Vous êtes sur la page 1sur 5

C as clinique

Cas clinique

Tumeurs neuroectodermiques primitives périphériques :


à propos de trois cas
Three cases of peripheral primitive neuroectodermal tumors
 S. Nitassi, A. Benbouzid, A. Benhamou, N. Nazih, M. Kzadri*

L
es tumeurs neuroectodermiques primitives, longtemps
 RÉSUMÉ désignées comme une entité à part, appartiennent désor-
mais à la grande famille des PNET/sarcome d’Ewing. Cette
famille regroupe : le sarcome d’Ewing osseux, le sarcome d’Ewing
Les auteurs présentent trois cas de tumeurs neuroectoder- extraosseux, la tumeur d’Askin et le neuroépithéliome péri-
miques primitives périphériques. Les tumeurs neuroecto- phérique. Ce regroupement est dû aux nouvelles découvertes
dermiques primitives périphériques (pPNET) constituent, cytogénétiques qui sont retrouvées dans toutes ces tumeurs
avec la tumeur d’Askin, le sarcome d’Ewing et le neuro- présentant la même translocation t(11;22)(q24;q12). Sur le plan
épithéliome périphérique, la famille des tumeurs d’Ewing. embryologique, ces tumeurs dérivent de la crête neurale avec
Ces tumeurs partagent la même définition histologique, des degrés de différenciation neuroectodermique variables défi-
immunohistochimique et cytogénétique représentée nissant les différentes classes, de la moins différenciée à la plus
par la translocation t(11;22)(q24;q12). Il s’agit de tumeurs différenciée. La localisation ORL constitue une localisation rare.
très agressives touchant le sujet jeune, mais qui peuvent Nous en rapportons 3 cas : une localisation naso-sinusienne,
également se voir aux âges extrêmes. Le siège ORL le plus une parotidienne et une temporo-orbitaire.
fréquent est représenté par la localisation nasosinusienne
et orbitaire.
OBSeRVAtIONS
Mots-clés : Neuroectodermique – Ewing – Oto-rhino-
laryngologie. Sur une période de 5 années consécutives (2000-2005), 3 tumeurs
étiquetées PNET ont été recensées dans le service ORL de l’hô-
Summary. Three cases of peripheral primitive ectodermal tu- pital des spécialités de Rabat. Ces 3 observations ont été rete-
mors are presented. Peripheral primitive neuroectodermal tu- nues du fait du dossier médical (complet) et de l’argumentation
mors constitute, with the Askin tumor, the Ewing sarcoma and clinique, radiologique et histologique. Le cas de l’observation n° 2
the peripheral neuroepithelioma, the Ewing family tumors. a été suivi conjointement avec l’hôpital d’enfants de Rabat.
These tumors share the same histological, immunohistochimic
and cytogenetic definition represented by the translocation Observation n° 1
t(11;22)(q24;q12). They are very aggressive tumors concerning A.F., 26 ans, a présenté une protrusion du globe oculaire gauche
the young subject but can be also seen at the extreme ages. progressive avec une baisse de l’acuité visuelle évoluant depuis
The most frequent ENT localisation is represented by the sino- 6 mois, associée à une obstruction nasale et des épistaxis homo-
nasal and orbital localisation. latérales. Le patient a présenté, 3 mois après le début de la symp-
tomatologie, une tuméfaction sous angulo-maxillaire gauche
Keywords: Neuroectodermal – Ewing – Oto-rhino-laryn- douloureuse, le tout évoluant dans un contexte d’altération de
gology. l’état général. L’examen a retrouvé une énorme exophtalmie
unilatérale gauche, axile, irréductible, de stade III non pulsatile
et, à la rhinoscopie antérieure, une tumeur bourgeonnante de la
fosse nasale gauche qui saigne au contact. La palpation cervicale
a mis en évidence une tuméfaction sous-maxillaire gauche de
5 cm de diamètre, ferme, immobile, évoquant une adénopathie
(figure 1). Une tomodensitométrie (TDM) cervico-faciale avec
coupes cérébrales a montré la présence d’un processus tissulaire
occupant tous les sinus gauches, avec envahissement de l’orbite,
refoulement de son contenu et lyse partielle de ses parois. Le
processus mesurait 12/5 cm et ne se rehaussait pas après injec-
tion de produit de contraste. L’étage cérébral était sans anoma-
* Service ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpital des spécialités, CHU de Rabat, Maroc. lies. Une biopsie avec étude histologique a été réalisée. L’aspect

10 La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale - n° 312 - janvier-mars 2008


C as clinique

Cas clinique
avec ptosis et mydriase, ainsi qu’une kératoconjonctivite avec
un examen du fond d’œil normal. Le reste de l’examen clinique
était sans particularité.
La TDM du massif facial a objectivé une masse volumineuse
occupant la région parotidienne droite mesurant 6 cm/5 cm, de
densité tissulaire hétérogène, responsable d’un comblement de la
graisse parapharyngée droite et d’une lyse osseuse. Ce processus
s’étendait en dehors et en haut, au niveau de la fosse temporale
externe. D’autre part, on a noté une extension endocrânienne
au contact du sinus caverneux homolatéral. Une cytoponction
à l’aiguille fine au niveau de la tuméfaction parotidienne avec
étude cytologique a montré une prolifération de cellules rondes
en nappes. L’étude immunohistochimique a été positive pour
la NSE, la vimentine, la chromogranine, la synaptophysine et
la protéine S-100. Une réaction positive a été notée également
pour le CD99. Ces données ont permis de poser le diagnostic
de PNET. La radiographie pulmonaire et l’échographie abdomi-
Figure1. Aspect clinique du patient montrant l’énorme masse tumorale
intéressant l’orbite, la pyramide nasale et la région jugale. nale étaient normales. En revanche, la scintigraphie osseuse a
montré un foyer de fixation au niveau de la quatrième vertèbre
retrouvé était celui d’une prolifération faite de cellules rondes lombaire, outre une forte fixation mastoïdienne. La recherche de
disposées en nappes et en lobules dans un stroma fibreux. Les cellules blastiques au niveau du liquide céphalo-rachidien et le
éléments tumoraux étaient arrondis, à cytoplasme peu abon- médullogramme se sont révélés normaux. Le patient a bénéficié
dant et à noyau arrondi ou ovalaire irrégulier et hyperchroma- d’une chimiothérapie : 9 cures d’IVA (ifosfamide, vincristine
tique. Cet aspect était compatible avec une tumeur à cellules et adriamycine). À l’issue de la sixième cure, le patient a été
rondes. L’immunohistochimie a révélé un marquage positif à adressé en médecine nucléaire où il a bénéficié d’une radiothé-
la synaptophysine et à la neurone spécifique énolase (NSE). La rapie de 50 Gy. La TDM de contrôle au bout de 3 cures d’IVA
cytokératine et la chromogranine n’étaient pas exprimées. Ce a montré une régression de la taille du processus intéressant la
profil immunohistochimique était compatible avec celui d’une fosse infratemporale et envahissant la graisse parapharyngée
PNET. L’immunomarquage au CD99 était également positif. Le avec une réduction de l’extension endocrânienne. Après un an
bilan d’extension était sans anomalies. Le patient a été adressé de recul, le patient est toujours vivant, sans récidive.
au centre d’oncologie pour une prise en charge chimio-radio-
thérapeutique. Il a reçu 4 cures de 5-FU et d’adriablastine. Après Observation n° 3
2 mois de traitement, la réponse à la chimiothérapie a été jugée K.B., âgée de 30 ans, a présenté une tuméfaction de la région
partielle. La TDM de contrôle a montré une hauteur tumorale temporale, évoluant depuis 3 mois, douloureuse, associée à une
de 9 cm avec un envahissement de tous les sinus, de la fosse exophtalmie et une baisse de l’acuité visuelle du côté droit, sans
infratemporale et du lobe frontal. La radiographie pulmonaire et céphalées ni vomissements. L’examen a retrouvé une exoph-
l’échographie abdominale étaient toujours sans anomalies. Après talmie importante, axile, non réductible, avec une acuité visuelle
les 4 cures de chimiothérapie, le patient a été perdu de vue. réduite à 6/10 à droite. L’examen ophtalmologique à gauche était
sans anomalies. La masse douloureuse de la tempe droite était
Observation n° 2 solide, non soufflante, mal limitée, en continuité avec la région
H.A., âgé de 5 ans, est venu consulter pour une tuméfaction orbitaire, sans signes inflammatoires cutanés en regard. Les
parotidienne droite évoluant depuis 3 mois, indolore, associée à aires ganglionnaires parotidiennes et cervicales étaient libres.
une paralysie faciale périphérique et oculomotrice homolatérale, Le reste de l’examen ORL était sans particularité. La TDM a
puis une amaurose de l’œil droit d’installation brutale, le tout montré un processus lytique intéressant l’écaille temporale et
évoluant dans un contexte d’altération de l’état général. L’examen l’aile du sphénoïde avec extension à la paroi externe de l’orbite.
a retrouvé une tuméfaction de la région parotidienne et génienne Ce processus lytique était associé à une composante tissulaire
droite de 5 cm de diamètre, dure, indolore à la palpation et sans envahissant les parties molles externes et l’espace graisseux,
signes inflammatoires en regard. L’examen endobuccal a montré avec refoulement du muscle droit externe et comblement du
une tuméfaction oropharyngée de consistance ferme refoulant canal optique. De plus, il s’étendait en arrière et en dedans
l’amygdale droite en bas et en dedans, et dont le toucher pharyn- vers le parenchyme temporal, sous forme d’images nodulaires
gien confirme la continuité avec la masse parotidienne. L’examen confluentes renfermant des débris osseux et arrivant jusqu’en
cervical n’a pas retrouvé d’adénopathies. Par ailleurs, on a noté regard du sinus caverneux. La lésion s’étendait également à la
une paralysie faciale périphérique droite, complète, avec une région graisseuse de Bichat avec lyse partielle de l’arcade zygo-
paralysie oculomotrice homolatérale. L’examen ophtalmologique matique, du corps du sphénoïde et envahissement des muscles
a mis en évidence une ophtalmoplégie complète de l’œil droit ptérygoïdiens (figure 2, page 12). Une biopsie a été réalisée au

La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale - n° 312 - janvier-mars 2008 11


C as clinique
Cas clinique

N.G. Nikitakis et al. qui indiquent 38 cas. Dans cette série, l’orbite
représente la localisation la plus fréquente avec 8 cas, suivie par
la région cervicale avec 7 cas et la glande parotide avec 5 cas.
L’âge des patients est également variable. D’après cette même
série, il varie entre 0 et 74 ans, avec une prédilection pour les
enfants et les adolescents, mais le pic de fréquence intéresse la
première décennie avec une fréquence de 41,9 % et la seconde
décennie avec une fréquence de 27,9 %, ce qui correspond à
deux de nos cas cliniques (1).
En ce qui concerne les localisations, la localisation naso-
sinusienne a été la plus fréquente : nous avons retrouvé 6 cas
Figure 2. Coupes coronale et axiale montrant l’envahissement sur 24 (localisation au niveau du sinus maxillaire, de l’ethmoïde
de la région ptérygo-maxillaire et du parenchyme temporal.
essentiellement). Le point de départ de ces tumeurs peut être
l’os maxillaire, sphénoïdal, ethmoïdal ou la muqueuse sinu-
niveau de la région temporale. L’étude histologique a montré une sienne. La distinction précise du point de départ n’est pas
prolifération de cellules rondes à cytoplasme clair en nappes qui toujours aisée étant donné le caractère invasif et ostéolytique
fixent la NSE, la vimentine et la protéine S-100. Le marquage de ces tumeurs. Le sinus maxillaire constitue la localisation
au CD99 s’est également révélé positif, avec une prise intense et la plus fréquente. Les signes cliniques les plus fréquents sont
membranaire (figure 3). Le diagnostic de pPNET a été posé. Un ceux constituant le syndrome nasal, auxquels peuvent s’ajouter
bilan d’extension a été demandé comportant une échographie d’autres signes liés à l’extension tumorale. Ils constituent autant
abdominale et une TDM thoracique, ainsi qu’une scintigraphie de motifs de consultation : l’obstruction nasale est le motif le
osseuse dont les résultats n’ont pas objectivé de métastases à plus fréquent, suivi par la tuméfaction, la rhinorrhée, l’épistaxis
distance. Au vu de l’agressivité et de l’étendue des lésions à la intermittente, l’anosmie, les paresthésies de l’hémiface, les
base du crâne, la patiente a été adressée en oncologie pour une céphalées qui peuvent à la fois être liées à la symptomatologie
prise en charge radiochimiothérapeutique. Elle a reçu 2 cures de sinusienne et témoigner de l’envahissement de la base du crâne.
chimiothérapie avec une régression clinique de l’exophtalmie. La douleur est quasi constante. D’autres signes sont liés à l’en-
vahissement tumoral, à savoir la diplopie, la baisse de l’acuité
visuelle, l’exophtalmie et la paralysie nerveuse (3-7).
Quant aux localisations parotidiennes, seuls 2 cas ont été
rapportés par R.A. Deb et al. Nous en rapportons un troisième
dans ce travail (8). Aucun autre cas de localisation au niveau
des glandes salivaires n’a été noté.
Si, pour de nombreux auteurs, la localisation orbitaire reste la
plus fréquente, nous n’avons retrouvé dans la littérature que
8 cas (9). Nous en rapportons un neuvième. Les manifestations
cliniques sont représentées principalement par la baisse de
l’acuité visuelle, la réduction du champ visuel, l’exophtalmie,
les algies à la mobilisation du globe et les paralysies oculomo-
trices. D’autres localisations ont été signalées dans la littérature,
notamment celles maxillaire et laryngée.
Figure 3. Aspect en microscopie montrant la prise de contraste
L’imagerie permet d’approcher le diagnostic, objective les
intense et membranaire au CD99. rapports de la tumeur et guide le geste curatif, même si le
diagnostic définitif est histologique (1). Contrairement à la
tumeur d’Askin, dont les aspects tomodensitométriques sont
DISCUSSION bien documentés, il n’existe pas de référence traitant de façon
spécifique de la sémiologie radiologique des pPNET dans les
Les PNET sont des tumeurs rares qui touchent essentiellement localisations ORL. La TDM montre une tumeur hétérogène,
la région thoraco-pulmonaire et le pelvis, ainsi que la région rehaussée par l’injection du produit de contraste. Les images
abdominale et les extrémités. Elles représentent 1 % de l’en- osseuses en rayons de miel et les réactions périostées en bulbe
semble des sarcomes. La fréquence des PNET est difficilement d’oignon, décrites à d’autres niveaux, ne sont pas retrouvées au
appréciable compte tenu de la multiplicité des appellations, de niveau des localisations cervico-faciales. Le caractère ostéo-
la fragmentation de l’entité et du manque d’homogénéité des lytique avec invasion osseuse existe. Il est de ce fait très difficile
moyens diagnostiques (1, 2). La fréquence des formes primitives de distinguer l’origine exacte du processus. À l’IRM, il s’agit
de PNET (pPNET) est variable, selon les études, de 0 à 42 %. La d’une tumeur iso-intense en T1 avec un signal inhomogène,
plus grande série de localisations ORL rapportée est celle de hyperintense en T2, mais cet aspect étant retrouvé dans toutes

12 La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale - n° 312 - janvier-mars 2008


C as clinique

Cas clinique
les tumeurs à cellules rondes, le diagnostic peut de ce fait ne pas du fait de l’envahissement de structures vitales, en particulier
être évoqué ni à la TDM ni à l’IRM (1-3). En outre, l’imagerie de la base du crâne comme chez deux de nos patients. Dans
permet une surveillance ultérieure afin de détecter une récidive la littérature, cela concerne 2 patients sur 5. La radiothérapie
tumorale ou la survenue de métastases. correspond au second volet du contrôle local de la tumeur.
Le bilan d’extension est obligatoire. Il doit comporter une scin- Elle permet un bon contrôle local de la maladie. Il s’agit d’une
tigraphie osseuse, une radiographie pulmonaire, une TDM radiothérapie externe fractionnée dont les doses varient entre
thoraco-abdominale et un médullogramme. 45 et 60 Gy.
La suspicion radioclinique d’une tumeur à cellules rondes néces- La chimiothérapie est la thérapeutique qui a le plus bénéficié
site une approche anatomopathologiste rigoureuse pour obtenir de progrès et de nouveautés. Il existe plusieurs protocoles, mais
un diagnostic positif. L’examen essentiel à envisager est la biopsie aucun n’a montré sa suprématie par rapport à l’autre. L’IESS-III
chirurgicale, qui permet d’avoir un bon échantillon pour réaliser suggère l’intérêt de l’introduction des molécules étoposide et
les différentes études nécessaires au diagnostic. Le prélèvement ifosfamide : VAC-doxorubicine, en alternance avec étoposide
peut être réalisé également par aspiration fine ou par biopsie ifosfamide versus VAC-doxorubicine avec un progrès à 3 ans de
simple à l’aiguille : méthode rapide, non traumatique et fiable la survie sans récidive (69 % versus 50 %) et de la survie globale
pour le diagnostic des formes osseuses ainsi que des formes (80 % versus 56 %). Les formes extra-osseuses et osseuses du
extraosseuses, lorsque la tumeur est accessible (10). C’est le cas sarcome d’Ewing bénéficient des mêmes protocoles thérapeu-
de notre patient n° 2. La taille des tumeurs d’Ewing est variable et tiques, le pronostic étant identique.
due en grande partie à la localisation anatomique dont dépendent Le pronostic général des PNET reste mauvais. La médiane de
le mode et le délai de révélation. Sur le plan macroscopique, survie sans lésion tumorale après traitement est de 50 % à 3 ans
les tumeurs apparaissent arrondies, ovalaires, multinodulaires et de 35 à 45 % à 5 ans. Le pronostic dépend essentiellement de
ou lobulées, assez bien limitées, sans encapsulation plus ferme l’existence de métastases, du volume tumoral et du traitement
dans leur forme osseuse, de couleur blanc grisâtre. La couleur reçu, le traitement chirurgical associé à une chimiothérapie
peut être rougeâtre, liée aux remaniements hémorragiques et s’accompagnant du meilleur pronostic (17, 18).
nécrotiques. Les aspects histologiques de cette tumeur sont
les mêmes au microscope optique : il s’agit généralement d’une
prolifération cellulaire monomorphe en nappe, faite de petites CONCLUSION
cellules rondes monotones et basophiles (11, 12). Pour la locali-
sation orbito-temporale, étant donné l’extension importante en Le terme de pPNET est actuellement utilisé pour qualifier
endocrânien, l’origine exacte de cette tumeur n’a pu être déter- une famille homogène de tumeurs, dont la description initiale
minée. La radiologie orientait plutôt vers un méningiosarcome. remonte au début du siècle. Dans ce travail, nous avons rapporté
L’aspect à la microscopie optique évoquait plus un lymphome, 3 observations de localisation ORL : naso-sinusienne, temporo-
même si la localisation n’était pas en faveur. C’est l’immuno- orbitaire et parotidienne.
histochimie qui a pu redresser le diagnostic. Cette dernière est Si l’argumentation histologique est orientée par le morphotype
largement employée pour la caractérisation des pPNET. Elle tumoral “à petites cellules rondes”, ce sont les données de l’im-
permet d’apporter des arguments en faveur du diagnostic. Elle munohistochimie, et tout particulièrement la mise en évidence
nécessite l’utilisation d’une batterie de marqueurs. Le marqueur du produit d’expression du gène MIC2 qui permettent de poser
le plus exprimé est le CD99, qui est le produit du gène MIC2 le diagnostic positif. L’étude cytogénétique n’a pas été réalisée,
exprimé dans plus de 95 % des cas. Il s’agit d’une fixation intense, faute de disponibilité technique, même si dans la littérature elle
homogène et diffuse, de type membranaire, associée parfois à constitue le volet le plus développé. Le rôle de l’ORL est souvent
un marquage cytoplasmique (13-14). limité, réduit au diagnostic, laissant la place au radiothérapeute
Le sarcome d’Ewing a été la première tumeur dans laquelle une et au chimiothérapeute pour le traitement.  ■
anomalie cytogénétique caractéristique a été observée. Il s’agit
de la translocation t(11;22)(q24;q12) identifiée par les équipes de
A. Aurias et de C. Turc-Carel en 1983. Au niveau de ces points Références bibliographiques
de cassure sont mis en évidence le gène EWS, normalement
situé au locus 22q12, et le gène FLI1, normalement situé au 1. Nikitakis NG, Salama A, O’Malley BW, Papadimitriou JC. Malignant pe-
locus 11q24. Ces gènes aboutissent à des transcrits de fusion, ripheral primitive neuroectodermal tumor-peripheral neuroepithelioma of the
le plus fréquent étant le trancrit ews/fli-1, dont le rôle exact head and neck: clinicopathologic study of five cases and review of the literature.
Head Neck 2003; 25:488-98.
n’est pas déterminé clairement (15, 16).
2. Dehner LP. Primitive neuroectodermal tumor and Ewing sarcoma. Am J Surg
Le traitement comporte deux volets : un contrôle local par la Pathol 1993;17(1):1-13.
chirurgie et la radiothérapie, et un contrôle systémique par
3. Howarth kl, Khodaei I, Karkanevatos A, Clarke WR. A sinonasal primary
la chimiothérapie (17-22). La chirurgie permet une réduction Ewing’s sarcoma: case report. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2004;68:221-4.
rapide du volume tumoral et, lorsqu’elle est radicale, évite 4. Alobid I, Bernal-Sprekelsen M, Alos L, Benitez P, Traserra J, Mullol J. Periphe-
les complications d’une radiothérapie crânio-faciale complé- ral primitive neuroectodermal tumor of the left maxillary sinus. Acta Otolaryn-
mentaire. Mais l’exérèse ne peut pas toujours être complète gol 2003;123:776-8.

La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale - n° 312 - janvier-mars 2008 13


C as clinique
Cas clinique

5. Takayoshi T, Atari E, Sadi M, Kiyuna M, Kojya S. Primitive neuroectodermal 14. Franchi M, Pasquinelli G, Della Rocca C et al. Immunohistochemical and
tumor in sinonasal region. Auris Nasus Larynx 1999;26:83-90. ultrastructural investigation of neural differentiation in Ewing sarcoma/PNET of
6. Aferzon M, Wood WE, Powell JR. Ewing’s sarcoma of the ethmoid sinus. Oto- bone and soft tissues. Ultrastructural pathology 2001;25:219-25.
rhinolaryngol Head Neck Surg 2003;128:897-901. 15. Stephenson CF, Bridge AJ, Sandberg AA. Cytogenetic and pathologic aspects of
Ewing’s sarcoma and neuroectodermal tumors. Human Pathol 1992;23:1270-7.
7. Velche-Haag B, Dehesdin D, Proust F, Andrieu-Guitrancourt J, Laquerriere A.
Sarcome d’Ewing et localisations ORL : à propos d’un cas. Ann Otolaryngol Chir 16. Llombart-Bosch A, Pellin A, Carda P, Noguera R, Navarro S, Peydro-Olaya A.
Cervico-fac 2002;119:363-8. Soft tissue Ewing sarcoma-peripheral primitive neuroectodermal tumor with aty-
pical clear cell pattern shows a new type of EWS-FEV fusion transcript. Diagnostic
8. Deb RA, Desai SB, Amonkar PP, Ayer PM, Borges AM. Primary primitive neu- Molecular Pathology 2000;9:137-44.
roectodermal tumor of the parotid gland. Histopathol 1998;33:375-8.
17. Windfuhr JP. Primitive neuroectodermal tumor of the head and neck: inci-
9. Hayyam Kirat LI, Bilgic S, Gedikoglu G, Ruacan S, Ozmert E. Primitive neu- dence, diagnosis, and management. Ann Otol Rhinol Laryngol 2004;113:533-43.
roectodermal tumor of the orbit in an adult. Ophtalmology 1999;106:98-102.
18. Rodriguez-Galindo C, Spunt SL, Pappo AS. Treatment of Ewing sarcoma
10. Sebire NJ, Gibson S, Rampling D, Williams S, Malone M, Ramsay A. Immu- family of tumors: current status and outlook for the future. Med Pediatr Oncol
nohistochemical findings in embryonal small round cell tumors with molecular 2003;40:276-87.
diagnostic confirmation. Appl Immunohistochem Mol Morphol 2005;13:1-5. 19. Moschovi M, Trimis G, Stefanaki K et al. Favorable outcome of Ewing sarcoma
11. West DC. Ewing sarcoma family of tumors. Curr Opin Oncol 2000;12:323-9. family of tumors to multiagent intensive preoperative chemotherapy: a single insti-
12. Vogel H, Fuller GN. Primitive neuroectodermal tumors, embryonal tumors, tution experience. J Surg Oncol 2005;89:239-43.
and other small cell and poorly differentiated malignant neoplasms of the central 20. Dunst J, Sauer R, Burgers JM. Radiation therapy as local treatment in Ewing’s
and peripheral nervous systems. Ann Diag Pathol 2003;17:387-98. sarcoma. Cancer1991;67:2818-25.
13. Fröstad B, Tani E, Brosjö O, Skoog L, Kogner P. Fine needle aspiration 21. Kimber C, Michalski A, Spitz L, Pierro L. Primitive neuroectodermal tumors:
c­ ytology in the diagnosis and managment of children and adolescents with anatomic location, extent of surgery and outcome. J Pediatr Surg 1998;133:39-41.
Ewing sarcoma and peripheral primitive neuroectodermal tumor. Med Pediatr 22. Jones MC, Gill T. Peripheral primitive neuroectodermal tumors of the head
Oncol 2002;38:33-40. and neck. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1995;121:1392-5.

Les articles publiés dans “La lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale”


le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
© janvier 1985 - EDIMARK SAS - Imprimé en France - AXIOM GRAPHIC SAS - 95830 Cormeilles-en-Vexin - Dépôt légal : à parution.

14 La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale - n° 312 - janvier-mars 2008

Vous aimerez peut-être aussi