par plusieurs consommant aucun légume, le probable déficit en
données. L’importance des stocks, la vitesse du vitamine B2 de ceux qui n’ingèrent ni lait ni
renouvellement des réserves vitaminiques, la laitages…
(2)
capacité de l’organisme à s’adapter, sont autant de SUVIMAX:étudeavecinterventionsedéroulantenFrance,pour
facteurs qui influent sur la symptomatologie et la une durée de 8 ans, avec surveillance d’une cohorte de 14 000 ‚ Biologie
volontaires recevant une association de vitamines et de minéraux
cinétique de la maladie carentielle. Les signes biologiques de déficience vitaminique
antioxydants, à dose nutritionnelle. Cette enquête est notamment
Trois voies diagnostiques sont possibles pour destinée à apprécier l’effet de la supplémentation sur l’apparition précèdent généralement tous les autres. L’étude des
étudier, de façon ponctuelle, le statut vitaminique de pathologies qui pourraient être reliées aux radicaux libres carences expérimentales a permis de comprendre le
d’un sujet ou d’une population : examen clinique, (athérosclérose, cancers, cataractes). développement et la cinétique des carences. Chaque
vitamine a, sur ce plan, des spécificités.
1 Stades des carences. Il faut d’abord souligner que les dosages
Stades des carences Statut vitaminiques sont onéreux, d’interprétation parfois
normal difficile, et que les examens biologiques utiles
Apports insuffisants doivent être adaptés à l’objectif poursuivi. Il peut être
nécessaire d’employer plusieurs méthodes de
Épuisement des réserves dosages pour une même vitamine. Les laboratoires
Déficience susceptibles de réaliser ce type de détermination
Phase biologique sont rares et, pour certaines vitamines, les dosages
sont exclusivement consacrés à la recherche.
Manifestations fonctionnelles Il est possible de classer les méthodes disponibles
en plusieurs catégories :
Signes cliniques réversibles Carence – méthodes dosant la vitamine et ses diverses
formes (vitamers) dans le milieu circulant, les cellules
Anomalies organiques irréversibles circulantes ou hépatiques ;
– méthodes permettant l’évaluation du bilan
Pour certaines vitamines Mort de l'animal vitaminique (dosages urinaires de vitamines ou de
leurs métabolites) ;

3
3-0890 - Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours


– appréciation fonctionnelle de la fonction que la rigueur scientifique n’est pas respectée, il
vitaminique et de la possibilité de « stimuler » cette faut reconnaître que le prix d’un dosage étant très
Facteurs de risque et principaux
groupes à risque de déficience
activité par adjonction de vitamine activée (tests supérieur à celui de plusieurs semaines de
d’activation enzymatique, surtout utilisés pour les traitement, il semble parfois justifié de traiter sans
vitamines B1, B2 et B6) ; diagnostic précis. ‚ Déterminant des groupes
– évaluation indirecte par dosage de métabolites à risque de déficience
circulants dont la teneur est plus ou moins ‚ Intervention Les facteurs de risque de déficience sont résumés
directement liée à l’imprégnation vitaminique, que dans le tableau III.
ce soit dans des conditions basales ou par Les tests thérapeutiques individuels ont
stimulation dans certains « tests de charge ». mauvaise réputation, car ils peuvent être à l’origine
Y a-t-il des causes physiologiques ou
Les techniques biochimiques mises en œuvre de dérives et peuvent conduire à traiter, par des
vitamines, des anomalies qui ne correspondent pas
pathologiques d’augmentation des
peuvent utiliser des isotopes, de l’HPLC
à des déficiences ou des carences. Même si l’alopécie besoins ?
(chromatographie liquide à haute pression), diverses
est un signe de la carence grave en biotine, traiter ✔ Groupe d’âge à besoin élevé ?
réactions colorimétriques ou fluorométriques, des
méthodes microbiologiques… Plusieurs dizaines de par la biotine une alopécie d’origine hormonale ✔ Perturbations du métabolisme
méthodes sont parfois disponibles pour une seule n’est, a priori, ni dangereux, ni justifié. vitaminique ?
vitamine, ce qui traduit à la fois l’intensité de la ✔ Interférences entre métabolismes
Les études avec intervention portant sur des
recherche et le fait que les difficultés ne sont pas populations nombreuses et représentatives
des vitamines et des médicaments ?
toutes surmontées. permettent d’étudier les caractéristiques de la ✔ Consommation excessive d’alcool ?
Dans la pratique médicale courante, les dosages population et d’en tirer éventuellement des
ne sont utiles que dans de rares circonstances, et ne conclusions étiologiques extrapolables. Quand il Le risque pour un sujet de ne pas couvrir ses
concernent que quelques vitamines (B12, folates, D, s’agit de la prévention de phénomènes comme besoins en vitamines peut être dû à :
parfois B1). Dans tous les autres cas, même si cela l’athérosclérose et la cancérogenèse, la durée de – des besoins élevés sur une période plus ou
n’est pas très satisfaisant sur le plan intellectuel et l’étude est nécessairement très longue. moins longue ;

Tableau III. – Facteurs de risque de déficience en rapport avec le métabolisme des vitamines.

Fragilité Composition alimentaire Métabolisme Interférences médicaments


aux agents
Vitamine Index de Index de Index de
physicochi- Ubiquité Points faibles Médicaments incriminés
miques(1) risque(2) risque(3) risque(4)
A 6 2 Graisses animales, laitages 1 2 Néomycine, cholestyramine,
antiacides, huile de paraffine
Caroténoïdes 6 2 Végétaux colorés 1 ? Peu étudié
D 7 3 Graisses animales, laitages 3 Exposition solaire néces- 2 Anticonvulsivants, antibioti-
saire ques, cholestyramine
E 4 2 Graisses végétales 2 Absorption diffıcile 1 Chélateurs
K 5 1 Certains végétaux, flore 2 Flore intestinale, métabo- 2 Antibiotiques
intestinale lisme hépatique Antivitamine K
C 8 2 Végétaux, vitamine très 1 Besoin le plus élevé, réser- 2 Kanamycine, PAS et salicyla-
fragile ves faibles tes, calcitonine, corticoïdes
B1 7 2 Céréales, viandes 2 Absorption active, rôles très 1 Antiacides, 5FU
divers, réserves faibles
B2 5 2 Laitages 1 1 Phénothiazine
B6 3 1 Toutes sources protéiques 2 Rôles très divers 2 INH, pénicillamine, hydrala-
zine
Folates 7 2 Végétaux 2 Absorption, 3 Triméthroprime, sulfasalazine,
transformations, cholestyramine, protoxyde
rôle clé dans le métabo- d’azote, antimitotiques, li-
lisme des acides nucléiques thium, anticonvulsivants,
triamtérène, œstrogènes
B12 8 2 Produits animaux 3 Absorption et transporteurs 3 PAS, salicylés, colchinine, met-
formine, cholestyramine, pro-
toxyde d’azote, méthotrexate,
contraceptifs oraux
Biotine 3 1 Produits laitiers, céréales 1 1 Anticonvulsivants
PP 1 1 Toutes sources protéiques 1 ? Non connus
Acide 6 1 1 ? Non connus
pantothéni-
que

Les index utilisés sont arbitraires. Ils sont d’autant plus élevés que le risque de déficience est plus grand.
(1) : Stabilité index = addition de tous les coefficients de sensibilité aux agents physicochimiques (chaleur, lumière, oxydants, réducteurs, humidité, acides, bases). Codifié selon l’échelle : stable = 0, sensible = 1, très sensible = 2.
(2) : Ubiquité ; 1 = grande ubiquité, 2 = relativement limitée, 3 = très limitée.
(3) : Fragilité du métabolisme ; 1 = peu de fragilité, 2 = fragilité élevée, 3 = fragilité très élevée.
(4) : Sensibilité aux médicaments ; 1 = peu ou pas de sensibilité, 2 = sensibilité élevée, 3 = sensibilité très élevée, ? = sensibilité inconnue.
PAS : acide para-amino-salicylique ; INH : acide isonicotinique hydrazide.

4
Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours - 3-0890

– des apports alimentaires bas en vitamines ; ‚ Déficiences spécifiques Vitamines liposolubles


– la conjonction, fréquente dans certains groupes
Elles peuvent apparaître dans des conditions Elles sont, dans leur ensemble, très mal absorbées
de population, de ces deux facteurs.
particulières et pour certaines vitamines. Parmi les en cas de malabsorption des graisses : pancréatite
‚ Déficiences polyvitaminiques facteurs de risque de déficience, certains tiennent chronique, ictère par rétention chronique,
aux individus, d’autres à des particularités mucoviscidose, grêle court, malabsorptions de
métaboliques des vitamines elles-mêmes diverses origines. La déficience en vitamine K est
Les enquêtes montrent que dans les (tableau IV). facilement mise en évidence par la mesure de la
pays développés, des groupes de sujets prothrombine. Les mesures de vitamines A et E sont
Vitamine D difficiles à interpréter, car elles sont régulées pour
ont des apports vitaminiques
insuffisants et des marqueurs Le rachitisme, qui est devenu rare compte tenu de l’une, et reliées à de nombreux paramètres du
biologiques traduisant des déficiences la politique de prévention systématique mise en métabolisme des lipides circulants pour l’autre.
œuvre, existe toujours, en dehors de toute anomalie
plus ou moins latentes.
métabolique, dans certaines couches de la Vitamine B12
population. Le diagnostic est relativement simple.
En dehors du problème du végétalisme, dans les
Les enquêtes vitaminiques réalisées dans la Les enfants faisant l’objet d’une surveillance
pays développés le statut en vitamine B12 est correct
population ambulatoire, en bonne santé apparente, médicale systématique sont facilement dépistés.
(s’il n’y a pas de perturbation de son absorption
mettent en évidence les éléments suivants : Les déficiences vitaminiques D chez l’adulte sont
[maladie de Biermer, gastrectomies, résection des
– des groupes de population d’importance sournoises. Elles peuvent évoluer pendant de
dernières anses de l’intestin grêle, achlorhydries
numérique variable, mais non négligeable pour nombreuses années avant d’avoir une traduction
pathologiques ou médicamenteuses).
certaines vitamines, ont des apports alimentaires clinique ou radiologique. L’ostéopénie est
bas, inférieurs ou très inférieurs aux multifactorielle. Elle est responsable de nombreux Les signes hématologiques de la maladie de
recommandations ; accidents fracturaires et de tassements vertébraux Biermer peuvent être évités par des traitements
– les dosages biologiques mettent en évidence qui constituent un véritable problème de santé abusifs à de fortes doses de folates. L’atteinte
des anomalies considérées comme caractéristiques publique. Les personnes vivant en atmosphère neurologique caractéristique continue à évoluer.
de carences vitaminiques, dans des proportions là confinée, celles qui n’ont pas d’exposition au soleil, Le traitement de la carence d’apport peut être
aussi variables mais significatives ; ne reçoivent pas une quantité suffisante de réalisé par des doses physiologiques de B12 per os.
– les déficiences sont d’autant plus rares que la rayonnement solaire pour couvrir leurs besoins en En cas de maladie de Biermer, le recours à la voie
vitamine est susceptible d’être stockée et qu’elle est vitamine D s’il n’y a pas de supplémentation. La parentérale est préférable, au moins au début. La
présente dans de nombreux aliments ; ration alimentaire habituelle ne représente en effet vitamine B12 à fortes doses peut aussi être délivrée
– les déficiences sont souvent multivitaminiques, que le tiers des besoins. Cette déficience chronique par voie orale, car la diffusion passive suffit à
les facteurs favorisant le déficit (densité nutritionnelle en vitamine D représente une cause de fragilisation l’absorption des faibles doses nécessaires. Il arrive
basse, alimentation hypoénergétique, malab- osseuse qui est corrigée dans des études avec que des malades, changeant de médecin, oublient
sorption …) ayant un impact global sur la qualité de intervention (apports renforcés en vitamine D et de signaler leur maladie. Il faut alors au moins 2 ou 3
la ration alimentaire ou l’absorption intestinale des calcium) menées sur des personnes âgées vivant en ans pour que l’anémie mégaloblastique
vitamines. institution. caractéristique se manifeste de nouveau.

Tableau IV. – Groupes à risque de déficience ou de carence.

Critères/vitamines A D E K B1 B2 B6 B8 B9 B12 PP C
Âge et état physiologique
Femmes enceintes et allaitantes + + + +++ ++ +
Prématurés + +++ +++ +++ + ++ +
Nourrissons, enfants ++ L’état nutritionnel de la mère retentit sur la qualité du lait. Vitamine K si nourri au sein, vitamine B6 si
nourri au lait de chèvre. Importance de la période de diversification alimentaire
Adolescents ++ Période de besoins élevés et de désordres alimentaires, peu de travaux épidémiologiques spécifiques
Personnes âgées + +++ + + + +++ ++ +
Pathologies
Dénutritions ++ + + + + + ++ + + +
Malabsorptions ++ ++ ++ + + + + + ++ ++ + +
Sida + + + + + + + + ++ + + +
Alcoolisme + ++ ++ + ++ ++ + +
Cirrhose + ++ + ++ + + + + ++ + + +
Tabagisme + + +
Dialyse Toutes les vitamines hydrosolubles sont concernées
Traitement médicamenteux ++ + + + + ++ +
Habitudes alimentaires
Alimentation monotone Dépend de la sélection alimentaire et des groupes d’aliments non consommés
Végétalisme ++ + ++
Hypocalorique + + + + + + + + + + + +
Régime sans résidus + + ++ ++

5
3-0890 - Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours

Folates En cas de carence, il faut administrer la vitamine besoins micronutritionnels. L’excès de rétinol est,
Les déficiences isolées en folates ne sont pas en cause à fortes doses, et s’assurer que le reste de la tout comme sa carence, tératogène, et d’autres
exceptionnelles. Elles sont souvent polyfactorielles, ration est correctement couvert. Les interrelations qui auteurs se préoccupent maintenant des déficiences
associant des alimentations pauvres en vitamines ou existent entre les métabolismes doivent conduire à nutritionnelles que ce type de message peut induire.
comportant des chélateurs comme les acides des prescriptions prenant en compte l’ensemble des La supplémentation en vitamine A des femmes en
tanniques, des perturbations de l’absorption et une problèmes de déficience. début de grossesse doit être très modérée. La
augmentation des besoins. Il est nécessaire de couverture des ANC est l’objectif à atteindre.
‚ Ne pas donner plus que nécessaire :
s’interroger particulièrement sur ce problème en cas La vitamine D est toxique à doses excessives.
innocuité et toxicité des vitamines
de grossesse débutante, et plus généralement chez Dans la pratique, il faut des doses proches de 10
À l’exception des vitamines A et D, la toxicité des ANC sur de longues périodes pour atteindre le seuil
toute femme en âge d’avoir des enfants. Le spina
vitamines, au sens pharmacologique ou toxique et observer les signes, parfois graves, de
bifida est fréquent chez les enfants de femmes
toxicologique du terme, est très faible. Ceci ne saurait l’intoxication chronique : hypercalcémie et, au long
carencées en folates. La prévention est possible par
justifier des comportements anarchiques en matière cours, perturbations osseuses ou rénales graves,
l’administration extrêmement précoce de folates.
de consommation ou de prescription. hypertension intracrânienne chez l’enfant. La lutte
Dans certaines populations [3, 11], la prescription
Dans la plupart des cas, il est possible, sans le contre le rachitisme est bien organisée en France, et
systématique de polyvitamines, et en particulier de
moindre trouble apparent, d’ingérer ou d’injecter des les cas de surcharge en vitamine D sont devenus très
folates, constitue une prévention efficace de cette
doses unitaires couvrant les besoins de plusieurs rares avec l’éducation des mères.
malformation, même administrée à des femmes
semaines ou mois, voire années (vitamine B12). Des cas d’intoxications par la vitamine B6 ont été
sans antécédent d’enfant précédemment mal formé.
Le principe d’action de certains médicaments est décrits chez des sujets recevant des doses très
Une attention particulière doit être apportée aux
justement leur activité antivitaminique. Il est parfois importantes pendant plusieurs mois. Ce fait a amené
personnes sous anticonvulsivants et aux alcooliques
nécessaire de régulariser le niveau des apports le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France à
chroniques.
(vitamine K et traitements anticoagulants). proposer une dose limite de sécurité pour la
Vitamine B1 (thiamine) Il faut éviter les fortes doses de vitamine B6 en cas consommation journalière au long cours de
de traitement par la lévodopa, du fait des vitamine B6. Cette dose a été fixée à 2,5 fois les ANC
La ration en vitamine B1 est normalement assez
interférences métaboliques qui rendent le traitement (tableau I).
facilement couverte, car elle est véhiculée par des
moins actif.
aliments variés. Les buveurs excessifs d’alcool
De très fortes doses de folates injectées à des
courent un risque de déficience et de carence


patients épileptiques pourraient potentialiser
susceptible de provoquer ou de favoriser diverses
complications : cardiomyopathie, polynévrite
l’apparition de crises convulsives. Vitamines « protectrices »
alcoolique, encéphalopathie carentielle de À fortes ou très fortes doses (de dix fois à 1 000
Gayet-Wernicke, syndrome de Korsakoff. Ces ANC selon les cas), les vitamines sont des
médicaments qui entraînent parfois des effets La genèse, dans diverses circonstances
syndromes comportent souvent des carences physiologiques ou pathologiques, de radicaux libres,
polyvitaminiques dues à la fois : secondaires ou des intolérances.
Ainsi, les très fortes doses de vitamine C (plusieurs généralement dérivés de l’oxygène, est connue
– à la baisse de la densité nutritionnelle des depuis longtemps. Ces radicaux, très instables du fait
rations (les boissons alcoolisées ne comportent pas grammes) peuvent faciliter l’insomnie en
déclenchant des brûlures épigastriques chez des de la perte d’un électron, cherchent dans leur
de vitamines, à l’exception de la bière) ; environnement immédiat un électron susceptible de
– aux perturbations de l’absorption et/ou du sujets sensibles. Elles seraient aussi pro-oxydantes,
ce qui peut aller à l’encontre d’une partie des effets les stabiliser. Cette capture électronique se fait au
stockage en cas d’atteinte hépatique ; détriment de structures importantes telles que les
– à l’augmentation des besoins, le catabolisme recherchés. Quant au rôle excitant de la vitamine C, il
n’est évident que chez les sujets atteints de scorbut. acides gras poly-insaturés, les acides nucléiques. La
de l’éthanol consommant de grandes quantités de fluidité des membranes cellulaires, les transporteurs
vitamines hydrosolubles. Concernant la vitamine A, sa toxicité est connue
depuis très longtemps. Le seuil toxique peut être lipoprotéiques, le code génétique, la souplesse des
atteint par la consommation abusive de produits très tissus de soutien, de façon générale toutes les


riches en rétinol, comme le foie d’animaux structures durables, les molécules volumineuses et
Prescription des vitamines carnivores ou de poissons des mers froides qui, en fragiles sont à la merci de ces agressions. Autre
en pratique particularité, les détériorations que subissent des
bout de chaîne alimentaire, peuvent en concentrer
d’importantes quantités. Le risque de surcharge structures s’aggravent avec le temps et deviennent
médicamenteuse est devenu minime depuis que le plus difficiles à réparer. Elles sont proportionnelles à
‚ Y penser la durée de l’agression et donc à l’âge.
rétinol a été remplacé, dans ses indications
principales (traitements à visée dermatologique), par
‚ Athérosclérose
✔ L’opulence alimentaire, n’implique des rétinoïdes de synthèse (qui ont leur propre
toxicité). Les signes de surcharge dermatologique, Les recherches concernant l’efficacité de
pas que l’on soit bien nourri.
hépatique, neurologique, osseuse sont variables supplémentations en vitamines antioxydantes dans
✔ Obésité et carence ne sont pas la protection vasculaire sont très actives. Des rations
selon l’âge du sujet.
incompatibles. de vitamine E de l’ordre de 50 à 200 UI sont mises
Le rétinol peut avoir une toxicité fœtale et, en cas
d’ingestion de fortes doses en début de grossesse, en évidence chez des sujets ayant un risque relatif
Devant un patient, il faut évaluer les facteurs de entraîner l’apparition de malformations d’accident coronarien significativement réduit. La
risque de déficience vitaminique. Quelques mesures congénitales. Parmi la quinzaine de cas publiés, il n’a vitamine E a de multiples points d’impact sur les
d’hygiène suffisent généralement, à condition d’être jamais été décrit d’accident sérieusement facteurs athérogènes, qu’ils soient liés au
suivies, à éviter les problèmes… Chacun sait comme documenté pour des doses inférieures à 25 000 UI/j métabolisme de l’endothélium vasculaire, à celui des
il est difficile d’infléchir les habitudes alimentaires (environ 10 ANC). La ration totale de rétinol lipoprotéines ou à la microrhéologie.
d’un sujet. Si le risque persiste, il est préférable de préformé (les caroténoïdes provitaminiques ne
proposer des mesures correctrices adaptées. doivent pas être considérés dans ce calcul) comporte
‚ Cancer
les apports alimentaires et les éventuelles Des arguments épidémiologiques convaincants
‚ Donner ce qui est nécessaire supplémentations. Certains aliments, comme le foie ont permis d’établir qu’il existe des différences
En cas de déficience, plusieurs micronutriments de boucherie, peuvent renfermer des quantités très d’incidence de certaines variétés de cancers
sont généralement « à risque ». Dans la mesure où il importantes de rétinol, du fait de la supplémentation (épithéliaux en particulier) en fonction des habitudes
est impossible de prévoir exactement lesquels, il est inconsidérée des animaux. Ceci a conduit des alimentaires. Les sujets qui absorbent des rations
préférable de recourir à des préparations auteurs anglais à recommander aux femmes riches en vitamine A, en caroténoïdes, en vitamine C,
polyvitaminées équilibrées, dans des proportions enceintes de s’abstenir de consommer du foie, ont moins de cancers que les autres. Des études
proches d’une fraction des apports conseillés. pourtant précieux en matière de couverture des prospectives, avec intervention, furent donc mises en

6
Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours - 3-0890

place. Certaines ont donné des résultats positifs. correctement. L’expérience montre cependant que lésions telles que l’athérosclérose ou à l’initiation de
Deux d’entre elles ont fait apparaître un résultat de nombreuses jeunes femmes ont des rations qui certaines formes de cancers fait elle l’objet de
paradoxal. Les sujets qui reçoivent du bêtacarotène restent éloignées de ce niveau d’apport en folates. recherches très actives.
ont une incidence supérieure de cancer bronchique. En cas de début de grossesse difficile (vomissements De facteurs de correction de grandes endémies
ou anorexie), le risque de carence survenant au nutritionnelles, hélas toujours d’actualité dans
‚ Pathologies « dégénératives » moment de la fermeture du tube neural est grand, certains pays sous-développés, les vitamines sont
Des travaux actifs portent sur la prévention de la avec toutes ses conséquences. perçues maintenant comme facteurs de maintien
cataracte par la vitamine C. Ils sont en cours d’un bon état de santé.
d’évaluation et sont basés sur des considérations De nombreuses questions méritent d’être posées.


épidémiologiques et expérimentales. Une alimentation équilibrée de type méditerranéen,
Les recherches engagées dans la voie de la Conclusion riche en végétaux colorés est, incontestablement,
recherche d’un effet préventif des micronutriments facteur de santé et de longévité. Les vitamines, et
antioxydants vis-à-vis des maladies neurologiques plus généralement les micronutriments qui sont
dégénératives (maladie d’Alzheimer, maladie de Depuis la mise à la disposition des thérapeutes abondants dans ce type de régime, ont-ils, in vivo,
Parkinson, dégénérescences neurologiques diverses) des fortes doses, rendue possible par la synthèse des propriétés protectrices, notamment envers les
n’ont pas eu, jusqu’à maintenant, de conclusion industrielle, les vitamines ont été employées dans agressions radicalaires responsables de maladies
utilisable. des indications diverses. Certaines sont liées à l’âge ?
incontestables : Faut-il définir de nouveaux objectifs de santé pour
‚ Spina bifida – la correction des carences plus ou moins établir les bases de calcul des ANC intégrant cette
La prévention par les complexes polyvitami- spécifiques relève sans conteste de la prescription de possibilité de protection ?
niques et en particulier par les folates, de la récidive la ou des vitamines déficientes ; Le débat reste ouvert et le caractère appa-
du spina bifida chez les enfants des femmes ayant – la déficience vitaminique (carence fruste), peut remment paradoxal des résultats enregistrés dans
déjà eu un enfant atteint, est efficace dans certaines être prévenue par l’administration systématique de certaines études d’intervention (légère augmentation
zones du globe où l’incidence de cette malformation faibles doses de vitamines à titre préventif ; de l’incidence du cancer du poumon chez des
est forte. – l’utilisation de fortes ou très fortes doses de volontaires recevant une supplémentation en
Plus récemment, il a été démontré que dans une vitamines pour corriger des symptômes que l’on bêtacarotène), doit inciter à la prudence et à la
population d’Europe centrale, la supplémentation rencontre dans les carences (même s’il n’y a pas de poursuite des recherches.
systématique, réalisée dans des conditions carence) a été longtemps prônée avec des fortunes Pour le moment, il faut continuer à souligner que
scientifiques satisfaisantes, a un effet préventif diverses. Ces indications sont progressivement le risque de déficience existe et qu’il peut être évalué.
significatif. abandonnées devant l’apparition de médicaments Des mesures préventives, purement alimentaires
Le problème que pose cette supplémentation est spécifiques, souvent plus efficaces. (alimentation suffisante et variée), ou faisant appel à
qu’il faudrait qu’elle soit prise, en pratique, dès la Depuis quelques années, l’intérêt des chercheurs des compléments alimentaires, sont faciles à
conception. C’est pour cette raison que la Société s’est tourné vers les conséquences à long terme des prendre.
Nord-Américaine de Pédiatrie préconise que l’on déficiences vitaminiques et la pathogénie de certains Il faut rappeler aux thérapeutes que les carences
assure à toutes les femmes en âge de procréer des états pathologiques multifactoriels, dans lesquels des vitaminiques n’ont pas disparu, et que la démarche
apports en folates au moins égaux à 300 mg/j. On mécanismes protecteurs insuffisants sont mis en diagnostique doit comporter l’évaluation du risque
peut atteindre sans difficultés un tel niveau en cause. Ainsi, la protection contre les effets délétères de carences induit par les états pathologiques et
consommant des légumes verts, cuisinés des radicaux libres qui participent à la genèse de leurs traitements.

Alain Lemoine : Médecin des Hôpitaux,


service de gastroentérologie et nutrition, centre hospitalier de Nevers, 1, avenue Colbert, 58033 Nevers cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lemoine A. Vitamines dans la pratique clinique de tous les jours.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0890, 1998, 7 p

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Médicales Internationales. Paris : Tec & Doc, Lavoisier, 1992 : 1-357

7
3-0895 (2004)

3-0895

Nutrition et diabète :
diététique pratique
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

H. Gin

L a prescription diététique chez un patient diabétique ne peut s’envisager qu’après un diagnostic étiologique
précis, c’est-à-dire en ayant une idée certaine du type de diabète ; elle ne peut se concevoir que dans le cadre
d’une bonne connaissance du rapport aliment-nutriment. L’apport calorique est respecté chez le patient diabétique
de type 1 et est réduit chez le patient diabétique de type 2 en surcharge pondérale. L’apport glucidique représente
45 à 50 % de la ration calorique prescrite ; la bonne connaissance des équivalences glucidiques assure au patient
diabétique de type 1 une bonne gestion de son insulinothérapie ; le respect d’une ration glucidique suffisante chez le
patient diabétique de type 2 est un bon moyen de lutter contre l’insulinorésistance. L’apport lipidique est ce qui doit
être restreint le plus en luttant contre les graisses saturées ; il ne doit pas dépasser 35 % de la ration calorique, quel
que soit le type de diabète. Enfin, un bon contrôle de l’apport protidique au-dessous de 1 g/kg/j est un excellent
moyen de préserver une fonction rénale. Toutes ces notions ne peuvent se concevoir que dans le cadre d’une bonne
pédagogie diététique où on évite de confondre protides et viande, glucides et pain, lipides et beurre, mais où on a
une bonne connaissance de la composition exacte des aliments ; il s’agit d’un acte médical à part entière, relevant
d’une bonne connaissance diététique.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Diabète type 1 ; Diabète type 2 ; Aliments – Nutriments ; Apports caloriques, glucidiques, lipidiques


‚ Diabète de type 2
Introduction Il s’agit d’une maladie tout à fait différente, centrée certes sur une inadéquation de
sécrétion insulinique, mais la fonction pancréatique reste présente pendant
Chaque jour l’homme mange pour satisfaire les besoins énergétiques et longtemps. Cette sécrétion pancréatique se trouve face à une entrave à l’action de
plastiques de son organisme ; cependant, les apports sont discontinus et la vie reste l’insuline ; la sédentarité, la surcharge pondérale, une alimentation trop riche en
sans interruption. Les besoins énergétiques sont donc constants tout au long du calories et en graisses saturées sont des facteurs d’entrave à l’action de l’insuline,
nycthémère. Pour chaque type de nutriment, il existe un système de régulation ; souvent retrouvés dans notre civilisation moderne, expliquant l’augmentation du
pour les glucides, ce système est essentiellement représenté par la fonction nombre de patients diabétiques de type 2.
insulinique pancréatique et ses organes cibles qui assurent la mise en stock des Le patient diabétique de type 2, cliniquement, est assez souvent facile à
apports glucidiques au niveau hépatique et musculaire sous forme de glycogène reconnaître ; il prend du poids avec une hypertrophie du tissu sous-cutané, et au fur
puis le déstockage au fur et à mesure des besoins. et à mesure où le poids augmente, les glycémies s’élèvent ; en revanche, quand il fait
Le diabète est donc une maladie où la nutrition et la prise en charge nutritionnelle attention à son état nutritionnel ou son activité physique, le poids diminue, et alors
représentent une part importante de la prise en charge thérapeutique : il n’y aura les glycémies s’améliorent. Cette évolution, tout à fait caractéristique du diabète de
pas de suivi correct répondant aux règles de bonne pratique clinique sans type 2, est importante à retenir. Cependant, parfois il existe quelques situations
prescription adaptée et raisonnée de quelques règles nutritionnelles. cliniques où le poids du patient baisse et les glycémies montent : soit le patient est
atteint d’une pathologie intercurrente, soit il commence à débuter une carence


insulinique et évolue alors vers l’insulinorequérance.
Rappel et application Les conséquences nutritionnelles dans le cadre d’un diabète de type 2 sont
relativement simples ; l’essentiel est de ne pas aggraver l’état d’insulinorésistance,
voire de l’améliorer. La prise en charge nutritionnelle d’un patient diabétique de type
‚ Diabète de type 1 2 consiste donc à bien connaître la relation qui existe entre aliments, nutriments,
Il s’agit d’une maladie aboutissant plus ou moins rapidement à une destruction poids et insulinorésistance.
des cellules bêta avec perte de la fonction insulinique pancréatique. Dans le diabète
de type 1, il n’y a pas d’autre anomalie de l’organisme ; l’insuline est susceptible d’y ‚ Complications dégénératives
agir de manière normale si elle est distribuée de façon adaptée. La carence Les complications dégénératives du diabète à type de microangiopathies ou
insulinique se traduit par un amaigrissement portant sur la masse maigre ; son macroangiopathies sont directement liées au niveau glycémique. La glycémie
diagnostic est donc facile : le patient perd du poids, de la masse maigre et les engendre une glycation de l’ensemble des protéines et les protéines glyquées
glycémies montent. Les conséquences thérapeutiques sont donc simples, il importe subissent une modification de leur structure ; par ailleurs, le niveau glycémique
de faire le travail du pancréas. La prise en charge nutritionnelle doit assurer une influence le comportement rhéologique des hématies et donc la distribution
adéquation entre les apports glucidiques et les apports insuliniques, avec une bonne d’oxygène aux différents tissus. Tabac, hypertension et dyslipémies jouent un rôle
connaissance de la teneur glucidique des différents aliments. Par ailleurs, il faut bien favorisant et amplifiant des complications dégénératives ; sur le plan nutritionnel,
se souvenir que le pancréas assure une sécrétion insulinique à chaque repas mais aussi bien l’hypercholestérolémie que l’hypertriglycéridémie ont été montrées
aussi tout au long du nycthémère, c’est-à-dire 24 heures sur 24 ; il faut donc que comme des facteurs indépendants des complications dégénératives du diabète ;
l’opothérapie insulinique assure une couverture de la totalité du nycthémère pour enfin, en cas de néphropathie, l’hyperfiltration glomérulaire est un facteur
assurer un traitement correct du diabète. d’autoaggravation de la néphropathie.

1
3-0895 - Nutrition et diabète : diététique pratique

Tableau 1. – Répartition des aliments-nutriments en fonction du type de Tableau 2. – Exemple d’équivalence en apport de glucides.
diabète.
40 g de pain (deux tranches)
Type 1 Type 2 8 cuillères à soupe de petits pois
2 pommes de terre (petite taille)
Poids Normal Surpoids 5 cuillères à soupe de riz, pâtes, légumes secs
Apport calorique Respecté Restreint
% glucidique 45 à 50 % 45 à 50 %


% lipidique 30 à 35 % 30 à 35 %
Apport protidique Restreint à 0,8 g/kg/j en cas d’insuffısance rénale Prescription glucidique

L’ensemble de ces données a des conséquences sur la prise en charge L’apport glucidique devrait théoriquement être de 45 à 55 % de la charge
nutritionnelle. En effet, tout un chacun sait qu’il n’est pas difficile d’aggraver une calorique totale pour assurer le meilleur équilibre alimentaire et surtout la meilleure
hypertriglycéridémie avec un régime un peu trop calorique ou trop riche en sensibilité à l’insuline de l’organisme. Chez le patient diabétique de type 1, il importe
glucides ; il n’est pas difficile d’aggraver l’évolution de la dégénérescence des parois par ailleurs que celle-ci soit répartie tout au long du nycthémère de façon stable d’un
vasculaires avec une alimentation riche en acides gras saturés ; il n’est pas difficile jour à l’autre, de façon à ce que les mêmes quantités de glucides soient apportées
d’aggraver l’état d’hyperfiltration glomérulaire, donc l’évolution d’une néphropathie tous les jours au petit déjeuner, que les mêmes quantités de glucides soient
ou l’aggravation d’une microprotéinurie avec une diététique trop riche en protéines. apportées tous les jours au repas de midi, et le même raisonnement pour le repas du
soir ; en effet, face à ces quantités de glucides et l’activité physique du patient, sont
‚ Aliments – Nutriments proposées des doses d’insuline qui sont la variable. Seule la pratique d’une
Il n’est pas possible d’aborder le principe du conseil diététique simple sans avoir insulinothérapie dite fonctionnelle permet une certaine modulation des apports
une idée claire sur la différence qu’il y a entre aliments et nutriments et sans se glucidiques mais impose alors une très bonne connaissance des équivalences
préparer à une pédagogie efficace auprès des patients. Les médecins parlent de glucidiques (Tableau 2).
glucides, lipides, protides auxquels les patients associent : Chez le patient diabétique de type 2, il importe de passer suffisamment de temps
– pour les glucides : pain, féculents et sucreries ; pour bien définir cette ration glucidique, et qu’elle soit bien comprise par le patient ;
– pour les lipides : beurre et parfois fromage ; en effet, le patient diabétique de type 2 a tendance à considérer que la glycémie qu’il
– pour les protéines : viande. trouve élevée le matin à jeun correspond directement à la quantité de glucides qui se
La pédagogie à ce niveau doit être excessivement intense et bien savoir que si les trouvaient la veille au soir dans son assiette. Ceci correspond à une méconnaissance
sucreries contiennent en effet essentiellement du sucre, le pain n’apporte que 50 % de la physiologie : le glucose qui circule dans le sang le matin au réveil correspond à
de son poids sous forme de glucides, les féculents dérivés des céréales n’apportent celui qui a été libéré par le foie, et non pas à celui qui a été mangé le soir ; la glycémie
que 20 % de leur poids sous forme de glucides, et les féculents dérivés des élevée du réveil est une illustration directe de la résistance à l’insuline du foie ; or,
légumineuses sont à la fois riches en glucides mais aussi en protéines et contiennent plus la ration de glucides est restrictive, plus la résistance à l’insuline augmente et en
généralement autant de protéines que de glucides. Les lentilles, les haricots secs conséquence, plus le diabète est difficile à traiter ; il importe donc, chez le patient
doivent être assimilés à des aliments glucidoprotidiques à part équivalente. Pour ce diabétique de type 2, de respecter au mieux un apport glucidique suffisant.
qui est des lipides, il est souvent oublié que les charcuteries peuvent contenir 40 à Cependant, la pratique nous montre que les patients auxquels nous avons affaire
60 % de protéines et il est surtout oublié qu’une viande rouge contient certes de 15 à ont, sous l’influence de leur environnement extérieur, tendance à diminuer leur
20 % de protéines, mais contient de 14 à 18 % de lipides, la ration lipidique étant ration glucidique ; ceci amène le médecin au cours de la consultation à augmenter
d’autant plus grande que la viande est tendre. Enfin, les notions de densité calorique cette ration, mais bien sûr, dans ces conditions, à baisser la ration lipidique pour ne
doivent être connues et chacun doit se souvenir que 1 g de glucide apporte 4 cal, 1 g pas modifier la ration calorique totale. Le risque serait qu’à la sortie de la
de lipide 9 cal, 1 g de protide 4 cal ; mais pour apporter 1 g de glucide, il faut 2 g de consultation, un patient ait compris qu’il fallait qu’il augmente sa ration glucidique
pain, pour apporter 1 g de lipide, il suffit de 1 g d’huile. De ces notions, il doit être sans avoir entendu qu’en même temps, il fallait qu’il diminue sa ration lipidique. Il
retenu par exemple qu’un patient qui croit faire un régime en ne mangeant que importe bien sûr de faire prendre conscience au patient de la différence de teneur
viande grillée et salade a un régime lipidoprotidique aglucidique, mais dont la glucidique entre les différents aliments, ceci conduisant aux notions d’équivalence ;
richesse en lipides assure souvent une densité calorique engendrant une entrave à enfin, dans une connaissance diététique plus avancée, il peut se discuter la notion de
l’amaigrissement. vitesse d’accessibilité aux glucides, c’est-à-dire la notion d’index glycémique. Plus un
aliment est riche en fibres, moins il a été industriellement travaillé (meunerie) et
moins il a été cuit, plus les glucides contenus dans cet aliment sont lentement


accessibles [2].
Apport calorique et diabète

L’apport calorique est la première notion qui doit être définie dans le cadre d’une
prescription diététique.
Le patient diabétique de type 1 n’a pas de surpoids, n’a pas d’entrave à l’action de

Apport lipidique

Les lipides doivent donc être limités du fait de leur rôle cal (9 calories/g) et du fait
l’insuline. Son apport calorique doit donc être normal. En quelque sorte, la ration de leur entrave potentielle à l’action de l’insuline. Dans une alimentation équilibrée,
calorique habituelle du patient doit être respectée ; il n’y a pas de notion de ils devraient représenter 30 % de l’apport calorique ; cependant, les lipides ne
restriction calorique dans le diabète de type 1. peuvent pas être traités comme de simples acteurs caloriques ; ils ont aussi un aspect
Le patient diabétique de type 2 a le plus souvent une surcharge pondérale ; structurel et un aspect fonctionnel. Au niveau fonctionnel, ils participent à la
celle-ci est un facteur d’entrave à l’action de l’insuline. La perte de poids a donc un synthèse des prostaglandines, elles-mêmes jouant sur les phénomènes d’adhésion
double objectif ; d’une part contrôler les facteurs de morbimorbidité engendrés par la plaquettaire. Au niveau membranaire, les lipides sont directement incorporés dans
surcharge pondérale, mais aussi et surtout améliorer la sensibilité à l’insuline et en la constitution des membranes des cellules et vont, de ce fait, participer à
quelque sorte épargner la fonction pancréatique. La perte de poids ne peut être l’accélération ou au ralentissement des complications dégénératives. Les lipides ne
assurée que par une restriction calorique. Il importe donc, soit de donner un régime peuvent donc pas être traités comme de simples nutriments qu’il faut chercher à
hypocalorique « standard », ce qui généralement n’est pas la bonne solution, car non combattre mais il faut expliquer au patient les différentes variétés de lipides que l’on
respecté, soit au contraire de partir de l’apport calorique actuel du patient et peut globalement opposer en saturés, mono-insaturés et polyinsaturés ; les saturés
diminuer cet apport calorique de 10 à 15 % de façon progressive, en sachant que la sont essentiellement représentés par les graisses animales, et d’une manière
plus grande efficacité consiste à supprimer les aliments lipidiques, voire les calories générale peuvent être assimilés aux complications dégénératives et à
alcooliques. En effet, chaque bouteille de vin apporte 650 à 700 cal. l’insulinorésistance ; les mono-insaturés sont essentiellement représentés par l’acide
Une fois la quantité calorique définie, la répartition des différents aliments et oléique que l’on trouve dans l’huile d’olive, l’huile d’arachide et l’huile de colza ; ces
nutriments au sein de ce volume calorique est effectuée, en se souvenant bien que, acides gras sont strictement neutres par rapport à l’insulinorésistance ; ils ne lui sont
lorsqu’un type de nutriment est donné avec une certaine abondance, ceci doit se ni favorables ni défavorables. Ces acides gras, en revanche, sont excessivement
faire aux dépens d’un autre nutriment [1] (Tableau 1). favorables au niveau membranaire et sur les complications dégénératives ; la

2
Nutrition et diabète : diététique pratique - 3-0895

dernière variété sont les polyinsaturés divisés en N–3 provenant essentiellement des consommation de lipides mono-insaturés et d’huile d’olive. La réalité du paysan
poissons et mammifères marins, et N–6 apportés par les huiles de soja, tournesol, méditerranéen est un apport calorique restreint, un apport glucidique important
maïs et pépins de raisin. Ces acides gras sont favorables dans la prévention des sous forme d’aliments riches en fibres, très peu de graisses animales, une
complications dégénératives macrovasculaires et leur consommation est consommation importante de poissons (Crête), le tout arrosé d’huile d’olive
recommandée ; ils restent sans influence sur la sensibilité de l’organisme. apportant en effet de nombreux acides gras mono-insaturés ; enfin, le régime est
Au total, il faut réduire l’apport lipidique total chez le patient diabétique de type frugal avec une consommation importante de légumes et de fruits frais. Nos
2 mais, en même temps, il faut l’instruire de l’effet non délétère de certains corps contemporains occidentaux oublient généralement la notion d’apports caloriques
gras. restreints, de faible teneur en graisses animales, de consommation de fruits frais et
de légumes, gardant leur habitude alimentaire excessive et rajoutant l’huile d’olive,
ce qui ne fait qu’augmenter le nombre de calories consommées, aboutissant à l’effet


Protéines

L’attitude nutritionnelle classique consiste à considérer la ration protéique comme


inverse de celui recherché. Les erreurs d’interprétation des messages de
communication sont fréquentes et le médecin doit être capable de les analyser et de
les décrire.


le complément libre de la ration alimentaire. Ceci est généralement vrai ; cependant,
lorsqu’il existe un risque néphropathique, soit une microprotéinurie débutante, soit De la réalité de nos patients
au contraire une néphropathie vraiment installée avec élévation de la créatinine, il
importe alors de faire attention à l’apport protidique. Les protéines participent en
effet comme nous l’avons vu à l’hyperfiltration glomérulaire et il a bien été montré Nous disposons actuellement d’un certain nombre de données épidémiologiques
que chez un patient néphropathe, la perte de filtration glomérulaire mensuelle qui nous permettent d’appréhender de façon statistique le comportement de nos
pouvait passer de 0,14 ml/mois, à 0,64 ml/mois, en fonction uniquement de l’apport patients. Une enquête européenne a pu montrer que les patients diabétiques de
protidique. Il importe de recommander à un patient néphropathe un apport de 0,8 à type 1 gardaient tous une consommation glucidique insuffisante (39,6 % de la ration
0,9 g/kg/j de protéine, en sachant que la population que nous représentons mange totale) et surtout avaient une ration protéique excessive, 1,5 g/kg/j de protéine.
facilement 1,2 à 1,3 g/kg/j de protéine et que les patients diabétiques qui pratiquent Plusieurs enquêtes chez les patients diabétiques de type 2 réalisées en France ont
une restriction glucidique consomment en moyenne 1,4 à 1,5 g/kg/j. On comprend toutes abouti à des conclusions concordantes. Le patient diabétique de type 2 est
donc l’importance qu’il y a à bien identifier cette situation chez le patient diabétique généralement considéré par le milieu médical comme un patient n’adhérant pas aux
néphropathe. Pour l’identifier, il importe d’être bien conscient de la teneur en conseils nutritionnels. Ces enquêtes ont en fait montré l’inverse ; les patients qui se
protéine des viandes et autres produits animaux, ce que tout le monde accepte, mais déclarent ayant un diabète de type 2 ont tendance à consommer un peu moins de
aussi de la haute teneur en protéines des légumineuses. Il est à noter globalement calories que la population générale, plus de margarine que la population générale,
qu’il y a une bonne concordance entre restriction protidique et restriction lipidique ; ce qui prouve bien que spontanément, une fois qu’ils se savent malades, ils sont
les choses vont donc dans le même sens, l’objectif doit donc être atteignable. prêts à faire des efforts nutritionnels ; malheureusement, souvent les messages qui
leur sont donnés ne sont pas bons, et ceci conduit au fait qu’ils mangent moins de
glucides que la population générale, plus de protéines et plus de lipides. Ceci laisse


De la connaissance théorique aux erreurs
d’interprétation des messages grand public
entrevoir que cette population diabétique de type 2 est peut-être plus motivée qu’on
ne le dit mais, pour qu’elle se prenne bien en charge, il faut que les conseils
nutritionnels qui convergent vers elle soient homogènes, adaptés et réalistes.
Au total, une prescription diététique est un véritable acte médical basé sur un
La ration calorique est une boîte inextensible au sein de laquelle les différents diagnostic (il importe de bien savoir si on a affaire à un type 1 ou un type 2), puis une
nutriments que nous venons de voir sont placés ; quand les uns augmentent, les prescription adaptée au patient, c’est-à-dire différente d’un patient à l’autre, surtout
autres diminuent. Cependant, si cette notion est simple à comprendre, elle se heurte différente d’un type de diabète à l’autre, raisonnée et comprise avec un effort de
aux données des médias ; à titre d’exemple, le régime méditerranéen est aujourd’hui pédagogie. Il est hautement probable que c’est au niveau de l’effort pédagogique
très largement colporté. Le grand public retient la consommation de vin, la que se trouve le hiatus expliquant le relatif échec constaté aujourd’hui.

H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier)


Adresse e-mail: henri.gin@chu-bordeaux.fr
Université de Bordeaux 2, service de nutrition-diabétologie, Hôpital Sud, 33604 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H. Gin. Nutrition et diabète : diététique pratique.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0895, 2003, 3 p

Références

[1] ANAES Suivi du patient diabétique de type 2. Recommandations. Diabètes [2] Gin H, Rigalleau V. Diététique et diabète. Encycl Méd Chir 1999 (Elsevier
Métab 1999; 2 (suppl2) SAS, Paris), Endocrinologie, 10-366-R-10, 9p

3
3-0905 (2004)

3-0905

Prescription diététique
dans l’insuffisance rénale
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

V. Rigalleau, H. Gin

A vant la dialyse, réduire l’apport protéique à 0,8 g/kg/j.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Insuffisance rénale chronique ; Protéines alimentaires ; Dénutrition


clinique (tension artérielle, état d’hydratation) et biologique (ionogramme
Introduction plasmatique, réserve alcaline, bilan phosphocalcique, hémogramme) des
patients.
‚ Élimination des déchets azotés
L’insuffisance rénale justifie une prise en charge diététique en médecine
ambulatoire lorsqu’elle est chronique. Une fois le diagnostic porté, les objectifs de Ils sont issus du métabolisme protéique, sous forme d’urée synthétisée par le
cette prise en charge sont de : foie (Fig. 1). En réduisant l’apport protéique alimentaire, on réduit la synthèse
– pallier, tant que possible, la défaillance des différentes fonctions d’urée et l’urémie. Ceci a des effets positifs sur les signes de l’intoxication
normalement assurées par les reins ; urémique : céphalées, mais aussi troubles digestifs, anorexie, et est donc
– ralentir l’évolution qui se fait vers la nécessité d’utiliser des moyens favorable au maintien de l’état nutritionnel. Mais la restriction protéique a ses
imparfaits, astreignants et coûteux d’épuration extrarénale (ou la limites : la perte azotée obligatoire représente 0,6 g/kg/j de protéines
transplantation) ; alimentaires. Il peut exister un accroissement des besoins protéiques dans les
– ne pas contribuer à la dénutrition fréquemment observée chez ces patients, situations d’hypercatabolisme, et une perte supplémentaire en cas de protéinurie,
et au contraire la dépister pour la corriger. qui doivent être pris en compte dans la détermination du besoin protéique
minimal.
‚ Équilibre hydroélectrolytique


Diagnostic d’insuffisance rénale

Même si l’élimination des déchets azotés n’est pas la seule fonction des reins,
L’insuffisance rénale chronique entraîne une tendance à la rétention
hydrosodée, qui devient manifeste sous la forme d’œdèmes dans des formes
avancées, ou en cas de syndrome néphrotique : le régime doit alors être désodé.
Sinon la modération des apports sodés (visant à réduire la natriurèse à 70 mEq/j)
est utile en cas d’hypertension artérielle ou pour renforcer l’effet antiprotéinurique
c’est leur rétention qui définit l’insuffisance rénale. L’urémie (> 0,5 g/l) a pu des inhibiteurs d’enzyme de conversion. Elle consiste à éviter le sel (pour la
autrefois être utilisée, mais elle dépend trop des facteurs nutritionnels (apport cuisson, la table) et les aliments les plus riches en sel : viandes et, poissons
protéique alimentaire et catabolisme des protéines corporelles) et la salés/fumés, charcuterie, fromages à pâte ferme, conserves, plats préparés, sodas,
créatininémie (> 150 µmol/l) reflète plus fidèlement l’altération de la fonction eaux minérales, moutarde.
rénale. La créatininémie dépend cependant aussi des masses musculaires où la L’hyperkaliémie est particulièrement fréquente en cas d’acidose, de diabète ou
créatinine est produite. Celles-ci varient suivant l’âge, le sexe, le poids du sujet ; il sous inhibiteurs d’enzyme de conversion. Son danger est majeur en cas d’anurie.
faut tenir compte de ces paramètres pour évaluer la clairance de la créatinine (en Lorsqu’elle est menaçante, elle justifie un traitement médicamenteux, mais la
ml/min), et l’utilisation de la formule de Cockroft et Gault [2] est recommandée : limitation des aliments riches en potassium a aussi sa place : légumes (cuits à
l’eau, ce qui en extrait le potassium), fruits secs, bananes, chocolat, frites, sels de
共 140 − âge 关 ans 兴 兲 × poids共 kg 兲 × 共 1,23Hou1,04F 兲
régime.
Créatininémie共 µ mol/l 兲
L’acidose métabolique (réserve alcaline < 22 mEq/l) a une influence néfaste sur
Ce calcul est indispensable ; se contenter d’une créatininémie à 90 µmol/l pour l’état nutritionnel et osseux, et sur la kaliémie. Consommer une eau minérale
considérer que la fonction rénale est normale est une approximation acceptable alcaline (Vichy) est alors utile, s’il n’y a pas de rétention hydrosodée importante.
chez un homme de 20 ans et 80 kg (clairance 131 ml/min) mais pas chez une
femme de 80 ans et 50 kg (clairance 35 ml/min). Protéines
On considère généralement que la fonction rénale est altérée quand la
clairance est inférieure à 60 ml/min. Dégradation (300 g/j) Synthèse


Acides aminés
Pallier les fonctions rénales déficientes Protéines libres N Σ d’urée
alimentaires
CO2 Élimination
Les principales fonctions des reins sont l’élimination des déchets azotés, le urinaire
maintien de l’équilibre hydroélectrolytique, et des rôles endocrines. L’approche Figure 1 Déchets azotés et métabolisme protéique. En réduisant l’apport pro-
nutritionnelle peut aider à limiter les conséquences de leur défaillance ; elle est téique alimentaire, on réduit la synthèse d’urée et l’urémie.
utile lorsque ces conséquences sont présentes, ce qui est apprécié par le suivi

1
3-0905 - Prescription diététique dans l’insuffisance rénale

‚ Rôles endocrines
Tableau 1. – Sources alimentaires de protéines
L’hyperphosphorémie, conséquence de l’insuffisance rénale, peut être réduite
en modérant les apports de phosphore alimentaire (les aliments riches en Animales Végétales
phosphore sont les aliments riches en protéines), puis en rendant le phosphore
Viande, poisson 20 % Soja 35 %
alimentaire indisponible pour l’absorption intestinale par l’utilisation d’un
Lait 3,5 % Légumineuses 25 %
chélateur (carbonate de calcium pris lors des repas riches en phosphore). À un Œuf 7,5 % Pain, céréales et dérivés 7 %
stade plus avancé, l’ostéodystrophie rénale s’accompagne d’une hypocalcémie Fromage 20 % Fruits, légumes 1-2 %
qui justifie la supplémentation orale en calcium, pris en dehors des repas (0,5 à
1,5 g/j), puis en vitamine D. cicatrisation d’une plaie. La restriction n’est pas toujours acceptée, la compliance
L’anémie justifie souvent un traitement par érythropoïétine, mais les carences peut être vérifiée par la mesure de l’urée urinaire des 24 heures (500 mmol d’urée
en fer et en acide folique doivent être reconnues et supplémentées à bon escient. urinaire correspondent à 100 g de protéines alimentaires). L’état nutritionnel doit
être surveillé.

‚ Traitements néphroprotecteurs

Ralentir la dégradation de la fonction rénale

‚ Fréquence de la dénutrition

Ne pas dénutrir

L’évolution vers l’insuffisance rénale terminale est inéluctable, du fait de la Une dénutrition sévère est présente chez 25 % des patients hémodialysés. [1]
dégradation liée à l’âge (la filtration glomérulaire baisse normalement de Les pertes protéiques inhérentes à l’épuration extrarénale ne sont pas la seule
1 ml/min/an), de l’évolution de la néphropathie causale, et surtout de explication ; en effet, un nombre notable de patients sont déjà dénutris à l’entrée
mécanismes aggravants : activation du système rénine-angiotensine, fibrose par en dialyse, ce qui est alors déterminant pour leur espérance de vie. [4] Un bon état
synthèse locale de transforming growth factor (TGF)-ß, toxicité propre de la nutritionnel est aussi important dans la perspective d’un acte chirurgical comme
protéinurie. une transplantation rénale. L’apport calorique doit donc rester suffisant malgré
Son ralentissement est l’objectif majeur des traitements néphroprotecteurs. La l’inappétence fréquente au cours de l’insuffisance rénale.
réduction de la tension artérielle, de la protéinurie, les traitements de la ‚ Mécanismes
dyslipémie et du diabète, l’arrêt du tabac, ont ainsi franchement ralenti l’évolution
Plusieurs facteurs contribuent à cette détérioration nutritionnelle : anorexie et
de la néphropathie diabétique, de -12 ml/min/an dans les années 1970 à
troubles digestifs favorisés par l’urémie et la polymédication, catabolisme
-4 ml/min/an en moyenne actuellement. [5] Mais ceci implique une
protéique favorisé par l’acidose, hypercortisolisme, protéinurie importante chez
polymédication majeure, chez des sujets dont les capacités d’épuration sont
certains patients. La restriction protéique améliore en général l’état nutritionnel
évidemment réduites. La prise en charge nutritionnelle a un rôle important à
car elle a un effet favorable sur chacun de ces mécanismes. [7] Mais elle peut aussi
jouer dans cette démarche.
l’aggraver, si elle s’accompagne d’une réduction des apports caloriques ou si on
‚ Intérêt de la restriction protéique alimentaire ne tient pas compte d’une pathologie intercurrente. L’apparition de signes de
dénutrition doit alors faire élargir les apports, notamment en aliments glucidiques
L’effet favorable de la restriction protéique alimentaire sur le pronostic des (ce qui n’altère pas la tolérance au glucose), et si nécessaire débuter la dialyse.
néphropathies est démontré chez l’animal. Chez l’homme, les méta-analyses sont
en faveur de cet effet, [3, 6] et l’European Society of Parenteral and Enteral Nutrition ‚ Surveillance
ainsi que la National Kidney Foundation américaine recommandent de réduire la La surveillance régulière (au moins annuelle) de l’état nutritionnel est donc
ration protéique vers 0,6-0,8 g/kg/j en cas d’insuffisance rénale chronique, avant indispensable :
le stade de dialyse (les pertes protéiques en dialyse impliquent un apport – clinique, par la pesée et l’interrogatoire diététique ;
protéique minimal de 1,2 g/kg/j). Outre le ralentissement espéré de la – biologique, par le dosage de l’albuminémie (valeur d’alarme < 35 g/l) et de
dégradation de la fonction rénale, la restriction protéique a des effets favorables la préalbuminémie (valeur d’alarme < 300 mg/l).
sur l’acidose, l’hyperphosphorémie, l’insulinorésistance, la dyslipémie, et bien sûr


l’urémie.
Conclusion
‚ Mise en œuvre de la restriction protéique alimentaire
Les principales sources protéiques sont rappelées dans le Tableau 1. De Une bonne prise en charge nutritionnelle des patients insuffisants rénaux
simples conseils (éviter les charcuteries, fromages, légumineuses) peuvent faire chroniques repose sur : une prescription individualisée, car elle dépend des
réduire un apport protéique souvent important dans notre pays (de l’ordre de conséquences métaboliques de l’insuffisance rénale, qui varient suivant le sujet et
1,4 g/kg/j). Une alimentation apportant 0,8 g/kg/j de protéines est un le niveau de dégradation fonctionnelle ; une motivation majeure, qui est de
changement souvent important, qui implique la prise d’un seul plat protéique retarder le passage en dialyse (traitement coûteux et astreignant) ou de pouvoir
(viande ou poisson) quotidien. Mais il faut respecter les besoins énergétiques, et attendre la disponibilité d’un greffon. Le ralentissement de la progression de
l’aide d’une diététicienne est nécessaire, sinon les apports caloriques seront l’insuffisance rénale par la restriction protéique est un des moyens pour atteindre
réduits, ce qui n’est pas souhaitable. cet objectif ; la connaissance du risque de dénutrition, et son dépistage. Mais en
pratique, elle doit aussi tenir compte de deux éléments qui exigent des mesures
‚ Limites et surveillance de la restriction protéique diététiques spécifiques, compatibles avec les précédentes : la cause de
Les apports protéiques ne doivent pas être limités dans les situations l’insuffisance rénale est aujourd’hui de plus en plus fréquemment un diabète ; sa
d’hypercatabolisme comme une infection, une corticothérapie, une carence conséquence n’est pas seulement la perspective de l’épuration extrarénale ou de
insulinique, ou bien sûr après une intervention chirurgicale ou lors de la la transplantation, c’est aussi un risque cardiovasculaire majeur.

2
Prescription diététique dans l’insuffisance rénale - 3-0905

V. Rigalleau (Professeur des Universités, praticien hospitalier)


Adresse e-mail: vincent.rigalleau@wanadoo.fr
H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier)
Nutrition-Diabétologie, USN, Hôpital Haut-Lévêque, 1, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V. Rigalleau, H. Gin. Prescription diététique dans l’insuffısance rénale.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0905, 2003, 3 p

Références

[1] Aparicio M, Cano N, Chauveau P, Azar R, Canaud B, Flory A et al. Nutritional [5] Parving HH. Renoprotection in diabetes: genetic and non-genetic risk factors
status of hemodialysis patients: a french national cooperative study. Nephrol Dial and treatment. Diabetologia 1998; 41: 745-759
Transplant 1999; 14: 1679-1686
[6] Pedrini MT, Levey AS, Lau J, Chalmers TC, Wang PH. The effect of dietary
[2] Cockroft DW, Gault HM. Prediction of creatinine clearance from serum crea- protein restriction on the progression of diabetic and non diabetic renal diseases: a
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[3] Fouque D, Laville M, Boissel JP, Chifflet R, Labeeuw M, Zech PY. Controlled [7] Walser M. Does prolonged protein restriction preceding dialysis lead to pro-
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304: 216-220

[4] Hakim RM, Levin N. Malnutrition in hemodialysis patients. Am J Kidney Dis


1993; 21: 125-137

3
3-0900 (2004)

3-0900

Prescription diététique
dans les dyslipémies
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

V. Rigalleau, H. Gin

R éduire les apports en graisse saturée d’origine animale terrestre. Conseiller une diététique du risque vasculaire.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Hypercholestérolémie ; Hypertriglycéridémie ; Risque cardiovasculaire ; Lipides alimentaires


Introduction

Les dyslipémies sont des pathologies métaboliques très fréquentes : on estime


CHOL
HDL

VLDL
TG
AG

qu’en France 17 % des adultes [2] présentent une cholestérolémie supérieure à LPL
2,5 g/l, et 10 % une hypertriglycéridémie. [1] Visant à diminuer la concentration
Foie IDL
plasmatique des lipides à jeun, la prise en charge dépend du diagnostic précis de
LH
la dyslipémie. Mais la réduction du risque d’accident cardiovasculaire des sujets LDL
concernés nécessite aussi d’apprécier ce risque. La prescription diététique est
donc basée sur des notions physiopathologiques, pour porter un diagnostic, et Cellule
Cellule périphérique
épidémiologiques, pour évaluer le pronostic. spumeuse
Bile


Figure 1 Métabolisme des lipoprotéines à jeun. HDL : high density lipoprotein ;
Physiopathologie et diagnostic des dyslipémies VLDL : very low density lipoprotein ; LDL : low density lipoprotein ; LPL:
lipoprotéine lipase ; TG: triglycérides ; LH : hormone lutéinisante; IDL : lipo-
protéine de densité intermédiaire.
‚ Transport des lipides
Provenant de l’alimentation (à l’état postprandial) ou d’une synthèse
endogène hépatique (à jeun), les lipides doivent être transportés vers les cellules ‚ Diagnostic des dyslipémies
pour être stockés (triglycérides au niveau du tissu adipeux ou musculaire), Conformément aux recommandations de l’Agence française de sécurité
incorporés dans les membranes (cholestérol, phospholipides), utilisés comme sanitaire des produits de santé (Afssaps), [7] le diagnostic est porté sur les résultats
précurseurs (synthèse d’hormones stéroïdes, d’eicosanoïdes). Les triglycérides de l’exploration d’une anomalie lipidique :
finissent par être oxydés pour fournir de l’énergie, en revanche le cholestérol en – hypertriglycéridémie si les triglycérides sont supérieurs à 2,0 g/l ;
excès doit suivre une « voie de retour » au foie pour y être catabolisé et éliminé – hypercholestérolémie si le LDL-cholestérol est supérieur à 1,6 g/l.
dans les sels biliaires. La possibilité d’une forme secondaire à un diabète, une néphropathie, une
Le transport des lipides non hydrosolubles dans le plasma, milieu aqueux, endocrinopathie ou une prise médicamenteuse doit toujours être envisagée.
implique leur association à des apoprotéines qui permettent la cohésion des
lipoprotéines, et leur interaction avec des récepteurs ou des enzymes spécifiques.
‚ Métabolisme des lipoprotéines à jeun
Des perturbations du métabolisme lipidique postprandial jouent
probablement un rôle important dans l’athérosclérose, mais à ce jour les
anomalies les mieux identifiées concernent la situation après 12 heures de jeûne, ‚ Hypertriglycéridémie

Épidémiologie et pronostic des dyslipémies

le matin au réveil ( Fig 1) : L’hypertriglycéridémie majeure (> 10 g/l, et souvent beaucoup plus) expose au
– les triglycérides sont alors exclusivement transportés dans les very low risque de pancréatite aiguë, rare mais redoutable. Le rôle de cette dyslipémie
density lipoproteins (VLDL) secrétées par le foie : la présence de chylomicrons dans l’athérogenèse n’est en revanche évident que si l’on tient compte de
d’origine intestinale est rare et pathologique. Comme les VLDL contiennent 1 g de l’abaissement de la concentration du HDL-cholestérol qui l’accompagne en
cholestérol pour 5 g de triglycérides, les hypertriglycéridémies notables général, ou dans certaines populations comme les diabétiques de type 2.
s’accompagnent d’une hypercholestérolémie. Elles s’associent aussi à un
abaissement du high density lipoprotein (HDL)-cholestérol, car la protéine de ‚ Hypercholestérolémie
transfert des esters de cholestérol (CETP) échange ce cholestérol contre des L’élévation du LDL-cholestérol est associée de façon certaine à un risque
triglycérides des VLDL ; cardiovasculaire accru, et sa réduction diminue ce risque, mais il n’y a pas de seuil
– le cholestérol contenu dans les low density lipoproteins (LDL) peut, s’il est en à partir duquel le risque apparaît. Le niveau à partir duquel une intervention est
excès, être dévié de son métabolisme normal pour être incorporé dans des nécessaire est défini en fonction des facteurs de risque cardiovasculaires
macrophages qui deviendront des cellules spumeuses, présentes dans les lésions associés :
athéromateuses débutantes. La concentration (en g/l) de ce cholestérol – âge et sexe : supérieur à 45 ans chez l’homme et 55 ans (ou ménopause
athérogène peut être calculée par la formule de Friedwald, à partir de la précoce) chez la femme ;
cholestérolémie totale, du HDL-cholestérol, et des triglycérides si leur taux est – antécédents cardiovasculaires chez des apparentés au 1er degré survenus
inférieur à 4 g/l : LDL-C = CT (HDL-C + TG/5). précocement : avant 55 ans chez le père, 65 ans chez la mère ;

1
3-0900 - Prescription diététique dans les dyslipémies

– tabagisme actif ; – viande une fois par jour, en préférant les viandes blanches plus maigres ;
– hypertension artérielle (> 14/9 ou traitée) ; – beurre, crème. Les produits laitiers restent cependant nécessaires pour leur
– diabète ; apport calcique, sous forme de lait demi-écrémé ou de yaourts.
– HDL-cholestérol inférieur à 0,35 g/l (un HDL-cholestérol supérieur à 0,60 g/l
‚ Choix des matières grasses
est au contraire protecteur et doit être retranché des facteurs de risque).
Les recommandations actuelles sont d’intervenir par la diététique lorsque le Des impératifs culinaires et nutritionnels (apports d’acides gras essentiels et de
LDL-cholestérol est supérieur à 2,20 g/l, mais dès 1,60 g/l s’il existe un facteur vitamines liposolubles) les font maintenir, mais leur composition doit souvent être
associé, et 1,3 g/l s’il y en a deux ou si le risque s’est déjà exprimé par un accident modifiée.
cardiovasculaire. Les margarines d’origine végétale, concrètes, peuvent remplacer le beurre, si
leur hydrogénation industrielle ne les enrichit pas trop en isomères « trans »
d’acides gras insaturés qui élèvent le LDL-cholestérol. Les margarines disponibles


en Europe contiennent actuellement 1 % d’acides gras trans contre 6 % dans les
Mesures diététiques en cas d’hypertriglycéridémie années 1980, ce qui pourrait contribuer à la réduction de la mortalité
cardiovasculaire. [6] Les margarines enrichies en phytostérols réduisent de 10 % le
LDL-cholestérol en entravant l’absorption du cholestérol alimentaire.
Les mesures les plus efficaces sont la réduction pondérale et l’arrêt de
Utilisables pour l’assaisonnement (colza, soja, noix) ou la cuisson (tournesol,
l’alcool, [5] ainsi que la suppression des sucres dits « rapides ». L’importance de la
olive, maïs, arachide), les huiles végétales sont insaturées (à l’exception de l’huile
diététique face à l’hypertriglycéridémie est tout à fait particulière, par deux
de palme) et font baisser le LDL-cholestérol. Il faut cependant distinguer les
aspects :
polyinsaturées (tournesol, soja, maïs, pépins de raisin) qui abaissent aussi le
– c’est une véritable urgence, et la mesure la plus efficace, lorsque
HDL-cholestérol, des mono-insaturées (olive, colza, arachide) qui n’ont pas cet
l’hypertriglycéridémie majeure (> 10 g/l) expose à la pancréatite ;
effet indésirable.
– elle peut avoir une valeur diagnostique, définissant dans certains cas des
hypertriglycéridémies alcoolo- ou glucidodépendantes.

‚ Graisses alimentaires
Les triglycérides en excès sont endogènes, la réduction des graisses
alimentaires n’a un effet direct que si elles sont présentes dans le sang sous forme

Diététique du risque vasculaire

Les interventions diététiques qui ont eu les résultats les plus remarquables sur
de chylomicrons. Réduire les apports lipidiques est en revanche utile dans le la morbimortalité en prévention secondaire après infarctus du myocarde, comme
cadre de l’alimentation hypocalorique proposée si l’hypertriglycéridémie est dans la Lyon Heart Study [4] ou l’essai DART, [3] n’ont pas concerné des sujets
pléthorodépendante, secondaire à une obésité. Les huiles de poisson riches en dyslipémiques. Les effets antiaggrégants et antiarythmiques des acides gras
acides gras oméga-3 polyinsaturés ont un effet hypotriglycéridémiant significatif, oméga-3, les effets antioxydants et réducteurs de l’homocystéinémie des
la consommation de poisson trois fois par semaine est donc conseillée. vitamines contenues dans les fruits et légumes, la réduction du risque vasculaire
avec la consommation de fibres et de glucides complexes contenus dans les
‚ Boissons alcoolisées
céréales, et d’alcool en quantité modérée, peuvent ainsi rendre compte du
L’arrêt des boissons alcoolisées peut être très rapidement efficace, définissant bénéfice apporté par un régime de type « méditerranéen ». Ces effets de
l’hypertriglycéridémie alcoolodépendante, possible en l’absence d’obésité. La l’alimentation ne font pas directement partie de la prescription diététique dans les
sensibilité à l’alcool est souvent évidente, elle peut en cas de doute être dyslipémies : ils n’influencent pas notablement le bilan lipidique. Mais il faut les
démontrée lors d’une réintroduction très prudente. Lorsque ce diagnostic est prendre en compte : à quelques exceptions près (grandes hypertriglycéridémies
acquis, le meilleur conseil médical est l’éviction totale et définitive de l’alcool. alcoolo- ou glucidodépendantes), ils sont compatibles avec les mesures
précédemment citées, et s’y intègrent naturellement quand l’objectif
‚ Glucides alimentaires
thérapeutique est la réduction du risque d’accident cardiovasculaire, donc dans la
La consommation d’aliments à index glycémique élevé (sucreries, confiseries, grande majorité des cas.
pâtisseries, boissons sucrées) ou riches en fructose (fruits en abondance) joue un


rôle important dans certaines hypertriglycéridémies, là aussi démontrable par
leur éviction (et limitation à deux fruits par jour) et éventuellement leur Conclusion
réintroduction prudente.

Réduire une hyperlipémie par des mesures diététiques adaptées est possible :


Mesures diététiques en cas d’hypercholestérolémie

La modification des graisses alimentaires (matières grasses mais aussi graisses


en moyenne de 30 % pour les hypertriglycéridémies, et de 15 % pour les
hypercholestérolémies. De telles réductions sont utiles : rien ne remplace la
correction urgente des erreurs responsables d’une hypertriglycéridémie majeure,
et à ce jour aucun médicament hypocholestérolémiant n’a fait la preuve d’un
« cachées ») est déterminante. effet sur la morbimortalité cardiovasculaire sans que des mesures diététiques n’y
soient associées. L’effet propre de la diététique hypocholestérolémiante seule sur
‚ Cholestérol alimentaire le risque cardiovasculaire est difficile à mettre en évidence par des essais
Son influence sur la cholestérolémie est assez faible, car la majorité du contrôlés, mais une méta-analyse de 29 essais [8] est cependant en faveur d’une
cholestérol circulant provient d’une synthèse endogène. Il faut cependant limiter réduction significative de la mortalité totale (- 6 %) et des accidents coronariens
la consommation des aliments les plus riches en cholestérol : œufs (un jaune (- 13 %).
d’œuf contient 300 mg de cholestérol), beurre (125 g/semaine), abats, chocolat. La prescription ne se limite cependant pas à cette diététique, puis à l’ajout d’un
médicament si en quelques mois l’effet hypolipémiant n’a pas été suffisant :
‚ Réduction des graisses saturées – d’autres mesures concernant l’hygiène de vie (activité physique, arrêt du
Les graisses saturées, d’origine animale terrestre, élèvent le LDL-cholestérol. Il tabac) ont un effet favorable sur les dyslipémies et le risque cardiovasculaire ;
faut limiter la consommation des aliments concernés : – la diététique elle-même influence ce risque indépendamment de ses effets
– charcuterie une fois par semaine ; hypolipémiants, justifiant en général l’orientation vers une alimentation
– fromage une fois par jour ; « méditerranéenne », riche en produits d’origines végétale et marine.

2
Prescription diététique dans les dyslipémies - 3-0900

V. Rigalleau (Professeur des Universités, praticien hospitalier)


Adresse e-mail: vincent.rigalleau@wanadoo.fr
H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier)
Service de nutrition-diabétologie, USN, Hôpital Haut-Lévêque, 1, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V. Rigalleau, H. Gin. Prescription diététique dans les dyslipémies.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0900, 2003, 3 p

Références

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3
3-0891 (2004)

3-0891

Prescription diététique
dans les obésités
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

V. Rigalleau, H. Gin

L es mesures diététiques ne seront efficaces de façon durable que si elles sont modérées, équilibrées,
personnalisées.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Obésité ; Diététique ; Dépense énergétique ; Comportement alimentaire ; Lipides ; Glucides ; Protéines ;
Composition corporelle


Introduction

L’obésité concerne 10 % des adultes en France. Cette prévalence est en nette


18,5
Dénutrition Figure 1 Classification de l’obésité en fonction de
l’indice de masse corporelle (IMC).

Poids normal
augmentation, notamment pour les formes les plus sévères. [5] L’évolution de
l’indice de masse corporelle (IMC) des enfants français fait penser que cette 25
situation va encore s’aggraver. Les conséquences de cette « épidémie » sont
importantes : la morbidité et la mortalité des sujets obèses sont accrues ; leur Surpoids
mal-être est certain ; les dépenses de santé et le coût social sont considérables.
30
La prescription diététique est la première et parfois la seule intervention
médicale face à un excès pondéral. Ses fondements sont logiques, son effet Obésité modérée
favorable est démontré, mais ses limites sont aussi évidentes et la conditionnent.
L’efficacité insuffisante à long terme des mesures diététiques amaigrissantes doit 35
y faire associer d’autres moyens : activité physique à chaque fois que possible,
médicaments dans certains cas. Pour cette raison aussi, il ne faut pas attendre Obésité sévère
l’obtention d’un hypothétique poids idéal pour prendre en charge les 40
complications. [1] Enfin, les mesures diététiques ne seront efficaces de façon
durable que si elles sont appliquées définitivement : cela impose qu’elles soient Obésité massive
modérées, équilibrées, personnalisées, pour être sans danger et acceptées.


IMC
Diagnostiquer l’obésité
Énergie (kcal)
Le diagnostic de l’obésité est porté sur la mesure du poids et de la taille,
permettant le calcul de l’IMC : poids (kg) /taille (m) au carré. Ce dernier permet de
classer l’obésité par degré de sévérité ( Fig. 1) : il est corrélé à la masse grasse dont
l’excès définit l’obésité, et associé au risque de mortalité qui double lorsque l’IMC
passe de 25 à 30 et évolue au-delà de façon ascendante exponentielle.
La répartition androïde ou gynoïde de la surcharge est le second
Activité physique

Thermogenèse
} ± variable
volontairement

} Dépendant des
nutriments ingérés
renseignement indispensable pour apprécier le risque de complication
métabolique et cardiovasculaire, augmenté seulement dans le premier cas. Elle
est évaluée par le rapport taille/hanche (supérieur à 0,85 chez la femme et 1 chez
} Variations
interindividuelles

l’homme lorsque la répartition est androïde), ou plus simplement par le tour de


taille (supérieur à 90 cm chez la femme et 100 cm chez l’homme). Dépense énergétique de repos
} Dépendant de la
masse maigre


Négativer la balance énergétique

La prise de poids qui définit l’obésité dynamique nécessite que les apports
Figure 2 Principaux composants de la dépense énergétique.

‚ Dépense énergétique de repos


caloriques soient supérieurs à la dépense énergétique (DE) totale, et le maintien Elle représente habituellement 70 % de la DE totale. Elle correspond à l’énergie
de l’obésité statique suppose l’équilibre entre ces deux postes. La DE a trois nécessaire à l’entretien de la vie (maintien des potentiels membranaires
composants principaux ( Fig. 2). cellulaires, contractions musculaires cardiaques et respiratoires, coût énergétique

1
3-0891 - Prescription diététique dans les obésités

– de la mesure directe de la DE de repos par calorimétrie indirecte, comme


Tableau 1. – Principaux nutriments : implications dans l’excès pondéral. certains services spécialisés peuvent le réaliser ; cette mesure peut apporter une
aide à la prescription dans certains cas, mais il n’est pas démontré qu’elle soit
Protéines Glucides Lipides
nécessaire pour obtenir de meilleurs résultats en pratique clinique.
Rassasiement +++ ++ ± La réduction doit être modérée pour être réalisable sans danger à long terme.
Apport énergétique (kcal/g) 4 4 9 Les apports de sécurité en protéines (0,8 g/kg/j) doivent être respectés pour
Pourcentage des apports quotidiens + ++ +++ préserver la masse maigre. Une prescription inférieure à 1 200 kcal/j n’est pas
Capacités de stockage ± + +++
proposée habituellement, car elle peut exposer à des carences en vitamines et
Conversion vers un autre type + + -
de nutriment oligoéléments à long terme.
Autorégulation (oxydation accrue +++ ++ -
si apport accru)

du renouvellement protéique) et est à 90 % conditionnée par la masse maigre.


L’organisme dépense 30 kcal/kg de masse maigre par jour, avec une variabilité
interindividuelle en partie d’origine génétique qui peut rendre compte de

Modifier les apports qualitativement

‚ Réduire les aliments riches en calories


[4]

l’inégalité des individus face à la prise de poids avec des rations alimentaires Ce sont surtout les aliments lipidiques :
similaires. La masse maigre dépend de la taille, de l’âge, du sexe et du poids. La – purs ; ce sont les matières grasses animales (beurre, crème et donc sauces) et
DE de repos peut être prédite à partir de ces données, par les équations de végétales (huiles, margarines), ce qui conduit à des modifications importantes
Harris-Benedict : concernant les modes de cuisson (nature, à la vapeur, au four) et
– chez les femmes : 655 × (9,6 × poids en kg) + (1,8 × taille en cm) − (4,7 × âge l’assaisonnement ;
en ans) ; – sous forme de graisses cachées dans des aliments protéinolipidiques
– chez les hommes : 66 × (13,7 × poids en kg) + (5 × taille en cm) − (6,8 × âge (charcuteries, viandes grasses, fromages) ou glucidolipidiques (pâtisseries et
en ans). viennoiseries, biscuits, crèmes glacées mais aussi frites, chips).
Au cours de l’obésité, 30 % de l’excès pondéral est de la masse maigre. La DE La consommation d’alcool joue dans certains cas un rôle important : un verre
de repos est donc en général supérieure à celle de sujets normopondéraux, mais de boisson alcoolisée apporte en moyenne 10 grammes d’alcool, soit 70 kcal. Les
l’amaigrissement la réduira, conduisant progressivement à un nouvel équilibre et boissons sucrées (sodas, jus de fruit, sirops) sont parfois aussi un apport calorique
à l’arrêt de la perte de poids, même si la diminution des apports caloriques est non négligeable.
maintenue à long terme.
‚ Privilégier les aliments à faible densité énergétique,
‚ Thermogenèse liée à l’alimentation riches en minéraux, micronutriments et en fibres
Elle représente environ 10 % de la DE totale. Elle correspond au coût
Ce sont les fruits et légumes, les produits laitiers.
énergétique de la digestion et surtout du métabolisme des nutriments (stockage,
Les légumes crus (en limitant l’assaisonnement) ou cuits (nature) doivent être
interconversion), et varie fortement selon leur nature : les lipides alimentaires sont
consommés plusieurs fois par jour, occuper la moitié de l’assiette du plat principal,
stockés à très faible coût (3 % de l’énergie ingérée) par rapport aux glucides
être utilisés en soupes.
(10 %) ou aux protéines (25 %).
Les fruits sont un dessert privilégié, aussi utilisables en entrée ou en collation.
‚ Dépense énergétique liée à l’activité physique Le yaourt nature peut aussi être un dessert ou une collation. Le lait est un
aliment complet, riche en calcium, dont la teneur en lipides est réduite s’il est
Elle représente dans les conditions habituelles de vie 20 % de la DE totale. Elle
semi-écrémé ou nulle s’il est écrémé.
varie fortement en fonction du mode de vie, de la profession, et peut souvent être
volontairement modifiée. Mais de fortes tendances sociales tendent à la réduire : ‚ Maintenir un apport en glucides et en protéines maîtrisé
on estime que la réduction d’activité physique depuis 1920 représente un gain
de 600 kcal/j en moyenne, ce qui peut en bonne part rendre compte de la Outre les fruits, les céréales (donc le pain), les pommes de terre et les
prévalence croissante de l’obésité. légumineuses gardent une place, d’autant que leur apport calorique est quantifié
de façon assez fiable (50 % de glucides dans le pain, 20 % dans les féculents).
‚ Apports énergétiques Un apport protéique suffisant est facilement obtenu ; l’objectif est de limiter les
Face à ces dépenses, l’organisme reçoit quotidiennement un apport lipides l’accompagnant en privilégiant :
énergétique sous forme de nutriments de valeur calorique très différente – les protéines végétales (légumineuses, tofu) ;
(Tableau 1) : les lipides (9 kcal/g) et l’alcool (7 kcal/g) ont une densité énergétique – le poisson, moins gras que la viande ;
bien supérieure à celle des glucides et des protéines (4 kcal/g). Ces apports – les viandes maigres (viandes blanches, cheval, morceaux choisis du bœuf
peuvent être appréciés par l’enquête alimentaire, réalisée par une diététicienne, ou du porc).
mais le simple interrogatoire médical apporte déjà d’importantes indications.


Modifier les apports quantitativement ■
Modifier le comportement alimentaire

Si des pathologies majeures du comportement alimentaire (boulimies) sont


Le niveau auquel les apports caloriques permettent un amaigrissement peut rarement impliquées dans la survenue d’une obésité, certains troubles y sont
être chiffré à partir : fréquents :
– de l’enquête alimentaire ; une réduction de 30 % est alors recommandée ; – l’absence de petit déjeuner accroît les prises alimentaires suivantes ; son
mais plus encore que les sujets de poids normal, beaucoup d’obèses tendent à rétablissement a un effet favorable démontré sur le poids ;
sous-estimer leurs apports alimentaires, notamment concernant les graisses ; [3] – dans la majorité des cas, des grignotages et compulsions alimentaires
ceci légitime une prescription au niveau d’apports allégué, si des changements extraprandiaux contribuent fortement à l’excès calorique ; leur reconnaissance
profonds concernant la proportion des nutriments et les habitudes culinaires sont (par la tenue d’un carnet alimentaire), la gestion des situations de stress ou
réalisés ; d’ennui par d’autres moyens (sortir, téléphoner, se baigner…) et le retour à une
– des dépenses énergétiques, évaluées par la formule de Harris-Benedict ; alimentation contrôlée (à heures précises, assis à table, avec des couverts, une
comme la dépense de repos représente environ 70 % de la DE totale, la réduction nappe…) sont favorables ;
de 30 % fait prescrire une ration calorique au niveau de cette dépense de repos ; – l’hyperphagie prandiale peut être réduite par un ensemble de mesures
une telle prescription ne tient cependant pas compte de la variabilité préventives et comportementales simples : avoir des petites assiettes, ne pas les
interindividuelle de la DE ; finir, ne pas se resservir, poser la fourchette entre chaque bouchée.

2
Prescription diététique dans les obésités - 3-0891


À l’inverse, une prescription trop hypocalorique entraîne un syndrome de
restriction cognitive avec une hypersensibilité aux stimuli externes (aliments) et Conclusion
internes (faim) favorisant la survenue de compulsions alimentaires, mais aussi de
troubles du sommeil, de l’humeur. Le « régime » est alors inefficace sur le poids et
néfaste pour le sujet. La prescription diététique dans les obésités relève bien des compétences d’un
médecin : elle suppose un interrogatoire, un examen clinique, une réflexion
personnalisée quant aux enjeux, la délivrance d’informations diététiques mais


aussi concernant l’activité physique, pour lesquelles les médecins sont formés, et
Envisager une aide spécialisée elle justifie parfois l’orientation vers un spécialiste.

Elle a pourtant des spécificités qui l’éloignent de certains modes d’exercice : elle
Le médecin généraliste consulté pour une obésité ou une demande ne peut pas être une réponse simplement médicamenteuse, lors d’une
d’amaigrissement a la formation nécessaire pour gérer cette consultation et consultation hâtive. Le patient attendant de recevoir passivement ce type de
réaliser une prescription diététique de première intention. Le temps et la prestation est forcément déçu quand c’est un changement actif de son mode de
compétence qu’y consacrera une diététicienne seront une aide précieuse dans un vie, aux implications psychologiques importantes, qui lui est conseillé. Reflétant
grand nombre de cas. ce décalage, beaucoup de médecins généralistes ont un vécu pénible, bien
L’orientation vers un spécialiste peut être motivée par : compréhensible, de la consultation de nutrition. [2] Des évolutions sociales lourdes
– une pathologie psychiatrique (dépression, trouble grave du comportement (sédentarité, accès facile à une alimentation riche), l’ambiguïté des médias
alimentaire) qui rend illusoire ou dangereux le changement de mode de vie (encourageant la consommation et participant au culte de la minceur), aggravent
nécessaire pour négativer le bilan énergétique ; cette difficulté.
– une complication somatique limitant les possibilités de modifier le bilan
énergétique, ce qui installe un cercle vicieux entre l’obésité et ses conséquences ; L’échec à long terme de restrictions caloriques sévères (retour au poids initial
il faut solliciter le rhumatologue ou l’orthopédiste si l’arthrose d’une articulation dans 95 % des cas 9 ans après) ne doit pas faire oublier les bénéfices de
portante entrave la marche, le diabétologue si les hypoglycémies sous l’amaigrissement volontaire maintenu de façon prolongée. Maintenir une perte
sulfamides, hypoglycémiants ou insuline empêchent de modérer les apports de seulement 5 kg pendant 5 ans améliore la tension artérielle, la glycémie et le
alimentaires, le cardiologue si la dyspnée ou les douleurs angineuses entravent risque de diabète, le bilan lipidique, la fonction respiratoire, la qualité de vie : [1] il
l’activité physique ; s’agit de recommandations de bonne pratique. Des objectifs réalistes sont
– une obésité massive ou rebelle, justifiant la prise en charge par un médecin compatibles avec des résultats positifs et justifient le temps consacré à la
nutritionniste. prescription diététique.

V. Rigalleau (Professeur des Universités, praticien hospitalier)


Adresse e-mail: vincent.rigalleau@wanadoo.fr
H. Gin (Professeur des Universités, praticien hospitalier)
Nutrition-diabétologie, USN, Hôpital Haut-Lévêque, 1, avenue de Magellan, 33600 Pessac, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V. Rigalleau, H. Gin. Prescription diététique dans les obésités.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0891, 2003, 3 p

Références

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3
3-0910 (2004)

3-0910

Prescription diététique dans


l’hypertension artérielle
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

P. Gosse, H. Bely

L es règles hygiénodiététiques constituent un élément important de la prise en charge de l’hypertendu et doivent


être adaptées à chaque patient. Les conseils visent d’une part à diminuer les chiffres tensionnels (réduction de
la consommation d’alcool et de sel, exercice physique, perte de poids) et d’autre part à lutter contre les autres facteurs
de risque éventuellement associés (tabac, hypercholestérolémie, diabète…). Ces conseils doivent être formulés dès le
début de la prise en charge de l’hypertendu, et peuvent parfois éviter ou retarder la nécessité d’un traitement
médicamenteux. La principale difficulté consiste à faire accepter ces modifications à des sujets souvent
asymptomatiques.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Hypertension ; Mesures hygiénodiététiques ; Alcool ; Régime sans sel ; Exercice physique


Introduction

L’hypertension artérielle touche environ 15 % des populations des pays


Encadré 1 Alcool et hypertension artérielle
Les apports quotidiens d’alcool devraient être inférieurs à
20 g pour la femme, 30 g pour l’homme.
À titre indicatif, 10 g d’alcool sont apportés par :
industrialisés. Elle est responsable d’une morbimortalité cardiovasculaire
importante, que permet de réduire très significativement la baisse des chiffres de • vin 12° : 10 cl ;
pression artérielle (PA). L’hypertension artérielle (HTA) dite essentielle, de très loin • bière : 25 cl ;
la plus fréquente (95 %), fait intervenir des facteurs génétiques et • porto : 6 cl;
environnementaux. Ces derniers rendent compte de l’intérêt des mesures • whisky, pastis, cognac : 3 cl.
hygiénodiététiques qui permettent souvent de limiter l’importance des
prescriptions médicamenteuses, et qui de ce fait doivent être la première étape de
l’acte thérapeutique. Cependant, l’HTA touchant une population de sujets en d’HTA à la différence des populations industrielles. En revanche, les études
général asymptomatiques, les mesures diététiques ne doivent pas être trop d’intervention sur la consommation de sel ont montré une efficacité faible et
contraignantes pour être acceptées sur le long terme et être présentées avec inconstante sur la réduction des chiffres de PA. Au niveau individuel, il existe de
conviction et patience. grosses différences de sensibilité au sel et cette sensibilité est génétiquement
Les conseils à donner à nos patients ont deux volets : des mesures restrictives déterminée. À notre avis, il fait peu de doutes que l’augmentation considérable de
et des mesures additives. la consommation de sel qu’a connue l’espèce humaine dans un passé récent,
avec son utilisation d’abord comme mode de conservation puis aujourd’hui
comme additif quasi constant de toute alimentation industrielle, est en grande


partie responsable de la fréquence actuelle de l’HTA. Cependant il est difficile de
Mesures restrictives revenir en arrière tant cette consommation est devenue habituelle. Il faut, pour
espérer prévenir un nombre significatif d’HTA, diminuer progressivement la
consommation de sel des populations par un certain nombre de mesures
‚ Facteurs hypertensifs progressives visant à limiter les apports dans l’alimentation industrielle. Ces
mesures sont à l’étude. Pour le présent et pour nos patients, la proposition de
Alcool
restriction sodée a une portée limitée :
La responsabilité de l’alcool dans l’HTA est indiscutable, mais insuffisamment – pour être vraiment efficace, elle doit être relativement importante, autour de
connue et prise en compte. Il existe une relation linéaire entre la quantité d’alcool 3-4 g de chlorure de sodium alors que la consommation habituelle est autour de
consommée et l’élévation de la PA, et une consommation d’alcool excessive et 10 g. Une telle restriction n’est en général pas supportée par les patients, surtout
régulière fait partie des HTA iatrogènes. Une consommation aiguë peut être à des hypertendus par ailleurs en bonne santé ;
l’origine de poussées hypertensives, surtout pendant la période de sevrage. Cette
– les effets d’une telle restriction sur la PA sont très variables d’un individu à
cause d’HTA est de beaucoup plus fréquente que la consommation de réglisse
l’autre et, en dehors d’élévations modestes de la PA, ne suffisent pas à éviter un
alors qu’elle est souvent oubliée dans l’interrogatoire de l’hypertendu. La
traitement médicamenteux ;
réduction de la consommation d’alcool fait partie des mesures efficaces dans le
contrôle de la PA (encadré 1). – il faut se méfier de ses inconvénients possibles chez les sujets âgés
(anorexie).
Sel Cependant, il faut souligner qu’une consommation sodée excessive peut
La responsabilité du sel dans l’HTA reste très discutée. La controverse est liée à limiter l’action de certains antihypertenseurs (inhibiteurs de l’enzyme de
deux types de résultats contradictoires. Épidémiologiquement, il existe une conversion [IEC], diurétiques) et doit être combattue.
relation entre la consommation de sel dans une population et la prévalence de En pratique nous limitons la restriction sodée à quelques conseils faciles à
l’HTA, les populations où l’alimentation reste très pauvre en sel connaissant peu suivre pour la majorité des patients (encadré 2).

1
3-0910 - Prescription diététique dans l’hypertension artérielle

pas encourager le patient dans cette direction qui peut avoir des conséquences
Encadré 2 Le sel chez l’hypertendu néfastes sur sa prise en charge : abandon des traitements antihypertenseurs
Notre alimentation est trop riche en sel. Certains gestes quand le patient se sent bien (vacances…), automesure de la PA à chaque fois
peuvent contribuer à diminuer ces apports : que le patient se sent stressé, ce qui peut aboutir à une surestimation de ses
• limiter le sel dans la préparation des aliments. Préférer les chiffres tensionnels et à un cercle vicieux HTA-stress.
herbes aromatiques (persil, thym, basilic, estragon…), les ‚ Cofacteurs de risque
épices (poivre, muscade, safran, curry…), l’ail, l’oignon et
l’échalote ; Tabac
• ne pas mettre systématiquement de salière sur la table, ni La consommation de tabac entraîne une élévation brève de la PA et de la
des condiments salés comme Ketchup, mayonnaise, fréquence cardiaque, mais le tabagisme ne paraît pas lié à une augmentation de
moutarde ; la prévalence de l’HTA. Cependant, le tabagisme majore de façon indiscutable le
risque cardiovasculaire et doit être combattu chez l’hypertendu avec toute
• éviter les aliments très salés : salaisons, chips, gâteaux
l’énergie nécessaire. L’hypertendu tabagique doit comprendre que l’arrêt du
apéritifs… tabac est aussi important que la prise de traitement antihypertenseur. L’utilisation
Pour information : des patchs de nicotine n’est pas contre-indiquée chez le patient hypertendu.
• 60 g de pain (un quart de baguette), trois biscottes, 30 g de
fromage, une tranche de jambon, une tranche de saumon Diabète
fumé, deux tranches de saucisson, 30 g de céréales, une L’existence d’une HTA est particulièrement néfaste chez le diabétique, et ce
viennoiserie, cinq petits beurre, quatre olives noires danger se manifeste déjà pour des élévations modestes de la glycémie (glycémie
apportent 1 g de chlorure de sodium (NaCl) ; à jeun entre 6,1 et 6,9 mmol/l) avant même le diabète avéré [1]. Dans ces
• une part (200 g) de pizza ou de quiche, une assiette de conditions, la restriction calorique et la diminution des sucres rapides font partie
des mesures diététiques avant même que le diabète s’installe.
soupe industrielle (150 ml), 100 g de biscuits apéritifs
apportent 2,5 g Nacl, Graisses alimentaires
La lutte contre l’hypercholestérolémie fait bien sûr partie de la prise en charge
Surchage pondérale globale du patient hypertendu. Une consommation importante de graisses
Il existe un lien indiscutable entre surcharge pondérale et HTA. Ce lien est insaturées et en particulier d’huiles de poisson pourrait avoir un effet
complexe et comporte des aspects génétiques et métaboliques hypotenseur. Le régime DASH, riche en fruits et légumes, pauvre en graisses
(insulinorésistance, hyperuricémie…). La perte de poids est un des éléments saturées, a permis de réduire la PAS d’hypertendus de 11 mmHg [2].
importants de la prise en charge d’un hypertendu, non pas tant pour la
Café
diminution des chiffres tensionnels qui reste le plus souvent modeste que pour la
diminution du risque cardiovasculaire qui est l’objectif primordial. Quelques Contrairement à une idée parfois répandue chez les patients, il n’existe aucun
principes doivent guider l’action diététique : lien entre la consommation de café et la survenue d’une HTA.
– la restriction calorique doit être progressive et pouvoir être acceptée sur le
long terme et s’intégrer dans une alimentation équilibrée et variée ;
– la restriction calorique doit surtout porter sur les sucres rapides et les
aliments gras ;
– la ration calorique doit être répartie sur trois repas équilibrés ;
– une perte de poids modeste peut déjà être bénéfique. ‚ Activité physique

Mesures additives

La restriction calorique doit toujours s’accompagner d’une augmentation de


l’exercice physique, elle-même bénéfique sur les chiffres de PA. L’exercice physique régulier fait partie des mesures diététiques efficaces pour
diminuer la PA et le risque cardiovasculaire, et cela reste valable à tout âge.
Réglisse L’exercice ne doit pas être violent mais soutenu (au moins une demi-heure) et
répété (au moins trois fois par semaine). Il faut privilégier les efforts isotoniques et
La consommation régulière de réglisse peut entraîner une HTA. Il existe une
d’endurance (marche, course, vélo, natation…). Les efforts violents sans
sensibilité individuelle génétiquement déterminée et liée à l’activité d’une
préparation et les efforts isométriques (musculation) doivent être évités par les
enzyme : la 11-bêtahydroxydéshydrogénase qu’inhibe la réglisse. Cette enzyme
hypertendus non équilibrés.
joue un rôle fondamental en protégeant l’accès des récepteurs de l’aldostérone
de l’action du cortisol. Sa totale absence dans certaines formes rares d’HTA ‚ Potassium
conduit à un tableau de pseudohyperaldostéronisme avec hypokaliémie. C’est ce
Les études épidémiologiques objectivent un lien positif entre la consommation
que reproduit l’intoxication à la réglisse. Il ne faut cependant pas interdire une
de potassium et la PA, et la supplémentation potassique pourrait contribuer à
consommation occasionnelle aux hypertendus. C’est la consommation
faire baisser légèrement la pression artérielle [3]. Il faut cependant se méfier d’un
quotidienne qui doit être évitée (encadré3).
apport potassique excessif (encadré 4), en particulier avec les sels de potassium
en cas d’insuffisance rénale, chez le sujet âgé ou en association avec certaines
Encadré 3 Réglisse et alimentation thérapeutiques (diurétiques épargneurs de potassium, antialdostérone, IEC,
Les sources de réglisse restent multiples et parfois cachées. antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II).
Citons :
‚ Calcium
• les confiseries, certains chewing-gums dont le parfum
principal peut ne pas être la réglisse Une augmentation des apports en calcium de l’alimentation pourrait
contribuer à faire baisser la PA. Ces résultats sont cependant discutés. En fait,
• certaines boissons : anthésite, certains pastis
comme d’ailleurs pour le potassium, ces effets s’annuleraient en cas de restriction
• tisanes. sodée (encadré 5).

Stress
Les patients font souvent un lien entre stress et HTA. Il est vrai que toute
émotion, toute douleur s’accompagne habituellement d’une élévation transitoire
de la PA. Certaines études épidémiologiques ont décrit une augmentation de
l’incidence de l’HTA dans certaines situations particulièrement stressantes, et

Conclusion

Un certain nombre de mesures hygiénodiététiques peuvent ainsi chez


quelquefois un effet bénéfique à court terme sur la PA des techniques de l’hypertendu contribuer à diminuer les chiffres de PA et le risque cardiovasculaire.
relaxation. Cependant, le lien entre HTA et stress reste ténu, et le médecin ne doit Le rôle du médecin est d’éduquer le patient tout au long des consultations

2
Prescription diététique dans l’hypertension artérielle - 3-0910

Encadré 4 Alimentation et potassium Encadré 5 Alimentation et calcium


Une alimentation équilibrée contient naturellement du La source principale de calcium est représentée par les
potassium, en particulier si elle apporte quotidiennement produits laitiers. Il faut privilégier les produits écrémés pour
deux fruits crus, un plat de légumes verts cuits, une crudité. limiter l’apport en graisses saturées et en calories.
Sont particulièrement riches en potassium : Certaines eaux minérales constituent une source intéressante
• les légumes secs (lentilles, pois cassés) dont la de calcium : Vittel, Contrexéville, Hépar, Salvetat… Cette liste
consommation hebdomadaire est recommandée ; n’est pas exhaustive.
• les fruits secs et oléagineux mais qui représentent un
apport calorique important ; être mise à profit pour mettre en place les mesure hygiénodiététiques qui
• les potages de légumes, de préférence faits à la maison sans peuvent dans certains cas éviter la prescription d’un traitement
trop de sel ; médicamenteux [4]. Ensuite, tout au long du suivi de l’hypertendu, la consultation
• les jus de fruits frais. ne doit pas se limiter à la mesure des chiffres tensionnels et au renouvellement
de l’ordonnance. L’éducation du patient, l’encouragement insistant à abandonner
les plus mauvaises habitudes (alcool, tabac, sédentarité…) doivent être chaque
motivées par la prise en charge de l’HTA. Dans l’hypertension légère à modérée, fois un temps important de l’entretien avec le patient. Si le médecin veut être
qui est de loin la plus fréquente, le traitement antihypertenseur ne doit être convaincant, il doit d’abord être lui-même convaincu, et son insistance calme et
débuté qu’après une période d’observation de plusieurs semaines à plusieurs patiente pourra permettre des changements significatifs et bénéfiques dans
mois, qui vise à vérifier la permanence de l’HTA. Cette période doit absolument l’hygiène de vie de ses patients.

P. Gosse (Cardiologue, praticien hospitalier)


Adresse e-mail: philippe.gosse@chu-bordeaux.fr
H. Bely (Diététicienne)
Hôpital Saint-André, 1 rue Jean-Burguet, 33075 Bordeaux, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P. Gosse, H. Bely. Prescription diététique dans l’hypertension artérielle.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Akos, 3-0910, 2003, 3 p

Références

[1] Henry P, Thomas F, Benetos A, Guize L. Impaired fasting glucose, blood [3] Cappucio FP, MacGregor GA. Does potassium supplementation lower blood
pressure and cardiovascular disease mortality. Hypertension 2002; 40: 458-463 pressure? A meta-analysis of published trials. J Hypertens 1991; 9: 465-473

[2] Appel LJ, Moore TJ, Obarzanek E, Vollmer WM, Svetkey LP, Sacks FM et al. [4] Prise en charge des patients adultes atteints d’hypertension artérielle essen-
A clinical trial of the effects of dietary patterns on blood pressure. DASH Collabo- tielle. Anaes, 2000
rative Research Group. N Engl J Med 1997; 336: 1117-1124

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3-0550

3-0550

Corticothérapie et fonction
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

surrénalienne
H Mosnier-Pudar

T oute thérapeutique prolongée par les glucocorticoïdes comporte le risque de voir s’installer une insuffisance
surrénale. Le diagnostic repose sur des tests dynamiques. Le test le plus performant à pratiquer est le test au
Synacthènet immédiat.
© Elsevier, Paris.


– au niveau hypophysaire où, dépendant de la important d’administrer la totalité de la dose
Introduction dose, on assiste à une inhibition de la libération et de substitutive en une prise le matin en utilisant un
la synthèse d’ACTH, cela par le biais de récepteurs glucocorticoïde de demi-vie courte.
Les glucocorticoïdes utilisés à doses pharmacolo- glucocorticoïdes situés sur les cellules corticotropes.
Durée du traitement et quantité
giques ont une action anti-inflammatoire et
immunosuppressive, mais le gain thérapeutique
‚ Facteurs déterminant le degré de glucocorticoïdes administrée
de suppression Ce sont les deux facteurs principaux de la
s’accompagne d’effets secondaires métaboliques et
hypophysofreinateurs. Ce sont ces derniers qui suppression de l’axe HHS.
Affinité pour le récepteur glucocorticoïde
seront développés ici. De façon très grossière, on peut avancer que :
L’affinité des stéroïdes de synthèse pour le – un traitement de 3 semaines, quelle que soit la
Les glucocorticoïdes sont responsables de la
récepteur glucocorticoïde est variable. dose, a peu de risque d’entraîner une insuffisance
suppression de la sécrétion de la CRH hypothala-
Plus cette affinité sera forte, plus la suppression de surrénale ;
mique (corticotropin releasing hormone) et de l’ACTH
l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) – une dose de moins de 10 mg/j d’équivalent
hypophysaire (adrenocorticotropic hormone). De
sera importante. prednisone, quelle que soit la durée du traitement et
façon simplifiée, l’ACTH a une action trophique sur
les surrénales, aboutissant à une augmentation de la à condition de ne pas l’administrer le soir, a peu de
Biodisponibilité risque d’entraîner une insuffisance surrénale ;
sécrétion de glucocorticoïdes et d’androgènes. La
sécrétion d’ACTH est elle stimulée par la CRH Elle dépend : – un patient développant des signes cliniques
hypothalamique et inhibée par un rétrocontrôle – du mode d’administration : par voie orale, d’hypercortisolisme a un risque accru d’insuffisance
négatif des glucocorticoïdes. Ainsi, l’action l’absorption est le plus souvent rapide. Certaines surrénale. Ainsi, tout traitement prolongé de
suppressive hypothalamohypophysaire des préparations injectables sont résorbées lentement, et plusieurs mois ou plus, surtout si les doses sont
glucocorticoïdes de synthèse entraîne une atrophie leurs taux plasmatiques restent élevés plusieurs importantes (supérieures à 10 mg/j d’équivalent
des surrénales, avec perte des capacités sécrétoires jours, voire plusieurs semaines. Enfin, les prednisone), risque d’entraîner une inertie de l’axe
en cortisol. Cette suppression est d’autant plus applications locales (cutanées, collyres...) peuvent HHS.
importante que le traitement glucocorticoïde est plus avoir des effets systémiques ;
– du type de molécules : certaines, pour être Susceptibilité individuelle
long et plus lourd. Elle est aussi très différente d’un
individu à l’autre du fait d’une très grande variabilité actives, doivent être converties in vivo ; La sensibilité aux glucocorticoïdes présente une
interindividuelle. Toute thérapeutique prolongée par – de la clairance métabolique : facteur majeur de grande variabilité. Cela rend pratiquement
les glucocorticoïdes comporte donc le risque de voir détermination du niveau d’activité ; impossibles, pour un sujet donné, la prévision de la
s’installer une insuffisance surrénale [1, 3]. – de l’horaire d’administration : en raison du profondeur de la suppression de l’axe HHS et le délai
rythme nycthéméral de la sécrétion d’ACTH, les de récupération. Il faut donc dépister systémati-


glucocorticoïdes ne peuvent exercer une quement une insuffisance corticotrope à la fin d’une
Glucocorticoïdes et suppression suppression que lorsque l’axe HHS est en activité. corticothérapie et instaurer une surveillance clinique
de la fonction corticotrope Ainsi, l’administration d’une dose unique le matin et biologique régulière pour en apprécier la
aura moins d’effet suppresseur que la même dose récupération.
‚ Mécanismes d’action administrée le soir, qui elle supprimerait le pic
‚ Récupération de l’axe
© Elsevier, Paris

L’effet suppresseur des traitements par nocturne d’ACTH. Cette particularité est à l’origine de
glucocorticoïdes s’effectue à deux niveaux : la corticothérapie alternée avec administration tous
hypothalamo-hypophyso-surrénalien
– au niveau hypothalamique par un rétrocon- les 2 jours. Ainsi, l’efficacité est conservée, et on Le délai de récupération est très variable et
trôle négatif sur la production et la libération de CRH, pourrait amoindrir la suppression de l’axe HHS. Par impossible à prévoir pour un individu donné. À
démontré chez l’animal ; ailleurs, en période de récupération de l’axe, il est l’arrêt d’une corticothérapie prolongée, la

1
3-0550 - Corticothérapie et fonction surrénalienne

suppression de l’axe HHS persiste. Le mécanisme de une hypotension artérielle qui doivent faire Malgré tout, il existe quelques rares cas, environ
cette persistance n’est pas connu, mais le déficit évoquer une décompensation aiguë. 5 %, où le Synacthènet immédiat ne permet pas de
corticotrope ne récupérant pas, l’atrophie surrénalienne Le plus souvent, la sécrétion minéralocorticoïde faire le diagnostic d’insuffisance corticotrope. Le plus
se pérennise, expliquant l’insuffisance surrénale. est préservée, et il n’y a pas de signe secondaire à souvent, il s’agit de situations de pathologies
une fuite sodée. organiques ou de chirurgie hypophysaire, mais
Ces signes sont améliorés par le maintien (ou la quelques cas ont pu être décrits également lors de
La récupération du fonctionnement de reprise) d’une dose de glucocorticoïdes substitutive. l’arrêt de la corticothérapie.
l’axe HHS est progressive. Elle s’étale Cela authentifie une insuffisance corticotrope et À ce moment-là, deux autres tests dynamiques
sur plusieurs mois, voire plusieurs constitue, pour le médecin, un critère d’évaluation peuvent être proposés en cas de forte suspicion
années. clinique qui lui permettra, par la suite, d’apprécier la clinique. Ils explorent l’ensemble de l’axe HHS. Il
possibilité de réduire l’apport hormonal. s’agit du test à la Métopironet et de l’hypoglycémie
Beaucoup plus rarement, ces mêmes symptômes insulino-induite. Ces deux tests ne sont pas dénués
Il est probable que la récupération de la sécrétion
peuvent être retrouvés chez des patients recevant de risque. Ils sont contre-indiqués chez le sujet âgé et
hypothalamique de CRH soit la première à se faire,
des doses glucocorticoïdes supérieures à la dose le sujet avec atteinte cardiovasculaire ou
puis, plusieurs semaines après, on assiste à la
substitutive, ou chez des patients ayant récupéré un neurologique, et ils doivent toujours être pratiqués
réapparition puis à la normalisation de la sécrétion
axe HHS normal, authentifié par des tests en milieu hospitalier.
de l’ACTH.
biologiques. La mesure de l’hormonémie de base, qu’il s’agisse
Par la suite, le processus de cette récupération est
C’est le phénomène de la corticodépendance. La du cortisol plasmatique ou du cortisol libre urinaire, a
mieux connu :
physiologie de ce phénomène n’est pas connue, et peu d’intérêt puisque ses paramètres peuvent être
– progressivement, les taux d’ACTH du matin se
seule la réintroduction ou l’ascension des doses de normaux en présence d’une insuffisance
normalisent, mais la sécrétion surrénalienne reste
corticoïdes permettent une amélioration clinique. corticotrope, surtout si elle est modérée.
basse encore pendant plusieurs semaines ;
– puis les taux d’ACTH vont atteindre des taux ‚ Évaluation biologique hormonale


supranormaux, la sécrétion surrénalienne de base se
Son but est d’authentifier une anomalie du
normalise et dans un deuxième temps la réponse au Sevrage
fonctionnement de l’axe HHS dans un premier
stress est restaurée ;
temps, puis, au cours de la surveillance, d’affirmer le
– lorsque le cortisol du matin et le cortisol libre
retour à un fonctionnement normal. Le sevrage d’une corticothérapie comporte trois
urinaire des 24 heures se normalisent, les taux
Le diagnostic d’anomalie de l’axe HHS repose étapes successives [1, 3] (fig 1).
d’ACTH s’abaissent à nouveau à des niveaux
essentiellement sur les tests dynamiques.
physiologiques. ‚ Première étape : revenir à des doses
Le test au Synacthènet immédiat est le test
substitutives
diagnostique le plus facile à pratiquer, puisqu’il peut


être fait en externe et 12 heures après l’arrêt d’un La réduction des doses de glucocorticoïdes sera
Évaluation de l’axe traitement substitutif. Ce test mesure la capacité de progressive. Au cours de cette étape, il n’y a pas de
hypothalamo-hypophyso-surrénalien
la surrénale à répondre à une stimulation aiguë. risque d’insuffisance surrénale. En revanche, on peut
Cette capacité est fonction de l’état trophique de la assister à une recrudescence de la maladie causale.
Le sevrage en glucocorticoïdes va se heurter à
glande surrénale : une glande atrophique ne En fait, c’est l’évolution de la maladie causale qui
deux problèmes :
répondra pas, ou mal, à cette stimulation. dictera la rapidité avec laquelle la corticothérapie
– la possible récidive de la maladie causale lors
Une réponse normale au Synacthènet immédiat sera diminuée.
de l’effet de l’arrêt du traitement, partie que nous ne
implique que la fonction corticotrope a redémarré, et Lorsque l’on atteint une dose équivalente à
traiterons pas au cours de cet exposé ;
on peut dire de façon quasi certaine que la 30 mg de prednisone (120 mg d’hydrocortisone), la
– l’inertie de l’axe HHS, qui peut être responsable
récupération de l’ensemble de l’axe HHS a eu lieu. La couverture, en cas de stress, peut être insuffisante. Il
d’une insuffisance corticotrope avec risque de
réponse normale à ce test est un cortisol supérieur à existe alors, en cas de maladie grave, un faible risque
décompensation aiguë de celle-ci en cas de stress.
200 ng/mL 1 heure après l’injection intramusculaire d ’ i n s uffi s a n c e s u r r é n a l e n é c e s s i t a n t u n e
Ainsi, l’évaluation de l’axe HHS sera faite augmentation des doses de la corticothérapie.
de Synacthènet immédiat.
cliniquement et biologiquement [2] . Elle sera
systématique à l’arrêt de la corticothérapie et sera
poursuivie régulièrement s’il existe une anomalie. 1 Sevrage d’une cortico-
Glucocorticoïdes
administrés : thérapie en pratique. Axe
Le premier bilan sera effectué lorsque la dose de
Équivalents HHS : axe hypothalamo-
glucocorticoïdes aura été ramenée à une dose Prednisone Cortisol hypophysosurrénalien.
substitutive, environ 5 mg/j d’équivalent prednisone 1 2 3
ou 20 mg/j d’hydrocortisone.
35 140 Arrêt Axe
30 120 substitution HHS
‚ Signes d’insuffisance clinique 25 100 (sauf stress) normalisé
Les signes d’insuffisance surrénale sont non
spécifiques et peuvent parfois en imposer pour une 15 60
10 40 dose substitutive
reprise évolutive de la maladie causale. De plus,
5 20
l’insuffisance surrénale est en règle générale 0 0 Temps
modérée et donc peu parlante. Parfois, des signes (stress)
Risque
d’imprégnation cortisolique peuvent masquer
d'insuffisance Cortisol plasmatique
l’insuffisance. surrénale (basale) (ng/mL)
Le tableau associe de façon variée une asthénie, 200
une anorexie, une perte de poids, un syndrome 100
: après Synacthène ®
douloureux avec céphalées, arthralgies, myalgies,
immédiat 0
un malaise généralisé, un état dépressif... Plus : base à 8 heures
rarement, peuvent apparaître des douleurs Carte d'addisonien
abdominales, des nausées, des vomissements et

2
Corticothérapie et fonction surrénalienne - 3-0550

‚ Deuxième étape : récupération rallongé. Le choix peut se porter sur l’hydrocortisone La surveillance par le test au Synacthènet
de la sécrétion basale administrée à la dose de 20 mg/j en deux prises, immédiat sera donc instaurée, tous les 6 mois, une
Lorsque l’on atteint une dose équivalente à 5 mg 10 mg le matin et 10 mg à midi. Rapidement, il fois que le patient aura atteint des doses
de prednisone (20 mg d’hydrocortisone), on atteint faudra essayer de donner la dose totale en une prise infrasubstitutives. Dès que le taux de cortisol du
les doses substitutives, et c’est seulement à partir de unique le matin. Si le patient le supporte bien, on matin se normalise, on considère que la sécrétion
ce moment-là que l’on fera le bilan de l’axe HHS et essaiera de réduire encore la posologie à 10 mg/j. basale est récupérée, mais le patient n’est toujours
que l’on pourra voir une insuffisance corticotrope Cette phase de sevrage est particulièrement pas protégé dans les situations de stress. On peut
persister et nécessiter un traitement substitutif, le délicate, car le risque d’insuffisance surrénale est alors supprimer la prise quotidienne d’hydrocor-
temps de la récupération. maximal, aussi bien en situation basale qu’en cas de tisone, mais en cas de stress, il faudra lui signaler de
stress. La surveillance sera surtout clinique. Dès que reprendre une dose de 10 mg, voire plus.
Le diagnostic d’insuffisance corticotrope repose
donc sur les signes cliniques et les tests biologiques le patient supporte une dose infrasubstitutive, la
déjà décrits. surveillance sera en plus biologique. Pendant toute ‚ Troisième étape : récupération
cette période, le patient sera mis au courant du
de la réponse au stress
Lorsque cette insuffisance corticotrope est
confirmée, un traitement substitutif est nécessaire, vu risque de décompensation aiguë. On lui enseignera Lorsque le test au Synacthènet immédiat se
le risque de décompensation aiguë qui met en jeu le la nécessité de doubler ses doses d’hydrocortisone normalise, avec un taux de base normal et une
pronostic vital à court terme (cf chapitre en cas de situation de stress (fièvre, chirurgie, réponse normale du cortisol à la stimulation, on peut
« Insuffisance surrénale »). Il faut dans ce cas éviter extraction dentaire, fatigue intense, chaleur considérer que l’axe HHS est revenu à un état de
d’utiliser des glucocorticoïdes de demi-vie longue ou importante...). Il est fortement conseillé de lui délivrer fonctionnement normal. C’est seulement à ce
de fortes doses de glucocorticoïdes de demi-vie une carte d’insuffisant surrénal sur laquelle sont moment que l’on pourra arrêter tout traitement
courte le soir, car le délai de récupération sera indiqués son traitement et son état. substitutif, y compris en cas de stress.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,


clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Corticothérapie et fonction surrénalienne.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0550, 1998, 3 p

Références

[1] Bertagna X. Corticothérapie et fonction surrénalienne. Encycl Med Chir [3] Mosnier-Pudar H, Bertagna X. Arrêt d’une corticothérapie. Quand ? Com-
(Elsevier, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-015-A-10, 1990 : 1-5 ment ? Rev Prat Med Gen 1993 ; 7 : 18-26

[2] Chaieb L, Vidal-Trecan G, Laudat MH et al. Le test rapide à la bêta 1-24


corticotrophine, dans l’exploration de l’axe corticotrope. Presse Med 1984 ; 13 :
1283

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Hyperaldostéronisme primitif

H Mosnier-Pudar


‚ Diagnostic [1] pour le diagnostic d’adénome surrénalien. Le patient
Introduction La preuve diagnostique de l’HAP passe par la mise doit être à jeun, et l’opacification digestive peut être
en évidence d’anomalies de la sécrétion hormonale nécessaire. Des coupes axiales fines de 2 ou 3 mm
du système rénine-angiotensine. Idéalement, débordant largement les aires surrénaliennes sont
L’hyperaldostéronisme primitif ou primaire (HAP) pratiquées. L’injection de produit de contraste iodé est
l’exploration de ce système est réalisée en l’absence de
associe habituellement une hypertension artérielle nécessaire en cas de pathologie tumorale.
tout traitement antihypertenseur. En réalité, la sévérité
(HTA), une hypokaliémie, une rénine plasmatique
de l’HTA ne le permet le plus souvent pas. Dans tous La présence d’un nodule surrénalien unilatéral de
basse et une aldostérone plasmatique élevée. Parmi
ces cas, l’exploration sera faite à 6 semaines d’arrêt plus de 10 mm ou de plus de 6 mm de diamètre, s’il est
les HAP, deux tiers sont liés à la présence d’un
d’un traitement par spironolactone et 10 jours après nettement individualisé et hypodense, permet de faire
adénome surrénalien sécrétant de façon le plus
arrêt d’un traitement diurétique, par inhibiteurs de le diagnostic de la nature tumorale de l’HAP. La TDM
souvent autonome de l’aldostérone, appelé
l’enzyme de conversion ou bêtabloquants. Le peut apporter des arguments de malignité si la tumeur
classiquement adénome de Conn. Les autres causes
traitement de l’HTA repose si nécessaire sur les est de grande taille, hétérogène ou calcifiée.
d’HAP sont l’hyperplasie bilatérale des surrénales dans
antihypertenseurs centraux, les alphabloquants ou les
la plupart des cas, et de rares formes d’HAP
inhibiteurs calciques. De plus, cette exploration sera L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’est
sporadiques ou familiales. L’adénome de Conn et
faite avec un apport sodé codifié : 120 mEq, soit 6 g de pas supérieure à la TDM pour le diagnostic d’adénome
l’hyperplasie bilatérale représentent moins de 2 % des
sel de sodium/j. de Conn.
causes d’HTA, mais l’adénome de Conn est la
principale cause d’HTA chirurgicalement curable par sa Les explorations hormonales sont : Lorsque la TDM n’est pas démonstrative et qu’il
résection. La guérison est obtenue dans un tiers des – la mesure de l’aldostérone et de la rénine existe des arguments en faveur d’une autonomie de la
cas, une franche amélioration des chiffres de pression plasmatique après 1 heure de décubitus ; sécrétion, il est licite de poursuive les explorations
artérielle dans un autre tiers, les échecs étant surtout – puis la mesure de l’aldostérone et de la rénine radiologiques par une phlébographie avec traitement
liés à l’âge et à la l’ancienneté de l’HTA. plasmatique après 1 heure de marche ; numérique de l’image, avec prélèvements sanguins
Devant un patient hypertendu hypokaliémique, la – la mesure de l’aldostérone urinaire sur un recueil étagés pour mesure de l’aldostérone et du cortisol
première démarche sera de rechercher la présence d’urines des 24 heures. dans les deux veines surrénaliennes. En faveur de
d’une HAP par exploration du système rénine- L’HAP, en l’absence des traitements sus-cités et des l’adénome, on retrouve un aspect d’encorbellement
angiotensine. Ensuite, on s’attachera à distinguer bilans potassique et sodé équilibrés (natriurèse présent sur au moins deux incidences et un rapport
l’adénome de l’hyperplasie bilatérale de la surrénale, supérieure à 100 mmoL/24 h et kaliurèse supérieure à aldostérone sur cortisol cinq fois plus élevé du côté
principalement par l’imagerie et la démonstration de 40 mmoL/24 h), se caractérise par : suspect que du côté sain.
l’autonomie de la sécrétion d’aldostérone. – un taux d’aldostérone élevé dans le plasma
(valeur au repos supérieure à 150 pg/mL) et dans les Lorsque la TDM n’est pas démonstrative et si


urines (supérieure à 15 ng/24 h) ; l’autonomie sécrétoire n’est pas évidente, ou si la
Diagnostic positif – en présence d’une rénine basse après 1 heure de phlébographie n’est pas concordante, le patient est
marche (rénine active inférieure à 10 pg/mL). traité médicalement. Dans la mesure du possible, les
L’élévation du rapport aldostérone sur rénine examens biologiques et la TDM seront refaits 2 ans
‚ Éléments d’orientation plasmatique permet aussi de faire le diagnostic, à plus tard.
L’association HTA et hypokaliémie doit faire condition de définir les valeurs de référence pour
évoquer le diagnostic. L’HTA est constante sans chaque laboratoire. ‚ Recherche d’une autonomie sécrétoire
caractéristique sémiologique particulière. Elle est La recherche d’un hypercortisolisme pour mesure
Physiologiquement, l’angiotensine II régule la
parfois sévère, classiquement résistante aux du cortisol libre urinaire sur urines des 24 heures est
sécrétion d’aldostérone. En cas d’adénome
traitements n’incluant pas de diurétiques. systématique. La mise en évidence d’une sécrétion
surrénalien, la sécrétion d’aldostérone devient
L’hypokaliémie est l’anomalie majeure qui doit faire panachée cortisol et aldostérone fait évoquer le
autonome et ne répond plus aux régulations
évoquer l’HAP. Elle est très suggestive du diagnostic diagnostic de corticosurrénalome malin.
physiologiques. Ainsi, elle n’est plus stimulée par
lorsqu’elle est inférieure ou égale à 3,5 mmol/L, en l’orthostatisme, qui normalement augmente la
l’absence de cause d’hypokaliémie (prise de


libération de rénine, et donc d’angiotensine II, qui à
diurétiques, de laxatifs, de réglisse...). Mais ce seuil Causes de l’hyperaldostéronisme son tour aurait dû stimuler la sécrétion d’aldostérone.
conventionnel est insuffisant et amène à ignorer une primitif De même, la sécrétion d’aldostérone d’origine
proportion importante d’HAP, voire des adénomes de adénomateuse n’est pas freinée par la charge sodée
Conn. Cela s’explique par une distribution continue de
ou le captopril, qui supprime la libération
la kaliémie, ainsi que des hormones entre les HTA Les deux causes principales d’HAP sont avant tout
d’angiotensine II. En revanche, dans l’hyperplasie
essentielles et les HAP. Il reste néanmoins raisonnable l’adénome surrénalien et l’hyperplasie bilatérale des
bilatérale des surrénales, l’aldostérone reste en partie
de conserver la kaliémie comme test de dépistage des surrénales. La distinction entre les deux se fait sur la
sensible à l’angiotensine II, stimulée par l’orthosta-
HAP, à condition d’élever le seuil de suspicion, qui mise en évidence d’une autonomie sécrétoire et sur les
tisme, inhibée par la charge en sel ou le captopril.
déclenchera l’exploration hormonale à 3,7 mmol/L, données de l’imagerie surrénalienne.
voire à 3,9 mmol/L pour certains auteurs, en particulier En fait, si les résultats de ces tests permettent de
si l’HTA est sévère. ‚ Imagerie bien distinguer les adénomes des hyperplasies
D’autres anomalies biologiques peuvent orienter le Une fois l’HAP démontrée, l’imagerie abdominale bilatérales des surrénales en tant que groupe de
© Elsevier, Paris

diagnostic : va jouer un rôle primordial dans la recherche de la patients, les données individuelles sont moins
– kaliurèse inadaptée à l’hypokaliémie en régime cause de l’hypersécrétion hormonale. discriminatrices. Ces tests trouvent leur intérêt dans
calibré en sel (120 mEq de sodium/j) ; La tomodensitométrie (TDM) abdominale est le l’argumentation à poursuivre les explorations
– alcalose métabolique ; premier examen à pratiquer après le diagnostic de d’imagerie à la recherche d’un adénome lorsque la
– élévation modérée de la natrémie. l’HAP. Une bonne technique d’examen est primordiale TDM abdominale est douteuse.

1
3-0570 - Hyperaldostéronisme primitif

‚ Autres hyperminéralocorticismes Les arguments en faveur d’un traitement chirurgical


Tableau I. – Causes des hyperaldostéronismes sont [2] :
primaires et leur prévalence. Dans ce cas, la sécrétion d’aldostérone est freinée et
la rénine est basse. – des critères d’imagerie en faveur d’une malignité
Les causes en sont : tumorale, et alors la chirurgie ne se discute pas ;
Causes Prévalence
– la corticothérapie ; – le caractère récent de l’HTA ;
Adénome de Conn Près de 64 % – le syndrome de Cushing, qui sera systématique- – la sévérité de l’hypokaliémie ;
Hyperplasie bilatérale Près de 32 % ment recherché par dosage du cortisol libre urinaire ; – la bonne réponse tensionnelle à un traitement
des surrénales – la production, par des tumeurs surrénaliennes le d’épreuve par spironolactone ;
plus souvent malignes, de désoxycortisone (DOC) ou – la mauvaise tolérance au traitement médical.
Hyperplasie unilatérale Moins de 2 %
autres précurseurs ;
d’une surrénale Une HTA ancienne et une kaliémie peu abaissée
– l’hyperplasie congénitale des surrénales par
sont plutôt en défaveur de l’intervention.
Carcinome surrénalien 1% déficit enzymatique, le plus souvent en
sécrétant de l’aldosté- 17β-hydroxylase ; Lorsque l’indication chirurgicale est posée, elle sera
rone – la résistance aux glucocorticoïdes. réalisée après 6 semaines de préparation médicale par
Production ectopique Moins de 1 % En dehors de la corticothérapie et du syndrome de spironolactone. Cette préparation permet de corriger le
d’aldostérone (tumeur Cushing, toutes les autres causes sont exceptionnelles. déficit potassique et aussi, par la réponse tensionnelle,
ovarienne) Plus fréquente, réalisant un pseudohyperminéralo- de prédire le gain tensionnel après chirurgie.
corticisme, est la consommation importante de
Hyperaldostéronisme Moins de 2 % La kaliémie étant normalisée, aucune précaution
suppressible à la produits dérivant de l’acide glycyrrhizinique (réglisse,
antésite, pastis sans alcool). Il existe alors une anesthésique particulière n’est nécessaire. L’aspect
dexaméthasone
inhibition de la 11β-hydroxystéroïde-déshydrogénase. unilatéral de la tumeur permet un abord par
Celle-ci est responsable de la dégradation du cortisol lobotomie. Aujourd’hui, les équipes entraînées
‚ Autres causes hormone active en cortisone hormone inactive, au proposent un abord cœlioscopique vu la petite taille
En dehors de l’adénome de Conn et de niveau du rein en particulier. L’inhibition de cette des adénomes.
l’hyperplasie bilatérale des surrénales, les causes enzyme résulte en des taux intrarénaux de cortisol Les suites opératoires sont le plus souvent simples.
d’HAP sont exceptionnelles, sporadiques ou familiales élevés qui vont pouvoir se fixer sur le récepteur des La kaliémie reste normale malgré l’arrêt de la
(tableau I). minéralocorticoïdes et induire un hyperminé- spironolactone, alors que la normalisation des chiffres
Seule mérite mention parmi les formes familiales ralocorticisme.
de pression artérielle est retardée. Les facteurs de
l’HAP suppressible par les glucocorticoïdes. Le tableau
‚ Hypertension artérielle à rénine basse prédiction d’une évolution tensionnelle favorable sont
clinique associe une HTA précoce, sévère, associée à
la réponse à la spironolactone (positivement associée
une hypokaliémie. C’est une maladie à transmission Vingt pour cent des HTA de l’adulte s’accompa-
au taux de succès), la diastolique initiale et l’ancienneté
autosomique dominante justifiant une enquête gnent d’un taux de rénine plasmatique abaissé. Ce
de l’HTA (négativement associée).
familiale, puisque la mutation responsable est connue. phénomène est plus fréquent chez les sujets de race
Il s’agit d’un gène hybride codant pour l’aldostérone et noire et ne s’accompagne jamais d’hyperaldo-
le cortisol, régulé par l’ACTH (adrenocorticotrophic stéronisme. ‚ Traitement par l’hyperplasie bilatérale
hormone). Un traitement par la dexaméthasone des surrénales
permet de corriger les troubles.


Dans ce cas, le traitement est toujours médical. Il
repose sur la prescription de spironolactone (100 à
Traitement


150 mg/j) avec, si le contrôle tensionnel l’exige,
Diagnostic différentiel association à un bêtabloquant et/ou à un inhibiteur
Les objectifs thérapeutiques sont la correction de calcique.
l’hypokaliémie et de l’HTA. Les effets secondaires de la spironolactone sont
‚ Hyperaldostéronismes secondaires Le contrôle de la kaliémie est généralement parfois importants et/ou mal tolérés. Le plus souvent, il
Même si le tableau clinique se présente de façon possible dans l’adénome et l’hyperplasie avec un s’agit, chez l’homme, d’impuissance et de
identique avec association d’une HTA et d’une diurétique distal à bonne dose, type spironolactone gynécomastie ; chez la femme, de troubles des règles.
hypokaliémie, les dosages hormonaux permettent de (100 à 150 mg/j) ou amiloride (20 à 30 mg/j). On peut alors avoir recours à un diurétique d’action
faire facilement la distinction devant un taux Le contrôle tensionnel, en revanche, n’est pas distale comme l’amiloride.
augmenté d’aldostérone plasmatique qui s’accompa- toujours obtenu avec ces seuls agents, en particulier
gne d’une rénine plasmatique non freinée. dans l’hyperplasie bilatérale des surrénales. L’HAP est une cause exceptionnelle d’HTA, même
Les causes principales en sont l’HTA traitée par lorsque celle-ci s’accompagne d’hypokaliémie. Il n’en
diurétiques, l’HTA rénovasculaire, l’HTA maligne et les ‚ Traitement de l’adénome de Conn reste pas moins qu’il est important de la rechercher
exceptionnelles tumeurs à rénine. Le diagnostic d’un adénome de Conn ne conduit devant un tableau évocateur car elle peut, en cas
On en rapproche les hypokaliémies secondaires pas toujours à la chirurgie. En effet, l’existence d’un d’adénome de Conn tout particulièrement, être
aux troubles digestifs (laxatifs, diarrhées, traitement médical spécifique, la spironolactone, responsable d’une HTA sévère, curable
vomissements), mais alors la kaliurèse est basse. permet dans certains cas de surseoir à l’intervention. chirurgicalement.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,


clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Hyperaldostéronisme primitif.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0570, 1998, 2 p

Références

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sium, de la rénine, de l’aldostérone et du rapport aldostérone/rénine. Presse Med 6 : 995-998
1995 ; 24 : 1238-1242

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Incidentalome surrénalien

H Mosnier-Pudar

L a majorité des incidentalomes surrénaliens sont bénins et non sécrétants, posant le problème d’une approche
diagnostique et thérapeutique devant prendre en compte les coûts, les risques d’explorations parfois agressives,
les faux positifs et, du point de vue thérapeutique, la morbidité et la mortalité de la chirurgie en particulier. Raison
supplémentaire pour que toute demande d’examen d’imagerie soit précisément justifiée !
© Elsevier, Paris.


Introduction

Sous le terme d’incidentalomes surrénaliens sont



La tumeur est-elle
hormonosécrétante ? En se référant aux résultats des séries
autopsiques concernant les différentes
tumeurs sécrétantes de la surrénale,
Les masses de la loge surrénalienne, découvertes on peut estimer, chez un sujet
regroupées les masses surrénaliennes ou de la loge
dans la population générale et non oncologique, présentant un incidentalome, la
surrénalienne, de découverte fortuite lors d’un
examen morphologique fait pour une pathologie
sont dans 36 à 94 % des cas des tumeurs bénignes prévalence du phéochromocytome à
sans rapport avec les surrénales [4].
non sécrétantes de la surrénale. Ces lésions sont 6,5 %, de l’adénome de Conn à 7 %,
aussi fréquentes chez l’homme que chez la femme. de l’adénome bénin responsable de
Depuis le début des années 1980, les masses de
Elles sont rares avant 30 ans, puis leur prévalence syndrome de Cushing à 0,035 % et
la loge surrénalienne de découverte fortuite
augmente avec l’âge. Certaines populations d’un carcinome surrénalien à
deviennent un problème courant, conséquence de
présentent une plus grande fréquence [4] : les sujets
l’augmentation du nombre d’explorations 0,058 % [4] (tableau I).
de race noire, les diabétiques, les obèses et les sujets
radiologiques abdominales. La prévalence des
atteints de néoplasie endocrine multiple. La plus
incidentalomes varie, selon les séries, de 0,35 à
grande fréquence des incidentalomes surrénaliens, Les tumeurs surrénaliennes sécrétantes sont rares
4,36 % [ 4 ] des examens scanographiques secondaires à la maladie athéromateuse, chez les et peuvent se développer à partir de la médullosur-
abdominaux. hypertendus, reste fortement controversée. La rénale (phéochromocytome) ou de la corticosurrénale
recherche d’une hypersécrétion est d’importance car (hyperaldostéronisme primaire, adénome de Conn,
elle conditionne l’attitude thérapeutique, avec syndrome de Cushing avec adénome bénin ou
La prévalence des tumeurs nécessité d’une prise en charge spécifique, corticosurrénalome malin, tumeur responsable de
surrénaliennes sur autopsie chirurgicale dans la majorité des cas. virilisation ou de féminisation).
systématique étant quatre fois
supérieure [4], on peut penser que
l’amélioration des techniques Tableau I. – Incidentalomes d’origine surrénalienne, d’après les données de la littérature (Kloos et
al), et les données personnelles sur 116 incidentalomes opérés entre 1982 et 1995 (données person-
d’imagerie ne peut s’accompagner que nelles du Pr Luton, hôpital Cochin, Paris).
d’une augmentation de la fréquence
de découverte de ces masses. Étiologies Données littérature Données personnelles 1982-1995
Corticosurrénale
Adénomes non sécrétants 36-94 % 24,1 %
La découverte d’un incidentalome soulève deux Cushing et préCushing 0-12 % 11,1 %
questions : Corticosurénalomes 0-25 % 6,8 %
– la tumeur est-elle hormonosécrétante ? Hyperplasies de la corticosurré- 7-17 % 2,7 %
– existe-t-il des arguments en faveur d’une nale
malignité ? Hyperplasies par bloc enzymati- – 1,6 %
que
Ainsi, la recherche d’une sécrétion anormale sera Adénomes de Conn 0-7 % 2,5 %
systématique, car elle conduit à un traitement Tumeur féminisante rare –
spécifique, en particulier chirurgical. Le plus souvent, Tumeur masculinisante 0-11 % –
aucune hypersécrétion n’est retrouvée, et il faut alors Médullosurrénale
éliminer l’éventualité que la masse découverte soit Phéochromocytomes 0-11 % 8,5 %
un tumeur maligne primitive de la surrénale ou une Ganglioneuromes 0-6 % 0,8 %
métastase. Mais la majorité de ces lésions sont Autres masses surrénaliennes
bénignes et non sécrétantes, posant le problème Hématomes 0-4 % 5,1 %
© Elsevier, Paris

d’une approche diagnostique et thérapeutique qui Kystes de la surrénale 4-22 % 2,5 %


doit prendre en compte les coûts, les risques Abcès de la surrénale – 0,8 %
d’explorations parfois agressives, les faux positifs et,
Métastases 0-21 % (non oncologique)
du point de vue thérapeutique, la morbidité et la 32-73 % (oncologique) 7,7 %
mortalité, de la chirurgie en particulier.

1
3-0530 - Incidentalome surrénalien

Tableau II. – Bilan hormonal minimal à faire Chez les patients normotendus et en Tableau III. – Aspect à l’imagerie et nature de
devant une masse surrénalienne de découverte la tumeur.
normokaliémie, il nous semble
fortuite.
raisonnable de ne pas faire En faveur En faveur
Hypersécrétion d’investigations complémentaires. de la bénignité de la malignité
Test de dépistage
hormonale
Petite taille Grande taille
Phéochromocytome Métanéphrines urinai- regroupées sous le terme de syndrome de
res sur recueil des pré-Cushing, ne semblent pas avoir la même Aspect Aspect
24 heures – Bord régulier – Irrégulier, parois
signification, et une majorité d’entre elles ne
– Homogène épaissies
Syndrome de pré- Test de freination ra- semblent pas évolutives. Ainsi, la recherche d’une – Nécrose
– Faible densité à la
Cushing pide à 1 mg de déxamé- hypersécrétion de cortisol doit se limiter à un test de TDM – Forte densité à la
thasone(1) freination à la dexaméthasone minute (1 mg – Faible prise de TDM
administré à minuit, avec dosage du taux de cortisol contraste – Prise de contraste
Adénome de Conn Rapport plasmatique plasmatique le lendemain à 8 h). La scintigraphie au – Faible signal en T2 à importante, inhomo-
aldostérone/rénine(2) la RMN gène
iodocholestérol pourrait théoriquement aider au
Corticosurrénalome Taux sérique de sulfate diagnostic en montrant une fixation unilatérale du – Hyper signal en T2 à
malin de déhydroépiandrosté- la RMN
côté où se trouve l’incidentalome.
rone(3) ■ Le corticosurrénalome malin a comme Contenu en lipides Contenu en lipides bas
Hyperplasie congéni- Taux de base de la caractéristique de sécréter très souvent des élevé
tale des surrénales 17-hydroxyprogestérone précurseurs du cortisol, d’où l’intérêt du dosage des
TDM : tomodensitomérie ; RMN : imagerie par résonance magnétique
17-cétostéroïdes urinaires et de la 11- nucléaire.
(1): pour une meilleure spécificité, certains proposent une dose plus forte désoxycortisone plasmatique. L’élévation du taux
de déxaméthasone (2 à 3 mg) ; (2) : pour certains, à ne faire que lorsqu’il
existe une hypertension artérielle et/ou une hypokaliémie ; (3) : faible plasmatique de sulfate de déhydroépiandrostérone
sensibilité et faible spécificité. Classiquement, il est dit que la distinction entre un
(SDHA) est aussi un argument majeur pour le
adénome non sécrétant et les autres tumeurs
caractère malin de ces tumeurs [4].
Du fait même de la définition, la très grande surrénaliennes (métastases, corticosurrénalomes
Compte tenu de la rareté des tumeurs bénignes
majorité de ces patients ne présente aucune non sécrétants) n’est pas possible sur des critères
sécrétant des androgènes et des œstrogènes, il n’est
manifestation clinique en faveur d’une tumeur uniquement morphologiques. D’après ces données,
pas utile de doser les taux plasmatiques de
sécrétante. Néanmoins, certains signes qui étaient une taille inférieure à 3 cm, des contours réguliers,
testostérone et d’œstrogènes en dehors de signes
passés inaperçus peuvent parfois être retrouvés. Par un contenu homogène sont en faveur de la nature
cliniques évocateurs [2]. Les tumeurs malignes elles,
ailleurs, il n’existe aucun argument radiologique bénigne de la tumeur. À l’inverse, une taille
seront dépistées par le dosage du SDHA.
suffisamment fiable pour affirmer la présence ou supérieure à 5 cm, des limites irrégulières, un
■ Rarement, un incidentalome peut révéler une
non d’une sécrétion anormale. Ainsi, il est nécessaire contenu hétérogène évoquent le diagnostic de
hyperplasie congénitale des surrénales chez
de faire un bilan hormonal systématique pour lésions non adénomateuses. L’utilisation de cette
l’homme, alors que le taux plasmatique de
dépister une telle sécrétion (tableau II). méthode conduit à 40 % d’erreurs ou d’incertitudes.
17-hydroxyprogestérones est élevé.
■ La recherche d’un phéochromocytome, La distinction entre adénomes non sécrétants et
Le bilan hormonal minimal est donné dans le métastases ou tumeurs malignes a fait l’objet de
compte tenu du risque de mortalité et morbidité
tableau II. Bien entendu, la découverte d’une multiples travaux récents. Il en ressort qu’une masse
cardiovasculaire de cette affection doit être, à notre
anomalie devra conduire à des explorations plus surrénalienne, dont la densité spontanée des deux
avis, systématique. De plus, aucune exploration
poussées. tiers de sa taille, mesurée au centre, est de moins de
agressive (cytoponction en particulier) ne doit être
entreprise sans l’avoir éliminé (risque de crise 0 UH (unité Hounsfield) a 100 % de chances d’être


hypertensive aiguë). Le test le plus fiable pour ce bénigne. Cette probabilité n’est plus que de 96 % si
diagnostic est un dosage des métanéphrines et
La tumeur présente-t-elle la densité est comprise entre 0 et 10 UH [4].
des signes de malignité ?
normétanéphrines, sur les urines des 24 heures [1]. Le critère de taille est moins précis que celui de
L’imagerie par résonance magnétique nucléaire densité. En effet, une tumeur de moins de 2,5 cm a
(IRM) peut aider au diagnostic. Les phéochromocy- Comme pour le caractère sécrétant de la tumeur, seulement 76 % de chances d’être bénigne, et si elle
tomes, sur les séquences pondérées en T2, ont un la suspicion de malignité peut conduire à poser fait moins de 1,5 cm, 93 % [4]. Enfin, quand une
signal supérieur à celui des reins, très intense et l’indication chirurgicale. Ainsi, les auteurs se sont surveillance régulière est proposée à des patients,
augmentant sur les échos successifs. La scintigraphie attachés à mettre au point des critères, en particulier l’indication à la chirurgie doit être portée, pour
à la métaiodobenzylguanidine (MIBG) doit toujours d’imagerie, de malignité (tableau III). confirmation histologique, devant toute tumeur qui
être proposée dans le bilan d’un patient avec D’emblée, certaines lésions ont un aspect augmente de volume, mais cette méthode est sujette
anomalie biologique. De plus, elle est intéressante évocateur : à discussion car elle est responsable de retard
pour les diagnostics de neuroblastome et de – l’hématome spontané de la surrénale est diagnostique et thérapeutique.
ganglioneurome de la loge surrénalienne [2]. reconnaissable à l’IRM [4] sur des stigmates Des arguments étiologiques ont aussi été étudiés
■ Le dépistage d’un hyperaldostéronisme d’hémorragie (présence d’hypersignaux pour l’IRM. L’étude qualitative en IRM repose sur la
primaire passe par la mesure des chiffres de périphériques en T1, d’une couronne en hypersignal, comparaison du signal de la tumeur et de celui du
pression artérielle et de la kaliémie chez tous les voire en hyposignal, en T2) et surtout par l’absence foie et/ou de celui de la graisse. Sur les séquences
patients présentant un incidentalome [4]. La présence de prise de contraste et aucun rehaussement pondérées en T1 ou en T2, malgré l’impossibilité de
d’une hypertension artérielle et d’une kaliémie nodulaire ; conclure dans 30 % des cas, cette méthode est
inférieure ou égale à 3,9 mmol/L doit conduire à des – le myélolipome est hétérogène, avec un largement utilisée, notamment pour les
dosages hormonaux. Le second test sera alors la composant graisseux plus ou moins important. Son phéochromocytomes. L’intensité des signaux en T2
mesure de l’aldostérone ou du rapport aldostérone diagnostic est aisé en tomodensitométrie (TDM) ou permet ainsi une certaine approche étiologique. En
sur rénine plasmatique, après arrêt des traitements en IRM devant une masse bien limitée à paroi fine, général, les adénomes ont un signal proche de celui
antihypertenseurs pouvant interférer avec les présentant des densités négatives en TDM et un du foie, les métastases et les corticosurrénalomes
dosages hormonaux [4]. hypersignal en T1, d’intensité décroissante en T2 [4] ; malins ont un signal compris entre celui du foie et
■ L’absence de signe clinique évocateur de – les kystes surrénaliens d’origine diverse, celui des reins.
syndrome de Cushing ne doit pas faire écarter ce lésions liquidiennes homogènes à paroi fine Plusieurs auteurs ont proposé de mettre en évidence
diagnostic. En effet, des anomalies subtiles de la p r é s e n t a n t s o u v e n t d e s c a l c i fi c a t i o n s la graisse intratumorale en IRM. En effet, il a été montré
sécrétion du cortisol peuvent exister longtemps périphériques [4]. par des études spectroscopiques in vivo [3] que les
avant l’installation des signes cliniques. Toutefois, Pour toutes les autres masses, des arguments adénomes contenaient un taux de lipides supérieur à
une grande partie de ces anomalies, aujourd’hui anatomiques de malignité doivent être recherchés. 10 %, que les tumeurs malignes en revanche

2
Incidentalome surrénalien - 3-0530

Toutes les masses surrénaliennes bilatérales ne


Tableau IV. – Incidentalomes d’origine non surrénalienne d’après les données de la littérature sont pas des métastases. Les autres étiologies
(Kloos et al), et données personnelles sur 116 incidentalomes opérés entre 1982 et 1995 (données reconnues ont été : une hyperplasie macronodulaire
personnelles du Pr Luton, hôpital Cochin, Paris). (en particulier par un déficit enzymatique
Étiologies Données littérature Données personnelles 1982-1995 surrénalien), un corticosurrénalome, un adénome
bénin, une dystrophie vasculaire. Dans la littérature,
Autres tumeurs ont aussi été décrits des phéochromocytomes et des
Lymphangiomes - Angiomes - 9,4 % adénomes de Conn bilatéraux [1]. Devant une
Neurofibromes - Schwanomes - 5,1 %
adrénomégalie bilatérale, d’autres étiologies sont à
Myéolipomes 7-15 % 1,7 %
Liposarcomes - 3,4 % évoquer : maladies infiltratives (tuberculose,
Fibrosarcomes - 0,8 % sarcoïdose), hématomes, lymphomes, atteinte
mycosique, en particulier chez les sujets
Masses de la loge surrénale 6% immonudéprimés (Cytomégalovirus, coccidioïdo-
(organes de voisinage)
mycose...) [4].
Adénocarcinomes du rein
Kystes du rein Enfin, l’incidentalome de la loge surrénalienne
Kystes bronchogéniques peut ne pas être une masse d’origine surrénalienne.
Mésenchymomes malins Sur 106 patients opérés, 32 (30,2 %) avaient une
Rate étiologie non surrénalienne, parfois orientée
d’emblée par les données de l’imagerie, mais le plus
(corticosurrénalomes et métastases, ainsi que les connue, la fréquence des lésions secondaires souvent de découverte opératoire (tableau IV).
phéochromocytomes [3]) renfermeraient moins de 10 % surrénaliennes est basse. En revanche, leur
de lipides. La méthode dite d’« étude de déplacement fréquence est estimée à 25 % lors d’autopsies de


chimique [3] » semble la plus prometteuse. patients cancéreux [2]. Le risque qu’une masse
L’étude cytologique après ponction-biopsie à surrénalienne de découverte fortuite soit une Conduite à tenir
l’aiguille n’est que peu, voire pas, contributive pour la métastase surrénalienne dans une population non
distinction entre tissu surrénalien bénin et malin. De oncologique est très faible. En revanche, cette
plus, elle s’accompagne de risques sérieux, même si fréquence est de 32 à 73 % dans une population Elle est résumée dans la figure 1.
peu fréquents, pneumothorax, hémothorax, fièvre, oncologique [2] . Ce sont les mélanomes qui Les masses de découverte fortuite de la loge
bactériémie, hématome rénal ou hépatique [2]. métastasent le plus souvent aux surrénales (42,3 %), surrénalienne posent un double problème
puis les cancers pulmonaires (37,4 %), les cancers diagnostique (caractère sécrétant, caractère malin) et
du rein, de la thyroïde, du pancréas et de l’intestin [2]. thérapeutique (indication chirurgicale).
Ainsi, la cytoponction ne peut se La distinction entre métastases et autres causes de La balance risque/bénéfice et le coût des
discuter que pour rechercher des tumeur surrénalienne est importante chez les explorations et du traitement font que toute décision
arguments en faveur d’une patients ne présentant pas à l’évidence d’autre doit reposer sur des arguments solides et résulter de
tuberculose ou chez des patients localisation secondaire, car ils pourraient alors la concertation entre les endocrinologues, les
atteints de cancers, pour essayer de bénéficier d’un traitement chirurgical curatif de leur radiologues et les chirurgiens.
distinguer une éventuelle métastase lésion primitive, si la masse surrénalienne ne s’avère Il est actuellement admis que toute masse
unilatérale d’un adénome surrénalien, pas être une métastase. Les métastases surrénalienne sécrétante doit bénéficier d’un
et uniquement après avoir éliminé de surrénaliennes sont le plus souvent bilatérales. Les traitement curatif chirurgical.
tumeurs ont un diamètre en général supérieur à Pour toutes les masses non sécrétantes dont
façon certaine un phéochromocytome.
3 cm et sont irrégulières. Une insuffisance surrénale l’aspect en imagerie n’est pas caractéristique d’un
doit alors toujours être recherchée, même si elle est hématome, d’un myélolipome ou d’un kyste, la
Les métastases surrénaliennes méritent une place rare mais non négligeable (7 % dans notre stratégie adaptée va dépendre avant tout des
à part. En l’absence de néoplasie extrasurrénalienne expérience). critères morphologiques : densité spontanée de la

Taille ∅ < 2cm ∅ : 2-4cm ∅ > 4cm Taille : elle est appréciée au mieux par la
TDM abdominale

Aspect
radiographique Aspect radiographique :

Masses présentant tous les critères


de bénignité

Masses ne présentant pas tous les


critères de bénignité (au moins un
(éventuellement)
Aspect critère suspect)
Scintigraphie
scintigraphique iodocholestérol
Aspect scintigraphique :
+ -
+ Masses fixant l'iodocholestérol
Néoplasie Pas de Masses ne fixant pas
connue néoplasie — l'iodocholestérol

SURVEILLANCE TDM : tomodensitométrie


FNA CHIRURGIE FNA : cytoponction à l'aiguille de la masse
Stop?
1 Arbre décisionnel pour l’exploration des masses surrénaliennes de découverte fortuite non hypersécrétante.

3
3-0530 - Incidentalome surrénalien

masse en TDM, signal en IRM, voire rehaussement Pour les incidentalomes de la loge surrénalienne TDM est comprise entre 0 et 10 UH. C’est dans ces
après injection de gadolinium, taille et teneur en de diamètre inférieur à 3 cm dont les caractéristiques situations que les progrès de l’imagerie médicale, en
graisses. radiologiques, en particulier une densité spontanée particulier l’évaluation de la teneur en graisse de la
Il est convenu que toute masse de diamètre inférieure à 0 UH, sont en faveur de la bénignité, une masse par technique IRM, devraient pouvoir nous
supérieur à 4 cm sera opérée, d’autant plus qu’elle surveillance radiologique et hormonale (à 6 mois, aider pour le diagnostic.
est de caractère hétérogène ou de limites puis tous les ans) sera mise en place. Il s’agit ici de
irrégulières. Ce critère n’est pas absolu, des dépister une éventuelle évolutivité qui conduira à L’ensemble de ces éléments permettra une
corticosurrénalomes de petite taille ont déjà été poser l’indication chirurgicale. meilleure rationalisation des explorations et des
décrits dans la littérature et nous en rapportons un Enfin, restent les tumeurs d’un diamètre compris indications chirurgicales pour les tumeurs de la loge
de 3 cm de diamètre. entre 3 et 4 cm, surtout si leur densité spontanée en surrénalienne de découverte fortuite.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,


clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Incidentalome surrénalien.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0530, 1998, 4 p

Références

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Fr Endocrinol Clin 1994 ; 35 : 463-468 et al. Les incidentalomes surrénaliens. Rev Fr Endocrinol Nutr Metabol 1996 ; 37 :
351-375
[2] Kloos RT, Gross MD, Francis IR, Korobkin M, Shapiro B. Incidentally discove-
red adrenal masses. Endocr Rev 1995 ; 16 : 460-484

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pathologie surrénalienne. Ann Endocrinol 1988 ; 49 : 337-339

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Insuffisance surrénale

H Mosnier-Pudar

L e risque de l’insuffisance surrénale est la décompensation sur un mode aigu, mettant en jeu le pronostic vital.
La prévention de ce risque repose sur l’éducation du malade.
© Elsevier, Paris.


– une constipation, la survenue de nausées, de élevé d’ACTH, lorsque l’on dispose du dosage, ou sur
Introduction vomissements et de douleurs abdominales qui une non-réponse des métabolites urinaires du
doivent faire craindre une décompensation aiguë. cortisol (17-hydroxy) après test au Synacthènet
L’insuffisance surrénale [2] regroupe l’ensemble D’autres symptômes sont moins fréquents et Retard, toujours effectué en milieu hospitalier.
des affections où la sécrétion en hormones moins évocateurs : l’hypoglycémie de jeûne et
postprandiale, le goût prononcé pour le sel, Formes cliniques
corticosurrénaliennes, principalement gluco- et/ou
minéralocorticoïdes, s’effondre en dessous des l’impuissance chez l’homme, l’aménorrhée chez la Le tableau clinique peut ne pas être complet.
besoins de l’organisme. On distingue les femme, la perte de la pilosité axillaire et pubienne, Ainsi, on note des aspects trompeurs, sans
insuffisances primitives, où le déficit est dû à la l’irritabilité, l’instabilité, les arthralgies et les myalgies. mélanodermie, sans hypotension artérielle. Il peut
destruction de plus de 90 % du cortex surrénalien, et Les anomalies de la biologie standard sont s’agir de formes frustes, voire latentes, dont le
les insuffisances secondaires, ou corticotropes, par latentes et non spécifiques. L’ionogramme sanguin diagnostic sera fait à l’occasion d’une décompen-
atteinte hypophysaire ou hypothalamique, par montre une tendance à l’hyponatrémie, sation aiguë, lors d’une situation de stress.
carence en adrenocorticotropic hormone (ACTH). l’hypochlorémie et l’hyperkaliémie. La réserve Rarement, en dehors des pertes en sel
Le risque de ces affections réside dans leur alcaline est à la limite inférieure de la normale. La néonatales, on peut voir des formes dissociées avec
décompensation sur un mode aigu, mettant glycémie à jeun est basse. La numération formule déficit isolé en minéralocorticoïdes. On distingue
rapidement en jeu le pronostic vital. sanguine peut montrer une discrète anémie alors :
normocytaire et une éosinophilie modérée. Dans les – les hypoaldostéronismes à rénine basse, que


urines, la natriurèse des 24 heures est élevée. l’on rencontre principalement dans l’insuffisance
Insuffisance surrénale primitive L’épreuve de charge en eau de Robinson révèle rénale modérée et chez le diabétique ;
(maladie d’Addison) – plus exceptionnellement, les hypoaldostéro-
un retard à l’élimination de l’eau, ou opsiurie.
nismes à rénine haute, en cas de déficit enzymatique
La destruction du cortex surrénalien entraîne une
Diagnostic positif ou dans les pathologies critiques.
carence globale en gluco- et minéralocorticoïdes et
Le diagnostic de certitude repose sur les tests Chez l’enfant [1], l’insuffisance surrénale a des
en androgènes surrénaliens.
dynamiques. Le test au Synacthènet Immédiat (β causes propres : l’hypoplasie congénitale des
‚ Diagnostic positif 1-24 corticotrophine ou tétracosactide) permet le surrénales, le syndrome achalasie-alacrymie-
plus souvent de faire le diagnostic. Il s’agit d’une Addison, l’adrénoleucodystrophie qui peut
Signes cliniques et biologie courante
méthode rapide, fiable, pouvant être réalisée en également se révéler à l’âge adulte, et le plus
L’installation de la maladie d’Addison est en
ambulatoire et ne nécessitant, en cas de traitement souvent l’hyperplasie congénitale par déficit
général progressive. Seuls 25 % des cas se révèlent
déjà institué, qu’un arrêt de 12 heures. enzymatique, en particulier en 21-hydroxylase.
par une décompensation aiguë.
Dans les atteintes sévères, la cortisolémie
S’installent d’abord une asthénie d’effort et une
plasmatique, le cortisol libre urinaire des 24 heures
‚ Diagnostic étiologique
fatigabilité croissante. Le diagnostic est difficile à
et les métabolites urinaires du cortisol peuvent être Rétraction corticale
évoquer à ce stade. Le tableau complet associe :
bas. Mais dans les atteintes modérées, ces
– une mélanodermie pigmentaire brunâtre de la D’origine auto-immune, la rétraction corticale est
paramètres peuvent être normaux, traduisant le peu
peau et des muqueuses prédominant sur les zones la première cause d’insuffisance surrénale primitive.
d’intérêt de ces dosages pour le diagnostic.
découvertes, les zones de frottement, les plis et les Elle est suspectée en l’absence d’antécédent de
L’origine primitivement surrénalienne de
cicatrices. Elle affirme l’origine primitivement tuberculose et survient surtout chez la femme jeune,
l’insuffisance sera affirmée sur un taux plasmatique
surrénalienne de l’insuffisance ; entre 20 et 40 ans. Dans 50 % des cas, elle s’associe
– une asthénie d’effort avec fatigabilité croissante à une autre maladie auto-immune : thyroïdite,
dans la journée ; Une réponse insuffisante (cortisolémie insuffisance ovarienne primitive, diabète type 1,
maladie de Basedow, hypoparathyroïdie, vitiligo,
© Elsevier, Paris

– une anorexie responsable, avec la déshydra- inférieure à 200 ng/mL 1 heure après
tation, de l’amaigrissement ; injection) signe l’insuffisance anémie de Biermer.
– une hypotension artérielle, le plus souvent surrénale, sans préjuger de son L’imagerie surrénalienne se résume à deux
orthostatique. La pression artérielle est en général origine primitive ou secondaire. glandes surrénales atrophiques à peine visibles,
normale basse ; voire invisibles, sans calcifications.

1
3-0540 - Insuffisance surrénale

Granulomatoses
Tableau I. – Causes des insuffisances hypothalamohypophysaires.
La tuberculose reste une des causes importantes
d’insuffisance surrénale (25 % des cas). Elle concerne Tumeurs Tumeurs embryonnaires :
surtout des populations à risque : immunodéprimés, - craniopharyngiome
cirrhotiques, immigrants. En sa faveur, on retiendra - dysgerminome
- chordome
l’absence de vaccination antituberculeuse, les
- hamartome
antécédents de primo-infection, la présence de Tumeurs dérivées des structures du système nerveux central :
séquelles à la radiographie de thorax et les - méningiome
calcifications des aires surrénaliennes. Un foyer - gliome
tuberculeux évolutif doit être recherché - épendymome
Adénomes hypophysaires :
systématiquement.
- non sécrétant
D’autres granulomatoses sont plus rarement en - gonadotrope
cause : l’histoplasmose, la coccidioïdomycose et la - à prolactine
cryptococcose. - somatotrope
- corticotrope
Autres causes - thyréotrope
Métastases :
Les métastases surrénaliennes sont fréquentes, le - lymphomes
plus souvent bilatérales. Elles se voient surtout lors
Maladies inflammatoires Granulomatoses :
des cancers bronchiques, mammaires ou du rein et
- sarcoïdose
des mélanomes. Elles sont à l’origine d’insuffisance - histiocytose
quand elles ont détruit 90 % du cortex surrénalien. - tuberculose
Les anticortisoliques de synthèse (OP’DDD, Processus auto-immun :
aminoglutéthimide, Métopironet), le kétoconazole - hypophysite lymphocytaire
et l’étomidate sont les causes iatrogènes les plus Causes vasculaires Nécrose hypophysaire :
fréquentes. La rifampicine est un inducteur - dans le cadre du post-partum (syndrome de Sheehan)
enzymatique hépatique, elle sera à l’origine de - dans le cadre du diabète, de la drépanocytose
Nécrose d’un volumineux adénome hypophysaire
décompensation d’insuffisance.
Anévrysme de la carotide
Le syndrome d’immunodéficience acquise (sida)
est à l’origine d’insuffisance surrénale en cas Causes iatrogènes Chirurgie (surtout par voie haute)
Radiothérapie
d’infection opportuniste (tuberculose, cryptococcose,
Cytomégalovirus), de localisation surrénalienne du Anomalies congénitales Malformation de la ligne médiane
sarcome de Kaposi ou du fait d’un traitement Selle turcique vide
(kétoconazole). Maladies de surcharge Hémochromatose
La surrénalectomie bilatérale s’accompagne bien Amylose
sûr d’un déficit immédiat et définitif. Traumatismes
Idiopathiques


Insuffisance corticotrope

Le déficit en ACTH provoque une diminution,


L’origine haute de l’insuffisance est confirmée par
le dosage du taux plasmatique d’ACTH, qui est bas
ou normal, et/ou par le test au Synacthènet Retard
Cette insuffisance corticotrope sera recherchée
systématiquement lors de l’arrêt d’une corticothé-
rapie par une surveillance clinique et biologique qui
voire une disparition, de la sécrétion de cortisol et qui s’accompagne d’une élévation progressive des permettra également d’évaluer la récupération de
des androgènes surrénaliens avec, dans la majorité 17-OH et du cortisol libre urinaire, parfois l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (cf
des cas, conservation de la sécrétion d’aldostérone. uniquement après répétition de l’injection. chapitre « Corticothérapie et fonction
Le déficit en ACTH peut être d’origine Dans un faible nombre de cas (5 %), la réponse au surrénalienne »).
hypophysaire ou hypothalamique. Synacthènet Immédiat est normale. Dans ces cas-là,
À long terme, le cortex surrénalien s’atrophie et lorque la suspicion clinique est très forte, il faut faire Insuffisance antéhypophysaire globale
ne peut plus répondre aux stimulations répétées des tests plus spécifiques de la fonction Toute cause d’insuffisance antéhypophysaire
d’ACTH. hypothalamohypophysaire. Ces tests nécessitent (tableau I) s’accompagne d’insuffisance corticotrope,
une surveillance étroite du fait du risque de en premier lieu les tumeurs de la région.
‚ Particularités cliniques
mauvaise tolérance et/ou de décompensation aiguë.
L’installation est ici aussi le plus souvent Insuffisance corticotrope isolée
Ils seront donc effectués au cours d’une
progressive. Ce n’est que rarement qu’une hospitalisation. Il s’agit du test à la Métopironet ou Des déficits corticotropes isolés ont été
décompensation aiguë est révélatrice. de l’hypoglycémie insulino-induite. Une réponse quelquefois décrits dans les hypophysites
La présentation clinique est identique à celle de normale à l’un de ces deux tests élimine le auto-immunes, les selles turciques vides et les
l’insuffisance surrénale primitive, à l’exception de la diagnostic. apoplexies hypophysaires du post-partum.
mélanodermie qui manque toujours et de la baisse Le déficit corticotrope isolé peut également être
‚ Diagnostic étiologique secondaire à la chirurgie d’une tumeur responsable
de la tension artérielle qui est moins habituelle. Les
accidents hypoglycémiques sont, eux, plus fréquents. Corticothérapie d’une sécrétion ectopique d’ACTH, ou d’une tumeur
Ces signes peuvent être associés à d’autres signes La corticothérapie est de loin, aujourd’hui, la surrénalienne sécrétant du cortisol. Dans ces deux
d’insuffisance antéhypophysaire. cause la plus fréquente d’insuffisance corticotrope. cas, l’hypercortisolisme est responsable d’une mise
Les glucocorticoïdes freinent la sécrétion d’ACTH au repos de l’axe hypothalamo-hypophyso-
‚ Diagnostic positif aussi bien au niveau hypothalamique qu’hypophy- surrénalien, au même titre qu’une corticothérapie.
Comme pour l’insuffisance surrénale primitive, le saire. La récupération est progressive après arrêt de Enfin, l’insuffisance corticotrope est recherchée et
test au Synacthènet Immédiat permet de faire le la corticothérapie. Elle peut prendre plusieurs mois, obtenue après l’ablation réussie d’un adénome
diagnostic d’insuffisance surrénale. voire plusieurs années. hypophysaire sécrétant de l’ACTH.

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Insuffisance surrénale - 3-0540


Lors d’une intervention chirurgicale, des Les tableaux clinique et biologique n’apportent
Traitement précautions doivent être prises. Le jour de pas d’argument formel pour le diagnostic. Le plus
l’intervention et les jours suivants, le traitement sera souvent, c’est le contexte étiologique qui oriente au
celui d’une insuffisance surrénale aiguë. mieux le diagnostic positif.
‚ Traitement substitutif
Chez l’enfant, les posologies sont de 30 mg/m2/j
Un traitement substitutif, le plus souvent à vie, est d’hydrocortisone, de 50 à 100 µ g de 9α - Modes de survenue
à instituer. Les seuls cas où le traitement pourra fludrocortisone et 2 à 6 g/j de sel en supplément.
La connaissance du contexte étiologique est donc
éventuellement être arrêté sont les insuffisances
une étape fondamentale de l’approche
corticotropes postcorticothérapie ou après chirurgie


diagnostique.
pour hypercorticisme, où la récupération d’une
fonction corticotrope normale permettra le sevrage Insuffisance surrénale aiguë L’insuffisance surrénale aiguë peut survenir dans
du patient. le cadre d’une insuffisance surrénale chronique,
connue ou pas, d’origine basse ou hypothalamohy-
Le remplacement glucocorticoïde se fait le plus L’insuffisance surrénale aiguë réalise une urgence
souvent par l’hydrocortisone, le remplacement pophysaire, à l’occasion d’un stress tel qu’une
médicale mettant le pronostic vital en jeu à très court
minéralocorticoïde par la 9α-fludrocortisone. En infection, un traumatisme ou une intervention
terme.
général, 30 mg d’hydrocortisone et 50 à 100 µg de chirurgicale, de la mise en route inadéquate d’un
Son diagnostic peut être difficile et doit être régime sans sel ou d’un diurétique. L’interrogatoire
9α-fludrocortisone suffisent à bien équilibrer le évoqué devant un tableau d’installation brutale avec
patient. En cas d’insuffisance corticotrope, la du patient et de sa famille, le contexte de survenue,
collapsus cardiovasculaire, altération de la
substitution en minéralocorticoïdes n’est pas l’examen clinique, doivent alors rechercher les
conscience et déshydratation. Ce sont souvent les
toujours nécessaire. Le régime sera normosodé. arguments en faveur d’une telle étiologie.
circonstances étiologiques qui permettent d’orienter
La cause de l’insuffisance surrénale ne modifie Plus rarement, l’insuffisance surrénale aiguë est
le diagnostic.
pas, en général, la conduite thérapeutique. S’il existe secondaire à une destruction massive brutale et
Dès le diagnostic évoqué, un traitement doit être
des arguments pour une tuberculose active, une bilatérale des surrénales, généralement par
immédiatement mis en route, sans attendre la
antibiothérapie spécifique sera associée au hémorragie. Le diagnostic est alors difficile, d’où
confirmation biologique du diagnostic.
traitement substitutif. l’importance du contexte :
Dès l’institution du traitement, l’amélioration est ‚ Diagnostic positif – méningite fulminante à méningocoque chez
très rapide. La surveillance se fait essentiellement sur l’enfant (syndrome de Waterhouse-Friderichsen) ;
la clinique : bien-être du patient, poids stable, Tableau clinique – mise en route d’un traitement anticoagulant,
pression artérielle normale, atténuation, voire rarement secondaire à une hypocoagulabilité
Typiquement, en quelques heures, s’installent
disparition, de la mélanodermie. Il n’existe pas de majeure, le plus souvent par thrombose des veines
quatre types de symptômes :
paramètre hormonal de surveillance du traitement surrénaliennes, dans le cadre d’une thrombopénie à
– des troubles digestifs à type de douleurs
par hydrocortisone. Ainsi, lors d’une insuffisance l’héparine ;
abdominales diffuses ou épigastriques en barre, des
surrénale primitive, le taux plasmatique d’ACTH reste – troubles de la coagulation, surtout en période
nausées, des vomissements, une diarrhée
élevé alors qu’il n’y a pas de stigmate de déficit. En de stress majeur (période postopératoire,
importante. Le tableau peut évoquer en premier lieu
revanche, la kaliémie et le taux de rénine i n s uffi s a n c e cardiaque, maladie
une urgence chirurgicale, mais la palpation
plasmatique normaux sont le reflet d’une thromboembolique...).
abdominale ne retrouve pas de contracture et doit
substitution correcte en minéralocorticoïdes.
faire reconsidérer les différents éléments ; L’échographie et surtout la tomodensitométrie
– des troubles de la conscience, adynamie abdominale permettent, dans un contexte
Pour prévenir la survenue de extrême, aboutissant au coma, ou plus rarement évocateur, de faire le diagnostic devant deux grosses
agitation extrême, confusion, délire. L’examen surrénales hémorragiques.
décompensation aiguë, l’éducation des
neurologique ne retrouvera aucun signe de
patients est nécessaire. Le traitement Enfin, une insuffisance surrénale aiguë peut
localisation ;
ne devra jamais être interrompu. Le survenir à l’arrêt intempestif d’une corticothérapie.
– une baisse de la tension artérielle pouvant
port d’une carte mentionnant l’état du
conduire au collapsus ;
patient et le traitement suivi est Diagnostic de certitude
– une déshydratation extracellulaire.
fortement conseillé.
Ce tableau peut se compléter par des algies Avant tout traitement, un prélèvement sanguin
diffuses (myalgies, arthralgies, céphalées) et une pour dosage du cortisol plasmatique sera effectué. Il
L’utilisation de laxatifs et de diurétiques est à faire fièvre quasi constante, en dehors de tout contexte viendra confirmer ultérieurement le diagnostic par
avec précaution et sous surveillance médicale. Enfin, infectieux. son taux bas, ou insuffisamment augmenté, dans le
le patient doublera ses doses d’hydrocortisone contexte clinique de stress majeur.
chaque fois que surviendra une agression Manifestations biologiques Si l’état du patient le permet, un test au
susceptible de décompenser l’insuffisance (infection, L’ionogramme sanguin montre une hypona- Synacthènet Immédiat sera fait.
traumatisme, chaleur intense, effort physique trémie constante et une hyperkaliémie. Le meilleur critère diagnostique reste la réponse
important...). L’ionogramme urinaire sur échantillon révèle une clinique au traitement. En quelques heures, la
natriurèse élevée, inadaptée, et une baisse de la natrémie se corrige, l’état hémodynamique et l’état
‚ Cas particuliers kaliurèse. L’urée sanguine est augmentée, témoin de général s’améliorent.
Au cours de la grossesse, une adaptation l’insuffisance rénale fonctionnelle. Protéinurie et
thérapeutique est nécessaire : hématocrite augmentés reflètent la déshydratation. ‚ Traitement
– au cours du premier trimestre, la posologie Il existe une acidose métabolique, une tendance à
d’hydrocortisone devra souvent être augmentée l’hypoglycémie, parfois une hypercalciurie. Il sera entrepris à la moindre suspicion
suite aux vomissements ; La réalisation des prélèvements et surtout diagnostique, si possible dès le domicile du patient.
– l’accouchement sera programmé et encadré au l’attente des résultats ne doivent en aucun cas Effectué en milieu spécialisé, il aura un triple objectif :
même titre qu’une intervention chirurgicale ; retarder la mise en route du traitement. En fait, les – rétablir la volémie ;
– en cas d’allaitement, la posologie d’hydrocor- données viendront le plus souvent conforter le – rétablir le stock sodé ;
tisone sera également augmentée. diagnostic après le début du traitement. – combler le déficit hormonal.

3
3-0540 - Insuffisance surrénale

Traitement curatif Les minéralocorticoïdes seront apportés par substitutive après retour à une situation normale). Le
l’acétate de désoxycorticostérone : 5 à 10 mg en port d’une carte indiquant l’état du patient est
¶ Rétablir la volémie et le stock sodé
Après avoir assuré une bonne voie d’abord, une intramusculaire au départ. Si besoin, l’administration fortement conseillé.
perfusion de 4 à 6 L de sérum glucosé à 5 % sur les sera renouvelée au bout de 24 heures. Enfin, l’arrêt progressif d’une corticothérapie au
24 premières heures sera mise en place, contenant 4 long cours avec recherche d’une insuffisance
¶ Traitement du facteur déclenchant corticotrope et substitution adéquate sont les
à 6 g de chlorure de sodium sans adjonction de
Si besoin, un traitement spécifique antibiotique, derniers éléments de cette prévention.
chlorure de potassium, au moins au début de la
en cas d’infection par exemple, sera institué.
réanimation sous surveillance de la pression


artérielle et de l’état pulmonaire.
Traitement préventif Conclusion
¶ Combler le déficit hormonal
La substitution glucocorticoïde repose sur Il est primordial compte tenu de la gravité du
l’administration, au départ, de 100 mg d’hémisuccinate tableau clinique de l’insuffisance surrénale aiguë. Il L’insuffisance surrénale peut être d’origine
d’hydrocortisone (HSC) par voie intraveineuse et 100 mg repose principalement sur l’éducation des patients primitivement surrénalienne, le plus souvent
par voie intramusculaire. Puis 100 mg d’HSC seront en insuffisance surrénale chronique. Il s’agit de leur d’origine auto-immune, ou secondaire à un déficit en
renouvelés toutes les 4 à 6 heures par voie apprendre à reconnaître les situations où la ACTH, le plus souvent à l’arrêt d’une corticothérapie.
intramusculaire. Les doses seront progressivement décompensation risque de survenir et à adapter le Son diagnostic et son traitement sont essentiels vu le
dégressives, et l’on repassera au traitement substitutif traitement dans ce cas (doublement de la dose risque de décompensation aiguë qui met en jeu le
habituel vers le quatrième ou cinquième jour. d’hydrocortisone, puis retour progressif à la dose pronostic vital.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,


clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Insuffısance surrénale.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0540, 1998, 4 p

Références

[1] Chaussain JL. La maladie d’Addison de l’enfant. Étiologie et acquisitions [2] Mosnier-Pudar H, Paoli V, Luton JP. Insuffisances surrénales. Encycl Med
physiopathologiques. Presse Med 1984 ; 13 : 2183-2187 Chir (Elsevier, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-005-A-10, 1991 : 1-14

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Phéochromocytome

H Mosnier-Pudar

L e phéochromocytome n’est responsable qu’une fois sur 1 000 d’hypertension artérielle, mais son diagnostic
est primordial compte tenu de la morbidité et de la mortalité de cette pathologie. La preuve d’une sécrétion
anormale de catécholamines est le préalable à tout diagnostic de localisation.
© Elsevier, Paris.


puisqu’elle offre une sensibilité de 91 % et une nombreux faux négatifs. Inversement, le stress élève
Introduction valeur d’exclusion de 99,9 %. En dehors de la les catécholamines plasmatiques, augmentant le
présence de cette triade symptomatique, le nombre de faux positifs. Ainsi, le dosage
Le phéochromocytome est une tumeur dérivée phéochromocytome sera recherché dans les plasmatique sera réservé aux patients hypertendus
des cellules chromaffines, qui sécrète des hypertensions artérielles résistant au traitement. De au moment du prélèvement, ce qui écarte le risque
catécholamines. C’est une affection rare (prévalence même, sa recherche sera systématique en cas d’un faux négatif, mais pas d’un faux positif.
de 1 pour 10 000) dont la gravité réside dans le d’incidentalome et dans les maladies familiales En pratique, le diagnostic positif repose en
risque de poussées hypertensives, de troubles du comportant le phéochromocytome : neurofibro- première intention sur le dosage, dans les urines
rythme pouvant être mortels, en plus de l’évolution matose de type 1, néoplasie endocrinienne multiple des 24 heures, du taux de métanéphrines.
tumorale. de type 2 et maladie de von Hippel-Lindau. L’interprétation du résultat tiendra compte des
Son expression clinique la plus courante est chiffres tensionnels du patient concomitants au
dosage. Un taux normal alors que la tension


l’hypertension artérielle qui se caractérise, dans ce
contexte, par sa variabilité et la tendance à artérielle est élevée permet d’éliminer un
Diagnostic positif phéochromocytome. En revanche, un taux normal
l’hypotension orthostatique. Toutefois, le
phéochromocytome n’est responsable qu’une fois concomitant de chiffres tensionnels normaux ne
sur 1 000 d’hypertension artérielle, ce qui exclut de Les risques spontanés du phéochromocytome et permet pas d’exclure de façon formelle un
le rechercher systématiquement. l’implication chirurgicale de son diagnostic obligent à phéochromocytome quiescent. Il faut alors faire un
une sensibilité et à une spécificité élevées des tests dosage au moment d’un paroxysme tensionnel, soit
Pour éviter la multiplication de tests coûteux et
diagnostiques. La preuve d’une sécrétion anormale des catécholamines plasmatiques, soit des
s’assurer un bon rendement de l’enquête
de catécholamines est le préalable à tout diagnostic catécholamines urinaires, sur un recueil d’urines des
diagnostique, une stratégie en trois étapes est
de localisation et doit suffire à emporter la décision heures qui suivent la poussée tensionnelle. Dans ce
proposée : reconnaître sur des données cliniques
chirurgicale dans les cas où la localisation est cas, on confie au patient un bocal contenant de
simples le sous-groupe de patients hypertendus
douteuse ou non retrouvée. l’acide chlorhydrique pour le recueil des urines. Il lui
ayant une forte probabilité de phéochromocytome
Aujourd’hui, le meilleur marqueur de la présence est demandé de vider sa vessie dès le début de
(diagnostic de suspicion), dans ce sous-groupe, faire
d’une hypersécrétion de catécholamines est le l’accès paroxystique, puis de recueillir les urines 3
la preuve d’hypersécrétion de catécholamines par la
dosage des métanéphrines urinaires sur recueil des heures plus tard. En cas de phéochromocytome en
pratique de tests biochimiques sensibles et
24 heures. Par rapport aux catécholamines, elles poussée sécrétoire, le débit de catécholamines sera
spécifiques (diagnostic positif), et une fois la preuve
sont plus abondantes et plus faciles à mesurer. Elles toujours augmenté ; s’il est normal, il permet
de l’hypersécrétion obtenue, localiser la tumeur par
sont sécrétées généralement directement par la d’infirmer le diagnostic. Compte tenu du délai
les techniques d’imagerie appropriées (diagnostic de
tumeur et sont également le reflet de la conversion nécessaire à leur formation, les métanéphrines ne
localisation).
périphérique des catécholamines libérées en excès. sont pas le bon paramètre dans ce cas de figure.
La mesure de l’acide vanylmandélique urinaire a elle


Diagnostic de suspicion

Le diagnostic de suspicion doit reposer sur des


aussi été remplacée par celle des métanéphrines du
fait de son manque de sensibilité (24 % de faux
négatifs) et de son manque de spécificité (jusqu’à
30 % de faux positifs), sa méthode de dosage

Diagnostic de localisation

La localisation tumorale par les techniques


indices simples, facilement accessibles et de coût colorimétrique le plus souvent utilisée détectant un d’imagerie ne sera pratiquée qu’après avoir fait la
négligeable. Ces indices doivent être validés par une noyau aromatique présent également dans divers preuve de l’hypersécrétion de catécholamines.
sensibilité et une valeur d’exclusion élevées. aliments et médicaments. L’imagerie permettra de préciser le nombre, le siège
© Elsevier, Paris

Une étude comportant 2 185 sujets hypertendus L’intérêt du dosage des catécholamines et les rapports de voisinage de la ou des tumeurs et
a montré que l’association concomitante de sueurs, circulantes est controversé. L’aspect intermittent de de détecter d’éventuelles métastases.
de céphalées et de palpitations était un motif la sécrétion de certains phéochromocytomes et la La majorité des phéochromocytomes de l’adulte
fréquent de dépistage de phéochromocytome, demi-vie brève des catécholamines exposent à de sont uniques et surrénaliens, plus souvent localisés à

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3-0580 - Phéochromocytome


droite qu’à gauche. Leur diagnostic de localisation l’électrocardiogramme, de la pression artérielle, de la
est simple par tomodensitométrie (TDM) Traitement pression de remplissage, du débit cardiaque et de
abdominale, scintigraphie à la métaiodobenzylgua- l’oxymétrie par une sonde de Swan-Ganz.
nidine (MIBG) ou imagerie par résonance L’intervention est généralement suivie d’une
Le traitement du phéochromocytome est
magnétique (IRM) (les phéochromocytomes sur les normalisation tensionnelle et rythmique immédiate.
chirurgical. Une préparation à la chirurgie est
séquences pondérées en T2 ont un signal supérieur En revanche, il est habituel d’avoir une excrétion
nécessaire, ayant comme objectifs de contrôler la
à celui du rein, très intense, augmentant sur les pathologique mais décroissante de catécholamines
part permanente de l’hypertension artérielle, de
échos successifs). Le problème est de ne pas ou de métanéphrines dans la semaine qui suit la
corriger l’hypovolémie et de prévenir les troubles du
méconnaître les localisations ectopiques ou chirurgie, représentant l’évacuation des pools de
rythme.
multiples (20 % des cas) et de diagnostiquer les recapture des catécholamines.
phéochromocytomes malins sur la présence de La base du traitement antihypertenseur repose
métastases (10 % des cas). sur les alphabloquants (prazosine : 1,5 à 5 mg/j
Les phéochromocytomes ectopiques peuvent répartis en 3 prises). Une tachycardie est souvent
démasquée par ce traitement, nécessitant la mise en


être localisés, par ordre décroissant de fréquence, au
niveau de l’organe de Zuckerkandl, de la vessie, des route, dans un deuxième temps, d’un bêtabloquant
Conclusion
hiles rénaux, du médiastin postérieur, du péricarde et (propranolol : 60 à 180 mg/j répartis en 3 prises).
du cou. Ces tumeurs ont un potentiel malin deux fois La correction de l’hypovolémie repose sur l’arrêt
supérieur à celui des phéochromocytomes des diurétiques, sur un régime normosodé et sur la Le risque évolutif lié à la présence d’un
surrénaliens. correction de l’hypertension artérielle. phéochromocytome rend son diagnostic primordial,
Il n’est pas possible d’établir un diagnostic de La prévention des troubles du rythme est faite par d’autant plus que le traitement chirurgical permet la
malignité sur l’examen anatomopathologique de la la prescription de bêtabloquants et la correction de guérison dans une grande majorité de cas. Mais le
tumeur. Le caractère malin d’un phéochromocytome l’hypovolémie. phéochromocytome est une tumeur rare, rendant
ne peut être affirmé que sur la présence de Lors de l’anesthésie, on assiste à de grandes nécessaire une démarche diagnostique rigoureuse.
métastases au moment du diagnostic ou sur la variations rythmiques et tensionnelles lors de Les dosages hormonaux ne seront proposés qu’aux
présence d’adénopathies au moment de la chirurgie. l’induction, de l’intubation, de l’incision péritonéale et patients « suspects » (hypertension artérielle et triade
Il ne peut être parfois affirmé que des années plus de la manipulation de la tumeur. symptomatique, ou maladie familiale évocatrice), et
tard sur l’apparition, au cours du suivi postchirurgical, Ces variations peuvent aussi être favorisées par le diagnostic de localisation par imagerie (TDM
de métastases. Cela implique un suivi annuel certains médicaments utilisés par l’anesthésie. Ainsi, abdominale, scintigraphie à la MIBG, IRM) qu’après
indéfini de tout patient opéré d’un phéochro- l’anesthésie du phéochromocytome nécessite une confirmation de la sécrétion anormale de
mocytome. équipe entraînée et une surveillance permanente de catécholamines.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,


clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Phéochromocytome.


Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0580, 1998, 2 p

Références

[1] Plouin PF, Camus-Bablon F, Azizi M, Denolle T, Duclos JM, Corvol P. Le


phéochromocytome. Rev Fr Endocrinol Clin 1990 ; 31 : 367-369

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Syndrome de Cushing

H Mosnier-Pudar

L e syndrome de Cushing est rare, avec une prévalence estimée à 10 pour 1 million. Le diagnostic doit être
évoqué sur des signes cliniques suffisamment caractéristiques et non pas simplement devant une obésité
diffuse et/ou une hypertension artérielle et/ou un diabète non insulinodépendant, fréquents et non spécifiques. Le
dépistage se fait au mieux par une cortisolurie des 24 heures ou par un test de freinage minute à la dexaméthasone.
Le diagnostic différentiel le plus difficile est l’hypercortisolisme sans syndrome de Cushing tel qu’on l’observe au cours
des dépressions endogènes sévères.
© Elsevier, Paris.


‚ Maladie de Cushing d’une tumeur thymique, d’une tumeur pancréatique,
Introduction d’un cancer médullaire de la thyroïde ou d’un
L’incidence de la maladie de Cushing est trois à
phéochromocytome.
quatre fois plus élevée chez la femme que chez
Le syndrome de Cushing regroupe l’ensemble des Le tableau clinique est souvent typique, avec
l’homme, survenant souvent dans la troisième ou
manifestations secondaires à un excès chronique de installation rapide d’une hypertension artérielle avec
quatrième décade de vie. Elle est due dans la
glucocorticoïdes qui peut s’associer à une œdèmes, d’une alcalose hypokaliémique et d’une
quasi-totalité des cas à un adénome sécrétant de
hypersécrétion d’androgènes et/ou d’œstrogènes intolérance aux hydrates de carbone, avec en plus
l’ACTH, responsable de la production excessive de
surrénaliens et/ou de minéralocorticoïdes. des manifestations de la tumeur. La mélanodermie
cortisol, de désoxycorticostérone (DOC) et
d’androgènes surrénaliens. est souvent présente, les taux d’ACTH étant très


élevés.
Étiologie Le plus souvent, l’adénome est de taille inférieure
à 10 mm. Plus rarement, c’est un macroadénome Plus rarement, l’installation est plus lente avec un
avec risque d’envahissement local. D’exceptionnels tableau semblable à celui d’une maladie de Cushing.
Le syndrome de Cushing est le plus souvent carcinomes hypophysaires avec métastases à La sécrétion d’ACTH est alors parfaitement
secondaire à une hyperplasie bilatérale des distance ont été décrits. L’adénome est autonome.
surrénales par stimulation du cortex surrénalien par
classiquement non encapsulé, basophile, réagissant Ces tumeurs, sur un plan anatomopathologique,
une hypersécrétion d’ACTH (adrenocorticotrophic
positivement en immunocytochimie avec des ne se distinguent des autres tumeurs de même
hormone) d’origine hypophysaire (adénome
anticorps dirigés contre les différents fragments de la origine que par la mise en évidence, en
corticotrope principalement) ou ectopique (tumeurs
pro-opiomélanocortine (POMC). immunocytochimie, d’ACTH dans les cellules.
non endocrines). Plus rarement, l’origine de
L’examen des surrénales montre une hyperplasie
l’hypercortisolisme est primitivement surrénalienne, Plus récemment, des tumeurs à sécrétion de CRH
surrénalienne diffuse, avec souvent présence de
donc non dépendante de l’ACTH : le plus souvent (corticotropin releasing hormone) ont été décrites
une tumeur surrénalienne bénigne ou maligne, une micronodules traduisant la continuité entre
(carcinome de la prostate, carcinome pulmonaire à
hyperplasie macronodulaire des surrénales, plus l’hyperplasie simple et l’hyperplasie macronodulaire
petites cellules, gangliocytome hypothalamique...),
rarement une dysplasie micronodulaire qui atteint 15 % des porteurs de maladie de Cushing.
avec mise en évidence de CRH dans leur contenu.
bilatérale [6, 7]. L’évolution vers l’autonomisation d’un de ces
nodules, voire vers la transformation néoplasique,
reste controversée. ‚ Adénome bénin de la surrénale
Dans notre expérience, sur 809
patients adultes, 68 % avaient une Cliniquement, il s’agit d’un tableau d’hypercortiso-
‚ Sécrétion ectopique d’ACTH
lisme pur d’installation progressive. Il atteint avec
© Elsevier, Paris

maladie de Cushing, 25 % une tumeur


surrénalienne et 7 % une sécrétion Dix pour cent des syndromes de Cushing ont une une égale fréquence les deux surrénales. Son
ectopique d’ACTH, répartition origine ectopique. Le plus souvent, c’est une tumeur diamètre n’excède pas 4 cm et il est le plus souvent
concordante à celle de la littérature. bronchopulmonaire (cancer bronchique à petites encapsulé. La glande périadénomateuse est
cellules ou tumeur carcinoïde). Plus rarement, il s’agit atrophiée.

1
3-0560 - Syndrome de Cushing

‚ Corticosurrénalome malin organes (le complexe de Carney : atteinte cutanée, (faciès lunaire), du cou, des creux sus-claviculaires et
myxome mammaire, sous-cutané de l’oreillette, de la région dorsolombaire (bosse de bison). La prise
Son installation est plus rapide. Il associe
tumeur testiculaire, tumeur hypophysaire à GH de poids est en règle générale modérée.
hypercortisolisme et hyperandrogénie, parfois au
[growth hormone]). Dans ce cas, l’aspect des L’érythrose faciale est fréquente et évocatrice.
premier plan. La tumeur peut être à l’origine de
surrénales est typique : glande avec de multiples L’hypertension artérielle est souvent modérée,
douleurs et peut être palpée. Elle atteint de façon
petits nodules bruns. parfois sévère, responsable d’insuffisance cardiaque.
indifférente la surrénale droite ou gauche. Elle pèse
Les accidents thrombotiques veineux et artériels sont
souvent plus de 100 g, avec des zones de nécrose et


fréquents.
d’hémorragie. Des anomalies nucléaires, des
Signes cliniques Les troubles de la fonction gonadique sont quasi
mitoses, des invasions vasculaires et des bandes et biologie courante
fibreuses qui orientent vers la malignité sont constants :
inconstantes. En fait, il n’existe aucun argument – chez la femme : oligoaménorrhée, troubles de
C’est en 1912 que Harvey Cushing décrit les
histologique formel de malignité : l’association de l’ovulation ;
symptômes du syndrome qui porte son nom.
critères cliniques, biologiques, anatomopatholo- – chez l’homme : diminution de la libido,
Ceux-ci sont nombreux, mais aucun n’est
giques et évolutifs (métastases, récidives) permettra impuissance.
pathognomonique [6, 7]. La prévalence des signes est
de conclure [4]. Lorsqu’elle existe, l’augmentation des androgènes
résumée dans le tableau I.
surrénaliens est responsable, chez la femme, de
Beaucoup d’entre eux résultent de l’action
‚ Atteinte bilatérale indépendante séborrhée, d’acné, d’hirsutisme, voire, beaucoup plus
catabolisante des glucocorticoïdes sur les tissus
de l’ACTH rarement, de véritables signes de virilisation (golfes
cibles :
temporaux, voix grave, hypertrophie clitoridienne).
Rarement, l’hypercortisolisme est dû à une – atrophie du tissu cutané avec mauvaise
Les troubles psychiques existent chez 50 % des
atteinte bilatérale des surrénales avec ACTH basse, cicatrisation et fragilité capillaire ;
patients : anxiété, irritabilité, labilité émotionnelle,
voire indétectable. Les surrénales sont alors : – vergetures typiquement larges, pourpres,
mais aussi dépressions sévères, bouffées délirantes,
– macronodulaires : autonomisation d’hyper- situées au niveau de l’abdomen et des flancs, mais
psychoses maniacodépressives, parfois révélatrices.
plasie surrénalienne d’une maladie de Cushing ou aussi des seins, des aisselles, des épaules et de la
Il existe un accroissement du risque d’infection
stimulation de la surrénale par d’autres facteurs face interne des cuisses ;
(pityriasis versicolor, mycose unguéale et cutanée...).
(dans de rares cas, une expression anormale de – amyotrophie prédominant aux racines (signe
L’examen clinique recherchera également des
récepteur surrénalien au GIP [gastric inhibitor du tabouret) ;
signes propres à l’étiologie : hyperpigmentation
peptide] est à l’origine d’un syndrome de Cushing par – ostéoporose marquée au niveau du rachis avec
cutanéomuqueuse due à une hypersécrétion
stimulation aberrante et postprandiale des douleurs ;
d’ACTH, céphalées et troubles visuels dus à une
surrénales par ce facteur) ; – parfois tassements vertébraux, d’où perte de
tumeur hypophysaire, perception d’une tumeur
– de taille normale : dysplasie micronodulaire taille.
surrénalienne à la palpation des flancs, anomalies
bilatérale des surrénales (syndrome de Meador), La redistribution faciotronculaire des graisses est
évocatrices d’une tumeur sécrétant de l’ACTH.
parfois familiale, du sujet jeune, voire de l’enfant, la manifestation la plus fréquente du syndrome :
Des anomalies biologiques non spécifiques
pouvant s’inscrire dans une atteinte de plusieurs accumulation des graisses au niveau de la face
peuvent être constatées, principalement une
hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles
Tableau I. – Prévalence des manifestations du syndrome de Cushing chez 211 patients ayant une avec lymphopénie absolue ou relative, et une
suspicion de syndrome de Cushing (d’après Nugent et al. J Clin Endocrinol Metab 1964 ; 24 : éosinopénie. Des troubles de la glycorégulation sont
621-627). fréquents. Une hypercalciurie modérée a été décrite
dans 50 % des cas, parfois responsable de colique
Patients avec syndrome Patients sans syndrome
Manifestations cliniques néphrétique.
de Cushing de Cushing
Ostéoporose 0,64 0,03
Obésité faciotronculaire
Obésité diffuse
Faiblesse musculaire
0,90
0,03
0,65
0,29
0,62
0,07

Explorations et diagnostic

‚ Diagnostic positif (fig 1)


Globules blancs > 11 000/mm3 0,58 0,30 Le cortisol libre urinaire (CLU) mesuré sur les
urines des 24 heures est un excellent reflet intégré
Acné 0,52 0,24
de la fraction libre, donc active, du cortisol circulant.
Vergetures 0,46 0,22 Les 17-hydroxycorticostéroïdes urinaires des 24
Pression artérielle systolique > 105 mmHg 0,39 0,17 heures (17-OH) sont pratiquement toujours élevés
dans le syndrome de Cushing, mais c’est l’élévation
Œdème 0,38 0,17 du CLU qui est l’indicateur le plus sensible d’un
Hirsutisme 0,50 0,29 hypercortisolisme. Le dosage du cortisol sur des
collections d’urines vespérales (20 h-24 h) ou de la
Ecchymoses 0,53 0,06
nuit est un moins bon marqueur pour le diagnostic.
Kaliémie < 3,6 mEq/L 0,25 0,04 Le test de freination rapide est, lui aussi, un bon
Spanioménorrhée 0,72 0,051 moyen de dépistage. La cortisolémie dosée à 8 h du

Céphalées 0,41 0,37


Hématocrite > 49 0,37 0,32 Le diagnostic de syndrome de Cushing
repose sur la mise en évidence d’une
Femmes 0,65 0,77
hyperproduction endogène de cortisol,
Anomalies de la glycorégulation 0,88 0,77 non freinable par la dexaméthasone
Âge > 35 ans 0,55 0,52 (glucocorticoïde puissant pur) [1, 5].

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Syndrome de Cushing - 3-0560

Suspicion clinique

Tests de dépistage : - cortisol libre urinaire sur urines de 24 heures


Dosages normaux : - freination minute (1 mg de déxaméthasone à minuit, cortisol plasmatique le
pas de syndrome de Cushing lendemain à 8 h)

Freination à dose faible (2 mg/ j pendant 2 jours, dosage cortisol libre urinaire le 2e jour)

Dosages anormaux :
syndrome de Cushing

Dosage ACTH plasmatique

ACTH plasmatique basse : ACTH plasmatique élevée :


syndrome de Cushing non ACTH-dépendant syndrome de Cushing ACTH-dépendant

Maladie de Cushing Sécrétion ectopique


TDM abdominale
freination dose forte

(8 mg/ j pendant 2 jours) + –

Métopirone ® + –
Tumeur unilatérale
Hyperplasie micronodulaire bilatérale
SDHA
IRM hypophysaire + –

Normal ou bas : Élevé : Cathétérisme Rapport C/P + Rapport C/P –


adénome surrénalien corticosurrénalome
sinus pétreux

1 Diagnostic du syndrome de Cushing. TDM : tomodensitométrie ; SDHA : sulfate de déhydroépiandrostérone ; C/P : central/périphérique.

matin reste supérieure à 40 ng/mL dans plasmatique total, alors que le cortisol libre, seul actif, de Cushing, le taux d’ACTH plasmatique est normal
l’hypercortisolisme. Cependant, des freinations reste dans les limites de la normale. Il n’existe donc ou peu élevé le matin et reste élevé en fin
imparfaites ont été décrites, surtout chez les obèses pas, dans ces circonstances, d’hypercortisolisme. Ce d’après-midi. Dans les sécrétions ectopiques, le
et les déprimés. dernier écueil peut être évité par le dosage du niveau d’ACTH est souvent bien supérieur à celui des
Le test de freination à dose faible est le test de cortisol salivaire, reflet direct du cortisol libre maladies de Cushing, mais une zone importante de
référence pour le diagnostic positif. Dans plasmatique. chevauchement existe (fig 2). Il faut alors faire appel
l’hypercortisolisme, les 17-OH urinaires restent à d’autres explorations.
supérieurs à 4 mg/24 heures et le CLU supérieur à ‚ Diagnostic étiologique
■ Le dosage des autres dérivés de la POMC, et en
10 µg/24 heures.
Dosages hormonaux particulier la lipotropine hormone (LPH), peut aider à
Le dosage du cortisol plasmatique du matin n’est
faire la distinction entre sécrétion hypophysaire et
pas un bon moyen diagnostique, car environ 50 % Le diagnostic étiologique est difficile [1, 3] compte
ectopique d’ACTH. La sécrétion d’ACTH et de LPH à
des sujets en hypercortisolisme ont un taux normal. tenu du manque de spécificité des différents tests et
partir de la POMC se fait selon un mode équimolaire,
En revanche, le cortisol plasmatique mesuré le soir de l’existence de variation spontanée des sécrétions.
conservé dans la maladie de Cushing. L’existence
est souvent élevé, proche du taux du matin, Il faudra donc des réponses concordantes à
d’anomalies de la maturation de la POMC dans les
traduisant la rupture du cycle nycthéméral. De plus, plusieurs tests pour arriver au bon diagnostic.
sécrétions ectopiques fait que le rapport LPH/ACTH
le cortisol plasmatique est soumis à de multiples ■ D’abord, il faut déterminer la dépendance à
est augmenté : supérieur à 5, il oriente vers une
fluctuations, et son dosage fait appel à des l’ACTH par son dosage plasmatique qui doit toujours
sécrétion non hypophysaire.
méthodes dosant le cortisol total, donc sensibles aux être réalisé dans des conditions strictes de
variations de la protéine porteuse, la CBG (cortisol prélèvement et dosé dans un laboratoire spécialisé. ■ Le test de freination à forte dose par la
binding globulin). La CBG est augmentée dans des Dans notre expérience, la quasi-totalité des dexaméthasone qui montre une diminution
situations physiologiques comme la grossesse ou syndromes d’origine surrénalienne ont un taux reproductible d’au moins 50 % des 17-OH urinaires
lors de prise de traitement comme la pilule d’ACTH indétectable. Le dosage d’ACTH ne permet et/ou du CLU oriente vers une maladie de Cushing.
œstroprogestative. Son augmentation est pas de faire la distinction entre sécrétion Quand l’origine du syndrome est surrénalienne ou
responsable d’une fausse élévation du cortisol hypophysaire et ectopique d’ACTH. Dans la maladie ectopique, aucune freination n’a lieu. Toutefois,

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3-0560 - Syndrome de Cushing

Actuellement, la scintigraphie à l’octréotide


marquée à l’indium 121 est un examen intéressant
105 2.105 pour localiser les tumeurs neuroendocriniennes
sécrétant de l’ACTH.

‚ Diagnostic différentiel
104 2.104
800 Syndrome de Cushing iatrogène
La prise de corticoïdes peut être responsable d’un
103 2.103
hypercortisolisme pur. Les explorations sont en
600 faveur d’une mise au repos de l’axe hypothalamo-
hypophyso-surrénalien (ACTH indétectable, CLU bas,
absence de réponse au test au Synacthènet
102 2.102 immédiat, à la Métopironet et au CRH).
400

Obésité simple
L’obésité induit une accélération du métabolisme
200 101 2.101
du cortisol, d’où augmentation de production avec
augmentation des taux des 17-OH urinaires. En
revanche, le cortisol plasmatique et salivaire, le CLU
100 2.100
et le test de freination à dose faible sont presque
0
N CD AT E N CD AT E N CD AT E toujours normaux.
CORTISOL ng/mL A C T H pg/mL L P H pg/mL
Hypercortisolisme sans syndrome de Cushing
2 Dosages plasmatiques le matin du cortisol, de l’ACTH et de la lipotropine hormone (LPH) chez des sujets Dans certaines circonstances physiologiques ou
normaux (N), des patients atteints de maladie de Cushing (MC), des patients ayant une tumeur surrénalienne
pathologiques, des stigmates modérés biologiques,
(AT) et des patients ayant une sécrétion ectopique d’ACTH (E) (d’après Kuhn JM et al. Am J Med 1989 ; 86 :
678-684). voire cliniques, d’hypercortisolisme peuvent se voir,
dus à une hypersécrétion d’ACTH hypophysaire par
quelques rares patients avec sécrétion ectopique d’une tumeur surrénalienne maligne. En cas mécanisme adaptatif ou par commande du système
d’ACTH peuvent avoir une réponse positive à ce test, d’adénome bénin de la surrénale, la sécrétion de nerveux central. Ces situations sont :
mimant une maladie de Cushing. cortisol est « pure » avec des 17-cétostéroïdes – le troisième trimestre de la grossesse ;
■ Les tests qui apprécient la réserve urinaires et un sulfate de DHA plasmatique bas ou – les dépressions endogènes sévères où existent
hypophysaire en ACTH auront une réponse positive peu augmentés. Dans la maladie de Cushing, une souvent des signes biologiques d’hypercortisolisme
lorsque la source d’ACTH est hypophysaire. En cas élévation modérée des androgènes est classique. (augmentation du CLU, réponse anormale au test de
de source ectopique ou d’origine surrénalienne du freination à dose faible). L’origine en est
syndrome de Cushing, le test sera négatif. Ce sont : le Imagerie probablement hypothalamique, voire suprahypo-
test à la Métopironet, l’épreuve à la lysine- L’évaluation radiologique du syndrome de thalamique. La présence d’une réponse normale du
vasopressine (LVP) et le test au CRH. Lors du test à la Cushing repose d’abord sur la visualisation des cortisol à l’hypoglycémie insulino-induite, d’une
Métopironet, les 17-OH urinaires augmentent chez surrénales. L’examen tomodensitométrique (TDM) réponse atténuée de l’ACTH au test au CRH et la
les patients atteints de maladie de Cushing, de façon permet d’emblée de faire la différence entre tumeur régression de ces signes après correction de la
quasi constante et souvent explosive. Une absence unilatérale et hyperplasie bilatérale. dépression permettent de faire la différence ;
de réponse à la Métopironet permet d’exclure Une masse ronde bien limitée, homogène, de – l’alcoolisme qui peut s’accompagner des
pratiquement ce diagnostic. En cas d’origine taille inférieure à 3 cm, est en faveur d’un adénome mêmes anomalies, avec en plus des signes cliniques
surrénalienne ou ectopique de l’hypercortisolisme, il bénin. Le corticosurrénalome se présente évocateurs (faciès lunaire, obésité tronculaire avec
n’y aura pas de réponse des 17-OH lors de classiquement comme une volumineuse masse extrémités grêles). La présence d’altérations des
l’administration de Métopironet. L’administration de pouvant dépasser 10 cm, d’aspect hétérogène et de fonctions hépatiques et la disparition des signes
LVP et de CRH s’accompagne, en cas de maladie de limites irrégulières. Dans ce cas, une imagerie par biologiques après sevrage permettent la distinction ;
Cushing, d’une élévation de l’ACTH plasmatique et résonance magnétique (IRM) sera toujours effectuée – l’anorexie mentale, dans laquelle un
donc de cortisol, mais des faux négatifs existent. Le en préopératoire pour préciser l’existence d’un hypercortisolisme biologique peut se voir,
test combiné LVP-CRH permet de les éliminer envahissement aux organes de voisinage, à la veine disparaissant avec la prise de poids ;
presque tous. Lors des sécrétions ectopiques d’ACTH cave inférieure, et de métastases. – enfin, toutes les situations de stress (chirurgie,
et des causes surrénaliennes de syndrome de Tout patient présentant une hyperplasie bilatérale maladie aiguë ou chronique, brûlure), dans
Cushing, il n’existe pas de réponse à ces tests. des surrénales est suspect de maladie de Cushing et lesquelles on trouve un hypercortisolisme sans
■ Enfin, pour aider au diagnostic différentiel doit donc avoir une imagerie hypophysaire. L’IRM signes cliniques, par adaptation normale de l’axe
entre sécrétion hypophysaire et sécrétion ectopique avec injection de gadolinium DTPA (acide diéthylène hypothalamo-hypophyso-surrénalien à l’agression.
d’ACTH, le cathétérisme des sinus pétreux inférieurs triamine penta-acétique) est le meilleur examen. En D’où la règle d’explorer cet axe à distance de tout
a été proposé. Il permet, grâce à la mise en évidence pondération T1, l’adénome apparaît comme une stress.
d’un gradient centropériphérique d’ACTH dosée de image hypo-intense, encore mieux visible après


base, et après stimulation par le CRH, de faire le contraste. De plus, l’IRM est nettement supérieure à
diagnostic de maladie de Cushing. Sa performance la TDM dans la détermination de l’envahissement Formes cliniques
est beaucoup moins bonne pour la localisation de des sinus caverneux.
l’adénome corticotrope. En cas de suspicion de sécrétion ectopique
■ L’augmentation importante des précurseurs du d’ACTH, la TDM thoracique et abdominale peut ‚ Formes symptomatiques
cortisol (progestérone, 17-OH progestérone, mettre en évidence des petites tumeurs carcinoïdes. Le tableau clinique du syndrome de Cushing peut
composé S) ou celle des androgènes circulants La radiographie standard de thorax permet, en être incomplet [6] : ostéoporose majeure, troubles
(sulfate de déhydroépiandrostérone [SDHA], général, de faire le diagnostic de tumeur anaplasique psychiatriques au premier plan faisant errer le
∆4-androstènedione, testostérone) est en faveur à petites cellules du poumon. diagnostic.

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Généralement, l’évolution du syndrome de par Op’DDD. Il supprime la production de cortisol terme est loin d’être négligeable (jusqu’à 15 %). Les
Cushing se fait vers une aggravation progressive, et a un effet cytotoxique sur le cortex surrénalien. rechutes surviennent en général dans les 3 ans, mais
mais des évolutions intermittentes, voire cycliques, La dose maximale tolérée par le patient sera le délai peut être beaucoup plus long, d’où nécessité
avec alternance de périodes d’hypercortisolisme et prescrite en association avec un traitement d’un suivi à long terme.
d’eucortisolisme ont été décrites. Le diagnostic peut substitutif gluco- et minéralocorticoïde le plus Si l’adénome n’est pas retrouvé lors de la
alors être difficile, nécessitant une surveillance longtemps possible. Les effets secondaires le plus chirurgie, le plus souvent est pratiquée une
(collection urinaire de la nuit ou vespérale pour souvent observés sont gastro-intestinaux hémihypophysectomie. Certaines équipes proposent
dosage du cortisol, cortisol salivaire à 22 h). (anorexie, diarrhée, nausées, vomissements), plus une hypophysectomie totale, mais le risque
rarement surviennent une somnolence, une d’insuffisance antéhypophysaire est alors plus
‚ Forme selon le terrain apathie et des rashs cutanés. L’administration important.
d’Op’DDD s’accompagne d’une élévation Le taux de succès immédiat est nettement moins
Au cours de la grossesse, le diagnostic positif est importante des phosphatases alcalines et de la bon en cas de macroadénome (50 %). L’adénome
difficile du fait d’un véritable état d’hypercortisolisme, gammaglutamyl-transférase par effet inducteur est parfois inextirpable d’emblée (volume important,
surtout en fin de grossesse. enzymatique hépatique, d’une hyperuricémie et envahissement des sinus caverneux). On peut alors
Chez l’enfant, la clinique est dominée par un d’une hypercholestérolémie parfois majeure. Le proposer un traitement par radiothérapie
retard statural, voire un arrêt de croissance, associé à traitement par Op’DDD ne semble pas rallonger conventionnelle hypophysaire. La réponse à la
une obésité et à des signes d’hyperandrogénie. la durée moyenne de survie (20 % à 5 ans), mais radiothérapie est retardée de plusieurs mois, voire
L’étiologie la plus fréquente chez l’enfant jeune est le améliore nettement le confort des patients. plusieurs années. Pour cette raison, un traitement
corticosurrénalome. Toutefois, des améliorations spectaculaires avec par Op’DDD peut y être associé au départ. Le taux de
régression des métastases ont été décrites. Une succès est aux alentours de 50 %. Les risques
surveillance régulière par exploration hormonale principaux sont l’insuffisance antéhypophysaire, la


et imagerie est à faire. Lorsque la tumeur n’est pas nécrose du nerf optique, la nécrose radique et
Traitement extirpable d’emblée ou lorsqu’elle récidive, l’artérite radique.
l’Op’DDD sera toujours proposé. Des Il arrive que l’adénome hypophysaire ne soit pas
phénomènes d’échappement se produisent visible d’emblée à l’IRM. La chirurgie de première
Non traité, le syndrome de Cushing évolue plus parfois. D’autres anticortisoliques peuvent alors intention peut alors être discutée, uniquement si le
ou moins rapidement vers une issue fatale suite à être proposés (aminoglutéthimide, Métopironet, diagnostic de maladie de Cushing est certain, mais le
une complication cardiovasculaire ou infectieuse, ou kétoconazole), sans amélioration du pronostic. taux de succès est alors moins bon. Dans le cas
au suicide [5]. contraire, un traitement par Op’DDD peut être
proposé pour réduire l’hypercortisolisme. Une
Dysplasies micronodulaires élévation de l’ACTH sous Op’DDD est en faveur
‚ Cushing non dépendant de l’ACTH et macronodulaires bilatérales des surrénales
d’une cause hypophysaire, et l’apparition éventuelle
Le traitement de ces affections est la d’une image évocatrice à l’IRM hypophysaire
Tumeurs surrénaliennes
surrénalectomie bilatérale totale, avec traitement viendra confirmer le diagnostic.
Le traitement d’une tumeur surrénalienne substitutif gluco- et minéralocorticoïde à vie. La En cas d’échec immédiat ou secondaire d’une
unilatérale est la chirurgie avec surrénalectomie guérison est toujours obtenue. chirurgie hypophysaire, le traitement sera discuté
totale unilatérale. Une petite taille de la tumeur, des au cas par cas. Si l’IRM montre à nouveau une
contours réguliers et un contenu homogène à image évocatrice d’adénome, une deuxième
‚ Cushing dépendant de l’ACTH
l’imagerie sont en faveur de la bénignité et doivent chirurgie hypophysaire peut être tentée. Sinon, un
conduire à proposer au patient une cœliochirurgie traitement médical à visée surrénalienne
Maladie de Cushing (Op’DDD surtout) plus ou moins associé à une
qui, dans les mains d’un chirurgien entraîné, est
source de diminution de morbidité. Compte tenu de L’adénomectomie hypophysaire de première radiothérapie hypophysaire est de règle. En
la possibilité d’atrophie de la surrénale intention par voie transsphénoïdale est actuellement dehors de l’Op’DDD, d’autres anticortisoliques de
controlatérale, une couverture périopératoire pour le traitement de choix de la maladie de Cushing [2]. synthèse peuvent être utilisés : la Métopironet
prévenir toute décompensation sur le mode Elle doit toujours être faite par une équipe (mais effets secondaires importants, échappe-
d’insuffisance surrénale aiguë est nécessaire, ainsi chirurgicale entraînée. Elle constitue le seul ment), l’aminoglutéthimide (mais efficacité
qu’un traitement substitutif glucocorticoïde en inconstante, échappement) et les dérivés
traitement offrant une possibilité de retour à
postopératoire. Cette insuffisance corticotrope est imidazolés (kétoconazole, étomidate) dont
l’intégrité de l’axe hypophysosurrénalien. Elle est
transitoire mais peut durer plusieurs années, voire ne l’intérêt est l’action très rapide et la réversibilité à
indiquée à chaque fois que l’imagerie hypophysaire,
pas régresser. l’arrêt, mais des phénomènes d’échappement et
en particulier l’IRM et/ou éventuellement le
des hépatites cytolytiques ou cholestatiques ont
En cas de tumeur bénigne, la guérison est cathétérisme des sinus pétreux inférieurs, est en
été décrits.
toujours obtenue. faveur d’un adénome corticotrope.
Enfin, une surrénalectomie bilatérale totale
Lorsqu’il s’agit d’un corticosurrénalome, le Si un microadénome est retrouvé, le chirurgien peut être faite, mais elle a comme conséquence
pronostic est très mauvais [4]. Un traitement court procédera à une exérèse sélective. En l’absence une insuffisance surrénale complète et définitive
par Op’DDD (anticortisolique de synthèse) peut d’insuffisance antéhypophysaire antérieure, une telle nécessitant un traitement substitutif à vie. Le
être proposé avant la chirurgie lors d’un complication est exceptionnelle. En revanche, risque en est l’apparition d’une tumeur
hypercortisolisme majeur. En l’absence de l’insuffisance corticotrope est fréquente et est un bon hypophysaire (syndrome de Nelson), le plus
métastases, il est logique de proposer une argument de guérison. Elle nécessite une prise en souvent dans les 3 ans (10 à 20 % des cas). Ces
surrénalectomie élargie à l’environnement charge périopératoire pour prévenir la décompen- tumeurs semblent plus agressives que les
cellulograisseux de la surrénale, avec dissection sation aiguë et un traitement substitutif adénomes corticotropes. Le traitement de ces
du pédicule rénal et si besoin néphrectomie. glucocorticoïde en postopératoire. Une préparation tumeurs est difficile : chirurgie hypophysaire
Malheureusement, l’existence quasi constante de médicale avant chirurgie par anticortisolique de toujours incomplète et radiothérapie d’efficacité
micrométastases fait que la récidive est précoce et synthèse (Op’DDD, kétoconazole) peut s’avérer limitée. La radiothérapie hypophysaire
fréquente. Cela justifie la mise en route d’un nécessaire. Le taux de succès dans l’immédiat est concomitante de la surrénalectomie a été
traitement antimitotique postopératoire immédiat excellent (66 à 88 %), mais le taux de récidive à long proposée comme traitement préventif.

5
3-0560 - Syndrome de Cushing

Sécrétion ectopique d’ACTH et/ou de CRH l’extension tumorale, sauf en cas de carcinoïde Lorsque le traitement étiologique n’est pas
Le traitement est dans ce cas l’ablation bronchique, petite tumeur à faible évolutivité possible, un traitement symptomatique
chirurgicale de la source d’ACTH, ce qui permet dont l’exérèse totale est toujours possible. Selon anticortisolique doit être institué (l’Op’DDD le plus
de guérir l’hypercortisolisme. Malheureusement, le type de tumeur, chimiothérapie et/ou souvent, Métopironet, kétoconazole,
le plus souvent, cela n’est pas possible du fait de radiothérapie peuvent aider. aminoglutéthimide).

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,


clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Syndrome de Cushing.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0560, 1998, 6 p

Références

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6
Effets endocriniens 3-0940
3-0940

et métaboliques iatrogènes
Encyclopédie Pratique de Médecine

des médicaments
F Bosquet, A Heurtier, F Tournant


En effet, les bêtabloquants sont capables d’inhiber Les bêtastimulants par voie intraveineuse sont
Médicaments hyperglycémiants [7]
la sécrétion d’insuline, d’augmenter la glycogénolyse puissamment cétogènes. Le salbutamol peut induire
hépatique et de diminuer l’efficacité périphérique de une élévation de la glycémie et de l’insulinémie chez le
l’insuline [12]. non diabétique et une acidocétose chez le diabétique.
Les médicaments peuvent être hyperglycémiants ‚ Œstroprogestatifs [1, 20, 25]
par une action directe au niveau du pancréas en ‚ Pendamidine
Les œstroprogestatifs ont des effets complexes sur
inhibant la secrétion d’insuline, par une diminution de La pendamidine, utilisée dans le traitement des
le métabolisme glucidique qui dépendent de la nature
l’effet de l’insuline au niveau des tissus périphériques, leichmanioses et surtout des pneumopathies à
de la dose, du mode d’administration, de l’association
ou encore par une augmentation de la production Pneumocystis carinii chez les sidéens, a un effet
et de l’état préalable de la glycorégulation.
hépatique de glucose. diabétogène apparenté à la streptozotocine par effet
L’effet hyperglycémiant des contraceptifs oraux est
toxique direct sur la cellule β. Après une hypoglycémie
‚ Glucocorticoïdes lié à une diminution de la sensibilité des tissus
initiale, liée à la libération d’insuline, apparaît un
Les glucocorticoïdes induisent une insulinorésis- périphériques à l’insuline. Il existe d’une part un
diabète insulinoprive secondaire à la destruction des
tance périphérique et une augmentation de la hyperinsulinisme, d’autre part une diminution de
l’insulinosécrétion précoce lors d’une charge orale en cellules β.
production hépatique de glucose, source de troubles
de tolérance glucidique variable allant de l’intolérance glucose observée avec les pilules fortement dosées en
œstrogènes. L’effet délétère des progestatifs est lié à ‚ Interféron alpha
au glucose au coma hyperosmolaire. Ils peuvent ainsi
nécessiter un recours à une insulinothérapie. leur activité androgénique, maximum avec les dérivés L’interféron alpha, cytokine ayant des propriétés
Tous les modes d’administration des corticoïdes norstéroïdes à l’origine d’une insulinorésistance avec antivirales, est utilisée en oncologie et dans le
peuvent être en cause (sauf les topiques locaux hyperinsulinisme. Ils diminuent le nombre et l’affinité traitement de certaines hépatites virales. Il est
appliqués sur des surfaces limitées), en se méfiant des récepteurs à l’insuline au niveau du foie et des susceptible d’induire des maladies auto-immunes, en
particulièrement des formes retard par voie tissus périphériques. particulier une dysthyroïdie (cf infra), mais également
intramusculaire et des infiltrations locales. Le délai L’évolution des pilules a été caractérisée par une un diabète. En effet, si l’interféron peut déterminer une
d’apparition des troubles glucidiques est parfois très diminution progressive de la dose d’éthinyl-œstradiol insulinorésistance en élevant les hormones de la
rapide, en 12 à 24 heures, avec un risque variable de 1 à 20-30 µg en association avec des progestatifs contre-régulation et augmenter la clairance de
à 50 % en fonction de la dose. d’activité androgénique minimale. Ainsi, les faibles l’insuline [13] , il peut surtout activer le système
doses d’œstrogènes (≤ 3 µg) associées à un progestatif immunitaire et déterminer l’apparition d’un diabète
‚ Antihypertenseurs non androgénique, les progestatifs microdosés et le insulinodépendant auto-immun. Une controverse
17-β-œstradiol par voie cutanée n’ont que très peu, persiste pour savoir si l’interféron alpha augmente
Diurétiques non épargneurs de potassium
pour les premiers, et même pas, pour les derniers, seulement une prédisposition préexistante à
Les diurétiques thiazidiques sont les principaux d’activité hyperglycémiante. développer des anomalies auto-immunes ou s’il peut
médicaments responsables [3] ; à un degré moindre, le
induire de novo ces anomalies.
furosémide (en diminuant le transport du glucose) et
l’indapamide (par le biais d’une hypokaliémie) peuvent En pratique
également induire des troubles de tolérance
glucidique. ✔ En cas de diabète non insulinodé- En pratique
L’effet hyperglycémiant est surtout lié à la fuite pendant ou d’intolérance au glucose, ✔ Le diabète étant une maladie
potassique, car l’hypokalicystie, au niveau des cellules il est recommandé d’éviter la asymptomatique en l’absence de
β, réduit l’insulinosécrétion. Par ailleurs, les diurétiques prescription d’une contraception
sont un facteur de déshydratation chez la personne décompensation, la prescription d’un
œstroprogestative. médicament à potentiel hypergly-
âgée, favorisant l’apparition d’un coma hyperosmo-
laire. Enfin, les diurétiques ont également un effet
✔ En cas de facteurs de risque diabéto- cémiant nécessite une surveillance
périphérique en diminuant la sensibilité à l’insuline. gènes (antécédents familiaux de systématique de la glycémie avec une
diabète, diabète gestationnel, obé- fréquence qui dépend de la nature et
Diazoxide (Proglicemt, Hyperstatt) sité...), il est nécessaire de faire au de la durée de la prescription ainsi
Le diazoxide est un antihypertenseur vasodilatateur préalable une glycémie à jeun et post-
qui a un effet inhibiteur puissant sur l’insulinosecrétion
que de l’existence de facteurs de
prandiale ou une glycémie 2 heures risque diabétogènes (surpoids
en maintenant ouverts les canaux potassiques ATP-
après 75 g de glucose. androïde, antécédents familiaux
dépendants de la cellule β. Cette propriété est de fait
utilisée pour traiter les hypoglycémies liées à un ✔ Sous pilule œstroprogestative, un diabétiques...).
hyperinsulinisme. contrôle métabolique à 6 mois et à 1 ✔ L’hyperglycémie médicamenteuse
an est justifié. n’est souvent qu’un révélateur d’une
Bêtabloquants
Les bêtabloquants non sélectifs ou cardiosélectifs à
prédisposition au diabète, ce qui
‚ Bêta-agonistes
© Elsevier, Paris

fortes doses sont susceptibles d’induire une implique de maintenir une surveil-
intolérance au glucose, alors que les bêtabloquants à L’adrénaline, et surtout le salbutamol β2-agoniste lance régulière de la glycémie chez
effet sympathomimétique intrinsèque (pindolol, utilisé en particulier chez la femme enceinte, sont ces patients au décours de l’arrêt du
acébutolol) n’ont que peu d’effets sur le métabolisme hyperglycémiants en raison essentiellement d’une médicament responsable.
du glucose. augmentation de la production hépatique de glucose.

1
3-0940 - Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments


impliqué le lisinopril (Prinivilt, Zestrilt) et l’élanapril
Hypoglycémie médicamenteuse [14, 23]
(Renitect) bien qu’il subsiste une controverse. L’effet Tableau II. – Médicaments potentialisant l’ef-
hypoglycémiant des inhibiteurs de l’enzyme de fet hypoglycémiant des sulfamides hypogly-
conversion est lié à une augmentation de la sensibilité cémiants.
à l’insuline dont le mécanisme pourrait être une
Les hypoglycémies correspondent à un abaisse- Par déplacement de la fraction liée à l’albumine
inhibition de la dégradation de la bradykinine qui a plasmatique :
ment du taux de glucose sanguin au-dessous de 2,8 une action insulinomimétique. - salicylés, phénylbutazone et apparentés
mmol/L. Une hypoglycémie médicamenteuse peut
- sulfamides antibactériens et diurétiques
survenir dans différentes circonstances : utilisation à Antiarythmiques de classe 1a - antivitamines K coumariniques
dose thérapeutique d’un médicament hypoglycémiant - clofibrate (Lipavlont)
Les médicaments de type quinidinique peuvent être
chez un diabétique (sulfamide hypoglycémiant,
à l’origine d’accidents hypoglycémiques parfois Par interférence avec la réponse adrénergique à
insuline), surdosage intentionnel ou accidentel d’un
sévères. Les taux d’insulinémie sont souvent élevés, en l’hypoglycémie :
médicament hypoglycémiant, interaction synergique
rapport avec un effet stimulant direct de ses molécules - bêtabloquants non cardiosélectifs, IMAO
de deux médicaments dont au moins un a un effet
sur la cellule β (inhibition des canaux potassiques
hypoglycémiant (tableau I) prescription d’un Par diminution de l’épuration hépatique (inhibi-
ATP-dépendants). tion enzymatique) :
médicament non antidiabétique qui possède un
pouvoir hypoglycémiant. Si ce type d’accident a d’abord été rapporté avec la - sulfamides antibactériens (Bactrimt) ; chlo-
disopyramide (Rythmodant) [6] , la cibenzoline ramphénicol
‚ Médicaments à visée cardiologique (Cipralant) est actuellement le médicament le plus - miconazole (Daktarint)
souvent incriminé [16]. - anticoagulants coumariniques
Bêtabloquants - phénylbutazone
‚ Antalgiques et anti-inflammatoires - allopurinol (Zylorict)
Ils peuvent masquer les symptômes adrénergiques - cimétidine (Tagamett)
non stéroïdiens
qui accompagnent l’hypoglycémie, retardant ainsi le - clofibrate (Lipavlont)
diagnostic et le resucrage. Ils peuvent par ailleurs Salicylés, indométacine, phénylbutazone Par interférence avec l’élimination rénale :
prolonger l’hypoglycémie en inhibant l’effet de - allopurinol
l’adrénaline, hormone essentielle de la contre- Ils agissent en se fixant par compétition sur
- salicylés, phénylbutazone
régulation, sur la production hépatique de glucose. l’albumine : ils déplacent ainsi les sulfonylurés et
- probénécide
renforcent leur action hypoglycémiante.
De fait, chez le diabétique, les bêtabloquants,
surtout non cardiosélectifs, peuvent aggraver une Les dérivés de la phénylbutazone peuvent
IMAO : inhibiteurs de la mono-amine-oxydase.
hypoglycémie provoquée par l’insuline ou un également inhiber le métabolisme des sulfamides
sulfamide hypoglycémiant. Chez le non diabétique, hypoglycémiants et prolonger leur action. ‚ Anti-infectieux
quelques observations d’hypoglycémie sous Les salicylés à fortes doses peuvent augmenter la
Quelques observations d’hypoglycémie sous
bêtabloquants, essentiellement avec le propranolol, sécrétion d’insuline en réponse au glucose. Une sulfaméthoxazole-triméthoprime (Bactrimt) ont été
ont été rapportées chez l’adulte et surtout chez hypoglycémie peut être observée en cas d’intoxication rapportées chez des personnes âgées ayant une
l’enfant, favorisées par une période d’effort ou de accidentelle chez l’enfant et en cas de prise importante réduction de leur fonction rénale, associée à un
jeûne. (4 à 6 g) chez l’adulte non diabétique. hyperinsulinisme. Il existe en effet des analogies
structurales entre sulfamides antibactériens et
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion Propoxyphène
hypoglycémiants, les premiers potentialisant les effets
Dès 1985, quelques observations suggéraient que C’est un antalgique morphinique susceptible hypoglycémiants des seconds (tableau II).
le captopril pouvait être à l’origine d’accidents d’entraîner des accidents hypoglycémiques à fortes La pentamidine [14] a entraîné un nombre croissant
hypoglycémiques chez les patients traités par insuline doses, surtout chez la personne âgée lorsqu’il est d’accidents hypoglycémiques liés à la fréquence
ou sulfamides hypoglycémiants. Les publications prescrit seul (Antalvict) ou en association avec du d’utilisation de ce médicament dans les pneumopa-
ultérieures ont confirmé l’effet prépondérant du paracétamol (Di-Antalvict, Propofant) [15] . Le thies à Pneumocystis carinii chez les sidéens. La
captopril (Loprilt, Captolanet), mais ont également mécanisme de l’hypoglycémie est discuté. pentamidine a un effet cytotoxique direct sur les
cellules β, source d’hypoglycémie initiale suivie
fréquemment d’un diabète insulinoprive. L’hypoglycé-
mie associée à des concentrations plasmatiques
Tableau I. – Autres médicaments à potentiel hyperglycémiant [7]. d’insuline élevées est de survenue précoce (quelques
heures à quelques jours) et brutale ; elle est souvent
Diminution Augmentation Insulinorésis- Autres
insulinosécrétion production hé- tance sévère, récurrente, mettant en jeu le pronostic vital. Les
patique de périphérique facteurs favorisants retrouvés sont des posologies
glucose élevées du produit, une insuffisance rénale, une
hypoxie sévère, voire une insuffisance surrénale. Les
Inhibiteurs calciques ± accidents hypoglycémiques sont constatés le plus
Clonidine ± souvent avec le mésylate de pentamidine et à une
fréquence moindre avec l’isétionate de pentamidine
Amiodarone ? (Pentacarinatt). Si la pentamidine en aérosol peut
Diphénylhydantoïne + également induire des hypoglycémies en traitement
curatif, le risque en prophylaxie apparaît mineur.
Cimétidine + La quinine et les dérivés de la quinine (hydroxyqui-
Abus de laxatifs + (hypo K) nidine, chloroquine, méfloquine) stimulent la sécrétion
de l’insuline par les cellules β en activant les canaux
Morphine + potassiques ATP-dépendants. En fonction de la
Calcitonine + résistance croissante du Plasmodium falciparum à la
chloroquine, la quinine intraveineuse reste d’utilisation
Hormones thyroïdiennes à + fréquente dans l’accès palustre sévère. La fréquence
doses supraphysiologiques des accidents hypoglycémiques varie de 10 à 30 % : ils
Hormone de croissance + surviennent préférentiellement chez les sujets fragilisés
(enfants, femmes enceintes, sujets cachectiques ou
Glucagon + ayant une diarrhée chronique), en soulignant qu’une
Somatostatine et dérivés + forte parasitémie en elle-même précipite l’hypoglycé-
mie. Cependant, il semble qu’une hypoglycémie puisse

2
Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments - 3-0940


également survenir chez des sujets non débilités
recevant de la quinine pour des crampes
Hyperprolactinémie En pratique
médicamenteuse [26]
musculaires [11].
✔ Il faut évoquer de principe une
‚ Antidépresseurs hyperprolactinémie médicamenteuse
La mise en évidence d’une hyperprolactinémie quand le taux de prolactine est
Plusieurs observations de coma hypoglycémique
modérée, révélée chez la femme par des troubles des
ont été rapportées avec la fluoxétine (Prozact), compris entre 30 et 100 ng/mL, en
règles, une galactorrhée ou une dysovulation, et chez
antidépresseur sérotoninergique. Le mécanisme de
l’homme par une impuissance ou une stérilité, doit recherchant, en particulier, la prise
l’hypoglycémie pourrait être un effet stimulant de la de psychotropes, d’antiémétiques et
faire systématiquement rechercher une cause
sécrétion d’insuline, suggéré par la mise en évidence d’œstrogènes avant d’envisager toute
médicamenteuse par un interrogatoire minutieux.
de sérotonine au niveau des îlots de Langerhans.
exploration morphologique de
Œstroprogestatifs l’hypophyse (scanner, imagerie par
‚ Médicaments susceptibles d’entraîner
une hypoglycémie auto-immune L’effet hyperprolactinémiant est plus marqué avec résonance magnétique).
L’hypoglycémie par anticorps anti-insuline est une
les œstroprogestatifs séquentiels que combinés. Les ✔ L’hyperprolactinémie médicamen-
œstrogènes fortement dosés ont une action directe sur teuse n’est pas justifiable d’un
entité rare en France, due pour un tiers des cas à des
l’hypophyse (croissance et multiplication des cellules à
médicaments ayant en commun un groupement traitement dopaminergique, en
prolactine) et, par une action antidopaminergique, au
sulfhydryle, surtout le méthimazole, mais également la
niveau hypothalamohypophysaire. Par contre,
particulier l’association
D-pénicillamine (Trolovolt), la tiopronine (Acadionet), neuroleptique-bromocriptine est
l’utilisation d’œstroprogestatifs microdosés (≤ 30 µg
le captopril (Loprilt) et la dihydralazine (Népressolt). illogique, car ces deux substances
d’éthinyl-œstradiol par jour) ne semble pas avoir
Lors des accidents hypoglycémiques, l’insulinémie d’effet hyperprolactinémiant. sont en compétition au niveau des
totale est très élevée, l’insulinémie libre est normale ou
récepteurs dopaminergiques. Il est
peu augmentée avec présence, à des titres importants, Médicaments antagonistes dopaminergiques
d’anticorps anti-insulines, IgG , monoclonaux ou
nécessaire de faire un choix entre la
oligoclonaux.
La régulation de la sécrétion de la prolactine est poursuite du traitement en cours et
sous la dépendance prépondérante de facteurs la guérison de l’hyperprolactinémie.
Le mécanisme de production de ces anticorps
inhibiteurs stimulés par la dopamine. En règle, les taux se normalisent
paraît lié à une interaction entre le groupement
sulfhydryle et les ponts disulfures de l’insuline, d’où Neuroleptiques
après arrêt du médicament
modification de la configuration moléculaire à l’origine responsable en 1 à 3 semaines,
de l’auto-immunisation. Plusieurs hypothèses – Butyrophénones, type halopéridol (Haldolt).
jusqu’à 4 mois en cas de traitement
pathogéniques à l’origine de l’hypoglycémie sont – Phénothiazines, type chlorpromazine (Largactilt).
– Dérivés de benzamides, type sulpiride
chronique.
discutées : stimulation de l’insulinosécrétion ou
(Dogmatilt), métoclopramide (Primpérant), tiapride


potentialisation de l’action de l’insuline par les
autoanticorps, dislocation non régulée des complexes (Tiapridalt), véralipride (Agréalt).
Ils agissent comme antagonistes des récepteurs
Gynécomasties médicamenteuses [4]
insuline-anticorps anti-insuline. L’évolution de ces
hypoglycémies est le plus souvent spontanément dopaminergiques au niveau hypothalamo-
favorable, avec parfois nécessité d’un recours à une hypophysaire. L’apparition d’une gynécomastie est la consé-
corticothérapie. quence d’un déséquilibre de la balance hormonale
Certains antidépresseurs entre les œstrogènes et les androgènes : augmenta-
– Tricycliques, type imipramine (Tofranilt). tion de la sécrétion d’œstradiol et/ou diminution de la
– IMAO. sécrétion de testostérone conduisant à un rapport
– Lithium (Téralithet). T/E2 abaissé (N = 200 ± 50).
En pratique Les produits à l’origine d’une gynécomastie sont
Les hypoglycémies médicamenteuses Les anxiolytiques nombreux, avec une causalité en règle établie à partir
du principe de l’interruption-réintroduction du
sont des accidents métaboliques rares – Benzodiazépines.
médicament. Cependant, pour bon nombre d’entre
survenant préférentiellement sur des – Méprobamate (Équanilt).
eux, le mécanisme n’est pas élucidé.
terrains fragilisés (sujets âgés, dénu- Une gynécomastie iatrogène peut être la
Les analgésiques morphiniques
trition, insuffisance rénale, insuf- conséquence de nombreux phénomènes.
fisance hépatique). Ils sont favorisés Ils empêchent la libération de dopamine. Par
ailleurs, il existe des récepteurs morphiniques Effet œstrogénique
par la polymédicamentation, source
hypophysaires dont la stimulation s’oppose à l’action La responsabilité des œstrogènes est évidente
d’interférence médicamenteuse.
de la dopamine. lorsqu’ils sont pris à visée thérapeutique (Distilbènet
Leur diagnostic doit être précoce et le pour cancer de la prostate) ou chez les transsexuels,
traitement rapide pour éviter de pro- Certains antituberculeux (isoniazide) mais devient plus difficile à authentifier en cas
longer la souffrance cérébrale. Les d’exposition industrielle ou sous forme locale (crème
accidents sévères nécessitent l’admi- Certains antihypertenseurs vaginale chez la partenaire). Les digitaliques ont un
nistration de sérum glucosé par voie La réserpine, en bloquant le processus de stockage effet œstrogène-like.
intraveineuse de façon prolongée de la dopamine.
Augmentation de la synthèse d’œstrogènes
pendant plusieurs heures sous couvert L’alphaméthyldopa (Aldomett), en inhibant la
dopadécarboxylase qui transforme la dopa en L’administration pulsatile de LH-RH (luteinizing
d’une surveillance rapprochée de la hormone-releasing hormone), d’hCG (human chorionic
dopamine.
glycémie capillaire. L’injection de gonadotropin), de clomifène ou de testostérone peut
glucagon peut être inefficace en cas de Autres substances incriminées être responsable d’une gynécomastie, en raison,
déplétion glycogénique du foie (hypo- principalement, d’une aromatisation périphérique des
– Alphaméthylparatyrosine. androgènes en œstrogènes.
glycémie alcoolique...), ou même – Cimétidine (Tagamett) à fortes doses.
inopportune en cas d’hypoglycémie – Anesthésiques généraux. Inhibition de la synthèse de la testostérone
sous sulfamides hypoglycémiants, car – Acétate de cyprotérone (Androcurt) à fortes Des traitements prolongés (> 2-3 semaines) par les
le glucagon peut garder alors son doses (> 50 mg/j). imidazolés (métronidazole, kétoconazole, miconazole)
pouvoir insulinosécréteur. – 5-hydroxytryptophane et certains anorexigènes peuvent occasionner une gynécomastie. Certaines
comme la fenfluramine (Pondéralt). chimiothérapies (vincristine, bisulfan, BCLU...),

3
3-0940 - Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments

préscrites en particulier pour les hémopathies et les


cancers testiculaires, sont également susceptibles Tableau III. – Médicaments responsables de troubles de la sexualité.
d’entraîner une gynécomastie, en règle transitoire par
Classe Médicaments Li Er Ej Pr Mécanisme
altération de l’épithélium germinal et réduction des
cellules de Sertoli. Alphabloquants Prazozine + + + + Sympatholytiques
périphériques
Inhibition de l’action des androgènes Bêtabloquants Cardiosélectifs ou + + Sympatholytiques
Les antiandrogènes (ciprotérone, flutamide) non périphériques
entraînent une gynécomastie quasi constante, Anti-HTA centraux Méthyldopa + + Sympatholytiques
régressive à l’arrêt du traitement. Le risque relatif de Clonidine centraux
gynécomastie sous cimétidine (Tagamett) est élevé, Cardiologie Réserpiniques + + + Sympatholytiques
en particulier en cas de prescription à doses centraux
importantes et/ou de façon prolongée (> 6 mois). Le Diurétiques Thiazidiques + Antiandrogènes
mécanisme est une inhibition compétitive de la Antialdostérones +
Inhibiteurs Vérapamil +
dihydrotestostérone au niveau des sites récepteurs des
calciques Nifédipine +
androgènes. Le risque paraît mineur avec les autres Digitaliques + + Antiandrogènes
antiulcéreux (ranitidine, oméprazole) [21]. Trente à
60 % des malades traités à long terme par une Neuroleptiques Phénothiazine + + Hyperprolactiné-
antialdostérone, la spironolactone (Aldactonet), Benzamide + mie
développent une gynécomastie [10]. Le mécanisme est Butyrophénone + + Parasympatholyti-
également une inhibition compétitive de la ques
Antidépresseurs Tricycliques + + + Anticholinergiques
dihydrotestostérone avec, par ailleurs, une Psychiatrie Trozodone +
modification de la stéroïdogenèse testiculaire,
entraînant une diminution du rapport T/E2. Le risque IMAO +
est bien moindre lors de l’utilisation de canrénoate de Lithium + +
potassium (Soludactonet) ; Anxiolytiques + +
Les autres médicaments pouvant entraîner une Antiépileptiques Phénobarbital +
gynécomastie sont nombreux, mais, pour l’essentiel, Hypocholestérolé- Fibrates Clofibrate + + +
avec une fréquence rare et un mécanisme non élucidé. miants Fénofibrate + + +
Psychotropes : diazépam, antidépresseurs
tricycliques, phénytoïne, phénothiazine, Œstrogènes Acétate de cypro- + + Antiandrogènes
Hormones et anti-
Antiandrogènes térone + +
amphétamines. hormones
Antigonadotropes + +
Antituberculeux : isoniazide, étionamide.
Médicaments à visée cardiovasculaire : Antiulcéreux Cimétidine + + Antiandrogènes
alphaméthyldopa (Aldomett), réserpine, vérapamil
Cytostatiques + + Lésions gonadi-
(Isoptinet), nifédipine (Adalatet), élanapril (Renitect), ques
captopril (Loprilt), aténolol (Ténorminet), amiodarone
(Cordaronet). Anticoagulants Héparine + Thrombose vei-
neuse des corps
caverneux
En pratique
Antimycosiques Kétoconazole + + Blocage de la sté-
Devant une gynécomastie, une étio- roïdogenèse
logie médicamenteuse doit être testiculaire
systématiquement recherchée, surtout
IMAO : inhibiteurs de la mono-amine-oxydase.
chez la personne âgée, en soulignant
la responsabilité prépondérante de la
cimitidine et de l’aldactone.
Pour la plupart des médicaments ‚ Psychotropes La guanéthidine seule ou en association est la
incriminés, il y a une alternative de molécule qui perturbe le plus la fonction sexuelle (dans
Les neuroleptiques entraînent une anérection dans
plus de 50 % des cas), en particulier source de troubles
prescription permettant leur arrêt. 30 % des cas, avec une fréquence encore plus élevée
de l’éjaculation.
L’évolution vers la régression com- pour le thioridazine (Mellerilt).
plète est rare et peut justifier Les antidépresseurs tricycliques entraînent une Antihypertenseurs d’impact sexuel modéré
l’application locale de gel de dihydro- diminution d’érection en raison de leurs effets
Bêtabloquants cardiosélectifs ou non avec un effet
anticholinergiques et de leurs actions dépressives sur
testostérone (Andractimt). dose-dépendant réversible à l’arrêt du traitement. À
le système nerveux central.
noter quelques cas d’impuissance observés avec les


Par contre, il n’y a pas ou peu d’effets des
collyres bêtabloquants utilisés dans l’hypertonie
Impuissances médicamenteuses [5, 29] antidépresseurs non cycliques.
oculaire (Timoptolt).
Les anxiolytiques à doses fortes et en prescription
Diurétiques : spironolactone (Aldactonet) et
prolongée. thiazidiques, effet dose-dépendant réversible à l’arrêt
On estime habituellement qu’un quart des
du traitement. En revanche, pas d’effet du furosémide
impuissances ont une origine médicamenteuse, avec ‚ Antihypertenseurs
deux classes prépondérantes : les antihypertenseurs et (Lasilixt).
Tous les antihypertenseurs ont été incriminés mais
les psychotropes. Les médicaments peuvent induire
avec des effets plus ou moins marqués sur la sexualité. Antihypertenseurs d’impact sexuel non
plusieurs types de troubles sexuels : troubles de la
démontré ou négligeable
libido, troubles de l’érection, de l’éjaculation, voire
Antihypertenseurs d’impact sexuel marqué Alphabloquants : quelques cas de priapisme
priapisme. Dans le déterminisme des troubles de la
sexualité, il faut souligner l’importance de la Les antihypertenseurs centraux qui entraînent des observés avec la prazozine (Minipresst).
susceptibilité individuelle très variable, de la durée de troubles sexuels dans 20 % des cas avec la clonidine Bloqueurs calciques : quelques rares observations
la prescription médicamenteuse, de l’intrication (Catapressant) et dans 30 % avec la méthyldopa d’anérection avec le vérapamil (Isoptinet) et la
fréquente, en particulier chez l’homme d’âge mûr avec (Aldomett). nifédipine (Adalatet).
des facteurs psychogènes et/ou vasculaires Les réserpiniques à doses élevées, qui induisent par Dihydralazine (Nepressolt) : a entraîné quelques
(tableau III). ailleurs une hyperprolactinémie. cas de priapisme.

4
Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments - 3-0940

‚ Digitaliques
Tableau IV. – Profils hormonaux sous amiodarone.
Ils ont un effet œstrogène-like pouvant induire des
troubles de la libido et de l’érection. TSH T4 libre T3 libre
‚ Fibrates Euthyroïdie N ou # ± N ou # ± N ou & ±
Les effets sur la sexualité sont surtout observés avec
les fibrates de première génération (clofibrate). Il Hypothyroïdie # & &
semble que l’effet soit moindre avec les nouveaux Hyperthyroïdie & # N ou # ±
fibrates, type fénofibrate (Lipanthylt).
‚ Antiandrogènes ‚ Amiodarone [28] - soit de la maladie de Basedow induite ou
Ils sont utilisés chez l’homme dans le traitement du Elle se caractérise par sa richesse en iode (75 mg/cp) exacerbée par l’amiodarone, diagnostiquée sur la
cancer de la prostate : agonistes du LH-RH, et sa demi-vie extrêmement longue (30 à 100 jours). présence d’anticorps thyréostimulants et une fixation
œstrogènes, acétate de cyprotérone (Androcurt). Ses effets s’exercent aux différents points d’impact de scintigraphique préservée.
la régulation thyroïdienne (hypophyse, thyroïde, tissus L’hyperthyroïde peut être traitée par antithyroïdiens
‚ Héparines de haut poids moléculaire de synthèse, en choisissant de préférence le
cibles). Elle diminue par ailleurs la conversion
Ce sont les premiers pourvoyeurs de priapisme par périphérique de T4 en T3. Elle a enfin un effet propylthio-uracile (plutôt que le Néo-Mercazolet) en
thrombose des lacs veineux des corps caverneux, avec immunomodulateur pouvant induire une auto- raison de son action sur la conversion périphérique
un pronostic fonctionnel redoutable. immunité thyroïdienne. Ainsi s’explique la fréquence des hormones thyroïdiennes, voire par le perchlorate
‚ Cytostatiques des dysthyroïdies sous amiodarone. de potassium ou le carbonate de lithium.

Utilisés en cancérologie, les molécules impliquées Hypothyroïdie (3,7 à 22 %) [28]


ont une action toxique directe sur les cellules de
En pratique (tableau IV)
Elle s’observe en règle précocement dans les 10
Leydig. Cependant, il est difficile de distinguer l’effet premiers mois de traitement. Elle est plus fréquente en Préalablement à la prescription, faire
propre des médicaments des conséquences de la cas de thyroïdite auto-immune préalable, attestée par un dosage de TSH us.
maladie néoplasique. la présence d’anticorps antithyroïdiens. Elle répond à Surveillance ou traitement tous les 4 à
‚ Kétoconazole deux mécanismes différents. 6 mois de la TSH us : si la TSH a
Le kétoconazole (Nizoralt) à fortes doses (> 400 Un trouble fonctionnel de l’organification lié à
augmenté, T4 libre, anticorps
mg/j) peut bloquer la stéroïdogenèse testiculaire et l’accumulation intra thyroïdienne d’iode, cas le plus
fréquent avec une régression spontanée lente. antithyroïdiens ± échographie de la
induire une insuffisance gonadique. Il agit en inhibant
l’activité des enzymes utilisant le cytochrome P450. Une atteinte lésionnelle de la thyroïde favorisée par thyroïde ; si la TSH a diminué, T3
des phénomènes auto-immuns préalables ou libre, T4 libre, anticorps
‚ Autres médicaments exacerbés par l’iode, situation plus rare conduisant en thyréostimulants, scintigraphie
D’autres médicaments ont été incriminés à l’origine règle à une hypothyroïdie définitive. thyroïdienne à l’iode 123 ±
de troubles sexuels :
– les vasoconstricteurs nasaux utilisés de façon
échographie de la thyroïde.
prolongée ; En pratique
– la lévodopa ; ‚ Autres médicaments
Le traitement hormonal substitutif pouvant induire une surcharge iodée
– le baclofène (Liorésalt) ;
– le naproxène (Naprosynet, Apranaxt). devient nécessaire en cas En fait, nombre de spécialités médicamenteuses
d’hypothyroïdie biologique prolongée contiennent des quantités très faibles d’iode et ne
ou d’hypothyroïdie patente. Après seront donc mentionnées que les spécialités apportant
En pratique élimination de la SI, une fenêtre des quantités d’iode disponibles supérieures à 100 µg
Dans les critères de choix d’un traite- thérapeutique est nécessaire pour par jour (tableau V). Il faut par ailleurs souligner
ment antihypertenseur, il faut tenir apprécier la récupération de la l’érythrosine, colorant alimentaire, qui fait partie de
l’excipient de nombreuses spécialités. Par ailleurs, les
compte de leur effet potentiel délétère fonction thyroïdienne. Enfin, si l’état médicaments à usage externe peuvent également
sur la sexualité. cardiologique le nécessite, induire une surcharge iodée (certains collyres iodés,
Il faut être par ailleurs attentif aux l’amiodarone peut être poursuivie sous désinfection iodée répétitive sur les muqueuses ou
associations médicamenteuses qui couvert du maintien d’un traitement application cutanée sur plaie profonde).
potentialisent leurs effets néfastes sur supplétif.
la fonction sexuelle. Enfin, la réver- En pratique
sibilité des impuissances médica- Hyperthyroïdie (3 à 13 %) [17]
✔ Éviter la prescription de
menteuses est souvent fonction de la L’expression clinique est souvent modérée en médicaments contenant de l’iode
durée de prescription. raison de l’effet antiadrénergique, et surtout
chez les patients présentant un goitre
bêtabloqueur, de l’amiodarone, les signes les plus
multinodulaire.


constants étant l’amaigrissement (avec anorexie) et la
Médicaments et thyroïde réapparition des troubles cardiaques. Elle peut ✔ En cas de suspicion de dysthyroïdie
correspondre à deux mécanismes différents. par surcharge iodée, faire une
Une hyperthyroïdie induite par l’iode sur corps iodurie des 24 heures (ou une
‚ Dysthyroïdie par surcharge iodée thyroïde préalablement sain. Il s’agit d’une thyroïdite iodurie sur créatinine lors d’une
Plus de 300 préparations médicamenteuses iodée comparable à une thyroïdite subaiguë virale, miction).
contiennent de l’iode, mais le principal responsable de régressant spontanément en 1 mois à 1 an avec une
dysthyroïdie par surcharge iodée (SI) est l’amiodarone moyenne de 4 mois. La fixation en scintigraphie
‚ Médicaments pouvant modifier
(Cordaronet, Corbionaxt). isotopique à l’iode 123 est effondrée. Les
la fonction thyroïdienne
En fait, la thyroïde est capable de s’adapter à la SI antithyroïdiens de synthèse sont peu efficaces, et la
(par un mécanisme autre que
par des mécanismes multiples, dont le principal est la corticothérapie trouve une indication logique.
la surcharge iodée) [27]
diminution de l’organification de l’iode intrathyroïdien Une hyperthyroïdie induite par l’iode sur corps
(effet Wolff-Chaikoff) avec un échappement thyroïde pathologique : Médicaments affectant les protéines
secondaire. L’absence d’effet Wolff-Chaikoff est à - soit d’une dystrophie nodulaire unique ou d’un de transport
l’origine de l’hyperthyroïdie induite par l’iode, alors goître multinodulaire objectivés en scintigraphie par Les androgènes à fortes doses diminuent la
qu’à l’inverse, sa persistance explique l’hypothyroïdie une fixation faible et hétérogène avec visualisation de thyroxin binding globulin (TBG), d’où diminution de la
iodo-induite. zones hyperfonctionnelles ; T4 totale. Les salicylés, l’héparine, les sulfonylurées,

5
3-0940 - Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments

peuvent perturber le test de freinage minute par la


Tableau V. – Médicaments pouvant induire une surcharge iodée. dexamétasone ainsi que le test à la métopirone ; les
inhibiteurs de la sérotonine empêchent la réponse de
Akinétont (866 µg/cp) ; Haldolt 5 (182 µg/cp) ; Prothiadent 25 (121
À visée neuropsychique l’adenocorticotrophic hormone (ACTH) au cours de
µg/gel) ; Vésadolt (0,8 mg/cp) ; Magnogènet (36,5 µg/cp)
l’hypoglycémie insulinique.
Asthmalginet (61,2 mg/dragée) ; Asthmasédinet (115 mg/ c à café) ;
À visée pneumologique Fonction minéralocorticoïde
Pneumogéinet (70 mg/c à café)
La rercherche d’un hyperaldostéronisme primaire
Abbomicinet 200 (143 µg/ c-mesure) ; nécessite l’arrêt de tout médicament pouvant interférer
Clamoxylt 500 (570 µg/gel), sur le système rénine-angiotensine-aldostérone. Dans
À visée anti-infectieuse Fungizonet (855 µg/c à café) ; l’idéal, l’exploration doit être réalisée en l’absence de
Keforalt 250 (180 µg/c-mesure) ;
tout traitement antihypertenseur. Cependant,
Rifadinet (821 µg/gel)
l’hyperaldostéronisme primaire est souvent responsable
Anusolt (90 µg/cp) ; Carbosylanet (845 µg/gel) ; Colchimaxt* (14,3 d’une hypertension artérielle sévère ne permettant pas
Divers médicaments
ng/cp) ; Dénoralt (256 µg/cp) ; Dafalgant (1096 µg/gel) ; Tardyferont de sevrage thérapeutique complet.
d’utilisation fréquente
B9 (180 µg/cp)

* Une nouvelle formulation du Colchimaxt vient d’être commercialisée sans excipient iodé.
En pratique

diazépam et la phénylbutazone peuvent également certaines maladies virales (hépatites B et C). Il peut Les spironolactones (Aldactonet) doi-
entraîner une diminution de la T4 totale. À l’inverse, les induire ou exacerber un processus auto-immun vent être arrêtés 6 semaines avant
œstrogènes, le tamoxifène (Nolvadext), le clofibrate préexistant à l’origine d’une dysthyroïdie dans 3 à exploration, les diurétiques 1 mois
augmentent la TBG et la forme totale des hormones 13 % des cas [9, 22]. L’hypothyroïdie est nettement avant, les bêtabloquants, les inhibi-
thyroïdiennes. En revanche, ces médicaments ne prédominante. Quelques cas d’hyperthyroïdie ont été teurs de l’enzyme de conversion, les
modifient pas le taux des hormones thyroïdiennes décrits, de même que des dysthyroïdies d’évolution
inhibiteurs de l’angiotensine II
libres. biphasique, hyper- puis hypothyroïdie ou l’inverse. Le
délai moyen de survenue est de 6 à 12 mois, plus
(Cozaart) 15 jours avant.
Les amphétamines à fortes doses augmentent la T4
libre par stimulation de l’axe thyréotrope. précocement en cas d’hyperthyroïdie. L’évolution est L’influence des inhibiteurs calciques à
Le carbonate de lithium (Téralithet), utilisé dans les parfois régressive à l’arrêt du traitement. libération prolongée est discutée.
états maniacodépressifs peut induire un goître, parfois L’interleukine 2 peut induire des anticorps Les traitements qui peuvent donc être
une hypothyroïdie, exceptionnellement une antithyroïdiens et rarement une dysthyroïdie, surtout conservés, si nécessaire, sont les anti-
hyperthyroïdie. En effet, le lithium freine la protéolyse en cas d’association avec l’interféron alpha. hypertenseurs centraux (alpha-
des hormones thyroïdiennes et par conséquent leur Le granulocyte macrophage colony stimulating méthyldopa), les bloqueurs calciques
libération. factor (GM-CSF) peut également entraîner une
dysthyroïdie en cas de présence préalable d’anticorps
de demi-vie courte et les
Le propranolol (Avlocardylt) entraîne une
diminution de la T 3 et, à fortes doses, une antithyroïdiens. alphabloquants (prazosine).
augmentation de la T4 par blocage de la conversion
périphérique de T4 en T3. Fonction médullosurrénale
En pratique
Les corticoïdes (dexamétasone, glucocorticoïdes à Le diagnostic de phéochromocytome repose sur le
fortes doses) bloquent la conversion de T4 en T3, Avant de débuter un traitement par dosage des métabolites urinaires des catécholamines. Il
diminuent la TBG et la protéolyse de la thyroglobuline. existe des interférences médicamenteuses avec
interféron alpha, interleukine 2 ou
En cas d’administration aiguë à fortes doses, la thyroid principalement des faux positifs observés ; pour l’acide
stimulating hormone (TSH) peut être freinée.
GM-CSF, faire un dosage de TSH vanylmandélique en cas de prise d’alphaméthyldopa
Les hydantoïnes (Di-hydant) peuvent diminuer les
ultrasensible et une recherche d’anti- (Aldomett) ; pour les métanéphrines avec les
formes totales et libres des hormones thyroïdiennes corps antithyroïdiens. bêtabloquants ; pour les catécholamines avec la prise de
par réduction de la liaison aux protéines de transport, Sous traitement, faire une TSH ul- labétalol (Trandatet).
et surtout par augmentation de la clairance trasensible tous les 3-4 mois. En effet, les interférences potentielles sont plus
métabolique de T3 et T4 , liée à une induction nombreuses et sont résumées dans le tableau VI.
enzymatique sans entraîner néanmoins d’hypothyroï-


‚ Corticothérapie et axe
die clinique. hypophysosurrénalien [2, 8]
L’acide tri-iodothyroacétique (Triacanat, Téatroist),
Médicaments et surrénales
Les corticoïdes de synthèse sont très utilisés en
dérivé catabolique des hormones thyroïdiennes, thérapeutique par voies générale et locale (cutanée,
interfère avec les dosages de T3 et freine l’axe ‚ Médicaments et exploration articulaire, bronchique) pour leurs propriétés anti-
thyréotrope. Le profil hormonal sous traitement surrénalienne [24] inflammatoires, immunosuppressives, antalgiques et
associe une augmentation de T3 et une diminution de antiallergiques. Cependant, ils engendrent de
T4 et TSH. À l’arrêt du traitement, la T3, T4 et la TSH Fonction glucocorticoïde
nombreux effets secondaires dont, en particulier, une
sont abaissées. Le cortisol circulant est lié en majeure partie à une freination de l’axe hypothalamo-hypophyso-
protéine spécifique, la corticosteroid binding globulin surrénalien avec risque d’insuffisance surrénale.
Médicaments interférant (CBG), d’où la possibilité d’interférence médicamen-
avec la prise d’hormones thyroïdiennes La freination de la fonction corticotrope
teuse au niveau du site de liaison. (tableau VII) dépend de plusieurs facteurs :
Ils nécessitent en règle une augmentation Les œstrogènes et les hormones thyroïdiennes – l’affinité pour le récepteur glucocorticoïde : plus
posologique chez les hypothyroïdiens substitués. augmentent ainsi la synthèse de CBG, d’où élévation elle est élevée, plus l’action freinatrice des
Phénobarbital (Gardénalt), carbamazépine du taux de cortisol. glucocorticoïdes est marquée ;
(Tégrétolt), rifampicine (Rifadinet), en augmentant la Les corticoïdes, le danazol et la médroxyprogesté- – la demi-vie biologique (tableau VIII) : elle varie de
clairance métabolique des hormones thyroïdiennes rone déplacent la liaison protéique, d’où diminution du 8 à 12 heures pour l’hormone naturelle, jusqu’à 36 à
par induction enzymatique. taux de cortisol. 60 heures pour les corticoïdes deltahalogènes, d’action
Cholestyramine (Questrant), hydroxyde Ces artefacts sont éliminés si l’on mesure le cortisol longue. La freination est d’autant plus marquée que la
d’albumine, supplémentation en fer en réduisant libre salivaire ou le cortisol libre urinaire des 24 heures. demi-vie d’un corticoïde est prolongée ;
l’absorption intestinale des hormones thyroïdiennes. La rifampicine, la phénytoïne et les opiacés – la biodisponibilité qui dépend du mode
augmentent le catabolisme du cortisol et peuvent ainsi d’administration du corticoïde : voie orale, voie
Interféron alpha diminuer le taux de cortisol. intramusculaire pour les préparations retard, voies
L’interféron alpha est une cytokine recombinante En ce qui concerne les tests dynamiques, la locales qui peuvent avoir cependant des effets
utilisée dans le domaine de l’oncologie et dans diphénylhydentoïne (Di-hydant) les œstrogènes systémiques ;

6
Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments - 3-0940

Tableau VI. – Interférences médicamenteuses avec les dosages de catécholamines.

Catécholamines plasmatiques et urinaires VMA Métanéphrines


Dosages radioenzy- Dosages fluoromé- Dosages par oxyda- Dosages par chro- Dosages par oxyda- Dosages par chroma-
matique triques tion en vanilline matographie mono- tion en vanilline tographie bidimen-
dimensionnelle sionnelle
Aldomett + + + + +
Trandatet +
Tétracyclines +
IMAO + + + + + +
Aspirine +
Sulfamides +
Alpha- et + + + + +
bêtabloquants
Diurétiques +
Médicaments fluorés +
Amphétamines +

VMA : acide vanylmandélique ; IMAO : inhibiteurs de la mono-amine-oxydase.

surrénale, impliquant que les réserves en cortisol ont été


Tableau VII. – Activité comparée des différents glucocorticoïdes. reconstituées sous l’effet de l’ACTH endogène.
Activité gluco- Activité miné- Action anti- Freinage corti- Équivalent ‚ Sevrage en corticoïdes
corticoïde ralocorticoïde inflammatoire cotrope glucocorticoïde
Hydrocortisone 1 1 1 1 20 mg
En pratique
Delta-1- 4 0,8 4 4 5 mg
corticoïdes Dès que la maladie causale est
Deltaméthylés 5 0,5 5 5 4 mg contrôlée, essayer de prescrire le
corticoïde en dose unique matinale,
Deltafluores- 5 0 5 5 4 mg
hydroxyles voire si possible en traitement alterné
avec doublement de la dose quotidienne
Dérivés 25 0 25-30 50 0,5-0,75 mg
halogènes- un jour et rien le lendemain.
méthylés Lorsque la posologie du traitement
corticoïde est supérieure à la dose
substitutive, il n’y a pas de risque
Tableau VIII. – Demi-vie biologique des glucocorticoïdes. d’insuffisance surrénale, sauf en cas
Glucocorticoïdes naturels (hydrocortisone) 8-12 heures action brève d’interruption brutale du traitement ou
en cas de stress majeur (pour des doses
Delta1-corticoïdes inférieures à 30 mg/j de prednisone).
(prednisone, prednisolone)
Lorsqu’on a pu réduire la dose de
Deltaméthylés
12-36 heures action intermédiaire corticoïdes jusqu’à l’équivalent d’une
(méthylprednisolone)
Deltafluores-hydroxyles
dose substitutive (5 mg de prednisone
(triamcilonone) par jour), le traitement est alors relayé
par 20 mg d’hydrocortisone en deux
Dérivés halogènes-méthyles
36-60 heures action longue prises par jour, matin et midi, puis en
(dexaméthasone, bethamétasone)
prise unique le matin avec une
réduction ultérieure à 10 mg.
– l’horaire d’administration : la prise d’une même la veille au matin. Un taux supérieur à 10 mg/100 mL Dès que le cortisol du matin est
dose de corticoïde aura moins d’effet freinateur le témoigne de la restauration de la fonction corticotrope
supérieur à 10 mg/100 mL,
matin que le soir où elle supprimera le pic d’activité de basale, mais ne permet pas de juger de la capacité de
l’axe corticotrope survenant en fin de nuit ; réponse de l’axe hypophysosurrénalien en situation de
l’hydrocortisone peut être interrompu
– la durée du traitement et la quantité de stress. Un taux inférieur à 10 mg/100 mL nécessite une mais devra être repris à doses
glucocorticoïdes administrée : pour les traitements substitution glucocorticoïde par l’hydrocortisone à 20-30 augmentées en cas de stress ou
limités à quelques jours, la récupération de la fonction mg/j ; cette évaluation se fait d’autre part par le test au d’infection intercurrente jusqu’à ce que
corticotrope est immédiate ou se fait en quelques jours. Synactènet immédiat, qui consiste à injecter par voie la réponse du cortisol après Synactènet
Par contre, les traitements prolongés pendant plusieurs intramusculaire une ampoule de tétracosactide avec soit supérieure à 20 mg/100 mL.
semaines, a fortiori plusieurs mois, entraînent une dosage du cortisol plasmatique 1 heure plus tard. Un
Rappelons enfin qu’il n’est ni efficace
freination marquée, avec des délais de récupération taux supérieur à 20 mg/100 mL témoigne de la
prolongés pouvant dépasser plusieurs mois. Il existe par récupération de l’axe corticotrope. En effet, après arrêt
ni logique de proposer des injections de
ailleurs une susceptibilité individuelle qui rend toute de la corticothérapie, la chronologie de récupération de Synactènet retard pour relancer
prévision de récupération non codifiable. l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien passe par la l’activité corticosurrénale, cette
L’évaluation biologique hormonale se fait d’une part réactivation de l’hypophyse avant celle de la prescription entravant au contraire, la
par le dosage du cortisol plasmatique entre 8 et 9 heures corticosurrénale. Ainsi, une réponse normale du test au récupération hypothalamohypophysaire.
du matin, avec une dernière prise hormonale si possible Synactènet témoigne d’une trophicité normale de la

7
3-0940 - Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments

‚ Héparine et fonction spironolactone...). Cet hyperaldostéronisme est lié à surrénalienne que testiculaire, d’où un risque potentiel
minéralocorticoïde [18, 19] une inhibition enzymatique réversible sur la chaîne d’insuffisance surrénale.
de biosynthèse des minéralocorticoïdes. Il interagit avec le fer de l’hème des enzymes
L’héparine standard et les héparines de bas utilisant le cytochrome P450, et ainsi inhibe de façon
poids moléculaire, utilisées à doses préventives, réversible bon nombre d’activités enzymatiques de la
peuvent induire des hypoaldostéronismes stéroïdogenèse, dont en particulier la 11β-hydroxylase
‚ Kétoconazole
asymptomatiques se traduisant par une et 17-20 lyase.
et fonction surrénale
hyperkaliémie avec ou sans hyponatrémie. Les Cet effet peut être utilisé en thérapeutique dans le
facteurs favorisants authentifiés sont l’âge élevé, le Le kétoconazole (Nizoralt) est un antimycosique traitement de certains hypercorticismes, d’hyperaldo-
diabète, l’insuffisance rénale et les traitements donné par voie orale qui, à doses élevées (> 400 mg/j), stéronismes ou même de corticosurrénalomes malins
associés (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, a un effet de blocage de la stéroïdogenèse tant secrétants [9].

Frédéric Bosquet : Praticien hospitalier.


Agnès Heurtier : Chef de clinique-assistant.
Flavie Tournant : Chef de clinique-assistant.
Service de diabétologie-métabolisme (Pr Thervet), groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Bosquet, A Heurtier et F Tournant. Effets endocriniens et métaboliques iatrogènes des médicaments.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0940, 1998, 8 p

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