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Auteurs : AE Millischer 1, B Borghese 2


1 Service d'imagerie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
2 Service de gynécologie, Hôpital Cochin - Saint-Vincent de Paul, Paris
 
Les algies pelviennes, qu'elles soient chroniques ou aiguës, sont un des motifs de consultation les plus courants dans notre pratique
radiologique quotidienne. Concernant les douleurs pelviennes chroniques, c'est environ 10 % des motifs de consultation chez le
gynécologue, 20 % des procédures laparoscopiques et 18 % des causes d'hystérectomie [1]. Le caractère chronique est défini par le
caractère persistant depuis plus de 6 mois. Toutefois, notre pratique quotidienne nous apprend qu'il existe des algies pelviennes « sub-
chroniques » pouvant s'intégrer dans un tableau semi-aigu. La complexité anatomique de la sphère pelvienne inclut de multiples
étiologies à ces douleurs, telles que l'utérus et les annexes, mais aussi les structures urinaires, digestives, péritonéales, vasculaires,
nerveuses ou ostéoarticulaires. Dans cet exposé, nous rappelons les principaux éléments à rechercher lors de l'exploration radiologique
gynécologique. Face à ces douleurs, plusieurs éléments cliniques orientent la prise en charge, en premier lieu l'âge de la patiente. Nous
distinguerons la jeune adolescente, la femme en période d'activité génitale, la femme en péri-ménopause. En fonction de l'âge, les
étiologies divergent, certaines étant communes aux différentes tranches d'âge.
En première ligne, l'exploration se fait par échographie. L'IRM est en général réalisée dans un deuxième temps pour préciser ou optimiser
les données de l'échographie.

Algies pelviennes de l'adolescente

Si les dysménorrhées de l'adolescente sont fréquentes, leur cause est souvent mal connue. Leur prévalence est estimée de façon
éminemment variable, entre 20 et 90 % [2]. Elles sont souvent banalisées car interprétées comme la mise en place progressive des
menstruations. Ces douleurs seraient dues au relargage de prostaglandines dans le flux menstruel, à l'origine de contractions utérines
parfois violentes.
Il faut différencier les algies pelviennes progressives mais continues des algies pelviennes secondaires, survenant avec un intervalle libre
sans douleur après les premières règles. Ces dernières doivent faire rechercher une pathologie organique : kyste, malformation,
hydrosalpynx...
Les algies pelviennes s'accentuant avec l'âge doivent faire suspecter une endométriose. Les travaux menés par Harel [3] montrent que
l'endométriose serait à l'origine de 10 % des dysménorrhées sévères. L'intensité de la dysménorrhée, marquée par un absentéisme
scolaire ou la nécessité de prendre une pilule œstro-progestative, paraît corrélée avec l'existence d'une endométriose profonde [4].
L'échographie suspubienne élimine un kyste endométriosique mais seule l'échographie réalisée par voie endovaginale permet de
rechercher une endométriose profonde [5]. Lorsque cette voie ne peut être réalisée, une IRM est utile pour étayer le diagnostic. Pandis et
al. [6] ont montré l'incidence significative de l'endométriose retrouvée lors de chirurgies minimalistes dans le cadre d'algies pelviennes
majeures à l'adolescence.

Algies pelviennes de la femme en cours d'activité génitale

Endométriose pelvienne
L'endométriose est certainement la cause la plus fréquente de douleurs pelviennes chroniques : environ 65 %, voire 70 à 90 % [7, 8].
Plusieurs études ont montré qu'il existait un lien entre le type de douleurs et les localisations profondes [9]. La présence de douleurs
pelviennes chroniques, non cycliques, serait notamment liée à une atteinte digestive. La sévérité des douleurs serait corrélée à
l'importance des adhérences dans le cul-de-sac de Douglas. De même, les dysménorrhées seraient liées aux atteintes du cul-de-sac de
Douglas, les dyspareunies aux atteintes des ligaments utéro-sacrés, les douleurs à la défécation à une atteinte du cul-de-sac vaginal
postérieur, et les douleurs lombaires à une atteinte du tractus urinaire. Aucun lien statistique n'a été établi entre la symptomatologie
douloureuse et la présence d'endométriose superficielle [10]. En pratique, il existe souvent une discordance entre l'intensité des douleurs
et l'étendue des lésions. Cependant, il a été montré que la résection chirurgicale des lésions d'endométriose profonde sévère améliorait
de façon significative la symptomatologie douloureuse des patientes et avait un impact sur leur qualité de vie. Une exploration
radiologique est donc nécessaire pour réaliser une cartographie lésionnelle complète.
L'échographie sus-pubienne mais surtout endovaginale est l'examen de première intention [11, 12] pour l'appréciation des localisations
ovariennes et sous-péritonélaes.
L'IRM reste incontournable pour confirmer et préciser les données échographiques [5].

Endométriose ovarienne
Les douleurs pelviennes sont peu corrélées à la présence d'endométriome isolé, non associé à une endométriose profonde [13, 14].
La lésion a un aspect échographique typique lié à son contenu hémorragique. C'est un fin piqueté échogène, homogène, avec un
renforcement postérieur, dans plus de 80 % des cas [14]. Le diagnostic différentiel est celui du kyste lutéal hémorragique qui est plus
souvent hétérogène avec un aspect typique en filet de pêche avasculaire contrastant avec un halo pariétal hypervasculaire typique au
Doppler couleur. La plurifocalité et la bilatéralité des kystes orientent vers la nature endométriosique [14]. Des associations lésionnelles
sont souvent retrouvées entre endométriome et autres formations bénignes ovariennes (kyste lutéal hémorragique, tératome mature
kystique...). Il n'est pas rare que les patientes porteuses d'une endométriose pelvienne présentent des kystes fonctionnels en raison des
problèmes de dysovulation induits par les adhérences péri-annexielles. En IRM, l'endométriome présente un hypersignal T1 sans et avec
saturation de graisse et un signal grisé en T2 dit « shading » [15]. Typiquement, le signal en T1 est très franc et supérieur à la graisse
sous-cutanée adjacente.

Endométriose pelvienne sous-péritonéale (dite « profonde »)


Ces lésions correspondent à une hyperplasie fibromusculaire réactionnelle à la présence anormale de tissu endométrial, intéressant les
organes situés dans les espaces sous-péritonéaux antérieur et postérieur. Par définition, on parle d'endométriose sous-péritonéale
profonde lorsque l'infiltration est supérieure à 5 mm.
Leur répartition prédomine dans le compartiment postérieur (90 %) [16] au niveau du torus, des ligaments utéro-sacrés, du cul-de-sac
vaginal postérieur et de la paroi antérieure du recto-sigmoïde. L'échographie endovaginale, examen de première intention, diagnostique
les localisations profondes sous l'aspect de lésions hypoéchogènes, rétractiles, à contours spiculés, mais nécessite une certaine
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expérience [17, 18, 19] (Fig. 1). Les lésions recto-sigmoïdiennes, très hypoéchogènes (Fig. 2), sont diagnostiquées avec une précision
proche de l'écho-endoscopie rectale [12].
L'atteinte de la paroi vésicale est rare (2 à 6,4 %) [16], facilement visualisée sous forme d'un nodule de 2 à 3 cm, hyperéchogène, faisant
saillie sur la paroi vésicale (Fig. 3) [20, 21]. L'IRM est incontournable pour réaliser une cartographie complète de toutes les localisations
endométriosiques [20, 21, 22, 23]. Les lésions profondes se traduisent par un épaississement hypointense en T2, à contours irréguliers,
rétractant la graisse au contact (Fig. 4). Lorsqu'il existe des lésions « actives », on retrouve au sein de l'hyposignal T2 fibreux des spots
en hypersignal T1 ne disparaissant après saturation de la graisse. Celles-ci correspondent à des lésions hémorragiques (plus jeunes). Le
rehaussement après injection des lésions d'endométriose profonde est variable et a peu d'intérêt diagnostique.

L'endométriose superficielle
Elle est complètement sous-estimée par l'imagerie actuelle. Néanmoins, ce type d'endométriose est peu incriminé dans la responsabilité
des algies pelviennes [9].

Adénomyose
Cette pathologie correspond à la présence de muqueuse endométriale au sein du myomètre adjacent, entraînant une hypertrophie
musculaire réctionnelle avec augmentation de taille de l'utérus. L'adénomyose peut être associée à la présence d'endométriose. Elle
favorise des ménométrorragies avec dysménorrhées [24, 25]. L'échographie présente des sensibilités et spécificités de 67-91 % et 71-
91 %. Les critères sont définis par un gros utérus présentant une hétérogénéité myométriale, une asymétrie des berges myométriales,
des stries linéaires hyper- ou hypoéchogènes juxta-endométriales (Fig. 5 et  Fig. 6).
L'IRM permet de différencier le myomètre interne et le myomètre externe. Sur la séquence en pondération T2, le myomètre interne
présente un hyposignal T2 et a été appelé la zone jonctionnelle. Cette entité a des spécificités structurales (orientation perpendiculaire
des fibres musculaires) et fonctionnelles (vascularisation variant avec le cycle) [26] qui expliquent en partie son rôle dans la migration des
spermatozoïdes et dans l'implantation de l'œuf [27]. La pathologie adénomyosique induit un épaississement de la zone jonctionnelle
supérieure à 11 mm ou supérieure à 40 % de l'épaisseur du mur myométrial (Fig. 7) [24]. C'est ainsi que chez la patiente jeune porteuse
d'adénomyose, ces altérations du myomètre interne pourraient être à l'origine d'infertilité [28]. En imagerie, une deuxième cause
d'épaississement de la zone jonctionnelle existe au cours des contractions utérines qui constituent un diagnostic différentiel de
l'adénomyose. En général, cet épaississement est plus focal et transmural. Lorsque le radiologue a un doute diagnostique, il doit refaire
une séquence T2 rapide pour montrer la disparition de cet épaississement sur la nouvelle séquence réalisée [25].

Myomes utérins
C'est une pathologie extrêmement fréquente puisque sa prévalence est estimée de 25 à 50 % [29]. Buttram et Reiter ont rapporté une
série d'études estimant les myomes à l'origine de 34 % des algies pelviennes [20]. En 2003, Lippman et al. mettent en évidence une
prévalence plus importante des algies pelviennes chroniques chez les patientes porteuses de myomes de localisation fundique, sans
relation avec le nombre de myomes [31].

Syndrome de congestion pelvienne


Sa prévalence est estimée à environ 15 % de la population générale. La symptomatologie s'accroît lors des changements brutaux de
posture ou en position debout prolongée. Le diagnostic repose sur la présence de veine ovarienne avec diamètre supérieur à 8 mm ou la
présence de 4 veines homolatérales para utérines dilatées tortueuses, en IRM ou scanner [32]. Cependant, la présence de dilatations
veineuses est très fréquente et rapportée chez 47 % de patientes sans aucune douleur pelvienne, d'après l'étude de Rozenblit et al. [33].

Pathologie inflammatoire chronique pelvienne ou maladie inflammatoire du pelvis (PID)


L'ensemble des infections génitales hautes apparaissant chez les femmes en période d'activité génitale sont regroupées sous le terme
commun de « maladie inflammatoire du pelvis » car elles sont dans un continuum clinique lésionnel. Ces infections entraînent la
formation d'adhérences, d'hydrosalpinx, d'abcès tubo-ovariens (Fig. 8), et de pseudo-kystes péritonéaux. L'IRM et l'échographie
pelvienne ont respectivement des sensibilités de 95 % et 81 %, des spécificités de 89 % et 78 % et des précisions diagnostiques de 93 %
et 80 % [34]. L'échographie endovaginale est l'imagerie de première intention qui orientera le diagnostic. Cet examen précise notamment
la présence d'adhérences, en combinant le palpé abdominal (Fig. 9, Fig. 10). En fonction des circonstances diagnostiques (dans ou en
dehors de l'urgence), l'IRM et le scanner seront utiles pour préciser la nature des masses latéro-utérines. Le caractère bilatéral, tubulé et
la prise de contraste importante des lésions orientent le diagnostic. Les signes de rétraction péritonéale (infiltration de la graisse,
épaississement et accolement des fascias, adhérence des organes) sont très bien visualisés sur les séquences T2 sans saturation de
graisse. Dans cette même pondération, le signal intermédiaire et hétérogène des masses évoquera l'infection. Notons que, parmi les
germes à évoquer en présence d'un dispositif intra-utérin, l'actinomycose mime parfaitement un processus tumoral ovarien.

Névralgie pudendale
Ce syndrome canalaire, lié à la compression du nerf pudendal dans le canal d'Alcock, est à l'origine de douleurs périnéales, à type de
brûlures et/ou de décharges. Cependant, la présentation peut mimer des douleurs pelviennes [35]. L'IRM, si elle est réalisée, ne montre
pas de lésion organique, l'origine de la compression étant probablement fibreuse.

Algies pelviennes de la femme en périménopause

Adénomyose
Récemment, Weiss et al. [36] ont retrouvé de l'adénomyose dans 48 % de pièces d'hystérectomie dans une population de 137 patientes
ménopausées (49,5 ± 3,4 ans), souffrant de douleurs pelviennes. L'adénomyose serait donc plus une variante physiologique qu'une vraie
pathologie. La symptomatologie serait plus fréquente en période post-ménopausique immédiate.

Masses pelviennes
Les subtorsions de myomes sous-séreux ou de fibromes ovariens peuvent être à l'origine d'algies pelviennes chroniques.
De même, les carcinomes ovariens peuvent êtres découverts dans le cadre de troubles digestifs avec algies pelviennes.
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Conclusion

L'échographie doit rester le premier examen à réaliser pour l'exploration des algies pelviennes chroniques, permettant d'établir le
diagnostic dans la plupart des cas. L'IRM interviendra dans un deuxième temps pour préciser la cartographie lésionnelle endométriosique
ou préciser l'origine de masses latéro-utérines non étiquetées en échographie.

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