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Tumeurs urotheliales de la vessie


et de la voie excrétrice supérieure
M. Rouprêt, C. Billault

Les tumeurs urothéliales sont des tumeurs fréquentes notamment dans la vessie. Le carcinome urothélial
est la plus fréquente des tumeurs vésicales. Les tumeurs de la vessie sont caractérisées principalement
par leur caractère récidivant et par un risque de progression en stade (infiltration des tissus) et en grade
(différenciation histologique) pour les patients concernés : 70 % des tumeurs non infiltrantes récidivent et
10 à 20 % progressent vers un stade invasif. Elles concernent principalement les hommes et le tabac est
leur principal facteur de risque. L’hématurie macroscopique, parfois les troubles irritatifs du bas appareil,
est la symptomatologie la plus fréquente. Le diagnostic repose sur des examens d’imagerie (échographie
et uroscanner, si l’échographie est non contributive sur la vessie ou pour vérifier l’absence d’extension au
haut appareil urinaire) et sur la résection de la tumeur à visée anatomopathologique. La résection endo-
scopique est le traitement initial de toutes les tumeurs vésicales. Le traitement complémentaire dépend
du grade et du stade. La cytologie urinaire est utile pour les tumeurs de haut grade, moins performantes
pour les tumeurs de bas grade. Le traitement des tumeurs n’infiltrant pas le muscle est effectué par la
résection endoscopique, associée éventuellement à des instillations intravésicales adjuvantes en fonction
du risque de récidive. Le traitement de référence des tumeurs de vessie infiltrantes est la cystectomie totale.
La chimiothérapie et la radiothérapie sont les modalités de traitement des tumeurs métastasiques. Les
tumeurs de la voie excrétrice supérieure sont plus rares que les formes vésicales. La néphro-urétérectomie
totale est le traitement de référence de ces lésions.
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Mots-clés : Cystectomie ; Hématurie ; Radiochimiothérapie ; Résection endoscopique ; Tumeurs urothéliales ;


Récidive ; Progression

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Les tumeurs urothéliales sont fréquentes dans la population
■ Épidémiologie 1 française. Le cancer de vessie est le cinquième cancer par ordre

de fréquence, et est à l’origine de 3 % des décès par cancers.
Anatomopathologie 2
Les tumeurs urothéliales représentent une entité nosologique aux
Généralités 2
formes et aux pronostics divers : tumeurs de vessie n’infiltrant pas
Grade tumoral 2
le muscle (TVNIM) ou infiltrantes (TVIM), tumeurs vésicales ou du
Stade tumoral 2
haut appareil urinaire. Ces tumeurs ont un fort potentiel de réci-
Carcinome in situ 2
dive et de progression vers une forme plus grave, ce qui nécessite
Risque de progression 2
une surveillance étroite et prolongée des patients.
■ Présentation clinique 3
■ Examens paracliniques 3
Diagnostic
Bilan d’extension
3
3
 Épidémiologie
■ Stratégie thérapeutique 4 Les tumeurs urothéliales sont un problème de santé publique
Tumeurs de la vessie 4 important. Lorsque l’on s’intéresse aux tumeurs vésicales, on
Tumeurs de la voie excrétrice supérieure 5 observe à l’échelle mondiale une incidence de l’ordre de 3,3 %,
■ Conclusion 6 soit un peu moins de 340 000 nouveaux cas par an. L’incidence
est stable en France, de l’ordre de 10 000 nouveaux cas par an.

EMC - Traité de Médecine Akos 1


Volume 9 > n◦ 4 > octobre 2014
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http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(14)65935-4
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5-0610  Tumeurs urotheliales de la vessie et de la voie excrétrice supérieure

La prévalence des cancers de vessie est de l’ordre de 4,5 % et la Tableau 1.


mortalité liée à ceux-ci, tous sexes confondus, de l’ordre de 2,1 %. Classification TNM 2010 des tumeurs de vessie.
Les tumeurs urothéliales sont plus fréquentes chez l’homme (qua- T
trième cancer le plus fréquent) que chez la femme (septième
Tx : tumeur primitive non évaluable
cancer le plus fréquent). On estime que 75 % des décès liés aux
T0 : tumeur primitive non retrouvée
cancers de la vessie concernent les hommes. Il s’agit de tumeurs
Ta : carcinome papillaire non invasif
apparaissant principalement dans la seconde moitié de la vie, Tis : carcinome in situ « plan »
après 60 ans. T1 : tumeur envahissant le chorion
De nombreux facteurs de risque de tumeurs urothéliales ont T2 : tumeur envahissant la musculeuse
été décrits. Le plus important reste l’intoxication tabagique, où – pT2a : tumeur envahissant le muscle superficiel (moitié interne)
l’importance de la consommation ainsi que son ancienneté jouent – pT2b : tumeur envahissant le muscle profond (moitié externe)
toutes les deux un rôle essentiel. Il existe aussi des facteurs T3 : tumeur envahissant le tissu périvésical
toxiques professionnels (industries du caoutchouc, du plastique, – pT3a : envahissement microscopique
des peintures et colorants) responsables du développement de – pT3b : envahissement extravésical macroscopique
tumeurs vésicales, qui peuvent alors être prises en charge en tant T4 : tumeur envahissant une structure périvésicale
que maladie professionnelle. Ces tumeurs d’origine profession- – T4a : prostate, vagin ou utérus
nelle correspondent à 5 à 10 % des nouveaux cas de tumeur de la – T4b : paroi pelvienne ou abdominale
vessie décelés chaque année, et sont largement sous-déclarés. Les N
données actuelles de la littérature ne permettent pas de retrouver Nx : ganglions non évaluables
de façon nette de relation entre alimentation et développement N0 : absence de métastase ganglionnaire régionale
d’une tumeur urothéliale. N1 : métastase ganglionnaire unique ≤ 2 cm
Les autres facteurs principaux favorisant l’apparition N2 : métastase ganglionnaire unique > 2 cm et ≤ 5 cm ou métastases
de tumeurs de vessie sont à rapprocher de phénomènes ganglionnaires multiples ≤ 5 cm
d’inflammation chronique de la vessie. Ces facteurs sont N3 : métastase(s) ganglionnaire(s) > 5 cm
souvent en rapport avec des types histologiques de tumeurs M
différents. Le plus fréquemment décrit est la bilharziose urinaire
Mx : métastases non évaluables
(infection à Schistosoma haematobium), qui est identifié dans plus M0 : absence de métastase à distance
de 80 % des carcinomes à cellules squameuses. Il s’agit quasi M1 : métastase(s) à distance
exclusivement d’une pathologie d’origine africaine. Les autres
facteurs d’irritation vésicale chronique retrouvés sont le port
d’une sonde vésicale à demeure (patients neurologiques), les Stade tumoral (Tableau 1)
lithiases intravésicales et les infections chroniques.
Lors du diagnostic initial, la majorité des tumeurs vésicales La paroi de la vessie est composée de plusieurs couches :
n’infiltrent pas le muscle et sont des TVNIM (de l’ordre de 75 la muqueuse, composée par l’urothélium, qui repose sur une
à 80 %), 20 à 25 % sont infiltrantes d’emblée et moins de 10 % sous-muqueuse souvent appelée chorion ; et deux couches mus-
sont métastatiques lors du diagnostic initial. Le potentiel élevé de culeuses puis une couche séreuse. Autour de celles-ci se trouve
récidive et de progression des TVNIM se traduit par un taux de la graisse périvésicale. La profondeur d’envahissement de la
récidive de l’ordre de 60 à 70 %, avec 10 à 20 % de progression tumeur définit son stade dans la classification TNM 2002 de
vers le stade de TVIM. l’Union internationale contre le cancer. Les tumeurs Ta et T1 (qui
envahissent le chorion) sont des TVNIM. Les lésions T2 qui enva-
hissent la musculeuse (T2a et T2b en fonction de la profondeur
d’envahissement), les lésions T3 qui envahissent le tissu périvési-
 Anatomopathologie cal de façon micro- (T3a) ou macroscopique (T3b), et les lésions T4
correspondant à l’envahissement de structures périvésicales loca-
Généralités lement (T4a) ou à distance (T4b) sont des TVIM.
La dissémination ganglionnaire se fait au niveau des ganglions
Il existe plusieurs types histologiques de tumeurs vésicales. obturateurs, puis iliaques externes, puis lomboaortiques. Plus de
En dehors de l’hyperplasie urothéliale, lésion bénigne qui cor- 50 % des lésions classées T3 ou plus présentent des métastases
respond à l’augmentation du nombre de couches cellulaires de ganglionnaires associées. Le stade N1 correspond à une métastase
l’urothélium, on décrit des métaplasies épidermoïdes ou glan- ganglionnaire unique de moins de 2 cm, le stade N2 à une méta-
dulaires, qui sont des lésions précancéreuses, et les tumeurs stase ganglionnaire unique de taille comprise entre 2 et 5 cm ou
vésicales à proprement parler. Plus de 90 % des tumeurs vési- de métastases ganglionnaires multiples de moins de 5 cm, et le
cales sont des tumeurs urothéliales. Les autres types histologiques stade N3 à des métastases ganglionnaires unique ou multiples de
rencontrés sont le carcinome épidermoïde ou carcinome à cel- plus de 5 cm.
lules squameuses, souvent secondaire à une bilharziose urinaire, En cas de métastases extraganglionnaires à distance, il s’agit
l’adénocarcinome, ou les tumeurs non épithéliales type sarcome. d’un stade M1. Les deux premières localisations des métastases
viscérales des tumeurs urothéliales sont le foie et le poumon.

Grade tumoral Carcinome in situ


Le grade tumoral correspond au degré de différenciation des Le carcinome in situ (Cis) correspond à un carcinome urothé-
cellules et traduit le potentiel agressif d’une tumeur. La classifica- lial de faible différenciation, localisé à l’urothélium. Il s’agit d’une
tion auparavant la plus utilisée était la classification de Mostofi TVNIM qui a la particularité d’être une lésion plane, parfois dif-
(Organisation mondiale de la santé [OMS], 1973) qui décrivait ficile à détecter à l’œil nu. La présence de Cis est un facteur de
des tumeurs de grades 1, 2 et 3 selon le degré plus ou moins faible gravité propre aux tumeurs vésicales et le Cis est fréquemment
de différenciation (le grade 3 correspondant aux cellules peu ou associé à des lésions de haut grade.
pas différenciées). Cette classification a maintenant été rempla-
cée par la classification OMS 2004. La correspondance entre les
deux classifications n’est pas parfaite ; cependant, on peut retenir Risque de progression
que l’ancien grade 1 correspond aux nouveaux carcinomes de bas
grade, l’ancien grade 3 aux carcinomes de haut grade, tandis que L’association du grade et du stade tumoral permet de définir
la séparation de l’ancien grade 2 en carcinomes de bas ou de haut plusieurs groupes de tumeur en fonction de leur risque de pro-
grade est plus difficile. Il existe une corrélation entre grade et stade gression. Ce risque de progression est un facteur crucial dans le
tumoral. choix de la thérapeutique et de la surveillance des tumeurs.

2 EMC - Traité de Médecine Akos

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Tumeurs urotheliales de la vessie et de la voie excrétrice supérieure  5-0610

“ Point fort
Catégories des tumeurs de la vessie en fonction de
leur risque de récidive et de progression
• Faible risque : Ta, unique, bas grade, de moins de 3 cm,
sans récidive
• Risque intermédiaire : Ta bas grade multifocale ou réci-
divante, lésion T1 bas grade
• Haut risque : lésion Ta haut grade, T1 haut grade ou
récidivant, présence de Cis

 Présentation clinique
L’hématurie macroscopique est le mode de révélation le plus
fréquent des tumeurs urothéliales. Cette hématurie peut être
abondante, responsable de caillots pouvant entraîner une réten-
tion aiguë d’urine. Il est indispensable de rechercher une tumeur
urothéliale devant tout épisode d’hématurie macroscopique,
même en présence de facteurs pouvant favoriser celle-ci, comme
la prise d’anticoagulants.
Les tumeurs vésicales peuvent également se révéler par des Figure 1. Visualisation endoscopique d’une tumeur de la vessie au cours
troubles irritatifs du bas appareil à type de douleurs vésicales, d’une résection trans-urétrale.
impériosités, pollakiurie ; l’examen cytobactériologique des urines
(ECBU) retrouvent des urines stériles.
En cas de tumeurs plus évoluées, la symptomatologie ressen-
tie par le patient peut être en rapport avec des complications de La cytologie urinaire est un examen de très bonne sensibilité
la tumeur : douleurs lombaires, voire pyélonéphrite en rapport pour les tumeurs de haut grade, mais qui est en revanche moins
avec une obstruction urétrale sur son trajet ou au méat, douleurs performant pour les tumeurs de bas grade. Elle nécessite d’être
osseuses en rapport avec une métastase. réalisée par des cytologistes entraînés à sa lecture car il existe de
Le diagnostic de tumeur urothéliale peut aussi être évoqué nombreuses sources de faux positifs. Elle peut être couplée à cer-
à la suite d’examens complémentaires demandés dans le cadre taines recherches de marqueurs tumoraux afin d’en améliorer la
d’autres pathologies, sans que la tumeur ait jusqu’alors manifesté sensibilité.
sa présence. Ainsi, on peut découvrir une image de polype intra- La recherche systématique de marqueurs tumoraux n’a à l’heure
vésical ou une dilatation des cavités pyélocalicielles lors d’une actuelle pas de place dans le bilan diagnostique d’une tumeur
échographie vésicorénale ou une insuffisance rénale, en rapport urothéliale. Il n’y a pas non plus d’indication actuellement pour
avec une obstruction urétérale, sur un ionogramme sanguin. un dépistage de masse, les tumeurs asymptomatiques étant très
L’examen clinique est souvent pauvre dans le cadre des tumeurs rares.
peu avancées. Il est possible de palper une masse vésicale lors L’endoscopie (fibroscopie souple) réalisée en consultation per-
de la palpation abdominale vessie vide, ou de sentir une infil- met de visualiser la ou les lésions intravésicales. Elle permet de
tration des tissus contigus à la vessie aux touchers pelviens, dans confirmer l’indication de résection endoscopique de cette lésion
le cadre des tumeurs avancées. Lorsqu’elles deviennent percep- qui seule permet d’obtenir une évaluation anatomopathologique.
tibles à l’examen clinique, les tumeurs vésicales sont souvent déjà En cas de confirmation par l’imagerie de la présence d’une lésion
au-delà des ressources thérapeutiques curatives. vésicale, l’endoscopie n’est pas obligatoire avant la résection
L’examen clinique est le plus souvent normal en cas de tumeur (Fig. 1).
du haut appareil urinaire.

Bilan d’extension
 Examens paracliniques Une fois établi le diagnostic de tumeur intravésicale, il est pri-
mordial, si cela n’a pas déjà été fait, de réaliser une imagerie
On peut distinguer deux catégories d’examens du haut appareil urinaire par un uroscanner. En effet, compte
complémentaires : à visée diagnostique, puis dans un second tenu du potentiel de multifocalité des tumeurs urothéliales, il
temps à visée de bilan d’extension de la tumeur. faut s’assurer de l’intégrité de la voie excrétrice supérieure, la
prise en charge thérapeutique étant différente en cas d’atteinte de
celle-ci.
Dans un second temps, et si l’examen anatomopathologique
Diagnostic d’un polype réséqué retrouve une tumeur infiltrante, il faut
Le bilan initial lorsque l’on suspecte une tumeur urothéliale demander par ailleurs une scanner abdominopelvien injecté afin
repose sur la réalisation d’un ECBU afin d’éliminer une cause de préciser l’extension extravésicale de la tumeur et l’existence
infectieuse pouvant expliquer la symptomatologie, d’une écho- d’éventuelles métastases ganglionnaires ou viscérales. Une scinti-
graphie, complétée d’un uroscanner si l’échographie se révèle graphie osseuse sera demandée seulement en cas de suspicion de
non contributive, et d’une endoscopie en consultation qui va métastase osseuse. La place de l’imagerie par résonance magné-
permettre de visualiser une lésion intravésicale. tique est surtout dans l’exploration locorégionale de la cavité
La sensibilité de l’échographie varie de 61 à 84 % pour les pelvienne, principalement pour les tumeurs de stade supérieur
tumeurs de plus de 5 mm. Une échographie normale ne permet à T3.
pas de se passer de la cystoscopie. L’uroscanner est le meilleur exa- Il n’y a pas à ce jour de place pour la réalisation systématique
men pour l’étude de la voie excrétrice supérieure, des reins et de d’une tomographie par émission de positons-scan au 18-FDG (18-
la vessie. fluorodésoxyglucose).

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Résection - IPOP première

Faible risque de progression Haut risque de progression Risque intermédiaire de progression

Surveillance simple 2e RTUV si : Mitomycine C


endoscopique à 3, 6, 12 mois - 1re RTUV macroscopiquement +
puis 1/an pendant 15 ans incomplète surveillance cytologique et
- muscle non identifié endoscopique à 3, 6, 12 mois
- lésions multifocales, au dôme, puis 1/an pendant 15 ans
à la face antérieure de la vessie
- lésion de haut grade et/ou Cis

BCG
+
surveillance cytologique et
endoscopique tous les 3 mois la
première année, tous les 6 mois
la 2e année, puis 1/an pendant
15 ans au moins
+
uro-TDM tous les 2 ans

Progression ou persistance
à 6 mois
Exérèse radicale

Figure 2. Arbre décisionnel. Prise en charge des tumeurs de la vessie n’infiltrant pas le muscle. IPOP : instillation postopératoire précoce ; RTUV : résection
endoscopique de vessie ; BCG : bacille de Calmette et Guérin ; TDM : tomodensitométrie.

 Stratégie thérapeutique raison d’une instillation mensuelle pendant 12 mois maximum.


L’immunothérapie par le bacille de Calmette et Guérin (BCG)
Tumeurs de la vessie peut être discutée, bien que dans ce groupe de tumeur le BCG
n’ait pas fait la preuve de sa supériorité par rapport à la mitomy-
La première étape de tout traitement est la résection par voie cine C. La surveillance repose sur la réalisation d’une cytologie
endoscopique, afin de pouvoir réaliser un examen anatomopa- urinaire et d’une endoscopie à trois mois, six mois, un an puis
thologique des copeaux de résection, qui renseignera sur la nature tous les ans pendant 15 ans au moins ;
histologique de la lésion, son grade et son stade d’invasion. Cette • tumeur à haut risque : le traitement repose sur
dernière notion est particulièrement importante car il peut être l’immunothérapie intravésicale par instillations de BCG.
nécessaire de procéder à une seconde résection si le muscle vési- En cas de résection incomplète macroscopiquement, si le
cal n’a pas pu être visualisé sur les premiers copeaux de résection ; muscle n’a pas été identifié lors de l’examen anatomopatho-
en effet, l’infiltration du muscle (tumeur de stade supérieur à T2) logique initial, si les lésions étaient multifocales, situées au
est une indication à un traitement agressif d’emblée, alors que dôme ou à la face antérieure de la vessie, ou en cas de lésion de
les tumeurs purement superficielles peuvent selon les cas être sur- haut grade et/ou de la présence de Cis, une deuxième résection
veillées et traitées par résections itératives [1] . (second look) s’impose avant de débuter le traitement par BCG,
Un ECBU est nécessaire afin de s’assurer de la stérilité des urines, afin de ne pas sous-évaluer et par conséquent sous-traiter une
ou permettre le traitement d’une éventuelle infection, avant tout tumeur plus évoluée. L’immunothérapie est débutée quatre à
geste endoscopique. six semaines après le dernier geste endoscopique et repose sur
six instillations à une semaine d’intervalle, poursuivi par un
traitement d’entretien mensuel si les instillations initiales ont
Tumeurs vésicales n’infiltrant pas le muscle [1, 2] été bien supportées. Il peut y avoir des réactions plus ou moins
(Fig. 2) importantes aux instillations de BCG, allant de la simple gêne
Outre la suppression des facteurs de risque (arrêt du tabac, à une BCGite généralisée pouvant nécessiter l’hospitalisation
reclassement professionnel, etc.), le traitement des TVNIM et l’arrêt du traitement.
commence par la résection endoscopique, accompagnée d’une La surveillance dans le cadre des tumeurs à haut risque de pro-
instillation postopératoire précoce (IPOP) de mitomycine C réa- gression repose sur la cytologie urinaire et l’endoscopie tous les
lisée dans les 24 heures suivant la résection ; celle-ci permet de trois mois la première année, tous les six mois la deuxième année,
diminuer le risque de récidive précoce. La suite de la prise en puis une fois par an pendant 15 ans au moins, avec réalisation
charge dépend alors du risque de progression de la tumeur : d’un imagerie de la voie excrétrice supérieure (uroscanner) tous les
• tumeur à faible risque : aucun traitement complémentaire n’est deux ans ou plus fréquemment en cas d’hématurie inexpliquée.
indiqué. La surveillance repose sur une endoscopie à trois mois, En cas de lésions optiquement douteuses lors de l’endoscopie
six mois, un an, puis une fois par an pendant au moins 15 ans ; réalisée en consultation, il peut être intéressant de réaliser une
• tumeur à risque intermédiaire : une chimiothérapie intra- résection endoscopique potentialisée par fluorescence, après ins-
vésicale par instillations de mitomycine C à raison d’une tillation intravésicale avant le geste opératoire de molécules
instillation par semaine pendant six à huit semaines, éven- permettant de visualiser préférentiellement les lésions tumorales
tuellement en complétant par un traitement d’entretien à par rapport à de simples lésions inflammatoires ou cicatricielles.

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En cas de progression ou de persistance d’une TVNIM après six Tableau 2.


mois, on se trouve dans le cas d’un échec du traitement par BCG. Classification TNM 2010 des tumeurs de la voie excrétrice urinaire
Il y a alors indication à un traitement radical par cystectomie ou supérieure.
chimiothérapie intravésicale de sauvetage. T
Tx : tumeur primitive non évaluable
Tumeurs de vessie infiltrant le muscle [1, 3] T0 : tumeur primitive non retrouvée
Le traitement de référence dans le cadre des tumeurs infil- Ta : carcinome papillaire non invasif
trantes de vessie est la cystectomie totale : cystoprostatectomie Tis : carcinome in situ
chez l’homme et pelvectomie antérieure chez la femme. Chez T1 : tumeur envahissant le chorion
T2 : tumeur envahissant la musculeuse
l’homme, on réalise une reconstruction par entéroplastie, sauf
T3 : bassinet et calices : tumeur dépassant la musculeuse envahissant la
en cas d’envahissement urétral à l’examen extemporané per-
graisse péripyélique ou le parenchyme rénal ; uretère : tumeur dépassant
opératoire, ou si les conditions anatomiques, ou l’état du
la musculeuse et envahissant la graisse péri-urétérale
patient s’y opposent. Chez la femme, on réalise beaucoup T4 : tumeur envahissant les organes de voisinage ou la graisse périrénale
plus fréquemment des dérivations cutanées continentes ou à travers le rein
non (de type Bricker) ; l’entéroplastie orthotopique ne peut
N
être proposée que si la tumeur n’envahit pas le col vési-
cal et que la recoupe urétrale est indemne lors de l’examen Nx : ganglions non évaluables
extemporané. N0 : absence de métastase ganglionnaire régionale
N1 : métastase ganglionnaire unique ≤ 2 cm
Tumeurs T2 sans atteinte ganglionnaire ou métastatique N2 : métastase ganglionnaire unique > 2 cm et ≤ 5 cm ou métastases
Dans le cadre des tumeurs T2 sans atteinte ganglionnaire ou ganglionnaires multiples ≤ 5 cm
métastatique, il n’y a pas de place pour un traitement adjuvant par N3 : métastase(s) ganglionnaire(s) > 5 cm
radio- ou chimiothérapie. La radiochimiothérapie concomitante M
peut en revanche être proposée en alternative à la cystectomie Mx : métastases non évaluables
en cas de refus du patient, à condition que la résection initiale M0 : absence de métastase à distance
ait été complète, que la lésion soit unique et de taille inférieure à M1 : métastase(s) à distance
3 cm, touche une vessie fonctionnelle, sans retentissement sur le
haut appareil, et sans Cis. Le patient doit être informé du risque
de cystectomie de rattrapage, et de la difficulté de celle-ci, en cas
d’échec de la radiochimiothérapie. Il y a de même peu de place unique, il est possible de proposer des traitements conser-
à la cystectomie partielle, ou aux résections itératives, hormis les vateurs afin de limiter le risque de dialyse définitive
patients dont les comorbidités contre-indiquent formellement la postopératoire :
cystectomie totale. • traitement par voie endoscopique : il est possible de pratiquer
Tumeurs T3 ou avec métastases ganglionnaires une ablation endoscopique de la tumeur, par urétéroscopie
rétrograde avec vaporisation laser pour les tumeurs urétérales de
C’est l’indication à une chimiothérapie néoadjuvante ou
petit volume ou les tumeurs pyéliques, ou par voie percutanée
adjuvante si le diagnostic d’extension n’est obtenu qu’en post-
dans le cadre des tumeurs pyéliques ou calicielles. Le principal
opératoire à base de cisplatine (protocole MVAC [méthotrexate,
risque de ces techniques, en dehors des complications liées à
vinblastine, adriamycine et cisplatine]).
la voie d’abord en elle-même et retrouvées dans les traitements
Tumeurs métastatiques des calculs par les mêmes techniques, est la dissémination de
Le traitement de référence est la chimiothérapie à base de cispla- la tumeur à d’autres niveaux de la voie excrétrice. Le taux de
tine, ou d’un autre sel de platine (carboplatine ou oxaliplatine) si récidive est de l’ordre de 30 % quelle que soit la technique, et
l’état général du patient contre-indique les chimiothérapies stan- est surtout influencé par le grade tumoral ;
dards. La radiothérapie est indiquée à visée antalgique dans la • résection segmentaire : la résection segmentaire de tumeurs
prise en charge des métastases osseuses. La chirurgie (sur la lésion pyéliques est associée à un très fort risque de récidive. Avec
vésicale ou les lésions métastatiques) n’a de place que s’il existe l’avènement des techniques endoscopiques, elle est actuel-
un contrôle durable par la chimiothérapie. lement quasiment abandonnée. La résection segmentaire
urétérale est surtout indiquée dans les tumeurs de l’uretère
distal, particulièrement en cas de tumeur volumineuse, inva-
Tumeurs de la voie excrétrice supérieure [1, 4, 5] sive, de grade élevé pour lesquelles il pourrait être nécessaire
d’envisager une chimiothérapie adjuvante nécessitant une pré-
(Tableau 2)
servation au maximum de la fonction rénale du patient. La
Les tumeurs urothéliales du haut appareil (TVES) constituent résection segmentaire peut aussi être envisagée en cas de tumeur
environ 5 % de toutes les tumeurs urothéliales. La classification unique de bas grade et de bas stade, chez des patients sélection-
TNM des tumeurs du haut appareil urinaire est équivalente à la nés, avec de bons résultats.
classification appliquée aux tumeurs vésicales (T2 : invasion de la Malgré des résultats encourageants dans un certain nombre
musculeuse ; T3 : invasion de la graisse préiurétérale, de la graisse d’études, la place du traitement local par mitomycine C ou
péripyélique ou du parenchyme rénal ; T4 : invasion des organes BCG-thérapie pour prévenir la récidive des TVES n’est pas encore
de voisinage ou de la graisse périrénale à travers le parenchyme clairement définie.
rénal) ; on applique aussi la même classification anatomopatho- Dans le cadre des tumeurs localement avancées ou métasta-
logique pour le grade tumoral. En cas de tumeur vésicale initiale, tiques, les pratiques sont calquées sur l’expérience des traitements
on estime que 3 % ont ou auront une TVES au cours de leur vie. des tumeurs vésicales. La prise en charge repose sur l’exérèse chi-
En revanche, en cas de TVES, environ 30 % des patients auront rurgicale associée à un traitement adjuvant par radiothérapie ou
une tumeur vésicale. chimiothérapie à base de cisplatine. Le taux de rémission après
Le traitement de référence des TVES est la néphro- chimiothérapie peut atteindre 50 %.
urétérectomie, qui emporte le rein, l’uretère dans sa totalité La surveillance post-thérapeutique des TVES repose sur
et une collerette de tissu vésical autour du méat urétéral [6] . Ce l’endoscopie et la cytologie urinaire tous les trois mois pendant
traitement est proposé en première intention chez les patients deux ans, puis tous les six mois pendant deux ans, puis une fois
possédant deux reins fonctionnels. Il faut réaliser l’exérèse par an. En cas de traitement conservateur, il faut réaliser une endo-
de l’uretère dans son ensemble car on peut voir des récidives scopie haute tous les six mois pendant deux à trois ans, puis tous
du moignon urétéral dans le cas contraire. Chez les patients les ans. La surveillance radiologique repose sur le scanner abdo-
présentant de lourdes comorbidités, insuffisants rénaux chro- minopelvien injecté tous les six mois pendant deux ans, puis une
niques ou porteurs d’un rein unique oufonctionnellement fois par an.

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5-0610  Tumeurs urotheliales de la vessie et de la voie excrétrice supérieure

 Conclusion Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
relation avec cet article.
Les tumeurs urothéliales ont un pronostic et un traitement très
variables en fonction du type de lésion observée, mais il est pri-
mordial d’insister sur la nécessité d’une surveillance rapprochée
après un traitement initial afin de dépister suffisamment précoce-  Références
ment une récidive potentiellement plus grave. La suppression des
facteurs de risque de tumeur, passant par l’arrêt de l’intoxication [1] Pfister C, Roupret M, Neuzillet Y, Larrée S, Pignot G, Quintens H,
tabagique ou le reclassement professionnel, est aussi importante et al. Recommandations du CCAFU 2013 : tumeurs de la vessie. Prog
pour diminuer le risque de récidive. Urol 2013;23(Suppl. 2):S105–25.
[2] Babjuk M, Burger M, Zigeuner R, Shariat SF, van Rhijn BW, Comperat
E, et al. EAU guidelines on non-muscle invasive urothelial carcinoma
of the bladder: update 2013. Eur Urol 2013;64:639–53.
“ Points essentiels [3] Stenzl A, Cowan NC, DeSantis M, Jakse G, Kuczyk M, Merseburger
AS, et al. Guidelines on bladder cancer, muscle-invasive and metastatic.
EAU; 2008.
• Les tumeurs urothéliales sont des tumeurs fréquentes, [4] Raman JD, Scherr DS. Management of patients with upper uri-
nary tract transitional cell carcinoma. Nat Clin Pract Urol 2007;4:
potentiellement graves, à fort risque de progression et
432–43.
récidive. [5] Tomaszewski JJ, Smaldone C, Ost MC. Endourologic management
• La forme vésicale est plus fréquente que les tumeurs du of upper tract transitional cell carcinoma following cystectomy and
haut appareil. urinary diversion. Adv Urol 2009 [976401].
• Le tabac est un facteur de risque majeur ; il existe aussi [6] Pfister C, Roupret M, Neuzillet Y, Larré S, Pignot G, Quintens H, et al.
des formes professionnelles. Recommandations du CCAFU 2013 : tumeurs de la voie excrétrice
• La surveillance à long terme est indispensable. supérieure. Prog Urol 2013;23(Suppl. 2):S126–32.
• En cas de tumeur n’infiltrant pas le muscle, le traitement
est la résection transurétrale endoscopique, éventuelle-
ment associée à des instillations.
Pour en savoir plus
• Le traitement de référence des tumeurs infiltrantes est Association française d’urologie : www.urofrance.org/.
la cystectomie totale ; plusieurs modes de dérivation des Bladders tumors. Campbell-Walsh Urology, Philadelphia, PA: Saunders
urines sont envisageables en fonction des patients. Elsevier; 2007.
Gattegno B, Chopin D. Tumeurs superficielles de la vessie. Rapport du
• La radiochimiothérapie ou la chimiothérapie s’adresse
congrès de l’AFU 2001. Prog Urol 2001;(11).
aux tumeurs métastatiques ou au-delà du stade T3. Rouprêt M, Cussenot O. Les tumeurs de la voie excrétrice urinaire supé-
• Le traitement de référence des tumeurs de la voie excré- rieure. Pathologie Science. Paris: John Libbey; 2008.
trice supérieure est la néphro-urétérectomie totale. Zerbib M, Bouchot O. Les traitements des tumeurs infiltrantes de la vessie.
Rapport du congrès de l’AFU 2002. Prog Urol 2002;(12).

M. Rouprêt (morgan.roupret@psl.aphp.fr).
C. Billault.
Service d’urologie de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP–HP, Faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, Université Paris-6, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651
Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Rouprêt M, Billault C. Tumeurs urotheliales de la vessie et de la voie excrétrice supérieure. EMC - Traité
de Médecine Akos 2014;9(4):1-6 [Article 5-0610].

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