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Actualités sur
l’hypertension artérielle
pulmonaire

Définition et classification
des hypertensions
pulmonaires
Definition and classification of pulmonary hypertensions
Andrei Seferian*, Gérald Simonneau*

L
A. Seferian
e diagnostic et la classification des hyperten- pulmonaire (PAP), de la pression artérielle pulmo-
sions pulmonaires (HTP) ont été au cœur des naire d’occlusion (PAPO) − reflet de la PCP −, du DC
débats ces 40 dernières années. Les progrès et de la saturation en oxygène du sang veineux de
enregistrés récemment dans la compréhension de la l’artère pulmonaire (SvO2). Idéalement, la mesure
maladie et le développement de nouvelles ressources du DC doit être faite par la méthode directe de
thérapeutiques proviennent notamment de la stabi- Fick, en mesurant la consommation exacte d’oxy-
lité des définitions et de la stratégie diagnostique qui gène, mais cette technique reste peu disponible. La
a pour but de classer chaque HTP dans un groupe méthode de thermodilution est un bon compromis,
particulier. qui offre des résultats fiables même en cas de débit
faible ou d’insuffisance tricuspide importante.
L’objectif du test de vasoréactivité pulmonaire est
Définition de déterminer les répondeurs au traitement par
inhibiteurs calciques en utilisant le plus souvent
La définition de l’HTP tient compte de la pression l’oxyde nitrique comme agent vasodilatateur. Il
artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) mesurée au est positif en cas de baisse de la PAPm d’au moins
repos au moment du cathétérisme cardiaque droit, 10 mmHg pour atteindre une valeur inférieure à
qui doit être supérieure ou égale à 25 mmHg (1). 40 mmHg avec une augmentation ou une conser-
Il n’existe pas de consensus permettant de définir vation du DC.
une HTP à l’effort, à cause de la grande variabilité
de l’hémodynamique à l’effort selon l’âge et de
l’impossibilité d’imposer un standard unique pour Classification
l’épreuve d’effort (1).
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) La clinique de l’HTP n’est pas spécifique. Une
est définie par une PAPm supérieure ou égale à dyspnée inexpliquée, des épisodes de syncope ou
25 mmHg, une pression capillaire pulmonaire (PCP) des signes d’insuffisance cardiaque droite doivent
inférieure ou égale à 15 mmHg (téléexpiratoire) et conduire à la réalisation d’une échographie
des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) supé- cardiaque, qui permet d’estimer la PAP systolique
* Université Paris-Sud, faculté de
rieures à 3 unités Wood au moment du cathétérisme en fonction du flux de l’insuffisance tricuspidienne.
médecine, Le Kremlin-Bicêtre ; AP-HP, cardiaque droit (1). Les RVP sont calculées en tenant Une fois que le diagnostic d’HTP a été suspecté, la
département hospitalo-universitaire
“Thorax innovation” (DHU Torino),
compte du débit cardiaque (DC) selon la formule : stratégie diagnostique visera à rechercher la cause
centre de référence de l’hypertension de cette HTP pour qu’il soit possible de la classer
pulmonaire sévère, service de pneu-
mologie et réanimation respiratoire,
(PAPm − PCP)/DC dans 1 des 5 groupes (tableau I). Les formes les
hôpital Bicêtre ; Inserm UMR-S 999, plus fréquentes sont les HTP consécutives soit à
LabEx LERMIT, hypertension arté-
rielle pulmonaire : physiopathologie
Le cathétérisme cardiaque droit est réalisé à l’aide une maladie du cœur gauche (HTP du groupe 2),
et innovation thérapeutique, centre d’une sonde de Swan-Ganz et comporte la mesure soit à une maladie respiratoire chronique (HTP du
chirurgical Marie-Lannelongue,
Le Plessis-Robinson.
systématique des pressions de l’oreillette droite groupe 3). La scintigraphie pulmonaire est l’examen
(POD), du ventricule droit (PVD) et de l’artère qui permet le dépistage des HTP postemboliques

8 | La Lettre du Cardiologue • n° 483 - mars 2015


Points forts Mots-clés
Hypertension
»» L’hypertension pulmonaire (HTP) est définie par une pression artérielle pulmonaire moyenne pulmonaire
(PAPm) ≥ 25 mmHg au cathétérisme cardiaque droit au repos.
Hypertension
»» L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est définie par une PAPm ≥ 25 mmHg, une pression capillaire
artérielle pulmonaire
pulmonaire (PCP) ≤ 15 mmHg, et des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) > 3 unités Wood.
»» Les causes d’HTP les plus fréquentes sont les maladies du cœur gauche (groupe 2) et les maladies Classification
respiratoires chroniques (groupe 3). Cathétérisme
»» Les HTP postemboliques (groupe 4) doivent bénéficier d’un bilan exhaustif pour déterminer leur opérabilité. cardiaque droit
»» Les HTAP du groupe 1 présentent une grande diversité étiologique (idiopathiques, héritables, liées à Échographie
l’infection par le VIH, portopulmonaires, liées aux connectivites), mais leurs similitudes physiologiques et cardiaque
histopathologiques permettent l’utilisation des mêmes traitements spécifiques.

Tableau I. Nouvelle classification des hypertensions pulmonaires (congrès de Nice, 2013). Highlights
Groupe 1. Hypertension artérielle pulmonaire »» Pulmonary hypertension
1.1 Idiopathique (PH) is defined by a mean
1.2 Héritable pulmonary arterial pressure
1.2.1 BMPR2
(mPAP) ≥ 25 mmHg on right
1.2.2 ALK1, ENG, SMAD9, CAV1, KCNK3
1.2.3 Cause inconnue heart catheterization at rest.
1.3 Induite par une drogue ou une toxine »» Pulmonary arterial hyper-
1.4 Associée à : tension (PAH) is defined by an
1.4.1 des maladies du tissu conjonctif mPAP ≥ 25 mmHg, a pulmo-
1.4.2 une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) nary capillary wedge pres-
1.4.3 une hypertension portale sure (PCWP) ≤ 15 mmHg and
1.4.4 une cardiopathie congénitale pulmonary vascular resistances
1.4.5 une bilharziose
(PVR) > 3 Wood units.
Groupe 1’. Maladie veino-occlusive pulmonaire et/ou hémangiomatose capillaire pulmonaire »» The most frequent causes
Groupe 1”. Hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né of PH are left heart diseases
(group 2) and chronic lung
Groupe 2. Hypertension pulmonaire associée à des maladies du cœur gauche
2.1 Dysfonction systolique du ventricule gauche diseases (group 3).
2.2 Dysfonction diastolique du ventricule gauche »» Chronic thromboembolic
2.3 Maladies valvulaires pulmonary hypertension
2.4 Obstructions congénitales ou acquises au niveau du tractus d’éjection ou de remplissage du ventricule gauche et cardiomyo- (CTEPH) [group 4] needs an
pathies congénitales exhaustive evaluation to deter-
Groupe 3. Hypertension pulmonaire associée à des maladies pulmonaires et/ou à une hypoxémie mine operability.
3.1 Bronchopneumopathie chronique obstructive »» Pulmonary arterial hyper-
3.2 Maladie pulmonaire interstitielle tension (group 1) can have
3.3 Autres maladies pulmonaires avec profil restrictif, obstructif ou mixte many different etiologies
3.4 Troubles respiratoires du sommeil (idiopathic, heritable, HIV
3.5 Hypoventilation alvéolaire
infection-related, portopulmo-
3.6 Exposition chronique aux hautes altitudes
3.7 Anomalies du développement
nary, associa­ted with connec-
tive tissue diseases), but also
Groupe 4. Hypertension pulmonaire thromboembolique chronique have similar physiological or
Groupe 5. Hypertension pulmonaire présentant des mécanismes multifactoriels incertains histopathological traits, that
5.1 Troubles hématologiques : anémie hémolytique chronique, syndrome myéloprolifératif, splénectomie are reflected in the use of the
5.2 Troubles systémiques : sarcoïdose, histiocytose à cellules de Langerhans pulmonaire, lymphangioléiomyomatose same specific PAH treatments.
5.3 Troubles métaboliques : glycogénose, maladie de Gaucher, dysthyroïdie
5.4 Divers : obstruction tumorale, médiastinite fibrosante, insuffisance rénale chronique, hypertension pulmonaire segmentaire
ALK1 : Activin-Like Receptor Kinase 1 ; BMPR2 : Bone Morphogenetic Protein Receptor, type 2 ; CAV1 : cavéoline 1 ; ENG : endogline ; Keywords
KCNK3 : potassium channel subfamily K member 3 ; SMAD9 : SMAD family member 9.
Pulmonary hypertension
Pulmonary arterial
(groupe 4), caractérisées par la présence de défauts une hypertension portale, une anomalie génétique hypertension
perfusionnels dans des territoires sans anomalie ou la prise de certains médicaments. En l’absence Classification
ventilatoire. En cas d’HTP postembolique, des de cause identifiée, l’HTAP est considérée comme Right heart catheterization
examens hémodynamiques et d’imagerie exhaus- idiopathique.
Cardiac echography
tifs sont nécessaires afin de déterminer si une
thromboendartériectomie est possible. Pour les
autres patients, dans la démarche diagnostique, Groupe 1 : les hypertensions artérielles
le cathétérisme cardiaque droit permet d’affirmer pulmonaires
le caractère pré- ou postcapillaire de l’HTP. En cas
d’HTP précapillaire, il est nécessaire de réaliser un Les artérioles pulmonaires dont le diamètre est
bilan à la recherche d’une cause potentielle : une inférieur à 500 µm sont atteintes, les lésions
maladie auto-immune, une infection par le VIH, histologiques typiques étant : une hypertrophie de

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la média, une prolifération de l’intima, un épaissi­ Il est nécessaire de réaliser une recherche génétique
ssement de l’adventice, des infiltrats inflammatoires chez tous les patients ayant une HTAP de cause non
périvasculaires qui vont déterminer l’apparition d’un identifiée.
remodelage artériel pulmonaire avec des lésions
plexiformes et de la thrombose in situ (2). ◆◆ HTP induite par un médicament
ou un toxique
◆◆ HTAP idiopathique Il s’agit de l’une des premières formes diagnostiquées
L’HTAP idiopathique (HTAPi) est la forme la plus d’HTAP, à cause de l’épidémie de cas provoquée par la
fréquente d’HTAP, qui ne présente pas de facteur prise d’anorexigènes dans les années 1960. Après les
de risque identifié, ni de contexte familial. Initiale- anorexigènes, d’autres médicaments ont été impli-
ment, la femme jeune sans antécédents constituait qués dans le développement de l’HTAP (tableau II)
le patient type, mais, actuellement, le sex-ratio est [1]. Les patients ayant une HTAP associée à la prise
proche de 1, et il y a de plus en plus de patients de fenfluramine et dexfenfluramine ont les mêmes
âgés ayant des comorbidités importantes (3). Le caractéristiques cliniques, fonctionnelles, hémodyna-
diagnostic reste tardif en l’absence d’un programme miques et génétiques que ceux atteints d’HTAPi, ce
de dépistage fiable (4). qui suggère que l’exposition à ces anorexigènes serait
un facteur déclenchant de l’HTAP n’influençant pas
◆◆ HTAP héritable l’évolution clinique de la maladie (6). Le benfluorex,
L’HTAP héritable a été associée à des mutations utilisé en France jusqu’en 2009 comme médicament
des gènes BMPR2 (Bone Morphogenetic Protein hypoglycémiant et hypolipémiant, fait partie de la
Receptor, type 2), membre de la superfamille TGF même classe des dérivés de la fenfluramine. L’étude de
(Tumor Growth Factor), ALK1 (Activin-Like receptor L. Savale et al. a montré le développement d’une HTAP
Kinase 1), ENG (endogline) ou SMAD9 (SMAD family précapillaire chez 70 patients traités par benfluorex,
member 9) [5]. Plus récemment, 2 autres gènes ont ainsi que l’association significative de valvulopathies
été associés à des cas d’HTAP héritable : le gène mitrales ou aortiques (7).
KCNK3 (potassium Channel subfamily K member 3), Le dasatinib, un inhibiteur de tyrosine kinase utilisé
un gène qui code pour des canaux potassiques, en deuxième ligne dans le traitement de la leucémie
et le gène CAV1 (cavéoline 1), qui code pour une myéloïde chronique, a été associé au développe-
protéine de la membrane cavéolaire abondante dans ment de plusieurs cas d’HTAP. Dans la série française
les cellules endothéliales pulmonaires (5). Malgré de D. Montani et al., 9 cas ont été rapportés (8).
tous les progrès de la recherche, aucun gène n’a été Au cours du suivi 4 mois après l’arrêt du médica-
identifié pour 20 % des formes familiales d’HTAP. ment, des améliorations hémodynamiques ont été
constatées chez 8 de ces 9 patients (8). À 9 mois,
Tableau II. Médicaments et toxiques susceptibles d’induire une HTAP et niveau de risque. la plupart des patients n’avaient toujours pas une
Niveau de risque Définition Médicaments et toxiques en cause hémodynamique normale, malgré l’introduction
Certain Association fondée sur l’apparition – Aminorex d’un traitement spécifique pour l’HTAP, et 2 patients
d’une épidémie ou sur les résultats – Fenfluramine étaient décédés (8). En tenant compte du nombre
d’une vaste étude épidémiologique – Dexfenfluramine de patients potentiellement exposés au dasatinib en
multicentrique – Benfluorex France (2 900 patients), l’incidence la plus basse des
– Huile de colza
– Inhibiteurs sélectifs de la recapture HTAP associées au dasatinib est estimée à 0,45 %,
de la sérotonine ce qui représente plus que l’incidence des HTAP
Probable Association fondée sur les résultats – Amphétamines associées aux anorexigènes (8).
d’une étude monocentrique cas-­ – Méthamphétamines L’analyse du Registre français des HTP a permis
témoins ou sur plusieurs séries – L-tryptophane d’identifier 53 patients présentant une HTAP et
de cas – Dasatinib ayant été exposés à l’interféron (IFN) α ou β (9).
Possible Médicaments aux mécanismes – Cocaïne Pour ces patients, l’indication était l’hépatite C chro-
d’action similaires à ceux des – Phénylpropanolamine
nique, pour l’IFNα, et la sclérose en plaques, pour
catégories “certain” ou “probable” – Millepertuis
mais non encore étudiés – Agents de chimiothérapie l’IFNβ. Une co-infection par le VIH ou une hyper-
– Interférons α et β tension portale étaient les facteurs confondants
– Dérivés d’amphétamines dans le groupe IFNα (9). De plus, 16 autres patients
Peu probable Association non confirmée par une – Contraceptifs oraux présentant une HTAP et une infection par le virus de
étude épidémiologique – Estrogènes l’hépatite C ont vu leur hémodynamique se dégrader
– Tabac
après l’introduction de l’IFNα (9).

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La prise d’inhibiteurs de la recapture de la sérotonine Tableau III. Nouvelle classification des hypertensions artérielles pulmonaires associées à des
(IRS) pendant la grossesse est un facteur de risque cardiopathies congénitales (congrès de Nice 2013).
reconnu d’hypertension pulmonaire persistante du 1. Syndrome d’Eisenmenger
nouveau-né (HTPPNN) [groupe 1’] (10). Inclut toutes les anomalies intra- et extracardiaques qui se manifestent au départ par un shunt
systémique pulmonaire et qui progressent, entraînant une élévation des résistances vasculaires
Les amphétamines et leurs dérivés, les agents de pulmonaires (RVP) et l’inversion du shunt (pulmonaire systémique) ou un shunt bidirectionnel ;
chimiothérapie ou la phénylpropanolamine, ont été les patients présentent dans la plupart des cas une cyanose, une polyglobulie et une atteinte
impliqués dans l’apparition de quelques cas d’HTAP touchant plusieurs organes
sans que l’association soit certaine. Pour vérifier ces 2. Les shunts gauches-droits
pistes et pour pouvoir identifier d’autres produits • Correctibles
potentiellement toxiques au niveau vasculaire pulmo- • Non correctibles
Incluent les anomalies modérées à larges : les RVP sont augmentées de façon légère à modérée,
naire, il est très important d’obtenir l’histoire complète le shunt systémique pulmonaire est toujours prévalent, et la cyanose est absente
des expositions médicamenteuses pour chaque
3. L’HTAP associée à la découverte fortuite d’une cardiopathie congénitale
nouveau patient chez qui une HTAP est diagnostiquée. Élévation importante des RVP dans un contexte d’anomalies cardiaques minimes, qui n’expliquent
pas ce niveau très important des RVP ; le tableau clinique est similaire à celui de l’HTAP idio-
◆◆ Maladies du tissu conjonctif pathique. La fermeture de ces anomalies est contre-indiquée
Elles peuvent également être responsables de l’appa- 4. L’HTAP postopératoire
rition d’une HTAP. Sept à 12 % des patients ayant une La cardiopathie congénitale a été corrigée chirurgicalement, mais l’HTAP persiste immédiatement
après l’opération ou réapparaît après plusieurs mois, voire plusieurs années. Le phénotype clinique
sclérodermie développent une HTAP (11). À cause du
est souvent grave
pronostic très réservé, il est très important de faire
un diagnostic précoce, les patients sclérodermiques
étant évalués par des échographies cardiaques tous les terme dépend de celle-ci et de l’hémodynamique
ans. La sclérodermie peut se compliquer d’une fibrose au moment du cathétérisme cardiaque droit. Dans
pulmonaire responsable d’une HTP secondaire ou d’une le registre français, les patients ont en général un
dysfonction diastolique du ventricule gauche respon- hyperdébit, répondent bien au traitement spéci-
sable d’une HTP postcapillaire. En l’absence de fibrose fique de l’HTAP et ont une meilleure survie que les
pulmonaire, l’HTAP peut également être retrouvée patients ayant une HTAPi, grâce à un diagnostic
chez les patients atteints de lupus érythémateux, de précoce de la maladie comparativement aux patients
connectivite mixte, de syndrome de Gougerot-Sjögren, américains du registre REVEAL (13, 14).
de polyarthrite rhumatoïde ou de polymyosite, mais la
prévalence de l’HTAP dans toutes ces situations reste ◆◆ HTAP associée à une cardiopathie congénitale
inconnue − elle est probablement plus basse que celle ➤➤ La nouvelle classification des HTAP associées
de l’HTAP associée à la sclérodermie (1). à des cardiopathies congénitales a été proposée
lors du congrès de Nice en 2013 (tableau III). Tout
◆◆ Infection par le VIH patient ayant une cardiopathie congénitale et chez
Cette infection peut se compliquer d’une HTAP chez qui une HTAP est soupçonnée doit être évalué dans
moins de 0,5 % des patients. Le mécanisme impliqué des centres spécialisés, qui peuvent proposer, au cas
n’est pas clair : comme le virus n’est pas retrouvé au par cas, soit une correction de la cardiopathie, si c’est
niveau de l’endothélium pulmonaire, l’hypothèse prin- possible, soit une thérapie médicamenteuse, et, en
cipale incrimine un processus inflammatoire indirect qui dernier, une transplantation cardiopulmonaire (1).
serait dû à l’augmentation des cytokines pro-inflamma-
toires, des facteurs de croissance ou de l’endothéline, ◆◆ HTAP associée à une bilharziose
entraîné par le virus (12). La forme d’HTAP associée à Elle reste la forme d’HTAP la plus courante au monde,
l’infection par le VIH a plutôt un bon pronostic sous surtout dans les régions tropicales et subtropicales (15).
thérapies antirétrovirales précoces. Des cas de norma- La mortalité demeure très élevée, car la maladie n’est,
lisation hémodynamique pulmonaire sous traitement dans la plupart des cas, pas diagnostiquée.
antirétroviral seul et sans l’introduction d’un traitement
spécifique de l’HTAP ont été observés (12).
Groupe 1’ : la maladie veino-occlusive
◆◆ Hypertension portopulmonaire pulmonaire et l’hémangiomatose
Elle est retrouvée chez 2 à 6 % des patients ayant capillaire pulmonaire
une hypertension portale (13). L’apparition de cette
forme d’HTAP est indépendante de la gravité de La maladie veino-occlusive (MVO) et l’héman-
la maladie hépatique, mais le pronostic à long giomatose capillaire pulmonaire (HCP) sont des

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pathologies rares et graves, caractérisées sur le plan L’emploi des termes “proportionnée” ou “dispro-
histologique, en proportions différentes, par une portionnée” n’est pas recommandé. Les données
prolifération intimale au niveau des veines septales concernant l’utilisation des traitements spécifiques
associée à une dilatation et à une prolifération des de l’HTAP pour ces patients sont limitées ; par
capillaires pulmonaires (16). La maladie se présente conséquent, l’administration de ces médicaments
soit comme des cas sporadiques, soit comme une est déconseillée.
forme familiale avec une transmission récessive, le
gène EIF2AK4 étant impliqué (17). La réponse aux
traitements spécifiques est très mauvaise, et les Groupe 4 : l’hypertension pulmonaire
patients doivent rapidement être inscrits sur la liste thromboembolique chronique
de transplantation cardiopulmonaire.
L’hypertension pulmonaire postembolique (HTPPE)
est liée à la persistance et à l’organisation fibreuse
Groupe 1” : l’hypertension pulmonaire des caillots après une ou plusieurs embolies pulmo-
persistante du nouveau-né naires aiguës. Elle est potentiellement curable
dans le cas d’une obstruction vasculaire proximale
La prise d’IRS pendant la grossesse est un facteur accessible à une thromboendartériectomie. Pour les
de risque reconnu d’HTPPNN (groupe 1”), formes inaccessibles à la chirurgie, l’angioplastie
laquelle présente des similitudes avec les HTAP pulmonaire est disponible en France depuis début
du groupe 1 (10). 2014. Certaines études ont démontré également
l’intérêt des traitements spécifiques de l’HTAP,
surtout du riociguat dans la prise en charge des
Groupe 2 : l’hypertension pulmonaire HTPPE (19).
associée à des maladies
du cœur gauche
Groupe 5 : l’hypertension pulmonaire
L’HTP associée à des maladies du cœur gauche présentant des mécanismes
est probablement la forme la plus fréquente multifactoriels incertains
d’HTP. Les patients qui en sont atteints ont une
dysfonction diastolique du ventricule gauche, L’HTP peut être diagnostiquée dans des syndromes
présentent sur le plan hémodynamique une HTP myéloprolifératifs chroniques, dont la polyglobulie
postcapillaire “pure” avec une PCP supérieure à essentielle, la thrombocytémie essentielle et la
15 mmHg et un gradient de pression diastolique leucémie myéloïde chronique. Les mécanismes sont
(GPD = PAPd − PCP) inférieur à 7 mmHg. Si le divers : insuffisance cardiaque gauche, hyperdébit ou
GPD est supérieur à 7 mmHg, des traitements asplénie. En outre, la splénectomie a également été
spécifiques de l’HTAP peuvent être essayés pour reconnue comme un facteur de risque, surtout pour
traiter cette composante précapillaire, mais les les formes d’HTPPE distales (1).
résultats des essais effectués jusqu’à présent ne Le second sous-groupe inclut certaines maladies
sont pas concluants (13, 18). systémiques : la sarcoïdose, l’histiocytose langer­
hansienne, la lymphangioléiomyomatose et la
neurofibromatose. Les mécanismes impliqués dans
Groupe 3 : l’hypertension pulmonaire le développement de l’HTAP sont complexes. La vaso-
associée à des maladies pulmonaires constriction hypoxique, conséquence de l’atteinte
ou à une hypoxémie parenchymateuse, est le mécanisme commun de ces
4 entités. Pour la sarcoïdose, d’autres mécanismes
Dans la nouvelle classification des HTP, en fonction ont été proposés : la présence de granulomes au
de l’hémodynamique artérielle pulmonaire, il y a niveau des vaisseaux pulmonaires, une compres-
3 groupes de patients chez qui l’HTP est associée à sion extrinsèque par des adénopathies, une atteinte
des maladies respiratoires chroniques : les patients veinulaire ou une atteinte médiastinale fibrosante.
sans HTP (PAPm < 25 mmHg), les patients avec une La médiastinite fibrosante postsarcoïdose ou ayant
HTP (PAPm > 25 mmHg) et les patients avec une une autre origine est capable de provoquer une HTP
HTP sévère (PAPm > 35 mmHg ou PAPm > 25 mmHg par la compression des artères et des veines pulmo-
et indice cardiaque < 2 l/mn/­m2) [1]. naires (1).

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Parmi d’autres causes rares d’HTP, on trouve égale- pathologiques et histopathologiques permettent
ment des HTP néoplasiques provoquées par des l’utilisation des mêmes traitements spécifiques.
emboles tumoraux (1). L’insuffisance rénale chro- Les formes d’HTP observées le plus souvent dans
nique dialysée a aussi été rapportée comme une la pratique courante restent celles liées aux mala-
cause rare d’HTP, essentiellement sur la base de dies du cœur gauche, qui font toujours partie du
données échocardiographiques (1). groupe 2, et les HTP associées à des maladies
pulmonaires ou à une hypoxémie, qui constituent
le groupe 3. L’HTP d’origine postembolique fait
Conclusion partie du groupe 4 et peut bénéficier d’une prise
en charge chirurgicale curative ; pour les formes
La définition de l’HTP prend en compte les données non opérables, la possibilité de réaliser une
du cathétérisme cardiaque droit au repos : une angioplastie pulmonaire est récemment apparue.
PAPm supérieure ou égale à 25 mmHg. L’HTAP Le dernier groupe (le groupe 5) est composé des
(l’HTP du groupe 1) est définie par une PAPm supé- HTP liées à des mécanismes multifactoriels incer-
rieure ou égale à 25 mmHg, une PCP inférieure ou tains. Elles font objet d’une recherche continue
égale à 15 mmHg et des RVP supérieures à 3 unités qui leur permettra, dans l’avenir, d’intégrer l’un
Wood. Ces formes d’HTAP du groupe 1 suscitent des 4 premiers groupes. La découverte future de
toujours beaucoup d’intérêt, car, dans toute leur nouveaux facteurs de risque et la compréhension
diversité étiologique (idiopathique, héritable, liée des mécanismes déjà reconnus dans le développe-
à l’infection par le VIH, porto­p ulmonaire, liée ment des différentes formes d’HTP sont 2 objectifs Les auteurs déclarent ne pas avoir
aux connectivites, etc.), les similitudes physio- majeurs de recherche. ■ de liens d’intérêts.

Références bibliographiques
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La Lettre du Cardiologue • n° 483 - mars 2015 | 13

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