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Pr Thierry André', Pr Jaafar Bennouna2, Pr Nicolas Magné', Pr Yann Parc•, Pr Christophe Tournigand'
'Oncologie médicale, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris
'Oncologie médicale, Centre Hospitalier Universitaire, Nantes
'Radiothérapie, Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth, Saint Priest en Jarez
'Chirurgie digestive, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris
'Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil
1. Épidémiologie
• En 2015, le cancer colorectal (CCR) était le 3• cancer de l'homme diagnostiqué en France (après les cancers de
la prostate et du poumon) et le 2• chez la femme (après le cancer du sein). Tous sexes confondus, il est au 4•
rang des cancers les plus fréquents.
• Il y a eu 1,4 million de nouveaux cas de CCR dans le monde en 2012 (9,7 % du total des cancers incidents).
• 43 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués en France en 2015 (dont 55 % chez l'homme, sexe-ratio en
faveur d'une légère prédominance masculine): 11 % des cas incidents.
• Environ 35 % des CCR sont des tumeurs du rectum (défini comme une tumeur dont l'extrémité distale
est située à une distance :s 15 cm de la marge anale mesurée par rectosigmoïdoscopie rigide). Les can
cers du côlon représentent 65 % des CCR (rapport 2/3 - 1/3 entre côlon gauche et côlon droit).
• Il a été responsable de 18 000 décès en France, 2• cause de mortalité par cancer en France (après le cancer
du poumon) : 12 % de la mortalité par cancer.
• Entre 1980 et 2005, l'incidence a augmenté (0,5 %/an chez l'homme et 0,3 %/an chez la femme). Entre 2005 et
2012, l'incidence a diminué, chez l'homme comme chez la femme, de 0,3 % par an en moyenne.
• Les taux de mortalité (standardisés à la population mondiale) diminuent depuis 20 ans. Sur la période 2005-2012,
la mortalité a diminué de 1,5 % par an en moyenne chez l'homme et de 1,1 % chez la femme.
1.2.1. L'âge
• Le syndrome de Lynch prédispose à d'autres cancers (principalement endomètre, voies urinaires, intestin grêle
mais également ovaire, estomac, voies biliaires, pancréas, tumeurs cérébrales, adénomes sébacés et kérato-acan
thomes, et de façon plus discutée cancer du sein).
Les indications de la réalisation d'un test pour rechercher la déficience du système Mismatch Repair (MMR)
par immunohistochimie (dMMR) ou par PCR (MSI) doivent être systématiques dans les situations suivantes
(recherche d'un syndrome HNPCC):
tout cancer du spectre diagnostiqué avant 60 ans;
<'. 2 cancers du spectre du syndrome de Lynch diagnostiqués chez un même individu;
<'. 1 cancer du spectre du syndrome de Lynch diagnostiqué chez deux individus apparentés au premier
degré avec 2 générations atteintes, et un cas avant 50 ans.
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: L'indication d'une consultation d'oncogénétique est retenue en cas de suspicion de syndrome de Lynch:
- 3 cas de CCR dans la même branche familiale, dont 1 avant 50 ans;
- malade ayant un antécédent personnel de cancer du spectre du syndrome de Lynch;
- CCR avant 40 ans (quel que soit le résultat du test MSI);
- cancer colorectal avec test MSI positif c'est-à-dire MSI en PCR ou dMMR en immunohistochimie.
• L'analyse d'une déficience du système Mismatch Repair (MMR) permet de sélectionner les patients auxquels il
est proposé une analyse génétique constitutionnelle. Deux méthodes sont disponibles pour déterminer le statut
MMR d'un cancer colorectal :
- l'immuno-histochimie, avec des anticorps spécifiques (MLHl, MSH2, PMS2 et MSH6) peut montrer une
perte d'expression protéique au niveau des cellules tumorales. L'absence d'expression de l'une de ces protéines
au niveau tumoral est fortement suggestive d'un statut Deficient Mismatch Repair (dMMR). En cas d'extinction
de MLHl, la recherche de la mutation BRAF V600E est recommandée. Sa présence signifie que le cancer est
sporadique, et donc le séquençage du gène MMR n'est pas nécessaire. En l'absence de la mutation BRAF V600E
ou d'emblée en cas d'extinction de MSH2 ou MSH6 un séquençage des gènes MMR peut être proposé.
- par technique de biologie moléculaire (PCR) après extraction d'ADN à partir de matériel tumoral. La
confirmation de la mutation germinale (propre à chaque famille) repose sur l'identification longue et délicate
de la mutation (séquençage des gènes MMR). Cette altération sera recherchée par une prise de sang. Si elle est
retrouvée, elle permettra de faire le diagnostic de syndrome de Lynch chez les apparentés.
• La surveillance d'un sujet avec syndrome de Lynch impose un suivi régulier et spécifique :
- coloscopie complète tous les 2 ans dès l'âge de 20 ans avec ch.romoendoscopie par indigo-carmin (pour
détecter les adénomes plans) ;
- pour les femmes atteintes du syndrome de Lynch, surveillance de l'endomètre dès l'âge de 30 ans avec
échographie endo-vaginale tous les 2 ans et prélèvements pour analyse anatomo-pathologique à la recherche
de cancer de l'endomètre.
2. Anatomo-pathologie
Le siège de la tumeur est défini à partir de son extrémité inférieure (bas rectum : 0 à 5 cm de la marge anale ou à
2 cm ou moins du bord supérieur du sphincter; moyen rectum:> 5 à 10 cm de la marge anale ou de> 2 à 7 cm du
bord supérieur du sphincter; haut rectum> 10 à 15 cm de la marge anale ou à plus de 7 cm du bord supérieur du
sphincter (Figure 2).
sigmoïde
Haut
rectum
Moyen
rectum point de réflexion péritonéale
fascia recti
muscle releveurs de
Bas �f�Ïrectum
rectum
colonnes de Morgani
sphincter externe
sphincter interne
canal anal
marge anale
5. Traitement
5.1. Traitement des cancers colorectaux localisés (non métastatiques)
5.1.3.1. Principe
• Voie d'abord: laparotomie médiane ou cœlioscopie.
• Exploration de la cavité abdominale et prélèvements des lésions suspectes (nodules péritonéaux, ascite ...). Une
échographie per-opératoire peut être pratiquée en cas de doute sur des métastases hépatiques.
• Exérèse de la tumeur primitive avec une marge distale et proximale d'au minimum 5 cm. L'exérèse est monobloc
(avec méso-côlon attenant); avec curage ganglionnaire (au moins 12 ganglions) après ligature première des vais
seaux.
• L'exérèse chirurgicale doit être monobloc, enlevant la tumeur et son extension locale.
• Les types de résection sont :
- côlon droit: hémi-colectomie droite, curage ganglionnaire et rétablissement de la continuité par anastomose
iléo-transverse;
- sigmoïde et côlon gauche : colectomie segmentaire ou hémi-colectomie gauche, curage ganglionnaire et
rétablissement de la continuité par anastomose colorectale;
- jonction recto-sigmoïdienne: résection recto-sigmoïdienne avec marges de 5 cm en amont et en aval, curage
ganglionnaire avec anastomose colorectale;
- pour les cancers du côlon sur syndrome de Lynch (syndrome HNPCC) et les polyposes, décision d'expert.
5.1.3.2. Traitement chirurgical des CCR compliqués
• En cas d'occlusion: l'intervention est une colostomie première, faite le plus près possible en amont de la tumeur,
suivie après 8-15 jours d'une résection avec anastomose emmenant la colostomie. La mise en place d'une prothèse
colique n'est à envisager qu'en cas de situation très palliative et doit être évitée en situation curative.
• En cas de perforation ou de péritonite : l'intervention est une colectomie carcinologique sans rétablir la conti
nuité digestive avec double stomie (une d'amont et une d'aval avec rétablissement de la continuité digestive dans
un deuxième temps). Quand l'extrémité distale (moyen/ bas rectum) ne peut être abouchée à la peau, une inter
vention de Hartmann est réalisée (segment rectal, en général haut rectum obturé et laissé dans le ventre). L'alter
native, en l'absence de péritonite est une résection segmentaire avec anastomose en un temps ou une colectomie
subtotale ou totale avec anastomose iléo-sigmoïdienne ou iléo-rectale.
► Références
• Épidémiologie des cancers - données INCa (www.e-cancer.fr)
• Cancer calo-rectal (http://www.has-sante.fr/)
• Dépistage et prévention du cancer calo-rectal Dépistage et prévention du cancer calo-rectal (http://www.proinfoscancer.org/sites/
default/files/2013-06_2013)
• Thésaurus National de Cancérologie digestive (TNCD)
POINTS CLÉS
1. En France, tous sexes confondus, le CCR est le 4• cancer le plus fréquent (42 000 nouveaux cas/an)
après les cancers du sein, de la prostate et du poumon.
2. Le CCR est sporadique dans 85 % des cas. Les formes familiales avec antécédents familiaux au
premier degré r:i'ont pas d'anomalie génétique identifiée dans 10 % des cas; les 5 % restants corres
pondent au syndrome de Lynch et à la polypose adénomateuse familiale (PAF).
3. Les polypes adénomateux ou adénomes sont à l'origine de 80 % des CCR.
4. Le dépistage dans la population générale (risque modéré) est indiqué entre 50 et 74 ans: utilisa
tion d'un test immunologique de recherche de sang dans les selles pratiqué tous les 2 ans.
5. Le risque élevé (15 à 20 % de la population générale) correspond à des individus avec un antécé
dent personnel (adénome hyperplasique � 1 cm ou CCR), ou un antécédent familial au 1er degré (CCR
ou adénome de plus de 10 mm avant 60 ans), ou une maladie inflammatoire chronique (Crohn, RCH)
et l'acromégalie. La coloscopie est l'examen de référence.
6. Le risque très élevé correspond aux individus atteints de PAF (1 % des CCR) ou de syndrome de
Lynch, (3 à 4 % des CCR).
7. Une consultation d'onco-génétique est indiquée en cas de suspicion de syndrome de Lynch:
3 cas de CCR dans la même branche familiale, dont un avant 50 ans, antécédent personnel de cancer
du spectre Lynch, CCR avant l'âge de 40 ans, CCR avec test MSI positif (MSI en PCR et ou dMMR en
immunohistochimie).
8. Les circonstances de découverte d'un CCR sont: fortuites (dépistage), lors d'une anomalie biolo
gique (anémie ferriprive}, à la suite de signes fonctionnes digestifs (douleurs abdominales, troubles
du transit, méléna, rectorragies, épreintes, ténesmes) ou de complications digestives (occlusion, per
foration, péritonite).
9. La coloscopie avec biopsies permet le diagnostic de certitude du CCR.
1 O. Le bilan d'extension métastatique comporte essentiellement un scanner thoraco-abdomino
pelvien (foie, péritoine, poumon).
11. Dans les cancers du moyen et du bas rectum, le bilan d'extension loco-régional pré-thérapeu
tique comporte une écho-endoscopie rectale (surtout pour les petites tumeurs Tl, T2) et une IRM
pelvienne (surtout pour les tumeurs T3, T4).
12. Les CCR de stade 1 (Tl ou T2, NO) sont le plus souvent guéris par résection endoscopique ou
chirurgicale.
13. Les tumeurs de stade Il (T3 ou T4, NO) sont guéries dans 80 % des cas par la chirurgie seule et la
chimiothérapie adjuvante n'est pas consensuelle et doit être discutée en cas de facteurs de risque
de rechute.
14. Les tumeurs de stade Ill (N+) rechutent dans environ 50 % après chirurgie de la tumeur primitive.
L'indication d'une chimiothérapie adjuvante par fluropyrimidines et oxaliplatine doit être retenue.
15. Les tumeurs de stade IV (M+) ont des survies d'environ 10 % à 5 ans.
16. Malgré le progrès des chimiothérapies et les thérapies ciblées, seule la résection chirurgicale des
métastases peut parfois guérir les patients. Elle devra toujours être discutée en réunion de concer
tation pluridisciplinaire.
17. En situation métastatique, et quand les métastases ne peuvent être reséquées, l'utilisation de
thérapies ciblées (anti-angiogéniques, anticorps anti récepteurs de l'Epidermal Growth Factor, EGFR)
associées aux chimiothérapies (fluoropyrimidines, oxaliplatine et/ou irinotécan) permet d'obtenir,
avec des stratégies comprenant plusieurs lignes, des médianes de survie de 25 à 30 mois chez des
patients avec métastases non résécables.