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Hypertension artérielle
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

pulmonaire
M Humbert, O Sitbon, G Simonneau

M algré sa rareté, l’hypertension artérielle pulmonaire primitive pose un important problème médical du fait
de sa prédilection pour les sujets jeunes, de son pronostic spontané très sombre, de l’existence de facteurs
de risque de mieux en mieux définis et de la mise au point de nouvelles approches thérapeutiques plus efficaces, au
premier rang desquelles les traitements vasodilatateurs (anticalciques, époprosténol) et les transplantations
pulmonaires et cardiopulmonaires.
© Elsevier, Paris.


VEMS/CV (volume expiratoire maximal-seconde/ ‚ Définition morphologique (fig 1)
Introduction capacité vitale) de plus de deux écarts types par
Trois types histologiques distincts sont
rapport à la valeur théorique ;
classiquement reconnus.
– HTAP hypoxique, avec ou sans hypercapnie,
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est – L’artériopathie pulmonaire plexiforme
liée à un trouble ventilatoire central et/ou
définie par l’élévation des pressions au niveau des associant variablement, de façon diffuse mais
périphérique, notamment dans le cadre des
artères pulmonaires dans lesquelles les résistances à hétérogène, au niveau des artérioles pulmonaires,
syndromes d’apnées du sommeil ;
l’écoulement sanguin sont augmentées. Le diagnostic une hypertrophie de la média, une fibrose intimale
– collagénoses avec manifestations systémiques
formel repose sur le cathétérisme cardiaque droit qui concentrique (aspect en « bulbe d’oignon ») et des
(lupus, sclérodermie, syndrome de Sharp,
retrouve une pression artérielle pulmonaire moyenne lésions plexiformes.
polymyosite) ;
supérieure à 25 mmHg au repos, ou à 30 mmHg à – L’artériopathie pulmonaire thrombotique ou
– parasitoses pulmonaires (bilharziose,
l’exercice. L’HTAP peut être « secondaire » (par maladie microthromboembolique. Les lésions
filariose) ;
exemple à une affection cardiaque, respiratoire, prédominantes sont endothéliales, sous la forme
– sténoses valvulaires ou artérielles pulmo-
auto-immune) ou « primitive » (HTAPP). Par définition, d’une fibrose intimale « excentrique », couplée à des
naires proximales (fibroses médiastinales) ou
il n’existe aucune cause précise à l’élévation de la aspects de microthromboses organisées et
périphériques (maladie de Takayasu).
pression artérielle pulmonaire dans ce dernier cas. recanalisées.
L’HTAPP est caractérisée par des lésions histologiques À l’inverse, la présence d’un certain nombre de
– La maladie veino-occlusive (MVO)
du lit vasculaire pulmonaire qui participent conditions pathologiques « associées mais arbi-
pulmonaire. Les lésions intéressent primitivement
probablement à l’augmentation permanente de la trairement considérées comme non responsables »
les veines et les veinules pulmonaires, sous la forme
pression dans l’artère pulmonaire. de l’HTAP, est actuellement reconnue : l’hyper-
d’une prolifération et d’une fibrose intimale. On en
tension portale (HTP), le syndrome de Raynaud
rapproche la très rare hémangiomatose capillaire
primaire isolé, l’HTAP d’origine médicamenteuse (en


pulmonaire (moins de 1 % des cas), caractérisée par
Définition de l’hypertension particulier après prises d’anorexigènes) ou
artérielle pulmonaire primitive la prolifération anormale des capillaires pulmonaires
nutritionnelle, l’infection par le virus de
dans les cloisons alvéolaires, aboutissant parfois à
l’immunodéficience humaine (VIH) quel que soit le
l’obstruction des veines pulmonaires et à la
degré d’immunodépression, les anomalies
‚ Définition étiologique auto-immunes isolées ne réunissant pas les critères
constitution d’une véritable MVO « secondaire ».
Mise en évidence par cathétérisme cardiaque L’identification de ces deux formes rares d’HTAPP est
d’atteinte systémique permettant d’établir un
d’une pression artérielle pulmonaire moyenne importante, du fait de l’apparition ou de
diagnostic de collagénose.
(PAPm), supérieure ou égale à 25 mmHg au repos,
ou supérieure à 30 mmHg à l’exercice, associée à
une pression artérielle pulmonaire d’occlusion
(pression capillaire pulmonaire) inférieure ou égale à
12 mmHg.
L’absence de toute autre cause identifiable
d’HTAP précapillaire est un critère indispensable au
diagnostic définitif d’HTAPP. Ces diverses situations
caractérisant les HTAP dites « secondaires » sont les
suivantes :
– HTAP durant la première année de la vie et
toute anomalie congénitale de structure des
poumons, du thorax (grande cyphoscoliose) et du
diaphragme ;
– valvulopathies ou myocardiopathies
congénitales ou acquises ;
© Elsevier, Paris

– maladie thromboembolique chronique ;


– drépanocytose pouvant être à l’origine de
thromboses artérielles pulmonaires disséminées ;
1 Hypertension artérielle pulmonaire primitive : lésion plexiforme (collection des Drs Rain et Capron, service
– bronchopneumopathie chronique obs-
d’anatomie pathologique, hôpital Antoine-Béclère, Clamart).
tructive (BPCO) avec hypoxémie et baisse du rapport

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l’aggravation possibles d’œdèmes pulmonaires, en repose avant tout sur l’administration d’oxygène afin nutritionnels est probable : dérivés amphétami-
cas de traitement vasodilatateur efficace chez ces de corriger l’hypoxémie. Au plan histologique, ces niques anorexigènes, anorexigènes sérotoni-
patients. formes sont associées à une hypertrophie de la nergiques (fenfluramine : Pondéralt ; dexfenflur-
Cette classification semble en fait assez arbitraire. média. Les principales causes sont : amine : Isoméridet, Reduxt). Les complications
En effet, il existe des formes mixtes et des types – les maladies pulmonaires chroniques, cardiovasculaires graves des dérivés de la
différents dans une même famille, faisant de ces dominées par les BPCO ; fenfluramine ont imposé de retirer ces molécules du
diverses lésions l’expression possiblement différente – les hypoventilations alvéolaires chroniques, en marché mondial en 1997.
d’un même processus physiopathologique. particulier celles rencontrées dans le syndrome L’association de l’HTAPP à des stigmates de
d’apnées du sommeil ; maladies systémiques a fait discuter son origine
‚ Vers une redéfinition des hypertensions – les séjours prolongés à haute altitude. auto-immune. Dans les maladies systémiques, la
artérielles pulmonaires survenue d’une HTAP précapillaire, sans atteinte
La définition de l’HTAPP, établie en 1973, a été Hypertension artérielle pulmonaire pulmonaire, est connue, surtout dans la
réévaluée progressivement en fonction des progrès « obstructive » sclérodermie, mais aussi au cours du lupus
accomplis dans la compréhension de la maladie et la L’oblitération des vaisseaux pulmonaires explique érythémateux disséminé, des connectivites mixtes
définition de nouveaux facteurs de risque et/ou de l’apparition d’une HTAP : (syndrome de Sharp) et, moins fréquemment, dans le
conditions associées. De nombreux spécialistes – cœur pulmonaire chronique postembolique ; syndrome de Gougerot-Sjögren primitif, la
pensent qu’il est maintenant temps de modifier la – corps étrangers (injection intraveineuse de polymyosite et la polyarthrite rhumatoïde. Comme
terminologie et la classification des HTAP. La comprimés pilés chez le toxicomane, aboutissant à dans l’HTAPP, le pronostic de ces HTAP est très
classification actuelle, basée sur la présence ou une obstruction vasculaire) ; sombre.
l’absence d’une « cause » identifiable, et opposant les – tumeurs (ovaires, sein) ; L’HTAPP est une complication rare et récemment
formes dites primitives aux formes dites secondaires, – œufs de Schistosoma hæmatobium ; individualisée de l’infection par le VIH. À ce jour, plus
nous apparaît discutable et prête même à – sténose congénitale ; de 100 cas d’HTAPP ont été décrits, touchant tous les
confusion : il est en effet difficile de trouver des – fibrose médiastinale. groupes à risque d’infection par le VIH (toxicomanes
différences claires dans la physiopathologie et la intraveineux, contamination sexuelle ou par les
prise en charge des formes dites « primitives pures » Hypertension artérielle pulmonaire « passive » produits dérivés du sang) et survenant indépen-
de la maladie, de celles soit disant « secondaires » à damment du degré d’immunodépression. La grande
une sclérodermie systémique ou « associée » à une L’HTAP est la conséquence d’une défaillance
majorité des décès de ces patients séropositifs est
infection par le VIH, une prise d’anorexigènes, une ventriculaire gauche ou d’une hyperpression
directement liée à l’HTAP et non aux conséquences
HTP ou un shunt dans le cadre d’une cardiopathie auriculaire gauche. L’HTAP s’associe en général à un
directes de l’infection par le VIH, suggérant une
congénitale. En revanche, certaines situations œdème pulmonaire.
grande évolutivité de la maladie vasculaire
cliniques sont indiscutablement distinctes : pulmonaire.
hyperpression postcapillaire dans le cadre d’une


L’HTP est une condition associée à l’HTAPP
cardiopathie gauche, vasoconstriction hypoxique maintenant bien reconnue. Il est intéressant de
dans le cadre d’une BPCO hypoxémiante,
Physiopathologie
constater que les anomalies vasculaires pulmonaires
obstruction vasculaire pulmonaire de l’HTAP associées à l’HTP sont variables, allant du syndrome
postembolique. Nous proposons donc une Deux phénomènes s’associent pour augmenter hépatopulmonaire vrai (néoangiogenèse
classification actualisée plus pragmatique de l’HTAP. les résistances vasculaires pulmonaires : l’obstruction pulmonaire avec shunt intrapulmonaire, hyperdébit,
de la lumière artérielle d’une part (par prolifération basses pressions pulmonaires, basses résistances
Hypertension artérielle pulmonaire pulmonaires et hypoxémie) à l’HTAP (vasoconstric-
« proliférante » cellulaire et thrombose in situ) et la vasoconstriction
d’autre part. Il est intéressant de noter que la tion et oblitération vasculaires pulmonaires, hautes
Elle est caractérisée par l’importance du vasoconstriction semble être un phénomène résistances vasculaires pulmonaires).
remodelage vasculaire pulmonaire, l’existence d’une précoce dans l’histoire naturelle de la maladie, avant Des cas d’HTAPP familiales ont été régulièrement
hypertrophie de la média, de l’intima et des lésions l’apparition des lésions de remodelage vasculaire rapportés (environ 7 % des HTAPP) avec un mode de
plexiformes. Cliniquement, ces formes sont en pulmonaire, fixées, irréversibles. Les principaux transmission autosomique dominant, à pénétrance
général sévères (PAPm supérieure à 40 mmHg), leur mécanismes impliqués semblent donc le et expression variables. Elles ne diffèrent pas des
pronostic spontané est sombre et il faut proposer à dérèglement du contrôle de la croissance et de la autres HTAPP dans leur présentation, sévérité et
ces patients des traitements spécifiques, en différenciation cellulaire (touchant principalement le évolutivité, mais sont souvent diagnostiquées plus
particulier les vasodilatateurs et une anticoagulation muscle lisse et la cellule endothéliale), l’existence tôt. Le type histologique (artériopathie plexogénique
efficace par antivitamines K. Qu’il existe ou non un d’une situation prothrombosante (bas débit ou MVO) peut varier chez les membres d’une même
« facteur causal », la physiopathologie de cette cardiaque, anomalies de l’hémostase) et la libération famille. Un gène candidat de l’HTAPP familiale se
maladie reste peu claire, bien qu’une dysfonction de facteurs vasoactifs. trouve sur le bras long du chromosome 2.
endothéliale et/ou plaquettaire soit très probable.
Nous proposons d’inclure dans ce groupe les

■ ■
affections suivantes :
– HTAP familiale ; Épidémiologie Présentation clinique
– HTAP liée à la prise de certaines substances
(anorexigènes, huile toxique, L-tryptophane,
cocaïne) ; L’incidence de l’HTAPP est difficile à établir du fait Il n’existe pas de signe clinique spécifique d’HTAP.
– HTAP associée à l’infection par le VIH ; de l’absence de spécificité des symptômes, et parce De plus, du fait de la multiplicité des causes et des
– HTAP des HTP ; qu’il n’existe pas d’examen simple pour l’affirmer. conditions associées aux HTAP, certains signes
– HTAP des connectivites ; Cependant, sa rareté est une certitude : on estime le cliniques de l’atteinte vasculaire pulmonaire peuvent
– HTAP des shunts gauche-droite ; nombre de nouveaux cas annuels en France à être intrinqués aux symptômes propres à la
– HTAP idiopathique ou intrinsèque, c’est-à-dire environ deux par million d’habitants. En revanche, pathologie sous-jacente. Enfin, certaines
sans « cause » retrouvée. les HTAP « secondaires » sont plus fréquentes, manifestations cliniques, souvent tardives, traduisent
reflétant directement le nombre de patients souffrant la sévérité de l’HTAP.
Hypertension artérielle pulmonaire d’affections prédisposantes (BPCO, cardiopathies,
« hypoxique » maladies thromboemboliques). ‚ Signes fonctionnels
L’HTAP est ici liée à une hypoxémie chronique. En ce qui concerne l’HTAPP, la prévalence La dyspnée d’effort est le « signe cardinal » de la
Son niveau est habituellement modéré (PAPm féminine est une donnée habituelle (1,7 femme pour maladie. Ce symptôme est le premier apparu, dans
inférieure à 35 mmHg), sa gravité est moindre que 1 homme), le pic de fréquence se situe entre 20 et 40 95 % des cas dans notre expérience. À l’évidence, ce
celle des formes proliférantes, et son traitement ans, et le rôle de facteurs médicamenteux ou signe est peu spécifique et sa cause peut être

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Hypertension artérielle pulmonaire - 6-0870

longtemps négligée si un bilan complet précoce n’est arythmie. Enfin, un souffle diastolique d’insuffisance pourraient jouer un rôle dans les phénomènes de
pas effectué. L’analyse précise des dossiers pulmonaire est rarement perçu (environ 15 % des thromboses in situ, classiques chez ces patients.
médicaux de patients hospitalisés pour HTAPP patients). Nous complétons systématiquement ce bilan par un
montre que l’intervalle entre l’apparition de cette L’auscultation pulmonaire est en général claire, bilan complet d’hémostase (antithrombine III,
dyspnée d’effort et l’établissement du diagnostic sans particularité. L’existence d’anomalies protéine C, protéine S, facteur V Leyden...). La
d’HTAP est d’en moyenne 20 mois. Son apparition auscultatoires doit faire évoquer une cause fréquence des anomalies thyroïdiennes souvent
ou sa majoration, dans le cadre d’une pathologie particulière à l’HTAP (BPCO, œdème pulmonaire, auto-immunes justifie un dosage systématique de la
préexistante y prédisposant, doit faire évoquer fibrose pulmonaire). TSH (thyroid stimulating hormone) et, en cas
l’HTAP (par exemple chez un patient porteur d’un Les signes d’insuffisance ventriculaire droite sont d’anomalie, des hormones T3 et T4 (hypothyroïdie
syndrome CREST [C : calcinose sous-cutanée ; R : systématiquement recherchés (turgescence jugulaire, plus fréquente qu’hyperthyroïdie, entrant parfois
syndrome de Raynaud ; E : dysfonction de hépatalgie d’effort, reflux hépatojugulaire, œdème dans le cadre d’une maladie de Basedow).
l’œsophage ; S : sclérodactylie ; T : télangiectasies], des membres inférieurs, ascite, voire anasarque). La sérologie VIH (et éventuellement une sérologie
dans la cadre d’une sclérodermie). Classiquement, Certains signes traduisent l’existence d’un terrain de bilharziose, des hépatites virales B et C et
cette dyspnée est cotée en quatre stades, selon la particulier, plus fréquemment rencontré dans le rarement une électrophorèse de l’hémoglobine) est
classification de la New York Heart Association cadre de l’HTAPP : un phénomène de Raynaud est réalisée dans le cadre du bilan biologique initial.
(NYHA) (classe I : patient asymptomatique ; classe II : constaté chez environ 15 % des patients (de même
patient éprouvant de l’essoufflement ou de la fatigue des migraines sont retrouvées dans les antécédents ‚ Électrocardiogramme
pour des efforts inhabituels ; classe III : patient de près de 10 % des patients, touchant surtout les
Il montre, dans la grande majorité des cas, des
éprouvant de l’essoufflement ou de la fatigue pour femmes). Ces signes cliniques non spécifiques
signes d’hypertrophie ventriculaire et auriculaire
les efforts de la vie courante ; classe IV : gêne traduisent probablement l’existence d’une réactivité
droites (dextrorotation avec aspect classique S1Q3,
permanente existant au repos). Plus de la moitié des vasculaire particulière chez ces patients et ont fait
évoquer la possibilité d’anomalies vasculaires ondes P « pulmonaire » amples, grandes ondes « R »
patients sont déjà en classe fonctionnelle III ou IV au
diffuses non compartimentalisées aux poumons en précordial droit, avec troubles secondaires de la
moment de l’établissement formel du diagnostic
dans l’HTAPP. De plus, certains auteurs ont décrit repolarisation, bloc de branche droit). Au moment du
d’HTAP, traduisant le retard important à la détection
l’existence d’un véritable syndrome de Raynaud diagnostic, quasiment tous les patients sont en
de cette maladie. Néanmoins, cette classification est
pulmonaire dans l’HTAPP et dans l’HTAP des rythme sinusal, des troubles du rythme
grossière et il apparaît désormais plus logique
connectivites. supraventriculaire pouvant émailler l’évolution de la
d’utiliser le test de marche de 6 minutes pour
maladie.
analyser l’altération des capacités d’adaptation à
l’exercice chez ces malades (on mesure la distance


‚ Radiographie thoracique standard
que le patient parcourt en 6 minutes, alors qu’il
marche à son propre rythme, encouragé mais non
Examens complémentaires Elle est anormale dans 95 % des cas (fig 3). Elle
poussé par son accompagnateur qui surveille en montre habituellement l’augmentation de volume
permanence la fréquence cardiaque et la saturation du tronc artériel pulmonaire et des artères
Un arbre décisionnel est présenté figure 2.
percutanée en oxygène à l’aide d’un saturomètre de pulmonaires proximales (diamètre de l’artère lobaire
pouls). La classe fonctionnelle NYHA, comme la ‚ Bilan biologique standard inférieure droite supérieur à 16 mm sur un cliché de
valeur du test de marche de 6 minutes, sont de bons face), la saillie de l’infundibulum (qui se projette au
Il est classiquement normal dans l’HTAPP. Notons
facteurs pronostiques d’HTAP. niveau de l’arc moyen gauche) et une cardiomégalie
néanmoins la fréquence relative de certaines
Les douleurs thoraciques d’allure angineuse, avec débord cardiaque droit. On note parfois
anomalies : thrombopénie modérée en général
rétrosternales, constrictives d’effort et/ou de repos, l’existence d’un épanchement pleural, prédominant
supérieure à 80 000/mL, anémie modérée avec
traduisent l’existence d’une ischémie sous- en général à droite (en particulier en cas d’IVD
parfois présence de schizocytes au frottis,
endocardique ventriculaire droite et sont retrouvées importante avec ascite). Quelques patients porteurs
insuffisance rénale (créatininémie en général de 110
chez environ un tiers des patients. d’HTAPP présentent, au cours de l’évolution de leur
à 150 mmol/L), anomalies du bilan hépatique avec
maladie, un syndrome interstitiel pulmonaire. Cela
Les lipothymies, voire les syncopes d’effort, ont cytolyse, cholestase et élévation de la bilirubinémie,
doit systématiquement faire évoquer une cause
une grande signification péjorative, car elles et enfin, taux de prothrombine spontané un peu bas.
postcapillaire (insuffisance ventriculaire gauche,
traduisent un bas débit cérébral. Ces anomalies traduisent, en général, l’important
rétrécissement mitral...) ou une HTAP secondaire à
L’asthénie, fréquente lors du diagnostic, est un régime de pression pulmonaire et ses conséquences
une maladie interstitielle pulmonaire. Néanmoins,
symptôme initial moins habituel (25 % des cas). (schizocytose par éclatement des hématies au
certains patients porteurs de variantes rares d’HTAPP
L’existence de palpitations est assez fréquente niveau des vaisseaux pulmonaires, bas débit rénal,
(MVO ou hémangiomatose capillaire pulmonaire)
(10 à 15 %), avec parfois de véritables troubles du foie cardiaque). Une protéinurie modérée peut
peuvent développer un tableau d’œdème
rythme supraventriculaires, paroxystiques ou s’observer, en l’absence de glomérulopathie, dans le
cadre de l’insuffisance ventriculaire droite (IVD). pulmonaire sous traitement vasodilatateur
permanents, exceptionnellement révélateurs. (augmentation du débit cardiaque en présence d’une
Les hémoptysies sont le plus souvent de faible Chez plus de 10 % des patients, des titres
obstruction postcapillaire favorisant l’œdème
abondance dans l’HTAP (10 à 15 % des cas). Elles d’anticorps antinucléaires sériques supérieurs à 1/80
pulmonaire).
sont retrouvés, le plus souvent de fluorescence
doivent toujours faire évoquer le diagnostic de
homogène, surtout chez des patients du sexe
migration pulmonaire et sont plus fréquentes dans ‚ Scanner thoracique
féminin (on y associe la réalisation d’un « latex
l’histoire clinique de patients porteurs d’un cœur
Waaler-Rose » [réaction au latex analogue à la La tomodensitométrie pulmonaire précise les
pulmonaire chronique postembolique, d’une MVO
réaction Waller-Rose], la recherche d’anticorps anomalies radiographiques et permet la détection
ou d’une cardiopathie congénitale.
antithyroïdiens et, éventuellement, la recherche précoce et le suivi de l’évolution d’un syndrome
Une dysphonie est retrouvée dans moins de 5 % d’une cryoglobulinémie et le dosage des fragments interstitiel. L’existence d’images en verre dépoli, de
des cas. Elle est liée à une compression récurrentielle C3 et C4 du complément). Cela traduit, pour nodules flous, d’épaississement des lignes septales et
gauche par l’artère pulmonaire dilatée (syndrome beaucoup, le terrain particulier propre à cette d’un épanchement pleural est relativement
d’Ortner). maladie (lambeaux de connectivite). évocatrice d’un tableau de MVO ou d’hémangio-
De même, les anomalies « auto-immunes » de la matose capillaire pulmonaire, et peut justifier la
‚ Examen physique
coagulation sont fréquentes dans l’HTAPP, sans discussion d’une biopsie pulmonaire chirurgicale
L’auscultation cardiaque retrouve un éclat de B2 aucun argument scintigraphique et/ou angiogra- avant la mise en route d’un éventuel traitement
au foyer pulmonaire dans la quasi-totalité des cas et phique de cœur pulmonaire chronique vasodilatateur. Le scanner thoracique permet parfois
un souffle systolique d’insuffisance tricuspide postembolique. On retrouve ainsi, dans environ de conforter un diagnostic et d’éviter une biopsie
fonctionnelle dans plus de 60 % des cas. Elle peut 10 % des cas, des anticorps antiphospholipides chirurgicale non dénuée de risque (histiocytose X
parfois retrouver une tachycardie, voire une et/ou des anticoagulants circulants. Ces anomalies pulmonaire, emphysème pulmonaire).

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bronchoalvéolaire qui peut détecter la présence de


sidérophages (macrophages tatoués de pigments
Symptomatologie à l'effort Radiographie pulmonaire ferriques analysés au mieux par le score de Golde)
en faveur d’une hémorragie alvéolaire, fréquente
Dyspnée Dilatation artères pulmonaires
Lipothymie Saillie arc moyen gauche
dans certaines formes de MVO.
Syncope Débord cardiaque droit
+ Raréfaction vasculaire ‚ Biopsie pulmonaire chirurgicale
Examen clinique Elle n’est pas dénuée de risque mais s’avère
parfois nécessaire si le diagnostic d’HTAPP reste
Éclat de B2 au foyer pulmonaire
Souffle d'insuffisance tricuspide indéterminé, et surtout si une MVO ou une
Insuffisance ventriculaire droite hémangiomatose pulmonaire capillaire sont
Évoquer HTAP
suspectées (il s’agit là de formes rares de la maladie,
Échographie cardiaque pouvant s’aggraver sous traitement vasodilatateur et
Cathétérisme cardiaque droit justifiant parfois une inscription rapide sur un
Recherche de signes associés programme de transplantation pulmonaire si l’état
du patient le justifie). Dans certains cas, il peut donc
être nécessaire d’effectuer une biopsie pulmonaire
HTAP postcapillaire HTAP précapillaire pour confirmer, à partir de l’examen histologique
des tissus, le diagnostic d’HTAPP. Cet examen est
Contexte souvent évocateur Insuffisance respiratoire chronique Maladies vasculaires pulmonaires actuellement rarement effectué.
Insuffisance ventriculaire gauche
Rétrécissement mitral ‚ Échodoppler cardiaque
Contexte souvent évocateur Scintigraphie pulmonaire VA/Q
Hypoxémie de base L’échocardiographie avec analyse par doppler
Bronchopathie chronique obstructive pulsé et continu constitue un excellent examen de
Pathologie restrictive dépistage de l’HTAP. Ses limitations principales sont
Syndrome d'apnées du sommeil
les conditions techniques parfois difficiles (distension
thoracique des BPCO, obésité). On note
Normale Anormale principalement une hypertrophie-dilatation des
cavités droites et le mouvement paradoxal du
Angiographie pulmonaire
+ Angioscanner spiralé septum interventriculaire. Un shunt droite-gauche
HTAP postembolique fonctionnel à l’étage auriculaire (patent foramen
ovale) est retrouvé chez environ 15 % des patients
Vascularites lors du diagnostic par échographie avec contraste de
Cardiopathie congénitale
phase (injection intraveineuse de microbulles avec
Maladie parasitaire
Maladie hématologique contamination précoce des cavités gauches). On
HTAP primitive note parfois l’existence d’un épanchement
péricardique, en général modéré, sans retentis-
2 Hypertension artérielle pulmonaire : stratégie diagnostique. HTAP : hypertension artérielle pulmonaire. sement sur les cavités cardiaques, plus fréquent dans
les formes les plus sévères. Cet examen permet la
détection d’anomalies cardiaques pouvant évoquer
3 Hypertension artérielle une dysfonction ventriculaire gauche, une
pulmonaire primitive : ra- valvulopathie ou une cardiopathie congénitale
diographie pulmonaire de associée. L’existence d’un flux d’insuffisance
face : cardiomégalie et
tricuspide permet d’évaluer la pression artérielle
saillie de l’arc moyen
pulmonaire systolique, celle d’un flux d’insuffisance
gauche.
pulmonaire permet l’évaluation de la pression
artérielle pulmonaire diastolique. De grands progrès
dans cette technique permettent d’envisager
l’analyse du débit cardiaque, mais cela n’est pas
encore réalisé en pratique courante.

‚ Épreuves fonctionnelles respiratoires


Les paramètres fonctionnels respiratoires sont
dans les limites de la normale dans l’HTAPP, avec
cependant un fréquent syndrome restrictif modéré,
reflétant probablement l’existence d’une
cardiomégalie importante (capacité pulmonaire
totale moyenne de l’ordre de 80 à 90 % des valeurs
théoriques). La gazométrie artérielle retrouve une
hypoxémie artérielle de repos à l’air ambiant quasi
constante, le plus souvent modérée, avec une
hypocapnie constante et un pH normal. L’étude des
gaz du sang en hyperoxie chez les patients
hypoxémiques permet d’évaluer l’existence d’un
shunt vrai. La capacité de diffusion de l’oxyde de
carbone rapportée au volume alvéolaire (DLCO/VA)
est quasiment toujours abaissée, traduisant l’atteinte
vasculaire pulmonaire.
‚ Fibroscopie bronchique trachéobronchique, particulièrement en cas ‚ Test de marche de 6 minutes
Elle n’est pas systématique. Elle permet d’hémoptysie, a fortiori si l’on a affaire à un patient C’est une épreuve d’exercice simplifiée et peu
néanmoins de vérifier l’intégrité de l’arbre fumeur. Elle permet la réalisation d’un lavage dangereuse, qui a été discutée plus haut. Sa

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réalisation doit être systématique dans le bilan initial maladie thromboembolique chronique et impose d’anomalie ventriculaire gauche. Cet examen est
et évolutif d’une HTAP. Des tests d’exercice sur la réalisation d’une scintigraphie de ventilation et, parfois complété par une analyse de la fraction
bicyclette ou tapis roulant peuvent être effectués, si nécessaire, une angiographie pulmonaire qui, d’éjection du ventricule gauche par scintigraphie des
mais leur réalisation doit être extrêmement dans le cas de l’HTAPP, montre une vasculari- cavités cardiaques et, plus rarement, d’un
prudente, sous surveillance spécialisée (risque de sation périphérique grêle sans signes évocateurs cathétérisme cardiaque gauche avec mesure de la
syncope d’effort, voire de mort subite), et n’apportent de maladie thromboembolique chronique fraction d’éjection et coronarographie.
souvent pas plus de renseignements que le simple (absence d’irrégularités de calibre et surtout
test de marche. d’amputations vasculaires pulmonaires) (fig 5). ‚ Autres examens pouvant être demandés
‚ Scintigraphie pulmonaire Dans notre expérience, l’angiographie pulmonaire L’échographie abdominale avec doppler
La scintigraphie pulmonaire de perfusion, effectuée dans un contexte d’HTAPP n’a été recherche une anomalie hépatique et permet de
voire de ventilation/perfusion, est essentielle au responsable d’aucun décès, ni d’aucun incident détecter l’existence d’une HTP.
diagnostic d’HTAPP et doit être pratiquée chez grave : quelques malaises résolutifs d’allure vagale Une oxymétrie nocturne, voire une polysomno-
tous les patients (fig 4). Elle est en général ont été notés, justifiant, pour certains auteurs, une graphie, est nécessaire en cas de suspicion de
normale, avec néanmoins un aspect classique de prémédication systématique par l’atropine. Cet syndrome d’apnées du sommeil associé.
gradient de perfusion antéropostérieur parfois examen n’est cependant pas anodin et n’est en
aucun cas systématique dans l’HTAPP. ‚ Cathétérisme cardiaque droit
trompeur mais non évocateur de maladie
thromboembolique. Cet examen peut également Il reste l’examen de référence en cas de
aider au dépistage d’un shunt vrai (fixation
‚ Scintigraphie myocardique suspicion d’HTAP. Il permet en effet la confirmation
extrapulmonaire excessive). L’existence de Elle n’est pas systématique. Elle permet un du diagnostic, l’évaluation du caractère pré- ou
defects perfusionnels doit faire discuter une complément d’information en cas de suspicion postcapillaire de l’HTAP, de sa sévérité hémodyna-
mique et de sa réponse aux traitements
vasodilatateurs en aigu. On effectue parfois un
exercice, au cours de cet examen, afin de renforcer
la sensibilité de détection d’une HTAP minime ou
pour juger de la tolérance à l’effort. En cas de
suspicion de dysfonction ventriculaire gauche, la
mesure de la pression artérielle pulmonaire
d’occlusion peut être recontrôlée après une épreuve
de remplissage par les macromolécules (type
Elohèst, par exemple). Le cathétérisme cardiaque
droit est un examen invasif, nécessitant la montée
d’une sonde de Swan-Ganz à partir d’une veine
périphérique (en général jugulaire interne, basilique
ou fémorale), dans les cavités cardiaques droites et
les artères pulmonaires. Le cathétérisme cardiaque,
4 Hypertension artérielle pulmonaire postembolique : scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion : s’il est indispensable au diagnostic et au bilan
defects perfusionnels systématisés multiples dans des zones normalement ventilées au cours d’une hypertension thérapeutique, est une exploration dangereuse
artérielle pulmonaire postembolique (collection du Dr Hellal, service de médecine nucléaire, hôpital Antoine- chez ces patients, avec une mortalité évaluée de
Béclère, Clamart). l’ordre de 5 % au cours ou au décours proche d’une
exploration hémodynamique souvent trop
prolongée, maintenant quasiment abandonnée
(supérieure à 36 heures). Les risques semblent
encore plus élevés chez les patients porteurs, à l’état
basal, d’un patent foramen ovale. Les progrès de
cette investigation et la simplification du test de
réversibilité sous vasodilatateurs semblent avoir
considérablement réduit la morbidité et la mortalité
de cet examen qui doit être impérativement effectué
par un opérateur spécialisé, en salle d’hémodyna-
mique disposant d’un appareillage complet de
réanimation ou en service de soins intensifs.
Le cathétérisme cardiaque droit permet de
mesurer les pressions dans l’artère pulmonaire, de
mesurer le débit et l’index cardiaque (et donc
d’évaluer les résistances vasculaires pulmonaires par
le rapport pression artérielle pulmonaire
moyenne/index cardiaque). On évalue aussi la
saturation en oxygène de l’hémoglobine au niveau
des artères pulmonaires (Sv H O2) et la pression
artérielle pulmonaire d’occlusion (reflet de la
pression capillaire). En cas d’hypoxémie, la
défaillance circulatoire est bien appréciée par la
mesure de la différence artérioveineuse en oxygène.
Après évaluation hémodynamique à l’état de
base, on effectue un test pharmacologique à l’aide
d’une substance vasodilatatrice, sous contrôle
médical continu (en général monoxyde d’azote
inhalé, 10 ppm pendant 10 minutes, ou
5 Hypertension artérielle pulmonaire postembolique : angiographie pulmonaire : obstruction de l’artère prostacycline intraveineuse à des doses
lobaire inférieure droite dans le cadre d’une maladie thromboembolique chronique (incidence de profil) progressivement croissantes, jusqu’à 10 ng/kg/min).
(collection des Drs Maître et Musset, service de radiologie, hôpital Antoine-Béclère, Clamart).
S’il existe une amélioration hémodynamique

5
6-0870 - Hypertension artérielle pulmonaire

certaine (amélioration d’au moins 20 à 30 % des actuellement scrupuleusement discutée. Toute avec quelques cas de malaises graves et parfois
résistances vasculaires pulmonaires avec baisse d’au anesthésie générale et tout acte chirurgical même mortels. Nous préférons revoir les patients
moins 20 % de la pression artérielle pulmonaire peuvent être très mal supportés chez ces patients, si « répondeurs » au NO après 3 mois de traitement
moyenne), on dit que le patient est « répondeur » et bien que les interventions chirurgicales, quels que anticalcique per os (nifédipine [Adalatet : 60 à
qu’il pourra probablement bénéficier d’un traitement soient leurs motifs, seront minutieusement discutées. 120 mg/j] chez les patients dont la fréquence
vasodilatateur au long cours par les inhibiteurs La grossesse est contre-indiquée, susceptible de cardiaque de repos est inférieure à 80 à 90/min, ou
calciques administrés oralement. Si le patient n’est conduire au décès de la mère et de l’enfant. Il existe diltiazem [Tildiemt : 180 à 360 mg/j] si la fréquence
pas « répondeur » et que son état clinique et un risque considérable d’aggravation de la maladie, cardiaque est supérieure à 80 à 90/min), afin de
hémodynamique est préoccupant, il faudra en particulier en fin de grossesse ou après juger de la réponse clinique et hémodynamique à
envisager l’administration continue par voie l’accouchement. Notons néanmoins qu’une de nos ces médicaments.
veineuse de prostacycline (Flolant) sur cathéter patientes, porteuse d’une HTAPP ancienne bien
tunnellisé sous-clavier et, si nécessaire, l’inscription tolérée, a pu mener à terme une grossesse, sans ‚ Prescription de l’époprostérol (Flolant)
sur un programme de transplantation pulmonaire problème majeur. Cela constitue une exception et ne Nous avons vu plus haut que seul un malade sur
ou cardiopulmonaire (cf infra). On voit ici les justifie en aucun cas d’accepter une grossesse sur un cinq répond en aigu au NO. Par conséquent, environ
conséquences fondamentales du cathétérisme tel terrain. Les risques encourus en cas de grossesse 20 % des patients explorés pour HTAPP pourront
cardiaque droit, tant sur le diagnostic que pour la imposent le recours à une contraception chez les potentiellement répondre au traitement anticalcique
prise en charge du patient. Il est obligatoire de femmes en période d’activité génitale. Cette administré par voie orale au long cours. Depuis
répéter cet examen après quelques mois de contraception est classiquement mécanique ou quelques années, les patients « non répondeurs »
traitement afin de vérifier si l’efficacité clinique est hormonale minidosée progestative pure. En peuvent bénéficier d’un traitement vasodilatateur
également associée à une efficacité hémodyna- l’absence d’antécédents de thrombose ou continu par époprosténol (Flolant), administré par
mique (ou pour confirmer l’échec du traitement). d’anomalies de l’hémostase documentées, nous voie intraveineuse continue sur cathétérisme
avons parfois décidé de proposer à nos patientes central. Il existe un paradoxe apparent dans le fait
une contraception œstroprogestative minidosée, à la


que l’on réserve les traitements continus par
condition de poursuivre une anticoagulation efficace prostacycline aux patients ne répondant pas en aigu
Principes thérapeutiques au long cours. à ce produit (ou au NO). Cela a fait évoquer, par
certains auteurs, l’existence d’effets autres que
‚ Anticoagulation au long cours
L’HTAPP est une maladie grave. L’espérance de vasodilatateurs de la prostacycline administrée au
vie moyenne des patients était encore récemment Certains travaux cliniques et expérimentaux long cours (action sur le remodelage vasculaire
de l’ordre de 2 à 3 ans. Les traitements actuels plaident en faveur d’un rôle important des pulmonaire, effet antiplaquettaire). Néanmoins, une
permettent d’envisager une amélioration mécanismes de thrombose et du traitement étude récente a montré un effet vasodilatateur
significative du pronostic de cette maladie. À anticoagulant dans la pathogénie, l’évolution et le chronique de l’époprosténol significativement
l’heure actuelle, on ne parle pas de « guérison sous pronostic de la maladie. En dehors des supérieur à l’effet en aigu. Il est maintenant
traitement » mais plus de « contrôle de la maladie ». contre-indications classiques à ce traitement, nous clairement établi que l’époprosténol est le seul
La ou les causes de la maladie étant inconnues, la recommandons l’utilisation des antivitamines K, à médicament actuellement disponible permettant
prise en charge thérapeutique de l’HTAPP ne peut doses curatives (INR aux environs de 2,0) chez ces d’améliorer la qualité de vie et la survie de patients
être qu’empirique. Elle repose sur des abords patients. porteurs d’une HTAPP sévère (classe fonctionnelle
différents et complémentaires : la limitation des III ou IV, résistances artérielles pulmonaires
‚ Diurétiques supérieures à 20 UI/m2, index cardiaque inférieur à
agressions, l’anticoagulation au long cours et
l’utilisation de drogues vasodilatatrices. L’avènement Associés au régime sans sel, ils permettent de 2,2 L/min/m2, saturation veineuse en oxygène
récent de l’injection continue d’époprosténol (PGI2, réduire la surcharge hydrosodée, conséquence de inférieure à 63 %). Initialement présentée comme
prostacycline, Flolant) et l’amélioration des l’insuffisance cardiaque droite. une solution d’attente à la transplantation
techniques de transplantation cardiopulmonaire ou pulmonaire ou cardiopulmonaire (bridge therapy),
pulmonaire ont permis de modifier l’attitude
‚ Oxygénothérapie elle constitue maintenant clairement une alternative
thérapeutique et le pronostic à court terme d’une Elle est souvent prescrite en cas d’hypoxémie à celle-ci, les inscriptions sur liste de greffe se faisant
affection dont l’évolution spontanée est le plus significative, inférieure à 60 mmHg (8 kPa). Elle est le plus souvent dans un second temps, après
souvent rapidement fatale. particulièrement intéressante à l’exercice chez démonstration de l’échec de ce traitement.
certains patients. Elle est plus discutable, voire La perfusion continue de prostacycline est, à
‚ Limitation des agressions illusoire, en cas de shunt vrai. l’heure actuelle, un traitement très contraignant,
La limitation des efforts est une règle à respecter nécessitant la mise en place d’une voie veineuse
de façon formelle chez ces patients dont l’affection
‚ Digitaliques profonde à demeure, avec le risque infectieux
est caractérisée par une limitation purement Certains auteurs les prescrivent en association inhérent à ce type d’appareillage. Les infections
circulatoire. Leurs symptômes et leur tolérance à aux diurétiques. Leur efficacité est bien moindre que peuvent être dramatiques chez des patients en
l’exercice peuvent cependant varier d’un jour à celle des vasodilatateurs (cf infra). condition hémodynamique précaire. Les patients
l’autre. L’interdiction de tout effort entraînant un doivent bénéficier d’une éducation parfaite pour la
essoufflement important est formelle. En effet, dans ‚ Vasodilatateurs manipulation, la préparation et le changement des
ce cas-là, la souffrance du ventricule droit devient Un certain nombre de faits plaide en faveur de seringues (actuellement, on prescrit ce traitement à
trop importante et un arrêt cardiaque peut survenir. leur utilisation dans l’HTAPP, en agissant sur un raison de deux à trois changements de seringue par
Il faut aussi éviter les séjours en altitude (plus de élément de vasoconstriction réversible. L’inhalation jour). Ce traitement très coûteux (de l’ordre du
800 m) et, par extension, les voyages aériens en de 10 ppm de monoxyde d’azote (NO), pendant 10 million de francs par patient et par an en 1998) est
cabines non pressurisées. En effet, la raréfaction en minutes, au cours du cathétérisme cardiaque droit, exclusivement réservé aux patients porteurs
oxygène majore l’hypoxémie et donc la dyspnée, et permet de détecter les patients ayant une d’HTAPP sévère, ne réagissant à aucun autre
de façon réflexe, la pression artérielle pulmonaire composante réversible. Cette réponse au NO en aigu traitement, en particulier anticalcique. L’adminis-
(phénomène de vasoconstriction hypoxique). Tout a également une valeur prédictive sur les possibilités tration initiale de ce traitement se fait en milieu
geste potentiellement iatrogène doit être proscrit : de mise en route d’un traitement vasodilatateur. En hospitalier, à doses progressivement croissantes,
cathétérismes trop rapprochés ou trop prolongés, effet, les patients « répondeurs » ont en général une sous surveillance médicale continue, en parallèle à
toute autre exploration invasive comme la biopsie bonne réponse chronique à l’administration l’éducation du patient (préparation et maniement du
pulmonaire à thorax ouvert, sauf en cas d’absolue d’inhibiteurs calciques par voie orale. Nous ne produit, utilisation de la seringue électrique...). Au
nécessité (sa rentabilité diagnostique est inconstante recommandons pas l’administration de fortes doses long cours, il existe une nécessité d’augmenter
et sa morbidité et sa mortalité sont élevées, avec d’inhibiteurs calciques par voie orale en aigu, progressivement les doses de ce produit, du fait d’un
trois décès précoces dans notre série). L’indication de comme cela a été publié par certains auteurs. En phénomène de tachyphylaxie. Dans notre
la biopsie pulmonaire à thorax ouvert doit être effet, ces essais sont potentiellement dangereux, expérience, les doses habituelles de prostacycline

6
Hypertension artérielle pulmonaire - 6-0870

sont d’environ 10 ng/kg/min au 10 e jour de ‚ Transplantations pulmonaires de donneurs expliquent la mortalité non négligeable
traitement, 16 ng/kg/min au 3 e mois et ou cardiopulmonaires sur liste de greffe et posent le problème du moment
20 ng/kg/min à la fin de la 1re année. Ces résultats optimal d’inscription.
sont éminemment variables selon les sujets et les Possibles depuis 1981, ce sont les interventions En conclusion, les résultats encore imparfaits de la
écoles (aux États-Unis, les doses moyennes à 1 an dont l’indication élective est l’HTAPP sévère. Les greffe pulmonaire et cardiopulmonaire et le faible
sont de l’ordre de 40 ng/kg/min). L’augmentation résultats sont encore imparfaits, avec dans nombre de greffons disponibles chaque année en
des doses repose actuellement sur les données France, imposent de limiter les indications
l’expérience du groupe de transplantation
cliniques (classe fonctionnelle NYHA, test de marche d’inscription sur liste aux malades jeunes, les plus
pulmonaire de l’université Paris-Sud, une survie de
de 6 minutes, signes cliniques) et hémodynamiques. sévères, non répondeurs au traitement médical
l’ordre de 75 % à 1 an et de près de 50 % à 5 ans, sur
Leur standardisation est encore discutée. « optimal ». Enfin, dans notre expérience, il n’est pas
64 patients transplantés. La mortalité précoce est
rare d’inscrire des patients sur liste et de les en retirer
avant tout d’ordre infectieuse, alors que la mortalité
Les effets secondaires sont de plusieurs ordres. du fait de l’efficacité de l’administration continue de
tardive reflète surtout les problèmes de rejets
Certains sont liés au mode d’administration prostacycline. L’attitude thérapeutique actuelle de
pulmonaires chroniques (syndrome de bronchiolite
(pneumothorax lors de la pose du cathéter tunnellisé notre groupe est résumée sur la figure 6.
oblitérante). Ces données et le faible nombre actuel
sous-clavier, hémothorax, infection de cathéter). de greffons pulmonaires disponibles justifient le


D’autres sont de simples signes d’imprégnation, respect de critères de sélection très stricts qui
traduisant le passage sanguin du produit : douleurs
Particularités des HTAP
regroupent en fait l’échec, la contre-indication ou secondaires et de certaines
des mâchoires (en particulier à la mastication), l’échappement au traitement médicamenteux chez « conditions associées »
troubles digestifs (nausées, diarrhées), bouffées de les patients les plus graves (classe fonctionnelle III et
chaleur. En général, ces signes s’amendent IV de la NYHA). Il est à noter ici que l’amélioration L’attitude thérapeutique, dans chaque type
progressivement et nécessitent des mesures des techniques chirurgicales des HTAP secondaires d’HTAP secondaire, ne peut être schématisée en
thérapeutiques simples « à la demande » et aux maladies thromboemboliques chroniques a détail ici. Une donnée essentielle est toujours
éventuellement une augmentation plus progressive permis une économie importante de greffons l’optimisation du traitement de la maladie associée à
des doses du médicament. Certains effets cardiopulmonaires dans notre centre : en effet, la l’HTAP. Néanmoins, dans certaines circonstances,
secondaires sont redoutables, en particulier la non-inscription sur liste de transplantation une thérapeutique spécifique peut se discuter :
survenue d’un œdème pulmonaire dans les formes pulmonaire se justifie chez les patients porteurs de – dans les HTAP passives, conséquences d’une
rares de la maladie, caractérisée par une atteinte cœurs pulmonaires chroniques postemboliques défaillance ventriculaire gauche ou d’une
postcapillaire (MVO, hémangiomatose capillaire proximaux accessibles à la thromboendartériec- hyperpression auriculaire gauche, le traitement
pulmonaire). La suspicion clinique de MVO ou tomie pulmonaire sous vidéoangioscopie et arrêt diurétique et la prise en charge de la cardiopathie
d’hémangiomatose capillaire pulmonaire reste, à ce circulatoire. sous-jacente sont bien sûr essentiels ;
jour, une des dernières indications de biopsie – l’oblitération proximale des vaisseaux
pulmonaire chirurgicale. Les contre-indications usuelles à la transplan- pulmonaires, dans le cadre d’un cœur pulmonaire
tation sont l’âge (supérieur à 55 ou 60 ans), chronique postembolique, peut faire discuter une
On peut espérer voir apparaître, dans les l’existence d’une maladie systémique associée thromboendartériectomie pulmonaire sous
prochaines années, des voies d’administration plus significative, d’un diabète, d’antécédent vidéoangioscopie et arrêt circulatoire ;
simples et moins onéreuses des dérivés de la carcinologique, de signes d’insuffisances rénales – les HTAP obstructives, dans le cadre de tumeurs
prostacycline (voies sous-cutanée, inhalée, voire et/ou hépatiques sévères, des antécédents de (ovariennes, mammaires), imposent un traitement
chimiothérapique adapté, souvent délicat, chez des
orale). Enfin, des alternatives à la prostacycline chirurgie cardiothoracique majeure, une
patients à l’état hémodynamique précaire ;
devraient être prochainement évaluées, en corticothérapie prolongée à plus de 30 mg/j et un
– les HTAP obstructives, dans le cadre d’infection
particulier les antithromboxanes. profil psychologique instable. Les carences actuelles
à Schistosoma hæmatobium, doivent bénéficier d’un
traitement antiparasitaire ;
– certains auteurs ont décrit une évolutivité
Testing en aigu moins rapide des hypertensions artérielles associées
NO inhalé à l’infection par le VIH sous traitement antirétroviral.
Bien que cette notion soit discutée, il est essentiel de
proposer à ces patients un traitement antirétroviral
« optimisé ». Le traitement par injection continue de
Répondeur Non répondeur
prostacycline est ici indiqué, comme dans les autres
formes primitives de la maladie ;
Testing avec un – les formes sévères d’HATP des HTP et des
inhibiteur calcique connectivites peuvent bénéficier d’un traitement par
injection continue de prostacycline ;
– les HTAP des maladies pulmonaires chroniques
hypoxémiantes bénéficieront toujours d’une
Répondeur Non répondeur oxygénothérapie adaptée, voire d’une ventilation à
domicile ;
– les hypoventilations alvéolaires chroniques (en
HTAP modérée HTAP sévère HTAP modérée particulier celles rencontrées dans le syndrome
(classe NYHA I ou II) (classe NYHA III ou IV) (classe NYHA I ou II) d’apnées du sommeil) sont aussi prises en charge de
façon spécifique.

Traitement Traitement conventionnel Traitement conventionnel Traitement


conventionnel + autre vasodilatateur + prostacycline IV conventionnel
+ inhibiteur calcique oral et/ou transplantation seul Pronostic et survie

6 Hypertension artérielle pulmonaire primitive : stratégie thérapeutique (d’après Sitbon et al).


Avant l’avènement de l’époprosténol, la médiane de
Traitement conventionnel : limitation des efforts, anticoagulation effıcace, diurétiques et oxygénothérapie si
survie « classique » de l’HTAPP était de 28 mois à partir
nécessaire.
du diagnostic, selon le registre national américain, et de
NO : monoxyde d’azote ; HTAP : hypertension artérielle pulmonaire ; NYHA : New York Heart Association.
l’ordre de 2 à 3 ans dans la plupart des séries publiées.

7
6-0870 - Hypertension artérielle pulmonaire

Comme on l’a déjà évoqué plus haut, il semble meilleur pronostic, la plupart des décès observés vasodilatateur ou non. Avant l’époque de
néanmoins exister deux populations distinctes. dans ce groupe n’étant d’ailleurs pas directement l’époprosténol, les patients porteurs d’HTAPP
liés à l’HTAP. « malignes » avaient une survie de l’ordre de 10 % à
‚ Hypertensions artérielles pulmonaires 2 ans et nécessitaient l’inscription rapide sur liste de
de gravité modérée ‚ Hypertensions artérielles pulmonaires greffe. Ces chiffres ne sont actuellement plus
Les HTAPP de gravité modérée sont caractérisées, « malignes » d’actualité, du fait de la révolution thérapeutique
du point de vue hémodynamique, par des Les HTAPP « malignes » sont caractérisées par des que constitue l’injection continue de prostacycline
résistances vasculaires pulmonaires inférieures à 20 critères cliniques et hémodynamiques de mauvais (cf supra). La qualité et l’espérance de vie des patients
UI/m2, un index cardiaque supérieur à 2,2 L/min/m2, pronostic (pression auriculaire droite supérieure à sous prostacycline sont bien meilleures que ce que
une pression auriculaire droite inférieure à 10 mmHg 10 mmHg, résistances vasculaires pulmonaires l’on observait encore il y a quelques années. Certains
et une saturation veineuse en oxygène supérieure à supérieures à 20 UI/m2, index cardiaque inférieur à patients ont été traités plus de 10 ans par ce produit
63 %. Dans notre expérience, ces patients ont un 2,2 L/min/m 2 ), constatés sous traitement et vont toujours bien.

Marc Humbert : Chef de clinique-assistant.


Olivier Sitbon : Praticien hospitalier.
Gérald Simonneau : Chef de service adjoint.
Service de pneumologie et réanimation respiratoire, centre des maladies vasculaires pulmonaires,
hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92141 Clamart cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Humbert, O Sitbon et G Simonneau. Hypertension artérielle pulmonaire.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0870, 1998, 8 p

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