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TUMEURS DE LA SURRÉNALE

Incidentalomes surrénaliens
Antoine Tabarin

Définitions et position du problème • des signes cliniques évoquant une


Tableau 1. Etiologies des incidentalomes
pathologie néoplasique sous-jacente ou une
surrénaliens
Le terme « incidentalome » surrénalien hypersécrétion surrénalienne : syndrome
désigne une masse surrénalienne décou- Tumeurs Corticales de Cushing, hypertension artérielle, hyper-
verte fortuitement lors d’un examen d’ima- Adénomes androgénie chez la femme.
gerie abdominale. Si l’on ne retient que Hyperplasie nodulaire (dont bloc
les tumeurs de plus d’1 cm de grand axe, enzymatique en CYP21)
Carcinome Incidentalomes surrénaliens
des lésions de plus petite taille étant peu
Tumeurs médullaires et néoplasie
susceptibles de correspondre à des entités
délétères, des incidentalomes surrénaliens Phéochromocytome Les lésions découvertes lors du bilan d’ex-
sont trouvés chez au moins 2 % des patients Ganglioneurome tension d’un cancer sont par définition
Ganglioneuroblastome, neuroblastome
bénéficiant d’un scanner abdominal. Dans exclues du cadre des incidentalomes. Trois
plus de 80 % des cas, les incidentalomes Autres tumeurs scénarios sont à envisager :
surrénaliens sont unilatéraux. Myélolipome - l’incidentalome révélateur d’un cancer
Les principaux problèmes soulevés par Lipome extrasurrénalien est un cas de figure anec-
Lymphome, hémangiome, angiomyoli-
la découverte d’un incidentalome surréna- dotique. Dans une étude portant sur plus de
pome, hamartome, liposarcome, myome,
lien sont l’indication de l’exérèse chirur- fibrome, neurofibrome, tératome 1600 patients atteints de cancer, une métas-
gicale et, en l’absence d’intervention, les tase surrénalienne était présente chez 5,8 %
modalités et le rythme de la surveillance. Kystes et pseudokystes d’entre eux lors de leur présentation initiale
La chirurgie est indiquée en cas de tumeur Hématome et hémorragie mais celle-ci n’était isolée que dans 0,2
hypersécrétante (phéochromocytome, Infections, granulomatoses (dont tubercu- % des cas et était toujours associée à une
adénome cortisolique) ou de carcinome lose) évidence clinique de néoplasie [5].
primitif. La prévalence de ces entités est Métastases, Lymphomes, Leucémies - l’incidentalome découvert chez un
cependant minoritaire au sein des inciden- patient ayant un antécédent néoplasique en
talomes surrénaliens. Les modalités du Masses extra-surrénaliennes (diverti- rémission. En cas de métastase, l’atteinte
cules digestifs, queue du pancréas, kystes
bilan initial des incidentalomes et de leur surrénalienne est le plus souvent (mais pas
et tumeurs du rein, rate accessoire, lésions
surveillance restent débattues. La démarche vasculaires) toujours) bilatérale et associée à d’autres
globale exposée ici est largement inspirée lésions. On sera néanmoins vigilant si le
d’une réflexion menée par un groupe d’ex- patient était porteur d’un mélanome, d’un
perts de la Société Française d’Endocrino- lymphome, d’un cancer bronchique ou du
logie [1]. Diagnostic étiologique sein.
des incidentalomes surrénaliens - le carcinome surrénalien primitif ou
corticosurrénalome malin (CSM). Le CSM
Etiologies des incidentalomes
Nous développerons ici la stratégie d’explo- est un cancer rare (1 à 2 cas nouveaux par
surrénaliens
ration paraclinique des incidentalomes. Elle million et par an) mais au pronostic dévas-
Les étiologies d’incidentalomes surréna- repose essentiellement sur un choix d’exa- tateur (20 % de survie médiane à 5 ans).
liens figurent dans le Tableau 1. Dans la mens biologiques pertinent. Insistons néan- Classiquement, les circonstances de décou-
majorité des cas, il s’agit d’adénomes non moins sur l’importance de l’anamnèse et de verte du CSM sont la conséquence de l’hy-
sécrétants issus du cortex surrénalien [1-3]. l’examen clinique qui rechercheront : persécrétion hormonale et/ou des mani-
La prévalence des phéochromocytomes et • des antécédents personnels de néopla- festations tumorales locorégionales, voire
des carcinomes primitifs dans différentes sie rénale, bronchique, mammaire, méla- métastatiques. De plus en plus fréquem-
séries est de l’ordre de 5 % [1], mais la nique et colique ; ment le CSM est diagnostiqué devant la
possibilité de biais de sélection augmentant • une pathologie familiale ou associée découverte d’un incidentalome surrénalien
artificiellement cette prévalence a récem- orientant vers un syndrome de prédisposi- et ceci représente jusqu’à 13 % des modes
ment été soulevée [4]. tion génétique aux tumeurs surrénaliennes ; de révélation dans certaines séries [6]. La

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seule chance de guérison définitive d’un


CSM est la chirurgie complète d’une forme INCIDENTALOME
> 1 cm et < 6 cm
« localisée ». Il est donc capital de recher- (sans autre information d’imagerie disponible)
cher par la clinique, la biologie, et l’ima-
gerie les signes de malignité d’un inciden-
talome surrénalien localisé et, en cas de Scanner sans injection
doute, de le confier à un chirurgien expert.
Le scanner (TDM) est l’examen de
choix à utiliser en première intention dans < 10 U.H. homogène, ‹ 4 cm > 10 U.H. = peu de lipides
cette enquête [1, 7, 8] (Figure 1). Une
méthodologie stricte est indispensable :
coupes de 3 à 5 mm d’épaisseur maximale, Adénome bénin Calcul du wash-out absolu
jointives, analyse première de la densité riche en lipides
spontanée de la lésion puis 10 à 15 minutes
après l’injection de produit de contraste
avant de chiffrer sa vidange (« wash-out »). Absolu > 60%, ‹ 4 cm Absolu < 60%
Dans le cadre particulier du CSM, une
grande taille (> 4 cm) est également évoca-
trice du diagnostic et les CSM de plus petite Adénome bénin Masse indéterminée
taille représentent moins de 1 % des inci-
dentalomes surrénaliens [3]. Figure 1. Algorithme pour la caractérisation des incidentalomes surrénaliens avec le scanner.
Une densité spontanée et homogène
< 10 UH témoigne d’un contenu graisseux cancer et les phéochromocytomes bénins, [11, 12]. Il est donc recommandé de le cher-
et autorise le diagnostic d’adénome corti- les hémorragies surrénaliennes récentes cher systématiquement grâce au dosage
cal bénin avec une très forte spécificité. et les lésions inflammatoires/infectieuses des métanéphrines urinaires des 24 h ou
Cette approche peut méconnaître environ sont également responsables d’un hyper- au dosage des méthoxyamines libres plas-
30 % d’adénomes à faible contenu lipidique signal au PET-Scan. En pratique, la place matiques. Les performances de ces outils
[7]. La vidange du produit de contraste est de cet examen dans le bilan de l’inciden- biologiques, largement démontrées dans le
plus rapide dans les adénomes que dans les talome surrénalien n’est pas consensuelle cadre des phéochromocytomes symptoma-
autres tumeurs surrénaliennes. La sensibi- mais est à considérer lorsque les résultats tiques, n’ont pas précisément été étudiées
lité et la spécificité de cette approche sont du TDM sont ambigus ou ne plaident pas en dans les incidentalomes et il conviendra de
de l’ordre de 90 % mais ces données ont faveur d’un adénome cortical bénin. Dans se méfier devant des élévations minimes des
surtout été validées pour les métastases et ce cas on retiendra surtout la valeur prédic- méthoxyamines [11]. Le TDM peut égale-
les séries comportant des carcinomes surré- tive négative de l’examen à savoir que l’ab- ment orienter vers le phéochromocytome
naliens sont rares [7]. En cas de densité sence de fixation est peu compatible avec devant une lésion de densité tissulaire, se
spontanée > 10 UH, l’étude de la vidange une lésion maligne. rehaussant fortement après l’injection de
du produit de contraste sera réalisée et des produit de contraste et une vidange lente
explorations de seconde intention pourront [8]. La réalisation d’une scintigraphie à la
Incidentalomes surrénaliens
être envisagées si le résultat du TDM ne MIBG n’est pas justifiée lors de l’évalua-
sécrétants
plaide pas en faveur d’un adénome cortical. tion initiale des incidentalomes (procédure
L’intérêt de l’IRM est moindre et Phéochromocytome lourde et coûteuse). Elle peut être indiquée
souffre de l’hétérogénéité des protocoles Le phéochromocytome doit être recherché lorsque le diagnostic de phéochromocy-
publiés. Des séquences phase/opposition de devant tout incidentalome car il peut mettre tome est posé ou être discutée en cas de
phase (imagerie de déplacement chimique) en jeu le pronostic vital spontanément, en doute d’imagerie et biologique.
peuvent également être utiles pour carac- cas d’intervention chirurgicale ou de ponc-
tériser le contenu lipidique de l’inciden- tion de la lésion. La recherche d’une hyper- Adénome de Conn
talome mais sont globalement corrélées à tension artérielle associée à des symptômes La prévalence de l’adénome de Conn appa-
celle de la densité spontanée du TDM [1]. paroxystiques classiques est donc fonda- raît faible au sein des incidentalomes surré-
Le PET-scan au 18F-FDG est d’in- mentale. naliens [3]. Sa recherche ne se justifie que
troduction plus récente mais semble un La présentation du phéochromocytome chez les patients présentant une HTA et/
outil prometteur [9, 10]. Typiquement, les dans le contexte des incidentalomes est ou une kaliémie inférieure à 3,7 mmol/L.
lésions malignes et notamment le CSM souvent atypique avec des signes cliniques Elle repose alors sur l’évaluation du rapport
sont caractérisées par une augmentation hémodynamiques moins marqués (HTA aldostérone/rénine plasmatique en prenant
de la captation du FDG. Si ce principe est d’apparence banale) et parfois le phéo- soin d’éviter toute interférence médicamen-
souvent respecté il n’est pas spécifique du chromocytome peut être asymptomatique teuse.

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Adénome cortisolique A
La recherche d’un adénome cortisolique
repose d’abord sur l’examen clinique à
la recherche des signes du syndrome de
Cushing. En dehors de cette entité, rare
dans les incidentalomes surrénaliens, il
faut citer les “adénomes cortisoliques infra-
cliniques” (ACIC) qui sont des tumeurs 1 2 3
bénignes produisant du cortisol de manière
autonome mais avec une intensité insuf-
fisante pour entraîner un syndrome de B
Cushing clinique et biologique patent.
Les ACIC posent 3 ordres de problèmes
encore non résolus qui sont : les critères
précis de leur diagnostic, leur histoire natu-
relle, leur retentissement somatique.
Le degré d’autonomie sécrétoire des
ACIC et l’intensité de la sécrétion de corti-
sol sont variables d’une tumeur à l’autre.
L’étendue de ce spectre d’activité biolo-
gique explique la variabilité des résul-
tats de l’exploration de l’axe corticotrope
et, fréquemment, l’absence de concor-
dance entre eux. Les critères classiques et
robustes de l’adénome cortisolique patent
sont ainsi souvent pris en défaut. Ainsi en
est-il du cortisol libre urinaire qui n’est
élevé que dans moins de 20 % des cas [1].
Ceci explique également la variabilité des
critères biologiques retenus dans la littéra-
ture pour faire ce diagnostic [13]. A cette
complexité s’ajoute la possibilité de fluc-
tuation des anomalies biologiques de l’axe
corticotrope dans le temps [14]. A l’heure
actuelle, le dépistage de l’ACIC est recom-
mandé avec la réalisation systématique
d’un test de freinage « minute » par la dexa-
méthasone. En cas de cortisol non effon-
dré lors du test (> 50 nmol/L ou 1,8 µg/dL)
et en l’absence de prise médicamenteuse Figure 2. Corticosurrénalome malin de petite taille (35 mm) découvert de manière fortuite.
Figure 2A : 1 : densité spontanée 36 UH non caractéristique d’un adénome cortical, 2 : densité portale rehausse-
susceptible d’interférer avec le métabo- ment à 61 UH, 3 : densité à 10 min = 54 UH soit un wash-out suspect de 28 %.
lisme de la dexaméthasone, il sera légitime Figure 2B : hypersignal caractéristique lors du TEP-Scan au FDG.
de poursuivre les investigations biolo-
giques. En l’absence « d’étalon or » biolo-
gique pour définir l’ACIC, il apparaît légi- prospectives méthodologiquement irrépro- ment un sujet débattu. Les ACIC sont-ils
time d’exiger la présence d’au moins deux chables [1, 15]. Il semble cependant que réellement « infracliniques » ou à l’origine
anomalies biologiques de l’axe corticotrope dans l’immense majorité des cas l’hyper- d’une morbidité particulière ? La question
(telles que cortisol après freinage minute > corticisme ne s’intensifie pas de manière qui en découle est de savoir s’il est légi-
80 nmol/L, ACTH plasmatique matinal bas notable au cours du temps. L’évolution vers time d’envisager leur exérèse chirurgi-
(< 2 pmol/L), CLU élevé) [15]. Il ne s’agit un syndrome de Cushing patent concerne cale. De nombreuses études ont pointé la
là toutefois que de critères purement biolo- moins de 15 % des patients porteurs d’ACIC fréquence particulièrement élevée de l’obé-
giques dont la signification clinique est dans les séries pessimistes et n’est jamais sité, l'intolérance aux hydrates de carbone/
discutée. notée dans certaines séries [2, 14, 15]. diabète sucré et l'hypertension artérielle
L’histoire naturelle des ACIC est égale- Le retentissement somatique de l’hyper- qui peut atteindre respectivement 50 %,
ment mal connue faute d’études de suivi corticisme à minima des ACIC est égale- 40 % et 90 % des patients présentant un

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ACIC [1, 13]. Plusieurs études cas-témoin


ont mis en évidence un accroissement Incidentalome Métanéphrines Phéochromocytome
significatif de la pression artérielle, de la
glycémie et des indices biologiques d’in- Freinage-minute (1 mg DXM)
sulino-résistance chez les patients présen-
tant un ACIC comparativement à des sujets Oui
Hypertension Kaliémie
appariés sur le sexe, l’âge et l’indice de
aldostérone/rénine
masse corporelle [2, 13-16]. Des données
récentes attestent également d’un risque
de microfractures vertébrales considéra-
blement accru chez les patients porteurs
d’un ACIC comparativement à des patients Pas d'hypersécrétion Cushing Hypersécrétion
présentant un incidentalome non secré- hormonale infraclinique patente
tant [17]. Ces données laissent supposer
que les patients porteurs d’ACIC présen- ???
tent une morbidité accrue du fait de la Imagerie (CT < 10 HU) 
sécrétion cortisolique. La démonstration
formelle du potentiel délétère des ACIC
nécessite la réalisation d’études d’inter- > 6 cm Chirurgie
vention contrôlées visant à montrer une
Oui
évolution favorable de ces anomalies après
4-6 cm Suspicion de malignité
exérèse de la lésion. A ce jour les quelques
séries publiées (revue dans [1, 13]) retrou-
vent une amélioration du risque cardio-
< 4 cm Suivi : 1 imagerie à 6 m, 2 ans et 5 ans
vasculaire chez la majorité des patients Non
Dex 1 mg et MétaN à 6 m
opérés. Néanmoins ces études souffrent Dex 1 mg à 2 ans et 5 ans
de problèmes méthodologiques majeurs Surveillance Clinique
(caractère rétrospectif et non contrôlé,
faibles effectifs) empêchant toute conclu-
Figure 3. Algorithme d’exploration et de suivi recommandé par la société Française d’Endocrinologie [1].
sion définitive et la décision d’intervenir Noter que la place du TEP-Scan au FDG n’a pas été envisagée en raison du faible nombre d’études lors
doit être murement pesée et repose sur un de la rédaction du consensus (2007).
faisceau d’arguments cliniques, biologiques
et évolutifs.
gestérone couplé au test au Synacthène. La térale même si celle-ci débouche rarement
Autres lésions surrénaliennes fréquence des masses surrénaliennes dans sur des issues thérapeutiques particulières
Certaines lésions seront le plus souvent le déficit congénital en 21 hydroxylase peut [20].
aisément caractérisées par le TDM voire atteindre 82 % des patients [18]. L’aspect
l’IRM tels que le myélolipome (lésion avec est parfois trompeur car les lésions surréna-
Traitement et surveillance
plages hypodenses, calcifications et zones liennes dans le bloc enzymatique congéni-
incidentalomes surrénaliens
hémorragiques), les hématomes (évolu- tal peuvent n’être qu’unilatérales. Lorsque
tion dans le temps caractéristique du signal le test biologique est positif, l’analyse du Lorsque l’exérèse de l’incidentalome
IRM) et les kystes surrénaliens [3, 7]. gène CYP21 est préconisée afin d’élimi- est décidée, il est habituel d’avoir recours à
ner un déficit enzymatique fonctionnel et une approche cœlioscopique moins invasive
Incidentalomes surrénaliens bilatéraux acquis comme l’évoque la normalisation qu’une chirurgie « à ciel ouvert ». Toutefois,
Certaines étiologies (métastases ou plus biologique après exérèse tumorale [3]. Une en cas de suspicion de carcinome primi-
rarement tuberculose, lymphome ou héma- sécrétion modérément excessive et auto- tif, la seconde approche permettant une
tomes) détruisant le cortex surrénalien nome de cortisol peut être mise en évidence chirurgie large sera préférée. Il est égale-
peuvent induire une insuffisance surréna- devant des masses surrénaliennes bilatérales ment important d’insister sur les indications
lienne qui doit être dépistée grâce au dosage [19]. La recherche d’une expression illégi- larges de substitution par hydrocortisone en
du cortisol matinal de base complété par le time de récepteurs hormonaux à 7 domaines période périopératoire afin de prévenir l’in-
dosage de l’ACTH matinal et d’un test au transmembranaires au niveau du cortex suffisance corticotrope secondaire à l’exé-
Synacthène. surrénalien peut être envisagée par les tests rèse d’un adénome cortical. En effet, il est
La recherche d’un bloc enzymatique appropriés comme dans le syndrome de très difficile de prédire biologiquement la
congénital en 21 hydroxylase sera systé- Cushing ACTH-independant par hyper- survenue d'une insuffisance corticotrope qui
matique par le dosage de la 17 hydroxypro- plasie surrénalienne macronodulaire bila- est régulièrement constatée après l'exérèse

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d’une masse diagnostiquée initialement des recommandations du consensus de la - l’intérêt de l’appréciation clinique des
comme adénome non sécrétant [21]. société Française d’Endocrinologie qui cibles tissulaires du cortisol (BMI, tour de
Les modalités et la durée du suivi chez recommande l’exérèse des lésions de plus taille, tension artérielle, glycémie, bilan
les patients non opérés et porteurs d’inci- de 4 cm et de poursuivre le suivi clinique et lipidique, squelette) et de leur évolutivité
dentalomes de petite taille, non sécrétants hormonal pendant 5 ans selon l’algorithme dans la surveillance des adénomes corti-
et d’allure bénigne à l’imagerie demeurent de la figure 3 [1]. caux non opérés.
discutées en l’absence d’études prospec- Malgré leurs difficultés méthodolo-
tives permettant d’appréhender de manière giques, des études complémentaires pros-
Conclusions
objective leur histoire naturelle. Le suivi pectives sont nécessaires pour évaluer le
morphologique peut être utile pour recti- Nous insisterons sur l’incertitude qui rapport bénéfice/coût d’une investigation
fier un diagnostic initial d’adénome erroné persiste sur de nombreux points concer- extensive [4] et le rapport bénéfice/risque
devant une croissance tumorale rapide. Il nant les incidentalomes surrénaliens et d’un traitement médical par rapport à une
est en effet supposé que l’absence de crois- notamment sur leur histoire naturelle et exérèse des adénomes corticaux bénins
sance volumétrique significative au-delà le bénéfice de l’exérèse chirurgicale des pauci-secrétants (ACIC) [13].
de 6 voire 12 mois élimine le diagnostic de lésions non franchement hypersecrétantes.
carcinome ou métastase surrénalienne [22]. L’approche recommandée de la société
A moyen terme, environ 8 % des tumeurs Française d’Endocrinologie est résumée
Antoine Tabarin
grossissent significativement et un pour- dans la figure 3 mais il y manque les indi- Service d’Endocrinologie, Diabète et Nutrition
centage comparable de tumeurs dimi- cations du TEP-Scan au FDG du fait du CHU de Bordeaux, USN Haut-Lévêque
nuent de volume [1]. Dans la littérature, manque de données à l’heure de la rédac- 1, avenue Magellan
33604 Pessac cedex
les masses qui grossissent très progres- tion des ces recommandations (2007). antoine.tabarin@chu-bordeaux.fr
sivement en plusieurs années se révèlent Quelques points peuvent être dégagés
être toujours bénignes. Malgré des limites actuellement tels que :
Références
méthodologiques importantes des études - le caractère bénin et non secrétant de
publiées, pour la plupart rétrospectives, la majorité des incidentalomes recrutés 1. Tabarin A et al, French Society of Endocrinology
Consensus. Ann Endocrinol (Paris) 2008 ; 69:487.
l’analyse de la littérature est globalement dans un contexte autre que l’oncologie ; 2. Barzon L et al, Eur J Endocrinol 2003 ; 149:273-85.
rassurante et dans l’état actuel des connais- - l’importance de l’analyse TDM des 3. Mansmann G et al, Endocr Rev 2004 ; 25:309.
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5. Lee JE et al, Surgery 1998 ; 124:1115.
d’Endocrinologie estime qu’il n’y a pas de wash-out) ; 6. Abiven G et al, J Clin Endocrinol Metab 2006 ; 91:2650.
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2002 ; 179:559.
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sécrétantes, stables en taille et de moins de du phéochromocytome, le test de freinage 90:871.
9. Groussin L et al, J Clin Endocrinol Metab 2009 ; 94:1713.
4 cm. minute à la dexaméthasone à la recherche 10. Nunes ML et al, World J Surg 2010 ; 34:1506.
Le suivi biologique concerne surtout les d’un ACIC, l’exploration du système 11. Kopetschke R et al, Eur J Endocrinol 2009 ; 161:355.
12. Noshiro T et al, Am J hypertens 2000 ; 13:35.
ACIC car il est exceptionnel qu’une tumeur rénine-angiotensine en cas d’hypertension 13. Chiodini I, J Clin Endocrinol Metab 2011 ; 96:1223.
apparemment non sécrétante se révèle être artérielle ou d’hypokaliémie, le dosage de 14. Fagour C et al, Eur J Endocrinol 2009 ; 160:257.
un adénome de Conn ou un phéochromo- la cortisolémie matinale, de l’ACTH et de 15. Terzolo M et al, Eur J Endocrinol 2011 ; 164:851.
16. Terzolo M et al, Endocrinol Metab Clin North Am
cytome [2]. Comme nous l’avons envisagé la 17 hydroxyprogestérone avant et après 2005 ; 34:423.
plus haut le développement d’un syndrome l’injection de Synacthène en cas d’inciden- 17. Morelli V et al, J Bone Miner Res 2011 ; 26:1816.
18. Jaresch S et al, J Clin Endocrinol Metab 1992 ; 74:685.
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