Vous êtes sur la page 1sur 5

D ossier

Dossier

Endométriose pelvienne : diagnostic échographique


Pelvic endometriosis: ultrasonographic diagnosis
 F. Boussion, C. Lefebvre-Lacoeuille, L. Sentilhes, T. Jalle , L. Catala, Ph. Descamps*

L’
endométriose résulte du développement ectopique de avec la sonde, du canal anal au cul-de-sac postérieur du vagin.
tissu endométrial en dehors de la cavité utérine. Elle est Cette technique permet également l’analyse des ligaments
observée dans 2 à 10 % de la population générale (1). utéro-sacrés et l’appréciation de leur épaisseur (2).
Les signes échographiques peuvent être directs par la visuali- Une étude comparant l’échographie endovaginale et endorec-
sation de lésions ovariennes et sous-péritonéales ou indirects, tale dans la suspicion d’endométriose sous-péritonéale mon-
secondaires aux adhérences. tre des résultats équivalents avec une sensibilité de 84 % et une
On distingue : spécificité de 99 % pour l’échographie endovaginale (2).
– l’endométriose utérine ou adénomyose, caractérisée par le En fonction de la symptomatologie et de l’examen clinique,
développement d’endomètre ectopique au sein du myomè- l’étude échographique peut être complétée par la recherche de
tre ; localisations extra-pelviennes (3) peu fréquentes (infiltration
– l’endométriose pelvienne extra-utérine qui comporte des des grands droits (11 %), ombilic (1 %) [4], et plus rarement le
localisations intrapéritonéales (ovaire, trompe, péritoine) segment inguinal du ligament rond mimant une hernie ingui-
et sous-péritonéales (cloison rectovaginale, vessie, uretère, nale (5). Plus exceptionnellement, une localisation vésiculaire
structures digestives, ligaments utéro-sacrés). a été décrite (6), ainsi que des localisations périnéales à la suite
L’endométriose profonde est définie par l’atteinte des liga- d’épisiotomie (7).
ments utéro-sacrés ou de la paroi musculeuse viscérale, diges-
tive ou vésicale (2).
Endométriose utérine

Technique de l’examen échographique Elle correspond à la présence d’éléments glandulaires endo-


métriaux dans le myomètre paracavitaire.
L’échographie est l’examen de première intention dans le On en distingue deux types :
diagnostic de l’endométriose. Elle sera réalisée soit dans un – l’adénomyome ou endométriome utérin ;
tableau d’algies pelviennes (dysménorrhée, dyspareunie ou – l’adénomyose diffuse.
algies aiguës), soit dans le cadre d’une endométriose connue,
afin d’en établir le bilan le plus exhaustif possible. L’adénomyome
L’examen débute systématiquement par un balayage abdomi- L’échographie montre une masse arrondie dans le myomètre, à
nopelvien (sonde de 3,5-5 MHz) et sera toujours complété par paroi épaisse et échogène, douloureuse lors de l’examen endo-
une étude endocavitaire (sonde de 7,5-10 MHz). cavitaire. Il existe une cavité centrale hypoéchogène à contenu
La voie vaginale est la plus courante et la plus facile de réali- hématique avec de fins échos. Le diagnostic différentiel prin-
sation, la voie endorectale étant réservée notamment à l’étude cipal est celui du fibrome à centre kystique, non douloureux et
des ligaments utéro-sacrés et du recto-sigmoïde, en complé- dont le contenu est habituellement anéchogène (figure 1).
ment de la voie vaginale parfois insuffisante.
L’examen par voie vaginale permet d’étudier par des coupes
sagittales strictes la paroi vésicale et les uretères pelviens, le
canal anal, la cloison rectovaginale et le col utérin. L’examen du
cul-de-sac postérieur donne accès à la face postérieure de l’uté-
rus, au territoire des ligaments utéro-sacrés, au cul-de-sac de
Douglas et à la paroi antérieure du rectosigmoïde. L’examen se
termine par l’étude des annexes à la recherche d’endométriome
ovarien. L’examen par voie vaginale permet l’appréciation de la
mobilité ou de la fixité des organes pelviens.
La voie endorectale ne semble actuellement pas indispensable
en première intention. L’examen de la cloison rectovaginale
et de l’espace péritonéal postérieur est en effet accessible par
voie vaginale en pratiquant des mouvements “d’aller et retour”
Figure 1. Adénomyome : image intramyométriale avec centre
hypoéchogène.
* Pôle de gynécologie obstétrique, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers Cedex 9.

24 La Lettre du Gynécologue - n° 331 - avril 2008


D ossier

Dossier
gulaire, sans renforcement postérieur, correspondant à des
dépôts cruoriques. Sa localisation est para-utérine, mais peut
être médiane ou rétro-utérine en présence d’adhérences que
l’examen endovaginal s’appliquera à rechercher par la mobi-
lisation de l’utérus et des annexes à l’aide de la sonde endo-
cavitaire.
L’étude des flux doppler est peu contributive, retrouvant une
vascularisation absente au sein du kyste et très faible au niveau
pariétal. Une étude récente montre cependant que la vascu-
larisation augmente avec l’intensité de la douleur et pourrait
être un bon indicateur de l’activité de l’endométriome (9).
Le diagnostic différentiel principal de l’endométriome est le
kyste lutéinique hémorragique. L’évolution, le contenu plus
Figure 2. Lésion inhomogène, mal limitée correspondant épais et inhomogène et la vascularisation périphérique plus
à une lésion d’adénomyose.
riche permettent d’en faire le diagnostic (figures 4 et 5).

Endométriose tubaire et péritonéale


L’endométriose tubaire n’est identifiable qu’en cas d’épanche-
ment hématique, responsable d’une dilatation de la trompe,
d’un contenu finement échogène et homogène (figure 6).
L’endométriose péritonéale n’est pas directement accessible
à l’examen échographique. Seuls les signes indirects, secon-
daires aux adhérences, sont appréciables : l’impossibilité de
mobilisation des organes pelviens par la sonde endocavitaire,

Figure 3. L’adénomyose réalise une infiltration et ne modifie


pas le trajet des vaisseaux du myomètre.

L’adénomyose diffuse
Le signe d’appel le plus fréquent est l’augmentation de volume
de l’utérus qui apparaît globuleux et douloureux lors de la
mobilisation par la sonde endocavitaire. L’échostructure
est inhomogène, réalisant une plage intramyométriale sans
délimitation nette avec le myomètre sain. Contrairement au
myome, l’adénomyose est un processus infiltratif qui ne modi- Figure 4. Endométriome : kyste uniloculaire à contenu échogène,
fie pas l’axe des vaisseaux radiés du myomètre, étudiés en dop- fin et homogène.
pler énergie (figures 2 et 3).

L’endométriose intrapéritonéale

Endométriose ovarienne
L’échographie endovaginale est l’examen de référence dans le
diagnostic des endométriomes. Dans la littérature, la spéci-
ficité est de 80 % et la sensibilité de 90 % (1). L’endométriose
ovarienne est l’une des localisations les plus fréquentes, esti-
mée entre 31 et 44 % des lésions endométriosiques (8).
Dans sa forme typique, l’endométriome est une lésion arron-
die, unique le plus souvent, de 1 à 5 cm, à paroi fine et régu-
lière. Son contenu hématique est hypoéchogène et homogène.
Figure 5. Endométriome avec tissu ovarien périphérique.
Il peut contenir des images hyperéchogènes, de forme trian-

La Lettre du Gynécologue - n° 331 - avril 2008 25


D ossier
Dossier

la présence des ovaires en position médiane ou rétro-utérine, rendant indispensable la réalisation d’explorations complé-
l’aspect hyperfléchi de l’utérus doivent faire suspecter une mentaires telles que l’IRM.
endométriose péritonéale. La réalisation d’une exploration échographique par voie endo-
rectale est parfois nécessaire, notamment lorsque la voie vagi-
nale est impossible ou trop douloureuse. Cependant, Bazot et
L’endométriose sous-péritonéale al. ont montré que l’examen échographique par voie vaginale
était aussi efficace que l’examen endorectal pour le diagnostic
Atteinte des ligaments utéro-sacrés de l’endométriose utéro-sacrée (2).
Leur étude échographique est difficile et le repérage des
ligaments utéro-sacrés normaux peut se révéler délicat. Ils Atteinte de la cloison rectovaginale et de la jonction
se présentent sous forme de lignes homogènes, régulières, rectosigmoïdienne
hypoéchogènes de chaque côté du col utérin. On recherchera Sa fréquence est variable selon les auteurs allant de 20 à 56 % (10).
un aspect épaissi et irrégulier de la portion proximale des liga- La localisation anatomique est la suivante : rectum et sigmoïde
ments. La mesure de l’épaisseur des ligaments ne semble pas 80 %, appendice 5 à 10 %, iléon terminal 7 %, caecum 4 % (10).
être un critère suffisant pour affirmer l’atteinte endométrio- Bazot et al. rapportent que la cloison rectovaginale est le plus
sique, car il existerait des variations anatomiques importantes souvent atteinte secondairement après le cul-de-sac de Douglas
(de 4 à 20 mm après vérification anatomique chirurgicale) [2]. et que les cas d’atteinte digestive primitive sont rares (2).
La visualisation directe d’un nodule utéro-sacré est possible Sur le plan macroscopique, la lésion initialement séreuse ou
sous forme d’une lésion arrondie, hypoéchogène, latérocer- sous-séreuse atteint la musculeuse et respecte le plus souvent
vicale, plus facile à visualiser en poussée inflammatoire, car la muqueuse (10).
elle tranche sur la graisse sous-péritonéale hyperéchogène et L’atteinte endométriosique forme une plage hypoéchogène,
épaissie par l’inflammation (figure 7). dans le plan sagittal, adhérente à la face postérieure de la
La sensibilité de l’examen échographique dans le diagnostic région cervico-isthmique et fixée à la face postérieure du
de l’endométriose utéro-sacrée est relativement faible (67 %), cul-de-sac vaginal postérieur. Le nodule est la forme la plus

Figure 8. Paroi rectale examinée par voie endovaginale.


Figure 6. Épanchement tubaire et endométriome.

Figure 9. Lésion hypoéchogène au niveau de la région cervico-


isthmique. Aspect convexe de la face viscérale et concave de la
Figure 7. Atteinte du ligament utéro-sacré sous la forme d’un face péritonéale. La lésion refoule la muqueuse et correspond à
épaississement irrégulier et inhomogène. une atteinte sigmoïdienne.

26 La Lettre du Gynécologue - n° 331 - avril 2008


D ossier

Dossier
Figure 10. Atteinte rectosigmoïdienne. Figure 12. Endométriose vésicale avec lésion faisant saillie
dans la vessie et pouvant simuler une tumeur vésicale.

Figure 11. Atteinte digestive avec aspect épaissi et tubulaire Figure 13. Lésion vésicale en coupe transversale.
de la paroi digestive.

fréquente, avec une face viscérale convexe et une face péri-


tonéale concave (figures 8 et 9).
L’atteinte de la paroi du sigmoïde est visible sous forme de petits
nodules hypoéchogènes intéressant la musculeuse et la séreuse.
L’échographie par voie endorectale est utilisée afin de préciser
l’envahissement de la paroi rectale. Bahr et al. retrouvent une
sensibilité de 87 % et une spécificité de 97 % dans le diagnostic
de l’endométriose de la paroi rectale (11). Cet article ne précise
cependant pas si les patientes étudiées avaient eu préalablement
une échographie endovaginale et quels en étaient les résultats.
Une étude récente a montré que l’échographie endorectale ne
permettait pas d’améliorer l’efficacité du diagnostic sur la pro- Figure 14. Lésion vésicale examinée par voie vaginale.
fondeur d’envahissement de la paroi digestive et ne modifiait
pas la technique de prise en charge chirurgicale (12). En effet, vésicale maligne. L’autre diagnostic différentiel est le fibrome
l’échographie endorectale ne permet pas de visualiser correcte- utérin sous-séreux saillant dans la vessie.
ment la limite distale des lésions de grosse taille et sous-estime Il peut exister un envahissement de l’uretère et il convient
le degré d’infiltration de la paroi (11) [figures 10 et 11]. alors de rechercher un retentissement sur le haut appareil uri-
naire, secondaire à l’obstruction urétérale basse.
Atteinte de l’espace vésico-utérin et de la vessie L’échographie a une sensibilité de 88 % et une spécificité de
L’atteinte vésicale touche 2 à 6 % des patientes (13). L’échogra- 99 % dans le diagnostic de l’endométriose vésicale. Les études
phie retrouve un épaississement localisé de la paroi vésicale, le comparatives ne montrent pas de différence significative entre
plus fréquemment au niveau du dôme, au-dessus du trigone. les performances de l’échographie et celles de l’IRM (13), mais
La lésion est hypoéchogène, plus ou moins étendue. Plus ra- retrouvent une meilleure performance de l’échographie endo-
rement, elle peut se présenter sous la forme d’une lésion fai- vaginale par rapport à l’examen par voie suspubienne (14)
sant protrusion dans la vessie et laisser suspecter une tumeur [figures 12, 13, 14].

La Lettre du Gynécologue - n° 331 - avril 2008 27


D ossier
Dossier

Conclusion 2. Bazot M, Thomassin I, Hourani R, Cortez A, Daraï E. Diagnostic accuracy


of transvaginal sonography for deep pelvic endometriosis. Ultrasound Obstetric
L’échographie pelvienne (abdominale et endovaginale) est Gynecology 2004;24:180-5.
l’examen de référence en première intention dans le diagnostic 3. Park SB, Kim JK, Cho KS. Sonography of endometriosis in infrequent sites.
J Clin Ultrasound 2008;36:91-7.
et le bilan d’extension de l’endométriose pelvienne. Les per- 4. Perrot N, Frey I. Échographie endovaginale. Masson, 5e édition, 2004.
formances de l’examen permettent le plus souvent d’affirmer 5. Mashfiqul MA, Tan YM, Chintana CW. Endometriosis of the inguinal canal
l’existence et la localisation des lésions avec une bonne sen- mimicking a hernia. Singapore Med J 2007;48:e157-9.
sibilité, notamment pour les lésions ovariennes et vésicales, 6. Saadat-Gilani K, Bechmann L, Frilling A, Gerken G, Canbay A. Gallbladder en-
à condition que l’opérateur soit entraîné et connaisse cette dometriosis as a cause of occult bleeding. World J Gastroenterol 2007;13:4517-9.
pathologie. Elle permet d’orienter la prise en charge médico- 7. Toyonaga T, Matsushima M, Tanaka Y et al. Endoanal ultrasonography in
chirurgicale ultérieure. the diagnosis and operative management of perianal endometriosis: report of
L’examen doit également s’appliquer à rechercher les signes two cases. Tech Coloproctol 2006;10:357-60.
indirects secondaires à l’envahissement péritonéal telle l’ano- 8. Jenkins S, Olive DL, Haney AF. Endometriosis: pathogenetic implications of
the anatomic distribution. Obstet Gynecol 1986;67:335-8.
malie de position de l’utérus et des ovaires. 9. Alcazar JL. Ovarian endometrioma vascularization in women with pelvic
L’étude par voie endorectale n’est pas indispensable en pratique pain. Fertil Steril 2007;87:1271-6.
courante pour explorer l’endométriose sous-péritonéale et diges- 10. Ardaens Y, Guerin du Masgenêt B, Coquel Ph. Échogaphie en pratique
tive, car elle ne permet pas de visualiser correctement la limite gynécologique. Masson, 4e édition, 2007.
distale des lésions de grosse taille et elle sous-estime le degré d’in- 11. Bahr A, de Parades V, Gadonneix P et al. Endorectal ultrasonography in
filtration de la paroi rectale. L’examen des ligaments utéro-sacrés predicting rectal infiltration in patients with deep pelvic endometriosis: a mo-
reste difficile dans sa réalisation et dans son interprétation, ren- dern tool for an ancient disease. Dis Colon Rectum 2006;49:869-75.
dant nécessaire la réalisation d’une IRM complémentaire. n 12. Roman H, Kouteich K, Gromez A, Hochain P, Resh B, Marpeau L. Endo-
rectal ultrasound accuracy in the diagnosis of rectal endometriosis infiltration
depth. Fertil Steril 2007;nov17.
Références bibliographiques 13. Balleyguier C, Chapron C. Diagnosis of endometriosis with imaging: a re-
view. Eur Radiol 2006;16:285-98.
1. Paillocher N, Paris L, Boussion F et al. Endométriomes ovariens. EMC 14. Fedele L, Bianchi S, Raffaeli R, Portuese A. Preoperative assessment of blad-
2006:150-A-40. der endometriosis. Hum Reprod 1997;12:2519-22.

28

Vous aimerez peut-être aussi