Pour citer cet article : Debroczi S, Fischer M-O. Hypertension artérielle périopératoire. Anesth Reanim. (2023), https://doi.

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10.1016/j.anrea.2023.05.003

Anesth Reanim. 2023; xx: xxx

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Revue
Hypertension artérielle périopératoire

Stéphane Debroczi 1, Marc-Olivier Fischer 2

Disponible sur internet le : 1. CHU de Caen-Normandie, département d'anesthésie-réanimation de chirurgie

cardio-thoracique et vasculaire, 14000 Caen, France
2. Institut Aquitain du Cœur, clinique Saint-Augustin, ELSAN, 114, avenue d'Arès,
33074 Bordeaux cedex, France

Correspondance :
Stéphane Debroczi, CHU de Caen-Normandie, département d'anesthésie-
réanimation de chirurgie cardio-thoracique et vasculaire, 14000 Caen, France.
debroczi-s@chu-caen.fr

Mots clés Résumé

Hypertension artérielle
Pression artérielle L'hypertension artérielle (HTA) est une pathologie dont la prévalence augmente dans la population
Périopératoire générale. La gestion de ces patients est donc un véritable enjeu de santé publique, car l'HTA
Anti-hypertenseurs s'accompagne d'une augmentation de la morbi-mortalité. En périopératoire, il est ainsi indispen-
sable de définir une stratégie adaptée, en évaluant efficacement les patients hypertendus dès la
période préopératoire. Dès la consultation d'anesthésie, le dépistage de l'HTA et de ses compli-
cations devrait être recherché afin de définir et de confronter au mieux le risque patient au risque
chirurgical, et permettre d'anticiper la gestion des thérapeutiques antihypertensives. L'optimisa-
tion hémodynamique peropératoire doit ainsi combiner le maintien d'une pression artérielle
adaptée à la perfusion des organes ainsi qu'une éviction des pics hypertensifs, afin de réduire les
complications cardiovasculaires et hémorragiques. La surveillance adéquate de la pression arté-
rielle combinée à la recherche d'atteinte d'organe induite par la maladie hypertensive en
périopératoire, ainsi que la gestion de la reprise des anti-hypertenseurs habituels doit faire partie
intégrante de cette optimisation hémodynamique.

Keywords Summary
Blood pressure
Operating room Perioperative hypertension
Anesthesia
The prevalence of arterial hypertension is increasing in the general population. The management
Anesthesiology
of these patients is, therefore, a real public health issue, because hypertension is accompanied by
Hypertension
an increase in morbidity and mortality. During the perioperative period, it is therefore essential to
define an appropriate strategy, by effectively assessing hypertensive patients preoperatively.
Screening for hypertension and its complications should be sought in order to define and better
confront the patient risk with the surgical risk, in order to anticipate the management of
antihypertensive therapy. Intraoperative hemodynamic optimization must therefore combine
the maintenance of a blood pressure adapted to organ perfusion and the avoidance of

tome xx > n8x > xx 2023

https://doi.org/10.1016/j.anrea.2023.05.003
© 2023 Publié par Elsevier Masson SAS au nom de Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar).

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ANREA-776
 Pour citer cet article : Debroczi S, Fischer M-O. Hypertension artérielle périopératoire. Anesth Reanim. (2023), https://doi.org/
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S. Debroczi, M-O Fischer

Revue
hypertensive peaks, in order to reduce cardiovascular and hemorrhagic complications. Adequate
monitoring of blood pressure combined with the search for perioperative hypertension-mediated
organ damage, as well as the management of usual antihypertensive drugs must be an integral
part of this hemodynamic optimization.

Abréviations d'anesthésie chez les patients âgés de plus de 60 ans en France,

ASA American Society of Anesthesiologists avec en parallèle une augmentation quasi linéaire de la pré-
PA pression artérielle valence des classes ASA 3, 4 [5].
HTA hypertension artérielle
ESC European Society of Cardiology La population de patients hypertendus devant bénéficier d'une
PAS pression artérielle systolique prise en charge anesthésique s'apparente donc à une population
PAD pression artérielle diastolique à risque, du fait des complications liées à l'HTA sur la période
HAS Haute Autorité de santé
ECG électrocardiogramme périopératoire, mais également du fait des comorbidités de
BNP brain natriuretic peptide cette population plus âgée [6].
NT-proBNP N-terminal pro-brain natriuretic peptide La prise en charge périopératoire du patient hypertendu est ainsi
PAM pression artérielle moyenne
IEC inhibiteur de l'enzyme de conversion un réel enjeu de santé publique, y compris pour l'anesthésiste-
ARAII antagoniste des récepteurs à l'angiotensine II réanimateur, nécessitant une stratégie optimale de prise en charge.
ACFA arythmie complète par fibrillation auriculaire
Définitions
Hypertension artérielle
Introduction La Société européenne de cardiologie (et plus récemment, la
Épidémiologie de l'hypertension artérielle Société internationale de l'hypertension) propose des seuils
L'hypertension artérielle (HTA) est une pathologie courante dont clairs de pression artérielle (PA), définissant le caractère normal,
la prévalence dans la population générale était estimée à plus normal haut ou pathologique de la pression artérielle (tableau I)
d'un milliard dans le monde en 2015, prévalence en constante [7,8].
augmentation dans les pays développés [1]. En 2018, l'Inserm Ces sociétés savantes proposent également de tenir compte du
estimait que 65 % de la population de plus de 65 ans était contexte durant lequel la PA est mesurée, différenciant une
atteinte d'hypertension artérielle, pathologie par ailleurs forte- prise en cabinet médical, en ambulatoire sur 24 h ou à domicile.
ment sous-diagnostiquée puisque la moitié de cette population Ces stratégies sont proposées afin de s'affranchir de l'effet
serait hypertendue non diagnostiquée [2]. blouse blanche mais également pour éliminer une HTA mas-
Entre 2019 et 2050, les projections démographiques en Europe quée (pression artérielle paradoxalement normale en cabinet,
anticiperaient une hausse d'environ 60 % du nombre de sujets et élevée à domicile), et résumées dans le tableau II.
âgés de 75 à 84 ans selon l'organisme officiel Eurostat, impac- Durant la période postopératoire, l'HTA sévère est parfois définie
tant donc probablement le nombre de sujets hypertendus [3]. par des seuils de PA systolique (PAS) et PA diastolique (PAD) plus
Cette pathologie peut être considérée comme étant systémique, bas (respectivement > 160 mmHg et/ou  110 mmHg) [4].
chaque organe vascularisé peut en subir les conséquences,
augmentant significativement la morbi-mortalité de la popula-
tion générale. TABLEAU I
Classification tenant compte de la pression artérielle du patient,
En effet, les sujets hypertendus sont exposés à des pathologies
selon la société européenne de cardiologie 2018 [7]
graves telles que les accidents vasculaires cérébraux, l'insuffi-
sance rénale chronique, la cardiopathie ischémique, l'insuffi- Catégorie PA systolique PA diastolique
sance cardiaque [4]. (mmHg) (mmHg)

Optimale < 120 Et < 80

Épidémiologie spécifique à la période
périopératoire Normale 120–129 Et/ou 80–84
L'anesthésie n'est pas épargnée par cette forte prévalence de Normale haute 130–139 Et/ou 85–89
patients hypertendus. Devant le vieillissement de la population
HTA grade 1 140–159 Et/ou 90–99
et l'avancée des techniques médico-chirurgicales, les anesthé-
sistes-réanimateurs sont amenés à prendre en charge de HTA grade 2 160–179 Et/ou 100–109
manière plus fréquente des patients atteints d'HTA. HTA grade 3  180 Et/ou  110
Un état des lieux réalisé entre 1980 et 1996 documentait déjà
HTA systolique isolée  140 Et < 90
une très nette augmentation (+ 196 %) des procédures

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TABLEAU II
Définitions tenant compte des modalités de mesure de la pression
artérielle (lieu, durée), selon la Société européenne de cardiolo-
gie 2018 [7]
Revue
Elle est définie par une réduction de PAS  20 mmHg ou de
PAD  10 mmHg dans les 3 minutes qui suivent le passage de
position assise à la position levée.

Lieu de mesure PA systolique PA diastolique Liens entre HTA et risque cardiovasculaire

(mmHg) (mmHg)
L'HTA est un facteur de risque cardiovasculaire, modifiant en soit
En cabinet  140 Et/ou  90 la morbi-mortalité du patient.
Ambulatoire sur 24 h Cependant, afin d'appréhender au mieux le risque de morbi-
Moyenne sur 24 h  130 Et/ou  80
mortalité du patient hypertendu, la société européenne de
cardiologie propose de stratifier le risque de mortalité de
Moyenne de jour  135 Et/ou  85
cause cardiovasculaire en combinant le profil tensionnel du
Moyenne de nuit  120 Et/ou  70 patient avec différentes variables, telles que d'autres facteurs
À domicile  135 Et/ou  85 de risque cardiovasculaires, la présence d'atteinte(s)
d'organe(s) induit(s) par l'HTA, la présence de comorbidités
associées.
Cette stratification du risque (illustrée sur la figure 1) peut
Hypotension orthostatique s'avérer utile en préopératoire, en complément du score Lee
L'hypotension orthostatique, qui peut également survenir chez un qui lui est validé spécifiquement dans ce contexte, afin d'appré-
patient hypertendu, est une entité à ne pas omettre, notamment hender au mieux la morbi-mortalité cardiovasculaire périopé-
chez le patient âgé, diabétique poly-médiqué ou insuffisant car- ratoire du patient, permettant de définir une stratégie optimale
diaque [9], car elle peut avoir des conséquences en périopératoire, tant en termes de thérapeutiques que de monitorage per- et
à type d'hypoperfusion lors de la dynamisation, de chute. postopératoire.

Figure 1
Classification des stades d'HTA selon le profil tensionnel, les facteurs de risques cardiovasculaires, les comorbidités, ainsi que les
atteintes d'organes induits par l'HTA, adapté des recommandations la société européenne de cardiologie 2018 [7]

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S. Debroczi, M-O Fischer
Physiopathologie de l'HTA périopératoire
HTA induite par l'anesthésie
L'induction anesthésique induit une baisse de la PA, d'une part
par un effet pharmacologique direct de certains hypnotiques et
morphiniques, et d'autre part par un effet d'inhibition du sys-
tème nerveux sympathique conduisant à une diminution du
baroréflexe [10].
Ces effets conduisent à une diminution de la PA pouvant aller
jusqu'à 50 % de sa valeur pré-induction [10].
À noter que seule la kétamine (à dose hypnotique mais éga-
lement analgésique) s'oppose à cet effet, permettant, dans un
certain nombre de cas, une meilleure stabilité hémodynamique.
Ce médicament est cependant rarement responsable d'HTA. Le
mécanisme permettant un tel effet reste débattu car complexe
[11].
La phase d'intubation a ensuite un effet inverse, avec activation
du système nerveux sympathique lors de la laryngoscopie,
responsable d'une augmentation de la fréquence cardiaque
ainsi que de la PA [10].
Chez le patient intubé et ventilé en pression positive, les inter-
actions cœur-poumon vont également moduler le débit car-
diaque du patient, conduisant généralement à une nouvelle
diminution de la PA principalement par diminution du retour
veineux. On observe parfois l'effet inverse, particulièrement
chez le patient en décompensation cardiaque gauche, qui béné-
ficie alors d'une baisse de pré-charge ventriculaire droite ainsi
qu'une baisse indirecte de post-charge ventriculaire gauche.
L'anesthésie locorégionale, essentiellement lorsqu'elle est cen-
trale, a également des conséquences hémodynamiques (sur le
versant hypotenseur) par le biais d'une inhibition du système
nerveux sympathique mais également par modifications méta-
boliques et endocriniennes plus complexes [12].
HTA induite par la chirurgie
Il existe des mécanismes communs à toute intervention chirur-
gicale pouvant conduire à une HTA peropératoire : il s'agit,
à court terme, d'une activation sympathique induite par excès
de nociception, par le biais des noyaux du tractus solitaire
renforçant la composante centrale de la douleur. Cette boucle
complexe induit la sécrétion de corticolibérine, responsable d'un
rétrocontrôle négatif par le bais de la sécrétion de glucocorti-
coïdes endogènes [13].
D'autres secrétions hormonales sont également impliquées
dans la régulation de la PA comme les catécholamines endo-
gènes, l'arginine vasopressine, le cortisol, l'aldostérone, la
rénine [12].
Certaines interventions chirurgicales peuvent également induire
des variations tensionnelles en déclenchant des modifications
hormonales directes. L'exemple le plus explicite est celui de la
chirurgie du phéochromocytome qui peut induire des pics ten-
sionnels majeurs par libération excessive de catécholamines
endogènes, en l'absence de préparation adéquate. D'autres
4
Revue
interventions peuvent avoir également des effets, bien que
plus modestes, sur la PA per- et postopératoire (thyroïdectomie,
chirurgie de tumeurs endocrines, neurochirurgie hypothalamo-
hypophysaire).
La chirurgie aortique avec clampage est également pourvoyeuse
d'HTA au moment du clampage aortique, avec majoration signi-
ficative de la post-charge ventriculaire gauche, associée à un
baroréflexe diminué ou aboli dans le contexte anesthésique,
empêchant une vasodilatation artériolaire réflexe
compensatrice.
Spécificités du patient hypertendu
Les mécanismes décrits ci-dessus vont avoir tendance à être
exacerbés chez le patient hypertendu chronique.
En effet, le patient hypertendu chronique possède des caracté-
ristiques physiopathologiques spécifiques, essentiellement
axées autour d'une baisse de compliance artérielle, et d'une
hypertrophie ventriculaire gauche concentrique (conséquence
d'une majoration chronique de la post-charge du ventricule
gauche).
Ces particularités sont responsables d'une plus grande labilité
tensionnelle peropératoire, avec hypotensions artérielles pro-
portionnellement plus profondes comparées à la PA de base du
patient, mais également un risque de pic hypertensif exacerbé
à la laryngoscopie ou lors de stimulations nociceptives [10].
L'hypertrophie ventriculaire gauche, complication commune de
l'HTA chronique, entraîne en soit une majoration de la consom-
mation en oxygène du myocarde, avec pour conséquences le
risque d'inadéquation entre débit et métabolisme myocardique,
majorant le risque d'infarctus de type 2 en per- et
postopératoire.
Ce phénomène est d'autant plus fréquent que le patient est
hypotendu en peropératoire ou labile sur le plan tensionnel,
avec des variations brutales de post-charge.
Gestion de l'HTA préopératoire
Patient hypertendu chronique
Gestion des traitements
Chez le patient hypertendu chronique, la majorité des traite-
ments anti-hypertenseurs doivent être maintenus afin d'éviter
une hypertension pré-, per- et postopératoire, ainsi que pour
éviter des variations tensionnelles exacerbées [7]. L'action de
certains anti-hypertenseurs a été particulièrement étudiée en
périopératoire.
Les bêtabloquants doivent être poursuivis en périopératoire
d'une chirurgie non cardiaque, étant donné leur efficacité prou-
vée en termes de réduction des ischémies myocardiques avec
un effet rebond décrit en cas d'arrêt de cette thérapeutique,
pouvant être responsables de complications cardiovasculaires
postopératoires [14].
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 Pour citer cet article : Debroczi S, Fischer M-O. Hypertension artérielle périopératoire. Anesth Reanim. (2023), https://doi.org/
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Une interruption des bêtabloquants en périopératoire de chi-
rurgie cardiaque et non cardiaque majore également le risque
de fibrillation atriale postopératoire [15].
Plusieurs études confirment également la nécessité de pour-
suivre les inhibiteurs calciques, classe d'anti-hypertenseurs cou-
ramment prescrits [16].
La clonidine a été étudiée, sans que l'on ne retrouve de béné-
fices à son maintien, en termes de mortalité, avec cependant
une augmentation de survenue d'arrêt cardiaque non létal et
d'hypotension sévère [17].
La littérature reste plus controversée concernant les inhibiteurs
de l'enzyme de conversion ainsi que les antagonistes de l'angio-
tensine 2. S'il semble licite de poursuivre ces traitements lors-
qu'ils sont prescrits chez l'insuffisant cardiaque, leur maintien en
préopératoire chez le patient non insuffisant cardiaque fait
débat, devant un sur-risque potentiel d'hypotension artérielle
périopératoire. Une étude randomisée contrôlée de grande
envergure permettra de répondre plus clairement sur l'utilité
ou non à poursuivre ces thérapeutiques en périopératoire [18].
Concernant les diurétiques prescrits dans le cadre de l'HTA, les
recommandations émises par l'ESC en 2022 concernant l'éva-
luation et la gestion du risque cardiovasculaire en préopératoire
de chirurgie non cardiaque préconisent d'envisager l'absence de
prise le jour de l'intervention (recommandation de classe IIa),
afin d'éviter la survenue d'hypokaliémie et d'une hypovolémie
[19].
Spécificités d'évaluation
La recherche d'atteintes d'organes induites par l'HTA est néces-
saire afin d'évaluer le risque cardiovasculaire inhérent à cette
pathologie (stadification de la maladie hypertensive), associée
à la détermination du grade de l'HTA, dans le but d'orienter le
patient vers une unité de surveillance la mieux adaptée à son
état de santé.
Par exemple, devant une HTA de grade 3 (PAS  180 mmHg et/
ou PAD  110 mmHg), il est licite de discuter du rapport béné-
fice-risque concernant le maintien ou non de l'intervention
chirurgicale : une intervention purement fonctionnelle devant
probablement être reportée dans l'attente d'une meilleure
optimisation de la PA du patient, alors qu'une chirurgie urgente
devra probablement être envisagée malgré une HTA sévère,
nécessitant cependant un monitorage hémodynamique per- et
postopératoire avancé au vu du sur-risque de complications
cardiovasculaires (troubles du rythme, ischémie myocardique,
accident vasculaire cérébraux) mis en évidence dans cette
population. Les dernières recommandations de l'ESC préconisent
également le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire en
pré-opératoire selon une recommandation de classe I, et de ne
pas différer une intervention en cas d'HTA de grade 1 et 2 [7].
Dans les cas les plus complexes, une discussion multidiscipli-
naire entre anesthésistes-réanimateurs, cardiologues et
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5
Revue
chirurgiens permettra de prendre une décision pluridisciplinaire
pour la prise en charge optimale du patient [7].
Découverte d'HTA
Le diagnostic de certitude d'HTA est délicat en consultation
d'anesthésie. En effet il convient, selon les recommandations
de la Haute Autorité de la santé (HAS), de mesurer la PA au
moins deux fois avec un brassard adapté, si possible aux deux
bras, après au moins 3 à 5 minutes de repos dans le calme et
sans parler [20].
Le respect de l'ensemble de ces règles n'est en pratique pas
évidente, d'autant plus qu'il persiste un risque d'effet blouse
blanche.
Dans ce contexte, la PA la plus basse mesurée devra être
considérée comme étant la pression de référence du patient [7].
Une étude randomisée contrôlée bicentrique cherchant à évaluer
l'intérêt d'une mesure de pression artérielle ambulatoire afin de
se rapprocher au mieux des cibles de pression artérielles phy-
siologiques personnalisées permettra d'évaluer ce concept
potentiellement prometteur [21].
Comme chez le patient hypertendu chronique, une HTA sévère
justifie généralement un report de l'intervention avec nécessité
de consultation cardiologique voir d'hospitalisation pour débuter
un bilan spécifique.
En cas de suspicion d'HTA secondaire (patient âgé de moins de
30 ans ou présence d'hypokaliémie), un avis spécialisé est
également fortement recommandé. Pour rappel les causes
d'HTA secondaires à évoquer sont : les causes toxiques, les
maladies rénales, l'hyperaldostéronisme primaire, le phéochro-
mocytome, la sténose des artères rénales et le syndrome de
Cushing [20].
En l'absence d'HTA sévère ou de suspicion de cause secondaire,
un bilan standard d'HTA doit être proposé, comprenant un
ionogramme sanguin, un dosage de créatininémie avec estima-
tion du débit de filtration glomérulaire, une glycémie à jeun, une
exploration d'une anomalie lipidique à jeun, la recherche de
protéinurie et un ECG de repos [20].
Ce bilan doit être complété de manière utile, en cas de chirurgie
à haut risque associé à des signes cliniques pouvant faire
suspecter une valvulopathie ou une insuffisance cardiaque,
par une échographie trans-thoracique ainsi qu'un dosage de
troponinémie, BNP ou NT-proBNP (afin d'obtenir une valeur
basale) [19].
L'HTA préopératoire non sévère ne fait pas l'objet de recom-
mandations spécifiques.
Dans le cas de l'HTA de grade 1, seuls les patients présentant un
risque haut à très haut doivent bénéficier de l'introduction
immédiate d'un traitement antihypertenseur.
En cas d'HTA de grade 2, les recommandations ESC 2018 pré-
conisent l'introduction d'un traitement antihypertenseur [7].
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Gestion de l'HTA peropératoire
Objectifs tensionnels peropératoires
En peropératoire, l'hypotension artérielle est plus courante que
l'HTA pour les raisons évoquées dans la section physiopatholo-
gie, et illustrées sur la figure 2.
L'optimisation hémodynamique joue un rôle important en per-
opératoire d'autant plus que le patient est hypertendu de
manière chronique.
Cette optimisation vise à préserver une perfusion des organes
en adéquation avec le métabolisme de ceux-ci, ce qui nécessite
un débit cardiaque mais également une pression artérielle
adaptée en conséquence.
L'HTA peropératoire engendrerait ainsi plus de complications
postopératoires, avec un retentissement possible sur la morbi-
dité postopératoire, même si le niveau de preuve reste bien en
deçà comparé à l'étude des complications induites par l'hypo-
tension artérielle.
En chirurgie non cardiaque, une étude a retrouvé que le main-
tien d'une PAS > 160 mmHg avec une durée d'intervention de
plus de 220 minutes était indépendamment associé à la durée
de séjour à l'hôpital et la mortalité [22]. Une analyse secondaire
de l'essai VISION (Vascular events In noncardiax Surgery patIents
cOhort evaluatioN) suggère le même seuil afin d'éviter la sur-
venue d'ischémie myocardique [23]. Une autre étude ne retro-
uvait aucune association entre l'hypertension peropératoire
avec la mortalité à 30 jours [24]. Ainsi devant l'hétérogénéité
Figure 2
Illustration de la balance en faveur de l'hypotension artérielle en
peropératoire
6
Revue
de données publiées, il est difficile de définir une limite supé-
rieure de PAS à partir de laquelle des thérapeutiques devraient
être envisagée en chirurgie non cardiaque. En chirurgie car-
diaque, 2 études ont retrouvé une association entre une PAS
supérieure à 140 mmHg et la mortalité à 30 jours durant ce type
de chirurgie [16,25].
Objectif tensionnel chez le patient hypertendu
La gestion personnalisée des objectifs de PA est suggérée par
certaines études, préconisant de ne pas la faire varier de plus de
10 % de la valeur habituelle du patient, même si des études
complémentaires restent à fournir pour améliorer le niveau de
preuve de cette stratégie. Il est conseillé de maintenir une
PAM > 70 mmHg chez le patient hypertendu, notamment en
vue de prévenir l'insuffisance rénale aiguë postopératoire
[26,27].
Thérapeutiques applicables
L'étiologie de l'HTA impacte la prise en charge thérapeutique. Un
patient hypertendu dont la couverture analgésique est insuffi-
sante doit par exemple être traité par majoration des
analgésiques.
Les inhibiteurs calciques sont une classe de molécules particu-
lièrement étudiées dans ce contexte, ayant montré à la fois leur
efficacité mais également leur sécurité en peropératoire [16].
Le rationnel pharmacocinétique peut être pris en compte dans la
prise en charge d'une HTA peropératoire : si celle-ci est induite
par un mécanisme fugace (clampage aortique, insufflation
cœlioscopie,) la thérapeutique de choix est plutôt un inhibiteur
calcique de courte demi-vie (clevidipine si disponible), alors
qu'une HTA se prolongeant peut être traitée par une molécule
de demi-vie plus longue (urapidil par exemple).
Une alternative thérapeutique en cas de tachycardie associée
consiste à administrer un bêtabloquant intraveineux de courte
durée d'action tel que l'esmolol, qui par le biais d'une titration
vise à diminuer la fréquence cardiaque ainsi que la PA, contrai-
rement au landiolol qui n'a que peu d'effet sur cette dernière.
HTA postopératoire
HTA : causes spécifiques à la période postopératoire
Une cause secondaire induite par un évènement postopératoire
est à exclure systématiquement en cas d'HTA postopératoire.
En effet, certaines étiologies telles que la douleur postopéra-
toire, l'anxiété, l'agitation, l'hypercapnie, l'hypoxémie, la réten-
tion aiguë d'urines, la iatrogénie, l'hypervolémie, l'hypovolémie
(avec possible effet hyperadrénergique paradoxal compensa-
teur, chez un patient hypertendu présentant une vasoréactivité
exacerbée, induisant une labilité tensionnelle pouvant être
sévère), peuvent être incriminés dans l'HTA postopératoire et
devront être recherchés et traités spécifiquement, que le patient
soit hypertendu chronique ou non [28].
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 Pour citer cet article : Debroczi S, Fischer M-O. Hypertension artérielle périopératoire. Anesth Reanim. (2023), https://doi.org/
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Conséquences de l'HTA postopératoire TABLEAU III
Après avoir éliminé les causes spécifiques citées dans le para- Autorisations de mise sur le marché (AMM) issues des résumés des
graphe précédent, il est licite de contrôler la PA afin d'éviter des caractéristiques des produits tenant compte du contexte
complications de l'HTA périopératoire.
En chirurgie cardiaque, des cohortes rétrospectives de plusieurs Nicardipine Urapidil
milliers de patients étudiant la durée d'HTA ainsi que le coef- HTA maligne X X
ficient de variation de la PAS sont en faveur d'une sur-mortalité
Encéphalopathie hypertensive X X
ainsi que d'un risque d'insuffisance rénale aiguë au cours de ces
évènements [29,30]. Dissection aortique X X
En chirurgie non cardiaque, une PAS > 160 mmHg ainsi qu'une Décompensation ventriculaire gauche X
pression diastolique > 110 mmHg sont en faveur d'une majora- avec œdème pulmonaire
tion des complications cardiovasculaires périopératoires, sans En milieu d'anesthésie X
détecter de surmortalité. Une labilité tensionnelle ne semble
Hypertension en période périopératoire X X
pas occasionner de surmortalité dans cette population mais peu
d'études se sont intéressées à ce paramètre [29,30]. Pré-éclampsie sévère X
En chirurgie carotidienne, il a été décrit une surmortalité ainsi
qu'un sur-risque d'accident vasculaire cérébral hémorragique en
cas d'HTA (PAS > 130 mmHg) post-procédure, ainsi qu'en cas de
labilité tensionnelle [4,26]. orale si possible. Une précaution particulière doit être prise
concernant les diurétiques ainsi que les IEC, ARAII, inhibiteurs
Traitement de l'HTA postopératoire de rénine car susceptibles d'entraîner des effets secondaires
La période postopératoire est une période propice à l'HTA, de notamment rénaux de par leur mécanisme d'action [18].
part une multitude de mécanismes physiopathologiques spéci- En cas d'impossibilité de reprise de traitement par voie orale (en
fiques (illustrés sur la figure 3). chirurgie digestive par exemple), un traitement antihyperten-
La reprise de la plupart des traitements anti-hypertenseurs doit seur intraveineux doit être prescrit.
être envisagée dès que possible en postopératoire, par voie Une surveillance clinique et biologique des organes atteints par
la pathologie hypertensive doit être spécifiquement et systé-
matiquement entreprise chez les patients les plus à risques (HTA
stade 2 et stade 3) afin de dépister et de traiter toute aggrava-
tion postopératoire.
Les principaux médicaments utilisables dans ce contexte (tenant
compte de leur autorisation de mise sur le marché) sont réper-
toriés dans le tableau III.

Cas de l'hypertension artérielle sévère

En cas d'HTA sévère (définie en postopératoire à partir de seuils
de PAS supérieures à 180 voir 160 mmHg et/ou
PAD  110 mmHg) résistante aux anti-hypertenseurs habituels,
il est nécessaire d'introduire une thérapie antihypertensive
intraveineuse. Il semble alors licite de proposer une surveillance
rapprochée de la pression artérielle dans un service adapté (en
unité de soins continue si nécessaire), au vu du risque de
complication cardiovasculaire accru dans cette population.
Les médicaments utilisables dans ce contexte sont répertoriés
dans le tableau IV.

HTA maligne
Une HTA maligne est définie comme une HTA (grade 3) associée
à la notion de dommage d'organe. Ces atteintes d'organes
à rechercher sont l'encéphalopathie, l'accident vasculaire céré-
Figure 3 bral, l'atteinte rétinienne (avec au fond d'œil œdème papillaire,
Illustration de la balance en faveur de l'hypertension artérielle hémorragies en flammèches), insuffisance rénale aiguë, voire
en postopératoire micro angiopathie thrombotique. Cette entité possède une

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 Pour citer cet article : Debroczi S, Fischer M-O. Hypertension artérielle périopératoire. Anesth Reanim. (2023), https://doi.org/
10.1016/j.anrea.2023.05.003

S. Debroczi, M-O Fischer

Revue
TABLEAU IV
Propriétés pharmacocinétique et effets indésirables potentiels des traitements utilisables par voie parentérale en cas d'HTA sévère ou en
cas d'impossibilité de prise par voie per os

Médicament Dose Délai d'action Durée d'action Effets indésirables

Nicardipine Titrer par 0,1 à 1 mg IVD puis 1 à 15 mg/h IVSE 5–15 min 75–240 min Tachycardie
Céphalées, nausées
Œdème

Clevidipine 2 à 15 mg/h IVSE 2–4 min 5–15 min ACFA

Incrémenter/2 min Nausées

Esmolol 25–300 mg/kg/min 1–2 min 10–30 min Nausées, flush

IVSE (prolongée en cas d'anémie) Bronchospasme
Incrémenter/10 min Bloc de conduction

Labétalol Titration jusqu'à 1 mg/kg puis 0,1 mg/kg/h IVSE 5–10 min 120–240 min Nausées
0–20 mg/h Vomissements
Bronchospasme
Bloc de conduction

Urapidil 12,5 à 25 mg IVD puis 0–120mg/h IVSE 3–5 min 240–360 min Non spécifiques

physiopathologie complexe, associée à un pronostic particuliè- Conclusion

rement sombre, nécessitant un traitement en urgence dans une
unité de soins adaptée [31].
Cas de la pré-éclampsie sévère
Dans la pré-éclampsie sévère, l'antihypertenseur recommandé
en première intention pour diminuer la PAS en dessous de
160 mmHg et la PAD en dessous de 110 mmHg est le labétalol,
en l'absence de contre-indication aux bêtabloquants. Il doit être
utilisé en intraveineux si l'HTA est sévère malgré un traitement
per os, ou en cas de signe de gravité d'emblée [32].
Exemple du syndrome aortique aigu
Le syndrome aortique aigu, qu'elle qu'en soit son étiologie
(dissection aortique, rupture de l'isthme, hématome
aortique. . .), est une pathologie illustrant parfaitement
l'urgence hypertensive de par le rationnel physiopathologique
qu'il implique et de l'absence d'études randomisées disponible
au vu de l'extrême gravité de la pathologie. En effet chaque
contrainte induite à la zone lésée de l'aorte augmente le risque
de complication sévère à type de rupture de l'aorte. C'est pour-
quoi il est indispensable de réduire l'énergie que subit la paroi
aortique, en diminuant à la fois la fréquence cardiaque mais
également la PA, jusqu'à un seuil ne compromettant pas la
perfusion d'organes [33].
En l'absence de contre-indication, l'introduction d'un bêtablo-
quant d'action rapide et présentant une maniabilité adéquate
tel que l'esmolol semble intéressante en première intention. La
nicardipine peut alors être introduite en seconde intention si
nécessaire, évitant ainsi l'effet tachycardisant de cette molécule
[33].
L'HTA est une pathologie de plus en plus fréquente dans la
population générale, avec un surcroît de prévalence au sein des
populations les plus âgées. Cette pathologie considérée comme
systémique peut entraîner une atteinte de multiples organes
dont le cœur et le rein, induisant une surmorbidité pouvant être
associée à une surmortalité durant la période périopératoire.
L'optimisation per- et postopératoire passe donc par une éva-
luation fine et méticuleuse de la pathologie hypertensive en
préopératoire avec stadification de celle-ci afin de personnaliser
au mieux la prise en charge du patient selon les facteurs de
risques cardiovasculaires individuels détectés.
L'HTA per- et postopératoire mettent en jeu des concepts
physiopathologiques spécifiques (induits à la fois par l'anesthé-
sie et par la chirurgie) que l'anesthésiste-réanimateur doit savoir
appréhender afin de proposer une stratégie thérapeutique opti-
male. Cette stratégie doit être préventive, impliquant une ges-
tion appropriée des traitements dès la période préopératoire, et
doit être couplée au besoin à une stratégie curative combinant
une prise en charge médicamenteuse mais également non
médicamenteuse, en rapport à l'étiologie causale.
L'urgence hypertensive doit également être parfaitement maî-
trisée afin de conduire à une prise en charge optimale dans les
meilleurs délais, en tenant compte des spécificités physiopa-
thologiques inhérentes à l'étiologie de cette dernière.
Enfin les perspectives sont intéressantes concernant (i) les seuils
de PA adaptés au patient ainsi qu'à la chirurgie qui sont un
élément d'étude dans le but de tendre vers une médecine
personnalisée ; (ii) le lien entre la médecine de ville et la
période périopératoire, dans le cadre de l'optimisation du

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 Pour citer cet article : Debroczi S, Fischer M-O. Hypertension artérielle périopératoire. Anesth Reanim. (2023), https://doi.org/
10.1016/j.anrea.2023.05.003
Anesth Reanim. 2023; xx: xxx
patient, que ce soit en pré- ou en postopératoire, pour une
meilleure gestion de l'HTA en elle-même mais également de
ses complications systémiques.
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