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© Masson, Paris, 2006 Neurochirurgie, 2006, 52, n° 2-3, 111-118

Article original

EMPYÈMES SOUS-DURAUX DE L’ENFANT :


STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
À propos de cinq cas

O. KLEIN (1), S. FREPPEL (1), H. SCHUHMACHER (2), C. PINELLI (1), J. AUQUE (1),
J.-C. MARCHAL (1)
(1) Département de Neurochirurgie, Hôpital Central, CHU,
29, avenue Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy Cedex.
(2) Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpitaux de Brabois, CHU, Nancy.

SUMMARY: Subdural empyema in children: thera- RÉSUMÉ


peutic strategy. Five cases Les auteurs rapportent une série de cinq empyèmes sous-
duraux (ESD) de l’enfant et de l’adulte jeune, traités
O. KLEIN, S. FREPPEL, H. SCHUHMACHER, C. PINELLI, dans le même service de Neurochirurgie. Nous avons
J. AUQUE, J.-C. MARCHAL (Neurochirurgie, 2006, 52, revu ces 5 cas de manière rétrospective. Il s’agit de
111-118). quatre garçons et d’une fille, âgés de 3 mois à 18 ans au
moment du diagnostic (âge médian : 7 ans). Les ESD
We report a serie of five subdural empyema (SDE) in faisant suite à une chirurgie intracrânienne ont été ex-
children and young adults treated in the same neurosur- clus de cette étude. Tous les patients ont bénéficié d’un
gical department. These five cases were reviewed retro- traitement chirurgical (évacuation par trou de trépan
spectively. There were four boys and one girl, aged from pour l’un d’entre eux, et craniotomie éventuellement
three months to 18 years at time of diagnosis (median répétée pour les quatre autres), suivi d’une antibio-
age: 7 years). SDE following intracranial surgery were thérapie parentérale (durée moyenne : 52 jours) adap-
excluded from the study. All patients were treated surgi- tée au germe en cause. Seuls les deux patients ayant
cally (burr hole evacuation or craniotomy, repeated in bénéficié d’une craniectomie large n’ont nécessité qu’une
some cases), followed by intravenous antibiotic therapy seule intervention chirurgicale.
(mean time : 52 days) adapted to the micro-organism. Les germes retrouvés sont les suivants : Streptococcus
Only the two patients treated by large craniotomy at first intermedius (n = 2), Streptococcus pneumoniae (n = 1),
had a single surgical procedure. Escherichia coli (n = 1), aucun germe identifié (n = 1).
Les cinq patients sont vivants (recul médian : 22 mois),
Involved micro-organisms are as follow: Streptococcus sans aucune séquelles. Nous conseillons un traitement
intermedius (n = 2), Streptococcus pneumoniae (n = 1), chirurgical agressif des ESD de l’enfant avec un grand
Escherichia coli (n = 1), absence of any identified micro- volet osseux qui permet au chirurgien d’ôter le pus et
organism (n = 1). The five patients are alive (median les membranes autant que possible, même dans la fis-
follow-up: 22 month) without any sequelae. sure interhémisphérique, suivi par une antibiothérapie
We advocate an aggressive surgical treatment of SDE in intraveineuse appropriée et l’éradication de la porte
children with a large bone flap to allow the surgeon to d’entrée infectieuse. Même ce traitement « agressif »
remove pus and membranes as much as possible, even peut ne pas empêcher une ré-intervention. Un suivi
in the interhemispheric fissure, followed by intravenous régulier est indispensable en raison du risque élevé de
appropriate antibiotherapy and eradication of the source récidive.
of infection. Even this “aggressive” treatment may some-
times not avoid re-operation. A careful follow-up is
mandatory, because of the high risk of recurrence.
Key-words: subdural empyema, infection, surgery, antibiotherapy, children.

Article reçu le 16 novembre 2004. Accepté le 4 octobre 2005.


Tirés à part : O. KLEIN, à l’adresse ci-dessus.
e-mail : o.klein@chu-nancy.fr
112 O. KLEIN et al. Neurochirurgie

L’empyème sous-dural (ESD) est une collection une chirurgie première : il s’agit d’une chirurgie maxillo-
de pus située entre la dure-mère et l’arachnoïde, faciale pour tuméfaction de la racine du nez. L’enfant
dans un espace normalement virtuel. Il s’agit d’une a secondairement présenté une méningite à pneumo-
pathologie réputée sévère, avec une morbidité et coque, méningite qui s’est compliquée d’un ESD. Le
diagnostic a toujours été posé par un scanner cérébral,
une mortalité non négligeables. Nous présentons réalisé sans et avec injection de produit de contraste.
l’analyse rétrospective d’une série de cinq ESD de Tous les patients ont bénéficié d’un traitement neuro-
l’enfant et de l’adulte jeune, traités dans le même chirurgical.
département de Neurochirurgie. Il existe une La prise en charge infectieuse a été réalisée par le
controverse concernant le traitement chirurgical même médecin infectiologue (sauf pour l’observation
de cette pathologie pour laquelle certains défen- n° 4) et une concertation infectiologue/chirurgien a
dent le drainage par l’intermédiaire d’un simple trou eu lieu pour chacun des patients. Des prélèvements
de trépan et où d’autres proposent une évacuation bactériologiques ont été réalisés au décours de chaque
par craniotomie. C’est cette approche chirurgicale geste chirurgical. Dans 3 cas cependant (obs. n° 2, 3
que nous avons analysée et commentée à la suite et 5), une antibiothérapie avait déjà été délivrée aux
patients.
de notre expérience et des données mentionnées
dans la littérature.
RÉSULTATS
MATÉRIEL ET MÉTHODES Les résultats de la série sont résumés dans le
tableau I. Le tableau II indique la chronologie des
Cinq enfants présentant un ESD, à l’exclusion des traitements chirurgicaux.
ESD dans les suites d’une chirurgie intracérébrale, Les signes cliniques les plus fréquemment re-
ont été admis dans notre service entre le 14 juin 2000 trouvés sont l’hyperthermie (tous les patients),
et le 26 novembre 2003 (période de 3 ans et demi) et puis les crises d’épilepsie (3 patients), un déficit
évalués de manière rétrospective. neurologique focalisé (2 patients), une somnolence
Un de nos patients, correspondant à notre obser- (2 patients), une hypertension intracrânienne (2 pa-
vation n° 4, a cependant été inclus dans la série après tients), des troubles phasiques (1 patient), un syn-

TABLEAU I. — Tableau récapitulatif des observations.


TABLE I. — Summary of clinical cases.

Sexe Antibio-
Délai Porte Micro- Nre de thérapie Recul
Obs. Localisation Clinique GOS
Âge diagnostic d’entrée organisme chirurgie avant (mois)
prélèvement

n° 1 F 21 jours Frontopariétale G Hyperthermie Infection Streptococcus 3 Non 16 I


16 ans Épilepsie sous-cutanée intermedius
Hémiparésie D frontale constellatus
Aphasie gauche
Somnolence

n° 2 M 4 jours Interhémisphéri- Hyperthermie OMA Escherichia 3 Oui (*) 66 I


8 mois que D HIC coli
et frontal D Hypotonie

n° 3 M 15 jours Frontal G Hyperthermie Sinusite – 1 Oui (**) 10 I


18 ans Épilepsie frontale
HIC
coma
n° 4 M 25 jours Convexité D Hyperthermie Méningite Pneumocoque 1 Non 53 I
3 mois Syndrome
méningé

n° 5 M 5 jours Interhémisphéri- Hyperthermie Sinusite Streptococcus 3 Oui (***) 22 I


7 ans que D Épilepsie maxillaire intermedius
et convexité D Hémiparésie G et ethmoïdale
Somnolence
Obs : observation ; M : masculin ; F : féminin ; Chir : chirurgie ; GOS : Glasgow Outcome Scale ; D : droit(e) ; G : gauche ; HIC : hypertension intracrânienne ;
OMA : otite moyenne aiguë. * Augmentin®. ** Claforan® + Fosfocine® + Tibéral®. *** Alfatil®, puis Zéclar®, puis Clamoxyl® + Amiklin®.
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drome méningé (1 patient), un coma (1 patient). moins de 20 ans publiées [6, 11, 16], ce qui rend
Les patients n’ont pas d’antécédents notables, en l’interprétation des données plus difficile, ces sé-
dehors d’une communication interventriculaire ries (y compris la nôtre) étant souvent de petite
bénigne pour l’un d’entre eux (obs. n° 2) et d’une taille. De plus, la plupart des séries importantes
chirurgie faciale ayant précédé l’ESD pour un autre d’empyèmes associent aussi et conjointement l’étude
patient (obs. n° 4). Le délai diagnostic moyen est d’autres suppurations intracrâniennes, comme les
de 14 jours (délai diagnostic médian : 15 jours). abcès cérébraux ou les suppurations extradurales
L’âge médian à l’admission est de 7 ans (extrê- [9, 10, 16].
mes : 3 mois – 18 ans). Le recul dont nous dispo-
sons s’échelonne de 10 à 66 mois (moyenne : 5 ans
et demi). Le recul médian est proche de 2 ans
(22 mois). Le recul moyen est de 33,4 mois. Cha-
que patient a bénéficié d’au moins 8 tomodensito-
métries encéphaliques au total (de 8 à 12) ; un
enfant a bénéficié d’une IRM cérébrale (obs. n° 4)
et un autre de deux IRM (obs. n° 2).
Tous les patients de la série ont bénéficié d’un
traitement chirurgical : ponction par trou de tré-
pan (n = 1), évacuation de la collection par cranio-
tomie (n = 8), pose d’une dérivation sous-durale
externe (n = 1), suivi (tous les patients) et ou mal-
heureusement précédé (n = 3) par un traitement
antibiotique (obs. n° 2, 3 et 5). Aucun patient n’a
bénéficié d’un traitement antibiotique seul. Les
ré-interventions ont toujours été motivées par une
recrudescence du syndrome infectieux biologique
et une augmentation de la taille de l’image scano-
graphique d’ESD. Le diagnostic bactériologique a
pu être obtenu dans quatre cas sur cinq. Dans un
cas (obs. n° 3), l’infection a été décapitée par une
triple antibiothérapie avant qu’un prélèvement ait
été réalisé ; l’hypothèse d’un streptocoque est la a
plus probable, en raison d’une sinusite frontale
non traitée, concomitante à l’ESD. Pour les autres
patients, les germes sont les suivants : Streptococ-
cus intermedius (obs. n° 1 et 5), Streptococcus
pneumoniae (obs. n° 4) (germes cohérents avec
les portes d’entrée retrouvées) et Escherichia coli
(obs. n° 2). La durée moyenne de l’antibiothéra-
pie adaptée au germe est de 52,4 jours (31 jours –
86 jours).
Les trois patients (obs. n° 1, 2 et 5) présentant
une épilepsie ont pu être sevrés du traitement anti-
épileptique. Nous n’avons jusqu’à présent observé
aucune épilepsie secondaire chez les 2 patients
n’ayant pas initialement fait de crises. Actuellement,
aucun patient n’est donc sous traitement anti-
épileptique.
Aucun patient n’est décédé ; nous considérons
que les 5 patients sont guéris (10 mois de recul
pour le dernier patient inclus), avec une qualité de
vie normale pour tous (GOS = I). b
FIG. 1. — a) Empyème sous-dural frontal droit (cas n° 2) :
aspect pré-opératoire. b) Aspect post-opératoire : absence
DISCUSSION de collection infectieuse résiduelle.
FIG. 1. — a) Right frontal subdural empyema (case 2): pre-
Il existe peu de séries exclusivement pédiatri- operative state. b) Post-operative state: no residual infec-
ques ou, tout au moins, de séries de patients de tious collection.
114 O. KLEIN et al. Neurochirurgie

FACTEURS DE RISQUE – DONNÉES ÉTIOLOGIQUES mis dans 2 cas de retrouver une porte d’entrée
pour le germe (sinusite frontale et maxillaire des
La plupart des séries publiées dans la littéra- observations n° 3 et 5).
ture retrouve comme facteur de risque étiologique
principal une sinusite (frontale ou maxillaire), une La présentation clinique est pratiquement
otite moyenne ou plus rarement une mastoïdite commune à celle des autres suppurations intra-
[1, 3, 4, 7-10, 14, 16]. Nous retrouvons ces mêmes crâniennes et peut associer diversement : fièvre
données avec, notamment, deux portes d’entrée élevée (39-40 °C), hypertension intracrânienne,
sinusiennes et une otite moyenne aiguë, dans une crises d’épilepsie, déficit neurologique focalisé,
troubles variables de la conscience, coma. Chez
série qui exclut toute collection sous-durale post-
l’enfant, l’épilepsie serait plus fréquente dans les
opératoire. En effet, dans l’article de Hlavin et al.
tranches d’âge supérieures (12-16 ans), ainsi que
[10] où les empyèmes de toute origine sont étu-
les déficits neurologiques focaux [16]. Nous re-
diés, le principal facteur de risque est l’antécédent
trouvons des données similaires dans notre série
de craniotomie, retrouvé pour 66 % des patients. où seuls les enfants de plus de 7 ans ont présenté
L’origine post-méningitique, comme le cas que nous des crises au moment du diagnostic (obs. n° 1, 3
rapportons (obs. n° 4), est rare [13]. Cependant, et 5).
Smith et al. [16], dans une série d’ESD exclusive-
ment pédiatrique, retrouvent une origine post- L’association d’emblée ou à distance à un abcès
méningitique fréquente pour la tranche d’âge intraparenchymateux a été retrouvée chez certains
6 semaines-2 ans. Ces empyèmes post-méningitiques auteurs et, pour un cas, de notre série (obs. n° 1) [9,
du nourrisson contribuent à notre sens à justifier 10, 16].
la vaccination anti-pneumococcique chez l’enfant.
De façon logique, puisque appartenant à la flore PRONOSTIC
ORL, le germe le plus souvent retrouvé est le strep- Il s’agit d’une pathologie réputée avoir mau-
tocoque (Streptococcus intermedius ou constellatus) vais pronostic, bien que celui-ci ne cesse de s’amé-
[3, 9, 16], même si d’autres micro-organismes sont liorer [12]. On retrouve jusqu’à 24 % de mortalité
rapportés : Pseudomonas aeruginosa, Peptococcus dans certaines séries [15]. On retrouve également
species, ou l’association de plusieurs germes, mais un chiffre élevé (18,5 %) chez Hlavin et al., mais
essentiellement pour les ESD dans les suites d’in- cette série comporte enfants, adultes et essentiel-
terventions neurochirurgicales [7, 10]. Pour les lement des ESD post-chirurgie crânienne conven-
rares ESD infra-tentoriels, l’origine semble être le tionnelle [10]. Parmi les complications rapportées,
plus souvent la complication d’une otite moyenne on retrouve : persistance d’un déficit neurologi-
chronique [5]. que (retrouvé pour un patient sur deux dans la sé-
rie de Dill et al. [8]), épilepsie, troubles cognitifs.
DIAGNOSTIC Par ailleurs, un délai de diagnostic plus long cor-
respond à un pronostic plus défavorable [3, 9, 10].
Hlavin et al. [10] signalent la possibilité pour Nous n’avons aucun patient décédé dans notre
l’examen scanographique d’être pris en défaut pour courte série, ni aucune morbidité (en particulier
le diagnostic d’empyème sous-dural (ESD), c’est- pas d’épilepsie).
à-dire la possibilité de faux négatifs. Nous n’en
n’avons pas rencontré dans notre série où le dia-
gnostic a pu être établi par tomodensitométrie PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

dans tous les cas ; de plus, cet examen a été parti- La prise en charge des ESD de l’enfant a pu
culièrement démonstratif (figures 1 et 2) et a per- être davandage standardisée dans notre institution


FIG. 2. — Évolution chez un même patient (obs. n° 4). a) Tomodensitométrie (TDM) initiale : empyème sous-dural de la
convexité droite et de la faux. b) Première TDM post-opératoire : bonne évacuation de la collection frontale droite ; persis-
tance de l’empyème de la faux et d’une collection pariétale droite. c) TDM réalisée avec injection après antibiothérapie
adaptée : persistance d’une hypodensité pariétale droite et au niveau de la faux, non rehaussée ; cet aspect a été interprété
comme une évolution favorable des lésions et l’antibiothérapie a été arrêtée (à 44 jours). d) TDM réalisée 7 jours après la
précédente : majoration des lésions précédentes et prise de contraste périphérique. e) TDM réalisée après la seconde inter-
vention : persistance d’une collection au niveau de la faux et au niveau pariétal, malgré la chirurgie ; une troisième interven-
tion a été nécessaire. f) Dernière TDM : absence de toute collection infectieuse résiduelle.
FIG. 2. — Évolution of the same patient (case 4). a) Initial CT-scan: right convexity and falx subdural empyema. b) First post-
operative CT-scan: good evacuation of the right frontal collection persistence of the falx empyema and the right parietal collec-
tion. c) CT-scan with contrast agent realized after dedicated antibiotherapy: persistence of a right parietal and falx hypodensity
without contrast enhancement; this aspect was interpreted as a favourable evolution of the lesions and antibiotherapy was
stopped (at 44 days). d) CT-scan, 7 days after the previous scan: increase of previous lesions and peripheral contrast enhance-
ment. e) CT-scan performed after the second operation: persistence of a right parietal and falx collection despite the surgery; a
third operation was necessary. f) Last CT-scan: absence of any residual infectious collection.
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a b

c d

e f
116 O. KLEIN et al. Neurochirurgie

TABLEAU II. — Chronologie des traitements chirurgicaux.


TABLE II. — Chronology of surgical treatments.

Observation Traitement 1 Traitement 2 Traitement 3

n° 1 Craniotomie limitée Craniotomie large Biopsie stéréotaxique (abcès)

n° 2 Trou de trépan DSDE Craniotomie large

n° 3 Craniotomie large – –

n° 4 Craniotomie large – –

n° 5 Craniotomie limitée Craniotomie limitée* Craniotomie limitée*


DSDE : dérivation sous-durale externe. * Prolongeant et agrandissant vers l’arrière la craniotomie précédente.

lors de l’arrivée d’un médecin infectiologue atta- tomie large que nous préconisons a l’avantage de
ché au service, qui a pu suivre quatre de ces en- pouvoir effondrer des poches de pus, probablement
fants. Un enfant (obs. n° 4) a été traité avant responsables de zones résistantes au traitement
l’arrivée de ce médecin. Une discussion infectiolo- antibiotique en raison de l’épaisseur de la coque
gue/chirurgien et, le cas échéant, /réanimateur a inflammatoire à ce niveau, ce qui est constaté en
eu lieu pour chaque cas. Hormis pour le cas le per-opératoire.
plus ancien (obs. n° 2), tous les enfants ont été Bok et al. ne partagent pas cette analyse : le
traités par craniotomie en regard de l’empyème, pronostic est identique lorsque sont réalisés un(des)
associée à une antibiothérapie intraveineuse paren- trou(s) de trépan ou une craniotomie [4]. Cepen-
térale. Deux craniotomies limitées ont nécessité dant, cette étude appelle plusieurs remarques : d’une
dans chacun des cas une intervention chirurgicale part, à notre sens, l’hétérogénéité importante des
complémentaire, avec élargissement de la première traitements chirurgicaux rapportés (trou de trépan,
zone de craniotomie. Les deux patients qui ont trous de trépan multiples, craniotomie, craniecto-
d’emblée bénéficié d’une craniotomie large (obs. mie, association de l’une ou l’autre des thérapeu-
n° 3 et 4) n’ont nécessité aucune intervention chi- tiques précédentes) ne permet pas d’obtenir une
rurgicale secondaire (tableau II). conclusion fiable ; d’autre part, les auteurs souli-
Une autre question est celle du traitement de gnent que la technique qui consiste à réaliser un
la porte d’entrée de l’infection : par exemple, le ou des trous de trépan a pour corollaire un plus
drainage concomitant au traitement de l’ESD d’une grand nombre de ré-interventions, ce que nous
collection purulente sinusienne. Dans un cas, nous tenons à éviter.
avons réalisé conjointement la procédure neuro- D’autres auteurs préconisent la réalisation d’un
chirurgicale et la pose d’un drain d’Albertini en trou de trépan « élargi » [7], option à laquelle nous
raison d’une sinusite maxillaire bloquée (obs. n° 5). ne sommes pas favorables chez le nourrisson et le
petit enfant où il est important de conserver une
TECHNIQUE NEUROCHIRURGICALE couverture osseuse optimale (risque d’évolution
Au fur et à mesure de notre expérience et de vers une fracture déhiscente). Certains auteurs
l’analyse de nos observations, un élément nous est avancent que la précocité du traitement de l’ESD
apparu essentiel : l’importance de la zone de cranio- est plus importante que la technique chirurgicale
tomie initiale, seule capable de permettre l’éva- [4, 9]. Emery et al. présentent une série de 9 ESD
cuation complète de la suppuration et d’effondrer (mais dont deux sont associés à un empyème
toutes les poches de pus. extradural), tous traités par trou de trépan élargi
Certains auteurs proposent un traitement et aspiration-lavage avec un pronostic favorable
« conservateur » des ESD, c’est-à-dire antibiothé- pour 62,5 % des survivants [9]. Dans la série de
rapie, mais pas de chirurgie, sous certaines condi- Ouahes, où la grande majorité des patients ont
tions [2, 15]. Ces séries sont controversées : le été opérés par la technique des trous de trépan,
traitement est la plupart du temps voué à l’échec les ré-interventions sont fréquentes : en effet, les
[2] et une telle attitude ne semble plus acceptable 17 patients ont subi 32 interventions au total, avec
actuellement. 6 patients opérés à trois reprises [14].
Ne pas opérer, même sous conditions très Nous pensons que la précocité de mise en route
« strictes », ne permet pas d’éliminer le risque de du traitement est, certes, un facteur essentiel, mais
thrombose veineuse corticale en regard du foyer nous restons dubitatifs, comme certains auteurs
infectieux [10], et donc expose à des accidents is- [1, 3, 11] vis-à-vis du traitement par trou de trépan
chémiques d’origine veineuse. De plus, la cranio- en raison du caractère souvent étendu (localisa-
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tion à la convexité et interhémisphérique) (obs. CONCLUSION


n° 2 et 5) ou multifocal (une collection antérieure
et une collection plus postérieure (obs. n° 5) de Nous pensons, après analyse de notre série, que
l’ESD. Certains auteurs ont une approche plus chez l’enfant le traitement chirurgical par large cra-
radicale en disant que le traitement par trou de niotomie associé à une antibiothérapie intraveineuse
trépan n’est pas acceptable [1]. D’autre part, les est le traitement de choix. Il s’agit d’une véritable
données per-opératoires plaident également pour urgence neurochirurgicale et infectiologique.
un traitement « large », en montrant souvent une À notre sens, la chirurgie reste indispensable
lésion avec des parois épaisses qui peut, dans cer- et le traitement « conservateur » des ESD n’est
tains cas, être ôtée comme une véritable tumeur pas adapté. Le pronostic est le plus souvent favo-
(observation n° 3 où deux poches distinctes sont rable, sous réserve d’une prise en charge précoce
mises en évidence et effondrées). Enfin, en l’ab- en milieu spécialisé, d’un traitement chirurgical
sence de décompression cérébrale large et précoce, précoce (craniectomie large et évacuation des col-
le risque thrombogène au niveau des veines corti- lections) et d’une antibiothérapie parentérale intra-
cales superficielles (avec possible ischémie céré- veineuse pendant au moins 6 semaines, adaptée au
brale) et le risque de voir apparaître un œdème germe en cause avec une surveillance ultérieure
cérébral secondaire restent présents. (clinique et scanographique), elle-même prolongée
(au moins un an).
ANTIBIOTHÉRAPIE
Une bi-antibiothérapie parentérale, intravei- RÉFÉRENCES
neuse, synergique, bactéricide, à large spectre, as-
sociée au moins au début à un anti-anaérobie nous [1] BANNISTER G, WILLIAMS B, SMITH S. Treatment of sub-
semble indispensable après prélèvement in situ. À dural empyema. J Neurosurg 1981 ; 55 : 82-88.
partir des résultats de l’antibiogramme, le traite- [2] BENSAID P, DANTAS F, LECACHEUX C, GANDON-
LALOUM S, N’GUYEN B, YASEEN H. Tentative de
ment est adapté en fonction du profil du germe. traitement non chirurgical d’emblée d’un empyème
Nous préconisons une durée de traitement par sous-dural. Pediatrie 1993 ; 7/8 : 529-532.
voie parentérale de 6 à 8 semaines au minimum. [3] BOCKOVA J, RIGAMONTI D. Intracranial empyema. Pediatr
La surveillance clinique et biologique de ce traite- Infect Dis J 2000 ; 19 : 735-737.
ment doit être stricte. Nous avons observé deux [4] BOK APL, PETER JC. Subdural empyema: burr holes or
agranulocytoses imputables au Claforan® (obs. craniotomy ? A retrospective computerized tomography-
n° 1 et 3), régressives à l’arrêt de ce traitement. era analysis of treatment in 90 cases. J Neurosurg 1993 ;
78 : 574-578.
Nous ne partageons pas l’opinion de De Falco [7] [5] BOROVICH B, JOHNSTON E, SPAGNUOLO E. Infratentorial
qui préconise de laisser en place, en post-opératoire, subdural empyema: clinical and computerized tomogra-
pendant 10 jours, un drainage sous-dural, afin de phy findings. Report of three cases. J Neurosurg 1990 ;
réaliser l’administration in situ d’antibiotiques. En 72 : 299-301.
effet, outre la toxicité locale des traitements, le [6] CHEN CY, HUANG CC, CHANG YC, CHOW NH, CHIO CC,
risque d’apparition de germes résistants est très ZIMMERMAN RA. Subdural empyema in 10 infants: US
characteristics and clinical correlates. Radiology 1998 ;
élevé.
207 : 609-617.
L’analyse de cette série pose également le pro- [7] DE FALCO R, SCARANO E, CIGLIANO A, RUSSO G, PRO-
blème du traitement antibiotique qui a été délivré FETA L, ANNICCHIARICO L, et al. Surgical treatment of
initialement chez ces enfants. En effet, trois patients subdural empyema: a critical review. J Neurosurg Sci
(obs. n° 2, 3 et 5) ont reçu un traitement anti- 1996 ; 40 : 53-58.
biotique avant tout prélèvement. Cette attitude est [8] DILL SR, COBBS G, MCDONALD CK. Subdural empyema:
cohérente pour deux patients présentant un foyer analysis of 32 cases and review. Clin Infect Dis 1995 ; 20 :
372-386.
infectieux identifié, car cette antibiothérapie a été
[9] EMERY E, REDONDO A, BERTHELOT JL, BOUALI I, OUA-
instaurée avant tout signe clinique pouvant orien- HES O, REY A. Abcès et empyèmes intracrâniens: prise
ter vers un ESD (obs. n° 2 et 5). Cependant, dans en charge neurochirurgicale. Ann Fr Anesth Reanim
notre observation n° 5, les changements itératifs 1999 ; 18 : 567-573.
d’antibiothérapie ont pu favoriser la sélection de [10] HLAVIN ML, KAMINSKI HJ, FENSTERMAKER RA, WHITE RJ.
souches résistantes. Enfin, dans un dernier cas Intracranial suppuration: a modern decade of postope-
(obs. n° 3), une triple antibiothérapie intraveineuse rative subdural empyema and epidural abscess. Neuro-
surgery 1994 ; 34 : 974-981.
réalisée avant tout prélèvement chirurgical, alors
[11] HOCKLEY AD, WILLIAMS B. Surgical management of
que le scanner montre une image typique d’ESD, subdural empyema. Child’s Brain 1983 ; 10 : 294-300.
nous semble inacceptable (d’ailleurs, pour cette [12] KEET PC. Cranial intradural abscess management of
observation, aucun micro-organisme n’a pu être 641 patients during the 35 years from 1952 to 1986. Br
identifié par la suite). J Neurosurg 1990 ; 4 : 273-278.
118 O. KLEIN et al. Neurochirurgie

[13] OGILVY CS, CHAPMAN P, MCGRAIL K. Subdural [15] PATHAK A, SHARMA B, MATHURIYA S, KHOSLA VK, KHAN-
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