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Déshydratations aiguës
La déshydratation aiguë (DA) se définit comme un déficit aigu en eau
des compartiments de l’organisme. Ses formes les plus graves menacent
de façon immédiate la vie de l’enfant par collapsus hypovolémique. Des
séquelles, consécutives aux troubles hydro-électrolytiques ou à l’altération
de l’hémodynamique et de l’oxygénation tissulaire, peuvent grever l’avenir
neurologique ou rénal. Le traitement de la DA est une urgence en toute
situation, et une extrême urgence en cas de troubles hémodynamiques.
Si la forme la plus fréquente survient chez le nourrisson et complique
une gastro-entérite aiguë, d’autres DA peuvent être liées à des affections
aussi diverses qu’un diabète, une néphropathie, ou la constitution d’un
troisième secteur.

1. Données préliminaires de ce type de déshydratation. Au niveau céré-


bral, les cellules risquent d’être dangereusement
1.1 Mécanismes déshydratées. Si l’hypernatrémie s’est installée
Plus un enfant est jeune, plus il est vulnérable face progressivement, les cellules, afin de limiter leur
à une DA. Cela tient à certaines particularités : dessiccation, se sont adaptées en dépolymérisant
l’enfant dépend des autres pour la fourniture de certaines molécules, créant des « osmoles idio-
ses besoins hydriques ; l’eau totale correspond gènes ». Celles-ci persistent après abaissement
chez lui à 65-80 % du poids corporel (60 % chez de l’osmolarité plasmatique. S’il y a un trop
l’adulte) ; le secteur extracellulaire représente 45 fort gradient osmotique lors de la correction, un
à 60 % de l’eau totale (pour 35 % chez l’adulte) ; œdème cérébral peut se constituer, responsable
un nourrisson renouvelle le volume de son secteur de convulsions, de coma, voire d’engagement. La
extracellulaire tous les 2 jours, alors que l’adulte correction des désordres en cas de déshydratation
le fait tous les 5 jours. Les déshydratations reten- hypertonique doit être progressive.
tissent ainsi préférentiellement sur le secteur Hypotonique ou hyponatrémique
extracellulaire, donc sur la volémie. Enfin, avant (natrémie < 130 mmol/L)
18 mois, il existe une fragilité cérébrale accrue L’enfant a perdu plus de sodium que d’eau. Elle
face à l’hyperosmolarité. se rencontre dans certaines diarrhées aiguës, dans
1.1.1 Déficit en eau et en sel le syndrome de perte de sel par tubulopathie, ou
dans l’insuffisance surrénalienne. C’est une variété
Il permet de définir plusieurs types de DA.
sévère par sa tendance au collapsus. Le plus souvent,
Isotonique ou isonatrémique
elle apparaît lors de corrections humorales inadé-
(natrémie 135 à 145 mmol/L)
quates (trop d’eau ou pas assez de sodium).
La perte d’eau est proportionnelle à la perte de
sel. Il y a des signes d’hémoconcentration. C’est 1.1.2 Acidose métabolique
la forme la plus commune, représentant environ (Voir chap. B.41.)
80 % des DA. Elle peut accompagner les DA. Son origine est
Hypertonique ou hypernatrémique multifactorielle : production d’acide lactique par
(natrémie > 150 mmol/L) hypoxie et ischémie tissulaires dues à l’hypovolémie,
L’enfant a perdu plus d’eau que de sodium. Une perte de bicarbonates lors de diarrhées, défaut d’éli-
hyperglycémie modérée est souvent associée. L’hyper- mination d’ions (H+) par insuffisance rénale.
tonicité plasmatique attire l’eau intracellulaire
vers le secteur extracellulaire, favorisant ainsi le 1.2 Causes
maintien d’une volémie suffisante. Le collapsus Les pertes hydriques causales des DA sont de trois
est retardé, faisant peut-être sous-estimer la gravité types (tableau 39.1).

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CLINIQUE

Tableau 39.1. : Causes des déshydratations aiguës

Pertes extrarénales Pertes rénales Troisième secteur

Digestives : Tubulopathies Péritonites


– diarrhées, vomissements Uropathies obstructives Occlusions digestives
– iléostomies (et levée d’obstacle) Pancréatites aiguës
– aspirations digestives Diabète insipide central
Cutanées : Diabète sucré
– brûlures, syndrome de Lyell Insuffisance surrénalienne
– mucoviscidose Hypercalcémie
– hyperthermie Diurétiques

Les pertes extrarénales, en particulier digestives par d’un stade de gravité supérieur de collapsus, et peut
gastro-entérite aiguë, sont les plus fréquentes. Elles mettre en jeu le pronostic vital de façon immédiate,
s’accompagnent d’une diminution de la concentra- car un arrêt circulatoire est susceptible de survenir à
tion urinaire de sodium < 20 mmol/L, du fait de tout moment (voir chap. B.25).
l’aldostérone. 2.1.2 Signes de déshydratation associés
La connaissance de la composition des différents
Ils sont le plus souvent évidents : teint gris, yeux
liquides biologiques est une aide, supplémen-
cernés, persistance du pli cutané, muqueuses sèches,
taire, à la prise en charge thérapeutique d’une
soif, fontanelle antérieure creuse, dans un contexte
déshydratation (voir chap.C.7).
étiologique évocateur (diarrhée aiguë profuse).
Les carences d’apports sont beaucoup plus rares,
apparaissant lors de vomissements incoercibles, chez 2.1.3 Gestes immédiats
des encéphalopathes ou lors de manque de soins. Il faut d’urgence rétablir une volémie efficace. Il
importe de mettre en place une voire deux voies
veineuses périphériques de fort calibre. À défaut
2. Principales situations d’y parvenir en moins de 3 minutes, on doit
rencontrées en pratique recourir à un abord vasculaire intra-osseux très
rapide (voir chap. C.36). Cela permet de débuter
2.1 Déshydratation aiguë une expansion volémique, en passant en moins de
avec choc hypovolémique 20 minutes 15 à 20 mL/kg de colloïdes : gélatines
synthétiques modifiées ou hydroxy-éthyl-amidons,
Le diagnostic de l’état de choc et de la déshydrata-
ou 30 à 50 mL/kg de sérum physiologique en 30 à
tion est rapide car il est clinique.
45 min (tableau 39.2). Il faut savoir accélérer à la
2.1.1 État de choc demande le débit dans les cas, heureusement rares,
(Voir chap. B.26.) de collapsus sévère. Dans ce contexte, prélèvement
Il doit se reconnaître, lorsqu’il est compensé, dès la sanguin préalable et pesée sont à différer jusqu’à
présence de signes périphériques : pâleur et refroi- récupération d’une hémodynamique plus sûre (la
dissement des extrémités, augmentation du temps pesée montrant alors une perte de poids > 10 %,
de recoloration cutanée (celui-ci est obtenu après voire 艌 15 % du poids antérieur).
une compression de 5 secondes – chronomètre en Secondairement, dans les cas où il a fallu prendre une
main – de l’éminence thénar ou hypothénar ; il est voie osseuse, ou si un abord périphérique ne paraît pas
normalement inférieur à 3 secondes), marbrures sûr, pourra être réalisée la pose d’un cathéter veineux
cutanées, pouls petit, filant, rapide (tachycardie), central, jugulaire interne, sous-clavier ou fémoral. La
tachypnée (les fréquences cardiaque et respiratoire pose directe d’un cathéter central dans cette situation
devant être interprétées selon l’âge de l’enfant), est souvent difficile et consomme du temps. De plus,
somnolence, oligurie. À ce stade, la pression arté- elle peut précipiter la survenue d’un collapsus ou d’un
rielle (dont les valeurs sont également à interpréter arrêt circulatoire chez un enfant dont l’hémodyna-
en fonction de l’âge) est souvent conservée, voire mique n’a pas été stabilisée auparavant.
élevée, mais avec une pression différentielle pincée. La Sous l’effet de l’expansion volémique initiale, l’évo-
constatation d’une hypotension artérielle témoigne lution est en règle générale favorable : élévation de

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39. Déshydratations aiguës

Tableau 39.2. : Composition de solutions de remplissage vasculaire


fréquemment utilisées (en mmol/L)
Chlorure Ringer lactate® Plasmion® Gélofusine®
de sodium à 9 ‰
Sodium 154 130 150 154
Potassium - 5,4 5 -
Chlore 154 111 100 125
Lactate - 28 30 -
Calcium - 1,8 - -
Osmolarité 308 277 295 280
pH 4,5-7 6-7 6-7 7

(Voir chap. C.39.)

la pression artérielle, amélioration du temps de – la fontanelle est palpée en position demi-assise.


recoloration cutanée surveillés par quart d’heure, Une fontanelle normotendue associée à des signes
reprise de la diurèse), le relais est pris par le traite- patents de déshydratation doit faire suspecter une
ment de la déshydratation (voir 2.3. Conduite de la méningite. La ponction lombaire sera effectuée
réhydratation des DA). après stabilisation hémodynamique ;
En l’absence de réponse clinique rapide et favorable, – lors d’une dénutrition, un pli cutané par fonte
il est nécessaire de poursuivre l’expansion volémique. du tissu adipeux sous-cutané doit être différencié
Il faut s’aider le plus tôt possible d’une évaluation du pli « paresseux » d’une déshydratation. À l’in-
hémodynamique par échocardiographie Doppler, verse, chez l’enfant pléthorique, la déshydrata-
et poser une voie veineuse centrale permettant de tion risque d’être sous-évaluée, car le pli cutané
mesurer la pression veineuse centrale. est minoré ou remplacé par un aspect en peau
d’orange ;
2.2 Déshydratation aiguë – enfin, il faut se méfier des déshydratations par
en dehors d’un collapsus constitution d’un troisième secteur, car la perte de
Le tableau de déshydratation est au premier plan. Il poids peut manquer ;
ne doit cependant pas faire omettre de rechercher des – une déshydratation associée à une diurèse conservée
signes d’état de choc débutant mentionnés plus haut. d’emblée est insolite et doit orienter vers une cause
2.2.1 Signes cliniques rénale, ou endocrinienne.
Les signes habituels sont représentés dans le tableau
39.3. Le diagnostic objectif repose sur la détermi- Tableau 39.3. : Signes cliniques
nation de la perte de poids liée en comparant le de déshydratation
poids de l’enfant nu, lors de sa prise en charge, à un
poids antérieur, le plus récent possible, ou à défaut Déshydratation Déshydratation
aux références des courbes de croissance pondérale extracellulaire intracellulaire
pour l’âge. Pli cutané persistant Soif
S’il est classique de différencier les signes de déshy- Fontanelle déprimée Fièvre
dratation intra et extracellulaire, la reconnaissance Yeux cernés Hypotonie des globes
clinique du type est moins fiable que son appré- Cri aigu, éraillé oculaires
ciation par les examens biologiques courants (voir État de choc Face interne des joues sèche
2.2.3. Examens complémentaires). Somnolence, trémulations,
Néanmoins, il doit être tenu compte des éléments trouble de la conscience
suivants :
– la fièvre observée lors d’une DA est habituelle-
ment modérée (艋 38,5 °C). Une température plus
élevée doit inciter à rechercher une autre cause ;

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CLINIQUE

2.2.2 Évaluation de la gravité L’urée sanguine (plus que la créatininémie) et


Le pourcentage de la perte du poids corporel est la glycémie sont le plus souvent élevées, du fait
essentiel. Une perte de poids 艌 10 %, la présence de respectivement d’une insuffisance rénale fonc-
signes d’hypovolémie (ou pré-choc hypovolémique) tionnelle et du stress.
signent la sévérité d’une DA (tableau 39.4). L’ionogramme et l’osmolarité sanguine renseignent
sur le type de déshydratation : hyperosmolaire, le
Tableau 39.4. : Signes de gravité plus souvent hypernatrémique, si l’hyperosmolarité
des déshydratations aiguës n’est pas due à une élévation importante de l’urée
et de la glycémie ; iso-osmolaire, le plus souvent
Modérée Muqueuses sèches normonatrémique ; hypo-osmolaire, le plus souvent
Perte de poids <10 % Fontanelle déprimée hyponatrémique.
Yeux cernés Une hypocalcémie et une hyperphosphorémie sont
Sévère Pli cutané persistant présentes lors de déshydratations sévères.
Perte de poids 艌 10 % Face interne des joues très sèche La kaliémie peut être abaissée, du fait de la diarrhée
Hypotonie des globes oculaires causale, ou élevée, en raison de l’acidose métabo-
Signes d’hypovolémie : lique et/ou d’une insuffisance rénale.
– tachycardie Une acidose métabolique avec baisse de la concen-
– temps de recoloration 艌 3 s tration des bicarbonates est généralement liée aux
– extrémités froides, peau pertes par diarrhée, à une insuffisance rénale et/ou
marbrée à la souffrance tissulaire.
– oligurie 2.2.5 Examens urinaires
Extrême sévérité Collapsus Les premières urines sont très informatives.
Perte de poids 艌 15 % Troubles de la conscience Lorsque la cause de la déshydratation est extra-
Défaillance multiviscérale rénale, et en l’absence d’insuffisance rénale aiguë
organique, les urines sont concentrées, d’osmolarité
2.2.3 Examens complémentaires et de densité élevées avec une natriurie basse, un
rapport Na/K, inférieur à 1, par hyperaldostéro-
Lorsque la déshydratation est modérée et la cause
nisme secondaire. Un rapport U/P de l’urée > 10
connue, les examens paracliniques sont inutiles.
témoigne d’un bon fonctionnement rénal.
Pour les autres, des prélèvements sanguins sont réalisés
Une natriurie élevée, un pH urinaire anormale-
avant la mise en route de la perfusion (sauf s’il y a
ment conservé (malgré une acidose métabolique),
un collapsus dont il faut attendre la levée), pour
une osmolarité urinaire basse, un rapport U/P de
disposer d’une référence, évaluer le retentissement
l’urée < 10 orientent vers une atteinte rénale.
hydro-électrolytique et guider la réhydratation
Une natriurèse > 25 mmol/L, alors qu’il y a une hypo-
(tableau 39.5). Un dispositif de recueil d’urine efficace
natrémie, est compatible avec une insuffisance surré-
est mis en place sans délai. Dès qu’elles sont émises,
nale (muqueuses jugales humides, hyperkaliémie).
les premières urines sont envoyées au laboratoire, car
Une glycosurie évoque la décompensation ou la
elles peuvent fournir des informations précieuses.
révélation d’un diabète sucré.
2.2.4 Bilan Une cétonurie reflète un jeûne ou un diabète sucré
Une déshydratation extracellulaire peut être affirmée décompensé.
devant une hémoconcentration : élévation de la proti- Une densité < 1006 suggère un diabète insipide ou
démie et de l’hématocrite (voir chap. C.18 et C.7). une insuffisance rénale.

Tableau 39.5. : Examens biologiques en cas de déshydratation aiguë


Indispensables Ionogramme sanguin : protidémie, urée, créatinine, calcémie, glycémie, osmolalité plasmatique
Hématocrite
Gazométrie, pH
Urines : ionogramme, urée, osmolarité, glucose, protéines, pH, corps cétoniques
En fonction du contexte Numération-formule sanguine, protéines de l’inflammation
Bactériologie : ECBU, LCR, hémoculture…

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39. Déshydratations aiguës

2.3 Conduite de la réhydratation des DA 2.3.2 Adaptation après obtention


Sitôt fait le rapide bilan initial, une solide voie de l’ionogramme sanguin
d’abord à été mise en place. Il faut veiller à assurer Hypo-osmolarité et hyponatrémie
sa sécurité, de sorte que l’enfant ne puisse pas En cas d’hypo-osmolarité et d’hyponatrémie (Na
l’arracher. < 130 mmol/L en présence d’une urée et d’une
2.3.1 Prescriptions de base glycémie normales ou modérément élevées), la
prise en charge dépend de la sévérité et de la
Apports liquidiens
tolérance de l’hyponatrémie :
Les apports liquidiens pour les 24 heures à venir
– si l’hyponatrémie est symptomatique (convulsions,
sont calculés, pour couvrir :
signes neurologiques, coma) une administration
– les besoins hydriques de base (tableau 39.6) ;
de NaCl (molaire) à raison de 1,5 mmol/kg par voie
– et le volume estimé des pertes (représenté par la
intraveineuse en 10-15 min est effectuée, suivie
perte de poids corporel) ;
d’une perfusion de NaCl sur 2 à 4 heures suivant la
– et la compensation de pertes persistantes abon-
formule ci-dessous ;
dantes (diarrhée, par exemple).
– si l’hyponatrémie est < 125 mmol/L, et asympto-
Ce volume tient compte du volume hydrique
matique, l’objectif est de ramener la natrémie, en 4
apporté par le remplissage vasculaire initial.
à 6 heures, à une concentration plasmatique voisine
Les besoins de base peuvent être évalués en fonc-
de 130 mmol/L. Les apports de NaCl (mmol) sont
tion du poids de l’enfant, à partir des besoins
estimés par la formule suivante :
caloriques.
Tableau 39.6. : Évaluation des besoins (130 – natrémie mesurée) x 0,6 x poids (kg)
hydriques de base Le chlorure de sodium est utilisé sous forme
molaire (1 mL = 1mmol).
< 10 kg 100 mL/kg
Hyperosmolarité et hypernatrémie
10-20 kg 1 000 mL En présence d’une hyperosmolarité et d’une
+ 50 mL pour chaque kg supplémentaire hypernatrémie (> 150 mmol/L), la correction
>20 kg 1 500 mL d’une hypernatrémie doit être progressive, menée sur
+ 20 mL pour chaque kg supplémentaire 艌 48 heures, afin de limiter le risque de convul-
sions par œdème cérébral.
Exemple : pour un enfant pesant 15 kg et ayant
Si la natrémie est 艌 160 mmol/L, du NaCl est
perdu 10 % de son poids corporel, le volume de
ajouté à la solution de réhydratation à hauteur de 2
réhydratation total à prévoir est de :
à 5 mmol/kg et par jour.
– (10 x 100 mL) + (5 x 50 mL) pour les besoins de
La baisse de la natrémie doit être surveillée, de l’ordre
base (exprimés en mL) = 1 250 mL
de 0,5 mmol/L/h.
– 15 x 10 % de perte de poids (exprimés en
litres) = 1,5 L Plus la natrémie est élevée, plus la correction
– soit un volume total de 2 750 mL. doit être progressive et la tonicité du liquide de
Si cet enfant a reçu un remplissage vasculaire de perfusion augmentée.
20 mL/kg, le volume de réhydratation devient :
2 750 – 300 = 2 450 mL. Acidose métabolique
S’il se produit de nouvelles pertes abondantes, elles Sa compensation s’impose rarement, puisqu’elle
doivent être compensées. se lève avec la réhydratation et la réparation de
Le liquide de base utilisé est une solution glucosée à 5 %. l’hypovolémie. Néanmoins, une correction par une
Apports électrolytiques et calciques initiaux perfusion de bicarbonate de sodium intraveineux
L’apport initial de sodium est situé entre 8 et peut s’avérer nécessaire, devant un tableau hémo-
10 mmol/kg/j (1 g de NaCl apportant environ dynamique réfractaire avec une acidose métabolique
17 mmol de Na). sévère et persistante (pH < 7,20 sans hypercapnie).
La solution contient en outre du gluconate de La quantité de bicarbonates en mmol à apporter est
calcium à raison de 2 g/L. alors calculée au moyen de la formule suivante :
Le potassium n’est ajouté, à hauteur de 2 à 4 mol/kg/j,
qu’après reprise d’une diurèse efficace et constata- Q en mmoles = (24 – CO3H– sanguin
tion que la kaliémie est au-dessous de 5 mmol/L. en mmol/L) x 0,3 x poids (kg)

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Tableau 39.7. : Solutions de réhydratation orale (SRO)

Gallia
Nestlé
Guigoz

Milupa

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Lab. Picot
VIATOL®

GES 45®

Directives
mondiales
LYTREN®
Lab. Lactéol

ADIARIL®
Mead-Johnson
PICOLITE®

* OMS 2002
HYDRIGOZ®

OMS UNICEF
ALHYDRATE®

COMPOSANTS
g/L
mmol/L
g/L
mmol/L
g/L
mmol/L
g/L
mmol/L
g/L
mmol/L
g/L
mmol/L
g/L
mmol/L
g/L
mmol/L

Na+ de 60 à 90 mmol/L 75 60 60 49 60 50 61,5 50

K+ de 15 à 25 mmol/L 20 20 20 25 20 25 19 30

Cl- de 50 à 80 mmol/L 65 30 60 51 60 40 61 50

Bicarbonate- éviter en pays chauds 23

180
Citrate--- de 8 à 12 mmol/L 10 10 18,5 18,5 19,4 11,3 10

Gluconate- 20

艌 mmol de Na
Glucose 13,5 20 20 50 88
et < 110
Saccharose 20 20 20 20 20

Dextrine-
59 59 69,5
maltose
de 200 à 310
Osmoles 245 250 < 300 298 < 300 240 < 300 251
mOsmol/L
K Calories/L 54 160 320 160 320 205 360 352
La composition proposée par l’OMS (version 2002) convient aussi bien aux déshydratations en Europe que pour les diarrhées tropicales. La formule en est pour un litre d’eau potable :
NaCl : 2,6 g + KCl 1,5 g + Citrate trisodique anhydre 2,9 g + glucose 13,5 g. Le mélange est réparti en 5 sachets à dissoudre chacun dans 200 mL d’eau
Le bicarbonate de sodium provoque l’instabilité des solutions en pays chauds, contrairement au citrate. En Europe, le citrate peut être remplacé par 2,5 g de bicarbonate

Dans le dénuement, on peut utiliser la formule suivante pour un litre d’eau : 6 cuillerées à café ou 6 morceaux de sucre + 2/3 de cuillerée à café de sel ± 1 cuillerée à café de jus de citron

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Bouillie de riz : faire cuire 50 à 60 g de riz sans saler dans 1 litre d’eau - mixer + 1/4 à 1/2 cuillerée à café de sel + si possible 1 cuillerée à café de jus de citron (potassium)
39. Déshydratations aiguës

Un soluté de bicarbonate de sodium à 1,4 % est En cas d’échec de la réhydratation orale (vomis-
administré en 1 à 3 heures, suivant le pH initial. sements, ballonnements, selles importantes) une
réhydratation intraveineuse est alors entreprise
2.4 Surveillance (voir en 2.3.1 Apports liquidiens).
Elle est d’abord clinique en suivant régulière-
ment : pouls, temps de recoloration cutanée,
marbrures, température des extrémités, TA, 3. Cas particuliers
fréquence respiratoire, poids et signes neurologi-
ques (convulsion, conscience).
3.1 Déshydratation du nouveau-né
La reprise d’une diurèse (> 1mL/kg/h), dans les Elle peut être d’une particulière gravité avec des
3 heures, dans les cas des DA d’origine extrarénale, pertes de poids approchant 20 % en peu de temps.
traduit la restauration d’une hémodynamique effi- Non seulement il y a un risque vital, mais encore
cace. on observe souvent une insuffisance rénale sévère
Le rattrapage du poids de référence est progressif en par nécrose corticale, des thromboses des veines
48 heures. rénales, des thromboses veineuses cérébrales, de
Sur le plan biologique, dans les cas sévères, un graves séquelles neurologiques.
ionogramme sanguin est prélevé 6 heures après le Le plus souvent, elle survient peu après la sortie
début de la réhydratation, et répété en fonction des de maternité, conséquence d’une diarrhée noso-
perturbations constatées et de l’évolution. comiale, d’un muguet buccal, d’erreurs de régime
Le débit de perfusion et les apports électrolytiques importantes. Plus rarement, la cause est endocri-
sont adaptés à l’allure de la prise pondérale, aux nienne : une virilisation chez la fille, une pigmen-
nouvelles pertes éventuelles et aux ionogrammes tation accentuée des bourses chez le garçon doivent
sanguins et urinaires. attirer l’attention.
La prévention est essentielle. Pour les diarrhées, il
2.5 Déshydratations modérées est nécessaire de repérer en maternité les enfants à
Le traitement des formes modérées repose avant risque, de ne pas les laisser sortir sinon en direc-
tout sur une réhydratation orale. Celle-ci nécessite tion d’une structure hospitalière, ou, s’ils vont au
la coopération des parents, lors des gastro-entérites domicile, de s’assurer d’un suivi étroit (médecin,
aiguës. La réhydratation orale utilise des solutés puéricultrice). Les mères inexpérimentées doivent
de réhydratation (SRO) spécifiques, composés de recevoir une formation concrète sur la confection
glucose et d’électrolytes (tableau 39.7). Les SRO des biberons.
proposés par l’Organisation mondiale de la santé Le traitement symptomatique des insuffisances
(OMS) contiennent 90 mmol/L de Na. Ils sont surrénaliennes comporte un apport quotidien de
adaptés aux déshydratations du choléra en pays base de sodium de 15 mmol/kg. En cas d’hyperka-
tropical. En Europe, l’ESPGAN* recommande liémie menaçante (voir chap. B.40).
des solutions moins riches en sodium (60 mmol/L)
adaptées aux gastro-entérites aiguës des pays occi- 3.2 Sténose du pylore
dentaux. Ces solutions sont généralement obte- et atrésie duodénale
nues en diluant un sachet dans 200 ml d’eau. L’ad- Les vomissements répétés causent à la longue une
ministration est fractionnée, à hauteur de 50 mL DA avec une perte importante d’acide chlorhy-
toutes les 15 minutes au début, puis à volonté, drique qui cause une baisse de la chlorémie (souvent
pour une quantité totale de 150 à 200 mL/kg et < 80 mmol/L ), un pH alcalin, une hypokaliémie
par jour. Elle suppose une bonne coopération de et des urines paradoxalement acides (pH < 5,5).
l’enfant et une information soigneuse des parents. Ce profil biologique doit évoquer en priorité ce
Ces SRO ne contre-indiquent pas l’allaitement, diagnostic. La perfusion pour les 3 premières
elles sont alors administrées en complément. La heures est faite de sérum physiologique auquel
reprise de l’alimentation au sein ou par le lait on ajoute 2 mmol/kg de potassium (chlorure) et
artificiel habituel est progressive dans les douze 0,25 mmol/kg de gluconate de calcium.
premières heures. Il est possible de ne pas inter- Ensuite, l’enfant est perfusé avec du G 5 % dans
rompre l’alimentation dans les formes peu sévères. lequel, pour 24 h, on ajoute : 5 mmol/kg de

* Société européenne de gastroentérologie et de nutrition pédiatrique.

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CLINIQUE

sodium (chlorure), 5 mmol/kg de potassium (chlo- En fait, l’ionogramme sanguin dit ce qu’il en est.
rure) et 0,5 mmol/kg de gluconate de calcium. Il existe en règle générale aussi dans ce cas une
hypocalcémie.
3.3 Enfant très dénutri Les risques d’œdème cérébral de la réhydratation
Il y a un risque vital accru. Quand l’enfant a standard et la tactique à suivre ont été vus (voir supra
des œdèmes, il peut conserver une polyurie avec en 2.3.2 Hyperosmolarité et hypernatrémie). Il y a en
une fuite sodée. La priorité, si on le peut, est outre la possibilité d’œdèmes pulmonaires lors d’une
d’apporter des protides, puis de réhydrater avec réhydratation mal ajustée. Si le sujet est anurique, une
des électrolytes en se gardant des excès (risque dialyse péritonéale doit utiliser des liquides modifiés au
d’œdème pulmonaire). L’idéal est de prendre fur et à mesure à la demande, en y ajustant des apports
une voie veineuse, sinon, on utilise un goutte- de sodium pour que leur nombre de mmol/L dans le
à-goutte gastrique en apportant le premier jour liquide soit inférieur à la natrémie du moment de 5 à
1 g/kg de protides (par exemple, 50 ml/kg d’AL 10 mmol seulement. Quoi qu’il en soit, le traitement
110) dans une solution de glucose. est étroitement surveillé : pesée toutes les 6 heures,
La ration protidique est augmentée de 1 g/kg natrémie toutes les 4 heures. Des trémulations font
chaque jour, sans dépasser 4 g/kg/j. ralentir la perfusion. En cas de convulsions, injecter
1 mmol/kg de sodium molaire, faire une PL (une
3.4 Conditions de grand dénuement méningite ne doit pas être méconnue). La présence
La réhydratation orale peut être réalisée en mettant de plus de 1 000 hématies/mm3 évoque la possibilité
dans un litre d’eau bouillie 6 à 8 morceaux de sucre d’une thrombose veineuse cérébrale.
(ou une pincée de sucre en poudre ramassée avec 4 3.6.2 Hyperglycémies
doigts), deux pincées de sel fin prises avec 3 doigts
Les très fortes hyperglycémies observées lors de
(environ 3 g), du jus d’orange.
diabètes insulinoprives ou de certaines diarrhées
Si l’enfant vomit, faute de pouvoir perfuser, on
exposent à des dangers semblables lors d’une réhy-
peut instiller dans le péritoine 75 mL/kg de sérum
dratation. En effet, on sait que le glucose pénètre
physiologique en 2 h.
sans insuline les cellules cérébrales et y reste en
3.5 Recours à la dialyse péritonéale partie. Cela crée un gradient du même type, si
les liquides perfusés sont trop hypotoniques. Le
(Voir chap. C.72.)
recours à l’insuline est à ménager de sorte que la
Celle-ci peut devenir nécessaire quand l’évolution
chute de la glycémie ne soit pas trop brutale, les
se dessine défavorablement, en relation avec une
pertes de sodium et de potassium liées à la diurèse
anurie confirmée :
osmotique doivent être compensées.
– acidose rebelle avec un pH inférieur à 7,20 et un
excès de base supérieur à –15 ; 3.7 Acidocétose diabétique
– azotémie 艌 40 mmol/L ;
(Voir chap. B.44.)
– hypernatrémie > 165 mmol/L ;
– surcharge liquidienne iatrogène avec menace 3.8 Brûlures
d’œdème pulmonaire ou une natrémie
(Voir chap. B.267.)
< 120 mmol/L.
3.6 Grande hyperosmolarité 4. Complications
3.6.1 Natrémie >165 mmol/L
Il y a risque de mésestimer l’importance d’une DA, Leur fréquence dépend de la sévérité de la déshy-
car le collapsus y est tardif, le pli cutané ne se mani- dratation et de l’âge de l’enfant.
feste qu’à partir d’une perte de poids de 15 %. L’en-
fant est trop réactif aux stimulations, hypertonique, 4.1 Complications cérébrales
trémulant, avec des opsoclonies (mouvements Les complications liées à l’hypertonie plasmatique,
de va-et-vient rapides au moment où les globes telles qu’hématome sous-dural, thrombose des
oculaires franchissent la ligne médiane). Le fond sinus veineux ou hémorragies intraparenchyma-
d’œil peut révéler des suffusions hémorragiques. teuses, sont en fait rares et concernent essentielle-
ment le petit nourrisson et le nouveau-né. Il peut
en résulter des séquelles très invalidantes.

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39. Déshydratations aiguës

L’apparition en cours de réhydratation d’un coma, permet de relancer la diurèse en cas d’insuffisance
de troubles de la conscience ou de convulsions rénale fonctionnelle. L’absence de réponse traduit
doit faire craindre, avant tout, une correction trop une insuffisance rénale aiguë organique (nécrose
rapide d’une hyperosmolalité plasmatique. Ces corticale) avec le risque de lourdes séquelles. Il
signes neurologiques reflètent l’apparition d’un convient de réduire le débit des perfusions. Il en
œdème cérébral. Ils sont annoncés par une insta- est de même si un pic de pression veineuse centrale
bilité tensionnelle, l’apparition ou l’aggravation de redescend très lentement après le test. L’absence de
troubles de la conscience. Le traitement consiste diurèse peut conduire rapidement à mettre en route
en une administration intraveineuse rapide de une dialyse péritonéale.
1,5 mEq/kg de NaCl molaire, à renouveler si néces-
saire, et en une réduction du débit de perfusion. 4.3 Thrombose des veines rénales
Elle est évoquée devant une hématurie, une forte
4.2 Insuffisance rénale protéinurie associées à la palpation d’un ou de deux
Tableau 39.8. : Évaluation gros reins.
Une échographie avec étude Doppler de la vascula-
de la fonction rénale (IR) risation rénale est utile au diagnostic.
IR IR 4.4 Hyperpnée
fonctionnelle organique
Elle est consécutive à une surcharge liquidienne
Natriurie (mmol/L) < 20 > 20 apparue secondairement avec menace d’œdème
Na/K urinaire <1 >1 pulmonaire rebelle au furosémide et peut réclamer
Osmolarité U/P 艌 1,5 艋1 la mise sous ventilation mécanique.
Urée U/P 5 à 10 <5 4.5 Défaillance multiviscérale (DMV)
U/P : rapport urine/plasma.
Les formes sévères de DA peuvent s’accompagner
Elle est fonctionnelle dans la majorité des cas de la constitution d’une DMV (voir chap. B.304),
(tableau 39.8). Si, à la 3e heure, il n’y a pas eu de chaque fonction altérée nécessitant une prise en
diurèse, celle-ci est stimulée par 1 mg/kg de furo- charge (troubles de la coagulation, atteinte hépa-
sémide. L’absence d’urines à la 6e heure conduit tique, atteinte myocardique). L’existence d’un sepsis
à faire, sous le contrôle de la pression veineuse associé à la déshydratation, dont il peut éventuelle-
centrale, un test de remplissage vasculaire (15 mL/ ment être la cause, favorise ce type d’évolution.
kg de sérum physiologique passés en 15 min). Cela

Bibliographie

Huet F., Diarrhée aiguë et déshydratation chez le nourrisson et l’enfant, Rev Prat 2002 ; 52 : 187-92.
Nager A.L., Wang V.J., Comparison of nasogastric and intravenous methods of rehydration in pediatric
patients with acute dehydration, Pediatrics 2002 ; 109 : 566-72.
Hahn S., Kim S., Garner P., Reduced osmolarity oral rehydration solution for treating dehydration caused by
acute diarrhoea in children, Cochrane Database Syst Rev 2002 ; CD002847.

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