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14-764

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 14-764

Chordomes
J Stines
P Henrot
C Jeanrot
Résumé. – Les chordomes sont des tumeurs dysembryoplasiques développées à partir de reliquats de la
TS Vinh
notochorde. La localisation est dans la moitié des cas sacrococcygienne, dans 35 % des cas sphéno-occipitale
et dans 15 % des cas vertébrale. Les signes cliniques sont variables selon la localisation. Le diagnostic est
souvent retardé par suite d’une évolution lente de la tumeur. Le diagnostic radiologique est difficile sur les
clichés standards, mais la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique amènent des
arguments diagnostiques. Ces examens sont aussi indispensables pour le bilan d’extension. On distingue des
formes typiques et des variantes chondroïdes et dédifférenciées. La survie est variable selon les séries.
L’évolution est surtout locale. Le traitement de base est la chirurgie quand elle est techniquement réalisable.
La radiothérapie peut être utilisée à titre palliatif ou en complément de la chirurgie. L’efficacité de la
radiothérapie est d’autant meilleure que les résidus tumoraux ne sont que microscopiques. Même lorsque le
traitement a été optimal, les récidives tardives sont toujours possibles.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : chordome, tumeur osseuse maligne, tumeur du sacrum.

Introduction moins une lésion maligne, comme en témoignent son comportement


locorégional agressif et l’apparition possible de métastases à
Le chordome est une tumeur dysembryoplasique qui dérive des distance.
reliquats de la notochorde fœtale, cordon cellulaire dérivé de
l’ectoderme apparaissant à un stade précoce de l’embryogenèse. Ce Localisation
cordon, sous-jacent au tube neural, constitue le premier squelette
Les chordomes se développent presque exclusivement sur le
axial de l’embryon. Des vestiges de la notochorde sont présents dans
squelette axial. Sur l’ensemble des séries rapportées, 50 % sont
le nucleus pulposus des disques intervertébraux, des corps
sacrococcygiens, 35 % sphéno-occipitaux et 15 % vertébraux [22]. Dans
vertébraux, du sacrum, de l’apophyse basilaire de l’occipital et du
la série de la Mayo Clinic, sur 51 tumeurs vertébrales, 22 étaient de
sphénoïde. Une dégénérescence maligne de ces reliquats est à
siège cervical, 18 de siège lombaire et 11 seulement de siège
l’origine du chordome.
thoracique [44]. Le chordome sacrococcygien, de loin la localisation la
Depuis sa description par Ribbert en 1894, plus de 1 000 cas de plus fréquente, atteint préférentiellement les segments sacrés distaux
chordomes ont été rapportés, la série la plus importante restant celle S3, S4 ou S5, et plus rarement les segments S1-S2. Les localisations
de la Mayo Clinic, avec 356 cas [9, 35, 44]. Ce sont des tumeurs à multiples d’emblée non métastatiques sont exceptionnelles, de
évolution lente que l’on observe à la base du crâne, au sacrum ou même que les localisations osseuses en dehors de l’axe
sur la colonne vertébrale. Elles constituent, selon les séries, de 3 à craniorachidien (orbite, sinus frontal, maxillaire supérieur, écaille de
7 % des tumeurs malignes primitives du squelette. Dans la série de l’occiput et omoplate).
la Mayo Clinic, les chordomes représentent 4,14 % des tumeurs Il existe de très rares parachordomes (chordomes périphériques) qui
osseuses malignes [44]. L’âge de survenue se situe entre 40 et 70 ans, ne diffèrent des chordomes habituels que par leur siège extraosseux
avec une prédominance masculine de un pour trois. Le chordome et dont l’explication n’est pas claire [30, 49]. On décrit enfin des
de la base du crâne se manifeste plus précocement entre 30 et 60 ans chordomes cutanés qui partagent avec les chordomes osseux les
avec une prépondérance masculine moins nette. Le chordome de mêmes aspects histologiques, mais sont bénins, avec des
l’enfant est exceptionnel et atteint en général la base du crâne et le caractéristiques cliniques entièrement différentes.
rachis cervical. De rares cas ont été décrits chez le nouveau-né ou
chez le sujet âgé de plus de 80 ans.
Le chordome reste à l’heure actuelle un enjeu thérapeutique difficile
Clinique
en raison de ses localisations. Lentement évolutif, il n’en reste pas La symptomatologie est variable selon le siège et la taille de la
tumeur. Ce sont des tumeurs d’évolution lente et souvent d’emblée
volumineuses au moment du diagnostic dont le caractère souvent
Joseph Stines : Médecin spécialiste de centre de lutte contre le cancer, chef de service. tardif s’explique par la discrétion initiale des signes cliniques.
Philippe Henrot : Médecin spécialiste de centre de lutte contre le cancer.
Service de radiodiagnostic, centre Alexis Vautrin, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy
LOCALISATIONS SACROCOCCYGIENNES
cedex, France.
Cécile Jeanrot : Praticien hospitalier. Les signes habituels (douleurs, coccygodynies, hémorroïdes,
Tho Son Vinh : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de chirurgie orthopédique B, groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul-La-Roche-Guyon,
contractures musculaires et attitudes antalgiques) n’ont rien de
27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France. spécifique. Lorsque le volume tumoral augmente, apparaissent des

Toute référence à cet article doit porter la mention : Stines J, Henrot P, Jeanrot C et Vinh TS. Chordomes. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Appareil locomoteur, 14-764,
2001, 9 p.

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signes de compression neurologique (radiculalgies, sciatalgies, Les chordomes du rachis se développent à partir de la région
déficits sensitivomoteurs, syndrome de la queue-de-cheval), antérolatérale des vertèbres. Ils envahissent le corps vertébral et
digestive (constipation et faux besoins) et urinaire (dysurie et peuvent s’étendre aux vertèbres adjacentes à travers l’espace discal.
pollakiurie). L’examen clinique est essentiel car les signes Il y a une atteinte de plusieurs vertèbres contiguës dans la moitié
radiologiques sur les clichés simples du bassin peuvent être très des cas, en particulier à l’étage cervical, ce qui serait très évocateur.
discrets, voire absents. La tumeur est presque constamment Les localisations dorsolombaires sont en revanche généralement
accessible au toucher rectal qui montre une masse ferme, indolore, univertébrales, débutant par un tassement vertébral postérieur qui
faisant corps avec le sacrum et refoulant le rectum vers l’avant. La s’étend ensuite au pédicule. Les formes principalement
palpation d’une masse postérieure médiane ou paramédiane est plus ostéocondensantes semblent plus fréquentes que dans les autres
rare mais doit être recherchée. localisations [11, 13]. Les clichés standards montrent souvent une masse
tumorale des parties molles en avant de l’axe rachidien, avec un
aspect en fuseau. Des calcifications semblables à celles décrites dans
LOCALISATIONS SPHÉNO-OCCIPITALES
les autres localisations peuvent être observées [14].
Selon le degré d’extension des lésions, la symptomatologie associe
des signes neurologiques (paralysie des nerfs crâniens avec diplopie,
réduction du champ visuel, cécité, syndrome cérébelleux), des TOMODENSITOMÉTRIE
troubles endocriniens par envahissement de la loge pituitaire Les aspects en tomodensitométrie (TDM) sont semblables, quelle
(aménorrhée, stérilité, perte de la libido, gain pondéral), des que soit la localisation. Plusieurs descriptions ont été publiées
manifestations d’hypertension intracrânienne et plus rarement des
depuis 1983 [27, 41, 45]. La topographie, l’importance et les limites de
crises comitiales. En cas de développement antérieur, on peut
l’ostéolyse sont très bien visualisées. L’extension tumorale dans les
observer un mouchage, une obstruction des fosses nasales et une
parties molles se présente comme une masse polylobée à bords nets,
masse pharyngée ou palatine.
de développement antérieur ou latéral, contenant souvent des zones
hypodenses séparées par des septa, surtout après injection de
LOCALISATIONS VERTÉBRALES produit de contraste [27, 37]. Les calcifications sont mieux visibles
qu’en radiographie standard. Elles sont présentes dans 87 % des
Dans les formes cervicales, l’extension antérieure peut comprimer
chordomes sacrococcygiens [41] et dans 40 % des chordomes du rachis
les voies aérodigestives et provoquer une dysphagie, voire une
mobile. L’examen en TDM permet de dépister un envahissement
dyspnée. La tumeur est alors accessible à la palpation pharyngée et
canalaire non soupçonné cliniquement, et parfois un envahissement
aux examens du carrefour laryngopharyngé. En cas de
discal [27].
développement postérieur, peuvent survenir des troubles
neurologiques graves pouvant aller jusqu’à la quadriplégie.
Dans les formes dorsolombaires, la symptomatologie est banale au IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
début (dorsalgies, lombalgies, contractures musculaires). Lors de
En imagerie par résonance magnétique (IRM), le chordome se
l’évolution, peuvent survenir des douleurs radiculaires et parfois un
caractérise par un hypo- ou isosignal en pondération T1 et un
syndrome de compression médullaire avec constitution d’une
hypersignal en pondération T2, en raison de la matrice gélatineuse
paraplégie. Dans ces formes vertébrales, la tumeur n’est jamais
ou semi-solide de la tumeur. Les coupes sagittales et frontales
directement accessible à l’examen clinique, ce qui peut retarder le
précisent au mieux la topographie et les rapports avec les structures
diagnostic en l’absence du recours à l’imagerie.
vasculaires et les extensions nerveuses, en particulier
intracanalaires [ 4 3 ] qui sont mieux visibles après injection
intraveineuse de gadolinium [13]. Tous les chordomes prennent le
Étude radiologique contraste. Ils sont presque toujours hétérogènes après injection. Les
chordomes de la base du crâne se manifestent par une extension
Le diagnostic radiologique des chordomes est difficile. Il peut être postérieure à la citerne pontique, une masse lobulée en « rayons de
porté sur les éléments suivants : une localisation axiale sur le sacrum miel » après injection de gadolinium, un englobement fréquent des
ou le clivus, une lyse géographique ou lobulée centrale, une masse structures vasculaires comme le polygone de Willis et un
des parties molles, centrale ou latérale, et des restes d’os détruit. Il envahissement du sinus caverneux et du tronc cérébral [12, 28].
faut penser de manière systématique au diagnostic de chordome
quand ces éléments sont réunis.
AUTRES TECHNIQUES D’IMAGERIE
La scintigraphie osseuse au technétium (99mTc) n’est pas un examen
RADIOLOGIE STANDARD
performant pour étudier l’importance de la destruction osseuse et
L’ostéolyse est constante mais non pathognomonique. Elle est plus de l’extension tumorale. Elle peut être normale, mais montre le plus
ou moins étendue, irrégulière, mal limitée, parfois associée à des souvent une hypofixation au sein de la zone détruite par la tumeur,
calcifications intratumorales ou péritumorales. contrastant avec une hyperfixation à la périphérie tumorale.
Cette destruction osseuse est habituellement nette à l’étage moyen L’artériographie, le lavement baryté et l’urographie ne montrent que
et inférieur de la base du crâne, avec des modifications du clivus et des signes indirects et n’ont donc plus d’intérêt diagnostique.
de la selle turcique élargie de profil. En cas d’extension antérieure, il
y a une masse opaque refoulant, sur les clichés de profil, la paroi
pharyngée postérieure. BILAN D’EXTENSION

Sur le sacrum et les vertèbres, l’ostéolyse centrosomatique est moins La guérison des chordomes ne peut être obtenue que par un geste
nette. Elle intéresse d’abord le corps du sacrum et les trous sacrés, chirurgical large laissant des marges saines. Il est donc indispensable
puis les ailerons sacrés. Le point de départ est souvent latéral d’avoir une évaluation préopératoire aussi précise que possible de
(effacement d’un trou sacré) avant d’envahir la partie inférieure du la topographie de la tumeur et de ses extensions. À l’heure actuelle,
sacrum. La masse des parties molles refoule les clartés gazeuses vers la TDM et surtout l’IRM apportent les meilleurs renseignements et
l’avant et contient, dans 25 % des cas, des calcifications semblables à sont donc indispensables au bilan d’extension. Le rendement du
celles des tumeurs cartilagineuses, des résidus osseux s’étendant scanner est meilleur que celui de l’IRM pour la précision de l’atteinte
vers la masse des parties molles et des calcifications curvilignes osseuse. L’IRM est indiscutablement supérieure à la TDM en ce qui
[23, 37]
. concerne le contraste entre masse tumorale et tissus mous.

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*
A *
B *
C

1 Chordome de la base du crâne.


A. Tomodensitométrie (TDM). Ostéolyse partielle de C1 et de l’occipital (sur d’autres coupes, l’ostéolyse s’étend
à C2).
B. TDM. Partie supérieure de la masse tumorale avec calcifications intratumorales.
C. Imagerie par résonance magnétique (IRM). Coupe frontale en pondération T1 montrant l’extension en hauteur
de la lésion et le refoulement de l’axe bulboprotubérantiel.
D. IRM. Coupe axiale en pondération T2. Hypersignal tumoral. Bonne délimitation de la tumeur par rapport aux
structures anatomiques environnantes.

*
D

*
B *
C
2 Chordome sacré.
A. Cliché standard du sacrum. Pas de lyse osseuse identifiable.
B. Coupe tomodensitométrique (TDM) après injection. Grosse masse hypodense avec des lobulations. Prise
de contraste des septa.
C. Coupe TDM passant par la partie inférieure du sacrum et montrant une petite lyse localisée.
*
A

L’invasion musculaire est en particulier plus facilement visualisée TDM ou IRM peut fournir des informations suffisantes sur les
en IRM, notamment lors des récidives. Les coupes sagittales d’IRM rapports vasculaires.
en pondération T2, qui montrent très bien les extensions tumorales En cas de tumeur volumineuse ou de récidive, il est utile de
dans le canal rachidien, remplacent la myélographie dont les rechercher des extensions ganglionnaires et des métastases à
indications sont à présent exceptionnelles. L’artériographie a parfois distance, en particulier pulmonaires. D’autres localisations
été utilisée pour compléter le bilan d’extension ou pour pratiquer secondaires peuvent être recherchées en fonction des signes d’appel
une embolisation préopératoire. À l’heure actuelle, l’angiographie (fig 1, 2, 3, 4, 5).

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*
C

*
B

*
A

*
E

*
D
3 Chordome de C3.
A. Cliché standard de profil. Importante masse des parties molles non calcifiée. Érosion de la face antérieure de C4 avec soufflure périostée et érosion du coin antéro-inférieur
de C3 (flèches).
B. Examen tomodensitométrique (TDM) montrant une masse hypodense avec des trabéculations qui se rehaussent de manière intense après injection intraveineuse de produit
de contraste.
C. TDM. Grosse récidive locale 3 ans après l’exérèse chirurgicale de la lésion.
D. Cliché standard. Métastase dorsale de T9 concomitante de la récidive locale.
E. Coupe TDM en T9. Envahissement du canal médullaire par la masse tumorale.

d’abord qui ne contamine pas une région anatomique saine et qui


peut être systématiquement incluse dans la pièce d’exérèse. Pour les
localisations sacrées et rachidiennes, une biopsie par voie postérieure
est la règle. Une biopsie transrectale pour les tumeurs sacrées est
fortement déconseillée, car elle risque d’entraîner la dissémination
de cellules tumorales aux tissus avoisinants et nécessite dès lors
d’inclure le rectum initialement indemne dans la pièce de résection
chirurgicale. Pour les localisations sphénoïdales, la voie rhinoseptale
est la voie habituelle, la seule qui conduit sur la région sellaire et
partiellement sur le clivus.

FORME TYPIQUE
À l’examen macroscopique, la tumeur peut mesurer de quelques
centimètres jusqu’à 20 ou 30 cm. Elle est encapsulée, sauf sur sa
surface osseuse d’insertion, et sa consistance est élastique. À la
coupe, le tissu est fréquemment lobulé, d’apparence gélatineuse,
mucoïde ou blanchâtre. Des foyers d’ossification ou de calcification
sont possibles (fig 6A).
À l’examen microscopique, le chordome se caractérise par une
architecture lobulée constante avec des septa fibreux, une matrice
mucoïde et des cellules de morphologie variée : épithéliales, rondes,
fusiformes, géantes, multinucléées. Les éléments cellulaires sont
disposés en cordons, travées ou massifs, avec un cytoplasme
4 Chordome de topographie pharyngée. Imagerie par résonance magnétique : coupe
éosinophile ou vacuolaire (fig 6B). Ces vacuoles de mucus sont
sagittale. Masse lobulée en hypersignal T2. Pas d’atteinte osseuse apparente.
variables en nombre et en taille, les plus volumineuses d’entre elles
constituant les cellules physaliphores, considérées comme
Anatomie pathologique [26]
caractéristiques, mais pouvant manquer sur de simples fragments
biopsiques ou une aspiration à l’aiguille (fig 6C). Malgré un certain
Les prélèvements tumoraux sont obtenus par une ponction au degré de polymorphisme, la présence de mitoses et d’atypies
trocart ou une biopsie chirurgicale, en veillant à utiliser une voie nucléaires est rarement notée et non corrélée au pronostic.

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5 Récidive multinodulaire d’un chordome développé dans


les parties molles postérosacrées.
A. Imagerie par résonance magnétique. Nodule paramé-
dian gauche faiblement rehaussé après injection intravei-
neuse de gadolinium.
B. Radiographie de la pièce de sacrectomie partielle. Pas
d’atteinte osseuse identifiable (atteinte osseuse sacrée mi-
nime au contrôle histologique).

*
A

*
B

*
A *
B
6 A. Aspect en microscopie optique (hématoxyline-éosine-safran × 30). Le chordome
est agencé en lobules séparés par des septa fibreux.
B. Aspect en microscopie optique (hématoxyline-éosine safran × 100). Les cellules
sont disposées en cordons, travées ou massifs et entourées de mucus.
C. Aspect en microscopie optique (hématoxyline-éosine-safran × 300). Certaines
cellules tumorales contiennent des vacuoles de mucus. Au centre de l’image, une
cellule physaliphore multivacuolaire.

*
C

FORMES ANATOMOCLINIQUES PARTICULIÈRES chondroïdes peuvent être visibles radiologiquement sous forme de
calcifications et revêtent un aspect histologique de chondromes ou
On distingue des formes avec un matériel mucoïde prédominant,
de chondrosarcomes bien différenciés, pouvant à tort faire porter un
simulant un adénocarcinome colloïde muqueux, des formes avec
faux diagnostic.
foyers chondroïdes définissant le chordome chondroïde et des
formes de chordome dédifférencié contenant des secteurs
sarcomateux. Le chordome dédifférencié est une forme rare (moins de 5 % des
cas) comportant un large composant sarcomateux de haut grade de
Le chordome chondroïde est une forme rare de chordome localisé malignité (fibrosarcome ou histiocytofibrome malin). Cette
dans la synchondrose sphéno-occipitale. Il atteint préférentiellement transformation sarcomateuse peut être présente d’emblée, lors d’une
les sujets jeunes (âge moyen 35 ans) de sexe féminin et peut aussi récidive, ou après une irradiation. Il s’agit d’une forme agressive,
s’observer chez l’enfant. Ce chordome se caractérise par un pronostic avec des métastases précoces qui ne contiennent, dans la majorité
bien meilleur que celui des chordomes habituels. Les foyers des cas, que le composant anaplasique.

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HISTOPRONOSTIC exérèse incomplète, avec une différence significative [48] . Ces


La présence de secteurs sarcomateux est un élément de mauvais récidives sont probablement secondaires à la persistance de résidus
pronostic, en général corrélé avec la survenue de métastases tumoraux, ce qui confirme l’importance d’un bilan d’imagerie
hématogènes précoces, notamment pulmonaires. La présence d’une préopératoire très précis et d’une résection tumorale large. Le
différenciation chondroïde est un élément de bon pronostic, mais dépistage précoce de récidives est difficile par la surveillance
cette forme n’intéresse que la région sphéno-occipitale. Hormis ces clinique. Un suivi régulier annuel par des examens d’imagerie,
deux formes anatomocliniques, il est impossible d’établir un tomodensitométrie et surtout IRM, est indispensable pour détecter
histopronostic pour les chordomes habituels. Ni le pléomorphisme, une récidive qui peut être encore accessible à une chirurgie radicale,
ni la présence de mitoses ou d’atypies nucléaires n’ont de réelle seule chance de guérison pour le patient.
valeur pronostique. Le décès survient par compression nerveuse locale ou invasion du
canal neural, rarement par dissémination métastatique, avec, en fin
d’évolution, une accentuation des troubles neurologiques et un état
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL d’invalidité fréquent. Les métastases du chordome se font
Il repose sur l’examen anatomopathologique, bien que certains essentiellement par voie sanguine. Pendant de nombreuses années,
aspects de l’imagerie puissent faire discuter, selon l’âge et la elles ont été considérées comme rares et tardives, avec une incidence
localisation, un chondrosarcome ou une métastase. Il faut néanmoins inférieure à 10 %. En réalité, leur fréquence varie de 0 à 43 % selon
évoquer systématiquement un chordome lorsque la lésion est située les séries [9, 22] . Elles surviennent en moyenne 6 ans après le
aux extrémités de l’axe rachidien ou sur les corps vertébraux. Chez diagnostic (de 1 à 10 ans). Les poumons, le foie et les ganglions
l’enfant, les chordomes sacrés doivent être distingués des tératomes lymphatiques sont les sites métastatiques les plus fréquents. Les
dans cette même région [5]. localisations osseuses sont plus rares et concernent surtout le
Sur le plan histologique, le diagnostic de chordome est relativement rachis [34]. Des métastases cérébrales, cutanées et mammaires ont
aisé, mais des difficultés diagnostiques peuvent être rencontrées avec également été décrites [20, 49]. La survie prolongée pour les chordomes
des carcinomes ou des sarcomes. L’immunohistochimie et l’étude du sacrum, les récidives multiples et la radiothérapie, joueraient un
ultrastructurale constituent alors un complément intéressant au rôle dans la survenue des métastases [19, 22].
diagnostic. Le chordome doit être distingué des carcinomes à
cellules claires et des adénocarcinomes mucosécrétants, en
particulier dans les formes à stroma mucoïde prédominant. La Traitements
positivité observée pour le chordome avec les anticorps
antivimentine (100 % des cas) et antiprotéine S100 (64 % des cas)
permet de redresser le diagnostic. Il est parfois difficile de CHIMIOTHÉRAPIE
différencier un chordome des différentes variétés de sarcomes Elle n’a pas fait la preuve de son efficacité, bien que des résultats
d’aspect myxoïde : chondrosarcome, liposarcome, sarcome encourageants aient été publiés pour les chordomes dédifférenciés [18]
chordoïde. La positivité du chordome pour la 5’ nucléotidase, et métastatiques [40].
associée à la membrane cytoplasmique et pour les marqueurs
épithéliaux dans 95 % des cas (anticorps anti-EMA et
anticytokératine) est ici essentielle. En effet, le chordome semble être EMBOLISATION
la seule tumeur dont les cellules expriment une triple positivité Les embolisations sont envisageables avant la chirurgie pour
simultanée pour les cytokératines, la vimentine et la protéine S100. diminuer les saignements ou à titre palliatif et antalgique quand les
Les études cytogénétiques sont encore peu nombreuses, mais possibilités de la chirurgie sont dépassées.
révèlent des anomalies chromosomiques qui prédominent sur le
chromosome Ip dans les rares cas qui ont pu être étudiés [10].
RADIOTHÉRAPIE
La radiothérapie, bien que non curative, a depuis longtemps fait la
Évolution et pronostic preuve de son efficacité durable sur le volume tumoral et la douleur
[9, 22, 29]
. Il est possible d’obtenir un effet palliatif à partir d’une dose
Higinbotham et al rapportaient en 1967, sur une série de minimale de 40 Gy, mais certains auteurs recommandent l’utilisation
46 chordomes, une survie globale de l’ordre de 50 % à 5 ans, de 25 % de doses entre 60 et 70 Gy pour un effet plus efficace
à 10 ans et de 5 % à 20 ans, tous traitements confondus [22] . [22, 36]
. Cependant, l’irradiation à fortes doses se heurte au risque de
Cependant, les auteurs rapportaient moins de 10 % de patients en radiotoxicité dès 30-40 Gy, en particulier de la moelle. Par ailleurs, il
vie à 5 ans sans récidive ni métastases. La durée de survie moyenne ne semble pas exister de différence significative en termes de survie
dépend de la localisation du chordome. Elle est de 7 ans pour les entre l’utilisation de doses supérieures ou inférieures à 50 Gy. Les
localisations sacrococcygiennes, de 6 ans pour les localisations patients qui répondent à une première irradiation répondent en
rachidiennes lombaires et de 18 mois pour les localisations général à une deuxième cure, même avec une dose plus faible de
craniorachidiennes. La survie apparaît cependant améliorée pour les rayons [6]. En revanche, il est inutile de renouveler un traitement par
séries les plus récentes, en raison des progrès chirurgicaux irradiation en cas de poursuite évolutive, à cause du risque de
permettant des résections de plus en plus larges. Pour les chordomes complications potentiellement mortelles. La radiothérapie a
lombosacrés, des taux de survie globale aux alentours de 80 % à longtemps été considérée comme un traitement palliatif pour les cas
5 ans et 30 % à 10 ans, tous traitements confondus, ont été rapportés. inopérables ou les récidives tumorales. Or, son efficacité supérieure
Le taux de survie à 5 ans sans maladie oscille entre 40 et 60 % sur les résidus tumoraux microscopiques fait de la radiothérapie un
[7, 8, 33, 47]
. Pour les chordomes du rachis mobile, des taux de 58 % de complément intéressant de la résection chirurgicale [6]. Deux études
survie à 5 ans ont été rapportés après un traitement chirurgical [3]. ont montré que la radiothérapie pratiquée au décours d’une
L’évolution est surtout locale, avec la survenue de récidives résection incomplète du sacrum améliorait de façon significative la
fréquentes et multiples dont le taux varie de 45 à 80 % selon les survie sans maladie [8, 48]. En cas de lésion de la base du crâne,
séries, quel que soit le traitement entrepris. Sur toutes les séries l’exérèse chirurgicale n’est pratiquement jamais complète et le
publiées, ces récidives s’avèrent inéluctables en cas de curetage ou contrôle local ne peut pas être obtenu par une irradiation
d’exérèse incomplète ou marginale. Seule une résection radicale conventionnelle. Dans ces cas, il faut envisager le recours à des
semble offrir au patient une survie prolongée sans maladie au-delà irradiations en condition stéréotaxique ou par des faisceaux de
de 5 ans, mais n’exclut pas cependant la survenue de récidives particules [4, 31]. Dans une série de 48 patients irradiés, la survie était
tardives [9, 22, 33]. York et al rapportent un délai moyen d’apparition de 62 mois après la date du diagnostic et il n’y avait aucune
des récidives de 2,27 ans après exérèse radicale contre 8 mois après différence entre les localisations du clivus et les autres. Il n’a été

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observé qu’une réponse complète et aucune réponse partielle, mais


il a été noté un bénéfice subjectif chez la plupart des patients [6]. 7 Arthrodèse iliolombai-
re instrumentée par du ma-
L’utilisation de la radiothérapie serait plus efficace en postopératoire tériel de Cotrel-Dubousset
qu’en préopératoire pour assurer un effet palliatif significatif et après une sacrectomie totale
[36, 41]
durable . Enfin, il est préférable de pratiquer la radiothérapie
dans la période postopératoire, après obtention de la cicatrisation,
car une irradiation préopératoire augmente le risque de nécroses
cutanées et d’infections postchirurgicales.

CHIRURGIE
En l’absence d’efficacité curative de la chimiothérapie et de la
radiothérapie, la chirurgie constitue le traitement principal du
chordome. Nous traitons principalement dans ce chapitre de
l’exérèse chirurgicale du chordome sacrococcygien, localisation de
loin la plus fréquente, dont nous avons l’expérience sur une série de
11 cas. La chirurgie radicale est le traitement de choix quand elle est
techniquement réalisable. Les récidives tumorales s’avèrent
inéluctables en cas de curetage ou d’exérèse incomplète ou
marginale. Seule une résection radicale passant au large de la
tumeur, avec ou sans radiothérapie, semble offrir au patient une
survie prolongée sans maladie au-delà de 5 ans, mais n’exclut pas la
survenue de récidives, même tardives. La radiothérapie
complémentaire a de ce fait une place prépondérante.

¶ Chordomes sacrococcygiens

Notions de base
La conservation du corps de la première vertèbre sacrée suffit à
Le chordome du sacrum est une tumeur maligne de croissance lente préserver la stabilité de la ceinture pelvienne. En revanche, les
et insidieuse, dont le volume tumoral est d’emblée majeur (supérieur sacrectomies totales nécessitent théoriquement une restauration de
à 10 cm dans deux tiers des cas) lorsque le patient vient consulter. la continuité pelvienne qui peut être réalisée par une arthrodèse
Une sacrectomie radicale n’est donc réalisable que dans 10 à 50 % iliolombaire instrumentée permettant une verticalisation et une
des cas selon les séries [17, 22, 39, 41]. Une extension tumorale antérieure déambulation précoce du patient (fig 7). Cependant, pour certains
est constante, mais elle est aussi associée, dans environ 60 % des auteurs, la stabilité axiale est suffisamment assurée par le
cas, à une rupture corticale postérieure et une extension dans les développement du « hamac biologique », formé par les muscles
muscles glutéaux [38, 41]. Un bilan d’imagerie préopératoire aussi attachés d’une part sur l’anneau pelvien, et d’autre part sur la partie
précis que possible est donc indispensable afin de planifier le geste distale de la dernière vertèbre lombaire laissée en place [15]. L’opéré
chirurgical. est alors immobilisé en décubitus dorsal pendant 8 à 12 semaines,
La crainte des séquelles neurologiques a longtemps fait hésiter les puis verticalisé progressivement dans une orthèse en plastique.
chirurgiens à pratiquer la résection d’une portion plus ou moins
importante de sacrum et des racines nerveuses correspondantes. Méthodes chirurgicales
Malheureusement, en l’absence de traitement ou en cas de récidive, On a le choix entre la résection et le curetage endolésionnel.
l’évolution de la tumeur finit par entraîner des troubles
neurologiques sévères avec une paralysie complète de la queue-de- • Résection radicale
cheval et une atteinte des membres inférieurs. Les conséquences des
résections sacrées sont maintenant bien connues, notamment grâce Passant à distance de la tumeur, avec une marge de tissus sains d’au
aux études de Stener et Gunterberg [42]. Les troubles neurologiques moins 1 cm, c’est le traitement de choix sur le plan carcinologique. Il
sont dominés par l’atteinte des fonctions sphinctériennes et sont plus faut distinguer les sacrectomies hautes (niveaux S1 et S2) des
ou moins sévères selon le niveau de la sacrectomie. Tant que les sacrectomies basses (niveaux S3, S4 et S5).
racines S1 sont conservées, les troubles neurologiques sur les Les sacrectomies basses sont des interventions peu hémorragiques
membres inférieurs sont rares. Le sacrifice unilatéral des nerfs sacrés et relativement rapides pour un chirurgien entraîné (en moyenne
ou la conservation des trois premières racines sacrées d’un côté, et 3 heures). Elles sont réalisées par voie postérieure isolée et se
des deux premières racines controlatérales, n’entraîne que peu de compliquent rarement.
troubles, avec une fonction sphinctérienne proche de la normale. En revanche, il faut insister sur la durée et le saignement importants
Quand le niveau d’exérèse se situe en S2, les racines S1 peuvent être des amputations hautes du sacrum, chirurgie lourde, compliquée
conservées, mais les autres nerfs sont inclus dans la pièce de dans environ 30 à 40 % des cas de surinfection locale nécessitant
résection. Le déficit neurologique est mineur sur les membres parfois une, voire plusieurs réinterventions. L’utilisation d’une voie
inférieurs, alors que les troubles génitaux et sphinctériens sont postérieure isolée ou d’une voie combinée reste discutée selon les
majeurs, à type d’impuissance, d’incontinences urinaire et anale. auteurs : MacCarthy, Localio, Stener et Gunterberg recommandent
Cependant, la conservation des racines S2 limite d’environ 50 % la une double voie, antérieure et postérieure, à une ou deux équipes
sévérité des troubles neurologiques [2, 8, 39]. Si la tumeur atteint le [24, 25, 42]
. Pour Localio, l’intervention est menée par deux équipes,
sacrum jusqu’au niveau S1, tous les nerfs sacrés doivent être inclus simultanément, sur un opéré en décubitus latéral. Pour Stener,
dans la pièce opératoire. Les troubles génitosphinctériens sont l’intervention est assurée par une seule équipe en commençant par
identiques. Les troubles neurologiques sur les membres inférieurs une voie d’abord antérieure sur un opéré en décubitus dorsal, puis
sont plus sévères en raison du sacrifice des racines S1, mais une une voie postérieure après avoir retourné le patient en décubitus
fonction motrice reste possible par l’innervation des racines L5. La ventral. En revanche, d’autres auteurs ont réalisé, par voie
chirurgie des tumeurs du sacrum inclut également la résection d’une postérieure isolée, des amputations hautes du sacrum [32, 39, 46]. Dans
bonne partie des muscles grand glutéal et piriforme, mais l’extension l’abord antérieur par voie médiane sous-péritonéale, les vaisseaux
active de hanche reste possible par l’action compensatrice des iliaques internes sont ligaturés, ainsi que les vaisseaux sacrés
muscles ischiojambiers et adducteurs. médians et latéraux. Les chaînes sympathiques sont sectionnées à

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14-764 Chordomes Appareil locomoteur

hauteur de S1 et le tronc lombosacré est soigneusement préservé. La


corticale antérieure du sacrum est attaquée au ciseau sur la ligne 8 A. Schéma montrant le
clivage manuel entre
médiane, en zone saine, au-dessous des racines sacrées que l’on peut la face antérieure de la
conserver. L’abord postérieur est réalisé en décubitus ventral par une tumeur et le rectum
incision médiane dans le sillon interfessier prolongé par deux après section du raphé
branches latérales légèrement arciformes en direction des crêtes anococcygien et des
iliaques. La zone de biopsie est systématiquement incluse dans la muscles releveurs de
pièce opératoire par une résection en « quartier d’orange ». Les l’anus. L’ostéotomie du
muscles grand glutéal, piriforme, ischiococcygien, les ligaments sacrum est réalisée au
ciseau à frapper sous
sacrosciatiques sont sectionnés à distance de toute tumeur palpable. contrôle de la main de
Le raphé anococcygien et les muscles releveurs de l’anus sont l’opérateur.
sectionnés à la pointe du coccyx pour accéder à la face antérieure B. Schéma montrant
du sacrum, en passant manuellement dans le plan de clivage entre une ostéotomie en che-
tumeur et rectum (fig 8A). Ce plan de clivage est constant lors d’une vron au niveau de S2
chirurgie première, car les tumeurs malignes du sacrum respectent permettant de conser-
pendant longtemps le périoste, ainsi que le fascia présacré, malgré ver latéralement les ra-
cines correspondantes.
l’existence d’une ostéolyse de la corticale antérieure [42]. L’ostéotomie
du sacrum est ensuite réalisée au ciseau à frapper, d’arrière en avant
et oblique de bas en haut en suivant les trous sacrés, sous contrôle *
A
de la main de l’opérateur glissée à la face antérieure du sacrum.
Lorsque l’ostéotomie se situe en S1 ou S2, une portion des ailes
iliaques est emportée dans la pièce d’exérèse, ce qui n’a aucune
conséquence sur la stabilité de la ceinture pelvienne. Lorsque
l’ostéotomie se situe à la partie basse du corps de S2, une section en
chevron permet de conserver les racines S2 émergeant latéralement
tout en préservant les articulations sacro-iliaques (fig 8B). La
mobilisation du sacrum permet alors la section des lames sacro-
recto-génito-pubiennes et des racines sacrées émergeant sous le trait
d’ostéotomie. En fin d’intervention, le sac dural est suturé afin
d’éviter toute fuite de liquide céphalorachidien. La voie postérieure
isolée nous semble suffisante pour réaliser une exérèse radicale du
sacrum jusqu’au niveau S2 compris, à la condition toutefois que
l’extension pelvienne ne soit pas trop volumineuse, car elle peut
gêner le contrôle manuel du niveau d’ostéotomie. Lorsque le niveau
d’ostéotomie se situe en S1, une voie postérieure est insuffisante
pour assurer par un seul contrôle manuel le niveau supérieur de la
coupe. Dans ce cas de figure, il nous semble préférable de pratiquer
une voie combinée ou d’associer une ostéotomie de l’aile iliaque à la
voie postérieure afin d’aborder directement la face antérieure du
sacrum comme le proposent certains auteurs [ 3 9 ] . En cas
d’amputation complète du sacrum étendue aux vertèbres L4-L5, la
voie combinée ne se discute pas. *
B
• Curetage endolésionnel
méningée, en cas de sacrifice de la dure-mère, par autogreffe
C’est la deuxième méthode, consistant à pénétrer dans la tumeur dermique ou péricrânienne ; une réparation osseuse par autogreffe
par une voie postérieure et à retirer tout le tissu tumoral, de façon la iliaque ou costale ; une réparation muqueuse par une bonne
plus complète possible. Ce curetage doit être soigneux, même s’il couverture de la greffe osseuse.
n’est pas carcinologiquement satisfaisant, dans l’espoir de diminuer Cette chirurgie majeure et lourde, exigeant une expérience certaine,
la rapidité des récidives. Ce traitement par curetage doit être réservé s’adresse à des tumeurs peu volumineuses et encore extirpables. La
à des patients très âgés ou à des patients dont le volume de la chirurgie d’exérèse tumorale n’est le plus souvent que partielle par
tumeur ne permet pas une exérèse satisfaisante. Mieux vaut alors se curetage endotumoral. Elle se fait par voie transcervicale, transorale
contenter d’un curetage associé à une radiothérapie complémentaire. (buccopharyngée) ou encore rhinoseptale simple. Ces voies, par leur
étroitesse et leur profondeur, rendent d’ailleurs illusoire toute
¶ Chordomes sphéno-occipitaux
tentative de résection de la tumeur en totalité.
Le traitement du chordome sphéno-occipital est du domaine de la
neurochirurgie. Les possibilités d’exérèse chirurgicale du sphénoïde ¶ Chordomes vertébraux
ont transformé le pronostic de certaines de ces tumeurs, chez des Les chordomes du rachis se développent à partir de la région
patients voués à une cécité progressive par une croissance antérolatérale des vertèbres. Ils envahissent le corps vertébral et
inéluctable de la tumeur [1, 21]. La voie transbasale (Derôme), associée peuvent s’étendre aux vertèbres adjacentes à travers l’espace discal.
à une voie rhinoseptale ou une voie transorale, donne une large Il est très difficile de réaliser une chirurgie carcinologique dans ces
ouverture sur l’étage antérieur et moyen de la base du crâne (fig 9A, localisations, compte tenu de la proximité des éléments nerveux. La
B). Elle doit sacrifier les bulbes olfactifs, pour permettre de relever radiothérapie est donc un complément indispensable. En cas de
le pôle frontal des hémisphères cérébraux. Par cet abord, il est localisation limitée au corps vertébral, une voie d’abord
possible de contrôler les structures vasculonerveuses et de pratiquer antérolatérale (cléido-sterno-mastoïdienne, transthoracique ou
la résection de la quasi-totalité du sphénoïde, sauf les apophyses rétropéritonéale selon l’étage) est en général suffisante pour réaliser
clinoïdes postérieures et la selle turcique. Elle permet également l’exérèse de la tumeur à l’aide de ciseau à frapper et de curettes [16].
d’effectuer une reconstruction de la base du crâne, indispensable En cas d’extension à l’arc postérieur, il est nécessaire de pratiquer
pour éviter les risques septiques secondaires à la contamination des une double voie antérieure et postérieure pour exciser la lésion en
espaces sous-arachnoïdiens à partir des cavités aériennes totalité. L’excision tumorale est suivie d’une reconstruction par
supérieures. Cette réparation basale comporte : une réparation greffe associée à une stabilisation par du matériel d’ostéosynthèse.

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Appareil locomoteur Chordomes 14-764

9 A. Voies d’abord du chordome de la base du crâne.


voie 1. Voie transbasale ; 2. voie rhinoseptale (trans-
transnasale sphénoïdale) ; 3. voie transorale (ou buccopharyn-
1 gée) ; 4. voie transcervicale (Stevenson).
B. Schéma du traitement chirurgical du chordome
de la base du crâne. Abord du sphénoïde par une
voie transbasale (1) associée à une voie rhinoseptale
(2) (d’après F Derôme).

2 voie
rhino-
septale

3
4
*
A *
B

Conclusion toujours la survenue de récidives, même tardives. L’efficacité de la


radiothérapie étant d’autant meilleure que le volume tumoral résiduel est
L’exérèse radicale, à chaque fois qu’elle est réalisable, reste le traitement microscopique, nous conseillons son utilisation systématique au décours
de choix des chordomes. Un bilan d’imagerie préopératoire associant de toute résection, même macroscopiquement satisfaisante. La
scanner et IRM est indispensable pour préciser l’extension tumorale et radiothérapie garde également ses indications de traitement
planifier le geste chirurgical. Cependant, l’exérèse radicale n’évite pas complémentaire en cas de tumeur inopérable et de récidive tumorale.

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