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République Algérienne Démocratique et populaire

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique


Université Saad Dahleb de BLIDA

Problèmes d’anesthésie-réanimation et Brulures


caustiques du tractus digestif
Pr. B.AMZIANE
Maître de conférences A en anesthésie réanimation
Service de chirurgie orthopédique "B"

À l'intention des résidents de 3éme année d’anesthésie-réanimation


Année universitaire 2021/ 2022
Plan:
I/ Introduction
II/ Epidémiologie
III/ Produits caustiques en causes
IV/ Physiopathologie
V/ Signes cliniques
VI/Attitude thérapeutique avant la fibroscopie
VII/ Bilan clinique et paraclinique
VIII/ Attitude thérapeutique après fibroscopie
IX/ Particularités anesthésiques
X/ Conclusion
• Résumé:
L’ingestion de produits caustiques est une urgence médicochirurgicale
grave, nécessitant une prise en charge multidisciplinaire (médecins
urgentistes, réanimateurs, gastro-entérologues, oto-rhino-laryngologistes,
chirurgiens viscéraux et psychiatres).
Chez l’adulte, l’ingestion est le plus souvent volontaire dans un but
suicidaire
Certaines conduites sont à éviter afin de ne pas aggraver les lésions
préexistences : faire boire, pansement gastrique; Vomissements forcés, mise
en place d’une sonde naso-gastrique; lavage gastrique; antidote per os.
L’endoscopie digestive réalisé dans les six premières heures permet de
confirmer l’ingestion, le bilan lésionnel, la gravité et l’extension des brulures
et elle permet de guider l’attitude thérapeutique.
Si la mortalité est de 10 %, la morbidité est extrêmement lourde de par les
complications infectieuses (pneumonies d’inhalation itératives) et aussi les
séquelles fonctionnelles digestives qui retentissent sur l’état nutritionnel du
patient.
I/ Introduction

• Urgence diagnostique et thérapeutique


• PEC médico-chirurgicale en unité spécialisé
• Pc dépend de la rapidité de PEC
• L’endoscopie digestive et bronchique: conditionnant la
stratégie thérapeutique
• Pathologie grave:
- 10% de mortalité( existence de lésions trachéo bronchiques)
- 10 à 40% de séquelles avec interventions multiples
II/ Epidémiologie

• 1500 cas/an en France; 25000cas/an au USA


• Volontaire dans 80% des cas:
- Suicidaire
- Affections psychiatriques grave
• Accidentelle rare ( chez l’enfant)
• Bénignes dans 75% des cas
• 10 à 20% de mortalité pour les brulures graves
Qu’est ce qu’un caustique

« Toute substance susceptible du fait de son pH par


rapport à son pouvoir oxydant d’induire des lésions
tissulaires »
III/ Produits caustiques en causes

• Produits à usage domestique: plus souvent


• Il existe trois types:
- Bases
- Acides
- Oxydants
Les acides et les bases ont une causticité liée au pH
et le risque maximum de brulure survient pour:
2 < pH > 11
1/ Acides forts( pH< 2)

• Acide chloridrique( HCL): esprit de sel


• Acide sulfirique(vitriol): liquide de batterie
• Flurhydrique: antirouille
• Acide phosphorique: détartrant
2/ Bases fortes(pH>11)

• Hydroxyde de sodium: décapant , débouchant


• Potasse( KOH): olivette
• Ammoniaque( NH4OH): décapant, détartrant
( détergent ménagère)
• Oxyde de calcium: chaux vive
3/ Autres: produits caustiques moyens

• Oxydants:
- eau de javel: lésions retardées
- permanganate de K
- eau oxygénée
• Sels sodiques d’acides faibles( produits lave vaisselle)
IV/ Physiopathologie
1/ Topographie des lésions:
Dépend de la quantité ingère et la viscosité du produit
- Les oxydants: (eau de javel, permanganate de K et eau oxygéné)
sont caustiques sous formes concentrés. Provoquent des lésions
graves au niveau gastrique, souvent retardées

- Les bases fortes: localisation préférentielles au niveau de l’oro-


pharynx et de l’œsophage

- Les acides: la stase acide entraine un spasme du pylore qui


protège le duodénum mais entraine des lésions de l’antre
gastrique
IV/ Physiopathologie
2/ Aspect histologique des lésions:
 Acides forts: Acide entraine des lésions superficielles: nécrose de
coagulation, spasmes pylorique reflexes, lésions antrales.
la nécrose de coagulation limite la pénétration dans la paroi digestive
mais ne protège pas des perforations
 La base forte: entraine viscosité importante:
lésions proximales profondes, prolongées
Dissolution des protéines, saponification des graisses avec nécrose de
liquéfaction
 Ammoniaque liquide: lésions hémorragiques sans topographie
préférentielles . L’inhalation de vapeur peut entrainer des lésions
pulmonaires, hépatiques et neurologiques.
 Oxydants(concentré): lésions graves souvent retardées avec
nécrose cellulaire gastrique après un intervalle libre de 15 à 20jours
IV/ Physiopathologie
3/ Evolution histologiques des lésions: se fait en 2 temps
a) Au stade aigu d’agression: après l’inflammation de la muqueuse ,
succède une phase régénération: réparation pariétale par un tissu
de granulation élaborant du collagène
b) Au stade tardif: rétraction du tissu fibreux cicatriciel entrainant
des sténoses

4/ lésions associées:
a) Lésions oro-pharyngé: constantes et dépendent du produit , de sa
forme(liquide ou solide) et de la quantité de l’ingestion
- Lésions bénignes: érythème diffus avec abrasion de la muqueuse
- Lésions graves: œdème pharyngé et épiglotique
IV/ Physiopathologie
b) Atteinte de la trachée et des bronches:
- indirecte: diffusion dans le médiastin
- Direct: lors des vomissements

c) Parenchyme pulmonaire:
- Inhalation de caustique
- Ingestion de produit volatile( ammoniaque)

d) abdomen: rate , pancréas, grêle, colon( par perforation digestive)

e) Brulures cutanées: face, thorax, main: lors des manipulations du


produit ou lors des vomissements
V/ Signes cliniques

 Signes cliniques mineurs:


-Douleurs( oro-pharyngée, retro sternale, abdominales)
-Hyper sialorrhée
-Dysphagie
-Eructations
-Brulures cutanées( péribuccale, mains) et de l’oro-pharynx
( pas de parallélisme entre les lésions buccales et digestives)
V/ Signes cliniques

 Signes cliniques de gravité:


- Détresse respiratoire
- Régurgitation, vomissements
- Hémorragie digestive
- Défense, contracture abdominale( péritonite caustique)
- Agitation extrême
- Choc hypovolémique
- Emphysème sous cutané
VI/Attitude thérapeutique dans l’urgence
A/ Pré hospitalière: comporte les points suivants:
 Transport médicalisé
 Traitement des détresses vitales: surtout respiratoire
 Recueillir les renseignements sur le caustique ingéré: nature,
concentration, volume, heure d’ingestion
 Déterminer les circonstance d’ingestion
 Ne pas faire:
-Boire(lait, huile, eau, pansement gastrique) : l’endoscopie sera difficile
-Vomissements forcés: aggravation des lésions(2éme passage)
-SNG( risque perforation et inhalation)
-Lavage gastrique( risque de perforation)
-Antidote per os
-IOT sauf détresse vitale(IOT difficile, gène à l’évaluation des lésions
trachéales et essaimage du produit caustique)
VI/Attitude thérapeutique avant la fibroscopie
B/ PEC hospitalière:
- Maintenir l’homéostasie
- Lutter contre les détresses vitales
- Permettre le bilan lésionnel
Gestes a faire:
• Mise en condition du patient
• Abord veineux (éviter la région cervicale: abord chirurgical par
cervicotomie gauche)
• Oxygénation: masque, désobstruction oro-pharyngée voir
intubation orotrachéale si détresse respiratoire
( œdème pharyngo-laryngé ou par inhalation)
• Sédation et analgésie: douleur, agitation et anxiété
• Puis transfert du patient au service spécialisé pour évaluation de la
gravité des lésions par endoscopie digestive
En milieu spécialisé:
a/ Tableau clinique urgent:
 Détresse respiratoire :
• l’obstruction par brûlure et œdème de l’épiglotte
-
Elle peut céder sous corticothérapie intraveineuse à fortes doses
-
Parfois une intubation trachéale s’impose, peut être réalisée au mieux
vigile sous fibroscopie ou par une induction à séquence rapide
• La destruction du carrefour pharyngo - laryngé nécessite une intubation
voir même une trachéotomie
• Les pneumopathies d’inhalations imposent des fibro-aspirations trachéo-
bronchiques, antibiothérapie
 Etat de choc : lésions graves avec hémorragies
- Une voie veineuse centrale est mise en place mais les voies jugulaires
interne et sous-clavière gauches sont à proscrire du fait de la possibilité
d’une cervicotomie gauche ultérieure
 Devant le tableau clinique évident de perforation digestive à type
d’emphysème sous-cutané ou de péritonite. La chirurgie s’impose et des
gestes d’exérèses de sauvetage
b) Critères d’une intervention en urgence:
• Ingestion massive d’acide ou de base forte
• Etat de choc
• Trouble psychique, agitation, confusion
• Hypoxémie, acidose métabolique
• Trouble de la crase sanguine, fibrinolyse, CIVD
• Stade III œsogastrique ou gastrique.

 L’intervention chirurgicale: consiste


• Une œsogastrectomie en monobloc:
laparotomie et cervicotomie, stripping de l’œsophage avec une
jéjunostomie d’alimentation.
• Une éventuelle lésion trachéo-bronchique pourra conduire à une
thoracotomie et un patch pulmonaire est utilisé pour couvrir la
zone de nécrose trachéale
c) Tableau clinique modéré:
Les principaux signes fonctionnels concernent:
• La sphère ORL: douleur ou sécheresse buccale, hyper sialorrhée,
salive sanguinolente, dysphagie, odynophagie, troubles de la
déglutition, dyspnée laryngée ou dysphonie
• Digestive: douleur abdominale, douleur rétro-sternale ou
épigastrique, vomissements, hématémèse

Ce tableau clinique nous permet d’établir un premier bilan des


lésions
VII/ Bilan clinique et paraclinique
• Un examen ORL est réalisé en urgence en cas de dyspnée aiguë
• L’examen cutané peut révéler des brûlures cutanées ou oculaires
associées
• Le bilan sanguin initial comprend:
- Groupage sanguin
- Ionogramme sanguin
- Urée, créatinine
- CPK, LDH
- Calcium, phosphore, magnésium
- Numération formule sanguine-plaquettes
- Hémostase
- Recherche de toxiques, alcoolémie
- Gaz du sang selon gravité
- Un dosage de β-HCG chez les femmes en âge de procréer
A. Le bilan radiologique:
rechercher des complications
1/ Thorax de face:
- Signe de perforation (pneumo médiastin, pneumothorax)
- Etat du parenchyme pulmonaire: inhalation

2/ Cliché d’abdomen sans préparation centré sur les coupoles:


La présence de signes de perforation évidents (pneumopéritoine)
Devant ces image radiologiques: imposent un geste chirurgical
d’emblée
(contre-indication à la réalisation d’une fibroscopie digestive)

3/ Opacification digestive( TOGD): contre indiquée à la phase aigue


B. Endoscopie digestive:
• Détermine le pronostic et la prise en charge ultérieure
• Il n’existe pas de parallélisme entre l’importance des lésions
digestives, ni entre les symptômes présentés par le malade et la
gravité des lésions digestives
• Doit être précoce, Idéalement, elle doit être réalisée:
- Entre la 3éme heure suivant l’ingestion (délai au delà duquel les
lésions sont maximales pour les acides et les bases fortes)
- Et la 6éme heure (pour ne pas retarder une éventuelle prise en
charge chirurgicale)
• La présence d’un œdème pharyngé et l’agitation du malade
peuvent rendre l’examen difficile et une intubation orotrachéale
peut être nécessaire au bon déroulement de l’examen
(Une sédation simple est en revanche à proscrire du fait du risque
d’inhalation)
• Elle permet de préciser le siège et de classer les lésions en stade :
Classification endoscopique des lésions

SRLF 2009
C. Une fibroscopie trachéo-bronchique:
• Est indispensable dés qu’il existe:
- Des lésions œsophagiennes sévères stade II et III à l’endoscopie
digestive
- Brulures pharyngées importantes
- Encombrement bronchique
- En cas de syndrome d’inhalation

4 (quarte) stades de classification:


- Stade I: destruction de la partie superficielle de la muqueuse
- Stade II: destruction de la partie profonde de la muqueuse
- Stade III et IV: destruction des couches sous muqueuse
VIII/ Attitude thérapeutique après fibroscopie

• la décision thérapeutique repose essentiellement sur les


constations de l’endoscopie digestive

a) Lésions bénignes(stade I):


pas de traitement
- Alimentation progressive dés disparition de la douleur
- L’ évolution est favorable
- Sortie après consultation psychiatrique
VIII/ Attitude thérapeutique après fibroscopie

b) Lésions intermédiaires (II ou III localisé):


- pas de traitement chirurgicale en urgence
- Surveillance pendant 3 semaines:
• Complication chirurgicales: perforation ou hémorragie
- - imposant une exérèse chirurgicale
• Complications respiratoires: inhalation de salive entrainant une
pneumopathie d’inhalation:
- Antibiothérapie adaptée
- Kinésithérapie
- Aspiration bronchique
• Complications oropharyngées:
- œdème = corticothérapie
- Sténose = trachéotomie
• Problèmes nutritionnels: nutrition parentérale pendant 20 jours ou par
jéjunostomie ( selon la durée du jeune)
d) A partir de la 3ème semaine :Au terme de cette période de jeun,
est réalisée une fibroscopie œsogastroduodénale de contrôle
• Une cicatrisation des lésions: autorise une reprise de l’alimentation
• Dans le cas contraire, les ulcérations persistent: le jeun est prolongé,
alimentation est poursuivie par jéjunostomie
• En cas d’apparition d’une sténose: Un transit œsogastroduodénal (TOGD)
- Traitement adapté : dilatation endoscopique ou by-pass chirurgical

e) Traitement des séquelles œsogastriques:


Il est impératif d’attendre 3 à 4 mois la cicatrisation de toutes les
lésions.
Reconstructions chirurgicales
IX/ Particularités anesthésiques

 L’intubation pose 2 types de problèmes:


 Intubation sur estomac plein: induction à séquence rapide
 Intubation difficile due à l’œdème pharyngo-laryngé

- Si brulures trachéo-bronchiques: intubation sous endoscopie


bronchique pour placer la sonde en zones saines
- Complications respiratoires: entrainent un retard au sevrage
de la ventilation
- Complications infectieuses: antibioprophylaxie de 48H
X/ Conclusion
• L’ingestion d’un produit caustique est une urgence
médicochirurgicale nécessitant une prise en charge
multidisciplinaire (réanimateur, chirurgien digestif et
gastroentérologue)
• L’évaluation endoscopique digestive et broncho-pulmonaire des
lésions a permis d’en diminuer la mortalité et d’en améliorer le
pronostic fonctionnel
• La prise en charge des séquelles fonctionnelles se fait à long
terme, entraînent des hospitalisations prolongées
• Le meilleur traitement reste la prévention, qui réside dans
l’éducation et l’information de la population sur la dangerosité du
déconditionnement des produits caustiques dans des récipients à
usage alimentaires.
• Bibliographie:
1. Francois mouret; alain jacob: conduite à tenir devant une ingestion de caustique: le
praticien en anésthesie réanimation. 1999. 3,2
2. Zerbib, Philippe MD, PhD. The Conservative Management of Severe Caustic Gastric
Injuries Annals of Surgery: April 2011 – volume 253 6 Issue 46p 684 – 688
3. Chirica, Mircea MD * ; Veyrie, Nicolas MD. Morbidité tardive après interposition du
côlon pour une lésion œsophagienne corrosive: facteurs de risque, gestion et
résultats. Une expérience de 20 ans.Annals of Surgery: Aout 2010 – volume 252 –
Numéro 2- p 271 – 280
4. Han –Mo Chiu MD Jaw- Tow linMD: Prédiction du saignement et de la formation de
sténoses après ingestion corrosive par EUS en même temps que l'endoscopie
supérieure .Volume 60, numéro 5 Pages 673-864 (novembre 2004)
5. Chirica M, de Chaisemartin C, Goasguen N, Munoz-Bongrand N, Zohar S, Cattan P, et
al. Colopharyngoplasty for the treatment of severe pharyngoesophageal caustic
injuries: an audit of 58 patients. Ann Surg 2007;246: 721—7.
6. Gumaste, Vivek V .; Dave, Pradyuman B. Ingestion de substances corrosives par des
adultes. Journal américain de gastroentérologie .Janvier 1992, vol. 87 Numéro 1, p1-
5. 5p. 1 photographie noir et blanc, 1 graphique.

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