curriculum
L’opération laparoscopique sur l’ovaire
Ursula Gobrecht, Franziska Maurer, Bernhard Fellmann
Frauenklinik, Bürgerspital Solothurn
Quintessence
P Même si l’on effectue un examen préopératoire minutieux, il subsiste
2% environ de risque résiduel d’aggraver la situation de la patiente par
rupture accidentelle de la masse ovarienne.
P Le risque principal consiste à rompre une masse maligne inattendue;
l’actuelle classification FIGO en tient compte: le stade Ia passe alors au
stade Ic.
P Le risque de pseudomyxome péritonéal ou de péritonite chimique est
à considérer comme très faible. Après la rupture accidentelle d’un kyste,
il est généralement recommandé d’effectuer un lavage abondant.
P La préparation de l’ovaire dans un sac (inside-bag-ovarian-surgery)
prévient le déversement du contenu kystique dans la cavité abdominale.
Un sac d’extraction pédiculé, introduit par colpotomie postérieure, per­
met d’atteindre le meilleur angle et de bénéficier d’une liberté de mouve­
ment absolue lors du travail avec les instruments. En parallèle, la col­
potomie postérieure présente également l’avantage de permettre d’exté­
rioriser des masses importantes; mentionnons encore son avantage
esthétique.
Introduction
Comparée à la laparotomie, la laparoscopie présente
les avantages suivants: intérêt esthétique, raccourcisse­
ment du temps de récupération et de la durée d’hos­
pitalisation. Elle entraîne ainsi moins de frais, moins de
douleurs et moins d’adhérences [1, 2].
En chirurgie ovarienne, le problème fondamental est la
faiblesse des facteurs prédictifs préopératoires relatifs
au degré de bénignité de la tumeur. Hormis les cas de
tératomes matures, qui contiennent parfois des parties
cartilagineuses ou osseuses, voire des dents, la tomo­
graphie computérisée, la tomographie par résonance
magnétique ou le marqueur tumoral CA 125 ne fournis­
sent que des données insuffisantes en raison de la faible
spécificité du diagnostic différentiel. Parmi les mé­
thodes d’examen par appareils d’imagerie, l’échogra­
phie est la méthode de première intention [3]. Elle per­
met de déterminer la taille, la morphologie et le
Ursula Gobrecht
caractère uniloculaire ou multiloculaire de la masse an­
nexielle, ainsi que la présence d’une ascite. Avec de
l’expérience, on peut ainsi atteindre une valeur prédic­
Les auteurs tive positive de 37 à 91%, une sensibilité de 70 à 100%
certifient et une spécificité de 52 à 91% [3]. Dans la chirurgie ova­
qu’aucun conflit rienne laparoscopique, le risque de rupture accidentelle
d’intérêt n’est lié
de tumeurs, et par conséquent de déversement du
à cet article.
contenu kystique dans la cavité abdominale est toujours
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article
à la page 132 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch.
présent. La situation de la patiente peut s’en trouver ag­
gravée: dissémination de cellules malignes s’il s’agit
d’un carcinome, péritonite chimique en cas de tératome
ou développement d’un pseudomyxome péritonéal lors
d’une tumeur mucineuse. Par crainte de ces complica­
tions, il arrive encore fréquemment que l’on donne la
préférence à la laparotomie plutôt qu’à la laparoscopie,
et à l’annexectomie plutôt qu’à une opération conserva­
trice d’organes, malgré le fait que l’opération conserva­
trice de l’ovaire permette, dans le cas particulier de la
patiente en préménopause, de conserver la fertilité et la
fonction endocrine ovarienne [3].
Dans cet article, nous allons décrire une technique
simple (inside-bag-ovarian-surgery) permettant de
diminuer le risque de dissémination péritonéale de
contenu ovarien en cours de laparoscopie.
Evaluation du risque
Quelle est la fréquence de déversement accidentel d’un
contenu kystique dans la cavité abdominale lors d’une
chirurgie ovarienne laparoscopique? Combien de fois
se trouve­t­on en présence d’une tumeur maligne in­
attendue, combien de fois le pronostic s’assombrit­il,
lorsque l’on provoque la rupture de cette tumeur
maligne? La crainte d’une péritonite chimique ou d’un
pseudomyxome péritonéal se justifie­t­elle? Et quel est
le degré d’utilité d’un lavage abondant? Dans cet
article, nous allons examiner ces questions.
Déversement accidentel du contenu kystique
dans la cavité abdominale
La dissémination du contenu kystique dans la cavité
abdominale est appelée spillage en langue anglaise. Le
spillage ne correspond pas à une définition univoque.
Certains auteurs utilisent ce terme déjà dans le cas
d’une ponction, d’autres l’utilisent pour un épandage
de liquide, visible, dans la cavité abdominale. La fré­
quence des ruptures par inadvertance dépend de la
technique utilisée, de l’opérateur et de la tumeur elle­
même. Ainsi ne faut­il guère s’étonner de voir une
revue de 14 études, portant sur un total de 470 opéra­
tions ovariennes conservatrices de l’organe, mentionner
un taux de spillage situé entre 0 et 100% avec une
moyenne de 66% [4].
Tumeurs malignes
Le risque de rencontrer un processus malin dans une
tumeur annexielle s’accroît avec l’âge. Depuis les pre­
mières règles à la ménopause, le risque se situe entre 6
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Tableau 1. Classification FIGO des cancers de l’ovaire.
Stade Définition
Ia Tumeur limitée à un seul ovaire avec capsule intacte
Ib Tumeur des deux ovaires, capsules intactes
Ic Rupture capsulaire (spontanée ou iatrogène), tumeur à la surface ovarienne,
ou cellules malignes dans le liquide d’ascite ou de lavage péritonéal
IIa Extension à l’utérus et/ou aux trompes
IIb Extension aux autres organes pelviens
IIc Extension pelvienne avec cellules malignes dans le liquide d’ascite
ou de lavage péritonéal
IIIa Métastases péritonéales extrapelviennes microscopiques
IIIb Métastases péritonéales extrapelviennes macroscopiques <2 cm
IIIc Métastases macroscopiques >2 cm et/ou adénopathies métastatiques
des ganglions lymphatiques
IV Métastases à distance, métastases hépatiques, épanchement pleural
avec cytologie positive
et 11%. Chez la femme ménopausée, le risque atteint
entre 29 et 35% [5]. Dans l’ensemble, le risque de ren­
contrer une tumeur maligne inattendue après un exa­
men préopératoire minutieux est cependant faible (2%)
[6]. Il faut tenir compte également du fait que certains
opérateurs effectuent des laparoscopies indépendam­
ment du résultat échographique et du test au CA 125
[7]. Dans le cas de carcinomes ovariens de stade I, plu­
sieurs essais ont pu montrer que lors d’une rupture
spontanée du kyste avant l’opération, la situation s’ag­
grave [8–10]. Dans certaines études plus anciennes,
seules les analyses univariées [10, 11] mentionnaient
une aggravation significative de la situation par rupture
de la tumeur durant l’opération. En 2001, Vergote et al.
[12] ont pu prouver que la rupture ovarienne durant
une opération représentait un facteur indépendant de
la survie sans récidive. Leur étude rétrospective mul­
ticentrique comprenait 1545 patientes atteintes d’un
carcinome ovarien au stade I. Les détracteurs de cette
étude soutiennent qu’aucun lavage de routine n’a eu
lieu après la rupture des kystes et qu’il n’y était fait
mention d’aucune distinction entre ponction et rupture
kystique. Il n’en reste pas moins que l’étude vient ap­
puyer l’actuelle classification FIGO, dans laquelle la
rupture fait passer une tumeur du stade Ia au stade Ic
(tab. 1 p).
Pseudomyxome péritonéal
Le pseudomyxome péritonéal est une maladie rare sur­
venant après rupture spontanée ou iatrogène de tu­
meurs mucineuses. Son incidence est estimée entre 0,1
et 0,2/100 000 par an [13]. 75% des femmes sont alors
dans la cinquantaine [14]. Il s’agit d’une tumeur dite à
faible potentiel de malignité donnant lieu à un pronos­
tic plutôt sombre, mais sa progression est très lente.
Souvent, la tumeur mucineuse se manifeste simultané­
ment dans l’appendice et les ovaires [15]. Dans 80% des
cas, le pseudomyxome péritonéal se développe pri­
mairement dans l’appendice et secondairement dans
l’ovaire [16–18]. L’étiologie des cas d’atteinte primaire
ovarienne ne s’explique pas encore complètement: la
littérature décrit certains cas dans lesquels le pseudo­
curriculum
myxome péritonéal est issu de tératomes kystiques
matures [19], de tumeurs ovariennes mucineuses [20]
ou de tumeurs mucineuses à la limite de la malignité
[21]. Il existe également des cas cités de pseudo­
myxome péritonéal dans le cadre de tumeurs rénales
primaires [22], de tumeurs de l’ouraque [23] et de
tumeurs du colon [24].
Tératomes et péritonite chimique
Les tératomes sont des tumeurs formées par des cellules
germinales. On les divise en tératomes kystiques ma­
tures (kyste dermoïde), généralement bénins et en téra­
tomes immatures, de nature presque toujours maligne.
Les tératomes immatures apparaissent généralement
dans les deux premières décennies de vie [25]. L’inci­
dence de la transformation maligne des tératomes kys­
tiques matures se situe entre 1 et 3% [4]. Les tumeurs
sont détectées en moyenne à l’âge de 55 ans [26].
Les tératomes kystiques matures représentent une part
de 20 à 25% des tumeurs ovariennes, et dans 10 à 15%
des cas ils sont bilatéraux [27]. Divers cas sont cités de
péritonites chimiques faisant suite à l’ablation de té­
ratomes par chirurgie laparoscopique [28, 29]; toute­
fois, ce risque est minime (0,2%) [4]. En outre, le trans­
port de masses sébacées dans la cavité abdominale
peut également provoquer des adhérences, avec leur
suite de complications comme l’altération de la fertilité
[30].
Lavage péritonéal
Après un spillage, la plupart des auteurs recomman­
dent un lavage péritonéal abondant. A notre connais­
sance, les avantages du lavage n’ont fait l’objet d’au­
cune étude jusqu’à présent. Le lavage apporte une
diminution de la concentration de matériel potentielle­
ment nocif dans la cavité abdominale. La quantité de
matériel résiduel dépend de la quantité du matériel kys­
tique déversé initialement et de celle de liquide utilisée
pour le rinçage (effet de dilution).
La technique «inside-bag-ovarian-surgery»
Dans la suite, nous allons décrire la technique de pré­
paration d’une masse ovarienne dans un sac. Nous uti­
lisons un extracteur vaginal de la maison Karl Storz. Il
s’agit d’un trocart muni d’une sphère à son extrémité.
L’extracteur est introduit per vaginam et placé dans le
cul­de­sac vaginal postérieur (fig. 1A x). La pression
exercée tend le vagin par­dessus la sphère. Ensuite, on
procède à la colpotomie transversale sous endoscopie
dans le cul­de­sac de Douglas, moyennant un courant
monopolaire récupéré par la sphère. La sphère assure
l’étanchéité du pneumopéritoine. L’ovaire atteint est
placé et préparé dans un sac pédiculé introduit via l’ex­
tracteur (fig. 1B x). L’angle de travail est optimal et
permet de manipuler les instruments en toute liberté.
Une fois la préparation terminée, la masse est enfermée
dans le sac d’extraction et extériorisée (fig. 1C x); l’in­
cision vaginale est refermée en appliquant une tech­
nique de suture laparoscopique (suture en Z nouée de
façon extra­corporelle) (fig. 1D x). Comme l’ovaire pré­
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A B
C D
Figure 1
Patiente de 20 ans présentant une stérilité primaire et une suspicion de tératome de l’ovaire droit confirmée par l’histologie (tératome kystique mature).
A: le cul-de-sac vaginal postérieur est tendu par la sphère de l’extracteur vaginal.
B: chirurgie conservatrice de l’ovaire dans le sac d’extraction.
C: évacuation dans le sac d’extraction fermé.
D: suture du vagin et de l’ovaire.
sente en général une plaie très étendue, les bords de
cette dernière sont adaptés pour contrôler l’hémostase
et prévenir les adhérences. L’opération se termine par
un lavage péritonéal abondant afin d’éliminer les cel­
Figure 2
Patiente nulligeste de 27 ans présentant une suspicion de torsion de tératome kystique
à droite. L’histologie a confirmé le tératome, mais la laparoscopie n’a mis en évidence
aucune torsion. La figure montre la masse kystique recueillie dans le sac d’extraction.
curriculum
lules éventuelles transportées dans la cavité abdomi­
nale par les instruments.
Discussion et perspectives
La rupture accidentelle d’une masse tumorale ou
pathologique représente le risque essentiel de la
chirurgie ovarienne. Cet accident peut entraîner des
complications comme la dissémination de cellules
tumorales avec risque de carcinose péritonéale, la pé­
ritonite chimique après rupture d’un tératome ou le
pseudomyxome péritonéal après rupture d’une tumeur
mucineuse. On a rapporté différents cas de propaga­
tion rapide des tumeurs après ouverture intraopéra­
toire de tératomes matures ayant évolué vers la ma­
lignité [31–33].
En général, lors d’une laparoscopie, on recommande
d’enfermer les tumeurs dans le sac d’extraction avant
de les extérioriser [3]. L’utilisation d’écarteurs spéciaux
[34] et de sacs d’extraction disposant d’un comparti­
ment de travail et d’un compartiment de stockage per­
met d’éviter l’agrandissement de l’incision abdominale.
Pour des raisons esthétiques, nous extériorisons les
tumeurs par colpotomie postérieure.
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Dans la technique décrite ici, le sac sert non seulement
à évacuer la tumeur mais aussi à isoler toute la prépa­
ration. La colpotomie postérieure offre un angle de tra­
vail idéal au placement du sac d’extraction pédiculé,
sans pour autant bloquer les instruments de travail in­
troduits par la paroi abdominale. Le risque de spillage
pendant la préparation est ainsi évité.
La préparation opératoire dans le sac selon la tech­
nique «inside-bag-ovarian-surgery» est simple à réa­
liser. Il faut positionner l’utérus en antéversion maxi­
male, par ex. au moyen d’un manipulateur utérin, pour
dégager un espace dans le Douglas. Les inflammations
du bassin ou l’endométriose peuvent restreindre l’ap­
plication de la colpotomie, surtout en cas d’oblitération
du Douglas et de modification de l’anatomie pelvienne.
La taille du sac d’extraction et celle de la colpotomie
doivent correspondre au volume de la masse ova­
rienne. Lorsque les masses kystiques sont importantes,
on peut les ponctionner avant de les extraire; cette
ponction peut s’accomplir en cours d’extériorisation,
dans le sac d’extraction fermé, ou avant la préparation,
dans le sac d’extraction ouvert (fig. 2 x).
De nombreux gynécologues ont une opinion défavo­
rable de la colpotomie postérieure. A nos yeux, ce point
de vue n’est pas justifié: dans un passage en revue sur
la littérature saisissant 501 opérations, Ghezzi et al.
n’ont relevé qu’une seule complication, ce qui corres­
pond à un taux de complications de 0,2%, et leur propre
étude incluant 63 cas n’a recensé aucune complication
sérieuse [35]. Suture comprise, la colpotomie ne dure
que 15 minutes en moyenne. En lieu et place de la su­
ture vaginale que nous avons présentée, nous recou­
curriculum
rons plus volontiers à la suture laparoscopique car elle
offre une meilleure vue d’ensemble.
La colpotomie avec préparation des masses ovariennes
dans le sac représente une technique laparoscopique de
résection de kystes ovariens et de tumeurs à la fois
simple, sûre et rapide, applicable même à des tumeurs
solides ou de taille importante. A notre avis, la tech­
nique «inside-bag-ovarian-surgery» est toujours indi­
quée en présence de masses annexielles suspectes,
aussi longtemps qu’il n’y a pas oblitération du Douglas.
Remerciements
Nous tenons à remercier le PD Dr A. Günthert, Clinique et polyclinique
de gynécologie­obstétrique de l’Hôpital de l’Ile à Berne, pour la relecture
critique du manuscrit.
Correspondance:
Dr Ursula Gobrecht
Sandgrubenstrasse 63
CH-4058 Basel
ursula_gobrecht@hotmail.com
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Vous trouverez la liste complète et numérotée des références dans la
version en ligne de cet article sous www.medicalforum.ch.
Forum Med Suisse 2011;11(8):136–139 139
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Die laparoskopische Operation am Ovar /

L'opération laparoscopique sur l'ovaire

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