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Résumé :

Les traumatismes de bourses arriveraient en troisième position au sein de la pathologie


traumatique en urologie, et malgré qu’ils touchent fréquemment la population jeune, et qu’ils
puissent compromettre la sexualité et la fertilité, les traumatismes de bourses sont souvent
sous-estimés. L’objectif de cette étude est de décrire les caractéristiques épidémiologiques,
cliniques, paracliniques, thérapeutiques, et évolutives des traumatismes des bourses. Nous
avons réalisé une étude monocentrique, rétrospective auprès des patients pris en charge dans
le service des urgences urologique pour traumatisme des bourses, en analysant les comptes
rendus opératoires. Les données sociodémographiques, anamnestiques, cliniques,
échographiques, opératoires, et évolutives ont été colligées.,Sur la période d’étude 72 patients
avaient eu un traumatisme de bourses, dont l’âge moyen était de 31 ans (SD ± 3,6 ans).
L’anamnèse a révélé les accidents de la voie publique comme étant la principale étiologie. Le
délai moyen de consultation était de 25 heures (6-72). Le traumatisme de bourses était de
nature fermé dans 61 cas. Un scrotum augmenté de volume était le motif de consultation dans
59% des cas. L’échographie scrotale avait objectivé une hématocèle (n=16), et une rupture de
l’albuginée (n=8). En outre, le traitement chirurgical a consisté en une évacuation des
hématomes scrotaux (n=38), une résection pulpaire avec suture de l’albuginée (n=3), et une
orchidectomie (n=4). Le suivi des complications au long cours a montré une atrophie
testiculaire (n=4), et une douleur testiculaire résiduelle (n=2). L’exploration chirurgicale
précoce reposée sur la confrontation des données de l’examen clinique à celles de
l’échographie scrotale, est en faveur d’améliorer le pronostic fonctionnel et de diminuer le
taux d’orchidectomie.

Mots clés : Traumatisme des bourses, hématocèle, échographie scrotale, exploration


chirurgical précoce.

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Aux éditeurs du Pan African Medical Journal

Une incidence cumulative de 10% à 20% était rapportée dans les études de cohorte réalisées
sur les traumatismes urogénitaux [1-3]. Après les traumatismes du rein et de la vessie, les
traumatismes des bourses arriveraient en troisième position au sein de la pathologie
traumatique en urologie [4]. Malgré qu’ils soient des traumatismes assez fréquents touchant
des sujets jeunes, et qu’ils puissent compromettre la sexualité et la fertilité [5], les
traumatismes des bourses sont souvent sous-estimés.

Le diagnostic de ces traumatismes fait appel généralement à l’examen clinique, et à


l’échographie pour plus de précision et pour une meilleure prise en charge. En présence de
grosse bourse et d’hématocèle clinique, l’exploration chirurgicale précoce présente le
traitement de base des traumatismes des bourses [4].

Au Maroc, un faible nombre d’étude réalisée sur les traumatismes des bourses. Le but de
notre travail est de décrire les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, paracliniques et
thérapeutiques des traumatismes scrotaux dans notre service d’urologie.

Nous avons mené une étude rétrospective monocentrique qui s’est déroulée entre 1 Janvier
2017 et 31 Décembre 2019, au sein du service des urgences chirurgicales de l’hôpital Ibn
Rochd de Casablanca, Maroc. Tous les patients admis pour traumatisme des bourses dans le
service ont été inclus dans cette étude. Notre étude s’était basée sur un questionnaire qui
comporte :

 Données sociodémographiques
 Données anamnestiques
 Données cliniques
 Données paracliniques : résultats d’échographie.
 Données thérapeutiques: traitement chirurgical, traitement médicamenteux.
 Evolution : favorable, complication.

Soixante-douze patients pris en charge pour un traumatisme de bourses, ont été colligés
durant la période d’étude. Les données sociodémographiques et anamnestiques de la
population de l’étude sont présentées dans le tableau 1.

En termes de la nature du traumatisme scrotal, il s’agissait essentiellement d’un traumatisme


fermé chez 61 cas, et ouvert chez 11 cas. Les signes cliniques observés et les résultats de
l’échographie scrotale réalisée sont illustrés dans le tableau 2, et figure 1.

En confrontant les résultats de l’échographie scrotale aux résultats de l'exploration


chirurgicale, on constatait:

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 entre les 16 cas pour lesquels l’échographie scrotale avait objectivé une hématocèle,
l’exploration chirurgicale a confirmé en 14 cas qu’il s’agissait effectivement d’une
hématocèle ;
 entre les 8 cas pour lesquels l’échographie scrotale avait objectivé une rupture de
l’albuginée, l’exploration chirurgicale a confirmé en 6 cas qu’il s’agissait
effectivement d’une rupture de l’albuginée ;
 entre les 13 cas pour lesquels l’échographie scrotale avait objectivé un hématome
intratesticulaire, l’exploration chirurgicale a confirmé en 11 cas qu’il s’agissait
effectivement d’un hématome intratesticulaire.
Par ailleurs, la sensibilité de l'échographie était de 87,5%, de 75%, et de 84,6% pour l’
hématocèle, pour la rupture de l’albuginée, et pour l’hématome intratesticulaire
respectivement.
Un traitement médicamenteux était instauré chez 16 patients (22,2%), consistant
essentiellement en un repos au lit, port d’un suspensoir, une surveillance clinique, une
antibiothérapie (à base d’amoxicilline-acide clavulanique, ciprofloxacine), et un traitement
antalgique et anti-inflammatoire (à base de paracétamol-codéine, diclofénac et de
serrapeptase).

Le traitement chirurgical a été pratiqué dans 56 cas de notre série, il s’agissait de :

 31 cas d’hématocèle ayant indiqué une évacuation associée à un drainage scrotal; 


 8 cas de rupture de l’albuginée ayant indiqué une résection pulpaire avec suture de
l’albuginée ;
 13 cas d’hématome intratesticulaire ayant indiqué un drainage ;
 4 cas de rupture testiculaire ayant indiqués une orchidectomie.

L’évolution était favorable chez la majorité des malades (66 cas). Seulement 6 patients, ont eu
de complications andrologiques, il s’agissait :

 d’une atrophie testiculaire chez 4 malades, et


 d’une douleur testiculaire résiduelle chez 2 malades.

Dans cette étude, nous avons enregistré 24 cas de traumatisme scrotal par an. Le scrotum et
les testicules sont relativement bien protégés contre les dommages graves pour les raisons
suivantes: les testicules sont intrinsèquement mobiles dans le scrotum; la peau scrotale offre
une élasticité raisonnable permettant aux structures internes de s'échapper du point de contact
en cas de traumatisme contondant; et la tunique albuginée sert de défense physique fibreuse
solide [6]. Ceci peut expliquer la faible fréquence des traumatises des bourses.

L’âge jeune de nos malades (31ans en moyenne) était comparable avec les données de
littérature moderne. Eya Mohameden 2018 [7], et Saadi et al 2019 [5], ont rapporté une
moyenne d’âge de 27 ans et 27,53 ans respectivement. Ce sont des jeunes, et appartiennent à
la catégorie la plus active de la population, et sont par conséquent plus exposés aux
traumatismes des bourses dus aux accidents du travail, sportifs, et surtout de la route.

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Nous avons noté un court délai de consultation (25 heure en moyenne) chez tous les cas ayant
présenté un traumatisme scrotal ouvert et fermé, la chose que nous peuvent l’expliquer par
l’aspect spectaculaire des lésions, et l’inconfort du patient qui ont poussé le patient à consulter
dès le lendemain.

Dans cette étude, l’hématocèle était observée cliniquement dans 21 cas. Dans sa globalité, la
symptomatologie clinique observée dans notre série est semblable à celle des séries de
Randhawa et al [6], Eya Mohameden [7], et Fatogoma Dit Ladji Kone [8]. L’examen
clinique est parfois difficile à établir devant une douleur scrotale constante (100%), et un
scrotum augmenté de volume (40,2%) ce qui empêche l’établissement d’un bilan lésionnel
complet et précis. L’échographie scrotale a permet d’observer des lésions (hématocèle,
hématomes intratesticulaires, ruptures de l’albuginée) non observés cliniquement.

À l’égard de l’intérêt de l’échographie scrotal en décrivant les lésions traumatiques, quand


l’hématocèle n’est pas claire cliniquement, l’échographie montre son apport par des signes
spécifiques de la rupture de l’albuginée, tels que la fracture du testicule, l’hématome
testiculaire, et les anomalies du doppler. Par contre, une hématocèle cliniquement évidente
peut justifier une exploration précoce des bourses sans recours à l’échographie [5].

Les résultats de l’échographie scrotale ont orienté notre choix de traitement conservateur
(évacuation des hématomes intratesticulaires, drainage des hématocèles, et résection pulpaire
avec suture de l’albuginée) chez 34 malades. Comme l’exigent les recommandations des
sociétés savantes, le traitement conservateur des traumatismes scrotaux a été majoritaire dans
cette série (52/56).

L'exploration chirurgicale précoce avec réparation du traumatisme confère :

 un faible taux d'orchidectomie, d'infection, de douleur, d'atrophie, de nécrose


 une durée réduite de convalescence, d’invalidité, et d’hospitalisation ;
 des taux accrus de récupérabilité et de préservation de la fertilité et de la fonction
hormonale [6,9].

Quant aux séquelles du traumatisme de la bourse. Des mécanismes auto-immuns, des lésions
post traumatiques de la micro-vascularisation du testicule, et une ischémie par compression de
la pulpe testiculaire contre l'albuginée, sont des mécanismes qui peuvent être à l’origine de
l’atrophie testiculaire. La physiopathologie des douleurs testiculaires résiduelles reste mal
connue [10].

Conclusion :

À l’égard des traumatismes scrotaux, la thérapeutique ne doit pas être retardée, et


l’exploration chirurgicale précoce reposée sur la confrontation des données de l’examen
clinique à celles de l’échographie scrotale, est en faveur d’améliorer le pronostic fonctionnel
et de diminuer le taux d’orchidectomie.

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Conflit d'intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts

Contribution des auteurs :

AK: rédaction de l´article, collecte et analyse des données. YS: participation à la rédaction et
à l´analyse des données et révision de l´article; SD: révision de l´article; MD: révision de l
´article; AD: révision de l´article; RA: révision de l´article.

Tableaux et figures
Tableau 1. Données sociodémographiques et anamnestique de la population de l’étude
Tableau 2. Répartition des malades selon les signes cliniques et échographiques
Figure 1. Aspect peropératoire d’un hématome testiculaire au dépend du pole inférieur du testicule
gauche secondaire à une agression

Références :

1- Veeratterapillay R, Fuge O, Haslam P, Harding C, Thorpe A. Renal trauma. J Clin Urol.


2017;10:379–90.

2. Grimsby GM, Voelzke B, Hotaling J, Sorensen MD, Koyle M, Jacobs MA. Demographics
of pediatric renal trauma. J Urol. 2014;192:1498–502.

3. Viola TA. Closed Kidney Injury. Clin Sports Med. 2013;32:219–27.

4-Culty T,Ravery V. Traumatismes scrotaux : stratégie de prise en charge. Annales


d’Urologie 2006 ; 40(2) : 117–125. 

5- Saadi A, Saadi H, Chakroun M, Karray O, Achour N, Bouzouit A, et al. Traumatismes


scrotaux : intérêt de l’échographie préopératoire dans la prédiction de la rupture de
l’albuginée. Progrès En Urologie 2019; 29(13): 654–655.

6- Randhawa H, Blankstein U, Davies T. Scrotal trauma: A case report and review of the
literature. Can Urol Assoc J. 2019;13(6 Suppl4):S67-S71.

7- Eya Mohameden, Traumatismes des organes génitaux externes (à propos de 34 cas), Thèse
de médecine, n° 120/18, Faculté de Médecine et de pharmacie de Fez, Université Mohamed
ben abdellah, 2018.

8- Fatogoma Dit Ladji Kone, traumatisme des organes génitaux externes masculins : étude
épidémie-clinique et thérapeutique dans le service d’urologie du chu-Gabriel Toure,Thése de
Médecine, Faculté de médecine, Université des sciences, des techniques et des technologies
de Bamako, 2018.

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9- Kitrey ND, Djakovic N, Gonsalves M, et al. EAU guidelines on urological trauma.
European Association of Urology; 2016. [Accessed Feb. 7, 2019]. Available at:
https://uroweb.org/individual-guidelines/non-oncology-guidelines

10- Grima F, Paparel P, Devonec M, Perrin P, Caillot JL, Ruffion A. Prise en charge des
traumatismes des corps caverneux du pénis. Progrès en Urologie 2006. 16 :12-18.

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