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Traitements de l’hémophilie
J.-F. Schved

L’hémophilie est une maladie hémorragique liée à un déficit, le plus souvent constitutionnel, en facteur
VIII (hémophilie A) ou en facteur IX (hémophilie B). Il n’existe pas de traitement curatif. La substitution
repose sur les facteurs antihémophiliques, obtenus soit par extraction à partir de plasmas de donneurs
volontaires (dérivés plasmatiques), soit par bio-ingénierie génétique (produits recombinants). Des
facteurs activés sont disponibles dans certaines indications. Le premier objectif de la prise en charge est le
traitement des accidents hémorragiques, principalement hémarthroses et hématomes, et leur prévention,
soit dans la vie courante, on parle alors de prophylaxie, soit lors des interventions chirurgicales, où des
protocoles précis doivent être appliqués pour couvrir les périodes per- et postopératoire. Les principales
complications sont ostéoarticulaires. Une évaluation attentive et répétée permet de choisir au mieux entre
les moyens médicamenteux, la médecine physique, les gestes invasifs et les interventions chirurgicales. En
cas de développement d’un inhibiteur, le plus souvent anti-facteur VIII, le traitement des accidents
hémorragiques fait appel à des facteurs de coagulation activés, de maniement délicat. L’administration
de très fortes doses de facteur VIII vise à induire une tolérance immune. La complexité de la prise en
charge impose que les hémophiles soient suivis dans des centres de référence, par des équipes spécialisées
multidisciplinaires. L’avenir voit se profiler deux types de traitements : les facteurs antihémophiliques à
longue durée de vie et la thérapie génique.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hémophilie ; Dérivés plasmatiques ; Produits recombinants ; Hémarthroses ; Inhibiteurs ;


Hémostase

Plan ¶ Traitements de l’avenir 9


Amélioration des produits existants 9
¶ Introduction 1 Thérapie génique 9

¶ Objectifs du traitement de l’hémophilie 2


Traiter le trouble de la coagulation 2
Prévenir et traiter les complications 2
■ Introduction
¶ Produits disponibles pour traiter l’hémophilie 2
Traitements substitutifs de l’hémophilie A 2 En 1937, Birch publiait une revue sur une série de 98 hémo-
Traitements substitutifs de l’hémophilie B 3 philes : six patients étaient encore vivants à l’âge de 40 ans, 82
Traitements non substitutifs 3 étaient morts pendant l’enfance ou l’adolescence [1]. Trente ans
Facteurs activés 3 plus tard, l’espérance de vie moyenne des hémophiles était
¶ Modalités d’utilisation de ces produits : traitement passée de 25 à 55 ans. Cette amélioration s’est poursuivie, mais
chez les patients non infectés par le VIH, la mortalité reste
et prévention des hémorragies 4
supérieure à celle d’une population de même âge [2]. Jusque
Principes du traitement des accidents hémorragiques 4
dans les années 1970, l’amélioration du pronostic vital a été
Mesures spécifiques liées au type d’accident hémorragique 4
obtenue au prix du développement d’une arthropathie parfois
Prévention des hémorragies en dehors de la chirurgie :
extrêmement sévère. Après les transfusions de bras à bras, le
la prophylaxie 5 premier progrès décisif dans le traitement de l’hémophilie a été
Prévention des hémorragies per- et postopératoires 6 l’utilisation par Judith Pool de cryoprécipités plasmatiques. La
¶ Traitement des complications 6 fin des années 1980 a vu le développement des concentrés de
Complications ostéo-articulaires 6 facteur VIII et IX. La décennie 1980 a été marquée à la fois par
Traitement de l’hémophile avec inhibiteur 8 de grands progrès des préparations de facteurs antihémophili-
ques et par le développement de deux pathologies iatrogènes
¶ Prise en charge de l’hémophile en France 9
dramatiques : les infections par le VIH et les hépatites B et C.
Structures spécialisées : CRTH et CTH 9
Actuellement, les traitements substitutifs de l’hémophilie A ou
Conseil génétique 9
B ont atteint un très haut niveau de sécurité et sont facilement
Hygiène de vie, sport, qualité de vie 9 accessibles aux patients dans les pays développés. Ils ont deux
inconvénients majeurs : l’administration par voie intraveineuse
et la demi-vie courte.

Hématologie 1
13-021-B-20 ¶ Traitements de l’hémophilie

Tableau 1.

“ Point fort
Produits antihémophiliques disponibles en France en 2008.
Type Nom commercial Lignée
a
Inactivation
de produits cellulaire virale b
L’hémophilie dans le monde
Facteur VIII
L’hémophilie est une maladie ubiquitaire. On estime qu’il
Plasmatiques Factane® SD,
naît un hémophile toutes les 10 000 naissances dans nanofiltration
toutes les populations du globe. L’inégalité apparaît dès Octanate® SD, chauffage
les premiers jours de vie : 80 % des 400 000 hémophiles
Recombinants Advate® CHO SD, chromato IA
(chiffre estimé) dans le monde ne reçoivent aucun
Helixate Nexgen® BHK SD, chromato IA
traitement.
Kogenate Bayer® BHK SD, chromato IA
Le coût du traitement est à l’évidence en cause :
Refacto® CHO SD, chromato IA
• en France, le prix de l’unité de facteur VIII était en
2008 de 0,78 euros pour une unité (le traitement d’une Facteur IX
hémorragie nécessite 2 000 à 3 000 UI, éventuellement Plasmatiques Betafact® SD,
deux à trois fois dans la journée) ; nanofiltration
• les coûts sont moins élevés dans les pays émergents, Mononine® SD, UF,
chromato IA
mais sont rarement inférieurs à 0,30 euros/UI.
Octafix® SD,
Cependant, le niveau de traitement n’est pas toujours
nanofiltration
proportionnel à la richesse du pays. Un des moyens de
Recombinant Benefix® CHO Chromatographie,
l’apprécier est d’estimer la consommation de facteur VIII nanofiltration
par habitant (per capita), puisque la prévalence de
Facteurs activés
l’hémophilie est la même dans tous les pays. Les disparités
Plasmatique Feiba® Chauffage
apparaissent alors considérables :
• les pays à haut niveau de soins (Europe de l’Ouest, USA, Recombinant Novoseven® BHK TritonX,
chromato IA
Canada, etc.) ont une consommation supérieure à 4 UI
a
Lignées cellulaires à partir desquelles sont fabriqués les recombinants ; CHO :
per capita, supérieure même à 6 au Luxembourg et dans chinese hamster ovary ; BHK : baby hamster kidney.
les pays scandinaves ; b
Procédés d’inactivation virale. Sont citées ici les principales étapes concourant à
• dans beaucoup d’autres pays européens ou sud- la sécurité virale, à l’exclusion des chromatographies échangeuses d’ions, utilisées
dans la plupart des procédés de fabrication ; SD : solvant-détergent ; UF :
américains, la consommation se situe entre 2 UI et 4 UI per ultrafiltration ; chromato IA : chromatographie d’immunoaffinité.
capita ;
• une consommation inférieure à 1 UI per capita est activés, utilisés chez l’hémophile avec inhibiteur (Tableau 1).
observée dans la plupart des pays en Afrique, au Moyen- Tous les produits présents sur le marché subissent au cours de
Orient et en Asie. leur élaboration des procédures d’inactivation virale [3], qui en
La Fédération mondiale de l’hémophilie (World font actuellement des médicaments dénués de risque de trans-
Federation of Hemophilia [WFH]) a mis en place des mission virale (Tableau 2).
programmes d’aide auprès de ces pays. Cependant, la
prise en charge de l’hémophilie n’est qu’un des
Traitements substitutifs de l’hémophilie A
innombrables problèmes de santé auxquels ils sont On dispose pour l’hémophilie A de dérivés plasmatiques et de
confrontés. produits recombinants.
Produits plasmatiques
Ce sont les plus anciens. Ils sont préparés à partir de don-
■ Objectifs du traitement neurs volontaires, le prélèvement pouvant être fait sous deux
formes : soit par dons de sang, puis centrifugation rapide et
de l’hémophilie congélation du plasma ; soit par dons de plasma par plasma-
phérèse. Cette dernière technique permet d’obtenir des quanti-
Traiter le trouble de la coagulation tés beaucoup plus importantes. Les produits préparés en France
sont tous issus de donneurs bénévoles. Les produits importés
L’hémophilie est une maladie hémorragique. Le traitement sont le plus souvent issus de donneurs rémunérés.
vise, soit à arrêter le saignement lors d’une complication Factane®. Ce produit a remplacé le Facteur VIII-LFB®, dont il
hémorragique, soit à le prévenir, en particulier le saignement diffère par une double nanofiltration à 35 nm et 15 nm. Il est
intra-articulaire. préparé par chromatographie sur résine échangeuse d’ions et
absorption. Les mesures de sécurisation virale comportent
Prévenir et traiter les complications plusieurs étapes :
• les sérologies et le dépistage génomique viral, effectués
Les principales complications de l’hémophilie sont ostéoarti-
individuellement sur les donneurs, puis sur les pools par le
culaires. Le traitement fait appel à la physiothérapie, à la
laboratoire ;
chirurgie et à divers gestes plus ou moins invasifs. Autre
• les procédés d’inactivation ou d’élimination physique des
complication majeure, l’apparition d’un inhibiteur, en particu-
virus : traitement par solvant-détergent, qui élimine les virus
lier chez l’hémophile A, pose des problèmes très spécifiques. Le
encapsulés, et nanofiltration à 35 nm puis 15 nm, permettant
traitement des complications infectieuses (hépatites virales,
de retenir les particules virales non encapsulées, insensibles
infection par le VIH) ne sera pas abordé ici.
au traitement solvant-détergent, tel le parvovirus.
Octanate ® . Son activité spécifique est de 50 UI/ml. Son
■ Produits disponibles pour traiter procédé de fabrication comprend une double inactivation
virale : solvant-détergent et chauffage à sec court (100°C,
l’hémophilie 30 min).

On dispose de trois types de produit dans le traitement de Produits recombinants


l’hémophilie : les traitements substitutifs – facteurs antihémo- Deux lignées cellulaires, principalement, sont utilisées pour
philiques A et B –, les traitements non substitutifs et les facteurs préparer les produits recombinants : les cellules CHO (chinese

2 Hématologie
Traitements de l’hémophilie ¶ 13-021-B-20

Tableau 2. Traitements substitutifs de l’hémophilie B


Procédés d’inactivation virale. Intérêt et limites de ces différents procédés
(adapté d’après [3]). On dispose là aussi de produits plasmatiques et de dérivés
recombinants.
Procédé Avantages Points critiques
Solvant-détergent Efficace contre les virus Inefficace contre les Produits plasmatiques
enveloppés (VHC, VHB, virus non enveloppés
VIH) (parvovirus B19, VHA) On dispose en France de trois préparations de facteur IX
Ne dénature d’origine plasmatique.
pas les protéines Betafact®. Cette préparation a remplacé le Facteur IX-LFB®,
Pasteurisation Efficace sur virus Inactif sur parvovirus dont il diffère par une nanofiltration à 15 nm. Il est préparé à
non enveloppés (VHA) B19 partir d’une fraction de complexe prothrombique humain
Peut générer
(PPSB) qui subit plusieurs chromatographies échangeuses d’ions
des néoantigènes et une chromatographie d’affinité. Sa préparation comporte un
traitement solvant-détergent et la nanofiltration à 15 nm.
Chauffage vapeur Efficace sur virus Inefficace sur VHC Mononine®. Le produit est préparé à partir d’une fraction de
enveloppés et non et parvovirus B19
PPSB après purification par chromatographie d’immunoaffinité.
enveloppés (VHA)
Le facteur IX est élué par du thiocyanate de sodium, qui sera
Chauffage sec final Efficace sur virus Inefficace sur éliminé par ultrafiltration. Ces deux dernières étapes concou-
enveloppés et non parvovirus B19 rent, avec la chromatographie d’immunoaffinité, à la sécurité
enveloppés (VHA) Perte d’activité virale.
coagulante 10 %-20 % Octafix®. Son activité spécifique est de 100 UI/ml. La prépa-
Nanofiltration sur Élimination basée Pas applicable aux ration comporte une étape solvant-détergent et une
membranes 15 nm sur taille virale grosses molécules nanofiltration.
Actif sur VHA Sensibles aux
et parvovirus B19 conditions de filtration Produits recombinants
Élimination possible
On dispose depuis 2005 d’un produit recombinant, le nona-
des prions
cog alfa ou Benefix®, préparé à partir de lignées cellulaires CHO.
Non dénaturant
Nanofiltration sur Similaire Élimination
membranes 35 nm à nanofiltration 15 nm incomplète des petits Traitements non substitutifs
Applicable facteurs VIII virus
Deux traitements antihémorragiques non substitutifs sont
et de von Willebrand utilisés dans l’hémophilie.
VHA : virus de l’hépatite A ; VHB : virus de l’hépatite B ; VHC : virus de l’hépatite
C ; VIH : virus d’immunodéficience humaine.
Desmopressine ou DDAVP
hamster ovary) et les cellules BHK (baby hamster kidney).Ces Il s’agit d’un composé synthétique dérivé de l’adrénaline et
lignées cellulaires issues de mammifères ont été choisies pour proche de la vasopressine. Utilisé sous une autre présentation
leur capacité à effectuer les modifications post-traductionnelles dans le diabète insipide, il est présenté sous deux formes :
(repliement et surtout glycosylation), leur stabilité, la bonne • une forme intraveineuse, Minirin ® , utilisée à la dose de
connaissance obtenue grâce à leur utilisation pour la prépara- 0,3 µg/kg en perfusion de 20 à 30 minutes dans du sérum
tion de produits recombinants dans d’autres domaines théra- salé ;
peutiques [4]. On dispose de trois produits et de quatre • une forme nasale, Octim®, dont une pulvérisation équivaut à
spécialités, l’un des produits étant distribué par deux laboratoi- l’injection de 0,2 µg/kg de Minirin®.
res différents. La desmopressine a pour effet d’augmenter les concentrations
Advate®. Il s’agit de facteur VIII recombinant (octocog alpha), plasmatiques de facteur de von Willebrand et de facteur VIII,
préparé à partir de cellules CHO. Dans un but de sécurité, le mais aussi de l’activateur tissulaire du plasminogène. L’effet est
processus de fabrication n’utilise aucune protéine animale ou dû à une libération de ces facteurs par l’endothélium où ils sont
humaine. La cellule est transfectée avec le gène du facteur VIII stockés. La desmopressine est surtout utilisée dans l’hémophilie
et celui du facteur de von Willebrand. L’intérêt du facteur de modérée et dans la maladie de von Willebrand. En raison de
von Willebrand est de stabiliser le facteur VIII dans le milieu de son activité antidiurétique, elle peut induire une hyponatrémie,
culture. Le facteur VIII est ensuite purifié par chromatographie c’est la raison pour laquelle on impose habituellement une
échangeuse d’ions et chromatographie d’immunoaffinité. Le restriction hydrique lors des périodes de traitement. En outre,
produit ne contient plus que des traces de facteur de von l’utilisation répétée expose à un risque de tachyphylaxie, par
Willebrand (< 2 ng/UI de facteur VIII) et ne contient pas épuisement des stocks avec réduction d’activité biologique. La
d’albumine. Il a remplacé Recombinate®, produit par le même desmopressine ne doit pas de ce fait être utilisée plus de trois
laboratoire, qui contenait de l’albumine. L’activité spécifique du jours de suite.
produit est de 4 000 UI/mg de protéine à 10 000 UI/mg de La réponse à la desmopressine est variable d’un individu à
protéine. l’autre. Elle doit être testée avant que la desmopressine puisse
Helixate Nexgen® et Kogenate Bayer. Ces deux produits sont être proposée pour éviter les traitements de substitution.
aussi de l’octocog alpha. Ils proviennent des mêmes chaînes de
fabrication, utilisant des cellules BHK cultivées en présence d’un Acide tranexamique
milieu dépourvu de protéines animales. Le facteur VIII est
purifié à partir du milieu de culture par chromatographie Commercialisé sous le nom d’Exacyl ® , il est doté d’une
échangeuse d’ions et chromatographie d’immunoaffinité. Il activité antifibrinolytique et d’un effet antihémorragique non
subit un traitement solvant-détergent. Ce produit ne contient spécifique indiscutable. Il représente un traitement d’appoint
pas d’albumine. utile pour les petits gestes chirurgicaux ou pour réduire la
Refacto®. Le moroctocog alpha ou Refacto® est également fréquence des saignements.
préparé à partir de cellules CHO. Le gène transfecté a pour
particularité d’avoir été délété de la partie codante correspon- Facteurs activés
dant au domaine B de la molécule (voir article 13-021-B-10). Là
encore, les cellules sont cultivées sur des milieux exempts de Les facteurs activés sont utilisés chez l’hémophile avec
protéines animales et le produit ne contient pas d’albumine. inhibiteur.

Hématologie 3
13-021-B-20 ¶ Traitements de l’hémophilie

Feiba® Tableau 3.
Taux de facteur antihémophilique à atteindre en fonction des
Le terme Feiba est un acronyme (factor eight inhibitor bypassing hémorragies ou circonstances hémorragipares. Doses moyennes
activity). Ce dérivé, appelé aussi complexe prothrombique activé, nécessaires pour les concentrés de facteur VIII et facteur IX.
est une fraction PPSB contenant des formes activées des facteurs
de coagulation : FIIa, FVIIa, FIXa et des phospholipides. Il est Circonstance des Taux Dose Dose
d’origine plasmatique et subit une inactivation par chauffage à injections plasmatiques facteur VIII facteur IX
la vapeur. Il y a un risque connu de thrombose en cas de attendus
surdosage. Hémorragie mineure 20 % à 30 % 20 UI/kg 30 UI/kg
Hématome superficiel à 30 UI/kg à 40 UI/kg
®
Novoseven Hémarthrose
Il s’agit de facteur VII recombinant activé (eptacog alfa activé) Épistaxis
produit par génie génétique à partir de cellules BHK. Le facteur Plaie endobuccale
VII purifié passe par plusieurs étapes de chromatographie au
Hémorragie majeure 30 % à 50 % 40 UI/kg 50 UI/kg
cours desquelles la molécule s’active spontanément. Le facteur
Hématome profond à 50 UI/kg à 60 UI/kg
VII activé est stabilisé par du chlorure de calcium sans ajout de
protéines humaines. Utilisé à forte dose, il s’avère d’une très Traumatisme crânien
bonne efficacité chez les hémophiles avec inhibiteur. Après modéré
injection, il se fixe de façon non spécifique à la surface des Chirurgie mineure
plaquettes, où il participe avec les autres facteurs activés de Hémorragie grave 50 % à 100 % 50 UI/kg 60 UI/kg
coagulation au phénomène d’explosion de thrombine thrombin Hémorragie digestive à 60 UI/kg à 80 UI/kg
burst (voir article 13-021-B-10).
Traumatisme crânien
Polytraumatisme grave
Hématome intracrânien
■ Modalités d’utilisation Chirurgie majeure
de ces produits : traitement
et prévention des hémorragies C’est à partir de ces données qu’ont été établies les formules
empiriques précédentes. Parfois, la récupération est plus faible et
Schématiquement, les facteurs antihémophiliques A et B nécessite des doses plus importantes.
peuvent être utilisés dans trois types de situation : traitement La demi-vie de la molécule est le temps au bout duquel 50 %
d’un accident hémorragique, prévention des accidents hémor- du produit circulant est éliminé. La demi-vie du facteur VIII est
ragiques et couverture d’un geste chirurgical ou invasif [5-9]. habituellement de 10 à 12 heures et celle du facteur IX de 16 à
20 heures.
Principes du traitement des accidents C’est la raison pour laquelle, en cas d’hémorragie importante
ou de chirurgie, il faut répéter les injections de facteur VIII
hémorragiques toutes les huit heures et les injections de facteur IX toutes les
Il est habituel de considérer que le taux de facteur VIII ou de 12 heures.
facteur IX à atteindre pour arrêter un saignement chez un
hémophile est d’environ 30 %. On dispose de deux méthodes Mesures spécifiques liées au type d’accident
pour apprécier les quantités injectées : hémorragique
• Méthode empirique globale :
C dans l’hémophilie A, la dose à injecter se calcule par la Les modalités thérapeutiques précises (doses injectées, rythme
formule : d’injection et mesures d’accompagnement) diffèrent selon le site
Dose = [poids en kg × augmentation attendue (%)] / 2 de l’hémorragie (Tableau 3).
Ainsi, pour un hémophile sévère (< 1 %) pesant 60 kg, un
Hémarthroses
taux de 30 % est atteint théoriquement par 900 U de
facteur VIII ; C’est la complication la plus fréquente et l’une des plus
C dans l’hémophilie B, la formule est : redoutées. L’impératif absolu est la précocité du traitement pour
Dose = [poids en kg × augmentation attendue (%)] limiter au maximum la quantité de sang présente dans l’articu-
Cette différence tient au fait que le volume de distribution lation. C’est une des raisons pour lesquelles a été développé
du facteur IX est le double de celui du facteur VIII, proba- l’autotraitement. Les doses sont habituellement de 20 UI/kg à
blement en raison de la petite taille de la molécule. Dans 30 UI/kg une ou deux fois par jour pour le facteur VIII et de
30 UI/kg à 40 UI/kg une ou deux fois par jour pour le facteur
le même exemple que précédemment, il faudra injecter
IX. Il est rare d’avoir à dépasser des durées de traitement de
1 800 U ;
deux jours. L’articulation doit être mise au repos jusqu’à
• Calcul de la dose à partir des données pharmacocinétiques
disparition des symptômes. L’application d’une vessie de glace
chez l’individu : permet de réduire la douleur et de limiter l’épanchement. En
Pour obtenir une plus grande précision, compte tenu des cas d’épanchement abondant et douloureux, il peut être
variabilités interindividuelles de cinétique médicamenteuse, il proposé une ponction articulaire sous asepsie stricte.
est important d’effectuer une étude pharmacocinétique chez L’hémarthrose de la hanche, extrêmement rare, devrait être
l’hémophile avec le produit qu’il utilise. Elle consiste à systématiquement ponctionnée. Elle impose en tout cas un
injecter en général 25 UI/kg, à distance de tout épisode repos strict au lit.
hémorragique et de toute injection récente, puis à mesurer les
taux de facteur VIII ou de facteur IX à 30 min, 1 heure, Hématomes
4 heures, 8 heures, voire 24 heures. Les plus fréquents sont les hématomes musculaires, en général
Ceci permet de disposer de deux paramètres cinétiques post-traumatiques. Les doses sont habituellement les mêmes que
importants, le taux de récupération et la demi-vie. dans l’hémarthrose, mais la durée de traitement est parfois plus
Le taux de récupération est le taux mesuré immédiatement prolongée car les hématomes sont souvent traités avec retard,
après injection. On constate habituellement qu’une injection de lorsque le mollet, la cuisse ou la fesse contiennent déjà des
1 U/kg de facteur VIII augmente le taux de facteur VIII de 2 U/ quantités de sang importantes. Les hématomes très importants ou
dl, alors que l’injection de 1 U/kg de facteur IX élève le taux à risque compressif peuvent imposer, en plus des gestes spécifi-
plasmatique de 1 U/dl. ques, le recours à des posologies plus élevées : 40 UI/kg à

4 Hématologie
Traitements de l’hémophilie ¶ 13-021-B-20

Hémorragies extériorisées
“ Point fort Hématuries
Elles sont fréquentes chez l’hémophile. Il est préférable de ne
L’autotraitement pas injecter de facteur antihémophilique, car ceci peut déclen-
Les progrès réalisés dans la galénique des produits cher une crise de colique néphrétique en favorisant la création
d’un caillot. Les hématuries de l’hémophile ne sont jamais
antihémophiliques ont facilité l’utilisation des facteurs
graves par elles-mêmes. En cas de récidive fréquente, il peut être
antihémophiliques à domicile. Les injections peuvent être
nécessaire de recourir à un avis spécialisé afin de ne pas laisser
faites immédiatement en cas d’accident hémorragique. évoluer une lésion de l’appareil urinaire.
L’autotraitement ne se résume pas à l’injection par
le patient ou l’un de ses proches du facteur Hémorragies buccales
antihémophilique. Il comporte : Elles nécessitent le plus souvent le recours aux facteurs
• une formation théorique sur la maladie, ses bases et ses antihémophiliques du fait de l’impossibilité d’appliquer une
conséquences ; compression sur la zone hémorragique.
• l’apprentissage du diagnostic des accidents Épistaxis
hémorragiques : si les hémarthroses aiguës sur articulation
Celles qui ne cèdent pas aux moyens locaux de compression
saine posent peu de problèmes, il n’en est pas de même
(compression digitale externe, méchage) peuvent nécessiter un
en cas d’arthropathie chronique. Le patient doit savoir
traitement substitutif.
reconnaître les signes d’hématomes profonds ou
dangereux qui l’amèneront à consulter après injection Hémorragies digestives
éventuelle ; Elles relèvent des mêmes mécanismes que les hémorragies
• la connaissance des modalités de conservation des digestives chez le non-hémophile. Elles nécessitent une substi-
produits ; tution importante, telle qu’elle est appliquée en contexte
• la connaissance des doses à injecter en fonction des chirurgical : 50 UI/kg à 60 UI/kg de facteur VIII trois fois par
circonstances ; jour ou 60 UI/kg à 80 UI/kg de facteur IX deux fois par jour.
• une sensibilisation à la traçabilité : tenue du carnet Ceci permet de mener les investigations nécessaires à ce type de
situation, qui sera ensuite gérée comme le sont les hémorragies
d’hémophile avec relevé des numéros de lot de produit ;
digestives chez le non-hémophile.
• la gestion des déchets conforme à la réglementation.
C’est l’ensemble de l’acquisition de ces pratiques et Situations particulières
connaissances qui fait de l’autotraitement une des En cas de traumatisme crânien ou de polytraumatisme, de
conditions essentielles de la bonne prise en charge de suspicion de pathologie abdominale relevant d’une thérapeuti-
l’hémophilie. que chirurgicale, il est préférable, même en l’absence d’hémor-
ragie documentée, d’appliquer un traitement systématique :
40 UI/kg à 50 UI/kg pour le facteur VIII et 50 UI/kg à 60 UI/kg
50 UI/kg pour le facteur VIII et 50 UI/kg à 60 UI/kg pour le pour le facteur IX, de façon à obtenir une hémostase normale.
facteur IX. Le massage des hématomes est formellement Lorsque ces patients sont dans des services d’urgence, ils
déconseillé. peuvent ensuite être gérés comme le sont les patients non
Des mesures spécifiques doivent être mises en œuvre pour les hémophiles, en particulier en ce qui concerne les explorations
hématomes de localisation dangereuse. et la surveillance.
• Les hématomes périorbitaires comportent un risque de com-
pression du nerf optique. Prévention des hémorragies en dehors
• Les hématomes du plancher de la bouche peuvent comprimer la de la chirurgie : la prophylaxie
trachée et les vaisseaux du cou.
• Les hématomes du creux axillaire peuvent induire des compres- Au début des années 1970, les équipes suédoises ont montré
sions du paquet vasculonerveux. qu’il était possible de prévenir les complications orthopédiques
• Les hématomes de l’avant-bras et de la main doivent être traités en injectant systématiquement et régulièrement des facteurs
en urgence, éventuellement par compression, en raison du antihémophiliques [10]. Les premiers essais s’étaient faits avec du
risque de syndrome de Volkmann pour l’avant-bras et de plasma frais congelé, puis avec du cryoprécipité. Les premiers
séquelles fonctionnelles par rétraction pour les hématomes de patients recevaient 10 UI/kg à 20 UI/kg de facteur VIII tous les
la main, qui sont souvent très douloureux. trois à cinq jours, avec parfois des intervalles de six à dix jours.
• Les hématomes du psoas sont souvent de diagnostic difficile, En 1992, étudiant leur série de façon rétrospective, Nillson et
trompeurs, simulant des tableaux chirurgicaux, voire des al. [11] montraient que chez les patients ayant bénéficié d’une
douleurs de la hanche. Le diagnostic en est souvent tardif et prophylaxie aux doses indiquées ci-dessous, le score orthopédi-
ils peuvent engendrer des anémies importantes. Ils nécessi- que moyen était de 6,6, contre 10 pour le traitement à la
tent des traitements prolongés et une surveillance échogra- demande chez les patients de 10 à 15 ans, et 40 ou plus chez
phique. les patients de plus de 16 ans. Le traitement prophylactique
• Les hématomes du creux inguinal et du triangle de Scarpa prôné dans les pays scandinaves s’est largement répandu et tend
comportent un risque de compression vasculonerveuse. à devenir la thérapeutique de référence chez le jeune hémo-
• Certains hématomes constituent des urgences neurochirurgi- phile [12, 13] . Une étude randomisée a confirmé de façon
cales : hématomes intracérébraux, hématomes péri- ou intrarachi- indiscutable l’efficacité de la prophylaxie dans la prévention de
diens. La substitution doit se faire à un niveau élevé : l’arthropathie hémophilique [14].
50 UI/kg à 60 UI/kg trois fois par jour pour le facteur VIII et
60 UI/kg à 80 UI/kg deux fois par jour pour le facteur IX. Conduite du traitement prophylactique
Dans tous les cas, il est important d’associer au traitement de L’objectif est de maintenir constamment un taux circulant de
l’hématome, lorsque cela est possible, l’application de froid et facteur antihémophilique suffisant pour éviter les accidents
la compression. hémorragiques. En pratique, ceci est rendu difficile par la courte
demi-vie des facteurs antihémophiliques.
Ecchymoses Les doses utilisées dans la prophylaxie classique sont :
Les ecchymoses, bien que parfois très spectaculaires, ne • pour le facteur VIII, 25 UI/kg toutes les 48 heures [14], avec
nécessitent habituellement pas de traitement substitutif, ni des variations possibles de 30 UI/kg à 40 UI/kg toutes les
même de traitement local. 48 heures ou trois fois par semaine [15] ;

Hématologie 5
13-021-B-20 ¶ Traitements de l’hémophilie

• pour le facteur IX, 40 UI/kg à 60 UI/kg tous les trois jours. Tous les hémophiles peuvent-ils en bénéficier ?
En pratique, ce traitement peut être modulé. Une étude À ce jour, la prophylaxie est devenue le traitement de
canadienne a montré la possibilité d’un traitement prophylac- référence de l’hémophilie sévère dans les pays où la protection
tique moins strict dans son application, avec des doses et des sociale et les budgets attribués à la santé le permettent. Elle reste
rythmes d’injection basés sur la sévérité et l’efficacité du difficilement accessible, voire totalement inaccessible, dans les
protocole en cours [16]. Les recommandations françaises [17] de la pays les moins avancés. Il s’agit en effet d’un traitement
Coordination médicale pour l’étude et le traitement de l’hémo- coûteux, qui a considérablement amélioré la qualité de vie des
philie (COMETH) proposent une escalade de doses par paliers : hémophiles en leur permettant, dans l’enfance, d’éviter les
la posologie au premier palier pour le facteur VIII est de entraves à la scolarité que constituent souvent les maladies
50 UI/kg une fois par semaine, au deuxième de 30 UI/kg deux chroniques, de mener des activités physiques et sportives
fois par semaine, au troisième de 25 UI/kg à j1 et j3 et 30 UI/kg diverses, puis en facilitant leur intégration professionnelle et
à j5, ou de 30 UI/kg toutes les 72 heures. Le quatrième palier sociale. Cette approche thérapeutique constitue la méthode la
est le traitement classique à la posologie de 25 UI/kg toutes les plus efficace de prévention des handicaps fonctionnels encore
48 heures. rencontrés chez les hémophiles traités à la demande. Néan-
L’objectif est de prévenir complètement les hémarthroses moins, ses modalités actuelles ne permettent pas toujours
spontanées et de réduire à moins de deux l’incidence annuelle d’éviter totalement le développement sur une ou plusieurs
des hémarthroses traumatiques. En cas de survenue de deux articulations d’arthropathies possiblement évolutives.
hémarthroses en moins de six mois, il est proposé de passer au
palier supérieur. D’autres protocoles sur mesure sont utilisés Prévention des hémorragies
dans différents pays, avec des principes assez similaires.
per- et postopératoires
Questions en suspens Tout geste chirurgical chez l’hémophile doit être réalisé sous
À qui s’adresse la prophylaxie ? couvert d’injections de produits antihémophiliques. Seules
quelques interventions dentaires peuvent éventuellement être
La prophylaxie primaire est recommandée au cours de effectuées sans substitution, en utilisant des gouttières de
l’hémophilie sévère et de certaines hémophilies modérées à compression et des colles biologiques. La plupart du temps,
phénotype clinique hémorragique. Pour l’hémophilie modérée néanmoins, ces interventions sont elles aussi couvertes par des
ou fruste, le traitement à la demande, appliqué uniquement en injections de facteur antihémophilique.
cas d’accident hémorragique, est en général proposé. Une En cas d’intervention lourde, l’objectif de la prévention est
prophylaxie secondaire plus ou moins prolongée peut en d’obtenir un taux de facteur VIII ou de facteur IX proche de la
revanche être indiquée en cas d’accidents hémorragiques normale et en tout cas supérieur à 60 %. Le traitement doit être
récurrents, articulaires en particulier, ou après un accident poursuivi à raison de trois injections par jour pour le facteur
hémorragique grave. VIII et de deux injections par jour pour le facteur IX pendant
toute la période postopératoire immédiate, et tant que les
Quand la mettre en place ?
redons montrent la persistance d’un saignement interne. Après
La prophylaxie peut être instituée dès le diagnostic d’hémo- cette période, le traitement dépend du type de chirurgie. En
philie, du moins dans la première année de vie [18, 19]. Il s’agit chirurgie viscérale, la durée de traitement est en général d’une
de prophylaxie primaire vraie, sans attendre le premier accident dizaine de jours, avec une réduction des doses au-delà de trois
hémorragique. jours après l’intervention. En chirurgie orthopédique, il est
En fonction du contexte ou des pratiques propres à chaque nécessaire de maintenir une couverture antihémophilique
centre ou pays, elle est parfois mise en œuvre après un, deux, pendant la période de rééducation, le plus souvent, avec un
voire trois accidents hémorragiques, ou bien dès la première schéma de type prophylactique.
hémarthrose, ou bien lors de la récidive d’une hémarthrose sur Une des options possibles pour couvrir le geste chirurgical est
une même articulation. Il est en tout cas bien démontré que l’utilisation de la perfusion intraveineuse continue [29, 30]. Elle
l’efficacité de la prophylaxie pour prévenir l’arthropathie permet d’effectuer le geste chirurgical et de couvrir la période
hémophilique dépend surtout de la précocité de la mise en périchirurgicale avec un taux circulant de facteur VIII ou IX
place [18]. constant. Cette stratégie nécessite une adaptation des doses
Dans certains cas, la prophylaxie est instaurée de façon assez fréquente. Elle pourrait, dans certaines circonstances,
provisoire ou définitive pour empêcher l’aggravation d’une favoriser l’apparition d’inhibiteurs [31]. Cette situation para-
atteinte articulaire. On parle alors de prophylaxie secondaire [20]. doxale serait due aux interactions entre le facteur VIII et son
Un bénéfice supplémentaire de la prophylaxie est de faciliter contenant. Des recommandations précises existent concernant
l’acceptation des injections par les enfants, car les circonstances la possibilité d’appliquer des traitements par perfusions conti-
sont plus favorables : injection à froid, sans urgence, sans nues en fonction du type de produit.
pression excessive de la part de l’entourage. Il est habituel de ne pas prescrire de prévention antithrom-
botique lors des interventions chirurgicales chez l’hémophile.
Par quelle voie veineuse ?
En cas de prophylaxie précoce, le capital veineux de l’enfant
ne permet pas des injections intraveineuses répétées deux à trois
■ Traitement des complications
fois par semaine. Ce schéma classique impose la mise en place
d’une chambre implantable qui, compte tenu de la fréquence Complications ostéo-articulaires
des accès, devra être utilisée avec des précautions strictes
d’asepsie de type chirurgical [21-23]. De rares équipes ont recours Bilan articulaire
à des fistules artérioveineuses du même type de celles utilisées Avant de prendre des décisions thérapeutiques parfois lour-
pour l’hémodialyse. des, un bilan complet et pluridisciplinaire des pathologies
articulaires s’impose. L’évaluation clinique porte sur la douleur,
Quand et comment l’interrompre ?
la mobilité et la fonction de chaque articulation. L’imagerie
Il n’y a pas de consensus [24]. La prophylaxie doit au moins associe des clichés standards et l’IRM, pour mieux objectiver
être poursuivie pendant toute l’enfance et l’adolescence. l’état des parties molles.
L’interruption est souvent décidée par le patient lui-même [25], Plusieurs scores ont été proposés :
mais il n’y a aucun critère de décision. Indépendamment de ces • la classification d’Arnold et Hilgartner [32] établit cinq stades
effets positifs sur la maladie ostéoarticulaire, la prophylaxie d’atteinte articulaire :
pourrait être un moyen de prévention de l’apparition C stade I : aucune anomalie radiologique ;
d’inhibiteurs [26-28]. C stade II : ostéopénie, élargissement épiphysaire ;

6 Hématologie
Traitements de l’hémophilie ¶ 13-021-B-20

Tableau 4.

“ Point fort
Score de Pettersson utilisé pour apprécier l’atteinte articulaire
Type de modification Constatation Score
[33].

Ostéopénie Absente 0
Faut-il prévenir les événements thrombo-
Présente 1
emboliques lors des interventions chirurgicales
chez l’hémophile ? Élargissement épiphysaire Absent 0
Chez le sujet non hémophile, la prévention de la maladie Présent 1
thromboembolique est systématique pour la plupart des Irrégularités de la surface Absentes 0
interventions orthopédiques lourdes (remplacement sous-chondrale Partielles 1
prothétiques, fractures). Totales 2
Chez l’hémophile, une telle attitude n’est probablement
Pincement de l’interligne Absent 0
pas souhaitable.
Interligne > 1mm 1
• Un hémophile traité par injections discontinues n’est
Interligne < 1mm 2
pas un individu à hémostase normale : les fluctuations
constatées exposent avant tout le patient aux Kystes sous-chondraux Absence 0
complications hémorragiques. 1 kyste 1
• En l’absence d’essais cliniques chez l’hémophile, les > 1 kyste 2
doses d’héparines de bas poids moléculaire (HBPM) Érosion marginale Absente 0
nécessaires et, surtout, les taux minimum de facteur VIII Présente 1
ou de facteur IX permettant de prévenir le risque Incongruence des surfaces Absente 0
hémorragique ne sont pas connus. articulaires Modérée 1
• Les thromboses postopératoires constatées lors des Majeure 2
études cliniques sont en général asymptomatiques,
Déformation-angulation- Absents 0
diagnostiquées par imagerie systématique. Leur
déplacement Modérés 1
pertinence clinique quant au risque embolique ou de
maladie postphlébitique est loin d’être établie. Majeurs 2
• Le coût d’une association HBPM + facteur
antihémophilique est élevé. Rééducation-kinésithérapie
• Les cas de thrombose postopératoire publiés (pas de
Les techniques de médecine physique et de kinésithérapie
grandes séries) ont souvent été constatés chez des
doivent intervenir à tous les temps de la prise en charge de
hémophiles B ayant d’autres facteurs de risque. l’hémophile. L’enfant hémophile, même en l’absence d’atteinte
Une prophylaxie systématique de la maladie ostéoarticulaire, peut bénéficier précocement d’une kinésithéra-
thromboembolique n’est pas conseillée chez l’hémophile pie orientée vers le développement musculaire harmonieux et la
A. Elle se discute en cas d’importants facteurs de risque préparation à des activités sportives encadrées.
surajoutés. Les objectifs de la rééducation [39-41] sont la prévention ou la
réduction d’une attitude vicieuse, la lutte contre l’atrophie
musculaire, l’entretien ou la récupération musculaire, la lutte
C stade III : images de kystes sous-chondraux, densification contre la douleur et la réadaptation pour les actes de la vie
synoviale sans atteinte de l’interligne ; quotidienne.
Les techniques utilisées comportent les immobilisations à
C stade IV : pincement de l’interligne ;
l’aide de gouttières, contentions souples ou orthèses, l’utilisation
C stade V : désaxation et dislocation articulaire.
d’agents physiques (froid, électrothérapie, kinésithérapie). Ils
• le score de Pettersson [33] comporte une cotation de 0 à
sont souvent poursuivis par des exercices d’autorééducation à
13 pour chaque articulation (Tableau 4). domicile.
En outre, surtout après hémarthrose ou incident articulaire, la
Possibilités thérapeutiques kinésithérapie est indispensable pour récupérer la propriocep-
On dispose de traitements médicamenteux, de traitements tion, compromise par ces différents traumatismes et dont la
physiques (rééducation et kinésithérapie), de synoviorthèses et perte augmente le risque d’hémarthrose.
de différentes techniques de chirurgie [34].
Gestes invasifs et traitements chirurgicaux
Traitements médicamenteux Traitement du pannus synovial. Le pannus synovial peut
La prise en charge d’une arthropathie se conçoit dans le être mis en évidence par IRM, ou plus simplement par échogra-
contexte global de traitement de l’hémophilie. Parmi les phie. Son rôle délétère dans l’arthropathie implique qu’il soit
possibilités médicamenteuses, on retient la prophylaxie secon- traité, soit par synoviorthèse, soit par synovectomie [42].
daire, consistant à introduire un régime de type prophylaxie Synoviorthèse. Elle consiste à injecter dans l’articulation des
(trois injections par semaine) pendant trois à six mois, de façon produits radio-isotopiques (phosphore 32, rhénium 186, yttrium
à éviter les récidives d’hémarthrose sur des arthropathies 90) ou de l’acide osmique, voire des antibiotiques (rifampicine,
chroniques. oxytétracycline) [43].
Le traitement de la douleur est gêné par les limitations L’effet de ces injections est d’induire une fibrose de la
thérapeutiques dues à l’hémophilie : il est préférable d’éviter les synoviale et d’éviter les récidives d’hémarthrose. La synovior-
drogues à effet antiagrégant plaquettaire. La question des anti- thèse doit se faire sous traitement substitutif (deux à trois jours).
inflammatoires est souvent posée par les hémophiles. Leur Les résultats sont bons si l’indication a été posée à bon escient,
utilisation est possible [35, 36], mais ils doivent être maniés avec c’est-à-dire ni de façon prématurée, ni trop tardivement sur une
précaution, en évitant les dérivés salicylés. Les inhibiteurs articulation déjà atteinte gravement. Les injections intra-
sélectifs de COX-2 pourraient trouver une place ici, surtout en articulaires d’acide hyaluronique ou de corticoïdes peuvent
cas de nécessité d’utilisation fréquente d’anti-inflammatoires [37]. avoir un effet sédatif, mais ne constituent pas un traitement de
Les opiacés sont à utiliser avec parcimonie, en raison du risque fond de la synovite.
d’accoutumance dans cette affection chronique [38]. Les corti- Synovectomie. Une autre façon de traiter les gros pannus
coïdes peuvent aussi être utilisés en cas de synovite très synoviaux articulaires est la pratique d’une synovectomie, soit
inflammatoire. par voie arthroscopique [44, 45], soit « à ciel ouvert ». Ces deux

Hématologie 7
13-021-B-20 ¶ Traitements de l’hémophilie

techniques sont plus délabrantes et nécessitent une couverture traiter une complication hémorragique par du facteur VIII ou du
par facteur antihémophilique beaucoup plus longue. facteur IX à doses plus importantes. Elles peuvent être calculées
Ligamentoplastie et allongement de tendon. Ils peuvent à l’aide d’une formule empirique :
être utiles en cas de varus ou de valgus menaçants. Ces gestes Dose injectée = 20 UI/kg + 20 UI/kg/UB.
sont rarement pratiqués isolément et font plus souvent partie Par exemple, pour un enfant de 20 kg ayant un inhibiteur à
des gestes complémentaires appliqués lors d’interventions 4 UB, la dose à injecter est de 400 + 1 600 = 2 000 UI. Le taux
prothétiques. circulant de facteur VIII doit être mesuré immédiatement après
Ostéotomies conservatrices. Des ostéotomies conservant la perfusion pour vérifier que le taux cible de 30 % a bien été
l’articulation peuvent être indiquées afin d’obtenir une réaxa- atteint.
tion du membre ou la réduction d’un flessum important sur
une articulation encore peu détruite. Traitement de fond de l’inhibiteur : induction
Arthrodèses et arthroplasties. Elles sont proposées en cas de de tolérance immune (ITI)
destruction totale de l’articulation. Les indications dépendent de Principe
l’articulation touchée.
La possibilité d’éradiquer un inhibiteur anti-facteur VIII par
Genou. Le genou est l’articulation cible la plus fréquente. La
de fortes doses de facteur VIII injecté de façon régulière a été
prothèse constitue l’indication de choix. L’amélioration du
montrée il y a plus de 30 ans [50]. Les doses massives de facteur
matériel de prothèse permet d’obtenir une durée de vie de ces
antihémophilique induisent une tolérance immune par excès
prothèses beaucoup plus longue (15 ans, voire plus). Le succès
d’antigène [51, 52]. Compte tenu des doses injectées, ce traite-
fonctionnel de la prothèse dépend bien sûr de la qualité du
ment est coûteux et contraignant. L’indication relève de centres
geste chirurgical, mais aussi de l’efficacité de la rééducation pré-
spécialisés et ne doit être mise en place qu’après étude des
et postopératoire et de l’état capsuloligamentaire préopératoire.
caractéristiques de l’inhibiteur et de son évolution chez le
Cheville. Le traitement habituellement proposé pour l’arthro-
patient.
pathie sévère de cheville est l’arthrodèse. Certaines équipes
posent des prothèses de cheville avec des résultats particulière- Éléments pronostiques
ment intéressants.
Plusieurs éléments ont une valeur pronostique pour la
Coude. La chirurgie du coude est plus rare, car la fonction du réussite de l’ITI [9] :
coude ne nécessite pas une amplitude articulaire importante. Titre de l’inhibiteur au moment de l’induction. C’est le
Néanmoins, parfois on peut être amené à proposer une prothèse facteur prédictif le plus important : si le titre est inférieur à
de coude en cas de flessum sévère et de réduction importante 10 UB, la probabilité de faire disparaître l’inhibiteur après ITI
de mobilité. atteint 85 %, contre 43 % au-dessus de ce taux.
Autres articulations. Les autres grosses articulations (hanche, Pic de l’inhibiteur avant l’ITI et pic après instauration de
épaule) sont moins fréquemment atteintes. Les atteintes de la l’ITI. Un taux d’inhibiteur dépassant 500 UB, surtout s’il est
hanche sont plus liées au déséquilibre induit par des arthropa- atteint en cours de traitement, laisse mal augurer d’une effica-
thies chroniques qu’à des hémarthroses de hanche. cité possible.
Les indications de ces gestes orthopédiques lourds doivent Délai entre la détection de l’inhibiteur et l’instauration de
être posées avec prudence, par des équipes multidisciplinaires l’ITI. Il est souhaitable que l’ITI commence le plus tôt possible,
spécialisées. Il est important d’informer le patient des bénéfices mais il serait abusif de traiter par ITI un inhibiteur transitoire,
possibles, des risques opératoires et postopératoires et surtout tel qu’il se rencontre lors de l’initiation d’un traitement.
des limites du geste chirurgical : une prothèse ne rend pas une Âge à l’instauration de l’ITI. L’ITI a plus de chances de
fonction articulaire identique à celle d’une articulation normale. succès chez un enfant en bas âge.
Le but, en particulier pour le membre inférieur, est de récupérer
la fonction globale pour permettre la marche et réduire ou Protocoles
supprimer la douleur. Il est de règle d’utiliser le produit qui a entraîné l’apparition
Les indications doivent tenir compte des possibilités anato- de l’inhibiteur. Cette recommandation consensuelle ne repose
miques, des comorbidités et de l’état général, de l’âge, compte toutefois sur aucune base scientifique, comme d’autres recom-
tenu de la durée de vie des prothèses, mais aussi des attentes du mandations en matière de tolérance immune [53].
patient, de sa volonté et de son niveau prévisible d’adhésion au Le schéma thérapeutique classique utilise des doses de
protocole périchirurgical, en particulier rééducatif. 100 UI/kg/j à 300 UI/kg/j [54]. D’autres schémas sont possibles :
50 UI/kg trois fois par semaine ou des posologies intermédiaires
Traitement de l’hémophile avec inhibiteur entre ces deux propositions. L’absence de consensus sur les
doses a conduit à proposer la mise en place d’un essai rando-
Il s’agit d’un problème difficile. Les produits utilisés ont une misé international.
demi-vie courte et un coût élevé. Il faut distinguer deux L’ITI nécessite la pose d’une chambre implantable, compte
aspects : le traitement des hémorragies et le traitement de fond tenu des doses injectées, qui correspondent à des volumes
de l’inhibiteur. importants. Les règles d’asepsie doivent être très strictes, étant
donné la fréquence d’utilisation du dispositif (une ou deux fois
Traitement des accidents hémorragiques par jour pendant plusieurs mois, voire plusieurs années) et des
volumes injectés.
Une revue très complète a fait le point sur les traitements des Le titre de l’inhibiteur doit être évalué tous les mois.
épisodes hémorragiques chez l’hémophile avec inhibiteur [46].
Les protocoles font appel au facteur VII activé recombinant, Critères de réussite et traitements relais
Novoseven ® [47] , ou au complexe prothrombique activé, Le critère minimum de réussite est la disparition apparente de
Feiba® [48]. Les doses préconisées pour les produits activés sont : l’inhibiteur, c’est-à-dire la diminution du taux en dessous du
• pour Feiba® : 50 µg/kg à 100 µg/kg toutes les huit à 12 heu- seuil de détection de 0,5 UB. Le critère de succès ultime est
res ; l’étude pharmacocinétique : elle consiste à vérifier que la
• pour Novoseven® : 90 µg/kg toutes les deux à six heures ou récupération après injection et la demi-vie du facteur sont
270 µg/kg en une seule fois. revenues à la normale ou à des seuils proches de la normale,
On dispose d’une étude contrôlée comparant l’efficacité de permettant la reprise d’un traitement aux doses habituelles.
ces deux produits [49]. Elle ne montre aucune différence globale, Il est habituel de faire suivre l’ITI d’une prophylaxie, à raison
mais une efficacité variable suivant les patients, certains de deux ou trois injections par semaine.
répondant mieux à un produit qu’à l’autre.
Exceptionnellement, chez l’hémophile avec inhibiteur « faible Traitements associés
répondeur », c’est-à-dire en pratique dont le taux d’inhibiteur L’induction de tolérance immune par de fortes doses de
n’a jamais dépassé 5 unités Bethesda (UB), il est possible de facteur VIII peut être accompagnée d’autres thérapeutiques :

8 Hématologie
Traitements de l’hémophilie ¶ 13-021-B-20

Feiba®, cyclophosphamide, voire immunoglobulines à fortes


doses et immunoabsorption sur colonne de protéine
A-sépharose. D’autres thérapeutiques ont été tentées, avec des
effets décevants : ciclosporine, anticorps monoclonaux
“ Point fort
anti-CD20. Quels sports chez l’hémophile ?
Pendant longtemps, l’incitation aux activités physiques
■ Prise en charge de l’hémophile chez l’hémophile s’est limitée à la pratique de la natation,
de la marche et du tennis de table, en l’absence
en France d’arthropathie sévère du membre inférieur.
Ces attitudes restrictives ont largement été révisées, car :
Structures spécialisées : CRTH et CTH • un grand nombre d’hémophiles bénéficient d’une
prophylaxie qui réduit le risque ;
L’hémophilie est une maladie chronique congénitale, dont la
• un excès d’interdits génère souvent la transgression,
prise en charge doit être effectuée de préférence dans des
particulièrement dangereuse, car non avouée et non
centres spécialisés : Centre régional de traitement de l’hémo-
philie (CRTH) et Centre de traitement de l’hémophilie (CTH). encadrée ;
Elle commence avec l’annonce du diagnostic, qui doit être • il est démontré que la pratique régulière du sport a des
assurée par un spécialiste, afin de répondre immédiatement aux effets bénéfiques chez l’hémophile : réduction des
questions des parents. La connotation péjorative du diagnostic hémarthroses par renforcement musculaire et
le rend difficile à accepter pour les parents ou les patients et les capsuloligamentaire, meilleure intégration scolaire et
modalités d’annonce doivent tenir compte de ce contexte. sociale, valorisation personnelle, meilleure connaissance
Il peut être utile que les équipes s’adjoignent l’aide d’un de soi et de son corps ;
psychologue, soit pour le patient, soit pour la famille, car la • les interdits sont souvent liés à l’ignorance des risques
maladie peut être génératrice de conflit ou s’accompagner d’une
réels des sports pratiqués, qui n’exposent guère plus au
culpabilité parentale.
Outre leur rôle effectif dans le soin, les CRTH et CTH assurent
risque hémorragique que bien des activités de la vie
des missions d’organisation des soins en dehors des structures quotidienne.
hospitalières, en collaboration avec les professionnels de santé Il vaut mieux inciter l’hémophile à faire du sport, ou au
d’autres établissements de santé (services cliniques de spécialité, moins à avoir une activité physique, et l’accompagner
urgences, pharmacies hospitalières) et avec les professionnels dans ses choix en l’orientant vers des activités bien
libéraux (infirmières, médecins physiques, kinésithérapeutes, encadrées par des professionnels.
médecins scolaires). De véritables réseaux régionaux sont ainsi
mis en place.
Enfin, une des missions essentielles des CRTH et CTH est durée de vie [55, 56]. Certains produits sont annoncés comme
d’assurer l’éducation pour la santé des patients et de leur ayant une demi-vie de trois à cinq jours. Dans ces conditions,
famille, en particulier pour la formation à l’autotraitement. une injection intraveineuse par semaine pourrait permettre
La mise en place des CRTH et des CTH a constitué une source d’introduire plus largement la prophylaxie dans les populations
d’avancée thérapeutique considérable pour la prise en charge de d’hémophiles. Ces produits de longue durée d’action sont
l’hémophilie. obtenus soit par pegylation du facteur VIII ou d’un facteur de
von Willebrand recombinant associé, soit par l’utilisation d’un
Conseil génétique facteur VIII accroché à des liposomes pegylés, soit par polysia-
lylation du facteur VIII, soit encore par manipulation génétique
La découverte d’une hémophilie doit conduire à une consul- de facteur VIII recombinant. L’une de ces manipulations
tation de conseil génétique, permettant d’expliquer aux parents génétiques consiste à transfecter un gène codant un facteur VIII
ou au patient la transmission de l’hémophilie et de leur dans lequel la région correspondant au site de protéolyse par la
proposer de contacter les membres de la famille susceptibles, en protéine C a été modifiée de façon à induire une résistance à la
fonction des données de l’enquête familiale, de voir naître un protéine C activée, ce qui prolonge la demi-vie.
nouvel hémophile. Toutes ces stratégies visant à prolonger l’effet thérapeutique
C’est dans le cadre d’une consultation de conseil génétique du facteur VIII sont dominées par une crainte : l’augmentation
que s’inscrivent le diagnostic anténatal et les propositions de l’immunogénicité de ce facteur VIII ainsi modifié. Malgré
d’interruption de grossesse sur demande des parents. l’existence de modèles animaux, les réponses à cette probléma-
tique ne seront réellement validées que lors d’essais cliniques.
Hygiène de vie, sport, qualité de vie À plus long terme, certains évoquent déjà la possibilité de
traiter l’hémophilie par voie orale.
De plus en plus, surtout depuis le développement de la
prophylaxie, les hémophiles s’intègrent dans des activités qui
jusque-là leur étaient défendues. Il en va ainsi des activités
Thérapie génique
sportives, qui doivent être encouragées chez l’hémophile. La thérapie génique a suscité un grand espoir dans l’hémo-
Certains sports doivent cependant être évités, en particulier les philie après les premiers essais menés en 1995. La quasi-totalité
sports de combat ou les sports exposant à des microtraumatis- des essais ont été suspendus. Théoriquement, l’hémophilie
mes répétés ou à des contacts brutaux entre les participants constitue un candidat de choix pour la thérapie génique [57, 58].
.
(hockey sur glace, rugby, etc.). Il est préférable que cette activité C’est une maladie monogénique et il suffirait, pour mettre les
physique soit encadrée, dans des structures disposant d’un patients à l’abri des complications, d’obtenir des taux circulants
entraîneur spécialisé. constants de facteur VIII correspondant à une situation
d’hémophilie modérée, voire fruste. Un autre avantage possible
du concept de thérapie génique chez l’hémophile est qu’un
■ Traitements de l’avenir excès de facteur VIII ou IX induit par thérapie génique a peu de
conséquences délétères à court terme.
Néanmoins, les espoirs soulevés par la thérapie génique ont
Amélioration des produits existants été déçus, même si quelques équipes continuent à travailler sur
Les produits existants ont pour inconvénients principaux de ce modèle.
devoir être utilisés par voie intraveineuse et d’avoir une demi- La thérapie génique chez l’hémophile pose non seulement
vie courte. Il est probable que les prochaines années verront se des problèmes médicaux et techniques, mais aussi des problè-
développer les études validant l’utilisation de produits à longue mes éthiques : l’hémophilie n’est plus une maladie mortelle, la

Hématologie 9
13-021-B-20 ¶ Traitements de l’hémophilie

prophylaxie permet aux hémophiles de mener une existence [23] Van den Berg HM, Fischer K, Rosendaal G, Mauser-Bunschoten EP.
presque normale et les met à l’abri des complications ostéoarti- The use of a Port-A-Cath in children with haemophila-a review.
culaires. Dans ces conditions, le risque potentiel, pour une Haemophilia 1998;4:418-20.
grande part inconnu, de la thérapie génique doit être mis en [24] Van Dijk K, Fischer K, Van der Bom JG, Scheibel E, Ingerslev J, Van
parallèle avec la possibilité pour un hémophile de mener une den Berg HM. Can Long-term prophylaxis for severe haemophilia be
vie normale grâce aux médicaments actuels ou à venir. stopped in adulthood? Results from Denmark and the Netherlands. Br
.
J Haematol 2005;130:107-12.
[25] Fischer K, Van den Bom JG, Mauser-Buschoten EP, Rosendaal G,
■ Références Prejs R, De Kleijn P, et al. The effects of postponing prophylactic
treatment on long-term outcome in patients with severe haemophilia.
[1] Birch CL. Hemophilia, clinical and genetic aspects. Urbana: Blood 2002;99:2337-41.
University of Illinois; 1937. [26] Fischer K, Van den Bom JG, Prejs R, Mauser-Bunschoten EP,
[2] Darby SC, Wan Kan S, Spooner RJ, Giangrande P, Hill FG, Hay CR, Roosendaal G, Grobbee DE, et al. Discontinuation of prophylactic
et al. Mortality rates, life expectancy, and causes of death in people with therapy in severe hemophilia: incidence and effects on outcome.
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J.-F. Schved, Professeur des Universités, Praticien des Hôpitaux (schvedjf@aol.com).


Centre régional de traitement des hémophiles, laboratoire d’hématologie, Centre hospitalier universitaire de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche,
34295 Montpellier, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Schved J.-F. Traitements de l’hémophilie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Hématologie, 13-021-B-20,
2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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