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JFO-1404; No. of Pages 13 ARTICLE IN PRESS


Journal français d’ophtalmologie (2016) xxx, xxx—xxx

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REVUE GÉNÉRALE

Tumeurs de l’orbite de l’adulte夽


Adult orbital tumors

A. Ducasse a,∗, J.C. Merol a, F. Bonnet a, F. Litré b,


C. Arndt a, I. Larré a

a
Hôpital Robert-Debré, CHRU de Reims, avenue du M.L.-Koenig, 51092 Reims, France
b
Hôpital Maison-Blanche, CHRU de Reims, 51092 Reims, France

Reçu le 26 octobre 2015 ; accepté le 18 novembre 2015

MOTS CLÉS Résumé Les tumeurs de l’orbite représentent une pathologie relativement fréquente et
Tumeurs de l’orbite ; posent des problèmes de diagnostic et de prise en charge. Elles peuvent être bénignes ou
Syndrome orbitaire ; malignes. Tous les tissus contenus dans l’orbite peuvent être le siège d’un développement
Imagerie orbitaire ; tumoral et de ce fait, elles sont très nombreuses. Parmi les tumeurs bénignes, on retiendra
Orbitotomies chez l’adulte les méningiomes et les hémangiomes caverneux et pour les tumeurs malignes,
les lymphomes, les métastases, les tumeurs d’origine ORL, les tumeurs de la glande lacrymale.
Elles se manifestent en général par une symptomatologie peu spécifique, le syndrome orbitaire,
associant exophtalmie, troubles oculomoteurs, signes inflammatoires, douleurs et parfois masse
palpable. L’imagerie (scanner RX, imagerie par résonance magnétique ou échographie Dop-
pler couleur) confirme l’existence d’une tumeur, précise son siège, son extension, l’existence
d’éventuelles métastases. La biopsie et l’examen anatomique et cytopathologique confirment
le type bénin ou malin de la tumeur. À partir de ces trois éléments : clinique, imagerie et ana-
tomie pathologique, la prise en charge est décidée, le plus souvent chirurgicale, selon l’avis
d’une réunion de concertation pluridisciplinaire en cas de tumeur maligne. La radiothérapie et
la chimiothérapie peuvent compléter le traitement.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

夽 Retrouvez cet article, plus complet, illustré et détaillé, avec des enrichissements électroniques, dans EMC Ophtalmologie : Ducasse A.

Tumeurs de l’orbite de l’adulte : des signes cliniques au traitement. EMC Ophtalmologie 2015;12(2):1—17 [Article 21-650-A-20].
∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : ducasse.alain@wanadoo.fr (A. Ducasse).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2015.11.009
0181-5512/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Ducasse A, et al. Tumeurs de l’orbite de l’adulte. J Fr Ophtalmol (2016),
http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2015.11.009
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2 A. Ducasse et al.

KEYWORDS Summary Orbital tumors are a rather frequent pathology. Their diagnosis and treatment may
Orbital tumors; be difficult. They can be benign or malignant. All the tissues of the orbit can give rise to a
Orbital compartment tumor, resulting in their large number. Among the benign tumors, we have meningiomas and
syndrome; cavernous hemangiomas, and for the malignant tumors, lymphomas, metastasis, ENT tumors and
Imaging of the orbit; lacrimal gland tumors in the adult. Usually the signs are nonspecific, with proptosis, oculomotor
Orbitotomies disturbance, inflammatory signs, pain and sometimes a mass. Imaging (CT, MRI and color Doppler
ultrasound) shows the tumor, its location, extent and possible metastases. Biopsy and anatomic
and cytopathologic examination confirm the type of benign or malignant tumor. Based on these
three elements: clinical appearance, imaging and histology, the tumor will be treated, usually by
a surgical approach according to the recommendations of a multidisciplinary tumor conference.
Radiation therapy and chemotherapy may supplement the treatment.
© 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction orbitaires, qu’elles soient inflammatoires, endocriniennes


ou infectieuses.
Les tumeurs orbitaires se manifestent par un tableau L’examen débute par un interrogatoire puis par un exa-
assez peu spécifique ou syndrome orbitaire. Parmi les men ophtalmologique complet avec mesure de l’acuité
tumeurs les plus fréquentes, il faut citer les lymphomes, les visuelle, réfraction, mesure de la tension oculaire, micro-
méningiomes, les tumeurs d’origine ORL, les hémangiomes scopie du segment antérieur, examen du fond d’œil et
caverneux et les tumeurs de la glande lacrymale. D’autres ce, de façon bilatérale. On y ajoute un examen précis
tumeurs sont beaucoup plus rares et de diagnostic beaucoup de l’oculomotricité, une exophtalmométrie, une palpation
plus difficile. Les tumeurs de l’adulte diffèrent de celles ren- soigneuse des orbites et des régions périorbitaires, des
contrées chez l’enfant, même si certaines peuvent se voir à éventuelles adénopathies préauriculaires, submentales ou
tout âge [1]. cervicales. Si nécessaire, on recherchera par un examen
L’imagerie et l’anatomie et cytologie pathologiques per- clinique général, l’existence d’une métastase.
mettent de confirmer le diagnostic et le type histologique
du processus tumoral. La prise en charge est le plus souvent Signes d’appel
chirurgicale après avis d’une réunion de concertation (RCP)
pluridisciplinaire en cas de tumeur maligne. Les progrès Le premier motif de consultation est le plus souvent
de la génétique et de la biologie moléculaire permettent une exophtalmie, douloureuse ou disgracieuse, parfois des
actuellement pour certaines tumeurs d’établir une classifi- troubles oculomoteurs avec diplopie. Les signes inflam-
cation et un pronostic plus précis. matoires peuvent dominer le tableau, l’atteinte visuelle
est plus tardive en général. À noter depuis quelques
années la découverte de façon fortuite de tumeurs lors
Épidémiologie de bilan radiologique réalisé pour un autre problème (ver-
tiges, céphalées. . .) ; on parle alors d’incidentalome ou
Plus rares que les tumeurs palpébrales ou conjonctivales, d’accidentalome.
les tumeurs orbitaires posent plus de problèmes à la fois L’interrogatoire précise les antécédents personnels et
diagnostiques et thérapeutiques. Les éléments anatomiques familiaux du patient, ophtalmologiques et généraux ; la date
constitutifs de l’orbite [2] expliquent la multiplicité des d’apparition des symptômes, leur évolution, leur variabi-
tumeurs possibles. Plusieurs études récentes ont évalué les lité dans le temps. Le caractère uni- ou bilatéral oriente le
différents types de tumeurs orbitaires et leur fréquence, en diagnostic : les tumeurs orbitaires hormis les lymphomes et
particulier l’équipe de Shinder et al. [3] et de Kim et al. les métastases sont en général unilatérales et si elles sont
[4], de Bonavolonta et al. [5] qui viennent compléter les malignes d’évolution rapide.
anciennes études de Shields et al. [6], Henderson [7] et Des photographies seront réalisées systématiquement et
de Rootman [8]. Ces différentes études montrent une aug- si possible comparées à des photographies antérieures pour
mentation des lymphomes ainsi que des tumeurs d’origine juger de l’évolutivité de la pathologie.
nerveuse. Pour Bonavolonta et al. [5], on retrouvait 68 % des
tumeurs bénignes pour 32 % de tumeurs malignes avec par Exophtalmie
ordre de fréquence 12 % de lymphomes, 14 % de kystes der-
moïdes, 9 % d’hémangiomes caverneux, 3 % de métastases. L’exophtalmie (Fig. 1) témoigne d’un processus expansif à
Pour lui, le siège de la tumeur peut orienter vers un type l’intérieur de l’orbite refoulant le globe oculaire en avant
tumoral. du cadre osseux orbitaire [9,10].
Elle peut être uni- ou bilatérale, axile ou non. Elle est dite
axile lorsqu’elle se fait selon l’axe antéropostérieur du globe
Signes cliniques sans perte du parallélisme des axes visuels, non axile dans
le cas contraire avec un globe oculaire déplacé dans une
Le syndrome orbitaire n’a rien de spécifique des tumeurs direction différente, perte du parallélisme et le plus souvent
de l’orbite. Il se voit également dans toutes les pathologies diplopie. Elle peut être réductible ou non ; la réductibilité

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de l’espace. Il est complété par un test de Lancaster ou


équivalent, qui permet également le suivi de la pathologie.

Signes inflammatoires
Oedème palpébral localisé ou diffus, chémosis conjonc-
tival, rougeur palpébrale ou périorbitaire, hyperhémie
conjonctivale, peuvent parfois faire place à un tableau de
pseudocellulite orbitaire pouvant évoquer une pathologie
infectieuse. Les signes inflammatoires peuvent être inau-
Figure 1. Exophtalmie droite vue en regard tangentiel. guraux.

Les douleurs
est la possibilité de réintégrer doucement le globe oculaire
à l’intérieure de l’orbite. Cette recherche n’apporte rien Elles se voient surtout en cas de tumeur maligne ; elles
du point de vue diagnostic et peut être responsable d’un peuvent être orbitaires ou périorbitaires.
réflexe oculocardiaque. Elle peut être pulsatile ou non, le
patient ressentant les pulsations au niveau de son globe Signes ophtalmologiques
oculaire ou à l’intérieur du crâne, synchrones au pouls. On
recherchera alors un thrill, c’est-à-dire un frémissement à Ils surviennent le plus souvent au cours de l’évolution. Ce
la palpation du globe oculaire et un souffle intracrânien ou sont :
intraorbitaire. • une baisse d’acuité visuelle, surtout en cas de tumeur
intracônique ou de tumeur du nerf optique, avec hyper-
L’inspection du patient métropie induite possible ;
• une kératite, voire un ulcère d’exposition lié à
De face, regard droit devant, puis de profil, puis de trois
l’exophtalmie et à la lagophtalmie ;
quarts permet de suspecter l’exophtalmie. En cas de doute,
• une hypertonie oculaire, parfois majeure ;
on s’aidera d’un examen en regard tangentiel sur un patient
• des déficits campimétriques rencontrés principalement
couché ou assis en se plaçant à sa tête, ce qui met mieux en
dans les tumeurs du nerf optique : scotome ou déficit
évidence la saillie d’un ou des deux globes oculaires.
altitudinal ou hémianopsique ;
• des anomalies du fond d’œil : plis choroïdiens, témoignant
L’exophtalmométrie d’une compression du pôle postérieur, œdème papillaire
Une fois suspectée, l’exophtalmie sera confirmée par ou au contraire atrophie optique, oblitération veineuse,
un examen simple, l’exophtalmométrie (en France rarement artérielle ;
l’exophtalmomètre le plus souvent utilisé est celui de • des autres signes : on peut voir des déficits sensitifs dans
Hertel). On note ainsi la position de la cornée par rapport les territoires du nerf supraorbitaire ou infraorbitaire,
au plan bicanthal externe avec 3 chiffres : position du parfois une fistulisation cutanée d’une tumeur kystique.
globe oculaire droit, position du globe oculaire gauche et
distance intercanthale entre les deux canthus latéraux. L’examen orbitaire
Chez les sujets adultes de race caucasienne, la valeur
normale est inférieure à 18 ou 20 mm. Au-delà de 20 mm, il La palpation recherche une masse palpable en cas de tumeur
y a exophtalmie. De même, lorsque l’écart entre les deux antérieure. Lorsqu’elle existe, on note sa localisation, sa
yeux est supérieur à 2 mm, il existe une exophtalmie ou consistance, dure, molle ou rénitente, sa mobilité par
éventuellement une énophtalmie controlatérale. C’est un rapport au plan cutané et osseux, sa variabilité, son aug-
examen simple et rapide pouvant être répété pour sur- mentation ou sa diminution de volume ou de couleur, en
veiller l’évolution, à condition d’être réalisé par le même particulier à la toux, aux changements de position de la tête
opérateur, en reprenant la même distance intercanthale. ou aux pleurs. Il faut systématiquement retourner la pau-
On peut également confirmer l’exophtalmie par imagerie, pière supérieure, ce qui peut montrer une masse lacrymale
c’est le calcul de l’indice oculo-orbitaire IOO (cf. plus loin). par exemple.
La palpation des aires ganglionnaires préauriculaires,
Troubles oculomoteurs et dystopie du globe submentales et cervicales doit rechercher des adénopathies
associées. Un examen ORL avec rhinoscopie peut éventuel-
La perte du parallélisme des axes visuels est responsable lement être utile en cas de tumeur propagée d’origine ORL.
de troubles oculomoteurs, se manifestant le plus souvent
par la survenue d’une diplopie horizontale, verticale ou Examen général
oblique, le plus souvent permanente. Ces troubles se voient
principalement en cas d’exophtalmie non axile. Lorsque Recherche des signes d’appel en faveur d’une tumeur pri-
le déplacement est important dans le sens vertical, on mitive en cas de métastase orbitaire, ou au contraire d’une
parle de dystopie du globe oculaire. L’examen oculomoteur métastase dans le cadre d’une tumeur primitive orbitaire :
précise l’importance de la déviation oculomotrice, les limi- auscultation pulmonaire, palpation des seins, recherche
tations des mouvements oculomoteurs dans les 9 directions d’une hépatomégalie, etc.

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4 A. Ducasse et al.

Éléments d’orientation
Les tumeurs intracôniques sont le plus souvent unilaté-
rales, responsables d’une exophtalmie axile, sans diplopie
avec des signes ophtalmologiques rapides, par exemple les
tumeurs du nerf optique ou les hémangiomes caverneux.
Les tumeurs extracôniques entraînent une exophtalmie
non axile avec souvent diplopie. Les tumeurs issues des sinus
frontaux ou ethmoïdaux déplacent le globe oculaire en bas
et en dehors. Les tumeurs de la glande lacrymale, elles,
le déplacent en bas et en dedans. Les tumeurs supérieures
refoulent le globe oculaire vers le bas avec hypotropie,
diplopie verticale, limitation de l’élévation et souvent pto-
sis. Les tumeurs de siège inférieur, plus rares, entraînent
une hypertropie avec une diplopie verticale.
Les tumeurs postérieures près de l’apex orbitaire
peuvent entraîner deux syndromes : le syndrome dit de la
fissure orbitaire supérieure ou encore de la fente sphénoï-
dale, associant une paralysie des nerfs crâniens III, VI et
parfois IV avec au maximum une ophtalmoplégie complète,
atteinte du V avec hypo- ou anesthésie cornéenne ; et le Figure 2. Tomodensitométrie en coupe coronale qui montre du
syndrome de l’apex orbitaire associant les mêmes atteintes côté gauche une lésion intraosseuse pénétrant à l’intérieur de
et une cécité par atteinte du nerf optique. l’orbite et qui est une histiocytose X.
Le caractère pulsatile de l’exophtalmie doit faire recher-
cher une fistule artérioveineuse carotidocaverneuse ou
durale. Il existe alors souvent une dilatation des vaisseaux 70. On parle d’exophtalmie de grade I entre 70 et 100, de
conjonctivaux en tête de méduse périlimbique, très évoca- grade II lorsque l’IOO est égal à 100 et de grade III si l’IOO
trice, et un souffle ; ce sont des urgences neurochirurgicales est supérieur à 100.
qui justifient une imagerie vasculaire intracrânienne et une
prise en charge neuroradiologique. L’imagerie par résonance magnétique
Elle étudie surtout les parties molles avec deux types de
Imagerie séquence, pondérées en T1 où le vitré apparaît en noir, la
graisse en blanc et pondérées en T2 où le vitré devient blanc
Elle est devenue incontournable devant toute pathologie et la graisse devient grise (Fig. 3).
orbitaire. Trois examens sont utiles, réalisés isolément ou On utilise les mêmes plans de coupe : axial, coronal
en association. Ils permettent d’affirmer l’existence de la et sagittal avec parfois des coupes sagittales obliques
tumeur, de la localiser, de préciser ses limites, son exten- selon un plan dénomme PNOTO, (plan neuro-oculaire
sion, d’éventuelles compressions des structures adjacentes. trans-occipital). On peut également utiliser un produit de
Elle s’avère également utile à la recherche d’adénopathies contraste, le Gadolinium qui peut modifier le signal lésionnel
cervicales ou de métastases. après injection.
Des séquences particulières peuvent être utilisées : écho
La tomodensitométrie ou scanner RX de spin, imagerie en suppression de graisse, séquence de

Réalisée actuellement en première intention devant une


suspicion de tumeur orbitaire, elle permet l’obtention de
coupes au moyen d’une acquisition hélicoïdale dans les
trois plans de l’espace : axial (horizontal), coronal (fron-
tal) et sagittal (antéropostérieur) (Fig. 2). On peut modifier
le signal en utilisant un produit iodé hydrosoluble pouvant
éventuellement entraîner des réactions allergiques de type
choc anaphylactique.
La tomodensitométrie montre surtout les structures
osseuses et les cavités sinusiennes. Accessoirement, elle
confirme l’exophtalmie par la mesure du calcul de l’indice
oculo-orbitaire défini par Cabanis et al. [11] : sur une coupe
axiale en PNO (plan neuro-oculaire), la ligne bicanthale
externe unissant les deux rebords orbitaires latéraux coupe
le globe oculaire à l’union de ses deux tiers antérieurs et de
son tiers postérieur. L’IOO est le rapport entre la longueur
du globe situé en avant de cette ligne bicanthale externe Figure 3. IRM : coupe sagittale en T1 ; carcinome adénoïde kys-
et la longueur axiale totale. Il est normalement inférieur à tique de la glande lacrymale gauche.

Pour citer cet article : Ducasse A, et al. Tumeurs de l’orbite de l’adulte. J Fr Ophtalmol (2016),
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diffusion. L’IRM permet une étude plus fine des tissus mous,
en particulier pour étudier certains rapports (la dure-mère)
et elle permet parfois d’évoquer la nature histologique du
processus en cause.
Rappelons qu’elle a des contre-indications formelles :
suspicion de corps étranger ferro-magnétique intraorbitaire,
pace maker, valve cardiaque ancien modèle, ancien clips
neurochirurgicaux et claustrophobie.

L’échographie Doppler couleur


Réalisée en mode B, elle est surtout utile pour les tumeurs
antérieures. Elle va pouvoir montrer la nature kystique
d’une lésion, l’existence d’une capsule, d’écho intratu-
moraux, de calcifications et surtout grâce au Doppler, la
vascularisation éventuelle de la tumeur.
Figure 4. Orbitopathie dysthyroïdienne. Noter l’exophtalmie et
L’imagerie vasculaire la rétraction de paupière supérieure et inférieure.

L’artériographie carotidienne a été remplacée par


l’angioscanner ou l’angio IRM. anticorps anticytokératine, antidescemine, antiactine, pro-
téine S100, HMB 45. . . [12]. Cette immunohistochimie est
devenue incontournable en cas de lymphome. Actuelle-
Anatomie et cytologie pathologiques ment, de plus en plus on utilise également des techniques
de biologie moléculaire par PCR ou cytométrie de flux avec
Différents moyens sont à notre disposition, permettant étude génétique et chromosomique des cellules tumorales
d’établir le type histologique d’une tumeur, en particulier permettant d’établir un pronostic évolutif.
son caractère bénin ou malin.

La cytoponction Diagnostic différentiel


La cytoponction à l’aiguille fine ou ponction biopsie à Le syndrome orbitaire n’a rien de spécifique et peut être
l’aiguille fine (BPFA) permet d’obtenir des cellules éta- rencontré dans différentes pathologies.
lées sur lame puis colorées et examinées au microscope.
Cette cytoponction doit être faite dans un cadre chirurgi-
L’orbitopathie dysthyroïdienne
cal et nécessite la présence d’un cytopathologiste rompu
aux techniques de cytologie. Elle a surtout comme inté- L’orbitopathie dysthyroïdienne (Fig. 4) est l’atteinte
rêt le diagnostic de tumeur ne nécessitant pas de geste orbitaire la plus fréquente, liée habituellement à une hyper-
chirurgical complémentaire, comme les métastases ou les thyroïdie par maladie de Basedow, elle peut se voir dans
lymphomes. Néanmoins, cette technique n’a pas donné les des hypothyroïdies comme les thyroïdites d’Hashimoto. Elle
résultats escomptés. touche préférentiellement la femme. Parfois l’orbitopathie
apparaît avant la dysthyroïdie.
La biopsie En plus de l’exophtalmie, d’autres signes sont asso-
ciés, regroupés dans différentes classifications dont la
Elle peut être réalisée en préopératoire ou éventuellement classification NOSPECS. L’exophtalmie est souvent bilaté-
en extemporané lors de la chirurgie tumorale. Un frag- rale, axile, non pulsatile. Les signes palpébraux sont quasi
ment de la tumeur est adressé en anatomopathologie, ni constants : rétraction de la paupière supérieure et infé-
écrasé, ni coagulé ; en cas de petite tumeur, une biopsie rieure, rareté du clignement, asynergie oculopalpébrale,
exérèse emportant la totalité de la lésion doit être pré- lagophtalmie. Il peut également y avoir des signes inflam-
férée. La biopsie est contre-indiquée en cas de tumeur matoires : chémosis, vasodilatation conjonctivale, poches
vasculaire et en cas de suspicion d’adénome pléomorphe palpébrales, œdème palpébral, des troubles oculomoteurs
lacrymal. avec diplopie, une hypertonie oculaire, des atteintes cor-
néennes (kératite ponctuée, ulcération), une neuropathie
Étude de la pièce opératoire optique avec baisse d’acuité visuelle et déficits du champ
visuel.
Une fois retirée, la tumeur est adressée le plus souvent Le diagnostic sera confirmé par l’existence de signes
dans du formol 10 % au laboratoire d’anatomie patholo- cliniques d’hyperthyroïdie : amaigrissement, tachycardie,
gique. Des différentes colorations sont utilisées : Giemsa, sueur, diarrhée, goître multinodulaire, myxoedème préti-
HPS ou PAS. Une partie de la pièce opératoire doit être bial, une hyperthyroïdie biologique avec présence souvent
gardée à l’état frais afin de pouvoir réaliser des études d’anticorps spécifiques (TRAK). L’imagerie montre l’absence
immunohistochimiques utilisant des marqueurs spécifiques : de processus tumoral.

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Infections et inflammations orbitaires myxomes, les histiocytomes fibreux, les fibrosarcomes, les
rhabdomyomes, les léiomyomes, les léiomyosarcomes, les
On peut distinguer : les cellulites orbitaires, en géné- lipomes et les liposarcomes.
ral bactériennes à staphylocoques, streptocoques, pré- La tumeur fibreuse solitaire de l’orbite fait partie de ces
ou rétroseptales, d’étiologie variée chez l’adulte : trau- tumeurs mésenchymateuses primitives. Bien que rare, elle
matisme, septicémie, infection locorégionale, sinusienne, pose des problèmes difficiles ; elle a un potentiel de récidive
cutanée ou dentaire et les abcès orbitaires collectés souvent locale et parfois de métastases.
sous-périostés entre la paroi orbitaire et le périoste. Plus
rares, les mycoses orbitaires et les fasciites nécrosantes,
tableaux gravissimes où les signes infectieux et inflamma- Les tumeurs nerveuses
toires dominent avec mise en jeu du pronostic vital du
patient. Encore plus rares, les lésions parasitaires, en par- Les gliomes du nerf optique se voient principalement chez
ticulier le kyste hydatique. l’enfant dans le cadre de maladie de Recklinghausen, neu-
Toutes ces infections se manifestent en général par rofibromatose de type I. Chez l’adulte, on rencontre des
un tableau brutal, douloureux, unilatéral, avec des signes gliomes malins évolutifs entraînant rapidement le décès du
inflammatoires marqués, parfois des signes généraux : patient. Les signes d’appel sont surtout visuels : baisse de
fièvre, altération de l’état général. . . l’acuité visuelle, dyschromatopsie, déficit campimétrique
associé à une exophtalmie, des douleurs, une ophtal-
Orbitopathies inflammatoires idiopathiques moplégie, un œdème et des hémorragies papillaires. Ce
non spécifiques gliome va s’étendre en arrière vers le chiasma optique,
éventuellement vers l’hypothalamus et le troisième
Anciennes pseudotumeurs inflammatoires, ces tableaux ventricule.
se présentent cliniquement et radiologiquement comme Les schwannomes ou neurilemmomes : ce sont des
une tumeur orbitaire. L’évolution sous-corticothérapie et tumeurs bénignes développées à partir d’un nerf péri-
l’aspect histologique de la biopsie permettent d’affirmer phérique. Par ordre de fréquence, ils touchent le nerf
le caractère non tumoral. Elles peuvent être uni- ou bila- oculomoteur (III) puis le nerf trochléaire (IV). Ils peuvent
térales, localisées aux muscles (myosites), à la glande être intra- ou extracôniques et posent des problèmes diffi-
lacrymale (dacryoadénites) ou diffuses. Le diagnostic diffé- ciles de diagnostic avec un hémangiome caverneux. En IRM
rentiel avec un lymphome est souvent difficile. L’épreuve on note des zones cellulaires solides en isosignal en écho spin
thérapeutique par corticothérapie à fortes doses (1 à T1 et en hyposignal en écho spin T2 et des zones myxoïdes
2 mg/kg par jour) permet de faire régresser la symptomato- en hyposignal T1, hypersignal T2. C’est une tumeur encap-
logie mais n’écarte pas formellement le lymphome qui peut sulée. L’exérèse complète est possible lorsqu’elle est peu
diminuer également sous-corticothérapie. volumineuse.
Il existe également des orbitopathies inflammatoires Les neurofibromes : rencontrés dans le cadre de neurofi-
spécifiques rencontrées dans la sarcoïdose, la maladie de bromatose, ils peuvent être uniques et souvent situés dans
Wegener, le lupus érythémateux disséminé, les collagé- la région supérieure de l’orbite.
noses, etc. On insiste plus récemment sur le syndrome des Les méningiomes sont des tumeurs nerveuses les plus fré-
immunoglobulines IgG 4. quentes. On sépare :
• les méningiomes des gaines du nerf optique. Touchant
Traumatismes préférentiellement la femme, souvent entre 30 et 50 ans,
les signes ophtalmologiques prédominent avec baisse
Le contexte est différent, mais certains traumatismes
d’acuité visuelle et déficit campimétrique. L’exophtalmie
peuvent à distance poser un problème de diagnostic diffé-
y est tardive, de même que les troubles oculomoteurs.
rentiel avec une pathologie tumorale ; c’est le cas des corps
L’imagerie montre un épaississement du nerf optique fusi-
étrangers intraorbitaires méconnus, générant des trajets fis-
forme ou irrégulier avec un aspect assez spécifique, « en
tuleux avec inflammation locale.
rail » : la lésion hyperdense entourant le nerf hypodense.
Actuellement le traitement de choix est la radiothérapie
stéréotaxique fractionnée [14] ;
Les différentes tumeurs de l’adulte • les méningiomes des parois [15], beaucoup plus fréquents
Elles sont très nombreuses et variées, de fréquence tout que ceux des gaines, touchant également préférentielle-
à fait inégale. Nous insisterons ici principalement sur les ment la femme, 3 femmes pour un homme. D’évolution
tumeurs rencontrées de façon fréquente. lente, ce sont des tumeurs bénignes, probablement hor-
On peut séparer les tumeurs primitives, les tumeurs monodépendantes. Le plus souvent, elles naissent au
secondaires et les tumeurs propagées [13]. niveau des ailes du sphénoïde, en particulier de la grande
aile et vont avoir tendance à comprimer le nerf optique et
atteindre la fissure orbitaire supérieure. Le méningiome
Les tumeurs primitives en plaque de la grande aile entraîne une baisse progres-
sive visuelle aboutissant à une cécité. L’imagerie met
Tumeurs mésenchymateuses en évidence une hyperostose avec condensation osseuse
et la partie méningiomateuse de la tumeur, soit sur le
Développées à partir du tissu conjonctif, elles peuvent versant intracrânien, soit sur le versant intraorbitaire
être malignes ou bénignes. On peut citer les fibromes, les (Fig. 5).

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Tumeurs de l’orbite de l’adulte 7

Les varices orbitaires, assez fréquentes se mani-


festent par une exophtalmie intermittente, possédant un
caractère postural. L’exophtalmie apparaît lors d’effort
physique ou de manœuvre d’hyperpression veineuse cépha-
lique (comme dans la manœuvre de Valsalva). Elle peut
également se manifester lors des cris ou des pleurs. Cli-
niquement et radiologiquement, il faut rechercher une
modification de l’exophtalmie, en procubitus ou après une
manœuvre de Valsalva. L’ablation chirurgicale sera discu-
tée en fonction de la localisation et de l’importance de la
varice.
L’hémangiome caverneux représente la tumeur bénigne
primitive classiquement la plus fréquente chez l’adulte.
Tumeur encapsulée d’évolution lente, elle est longtemps
asymptomatique et parfois découverte de façon fortuite.
Elle peut être intra- ou extracônique mais très souvent
elle est intracônique rétro-oculaire entraînant des signes
de compression du pôle postérieur. En cas de tumeur
intracônique, elle entraîne une exophtalmie lentement pro-
gressive, axile, avec hypermétropie induite, plis choroïdiens
au fond d’œil. La survenue d’hémorragie sous conjonctivale
à répétition serait évocatrice.
L’imagerie montre une lésion bien limitée, encapsulée,
hyperdense, se réhaussant après l’injection. L’IRM peut
montrer des espaces vasculaires remplis de produit de
contraste, séparés par des septa. La lésion est en isosignal
en T1 et hypersignal en T2 (Fig. 6).
Le traitement est uniquement chirurgical ; l’exérèse
en totalité de la tumeur, à discuter en fonction de la
localisation, de la gêne induite, en particulier en cas
d’incidentalome.
Les hémangiopéricytomes sont d’un pronostic plus
réservé. Cliniquement, l’aspect est semblable à celui d’un
Figure 5. a : méningiome. Patiente présentant un méningiome de hémangiome caverneux avec une évolution plus rapide et
la grande aile du sphénoïde responsable d’une exophtalmie associée surtout une hypervascularisation très nette en imagerie,
à un chémosis hémorragique inférieur ; b : méningiome de la grande en particulier en échographie Doppler couleur. L’exérèse
aile du sphénoïde. On voit la condensation osseuse au niveau des
chirurgicale est plus difficile en raison de cette hypervas-
parois supérieure et latérale de l’orbite et l’aspect méningiomateux
cularisation. Il existe des hémangiopéricytomes malins. Les
à l’intérieur de l’orbite (étoile noire).
autres tumeurs vasculaires sont les fistules artérioveineuses
orbitaires, les anévrysmes artériels, les hémangioendothé-
liomes malins ou angiosarcomes plus rares, mais de pronostic
Le seul traitement est chirurgical lorsque la vision est
redoutable.
menacée. L’exérèse par voie neurochirurgicale est rarement
totale, le plus souvent on réalise une décompression du
canal optique de façon à diminuer l’exophtalmie et à amé-
liorer les conditions visuelles. Les tumeurs osseuses ou cartilagineuses
C’est actuellement la deuxième tumeur de l’orbite la
On peut citer les ostéomes, les ostéoblastomes, les kystes
plus fréquente chez l’adulte après les lymphomes. Parmi les
anévrysmaux, les tumeurs à cellules géantes, les angiomes
autres tumeurs nerveuses, citons les ganglioneuromes, les
osseux, les ostéosarcomes, les chondromes, les chondrosar-
paragangliomes, les schwannomes malins. . .
comes, la maladie de Paget et plus fréquente : la dysplasie
fibreuse.
Les tumeurs vasculaires Cette dystrophie osseuse bénigne, touche préférentiel-
lement l’adolescent, avec par ordre de fréquence, l’os
Elles ont fait récemment l’objet d’une classification par Jack frontal, le maxillaire ou l’ethmoïde. Elle entraîne une
Rootman [16]. Il classe les malformations orbitaires en trois exophtalmie non axile, indolore avec parfois compression
groupes : du nerf optique. Elle peut être responsable d’une asymétrie
• un type I sans flux : lymphangiomes et malformations lym- faciale inesthétique. L’abstention thérapeutique est la règle
phatiques combinées ; lorsque la dysplasie est peu marquée ; en cas de forme symp-
• un type II à flux surtout veineux, en particulier les varices tomatique, une résection chirurgicale est indiquée, devant
orbitaires ; être totale. La radiothérapie est contre-indiquée du fait du
• un type III à haut flux direct traversant la lésion. Les risque de transformation maligne sous la forme d’un sar-
hémangiomes caverneux en font partie. come.

Pour citer cet article : Ducasse A, et al. Tumeurs de l’orbite de l’adulte. J Fr Ophtalmol (2016),
http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2015.11.009
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8 A. Ducasse et al.

Figure 7. Adénome pléomorphe de la glande lacrymale droite.


Noter l’aspect en S incurvé du bord libre de la paupière supérieure.

calcification intratumorale. Le diagnostic avec une tumeur


maligne est difficile, même en IRM. Le traitement des
adénomes pléomorphes est chirurgical, exérèse en bloc de
la tumeur, respectant la capsule. Toute ponction biopsie
est formellement contre-indiquée du fait du risque de dis-
sémination orbitaire et de récidive. L’effraction capsulaire
augmenterait le nombre de récidives qui passerait de 3 à
32 % [18].

Les tumeurs épithéliales malignes


Ce peut être des adénocarcinomes, des épithéliomas mal-
pighiens ou végétants, des carcinomes mucoépidermoïdes,
des carcinomes dans un adénome pléomorphe, en particu-
lier lorsqu’il y a eu biopsie ou rupture de la capsule. Ce
sont surtout des carcinomes adénoïdes kystiques ou cylin-
dromes, touchant l’adulte jeune, vers 40 ans, avec une
Figure 6. a : hémangiome caverneux. IRM coupe axiale en T1 ; b : prédominance féminine, ce sont des tumeurs d’évolution
hémangiome caverneux rétro-oculaire. Aspect en peropératoire. rapide marquée par des phénomènes douloureux. Radio-
logiquement on peut noter des zones d’ostéolyse ou
d’ostéocondensation et l’existence de calcifications intra-
Les tumeurs de la glande lacrymale tumorales très évocatrices. En IRM elle est en hyposignal
T1, hyposignal T2. L’IRM montrera en particulier l’extension
Très fréquentes, elles sont responsables d’une exophtalmie
vers la fosse temporale, la dure-mère ou l’endocrâne.
non axile avec un globe dévié en bas et en dedans, et souvent
Le pronostic est marqué par la survenue de récidives
un ptosis portant sur la moitié latérale de la paupière supé-
ou de risques métastatiques. La survie moyenne est de 3 à
rieure avec aspect typique en S. On peut palper la tumeur
5 ans. Le traitement est chirurgical, exérèse aussi large que
le plus souvent.
possible souvent exentération d’emblée, voire exentération
Certaines hypertrophies lacrymales ne sont pas tumo-
élargie, complétée par une radiothérapie.
rales comme les dacryoadénites, les atteintes lacrymales de
certaines maladies systémiques, comme la sarcoïdose.
Les tumeurs non épithéliales sont rares hormis les lym- Conduite à tenir devant une tumeur lacrymale
phomes qui seront traitées avec les lymphomes. L’existence d’une masse lacrymale représente toujours un
Les tumeurs épithéliales peuvent être bénignes ou dilemme : la biopsie permet d’affirmer le caractère malin
malignes. Parmi les tumeurs épithéliales bénignes, prédo- en cas d’adénocarcinome kystique, mais elle est formel-
minent les adénomes pléomorphes [17] (Fig. 7), touchant lement contre-indiquée en cas de suspicion d’adénome
plus souvent l’homme du côté droit, entre 20 et 70 ans, ce pléomorphe. Cliniquement il est très difficile de diffé-
sont des tumeurs unilatérales encapsulées évoluant lente- rencier, au moins au début, ces deux lésions. Différents
ment avec peu de phénomènes douloureux. En imagerie, schémas décisionnels ont été proposés, en particulier celui
la tumeur paraît bien limitée, spontanément hyperdense, de Rose, tenant compte de trois éléments : en faveur d’une
prenant modérément le contraste. Elle va élargir la fos- évolution maligne : une évolution courte et rapide, infé-
sette lacrymale sans jamais qu’il y ait d’ostéolyse ni de rieure à un an, l’existence de phénomènes douloureux,

Pour citer cet article : Ducasse A, et al. Tumeurs de l’orbite de l’adulte. J Fr Ophtalmol (2016),
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Tumeurs de l’orbite de l’adulte 9

l’existence de signes osseux en imagerie à type d’ostéolyse


ou d’ostéocondensation. Lorsque ces trois signes sont pré-
sents, on s’oriente plutôt vers une tumeur maligne et on
peut réaliser une biopsie ; au contraire, en cas d’évolution
lente, inférieure à un an, non douloureuse, sans signe osseux
en imagerie, on s’oriente plutôt vers un adénome pléo-
morphe qui nécessite une « exérèse en bloc ». Récemment
Jack Rootman [19] a remis en question l’interdiction d’une
biopsie alors que Rose [20] maintient qu’il est indéfendable
de réaliser une biopsie si on a une suspicion d’adénome
pléomorphe.

Les tumeurs hématologiques


Elles sont dominées par les lymphomes non hodjkiniens.
Actuellement, tumeur orbitaire la plus fréquente,
d’incidence en augmentation, tout comme les lymphomes
généralisés qui auraient augmenté de 50 % durant les 15 à
20 dernières années.
L’atteinte orbitaire peut être uni- ou bilatérale, associée
ou non à un lymphome généralisé. On peut les rencontrer
au niveau de la conjonctive, de la glande lacrymale, des
muscles oculomoteurs etc. Actuellement la classification est
basée sur celle proposée par l’OMS en 2001 et réactualisée
en 2008 [21]. Au niveau orbitaire, le lymphome le plus sou-
vent rencontré est le lymphome de type MALT (40 à 60 % des
localisations orbitaires). Il s’agit d’un lymphome extragan-
glionnaire à petites cellules B, très radiosensible et ayant
un bon pronostic.
Si pour les lymphomes MALT de l’estomac, on a pu incri-
miner des Helicobacter pylori, on a moins d’arguments pour Figure 8. a : lymphome conjonctivo-orbitaire supérieur gauche.
incriminer les chlamydiae, en particulier chlamydia tracho- Noter l’aspect et la coloration rosée saumonée du lymphome ; b :
matis dans la genèse des lymphomes orbitaires. Malgré un aspect peropératoire d’un lymphome orbitaire supérieur.
bon pronostic, la transformation en lymphome B à grandes
cellules est toujours possible et l’association ou l’apparition
d’un lymphome généralisé se fait sous forme d’adénopathies cytogénétique et de biologie moléculaire. Les données de la
abdominales. biopsie vont guider le protocole thérapeutique.
Plus rares mais possibles, sont les lymphomes follicu- Traitement : la découverte d’un lymphome orbitaire
laires, les lymphomes à cellules du manteau, rencontrés au impose un bilan général complet à la recherche d’un lym-
niveau orbitaire habituellement dans le cadre d’une atteinte phome généralisé : hémogramme, biopsie ostéo-médullaire,
systémique. examen ORL, tomodensitométrie thoracique et abdominale,
Les lymphomes diffus à grandes cellules B, plus agressifs, électrophorèse des protéines, LDH, bêta 2, microglobuliné-
de plus haut grade de malignité, peuvent être centroblas- mie, sérologie virale et éventuellement ponction lombaire.
tiques, immunoblastiques ou anaplasiques. Le lymphome à Classiquement, le risque de lymphome généralisé est plus
cellules B de Burkitt, très agressif, se voit principalement important en cas de localisation purement orbitaire qu’en
chez l’enfant. Les lymphomes à cellules T sont très rares au cas de localisation conjonctivale. Le traitement sera réalisé
niveau orbitaire mais de pronostic mauvais. au mieux par les hématologues ; il associe radiothérapie,
Cliniquement, les lymphomes conjonctivaux ou à exten- chimiothérapie ; dans les lymphomes de MALT orbitaires
sion conjonctivale se manifestent par une tuméfaction localisés, c’est souvent une radiothérapie qui est réalisée
rose-saumonnée, tout à fait caractéristique. En cas de (de 20 à 30 grays). Dans les autres formes, une chimiothéra-
lymphome purement orbitaire, en fonction de la localisa- pie est associée à la radiothérapie.
tion, il peut se manifester par une exophtalmie axile ou Parmi les autres tumeurs d’origine hématologiques,
non, par un ptosis, voire par des troubles oculomoteurs citons la maladie d’Hodgkin, les tumeurs plasmocytaires ou
(Fig. 8). plasmocytomes, les localisations des myélomes multiples, la
En imagerie, on note une masse diffuse s’étendant en maladie de Waldenström, les leucémies, les chloromes, les
coulée, se moulant sur les composants orbitaires, les refou- histiocytoses.
lant modérément. L’histiocytose à cellules de Langerhans autrefois dénom-
Le diagnostic est fait par la biopsie adressée en état mée histiocytose X, se manifeste sous trois formes : chez
frais avec immunomarquages permettant le typage précis du l’adulte ou l’adolescent sous la forme localisée de gra-
lymphome. En cas de lymphome, la prolifération est mono- nulome éosinophile, chez l’enfant par deux maladies :
clonale alors qu’elle est polyclonale en cas d’hyperplasie la maladie de Hand-Schüller Christian et la maladie de
lymphoïde. Actuellement, on réalise également une étude Letterer-Siwe comportant des anomalies générales et de

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10 A. Ducasse et al.

mauvais pronostic. Chez l’adulte, le plus souvent, la loca-


lisation du granulome éosinophile se fait au niveau de la
paroi supérolatérale de l’orbite. Il existe une ostéolyse qui
touche les deux tables osseuses avec souvent une image
caractéristique en « grelot ». Le traitement est chirurgical
avec curetage soigneux de la géode osseuse [22].
On peut rapprocher des histiocytoses le xanthogranulome
juvénile, le xanthogranulome de l’adulte, la maladie de
Rosai-Dorfman, la maladie d’Erdheim-Chester.
Les mélanomes primitifs orbitaires : ils sont excessive-
ment rares mais de pronostic mauvais. Leur traitement est
l’exentération le plus souvent.

Les tumeurs propagées à l’orbite


À partir du globe oculaire Figure 9. Aspect peropératoire d’une mucocèle fronto-
ethmoïdale.
Chez l’adulte, un mélanome uvéal peut envahir l’orbite
d’emblée ou après énucléation. L’effraction sclérale d’un Les tumeurs malignes des sinus
mélanome doit toujours être recherchée avant toute
thérapeutique et justifie une énucléation élargie avec radio- Carcinomes épidermoïdes kystiques, adénocarcinomes,
thérapie complémentaire. elles peuvent être maxillaires, frontales, ethmoïdales ou
À partir des paupières, toutes les tumeurs malignes pal- sphénoïdales. Les travailleurs du bois (ébénistes) sont par-
pébrales peuvent envahir secondairement l’orbite. Si cela ticulièrement exposés à ces tumeurs.
est fréquent pour les carcinomes épidermoïdes, les méla- L’évolution est plus rapide se manifestant parfois par
nomes, les tumeurs à cellules de Merkel, les carcinomes une dacryocystite aiguë. En imagerie, l’ostéolyse prédo-
sébacés, les carcinomes basocellulaires peuvent également mine avec une masse volumineuse mal limitée, hétérogène,
pénétrer dans l’orbite, en particulier en cas de récidive ou prenant fortement le contraste. L’IRM montre l’extension
de prise en charge chirurgicale incomplète. Cela aboutira le ou non vers l’endocrâne. Le traitement est chirurgical et
plus souvent à une exentération. l’exérèse doit être large, parfois par une triple équipe :
ORL, ophtalmologique et neurochirurgicale, complétée par
une radiothérapie et une chimiothérapie. Le pronostic reste
À partir de la conjonctive
mauvais.
Les tumeurs malignes conjonctivales, carcinomes épider- Les tumeurs malignes du nasopharynx ou de l’oropharynx
moïdes, mélanomes, peuvent envahir l’orbite et justifient peuvent pénétrer à l’intérieur de l’orbite.
parfois une énucléation ou une exentération d’emblée en
cas de tumeur agressive. À partir du système nerveux
Certaines tumeurs endocrâniennes de la base du crâne
À partir de la sphère otorhinolaryngologique peuvent se propager dans l’orbite : méningiome, chon-
drome, chordome, esthésioneuroblastome, etc.
On distingue les mucocèles sinusiennes : tumeurs bénignes
dues à une non ventilation d’un sinus (Fig. 9). D’évolution À partir des voies lacrymales
lente, elles érodent les parois osseuses et pénètrent dans
l’orbite. Elles peuvent être à point de départ frontal, eth- Des tumeurs malignes du conduit lacrymonasal ou du
moïdal ou fronto-ethmoïdal, refoulant le globe oculaire en sac lacrymal : carcinome épidermoïde, adénocarcinome,
bas et en dehors. Elles sont plus rarement maxillaires ou carcinome oncocytique, carcinome mucoépidermoïde, car-
sphénoïdales. Elles se voient surtout chez des adultes ayant cinome adénoïde kystique, mélanome, peuvent se propager
des antécédents sinusiens, de traumatismes ou de chirur- vers l’orbite. L’imagerie montre au mieux l’extension. Le
gie endosinusienne. L’examen rhinoscopique peut montrer traitement est chirurgical avec parfois nécessité d’une exen-
la masse au niveau des fosses nasales. tération. Le pronostic reste réservé [23].
L’imagerie montre une lésion bien limitée, kystique, non
vascularisée en échographie Doppler couleur. L’évolution est
lente mais peut se manifester de façon aiguë lors de rup- Les tumeurs secondaires : les métastases
ture de la mucocèle avec fistulisation cutanée et tableau
de cellulite orbitaire. Le traitement est chirurgical : abla- Assez fréquentes, elles se voient surtout après 50 ans
tion de la mucocèle, restitution d’une ventilation normale (Fig. 10). Habituellement, la tumeur primitive est connue,
du sinus. Les papillomes inversés envahissant l’orbite sont mais parfois la métastase orbitaire peut la révéler, imposant
plus rares. Les fibromes nasopharyngiens : tumeur plutôt du sa recherche par un bilan général complet, comportant une
jeune garçon, tumeur particulièrement vascularisée et jus- tomodensitométrie thoraco-abdominale, un examen ORL,
tifiant souvent une embolisation préopératoire. gynécologique, etc. Les métastases peuvent être uniques ou

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Tumeurs de l’orbite de l’adulte 11

maligne, une réunion de concertation pluridisciplinaire


(RCP) est indispensable ; elle réunit des oncologues, des
otorhinolaryngologistes, des neurochirurgiens, des radio-
logues, des radiothérapeutes et des ophtalmologistes. Le
RCP va appliquer des référentiels et assurer l’annonce du
diagnostic au patient et du plan de traitement envisagé,
ainsi que les avantages et inconvénients de telle ou telle
méthode thérapeutique. Une fois le choix thérapeutique
décidé, et conjointement avec le patient, son consente-
ment éclairé doit être obtenu et signé. La Société française
d’ophtalmologie a établi des fiches d’information pour les
tumeurs de l’orbite, les énucléations, les exentérations,
etc.
Trois types de traitements sont à notre disposition :
• la radiothérapie [25] : par voie externe classique ou
Figure 10. Métastase orbitaire d’un cancer du sein.
utilisant des faisceaux de proton, de neutron, des
modalités particulières comme la radiochirurgie sté-
multiples, parfois bilatérales. Elles peuvent se localiser pré- réotaxique fractionnée, le gamma-knife ou encore la
férentiellement dans les muscles oculomoteurs ou au niveau brachythérapie avec des implants radioactifs. Elle peut
de la paroi latérale de l’orbite. Elles entraînent habituelle- être utilisée en postopératoire en cas d’exérèse d’une
ment une exophtalmie tumorale douloureuse, œdémateuse, tumeur à haut risque métastatique ou d’exérèse incom-
avec des signes inflammatoires, une ophtalmoplégie. À noter plète, parfois c’est le traitement initial, par exemple
toutefois que certaines formes de squirrhe du sein peuvent dans les lymphomes. Les complications de l’irradiation
être responsables non pas d’une exophtalmie, mais d’une sont difficilement évitables : cataracte radique, réti-
énophtalmie. nopathie radique, neuropathie radique, papillopathie
En imagerie, on note souvent une ostéolyse avec des- radique, sténose lacrymale, parfois insuffisance hypophy-
truction osseuse, une forte prise de contraste et en IRM un saire secondaire ;
isosignal T1 et un fort hypersignal T2 prenant fortement le • la chimiothérapie : utilisée en première intention dans les
Gadolinium. lymphomes et les métastases, elle peut être également
Les cancers primitifs les plus fréquemment en cause sont utilisée secondairement à titre palliatif en cas de tumeur
le cancer du sein chez la femme, le cancer bronchique chez inextirpable, voire parfois en préopératoire pour diminuer
l’homme mais également les mélanomes cutanés, les can- le volume tumoral ;
cers prostatiques, les tumeurs carcinoïdes, les carcinomes • la chirurgie : c’est le traitement de choix des tumeurs
épidermoïdes cutanés, les tumeurs de la parotide ou du orbitaires ; le plus souvent utilisé en première intention.
côlon. Il faut rajouter à cette longue liste les cancers du La chirurgie orbitaire peut avoir différentes finalités :
rein, du rectum, du pancréas, du foie, du testicule et de la diagnostique, curative, décompressive ou palliative. À
thyroïde. Le traitement est difficile à codifier. Il dépend des visée diagnostique, ce sont les ponctions : ponctions
possibilités thérapeutiques vis-à-vis de la tumeur primitive. biopsies, biopsie exérèses déjà envisagées [26]. À visée
Le plus souvent, il est palliatif, associant radiothérapie, chi- curative : c’est l’exérèse de la lésion en totalité facilitée
miothérapie et hormonothérapie [24]. s’il existe un plan de clivage : capsule ou pseudocap-
sule tumorale. C’est la technique de choix en cas de
Tumeurs sur cavité anophtalme tumeur bénigne (hémangiome caverneux, schwannome,
etc.). En cas de tumeur diffuse, inextirpable en totalité,
Se manifestant habituellement par l’expulsion d’un implant l’exentération permet également une chirurgie curative.
ténonien, une intolérance, une instabilité de la prothèse, À visée décompressive : elle retirera au maximum le tissu
l’examen montre la tumeur au fond de la cavité ; il peut tumoral afin de pouvoir compléter le traitement par une
s’agir d’un kyste ou d’une récidive tumorale nécessitant une radiothérapie ou une chimiothérapie.
reprise en charge chirurgicale.
Les différentes voies d’abord
Traitement L’abord d’une tumeur orbitaire est le plus souvent réalisé
par une orbitotomie dont le type est fonction de la localisa-
Le traitement doit tenir compte du type histologique, du tion tumorale [1].
siège, de l’agressivité, de l’extension locale et générale, de
la vascularisation, de l’âge et de l’état général du patient.
La localisation est très importante : une tumeur anté- Les orbitotomies antérieures
rieure ou moyenne sera d’un abord beaucoup plus facile Elles peuvent être réalisées par voie transcutanée, l’incision
qu’une tumeur postérieure située à l’apex ; de même une étant soit en sous sourcilier, dans le pli palpébral supérieur,
localisation extracônique est plus facile à aborder qu’une au niveau du canthus médial, en sous ciliaire inférieur. La
localisation intracônique. Il faut estimer les possibilités voie transconjonctivale est élégante, elle permet d’aborder
anesthésiques en fonction de l’état général du patient les tumeurs extracôniques antérieures et également
et de la consultation d’anesthésie. En cas de tumeur intracôniques : on désinsère la conjonctive sur 360 degrés ;

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12 A. Ducasse et al.

pas léser les voies lacrymales. Actuellement ces voies sont


souvent abandonnées au profit d’un abord endonasal : au
moyen d’un endoscope nasal et d’une caméra, on aborde
la paroi médiale de l’orbite après ethmoïdectomie totale.
C’est la voie souvent utilisée actuellement pour traiter les
mucocèles et les tumeurs médiales de l’orbite.

Les orbitotomies supérieures


L’abord supérieur avec effondrement du plafond orbitaire se
fait surtout par voie neurochirurgicale pour les tumeurs de
l’apex ou les méningiomes. On peut réaliser soit une crânio-
tomie classique soit un abord cutané dans le pli palpébral
supérieur ou sous sourcilier avec dépose du bord orbitaire
supérieur. Cette intervention nécessite d’être réalisée à
Figure 11. Abord transconjonctival d’une tumeur rétro-oculaire double équipe avec un neurochirurgien. La neuronavigation,
droite qui est une métastase de cancer du rein. Noter le muscle de même qu’en chirurgie endonasale permet d’améliorer et
droit latéral désinséré et l’aide de la cryode. de fiabiliser ces techniques.

on peut s’aider d’une désinsertion musculaire pour pénétrer Les orbitotomies inférieures
à l’intérieur du cône fasciomusculaire. C’est la voie d’abord
actuellement utilisée le plus souvent dans les angiomes Elles sont rarement utilisées ; la plus classique est la voie
caverneux en s’aidant d’une congélation par cryode ou de Caldwell Luc, abordant le plancher orbitaire par le sinus
d’une coagulation proche de la tumeur (Fig. 11). maxillaire.
Le choix de l’orbitotomie est un temps fondamental de la
prise en charge qui doit être particulièrement réfléchi avant
Les orbitotomies latérales
l’incision.
Elles peuvent se faire avec ou sans dépose osseuse (Fig. 12).
L’incision cutanée est une incision de type Wright en S
allongé ou une incision dans le pli palpébral supérieur pro- Les complications
longée au niveau du canthus latéral. Lorsque la dépose
osseuse est réalisée, il s’agit d’une intervention de Krön- Cette chirurgie n’est pas dénuée de complications. Les prin-
lein, déposant le pilier latéral de l’orbite puis le refixant cipales sont :
en fin d’intervention. Cette voie d’abord permet de retirer • la cécité postopératoire, souvent liée à un héma-
les tumeurs extracôniques latérales et les tumeurs intracô- tome compressif ou éventuellement une oblitération de
niques situées en dehors du nerf optique. l’artère centrale de la rétine ou une neuropathie isché-
mique antérieure aiguë. La surveillance peropératoire de
la taille de la pupille et la surveillance postopératoire
Les orbitotomies médiales
notant la survenue d’une éventuelle mydriase liée à un
Les voies paralatéronasales, médiofaciales ou transfaciales hématome doivent être minutieuses ;
contournant l’aile du nez jusqu’à la lèvre supérieure per- • des complications musculaires sont possibles : incar-
mettent d’aborder la partie médiale de l’orbite et de cération ou section musculaire, source de troubles
l’ethmoïde. Il faudra être particulièrement vigilant à ne oculomoteurs, de diplopie postopératoire ; également des
ptosis par atteinte du releveur de la paupière supérieure ;
• des atteintes cornéennes avec anesthésie cornéenne, syn-
drome sec, kératite d’exposition ;
• des complications infectieuses : cellulite orbitaire, abcès
sous périosté ;
• à distance une énophtalmie, des cicatrices vicieuses.

En cas d’abord neurochirurgical et ophtalmologique,


il faut ajouter les complications de la chirurgie endo-
crânienne : fuite de liquide cérébrospinal, hématome
sous-dural, etc.
Ces complications sont plus fréquentes en cas de chirur-
gie de tumeur intracônique.

Gestes associés
Dans quelques cas, on peut utiliser :
Figure 12. Orbitotomie latérale avec dépose osseuse type Krön- • une embolisation, un curage ganglionnaire avec paroti-
lein pour un hémangiome caverneux orbitaire intracônique droit. dectomie ;

Pour citer cet article : Ducasse A, et al. Tumeurs de l’orbite de l’adulte. J Fr Ophtalmol (2016),
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Tumeurs de l’orbite de l’adulte 13

• une chirurgie de métastase isolée, hépatectomie réglée, of the orbit from 1976 to 2011. Ophthal Plast Reconstr Surg
etc. ; 2013;29:79—86.
• enfin une exentération emportant la totalité du contenu [6] Shields HA, Shields CA, Scartozzi R. Survey of 1264 patients
orbitaire avec ou sans conservation des paupières. Il s’agit with orbital tumors and simulating lesions: the
2002 Montgomery lecture. Part 1. Ophthalmology 2004;111:
d’une chirurgie lourde, la reconstruction est habituelle-
997—1008.
ment envisagée dans un second temps par greffe, lambeau
[7] Henderson JW. Orbital tumors. New York: Raven Press; 1994.
cutané ou transposition de muscle temporal. La pose [8] Rootman J. Orbital surgery in disease of the orbit. Philadelphia,
d’une épithèse collée ou fixée sur des implants intraos- PA: J.B. Lippincott; 1988, 612 p.
seux sera envisagée [27]. [9] Ducasse A. Conduite pratique à tenir devant une exophtalmie.
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[10] Ruban JM, Baggio E. Exophtalmies tumorales. J Fr Ophtalmol
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[11] Cabanis EA, Bourgeois H, Iba-Zizen MT. L’imagerie en ophtalmo-
Les tumeurs orbitaires de l’adulte sont diverses et variées. logie. Rapport de la Société française d’ophtalmologie. Paris:
La prise en charge associe chirurgie, radiothérapie et Masson; 1996. p. 324—407.
chimiothérapie en fonction du type de tumeur, de sa loca- [12] Pluot M, Cahn V, Ducasse A. L’immunohistochimie en anatomie
lisation et de son caractère bénin ou malin. Actuellement pathologique ophtalmologique : intérêt et limites. J Fr Ophtal-
les tumeurs les plus fréquentes chez l’adulte sont les lym- mol 2006;29:946—56.
phomes puis viennent les méningiomes, les métastases, [13] Ducasse A. Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification. EMC
les tumeurs propagées d’origine sinusienne, et en ce qui Ophtalmologie 2015:21 [21-650-A-30].
concerne les tumeurs bénignes, les hémangiomes caver- [14] Litré CF, Noudel R, Colin P, Sherpereel B, Peruzzi P, Rousseaux P.
Radiothérapie stéréotaxique fractionnée des méningiomes de
neux.
la gaine du nerf optique : à propos de huit cas. Neurochirurgie
L’imagerie a radicalement transformé le diagnostic de
2007;53:333—8.
ces tumeurs. L’anatomie pathologique et la cytologie per- [15] Franquet N, Pelleerin P, Dhellemmes P, Defoort-Dhellemmes
mettent de les étiqueter. S. Manifestations ophtalmologiques des méningiomes sphéno-
Les tumeurs antérieures, petites, souvent bénignes, bien orbitaires. À propos de 23 cas chirurgicaux. J Fr Ophtalmol
encapsulées, ne posent pas de problème chirurgical majeur ; 2009;32:16—9.
par contre les tumeurs postérieures, en particulier les [16] Rootman J. Vascular malformations of the orbit: hemodynamic
tumeurs de l’apex peuvent nécessiter des abords complexes concepts. Orbit 2003;22:103—20.
avec des risques chirurgicaux majeurs. [17] Weis E, Rootman J, Joly TJ, Berean KW, Al-Katan HM,
La prise en charge de ces tumeurs nécessite une col- Pasternak S, et al. Epithelial lacrimal gland tumors. Patholo-
gic classification and current understanding. Arch Ophtalmol
laboration étroite de divers spécialistes : ophtalmologiste,
2009;127:1016—28.
ORL, neurochirurgien, radiologue, anatomopathologiste,
[18] Rose GE, Wright JE. Pleomorphic adenoma of the lacrimal
radiothérapeute, chimiothérapeute, hématologiste, toutes gland. Br J Ophthalmol 1992;76:395—400.
spécialités au mieux réunies dans le cadre des RCP. Actuel- [19] Rootman J. Diseases of the orbit; a multidisciplinary approach.
lement la biologie moléculaire et l’analyse génétique des 2nd Ed. Philadelphia, PA: J.B. Lippincott, Williams and Wilkins;
tumeurs orbitaires font des progrès importants et permet- 2003. p. 53—69.
tront peut-être d’établir de façon plus fine le pronostic de [20] Rose GE. To crash or not to crash? Probability in the mana-
ces tumeurs en préopératoire [1]. gement of benign lacrimal gland tumours. Eye 2009;23:
1625—8.
[21] Swerdlow SH, Campo E, Lee Harris N, Jaffe ES, Pileri SA, Stein
Déclaration de liens d’intérêts H, et al. WHO Classification of tumours of haematopoietic and
lymphoid tissue. WHO presse. 4e Ed Lyon: IARC; 2007.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. [22] Vosoghi H, Rodriguez-Galindo C, Wilson MW. Orbital involve-
ment in Langerhans cell histiocytosis. Ophthal Plast Reconstr
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[1] Ducasse A. Tumeurs de l’orbite de l’adulte : des signes cliniques Rapport de la SFO. Paris: Masson; 2006. p. 345—55 [Chapitre
au traitement. EMC Ophtalmologie 2015:17 [21-650-A-20]. 6].
[2] Ducasse A. Anatomie et vascularisation de l’orbite. EMC Oph- [24] Valenzuela AA, Archibald CW, Fleming B, Ong L, Mc Nab AA,
talmologie 2013:23 [21-006-A-10]. O’Donnell B, et al. Orbital metastasis: clinical features, mana-
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Pour citer cet article : Ducasse A, et al. Tumeurs de l’orbite de l’adulte. J Fr Ophtalmol (2016),
http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2015.11.009

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