Images en chirurgie

Un iléus biliaire
P. Lê (1), H. Chambon (1), E. Madeuf (2)
(1) Service de Chirurgie Générale, Centre Hospitalier de l’Agglomération Montargoise - Montargis.
e-mail : le.pierre@wanadoo.fr(2) Service de Radiologie, Centre Hospitalier de l’Agglomération
Montargoise - Montargis.

Correspondance : P. Lê, Service de Chirurgie Générale, Centre Hospitalier de l’Agglomération

Montargoise, 658 rue des Bourgoins BP725, 45207 Montargis.

Mots-clés : Voies biliaires. Diagnostic. Traitement. Iléus biliaire.

Une femme, âgée de 66 ans, a été hospitalisée en urgence
en réanimation pour une insuffisance rénale aiguë sévère, liée
à des vomissements bilieux itératifs depuis 48 h sans douleur
abdominale. L’examen de l’abdomen était normal et montrait
une cicatrice médiane sous-ombilicale pour une césarienne.
Les orifices herniaires étaient libres.
Elle avait comme antécédent médical principal une car-
diopathie post-embolique sévère pour laquelle elle prenait des
antivitamines K. Le taux de prothrombine était inférieur à
15 %.
Cliniquement le diagnostic d’hématome du duodénum ou
de l’intestin grêle a été évoqué.
La tomodensitométrie abdominale sans injection a montré
une distension du jéjunum en amont d’une image de tonalité
calcique de 3 cm, un grêle plat en aval, une image aérique
entre la vésicule biliaire et le duodénum mais sans aérobilie
(figures 1 et 2).
Le diagnostic d’iléus biliaire a été retenu. À l’interroga-
toire il n’a pas été retrouvé d’antécédent de colique hépatique
mais un épisode de méléna d’étiologie indéterminée trois ans
auparavant.
Une laparotomie a été réalisée par une médiane sus-ombi-
licale. Un calcul noirâtre (4 × 3 cm) était enclavé dans le jéju-
num à environ 1 mètre de l’angle duodéno-jéjunal, confirmant
le diagnostic d’iléus biliaire. La vésicule biliaire, atrophique,
était recouverte d’adhérences épiploïques non inflammatoi-
res. Le reste de l’exploration de l’intestin grêle était normal
(figure 3). Une entérotomie longitudinale, juste en amont du
calcul, a été réalisée. L’extraction du calcul et une fermeture
sans plastie du jéjunum dilaté par un surjet de fil résorbable a
complété l’intervention (figure 4).
L’iléus biliaire est une occlusion digestive rare, liée au pas-
sage d’un calcul biliaire dans l’intestin, le plus souvent à travers
une fistule cholécysto-duodénale, constituée à bas bruit (80 %
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Figure 1 : Tomodensitométrie : image aérique entre la vésicule Figure 2 : Tomodensitométrie : image arrondie de tonalité
biliaire et le duodénum. calcique avec du grêle plat en aval.

Figure 3 : Intervention : obstacle endoluminal à la jonction

grêle plat-grêle dilaté. Figure 4 : Intervention : calcul obstructif.
J Chir 2003,140, N°3 • © Masson, Paris, 2003
 Un iléus biliaire
des cas). Plus rarement le passage du calcul se fait à travers
une fistule cholécysto-colique ou cholécysto-gastrique [1, 2].
La migration d’un calcul à partir de la voie biliaire principale,
après sphinctérotomie endoscopique ou après cholécystecto-
mie, existe mais est exceptionnelle [2].
Le terrain de prédilection de l’iléus biliaire est celui de la
femme âgée de plus de 70 ans au passé de cholécystite aiguë
ou chronique traitée médicalement. Il se produit un accole-
ment inflammatoire entre la vésicule biliaire et un autre
organe (duodénum, parfois côlon transverse) et la constitution
progressive d’une fistule bilio-digestive favorisée par la com-
pression mécanique exercée par un calcul [3].
Parfois, à l’interrogatoire, on trouve la notion d’une
hémorragie digestive inexpliquée, au décours d’une cholécys-
tite négligée ou traitée médicalement, témoin de la constitu-
tion de cette fistule interne. Le(s) calcul(s), souvent de grande
taille (> 25 mm), s’impacte(nt) après migration ; le plus sou-
vent dans l’iléon terminal (60 % des cas), juste en amont de
la valvule iléo-caecale, parfois dans l’iléon intermédiaire
(25 %), ou le jéjunum (10 %), plus rarement dans le duodé-
num (syndrome de Bouveret) ou le côlon sigmoïde (fistule
cholécysto-colique ou cholécysto-duodéno-colique), parfois
juste en amont d’une sténose organique [4].
Cinquante p. cent des patients ont des antécédents de dou-
leur biliaire. Les symptômes occlusifs dépendent du degré
d’obstruction du tube digestif, et du niveau de blocage du cal-
cul dans l’intestin. Ils peuvent évoluer par à-coups et être res-
ponsables d’une altération importante de l’état général.
Le diagnostic est évoqué le plus souvent à l’imagerie. Les
170 clichés d’abdomen sans préparation peuvent montrer, en plus
des images d’occlusion, un gros calcul s’il est suffisamment
radio-opaque et une aérobilie, qui est inconstante (20 % à
40 % des cas). La vésicule est pathologique ; le canal cystique
n’est pas toujours perméable et l’air qu’elle contient passe
inconstamment dans l’arbre biliaire, se limitant parfois à la
lumière vésiculaire. L’échographie trouve des signes de cho-
lécystite chronique. Parfois la vésicule atrophique n’est même
plus visible [5]. La tomodensitométrie permet de voir avec une
meilleure sensibilité les trois signes : 1) aérobilie ; 2) calcul
(même faiblement radio-opaque) et ; 3) occlusion intestinale
avec son niveau lésionnel (triade de Rigler) [1].
P. Lê, H. Chambon, E. Madeuf
L’intervention chirurgicale consiste à extraire le calcul par
entérotomie, sans geste sur la vésicule biliaire. La palpation
de tout l’intestin grêle est importante car plusieurs calculs obs-
tructifs peuvent être découverts (jusqu’à 20 % des cas) [3].
L’expression ou la fragmentation du calcul est déconseillée car
elle comporte un risque de lésion de l’intestin grêle distendu
et fragilisé. Quelques cas d’intervention menés sous coelio-
scopie ont été rapportés [6]. Peu d’équipes sont en faveur
d’une intervention complète avec réalisation dans le même
temps d’une cholécystectomie et d’une fermeture de la fistule
bilio-digestive chez des patients sélectionnés. Des cas de réci-
dive d’iléus biliaire (jusqu’à 5 %) ou de complications biliaires
(10 %) ont en effet été rapportés après simple entérotomie [2,
7]. Une cholécystectomie secondaire en cas de calcul vésicu-
laire résiduel peut de fait limiter ce risque [3].
Références
1. Delabrousse E, Bartholomot B, Sohm O et al. Gallstone
ileus: CT findings. Eur Radiol 2000;6:938-940.
2. Sfairi A, Patel JC. Gallstone ileus: plea for simultaneous
treatment of obstruction and gallstone disease. J Chir
1997;134:59-64.
3. Reisner RM, Cohen JR. Gallstone ileus: a review of 1001 re-
ported cases. Am Surg 1994;60:441-446.
4. Bornet G, Chiavassa H, Galy-Fourcade D et al. Biliary colo-
nic ileus: an unusual cause of colonic obstruction. J Ra-
diol 1998;79:1499-1502.
5. Kasahara Y, Umemura H, Shiraha et al. Gallstone ileus. Re-
view of 112 patients in the japanese literature. Am J Surg
1980;140:437-440.
6. Franklin ME, Dorman JP, Schuessler WW. Laparoscopic
treatment of gallstone ileus: a case report and review of the
literature. J Laparoendosc Surg 1994;4:265-272.
7. Davies JB, Sedman PC, Benson EA. Gallstone ileus: bewa-
re the silent second stone. Postgrad Med J 1996;72:300-
301.