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OESOPHAGITE CORROSIVE

I- DEFINITION –GENERALITES :
Les brûlures caustiques de l’œsophage désignent l’ensemble des lésions
œsophagiennes provoquées par l’ingestion accidentelle ou volontaire d’un
produit caustique ou corrosif.
C’est une urgence diagnostique et thérapeutique, nécessitant une
approche multidisciplinaire impliquant : réanimateur, chirurgien, gastro-
entérologue et O.R.L.
L’endoscopie digestive est l’examen clé qui conditionne l’attitude
thérapeutique
les brûlures bénignes ne requièrent habituellement aucun traitement
particulier, les brûlures graves, relèvent généralement d’un traitement
chirurgical : en extrême urgence en cas de brûlure panpariétale,
secondairement devant l’apparition des complications ou tardivement pour
la réparation des séquelles (sténose cicatricielle).

II- ETIOPATHOGENIE :
A/ Terrain :
- Le plus souvent, enfant de 2 à 8 ans : intoxication accidentelle par produit
ménagers, 70% cas.
- Adulte jeune dans un but suicidaire
B/ Produits caustiques :
Un produit caustique est une substance corrosive susceptible de brûler les
tissus organiques
Les 3 types de caustiques (acide, base, oxydant) sont présents dans les
produits ménagers (nettoyants sanitaires, déboucheurs de canalisation)
Les lésions qu’ils entrainent sont d’autant plus graves que le produit est
concentré
1- Les acides :
a) Forts : minéraux
Acide chlorhydrique : décapant, détartrant
Acide nitrique : dissolution de métaux, réactif de laboratoire
Acide sulfurique : décapant, eau de batterie
b) Faibles : organiques
Acide acétique
Acide oxalique
2- Les bases :
-Soude caustiques : très concentré
-Potasse
-Ammoniaque
3- Les oxydants :
-Eau de Javel : fréquemment rencontré dans les brûlures caustiques
-Permanganate de potassium : s/ forme liquide peut être plus toxique
* Présentation :
Les produits en paillettes et en poudres ont tendance à adhérer à
l’oropharynx et à créer des lésions hautes
Les liquides entraînent des lésions digestives plus diffuses d’intensité
variable
C/ Mode d’ingestion :
1- Chez l’enfant : l’ingestion est le plus souvent accidentelle, provoquant
d’intenses brûlures oropharyngée et buccale et peu de lésions
œsophagiennes. La répulsion de l’enfant lors du contact avec le produit
entraîne généralement un réflexe de rejet qui limite relativement la quantité
de produit ingéré.
2- Chez l’adulte : ou le but est le plus souvent suicidaire, les lésions
œsophagiennes sont maximales

III- PHYSIOPATHOLOGIE :
* La gravité des lésions dépend de 3 facteurs :
- Nature du produit
- Quantité et concentration du produit ingéré
- Durée de contact avec la muqueuse digestive
* L’action caustique est directement liée au PH, elle est majeure pour
les PH < 1 et > 12
A/ Les acides concentrés : induisent une nécrose de coagulation
superficielle, protectrice pour les couches plus profondes
B/ La soude : substance basique, provoque une nécrose de liquéfaction, à
l’origine d’une pénétration pariétale lente et profonde
C/ L’ammoniaque : base forte sous forme liquide, volatile, dégage une
quantité importante de gaz ammoniaque à l’origine de lésion du
parenchyme pulmonaire souvent bénigne, l’atteinte digestive se caractérise
par des lésions hémorragiques et évolution fréquente vers la sténose
IV- ANATOMO - PATHOLOGIE :
A/ Macro :
Les lésions observées sont à type d’abrasion, ulcération, œdème et nécrose
Les atteintes pariétales sont majorées par stagnation relative du produit
ingéré au niveau des 3 zones de rétrécissement physiologique de
l’œsophage (sphincter sup, crosse aortique, sphincter inférieur)
B/ Micro :
La prolifération fibroblastique débute dès la 24 e H ;
La cicatrisation commence vers le 8e jours avec néoformation du tissu
conjonctif
Après 1 mois, la fibrose rétractile prédomine et demeure évolutive jusqu’au
3e mois. Elle est génératrice de sténose notamment si la lésion était
circulaire.

V- CLINIQUE : TDD : ingestion caustique accidentelle chez l’enfant


A/ Inspection : enfant agité, parfois dyspnéique, qui présente outre les
brûlures buccales, des brûlures cutanées au niveau des lèvres, menton,
mains ou de la face antérieure du thorax, dues aux manipulations lors de
l’ingestion et aux vomissements fréquents.
B/ Interrogatoire : tente de préciser :
- La réalité de l’ingestion caustique
-la nature du caustique ingéré, un échantillon sera expédié au centre
antipoison en vu d’analyse
-son volume, sa concentration
-l’heure de l’ingestion
-la forme physique : liquide, cp, paillette …..
L’enfant doit être immédiatement transféré en milieu hospitalier spécialisé.
C/ Examen clinique :
1- Recherche des signes de gravité indiquant un geste chirurgical
urgent
- Ingestion massive d’acide fort ou de base forte
- Etat de choc
-Détresse respiratoire liée à :
-Lésions pharygo-laryngées (œdème ou destruction du carrefour
pharyngolaryngé)
-Lésions pulmonaires : pneumopathie d’inhalation par fausse route
ou produit volatil
-acidose métabolique par ingestion massive d’un acide fort
- perforation digestive : svt gastrique que œsophagienne
-Troubles psychiques ou troubles de la conscience
2- Des gestes d’urgence sont immédiatement entrepris :
-Mise en place d’une voie d’abord
-Oxygénothérapie
-Aspiration pharyngée pour lutter contre la stase salivaire
3- En dehors de ces situations :
Bilan initial : comporte :
a) Examen clinique :
-buccale : - brûlure muqueuse
- langue dépaillée
- nécrose blanchâtre en plaques
- ulcération sanglante
-Abdominal : - défense ou douleur provoquée
- contracture
-Pulmonaire : - râles bronchiques pouvant traduire une fausse route , ou
produit volatil
- emphysème sous cutané : pneumomédiastin
-ORL : généralement difficile du fait de la stase salivaire,
- brûlures hypo pharyngées,
- brulures de l’épiglotte et de vestibule : entrainent un oedeme d’où une
dyspnée laryngée
- rarement lésion de la sous glotte
b) Examens complémentaires :
b1) Endoscopie digestive : examen clé, permet une estimation initiale
des lésions et oriente la thérapeutique. Elle précise le siège et le stade des
lésions. Elle est faite avec un fibroscope souple de petit calibre, la
progression est faite doucement s/contrôle de la vue
4 stades sont décrits :
b2) Endoscopie trachéobronchique : indiquée en 2 cas :
- lésion stade III ou IV : compte tenu d’une possibilité de diffusion du
caustique dans le médiastin
- lorsqu’on suspecte une inhalation du caustique
b3) Biologie :
- NFS, crase sanguine, ionogramme sanguin, gaz du sang
- Sont de mauvais pronostique : acidose métabolique, CIVD.
b4) Radiographie : ASP, téléthorax

VI- FORMES CLINIQUES :


A/ Selon la gravité :
1- Formes bénignes ou latentes : ou les brûlures labiales et bucco
pharyngées dominent le tableau, les lésions oesophagiennes sont le plus
souvent réduites. Mais il faut souligner qu’il n’y a pas de parallélisme entre
les lésions bucco pharyngées et oesogastriques et que pour certaines
formes passées inaperçus surtout chez l’enfant, on peut avoir des sténoses
posant un problème de diagnostique étiologique
2- Formes graves d’emblé : rare, avec état de choc et asphyxie
3- Formes sévères : marquées à la phase de début par des brûlures
oropharyngées et buccales, une dysphagie importante et des
régurgitations, et secondairement, après un intervalle libre, c’est la
constitution de la sténose cicatricielle qui fait la gravité de ces formes
B/ Formes associées :
- à une sténose gastrique : antrale
- à une sténose pylorique
C/ Selon l’age :
1- chez l’adulte : le plus souvent dans un but suicidaire : les lésions sont
graves
VII- DIAGNOSTIQUE :
A/ Positif : Souvent évident, basé sur :
- interrogatoire : notion d’ingestion de caustique
- examen clinique : brûlures bucco pharyngées
- examen endoscopique: ex clé dg et thérapeutique
B/ Différentiel : Ne se pose qu’au stade de sténose cicatricielle :
- compression extrinsèque (tumeur cervicale ou médiastinale, adénopathie)
- sténose peptique (RGO)
- cancer oesophagien
- diverticule œsophagien
- rétrécissement inflammatoire : tuberculose, syphilis

VIII- EVOLUTION – COMPLICATION :


Les lésions sont évolutives jusqu’après 3e mois, entre temps, l’évolution
peut être émaillée de complications nécessitant parfois un acte chirurgical
urgent
A/ les 2 premières semaines :
1- Evolution favorable : dans les formes bénignes « stade I » avec
surveillance de 2à3 jours, reprise précoce de l’alimentation et une
endoscopie de contrôle à J8
2- Evolution défavorable : sont les formes qui graves secondairement ;
3 complications sont possibles:
a) Infection : constante ; les lésions ulcérées oesogastriques se
surinféctent rapidement nécessitant une antibiothérapie préventive
systématique
b) Perforation : favorisée par l’infection, aggravée et /ou favorisée par
une endoscopie traumatique sur parois fragilisées
*Perforation oesophagienne : pouvant se faire dans
- médiastin (médiastinite)
- plèvre (pyopneumothorax)
- trachée ou branches (abcès du poumon)
*Perforation gastrique : péritonite aigue généralisée ou cloisonnée
(abcès sous phrénique)
3- Hémorragie : rarement cataclysmique par fistule oeso- aortique,
souvent peu abondante par chute d’escarre
B/ Du 15 e jour au 3e mois :
Cette phase qui ne concerne que les cas encore évolutifs au bilan du 15 e jour
est marquée par le risque de sténose
1- Clinique :-dysphagie : mécanique, indolore, progressive
-Régurgitation : dont la précocité par rapport au repas dépend du niveau
de la sténose sur l’œsophage
-Amaigrissement : constant, fonction du degré de la sténose
2- Radiologie : rétrécissement total régulier filiforme, ou partiel, parfois
multiple. Une sténose antrale associée est fréquente
3- Endoscopie: - Intérêt pronostique: caractère franchissable et
évolutif de la sténose
- Intérêt thérapeutique : dilatation
C/ A long terme : le bilan du 3e mois( radiologique et endoscopique) peut
constater :-Soit la guérison
-Soit une sténose peu étendue dilatable ou étendu non dilatable
nécessitant une plastie oesophagienne

IX - TRAITEMENT :
A/ But : - soulager le malade
- éviter les complications
- traitement des séquelles
B/ Moyens :
1- Médicaux : - médicaments de réanimation en cas d’état de choc
- ATB : pénicilline, métronidazole
- CTC : en cas d’oedeme laryngé, sinon son efficacité est controversée
- les antisécrétoires : sont peu utiles car ne paraissant pas limiter les
lésions au niveau des zones brûlées
2- Instrumentaux : endoscopique des sténoses constituées : bougies ou
olives métalliques
3- Chirurgicaux : - chirurgie d’urgence
- chirurgie des sténoses constituées
C/ Indications : selon les résultats de l’endoscopie en urgence :
1- Formes bénignes stade I :
- ne nécessitent pas la mise en place d’une sonde gastrique
- réalimentation dès la 24e H (semi liquide puis progressivement normale)
- sortie précoce (3e J)
- contrôle endoscopique au 8e J voir si besoin, ultérieurement au 2e ou 3e
mois (possibilité de stenose tardive).
2- Formes graves stade III : la chirurgie en urgence s’impose, précédée
d’une réanimation intense. Le geste de sauvetage est l’oesogastréctomie à
thorax fermé par méthode de stripping
3- Formes de gravité moyenne : le patient doit être surveillé en milieu
spécialisé durant 2 semaines.
La mise au repos de l’œsophage associée à un traitement symptomatique
est impérative avec nutrition exclusivement parentérale et traitement
médical
Le bilan endoscopique au 15e jours va décider les grandes options
thérapeutiques :
a) Si guérison : reprise d’une alimentation orale progressive + contrôle
endoscopique au 2e -3e mois
b) Si lésions évolutives : l’alimentation parentérale peut être remplacée
par une alimentation entérale (jéjunostomie) + contrôles endoscopiques
toutes les 2 à 3 sem
Le bilan radiologique et endoscopique au 3e mois : constatera
-La guérison : ablation de la jéjunostomie et réalimentation normale ;
-une sténose peu étendue : dilation endoscopique ;
-une sténose étendue non dilatable : oesophagoplastie .
-Une pharygoplastie est nécessaire si la sténose intéresse, outre
l’œsophage, le pharynx et plus particulièrement l’hypopharyx.

X- PRONOSTIC:
A/ Mortalité : concerne essentiellement les patients en état de péritonite
ou médiastinite aigue pour qui le geste chirurgicale intervient tardivement,
la mortalité avoisine 50%
B/ Pronostique psychologique : des problèmes de réinsertion sociales
sont fréquentes (interventions multiples, hospitalisation longue et les
cicatrices multiples)
C/ Cancérisation : est de fréquence très discutée ne survient que
tardivement (après plus de 15 ans d’évolution) sur des brûlures graves
soumises à des dilatations répétées durant plusieurs années (traumatisme
iatrogène)
D/ pronostique fonctionnel :
- Dysphagie précoce en cas d’anastomose sur le pharynx
- dumping syndrome
- sténose anastomotique
- anémie macrocytaire : en cas de gastrectomie
XI- CONCLUSION :
L’œsophagite corrosive constitue une urgence thérapeutique à prendre en
charge dans l’immédiat.
Le pronostique a été amélioré par la collaboration étroite entre
réanimateur, gastro-entérologue et chirurgien ainsi que l’amélioration des
techniques chirurgicales. Par ailleurs, la prévention permet de diminuer
considérablement le nombre de patient par l’éducation des parents et une
meilleure prise en charge psychologique des personnes dépressives.

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