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Pratique Neurologique – FMC 2016;7:209–212

Article original

Plasmocytomes intraduraux
extramédullaires
Intradural extramedullary plasmacytomas

S. Jennane a a
Service d'hématologie clinique, hôpital militaire
M. Kerbout a d'instruction Mohammed V, Hay Riad, 10300 Rabat,
E.M. Mahtat a Maroc
J. Konopacki b b
Service d'hématologie, hôpital d'instruction des
J.V. Malfuson b armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140
Clamart, France

MOTS CLÉS
RÉSUMÉ
Plasmocytome
L'atteinte directe du système nerveux dans le myélome multiple est rare. Nous rapportons le cas Myélome multiple
d'une patiente de 73 ans qui a été admise dans notre service pour l'installation brutale d'une Système nerveux central
cruralgie, des douleurs lombaires et une difficulté de la marche. Dans ses antécédents, elle était
suivie pour un myélome multiple symptomatique en très bonne réponse partielle (VGPR) après
six cures VMP (bortézomib, melphalan, prednisone). L'imagerie par résonance magnétique KEYWORDS
(IRM) du rachis lombaire montrait la présence de multiples plasmocytomes intraduraux et Plasmacytoma
extramédullaires accrochés aux fibres de la queue de cheval. La ponction lombaire révélait Multiple myeloma
la présence de 120 cellules par millimètre cube dont l'aspect cytologique et le caractère Central nervous system
immunophénotypique confirmaient leur origine plasmocytaire. Les plasmocytomes intraduraux
et extramédullaires sont une entité rare dont le traitement reste à définir.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SUMMARY
Direct involvement of the nervous system in multiple myeloma is rare. A 73-year-old woman was
admitted to our department because of cruralgia, sciatica, lumbar back pain and progressive
difficulty walking. She had been treated for IgA-kappa-type multiple myeloma since ten months
and achieved a very good partial response (VGPR) after eight cycles of VMP (bortezomib,
melphalan, prednisone) regimen. Blood tests showed that she is still in VGPR. On medullary
magnetic resonance imaging, she had multiple intradural extramedullary plasmacytomas involv-
ing cauda equina nerve roots. The cerebrospinal fluid examination revealed the presence of 120
dystrophic plasma cells per cubic millimeters, an elevated protein level, and an IgA-kappa
monoclonal peak. Intradural and extramedullary plasmacytomas are rare entities whose treat-
ment remains to be defined.
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compression par un plasmocytome vertébral


INTRODUCTION ou par une protrusion du mur postérieur
Auteur correspondant :
Le myélome multiple (MM) est une proliféra- secondaire à une lésion osseuse. Les plas-
S. Jennane,
tion plasmocytaire monoclonale, caractérisée mocytomes siégeant à l'intérieur du canal
service d'hématologie clinique,
par une production monoclonale d'une immu- médullaire (intraduraux) sont extrêmement
hôpital militaire d'instruction
noglobuline complète ou d'une chaîne légère rares. Nous rapportons un cas rarissime Mohammed V, Hay Riad, 10300
[1]. L'atteinte de la moelle épinière ou de la d'une patiente suivie pour un MM et qui a Rabat, Maroc.
queue de cheval est souvent due à une développé, au cours de l'évolution, de multi- Adresse e-mail :
ples plasmocytomes intraduraux, comprimant selimjennane@yahoo.com

http://dx.doi.org/10.1016/j.praneu.2016.07.004
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Article original S. Jennane et al.

la moelle épinière (extramédullaires) et dont certains sont sacrée. La masse la plus volumineuse mesurait 14 mm de
accrochés aux fibres de la queue de cheval. grand diamètre (Fig. 1). La ponction lombaire décelait la pré-
sence d'une hyper-protéinorachie à 1,2 g/L, une glycorachie
normale ainsi que la présence de 120 cellules par
mm3 d'aspect atypique. Il s'agissait de cellules de grande taille,
OBSERVATION prenant parfois un aspect plasmocytoïde, présentant des
signes de dysplasie et des images de mitose (Fig. 2). L'électro-
Il s'agit d'une patiente de 73 ans, qui était suivie pour un phorèse des protéines (EPP) du liquide cérébro-spinal (LCS)
myélome multiple à IgA lambda, compliqué d'une atteinte détectait la présence d'un pic monoclonal à IgA lambda.
osseuse diffuse, d'une insuffisance rénale et d'une anémie. L'immunophénotypage des cellules du LCS était en faveur
L'hybridation in situ par fluorescence (FISH) des plasmocytes d'une prolifération monoclonale d'origine plasmocytaire fixant
médullaires montrait la présence d'une monosomie du chro- le marqueur CD138. D'après le bilan de réévaluation du myé-
mosome 13 et un remaniement du gène IgH en 14q32. Après lome multiple, la patiente était toujours en VGPR. L'imagerie
8 cures VMP (bortézomib, melphalan, dexaméthasone) la par résonance magnétique (IRM) cérébrale et la tomo-
patiente était en très bonne réponse partielle (VGPR) selon densitométrie cervico-thoraco-abdomino-pelvienne ne retrou-
les critères de l'International Myeloma Working Group (IMWG) vaient pas d'autres masses suspectes, hormis les lésions
[1]. À 2 mois de la dernière cure, elle s'est présentée aux ostéolytiques et ostéo-condensantes anciennes. La patiente
urgences pour une radiculalgie droite d'aggravation progres- a été traitée selon un protocole associant le méthotrexate
sive. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) du rachis intraveineux à dose élevée (1,5 g/m2), la dexaméthasone,
lombaire montrait la présence d'une dizaine de masses accro- des injections intrathécales (IT) triples (comportant le métho-
chées aux racines nerveuses de la queue de cheval depuis le trexate, l'aracytine et le méthylprednisolone) et une irradiation
cône médullaire jusqu'au niveau de la troisième vertèbre localisée (40 Gy en 10 séances) sur la région s'étendant de

Figure 1. Imagerie par résonance magnétique (IRM) lombaire sagittale en séquence T2 : présence de plusieurs plasmocytes accrochés aux
racines nerveuses de la queue de cheval (flèches) en plus des lésions ostéolytiques diffuses typiques de l'atteinte myélomateuse.

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Plasmocytomes intraduraux extramédullaires
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schwannomes (29 % des cas), les méningiomes (25 % des


cas) et les gliomes (22 % des cas) [6–8]. Les tumeurs malignes
sont dominées dans plus de 90 % des cas par les atteintes
disséminées des tumeurs du SNC : les medulloblastomes
(48 %), les astrocytomes (14 %), les épendynomes (12 %),
les oligodendrogliomes (12 %), les rétinoblastomes (5 %), les
tumeurs de la région pinéale (3 %) et les papillomes du plexus
choroïde. Les métastases lepto-méningées des tumeurs soli-
des incluent les cancers du sein, du poumon, les mélanomes,
les cancers gastro-intestinaux, génito-urinaires et les cancers
de la tête et du cou. Les lymphomes non hodgkiniens sont plus
rares [6–8]. Les tumeurs plasmocytaires de localisation verté-
brale extra durale sont classiques et entraînent souvent des
signes neurologiques en rapport avec une compression de la
moelle épinière ou des racines nerveuses [8]. Les plasmocy-
tomes cérébraux sont rares et représentent moins de 1 % des
tumeurs du SNC. Ils se manifestent souvent par une masse
cérébrale solitaire, une infiltration intra-parenchymateuse ou
un envahissement lepto-méningé diffus [3]. Les plasmocyto-
mes duraux intracrâniens ou spinaux sont très rares. L'aspect
radiologique des plasmocytomes intracrâniens est proche des
méningiomes [4]. L'aspect IRM de notre observation évoque-
rait plutôt des métastases d'un cancer du sein ou un aspect de
neurofibromatose de type 1 qui se présente typiquement sous
forme de multiples masses accrochées aux terminaisons ner-
veuses et qui sont iso à hyperintense en T2 et iso-intense en
T1 et montre un hypersignal intense et homogène en T1 après
injection du produit de contraste [4]. Dans notre revue de la
littérature sur l'ensemble des cas publiés sur Pubmed, nous
avons retrouvé deux cas de plasmocytomes intraduraux et
Figure 2. Frottis du liquide cérébro-spinal (LCS) : présence de extramédullaires [9,10]. Le premier était un plasmocytome
plasmocytes très dystrophiques associés à des images de mitose. isolé sans atteinte systémique [10] et le deuxième avait un
MM [9]. Les plasmocytomes du SNC seraient associés à un
taux plus fréquent d'anomalies cytogénétiques de mauvais
T12 à S3. L'évolution était marquée initialement par une nette pronostic et un aspect histologique plasmoblastique [3,4].
amélioration clinique et radiologique. À six mois de la fin du La physiopathologie des atteintes du SNC dans le MM est
traitement, la patiente a présenté la réapparition des plasmo- inconnue et son traitement n'est pas codifié. La radiothérapie
cytomes rachidiens intraduraux, en plus de multiples plasmo- permet d'éradiquer les plasmocytomes isolés quelle que soit
cytomes au niveau du crâne, du rachis et de l'angle leur forme histologique mais son efficacité est limitée dans les
pontocérébelleux. Elle a été traitée selon le protocole VD formes diffuses. Une étude rétrospective incluant 17 patients
(associant le bortézomib et la dexaméthasone), six injections présentant une atteinte myélomateuse du SNC et traités par
IT triples et une irradiation localisée sur le plasmocytome de différents agents a montré l'amélioration significative de la
l'angle pontocérébelleux (40 Gy en 10 fractions) ainsi qu'une survie globale des patients traités par une chimiothérapie IT
irradiation rachidienne sur les zones non irradiées initialement avec une survie globale de 20 mois par rapport à 2 mois chez
(30 Gy en 10 fractions de T2 à T11). La patiente est finalement les patients n'ayant pas reçu d'IT [5].
décédée, à cause de la progression de sa maladie, à 23 mois
de l'atteinte neurologique et à 37 mois du diagnostic de MM.

CONCLUSION
COMMENTAIRE
Les plasmocytomes intraduraux et extramédullaires sont
Grâce aux nouvelles molécules (les inhibiteurs du protéasome rares. Le diagnostic est évoqué par l'imagerie et confirmé
et les immunomodulateurs), la survie globale des patients par la biopsie. Il peut aussi être confirmé par l'analyse cyto-
atteints de MM s'est considérablement améliorée en passant logique et immunophénotypique du liquide cérébro-spinal
de 3–4 ans à 7–8 ans [2]. Parmi les formes tumorales, l'atteinte sans avoir recours à la biopsie. La radiothérapie représente
du système nerveux central (SNC) est rare et n'est reportée le traitement de première ligne des formes localisées. Dans
que chez 1 % des patients [3]. Son incidence semble toutefois les formes diffuses, le traitement n'est pas codifié. Il doit
augmenter à l'ère des nouvelles molécules [4]. Le pronostic de comporter des médicaments traversant la barrière hémato
ces formes cliniques est très péjoratif avec une survie médiane méningée comme le méthotrexate à dose élevée et/ou inclure
d'environ 4 mois [5]. une chimiothérapie intrathécale. Malgré les avancées théra-
La localisation intradurale et extramédullaire est surtout l'apa- peutiques, le pronostic de ses formes cliniques reste très
nage des tumeurs bénignes dont les plus fréquentes sont les péjoratif.

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Article original S. Jennane et al.

RÉFÉRENCES
Points essentiels
[1] Rajkumar SV, Harousseau JL, Durie B, Anderson KC, Dimo-
 Les plasmocytomes intraduraux et extramédullaires poulos M, Kyle R, et al. Consensus recommendations for the
uniform reporting of clinical trials: report of the international mye-
sont rares.
 Le diagnostic est évoqué par l'imagerie et confirmé loma workshop consensus panel 1. Blood 2011;117:4691–5.
[2] Kumar SK, Rajkumar SV, Dispenzieri A, Lacy MQ, Hayman SR,
par la biopsie.
 Le diagnostic peut aussi être confirmé par l'analyse Buadi FK, et al. Improved survival in multiple myeloma and the
impact of novel therapies. Blood 2008;111:2516–20.
cytologique et immunophénotypique du liquide céré-
[3] Fassas AB, Muwalla F, Berryman T, Benramdane R, Joseph L,
bro-spinal sans avoir recours à la biopsie.
 La radiothérapie représente le traitement de pre- Anaissie E, et al. Myeloma of the central nervous system: asso-
ciation with high risk chromosomal abnormalities, plasmablastic
mière ligne des formes localisées.
 Dans les formes diffuses, le traitement n'est pas morphology and extramedullary manifestations. Br J Haematol
2002;117(1):103–8.
codifié. Il doit comporter des médicaments traversant
[4] Fassas AB, Ward S, Muwalla F, Van Hemert R, Schluterman K,
la barrière hémato méningée comme le méthotrexate
Harik S, et al. Myeloma of the central nervous system: strong
à dose élevée et/ou inclure une chimiothérapie
association with unfavorable chromosomal abnormalities and other
intrathécale.
 Malgré les avancées thérapeutiques, le pronostic de high-risk disease features. Leuk Lymphoma 2004;45(2):291–300.
[5] Lee D, Kalff A, Low M, Gangatharan S, Ho P, Bajel A, et al.
ses formes cliniques reste très péjoratif.
Central nervous system multiple myeloma potential roles for
intrathecal therapy and measurement of cerebrospinal fluid light
chains. Br J Haematol 2013;162(3):371–5.
[6] Arnautovic K, Arnautovic A. Extramedullary intradural spinal
tumors: a review of modern diagnostic and treatment options
Déclaration de liens d'intérêts
and a report of a series. Bosn J Basic Med Sci 2009;9(Suppl.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
1):40–5.
[7] Beall DP, Googe DJ, Emery RL, Thompson DB, Campbell SE,
Ly JQ, et al. Extramedullary intradural spinal tumors: a pictorial
review. Curr Probl Diagn Radiol 2007;36(5):185–98.
[8] Van Goethem JW, van den Hauwe L, Ozsarlak O, De Schepper
AM, Parizel PM. Spinal tumors. Eur J Radiol 2004;50(2):159–76.
ANNEXE A. MATÉRIEL COMPLÉMENTAIRE [9] Sod LM, Wiener LM. Intradural extramedullary plasmacytoma;
Le matériel complémentaire (Vidéo S1) accompagnant la ver- case report. J Neurosurg 1959;16(1):107–9.
sion en ligne de cet article est disponible sur http://www. [10] Zazpe I, Caballero C, Cabada T, Guerrero D, Gallo-Ruiz A,
sciencedirect.com et http://dx.doi.org/10.1016/j.praneu.2016. Portillo E. Solitary thoracic intradural extramedullary plasmacy-
07.004. toma. Acta Neurochir (Wien) 2007;149(5):529–32.

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