Vous êtes sur la page 1sur 453

Chez le même éditeur

Dans la même collection


Suivi biologique du sportif, Mesures biologiques, pathologies, passeport biologique de l’athlète, géno-
mique, de G. Dine et P. Laure, 336 pages, 2018.
Nutrition du sportif, 3e édition, de X. Bigard, C.-Y. Guezennec, 304 pages, 2017.
Dopage, Comprendre et prévenir, de O. Coste, K. Noger, P. Liotard et A. Andrieu, 336 pages, 2017.
Médecine de montagne, Alpinisme et sports de montagne, 5e édition, de J.-P. Richalet et J.-P. Herry,
384 pages, 2017.
Les bases physiologiques du sport, 64 concepts clés, de V. Klissouras, O. Klissouras, A. Klissouras
et P. Jenoure, 208 pages, 2017.
Prescription des activités physiques, En prévention et en thérapeutique, 2e édition, de F. Depiesse
et O. Coste, 544 pages, 2016.
Guide d’isocinétisme, de P. Edouard et F. Degache, 352 pages, 2016.
Musculation : épidémiologie et prévention des blessures, de I. Prothoy et S. Pelloux-Prayer, 264 pages,
2015.
Rééducation en traumatologie du sport. Tome 1, Membre supérieur. Muscles et tendons, de J.-C.
Chanussot et R.-G. Danowski, 352 pages, 2005.
Rééducation en traumatologie du sport. Tome 1, Membre inférieur et rachis, de J.-C. Chanussot
et R.-G. Danowski, 448 pages, 2005.

Autres ouvrages :
Anatomy Trains, Les méridiens myofasciaux en thérapie manuelle, de T. W. Myers, 344 pages, 2018.
Manuel de palpation osseuse et musculaire, Points gâchettes, zones de projection et étirements,
2e édition, de J. E. Muscolino, 568 pages, 2018.
Mésothérapie : place en traumatologie et rhumatologie, de J. le Coz, 256 pages, 2020.
Traumatologie en pratique
sportive

Yves Catonné
Professeur des universités, ancien chef de service de chirurgie orthopédique,
hôpital Pitié-Salpêtrière, université Paris-Sorbonne.

Frédéric Khiami
Professeur des universités, hôpital Pitié-Salpêtrière, université Paris-Sorbonne.

Frédéric Depiesse
Praticien hospitalier spécialiste de médecine physique et réadaptation, médecin du sport.
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France

Traumatologie en pratique sportive d’Yves Catonné, Frédéric Khiami et Frédéric Depiesse.


© 2021 Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-76819-4
e-ISBN : 978-2-294-76860-6
Tous droits réservés.

Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature médicale et
concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, différer des normes définies
par les procédures d’AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans le temps, il est recommandé au lecteur de
se référer en cas de besoin aux notices des médicaments, aux publications les concernant et à l’Agence du médicament. L’auteur et
l’éditeur ne sauraient être tenus pour responsables des prescriptions de chaque médecin.

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou
représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans
l’autorisation de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement
réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le
caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code
de la propriété intellectuelle).

Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particu-
lièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photocopillage ». Cette pratique,
qui s’est généralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale
des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et
de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la
vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d’autorisation de
photocopier doivent être adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20,
rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
Table des compléments
en ligne
Des vidéos sont associées à cet ouvrage. Elles sont indiquées dans le texte par le picto . Pour voir ces
compléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/e-complement/476819.

Chapitre 5 Vidéo 6.6
Ressaut biceps fémoral clinique. © Y. Catonné
Vidéo 5.1
Échographie dynamique d’un ressaut antérieur de hanche. Vidéo 6.7
Ressaut biceps échographie dynamique. © J.-L. Brasseur.

Chapitre 6 Vidéo 6.8
Friction biceps vue per-opératoire. © A. Wajsfisz, J. Amzallag.
Vidéo 6.1
Rupture du LCP. Tiroir postérieur. Chapitre 7
Vidéo 6.2 Vidéo 7.1
Auto-réduction du tiroir postérieur. Augmentation de la flexion dorsale.

Vidéo 6.3 Vidéo 7.2
Testing d’une triade antéro-externe. Signe de Thompson.

Vidéo 6.4 Vidéo 7.3
Instabilité fémoro patellaire. © F. Khiami. Luxation des tendons fibulaires.

Vidéo 6.5
Syndrome essuie-glace recoupé flexion. © J.-L. Brasseur.
Liste des collaborateurs

Éric Abehsera, Chirurgie orthopédique, Clinique Léo Borrini, Médecine physique et réadaptation,
du Sport – Paris Rééducation fonctionnelle et Traumatologie du
Marine Ankri, Chirurgie orthopédique, Hôpital Sport, Hôpital d’instruction des armées de
Pitié Salpêtrière, Sorbonne Université Percy, Clamart
Ahlam Arnaout, Chirurgie orthopédique, Hôpi- Nicolas Bouscaren, Fédération française de ski,
tal Armand-Trousseau, Sorbonne Université, Annecy
AP-HP, International Wrist center Clinique Bizet Jean-Louis Brasseur, Radiologie, Hôpital Pitié-
Paris Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris
Julie Attye, Fédération française de ski, Annecy Arthur Brulé, Fédération française de ski, Annecy
Manon Bachy-Razzouk, Chirurgie orthopédique Stéphane Bulle, Fédération française de ski,
pédiatrique, Hôpital Armand-Trousseau, Sor- Annecy
bonne Université, AP-HP, Paris
Adeline Cambon-Binder, Chirurgie orthopé-
Olivier Barbier, Chirurgie orthopédique, Profes- dique, Maître de conférences des universités –
seur des Armées, Hôpital Sainte-Anne, Toulon Praticien hospitalier, Hôpital Saint-Antoine,
Nicolas Barizien, Médecine physique et réadapta- Sorbonne Université, Paris
tion, Hôpital Foch, Suresnes
Yves Catonné, Chirurgie orthopédique, Profes-
Cyril Barthomeuf, Fédération Française de Ski, seur des universités, Hôpital Pitié-Salpêtrière,
Annecy Sorbonne Université, Paris
Wael Bayoud, Chirurgie orthopédique, Hôpital Vincent Chassaing, Chirurgie orthopédique,
Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris Hôpital privé d’Antony
Sylvie Besch, Médecine physique et réadaptation, Jean-François Chermann, Neurologue, Ancien
rééducation fonctionnelle et traumatologie du
interne et ancien chef de clinique assistant des
sport, Hôpitaux de Saint-Maurice
hôpitaux de Paris, attaché à l’hôpital européen
Pierre Billard, Médecine du sport, Médecin fédé- Georges-Pompidou, attaché à l’Institut natio-
ral national FFGym, Président de la commis- nal psychiatrique Marcel Rivière, DEA neuro­
sion médicale en charge de la SMR, Praticien sciences université Paris-VIII, Paris
hospitalier urgences, Paris
Camille Choufani, Chirurgie orthopédique,
Nicolas Bocahut, Chirurgie orthopédique, Hôpi- Hôpital Sainte-Anne, Toulon
tal Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris
Jean-Baptiste Courroy, Médecine du sport, Ins-
Yoann Bohu, Chirurgie orthopédique, Clinique
titut de l’Appareil Locomoteur Nollet, Paris
du Sport, Paris
Raphaël Bonaccorsi, Chirurgie orthopédique, Michel Crema, Radiologie, INSEP, Paris
Praticien hospitalier, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Romain Dayan, Chirurgie orthopédique, Hôpital
Sorbonne Université, Paris Pitié-Salpétrière, Sorbonne Université, Paris
XIV Liste des collaborateurs

Stéphane De Jésus, Fédération française de ski, Sophie Gleizes Cervera, Pôle Occitanie de hand-
Annecy ball, Medipôle, Toulouse
Jacques de Lecluse, Médecine du sport, médecine Mathilde Gras, Chirurgie orthopédique, Institut
physique et réadaptation, Institut de l’Appareil de l’Appareil Locomoteur Nollet, Paris
Locomoteur Nollet, Paris Olivier Grimaud, Chirurgie orthopédique, Cli-
Frédéric Depiesse, Médecine du sport, médecine nique du sport, Paris
physique et réadaptation, Ancien président
Henri Guerini, Radiologie, Centre d’imagerie
de la commission médicale nationale de la
Léonard de Vinci, Paris
FFA, Ex-membre European Athletics et World
Athletics, Praticien Hospitalier en disponibilité, Alice Guyon, Fédération française de ski, Annecy
médecin, Clinalliance Villers-sur-Orge , Institut Alexandre Hardy, Chirurgie orthopédique, Cli-
Mutualiste de Montsouris Paris nique du sport, Paris
Jules Descamps, Chirurgie orthopédique, Hôpital Serge Herman, Chirurgie orthopédique, Clinique
Bichat, AP-HP, Paris du sport, Paris
Flore Devriese, Chirurgie orthopédique, Hôpital Olivia Judet, Radiologie, Clinique Jouvenet, Paris
Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris
Thierry Judet, Chirurgie orthopédique, Profes-
Pascal Edouard, Médecine physique et réadapta- seur des universités, Clinique Jouvenet, Paris
tion, Professeur des universités de Physiologie,
Praticien Hospitalier en médecine physique et Gérard Juin, Médecin des équipes de France,
réadaptation, Hôpital Nord, CHU, Saint-Étienne Directeur médical national de la Fédération
française de handball, Gentilly
Gauthier Eloy, Chirurgie orthopédique, Hôpital
Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris Frédéric Khiami, Chirurgie orthopédique et trau-
matologie du sport, Professeur des universités,
Marc-Antoine Ettori, Chirurgie orthopédique,
Hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université,
Institut de l’Appareil Locomoteur Nollet, Cli-
Paris
nique Maussins-Nollet, Paris
Jean-Marie Fayard, Fédération française de ski, Shahnaz Klouche, Chirurgie orthopédique, Cli-
Annecy nique du sport, Paris
Benjamin Ferembach, Chirurgie orthopédique, Yohann Knafo, Chirurgie orthopédique, Hôpital
CHRU Trousseau, Chambray-lès-Tours Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris
Olivier Fichez, Rhumatologie, Médecine du sport, Fabien Koskas, Chirurgie vasculaire, Professeur des
Saint-Raphaël universités, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne
Frank Fitoussi, Chirurgie orthopédique pédia- Université, Paris
trique, Professeur des universités, Hôpital Romain Laurent, Chirurgie orthopédique, Hôpi-
Armand-Trousseau, Sorbonne Université, tal Armand-Trousseau, Sorbonne Université,
AP-HP, Paris AP-HP, Paris
Didier Fontes, Chirurgie orthopédique, Clinique Nicolas Lefevre, Chirurgie orthopédique, Clinique
du sport, Paris du sport, Paris
Alain Frey, Médecine du sport, CHU Poissy/ Franck Le Gall, Médecin de l’équipe de France de
Saint-Germain, Poissy football, Médecin de l’Olympique de Marseille,
Antoine Gerometta, Chirurgie orthopédique, D, Centre national de Football, Clairefontaine-
Clinique du sport, Paris en-Yvelines
Liste des collaborateurs XV

Dominique Le Viet, Chirurgie orthopédique, Mireille Peyre, Médecine physique et réadapta-


Professeur, Clinique Jouvenet, Paris tion, Hôpitaux de Saint-Maurice
Jacky Maillot, Directeur médical de l’équipe Jérôme Renoux, Radiologie, INSEP, Paris
cycliste professionnelle Groupama FDJ, Direc- Jacques Rodineau, Médecine du sport, Médecine
teur pôle médical fédéral FFC, Montigny Le physique et réadaptation, Professeur, Paris
Bretonneux
Éric Rolland, Chirurgie orthopédique, Ancien
Laura Marie-Hardy, Chirurgie orthopédique, médecin du PSG, Hôpital Pitié-Salpêtrière,
Hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Sorbonne Université, Paris
Paris
Romain Rousseau, Chirurgie orthopédique, Ins-
Olivier Matarese, Fédération Française de Ski, titut de l’Appareil Locomoteur Nollet, INSEP,
Annecy Paris
Christophe Mathoulin, Chirurgie orthopédique, Marie-Philippe Rousseaux-Blanchi, Fédération
Professeur, International Wrist Center, Cli- française de ski, Annecy
nique Bizet, Paris
Marc Rozenblat, Médecine du sport, Ozoir-
Éric Meinadier, Directeur pôle médical fédéral la-Ferrière
FFC, Montigny-le-Bretonneux
Pascale Saliba, Fédération française de ski, Annecy
Lorenzo Merlini, Chirurgie orthopédique, Inter-
Elhadi Sariali, Chirurgie orthopédique, Profes-
national Wrist Center, Clinique Bizet, Paris
seur des universités, Hôpital Pitié-Salpêtrière,
Alain Meyer, Chirurgie orthopédique, Clinique Sorbonne Université, Paris
du sport, Paris
Bertrand Tamalet, Médecine du sport, FIFA
Bernard Montalvan, Médecine du sport, Fédéra- Medical Centre of Excellence – Centre Natio-
tion française de Tennis, Paris nal du Football, Clairefontaine
Gérard Morvan, Radiologie, Centre d’imagerie Laurent Thomsen, Chirurgie orthopédique, Cli-
Léonard de Vinci, Paris nique Drouot, Paris
Thông Nguyen, Chirurgie plastique et recons- Idriss Tourabaly, Chirurgie orthopédique, Cli-
tructrice, Maître de conférences des Universi- nique des Maussins, Paris
tés, Université Paris-Descartes, Paris
Arabelle Vanderzwalm, Odontologie, Chirurgien-
Emmanuel Orhant, Médecine et traumatologie dentiste, Maître de conférence des universités,
du sport, Centre national du football, Centre Membre de la Commission médicale nationale
médical sportif de Clairefontaine, FFF, Claire- de fédération française du sport universitaire,
fontaine-en-Yvelines Université Paris-Descartes, Clinique Drouot,
Jacques Parier, Rhumatologie, Médecine phy- Paris
sique, Fédération française tennis, Paris Gilbert Versier, Chirurgie orthopédique, Profes-
Hugues Pascal-Moussellard, Chirurgie orthopé- seur des armées, Clinique Drouot, Paris
dique, Chef de service, Professeur des uni- Raphaël Vialle, Chirurgie orthopédique pédia-
versités, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne trique, Professeur des universités, Hôpital
Université, Paris Armand-Trousseau, Sorbonne Université,
David Petrover, Radiologie, Hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris
Clinique Drouot, Paris
Préface

La traumatologie du sport constitue un domaine pour ne pas le nommer) avait rappelé  l’excep-
en pleine expansion et dont la prise en charge tionnelle compétence dans la revue «  Maitrise
doit être pluridisciplinaire. C’est de plus en plus Orthopédique » dont le Directeur de la publica-
évident et nécessaire. tion n’était – et n’est toujours- que l’autre auteur
La traumatologie du sport se situe à un véri- de cette préface  : Gérard Saillant pour le nom-
table carrefour de la médecine, de l’imagerie et de mer. De cet entretien on peut rappeler quelques
la chirurgie, où se rejoignent – et se confrontent termes : « O.Troisier, c’était le grand prêtre de la
parfois – les idées de chacun sur l’importance du médecine orthopédique ... Passionné de l’examen
bilan clinique, les critères de choix de l’imagerie clinique, l’esprit toujours en éveil, l’idée nouvelle
et la recherche de la stratégie thérapeutique la sans cesse renouvelée, il (m’) a donné un goût
plus efficace qu’elle soit médicale ou chirurgicale. extrême pour cette façon d’appréhender le pro-
Confrontés aux mêmes problèmes de recherche blème posé par un patient qui «  repose sur des
d’un diagnostic précoce et précis et d’un traite- principes bien établis par Cyriax » . Ce James H
ment efficace, se retrouvent côte à côte le “clan Cyriax, sujet britannique, au départ chirurgien
des cliniciens” regroupant  : médecins du sport, orthopédique au St. Thomas’Hospital de Londres
médecins de Médecine Physique, rhumatologues, fut le véritable père de la médecine orthopédique
chirurgiens orthopédistes généralistes ou parfois et l’auteur du Textbook of Orthopaedic Medicine ,
spécialisés dans telle ou telle pathologie : épaule, ouvrage d’une richesse incommensurable et qui
coude, poignet et main, bassin, articulation coxo- pourtant demeure méconnu, en particulier de
fémorale, genoux, cheville, pied, rachis  ; mais nombreux praticiens français. Cyriax était parti
aussi chirurgiens viscéraux, vasculaires et parfois de quasiment rien à une époque où n’existait
neuro-chirurgiens et le “clan des imageurs” dis- aucun traité et pratiquement aucune publication
posant de moyens diagnostiques allant du clas- sur le sujet. Au terme d’un énorme travail, il fut
sique bilan radiographique aux technologies le premier au monde à entreprendre une étude
modernes  : l’échographie en perpétuel dévelop- systématique et approfondie des affections des
pement, la tomodensitométrie aux rayons X et tissus mous de l’appareil locomoteur, réussissant à
l’arthroscanner toujours bien implantés, l’IRM développer au fil des ans un système de diagnostic
et l’arthro-IRM et leur formidable potentiel de dans lequel les pathologies sont cataloguées selon
développement, sans oublier la scintigraphie leur image clinique et proposant des solutions
pour qu’un traitement spécifique soit appliqué
à chacune d’entre elles. Son credo fut, tout au
Pour les cliniciens long de ce labeur, le suivant  :  «  toute douleur
nait d’une lésion, tout traitement doit atteindre
La prise en charge du blessé doit toujours reposer la lésion et tout traitement doit exercer un effet
«  sur une triple démarche intellectuelle  » telle bénéfique sur la lésion. » Ce qui peut se résumer
que l’avait magistralement montré le maitre de la par ces mots : tout traitement doit être fondé sur
«  Médecine orthopédique  » en France  : Olivier un diagnostic lésionnel précis. C’est la grande
Troisier dont l’un d’entre nous (Jacques Rodineau leçon qu’a su si bien transmettre O.Troisier  :
XVIII Préface

ne pas « soigner » une épaule douloureuse ou un La nécessité d’un examen clinique «  consis-
coude douloureux ou un genou douloureux mais tant  », programmé, s’impose donc dans tous les
avant tout traitement établir un diagnostic précis cas. Il conduit à rechercher des signes cliniques
par une triple démarche : pathologiques au cours de différentes séquences
– ANALYSER les symptômes dont le patient se dont chacune a une signification particulière :
plaint. Cette analyse peut et doit suggérer aux – l’inspection ;
praticiens un certain nombre de diagnostics – la mobilité active ;
possibles ; – la mobilité passive ;
– RECHERCHER des signes physiques qui, par – les tests musculo-tendineux réalisés en isomé-
leur regroupement et leur concordance avec trique contre résistance ;
les symptômes recueillis lors de l’interrogatoire, – la recherche de signes de laxité et de signes de
permettent d’affiner les probabilités diagnos- coincement ;
tiques ; – la palpation qui, pratiquée seulement en fin
– FAIRE CORRELER, dans le domaine des d’examen, permet d’une part de confirmer tout
patho­logies organiques, l’ensemble de ces don- ce que l’examen préalable a permis de suspecter
nées anamnésiques et cliniques avec une ou des et d’autre part de mettre le doigt- au vrai sens
lésions connues et reconnues comme potentielle­ du mot à la condition que la structure lésée
ment responsables d’une telle symptomatologie soit accessible au toucher- sur la lésion qu’elle
et d’une sémiologie clinique comparable. soit osseuse, capsulo-ligamentaire, tendineuse
«  Cliniciens avant tout  » telle pourrait être le ou musculaire.
positionnement, les principes de ces médecins et Les clés d’un diagnostic clinique précis ne
chirurgiens qui, comme nous, n’ont jamais conçus peuvent se concevoir que de la façon suivante :
que l’on puisse se priver d’un interrogatoire et d’un – une véritable connaissance de l’anatomie fonc-
examen physique des plus rigoureux avant d’évo- tionnelle et topographique pour être capable de
quer un diagnostic que viendront obligatoire­ment traduire les données cliniques en lésions anato-
confirmer ou infirmer des examens complémen- miques  et appliquer par la suite un traitement
taires guidés. adapté véritablement à la structure lésée ;
Dans le domaine des pathologies ostéo- – une évaluation standardisée et reproductible pas-
articulaires, traumatiques ou microtraumatiques, sant en revue toutes les structures susceptibles
liées aux activités sportives, de nombreux élé- de «  faire souffrir  » ce qui nécessite de solides
ments anatomiques peuvent être concernés : notions de la physiopathologie, des différents
– le squelette osseux car le périoste et les vais- caractères, de l’évolution normale de la lésion
seaux intra-osseux sont riches en terminaisons qu’on est susceptible d’avoir diagnostiquée
nerveuses appartenant au système nociceptif ; Ces clés qui excluent tout examen clinique
– les cartilages au niveau desquels le mécanisme incomplet et, dans la mesure du possible, tout
de la douleur est complexe, mais sans doute diagnostic clinique imprécis pourrait donc tenir en
plus indirect que direct ; quelques mots mais elles exigent des praticiens  :
– les membranes synoviales en relation avec la rigueur dans la démarche clinique et aussi humilité
distension que l’excès de synovie entraine au en acceptant qu’à chaque consultation, le praticien
niveau des gaines et des capsules ; s’avoue qu’il ne sait encore pas tout de la raison
– les ligaments, riches en terminaisons nocicep- pour laquelle le patient le consulte et qu’il n’est
tives, ils déclenchent des douleurs lors de leur jamais -ou presque- à l’abri d’une erreur.
mise en tension passive ;
– les tendons dont les mécanismes susceptibles de Pour les imageurs
déclencher des douleurs sont plusieurs : la mise
en tension active, la mise en tension passive La radiographie standard demeure un outil
et la compression (l’impingement des Anglo- diagnostique incontournable dans l’évaluation
saxons). de nombre des traumatismes liés à la pratique
Préface XIX

sportive, qu’il s’agisse d’une luxation ou d’une toutes les anomalies de la moelle osseuse, offrant
entorse. Elle est aisément et rapidement acces- des renseignements incomparables sur la présence
sible. Elle est économique. En des mains compé- de contusions plus ou moins banales mais aussi
tentes, elle fournit aux cliniciens un nombre de fractures occultes. Elle renseigne sur l’état des
considérable de renseignements. Toutefois, toutes ménisques et des cartilages, des ligaments et des
les fractures ne peuvent pas être diagnostiquées tendons, de la synoviale. L’adjonction d’un pro-
aux Rayons-X, toutes les luxations ne peuvent duit de contraste permet l’analyse fine de certaines
pas bénéficier des incidences nécessaires à les lésions comme une lésion ou une déchirure du
confirmer, toutes les entorses ne s’accompagnent labrum de l’épaule ou de la hanche, la rupture
pas de signes radiographiques formels. d’un ligament collatéral ou des brides synoviales
L’émergence de nouvelles technologies permet au coude, une lésion ligamentaire intracarpienne
d’affirmer le diagnostic lorsque les clichés standard au niveau du poignet, des franges synoviales au
ne peuvent pas expliquer la symptomatologie. niveau de la cheville. Son efficacité est nettement
La tomodensitométrie montre parfaitement majorée lorsque le clinicien prend l’habitude de
certaines fractures comme celles des petits os fournir à l’imageur des renseignements précis – et
du carpe (hamulus de l’hamatum) ou du pied si possible pertinents – sur la lésion qu’il suspecte.
(apophyse latérale du talus). Elle permet facile- Cette façon de procéder permet à l’imageur de
ment la mise en évidence de certaines luxations mieux choisir les paramètres qu’il utilisera comme,
comme la luxation postérieure de l’épaule, parfois par exemple, le plan et l’épaisseur des coupes ainsi
difficile à diagnostiquer sur des clichés standard. que les dimensions du champ.
Les nouvelles générations de tomodensitométrie L’arthro-IRM est largement répandue aux
autorisent une grande rapidité d’acquisition des Etats-Unis et semble y constituer actuellement
images. Au prix d’une moindre irradiation des l’imagerie de référence. En France, son utilisation
patients, elles permettent une remarquable éva- est nettement moins développée bien qu’elle soit
luation de la totalité des structures de l’appareil censée améliorer la qualité des images IRM grâce
locomoteur. Les appareils multibarettes assurent au remplissage de l’articulation, à l’amélioration
des reconstructions de grande qualité et permet- de la résolution spatiale, à la diminution des arté-
tent la réalisation d’images multiplanaires en 3D facts. C’est le cas pour l’épaule où sa résolution
d’une remarquable définition. anatomique parait supérieure à celle de l’arthro­
En combinaison avec l’arthrographie, la tomo­ scanner. C’est le cas aussi pour la hanche et le
densitométrie est un remarquable examen. L’ar­thro­ genou à la différence de la cheville où l’arthro­
scanner (arthro-TDM) est surtout utilisé pour scanner conserve une meilleure résolution.
rechercher une origine à des douleurs articulaires, L’échographie est une technique rapide, peu
tout particulièrement lorsque ces dernières sont coûteuse et totalement inoffensive. Elle analyse
persistantes et demeurent inexpliquées. C’est le finement, en statique et en dynamique, l’état des
cas notamment pour l’épaule lors de la recherche ligaments (depuis la simple distension jusqu’à
d’une rupture tendineuse, en particulier des ten- la rupture ou la désinsertion, notamment au
dons de la coiffe, mais aussi dans un contexte niveau du cou-de-pied) et des tendons (depuis le
d’épaule douloureuse et instable (EDI). C’est le banal épaississement jusqu’à la rupture partielle
cas également dans la recherche de lésions ostéo- ou totale, notamment pour les tendons de la
chondrales du dôme du talus (LODA). coiffe des rotateurs). Elle note la présence de
L’IRM connaît un essor considérable depuis une lésions bursales et l’importance des épanchements
vingtaine d’années. De nos jours, elle est devenue intra-articulaires. Elle détecte certains corps
indispensable pour explorer les très nombreuses étrangers intra-articulaires qui apparaissent avec
pathologies observées chez des sportifs à l’occa- un cône d’ombre variable selon leur nature et leur
sion d’un accident brutal, de microtraumatismes volume, ainsi que les granulomes chondromateux.
répétés ou simplement d’une surutilisation (over­ Toutefois elle nécessite une très bonne connais-
use des anglo-saxons). Elle est capable d’identifier sance de l’anatomie dans des plans orthogonaux.
XX Préface

Elle  demande aussi un matériel sophistiqué et activités sportives. A la condition toutefois que
coûteux. En revanche, son évaluation de l’état des l’on s’adresse à des praticiens compétents dans
structures osseuses est loin d’être aussi pertinente l’anatomie, la physiologie, l’anatomopathologie,
que celle obtenue par la tomodensitométrie ou la physiopathologie, l’évaluation clinique, la perti-
l’IRM dont elle n’a pas la résolution anatomique. nence de l’imagerie de ces lésions potentiellement
La scintigraphie osseuse aux disphosphonates liées aux activités sportives.
marqués au technécium 99m constitue un bon Dans la prise en charge de ces lésions, deux
examen de repérage d’une anomalie osseuse en grands types de pathologie doivent être bien dis-
permettant sans préparation l’exploration du tinguées  sur le plan thérapeutique  : les lésions
squelette et des articulations. En traumatologie aiguës qui conduisent à une prise en charge qui ne
du sport, grâce à la mise en évidence de zones s’éloigne pas obligatoirement de celle de toutes
où le renouvellement de l’os est excessif et trop les lésions aigües de l’appareil locomoteur, mais
rapide, elle conserve un intérêt, en particulier peuvent s’en différencier dans certains cas comme
pour déceler une fracture de fatigue bien que, de une première luxation de l’épaule, une fracture du
nos jours, elle soit de moins en moins utilisée car scaphoïde, une rupture du LCA, etc. et les lésions
l’IRM lui est souvent préférée. chroniques d’hyperutilisation, les lésions d’over­
Lorsqu’elle est réalisée, elle est souvent fusionnée use des Anglo-saxons, qui peuvent présenter des
avec la tomodensitométrie  : c’est le SPECT-CT particularités thérapeutiques en fonction des dif-
(Single Photon Emission Computed Tomography) férentes activités sportives, de l’âge et du niveau
qui permet de localiser avec plus de précision les de pratique pour ne citer que celles qui sont
lésions anatomiques. spécifiques des activités sportives. C’est le cas de
Au total, toutes les techniques d’imagerie consti- certaines tendinopathies des membres supérieurs
tuent un atout majeur dans l’analyse des lésions. A et des membres inférieurs, de plusieurs syndromes
nous “cliniciens” de savoir faire des demandes canalaires, de quelques fractures de fatigue.
justifiées, guidées par nos constatations cliniques, L’étude approfondie et pertinente du traite-
en raisonnant toujours dans l’intérêt (à tous les ment de ces deux catégories de lésions, aigües
sens du mot) des patients. A vous “imageurs poly- et chroniques, en fonction d’une part, des diffé-
valents” de nous fournir les meilleurs documents rentes localisations et d’autre part des pratiques
possibles, de choisir rationnellement les incidences sportives ainsi que des motivations, de l’âge et
les plus conformes au but recherché, et d’éviter du niveau des sportifs blessés est largement déve-
la multiplication des techniques d’imagerie sous loppée dans cet ouvrage par une véritable kyriade
prétexte que les images demandées n’ont pas d’auteurs de grande notoriété.
permis d’aboutir à un diagnostic lésionnel précis. Au total, parvenir à une présentation didac-
tique et claire de l’examen clinique, des examens
complémentaires, en particulier iconographiques,
Sur le plan thérapeutique du diagnostic, du traitement des pathologies de
Nul domaine de la médecine au sens large du l’appareil locomoteur liées aux activités sportives
mot ne rapproche autant spécialistes de méde- a été l’objectif de tous les auteurs de cet ouvrage.
cine physique et chirurgiens orthopédiques que Qu’ils en soient sincèrement remerciés.
la prise en charge des traumatismes liés à des Jacques RODINEAU et Gérard SAILLANT
Prologue

L’enseignement de la traumatologie du sport de la Pitié-Salpétrière. Nous avons par ailleurs laissé


est relativement récent. Ceux qui ont fait leurs volontairement de côté les sujets de traumatologie
études médicales avant 1980 peuvent témoigner qui, tout en pouvant survenir éventuellement en
de l’absence quasi complète d’enseignement orga- pratique sportive, ne présentent pas de particu-
nisé, consacré à cette spécialité, pendant leurs larités par rapport à la traumatologie courante
études universitaires. Pourtant déjà certaines per- habituellement enseignée. Ainsi les sujets de trau-
sonnalités du monde médical s’étaient intéressées matologie routière (fractures du cotyle, fractures
à la pathologie sportive et avaient publié dans ce fémorales et tibiales en dehors des fractures de
domaine. Ainsi en France, parmi les chirurgiens, fatigue) et des fractures du sujet âgé (col fémoral,
Albert Trillat (puis toute l’école lyonnaise) et par exemple) ont-ils été volontairement écartés. La
Roger Lemaire font, parmi d’autres, figures de traumatologie du sport peut-être également envi-
précurseurs. Jacques Rodineau fut le premier, dès sagée de façon différente selon le terrain sur lequel
1978, à créer un diplôme d’Université (DU) de elle survient : ainsi la pathologie traumatique de
traumatologie du sport (à la Pitié-Salpétrière), l’enfant sportif fait-elle l’objet d’un chapitre à part.
bientôt rejoint en 1980 par Gérard Saillant. Ils Le niveau sportif doit également être évoqué : un
ont ensemble développé l’enseignement de cette professionnel sera parfois traité, pour des raisons
spécialité, rapidement rejoints par d’autres DU économiques en particulier, de façon différente
dans de nombreuses universités. Cet enseignement d’un sportif de loisir. Nous avons demandé aux dif-
a la particularité de concerner différentes spéciali- férents auteurs de tenir compte de ces différences.
tés : médecine du sport, médecine physique et de Enfin, nous avons consacré le dernier chapitre du
réhabilitation, radiologie, chirurgie (orthopédique, livre à une synthèse des principales pathologies
pédiatrique, maxillo-faciale, neuro-chirurgie etc.). rencontrées dans la pratique de certains sports, en
Au cours de ces dernières années, de nombreux faisant appel à des spécialistes reconnus. Il se peut
progrès ont été réalisés dans ces différentes spé- que certains aspects aient été volontairement ou
cialités, aussi bien en ce qui concerne le diagnostic involontairement oubliés ou peu développés selon
clinique, que l’imagerie, le traitement conserva- le choix de l’auteur : n’hésitez pas à nous faire vos
teur et les techniques chirurgicales. Cet ouvrage a remarques sur le site de l’éditeur ou directement
l’ambition de faire le point, en 2020, sur l’ensem- aux coordonnateurs.
ble des connaissances en traumatologie du sport. Nous remercions vivement l’ensemble des col-
Il intéressera les étudiants et les professionnels de laborateurs ayant participé à l’élaboration de cet
santé qui veulent mieux comprendre la pathologie ouvrage collectif.
des sportifs. Pour sa rédaction, nous avons décidé Yves Catonné, Frédéric Khiami, Frédéric Depiesse
d’utiliser le plan général et dans de nombreux cas
les enseignants du DU de Traumatologie du sport
Abréviations
99mTc technétium 99m EMG électromyogramme
ACR arrêt cardiorespiratoire ESSKA European Society of Sports Traumatology
ACSM American College of sports medicine Knee surgery and Arthroscopy
AFLD Agence française de lutte contre EULAR European League Against Rheumatism
le dopage EVA échelle visuelle analogique
AINS anti-inflammatoire non stéroïdien FABER flexion, abduction, rotation externe
AL antérolatéral FADRI flexion, adduction, rotation interne
AMA Agence mondiale antidopage FAST focused assessment with sonography
AOFAS American Orthopaedic Foot & Ankle in trauma
Society FCS fléchisseur commun superficiel
APS aponévrose plantaire superficielle FCP fléchisseur commun profond
ARM angiographie par résonance FCU flexor carpi ulnaris
magnétique FDS flexor digitorum superficialis
ASIA American Spinal Injury Association FF fracture de fatigue
ATF anterior talofibular ligament FFJDA Fédération française de judo, jujitsu,
ATM articulation trapézométacarpien kendo et disciplines associées
AUOC apophyse unciforme de l’os crochu FFR Fédération française de rugby
AUT autorisation d’usage à visée thérapeutique FOG fracture, ostéonécrose, géode
BAVU ballon autoremplisseur à valve FP flexion plantaire
unidirectionnelle FPH fléchisseur propre de l’hallux
BIE bronchospasme induit par l’effort FUC fléchisseur ulnaire du carpe
CACI certificat d’absence de GAC greffe autologue de chondrocytes
contre-indication GAF gymnastique artistique féminine
CEIA corps étranger intra-articulaire GAM gymnastique artistique masculine
CF ligament calcanéofibulaire GIRD glenohumeral internal rotation deficit
CNOM Conseil national de l’ordre des médecins GREC glace, repos, élévation, contention
CPK créatine phosphokinase GT gorge de la trochlée
DAC disjonction acromioclaviculaire HAS Haute Autorité de santé
DASH Disabilities of the Arm, Shoulder HIA head injury assessment
and Hand ICRS International Cartilage Repair Society
DES diplôme d’études spécialisées IKDC International Knee Documentation
DIDT droit interne et du demi-tendineux Committee fonctionnel
DISI dorsal intercalated scapholunate IL interleukine
instability ILMI inégalité de longueur des membres
DIU diplôme interuniversitaire inférieurs
DOMS delayed onset muscle soreness IMC indice de masse corporelle
DU diplôme universitaire IMP instabilité patellaire majeure
ECRB extensor carpi radialis brevis IPD articulation interphalangienne distale
ECU extensor carpi ulnaris IPO instabilité patellaire objective
EDC extensor digitorum communis IPP articulation interphalangienne proximale
EDI épaule douloureuse instable IPP instabilité patellaire potentielle
EIAI épine iliaque antéro-inférieure IRM imagerie par résonance magnétique
EIAS épine iliaque antérosupérieure IRME Institut pour la recherche sur la moelle
EL épicondylite latérale épinière
XXIV Abréviations

ISAKOS International Society of Arthroscopy, PRICE Protection, Rest, Ice, Compression,


Knee Surgery and Orthopaedic Sports Elevation
Medicine PRP plasma riche en plaquettes
KJOC Kerlan-Jobe Orthopaedic Clinic PT pronator teres
LAC ligament acromiocoracoïdien PTC posterior talofibular ligament
LARS ligament advanced reinforcement PTG prothèse totale de genou
system PTH prothèse totale de hanche
LCA ligament croisé antérieur RC résultat de consultation
LCAE ligament croisé antéro-externe RCP responsabilité civile professionnelle
LCL ligament collatéral latéral RE rotation externe
LCM ligament collatéral médial RI rotation interne
LCP ligament croisé postérieur RICE Rest, Ice, Compression, Elevation
LCR ligament collatéral radial SAMU service d’aide médicale d’urgence
LCU ligament collatéral ulnaire SCAT5 Sport Concussion Assessment Tool
LFH long fléchisseur de l’hallux 5thedition
LFP Ligue de football professionnel SDA syndrome douloureux antérieur
LGHI ligament gléno-huméral inférieur SDP syndrome douloureux patellaire
LIMP ligament intermalléolaire postérieur SFA Société française d’arthroscopie
LIO ligament interosseux SFP syndrome fémoropatellaire
LIPUS low intensity pulsed ultra-son SLAC wrist scapholunate advanced collapse
LNR Ligue nationale de rugby SLAP superior labrum from anterior
LODA lésion ostéochondrale du dôme to posterior
de l’astragale SNAC wrist scaphoid nonunion advanced collapse
LTFAI ligament tibiofibulaire antéro-inférieur SNMS Syndicat national de médecine
LTFPI ligament tibiofibulaire du sport
postéro-inférieur SOFCOT Société française de chirurgie
M1, M2… 1er métacarpien, 2e métacarpien… orthopédique et traumatologique
MAVRIC multiacquisition variable-resonance SPE nerf sciatique poplité externe
image combination SPECT/CT single photon emission computed
MCE massage cardiaque externe tomography/computed tomography
MCP métacarpophalangienne STIR short tau inversion recovery
MKDE masseur-kinésithérapeute diplômé TA tubérosité antérieure
d’État TDM tomodensitométrie
MOC myosite ossifiante circonscrite TE temps d’écho
MOCART magnetic resonance observation TEMP tomographie par émission
of cartilage repair tissue monophotonique
MPFL medial patellofemoral ligament TEP tomographie par émission de positons
MTP massage transverse profond TFP tibiofibulaire proximale
NATA National Athletic Trainers’ Association TNF tumor necrosis factor
OATS osteochondral autograft transfer system TOC thérapie par ondes de choc
OMG Observatoire de médecine générale TTA tubérosité tibiale antérieure
OPN os propres du nez UCI Union cycliste internationale
OR odds ratio UEFA Union of European Football
OT os trigone Associations
P1 phalange proximale UNMF Union nationale des médecins fédéraux
P2 phalange moyenne VALFE valgus forcé en légère flexion
PAPI point d’angle postéro-interne et rotation externe
PAPL point d’angle postérolatéral VARFE varus en flexion et rotation neutre
PET positron emission tomography ou externe
PM postéromédial VARFI varus en flexion–rotation interne
POLICE Protection, Optimal loading, Ice, VIH virus de l’immunodéficience humaine
Compression, Elevation WOSI Western Ontario Shoulder Instability
PPLTT processus postérolatéral du talus Index
Chapitre 1
Généralités
1. Examen clinique Douleur
en traumatologie du sport Le site de la douleur permet dans un premier
temps d’évoquer différents diagnostics  : dans un
Y. Catonné remarquable ouvrage publié en 1999, Rodineau
a montré cette possibilité à propos de  50  sites
douloureux tout en précisant que « se fonder sur
L’examen clinique a une importance fondamentale la seule localisation des douleurs lors de la descrip-
en traumatologie du sport : avant les années 1980 tion faite par le patient ou sur la simple palpation
et le développement formidable de l’imagerie, il était une aberration pour établir un diagnostic
représentait quasiment le seul outil pour établir lésionnel ».
un diagnostic. La tendance actuelle serait plutôt de Le site indiqué par le patient peut cependant
recourir systématiquement à l’imagerie (scanner, être trompeur et induire en erreur le clinicien.
imagerie par résonance magnétique ou IRM) et
de minimiser le rôle de la clinique. Celle-ci reste
cependant primordiale et permet de déterminer si Mécanisme causal
un examen complémentaire est nécessaire et sur- du traumatisme
tout quelle imagerie choisir.
En pratique sportive, l’examen clinique peut être Quel est le mécanisme causal ?
pratiqué dans deux circonstances bien différentes : • Quel est le traumatisme initial ? Quel est le type
• soit en urgence ou semi-urgence en cas d’un de mouvement ?
traumatisme récent des membres ou du rachis ; • Quel est le mécanisme (choc direct ou méca-
• soit dans le cadre d’une consultation à distance nisme indirect) ?
du traumatisme ou pour des symptômes apparus • Quel est le point d’impact ? Par exemple, chute
en l’absence de tout traumatisme  : il peut alors sur le moignon de l’épaule, torsion du genou
s’agir de séquelles d’un accident initial ou de ou de la cheville.
lésions microtraumatiques liées à la répétition • Quelle est l’énergie du traumatisme (haute,
de certains mouvements au cours de l’activité moyenne, faible ou absence de traumatisme) ?
sportive.
La conduite de l’examen sera bien entendu dif- Quels sont les signes
férente selon les circonstances, mais globalement accompagnateurs ?
elle peut être réalisée selon les règles habituelles :
interroger le patient puis l’examiner. • Certains signes sont évocateurs  : craquement,
suggérant par exemple une rupture ligamen-
taire, hémarthrose immédiate ou secondaire.
Interrogatoire • D’autres signes ont succédé au traumatisme  :
blocage, impression d’instabilité.
Il permet parfois à lui seul de faire un diagnostic. • Quelle est la gêne fonctionnelle après le trau-
La douleur demeure le maître symptôme et il est matisme ? Le sportif a-t-il continué son activité
très important d’en préciser les caractéristiques. sportive ou a-t-il dû l’interrompre ?

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
2 Traumatologie en pratique sportive

Quelles sont les caractéristiques Examen physique


de la douleur ?
• Quel est le mode de survenue (brutale ou pro- La technique de l’examen physique a beaucoup
gressive) ? progressé au cours des dernières décennies, grâce
• Quel est le rythme (douleur permanente, inter- à l’accumulation progressive des connaissances des
mittente) ? différentes pathologies. On n’examine plus, par
• Quel est le retentissement fonctionnel sur la vie exemple, une articulation comme on le faisait aupa-
de tous les jours (marche, montée d’escaliers, ravant  : devant un tableau d’épaule douloureuse,
etc.) ? on pouvait dans le passé terminer un examen avec
• Quel est le retentissement sportif ? Quelles sont un diagnostic de « péri-arthrite de l’épaule », vaste
les conséquences sur l’activité sportive ? fourre-tout dans lequel on regroupait la pathologie
Blazina a proposé une classification pour quan- inflammatoire et microtraumatique autour et dans la
tifier les douleurs dans les tendinopathies (enca- scapulo-humérale. Actuellement, de nombreux tests
dré 1.1). cliniques peuvent déterminer avec précision quel est
le tendon atteint et quel est son degré d’atteinte.
Sport pratiqué et niveau sportif
Il est très important de préciser quel est le sport Inspection
pratiqué par le patient et à quel niveau : est-il un
Elle apporte parfois des renseignements impor-
sportif occasionnel, de loisir, de compétition, de
tants  : existence d’une déformation, d’un gonfle­
haut niveau, professionnel ?
ment localisé, d’une ecchymose. Par exemple,
La quantité d’entraînement est également
elle est fondamentale pour l’examen d’une épaule
importante à considérer  : nombre de kilomètres
paralytique et permet de différencier une atteinte
parcourus par semaine pour les coureurs à pied
du nerf long thoracique ou du nerf suprascapulaire.
ou les cyclistes, nombre d’entraînements et fré-
Au niveau des membres inférieurs, l’inspection
quence des matchs pour les pratiquants d’un sport
permet de rechercher une anomalie constitution-
d’équipe. On recherche également les change-
nelle dans le plan frontal, sagittal ou rotationnel,
ments éventuels et récents du nombre d’entraîne­
et de faire le diagnostic d’instabilité des fibulaires
ments ou de matériel qui ont pu influencer
ou d’un ressaut du genou.
l’apparition d’une douleur.
Palpation
Encadré 1.1 La palpation des points douloureux permet de
préciser le siège exact de la douleur : sur un frag-
Classification de Blazina ment osseux, une articulation, un tendon.
• Stade 1 – douleurs après le sport, disparais- Les signes sont fonction du siège (épaule, genou)
sant au repos. et de la pathologie : os, articulations, tendinobur-
• Stade 2  – douleurs pendant le sport et à sites.
la fatigue  ; il existe souvent un dérouillage
La palpation peut être sensibilisée par une
matinal.
manœuvre  : par exemple tests de Noble ou de
• Stade 3  – douleurs persistant plusieurs
Renne pour le diagnostic d’un syndrome de la
jours après l’arrêt du sport, réapparaissant à
la reprise : bandelette iliotibiale.
– 3a – limitant l’entraînement ;
– 3b – gênant la vie quotidienne. Étude des mobilités articulaires
• Stade 4  – douleurs permanentes empê-
Elle concerne tous les types de mobilité :
chant toute activité sportive et gênant les
activités de la vie quotidienne. • mobilité active ;
• mobilité passive ;
Chapitre 1. Généralités 3

• mobilité contre résistance ou mobilité contra- ment remplacé par celui de tendinopathie, plus
riée  : sa recherche n’est effectuée que dans extensif.
certaines circonstances cliniques, car elle n’est En cas de suspicion de tendinopathie, la fameuse
pas toujours possible en traumatologie aiguë. triade si souvent évoquée par Rodineau est
systématiquement recherchée  : douleur à la pal-
Étude de la stabilité articulaire pation, à l’étirement du tendon, à la contraction
(par exemple, genou, épaule) contrariée. Certains tests sont spécifiques d’une
lésion. Ainsi, le test de Finkelstein est théorique-
Devant des symptômes évoquant une instabilité ment pathognomonique d’une ténosynovite de
articulaire, il est nécessaire de pratiquer des tests De Quervain au niveau du poignet  : il consiste
d’appréhension  : manœuvre en rotation externe en la mise en tension des tendons du premier
d’épaule évoquant une instabilité scapulo-humérale, compartiment.
manœuvre de Smillie dans les instabilités patellaires. En cas de rupture tendineuse, certains tests sont
La recherche des laxités (parfois impossible très importants, telle la manœuvre de Simmonds-
dans un contexte traumatique aigu) comporte des Thompson pour le diagnostic d’une rupture de
tests spécifiques pour chaque articulation : épaule tendon calcanéen.
(tiroir), genou (test de Lachman, jerk test), cheville.

Examen programmé
Orientation du diagnostic : des articulations
os, articulations, tendons ?
En dehors du contexte d’urgence, il existe actuelle-
L’examen clinique permet d’orienter le diagnostic ment un examen programmé de chaque articula-
vers une pathologie osseuse, articulaire ou péri- tion tenant compte des aspects pratiques de tout
articulaire (tendinopathie ou rupture tendineuse). examen : par exemple, nécessité de regrouper les
tests faits en position debout, de face et de dos,
Pathologie osseuse à la marche, en décubitus ventral et dorsal. Cet
examen est bien entendu orienté par le contexte
La présence d’une douleur sur un fragment osseux clinique et l’interrogatoire.
doit faire redouter, selon les circonstances, une
fracture non déplacée méconnue ou une fracture
de fatigue. Conclusion
Pathologie articulaire : L’examen clinique garde une grande importance
instabilité, raideur malgré les énormes progrès de l’imagerie. Lorsque
le patient est vu « à froid », cet examen doit tou-
La présence d’une hémarthrose initiale, d’une jours être pratiqué avant de prendre connaissance
hydarthrose secondaire évoque une atteinte arti- de celle-ci. Il permet parfois à lui seul de faire
culaire : instabilité en cas de lésions ligamentaires un diagnostic : par exemple, devant des épisodes
(tests d’appréhension, laxité clinique), rétraction typiques de blocage en flexion du genou associés
articulaire (capsulite) en cas de raideur. à une douleur médiale, un bon interrogatoire
permet d’affirmer que le patient présente une
Pathologie abarticulaire lésion du ménisque médial avec anse de seau.
(ou péri-articulaire) : Il ne dispense cependant pas le plus souvent de
tendinopathie, bursite demander une imagerie (en l’occurrence pour cet
exemple, une radiographie standard et une IRM).
Le terme de tendinite, qui laisse supposer une ori- L’imagerie reste cependant très souvent indis-
gine inflammatoire systématique, a été progressive­ pensable en traumatologie du sport pour écarter
4 Traumatologie en pratique sportive

un diagnostic différentiel et préciser les indica- Quel est le responsable de ce péché contre l’esprit ?
tions thérapeutiques. L’examen clinique permet Le manque de temps, de disponibilité, de compé-
de choisir l’imagerie la plus adaptée, le clinicien tence ou d’expérience des cliniciens ?
restant le médecin prescripteur, et de donner aux Et si pour changer, vous, cliniciens, posiez
radiologues les renseignements cliniques néces- une question et nous, radiologues, y répondions
saires. Le diagnostic reste fondamentalement lié à clairement ?
la collaboration entre le clinicien et le radiologue. Cette première dérive majeure est potentialisée
par une seconde, presque aussi grave : dans plus de
huit cas sur dix, les renseignements cliniques qui
figurent sur la demande sont inexistants ou limités
2. Imagerie à deux ou trois mots insuffisants pour que le
en traumatologie du sport radiologue fasse un examen adapté au problème.
D’où ce paradoxe : un aveugle qui demande à un
G. Morvan voyant de le guider, mais refuse de lui dire où il va.
Nous marchons sur la tête.
Quelle imagerie ?
Trois petits mots simples recouvrant des réalités
plurielles :
• Quelle imagerie ? Celle élémentaire, disponible Radiographie
sur place ou celle de seconde ligne, beaucoup
plus sophistiquée ? La radiographie standard,
• Quelle traumatologie  ? Le macrotraumatisme une science qui se perd
unique à haute énergie pendant une descente à
ski ou les millions de microtraumatismes accu- Les radiographies, de moins en moins enseignées
mulés lors de la marche sportive ? aux jeunes générations au profit des diverses
• Quel sport ? La randonnée familiale du dimanche imageries en coupes, sont en perte de vitesse…
ou le traumatisme de la star du football qui va Compréhensible en pathologie viscérale ou car-
faire la une des journaux ? diovasculaire, où l’indication des examens fondés
Tous ces cas de figure différents nécessitent des sur les radiographies a connu une chute dras-
gestions différentes. tique, cette évolution l’est moins en pathologie
Notre monde judiciarisé est un monde de preuves. de l’appareil musculosquelettique où la radiogra-
Le traitement des traumatismes sportifs a long- phie demeure un des piliers du diagnostic. De ce
temps suivi, sans autre forme de procès, un diagnos- déficit d’enseignement découlent en cascade des
tic purement clinique. Temps révolu. Actuellement, incidences approximatives, des radiographies trop
même un tableau évident, par exemple une rupture rapidement lues, d’où un appauvrissement des
du croisé antérieur typique, aura en pratique une renseignements fournis par ces dernières.
imagerie. Plusieurs raisons à cela : dans un monde Comme la démocratie, la radiographie « est
d’images, l’intime conviction ne suffit plus. La un mauvais système, mais c’est le moins mau-
médecine d’aujourd’hui demande des preuves tan- vais de tous les systèmes » (W. Churchill).
gibles et les patients qu’on leur montre de quoi ils Les radiographies ne montrent que le squelette
souffrent. Cette «  icono-dépendance  » a un coût et avec une sensibilité très moyenne. Pour voir
et est source d’une surconsommation d’imagerie. une fracture, il faut qu’elle soit enfilée par les
La France, ta clinique fout le camp ! rayons X ou déplacée d’où un grand nombre de
La primauté de la clinique a longtemps été un faux négatifs (fractures de côtes, fractures en os
dogme incontesté, d’où un besoin limité d’exa- spongieux…). Cependant, malgré ses défauts, la
mens «  complémentaires  », et l’imagerie ne fai- radiographie reste le meilleur examen d’ensemble
sait pas exception. Progressivement, celle-ci est d’une région, la technique qui permet les compa-
devenue de moins en moins « complémentaire », raisons les plus fines dans le temps et qui demeure
jusqu’à parfois se substituer à l’examen clinique. la plus répandue et la moins chère.
Chapitre 1. Généralités 5

Radiographie et irradiation arthroscanner, gold standard bien supérieur à


l’IRM pour l’étude du cartilage, des fissures
Jusqu’à ces dernières années, on a fait comme si méniscales, labrales ou tendineuses ouvertes dans
les rayons X n’irradiaient pas. Or – c’est prouvé – la cavité articulaire  : cheville, épaule, genou,
l’irradiation répétée des zones sensibles entraîne hanche, poignet… Malgré leur rareté (un cas pour
à terme une augmentation statistique de la fré- plusieurs milliers d’arthrographies), les risques
quence des cancers. Dieu merci, les mentalités ont infectieux et allergiques sont réels et potentielle-
changé ! Deux cas de figure existent : ment graves. Ainsi, l’arthroscanner n’est demandé
• les radiographies occasionnelles des extrémités. que si une IRM préalable n’a pu répondre à la
Ce sont des zones peu radio-sensibles qui ne question.
posent pas de problème ;
• les radiographies répétitives des zones radio-
sensibles : des yeux à la racine des membres infé- Infiltration radio-guidée
rieurs, épaules incluses (par exemple, suivi des
scolioses, des spondylolisthésis, des pathologies De plus en plus fréquemment indiquée, celle-ci
de hanches, etc.). Notamment chez les jeunes nécessite également une injection de produit de
(jusqu’à 35–40 ans), les risques de l’irradiation contraste pour s’assurer de la bonne position
doivent être sérieusement pesés. C’est le travail de l’aiguille avec le risque allergique que cela
des prescripteurs et des radiologues que de comporte. Dans les cas qui s’y prêtent, il est sou-
veiller à la réelle indication des radiographies, haitable de remplacer le contraste par du sérum
à la limitation de leur nombre, à l’utilisation physiologique, voire de privilégier les injections
de techniques peu irradiantes avec protection échographiques guidées pour limiter l’irradiation
des gonades (capteurs plans, EOS…) et de du patient et de l’opérateur ainsi que supprimer
privilégier l’IRM par rapport au scanner  : par le produit de contraste.
exemple, le bilan d’une lombalgie chez un
adolescent peut être effectué à l’aide de clichés
face et profil sur système EOS et d’une IRM, Scanner
avec une irradiation quasi nulle.
Petit-fils de la radiographie, les nouveaux scanners
se sont considérablement améliorés.
Radiographie et échographie Ils ont cependant conservé leurs caractéris-
tiques génétiques :
Radiographie et échographie forment un couple
• des points positifs :
indissociable. L’échographie ne voit que de la peau
– rapidité : quelques secondes suffisent actuelle-
au périoste et méconnaît complètement l’intérieur
ment pour l’acquisition des images, d’où des
des os. Lors de l’échographie d’une articulation, un
examens en apnée,
bilan radiographique a minima est donc indispen-
– absence de flou cinétique  : possibilité d’exa-
sable, sous peine d’erreurs diagnostiques grossières :
men même chez les patients algiques ou agités,
par exemple, passer à côté d’une omarthrose ou
– précision  : coupes de quelques dixièmes de
d’une coxarthrose radiographiquement évidentes.
millimètre d’épaisseur, jointives, à matrice
très élevée  ; reconstructions planes et 3D
Arthrographie (radiographie d’excellente qualité…,
et produit de contraste) – absence de tunnel, donc pas de claustro-
phobie,
Compte tenu du peu de sensibilité des radiogra- – aucune limitation de champs,
phies pour l’étude des parties molles, l’utilisation – possibilité de coupes étagées (mesure de rota-
d’un produit de contraste est souvent néces- tion des membres),
saire. En pratique, les arthrographies actuelles – logiciels de diminution des artefacts métal-
sont le premier temps d’une infiltration ou d’un liques permettant l’étude des prothèses,
6 Traumatologie en pratique sportive

même massives, ou du matériel d’ostéosyn- préopératoires des instabilités et des lésions tendi-
thèse et de leur voisinage immédiat, neuses de l’épaule (l’arthro-IRM, non irradiante,
– mode «  scout-view  » du scanner pouvant concurrence de plus en plus l’arthroscanner dans
être utilisé pour faire des radiographies de la ce site sensible), les pathologies chondrales et
colonne en décubitus très peu irradiantes (bilan labiales de la hanche, certains bilans du genou (car-
de scoliose, réductibilité d’une cyphose…) ; tilage de la patella, contrôles postopératoires des
• des points négatifs : gestes méniscaux) et la pathologie de la cheville.
– les coupes tomodensitométriques sont tou- En revanche, le scanner reste un examen de
jours source d’une forte irradiation. Bien que seconde intention en matière de colonne, où
les nouveaux appareils irradient beaucoup l’IRM lui est préférable.
moins que les précédents, ils demeurent la
principale source d’irradiation médicale,
– faire attention aux zones radio-sensibles des Échographie
jeunes chez qui l’indication d’un scanner de
la colonne, du bassin, des épaules doit être Beaucoup plus difficile qu’on ne le croit, cette
mûrement réfléchie et, si faire se peut, rem- technique n’appartient à personne.
placée par l’IRM. En revanche, au-delà d’un Ni les radiologues ni les cliniciens ne peuvent
certain âge, la notion d’irradiation devient en revendiquer la propriété, ni même l’usage. En
anecdotique et ne doit plus être considérée revanche, si tous les médecins peuvent y avoir
comme un obstacle, accès, les règles du jeu et le prérequis sont les
– faible sensibilité pour l’étude des parties mêmes pour tous : un niveau de formation élevé,
molles, d’où la même nécessité de produit de reconnu par un diplôme national officiel et une
contraste que pour les radiographies. remise à niveau continue des connaissances.
L’échographie n’est pas et ne sera jamais le
« prolongement naturel de la main du clinicien ».
Scanner et fractures C’est même l’inverse : l’échographie musculos­
quelettique est la plus difficile des imageries
La précision et la capacité de reconstruction
musculosquelettiques. C’est celle qui exige
2D et 3D du scanner en font l’examen de base
l’investissement intellectuel le plus lourd et les
pour la recherche ou le bilan de fractures. Une
connaissances anatomiques les plus exhaustives,
exception : certaines fractures non déplacées en os
longues à acquérir et à entretenir. L’échographie
spongieux peuvent passer inaperçues au scanner
est une maîtresse séduisante, mais terriblement
(scaphoïde, plateaux tibiaux), d’où l’IRM.
exigeante à de multiples points de vue.
L’échographie «  ostéo-articulaire  » n’étudie
Scanner et arthroscanner paradoxalement ni l’os, ni les articulations.
des articulations Pour des raisons physiques, les ultrasons ne
voient pas l’intérieur des os, mais seulement sa sur-
Bien qu’en perte de vitesse par rapport à l’IRM, face. Une lésion intra-osseuse, évidente en radio-
l’arthrocanner reste très utilisé en France pour graphie, passera donc inaperçue en échographie.
l’étude du cartilage, des labrums et capsules arti- C’est une limite majeure de cette méthode par
culaires, de la lame sous-chondrale et de l’os nature incomplète dès lors que la zone étudiée
spongieux adjacent, d’où son importance en trau- inclut un os, d’où l’indissociable couple radio-
matologie du sport. Il nécessite parfois un premier graphie–échographie. En matière d’articulation,
temps sans préparation (ce qui double l’irradia- l’échographie voit les surfaces osseuses ou cartila-
tion) pour ne pas manquer un corps étranger gineuses accessibles, les récessus synoviaux, certains
intra-articulaire. C’est le gold standard actuel en ligaments collatéraux, les tendons et les parties
France pour l’étude des cartilages et des ligaments molles péri-articulaires. La demande « échographie
du poignet, du coude traumatique, les bilans de la hanche pour douleur » n’a donc pas de sens :
Chapitre 1. Généralités 7

c’est du ressort de la radiographie ou de l’IRM. En ligaments, synoviales, surfaces osseuses). La qua-


revanche, la demande « échographie/radiographie lité des images étant à peu près inversement pro-
de l’épaule à la recherche d’une lésion de la coiffe » portionnelle au carré de la distance, la profondeur
est pertinente. L’échographie n’est qu’un outil de la cible ne doit pas excéder une limite raison-
parmi d’autres au sein d’une boîte à outils où nable. Une graisse sous-cutanée épaisse absorbe
l’imageur doit pouvoir choisir l’outil le plus adapté. les ultrasons et dégrade considérablement l’image.
Encore faut-il qu’il ait le choix ! Dès lors, un peu de bon sens : l’échographie d’une
Une bonne échographie de l’appareil moteur petite formation située à  10  cm de profondeur
implique du matériel de qualité. Les résultats de dans une zone anatomique complexe a toutes les
l’échographie dépendent étroitement de la qualité chances d’être non contributive ; mieux vaut pas-
de celui-ci. Or, le bon matériel a un coût élevé. ser directement à l’IRM, sans étape échographie.

Qui fait l’échographie ? Les plus de l’échographie


Le radiologue ou le clinicien ?
• L’effet Doppler, disponible sur tous les écho-
L’opérateur est radiologue. L’important n’est pas graphes actuels, permet de déceler très simple-
tant qu’il soit convaincu du diagnostic qu’il a fait, ment une hyperhémie, donc une inflammation,
mais que le clinicien le soit pour lui permettre information importante pour le diagnostic.
de choisir le meilleur traitement. Cette trans- • La possibilité d’études dynamiques aisées (liga-
mission est l’une des principales difficultés de la ments, tendons, muscles…) constitue l’une des
méthode. En dépit de tous les efforts d’annotation grandes originalités de la méthode. On ne la
et d’orientation des images, la relecture des écho- retrouve dans aucune autre imagerie en coupes.
graphies est difficile et, dans une certaine mesure, • La faculté de suivre un nerf ou un vaisseau sur
le clinicien doit faire confiance à l’échographiste : une grande distance («  manœuvre de l’ascen-
c’est la fameuse opérateur-dépendance  ! C’est la seur ») constitue une seconde originalité, aussi
raison pour laquelle le clinicien préfère souvent précieuse.
l’IRM ou le scanner, dont il maîtrise mieux la
relecture.
L’opérateur est clinicien. Le plus souvent, cet Ponctions sous guidage
opérateur est aussi le prescripteur. D’où le pro- échographique
blème d’être à la fois juge et partie. Un clinicien
La technique des échographies interventionnelles
opérateur/prescripteur aura du mal à être objectif
est maintenant au point. Les actes d’échogra-
et on peut penser que la performance de son écho-
phie guidée sont de plus en plus pratiqués dans
graphie, orientée, peut s’en ressentir. Par ailleurs,
de multiples indications  : ponctions–évacuations
être autoprescripteur n’est probablement pas la
d’articulation, de kyste…, infiltrations intra-
meilleure manière d’être objectif dans l’apprécia-
articulaires, péritendineuses, périlésionnelles…,
tion de la qualité de ses propres examens.
arthrographie, aspiration–lavage de calcifications,
etc. La sous-cotation extrême de ces actes pose un
Indications de l’échographie problème économique.
musculosquelettique et limites L’échographie interventionnelle commence
également à concurrencer certains gestes chirur-
À condition de respecter les règles de la méthode gicaux : ablation de corps étrangers, section de la
(voir ci-dessus), ses indications sont multiples  : poulie A1 (doigt à ressaut), section du retinacu-
étude de toutes les parties molles superficielles des lum du premier compartiment des tendons exten-
membres et des parois du tronc accessibles aux seurs du poignet (ténosynovite de De Quervain)
échographies (peau, graisse sous-cutanée, nerfs, ou des fléchisseurs du poignet (syndrome du canal
vaisseaux, fascias, muscles, tendons, retinaculums, carpien).
8 Traumatologie en pratique sportive

Imagerie par résonance Cette extrême sensibilité est précieuse pour le diag-
magnétique nostic, mais a des inconvénients  : elle voit des
lésions minimes qui ne nécessitent pas toujours de
traitement. Elle a tendance à surestimer les lésions
Des énormes progrès en cas d’examen précoce (par exemple, les ruptures
en quelques années partielles des croisés), d’où la difficulté à affirmer la
fin de la guérison en cas de petit œdème résiduel
Depuis des années, l’imagerie par résonance
intramusculaire. En revanche, sa faible spécificité ne
magnétique (IRM) monte en puissance : champs
permet pas toujours de mettre une étiquette sur ces
magnétiques plus homogènes, gradients plus puis-
images. Le problème n’est tant pas de voir quelque
sants, antennes plus performantes, temps d’acqui-
chose d’anormal, mais souvent de dire ce que c’est.
sition nettement plus courts et meilleure définition
des images… De nouvelles séquences révolution-
naires sont apparues : Des contraintes techniques
• séquences volumiques pondérées en T1 et STIR importantes
(short tau inversion recovery) – IRM CUBE
– permettant d’obtenir des coupes submillimé- Le tunnel est source de claustrophobie. L’immo-
triques jointives en haute définition sur des bilité absolue nécessaire (pendant au minimum 15
volumes importants  : genou, bassin, colonne à 20  min) est difficile à obtenir chez les jeunes
lombaire, pied et cheville… Ces séquences, enfants ou les personnes âgées, en cas de douleur,
qui permettent une étude 3D et des recons- d’anxiété (respiration forte), de tremblements,
tructions planes fines dans tous les plans de d’indiscipline. Le champ de vue étudié doit être
l’espace, sont de plus en plus utilisées : colonne, réduit et les coupes fines si l’on désire une bonne
ménisques, bassin… ; définition anatomique (main, pied, nerf…), ce qui
• séquences anti-artefacts métalliques (multiac- pose fréquemment problème : douleurs mal sys-
quisition variable-resonance image combination tématisées, bilatérales…
ou MAVRIC) permettant l’étude de l’os et
des parties molles à proximité immédiate des Des inconvénients non négligeables
prothèses et du matériel d’ostéosynthèse et à
l’origine d’une nouvelle sémiologie encore en • Prix  : L’IRM est un examen cher (au moins
cours de gestation et en passe de bouleverser quatre fois le prix d’un scanner), ce que l’on
l’imagerie des prothèses ; peut ne pas passer sous silence à notre époque
• séquences à temps d’écho (TE) court, voire de difficultés budgétaires.
nul, en voie de finalisation permettant d’obtenir • Accès  : certaines zones géographiques sont
une imagerie calcique de type scanner ; correctement pourvues, mais d’autres restent
• séquences spéciales pour la moelle et la colonne. notoirement sous-équipées, avec des délais
incompatibles avec le bilan de lésions sportives.
• Hétérogénéité du parc  : certains appareils
L’IRM, très sensible, datent et sont loin de posséder les possibilités
mais peu spécifique énoncées ci-dessus.
• Manque de spécialistes en IRM de l’appareil
Du fait de son extraordinaire sensibilité, l’IRM est
moteur.
apte à mettre en évidence le moindre œdème de
la moelle osseuse, normalement graisseuse, ou des
structures conjonctives (tendons, ligaments, fas- Un examen incontournable
cias…), normalement uniformément noires. D’où en imagerie du sport
l’énorme potentiel diagnostique de la méthode
pour la mise en évidence des lésions trauma- L’IRM est d’ores et déjà l’examen de référence dans
tiques  : fractures minimes, contusion osseuse, nombre de situations : genou traumatique, hanche,
œdème sous-chondral, entorse, tendinopathie, etc. cheville complexe, colonne, épaule, poignet, main…
Chapitre 1. Généralités 9

Conclusion sur une prescription médicale associée à un diag-


nostic médical et leur bilan kinésithérapique. La
Si notre boîte à outils diagnostiques est théorique­ place de la rééducation dans le traitement des
ment bien garnie, la réalité de tous les jours est lésions liées à la pratique sportive est incontour-
parfois moins reluisante. nable, elle vise à guider la cicatrisation lésionnelle
et la récupération fonctionnelle du sport pour per-
mettre un retour sur le terrain dans un minimum
Points clés de temps, à un niveau de performance comparable
• L’imagerie n’a nulle vocation à remplacer la clinique :
au niveau antérieur et en minimisant le risque de
c’est contre sa nature. récidive lésionnelle. La démarche se fonde sur
• Cliniciens, si vous voulez une réponse précise, la demande fonctionnelle du patient qu’il faut
commencez par poser une question claire ! entendre, mais parfois savoir modérer par des
• De bonnes radiographies bien faites et bien lues res- explications claires et prouvées (ainsi qu’auprès de
tent souvent irremplaçables. Attention à l’irradiation et l’entourage : entraîneur, préparateur physique…).
au produit de contraste ! Cette rééducation du sportif est parfois spécifique
• Utilisez le scanner avec modération et, si possible, pas au sport pratiqué (biomécaniques, contraintes tis-
dans les zones sensibles (tronc et ceintures).
sulaires, saisonnalité…).
• L’échographie n’a rien d’instinctif, c’est même l’ima-
gerie la plus difficile. Tout le monde peut la pratiquer,
Le bilan kinésithérapique vise à déterminer les
mais avec les mêmes règles du jeu pour tous (diplôme plaintes fonctionnelles (douleurs, troubles tro-
officiel, remises à niveau régulières). phiques…), les déficiences (déficits d’amplitude,
• L’IRM n’a pas que des avantages, mais c’est l’exa- de force, proprioceptifs…) et les incapacités (limi-
men globalement le plus performant en imagerie du tation dans les activités).
sport. Son coût important doit inciter à la raison. La première phase de la rééducation, commune
à tous les blessés, est incontournable et correspond
au temps nécessaire pour passer le cap de la res-
triction fonctionnelle, de la douleur et de l’œdème
3. Traitements important pour une meilleure cicatrisation ou
consolidation de la lésion. La deuxième phase est
conservateurs celle de la rééducation proprement dite. Ces deux
en traumatologie du sport premières phases de rééducation ne sont pas spéci-
fiques aux patients sportifs. Durant cette période,
F. Depiesse, P. Edouard il est indispensable que les sportifs pratiquent des
exercices appropriés pour garder une bonne condi-
tion physique cardiorespiratoire et musculaire sur
Les traitements conservateurs sont des approches les parties non lésées du corps. On favorisera aussi
thérapeutiques non chirurgicales. Réalisés en le plus possible avec le MKDE l’autorééducation
amont, en aval ou indépendamment de la chirur- du sportif dans un objectif d’autonomie.
gie, ils représentent une grande part des stratégies La troisième phase est spécifique aux sportifs,
thérapeutiques en traumatologie du sport, au il s’agit de la réathlétisation ou réadaptation au
sein desquelles sont distingués les traitements sport ou de retour sur le terrain. En effet, lorsque
physiques et médicamenteux. les amplitudes articulaires, la force musculaire et la
souplesse se sont normalisées, le sportif peut débu-
ter un entraînement spécifique ayant pour but
Traitements physiques de lui redonner toutes les capacités physiques et
techniques nécessaires à la pratique de son sport.
Généralités sur la rééducation Selon la discipline pratiquée, il faudra insister plus
particulièrement sur la récupération de l’endu-
La rééducation est réalisée par les masso-kinésithé- rance, de l’explosivité, de la souplesse ou de l’équi-
rapeutes diplômés d’État (MKDE), qui s’appuient libre. Cette phase de reprise sportive se termine
10 Traumatologie en pratique sportive

sur le terrain avec la collaboration du MKDE, du sportif, on utilisera pour cela l’arsenal des différents
préparateur physique et de l’entraîneur. modes de contraction musculaire1.
Cette progression nécessite un ajustement per-
manent des exercices en fonction de l’évolution
de la récupération et de la tolérance du blessé aux Électrostimulation du sportif
exercices prescrits. Cela implique un suivi régulier
L’électrostimulation musculaire est efficace pour
du MKDE et du médecin et une collaboration
prévenir et traiter l’amyotrophie sous la forme
active du blessé à sa rééducation.
de courants de basse fréquence qui permettent
Nous décrirons succinctement quelques-unes
un recrutement spatial important des unités
(mais pas toutes) des méthodes et techniques
motrices. Quant à son utilisation comme moyen
propres à la rééducation du sportif (à visée
de renforce­ment musculaire, elle n’a d’intérêt que
d’antalgie, de gain d’amplitude)  : renforcements
si elle est  associée aux contractions volontaires.
musculaires (isométrique, isotonique, concen-
Elle est donc un adjuvant intéressant à certaines
trique, excentrique, pliométrique, isocinétique),
phases de la rééducation du sportif blessé sur la
travail en chaînes cinétiques, travail proprioceptif,
zone lésée ainsi qu’en maintien des acquis de
massages, étirements, physiothérapie, électros-
force et d’endurance musculaire sur les parties non
timulation… Le lecteur trouvera facilement des
lésées du corps.
ouvrages spécialisés sur ce sujet.
Le médecin du sport doit connaître les différents
modes de renforcement musculaire, mais aussi Physiothérapie
savoir soigner les troubles trophiques et prescrire
les méthodes complémentaires à la rééducation Les différentes techniques de physiothérapie sont
comme la balnéothérapie (et le travail en décharge), les suivantes : thermothérapie (chaud froid), ultra-
la cryothérapie (locale et corps entier), les ondes sons, ionisation, électrothérapie, massages, ondes
de choc (focalisées ou radiales), les techniques de magnétiques pulsées, ondes courtes… On doit
médecine manuelle ostéopathique ou autres. les prescrire à bon escient à visée antalgique, anti-
inflammatoire, en récupération… Elles complètent
le travail manuel du MKDE mais ne le rempla-
Renforcement musculaire cent pas.
Par exemple, la cryothérapie est soit localisée
La perte de force musculaire est systématique et et partielle (pose de glace sur une articulation, ou
précoce lors de toute immobilisation totale ou immersion du bas du corps en eau froide), soit sous
partielle, temporaire ou définitive, comme c’est une forme de refroidissement global dite corps
le cas après un traumatisme ou une intervention entier dans des chambres de froid et sa variante
chirurgicale. On estime que la diminution de la qui laisse la tête et le cou hors de la machine de
force musculaire est de  3 à  4  % par jour lors de cryothérapie.
la première semaine d’immobilisation. De même, la Nous ne discuterons pas ici des avantages et
force du quadriceps diminue de  20 à  60  % après inconvénients de ces techniques ni de leurs indi-
30 jours d’immobilisation type bed rest et un déficit cations qui sont encore scientifiquement discutées.
moyen de 11 à 16 % a été rapporté sur la taille des Sachez que ces méthodes font partie de l’arsenal
muscles extenseurs de genou après une immobili- de soins pour le sportif blessé et sont utilisées en
sation sans appui. Si la perte de force est rapide, la prévention, mais jamais comme traitement exclusif.
récupération de l’état initial est très longue. Ainsi,
un déficit de 10 à 20 % de la force et de la taille
du quadriceps peut persister pendant des années
1. Pour une description complète des différents modes de
après les interventions chirurgicales, malgré des
contraction musculaire, voir Rivière D. (dir.) Médecine du
efforts de rééducation intense. Limiter la perte et la sport pour le praticien. Elsevier Masson ; 2020 et Edouard P,
fonte musculaire est donc un enjeu capital pour le Degache F. Guide d’isocinétisme. Elsevier Masson ; 2016.
Chapitre 1. Généralités 11

Contentions dans le sport non-douleur et des trois directions libres dans le


schéma en étoile (figure 1.1).
Les contentions sont utiles en phase aiguë pour Seuls les médecins et les kinésithérapeutes peu-
une immobilisation relative à visée de cicatrisa- vent prendre en charge des soins sur pathologie
tion, de lutte contre l’œdème et d’antalgie. On organique. Le décret de compétence des ostéo-
les utilise aussi à visée préventive pour un rappel pathes, non professionnels de santé, ne leur permet
proprioceptif de l’articulation à contrôler. On dis- de traiter que des pathologies fonctionnelles ; donc
tingue les bandages élastiques (strapping) de ceux dans le sport, ils seront plutôt sollicités pour des
non élastiques et adhésifs (taping). On n’oubliera soins de bien-être et non pour des pathologies
pas les bas de contention veineuse pour la lutte aiguës. La responsabilité des dirigeants et du méde-
contre la stase veinolymphatique. Il existe aussi cin responsable du club ou de l’événement pourrait
les orthèses, qui sont une alternative à l’immo- être mise en cause en cas de problème sur un sportif.
bilisation stricte et permettent la mobilité en
secteur et direction protégés (chevilles, genoux,
doigts…), et les contentions rigides comme les Autres méthodes et médecines
attelles (thermoformable, résine et plâtre). alternatives « utilisées »
en traumatologie du sport
Médecine manuelle Il s’agit de  : l’acupuncture (aiguilles sur des
méridiens énergétiques en médecine chinoise),
La médecine manuelle a une place dans le diag-
le dry-needling (aiguille sur des points muscu-
nostic et le traitement des affections musculos-
laires douloureux ou points gâchettes), l’élec-
quelettiques communes. Son intérêt tient à son
troacupuncture, la prolothérapie (injection de
efficacité (niveau de preuves élevé, en particulier
diverses substances – dextrose, glycérine et phé-
dans les lombalgies communes), à un faible coût,
nol – à l’intérieur des ligaments ou des tendons
à sa iatrogénicité rare (dissection artère verté-
endommagés entraînant une irritation et une
brale, apparition de signes radiculaires ±  déficit
moteur…), à la simplicité de sa mise en œuvre, dès
lors qu’existent des praticiens qui sont médecins,
correctement formés. Issues de plusieurs courants,
les formations de médecine manuelle et d’ostéopa-
thie ont évolué avec des apports multiples et variés
de thérapeutes de tout horizon sur les manipula-
tions par technique : myotensive, contre résistance
(strain–counterstrain), d’impulsion (thrust), de
levée de tension musculaire. Leur pratique est
aujourd’hui courante dans le milieu sportif. Les
contre-indications doivent être connues, respec-
tées, et surtout il ne faut jamais sauter l’étape du
diagnostic médical avant manipulation.
Le traitement des dérangements interverté-
braux mineurs a été développé par Maigne. Il
s’agit de traiter des douleurs souvent intercostales
par des manœuvres dites à «  haute vélocité et
faible amplitude » décrites par Maigne comme des Figure 1.1. Étoile de report de l’examen clinique
« manœuvres articulaires brèves et sèches qui por- du rachis selon Robert Maigne, on y note les limitations
d’amplitude et la douleur.
tent une articulation au-delà de son jeu physiolo- E : extension ; F : flexion ; LFD : latéroflexion droite ;
gique sans dépasser ses limites anatomiques ». Les LFG : latéroflexion gauche ; RD : rotation droite ;
manipulations doivent ici respecter la règle de la RG : rotation gauche.
12 Traumatologie en pratique sportive

inflammation locales et permettant de stimuler et ce malgré une toxicité bien connue, tant au
la croissance cellulaire et de réparer les tissus), la niveau rénal, que gastrique, intestinal et cardiovas-
luminothérapie. culaire. Depuis les années 2000, leur efficacité sur
Ces méthodes sont parfois utilisées par des pro- les troubles musculosquelettiques est débattue.
fessionnels à la limite de leurs décrets de compé- L’inhibition de la réponse inflammatoire précoce
tence. Il appartient alors aux traumatologues du pourrait altérer la cicatrisation naturelle d’une
sport de bien informer les sportifs afin de leur lésion et avoir un impact négatif sur le processus
permettre un usage éclairé de ces techniques de réparation ultérieure. Lors de tendinopathie
qui, comme les produits homéopathiques, sont chronique où il n’y a pas à proprement parler de
parfois utilisées dans le milieu sportif sans preuves phénomène inflammatoire, les AINS ne sont pas
scientifiques ni études indiscutables. recommandés. Il convient aussi de les éviter après
une fracture en raison de leurs effets délétères sur
la formation osseuse. Enfin, les études ne démon-
Traitements médicamenteux trent pas d’intérêt notable à leur utilisation lors de
lésions musculaires aiguës. Ils restent utilisés dans
On distingue : les lésions ligamentaires et tendineuses aiguës ou
• les traitements locaux des moyens généraux ; alors certains attendent 1  semaine avant de les
• les méthodes de prise  : soit topiques locaux utiliser selon l’évolution et d’autres les emploient
(ex. : pommade), sous-cutanés (ex. : mésothé- d’emblée mais en cure courte de 3  à 5  jours
rapie), intra-articulaires et péri-articulaires (ex. : environ.
infiltrations), soit per os, parentérales, intramus- Au final, au même titre que les antalgiques, une
culaires. réflexion s’impose donc pour savoir s’il est jus-
tifié de masquer les symptômes douloureux d’un
sportif afin de lui permettre une interruption la
Antalgiques plus courte possible de sa pratique sportive, au
détriment peut-être de sa guérison.
Ils sont non spécifiques aux sportifs. On notera
toutefois que certains comme le tramadol sont
décriés pour leurs effets de baisse de vigilance
(risque de chute en cyclisme) et de diminution Facteurs de croissance
de la douleur, donc d’amélioration des capacités plaquettaire sous la forme
d’effort, donc «  dopants  », même s’ils ne sont de plasma riche en plaquette
pas inscrits sur la liste officielle des produits inter-
Les plasmas riches en plaquettes (PRP) ont été pro-
dits par la réglementation antidopage. En cyclisme,
posés dans le traitement des lésions musculaires,
ils sont bannis, depuis mars 2019, du peloton
puis ligamentaires et tendineuses. Aujourd’hui,
professionnel par une règle sur la protection de la
les résultats des PRP sont très controversés et les
santé de l’Union cycliste internationale (UCI). La
études difficilement comparables. Les PRP sem-
codéine est juste surveillée en compétition et sans
blent surtout efficaces pour les tendinopathies
sanction en 2020. D’autres antalgiques (narcotiques
chroniques, ils le sont moins pour les lésions mus-
dont la morphine) sont inscrits sur la liste des subs-
culaires aiguës et chroniques et les tendinopathies
tances dopantes interdites en compétition. De plus,
aiguës. Des essais récents semblent rapporter une
le risque de trop masquer la douleur peut être aussi
efficacité dans l’arthrose. Même si on ne connaît
dangereux pour guider une rééducation de blessure.
pas encore toutes les règles à respecter dans la
synthèse des PRP, les mesures suivantes semblent
Anti-inflammatoires non stéroïdiens acquises :
• nécessité d’absence des leucocytes et des éry-
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) throcytes dans le produit récupéré après cen-
sont les médicaments les plus utilisés en sport trifugation ;
Chapitre 1. Généralités 13

• ne pas utiliser d’anesthésie locale ou de prise


d’AINS ;
4. Traitement chirurgical
• pratiquer les infiltrations sous échographie ; en traumatologie
• systématiser la rééducation post-infiltration car
la charge mécanique est nécessaire au processus
du sport
cicatriciel.
F. Khiami

Glucocorticostéroïdes
Depuis ces trente dernières années, les progrès
Les indications de glucocorticostéroïdes et leur en matière de chirurgie ont été considérables à
usage en médecine du sport ont fortement dimi- plusieurs niveaux.
nué ces dernières années, toutefois bien prescrits
ils restent de très bons outils pour le trauma-
tologue du sport. On sera prudent du fait des Collaboration
risques de rupture tendineuse et d’insuffisance médico-chirurgicale
surrénale aiguë en plus de toutes les précautions
d’emploi connues (diabète, risque infectieux…).
L’amélioration de la connaissance lésionnelle n’est
Ils sont classés dans la liste des produits  S9
pas un hasard. Elle est le fait d’une collaboration
interdits en compétition par l’Agence mondiale
médico-chirurgicale au service du patient. Cette
antidopage (AMA). En cas de prise par voie
collaboration précieuse amenant la confrontation
orale, intraveineuse, intramusculaire ou rectale,
des points de vue et des retours d’expérience
ils devront être déclarés en demandant une auto-
a permis le perfectionnement et la systématisa-
risation d’usage à visée thérapeutique (AUT)
tion de l’examen clinique, la mise en valeur des
à l’Agence française de lutte contre le dopage
points importants pour chacun et l’élaboration
(AFLD) pour les sportifs de niveau national ou à
de consensus de prise en charge. Un exemple
la fédération internationale à laquelle un sportif
simple est la prise en charge de la rupture du
de haut niveau relève pour la période de compé-
ligament croisé antérieur : si celle-ci était autrefois
tition. Le médecin prescripteur aide le sportif à
réservée à des « experts », elle respecte désormais
remplir son AUT.
un consensus sur les lésions qui sont à opérer de
façon formelle et sur celles pouvant ne pas l’être
Acide hyaluronique et ce, grâce à la multitude de confrontations
en infiltration intra-articulaire de points de vue, aux retours d’expérience des
experts médicaux et des chirurgiens et à l’organi-
L’acide hyaluronique est un constituant du liquide sation des sociétés savantes.
synovial et du cartilage. Sa supplémentation est La lésion est donc mieux analysée sur le plan
utilisée dans le cadre de l’arthrose et du vieillisse­ clinique, et l’examen clinique «  programmé  »,
ment articulaire dans un objectif d’amélioration rigoureux et exhaustif, permet de mieux cerner
symptomatique. la gravité de la lésion, son retentissement fonc-
En 2020, la viscosupplémentation n’est plus tionnel et son potentiel évolutif. D’autant que les
remboursée, le service médical rendu ayant été progrès de l’imagerie ont permis de mieux mettre
jugé défavorable par la Sécurité sociale. en corrélation une lésion proposée par le clinicien
Les indications en sport restent les douleurs et confirmée par le radiologue. L’avènement de
d’origine cartilagineuse : ostéochondrite trauma- l’échographie et de l’IRM a permis de revisi-
tique au début, coxarthrose, gonarthrose avec ou ter certaines lésions, et d’en découvrir d’autres,
sans ménisque lésé, arthrose de cheville. Environ autorisant des traitements plus ciblés, plus précis
50  % des sportifs rapportent une efficacité sur et plus adaptés. La pathologie méniscale illustre
leurs symptômes. ces progrès. La qualité des images IRM voire
14 Traumatologie en pratique sportive

échographiques des ménisques a permis d’établir mais avec une faiblesse résiduelle de la force de
des classifications lésionnelles précises desquelles flexion du genou et une perturbation sportive. Les
découlent des traitements ciblés. Si autrefois, en progrès de l’imagerie qui ont permis de cartogra-
cas de pathologie méniscale, le traitement pou- phier la lésion, l’utilisation d’ancres de réinsertion
vait consister en une méniscectomie totale à ciel fiables et le perfectionnement des protocoles post-
ouvert, il est possible actuellement de différencier opératoires ont permis d’élargir les indications
les lésions de profil aigu traumatique de celles qui opératoires dans cette pathologie, autrefois traitée
sont de profil dégénératif, de dépister des lésions quasi exclusivement de façon fonctionnelle.
des racines méniscales et de cartographier la
lésion selon l’orientation de la déchirure. Avec le
développement de l’arthroscopie, le mini-invasif Recherche scientifique
a supplanté la chirurgie conventionnelle, permis
de préserver les ménisques et l’avenir du cartilage Un des points de faiblesse en traumatologie du
en faisant des chirurgies de reconstruction et de sport était l’absence de recherche scientifique orga-
sutures méniscales ou des méniscectomies très nisée et dédiée, contrairement aux pathologies
ciblées et économes. orthopédiques mieux codifiées et depuis long-
temps, comme la chirurgie prothétique de hanche.
Progressivement, les sociétés savantes et les congrès
Matériel chirurgical autour de la pathologie sportive se sont organisés,
ont développé des protocoles de recherche, consti-
Le perfectionnement du matériel chirurgical a per- tué des bases de données et alimenté la littérature
mis là encore de franchir des caps. Le développe­ scientifique au service de la preuve scientifique
ment d’ancres de réinsertion, de fils incassables, d’un succès ou d’un échec d’une technique chirur-
l’explosion des techniques arthroscopiques, les gicale. Pour exemple, depuis longtemps la butée
plaques d’ostéosynthèse osseuse quasi anato- antérieure d’épaule dans le traitement de l’insta-
miques, les matériaux résorbables de fixation tendi- bilité chronique faisait référence, mais a été remise
neuse ou ligamentaire, l’utilisation des allogreffes en question par les traitements arthroscopiques
en pratique courante, les mini-amplificateurs de moins agressifs et moins délétères. Pourtant la
brillance ou la navigation chirurgicale peropéra- preuve scientifique a montré que les résultats de
toire sont autant de progrès techniques au service l’arthroscopie n’étaient pas ceux attendus dans de
d’une chirurgie rapide, efficace et précise dimi- nombreuses situations et a précisé les indications
nuant la longueur des suites opératoires, les délais de cet outil thérapeutique, en redonnant sa place
d’indisponibilité et les dommages collatéraux des à la chirurgie conventionnelle. De même, toutes
chirurgies plus conventionnelles. Par exemple, les recherches autour de la chirurgie du ligament
dans les ruptures corporéales du tendon calcanéen, croisé antérieur (LCA) ont fait évoluer la prise en
il est possible à l’heure actuelle de réparer la lésion, charge de cette pathologie. L’anatomie du LCA
sous anesthésie locorégionale, en ambulatoire, en a été précisée, la connaissance biomécanique de
percutané ou mini-invasif, par une suture aiguillée chacun de ses faisceaux a évolué, les techniques
avec harpon dédié, sous contrôle échographique de reconstruction ont été comparées, la position
peropératoire… Nous sommes loin des abords des tunnels osseux pour la fixation des ligamento-
larges qui gardent encore des indications mais qui plasties a été optimisée, la gestion des lésions
tendent à diminuer. Une autre lésion est particulière­ méniscales associée a été codifiée, les raisons des
ment intéressante dans l’évolution de sa prise en faillites techniques ont été analysées, le tout faisant
charge. La rupture haute des ischiojambiers était de la ligamentoplastie du LCA, une intervention
rarement opérée. Certes, les patients pouvaient la presque banale sur le plan technique pour des chi-
plupart du temps reprendre une activité sportive, rurgiens formés, garantissant un résultat de qualité.
Chapitre 1. Généralités 15

Rôle du sportif indiquée chez le sportif exigeant, alors que le


traite­ment de référence demeure l’immobilisation
Enfin, les exigences et la motivation des sportifs simple. Certaines fractures non déplacées, comme
font parfois modifier ou élargir certaines indica- une fracture des plateaux tibiaux, relèvent d’un
tions opératoires et qui ne le seraient pas chez traitement orthopédique, mais seront opérées chez
des patients sédentaires ou à faible demande fonc- le sportif afin de permettre une récupération rapide
tionnelle. Ceci est rendu possible par la meilleure et d’éviter le déconditionnement neuromusculaire.
codification lésionnelle, la meilleure connaissance
des délais de récupération et des résultats du traite-
ment conservateur, la meilleure prise en charge en Conclusion
rééducation pré- et postopératoire par des équipes
spécialisées disposant d’outils performants tels que Actuellement, le chirurgien du sport est aussi un
l’isocinétisme, la cryothérapie ou les dispositifs médecin du sport dans son approche clinicienne.
de reprise de la course à pied en décharge, par Entouré du médecin du sport, du rééducateur et
exemple. La fracture de la base du 5e métatarsien du radiologue, il doit analyser la lésion, connaître
est généralement traitée orthopédiquement chez son potentiel évolutif, discuter les bénéfices et les
le patient sédentaire, mais dans l’optique d’accé- risques dans le choix entre un traitement conser-
lérer la récupération, le sportif de haut niveau sera vateur et une chirurgie et il doit savoir utiliser ces
opéré. Il en est de même avec la fracture de la techniques au service d’une récupération rapide
clavicule pour laquelle la chirurgie est largement et de qualité.
Chapitre 2
Épaule

le patient se présente en attitude des traumatisés


1. Fracture de la clavicule du membre supérieur et soutient son avant-bras.
Il est capital de vérifier la peau à la recherche
Y. Knafo d’une ouverture cutanée ou de simples excoria-
tions qui contre-indiquent tout abord chirurgical.
L’inspection retrouve un hématome, un œdème
en regard de la fracture et une saillie osseuse sous-
cutanée, surtout du fragment proximal, tracté vers
Physiopathologie le haut par la contracture du muscle sterno-cléido-
et classification mastoïdien. La palpation perçoit des craquements
sous-cutanés correspondant aux fragments osseux.
Les fractures de clavicule sont fréquentes (1,3  % En cas de fracture du 1/4 externe sans déplace-
de l’ensemble des fractures) surtout chez le spor- ment, seule une contusion peut être visible.
tif. Le traumatisme habituel correspond à une Une fracture du 1/3 moyen conduit le plus
chute sur le moignon de l’épaule ou le bras en souvent à un accourcissement de la clavicule et une
abduction forcée, mais un traumatisme direct est médialisation du moignon de l’épaule. Les frag-
retrouvé 9 fois sur 10. ments peuvent être saillants et menacer la peau.
D’apparence banale et de pronostic favorable, sa L’examen doit préciser l’état vasculaire et neu-
situation sous-cutanée la rend vulnérable à l’infec- rologique du membre supérieur traumatisé, à la
tion (surtout en cas de chirurgie), aux complications recherche d’une complication immédiate de type
pulmonaires (pneumothorax) et vasculonerveuses ischémique ou une atteinte du plexus brachial.
(artère et veines subclavières, plexus brachial).
Dans 75 % des cas, la fracture est diaphysaire, les
lésions des extrémités étant moins fréquentes, de Imagerie
l’ordre de 15 % latéralement et 5 % médialement.
Il est important de comprendre et de connaître Une simple radiographie de face claviculaire per-
l’anatomie de la clavicule et de ses insertions met de faire un diagnostic du type de fracture
ligamentaires et musculaires pour faire la part et du type  de déplacement dans le plan fron-
des choses entre les fractures stables et celles qui tal. Des clichés centrés sur les extrémités peuvent
sont instables, et pour comprendre l’origine des être nécessaires pour ces variétés lésionnelles. Une
déplacements fragmentaires sur les radiographies radiographie pulmonaire de face fait partie du bilan
(figures 2.1 et 2.2). à la recherche d’une complication pleurale associée
(pneumothorax). Pour les fractures du 1/4 latéral,
une analyse plus fine peut nécessiter un scanner afin
Clinique d’examiner plus proprement les traits et les déplace­
ments, et une échographie pour préciser l’atteinte
La présentation clinique varie selon la localisation des ligaments coracoclaviculaires et le diagnostic
du ou des traits de fracture. Dans tous les cas, lésionnel d’instabilité de la fracture.

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
18 Traumatologie en pratique sportive

Figure 2.1. Fractures du 1/4 externe : classification de Neer.


Type I : fracture en dehors des ligaments coracoclaviculaires (faible déplacement, pas d’atteinte de l’articulation
acromioclaviculaire). Type IIA : fracture en dedans des ligaments coracoclaviculaires. Type IIB : fracture au niveau
des ligaments coracoclaviculaires. Type III : fracture passant dans l’articulation acromioclaviculaire.
Source : Carole Fumat.

durée de 3 semaines, relayée par une écharpe simple


pour 3 semaines supplémentaires. Il faut déconseil-
ler l’utilisation des anneaux en 8 qui nécessitent un
resserrage quotidien difficile à mettre en œuvre en
pratique et qui génèrent des cisaillements cutanés
et des compressions vasculonerveuses ; ils n’ont par
ailleurs pas prouvé de supériorité.
Figure 2.2. Fracture de Latarjet : 3e fragment
comportant l’insertion des ligaments coracoclaviculaires.
Source : Carole Fumat. Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical consiste à réduire et
Traitement stabiliser la fracture. Il existe plusieurs types de
traitements selon la localisation de l’atteinte.
Fracture du 1/3 médial Les fractures du 1/3 moyen relèvent en général
d’une ostéosynthèse par une plaque antérosupé-
Cette variété de fracture est par définition stable, rieure ou antérieure pure, suivie d’une immobi-
par la présence du ligament costoclaviculaire qui lisation par écharpe pendant 1 mois et associée
relie la clavicule à la 1re côte et au sternum. d’emblée à une rééducation douce (figure 2.3).
Le traitement orthopédique est la règle, sauf en
cas de grand déplacement surtout postérieur qui
comprimerait le médiastin. Une écharpe contre
Fractures du 1/4 externe
écharpe pour 3 semaines relayée par une écharpe
simple pour 3 semaines suffit. La réduction et l’ostéosynthèse sont réalisées
actuellement sous arthroscopie à l’aide d’endo-
Fracture du 1/3 moyen bouton.
Ces techniques nouvelles, très exigeantes tech-
Traitement orthopédique
niquement, lorsqu’elles sont maîtrisées et mises
Le traitement orthopédique consiste en une immo- en œuvre rapidement (moins de 5 à 7  jours),
bilisation par une écharpe contre écharpe pour une apportent d’excellents résultats.
Chapitre 2. Épaule 19

Figure 2.3. Fracture du 1/3 moyen (a) et ostéosynthèse par plaque vissée (b).

La technique à ciel ouvert, plus délabrante et à cause du taux de pseudarthrose  : en 1960, la


invasive, consiste à proposer une ostéosynthèse par cohorte de Neer (2235 clavicules) avait un taux
une plaque à vis verrouillée adaptée au 1/4 externe de pseudarthrose de 0,13 % et celle de Rowe en
ou par une plaque à crochet permettant d’ajouter 1968 (566 clavicules) avait un taux de pseudar-
en stabilité en passant sous l’acromion (figure 2.4). throse de 0,8 %. Cela reste d’actualité dans le cas
de fractures non déplacées.
Par contre, plusieurs études plaident en faveur
Indications de la chirurgie dans les cas de déplacement impor-
tant à cause d’un taux de pseudarthrose élevé.
Les indications de traitement orthopédique res- Certains articles ont également mis en évidence
tent valables dans tous les cas pour les fractures chez les sportifs de bon niveau des risques impor-
fermées, non déplacées et stables au 1/3 moyen, tants de fracture itérative et de dysfonction scapu-
les variétés Neer type I et type III des 1/4 laté- lothoracique due au raccourcissement claviculaire
raux et les fractures du 1/3 médial. de plus de 2 cm.
Les indications chirurgicales indiscutables sont
la fracture ouverte, le péril cutané, les complica-
tions vasculonerveuses, les atteintes pulmonaires Résultats et retour au sport
ainsi que le syndrome omo-cléido-thoracique.
Les fractures du 1/4 latéral instables (Neer Une revue systématique de la littérature portant
type II et fracture de Latarjet) nécessitent une sur 555 fractures (1991–2015) a évalué le délai
réduction et une ostéosynthèse en urgence. de retour au sport pour des patients âgés de 19
Les fractures du 1/3 moyen claviculaire (envi- à 44  ans. Les fractures étaient fermées et concer-
ron 70 % des fractures de clavicule chez les spor- naient le 1/3 moyen ou le 1/4 externe claviculaire.
tifs) ont des indications sujettes à discussion. En Globalement, le taux moyen de retour au sport
effet, il est historiquement reconnu que le traite­ était de 92  % à 13,7 semaines (81  % au même
ment orthopédique a la préférence à la chirurgie niveau).
20 Traumatologie en pratique sportive

Figure 2.4. Fracture du 1/4 externe (a) et ostéosynthèse sous arthroscopie par endobouton (b).

Concernant les fractures du 1/3 moyen, s’il n’y Il ressort donc de cette revue systématique un
avait pas de différence significative entre les frac- intérêt important à opérer les fractures déplacées
tures non déplacées traitées orthopédiquement et du 1/3 moyen claviculaire chez les sportifs afin
celles opérées, lorsqu’un déplacement important de leur permettre un retour rapide au sport et au
n’était pas opéré, les résultats se détérioraient même niveau (ce qui est fréquent en particulier
(tableau 2.1). chez les cyclistes de compétition).
Les taux de consolidation étaient très bons avec :
– pour les fractures du 1/3 moyen, un taux de
consolidation moyen de 98 % à 10,3 semaines ; Complications
– pour les fractures du 1/4 externe, un taux de
consolidation moyen de 98  % également à 11 Le traitement orthopédique ne comporte pas de
semaines. complications majeures avec des pseudarthroses

Tableau 2.1. Reprise du sport après fracture de clavicule.


Taux de reprise du sport Délais de reprise du sport Niveau sportif
Fracture du 1/3 moyen
Fracture non déplacée non opérée 95 % 10,6 semaines 95 %
Fracture déplacée non opérée 93 % 21,5 semaines 69 %
Fracture déplacée opérée 98 % 9,4 semaines 97 %
Fracture du 1/4 latéral
Fracture déplacée opérée 85 % 19,4 semaines 77 %
Fracture non déplacée non opérée 100 % 14 semaines 100 %
Chapitre 2. Épaule 21

exceptionnelles pour des fractures non déplacées, orthopédiques les plus courantes à l’épaule (9  %
sauf en cas d’ouverture cutanée, d’écart frag- des traumatismes de l’épaule dans la population
mentaire de plus de 2  cm ou de non-respect de générale) mais surtout dans une population de
l’immobilisation. jeunes athlètes et sportifs de contact.
En cas de fragments déplacés, le traitement Un traumatisme indirect résulte généralement
orthopédique comporte jusqu’à 57 % de fractures d’une chute sur un bras en adduction et tendu,
itératives et 7,5 % de paresthésies temporaires. ce qui contraint la tête humérale sous l’acromion
En cas de stabilisation chirurgicale, les compli- entraînant ainsi l’articulation acromioclaviculaire
cations peuvent être nombreuses et sérieuses, elle-même. La gravité de cette affection est direc-
telles que l’infection, des douleurs sur la plaque, tement liée à la force de l’impact induisant des
3 % de pseudarthrose, un déplacement secondaire lésions croissantes des structures anatomiques de
sur faillite du matériel, une cicatrice hypertro- stabilisation acromio- et coracoclaviculaire.
phique et jusqu’à 5 % de fractures itératives néces- Dans la population générale, l’incidence des
sitant une ré-intervention. disjonctions acromioclaviculaires (DAC) est esti-
mée à 1,8 pour 10 000 habitants avec un sex-ratio
de 8,5 hommes pour 1 femme. On ne retrouve
pas de différence entre bras dominant et bras
Conclusion controlatéral. L’âge moyen de survenue de la
lésion est de 36–37  ans tant chez les femmes
Les fractures de la clavicule sont fréquentes chez que chez les hommes. C’est la pratique sportive
le sportif. Une prise en charge adaptée permet qui est la principale étiologie (cyclisme, football,
une consolidation rapide et un délai de retour basket-ball, roller…) suivie des accidents de la
au sport optimisé. Les fractures du 1/3 moyen voie publique.
déplacées doivent être opérées pour améliorer les
chances de récupération. Les fractures du 1/4
externes instables et/ou déplacées doivent être Anatomopathologie
opérées par endobouton sous arthroscopie afin de
limiter les risques de complications. L’articulation acromioclaviculaire est une diar-
throse à pans obliques, la présence d’un « ménisque »
y est variable.
La stabilisation est tributaire de trois éléments
2. Entorses et luxations distincts (figure 2.5) :
• le ligament intrinsèque acromioclaviculaire supé-
acromioclaviculaires rieur au sein des ligaments capsulaires assure
typiquement la stabilisation horizontale de l’arti-
D. Fontes, É. Abehsera culation, c’est le premier frein au mécanisme de
disjonction ;
• les ligaments extrinsèques conoïde et trapézoïde
tendus du coude de l’apophyse coracoïde à la
face inférieure de la clavicule assurent sa stabili-
Épidémiologie, sation verticale. Ils s’insèrent environ 3 à 4 cm
physiopathologie en dedans de l’articulation acromioclaviculaire ;
• la chape musculo-aponévrotique deltotrapé-
Les données concernant l’épidémiologie des bles- zienne contribue au verrouillage dynamique
sures sont rarement fiables et exhaustives. Néan- des précédentes structures.
moins, des rapports récents ont indiqué que les La scapula est ainsi suspendue à l’extrémité
lésions acromioclaviculaires sont parmi les lésions latérale de la clavicule et un impact violent sur
22 Traumatologie en pratique sportive

Figure 2.5. Différents moyens ligamentaires et musculo-aponévrotiques assurent la suspension de la scapula


sous l’extrémité latérale de la clavicule.
Source : Carole Fumat.

le moignon de l’épaule pourra occasionner la déformation de la région acromioclaviculaire en


chute du bras par lésion successive des différents rapport avec un hématome sous-jacent, néan-
systèmes de stabilisation. Le mouvement autour moins la stabilité de l’articulation n’est que peu
de l’articulation acromioclaviculaire peut être ou pas impactée.
décrit principalement comme un mouvement de Dans les DAC de plus haut grade, on recherche
glissement, avec une composante rotationnelle la classique « touche de piano », mais il sera plus
minimale. logique d’empoigner le bras et de le remonter sous
la clavicule afin de réduire la chute de l’omoplate
sans appuyer sur la clavicule nécessairement dou-
Clinique et imagerie loureuse et responsable d’une contracture nocicep-
tive susceptible de minorer le degré d’instabilité
L’examen physique doit porter non seulement sur clinique (figure  2.6). Le retentissement scapulo-
l’articulation acromioclaviculaire, mais également thoracique doit aussi être évalué car s’associent
sur les articulations gléno-humérale et scapu- volontiers une dyskinésie scapulothoracique et un
lothoracique et doit comporter une évaluation décollement caractéristique de la scapula.
neurologique et vasculaire attentive. L’évaluation radiographique (figure  2.7)
La détection des troubles de l’articulation acro- commence généralement par des radiographies
mioclaviculaire comporte la palpation directe de simples, centrées sur l’articulation acromiocla-
l’articulation acromioclaviculaire. viculaire, et comparatives permettant la mesure
Le test de Paxinos consiste à appliquer simulta- de l’espace coracoclaviculaire et du déplacement
nément une pression antérosupérieure sur l’acro- frontal de la clavicule. Des vues latérales axillaires,
mion et une pression postéro-inférieure au tiers quant à elles, permettent d’apprécier le degré de
moyen de la clavicule  ; un test positif provoque subluxation postérieure. Un scanner avec recons-
une douleur au niveau de l’articulation acromio- truction 3D peut éventuellement compléter un
claviculaire. diagnostic incertain ou éliminer une fracture asso-
Le test d’adduction croisée (cross arm test) ciée, notamment de la coracoïde ou de la clavicule.
couramment utilisé, bien que sensible, est relati- Une imagerie par résonance magnétique (IRM)
vement non spécifique. pourra préciser le stade lésionnel et démasquer
La déformation clinique est souvent assez des lésions associées au niveau de l’articulation
caractéristique et témoigne des différents stades gléno-humérale, pouvant survenir dans 18  % des
lésionnels. cas. Cependant l’IRM peut apporter des surdia-
Les entorses de bas grade occasionnent une gnostics de SLAP (superior labrum from anterior
impotence fonctionnelle douloureuse ainsi qu’une to posterior).
Chapitre 2. Épaule 23

Figure 2.6. Aspect clinique caractérisant la disjonction acromioclaviculaire réductible en « remontant » le bras.

Figure 2.7. Bilan radiologique comparatif : luxation acromioclaviculaire avec augmentation de la distance
coracoclaviculaire.
24 Traumatologie en pratique sportive

Classification lésionnelle été généralement admis que les lésions de type


I et II peuvent être traitées de manière non
La classification le plus couramment utilisée pour chirurgicale avec une immobilisation brève, un
les blessures acromioclaviculaires est celle de repos, des anti-inflammatoires, de la glace et une
Rockwood (figure  2.8). Elle prend en compte thérapie fonctionnelle et rééducative. Les lésions
non seulement l’articulation acromioclaviculaire de type IV, V et VI sont considérées comme
elle-même, mais également les ligaments coraco- instables et ont généralement des résultats supé-
claviculaires, la chape deltotrapézienne, ainsi que la rieurs après chirurgie. Cependant, les lésions de
direction de la luxation de la clavicule par rapport type III restent controversées, sans consensus
à l’acromion. clair sur leur gestion qui dépendra alors aussi
L’une des vertus de cette classification est en grande partie du patient et de sa demande
son application à la décision thérapeutique. Il a fonctionnelle.

Figure 2.8. Classification de Rockwood.


Source : Carole Fumat.
Chapitre 2. Épaule 25

Indications thérapeutiques suivi à moyen et à long terme, avec une satis-


faction de 80 à 90 % des patients.
Lésions de type I et II
de la classification de Rockwood Lésions de type IV, V et VI
de la classification de Rockwood
Il existe un consensus général sur le traitement
non chirurgical des lésions de ce type. En fonction Il existe relativement peu d’études randomisées sur
de la douleur et de l’état fonctionnel, il faut les lésions de haut grade de DAC. McKee et al.,
généralement une courte période d’immobilisa- pour la Canadian Orthopaedic Trauma Society,
tion (autour de 2 semaines) pendant laquelle une ont réalisé un essai prospectif randomisé compa-
mobilisation prudente du membre supérieur sera rant le traitement opératoire à un traitement non
autorisée afin de limiter les risques d’enraidisse­ chirurgical pour les lésions de type III, IV et V
ment. Un protocole de rééducation fonctionnelle dans une population générale non sportive. Les
et de physiothérapie est ensuite prescrit afin patients étaient randomisés pour bénéficier d’une
d’obtenir une récupération rapide des amplitudes intervention chirurgicale en utilisant une plaque
articulaires, puis progressivement de la force de à crochet par rapport à un traitement non opé-
la ceinture scapulaire tout en agissant sur les phé- ratoire. Dans l’ensemble, les deux groupes sont
nomènes douloureux et inflammatoires. En règle passés d’un niveau significatif d’invalidité initiale
générale, les activités sportives sont reprises vers la à un bon ou excellent résultat. Les scores DASH
2e semaine pour les lésions de type I et entre la 3e (Disabilities of the Arm, Shoulder and Hand) et de
et la 6e semaine pour celles de type II. Cependant, Constant étaient significativement meilleurs dans
ce délai est souvent prolongé, en fonction des le groupe non opératoire à 6 semaines et à 3 mois,
symptômes, pour les athlètes nécessitant un geste mais il n’y avait pas de différence à 6 mois, 1 an ou
sportif de lancer exerçant des contraintes sur l’arti- 2 ans. Les résultats radiographiques étaient supé-
culation acromioclaviculaire. En cas de douleur rieurs dans le groupe chirurgical. Cette étude ne
persistante, des injections d’anesthésique local et/ portait que sur l’utilisation de la plaque à crochet
ou de corticostéroïdes peuvent être envisagées. qui n’est probablement pas le meilleur traitement
Le traitement non chirurgical des lésions de de ces lésions et demeure très peu utilisée.
type I et II est généralement associé à de bons Le plus souvent, la prise en charge des dis-
résultats à court terme chez la majorité des jonctions aiguës de haut grade est chirurgicale
patients, bien que peu de séries prennent en et vise à rétablir l’anatomie acromioclaviculaire
compte une pratique sportive impliquant les et sa stabilité. Mais malgré la fréquence de ces
sports overhead. Quoi qu’il en soit, les résultats blessures, les stratégies chirurgicales restent assez
à moyen et à long terme suggèrent que la mor- variées et surtout très controversées. Plus de 160
bidité des traumatismes acromioclaviculaires de techniques opératoires ont ainsi été décrites, ce
faible grade pourrait être sous-estimée. Parmi la qui indique qu’il n’y a pas de consensus clair
population de l’Académie navale des États-Unis, sur l’approche optimale. Les options de stabilisa-
Bergfeld et al. ont constaté que jusqu’à 9  % des tion comportent du matériel métallique (broches
patients avec lésions de type I et 23 % des patients de Kirshner, plaque à crochet), un transfert de
avec lésions de type II avaient signalé la persis- ligament coraco-acromial (techniques selon
tance de douleurs avec limitation des activités sur Weaver-Dunn, de Cadenas ou d’Augereau), une
un suivi allant jusqu’à 3,5 ans. Mouhsine et al. ont fixation de l’espace coracoclaviculaire avec des
examiné rétrospectivement 33 patients présentant techniques rigides (technique de la vis Bosworth)
des lésions de type I ou II et ont signalé que près et non rigides (dispositifs de suspension avec
de 50 % des patients continuaient à présenter des ancres de suture, endoboutons, TightRope®…),
symptômes après un recul moyen de 6,3 ans. En des implants synthétiques et de reconstruction des
revanche, plusieurs auteurs font état de résultats ligaments acromioclaviculaire et/ou coracoclavi-
fonctionnels allant de bons à excellents lors du culaire (avec une allogreffe ou une autogreffe)…
26 Traumatologie en pratique sportive

Lésions de type III Virk et al. ont réalisé une méta-analyse de


de la classification de Rockwood 14 études comparant le traitement opératoire au
traitement non chirurgical de lésions de type III
Le traitement idéal des lésions de type III est sujet avec un total cumulé de 706 patients et une durée
à controverse. Virk et al. ont résumé les concepts moyenne de suivi respectivement de 67,1 mois et
actuels, mais pas spécifiquement pour les sportifs. de 57,8 mois. Un résultat clinique favorable a été
Dans leur étude, une réduction imparfaite de rapporté chez 88  % des patients opérés et 86  %
l’articulation acromioclaviculaire ne signifie pas des patients non opérés sans que la différence soit
systématiquement un résultat médiocre. Ensuite, statistiquement significative. Ils n’ont pas trouvé
des phénomènes séquellaires chroniques au niveau de preuves suffisantes pour justifier de recomman-
de l’articulation acromioclaviculaire, tels que der une intervention chirurgicale de routine chez
l’ostéolyse, la chondropathie ou la calcification les athlètes et plus particulièrement ceux néces-
des ligaments coracoclaviculaires ne présagent pas sitant des élévations répétées du bras. Le retour
non plus d’un pronostic sombre ou d’une épaule au travail ou aux entraînements sportifs a été plus
douloureuse. Enfin, bien que la difformité ne dis- rapide pour les patients non opérés (près de la
paraisse pas complètement avec le temps, elle peut moitié des cas). Les limites de cette étude sont son
diminuer quelque peu et devenir moins disgra- caractère multicentrique, son absence de robus-
cieuse. Enfin, il existe une proportion significative tesse, l’hétérogénéité des techniques réalisées ainsi
de patients qui ne répondent pas bien avec un que des moyens d’évaluation. En 2018, Tang et al.
traitement non opératoire, même si cela n’est pas ont réalisé une méta-analyse de dix essais et n’ont
encore bien défini. pu mettre en évidence de différence significative
Dans le but d’améliorer l’approche clinique et entre le traitement chirurgical et le traitement
thérapeutique des lésions de type III, l’Internatio- conservateur en termes de douleur, de force,
nal Society of Arthroscopy, Knee Surgery and Ortho- de sensibilité au toucher, d’arthropathie post-
paedic Sports Medicine (ISAKOS) a proposé une traumatique, de critères subjectifs. Néanmoins, le
classification plus précise en stratifiant ces lésions traitement chirurgical était le seul à maintenir une
en type IIIA et IIIB. Le type IIIA est défini par réduction anatomique et aucune différenciation
une articulation acromioclaviculaire stable, sans des techniques n’a été réalisée de même que l’indi-
dysfonctionnement scapulaire significatif, alors vidualisation d’une population de sportifs. Longo
que le type IIIB est considéré comme instable, et al. ont effectué une autre revue systématique
responsable d’un dysfonctionnement scapulaire axée sur le taux de récurrence et les résultats.
résistant au traitement médical et fonctionnel, Quatorze études ont ainsi été incluses pour un
la clavicule restant déplacée sur le bilan radio- total de 646 épaules. Aucune différence signifi-
graphique de suivi. La recommandation est de cative entre les deux approches n’a été mise en
proposer une prise en charge initiale non opéra- exergue en termes d’arthropathie postopératoire,
toire de toutes les lésions de type III mais avec de douleur et de score de Constant. Une perte de
une évaluation clinique et radiographique répétée réduction postopératoire a été notée dans 14 % des
à la 3e et à la 6e semaine afin de déterminer les cas toutes techniques confondues, mais les auteurs
affections de type IIIA versus celles de type IIIB, semblent retenir une indication opératoire chez les
les premières relevant définitivement d’une prise travailleurs manuels et les sportifs.
en charge non opératoire, alors que les secondes
relèvent d’un traitement chirurgical. L’inconvé-
nient de ce protocole est de retarder une éven- Quel est le moment
tuelle intervention chirurgicale et de se priver du de la chirurgie ?
potentiel de cicatrisation spontanée des ligaments
coracoclaviculaires et acromioclaviculaires dès lors Les preuves sont insuffisantes pour justifier d’un
que les structures osseuses auraient été réduites en traitement chirurgical précoce ou différé des trau-
position anatomique. matismes articulaires de haut grade.
Chapitre 2. Épaule 27

Néanmoins, Virk et al. ont montré que les aussi conjugué à des erreurs techniques de posi-
résultats étaient meilleurs dans le groupe ayant tionnement) s’est avéré incompétent à maintenir
eu une intervention chirurgicale précoce, à 91 % la réduction dans plus de 41 % des cas. En dehors
contre 73 % dans le groupe ayant eu une interven- de complications générales (infections, capsulites
tion plus tardive. Compte tenu du petit nombre rétractiles…), il a été déploré des fractures de la
de patients (135 précoces et 90 retardés) ainsi clavicule et de la coracoïde, ainsi que des irrita-
que des techniques chirurgicales hétérogènes, il tions douloureuses sur le bouton claviculaire. Les
peut être difficile de généraliser. En outre, pour techniques de canal transcoracoïdien occasionnent
les sportifs professionnels, d’autres critères que un taux important de fractures de l’apophyse avec
purement anatomiques peuvent interférer dans perte réductionnelle faisant préférer un laçage
la décision tels que la période de la saison de autour de la coracoïde à sa transfixion.
compétition et des aspects contractuels. Ainsi, ces différents auteurs insistent sur la
courbe d’apprentissage difficile de ces nouvelles
techniques nécessitant abord arthroscopique et
Techniques chirurgicales contrôle radioscopique avec parfois des compli-
cations majeures. L’utilisation de renforts syn-
La grande hétérogénéité des techniques rend dif- thétiques péri- ou transclaviculaires de type LARS
ficile une appréciation objective des résultats chi- (ligament advanced reinforcement system) n’est
rurgicaux. Parmi les procédures les plus répandues, pas indemne non plus de complications à type
il faut retenir les plaques à crochet, les traitements d’ostéolyse, de perte réductionnelle, de calcifica-
arthroscopiques utilisant les endoboutons (associés tions, de fractures de la clavicule (par cisaillement
ou pas à un ligament artificiel ou une autogreffe) ou ou fragilisation par les orifices transosseux) ou de
encore les ligaments synthétiques à ciel ouvert. démontages, parfois d’ailleurs aussi en rapport avec
Chaque technique a ses propres avantages et ses une infection torpide à Propionibacterium acnes à
inconvénients qui sont affaires de spécialistes. rechercher de manière systématique lors de reprises
De nombreuses complications quelle que soit la chirurgicales de DAC. Les matériaux résorbables
technique utilisée, ont été rapportées, devant faire ne semblent pas à même de maintenir durablement
réfléchir à la justification de l’indication opératoire. la réduction et sont pratiquement abandonnés.
L’étude de la Société française d’arthroscopie La technique de stabilisation acromioclaviculaire
(SFA) a conclu que la stabilisation arthrosco- (Acrolig®) a été rapportée dans une série de 150
pique coracoclaviculaire nécessitait l’adjonction patients dont 85 % de sportifs (dont 35 rugbymen
d’un abord acromioclaviculaire complémentaire professionnels). Tous les sportifs professionnels ont
afin d’accompagner la stabilisation dans le plan retrouvé leur niveau entre le 3e et le 6e mois avec
antéropostérieur. Une immobilisation soutenant le un résultat clinique et radiologique satisfaisant.
bras pendant 6 semaines était nécessaire ainsi que
l’adjonction conseillée d’une greffe biologique
(ligament coraco-acromial) si le délai opératoire Conclusion
dépassait 10  jours. La technique endoscopique
théoriquement mini-invasive n’est pas dénuée de Les lésions ligamentaires acromioclaviculaires bien
complications avec un taux observé de 20,7 % et que courantes, notamment en pratique sportive,
un retour aux sports de contact chez 72  % des demeurent problématiques. Si les lésions de type
patients pratiquant ce type de sport au préalable. I et II ne sont pas chirurgicales, a contrario les
Clavert et al. ont étudié spécifiquement les compli- disjonctions de type IV, V et VI sont considérées
cations de cette étude multicentrique de 116 cas. comme instables et nécessitent généralement une
Ainsi, aucune complication vasculonerveuse n’a intervention chirurgicale. Que ce soit pour la popu-
été déplorée mais d’autres séries ont fait état de lation générale ou chez les sportifs, les lésions de
complications de ce type lors de la perforation type III sont toujours d’indication controversée,
de la coracoïde. Le matériel utilisé (sans doute bien que l’éclosion récente des techniques dites
28 Traumatologie en pratique sportive

mini-invasives a vu s’accroître considérablement jeu et il est donc particulièrement important d’en


les indications chirurgicales dans cette population. faire rapidement le diagnostic, celui-ci pouvant être
Le manque de données spécifiques sur les athlètes retardé du fait de symptômes parfois peu parlants,
overhead et de contact rend les indications difficiles. et d’une pathologie exceptionnelle qui n’est que
Cependant, nous optons pour une approche indivi- rarement recherchée. Cette articulation particu-
dualisée impliquant un modèle décisionnel partagé lièrement stable est maintenue par de puissants
entre le joueur et son staff médical. Si une indica- ligaments (figure  2.9)  : sternoclaviculaires pos-
tion opératoire est retenue, il faut alors s’attacher à térieurs assurant la stabilité antéropostérieure ; ster-
traiter toutes les lésions constituant la disjonction noclaviculaires antérieurs limitant le déplacement
et un consensus se dessine dans le traitement associé supérieur de la clavicule ; costoclaviculaires assurant
des lésions coraco- et acromioclaviculaires. Quelle une stabilité supéro-inférieure, antéropostérieure
que soit sa technique de prédilection, le chirurgien et interclaviculaire. Enfin, la bonne congruence
devra ainsi prendre en compte ces considérations. articulaire est assurée par un ménisque situé entre
les deux éléments osseux. Les ligaments sterno-
Points clés claviculaires postérieurs, plus épais et plus puissants
• Les moyens de stabilité de l’articulation acromioclavi-
que leurs homologues antérieurs, expliquent la
culaire sont les ligaments acromioclaviculaires, coraco- rareté des luxations sternoclaviculaires postérieures.
claviculaires et la chape trapézodeltoïdienne.
• La classification de Rockwood rend compte de
l’importance de l’instabilité en corrélation avec la sévé-
Physiopathologie
rité des moyens d’union.
• La touche de piano révèle une rupture des ligaments La luxation sternoclaviculaire est la conséquence
coracoclaviculaires et d’une instabilité de haut grade. d’un traumatisme à haute énergie. On peut en
• Les lésions de type I et II relèvent d’un traitement particulier citer les accidents de la voie publique
conservateur, et les lésions de type IV, V et VI d’un traite- (50  %) mais aussi évidemment les traumatismes
ment chirurgical. sportifs (30  %). Dans cette dernière catégorie,
• Il n’y a pas de consensus sur les lésions de type III,
on citera les sports tels que le rugby et le foot-
mais la préférence est à la chirurgie chez les patients
jeunes et sportifs. ball américain, mais aussi le hockey, le judo. Le
• En cas d’intervention, celle-ci doit être réalisée dans mécanisme peut être un traumatisme direct sur
les 5 à 7 jours, au maximum, suivant la lésion. la clavicule provoquant une luxation postérieure,
ou sur le moignon de l’épaule provoquant une
luxation antérieure ou postérieure (figure  2.10).
Bien plus rarement, ces luxations peuvent survenir
3. Entorses et luxations chez le patient jeune de moins de 25 ans, dans le
sternoclaviculaires
É. Abehsera, D. Fontes

Épidémiologie et anatomie
Les traumatismes de l’articulation sternoclaviculaire
sont rares puisqu’ils ne représentent que 3  % de
l’ensemble des blessures de la ceinture scapulaire.
Les luxations postérieures, jusqu’à dix fois moins
fréquentes que leur forme antérieure, peuvent avoir Figure 2.9. Stabilisateurs de l’articulation sternoclaviculaire.
des conséquences dramatiques, lorsque la clavicule 1. Ligament costoclaviculaire. 2. Muscle sous-clavier.
3. Ménisque. 4. Ligament sternoclaviculaire. 5. Ligament
médiale comprime ou lèse les éléments médias- interclaviculaire.
tinaux. Le pronostic vital peut alors être mis en Source : Carole Fumat.
Chapitre 2. Épaule 29

Figure 2.10. Mécanismes luxants de l’articulation sternoclaviculaire.


Source : Favard L, Berhouet J, Bacle G. Traumatisme de la ceinture scapulaire. EMC - Appareil locomoteur. 2009 : 1-18 [Article 14-035-A-10].

cadre d’une hyperlaxité ou d’une pathologie du


collagène. L’absence de traumatisme important
doit faire évoquer ces facteurs favorisants.

Clinique
Dans un cas sur trois, le diagnostic clinique n’est
fait qu’à distance du traumatisme. L’interrogatoire
est primordial, et on notera, hors hyperlaxité,
un traumatisme important qu’il soit direct sur la
clavicule ou indirect sur le moignon de l’épaule.
Le patient se présente fréquemment avec l’atti-
tude de traumatisé du membre supérieur, celui- Figure 2.11. Aspect clinique d’une disjonction sterno-
claviculaire antérieure, côté droit.
ci étant immobilisé contre le thorax par la main
controlatérale. À l’inspection, on note une vous-
sure, un empâtement œdémateux en regard de seraient présentes dans 8  % des cas. On veillera
la sternoclaviculaire, parfois ecchymotique, avec donc à contrôler les paramètres vitaux, à réaliser
souvent une attitude en enroulement de l’épaule, une auscultation pulmonaire et à examiner sur
de raccourcisse­ment claviculaire du côté lésé. La les plans neurologique et vasculaire le membre
rotation de la tête vers le côté luxé a tendance à faire supérieur homolatéral à la luxation.
diminuer la douleur, alors que celle-ci augmente lors Ces lésions sternoclaviculaires peuvent être clas-
des mouvements d’épaule et en position couchée. sées de manière simple en trois stades :
La palpation permet de préciser le diagnostic • stade 1 : celui de l’entorse simple, il s’agit d’un
en réveillant la douleur au niveau de l’articulation étirement capsulaire et ligamentaire ;
acromioclaviculaire. On peut ressentir une vacuité • stade 2  : rupture capsuloligamentaire avec
en cas de luxation postérieure ou une vous- subluxation articulaire ;
sure en cas de luxation antérieure (figure  2.11). • stade 3 : luxation articulaire.
Il faut aussi, et surtout, rechercher les signes Enfin, deux tableaux particuliers doivent être
associés pouvant témoigner de la gravité d’une cités :
luxation postérieure. En effet, le déplacement • le décollement épiphysaire de la clavicule
postérieur de la clavicule peut comprimer les médiale : il peut mimer une luxation sternoclavi-
éléments médiastinaux (figure  2.12) dans 30  % culaire, tant par son examen que par son histoire
des cas provoquant alors dyspnée, dysphagie, clinique, et ne peut survenir qu’avant l’âge de
modifications de la voix, paresthésies et œdème 25 ans, âge de fusion du cartilage de croissance
du membre supérieur. Les complications vas- claviculaire médial. En cas de déplacement, son
culaires, pouvant mettre en jeu le pronostic vital, traitement sera le plus souvent chirurgical ;
30 Traumatologie en pratique sportive

Figure 2.12. Relation entre articulation sternoclaviculaire


luxée en arrière et éléments médiastinaux.
Figure 2.13. Reconstruction scanner 3D d’une luxation
sternoclaviculaire postérieure gauche.

• les lésions bipolaires de clavicule  : résultant


souvent d’un accident de la voie publique à étudier la localisation des vaisseaux en préopéra-
haute cinétique, on notera une luxation sterno- toire. Il faut néanmoins se méfier des faux néga-
claviculaire médiale associée à une fracture de tifs, puisque la luxation sternoclaviculaire peut se
clavicule ou à une disjonction acromioclavicu- réduire spontanément en position allongée dans le
laire, réalisant alors un tableau de «  clavicule scanner. Enfin, l’échographie mérite d’être citée,
flottante  », dont le traitement chez le patient sa sensibilité étant meilleure que la radiographie
jeune et actif sera systématiquement chirurgical. simple. En cas d’indisponibilité du scanner, l’écho-
graphie reste un bon examen pour confirmer une
suspicion de luxation sternoclaviculaire.
Imagerie
Le cliché radiographique standard de face, Traitement
comparatif, reste d’interprétation difficile du fait
de la superposition du sternum, de la clavi- Entorses et luxations antérieures
cule, du rachis et des tissus mous qui diminuent
nettement la visibilité de l’articulation explorée. Concernant les entorses sans luxation (grades 1 et
C’est principalement l’asymétrie des clavicules 2), un traitement conservateur peut être réalisé,
qui permet d’évoquer le diagnostic. Enfin, ce cli- avec une immobilisation courte de 10 à 15 jours
ché permet de ne pas méconnaître une fracture du par écharpe pour un grade 1 et de 3 à 4 semaines
tiers médial de la clavicule, voire un décollement pour un grade 2.
épiphysaire possible jusqu’à l’âge de 25 ans. Concernant les luxations, De Jong et Sukul ont
Le cliché de thorax permet la recherche d’une évalué sur une moyenne de 63 mois les résultats à
complication telle que le pneumothorax ou long terme des luxations sternoclaviculaires anté-
l’hémothorax. Des incidences plus spécifiques à rieures traitées par antalgiques simples et immobi-
l’analyse de l’articulation sternoclaviculaire ont été lisation. Sur dix patients, sept ont obtenu un bon
décrites, sans souvent permettre une étude assez résultat clinique, seul un patient a eu un résultat
fiable de l’articulation pour se passer d’autres exa- fonctionnel jugé mauvais. La luxation antérieure
mens paracliniques. En cas de suspicion clinique, peut être réduite sous anesthésie générale par une
un scanner doit être réalisé. La reconstruction manœuvre de traction à 90° du membre supé-
3D permet une analyse fiable de l’articulation rieur associée à une pression antéropostérieure
sternoclaviculaire et des éventuels conflits avec sur le versant médial de la clavicule. Le membre
les éléments médiastinaux lors des luxations pos- supérieur est ensuite immobilisé par coude au
térieures (figure  2.13). L’injection de produit de corps pour une durée de 4 semaines. Il est à noter
contraste peut être un complément utile pour que l’important taux de luxation itérative, variant
Chapitre 2. Épaule 31

de 21 à 100  %, pourrait limiter l’intérêt d’une l’articulation sternoclaviculaire ; elle sera retirée
réduction sans chirurgie, d’autant plus que ces entre 3 et 6 mois selon les auteurs ;
luxations, chronicisées, sont souvent peu sympto- • la suture capsuloligamentaire par ancres  : les
matiques. La conduite à tenir consisterait donc en moignons ligamentaires sont fixés à l’os par
une prise en charge chirurgicale en cas d’instabilité ancres après réduction de la luxation, en asso-
chronique symptomatique. Néanmoins, il reste ciant une plicature de la capsule articulaire
licite, et plus encore chez un patient sportif, de sternoclaviculaire ;
lui donner l’opportunité de rétablir l’anatomie • la résection du quart médial de la clavicule avec
sternoclaviculaire en proposant une simple réduc- fixation du moignon claviculaire à la 1re côte.
tion sous anesthésie générale suivie d’une immo- Le maintien par broches est proscrit du fait
bilisation. Celle-ci peut permettre d’éviter une du risque majeur de migration du matériel en
chirurgie de stabilisation future, dont les résultats intramédiastinal.
sont moins bons que ceux d’une réduction simple
stable. Il convient d’en discuter avec le patient, en
l’informant bien du risque de luxation itérative. Complications
Entorses et luxations postérieures Les séries concernant les stabilisations sterno-
claviculaires sont souvent restreintes, raison pour
La réduction de ces luxations est bien moins dis- laquelle il est difficile de chiffrer le taux de compli-
cutable. En effet, elle est nécessaire car plus symp- cations de ces gestes.
tomatique, avec un réel risque pour les éléments On peut néanmoins citer les complications
médiastinaux, en particulier vasculaires, ainsi que infectieuses qu’elles soient profondes (arthrite
pour le plexus brachial. Dans le cadre d’une luxa- septique) ou superficielles (infection de cicatrice).
tion aiguë (< 3 semaines), sans lésion médiasti- La fixation par broches peut se compliquer de
nale, la réduction par manœuvres externes au bloc migration du matériel en intramédiastinal avec
opératoire sous anesthésie générale doit être réa- des conséquences vasculaires parfois dramatiques
lisée. La manœuvre est la même que celle réalisée allant jusqu’au décès. Enfin, le risque de lésion
lors d’une luxation antérieure associée à une pres- d’éléments nobles existe, bien qu’exceptionnel.
sion antéropostérieure sur le moignon de l’épaule. Les éléments les plus proches sont la veine bra-
L’immobilisation postopératoire par anneaux dure chiocéphalique droite (à 6  mm de la sterno-
6 semaines. Dans le cadre d’une instabilité persis- claviculaire droite) et la veine brachiocéphalique
tante avec luxation itérative, ou d’une instabilité gauche (à 7 mm de la sternoclaviculaire gauche).
chronique, le traitement chirurgical devient néces-
saire. En effet, ces luxations sont à haut risque de
complications, telles que la compression du plexus
brachial, les érosions vasculaires, les compressions Résultats
trachéale ou œsophagienne. Quelle que soit la
technique utilisée, il reste vivement conseillé de Concernant les luxations antérieures aiguës, le
pratiquer l’intervention en présence d’un chirur- taux de luxation itérative avoisine les 50  %, mais
gien thoracique ou vasculaire. 70  % des patients obtiendront malgré tout un
Plusieurs moyens de stabilisation sternoclavicu- résultat qualifié de bon à excellent. Glass et al.
laire peuvent être utilisés : ont noté un taux de bons ou excellents résultats
• la greffe tendineuse  ; un greffon tendineux de 92  % pour les réductions seules contre 76  %
(gracilis, semi-tendineux, sterno-cléido-mastoï- pour les réductions à ciel ouvert. Seul le résultat
dien, long palmaire) est prélevé et faufilé dans clinique est ici relevé, sans information sur le taux
la clavicule et le sternum. Un ligament artificiel de luxation itérative.
peut remplacer ce greffon ; Concernant les luxations postérieures, Tepolt
• la plaque d’ostéosynthèse : la réduction est sta- et al. ont montré dans une méta-analyse un taux
bilisée par une plaque d’ostéosynthèse pontant de luxation itérative de 44  % après réduction
32 Traumatologie en pratique sportive

fermée lorsque celle-ci était réalisée dans les 48 h entre 3 et 6 mois après l’intervention initiale afin
suivant le traumatisme, et de 68  % lorsqu’elle d’éviter un démontage lors des activités en force.
était réalisée après 48  h. Le résultat fonctionnel
après réduction stable est excellent, avoisinant
les 100 %. Les réductions simples sont envisagées Conclusion
idéalement dans les 48 premières heures après
le traumatisme, et peuvent être effectuées dans Les traumatismes de l’articulation sternoclaviculaire
les 3 premières semaines. Le diagnostic précoce sont rares, mais leur diagnostic précoce est particu-
est donc particulièrement important et semble lièrement important car le délai de prise en charge
permettre d’éviter tout geste à ciel ouvert, les modifiera le pronostic clinique. Il faudra donc, lors
résultats étant d’ailleurs meilleurs lors d’une prise de tout traumatisme de la ceinture scapulaire, et
en charge en aigu plutôt qu’en chronique. plus encore à haute énergie, bien analyser cette arti-
Lorsque la réduction simple d’une luxation pos- culation souvent délaissée lors de l’examen clinique.
térieure est un échec, ou lorsqu’elle est découverte Sa prise en charge reste encore sujette à contro-
tardivement, le traitement chirurgical est indi- verse concernant la luxation antérieure. En effet,
qué. Sur des luxations antérieures et postérieures, la luxation antérieure chronique semble bien tolé-
une série utilisant le LARS (ligament advanced rée par les patients. Néanmoins, dans le cas d’un
reinforce­ment system) – un ligament artificiel per- patient sportif où les attentes fonctionnelles sont
mettant, par l’intermédiaire d’orifices intraosseux optimales, il convient de réaliser une réduction
claviculaires, sternaux et costaux, la reconstruction en urgence, le traitement à ciel ouvert étant alors
des ligaments costoclaviculaires et sternoclavicu- réservé à la récidive symptomatique.
laires – montrait des résultats favorables avec reprise Concernant les luxations postérieures, la prise
des activités sportives et professionnelles en force. en charge est bien plus unanime. Le diagnostic
Concernant les techniques chirurgicales à privi- précoce, idéalement dans les 48  h suivant le
légier, les meilleurs résultats ont été obtenus par traumatisme, entraîne une réduction sous anes-
ténodèse, suture par ancres et fixation par plaque thésie générale, qui dans la majorité des cas per-
d’ostéosynthèse. D’autres auteurs ont étudié les met d’éviter toute chirurgie. En cas de luxation
luxations postérieures ou décollements épiphy- itérative, la tendance est clairement chirurgicale
saires  chez le sportif. La réduction simple fournit du fait des risques de lésion des éléments médias-
les meilleurs résultats lorsqu’elle est réalisée dans les tinaux par la clavicule médiale.
48 premières heures suivant le traumatisme. Lorsqu’un traitement chirurgical est nécessaire,
il est difficile de statuer sur la meilleure option
thérapeutique. S’agissant d’une pathologie rare,
Délais de retour au sport les études sur le sujet concernent peu de cas, et
aucune série n’a encore comparé deux traitements
Dans le cadre des entorses simples, si toutefois de manière prospective. La méta-analyse de Glass
celles-ci sont diagnostiquées ce qui peut être rendu a semblé montrer de meilleurs résultats pour les
difficile par un tableau peu parlant, une immobilisa- gestes de ténodèse, de suture/ancrage et de syn-
tion de 15 à 21 jours peut être réalisée, avec reprise thèse par plaque. On rappelle malgré tout qu’on
de la mobilisation simple jusqu’à 6 semaines et parle ici de comparaisons de courtes séries rétros-
reprise progressive des activités en force à partir de pectives, ce qui ne peut amener à une conclusion
6 semaines après obtention de l’indolence totale. fiable. On note enfin que les traitements type
Sur le plan chirurgical, les auteurs préconi- ténodèse et ligamentoplastie sont assez largement
sent une immobilisation par coude au corps ou utilisés dans la littérature.
anneaux de 6 semaines, une reprise des activi- Quel que soit le traitement choisi, il doit avant
tés en force progressive à partir de 3 mois, et tout être réalisé par un chirurgien habitué à la
sans limitation à partir de 6 mois. Les plaques technique qu’il pratique, et toujours en présence
d’ostéosynthèse sont retirées, selon les auteurs, d’un chirurgien thoracique ou vasculaire.
Chapitre 2. Épaule 33

Concernant le sportif, on retient que les suites contré ou chute sur la paume de la main. Il est
d’une luxation sternoclaviculaire sont longues, classique de constater des pics de fréquence dans
la mobilisation pouvant être démarrée librement la deuxième et la sixième décade. Les patients les
à partir de 6 semaines, la reprise de l’entraîne­ plus exposés sont les hommes (3/1) et ceux de 21
ment  sans contact à partir de 3 mois, et des à 30 ans (9/1).
contacts sans limitation à 6 mois.

Clinique
Les luxations antérieures surviennent en abduc-
4. Luxation tion–rotation latérale, avec une force déplaçant
gléno-humérale aiguë la tête humérale en avant et en bas par rapport à
l’apophyse coracoïde. Les autres formes sont plus
F. Khiami rares : luxations sous-glénoïdienne, sous-claviculaire
(infracoracoïdienne) et intrathoracique.
Le patient se présente le bras du côté luxé sou-
tenu par la main du côté valide. Plusieurs signes
orientent vers une luxation antérieure (figure
Forme antérieure 2.14) :
• signe de l’épaulette avec perte du galbe de
Épidémiologie l’épaule ;
• coup de hache externe ;
La luxation de l’épaule est un motif fréquent de • saillie de l’acromion et comblement du sillon
consultation. La forme traumatique prédomine deltopectoral ;
sur la forme volontaire et/ou atraumatique qui • vacuité de la glène ;
relève d’une rééducation. Les luxations anté- • abduction fixée irréductible en actif et en passif.
rieures sont de loin les plus fréquentes représen- On recherche d’emblée des signes d’atteinte
tant 96 à 98 % des luxations avec une incidence axillaire ou plexique (testing sensitif du moignon
du premier épisode de 8 à 8,2/10 0000 habitants de l’épaule jusqu’aux doigts, testing moteur sim-
par an, avec une prévalence d’environ 2 %. Elles ple) et d’atteinte vasculaire (chaleur et coloration
concernent dans 90  % des cas une population cutanée des doigts et de la main, palpation des
jeune et souvent sportive. pouls distaux).
La luxation peut relever soit d’un mécanisme Les données de l’examen doivent être consi-
direct, soit d’un mécanisme indirect avec armé gnées dans l’observation médicale.

Figure 2.14. Signes cliniques de luxation antérieure d’épaule.


a. Attitude des traumatisés du membre supérieur, b. Comblement du sillon deltopectoral. c. Saillie de l’acromion,
coup de hache externe, vacuité de la glène.
34 Traumatologie en pratique sportive

Imagerie mettre en œuvre, même par des praticiens


inexpérimentés ;
Le bilan radiographique est obligatoire avant • la manipulation scapulaire (Bosley et Miles)
toute tentative de réduction et comporte deux «  des Esquimaux  » et d’autoréduction, les
incidences (face et profil). Le profil aide lorsque le mains autour des genoux.
déplacement est minime. Il confirme la direction Parmi les méthodes de réduction utilisant un
de la luxation et peut orienter vers des lésions contre-appui axillaire, les variantes de la méthode
associées (fracture ou lésion de passage). Le profil d’Hippocrate sont les plus connues, utilisant
axillaire et le profil glénoïdien qui nécessitent une diversement un drap (procédé de Matsen), le
mobilisation de l’épaule ne sont pas adaptés. Ce poing ou le pied de l’opérateur (procédé du talon
n’est pas le cas du profil de Lamy (ou de Neer) qui d’Oribase qui est abandonné) ou le dossier d’une
renseigne sur la direction de la luxation, dégage chaise.
parfaitement le pied du processus coracoïde et la La réduction peut être tentée sans analgésie en
voûte acromiale. Le profil de Garth montre les cas de douleurs modérées, sinon une analgésie est
encoches humérales postérosupérieures et précise nécessaire pour obtenir le relâchement musculaire
l’état de la partie antérieure de la glène. et la participation du patient. Les protocoles sont
D’autres examens retarderaient inutilement la variables (sédation inhalée ou parentérale, voire
réduction mais peuvent être nécessaires avant morphiniques seuls en sous-cutané ou en titration).
la manœuvre de réduction, notamment si l’on Certains proposent l’injection intra-articulaire de
suspecte une fracture peu déplacée ou non dépla- lidocaïne permettant la réduction dans 81  % des
cée ou devant une très grosse encoche humérale. cas avec un temps d’hospitalisation plus court et
Le scanner est le plus précis et le plus sensible statistiquement moins de complications compara-
pour détecter et préciser une fracture ou évaluer tivement à un protocole intraveineux.
l’importance de lésions de passage.

Stratégie post-réductionnelle
Traitement : réduction Un cliché de face doit affirmer l’obtention de la
réduction et peut déceler les lésions associées qu’il
La réduction doit être envisagée chez un patient
est utile de préciser pour affiner le traitement.
soulagé, rassuré et informé. Ce dernier doit être ins-
Il peut s’agir d’une fracture non déplacée de
tallé dans un environnement calme. Les manœuvres
la tête humérale qu’il ne faut surtout pas dés-
de réduction doivent être douces et progres-
engrener lors de la réduction, d’une fracture du
sives pour réduire la contracture musculaire.
trochiter ou de la glène. Elles peuvent nécessiter
Deux grands types de manœuvres de réduction,
une stabilisation chirurgicale immédiate ou en
avec de nombreuses variantes, ont été décrits
urgence différée. La suite du traitement dépend
selon qu’ils comportent ou non un contre-appui
du caractère simple ou compliqué de la luxation.
axillaire. Parmi les méthodes ne comportant pas
de contre-appui, l’on peut citer :
Luxation simple : traitement
• la méthode d’Hippocrate (simple traction dans
conservateur classique
l’axe) ;
• la technique de Kocher (légère adduction, Après réduction, l’examinateur recherche à nou-
coude fléchi à 90°, mise en rotation latérale veau des complications neurovasculaires comme
progressive suivie d’une élévation et d’une rota- précédemment. Le patient est le plus souvent
tion médiale) moins douloureuse ; immobilisé dans un bandage coude au corps le
• la technique de Stimson (patient sur le ventre, bras en rotation médiale. Un traitement antal-
bras pendant avec un poids) ; gique simple et des séances de glaçage permet-
• la technique de Milch (patient mettant les tent d’obtenir rapidement l’indolence. La durée
mains derrière la tête), qui est très simple à d’immobilisation varie de quelques jours chez les
Chapitre 2. Épaule 35

patients de plus de 40 ans à 4 à 6 semaines chez pouvant nécessiter une réduction sanglante, une
les sujets jeunes présentant une première luxation. chirurgie à double équipe est nécessaire.
Des conseils de surveillance sont prodigués et le
patient est informé des principales complications Fractures associées
(risque de récidive précoce sous immobilisation L’association d’une fracture complique la prise en
surtout). charge, car la réduction est rendue plus délicate
et une ostéosynthèse peut s’avérer nécessaire. Les
Luxation compliquée principales fractures sont celles du col huméral, du
tubercule majeur et de la glène.
Complications neurologiques
Les complications neurologiques sont fréquentes Fractures du col huméral
et sous-estimées. Certaines sont le fait d’une neu- Il faut les reconnaître avant la réduction. Associées
rapraxie dont le potentiel de récupération est bon. à une fracture du tubercule majeur qui doit attirer
La rupture nerveuse est beaucoup plus rare (moins l’attention, elles ont été décrites par Hersche et
de 4  %). Les nerfs axillaire et suprascapulaire Gerber. Le désengrènement est suivi de nécrose
sont les plus exposés. Certaines études rappor- céphalique. Certains préconisent une stabilisation
tent 45 % d’atteintes neurologiques analysées par à foyer ouvert d’emblée avant la réduction, mais la
électromyogramme – atteinte des nerfs axillaire plupart recommandent une tentative de réduction
(37 cas), suprascapulaire (29 cas), radial (22 douce à foyer fermé sous anesthésie, quitte à
cas), musculocutané (19 cas) et ulnaire (8 cas) – convertir en cas de difficultés à obtenir facilement
et d’évolution la plupart du temps favorable. la réduction. Le traitement de la fracture est envi-
Une atteinte neurologique sévère justifie une sagé une fois la réduction obtenue en fonction du
surveillance étroite ainsi qu’une prise en charge déplacement et de l’âge du patient.
spécialisée, avec un électromyogramme de réfé-
rence avant 3 semaines, voire une IRM cervicale Fracture du tubercule majeur
à la recherche de lésions plexiques (ou d’avulsions • Fracture non déplacée : le traitement conserva-
radiculaires) en cas d’atteinte très sévère. teur avec surveillance radiographique régulière
Les atteintes neurologiques récupèrent généra- est indiqué pour dépister un éventuel déplace-
lement spontanément, mais il peut persister des ment secondaire.
séquelles nécessitant une intervention, notam- • Un déplacement de 5 mm ou plus après réduc-
ment lorsque l’atteinte axillaire est d’emblée iso- tion fait discuter une ostéosynthèse, surtout
lée et complète et qu’elle ne récupère pas dans les chez les patients jeunes et/ou actifs, mais cer-
3 à 6 mois. tains tolèrent un déplacement de 10 mm.
• Il arrive que la luxation se reproduise après
Complications vasculaires réduction (luxation incoercible) nécessitant une
Très rares (moins de 1  % des cas), elles sur- ostéosynthèse du tubercule majeur pour stabili-
viennent en cas de fracture–luxation de la tête ser l’épaule.
humérale et chez les sujets âgés ayant une arté-
riopathie. Il peut s’agir d’une rupture artérielle, Fractures glénoïdiennes antérieures
d’une thrombose après dissection intimale ou Elles peuvent également expliquer une reproduc-
d’un pseudo-anévrisme, souvent situé au niveau tion de la luxation après réduction. La tomoden-
du tiers distal de l’artère axillaire. Le spasme vas- sitométrie (TDM) les précise : siège, taille du ou
culaire est fréquent, de l’ordre de 60 %, et cède à des fragments détachés. On peut être amené à les
la levée de la compression. fixer (luxation incoercible et/ou pour restituer
En présence d’une ischémie distale, un avis l’anatomie de la glène) par voie deltopectorale,
vasculaire est urgent de même que l’organisation par vissage (figure  2.15). Cette ostéosynthèse
d’une angiographie systématique, qui ne doit pas peut être difficile en cas de comminution. Une
retarder la réduction ; en cas de fracture–luxation butée préglénoïdienne est rarement nécessaire.
36 Traumatologie en pratique sportive

Figure 2.15. Luxation associée à une fracture du tiers antéro-inférieur de la glène ayant nécessité une réduction
de la luxation et une ostéosynthèse de la glène à ciel ouvert.

Luxation irréductible sans cause neurologique, une exploration de la


Peu de luxations sont irréductibles après anesthé- coiffe des rotateurs est indiquée, surtout après
sie profonde et relâchement musculaire complet. 40 ans. Les lésions de la coiffe sont très variables,
Une réduction à foyer ouvert est très rarement mais on sait qu’après une luxation d’épaule, l’exten-
nécessaire. sion antérieure d’une rupture vers le subscapulaire
L’irréductibilité peut être le fait d’un(e) : est de très mauvais pronostic.
• encastrement de la tête sur le rebord glénoï-
dien ; Résultats
• interposition du tendon rompu du muscle sub-
scapulaire ; Résultats du traitement conservateur
• fracture du tubercule majeur avec incarcération ; classique (tableau 2.2)
• fracture glénoïdienne avec incarcération ;
Plusieurs séries ont rapporté des taux de récidive
• interposition du tendon de la longue portion
très élevés, jusqu’à 95 % avec une immobilisation
du biceps : le tendon passe en arrière de la tête
coude au corps simple. Hovelius et al. ont revu
humérale par le biais d’une fracture du tuber-
une cohorte de patients immobilisés en rotation
cule majeur et s’oppose à sa réduction. Il faut
médiale ou non immobilisés à 25  ans de recul
le refaire passer en avant de la tête humérale et
et ont montré que seulement 43  % des patients
fixer le tubercule majeur ;
étaient stables. Une stabilisation chirurgicale avait
• rupture massive de la coiffe et incarcération de
été nécessaire dans 27  % des cas seulement mais
celle-ci dans l’interligne articulaire.
le taux d’arthrose (modérée à sévère), à 10 ans de
recul, approchait 20  %. Ceci fait poser les ques-
Luxation après 40 ans
tions suivantes  : peut-on poursuivre un traite­
La luxation après 40  ans nécessite une attention ment qui laisse persister environ 60  % d’épaules
particulière car l’atteinte de la coiffe des rota- instables dont 20  % évoluent vers l’arthrose à
teurs est fréquente et augmente avec l’âge. Il 10  ans  ? Et parmi ceux qui n’ont pas récidivé,
faut donc la rechercher soigneusement. Certains combien ont une épaule oubliée ?
recommandent la pratique d’une IRM précoce L’ensemble de ces séries identifie clairement
dans les luxations d’épaule après 40  ans, car il l’âge de survenue de la première luxation comme
existe jusqu’à 35 % de rupture de coiffe à cet âge facteur de risque principal de récidive particulière­
et plus de 80 % après 60 ans. Quoi qu’il en soit, ment chez les moins de 20 ans. Avant 18 ans, le
devant une épaule rééduquée qui reste impotente, risque de récidive la première année suivant la
Chapitre 2. Épaule 37

Tableau 2.2. Taux de récidive après un traitement conservateur classique.


Niveau Type Taux Stabilisation
Auteur N Âge Recul
de preuve de traitement de récidive secondaire
56 % 2 ans
15–35 ans
67 % 5 ans
Robinson1 I Conservateur 252
< 30 ans 54 % 2 ans
> 30 ans 29 %
Bottoni2 I Conservateur 14 18–26 ans 75 % 3 ans
Lawton3 IV Conservateur 70 < 16 ans 40 % > 2 ans
Deitch4 IV Conservateur 32 11–18 ans 75 % > 2 ans
< 20 ans 80 %
Rowe5 IV Conservateur 313 > 40 ans 16 % 5 ans
> 50 ans 12 %
Hovelius6 I Conservateur 229 12–40 ans 57 % 25 ans
12–40 ans 23 %
Hovelius7 I Conservateur 247 12–22 ans 48 % 58 % 10 ans
30–40 ans 14 %
12–17 ans 86 %
Postacchini8 Rétrospectif Conservateur 28 < 13 ans 33 % 7 ans
> 14–17 ans 92 %
1Robinson CM, Howes J, Murdoch H, Will E, Graham C. Functional outcome and risk of recurrent instability after primary traumatic anterior shoulder dislocation in
young patients. J Bone Joint Surg Am 2006 ; 88 : 2326-36. 2 Bottoni CR, Wilckens JH, DeBerardino TM, D’Alleyrand JCG, Rooney RC, Harpstrite JK, et al.
A prospective, randomized evaluation of arthroscopic stabilization versus nonoperative treatment in patients with acute, traumatic, first-time shoulder dislocations.
Am J Sports Med 2002 ; 30 : 576-80. 3 Lawton RL, Choudhury S, Mansat P, Cofield RH, Stans AA. Pediatric shoulder instability: presentation, findings, treatment,
and outcomes. J Pediatr Orthop 2002 ; 22 : 52-61. 4 Deitch J, Mehlman CT, Foad SL, Obbehat A, Mallory M. Traumatic anterior shoulder dislocation in adolescents.
Am J Sports Med 2003 ; 31 : 758-63. 5 Rowe CR. Prognosis in dislocations of the shoulder. J Bone Joint Surg Am 1956 ; 38-A : 957-77. 6 Hovelius L, Olofsson A,
Sandström B, Augustini BG, Krantz L, Fredin H, et al. Nonoperative treatment of primary anterior shoulder dislocation in patients forty years of age and younger.
A prospective twenty-five-year follow-up. J Bone Joint Surg Am 2008 ; 90 : 945-52. 7 Hovelius L, Augustini BG, Fredin H, Johansson O, Norlin R, Thorling J. Primary
anterior dislocation of the shoulder in young patients. A ten-year prospective study. J Bone Joint Surg Am 1996 ; 78 : 1677-84. 8 Postacchini F, Gumina S, Cinotti G.
Anterior shoulder dislocation in adolescents. J Shoulder Elb Surg Am 2000 ; 9 : 470-4.

luxation est de l’ordre de 77  %, avec seulement adapter leurs activités sportives ou de loisirs, avec
32  % de chances d’avoir une épaule stable à un handicap fonctionnel moins évident mais réel.
10  ans. Pour Rowe, 87  % des récidives ont lieu
Résultats du traitement chirurgical
dans les deux premières années, surtout chez les
en cas de premier épisode
jeunes.
de luxation (tableau 2.3)
À côté des sujets jeunes, les patients pratiquant
les sports de contact et les compétiteurs sont une Devant le risque important de récidive après un
population à fort risque de rechute, de même que traitement conservateur, un traitement chirurgical
les patients souffrant de lésions osseuses de pas- précoce a pu être proposé, surtout chez les sujets
sage importantes. jeunes et sportifs. De nombreuses séries compara-
Cependant, une épaule qui ne se luxe plus, n’est tives tendent à prouver son efficacité.
pas forcément une épaule oubliée. Nombreuses L’analyse de la littérature est sans appel  : les
sont les épaules douloureuses et instables d’une taux de récidive après une stabilisation chirurgi-
manière fruste, avec des accidents d’instabilité cale (arthroscopique ou à ciel ouvert) sont signi-
passés inaperçus. D’autres patients, enfin, pré- ficativement moindres que ceux du traitement
sentent une appréhension résiduelle, qui leur fait conservateur, quel qu’il soit.
38 Traumatologie en pratique sportive

Tableau 2.3. Résultats comparatifs du traitement conservateur versus chirurgie évalués sur le taux de récidive.
Niveau Type Taux
Auteur N Âge Recul
de preuve de traitement de récidive
Prospectif non ran- Chirurgie 4 %
Larrain1 46 21 ans (17–27) 67 mois
domisé Conservateur 94,5 %
Chirurgie 37 3 %
Jakobsen2 I 15–39 ans 2 ans
Conservateur 39 56 %
Chirurgie 23,3 ans 18 % 79 mois
Kirkley3 II 40
Conservateur 22,7 ans 60 %
Law4 IV Chirurgie 38 5,2 % 28 mois
21 ans (16–30)
Owens5 IV Chirurgie 40 14,3 % 12 ans
Revue Chirurgie 7 % 2 ans
Brophy6
de la littérature Conservateur 46 %
Conservateur 14 75 % 3 ans
Botton7 I 18–26 ans
Arthroscopie 10 11 %
1 Larrain MV, Botto GJ, Montenegro HJ, Mauas DM. Arthroscopic repair of acute traumatic anterior shoulder dislocation in young athletes. Arthrosc J Arthrosc
Relat Surg 2001 ; 17 : 373-7. 2 Jakobsen BW, Johannsen HV, Suder P, Søjbjerg JO. Primary repair versus conservative treatment of first-time traumatic anterior
dislocation of the shoulder: a randomized study with 10-year follow-up. Arthrosc J Arthrosc Relat Surg 2007 ; 23 : 118-23. 3 Kirkley A, Werstine R, Ratjek A, Griffin
S. Prospective randomized clinical trial comparing the effectiveness of immediate arthroscopic stabilization versus immobilization and rehabilitation in first traumatic
anterior dislocations of the shoulder: long-term evaluation. Arthrosc J Arthrosc Relat Surg 2005 ; 21 : 55-63. 4 Law BKY, Yung PSH, Ho EPY, Chang JJHT, Chan KM.
The surgical outcome of immediate arthroscopic Bankart repair for first time anterior shoulder dislocation in young active patients. Knee Surg Sports Traumatol
Arthrosc 2008 ; 16 : 188-93. 5 Owens BD, DeBerardino TM, Nelson BJ, Thurman J, Cameron KL, Taylor DC, et al. Long-term follow-up of acute arthroscopic Bankart
repair for initial anterior shoulder dislocations in young athletes. Am J Sports Med 2009 ; 37 : 669-73. 6 Brophy RH, Marx RG. The treatment of traumatic anterior
instability of the shoulder: nonoperative and surgical treatment. Arthrosc J Arthrosc Relat Surg 2009 ; 25 : 298-304. 7 Bottoni CR, Wilckens JH, DeBerardino TM,
D’Alleyrand JCG, Rooney RC, Harpstrite JK, et al. A prospective, randomized evaluation of arthroscopic stabilization versus nonoperative treatment in patients
with acute, traumatic, first-time shoulder dislocations. Am J Sports Med 2002 ; 30 : 576-80.

Opérer tous les premiers épisodes de luxation Ces constatations expliquent qu’une enquête
d’épaule est excessif et une sélection des bons can- auprès de chirurgiens britanniques a révélé que
didats à une chirurgie précoce apparaît nécessaire. 35 % d’entre eux opéraient les premières luxations
Celle-ci réduit considérablement le taux de chez les jeunes, dont 16  % sous arthroscopie.
récidive par rapport au traitement conservateur Cette même étude, reprise 7 ans plus tard, mon-
classique. En l’absence de récidive, l’appréhension trait que le nombre de chirurgiens proposant une
résiduelle après traitement conservateur est six chirurgie stabilisatrice d’emblée avait doublé, et
fois plus importante que chez les patients opérés que la part de la chirurgie arthroscopique avait
avec un résultat fonctionnel trois fois moins bon. quadruplé.
D’autres travaux ont montré des scores de qualité
de vie (Western Ontario Shoulder Instability index
ou WOSI) moyens de 83  % après suture capsu- Conclusion
lolabrale sous arthroscopie pour une première
luxation. Cette meilleure qualité de vie après Le traitement conservateur est très controversé.
chirurgie est un argument important en faveur L’immobilisation « historique » coude au corps en
d’une intervention précoce. rotation médiale a montré ses limites et la durée
Enfin, si le traitement chirurgical est largement d’immobilisation de 3 à 6 semaines ne fait pas
supérieur au traitement conservateur, aucune dif- l’unanimité avec une tendance à des immobilisa-
férence, en revanche, n’a pu être mise en évidence tions plus courtes. Par contre, tous s’accordent à
entre une chirurgie conventionnelle et une chirur- mobiliser précocement les patients plus âgés pour
gie arthroscopique. limiter le risque d’enraidissement.
Chapitre 2. Épaule 39

Les taux de récidive sont très élevés après une Le bilan radiographique de face et de profil
première luxation chez les sujets jeunes. Les séries montre un signe caractéristique de tête humérale
sont unanimes avec des taux qui atteignent 95 % en rotation médiale, avec une forme rappelant
et en l’absence de récidive, une gêne est fréquente, une ampoule électrique, ainsi qu’une disparition
sous la forme de douleur et d’appréhension, avec de l’interligne articulaire avec image de double
un changement d’activité sportive ou une baisse contour de la tête (figure  2.16). L’encoche est
de niveau, voire un abandon. parfois visible de face ou de profil, surtout si elle
Le développement des techniques arthrosco- est volumineuse.
piques a incité à être plus interventionniste. La La prise en charge débute par l’obtention de la
chirurgie précoce permet de réduire considé- réduction de la luxation par manœuvre externe
rablement le taux de récidive et d’obtenir de en traction–flexion et adduction douce chez un
meilleurs résultats fonctionnels. Ceci explique que patient détendu, soulagé et coopérant. Une radio-
la tendance actuelle soit à l’augmentation des graphie de contrôle de face et de profil atteste que
indications opératoires précoces, quelle que soit la luxation est réduite.
la technique utilisée, notamment chez les plus La prise en charge postréductionnelle comprend
jeunes, qui présentent un risque de récidive et de une immobilisation en rotation neutre pour 1
séquelles plus important, et un taux d’arthrose mois avec contrôle hebdomadaire de l’absence de
de 20 % à 10 ans. récidive précoce. Un scanner est indiqué en post-
Nous manquons néanmoins d’outils décision- opératoire afin de préciser et mesurer le volume
nels pouvant aider à conforter le chirurgien dans de l’encoche. Ceci est fondamental, car en cas
son choix et faciliter la compréhension du patient d’encoche modérée ou volumineuse, il peut être
sur la meilleure attitude à adopter. Aujourd’hui, nécessaire de traiter l’encoche par un remplissage
l’on peut seulement informer le patient et son (figure  2.17) de celle-ci à l’aide du tendon du
entourage de cette problématique et l’aider à sous-scapulaire, ou à l’aide du tubercule mineur
prendre sa décision en fonction de son calen- vissé dans l’encoche.
drier scolaire, universitaire ou professionnel, et
de ses velléités de reprise sportive et d’éventuelles
échéances de compétition.

Forme postérieure
La luxation aiguë postérieure est beaucoup plus
rare (moins de 4 % des luxations) et de diagnos-
tic plus difficile. Il faut savoir l’évoquer devant
une douleur d’épaule survenue au décours d’une
crise d’épilepsie et la dépister après un trauma-
tisme à plus ou moins haute énergie, le bras
en rotation médiale. À l’examen clinique, le
patient présente l’attitude des traumatisés du
membre supérieur en se soutenant l’avant-bras,
et l’élément le plus important est la perte de la
rotation latérale active et passive. Plus rarement,
l’on peut voir une saillie antérieure du processus Figure 2.16. Luxation postérieure d’épaule
avec disparition de l’interligne articulaire.
coracoïde, un aplatissement du deltoïde anté- Image de la tête humérale en ampoule électrique
rieur et une saillie de la tête humérale en arrière et double contour de la tête faisant suspecter
chez les patients minces. une encoche antérieure volumineuse.
40 Traumatologie en pratique sportive

Figure 2.17. TDM montrant une importante encoche de la tête humérale.


Patient ayant été opéré d’une instabilité chronique postérieure d’épaule. Il avait bénéficié d’une butée postérieure,
mais une luxation postérieure a récidivé. La reprise chirurgicale a consisté en un remplissage de l’encoche à l’aide
de tendon du subscapulaire.

5. Instabilité capsulolabrales. Une hyperlaxité tissulaire est un


facteur aggravant.
gléno-humérale
chronique Instabilité antérieure
F. Khiami chronique
Clinique
En cas de récidive, l’instabilité devient chronique
avec les taux annoncés précédemment dans le L’examen clinique analyse la fonction globale
sous-chapitre 2.4. de l’épaule, recherche les causes possibles de
Cette instabilité chronique peut prendre la forme : douleurs et apprécie la stabilité articulaire.
• d’une luxation récidivante  : perte de contact L’inspection recherche une attitude vicieuse,
complète et permanente entre les surfaces une amyotrophie, des amplitudes articulaires.
articulaires, entraînant une attitude vicieuse
irréductible du membre supérieur et nécessitant Test d’appréhension (figure 2.18)
un geste de réduction par un tiers ;
• d’une subluxation  : perte de contact partielle, Le test d’appréhension antérieure est le signe
permanente ou non, entre les surfaces articu- essentiel. Le patient est en position couchée,
laires de l’articulation gléno-humérale. À l’inter- l’épaule en bord de table, l’examinateur porte le
rogatoire, on retrouve une sensation d’instabilité bras en abduction–rotation externe. Le test s’effec-
décrite par le patient, parfois associée à un geste tue en accentuant doucement la rotation externe et
d’autoréduction accompli par le patient ou à la rétropulsion. L’appréhension est immédiatement
une réduction spontanée sans l’aide d’un tiers ; ressentie par le patient. Plus que la douleur, c’est
• d’épaule douloureuse pure par accident d’insta- la crainte du patient de sentir son épaule «  se
bilité passé inaperçu (épaule douloureuse instable déboîter » qui rend le test positif.
ou EDI) : pas de sensation d’instabilité, mais le
patient souffre d’une douleur à l’armé du bras. Test de recentrage de l’épaule
L’instabilité chronique est rendue possible Le bras est en abduction–rotation externe, en posi-
par des lésions anatomiques qui déverrouillent tion couchée et lorsque l’examinateur imprime une
l’articulation gléno-humérale, comme des lésions pression d’arrière en avant, le patient exprime une
osseuses humérales (encoche), glénoïdiennes appréhension, ou une douleur en cas d’instabilité
(éculement ou fracture de glène) ou des lésions antérieure. Cette appréhension ou cette douleur
Chapitre 2. Épaule 41

position neutre. Le test est positif lorsqu’il existe


une excursion anormale de la tête, un craquement
ou un ressaut. Une légère translation antérieure
est physiologique lorsqu’elle s’accompagne d’un
arrêt dur comme on peut le rencontrer au niveau
du genou.

Hyperlaxité inférieure (sulcus sign de Neer)


La recherche d’une laxité inférieure est systéma­
tique. Le patient est assis avec le bras relâché
le long du corps. L’examinateur tire le mem-
bre vers le bas. L’existence d’une subluxation
inférieure, marquée par l’apparition d’un sillon
sous-acromial, témoigne d’une laxité inférieure
toujours bilatérale.

Test d’hyperabduction de Gagey


Gagey propose d’apprécier la laxité inférieure,
Figure 2.18. Test d’appréhension et de recentrage.
Source : Sirveaux F, Molé D et Walch G. Instabilités et luxations
et plus spécifiquement la distension du ligament
glénohumérales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales gléno-huméral inférieur (LGHI), grâce au test
Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Appareil locomoteur, d’hyperabduction passive. Le patient est en posi-
14-037-A-10, 2002, 20 p.
tion assise  ; l’examinateur bloque la scapula et
mobilise le bras en abduction passive. Une hyper-
disparaissent quand l’examinateur repousse la tête
abduction passive supérieure à 105° témoigne
vers l’arrière.
d’une laxité du LGHI.
Tests de laxité (figure 2.19)
Tiroir antérieur Imagerie
Ce test peut être réalisé, selon Rodineau, sur un
Radiographies
patient penché vers l’avant. L’examen doit être
bilatéral et comparatif. L’existence d’un tiroir Le bilan radiographique dépiste des lésions
postérieur est physiologique. Avant de débuter osseuses de passage chronique qui témoignent de
le test, il faut s’assurer que la tête est bien l’instabilité. Elles sont soit à l’humérus, soit à la
initialement en place en installant le membre en glène, soit les deux.

Figure 2.19. Test de laxité.


Source : Sirveaux F, Molé D et Walch G. Instabilités et luxations glénohumérales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier
SAS, Paris, tous droits réservés), Appareil locomoteur, 14-037-A-10, 2002, 20 p.
42 Traumatologie en pratique sportive

• Incidence de face en rotation neutre  : analyse Arthroscanner et IRM


du bord inférieur de la glène, de la congruence L’arthroscanner n’est pas nécessaire lorsque les
articulaire. lésions osseuses sont suffisamment visibles sur
• Incidence de face en rotation interne : recherche la radiographie, mais il permet de visualiser les
d’une encoche céphalique (figure 2.20). lésions capsuloligamentaires, les encoches cépha-
• Incidence de profil glénoïdien : permet d’ana- liques ou les éculements de la glène difficilement
lyser parfaitement les deux tiers inférieurs du visibles à la radiographie, les ruptures de la coiffe,
rebord glénoïdien antérieur (figure 2.21). transfixiantes ou partielles (face profonde).
L’IRM, et surtout l’arthro-IRM, est un examen
supérieur à l’arthroscanner pour identifier des
lésions du labrum, en particulier lorsque celles-ci
sont non déplacées.

Traitement
Le but du traitement est de stabiliser l’épaule.
Deux grandes techniques sont proposées :
• la technique de butée coracoïdienne consis-
tant à fixer le processus coracoïde sur la partie
antéro-inférieure de la glène ;
• la retente et la réinsertion capsulolabrales répa-
rant les parties molles.
Il est classique de proposer des techniques de
butée chez les patients jeunes, pratiquant un sport
Figure 2.20. Encoche humérale postérosupérieure de contact, compétiteurs, surtout en cas d’hyper-
bien visible sur le cliché de face en rotation médiale laxité et si les lésions osseuses sont avancées. Une
après réduction de la luxation. immobilisation postopératoire de 2 semaines en
cas de butée et de 4 semaines en cas de chirurgie
capsuloligamentaire est recommandée.
La rééducation postopératoire est primordiale
et par étapes. L’objectif initial sera la récupération
des mobilités articulaires, suivie du renforcement
musculaire et de la reprogrammation neuromus-
culaire.
Il est fréquent de perdre un peu de mobilité en
rotation latérale en début de rééducation avec une
restitution progressive des amplitudes.

Résultats
Ces deux techniques peuvent se faire à ciel ouvert
ou sous arthroscopie avec des résultats très satis-
faisants et des taux de récidive inférieurs à 2 à 7 %.
Le retour au sport peut se faire lorsque les
Figure 2.21. Profil glénoïdien de Bernageau qui permet symptômes ont disparu, les amplitudes sont res-
la visualisation complète de la glène. tituées et la force est retrouvée. Il peut être utile
Chapitre 2. Épaule 43

de programmer un bilan musculaire et neuromus- • test d’appréhension postérieure en flexion–


culaire complet en cours de rééducation pour adduction et rotation médiale qui déclenche
vérifier l’absence de déficit résiduel. Le bilan une appréhension postérieure ou une douleur ;
radiographique doit montrer une bonne conso- • tiroir postérieur ;
lidation de la butée sans déplacement secondaire. • ressaut postérieur : en flexion–rotation interne,
Le retour au sport peut se concevoir entre 3 et le premier ressaut correspond à la subluxation
6 mois selon la technique, le type de sport et le postérieure de la tête ; lors du passage en exten-
niveau sportif. sion, le deuxième ressaut est lié à la réduction
de la subluxation.
Le bilan d’imagerie est le même que pour
Instabilité postérieure l’instabilité antérieure. Les lésions de passage sont
chronique différentes. La partie postérieure de la glène peut
être normale, éculée ou fracturée.
L’instabilité chronique postérieure de l’épaule est L’encoche humérale est antéro-inférieure. Le
beaucoup plus rare que la forme antérieure et peut bourrelet postérieur peut être normal ou fissuré à
se voir dans moins de 4 % des luxations d’épaule. l’IRM ou à l’arthroscanner.
Il faut distinguer les luxations, les subluxations Le traitement chirurgical comprend plusieurs
et les épaules douloureuses pures par accident possibilités techniques, en fonction de l’impor-
d’instabilité passé inaperçu. tance des lésions osseuses, de l’hyperlaxité, de
Certains facteurs favorisants doivent être connus la déchirure du bourrelet et d’un éventuel cal
comme l’excès de rétroversion de la tête humérale vicieux rotatoire de l’humérus qui projette la
(parfois post-traumatique), les glènes dysplasiques tête humérale en arrière. Tout comme l’instabi-
(plates ou très rétroversées) ou encore l’excès de lité antérieure, les techniques de butée osseuse
puissance des rotateurs médiaux par rapport aux (figure 2.23) et de réparation capuslolabrale sous
rotateurs latéraux. arthroscopie sont les plus utilisées. Cependant,
L’examen clinique dans le cadre d’une instabi- en cas d’encoche antérieure de gros volume, un
lité postérieure est en tout point identique à ce remplissage de l’encoche peut être indiqué en
qui a été vu précédemment, hormis la nécessité transférant une partie du tendon sous-scapulaire,
de rechercher des signes d’appréhension posté- voire une partie du trochin. Les ostéotomies de
rieure. Trois tests plus spécifiques sont à effectuer dérotation sont quasi abandonnées sauf en cas
(figure 2.22) : de cal vicieux indéniable de l’humérus.

Figure 2.22. Tests d’instabilité postérieure.


Source : Sirveaux F, Molé D et Walch G. Instabilités et luxations glénohumérales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier
SAS, Paris, tous droits réservés), Appareil locomoteur, 14-037-A-10, 2002, 20 p.
44 Traumatologie en pratique sportive

• vingt-six muscles (épaule, scapula, thorax) ;


• trois articulations « vraies » avec surfaces articu-
laires :
– gléno-humérale,
– acromioclaviculaire,
– sterno-costo-claviculaire ;
• deux «  fausses  » articulations avec bourse et
plan de glissement :
– sous-deltoïdienne,
– scapulothoracique.

Épidémiologie
Les tendinopathies et les conflits d’épaule sont
des pathologies très fréquentes dans la popu-
lation générale, elles représentent presque 3  %
Figure 2.23. Vue scanographique postopératoire : des consultations générales d’après le résultat de
on remarque la butée postérieure vissée à la face
postérieure de la glène et, sur le versant huméral,
consultation (RC) de l’Observatoire de méde-
l’encoche antérieure. cine générale (OMG). Elles représentent 16  %
des plaintes de l’appareil locomoteur et sont le
troisième motif de consultation pour troubles
6. Tendinopathie musculosquelettiques. Les épaules douloureuses
chroniques sont également le deuxième motif de
et conflit d’épaule consultation en rhumatologie. En médecine géné-
rale, les tendinopathies et bursopathies d’épaule
N. Barizien représentent respectivement 48  % et 17  % des
motifs de consultation pour épaule douloureuse
chronique.
Dans le sport de haut niveau, l’analyse des Jeux
Anatomie olympiques de Rio en 2016 met en évidence
que 14,4  % des imageries réalisées au cours de
Ce que nous appelons communément l’épaule la compétition l’étaient pour des tendinopathies
correspond à la jonction entre le corps de l’athlète dont la localisation principale était la tendinopa-
et son membre supérieur dont la fonction est thie du supra-épineux (19,9  % supra-épineux,
de porter l’effecteur du geste qu’est la main. Il 12,8  % tendon calcanéen, 7,7  % tendon infra-
est donc indispensable d’aborder les patholo- épineux et 7,7 % tendon patellaire). Dans certains
gies de l’épaule en considérant l’ensemble du sports, la tendinite de l’épaule est la pathologie
fonctionnement de la ceinture scapulothoracique principale : ainsi, 91 % des nageurs de compétition
et de l’articulation gléno-humérale. On décrit âgés de 13 à 25  ans ont souffert de leur épaule
cet ensemble comme le complexe articulaire de au cours de leur carrière  ; elles sont la première
l’épaule (Kapandji, 2018). Lors d’un mouvement cause de blessure du nageur représentant 38  %
simple d’élévation antérieure du bras au-dessus de l’ensemble des blessures imposant un arrêt
de la tête, ce complexe thoraco-scapulo-huméral temporaire d’entraînement.
met en jeu : Il en est de même pour les sports de lancer tel
• un point fixe antérieur sternoclaviculaire ; le base-ball et son fameux pitcher impingement
• un plan mobile postérieur vertébro-scapulo- qui représente à lui seul 38 % de l’ensemble des
thoracique ; blessures de ce sport.
Chapitre 2. Épaule 45

Physiopathologie tendon du long biceps avant qu’il ne plonge dans


des tendinopathies l’articulation gléno-humérale pour s’insérer sur le
bord supérieur de la glène et sur le labrum. Il est
et des conflits d’épaule principalement coaptateur gléno-huméral.

Pour appréhender les tendinopathies de la coiffe


et les conflits sous-acromiaux de l’épaule, il faut Conflit : contenant rigide/
comprendre trois concepts fondamentaux : contenu souple
• l’instabilité fonctionnelle gléno-humérale ;
• le conflit : contenant rigide/contenu souple ; L’ensemble des tendons et muscles stabilisateurs
• la distorsion excentrique du tendon. de l’articulation gléno-humérale (coiffe et ten-
don long biceps) est contenu dans une enve-
loppe ostéoligamentaire rigide limitée en haut et
Instabilité fonctionnelle en arrière par la voûte acromiale, constituée de
gléno-humérale l’articulation acromioclaviculaire et de l’acromion,
limitée en avant par le ligament acromiocoracoï-
Les tendinopathies de la coiffe et les conflits
dien (LAC) très rigide et l’apophyse coracoïde,
sous-acromiaux sont la plupart du temps dus
puis en bas par l’articulation gléno-humérale qui,
à des microtraumatismes sportifs par répétition
elle, est très mobile. Le conflit apparaît lorsque le
d’un geste, d’amplitude et de force variées. Ils
contenant ostéoligamentaire est trop étroit consti-
peuvent aussi découler d’un dysfonctionnement
tutionnellement ou lorsqu’il est réduit après un
du complexe articulaire de l’épaule par séquelles
traumatisme ou une arthropathie acromioclavicu-
de traumatismes aigus anciens insuffisamment
laire par une ostéophytose ou un bec acromial pro-
rééduqués. Ceci entraîne une inefficacité de cen-
éminent. Il en est de même lorsque le contenant
trage actif de la tête humérale lors du geste
est devenu trop volumineux par épaississement
sportif, provoquant l’irritation des tendons sur les
d’une tendinopathie.
structures ostéoligamentaires.
Le conflit peut se manifester par une bursite de
La coiffe des rotateurs de l’épaule est constituée
l’articulation sous-acromiodeltoïdienne. Il s’agit
des tendons de quatre muscles qui s’entremêlent
alors de l’inflammation du plan de glissement
pour coiffer la tête humérale et la séparer de
entre la coiffe et la voûte acromiale, visible à l’ima-
l’arche ostéoligamentaire acromioclaviculaire. Ces
gerie par une lame d’épanchement, ou par une
muscles sont à la fois rotateurs mais surtout coap-
lésion d’un ou plusieurs tendons de la coiffe, allant
tateurs de la tête humérale sur la glène. En effet,
du simple épaississement tendineux à la rupture
la tête humérale étant ronde et la glène scapulaire
partielle, transfixiante ou complète du tendon.
plate, il y a donc un défaut de congruence des
Des lésions de conflit peuvent survenir dans
surfaces articulaires. Le labrum ou bourrelet glé-
une voûte acromiale de taille normale par instabi-
noïdien est un « ménisque » chargé d’augmenter
lité fonctionnelle du centrage gléno-huméral. La
cette congruence et de limiter l’instabilité articu-
pratique sportive et répétée d’un geste déstabili-
laire, mais le principal moteur du centrage gléno-
sant le centrage gléno-huméral provoque des frot-
huméral pendant un geste sportif est la synergie
tements, source d’inflammation, puis des lésions
de contraction des muscles de la coiffe entre eux
tendineuses.
mais aussi avec les autres muscles effecteurs du
complexe thoraco-scapulo-huméral.
Les muscles rotateurs de la coiffe sont les Distorsion excentrique du tendon
rotateurs externes supraspinatus (sus-épineux) et
terres minor (petit rond), le rotateur interne Les sports de lancer et d’armé cherchent une
étant le subscapularis (sous-scapulaire). Le supras- vitesse angulaire maximale dans le geste de fouet
pinatus est quant à lui abducteur. Par-dessus ces de la main, ceci peut provoquer l’instabilité fonc-
quatre tendons constituant la coiffe, chemine le tionnelle que nous avons évoquée précédemment,
46 Traumatologie en pratique sportive

mais à la fin du geste, le poids du membre supé- de l’articulation acromioclaviculaire, de l’acromion


rieur est maximal, augmenté par sa vitesse. Or, et du LAC. Ce conflit provoque une inflammation
pour freiner et arrêter ce mouvement, les mus- de la bourse sous-acromiodeltoïdienne (bursite)
cles et tendons de l’épaule doivent se contracter puis une lésion des tendons (tendinopathie).
en mode excentrique (les deux insertions des Neer a défini trois stades évolutifs de ce conflit
muscles s’éloignent malgré leur contraction). Le sous-acromial :
mode excentrique est plus puissant que le mode • stade 1  : bursite sous-acromiale et simple irri-
concentrique, mais il est beaucoup plus trau- tation tendineuse réversible provoquant une
matisant pour les fibres tendineuses, l’interface douleur après l’effort ;
muscle–tendon et pour les enthèses osseuses. • stade 2  : fibrose de la bourse sous-acromiale
Les tendons de l’épaule s’abîment d’autant plus associée à une tendinopathie corporéale du ten-
s’ils doivent effectuer cette contraction excen- don du supraspinatus provoquant des douleurs
trique alors qu’ils sont enroulés sur eux-mêmes. pendant l’effort ;
Ceci est le cas lors des fins de geste  : le service • stade 3  : rupture du tendon du supraspinatus
au tennis, les lancers de javelot ou de pitcher au rendant l’effort impossible.
base-ball sont ainsi particulièrement traumatisants L’examen clinique retrouve une épaule souple
car ils partent d’une rotation externe forcée et se mais douloureuse surtout lors de la sollicitation du
terminent en rotation interne également forcée et tendon du supraspinatus sur une structure osseuse
à pleine vitesse. ou ligamentaire. Les amplitudes articulaires sont
Quel que soit le mode de survenue de la normales, mais on décrit un arc ou accrochage
lésion, l’analyse globale du complexe articulaire de douloureux entre 60 et 90° d’élévation antérieure
l’épaule est nécessaire. La rééducation analytique ou latérale active de l’épaule.
de l’articulation gléno-humérale doit se poursuivre Les tests cliniques vont chercher à mettre en
dans un mouvement sportif simple puis complexe conflit les structures tendineuses et osseuses pour
nécessitant une réathlétisation de l’ensemble de la réveiller les douleurs. En effet, chez le sportif, la
ceinture thoraco-scapulo-humérale. rupture tendineuse est rare, il s’agit souvent d’une
tendinopathie douloureuse.
Les tests de Neer, de Hawkins et de Yocum
Conflits de l’épaule sont positifs.

On définit trois types de conflits entre les tendons Conflit coracoïdien dit antéro-interne
de la coiffe et l’arche ostéoligamentaire acromio-
coracoïdien : Dans la partie tout antérieure de l’arche ostéoli-
• le conflit sous-acromial dit antérosupérieur ; gamentaire acromiocoracoïdien se trouve le LAC
• le conflit sous-coracoïdien dit antéro-interne ; ainsi que l’apophyse coracoïde. Dans ce conflit,
• le conflit glénoïdien dit postérosupérieur. lorsque le bras se porte en avant et en bas, il est
en adduction et rotation interne forcées (fin d’un
geste de lancer ou de service), alors le tendon du
Conflit sous-acromial subscapulaire vient frotter contre la partie anté-
dit antérosupérieur rieure de la coracoïde. Ceci provoque des lésions
du côté huméral à la face profonde du tendon du
Le conflit sous-acromial est défini par le frotte- muscle subscapulaire ou du chef long du tendon
ment inapproprié des tendons du supraspinatus du long biceps à sa sortie de la coulisse bicipitale.
et de la longue portion du biceps sur l’arche Côté glénoïdien, les lésions intéressent le cartilage
ostéoligamentaire acromiocoracoïdien. Il corres- du rebord antérosupérieur de la glène osseuse
pond à un conflit antérosupérieur car la tête ou du labrum.
humérale vient pincer le supraspinatus sur la partie Le test clinique le plus significatif est le test de
antérieure et supérieure de cette voûte constituée Hawkins lorsqu’il est fait en adduction complète.
Chapitre 2. Épaule 47

Le test anesthésique à la lidocaïne (Xylocaïne®) • recherche d’épisode traumatique récent ou anté-


dans la bourse sous-acromiodeltoïdienne est rieur ;
négatif dans ce conflit contrairement aux conflits • identification des gestes douloureux dans la
sous-acromiaux, car il s’agit d’une lésion de la pratique sportive, la vie quotidienne et profes-
cavité gléno-humérale. sionnelle ;
• traitements et thérapeutiques déjà essayés et
leur efficacité.
Conflit glénoïdien Il est également indispensable de remettre cette
dit postérosupérieur pathologie sportive dans le contexte :
• patient porteur d’une maladie favorisant les
Le conflit glénoïdien postérosupérieur apparaît lésions tendineuses (maladies inflammatoires) ;
lors des mouvements forcés d’armé du bras en • prise de certains traitements médicamenteux ;
abduction–rotation externe maximale. Dans cette • objectifs sportifs de compétition ou de plan-
position, la face profonde du tendon du supraspi- ning de préparation.
natus vient s’impacter contre le labrum glénoïdien Le signe constant dans les tendinopathies ou
postérieur. Cette lésion est typique dans les sports conflit de l’épaule est la douleur. Il faut donc la
de lancer et d’armé par la recherche de la rotation typer  : inflammatoire si recrudescence au repos,
externe maximale en début de geste. mécanique si elle augmente à l’effort. Il faut en
Le test clinique de manœuvre d’armé est tou- définir l’intensité, grâce à l’échelle visuelle analo-
jours positif par la mise en abduction–rotation gique (EVA) de la douleur, et son évolution dans
externe forcée. Celle-ci provoque la douleur pos- le temps. Comme toute tendinopathie, celle de
térosupérieure de l’épaule. Il faut faire attention l’épaule évolue en quatre stades cliniques définis
à bien faire la différence avec une appréhension par Blazina.
d’instabilité antérieure, reproduite dans la même Afin d’être systématique et de ne pas oublier
position lorsque l’examinateur exerce une poussée de test clinique important, je recommande de
sur la tête humérale pour tenter de luxer l’épaule. procéder par un examen programmé de l’épaule à
La sensation d’instabilité ou la douleur sont alors partir des tests cliniques de l’épaule. En respectant
à la face antérieure de l’épaule. une séquence standardisée, le résultat de chaque
Le test de Jobe est positif dans 2/3 des cas test peut être porté dans un tableau récapitulatif
signant la souffrance du tendon du supraspinatus. de synthèse (tableau 2.4).
Le test d’O’Brien est positif lorsque s’associe une On commence l’examen clinique sur un patient
lésion bicipitale ou labrale (SLAP lesion). debout ou plus facilement assis, l’examinateur se
Le test anesthésique par infiltration de la bourse trouvant en face de lui, puis l’examen se complète
sous-acromiale est négatif contrairement aux derrière le patient.
conflits sous-acromiaux. En effet, il s’agit d’une
lésion de la cavité gléno-humérale.
Examen clinique face au patient
Lors de l’examen face au patient, dix tests doivent
Clinique être recherchés (figure 2.24) :
• palm up test : le patient a les deux bras tendus,
Examen programmé de l’épaule les mains vers le ciel, l’examinateur l’empêche de
monter les deux bras vers le haut. Une douleur
Comme pour toute pathologie du sportif, il est de l’épaule oriente vers une lésion du tendon du
important de faire un interrogatoire précis per- long biceps. La positivité de ce test est un appel
mettant de resituer la lésion dans son contexte : à effectuer les tests spécifiques du biceps et du
• âge du patient, pratique sportive, ancienneté labrum que nous développons plus loin ;
de celle-ci, niveau de pratique avec un volume • test de Jobe : on demande ensuite au patient
horaire hebdomadaire ; de mettre les pouces vers le sol, l’examinateur
48 Traumatologie en pratique sportive

Tableau 2.4. Mon examen programmé de la coiffe.


Face au patient Dos au patient
Palm up test = Biceps Palpation = A Clav
Test de Jobe = Supra Sp Cross arm test = A Clav
Test de Hawkins = Conf Ant Sup Test d’armé = Conf post Sup
Test de Yocum = Conf Ant Int Test appréhension = Instabl Ant
Signe du clairon = Infr Sp Et Tmin Impingement test Neer = Conf Ant Sup
Signe de Patte = Infr Sp Lift off test de Gerber = Sub Scap
RE1 résistée = Inf Sp et TMin Palpations = Sup Sp
Signe du portillon = Inf Sp et TMin Infra Sp
Belly press test = Sub Scap Terres Minor
Bear hug test = Sub Scap Biceps
Sub Scap
Source : N. Barizen, J.-P. Montigny.

Figure 2.24. Examen programmé : les tests face au patient.

empêche l’élévation antérieure des deux mem- • test de Yocum  : l’épaule est positionnée en
bres supérieurs. Une douleur ou l’insuffisance rotation interne et en adduction maximale et
de force musculaire orientent vers une lésion du l’on demande au patient de poser la main sur
tendon du supraspinatus (sus-épineux) ; l’épaule opposée. Puis l’examinateur l’empêche
• test de Hawkins : l’examinateur fléchit le coude de lever le coude à l’horizontal. Une douleur
du patient bras à l’horizontale et coude flé- signe également un conflit sous-acromial antéro-
chit, l’examinateur imprime des mouvements de interne.
rotation interne en allant de l’abduction vers Les six tests suivants explorent l’infraspinatus et
l’adduction du bras, testant ainsi un conflit avec le terres minor dans différentes rotations externes :
la voûte sous-acromiale. Une douleur signe un • signe du clairon  : à partir du test de Yocum,
conflit sous-acromial antérosupérieur de l’abduc- on demande au patient de porter la main à la
tion jusqu’en élévation antérieure, puis un conflit bouche pouce vers le bas, bras en adbuction à
sous-coracoïdien antéro-interne en adduction ; 90°. Une douleur ou l’insuffisance musculaire
Chapitre 2. Épaule 49

signent une souffrance de l’infraspinatus et du puis empaume l’épaule avec sa main pouce
terres minor ; derrière et force la rotation externe. La peur du
• signe de Patte  : on demande au patient de geste, une sensation d’instabilité ou une dou-
mettre son bras en chandelier. Élévation anté- leur antérieure signent une instabilité antérieure
rieure de 90°, coude fléchi à 90° en rotation à explorer par la séquence de tests cliniques
externe 90°. L’examinateur empêche la rota- d’instabilité d’épaule que nous décrivons plus
tion  externe du patient. Une douleur signe la loin. Attention, ce test ressemble au test d’armé
souffrance de l’infraspinatus ; du conflit postérosupérieur, mais dans ce cas la
• rotation externe coude au corps contrariée : douleur est à la face postérieure de l’épaule ;
coude au corps fléchi à 90°, l’examinateur teste • impingement test de Neer : le bras est positionné
la rotation externe de patient. Une douleur tendu, pouce vers le bas dans le plan de l’omo-
de la face postérieure de l’épaule signe une souf- plate par l’examinateur qui bloque la scapula avec
france de l’infraspinatus ou du terres minor ; son autre main. Le test est positif si l’élévation
• test du portillon  : en mettant le bras en passive dans cette position est douloureuse. Elle
rotation externe coude au corps maximale, signe un conflit glénoïdien postérosupérieur :
l’examinateur résiste à une rotation interne du • lift off test de Gerber : le patient met son bras
patient et lâche brutalement sa résistance. Si la dans son dos, le décolle de 10 cm et doit main-
main du patient vient frapper son ventre sans tenir la position. Si la main revient taper le dos,
qu’il puisse l’arrêter, il s’agit d’une rupture de c’est que le subscapularis est rompu. L’examina-
l’infraspinatus ou si le test est douloureux une teur peut sensibiliser le test de tendinopathie en
lésion de l’infraspinatus ou du terres minor ; s’opposant à l’écartement de la main du dos du
• belly press test : coude au corps à 90° de flexion, patient.
main sur le ventre, le patient décolle son coude L’examinateur étant toujours derrière le patient,
du corps pour appuyer sur son ventre. Une dou- à partir de la position lift off test de Gerber, on
leur signe la souffrance du subscapularis (sous- peut palper le supraspinatus à la face antérieure de
scapulaire) ; l’épaule. On demande ensuite au patient de mettre
• bear hug test : bras à l’horizontale, coude fléchi et son bras en avant, en adduction et en rotation
main posée à plat sur l’épaule opposée, le patient externe, afin de palper le tendon de l’infraspinatus
doit résister à l’examinateur qui tente de décoller qui se trouve juste sous l’épine de l’omoplate à la
la main de l’épaule par une rotation externe. La face postérieure de l’épaule. En étendant le bras à
douleur confirme la souffrance du subscapularis. 45° dans le plan de l’omoplate, on peut palper le
tendon du terres minor à la partie inférieure de la
Examen clinique dos au patient tête humérale.
Puis coude au corps et bras fléchi à 90°, la rota-
L’examinateur passe ensuite derrière le patient et tion externe permet de dégager le tendon du long
commence par (figure 2.25) : biceps et sa coulisse qui peuvent être palpés à la
• articulation acromioclaviculaire  : la palpation face antérieure de l’épaule. En forçant la rotation
symétrique des articulations acromioclaviculaires externe et en abduction, on dégage le tendon du
permet de rechercher une douleur qui peut subscapulaire en dedans de la coulisse bicipitale.
fausser les douleurs des tests tendineux réalisés ; Ces points de palpation sont habituellement
• cross arm test  : bras tendu à l’horizontale, indolores sur un tendon sain, une douleur provo-
l’examinateur le porte en adduction maximale quée signe une inflammation lésionnelle.
pour mettre en compression l’articulation. Une
douleur signe la souffrance de l’articulation Amplitudes articulaires
acromioclaviculaire ; du complexe articulaire de l’épaule
• test d’appréhension : c’est un test d’instabilité
gléno-humérale antérieur. Toujours derrière le Au cours de l’examen tendineux de l’épaule, vous
patient, l’examinateur place le bras en position pouvez être alerté par une ou plusieurs limita-
d’armé, abduction 90°, rotation externe 90°, tions d’amplitude articulaire. Celles-ci doivent
50 Traumatologie en pratique sportive

Figure 2.25. Examen programmé : les tests dos au patient.

être comparées au côté opposé, car il existe de • rotation externe, bras en abduction à 90°, coude
grandes variabilités individuelles. à 90° à l’horizontale = RE2 : on mesure l’angle
Globalement, l’élévation antérieure et l’abduc- de rotation externe par rapport à l’horizontale ;
tion doivent être à 180° par rapport au bras le • rotation externe, bras en élévation antérieure à
long du corps, la flexion (rétropulsion arrière 90°, coude fléchi à 90° à l’horizontale = RE3 :
du coude) doit être de 60°, on cote la rotation on mesure l’angle de rotation externe à partir
interne par la position du pouce dans le dos pou- de l’horizontale.
vant être limitée de la fesse jusqu’à monter en D4. L’examen de ces rotations externes est primor-
Les rotations externes sont évaluées dans trois dial surtout dans un sport d’armé ou de lancer,
positions de référence : particulièrement pour l’épaule du bras dominant.
• rotation externe, coude au corps fléchi à Une limitation globale des amplitudes articu-
90°  =  RE1  : on mesure l’angle de rotation laires doit faire évoquer une « capsulite rétractile »
externe par rapport à cette position de référence ; qui peut survenir de novo ou suite à un traumatisme
Chapitre 2. Épaule 51

parfois mineur. Une limitation d’amplitude arti- • identifier des signes indirects de rupture de la
culaire douloureuse sectorisée doit faire recher- coiffe ;
cher une lésion inflammatoire aiguë des tendons • rechercher des signes d’épisode d’instabilité
de la coiffe comme une tendinopathie aiguë antérieure.
calcifiante de l’épaule, alors qu’une limitation Une calcification d’hydroxyapatite ou de l’enthèse
d’amplitude articulaire indolore doit faire recher- tendineuse sera localisée précisément grâce aux
cher un blocage articulaire par lésion du labrum différentes incidences :
ou corps étranger intra-articulaire. • le supraspinatus sur le cliché de face en rota-
tion neutre ;
• l’infraspinatus et terres minor sur le cliché de
Laxité et instabilité d’épaule
face en rotation interne ;
Au cours de l’examen programmé de l’épaule, si • le subscapularis et le biceps pour les clichés de
le test d’appréhension est positif ou que les tests face en rotation externe et de profil axillaire.
cliniques sont incohérents, il faut effectuer les L’étroitesse sous-acromiale par un bec acro-
tests  d’instabilité d’épaule. Décrits dans le chapitre mial proéminent, voire agressif, ou une apophyse
5, ils vous permettront de savoir si l’instabilité coracoïde trop volumineuse seront visualisées sur
est uni- ou multidirectionnelle. En effet, l’hyper- le cliché en profil de Lamy (figure 2.26a) : c’est
laxité constitutionnelle peut être un avantage dans l’incidence de référence pour l’analyse de la voûte
certains sports d’armé ou de lancer, tant que acromiale et de l’espace coracoïdien.
l’épaule n’est pas déstabilisée par une blessure. On y recherche également une rupture du
cintre scapulo-huméral, témoin d’une ascension
anormale de la tête humérale dans l’espace sous-
Imagerie acromial sur les clichés debout de face. L’inci-
dence de Railhac (figure  2.26b) en position
Comme nous l’avons vu dans l’anatomopatholo- couchée supprime la pesanteur du bras permet-
gie des lésions, il faut évaluer le contenant ostéo- tant de mesurer l’espace sous-acromial : inférieur
ligamentaire acromiocoracoïdien avant d’étudier à 6  mm, il témoigne d’une rupture transfixiante
les parties molles que sont les tendons, les muscles de la coiffe. L’articulation acromioclaviculaire est
et le labrum. également facile à analyser sur ce cliché.
Le cliché en profil axillaire (figure 2.26c) per-
Radiologie met de visualiser la glène à la recherche d’une éro-
sion du bord inférieur de la glène. Le cliché debout
Le bilan d’imagerie d’une épaule douloureuse du de face en rotation externe permet de voir une
sportif commence donc par un bilan radiographique. encoche de la face postérieure de la tête humérale,
Le bilan radiographique recommandé pour l’étude dite de Malgaigne ou de Hill-Sachs, témoin d’une
des tendinopathies et conflits d’épaule comporte : luxation antéro-interne.
• des clichés réalisés debout :
– épaule de face 3 rotations (rotation interne, Échographie
neutre, rotation externe),
– épaule en profil de Lamy, C’est l’examen de choix pour l’épaule douloureuse
– épaule en profil axillaire ; du sportif, car elle permet de voir une bursite
• un cliché réalisé couché, épaule de face stricte, sous-acromiale retrouvée dans les conflits sous-
couché, rayons droits, dit incidence de Railhac. acromiaux, les micro- ou macrocalcifications mais
Ces radiographies permettent d’étudier les également les épaississements inflammatoires  et
structures osseuses de l’épaule mais aussi de : les lésions tendineuses. Les ruptures totales sont
• localiser d’éventuelles calcifications tendineuses ; faciles à identifier à l’échographie, cependant les
• analyser l’arche ostéoligamentaire acromiocora- ruptures partielles superficielles ou profondes
coïdien ; nécessitent un échographiste expérimenté.
52 Traumatologie en pratique sportive

Figure 2.26. Bilan radiographique.


a. Profil de Lamy. b. Incidence de Railhac. c. Profil axillaire.

IRM Traitement
C’est l’examen le plus précis pour les pathologies
des tendinopathies et des conflits de l’épaule,
Principes thérapeutiques
permettant la visualisation des structures tendino­ Les principes thérapeutiques dans une épaule
musculaires, du labrum et des répercussions douloureuse de sportif sont simples :
osseuses des traumatismes et conflits chroniques. • antalgie :
– repos du geste vulnérant,
Scanner – cryothérapie,
– antalgiques et/ou anti-inflammatoires ;
C’est l’examen de choix pour explorer les lésions • réévaluation à 2 semaines ;
complexes du labrum, du cartilage et l’éventualité • infiltration ou chirurgie ;
d’une petite lésion transfixiante des tendons de • rééducation ;
la coiffe. Il est également utilisé comme test • réathlétisation.
diagnostique anesthésique et/ou infiltration cor- Il est nécessaire dans un premier temps de
ticoïde. mettre l’épaule au repos en interdisant les gestes
Chapitre 2. Épaule 53

vulnérants. Ceci ne veut pas dire un arrêt complet l’amplitude considérée. La réévaluation médicale
du sport, mais éliminer les exercices utilisant les à 2 semaines avec les examens d’imagerie affine le
membres supérieurs. Toutes les thérapeutiques diagnostic et la stratégie thérapeutique.
antalgiques peuvent être utilisées qu’elles soient Dans les tendinopathies de coiffe et les conflits
mécaniques, électriques ou médicamenteuses. De sans lésion transfixiante, les infiltrations de produit
même dans un premier temps, un traitement dans la bourse sous-acromiale (conflit antérosupé-
anti-inflammatoire par l’application de glace et la rieur, tendinopathie superficielle de la coiffe) ou en
prescription d’anti-inflammatoire non stéroïdien gléno-humérale (conflit antérosupérieur et antéro-
en comprimés est souvent nécessaire. Cette phase interne, labrum et SLAP lesion, chondropathie et
initiale dure de 1 à 2 semaines, puis il faut rééva- omarthrose), parfois en extra-articulaire (coulisse
luer l’épaule au vu des examens radiologiques et bicipitale, subscapulaire, arthropathie acromio­
du traitement initial prescrit. claviculaire), ont pour double intérêt d’être un test
Très rapidement, il faut commencer une réédu- anesthésique diagnostique immédiatement après le
cation. Celle-ci doit faire la différence entre une geste et de traiter la pathologie durablement. Plu-
épaule douloureuse souple ou raide. sieurs produits peuvent être injectés dans l’épaule
L’épaule raide et douloureuse doit être éva- selon la cause des douleurs  : un corticoïde si
luée en amplitude pour suivre les progrès, elle se l’inflammation prédomine, un acide hyaluronique
rencontre lors d’une bursite inflammatoire par en cas de lésion chondrale  ; certaines équipes
conflit antérosupérieur ou calcification. La rup- utilisent du plasma riche en plaquettes (PRP) en
ture d’une calcification d’hydroxyapatite dans la particulier lors des lésions partielles ou fissuraires
bourse sous-acromiodeltoïdienne est particulière- (les résultats sont pour l’instant insuffisants).
ment douloureuse et enraidissante. Les capsulites Certaines lésions sont d’emblée chirurgicales
rétractiles de novo ou post-traumatiques font partie et nécessitent un traitement arthroscopique qui
des diagnostics à évoquer. Les calcifications de la devra être obligatoirement suivi par une rééduca-
coiffe répondent bien aux injections de corticoïdes tion bien menée, car nous l’avons vu ces lésions
qui visent à les ponctionner, triturer, infiltrer. Ce sont très souvent associées à des instabilités fonc-
geste s’effectue de préférence sous guidage écho- tionnelles de l’articulation gléno-humérale.
graphique ou radiologique et soulage les patients
en quelques jours. Ce geste thérapeutique est
également diagnostique car le test anesthésique Délais de retour au sport
de la bourse sous-acromiale doit faire disparaître
la douleur, sinon c’est qu’il y a une composante La reprise du geste sportif d’armé doit être décidée
gléno-humérale à prendre en compte. Il est néces- par le kinésithérapeute, le préparateur physique et
saire d’avoir une action thérapeutique rapide afin l’entraîneur, particulièrement lors de la reprise des
de permettre une rééducation rapidement indolore rotations forcées, source des conflits antérosupé-
car sinon, aucun travail de récupération des ampli- rieur et antéro-inférieur. Cette réathlétisation doit
tudes articulaires ne peut être fait correctement par être débutée rapidement sous contrôle médical
le kinésithérapeute. et paramédical, avant même que la rééducation
L’épaule souple et douloureuse nécessite prio- ne soit terminée, surtout chez le sportif de haut
ritairement une rééducation avec un recentrage niveau de compétition.
passif de la tête humérale en face de la glène, des Attention  ! Pour un sportif de haut niveau
massages décontracturants des muscles de la coiffe ou professionnel, la réalisation d’infiltration corti-
et des stabilisateurs de la scapula. Un renforcement coïde, bien qu’elle ne soit pas interdite par l’Agence
musculaire actif aidé de l’ensemble des muscles et mondiale antidopage (AMA), nécessite une infor-
tendons de la coiffe des rotateurs va permettre mation, car en cas de contrôle antidopage dans
de retrouver un bon centrage dynamique de la les semaines suivant le geste, il peut être contrôlé
tête humérale en face de la glène quelle que soit positif aux corticoïdes. Il faut donc lui remettre un
54 Traumatologie en pratique sportive

certificat médical expliquant la pathologie et les pratiqué. Le conflit postérosupérieur est une
produits utilisés, afin qu’il puisse les déclarer en cas pathologie relativement rare, souvent méconnue,
de contrôle antidopage inopiné. de présentation parfois atypique et qui doit rester
Pour le sportif amateur, il est conseillé de un diagnostic d’élimination. Il touche classique-
recommencer le sport sous contrôle d’un entraî- ment les patients jeunes pratiquant un sport de
neur vigilant à la récupération d’un geste efficace lancer (base-ball, handball…) ou nécessitant un
mais non agressif pour l’épaule convalescente. geste en abduction hyper-rotation externe (volley,
Le délai de retour au sport s’effectue lorsque tennis…). Le côté lésé est classiquement le côté
l’épaule est indolore, en particulier lorsqu’elle est dominant et le risque de lésion augmente avec le
testée dans les amplitudes potentiellement trau- niveau de pratique. Il s’agit le plus souvent d’une
matiques (rotation maximale externe et interne) à atteinte chronique et d’apparition progressive.
vitesse lente puis à vitesse rapide, lorsque le kinési-
thérapeute est assuré d’une bonne synchronisation
musculaire de la ceinture thoraco-scapulo-humérale. Physiopathologie
Une attention particulière doit être portée au maté-
riel avec lequel le sport est repris : il doit être plus
Le conflit glénoïdien postérosupérieur de l’épaule
léger, plus souple afin de travailler le geste en moin-
a été défini pour la première fois par Walch en
dre contrainte mécanique et sur des séquences plus
1991 par des douleurs chroniques de l’épaule,
courtes. Un principe prédomine lors de la reprise
sans notion d’instabilité associée, avec présence de
après blessure : peu de gestes mais de qualité avant
lésions de la face profonde de la coiffe. Si un phé-
d’introduire la quantité.
nomène d’hyperlaxité antérieure a pu être évoqué
Rappelons que le délai de cicatrisation naturelle
à la même époque par Jobe pour expliquer ces
d’un tendon lésé est de l’ordre de 6 semaines, et
douleurs chroniques, notamment chez les pitchers
qu’en dehors des douleurs provoquées par une
(lanceurs) au base-ball, il semblerait toutefois que
inflammation réversible du stade 1 de Neer, il
ces sportifs ne présentent pas d’épisode d’insta-
sera difficile de reprendre une pratique complète
bilité réelle et que le phénomène soit plutôt en
ou compétitive avant 1,5 mois. Rééducation et
rapport avec un conflit direct entre la face profonde
réathlétisation doivent mettre à profit ce délai pour
de la coiffe d’une part, le bord postérosupérieur de
rendre cette épaule indolore, centrée et resynchro-
la glène et le labrum correspondant d’autre part.
nisée tout en gardant un niveau de performance
Ce conflit physiologique serait accentué par une
physique globale compatible avec le niveau de
modification du centre de rotation de l’épaule avec
compétition attendu.
rétraction capsulaire postérieure et modification de
l’arc de rotation de l’épaule lors de l’armé.

7. Conflit postérosupérieur
Clinique
de l’épaule et SLAP lesion
L’interrogatoire s’attache à rapporter les caractéris-
A. Hardy
tiques épidémiologiques du patient (âge, sexe, bras
dominant, type de sport, niveau de pratique). Le
mécanisme d’apparition est classiquement atrau-
Épidémiologie matique ou microtraumatique. Une recherche
d’épisode d’instabilité sera systématique. La dou-
Les douleurs d’épaule chroniques sont le pre- leur est décrite le plus souvent comme un coup de
mier motif de douleurs chez le sportif réalisant poignard ou bien, dans certains des cas, comme
des gestes répétés en armé ou avec des lancers une simple gêne, voire comme une sensation de
répétitifs, et la première cause d’arrêt du sport bras mort. Le retentissement de cette pathologie
Chapitre 2. Épaule 55

sur la pratique sportive est important avec plus de par rapport au côté sain d’une part, et sur l’appa-
la moitié des patients ne pouvant pas la poursuivre. rition d’une limitation de l’arc global de rotation
L’analyse de la technopathie sera surtout inté- par rapport au côté sain supérieur à 5° (total
ressante chez le sportif par l’examen précis, à range of motion deficit) d’autre part (tableau 2.5).
l’aide parfois de la vidéo, du geste incriminé. Il Le patient rapporte classiquement une douleur
convient de toujours éliminer l’existence d’une postérieure à la position de l’armé en abduction
modification récente de la technique d’armé ou du et rotation latérale, signe à la fois très sensible et
matériel (nouvelle raquette, par exemple). Enfin, spécifique. Dans 1/3 des cas, le test de Jobe per-
les traitements déjà entrepris doivent être listés. met la disparition de cette douleur en imprimant
L’inspection recherche une dyskinésie scapulo- manuellement une translation postérieure de la tête
thoracique plutôt de type 3 selon Kibler (proémi- humérale du patient. Attention ! Cette douleur ne
nence bord supéromédial). doit pas être confondue avec l’appréhension soula-
La palpation permet d’éliminer des sources gée par le relocation test dans l’instabilité antérieure
potentielles de douleurs d’épaule différentielles d’épaule.
que sont l’articulation acromioclaviculaire ou les Le testing de la coiffe recherche des lésions de
vertèbres cervicales. la coiffe associées aux formes les plus évoluées
Lors du testing, un des signes les plus sim- de conflit postérosupérieur. À noter également
plement mis en évidence est l’apparition d’une que le test de conflit sous-acromial peut s’avérer
augmentation de la rotation latérale en position positif, en l’absence de conflit sous-acromial réel.
2 (rotation latérale en abduction) et d’une limita- L’hyperlaxité représente un diagnostic différentiel et
tion de la rotation médiale en position 2 (rotation doit être recherchée systématiquement (critères de
médiale en abduction). Ce signe doit être recher- Beighton). Les tests d’instabilité antérieure ou pos-
ché en décubitus dorsal afin de limiter au maxi- térieure doivent être normaux. Kibler recommande
mum les mouvements trompeurs de la scapula. une approche globale de la pathologie du lanceur,
La comparaison se fait par rapport au côté sain. comprenant une analyse de l’ensemble de la chaîne
Le diagnostic est porté sur une limitation de la cinétique et un traitement de chacune des dys-
rotation médiale en position 2 supérieure à 20° fonctions retrouvées, à savoir la diminution de la
(glenohumeral internal rotation deficit ou GIRD) rotation médiale passive de la hanche controlatérale,

Tableau 2.5. Analyse des secteurs de mobilité.


Côté sain Côté atteint

Rotation externe 2 (RE2) Rotation interne 2 (RI2) Range of motion


Bras dominant 110° 30° 140°
Bras controlatéral 80° 80° 160°
Différence dominant–sain + 30° GIRDS : 50° TROMD : 20°
GIRD : glenohumeral internal rotation deficit ; TROMD : total range of motion deficit.
56 Traumatologie en pratique sportive

la raideur lombaire et le trouble de la statique


unipodale du membre inférieur controlatéral.
Un bilan isocinétique doit idéalement être réa-
lisé dans un but diagnostique, mais aussi de suivi
et de rééducation. Les rotateurs latéraux ont un
rôle fondamental dans la phase de décélération
post-lancer et sont malheureusement souvent
déficitaires chez les lanceurs, majorant ainsi le
risque de blessure. Un objectif de ratio rotation
externe (RE)/rotation interne (RI)  >  0,7 est
recommandé afin de diminuer ce risque.

Imagerie
Le diagnostic radiologique est porté sur un fais- Figure 2.27. Sleeper stretch test.
ceau d’arguments à la recherche de kissing lesions,
conséquences du conflit postérosupérieur et de l’épaule et de toute la chaîne cinétique permettant
l’impact répété de la partie postérosupérieure le geste d’armé.
de la glène avec la tête humérale (la récente série Ces techniques visent à permettre au patient
du symposium de la Société française d’arthrosco- le retour au sport au niveau antérieur et à préve-
pie rapporte l’incidence de ces différentes lésions). nir l’apparition de lésions secondaires comme les
Le bilan d’imagerie nécessaire est le suivant : lésions de la coiffe.
• des radiographies standard face, 3 rotations, et
profil de Bernageau : recherche de sclérose, voire
d’une encoche (26 %), ou de kystes huméraux Indications thérapeutiques
postérosupérieurs (18 %). Au niveau glénoïdien,
Lorsque le traitement médical échoue, un traite-
des ostéophytes postérieurs peuvent être retrou-
ment chirurgical peut être proposé, mais il n’existe
vés sur le cliché de Bernageau (43 %) ;
actuellement pas de consensus sur les gestes tech-
• un arthroscanner ou une arthro-IRM : ils per-
niques permettant d’obtenir un résultat satisfai-
mettent un bilan combiné coiffe/labrum à
sant. L’école américaine préconise des gestes de
la recherche de lésions de la face profonde de la
capsulorraphie antérieure fondés sur l’hypothèse
coiffe postérosupérieure (59  %) et de lésions
de l’hyperlaxité antérieure, lorsque l’école française
labrales postérosupérieures (67 %) ;
recommande de traiter les kissing lesions elles-mêmes
• un scanner simple  : il pourra éventuellement
par des gestes sur la glène postérieure et le labrum.
être ajouté afin de permettre un bilan 3D plus
Il n’existe pas de consensus concernant la prise en
précis des lésions glénoïdiennes.
charge des lésions de la coiffe des rotateurs, fré-
quemment associées au conflit postérieur d’épaule
Traitement (74  %). L’abstention, le débridement simple des
lésions, la réparation après résection tendineuse ont
Principes thérapeutiques montré des résultats très aléatoires et souvent très
décevants.
Le traitement de cette pathologie est d’abord
médical et si possible préventif dès le plus jeune Résultats
âge, afin de diminuer le risque d’évolution vers les
lésions de la face profonde de la coiffe, tournant Les résultats du symposium de la Société française
péjoratif dans la pathologie. Les assouplissements, d’arthroscopie (Peduzzi et al.,  2019) mettent en
comme le sleepers stretch test (figure  2.27), ont évidence la persistance de douleurs au décours de la
montré leur efficacité mais aussi la rééducation de chirurgie chez plus de la moitié des patients (54 %),
Chapitre 2. Épaule 57

même si celle-ci est décrite comme une simple complication possible de celui-ci par l’école
gêne dans la plupart des cas (82  %). La chirurgie française, la superior labral from anterior to pos-
permet néanmoins une amélioration significative terior (SLAP) correspond à une lésion du pôle
des scores Kerlan-Jobe Orthopaedic Clinic (KJOC) supérieur du labrum en regard de l’insertion de
et Constant, respectivement 82 points  ±  19 et 81 la longue portion du biceps. Elles se classifient
points  ±  12. Le score KJOC est significativement selon Snyder, classification complétée par Maffet.
amélioré à 82 points en moyenne contre 44 en préo- Cette classification par imagerie d’apparence assez
pératoire, ce qui est une valeur proche de la normale simple se révèle finalement très peu reproductible
(> 90). Le score de Constant semble moins perti- notamment pour différencier les stades 1 et 2
nent, car moins spécifique pour l’évaluation de ces (figure 2.28).
patients. À noter cependant que pour la majorité des Le diagnostic clinique se fonde sur un faisceau
patients, ces douleurs résiduelles n’empêchent pas la de tests assez peu discriminants qui doivent de fait
reprise sportive. La capsulorraphie antérieure semble être utilisés ensemble. L’active compression test ou
donner de moins bons résultats avec notamment 3 test de O’Brien consiste en une élévation active
fois plus de douleurs postopératoires. contre résistance patient debout à 90° d’élévation
La présence d’une lésion de la coiffe est péjora- et 15° d’adduction  ; le test est positif en cas de
tive. Toutes les séries dans lesquelles une réparation douleurs en pronation disparaissant en supination.
de la coiffe est associée rapportent 25 à 35  % de Le Crank test est réalisé en abduction d’épaule à
reprise du sport au même niveau. En cas de geste 160°, coude fléchi à 90° : une compression dans
sur la coiffe, le débridement simple des lésions de l’axe du bras est exercée associée à des mouve-
coiffe semble moins péjoratif que la réparation. ments en RE–RI entraînant des douleurs en cas
Dans le symposium de la Société française d’arthro- de positivité. Le palm up test, avec élévation du
scopie ainsi que pour certains auteurs comme bras à 90° contre résistance dans le plan de la
Reynolds, autour de 55 % des patients reprennent scapula en supination, entraîne des douleurs en
le sport au même niveau. cas de positivité.
Le traitement médical de la SLAP lesion ne
diffère pas de celui du conflit postérosupérieur.
Délais de retour au sport Il se fonde sur l’analyse de l’ensemble des dés-
ordres fonctionnels (GIRD, dyskinésie scapulo-
Les résultats du symposium de la Société française thoracique…).
d’arthroscopie retrouvent 90 % de reprise sportive
dont un peu plus de la moitié (52  %) au même
niveau. Seuls 15  % ont dû changer de sport à
cause de leur épaule. Le délai moyen de reprise de
l’entraînement est de 6 mois ± 6 (1–48 mois) et
le délai moyen de reprise de la compétition est de
9,5 mois ± 6 (1–48 mois). La reprise du sport au
même niveau est 3 fois moins fréquente chez les
femmes, 4 fois moins fréquente en cas de géode
du trochiter préopératoire, alors que la présence
d’une lésion de la coiffe est au contraire associée à
3 fois plus de reprise au même niveau.

Cas particulier
de la SLAP lesion
Considérée comme partie intégrante du conflit Figure 2.28. Classification des SLAP lesions.
par l’école anglo-saxonne et plutôt comme une Source : Carole Fumat.
58 Traumatologie en pratique sportive

Après une période d’engouement initial ayant Physiopathologie


poussé les chirurgiens à traiter ces lésions de façon
systématique, certaines études récentes montrent Afin d’appréhender la biomécanique et la physio-
des résultats très modestes. À noter en particulier pathologie, il convient de bien comprendre l’ana-
l’étude de Schrøder ne trouvant pas de supériorité tomie complexe du grand pectoral. Il s’agit du
du traitement chirurgical des lésions SLAP II muscle le plus volumineux et le plus puissant de la
versus placebo. paroi thoracique, composé schématiquement de
En cas d’échec du traitement médical, Brock- trois faisceaux  : claviculaire, sternoclaviculaire et
meyer propose la prise en charge chirurgicale abdominal. Sa dénomination tient son origine de
suivante : l’attache proximale de chaque faisceau.
• type 1  : abstention ou débridement arthrosco- Sa vraie spécificité est son insertion distale
pique ; humérale. Prenant la forme d’un «  J  » ou d’un
• type 2 : réparation, ténotomie ou ténodèse ; «  U  », l’ordre d’insertion est inversé. Ainsi, la
• type 3 : résection de la lésion ; lame antérieure correspond à la partie claviculaire
• type 4 : réparation, ténotomie ou ténodèse. et sternale supérieure, alors que la lame pos-
térieure correspond à la partie sternale inférieure
et costo-abdominale. Les fibres les plus basses
(abdominales) forment la partie supérieure de
8. Rupture du grand la lame postérieure et les fibres les plus hautes
pectoral (sternales) forment la partie inférieure de la lame
postérieure. Cette insertion se fait sur la berge
C. Choufani latérale de la gouttière bicipitale.
Son principal rôle est d’assurer l’adduction–
rotation interne–antépulsion du bras. Sa rupture,
souvent indirecte, se produit donc lors d’un mouve­
Épidémiologie ment de contraction excentrique contre résis-
tance en position d’abduction–rotation externe
La rupture du grand pectoral est une lésion dont de l’épaule. L’exemple type en est le mouve-
la fréquence est probablement sous-évaluée, et ment de descente au développé couché ou l’armé
l’on peut dénombrer environ 500 cas publiés du bras contre résistance.
seulement concernant les atteintes tendineuses. Il aide également à la stabilisation gléno-humé-
Les lésions musculaires pures n’ont fait l’objet rale et protège le paquet vasculonerveux axillaire.
d’aucune publication. L’incidence est pourtant
croissante et multifactorielle. La pratique sportive
grandissante et parfois inadaptée et la consomma-
tion de produits anabolisants sont les principaux Clinique
facteurs contextuels reconnus.
Cette pathologie touche de préférence l’homme En cas de traumatisme majeur, le patient ressent
entre 40 et 50 ans, sportif compétiteur, pratiquant un craquement ou une vive douleur de la partie
la musculation ou le crossfit (50 % des cas pour ces proximale du bras avec parfois l’apparition locale
deux activités), ou des sports de contact (hand- d’un hématome, d’un œdème ou d’une ecchymose
ball, rugby, sports de combat). Les facteurs favori- du sillon deltopectoral. Le patient présente un
sants concernent la consommation d’anabolisants, minimum d’impotence fonctionnelle et de faiblesse
le tabagisme et une tendinopathie connue. musculaire.
Malgré l’incidence croissante, le diagnostic L’observation du relief musculaire peut révéler
demeure rare et méconnu en urgence (près de une verticalisation du bord latéral du corps mus-
50  % des cas) entraînant un retard de prise en culaire et un gap à la partie basse du sillon delto-
charge, préjudiciable. pectoral.
Chapitre 2. Épaule 59

La palpation du creux axillaire révèle un vide, Imagerie


une fine corde ou un amincissement par rapport au
côté sain. La présence d’une fine corde résiduelle La radiographie standard est le plus souvent
n’exclut pas la rupture tendineuse complète. La normale et peut rarement montrer une avulsion
rupture tendineuse peut être complète avec ou osseuse humérale à l’insertion tendineuse.
sans persistance du faisceau claviculaire inséré sur L’échographie demeure un examen de qualité
le moignon tendineux. entre les mains d’un radiologue expérimenté et
Même s’ils sont difficilement retrouvés à la permet de faire le diagnostic de rupture et du
phase aiguë, deux signes sont spécifiques : niveau lésionnel. Elle met en évidence l’héma-
• signe de la « prière » (membres supérieurs à 80° tome secondaire, signe indirect du diagnostic.
d’abduction, 30° d’élévation antérieure, en rota- L’IRM est l’examen de référence. Elle permet
tion interne et les mains en pression l’une contre d’affiner le diagnostic notamment en termes de
l’autre) : de face au niveau du creux axillaire, il gravité, précise le caractère partiel ou total de la
faut rechercher l’asymétrie des reliefs musculaires rupture et localise la rétraction tendineuse. En
et la perte du galbe musculaire correspondant outre, dans les formes anciennes, elle informe sur
à une vacuité du creux axillaire causée par la la dégénérescence graisseuse du corps musculaire.
rétractation musculaire (figure 2.29) ; Ses inconvénients sont comme à l’ordinaire le coût
• S signe  : de profil et en position d’extension et la difficulté d’accès.
maximale du bras, comparativement au côté L’intérêt de ces examens est également de
sain, on constate un galbe musculaire en forme rechercher les diagnostics associés/différentiels  :
de S du muscle grand pectoral. L’affaissement signes indirects ou directs de luxation d’épaule,
musculaire engendre une perte de l’aspect natu- lésions de la coiffe des rotateurs, rupture du ten-
rel rectiligne. don du long biceps.
L’examen clinique doit s’attarder à la recherche À l’issue de ce bilan d’imagerie, le diagnostic
de lésions associées qui peuvent également être sera précisé :
des éléments de diagnostics différentiels : luxation • rupture complète ou non ;
gléno-humérale, lésions de la coiffe des rotateurs, • site de la rupture  : le plus souvent située à
rupture proximale du tendon du long biceps. l’insertion tendineuse humérale (65 %), elle est
Dans ce contexte d’examen clinique difficile, aussi retrouvée à la jonction myotendineuse
il convient d’être attentif à ces traumatismes (27  %) ou ailleurs (avulsion osseuse  : 5  %,
associés ou différentiels. Leurs retentissements intratendineuse  : 1  %, corps musculaire  : 1  %,
pronostiques, thérapeutiques et fonctionnels sont insertion proximale : 1 %).
importants s’ils sont méconnus. • lésions associées/différentielles.

Traitement
Méthodes
Les deux options sont le traitement conservateur
et la chirurgie.

Traitement conservateur
Il consiste en une gestion de la douleur (antal-
Figure 2.29. Signe de la prière (côté gauche giques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, gla-
pathologique) : rétraction musculaire, perte du galbe çage, immobilisation), une rééducation précoce
musculaire, vacuité du creux axillaire. progressive adaptée à la douleur et une gestion de
60 Traumatologie en pratique sportive

l’hématome. Il faut lutter contre le saignement La classification en trois stades proposée par
(glaçage, immobilisation) et les calcifications Guiu rejoint cette philosophie (encadré 2.1).
secondaires (massages, ultrasons).
Encadré 2.1

Traitement chirurgical Classification en trois stades


L’objectif de la chirurgie est la réinsertion humérale de Guiu
corticale. La voie d’abord est axillaire ou deltopec- 1. Rupture complète du tendon distal du grand
pectoral (avec ou sans atteinte de la portion
torale étendue en distal. Les moyens de réinser-
claviculaire) :
tion sont multiples (vissage d’une avulsion osseuse,
1.1. avulsion distale complète du tendon ;
réinsertion tendineuse transosseuse sur ancres ou
1.2. avulsion distale complète du tendon
endobouton ou agrafes). En parallèle, il est possible avec expansion aponévrotique intacte ;
de renforcer la réparation en suturant les zones de 1.3. rupture complète «  intratendineuse  »
rupture myotendineuse et d’éviter des douleurs ou « myotendineuse » ;
résiduelles en réséquant les fragments osseux (risque 1.4. rupture complète «  intratendineuse  »
de pseudarthrose gênante). Lors d’une répara- ou « myotendineuse » associée à une lésion
tion  de  rupture ancienne (plus de 6 semaines), musculaire de la portion sternale supérieure.
du fait de la rétraction musculaire, il est nécessaire 2. Rupture tendineuse partielle :
de reconstruire la zone tendineuse à l’aide d’une 2.1. rupture subtotale du tendon ;
greffe pour combler le défect lié à la rétraction. 2.2. rupture isolée de la lame tendineuse
Quel que soit le traitement choisi, la rééducation postérieure (jamais de rupture isolée de la
doit respecter la douleur avec une période d’immo- lame antérieure).
bilisation protectrice et antalgique (4 à 6 semaines). 3. Lésions musculaires pures, les plus fré-
quentes :
Elle est débutée immédiatement avec des mouve­
3.1. désinsertion myotendineuse du fais-
ments passifs pendulaires, puis actifs progressifs
ceau claviculaire ;
sans résistance (3 à 6 semaines). Cette mobilisation
3.2. désinsertion myotendineuse des fais-
prévient l’apparition d’adhérences, favorise la cica- ceaux sternaux supérieurs ;
trisation tendineuse et évite la raideur articulaire. 3.3. désinsertion myotendineuse des fais-
Le renforcement à proprement parler ne débute pas ceaux sternaux inférieurs et abdominaux ;
avant le 3e mois, en fonction de l’évolution clinique 3.4. autres lésions.
et du contrôle échographique de la cicatrisation.

Les indications qui en découlent sont donc les


Indications suivantes :
• stade 1  : traitement chirurgical chez le sujet
Les éléments décisionnels dans le choix thérapeu- jeune sportif et/ou à forte demande fonction-
tique sont : nelle. La cicatrisation spontanée est impossible
• le type de rupture : totale ou partielle ; car la rétraction tendineuse ne le permet pas ;
• l’état des moignons tendineux ; • stade 2 :
• l’ancienneté de la lésion ; – par rupture partielle, il faut différencier :
• le terrain : âge, niveau sportif ; – l’atteinte complète de la lame tendineuse
• le retentissement  : gêne fonctionnelle, souhait postérieure : lésion grave qui doit faire dis-
et impératifs du patient. cuter la réparation chirurgicale chez le sujet
Les classifications anatomopathologiques sont jeune, d’autant plus s’il est sportif et de
multiples et complexes. Le choix thérapeutique haut niveau (prévention de la rupture de la
selon ces classifications reste difficile. seconde lame, amélioration de la récupéra-
Afin de simplifier la réflexion et le choix théra- tion fonctionnelle),
peutique, il convient de se recentrer sur le site de – l’atteinte partielle d’une des deux lames
l’atteinte : est-il tendineux ou musculaire ? tendineuse ;
Chapitre 2. Épaule 61

– le diagnostic de rupture partielle est donc un La chirurgie garantit une récupération complète
diagnostic insuffisant, il faut le préciser grâce ou presque.
à l’IRM ; Le traitement conservateur permet d’obtenir
• Stade 3  : traitement conservateur même s’il 70 à 80 % de bons résultats si l’indication est bien
existe un risque de préjudice esthétique. La posée, mais il expose aux inconvénients suivants :
lésion musculaire (lésion IRM grade 1 à 2 et hématome (infection, calcification), perte de force
selon le volume musculaire atteint) est une d’adduction de l’humérus, séquelles esthétiques
lésion d’une portion isolée musculaire (souvent et récidive.
la partie inférieure de la lame postérieure se
continuant par la lame antérieure). Délais de retour au sport
En résumé, le traitement est chirurgical pour
un sujet jeune, sportif, avec une rupture en zone Après le 3e mois, les exercices contre résistance
tendineuse (des deux lames, voire même une seule débutent avec une reprise légère des activités
des deux lames rompue). Dans les autres cas, il sportives. Entre le 5e et le 6e mois, les activi-
sera médical. tés  physiques complètes peuvent être reprises
progressivement (musculation), après un contrôle
clinique, échographique et isocinétique.
Complications
Si la prise en charge est de qualité, le sportif
En cas de traitement chirurgical, les complications pourra débuter ses activités autour du 3e mois et
sont celles liées à toute chirurgie et anesthésie. La espérer une reprise complète des mêmes activités au
rançon cicatricielle peut être importante, parfois même niveau entre 6 et 12 mois (90 % des athlètes).
rétractile surtout à la partie basse du sillon del-
topectoral, et lors d’abords extensifs pour des
ruptures anciennes qui font l’objet d’une recons- 9. Épaule neurologique
truction ambitieuse à l’aide d’autogreffe. Le
risque de lésion du nerf axillaire est exceptionnel microtraumatique
dans la voie d’abord chirurgicale. Des douleurs du sportif
chroniques peuvent survenir sur des fils de suture
non résorbables avec réaction inflammatoire. J. Rodineau
Dans le cadre d’un traitement conservateur,
peuvent survenir :
• un hématome volumineux ; Le développement des activités sportives, l’inten-
• une surinfection de cet hématome ; sification de l’entraînement, la multiplication des
• des calcifications secondaires ; compétitions favorisent l’apparition de lésions
• une récidive ; neurologiques microtraumatiques au niveau du
• une rupture complète en cas de lésion partielle complexe articulaire de l’épaule. Toutefois ces
initiale ; lésions restent souvent méconnues, faute d’un
• des douleurs chroniques de tendinopathie. examen soigneux de l’épaule.
Pourtant l’amplitude des mouvements de
Résultats l’épaule, la violence d’exécution de certains gestes
tels le service au tennis, le smash au volley-ball, le
Les ruptures relevant de la chirurgie et prises en lancer de javelot, le tir au handball doivent faire
charge dans les 3 semaines post-traumatiques redouter la survenue de telles lésions. Le trajet,
ont un pronostic très favorable avec plus de parfois compliqué, la longueur et la gracilité de
95 % de bons résultats fonctionnels. Les éléments certains troncs nerveux expliquent leur vulnérabi-
défavorables sont la prise en charge retardée lité au cours des activités sportives.
(après 6 semaines) et le terrain sous-jacent de Ces lésions concernent le nerf long thoracique
tendinopathie. (nerf de Charles Bell) et le nerf suprascapulaire.
62 Traumatologie en pratique sportive

Atteinte isolée du nerf ou progressivement. Son intensité est variable.


long thoracique Vive au début, elle peut disparaître en quelques
jours pour ne laisser qu’une sensation d’inconfort.
Plus souvent, elle est sourde et modérée, prenant
Ce nerf mesure 16 à 20 cm à partir de la réunion
parfois l’allure d’une simple gêne douloureuse. Des
de ses éléments constitutifs. Son diamètre est
recrudescences nocturnes sont parfois observées.
inférieur à celui du nerf phrénique. Il descend le
La topographie des douleurs est souvent impré-
long du gril costal et fait un coude sur la 2e côte
cise. C’est une «  douleur d’épaule  » intéressant
qui s’accentue lors de l’inspiration.
l’ensemble du moignon, ou sa partie postérieure
seule, ou la face externe du bras. Des irradiations
Physiopathologie vers le cou, le trapèze supérieur, la région inter-
scapulaire ou, au contraire, dans le bras et même
En 1979, Gregg et al. ont rapporté une série de l’avant-bras sont parfois notées. Elles sont cepen-
dix cas observés chez des sportifs et ont étudié la dant rares et ne prennent jamais une topographie
pathogénie de l’atteinte de ce nerf au cours des radiculaire précise.
activités sportives. Pour ces auteurs, il s’agit d’une La durée de la phase douloureuse est brève le
pathologie d’étirement, le plus souvent répétitive, plus souvent : elle disparaît en quelques jours ou
mais parfois unique et violente. La lésion se pro- quelques semaines. Une sensation d’inconfort
duit lors de la rotation et de l’inflexion latérale du peut cependant persister.
rachis cervical du côté opposé au bras dominant : La gêne fonctionnelle dépend de la gravité de
service au tennis, lancer du javelot. Un mouvement l’atteinte neurologique et de son stade évolutif.
violent d’antépulsion de l’épaule succède à la phase Le plus souvent, elle fait suite à la phase algique
d’armé du bras et augmente l’étirement du nerf précédemment décrite. Elle peut s’installer rapi-
entre ses deux points de fixation proximal et distal. dement après cette dernière ou seulement dans un
En pratique sportive, d’autres mécanismes délai de quelques jours. Elle paraît essentiellement
lésionnels peuvent être retrouvés : liée à la souffrance des différents éléments de
• une traction brutale sur le bras (sports de la ceinture scapulaire dont le fonctionnement
combat) ; harmonieux est perturbé par l’atteinte neurolo-
• la contraction violente du muscle dentelé anté- gique. Elle est surtout nette lors des mouvements
rieur lorsque le bras se place devant le thorax effectués le bras au-dessus de l’horizontale. Pour
(tennis et sports de raquette lors du mouve- le sportif, elle se présente sous différents aspects :
ment final du smash ou du coup droit) ; « fatigabilité » du membre supérieur, « endoloris-
• la lutte contre l’abaissement passif du moignon sement » de l’épaule, difficulté à lever le bras, et
de l’épaule peut entraîner une lésion du nerf elle se traduit par une perte d’efficacité au service,
lors de la contraction intense du muscle (halté- un manque de force au lancer, une maladresse
rophilie) ; pour tirer au panier. Ces différents symptômes
• la rétropulsion forcée du bras et du moignon de sont aggravés par les exercices physiques mais ils
l’épaule (bowling). ne sont pas suffisamment gênants pour entraîner
l’arrêt des activités sportives.
Motifs de la consultation La déformation de l’épaule, caractérisée par
une bascule de l’omoplate, est évidente dans les
Ils sont au nombre de trois : des douleurs d’épaule, atteintes sévères. Toutefois, même dans ces cas, il
une gêne fonctionnelle, la constatation d’une est fréquent qu’elle n’apparaisse qu’au bout de 8 à
déformation de la région postérieure de l’épaule. 10 jours, loin de l’épisode douloureux inaugural.
Le côté dominant est le plus souvent atteint. Dans les formes légères, la bascule de l’omoplate
La douleur constitue la manifestation inaugurale n’est pas décelable par le patient ou par son entou-
la plus fréquente. Elle peut apparaître brutalement rage. Elle n’est donc pas un motif de consultation.
Chapitre 2. Épaule 63

Examen clinique
Dans les formes sévères, la simple inspection
suffit à faire le diagnostic. Le bord spinal de la
scapula fait une saillie plus ou moins nette. Il s’y
associe une perte de l’inclinaison en bas et en
dehors de ce bord spinal, une saillie de l’épine,
une ascension de l’angle inférieur (figure  2.30).
Les mouvements d’élévation antérieure et latérale
du bras sont limités et parfois leur amplitude ne
dépasse pas 90°.

Figure 2.31. Aspect clinique d’un patient présentant


une paralysie du trapèze droit.

faisant répéter les mouvements et en les faisant


exécuter contre résistance : appui contre un mur
ou le sol.
Dans tous les cas, le reste de l’examen clinique
est normal. La mobilité passive de l’épaule n’est
pas limitée. L’étude des contractions isométriques
est indolore. Le rachis cervical est souple et non
douloureux. Le bilan neurologique du membre
supérieur est normal.

Figure 2.30. Aspect clinique d’un patient présentant Bilan électrique


une lésion du nerf long thoracique.
De réalisation technique délicate, il permet de
confirmer les données de la clinique et de détecter
Diagnostic différentiel les premiers signes de réinnervation.
Il se pose avant tout avec les lésions de la branche
latérale du nerf spinal qui est responsable d’une Traitement
paralysie du trapèze. Dans ce dernier cas, la posi-
tion que prend l’omoplate au cours des mouve- Dès que le diagnostic est posé, il faut d’emblée
ments d’élévation du bras est tout à fait différente imposer l’arrêt du geste nocif quel que soit le
et sa principale caractéristique est de s’éloigner de degré du déficit neurologique.
la ligne des scapulae et de s’abaisser (figure 2.31). Si l’atteinte est récente, la rééducation n’est
Dans les atteintes plus modérées, la déformation entreprise que lorsqu’on a la certitude que la
est peu apparente au repos. Elle devient visible réinnervation a débuté et, à ce stade, l’examen
lors des mouvements d’antépulsion du membre électrique présente de l’intérêt pour en détecter
supérieur. Elle est accentuée par le freinage du les premiers signes.
mouvement à la descente du bras et surtout par la Lorsque le sportif est en phase d’état, la réédu-
répétition des mouvements. cation peut être entreprise d’emblée, car on peut
Dans les formes frustes, l’inspection est nor- estimer ou se rendre compte que la réinnervation
male. Le défaut de fixation scapulaire apparaît en est déjà en cours.
64 Traumatologie en pratique sportive

La rééducation est analytique et globale. Les Physiopathologie


techniques utilisées varient avec l’importance du
déficit et le stade de récupération. Bien conduite, Les atteintes microtraumatiques sont liées à des
la «  thérapeutique rééducative peut avoir une gestes sportifs, effectués dans des amplitudes
influence déterminante sur la rapidité et la qualité extrêmes. Le nerf suprascapulaire a trois points
de cette récupération » (Grossiord). fixes  : son origine cervicale et les deux défilés
ostéofibreux qu’il traverse.
Relâché au repos, bras le long du corps, le nerf
Évolution et pronostic se tend sur le bord médial de l’échancrure et du
ligament coracoïdien lors de l’abaissement violent
L’évolution est favorable dans la majorité des
de la ceinture scapulaire ou lors de l’antépulsion, de
cas et aboutit à une récupération complète de
l’abduction et de la rotation externe active
l’atteinte neurologique. Toutefois, l’amorce de la
de l’épaule. L’adduction horizontale du bras
récupération peut être tardive et ne commencer
applique le nerf en état de tension contre la fosse
qu’au bout de plusieurs semaines. La récupération
supra-épineuse. Le nerf suprascapulaire étant rela-
d’une force normale est lente et peut s’étaler
tivement fixé dans l’échancrure, les mouvements
sur un délai de temps très variable  : quelques
de la scapula entraînent sa « friction » à ce niveau :
semaines jusqu’à plus de 12 mois. Dans certains
des microtraumatismes répétés peuvent alors
cas, la récupération est incomplète. Ce n’est
induire un épaississement du nerf qui favorise sa
qu’exceptionnellement que l’atteinte motrice ne
compression. L’hypertrophie du ligament ou un
s’améliore pas.
conflit entre le ligament et un nerf épaissi peuvent
également entraîner une compression du nerf.
Moins souvent rapportée est l’existence d’un
Atteinte isolée du nerf conflit situé au niveau de l’échancrure spino-
suprascapulaire glénoïdienne. Ferreti a étudié cette atteinte chez
les joueurs de volley-ball. Elle serait due à sa mise
Anatomie en tension répétée, notamment lors du service
«  flottant  », et entraîne une atrophie isolée pro-
Ce nerf naît de la réunion des branches pos- gressive du muscle infra-épineux.
térieures du tronc primaire supérieur. Il se dirige Par ailleurs, tout geste induisant une traction
en bas, en dehors et en arrière en passant sur le violente du nerf est susceptible de le léser. C’est
trapèze et l’omo-hyoïdien. Il pénètre dans la fosse ainsi que la mobilité importante de la scapula
supra-épineuse par l’échancrure coracoïdienne, peut provoquer un étirement entre le point fixe
transformée en canal par le ligament coracoïdien proximal et les deux autres. Le nerf peut ainsi être
qui la ferme à sa partie supérieure. Il effectue lésé lors des mouvements d’antépulsion du moi-
à ce niveau un trajet en baïonnette. Il traverse gnon associés à une rotation interne de l’épaule, de
ensuite la fosse supra-épineuse. Il contourne le rétropulsion associés à une rotation externe active,
bord latéral de l’épine de la scapula contre lequel d’adduction horizontale du bras devant la poitrine.
il est appliqué par le ligament spinoglénoïdien. À Ces différents mécanismes lésionnels se retrouvent,
ce niveau, il se réfléchit à 90° vers le bas. Il se ter- isolés ou associés, dans les gestes «  d’armé  » du
mine à la face profonde du muscle infra-épineux. bras (smash, service) et dans les lancers. La vitesse
Durant son trajet, ce nerf offre donc la particula- d’exécution du geste, la répétition du mouvement
rité de traverser deux canaux ostéoligamentaires sont des facteurs d’aggravation incontestables.
et de rencontrer deux poulies de réflexion. De Enfin, une autre cause de lésion microtrauma-
diamètre relativement important, le nerf supras- tique du nerf a été plus récemment rapportée dans
capulaire peut être comprimé mais, plus encore, la littérature : une compression par une formation
étiré au niveau d’une de ces « portes étroites ». kystique développée à partir de la capsule articulaire
Chapitre 2. Épaule 65

postérieure ou du labrum glénoïdien postérieur.


Les études publiées montrent la fréquence de la
localisation du kyste dans l’échancrure spinoglé-
noïdienne, entraînant une compression de la partie
distale du nerf et une amyotrophie isolée du muscle
infra-épineux. Plus rarement, la lésion se situe au
niveau de l’échancrure coracoïdienne : la compres-
sion du nerf entraîne une atrophie des muscles
supra-épineux et infra-épineux.

Motifs de consultation
Ce sont essentiellement des douleurs de l’épaule.
La douleur est d’apparition brusque le plus Figure 2.32. Aspect clinique d’un patient présentant
souvent, contemporaine d’un geste sportif vio- une lésion du nerf suprascapulaire droit.
lent. Parfois, elle peut s’installer progressivement
sous la forme d’une douleur profonde. Elle peut La mobilité active de l’épaule est d’amplitude
ensuite persister et devenir peu à peu plus intense normale, mais une douleur à l’adduction horizon-
et lancinante. En général, elle siège au niveau des tale du bras peut être constatée. Dans certains cas,
faces postérieure et latérale de l’épaule et peut irra- des signes de dysfonctionnement articulaire sont
dier vers les fosses supra- et infra-épineuses. Elle observés au cours de l’étude de la mobilité active.
est parfois mal localisée. Elle est surtout nette lors Ils font évoquer une tendinite du sus-épineux
de l’échauffement et, au cours des activités, dans par la présence d’un arc douloureux lors du pas-
les mouvements d’élévation antérieure et latérale. sage à l’horizontale ou peuvent même imiter
Elle reflète la perte de l’équilibre musculaire de la une rupture de la coiffe lorsque le mouvement
coiffe des rotateurs et du rythme scapulo-huméral. d’abduction est difficile. La mobilité passive de
L’impotence fonctionnelle de l’épaule est l’épaule est toujours normale.
modérée car le déficit moteur est plus ou moins En isométrique, la force d’abduction est
compensé par l’action du deltoïde, d’une part et conservée le plus souvent ou n’est que légèrement
du petit rond, d’autre part. déficitaire. En revanche, il existe un déficit, parfois
Un manque de précision au cours des gestes considérable, de la rotation externe quelle que
sportifs, une fatigabilité du bras lors des activités soit la position de testing: coude au corps, bras en
prolongées sont constatés dans certains cas. abduction à 90° ou en élévation antérieure à 90°.
À la palpation, les muscles déficitaires sont
douloureux. La pression appuyée de l’échancrure
Examen clinique coracoïdienne provoque parfois une douleur tra-
L’amyotrophie n’apparaît qu’au bout de quelques çante, irradiant vers l’extrémité externe de la
semaines dans les formes traumatiques vraies. De clavicule ou la partie postérieure de l’articulation
toute façon, elle n’est pas toujours évidente à gléno-humérale.
l’inspection. Elle est plus visible au niveau de la Le reste de l’examen clinique (rachis cervical,
fosse infra-épineuse (figure  2.32) dont la vacuité bilan neurologique) est sans particularité.
doit être systématiquement recherchée en faisant
varier la position de la ceinture scapulaire : hausse- Bilan électrique
ment d’épaule, ante- et rétropulsion du moignon.
L’amyotrophie du supra-épineux n’est souvent Il permet de confirmer l’atteinte neurologique,
constatée qu’à la palpation du muscle. d’en préciser le degré et de localiser le niveau
66 Traumatologie en pratique sportive

lésionnel. Le tracé est toujours très pauvre dans étude de ces masses de contour net et régulier et
l’infra-épineux. Dans le supra-épineux, il est plus qui sont arrondies ou polylobées. L’IRM montre
riche et, à ce niveau, il est normal lorsque la lésion un hyposignal homogène sur les images pondé-
neurologique se fait après la naissance de fibres rées en T1 et un hypersignal homogène sur les
d’origine du rameau innervant ce muscle. images pondérées en T2. On peut aussi noter
un rehaussement périphérique du signal après
injection intraveineuse d’un produit de contraste
Imagerie paramagnétique. De plus, l’IRM permet une
localisation correcte de ces masses, objectivant
Le diagnostic de certitude de compression du nerf
notamment une éventuelle extension aux fosses
suprascapulaire par une formation kystique a été
sus-épineuse ou sous-épineuse.
affirmé par l’IRM.
Enfin, elle évalue le degré d’atrophie des mus-
À l’arthrographie, ces kystes ne sont pas visibles
cles supra-épineux et infra-épineux, secondaire à la
car, le plus souvent, ils ne sont pas remplis par
compression du nerf suprascapulaire. L’infiltration
le produit de contraste. Cette technique permet
graisseuse est caractérisée par des bandes en hyposi-
toutefois d’éliminer une rupture de la coiffe des
gnal sur les images pondérées en T1, dont le signal
rotateurs.
diminue sur les images pondérées en T2. L’œdème
La TDM simple ne semble pas non plus être une
se manifeste par des signaux iso-intenses par rapport
méthode de choix dans la détection de ces kystes
aux muscles sur les images pondérées en T1 et
au contenu épais, souvent isodense par rapport
hyper-intenses sur les images pondérées en T2.
aux muscles adjacents. A posteriori cependant, on
Plus récemment, certains auteurs ont montré
peut évoquer, comme signe indirect de l’existence
l’intérêt de l’échographie dans le diagnostic de
d’un kyste, l’effacement de la graisse dans l’échan-
ces kystes.
crure spinoglénoïdienne.
L’arthroscanner est un examen contributif
lorsqu’il montre la formation kystique opacifiée Traitement
par l’injection intra-articulaire. Cependant, son
résultat est aléatoire : le kyste peut être complète­ L’attitude thérapeutique dépend de l’étiopatho-
ment exclu ou sa consistance gélatineuse empê- génie de l’atteinte neurologique.
cher la pénétration rapide du produit de contraste. Dans les formes par étirement, lorsque le diag-
Ce dernier point souligne l’intérêt des coupes nostic est précoce, l’arrêt du geste nocif est obli-
TDM tardives, réalisées après mobilisation de gatoire.
l’articulation. Dès les premiers signes de réinnervation, une
L’excellente résolution en contraste de l’IRM rééducation analytique est entreprise. Elle est
(figure  2.33) permet, en revanche, une bonne poursuivie jusqu’à récupération complète ou

Figure 2.33. IRM montrant un kyste compressif entraînant une lésion du nerf suprascapulaire.
Chapitre 2. Épaule 67

stabilisation durable, guidée par des bilans élec- L’atteinte du nerf long thoracique est le plus
triques successifs. souvent due à un mécanisme par étirement.
On a également proposé d’effectuer des infil- L’atteinte du nerf suprascapulaire se fait égale-
trations locales de corticoïdes (une à trois) au ment par étirement dans de nombreux cas, mais
niveau de l’échancrure coracoïdienne. le diagnostic de compression par une formation
L’exploration chirurgicale est conseillée par cer- kystique ne doit pas être négligé.
tains auteurs lorsque le déficit moteur reste total Les examens complémentaires de routine sont
après 6 à 8 semaines, mais, dans notre expérience, représentés par un bilan électrique orienté. Tou-
la section du ligament coracoïdien ou la véritable tefois, après confirmation de l’atteinte du nerf
neurolyse chirurgicale ne doivent jamais être pro- suprascapulaire, la recherche d’une formation kys-
posées avant le 6e mois et uniquement dans les tique susceptible de comprimer ce nerf doit être
formes post-traumatiques avec augmentation de actuellement envisagée. L’IRM apporte un tribut
la distance « mastoïde–clavicule ». fondamental à ce diagnostic.
Dans les syndromes par compression, la mise en Lorsque le diagnostic étiologique est établi, il
évidence d’une masse comprimant le nerf incite faut souligner l’importance de la suppression du
le plus souvent à son exérèse chirurgicale par geste nocif dans le traitement des atteintes du nerf
abord postérieur direct. Dans le cas d’un kyste et, à un degré moindre, dans les lésions récentes
synovial, l’excision par arthroscopie ou l’aspira- du nerf suprascapulaire.
tion percutanée guidée par TDM ou échographie Dans les atteintes du nerf suprascapulaire par
et complétée par l’injection intrakystique d’une compression, il faut souligner l’importance des
petite quantité de corticoïdes sont également gestes locaux : exérèse de la formation, ponction
proposées. et infiltration du kyste.
Dans l’ensemble, le pronostic est souvent
bon et la récupération complète ou importante
Évolution et pronostic lorsque les microtraumatismes sont supprimés et la
rééducation correctement menée. Le pronostic est
Lorsque la lésion est reconnue précocement et toutefois meilleur dans les atteintes du nerf long
traitée correctement, le déficit moteur se nor- thoracique que dans celles du nerf suprascapulaire.
malise en 3 à 9 mois et les douleurs disparaissent
progressivement. Dans le cas contraire, si le diag- Pour en savoir plus
nostic est tardif ou si le sportif refuse l’arrêt, on Fracture de la clavicule
assiste à un passage à la chronicité, favorisée par Frey A, Lambert C, Vesselle B, Rousseau R, Dor F, Mar-
la persistance des microtraumatismes. Le déficit quet LA, et al. Epidemiology of Judo-related injuries
moteur est pérennisé et devient irréversible. La in 21 seasons of competitions in France: A pros-
persistance de douleurs d’effort, l’imprécision des pective study of relevant traumatic injuries. Orthop J
gestes sportifs, la gêne fonctionnelle aboutissent Sports Med 2019;7(5). 2325967119847470.
Huttunen TT, Launonen AP, Berg HE, Lepola V, Felländer-
à une certaine difficulté à poursuivre l’activité Tsai L, Mattila VM. Trends in the Incidence of clavicle
sportive en cause. fractures and surgical repair in Sweden: 2001-2012.
J Bone Joint Surg Am 2016;98(21):1837–42.
Kihlström C, Möller M, Lönn K, Wolf O. Clavicle frac-
tures: epidemiology, classification and treatment of
Conclusion 2 422 fractures in the Swedish Fracture Register;
an observational study. BMC Musculoskelet Disord
Chez un sportif, devant une douleur de l’épaule 2017;18(1):82.
mal systématisée, il faut savoir évoquer une patho- Robertson GAJ, Wood AM. Return to sport following
clavicle fractures: a systematic review. Br Med Bull
logie neurologique d’origine microtraumatique
2016;119(1):111–28.
touchant le nerf long thoracique ou le nerf Zlowodzki M, Zelle BA, Cole PA, Jeray K, McKee
suprascapulaire. Les douleurs sont souvent révéla- MD. Evidence-Based Orthopaedic Trauma Working
trices et la gêne fonctionnelle modérée. Group. Treatment of acute midshaft clavicle fractures:
68 Traumatologie en pratique sportive

systematic review of 2144 fractures: on behalf of Glass ER, Thompson JD, Cole PA, Gause TM, Altman
the Evidence-Based Orthopaedic Trauma Working GT. Treatment of sternoclavicular joint dislocations:
Group. J Orthop Trauma 2005;19(7):504–7. a systematic review of 251 dislocations in 24 case
Entorses et luxations acromioclaviculaires series. J Trauma 2011;70(5):1294–8.
Barth J, Duparc F, Andrieu K, Duport M, Toussaint B, Laffosse JM, Espié A, Bonnevialle N, Mansat P, Tricoire JL,
Bertiaux S, et  al. Is coracoclavicular stabilisation Bonnevialle P, et al. Posterior dislocation of the sterno-
alone sufficient for the endoscopic treatment of clavicular joint and epiphyseal disruption of the medial
severe acromioclavicular joint dislocation (Rockwood clavicle with posterior displacement in sports participants.
types III, IV, and V)? Orthop Traumatol Surg Res J Bone Joint Surg Br 2010;92(1):103–9.
2015;101(8):S297–303. Peebles LA, Aman ZS, Preuss FR, Samuelsen BT, Zajac
Barth J, Duparc F, Baverel L, Bahurel J, Toussaint B, TJ, Patel RB, et al. Chronic instability and pain of the
Bertiaux S, et al. Prognostic factors to succeed in surgi- sternoclavicular joint: treatment with semitendinosus
cal treatment of chronic acromioclavicular dislocations. allograft to restore joint stability. Arthrosc Tech
Orthop Traumatol Surg Res 2015;101(8):S305–11. 2019;8(6):e629–35.
Beitzel K, Cote MP, Apostolakos J, Solovyova O, Judson Sernandez H, Riehl J. Sternoclavicular joint dislocation:
CH, Ziegler CG, et al. Current concepts in the treat- a systematic review and meta-analysis. J Orthop
ment of acromioclavicular joint dislocations. Arthrosc Trauma 2019;33(7):e251–5.
J Arthrosc Relat Surg 2013;29(2):387–97. Sewell MD, Al-Hadithy N, Le Leu A, Lambert SM. Insta-
Bergfeld JA, Andrish JT, Clancy WG. Evaluation of the bility of the sternoclavicular joint: current concepts in
acromioclavicular joint fol lowi ng first- and second- classification, treatment and outcomes. Bone Joint J
degree sprains. Am J Sports Med 1978;6(4):153–9. 2013;95-B(6):721–31.
Canadian Orthopaedic Trauma Society. Multicenter ran- Tepolt F, Carry PM, Heyn PC, Miller NH. Posterior
domized clinical trial of nonoperative versus operative sternoclavicular joint injuries in the adolescent popu-
treatment of acute acromio-clavicular joint disloca- lation: a meta-analysis. Am J Sports Med 2014;
tion. J Orthop Trauma 2015;29(11):479–87. 42(10):2517–24.
Clavert P, Meyer A, Boyer P, Gastaud O, Barth J, Duparc Luxation gléno-humérale aiguë – Instabilité
F. Complication rates and types of failure after arthro- gléno-humérale chronique
scopic acute acromioclavicular dislocation fixation. Abrams JS, Bradley JP, Angelo RL, Burks R. Arthroscopic
Prospective multicenter study of 116 cases. Orthop management of shoulder instabilities: anterior, pos-
Traumatol Surg Res 2015;101(8):S313–6. terior, and multidirectional. Instr Course Lect 2010;
Kay J, Memon M, Alolabi B. Return to sport and clinical 59:141–55.
outcomes after surgical management of acromioclavi- Barbier O, Versier G. Instabilité chronique antérieure et
cular joint dislocation: a systematic review. Arthrosc J postérieure de l’épaule  : technique conventionnelle,
Arthrosc Relat Surg 2018;34(10). 2910-24.e1. traitement à ciel ouvert. Encyl Méd Chir (Elsevier,
Longo UG, Ciuffreda M, Rizzello G, Mannering N, Maf- Paris). Techniques chirurgicales, orthopédie, trauma-
fulli N, Denaro V. Surgical versus conservative mana- tologie 2016;11(1):1–21. [Article 44-261].
gement of type III acromioclavicular dislocation: a Boone JL, Arciero RA. . First-time anterior shoulder dis-
systematic review. Br Med Bull 2017;122(1):31–49. locations: has the standard changed? Br J Sports Med
Mouhsine E, Garofalo R, Crevoisier X, Farron A. Grade 2010;44:355–60.
I and II acromioclavicular dislocations: results of Hovelius L, Olofsson A, Sandström B, Augustini BG, Krantz
conservative treatment. J Shoulder Elbow Surg L, Fredin H, et al. Nonoperative treatment of primary
2003;12(6):599–602. anterior shoulder dislocation in patients forty years of
Prevot N, Hardy P. Pathologie acromioclaviculaire chro- age and younger. a prospective twenty-five-year follow-
nique. EMC - Appareil locomoteur 2006;1(1):1–6. up. J Bone Joint Surg Am 2008;90:945–52.
[Article 14-346-A-10]. Khiami F, Gérometta A, Loriaut P. Conduite à tenir devant
Tang G, Zhang Y, Liu Y, Qin X, Hu J, Li X. Comparison une première luxation gléno-humérale traumatique
of surgical and conservative treatment of Rockwood antérieure récente. In : Conférences d’enseignement
type-III acromioclavicular dislocation: a meta-analy- de la Sofcot 2014. Issy-les-Moulineaux  : Elsevier
sis. Medicine (Baltimore) 2018;97(4):e9690. Masson 2014;73–83.
Virk MS, Apostolakos J, Cote MP, Baker B, Beitzel K, Khiami F, Gérometta A, Loriaut P. Management of recent
Mazzocca AD. Operative and nonoperative treat- first-time anterior shoulder dislocations. Orthop
ment of acromioclavicular dislocation: a critical ana- Traumatol Surg Res 2015;101(1 Suppl):S51–7.
lysis review. JBJS Rev 2015;3(10):1. Gerber C, Nyffeler RW. Classification of glenohumeral
Entorses et luxations sternoclaviculaires joint instability. Clin Orthop Relat Res 2002;400:65–76.
de Jong KP, Sukul DM. Anterior sternoclavicular disloca- Ma R, Brimmo OA, Li X, Colbert L. Current Concepts in
tion: a long-term follow-up study. J Orthop Trauma rehabilitation for traumatic anterior shoulder instability.
1990;4(4):420–3. Curr Rev Musculoskelet Med 2017;10(4):499–506.
Chapitre 2. Épaule 69

Rowe CR, Sakellarides HT. Factors related to recurrences Van Kleunen JP, Tucker SA, Field LD, Savoie FH 3rd.
of anterior dislocations of the shoulder. Clin Orthop Return to high-level throwing after combination
1961;20:40–8. infraspinatus repair, SLAP repair, and release of gle-
Sirveaux F, Molé D, Walch G. Instabilités et luxations nohumeral internal rotation deficit. Am J Sports Med
glénohumérales. EMC - Appareil locomoteur 2002. 2012;40(11):2536–41.
[Article 14-037-A-10]. Walch G, Liotard JP, Boileau P, Noël E. Le conflit
Tendinopathie et conflit d’épaule glénoïdien postéro-supérieur. Un autre conflit de
Craft JA, Kurzweil PR. Physical examination and imaging of l’épaule. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot
medial collateral ligament and posteromedial corner 1991;77(8):571–4.
of the knee. Sports Med Arthrosc Rev 2015;23(2). Wilk KE, Williams RA Jr, Dugas JR, Lyle Cain E Jr,
Elliott M, Johnson DL. Management of medial-sided knee Andrews JR. Current concepts in assessment and
injuries. Orthopedics 2015;38(3):180–4. rehabilitation of the thrower’s shoulder. Oper Tech
Grawe B, Schroeder AJ, Kakazu R, Messer MS. Lateral Sports Med 2016;24:170–80.
collateral ligament  injury about the knee: anatomy, Rupture du grand pectoral
evaluation, and management. J Am Acad Orthop Butt U, Saurabh M, Lennard F, Puneet MO. Pectoralis
Surg 2018;26(6):e120–7. major ruptures: a review of current management. J
Kapandji AI. Anatomie fonctionnelle. Tome  1  : membre Shoulder Elbow Surg 2015;24:655–62.
supérieur. 7e éd. Maloine ; 2018. Guiu R, Werthel JD, Menguy-Fleuriot A, Schlur C.
Wijdicks CA, Griffith CJ, Johansen S, Engebretsen L, Muscle grand pectoral  : une nouvelle classification
LaPrade RF. Injuries to the medial collateral ligament des lésions tendineuses et musculaires distales. J
and associated medial structures of the knee. J Bone Traumatol Sport 2017;34:208–16.
Joint Surg Am 2010;92(5):1266–80. Kakwani RG, Matthews JJ, Kumar KM, Pimpalnerkar A,
Conflit postéro-supérieur de l’épaule et SLAP lesion Mohtadi N. Rupture of the pectoralis major muscle:
Brockmeyer M, Tompkins M, Kohn D, Lorbach O. SLAP surgical treatment in athletes. International Ortho-
Lesions: a treatment algorithm. Knee Surg Sports paedics 2007;31:159–63.
Traumatol Arthrosc 2016;24(2):447–55. Tomcovcik L, Morochovic R, Resutik R. Pectoralis major
Meserve BB, Cleland JA, Boucher TR. A meta-analysis muscle rupture: more than 440 cases already repor-
examining clinical test utility for assessing superlior ted. A review of the recent literature. Eur J Orthop
labral anterior posterior lesions. Am J Sports Med Surg Traumatol 2012;22:603–8.
2009;37(11):2252–8. Wurm M, Imhoff AB, Siebenlist S. Surgical repair of acute
Peduzzi L, Grimberg J, Chelli M, Lefebvre Y, Levigne C, pectoralis major muscle ruptures. Review article Oper
Kany J, et al. Internal impingement of the shoulder Orthop Traumatol 2018;6:1–8.
in overhead athletes: Retrospective multicentre study Épaule neurologique microtraumatique du sportif
in 135  arthroscopically-treated patients. Orthop Ferretti A, De Carli A, Fontana M. Injury of the supras-
Traumatol Surg Res 2019;105(8S):S201–6. capular nerve at the spinoglenoid notch. The natural
Reynolds SB, Dugas JR, Cain EL, McMichael CS, Andrews history of infraspinatus atrophy in volleyball players.
JR. Débridement of small partial-thickness rotator Am J Sports Med 1998;26(6):759–63.
cuff tears in elite overhead throwers. Clin Orthop Gregg JR, Labosky D, Harty M, Lotke P, Ecker M,
Relat Res 2008;466(3):614–21. DiStefano V, Das M. Serratus anterior paralysis in
Schrøder CP. SLAP lesions. An Opinion Piece. Open the young athlete. J Bone Joint Surg Am 1979;
Orthop J 2018;12:342–5. 61(6A):825–32.
Chapitre 3
Coude
Articulation intermédiaire du membre supérieur, Une bonne connaissance de l’anatomie et la
le coude a pour fonction de transmettre à la main compréhension des facteurs de la stabilité du coude,
les mouvements et l’énergie générés au niveau de la osseux et ligamentaires intriqués, sont nécessaires
ceinture scapulaire et de l’épaule, de positionner pour appréhender les lésions traumatiques aiguës
la main dans l’espace par la flexion–extension et et chroniques, qu’elles soient ligamentaires ou
de l’orienter par sa participation à la pronosupina- osseuses pures, ou ostéoligamentaires. Une prise
tion. L’articulation elle-même est entourée d’un en charge adaptée vise à éviter les séquelles domi-
environne­ment musculotendineux fait principale- nées par l’enraidissement, mais aussi les douleurs
ment de muscles bi- ou pluri-articulaires qu’elle et l’instabilité.
partage avec l’épaule sus-jacente pour les muscles
antérieurs et postérieurs, et avec le poignet et la
main sous-jacente pour les muscles latéraux. Rappel anatomique
Toutes ces structures articulaires et péri-articu-
laires peuvent en pathologie sportive subir les consé-
et physiologique
quences d’accidents aigus ou faire l’objet d’une
pathologie d’hyperutilisation. Articulation unique, le coude assure deux fonc-
Dans toutes les situations, la proximité des axes tions, flexion–extension et pronosupination, mettant
vasculaires et nerveux peut expliquer des compli- en présence trois pièces osseuses, humérus, radius et
cations que ce soit lors de traumatismes ou lors de ulna unis par un appareil capsuloligamentaire.
la prise en charge thérapeutique.
Seront successivement présentées les patho-
logies articulaires proprement dites, ostéocarti- Anatomie osseuse (Figure 3.1a)
lagineuses et ligamentaires, et les pathologies • Palette humérale  : grossièrement triangulaire,
péri-articulaires tendinomusculaires. elle est faite de deux colonnes osseuses latérale
et médiale qui portent à leur extrémité distale les
surfaces articulaires, trochlée et capitulum sépa-
rés par la zone conoïde. Ces surfaces articulaires
1. Lésions ligamentaires sont déjetées en avant et surmontées des très
et fractures profondes fossettes coronoïdiennes et olécra-
niennes.
T. Judet, M. Peyre, S. Besch, O. Judet • Extrémité supérieure de l’ulna : elle est creusée
de la grande incisure délimitée par l’olécrane
et l’apophyse coronoïde responsables d’une
Situé entre deux segments de membre longs et congruence extrêmement serrée avec la trochlée
présentant des secteurs de mobilité extrêmement humérale maintenue par les formations ligamen-
stricts et sans possibilité d’échappement du fait de taires latérales. La profondeur des fossettes per-
sa congruence élevée, le coude est essentiellement met une grande amplitude en flexion–extension.
sujet à des traumatismes indirects qui vont hyper- Latéralement, la petite incisure ulnaire reçoit la
solliciter ses mécanismes naturels de stabilisation. tête radiale.

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
72 Traumatologie en pratique sportive

Figure 3.1. Éléments de stabilité du coude.


La stabilité du coude repose sur l’association de l’encastrement osseux et de haubans ligamentaires latéraux.
a. 1. capitellum, 2. fossette coronoïdienne, 3. tête radiale, 4. bec coronoïdien. b. 5. faisceau antérieur du LCM,
6. faisceau postérieur du LCM, 7. ligament annulaire. c. 8. faisceau antérieur du LCL, 9. faisceau moyen du LCL,
10. faisceau postérieur du LCL.
Source : Carole Fumat.

• Extrémité supérieure du radius : la tête radiale, Il reçoit par son bord supérieur l’insertion distale
très schématiquement cylindrique avec une face du faisceau antérieur du ligament collatéral radial.
supérieure, ou cupule, concave vient s’articuler
de façon congruente dans toutes les positions de
flexion–extension et de pronosupination avec Physiologie et mécanismes
le capitulum et la zone conoïde humérale et la de stabilité du coude
petite incisure ulnaire.
Le coude apporte une large mobilité en flexion–
extension et en pronosupination dont il partage
Appareil capsuloligamentaire le mécanisme avec le cadre osseux antébrachial et
l’articulation radio-ulnaire distale. Hors ces deux
La capsule articulaire unique est en avant et en secteurs de mobilité, le coude est parfaitement
arrière mince et lâche, ne se tendant que dans les stable et ce sont les moyens osseux et ligamen-
positions extrêmes pour laisser toute liberté à la taires de cette stabilité qui vont céder en cas
flexion–extension. d’hypersollicitation traumatique aiguë.
Elle présente des renforts latéraux qui assurent,
avec la congruence des encastrements osseux, la
Stabilité frontale
stabilité du coude.
Le ligament collatéral médial (LCM) présente Elle est principalement sollicitée en valgus de
deux faisceaux principaux (Figure  3.1b)  : l’anté- façon statique par le valgus physiologique huméro-
rieur épitrochléocoronoïdien est tendu de façon à ulnaire ou « angle de charge » et de façon dyna-
peu près constante en toute position de flexion– mique par la prédominance au niveau de l’épaule
extension  ; le postérieur épitrochléo-olécranien des muscles adducteurs et rotateurs internes. Cette
est plus grêle et n’est tendu qu’en flexion. stabilité frontale repose anatomiquement sur la
Le complexe ligamentaire latéral (Figure 3.1c) congruence de l’encastrement throchléo-ulnaire,
comporte essentiellement un puissant faisceau maintenu par le ligament collatéral huméro-ulnaire
moyen épicondylo-ulnaire, tendu en toute posi- («  hauban médial  ») et protégé latéralement par
tion de flexion–extension, et le ligament annulaire l’appui capituloradial (« console latérale »)
qui participe, avec la courbure relative des deux os Un excès de contraintes en valgus pur va se
de l’avant-bras et la membrane interosseuse qui traduire soit par une lésion ligamentaire (entorse
les unit, à la stabilité de la tête radiale sous le capi- du LCM), soit par une fracture par compression
tulum et en regard de la petite incisure sigmoïde. de la tête radiale, les deux pouvant être associés.
Chapitre 3. Coude 73

Stabilité sagittale de luxations et de fractures parcellaires. Si les


Plus complexes sont les mécanismes qui inter- lésions majeures, fractures totales, luxations, posent
disent le déplacement postérieur du bloc anté- peu de problèmes diagnostiques (ce qui ne préjuge
brachial en arrière de la palette humérale, dont en rien de la difficulté de leur traitement), en cas
l’expression maximale est la luxation postérieure de lésion d’aspect « mineur », le risque est double :
du coude. Cette stabilisation repose sur l’appui méconnaissance ou insuffisance diagnostiques fré-
respectif de la coronoïde sur la trochlée en dedans quentes quand on se souvient que les mêmes méca-
et de la cupule radiale sur le capitulum en dehors. nismes traumatiques peuvent être responsables de
La pérennité de cet appui est assurée en dedans lésions anatomiques isolées ou combinées osseuses
par la tension du plan ligamentaire collatéral et ligamentaires.
médial, en dehors par le ligament huméro-ulnaire
qui interdit l’échappement de la tête radiale en Rôle de l’appareil musculotendineux
arrière du capitulum. Un excès de contrainte péri-articulaire
associant un degré plus ou moins important de Les muscles antérieurs et postérieurs, essentielle­
rotation antébrachiale, le plus souvent externe, ment biceps et triceps, sont bi-articulaires avec
peut entraîner de façon variablement associée frac- l’épaule et susceptibles de ruptures aiguës, contraire­
tures de la tête radiale, de la coronoïde, déchirure ment à l’anconé et au brachial antérieur. Les mus-
ou avulsion capsulaire postéro-externe, luxation cles latéraux épicondyliens médiaux et latéraux sont
postérieure ou postéro-externe. pour l’essentiel destinés à la main et aux doigts.
Lors de l’effort sportif, leur contraction protège
Stabilité rotatoire les formations capsuloligamentaires de stabilisation
Ce sont les mécanismes sélectifs de stabilisation de latérale du coude. Sujet à des pathologies chro-
la cupule radiale sous le capitulum, congruence niques, la pathologie aiguë isolée de rupture est
de la convexité du capitulum huméral dans la exceptionnelle.
concavité de la cupule radiale et contention par les
formations ligamentaires postéro-externes. L’excès
de sollicitation peut être le prélude à une désta- Traumatologie aiguë
bilisation sagittale complète, luxation postérieure
complète, ou rester isolée, subluxation se manifes- Deux tableaux sont possibles.
tant essentiellement dans le compartiment latéral, Le gros coude traumatique « évident » est tumé-
ce qui en justifie l’individualisation. fié, déformé, douloureux et totalement impotent,
en règle dans les suites d’un traumatisme à haute
Stabilité longitudinale
énergie, c’est le tableau des grandes fractures,
Elle concerne électivement le radius, transmetteur palette humérale, extrémité supérieure de l’ulna
des contraintes en compression du poignet au ou des luxations complètes.
coude. L’orientation des fibres de la membrane Ce coude nécessite à l’évidence une prise en
interosseuse assure normalement une répartition charge immédiate, orthopédique ou chirurgicale. Le
équilibrée de ces contraintes sur la radio- et l’ulno- bilan d’imagerie et la prise en charge sont d’autant
humérale. Une faillite simultanée de ces deux plus urgents que la peau souffre ou est ouverte ou
éléments, tête radiale et membrane interosseuse, que l’examen vasculonerveux, impératif, systéma-
peut se traduire par une ascension radiale et tique et consigné, découvre des signes de compres-
une désorganisation grave de l’articulation radio- sion ou de déficit.
ulnaire inférieure ou syndrome d’Essex-Lopresti. Dans les tableaux de coude «  tuméfié et dou-
La bonne connaissance de ces divers mécanismes loureux d’aspect bénin  », le problème est diag-
de stabilisation du coude permet une analyse docu- nostique  : l’anamnèse et la compréhension du
mentée des conséquences des traumatismes en mécanisme traumatique, ainsi qu’un examen cli-
pratique sportive, le plus souvent faites d’entorses, nique rigoureux, appuyé largement sur la palpation
74 Traumatologie en pratique sportive

des reliefs osseux et des trajets ligamentaires et ten- De mécanisme indirect, le plus souvent par
dineux, doivent déboucher sur un examen radiolo- chute sur la main coude semi-fléchi, il leur est
gique orienté et au moindre doute complété par le décrit deux modes de survenue, éventuellement
scanner d’accès facile et de réalisation simple même associés  : soit prédominance des contraintes en
en traumatologie fraîche du fait des possibilités valgus avec arrachement premier du plan liga-
d’acquisition d’image par les machines spiralées mentaire médial, décoaptation ulno-humérale et
multibarrettes. Les hypothèses de  «  contusion  » luxation première du compartiment interne du
simple ou d’« entorse » bénigne ne sont que des coude, soit plus fréquemment, prédominance des
diagnostics d’élimination et l’on sait le risque contraintes en compression et rotation externe
pronostique qu’il y a à laisser vieillir une lésion du (chute sur la paume de la main, coude en supina-
coude. tion et proche de l’extension). Lorsque le coude
est ibéré par la faillite des formations capsulaires
et tendinomusculaires du plan postéro-externe, il
Gros coude traumatique évident se produit une luxation première de la tête radiale
qui entraîne avec elle l’ulna et aboutit à la luxation
Ce tableau recouvre les grandes fractures dépla- complète du coude.
cées et les luxations. Quel que soit le mécanisme, il peut être facteur
de lésions osseuses associées qu’il faut savoir
Fractures : sus- et intercondyliennes, diagnostiquer et prendre en compte dans la thé-
de l’olécrane rapeutique. Il peut s’agir de fracture–arrachement
Il peut s’agir de fractures totales de la palette humé- de l’épicondyle médial, de fracture–séparation de
rale, sus- et intercondyliennes ou sus-articulaires, la coronoïde, de fracture de la tête radiale, totale
fractures de l’extrémité supérieure de l’ulna, olécra- par compression ou parcellaire par cisaillement.
niennes ou totales dites dia-épiphysaires, avec ou L’association luxation–fracture de la tête radiale–
sans luxation associée du radius entrant alors dans fracture de la coronoïde définit la «  terrible
le cadre des lésions de Monteggia, voire de fractures triade ».
associées de l’extrémité supérieure des deux os de La clinique est univoque dans ces luxations le
l’avant-bras. Quand elles s’associent à une fracture plus souvent postérieures ou postéro-externes.
distale de l’humérus, on parle de « coude flottant », Le coude est hyperalgique, bloqué en demi-
aussi dénommé « coude de portière ». flexion, déformé avec pseudo-raccourcissement
Toutes ces lésions de mécanisme variable (trau- de l’avant-bras, concavité sus-olécranienne du
matisme direct ou indirect) peuvent se compliquer tendon tricipital et désorganisation des repères
d’ouverture rendant d’autant plus urgente la néces- osseux postérieurs (triangle de Nélaton).
saire prise en charge chirurgicale qui doit viser un Le bilan vasculonerveux systématique retrouve
rétablissement de l’anatomie et une fixation osseuse volontiers et consigne des signes de souffrance
permettant idéalement une rééducation précoce. (nerf médian ou nerf ulnaire ou abolition de
Elles ne sont pas exemptes de complications, pouls) qui imposent une réduction d’urgence. Le
infectieuse ou neurologique en particulier, et de bilan radiologique préréductionnel est réduit au
séquelles à type principalement d’enraidissement. minimum et confirme le diagnostic.
Non spécifiques de la traumatologie sportive, elles La réduction par traction axiale et pression
posent principalement des problèmes techniques directe sur l’olécrane se fait sous anesthésie ou
concernant la prise en charge chirurgicale souvent analgésie profonde. Le contrôle de cette réduc-
délicate, mais toujours nécessaire et urgente. tion se fait cliniquement par une indolence immé-
diate, la récupération de la flexion–extension et le
rétablissement des repères anatomiques.
Luxations totales du coude L’urgence de cette réduction pose la question
Elles entrent beaucoup plus dans le cadre de la de sa réalisation immédiate « sur le terrain » : cette
traumatologie sportive. attitude est licite, et le plus souvent couronnée de
Chapitre 3. Coude 75

succès, à la condition expresse que le praticien qui


Points clés : luxation du coude
en prend la responsabilité ait une vraie expérience
de cette traumatologie. Dans tous les autres cas, • Urgence de la réduction.
un transfert sans délai vers un centre est conseillé. • Bilan clinique de stabilité post-réductionnelle.
Dans tous les cas, deux démarches sont impé- • Bilan d’imagerie post-réductionnelle : faire toujours
ratives : une radiographie  ; faire une tomodensitométrie au
moindre doute sur une fracture associée de même
• tester la stabilité frontale du coude et la pos-
mécanisme.
sibilité de récidive de la luxation en extension.
Cette réduction peut être :
– stable en toute position  : la luxation peut se
reproduire dans les derniers degrés d’exten- Tableaux de « coude
sion, ce qui va limiter dans les premières contus d’aspect bénin »
semaines l’amplitude du secteur de rééduca-
tion autorisée, Derrière ces tableaux peuvent se cacher des lésions
– ou présenter une instabilité se manifestant souvent parcellaires dont une prise en charge
dès que l’extension dépasse l’angle droit, insuffisante, incomplète ou simplement retardée
témoignant de lésions capsulaires graves ou peut gravement altérer le pronostic fonctionnel.
plus souvent de lésions osseuses associées  : Il faut savoir suspecter ces lésions sur une anam-
un geste chirurgical de stabilisation par répa- nèse précise, un examen clinique détaillé qui per-
ration des parties molles ou de l’os doit être met d’orienter le bilan radiologique volontiers
envisagé ; complété par un scanner. Le but dans tous les
• réaliser de bons clichés post-réductionnels pro- cas est de rétablir une anatomie osseuse exacte et
fil strict et face, si nécessaire incidences humé- une stabilité permettant une rééducation précoce,
rus–plaque et avant-bras–plaque toutes les fois seule capable de prévenir la perte d’amplitudes
que l’extension complète n’est pas possible. Ce articulaires.
bilan permet de vérifier la qualité de la réduc-
tion, dépistant de possibles pseudo-réductions
en subluxation latérale ou une incongruence Fractures parcellaires
huméro-ulnaire, témoin d’un corps étranger de la palette humérale
incarcéré dans l’interligne. Par ailleurs, sur ce Il ne s’agit pas tant des fractures sagittales, déta-
coude réduit, l’analyse d’éventuelles fractures chant le condyle latéral plus souvent que le condyle
parcellaire est précise. Au moindre doute sur la médial, que des fractures frontales, purement intra-
qualité de la réduction ou sur une fracture asso- articulaires, séparant soit isolément le capitulum
ciée, le bilan doit être complété par un scanner (fracture de Mouchet), soit une zone plus étendue
qui guidera un éventuel geste chirurgical. de la partie antérieure de la surface articulaire
La rééducation doit être  : précoce dans tous (fractures de Hein-Steinthal et de Kocher) et alors
les secteurs en cas de stabilité post-réductionnelle volontiers comminutives. Leur réduction et leur
complète, limitée pendant les premières semaines ostéosynthèse par vis suivies d’une rééducation pré-
en cas de stabilité incomplète ou fonction des coce sont impératives. Leur méconnaissance, faute
gestes chirurgicaux réalisés, en particulier en cas d’être suspectées devant un «  gros coude nu  » à
de fracture associée de même mécanisme que la radiographies standard difficilement interprétables,
luxation. mène à un enraidissement majeur.
Le pronostic est marqué dans près de la moitié Leur diagnostic repose sur la pratique d’inci-
des cas par le risque d’un enraidissement avec dence oblique de Greenspan et surtout du scan-
perte des derniers degrés d’extension, toujours ner, systématique, de ce gros coude (Figure 3.2).
pénalisant dans la pratique sportive. Une insta- Il existe des formes intermédiaires entre les frac-
bilité résiduelle pouvant aller jusqu’à la luxation tures frontales et les fractures totales de la palette :
récidivante est possible mais rare. fractures diacondyliennes et diacolumnaires.
76 Traumatologie en pratique sportive

Figure 3.2. Fractures partielles dans le cadre d’une luxation du coude.


Exemple d’une fracture partielle du capitellum (flèche 1), associée à une fracture partielle de la tête radiale (flèche 2).
Le scanner est impératif dans le diagnostic des fractures parcellaires.
a. scanner 2D. b. scanner 3D.

Fractures de la coronoïde
Survenant soit dans un mécanisme de luxation (à
laquelle elles peuvent être associées) soit dans un
mécanisme de traction axiale, leur gravité dépend
du volume du fragment fracturé, de son déplace-
ment et des associations lésionnelles, fréquentes.
La découverte radiologique d’une fracture de la Figure 3.3. Classification de Mason modifiée.
coronoïde impose l’évaluation soigneuse de l’insta- Elle permet, en combinaison avec l’existence de lésions
bilité associée  : lésions ligamentaires, en particu- associées déstabilisantes, la décision thérapeutique :
traitement fonctionnel, ostéosynthèse, prothèse ou résection.
lier du faisceau postérieur du ligament collatéral
Source : Carole Fumat.
médial, ou fracture de la tête radiale.
Toute fracture de la coronoïde déplacée ou sur- évacuatrice se discute qui, si elle ne modifie pas le
venant dans un contexte de lésions déstabilisantes pronostic, apporte un soulagement immédiat ;
associées doit faire discuter un traitement chirur- • type 2  : fracture parcellaire déplacée. Elle doit
gical, résection d’un fragment minime ou ostéo- toujours faire discuter une réduction et une
synthèse par vis d’un fragment volumineux. Le ostéosynthèse par vis pour éviter la constitution
pronostic dépend du contexte de lésions associées. d’un cal vicieux articulaire générateur d’arthrose
et d’enraidissement ;
Fractures de la tête radiale • type 3 : fractures totales séparant du col radial la
Fréquentes dans des mécanismes de compression tête, elle-même refendue en plusieurs fragments.
axiale ou de luxation (chute de vélo, surf, roller), L’ostéosynthèse de ces fractures en règle dépla-
elles tirent leur gravité du rôle fondamental de la cées est techniquement difficile, mécaniquement
tête radiale dans tous les secteurs de stabilité du aléatoire et se solde biologiquement par un risque
coude et de la difficulté de leur réparation dans important de pseudarthrose ou de nécrose des
certains cas. fragments, petits et mal vascularisés. C’est pour-
L’analyse du trait permet de décrire quatre types quoi les options thérapeutiques sont l’abstention
de fractures (classification de Mason modifiée  ; dans les rares cas de fractures pas ou peu déplacées
Figure 3.3) : et la résection simple de la tête ou son remplace-
• type 1  : fracture parcellaire non déplacée, dont ment par une prothèse dans les autres cas ;
le diagnostic repose sur un examen clinique • type 4  : fractures du col radial, apanage de
soigneux orientant le bilan radiologique et en­traî­ l’enfant et rares chez l’adulte. Leur propension à
nant un traitement conservateur. En cas d’hémar- évoluer vers la pseudarthrose doit faire envisager
throse sous tension douloureuse, une ponction une fixation par ostéosynthèse.
Chapitre 3. Coude 77

Les lésions associées déstabilisantes, fréquentes


dans la mesure où le mécanisme de survenue de Points clés : fracture de la tête radiale
ces fractures est analogue à celui des luxations, • Savoir suspecter et découvrir (scanner  +++) une
doivent être soigneusement recherchées pour la fracture de la tête radiale.
décision thérapeutique. Évidentes quand la frac- • Classifier et évaluer les lésions déstabilisantes asso-
ture survient dans un contexte de luxation ou de ciées, osseuses ou ligamentaires.
fracture dia-épiphysaire de l’ulna, elles risquent • Ne jamais sacrifier (résection) une fracture de la tête
radiale en cas de lésion associée  : reconstruction ou
souvent de passer inaperçues si on ne les recherche
remplacement prothétique.
pas : c’est le cas en particulier des entorses graves
du plan ligamentaire médial dans les mécanismes
de contrainte en valgus ou de fracture de la
coronoïde dans les luxations postérieures. Dans de Entorses du plan médial
tels contextes, une résection simple d’une fracture
non synthésable fait courir un risque majeur de Clinique
déstabilisation du coude avec son retentissement Fréquentes dans certains sports (judo), leur diag-
douloureux, arthrosique et enraidissant. Dans ces nostic repose sur un mécanisme de contrainte en
cas, même chez un sujet jeune et sportif, l’option valgus et des signes d’examen clinique précis
de remplacer une tête radiale non synthésable par (douleur au palper sous-épicondylien médial du
une prothèse doit être retenue (Figure 3.4). faisceau antérieur du ligament collatéral) qui
Une attitude logique et complète repose sur résument la symptomatologie en cas d’entorse
la reconstitution anatomique des fractures dépla- bénigne.
cées accessibles à une ostéosynthèse (type  2), le En cas d’entorse grave, ce tableau s’enrichit
remplace­ ment prothétique quand existent des d’une ecchymose antébrachiale d’apparition pré-
lésions déstabilisantes associées à une fracture non coce, d’éventuels signes d’irritation du nerf ulnaire,
reconstructible (type  3). Elle permet d’assurer et de la constatation d’une décoaptation en valgus,
un pronostic satisfaisant en limitant le risque de dont la recherche est plus fine mais d’interprétation
séquelles à type d’enraidissement de la supination et beaucoup plus difficile à 30° qu’en extension.
de l’extension, de déformation évolutive et arthro- Au maximum, la rupture du plan interne est
gène en valgus, voire, en cas de résection de la le premier temps de la luxation du coude, bien
tête radiale, d’ascension progressive de la diaphyse qu’elle n’en soit pas le mécanisme le plus fréquent.
avec son retentissement sur le poignet décrit par La démarche d’évaluation et les propositions thé-
Essex-Lopresti. Ce pronostic est d’autant meilleur rapeutiques rejoignent alors ce qui est indiqué dans
que la prise en charge chirurgicale a été précoce. les luxations.

Figure 3.4. Traitement chirurgical des fractures de la tête radiale.


a. Ostéosynthèse d’une fracture type 2. b. Prothèse d’une fracture type 3 dans le cadre d’une luxation associée.
78 Traumatologie en pratique sportive

Imagerie Un geste chirurgical complémentaire ne se dis-


En cas d’entorse, une imagerie radiographique cute qu’exceptionnellement, le plus souvent quand
minimale est le plus souvent suffisante. Elle doit éli- existent des fractures associées de même mécanisme,
miner des lésions osseuses associées de même méca- touchant tête radiale, coronoïde ou épitrochlée.
nisme (arrachement de l’épitrochlée, fracture de la
coronoïde, fracture–tassement de la tête radiale).
L’échographie peut donner une image directe
Coude sportif chronique
de la lésion, hypo-échogène, voire anéchogène en
cas de rupture ou de désinsertion. Il peut être séquellaire d’accidents traumatiques
En l’absence d’arrachement osseux, des clichés identifiés ou faire suite à une hyperutilisation avec
dynamiques en valgus pourraient confirmer la alors des tableaux spécifiques à certaines pratiques
gravité de l’atteinte ligamentaire. En pratique, sportives. Les deux mécanismes peuvent être asso-
ils ne sont pas effectués en contexte traumatique ciés dans certains sports à risque.
récent, du fait de la douleur et de la vigilance Les tableaux symptomatiques peuvent être intri-
musculaire réactionnelle du patient, a fortiori si qués, associant de façon variable instabilité, dou-
l’on opte pour un traitement orthopédique. Les leurs, épisode de blocages ou de pseudo-blocages et
clichés dynamiques trouvent davantage leur place enraidissement, et c’est de façon un peu arbitraire
dans le cadre du bilan des instabilités chroniques. que ces divers tableaux peuvent être démembrés.
Une imagerie complémentaire (tomodensito-
métrie) n’est utile que pour préciser des lésions Coude raide
osseuses suspectées, mais pas toujours bien ana-
lysées par la radiographie standard, alors que leur Même si une certaine perte d’amplitude est fré-
seule présence interfère sur la prise en charge, quente dans diverses pathologies liées au sport,
faisant discuter une indication chirurgicale. il est loin d’être l’apanage du sportif et fait plus
souvent suite à la traumatologie ostéo-articulaire
Traitement lourde. Il est néanmoins nécessaire de rappeler un
Le traitement des formes pures de lésions ligamen- certain nombre de principes fondamentaux de la
taires est conservateur : immobilisation antalgique prise en charge des raideurs du coude :
et rééducation précoce associées au  refroidisse- • les tentatives de mobilisation sous anesthésie,
ment et à des médications antalgiques et myore- peu efficaces et surtout non dénuées de risque,
laxantes. doivent être envisagées avec la plus extrême
L’immobilisation est d’autant plus brève que la circonspection ;
stabilité après entorse est meilleure, de quelques • si une mobilisation précoce et une rééducation
jours à 3  semaines. Une mobilisation active très spécifique sont souhaitables dans les suites de tout
précoce est préconisée et il est important de retrou- traumatisme du coude, il faut se souvenir que le
ver rapidement cette extension après une entorse simple travail fonctionnel de la reprise d’activité
sans luxation. Dans les coudes stables, le travail quotidienne et sportive permet une évolution
musculaire est prescrit sans restriction à condition des amplitudes articulaires sur près d’une année
de respecter le seuil de la douleur, en statique entière  ; dans ce délai, tout geste mobilisateur,
comme en dynamique, alors que dans les coudes chirurgical, arthroscopique ou autre est inutile,
instables, où existe un risque de récidive de luxa- voire nocif et doit être proscrit. Ce n’est qu’en
tion, le renforcement des fléchisseurs est privilégié, cas de facteur identifié de pérennisation de la
tandis que le travail des extenseurs n’est autorisé raideur, par exemple cal vicieux ou corps étranger
qu’en course externe. articulaire, qu’un geste doit être proposé ;
L’évolution se fait vers une cicatrisation souvent • devant une raideur persistante, une arthrolyse
marquée par des calcifications radiologiques sous- pourra être discutée en fonction du degré de
épitrochléennes. L’instabilité chronique dans ce l’enraidissement et de l’état cartilagineux du
contexte est rare. coude, au mieux évalué par arthroscanner.
Chapitre 3. Coude 79

Coude instable épicondyliens, dont on peut penser qu’elle a été


excessivement extensive.
Les deux types principaux d’instabilité, postéro- L’examen clinique risque d’être pauvre, tant
externe et interne, sont de mécanisme, d’expres- l’appréhension rend difficile la mise en évidence
sion clinique et de traitement différents. de la laxité. L’inspection note l’axe global brachio-
antébrachial dont une déformation en varus doit
Instabilité postérolatérale chronique être prise en compte et corrigée par une ostéotomie
Souvent séquellaire d’une luxation du coude, elle associée au geste ligamentaire si une stabilisation
est volontiers favorisée par un terrain hyperlaxe et chirurgicale est indiquée.
traduit une insuffisance ligamentaire et probable- La stabilité frontale est en règle satisfaisante.
ment tendinomusculaire postéro-externe. La recherche spécifique de l’instabilité rotatoire,
Le mécanisme en est un déplacement anormal décrite par O’Driscoll, permet d’affirmer le diag-
de la cupule radiale permis par une insuffisance nostic. Le test consiste à reproduire le déplacement
du ligament huméro-ulnaire collatéral latéral  : de la cupule radiale avec une sensation de ressaut
la cupule radiale, du fait de la rotation externe par la manipulation du coude en flexion–extension
anormale du squelette antébrachial, se subluxe en tout en imprimant une contrainte en valgus et en
arrière, perd sa congruence avec le capitulum et rotation externe de l’avant-bras. La sensation de
à l’extrême se luxe totalement derrière la palette ressaut peut être remplacée par une appréhension
humérale, définissant alors la luxation récidivante du patient dont la valeur sémiologique est moins
vraie qui est une luxation totale du coude. formelle mais qui doit être notée (Figure 3.5).
La symptomatologie de la subluxation est L’imagerie complémentaire est moyennement
volontiers atypique et trompeuse, faite d’acci- contributive  : radiographies et scanner vont à la
dents récidivants, typiquement en compression recherche d’une éventuelle fracture parcellaire
valgus–rotation externe, parfois de mécanisme associée (tête radiale, capitulum ou bec de la coro-
non précisé (épisodes nocturnes de subluxation), noïde). Échographie et imagerie par résonance
parfois ressentis comme des blocages fugaces. magnétique (IRM) peuvent mettre en évidence la
La symptomatologie des luxations récidivantes lésion du ligament collatéral latéral huméro-ulnaire,
vraies est évidemment plus parlante, les épisodes une poche articulaire postéro-externe ou des signes
d’instabilité nécessitant souvent une réduction de souffrance tendineuse des épicondyliens.
sous anesthésie. Enfin, c’est parfois seulement un test sous anes-
L’anamnèse retrouve souvent le ou les épi- thésie qui permettra d’affirmer l’instabilité.
sodes initiaux de luxation traumatique, parfois Au plan thérapeutique, aucun appareillage ni
des antécédents de chirurgie pour tendinite des aucune rééducation ne semble pouvoir pallier

Figure 3.5. Instabilité rotatoire.


Le ressaut de O’Driscoll traduit la subluxation postérieure de la tête radiale, prélude possible à la luxation complète
du coude. a. Aspect clinique. b. Aspect radiologique.
80 Traumatologie en pratique sportive

efficacement une instabilité postéro-externe. Force plastie au petit palmaire ou à l’aponévrose des mus-
est de recourir dans les instabilités comme dans cles épitrochléens.
les luxations récidivantes a une chirurgie stabi- Cependant l’instabilité médiale fait le plus
lisatrice  : retension transosseuse globale tendi- souvent partie du tableau de coudes d’hyper-
noligamentaire selon Osborne-Cottril ou plastie utilisation dans le cadre d’excès de sollicitation en
ligamentaire huméro-ulnaire au long palmaire traction médiale et compression latérale spécifique
selon Jobe (Figure 3.6) ou au ligament annulaire. à certains sports de lancer.
Cette chirurgie est suivie d’une période d’immobi-
lisation de 4 à 6 semaines, puis d’une rééducation Points clés : instabilité médiale
active prudente. Si la stabilisation est le plus
souvent obtenue, c’est fréquemment au prix d’une L’instabilité médiale chronique :
perte de quelques degrés d’extension. • présente des séquelles d’hyperutilisation chronique
(pitcher et autre lancers) ;
• est une gêne essentiellement dans le geste sportif ;
Points clés : instabilité postérolatérale • est accessible à une chirurgie de plastie ligamentaire
médiale.
L’instabilité postérolatérale chronique est :
• le plus souvent post-traumatique aiguë : luxation(s) ;
• de diagnostic difficile, avant tout clinique ;
• de traitement toujours chirurgical. 2. Coude ostéo-articulaire
d’hyperutilisation
Déstabilisation frontale :
instabilité médiale T. Judet, M. Peyre, S. Besch
Elle est parfois secondaire à des accidents aigus
d’entorse grave du plan ligamentaire médial, dont
la gravité initiale a été sous-évaluée ou dont le
Coude d’hypersollicitation
traite­ment a été inadapté, en particulier mise au en valgus ou « coude
repos insuffisante ne permettant pas une cicatri- du pitcher »
sation spontanée correcte. Se manifestant par des
accidents de décoaptation interne avec impression Il est le plus souvent le fait d’une hyperutilisa-
de «  déboîtement  » aigus plus ou moins doulou- tion répétitive. Décrit chez les joueurs de base-
reux, l’instabilité interne pure peut requérir un ball, il s’observe également dans d’autres sports
geste isolé de plastie ligamentaire de stabilisation, comportant des lancers répétitifs « au-dessus de la

Figure 3.6. Plastie de stabilisation postérolatérale de Jobe, au long palmaire ou au gracilis. En a, 1. plastie tendineuse,
2. tunnel transosseux.
Source illustration : Carole Fumat.
Chapitre 3. Coude 81

tête » tels le javelot, le handball ou le water-polo. externe  : ostéophytose de la tête radiale, voire
La symptomatologie prédominante de distraction pincement de l’interligne capituloradial.
médiale associée à l’hyperpression latérale permet Les clichés comparatifs en valgus forcé peuvent
de le différencier du coude d’hyperutilisation du mesurer cette laxité, avec une fiabilité relative du
joueur de tennis avec sa symptomatologie pos- fait de la contraction réactionnelle du patient.
térieure prédominante (Figure 3.7). Échographie et IRM objectivent la souffrance
ou la rupture ligamentaire.
L’électromyogramme confirme la souffrance
Clinique ulnaire.
La symptomatologie clinique est dominée par des
douleurs médiales en phase d’armé et d’accéléra- Traitement
tion du lancer, une impression de décoaptation
interne (« coude qui lâche ») et, dans près de la La prise en charge thérapeutique comporte clas-
moitié des cas, de signes neurologiques de souf- siquement un premier temps de mise au repos
france ulnaire. prolongé, précédant une reprise progressive d’acti-
L’examen clinique retrouve une douleur au vité avec éventuellement modification du geste
palper sous-épitrochléen du faisceau antérieur du du lancer et sous couvert d’anti-inflammatoires et
LCM et d’éventuels signes de neuropathie ulnaire. d’antalgiques. Le port d’une orthèse antivalgus est
Il n’y a pas de perte d’amplitude significative. discutable.
La recherche de laxité en valgus se fait coude En cas d’insuffisance, un geste chirurgical se dis-
proche de l’extension, ou de préférence coude entre cute : l’exérèse simple de calcifications peut être pro-
30 et  60° de flexion, pour détendre la capsule posée en cas de tableau uniquement douloureux.
antérieure et déverrouiller l’enclavement de l’olé- Parfois une neurolyse ulnaire, isolée ou associée à
crane dans la trochlée au fond de sa fossette, facteur un autre geste, est effectuée. La réparation liga-
de sous-estimation de la laxité. mentaire, plastie au petit palmaire ou au gracilis
(ou opération dite de « Tommy John », du nom
d’un pitcher renommé opéré par Jobe en1970),
Imagerie peut être nécessaire devant une symptomatologie
dominée par les manifestations d’instabilité.
La radiographie simple montre volontiers des cal-
La littérature nord-américaine fait état de jusqu’à
cifications sous-épitrochléennes cicatricielles de la
10 % de problème de coude chez les joueurs pro-
lésion ligamentaire. Peuvent s’y associer des signes
fessionnels de base-ball en activité avec un recours
de souffrance cartilagineuse du compartiment
fréquent à une chirurgie de restabilisation qui
permet dans la majorité des cas une reprise de la
pratique sportive à un niveau équivalent.

Conflit péri-olécranien
ou coude du joueur de tennis
Entité nosologique particulière, le plus sou-
vent observée chez le joueur de tennis de  35
à  50  ans, elle semble essentiellement secondaire
aux contraintes répétées associant valgus et hyper-
extension, et se traduit initialement par un conflit
péri-olécranien postéro-interne.
Figure 3.7. Le « coude du pitcher » associe un excès
de traction médiale et de compression latérale. La symptomatologie d’apparition progressive
Source : Carole Fumat. sans traumatisme initial est faite de douleur d’abord
82 Traumatologie en pratique sportive

dans la pratique sportive, puis invalidant la vie quo- geste complémentaire d’arthrolyse par capsulecto-
tidienne (port de charges lourdes en particulier). mie antérieure n’est à envisager que dans les formes
Des épisodes de blocages fugaces sont contingents. évoluées où la perte d’extension est importante.
L’examen ne retrouve ni laxité ni signe de ten- La chirurgie est suivie d’une rééducation essentielle­
dinopathie, par contre une perte de mobilité existe ment active sur  6 à  8  semaines, sous couvert au
prédominant sur l’extension, mais avec également début de refroidissement et d’anti-inflammatoires, et
perte de flexion. Surtout la mise en extension permet d’obtenir la disparition des douleurs et une
rapide réveille la douleur postérieure, alors que certaine amélioration des amplitudes, résultat qui
la mise en compression des surfaces articulaires semble pérenne probablement du fait du terrain  :
par mouvement de flexion–extension contre résis- sportifs âgés ne faisant plus subir à leur coude les
tance musculaire est indolore, à la différence des mêmes sollicitations qu’en début de carrière.
arthroses débutantes.
La radiographie découvre l’hypertrophie ostéo- Points clés
phytique de l’olécrane et le comblement de la
Les conflits postérieur et postéro-interne :
fossette olécranienne, conflit mieux précisé par le
• sont l’apanage du sportif vieillissant ;
scanner. L’arthroscanner confirme l’intégrité des • provoquent une gêne jusque dans la vie courante par
cartilages de revêtement et le caractère péricartilagi- perte douloureuse de l’extension ;
neux de l’ostéophytose postérieure. Dans les formes • font l’objet d’un bilan systématique par scanner
avancées peuvent être observés des signes de souf- couplé à l’arthroscanner ;
france du compartiment externe avec amincisse­ • sont améliorés par une levée par arthrolyse.
ment du cartilage du capitulum et de la cupule
radiale. Le scanner couplé à l’arthroscanner permet
enfin de faire le bilan de possibles corps étrangers Coude du boxeur
radio-opaques ou transparents (Figure 3.8). et chondromatose secondaire
Le traitement repose sur la levée du conflit par
arthrolyse postérieure, chirurgicale plus volontiers Le coude du boxeur peut présenter une patholo-
qu’arthroscopique du fait de la proximité du nerf gie spécifique en rapport avec l’hypersollicitation
ulnaire qui rend extrêmement risquée la réalisation des traumatismes axiaux et en hyperextension
d’un geste complet de levée de tout le conflit, responsables de conflits péricartilagineux et d’une
résection du bec olécranien et recreusement de la souffrance cartilagineuse se traduisant par une
fossette, en particulier dans sa partie interne. Un chondromatose secondaire.

Figure 3.8. Coude d’hyperutilisation évolué de joueur de tennis (conflit péri-olécranien). L’association scanner
et arthroscanner recherche la présence de corps étranger, d’ostéophytose péricartilagineuse contrastant
avec la bonne conservation du cartilage.
a. Scanner de profil : 1. ostéophytose du bec olécranien, 2. corps étranger ostéocartilagineux. b. Arthroscanner de profil.
Chapitre 3. Coude 83

Observé chez le pratiquant intensif, il se traduit deux présentera au cours de sa carrière une EL.
par un conflit postérieur ; mais à la différence des Cette pathologie se rencontre aussi bien chez la
coudes d’hyperutilisation, il est associé à un conflit femme que chez l’homme, en règle générale âgés
antérieur coronoïdien et à une souffrance carti- de plus de 30 ans, surtout plus de 35 ans ; elle est
lagineuse responsable de la formation de corps beaucoup plus rare après 60 ans.
étrangers chondromateux.
La symptomatologie est dominée par un enraidisse­ Physiopathologie
ment douloureux, tant de la flexion que de l’exten- La physiopathologie de l’EL n’est pas formelle.
sion, agrémenté parfois de pseudo-blocages, avec Des études suggèrent un processus dégénératif
un coude souvent un peu augmenté de volume et secondaire à un microtraumatisme, conduisant
sans signe d’instabilité. à un processus cicatriciel, un alignement défec-
Le bilan d’imagerie – radiologie et scanner couplé tueux des fibres de collagène dans l’extenseur
à l’arthroscanner – confirme les conflits antérieur carpi radialis brevis. Les microtraumatismes répétés
et postérieur, retrouve les corps étrangers radio- localement, le vieillissement, la surutilisation et
opaques et transparents et objective les lésions car- l’hypovascularisation ont été impliqués comme
tilagineuses. causes possibles d’EL. Au niveau microscopique,
L’arthroscopie de levée des conflits et d’abla- l’hyperplasie angiofibroblastique, après surutilisa-
tion des corps étrangers apporte une bonne amé- tion de l’extenseur carpi radialis brevis avec échec
lioration. de la cicatrisation, a été démontrée. En phase
chronique de l’EL, l’histopathologie révèle une
dégénérescence tendineuse avec remplacement par
du collagène désorganisé  ; il y a un manque de
3. Tendinopathies preuves pour un processus d’inflammation aiguë
et ruptures tendineuses ou chronique. Compte tenu de la pathologie dis-
tincte de l’inflammation aiguë, il y a eu un change-
Y. Catonné, H. Guerini, J. Parier, B. Montalvan, ment de terminologie de l’épicondylite chronique
J.-L. Brasseur vers la tendinopathie ou tendinose.
L’EL est une pathologie d’hyperutilisation prin-
cipalement de deux tendons, extensor carpi radia-
lis brevis (ECRB) et extenseur commun (extensor
Épicondylalgie latérale digitorum communis ou EDC), mais aussi dans
une moindre mesure du supinateur (court supina-
J. Parier, B. Montalvan, J.-L. Brasseur teur) (Figure 3.9).
La biomécanique du tennis et le surmenage des
épicondyliens méritent d’être étudiés.
Épicondylite latérale Lors de la prise de raquette, le travail est beau-
coup plus important sur les tendons extenseurs
Épidémiologie destinés à stabiliser le poignet que sur les tendons
L’épicondylite latérale (EL), également connue fléchisseurs.
sous le nom de tennis-elbow, est une affection Lors du revers, il existe un important travail
douloureuse qui atteint le tendon commun des des épicondyliens latéraux. Chez le débutant,
épicondyliens latéraux à son insertion sur l’épi- le retard de la tête de raquette nécessite un
condyle latéral. travail excentrique des épicondyliens, alors que
L’EL affecte 1  à 3  % des adultes chaque chez un joueur confirmé, ce travail s’effectue de
année. En 2003, sur 34  000  maladies profes- manière moins agressive en concentrique. Tous
sionnelles recensées, près de 7000  tendinopa- ces éléments s’associent donc pour entraîner un
thies des épicondyliens ont été retrouvées. On surmenage au niveau du tendon commun des
estime également qu’un joueur de tennis sur épicondyliens.
84 Traumatologie en pratique sportive

Figure 3.9. Schéma des muscles épicondyliens


latéraux.
1 long extenseur radial du carpe (1er radial) extensor carpi
radialis longus ECRL ; 2 court extenseur radial du carpe
(2e radial) extensor carpi radialis brevus ECRB ; 3
supinateur (court supinateur) ; 4 extenseur commun
des doigts extensor digitorum communis EDC ;
5 extenseur ulnaire du carpe (cubital postérieur)
extensor carpi ulnaris
Source : Carole Fumat. Figure 3.10. La manœuvre d’extension contrariée
du 3e métacarpien entraîne une douleur et correspond
à une lésion du 2e radial.

Clinique sur un coude fléchi puis étendu. La manœuvre


L’interrogatoire recherche les antécédents. Il faut d’extension contrariée du 3e métacarpien entraîne
rechercher d’éventuelles activités associées qui une douleur et correspond à une lésion du 2e radial
sont des facteurs favorisants de cette souffrance (Figure 3.10). On peut ajouter des manœuvres de
du tendon des épicondyliens. Classiquement, on sensibilisation qui consistent par exemple à placer
cite le jardinage, le bricolage… un objet dans la main, ce qui met déjà en tension
Le mode de début est progressif dans la plupart les épicondyliens, stabilisateurs du poignet. La
des cas, mais il peut être brutal sur un mouvement palpation doit être précise. Elle s’intéresse à la fois
de revers ou bien sur un choc direct. au condyle, au tendon commun, à la tête radiale.
On recherche toutes les circonstances de chan- L’interligne huméroradial est palpé avec des mouve­
gement qui sont l’un des éléments déterminants ments de flexion–extension du coude. On palpe
de l’apparition de cette pathologie : changement de également un peu plus bas, sous l’interligne, les
matériel, de technique, d’intensité du jeu… muscles épicondyliens.
On définit ensuite les caractéristiques de la dou-
leur, sa localisation, les irradiations éventuelles et Imagerie
le mode d’expression habituellement diurne lors La radiographie n’est pas systématique pour cette
des mouvements de mise en tension des épicon- pathologie dont le diagnostic est essentiellement
dyliens et suivant son intensité (dans la pratique clinique. En cas de doute ou de pathologie
du sport et parfois même dans la vie courante). chronique, une radiographie de face et de profil
On examine de principe la mobilité du cou et recherche des éléments de surcharge locale, des
de l’épaule, à la recherche d’une douleur projetée. calcifications, une arthrose débutante. L’échogra-
On vérifie également la mobilité du poignet. phie est utile pour les pathologies traînantes ou les
Les amplitudes articulaires du coude doivent être diagnostics incertains. Elle permet de visualiser un
normales aussi bien en pronation qu’en supination, épaississement du tendon, une rupture partielle
ainsi que lors de la flexion et de l’extension. Elles ou complète, une zone kystique (Figure  3.11).
doivent être indolores. Le testing classiquement Le Doppler couleur donne une idée de l’évolu-
isométrique s’intéresse particulièrement à l’ECRB, tion locale de la pathologie et de son stade de
à l’EDC et au (court) supinateur. Il s’effectue réparation.
Chapitre 3. Coude 85

Figure 3.11. Aspect échographique d’une enthésopathie des épicondyliens latéraux du coude droit.
La coupe frontale de l’insertion de épicondyliens latéraux montre, par comparaison au côté gauche normal, la perte
de la structure fibrillaire du tendon droit qui devient hétérogène et irrégulier.
Source : J.-L. Brasseur.

Dans quelques cas particuliers, la résonance Les mécanismes de prosupination répétée sont à
magnétique peut être utile, principalement s’il l’origine de cette pathologie. On peut retrouver
existe une incertitude diagnostique ou lors d’un une douleur lors de l’extension du coude, avant-
bilan préchirurgical. bras en pronation. Une hypoesthésie palmaire,
Les diagnostics différentiels ou associés sont à côté radial de l’avant-bras, oriente le diagnostic.
bien connaître. L’électromyogramme est un argument important
de diagnostic positif.

Pathologie neurologique
Souffrance articulaire
La branche profonde du nerf radial peut être
comprimée lors de sa pénétration dans le court
(huméroradiale)
supinateur. La compression s’effectue classique­ Elle est déjà suspectée lorsque l’interrogatoire
ment au niveau de l’arcade de Frohse, mais égale­ retrouve certains antécédents : fracture de la tête
ment au niveau de l’expansion aponévrotique radiale, traumatisme direct, luxation. L’examen
médiale de l’ECRB et il existe de nombreuses clinique note une limitation d’amplitude, soit glo-
variations anatomiques. bale, soit sélective, sachant que la prosupination
Sur un plan clinique, la douleur est plus souvent reste libre. Un certain nombre d’éléments intra-
permanente avec parfois des douleurs nocturnes. articulaires peuvent être responsables de cette
Elle est chronique, il existe des irradiations au souffrance articulaire : frange synoviale, synovite,
niveau du bord externe de l’avant-bras. Classique- chondropathie, kyste. L’imagerie est, dans ce cas,
ment, on retrouve la douleur lors de la supination essentielle ; on effectue des radiographies simples,
contrariée, coude en flexion puis en extension. La face et profil, avec des incidences particulières en
douleur existe également lors de l’extension passive fonction de la clinique. La résonance magnétique,
du coude et de la flexion–pronation du poignet. La l’arthroscanner sont parfois nécessaires pour préci-
palpation peut retrouver l’équivalent d’un signe de ser les lésions et orienter le traitement chirurgical.
Tinel, 3  à 5  cm sous l’épicondyle. L’électromyo-
gramme note un ralentissement de la vitesse de
conduction. Cet examen est difficile à effectuer et Autres diagnostics différentiels
sa négativité n’est pas un argument formel.
La compression de la branche sensitive du nerf Même s’ils restent anecdotiques, il faut bien sûr
musculocutané est beaucoup plus rare. Sur un plan rester vigilants et ne pas méconnaître une patholo-
anatomique, il existe un rapport étroit de cette gie tendineuse à distance avec notamment la souf-
branche nerveuse avec le bord externe du biceps. france de l’insertion basse du tendon du biceps,
86 Traumatologie en pratique sportive

une pathologie vasculaire, une souffrance du sérum salé, la prolothérapie, la toxine botulique.
ligament collatéral latéral, une pathologie osseuse Aucun de ces traitements n’a pour l’instant la
(tumeur, calcification) et enfin des douleurs preuve scientifique de son efficacité. Coombes a
référées, notamment les projections cervicales proposé un algorithme sur la prise en charge de
dans le cadre de souffrance radiculaire tronquée. l’épicondyle tendineuse latérale en faisant valoir
que le traitement doit être adapté à chaque forme
Évolution et traitement clinique propre à chaque patient.
L’utilisation du biseau de l’aiguille qui dilacère,
L’histoire naturelle de l’EL est habituellement voire désinsère, les fibres du tendon est une
simple, avec près de 90 % de cas résolus dans un technique qui est de plus en plus utilisée pour
délai de 12 à 24 mois. Cependant cette tendinopa- relancer la cicatrisation. En dehors de la douleur
thie peut être réfractaire, entraîner une morbidité qui suit le geste durant quelques jours, il y a peu
à long terme et être responsable d’arrêt de travail. d’effets secondaires.
Avant d’envisager un traitement purement médi- La technique de criblage à l’aiguille reste une
cal, le médecin du sport et l’entraîneur (notam- alternative à proposer comme choix thérapeu-
ment chez les joueurs de tennis ou de golf) doivent tique aux formes chroniques qui ne guérissent pas
analyser la technique et le matériel responsables dans les délais habituels. Dans les séries publiées,
bien souvent du déclenchement de la pathologie. il reste entre 7 à 20 % d’échec.
Le traitement de l’épicondylalgie latérale par La chirurgie est le dernier recours pour traiter
injection de corticoïdes au niveau du tendon n’est définitivement cette pathologie. Il s’agit le plus sou-
plus le gold standard, car bien qu’il soit reconnu vent d’une simple désinsertion des épicondyliens.
pour avoir une efficacité à court terme, il est Le nombre de patients atteints d’EL chronique
moins efficace que la physiothérapie et le «  wait ayant bénéficié de chirurgie est passé d’environ
and see  » à moyen et long terme. Les études 1,1 % en 2000 à 3,2 % en 2009 (chiffre se main-
médico-économiques montrent qu’il n’est pas ren- tenant 10 ans plus tard).
table. Les injections de corticoïdes ne sont donc, Les techniques sont variées : ciel ouvert, arthro-
aujourd’hui, pas recommandées et ne doivent pas scopie, chirurgie percutanée sous échographie.
être utilisées comme gold standard dans les études Les suites sont simples, les résultats excellents.
comparatives dans la mesure où leur efficacité
à 1 an est mauvaise. Doit-on les bannir définitive-
ment ou les réserver à certains cas d’« urgence » ou Points clés : épicondylalgie latérale
hyperalgiques ? • Les douleurs du compartiment externe du coude
La séquence de la cicatrisation dans le temps chez un joueur de tennis sont dans la majorité des
définie par Cook, dans ses articles sur le continuum cas une tendinopathie des épicondyliens. La clinique
de tendinopathie où il essaye d’établir une relation cependant reste indispensable. En cas de doute, elle
peut s’appuyer sur une imagerie ou d’autres examens
entre la structure du tendon, son fonctionnement
complémentaires, tel l’électromyogramme en cas de
et la douleur, a permis aux médecins de réaliser de
souffrance neurologique.
nouveaux travaux de recherche clinique ayant pour • L’évolution naturelle de la maladie est telle que, neuf
but de favoriser un processus ou une ambiance fois sur dix, le tendon cicatrisera en 12 à 24 mois.
« prorégénérative ». Dans la logique de ce concept, • Au cours de la pratique de sports, comme le tennis
de nouveaux programmes de rééducation ont été ou le golf, fréquemment touchés par l’EL, la prévention,
mis en place : travail excentrique, isométrique, étire- toujours préférable, consiste en une adaptation à tous
ments. Par ailleurs, de nouveaux protocoles de soins les changements de matériel ou de technique.
sont apparus tels que les ondes de choc, la cryothéra- • L’utilisation d’un corticoïde donne un effet positif sur
le court terme (4 à 6 semaines), mais celui-ci diminue
pie, le tape… Enfin, de grands espoirs sont nés avec
à long terme. Les études médico-économiques ne
l’arrivée de produits injectables comme le concentré
sont pas en faveur de l’utilisation du corticoïde dans le
de facteurs plaquettaires (plasma riche en plaquettes traitement de l’EL.
ou PRP), le sang total, l’acide hyaluronique, le
Chapitre 3. Coude 87

fléchisseur ulnaire du carpe ou FUC (cubital


• Les recommandations récentes de la littérature inter-
nationale étant peu claires et parfois contradictoires, antérieur) et pronator teres ou PT (rond prona-
dans les faits, les médecins continuent à gérer la patho- teur) (Figure 3.12).
logie en fonction de leur croyance et de leur expérience. Elle survient chez des sportifs dont le coude
Les «  anciens traitements  »  – on en a dénombré une est soumis à des mouvements répétés de flexion–
trentaine – restent pour certains une pratique courante. inclinaison cubitale du poignet, le coude étant en
• Il n’y a pas aujourd’hui de preuve solide scientifique pronation : par exemple, lors du lancer de javelot
pour penser que le PRP favorise une cicatrisation plus ou au base-ball, lors du geste d’oscillation d’un
rapide et plus efficace du tendon. club de golf ou du service au tennis, en pratiquant
le tir à l’arc ou chez les véliplanchistes de longue
distance. En dehors du sport, le port d’une valise
lourde ou le maniement d’une hache ou d’une
Épicondylalgie médiale tronçonneuse en sont parfois la cause.

Y. Catonné, H. Guerini Clinique


Le maître symptôme est la douleur médiale du
coude. Elle est spontanée, parfois retrouvée
Épicondylite médiale en serrant simplement un objet ou provoquée
(ou épitrochléite) à la palpation directe de la face antérieure de
l’épitrochlée et lors de l’épreuve de contraction
Elle est parfois appelée golf-elbow, bien que l’épi- contrariée : à la flexion active du poignet (FDS et
condylite latérale soit également fréquente dans FCU), à la flexion active–inclinaison cubitale du
ce sport. poignet (FUC) et à la pronation contrariée (PT).
L’examen doit rechercher une instabilité médiale
Anatomie et épidémiologie et des signes de neuropathie ulnaire.
L’épicondylite médiale est nettement moins
Imagerie
fréquente que l’épicondylite latérale. Il s’agit
d’une tendinopathie d’insertion des épicondy- La radiographie standard montre rarement des
liens médiaux  : flexor digitorum superficialis ou calcifications et est surtout utile au diagnostic
FDS (fléchisseur commun superficiel), flexor carpi différentiel. L’échographie, comparative avec le
ulnaris ou FCU (fléchisseur radial du carpe ou côté opposé, peut montrer des lésions semblables
grand palmaire), long palmaire (petit palmaire), à celles de l’épicondylite latérale.

Figure 3.12. Muscles épicondyliens médiaux.


Source : Carole Fumat.
88 Traumatologie en pratique sportive

Dans les cas rebelles, on a recours à l’IRM qui Tendinopathies et ruptures


montre les signes habituels d’enthésopathie avec distales du biceps
modification de signal du tendon (Figure 3.13).
brachial (biceps brachii)
Traitement
Y. Catonné, H. Guerini
Il est assez semblable à celui de l’épicondylite
latérale à quelques différences liées à la proximité
du nerf ulnaire qui doit rendre prudent sur
certaines techniques (ondes de choc, ténotomies
Anatomie
à foyer fermé). Le tendon distal du biceps brachial comporte
une insertion principale s’insérant sur la partie
postérieure de la tubérosité bicipitale après une
Autres causes zone d’amincissement et d’étalement, le tendon
d’épicondylalgie médiale s’enroulant autour de celle-ci. Cette insertion
Comme pour le côté médial, une symptomatolo- principale est en fait, dans environ la moitié des
gie nerveuse peut être présente et se manifester cas, formée de deux tendons distincts, un court et
par des paresthésies dans le territoire du nerf un long, issus de la réunion des deux corps mus-
ulnaire, pouvant témoigner d’une compression culaires. L’insertion secondaire est représentée
ou d’une irritation nerveuses. Un signe de Tinel par une lame fibreuse (lacertus fibrosis) s’insérant
doit être recherché. Un électromyogramme doit sur l’aponévrose antébrachiale. La fonction du
être demandé. biceps est la flexion de l’avant-bras sur le bras
En fait, il faut surtout éliminer les autres causes (qu’elle partage avec le brachial antérieur plus
de douleur médiale du coude : chondropathie ou puissant), mais surtout la supination  : elle est
arthrose huméro-ulnaire, lésion du ligament col- deux fois plus efficace que le supinateur (court
latéral médial, fracture de fatigue de l’épicondyle supinateur), coude en extension, et le devient
médial, névralgie cervicobrachiale. encore davantage lors de la flexion du coude.

Tendinopathies du
biceps brachial distal
Elles sont rares, surtout décrites chez le sujet
de 40 à 50 ans pratiquant le culturisme ou l’hal-
térophilie mais également la pelote basque et le
judo. Cliniquement, elles se manifestent par une
douleur antérieure du coude retrouvée à la palpa-
tion du tendon bicipital distal, accentuée au test
de flexion–supination contrariée. L’échographie
retrouve des remaniements microtraumatiques
avec épaississement hypo-échogène du tendon,
occasionnellement siège de microcalcifications,
et parfois une péritendinopathie plus ou moins
vascularisée au Doppler. Le traitement est conser-
vateur dans la grande majorité des cas, exception-
nellement chirurgical (désinsertion–réinsertion
Figure 3.13. Aspect en IRM d’une épicondylite médiale. du tendon principal).
Chapitre 3. Coude 89

Ruptures et avulsions contrariée) : ce signe (parfois qualifié de signe


du biceps brachial distal de Popeye) permet d’affirmer le diagnostic mais
est inconstant, car il dépend du degré de rétrac-
Épidémiologie tion du tendon. Une douleur à la supination
contrariée est souvent présente.
Les ruptures du tendon distal du biceps brachial
sont réputées rares, mais en fait les praticiens en
Imagerie
rencontrent davantage depuis qu’ils connaissent
cette pathologie, auparavant souvent méconnue. Elle comporte une radiographie du coude, recher-
Elles représenteraient 3 % de l’ensemble des rup- chant un très rare arrachement osseux au niveau
tures tendineuses du biceps, alors que l’incidence de la tubérosité bicipitale, et une échographie.
des ruptures de l’insertion haute de la longue por- L’échographie recherche la bifurcation des deux
tion serait de 96 % et celle de la courte portion de chefs de l’insertion principale, quasi constante,
1 %. En cas de rupture, il existe le plus souvent une l’absence de visualisation du tendon en regard de la
avulsion réalisant un véritable déshabillage de la tubérosité bicipitale en cas d’avulsion, la présence
tubérosité. Des ruptures partielles du tendon prin- d’un moignon de tendon plus ou moins rétracté
cipal ont été décrites. L’insertion secondaire peut et d’un hématome en regard (Figure 3.14).
être intacte ou conservée, expliquant dans ce der- L’IRM n’est pas nécessaire dans les formes
nier cas la possibilité d’une ascension modérée du vues tôt, sauf lorsque la rétraction du tendon est
tendon. Les ruptures surviennent en grande absente.
majorité chez des hommes (la lésion est excep- Le diagnostic est souvent fait avec retard, le
tionnelle chez la femme), le plus souvent âgés patient, rassuré par le fait que la flexion et la
de  40 à  50  ans. Les accidents domestiques sont supination du coude restent possibles, consultant
le plus souvent en cause, mais les traumatismes parfois tardivement.
sportifs ne sont pas rares (environ 30  %). Leur Une ecchymose est souvent présente. Il existe
mécanisme est pratiquement toujours le même  : un déficit de la force de supination comparée
flexion active du coude avec biceps contracté au côté opposé. On recherche une rétraction du
opposée à une extension passive, celle-ci étant corps du biceps. L’imagerie prend alors toute son
réalisée soit par le soulèvement d’un objet lourd, importance  : échographie et IRM montrant le
soit par un effort de l’adversaire tentant d’étendre niveau de la rupture et de la rétraction tendineuse
un coude en flexion (sports de contact). Les (Figure 3.15).
sports le plus souvent en cause sont l’haltéro-
philie, le culturisme, la gymnastique, le rugby et
le judo (combat au sol). Les ruptures peuvent être
favorisées par une tendinopathie préexistante ou
par l’absorption de stéroïdes ou d’anabolisants.

Clinique
Le diagnostic doit être fait cliniquement lorsque
le patient est vu tôt :
• par l’interrogatoire retrouvant une douleur en
éclair avec parfois craquement, et précisant le
mécanisme lésionnel ;
• par l’examen clinique recherchant à la palpation
le tendon rétracté (tuméfaction située au-dessus Figure 3.14. Aspect en échographie d’une rupture
du pli du coude, majorée lors d’une flexion du biceps distal.
90 Traumatologie en pratique sportive

Figure 3.15. Vue IRM sagittale d’une rupture du biceps brachial.


a. Rupture distale sans rétraction du tendon b. Rupture avec rétraction du tendon et du corps musculaire.

Traitement ouvert est possible. L’IRM est importante dans le


Le traitement conservateur, parfois proposé chez bilan préopératoire. Le risque postopératoire est
le sujet âgé non sportif, doit être évité chez le majoré par rapport aux formes vues précocement.
sportif car il laisse un important déficit de force
Suites postopératoires
de supination.
Dans les formes vues tôt, le traitement chirur- Les soins postopératoires après chirurgie consis-
gical est la règle  : la discussion entre réinsertion tent en une attelle postérieure avec mobilisation
du tendon sur le brachial antérieur (technique de précoce en limitant l’extension à environ 40° au
Dobbie) et réinsertion sur la tubérosité bicipitale début, suivie d’une attelle articulée. L’extension
doit être tranchée en faveur de cette dernière. complète n’est pas autorisée avant 6 semaines et
La réinsertion peut être réalisée soit par deux le renforcement musculaire avant 3 mois.
incisions (technique de Boyd), soit par une inci- Les complications après chirurgie consistent
sion unique antérieure. Elle utilise souvent une surtout en un déficit du nerf radial qui serait plus
ancre mise en place sur la partie postérieure de la fréquent dans la technique à une incision unique.
tubérosité (plus rarement un endobouton), coude La technique endoscopique semble minimiser ce
en supination maximale. risque. Un autre risque est représenté par la sur-
L’intervention peut être réalisée par voie venue de calcifications pouvant réaliser au pire
mini-invasive avec abord endoscopique  : cette une synostose radiocubitale, complication très rare
technique permettrait de diminuer le risque de mais redoutable.
complication nerveuse. Les résultats après chirurgie sont bons dans la
Dans les formes vues tardivement, le traitement grande majorité des cas, permettant un retour à
dépend du terrain et de l’importance de la gêne l’activité sportive pratiquée préalablement, sachant
fonctionnelle : lorsque l’indication au traitement qu’il s’agit le plus souvent de patients âgés de 40
chirurgical est retenue, seul le traitement à ciel à 50 ans.
Chapitre 3. Coude 91

Triceps brachial distal :


tendinopathies et ruptures
Y. Catonné, H. Guerini

Tendinopathie du triceps brachial


Liée à des mouvements répétés d’extension du
coude, cette affection se rencontre soit en patho-
logie rhumatismale, soit en pathologie sportive :
exercices de musculation répétés, pratique du
tennis, haltérophilie, gymnastique peuvent être
à l’origine de cette tendinopathie. Le diagnos-
tic est clinique, confirmé par l’échographie. Le
traitement est conservateur et repose sur le repos
sportif et les techniques habituelles, sachant que
Figure 3.16. Aspect en IRM d’une rupture du triceps
le tendon est très superficiel. brachial.

Rupture et avulsion du tendon de flexion pendant 6  semaines) peut être discuté


distal du triceps brachial et est souvent préféré chez un sujet âgé ou fragile
présentant une pathologie grave, autant il ne se
Cette lésion est encore plus rare que la rupture discute pas chez le sportif : une chirurgie précoce
du biceps. Elle survient avec prédilection sur un est indiquée, même dans les lésions partielles.
certain terrain (insuffisance rénale, hyperparathy- Elle consiste en une réinsertion transosseuse du ten-
roïdie, maladies de système) mais peut également don (après tranchée osseuse et points en double U
survenir chez le sportif, en particulier après infil- (parfois utilisant des ancres). Les soins postopéra-
tration locale de corticoïdes ou ingestion d’ana- toires consistent en une mobilisation précoce (0
bolisants. Le mécanisme lésionnel est représenté à 60° de flexion passive) et une attelle postérieure
par une contraction active du triceps en extension pendant 6  semaines. Au-delà, la flexion est aug-
opposée à une flexion passive : les sports en cause mentée de 10° par semaine. Dans les formes vues
décrits dans la littérature sont l’haltérophilie, le tardivement, différentes plasties ont été décrites
culturisme, le volley-ball (service), le lancer de utilisant un tendon de la patte d’oie, une allogreffe
marteau, le football américain. de tendon d’Achille (technique de la Mayo Clinic).
Cliniquement, le diagnostic est facile lorsqu’il
existe une douleur postérieure brutale suivie Pour en savoir plus
d’un gonflement puis d’une ecchymose, avec une
Lésions ligamentaires et fractures – Coude
impossibilité d’extension contre résistance. Le ostéo-articulaire d’hyperutilisation
tableau peut être beaucoup moins évident en cas Bonnevialle P. Fractures récentes de l’extrémité proximale
de rupture partielle. La radiographie peut mon- des deux os de l’avant-bras de l’adulte. EMC –
trer sur le cliché de profil de très petits fragments Appareil locomoteur 2000. [Article 14-043-A-10].
osseux au niveau de l’olécrane (signe des flocons) Erickson BJ, Chalmers PN, Bush-Joseph CA, Verma NN,
Romeo AA. Ulnar collateral ligament reconstruction of
révélateurs d’une avulsion. L’échographie confirme
the elbow: a systematic review of the literature. Orthop
le diagnostic. L’IRM permet d’identifier le type de J Sports Med 2015;3(12). 2325967115618914.
rupture et le degré de rétraction (Figure  3.16). Mansat P, Bonnevialle N. Luxations du coude. EMC –
Autant le traitement conservateur (attelle à  30° Appareil locomoteur 2009. [Article 14-042-A-10].
92 Traumatologie en pratique sportive

O’Driscoll SW, Bell DF, Morrey BF. Posterolateral rota- Khiami F, Tavassoli S, De Ridder Baer L, Catonné Y,
tory instability of the elbow. J Bone Joint Surg Am Sariali E. Distal partial ruptures of triceps brachii
1991;73(3):440–6. tendon in an athlete. OTSR 2012;98:242–6.
O’Driscoll SW, Jupiter JB, King GJ, Hotchkiss RN, Kraushaar BS, Nirschl RP. Tendinosis of the elbow (tennis
Morrey BF. The unstable elbow. J Bone Joint Surg elbow). Clinical features and findings of histological,
Am 2000;82:724–38. immunohistochemical, and electron microscopy stu-
Tendinopathies et ruptures tendineuses dies. J Bone Joint Surg Am 1999;81:259–78.
Bach G, Zeitoun-Eiss D, Mercy G, Renoux J, Brasseur JL. Nirschl RP, Ashman ES. Elbow tendinopathy: tennis
Échographie du tendon distal du biceps brachial. In: elbow. Clin Sports Med 2003;22:813–36.
Brasseur JL Dir, editor. Actualités en échographie de Ollivierre CO, Nirschl RP. Tennis elbow. Current
l’appareil locomoteur. Sauramps Médical; 2010. concepts of treatment and rehabilitation. Sports Med
Benneth BS. Triceps tendon rupture. J Bone Joint Surg 1996;22:133–9.
Am 1962;44:741–4. Sanders TL Jr, Maradit Kremers H, Bryan AJ, Ransom JE,
Boyd HB. Anderson LD A method for reinsertion of Smith J, Morrey BF. The epidemiology and health
the distal biceps brachii tendon. J Bone Joint Surg care burden of tennis elbow: a population-based
1961;43A:1041–3. study. Am J Sports Med 2015;43:1066–71.
Catonné Y, Pascal-Moussellard H, Colonna d’Istria H, Van Riet RP, Morrey BF, Ho E, O’Driscoll SW. Surgical
Busson J, Rouvillain JL. Les ruptures de l’extrémité treatment of distal triceps ruptures. J Bone Joint Surg
inférieure du biceps brachial. À propos de 43 cas. Rev Am 2003;85A:1961–7.
Chir Orthop 1995;81:163–72. Verhaar JA. Tennis elbow. Anatomical, epidemiological
Duffiet P, Fontes D. Réparation endoscopique des avulsions and therapeutic aspects. Int Orthop 1994;18:263–7.
du biceps distal : une nouvelle technique. À propos de
25 cas. Chirurgie de la main 2009;28:146–52.
Chapitre 4
Poignet et main

et les ruptures ligamentaires intracarpiennes qui


1. Fractures et luxations font la gravité de ces fractures, dont le pronostic
du poignet dépend de la qualité du traitement de chacune de
ces atteintes pour limiter au maximum le risque
D. Le Viet, L. Merlini, M. Gras, A. Arnaout, évolutif majeur, l’arthrose, ainsi qu’une raideur et
Ch. Mathoulin des douleurs résiduelles. Ce risque de complica-
tions, pouvant survenir à court terme, prend tout
son sens dans une population de patients sportifs,
a fortiori professionnels, chez qui l’enjeu fonction-
nel est primordial. La restauration anatomique,
Fractures de l’extrémité pour la fracture comme pour les lésions associées,
inférieure du radius est donc la règle. L’ostéosynthèse du radius distal,
le plus souvent par plaque antérieure, sera très
L. Merlini, M. Gras, A. Arnaout, Ch. Mathoulin volontiers associée à une arthroscopie du poignet
pour aider et contrôler la réduction articulaire, et
traiter les lésions ligamentaires.
Points clés Les fractures du radius distal sont, en fré-
• Fractures à haute énergie, souvent articulaires, avec quence, parmi les premières lésions traumatiques
un enjeu fonctionnel majeur. du sportif. Elles représentent 17 % de l’ensemble
• Importance de la composante articulaire. des fractures liées à la pratique d’un sport chez
• Techniques chirurgicales  : le traitement repose sur l’adulte, et 23  % chez l’adolescent. Alors que la
une restauration anatomique parfaite avec prise en
composante articulaire n’intéresse que 15 à 30 %
charge des lésions associées.
• Place primordiale de l’arthroscopie dans le traitement
des fractures dans la population générale, les
des fractures articulaires. quelques séries chez des patients sportifs retrou-
• Traitement des lésions associées  : osseuses, chon- vent des proportions de l’ordre de 50 à 70 %. Il
drales, ligamentaires. ne semble pas exister de sport particulièrement
incriminé, ces fractures survenant dans tous les
sports à risque de chute ou de contact violent.
Épidémiologie Les mécanismes sont variés, mais on retrouve le
plus fréquemment un traumatisme en extension
Les fractures du radius chez les patients sportifs forcée, en pronation, plus rarement en supination.
sont le plus souvent des fractures intra-articulaires,
en lien avec un traumatisme à haute énergie.
Ces fractures à haute énergie entraînent, en plus Classifications
de l’atteinte articulaire, des lésions associées
qui s’intègrent dans le cadre d’un traumatisme Il existe de nombreuses classifications concernant
complexe avec une variété d’atteintes ligamen- les fractures du radius distal, notamment celles
taires ou cartilagineuses. C’est à la fois l’atteinte de l’AO Foundation, de Castaing, de Frykman-
articulaire, les pertes de substances chondrales Knirk, de Melon, de Cooney, de Herzberg…
Traumatologie en pratique sportive
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
94 Traumatologie en pratique sportive

On distingue les fractures extra- et intra-arti- atteinte des plans ligamentaires périphériques),
culaires : comminution dorsale (facteur d’instabilité et de
• concernant les fractures extra-articulaires, la plu- déplacement secondaire) et, bien entendu, lésions
part des classifications décrivent différents types associées (osseuses, chondrales ou ligamentaires).
en fonction du déplacement et du mécanisme :
compression–extension à déplacement postérieur Traitement des fractures
(type Pouteau-Colles) ou compression–flexion à extra-articulaires
déplacement antérieur (type Goyrand-Smith) ;
• pour les fractures articulaires, Letrosne, Mathou- Elles sont également retrouvées dans la popula-
lin et Saffar ont proposé une classification axée tion sportive, mais en plus faible proportion que
sur les fractures articulaires de l’adulte jeune qui dans la population générale. En effet, les trau-
restent bien souvent les plus difficiles à classer matismes du poignet chez le sportif surviennent
(figure  4.1 et tableau  4.1). Le type II est soit volontiers à cinétique moyenne ou élevée, ils sont
scaphoïdien soit lunarien, selon dans quelle fos- pourvoyeurs de lésions intra-articulaires.
sette finit le trait de fracture, voire radio-ulnaire Tout comme chez le sujet plus âgé, où ces frac-
si le trait se prolonge en interne. Les types II, tures sont prédominantes, leur déplacement peut
III et IV sont volontiers pourvoyeurs d’instabi- être analysé dans le plan sagittal avec une bascule
lité scapholunaire, qui devra être recherchée et antérieure ou postérieure, ainsi que dans le plan
traitée. Enfin, il existe des critères à prendre en frontal avec souvent une translation radiale.
compte en raison de leur influence sur la décision Le traitement vise à restaurer l’anatomie en
thérapeutique et la technique : ouverture cutanée corrigeant ce déplacement s’il existe. En dehors
(risque infectieux mais surtout témoin d’un pos- de l’enfant ou du jeune adolescent, il n’existe plus
sible délabrement des tissus mous et nobles), d’indication à une simple réduction suivie d’une
déplacement initial (témoin d’une potentielle immobilisation plâtrée.

Figure 4.1. Classification des fractures articulaires.


Source : Carole Fumat.

Tableau 4.1. Classification des fractures articulaires du radius distal.


Description Exemples
Type I Un seul trait articulaire, dans le plan frontal Fracture marginale antérieure (très rarement postérieure)
Type II Un seul trait articulaire, dans le plan sagittal (scaphoïdien Fracture cunéenne externe (atteinte fréquente
ou lunarien selon l’obliquité du trait) du ligament scapholunaire)
Type III Un trait extra-articulaire horizontal + un trait articulaire (± refends Fracture en T
des fragments principaux) Die-punch fracture
Type IV Un trait extra-articulaire horizontal + deux traits articulaires Fracture avec fragment postéromédial
(sagittal et frontal) Fracture bimarginale
Fracture en croix
Chapitre 4. Poignet et main 95

Chez l’adulte, le traitement orthopédique est à Le choix du mode d’ostéosynthèse dépendra


réserver aux fractures non déplacées. Il consiste en du ou des traits de fracture à fixer. La plaque
une immobilisation plâtrée anté-brachio-palmaire antérieure est une référence pour la majorité des
en position de fonction (légère extension du poi- fractures, mais certains types (notamment le type
gnet) pendant 6 semaines, avec une surveillance II de notre classification) se prêtent aisément à un
radiologique initiale rapprochée afin de s’assurer vissage simple (figure 4.2).
de l’absence de déplacement sous plâtre.
Si nécessité de réduction il y a, elle devra bien
souvent être suivie d’une ostéosynthèse pour
éviter un déplacement secondaire. Si l’embro-
chage intrafocal peut éventuellement être pro-
posé sur des fractures extra-articulaires sur un
os jeune de bonne qualité, il tend cependant à
être abandonné au profit des plaques antérieures
verrouillées qui permettent, en plus d’une réduc-
tion anatomique, une mobilisation immédiate
au vu  de l’excellente stabilité du montage sur
ce type de fracture. Une rééducation rapide sera
donc possible, ce qui prend tout son sens chez
un patient sportif. Figure 4.2. Fracture articulaire cunéenne externe traitée
par vissage.

Traitement des fractures


articulaires Ostéosynthèse sous arthroscopie :
technique chirurgicale
Principes généraux
La technique que nous proposons ici peut être
Les principes du traitement reposent essentielle- adaptée selon les besoins et les habitudes du chirur-
ment sur la restauration de la surface articulaire gien. Elle consiste à procéder par étapes :
du radius et des autres critères anatomiques clas- 1. ostéosynthèse provisoire (broches, plaque) par
siques (inclinaison radiale, variance ulnaire, version voie ouverte ;
du radius). On sait qu’un défaut de réduction de 2. contrôle arthroscopique ;
1  mm en zone articulaire entraîne l’apparition 3. réduction complémentaire et ostéosynthèse
d’une arthrose secondaire. définitive ;
Par ailleurs, l’autre objectif chez un patient 4. traitement des lésions associées.
sportif sera une récupération rapide avec mobi- La voie d’abord est celle de Henry, passant entre
lisation la plus précoce possible pour réduire au le pédicule radial et le flexor carpi radialis, récli-
maximum la période d’éloignement du terrain. nant le paquet des fléchisseurs en ulnaire, expo-
C’est sans doute l’une des grandes particularités sant le radius distal après désinsertion radiale du
dans la prise en charge d’un patient sportif  : la pronator quadratus. La réduction extra-articulaire
pression pour un retour rapide à la pratique et qui est alors réalisée et la plaque appliquée et fixée par
plus est à haut niveau. une vis diaphysaire. Une ou deux vis épiphysaires
Cela implique un traitement qui sera bien sou- sont mises dans les zones montrant une bonne
vent chirurgical, permettant une ostéosynthèse réduction radiologique.
suffisamment stable pour répondre à ces exi- L’exploration arthroscopique s’attache à trois
gences, ainsi qu’une réduction irréprochable des évaluations : la qualité de la réduction, les dégâts
fragments articulaires. C’est ce dernier critère qui cartilagineux et les lésions ligamentaires. Concer-
donne une large place à l’arthroscopie de poignet nant l’évaluation de la réduction articulaire, il
dans le traitement de ces fractures. existe plusieurs possibilités.
96 Traumatologie en pratique sportive

Si la fracture est parfaitement réduite d’emblée, une voie d’abord dorsale complémentaire peut
on procède alors à l’ostéosynthèse définitive. être réalisée pour tenter d’améliorer la réduction
S’il persiste un défaut de réduction articulaire articulaire.
(marche d’escalier, gap, enfoncement), il faut Ce temps arthroscopique permet également la
s’attacher à réduire les fragments sous contrôle recherche et le traitement des lésions ligamen-
arthroscopique à l’aide d’un crochet palpeur ou taires associées.
d’une spatule. La mobilisation des fragments Enfin, on procède à l’ostéosynthèse définitive.
(surtout en cas de fracture comminutive) peut En cas de mise en place d’une plaque antérieure, les
également faire appel à des broches à effet joystick. dernières vis épiphysaires sont placées au plus près
Ces broches peuvent contribuer à la fixation tem- de la surface articulaire et verrouillées (figure 4.3).
poraire une fois la réduction atteinte, en atten- Il est souhaitable de respecter la règle des
dant la fixation définitive par les vis épiphysaires. 90 minutes pour une telle intervention, afin de
Selon la position des fragments à réduire, il peut réduire le risque d’œdème postopératoire pouvant
être nécessaire de modifier la position de l’arthro- se compliquer de compression du nerf médian ou
scope (en faisant par exemple appel à une voie de syndrome des loges. Classiquement, on répar-
palmaire pour un fragment dorsal). tit ces 90 minutes en 3 fois 30 minutes (réduction
Si la fracture est irréductible, notamment en et fixation provisoire, exploration arthroscopique,
cas d’enfoncement central important (die-punch ostéosynthèse définitive).
fracture), il peut être nécessaire de réaliser un
mini-abord dorsal juste en amont du tubercule de Traitement des lésions associées
Lister, afin de procéder à une fine corticotomie
Lésions ligamentaires
pour y glisser un petit ostéotome permettant
d’accéder au fragment enfoncé et de le relever. Ligament scapholunaire
Une éventuelle greffe osseuse impactée sur le L’exploration arthroscopique radiocarpienne et
trajet de l’ostéotome permet alors de soutenir médiocarpienne sera le meilleur outil pour déceler
cette réduction. une lésion du ligament scapholunaire (présente
En cas de fracture très comminutive, dont dans 30 à 50  % des cas), ainsi que pour la clas-
la réduction arthroscopique semble inaccessible, sifier et la traiter. La vue radiocarpienne offre un

Figure 4.3. Fracture articulaire du radius distal : avant et après ostéosynthèse.


a. Fracture articulaire de l’extrémité inférieure du radius. b. Radiographie après réduction sous contrôle arthroscopique
et ostéosynthèse par plaque.
Chapitre 4. Poignet et main 97

très bon jour sur la partie dorsale du ligament, sont associées aux lésions du ligament triangulaire.
et la vue médicarpienne permet d’objectiver une En réalité, toute lésion de la styloïde ulnaire
éventuelle marche entre le lunatum et le sca- renvoie à ce qui a été dit concernant l’exploration
phoïde, qui pourra être réduite par la même arthroscopique du ligament triangulaire, dont le
occasion, tout en réparant le ligament selon notre traitement sera de mise en cas de lésion ou
technique de capsulodèse dorsale arthroscopique d’instabilité radio-ulnaire distale. L’ostéosynthèse
et/ou par brochage scapholunaire plus ou moins de la styloïde ulnaire sera à discuter pour les gros
scaphocapital. fragments, emportant la base et/ou un fragment
de la tête ulnaire.
Ligament lunotriquétral Par ailleurs, le temps arthroscopique sera aussi
Il sera exploré selon les mêmes principes que pour l’occasion de rechercher une éventuelle fracture
le ligament schapholunaire, et toute lésion pourra du scaphoïde ou d’un autre os du carpe.
être traitée par voie arthroscopique en utilisant
également une capsulodèse dorsale plus ou moins Soins postopératoires
associée à un brochage lunotriquétral. et retour au sport

Ligament triangulaire En dehors des soins postopératoires locaux, le


principal enjeu du postopératoire chez le sportif
Les lésions périphériques pourront être aisément est une récupération la plus rapide possible. Les
réparées sous arthroscopie par le biais d’une réin- plaques antérieures verrouillées offrent générale-
sertion capsulaire périphérique à travers la capsule ment une stabilité permettant une mobilisation
dorsale pour les avulsions ulnaires du ligament. immédiate, même en cas de fracture articulaire
Les avulsions radiales, plus rares, sont souvent et/ou comminutive. En cas de lésions ligamen-
liées à l’existence d’un fragment postéromédial taires associées, l’immobilisation sera en revanche
déplacé du radius distal. La réduction et la stabi- plus longue (6 semaines, par une attelle ther-
lisation de ce fragment permettent généralement moformée), d’où l’importance de ne pas «  sur-
de traiter le problème. traiter » les lésions ligamentaires sans gravité.
Enfin, les désinsertions fovéales sont à ne pas La rééducation peut donc commencer rapide-
manquer, car pourvoyeuses d’instabilité radio- ment, avec comme principal objectif une mobi-
ulnaire distale. La réinsertion fovéale du ligament lisation activopassive douce, dans le seul but
triangulaire par ancre est à préconiser devant d’entretenir un poignet souple. La force sera
toute lésion de la fovéa. travaillée au 3e mois.
Lésions cartilagineuses Le retour au sport sera à adapter au patient,
à son entourage sportif, au sport pratiqué, à la
L’exploration radiocarpienne permet de faire un fracture, à la stabilité du montage et aux lésions
bilan très précis sur la réduction de la composante associées. En règle générale, toute activité de force
articulaire de la fracture, mais aussi parfois sur les ou à risque de chute est à éviter les 3 premiers
atteintes cartilagineuses. Les lésions chondrales mois. Une reprise progressive est à mettre en place
vont du simple hématome sous-chondral à l’avul- en parallèle de la rééducation à compter de la 6e
sion chondrale complète avec perte de substance semaine.
cartilagineuse. D’éventuels corps étrangers peu-
vent être retirés et le bilan permet de prédire une
éventuelle évolution arthrosique à court terme. Conclusion
Lésions osseuses Les fractures du radius distal représentent un enjeu
Il n’est pas rare de retrouver une autre fracture particulier chez le sportif du fait de leur fréquence,
associée à celle du radius distal. Au premier plan, se de leur « gravité » mais aussi de l’importance de
trouvent les fractures de la styloïde ulnaire. Celles- l’atteinte articulaire et des lésions associées, sou-
ci, dont l’ostéosynthèse est rarement nécessaire, vent ligamentaires. L’objectif est de tout mettre en
98 Traumatologie en pratique sportive

œuvre pour restaurer l’anatomie de façon stricte, carpien de Schreck qui peuvent parfois montrer
aux niveaux osseux, cartilagineux et ligamentaire. le trait de fracture d’emblée, surtout s’il existe un
Toute lésion non ou mal traitée entraîne un risque déplacement. Il faut reconnaître que ces clichés
d’évolution arthrosique rapide, dont la probléma- sont souvent d’interprétation délicate au début. En
tique prend tout son sens chez des patients jeunes l’absence de visibilité du trait de fracture, devant
à haute demande fonctionnelle. L’arthroscopie de une forte suspicion diagnostique, il est habituel
poignet permet un traitement global, à la carte, de mettre en place une immobilisation provisoire
de ces fractures souvent complexes, en permet- par attelle anté-brachio-palmaire et de répéter des
tant  de contrôler la réduction articulaire et de clichés identiques 8 à 10 jours plus tard. Du fait de
traiter les lésions associées. l’ostéolyse au niveau du trait de fracture, celui-ci
devient parfois visible secondairement.
Si le trait de fracture est visible d’emblée, il faut
Fractures des os du carpe analyser trois paramètres qui conditionnent le
traitement et l’évolution :
D. Le Viet • le siège du trait de fracture siège dans la grande
majorité des cas au tiers moyen de l’os (70 %) :
c’est, avec les fractures polaires inférieures
(10  %) et les fractures du tubercule, la forme
Fracture du scaphoïde la plus favorable. Par contre, les rares fractures
Clinique polaires supérieures (10  %) sont exposées au
risque de pseudarthrose ;
Elle est de loin la fracture des os du carpe la • le type de trait  : il faut analyser le type de
plus fréquente. Elle se produit souvent lors de trait de fracture en opposant les traits trans-
chutes, poignet en extension avec impact sur versaux bien engrenés qui sont stables aux traits
l’éminence thénar. On la rencontre également lors obliques, voire verticaux, qui sont instables de
des traumatismes en hyperextension, comme dans même que les fractures comminutives ou avec
l’haltérophilie au cours de l’épaulé-jeté, ou lors troisième fragment externe ;
des traumatismes en hyperextension, comme chez • l’importance du déplacement doit être étudiée
le gardien de but en football. et il est évident que les fractures à gros déplace-
L’examen clinique peut être évocateur au début. ment sont un élément péjoratif pour le résultat
À la suite d’un traumatisme, le patient présente un final exposant au risque de dévascularisation et
œdème de situation variable, fonction du siège de pseudarthrose.
de la fracture  : soit postérieur dans la tabatière Certains auteurs ont recours d’emblée à une
anatomique, soit externe au niveau du poignet, scintigraphie qui, si elle est franchement positive,
soit antérieur au niveau de la gouttière du pouls. impose alors un scanner. D’autres auteurs préfèrent
On peut retrouver une douleur précise lors de la l’IRM qui assure le diagnostic de façon certaine et
pression dans la tabatière anatomique, ou anté- permet de distinguer fracture et contusion osseuse
rieure au niveau du tubercule du scaphoïde, avec microfracture trabéculaire indétectable au
associée à une douleur lors de l’hyperextension scanner. Ces examens sont surtout utiles en cas de
ou de l’inclinaison radiale. Il existe également un fracture oblique, où le trait de fracture est très dif-
signe évocateur de fracture du scaphoïde à savoir ficile à mettre en évidence sur les clichés standard.
la douleur à la traction et à la compression dans
l’axe de la colonne du pouce.
Traitement
Imagerie Une fois le trait de fracture mis en évidence, le
Devant la suspicion diagnostique, il faut demander traitement est fonction du siège du trait, de l’exis-
les quatre incidences spécifiques du scaphoïde tence d’une comminution ou d’un déplacement.
Chapitre 4. Poignet et main 99

Le traitement orthopédique comprend la mise préférable de les synthéser par une vis introduite
en place d’un plâtre anté-brachio-palmaire, par voie rétrograde (figure 4.5). Certains auteurs
habituellement pour 2 mois et demi à 3 mois. proposent pour ces fractures une fixation de
Il ne faut plus immobiliser le coude pour ces principe même pour des fractures sans déplace-
fractures. Ce plâtre doit prendre la métacarpo- ment, en particulier chez certains sportifs profes-
phalangienne et la 1re phalange du pouce en sionnels, tels les cyclistes, afin de leur permettre
immobilisant le pouce en antépulsion/écartement une reprise rapide de leur activité.
maximal. Ce traitement est préconisé pour les Les fractures du tubercule du scaphoïde sur-
fractures transversales sans déplacement. L’effi- viennent en particulier lors d’une chute en recu-
cacité est remarquable surtout pour les fractures lant (comme un tennisman qui chute en arrière
du tiers moyen du scaphoïde. Signalons que si un en voulant rattraper un lob). Il s’agit de fractures
patient souhaite une reprise rapide de ses activités, qui consolident beaucoup plus vite du fait de leur
il peut lui être proposé un vissage percutané du bonne vascularisation, habituellement en 45 jours.
scaphoïde (figure  4.4). Ce traitement permet de Méconnues et non traitées, ces fractures du tuber-
se passer d’immobilisation postopératoire, mais il cule du scaphoïde carpien peuvent évoluer vers
faut expliquer au patient les risques habituels de la un déplacement et exposer secondairement à une
chirurgie et surtout la nécessité d’éviter, du fait de tendinite du flexor carpi radialis (grand palmaire).
l’absence d’immobilisation, les gestes avec force, Pour nous, le traitement chirurgical est réservé
surtout en serrage–torsion, jusqu’à consolidation. aux fractures déplacées, surtout si le trait de frac-
En ce qui concerne les fractures polaires supé- ture est oblique car il risque de continuer à glisser
rieures, il s’agit de fractures qui sont très mal malgré l’immobilisation. En l’absence de diagnos-
vascularisées, car la vascularisation du scaphoïde tic, ces fractures évoluent vers une pseudarthrose
vient essentiellement de sa base. Ces fractures justifiant alors un traitement chirurgical avec greffe
sont donc exposées au risque de pseudarthrose. osseuse et synthèse. Actuellement, dans les cas dif-
S’il existe un déplacement minime, il semble ficiles, des greffons vascularisés sont employés : leur

Figure 4.4. Fracture du scaphoïde : avant et après ostéosynthèse.


a. Fracture transversale non déplacée du 1/3 moyen du scaphoïde chez un cycliste de haut niveau. b. Ostéosynthèse
par vissage percutané.
100 Traumatologie en pratique sportive

Figure 4.5. Fracture polaire supérieure du scaphoïde.


a. Fracture polaire supérieure du scaphoïde. b. Résultat après vissage rétrograde par vis de Herbert.

intégration est supérieure aux greffes convention- Fracture du crochet


nelles. Non traitées, ces pseudarthroses vont subir de l’hamatum (apophyse
une perte de hauteur du scaphoïde avec désaxation unciforme de l’os crochu)
carpienne d’adaptation et arthrose évoluée du poi-
gnet réalisant alors le SNAC wrist (scaphoid nonu- La fracture du crochet de l’hamatum, ou apo-
nion advanced collapse) de Krakauer. Ces lésions physe unciforme de l’os crochu (AUOC), repré-
justifient des traitements chirurgicaux complexes sente environ 2 % des fractures des os du carpe. Le
qui laisseront toujours des séquelles majeures. diagnostic initial de fracture est souvent méconnu
du fait de la difficulté à visualiser le crochet de
l’hamatum conduisant alors à une pseudarthrose.
Points clés : fracture du scaphoïde La consolidation de cette fracture peut néanmoins
• Chute sur l’éminence thénar poignet en extension. être obtenue si l’immobilisation est réalisée dès le
• Radiographies  : demander des incidences spéci- traumatisme initial. C’est dire l’importance d’un
fiques du scaphoïde de Schreck. diagnostic initial correct.
• Trait souvent invisible au début.
• En cas de doute diagnostic, immobilisation 8 à Physiopathologie
10 jours puis nouvel examen radiologique et éventuelle-
ment scanner, scintigraphie ou IRM selon les auteurs. Deux types lésionnels peuvent être individualisés
• Pour les fractures stables transversales sans déplace- en particulier en traumatologie du sport :
ment, traitement orthopédique (sauf pour certains sportifs • les mécanismes directs par choc violent souvent
professionnels ou patients exigeants). répété de la base du crochet de l’hamatum avec
• Pour les fractures à trait oblique ou déplacée, un un appui d’un manche de raquette, d’un club
traitement chirurgical est préférable. de golf ou de batte type base-ball. Signalons
• Non traitée, cette fracture risque d’évoluer vers une que dans ce type de mécanisme, la lésion siège
pseudarthrose et secondairement un SNAC wrist de
du côté dominant pour le tennis ou le base-ball
mauvais pronostic fonctionnel.
et du côté non dominant pour le golf ;
Chapitre 4. Poignet et main 101

• les mécanismes indirects sont d’analyse plus Imagerie


complexe. Lors d’une chute sur la main en Le diagnostic repose sur un bilan radiographique
extension entraînant la fracture du crochet de précis. Des radiographies comparatives des deux
l’hamatum, le mécanisme peut être une force poignets de face peuvent mettre en évidence
indirecte par traction sur le ligament annulaire une perte du contour du crochet de l’hamatum.
antérieur du carpe entre les éminences thénar et Il faut également demander des clichés de 3/4
hypothénar (comme on peut le rencontrer lors et des incidences de canal carpien de Hart et
des sports type judo ou rugby). Gaynor, dégageant bien la 2e rangée des os
du carpe. Une incidence oblique de ¾ poi-
Clinique gnet en demi-supination avec inclinaison radiale
Au décours d’un traumatisme, la symptomatolo- forcée (figure  4.7) permet parfois de visualiser
gie est extrêmement pauvre. Il existe parfois un la fracture, mais elle est difficilement praticable
discret œdème du bord ulnaire du poignet. Si le en urgence de même que l’incidence de Hart
mécanisme lésionnel est évocateur (coup droit et Gaynor.
lifté au tennis ou swing raté au golf), il faut systé- Souvent, cette fracture est difficile à mettre en
matiquement rechercher une douleur sur la ligne évidence et certains auteurs préconisent une scin-
de Carter. En effet, Carter a bien décrit le siège de tigraphie qui, si elle montre une fixation localisée
la projection du crochet de l’hamatum qui se intense au bord interne du poignet, confirme de
situe à 2 cm du pisiforme sur une ligne tendue du façon quasi certaine le diagnostic.
pisiforme à la tête du 2e métacarpien (figure 4.6). Le meilleur examen pour effectuer le diagnos-
La découverte d’une douleur précise à ce niveau tic est sûrement le scanner (figure  4.8) qui va
à la pression palmaire est un élément important permettre de déterminer le siège de la fracture
de suspicion du diagnostic et cela doit conduire et l’existence éventuelle d’un déplacement. Il est
à des examens radiologiques pour mettre en
évidence cette fracture. Un autre signe semble
avoir une bonne sensibilité, c’est le hamate pull
test de Wright. Le poignet en inclinaison ulnaire
(cubitale), la flexion contrariée des 4e et 5e doigts
entraîne une douleur élective en regard du cro-
chet de l’hamatum.

Figure 4.7. Fracture du crochet de l’hamatum :


radiographie.
Figure 4.6. Fracture du crochet de l’hamatum : clinique. L’incidence oblique de 3/4 poignet en demi-supination
Projection du crochet de l’hamatum sur la ligne de Carter avec inclinaison radiale forcée permet parfois de visualiser
à 2 cm du pisiforme. la fracture (flèches).
102 Traumatologie en pratique sportive

Points clés : fracture du crochet


de l’hamatum
• Le diagnostic initial est souvent méconnu.
• Au tennis, le côté dominant est atteint, tandis qu’au
golf, c’est le côté non dominant qui est touché.
• Douleur à la pression sur la ligne de Carter.
• Si les incidences radiologiques sont insuffisantes en
cas de suspicion clinique, faire un scanner.
• Si elle est vue précocement et non déplacée, une
immobilisation s’impose  ; en cas de pseudarthrose
douloureuse, l’excision du crochet de l’hamatum est
réalisée.
Figure 4.8. Fracture du crochet de l’hamatum : scanner.
Le scanner met en évidence une fracture du crocher
de l’hamatum avec écart interfragmentaire important.
Autres fractures du carpe
important d’effectuer un diagnostic précis, car
En dehors de ces deux fractures du carpe les
immobilisée correctement cette fracture peut très
plus fréquentes, on retrouve également lors de
bien consolider si le déplacement est minime.
la traumatologie du sport des fractures plus rares
des autres os. Il s’agit le plus souvent de fracture–
Traitement
arrachement du trapezium (trapèze), du lunatum
Une fois le diagnostic de fracture du crochet de (semi-lunaire), du triquetrum (pyramidal) et très
l’hamatum posé, il faut systématiquement recher- rarement du capitatum (grand os). Dans tous ces
cher des lésions associées et en particulier une cas, la clinique est toujours pauvre avec un discret
compression ou contusion du nerf ulnaire (cubi- œdème, une mobilité limitée par la douleur et une
tal), car les rapports entre le pédicule vasculoner- douleur à la pression dans la région de l’arrache-
veux ulnaire et le crochet de l’hamatum sont étroits ment osseux. Les radiographies permettent parfois
dans ce canal appelé loge de Guyon. Au moindre de mettre en évidence la lésion, mais en cas de
doute, un électromyogramme sera demandé à visée doute c’est souvent le scanner qui affirme le diag-
diagnostic et médicolégale. En cas de diagnostic nostic et permet une évaluation du déplacement.
précoce et de fracture peu ou pas déplacée, le traite­ Le traitement de ces lésions est orthopédique
ment de choix est l’immobilisation plâtrée. Cette par attelle anté-brachio-palmaire prolongée 30 à
immobilisation comprend un plâtre anté-brachio- 45  jours. Quant au traitement chirurgical, il est
palmaire prenant la 1re phalange de l’annulaire et exceptionnel, seulement justifié en cas de fracture
de l’auriculaire en flexion, à conserver 45 jours. méconnue ou de pseudarthrose gênante. Pour la
En cas de déplacement important (rare) ou de fracture du trapèze, il faut en plus immobiliser
diagnostic secondaire au stade de pseudarthrose la première phalange du pouce. Il faut souvent un
avec gêne, la meilleure solution est l’ablation du scanner de contrôle pour affirmer la consolidation.
crochet en pseudarthrose afin de supprimer toute L’atteinte du trapezium est le plus souvent due
aspérité gênante dans le plancher interne du canal à des chutes poignet en extension. La fracture
carpien, aspérité qui peut à la longue entraîner des habituellement rencontrée est une fracture–arrache-
lésions tendineuses ou vasculonerveuses dans la ment de la crête externe du trapèze, crête qui forme
loge de Guyon. la gouttière externe du flexor carpi radialis (grand
Signalons que quelques auteurs ont proposé palmaire). Elle survient soit lors d’un choc sur
une ostéosynthèse de cette fracture, attitude que l’éminence thénar, soit par un choc sur le ligament
nous n’avons jamais pratiquée, car les résultats annulaire antérieur qui entraîne cet arrachement de
obtenus par l’excision simple de l’AUOC sont en la crête externe du trapezium équivalent en miroir
règle satisfaisants. de la fracture du crochet de l’hamatum (figure 4.9).
Chapitre 4. Poignet et main 103

le trapezoid (trapézoïde), le capitatum (grand os)


et l’hamatum (os crochu). Les traumatismes du
poignet sont extrêmement fréquents tant dans
la vie courante que dans la pratique sportive.
Le diagnostic d’entorse banale du poignet est un
diagnostic qui doit être d’exclusion après avoir
recherché une lésion ligamentaire intracarpienne
Figure 4.9. Fracture de la crête externe du trapezium. dominée par la lésion scapholunaire. Méconnue
Arrachement de la crête externe du trapezium (T) et non ou mal traitée, c’est certainement la lésion
par traction du ligament annulaire antérieur du carpe (LAAC)
et flexor carpi radialis (FCR). H : hamatum.
ligamentaire intracarpienne la plus sérieuse et la
Source : Carole Fumat. plus grave. Elle survient lors de traumatismes
sévères du poignet en extension dorsale avec une
Il importe de faire le diagnostic et de traiter cette composante rotatoire et chute sur l’éminence
fracture par immobilisation, car non traitée le risque thénar. Les sports le plus souvent en cause sont :
est un déplacement secondaire pouvant entraîner tennis, basket-ball, volley-ball, patinage artistique,
une tendinite du flexor carpi radialis. base-ball et sports de combat.
La fracture du lunatum intéresse rarement le
corps, mais il s’agit d’une fracture–arrachement Clinique
de la crête postérieure du lunatum. Cette lésion Survenant à la suite d’un traumatisme du poi-
survient surtout dans le tennis et lors de chutes gnet, le sportif ressent une douleur violente.
poignet en flexion. Si le fragment osseux est petit, Lors de l’examen précoce, les signes sont le plus
la consolidation est souvent longue à obtenir. souvent modestes  : il existe une douleur à la
La fracture–arrachement du triquetrum sur- face postéro-externe du poignet avec un discret
vient lors d’un traumatisme en hyperextension– œdème dorsal et une limitation antalgique de la
inclinaison ulnaire ou en hyperflexion et inclinai- mobilité du poignet. Le maître symptôme est
son radiale. Il s’agit d’un arrachement postérieur la douleur précise dans la fossette de crucifixion
du triquetrum par traction du ligament radio- (figure  4.10) à la face postérieure du poignet,
triquetrum. située sous la marge du radius en dehors de la
Quant à la fracture du capitatum, elle est excep- masse des tendons extenseurs communs et en
tionnelle, décrite surtout chez des gymnastes ou dedans de la saillie palpable des tendons extensor
lors de chutes violentes, à moto par exemple. carpi radialis longus et brevis (1er et 2e radial).
Cette lésion est initialement non dissociative et

Lésions ligamentaires
et instabilités du poignet
D. Le Viet

Entorses du poignet
et instabilités scapholunaires
Le poignet présente une anatomie extrêmement
complexe avec une rangée proximale compre-
nant le scaphoïde, le lunatum (semi-lunaire), le
Figure 4.10. Entorse scapholunaire : clinique.
triquetrum (pyramidal) et le pisiforme, et une Siège de la douleur en cas de lésion scapholunaire
rangée distale comprenant le trapezium (trapèze), dans la fossette de crucifixion.
104 Traumatologie en pratique sportive

le bilan radiologique initial souvent normal, sca-


phoïde et lunatum restant en contact sans espace
scapholunaire. De plus, la manœuvre de Watson
à ce stade est habituellement négative et est
souvent difficile à réaliser en urgence du fait de
la douleur.
Devant un tel tableau clinique, en cas de sus-
picion de lésion scapholunaire, il faut pratiquer
une immobilisation antalgique par attelle anté-
brachio-palmaire de 8 à 10  jours, suivie d’un
nouvel examen.

Imagerie
Si l’on retrouve toujours la douleur précise dans
la fossette de crucifixion, on pratique des radio-
graphies comparatives des deux poignets face et
profil, avec un cliché en serrage des doigts et en
Figure 4.11. Instabilité scapholunaire : radiographie
inclinaison radiale et ulnaire maximum. Il faut en stress.
absolument obtenir des radiographies qui déga- Aspect radiographique en stress, poing fermé, mettant
gent bien l’interligne scapholunaire sans aucune en évidence un espace scapholunaire élargi (flèche).
superposition des deux os. Ces clichés recher-
chent de face un écart scapholunaire soit statique
supérieur au côté sain relativement rare à ce stade,
soit surtout des clichés de face dynamiques avec
inclinaison radiale et ulnaire et des clichés en
stress (figure  4.11) qui peuvent mettre en évi-
dence une instabilité dissociative dynamique. Sur
les clichés de profil, on recherche une instabilité
du semi-lunaire avec sa surface inférieure qui
regarde en arrière ou un début d’horizontalisa-
tion du scaphoïde, lésions rarement retrouvées
au début. Ces clichés doivent être comparatifs
du fait de la variabilité physiologique de l’espace
scapholunaire. Figure 4.12. Arthroscanner : rupture du ligament
Mais souvent le diagnostic est hésitant et c’est scapholunaire dont le moignon est resté attaché
alors l’arthroscanner ou l’arthroscopie qui per- sur le semi-lunaire (tête de flèche).
mettront un diagnostic précoce. L’arthroscanner
met en évidence une rupture du ligament sca-
pholunaire avec passage du produit injecté à y associent de façon systématique un brochage
travers l’espace scapholunaire (figure  4.12). Il percutané scapholunatum et scaphocapitatum
existe quelques rares faux négatifs. pour assurer la consolidation ligamentaire, bro-
chage guidé au mieux par arthroscopie qui per-
met un bilan précis des lésions ou sous contrôle
Traitement
radiographique peropératoire. En cas de lésion
Ce diagnostic précoce est très important car, vues dissociative scapholunaire, une réparation est
précocement, ces lésions peuvent cicatriser grâce à nécessaire, réalisée selon les habitudes du chirur-
une immobilisation de 45 jours. Certains auteurs gien par un abord chirurgical conventionnel ou
Chapitre 4. Poignet et main 105

Figure 4.13. Instabilité scapholunaire. Signe de l’anneau. a. Diastasis statique scapholunaire évident (double flèche)
et signe de l’anneau. b. Signe de l’anneau traduisant l’horizontalisation du scaphoïde.

sous arthroscopie. De nombreuses techniques ont du poignet. C’est souligner l’importance d’un
été proposées qu’il s’agisse de réparation directe diagnostic précis avec un traitement précoce, qui
par sutures transosseuses ou avec ancres chirurgi- est le meilleur garant d’un résultat satisfaisant.
cales. Ces techniques sont également complétées
par un brochage de protection. Conclusion
C’est souvent secondairement que l’on est Les lésions ligamentaires du poignet sont rela-
amené à voir ces patients. À ce stade, on peut tivement fréquentes lors de la pratique du sport
trouver un écart scapholunaire statique patholo- touchant tant les sportifs de haut niveau que les
gique s’il est supérieur à 3 mm et il existe un début sportifs amateurs. Les sports le plus souvent en
d’horizontalisation du scaphoïde avec un signe de cause sont le tennis, le basket-ball et les sports de
l’anneau (ring test ; figure 4.13). Le test de Watson combat. Ces lésions sont dominées et de loin par
qui consiste à passer le poignet de flexion palmaire– les lésions scapholunaires. Devant une forte sus-
inclinaison ulnaire à extension dorsale–inclinaison picion clinique de lésion ligamentaire, le diagnos-
radiale, en appuyant sur le pôle antérieur du sca- tic reposera sur les examens complémentaires  :
phoïde, permet de retrouver le ressaut scaphoïdien radiographies statiques et dynamiques compara-
typique dans la fossette de crucifixion. tives, arthroscanner, IRM. Quant à l’arthroscopie,
Quant aux lésions anciennes avec scaphoïde elle a l’avantage de permettre un bilan précis des
totalement couché, désaxation carpienne d’adap- lésions ainsi qu’un traitement chirurgical pour
tation en DISI (dorsal intercalated scapholunate la grande majorité des lésions. Une fois le diag-
instability), la face inférieure du lunatum regar- nostic établi, le traitement comportera toujours
dant en arrière conduisant au classique SLAC une immobilisation plâtrée prolongée de 5 à
wrist (scapholunate advanced collapse) de Watson, 6 semaines associée ou non à une fixation osseuse
il s’agit de lésions beaucoup plus tardives. Ces provisoire  par brochage percutané ou par une
lésions scapholunaires statiques ou dynamiques réparation soit par abord direct, soit par arthro-
font alors appel à des réparations ligamentaires scopie en cas de lésion dissociative.
et/ou osseuses complexes, dont le résultat n’est Il est important de prévenir le patient que ces
pas garanti et qui laissent toujours une raideur lésions ont des suites longues justifiant, après
106 Traumatologie en pratique sportive

l’immobilisation, une rééducation extrêmement de Witvoët et  Allieu définissant trois types de
prolongée et d’insister sur le fait que ces lésions luxations postérieures (figure 4.14) :
peuvent laisser, même bien traitées, des séquelles • type 1  : le lunatum reste en position anato-
définitives, essentiellement sous la forme d’une mique ; avec la glène radiale, ses deux freins liga-
raideur avec perte de force. mentaires antérieur et postérieur sont intacts ;
• type 2 : le frein postérieur est rompu et le lunatum
peut basculer en avant. Le frein antérieur étant
Points clés : entorse du poignet
intact, le semi-lunaire reste au contact du radius ;
• Elle survient après chute sur l’éminence thénar poi- • type 3  : les freins antérieur et postérieur du
gnet en extension. semi-lunaire sont rompus et celui-ci est luxé
• La douleur dans la fossette de crucifixion est très en avant parfois à distance du radius et la tête
évocatrice de lésion scapholunaire.
du capitatum (grand os) prend sa place sous la
• Un bilan clinique et radiologique standard est demandé,
suivi d’une immobilisation 8 à 10 jours puis d’un nouvel glène radiale. C’est la forme la plus grave expo-
examen. sée à distance au risque de nécrose du lunatum.
• Un bilan est réalisé à 10 jours avec examen clinique et Quel que soit le type de luxation, il faut
radiologique bilatéral statique et dynamique. toujours rechercher une fracture associée du sca-
• En cas de doute diagnostique, l’arthroscanner ou phoïde réalisant alors une luxation rétrolunaire
l’arthroscopie permettent le diagnostic. L’arthroscopie trans-scaphoïdienne (figure 4.15).
a l’avantage de permettre un bilan précis des lésions
ainsi qu’un traitement chirurgical pour la grande majo- Clinique
rité des lésions.
• Le traitement comprend une immobilisation prolongée Le diagnostic de luxation périlunaire survient dans
de 45 jours avec ou sans brochage percutané complé- un contexte de traumatisme violent à haute énergie
mentaire. type accident de moto. En urgence, il existe tou-
• Il est important de faire un diagnostic précoce afin jours un œdème avec apparition d’ecchymose et
d’éviter une évolution vers le SLAC wrist de pronostic très un poignet et une main quasi bloqués en discrète
péjoratif.
flexion. Du fait de l’importance des douleurs, un
examen clinique est quasi impossible et le diagnostic
Luxations du poignet va reposer sur la qualité de l’examen radiologique.
Un élément pouvant orienter vers le diagnostic
Anatomie est l’existence de paresthésies (25 % des cas) dans
le territoire du nerf médian.
L’anatomie est complexe avec huit os répartis en
deux rangées et trente-trois ligaments, décrits par
Taleisnik, comprenant les ligaments extrinsèques
qui fixent le carpe au radius et ulna et les ligaments
intrinsèques unissant les différents os du carpe
entre eux. Du fait de la disposition des ligaments,
on retrouve une zone de vulnérabilité au niveau
du lunatum (semi-lunaire) réalisant une lésion
ligamentaire pure ou bien présentant une fracture
associée le plus souvent du scaphoïde.
Figure 4.14. Luxations du poignet : classification
Physiopathologie de Witvöet et Allieu.
a. Type 1 : le lunatum demeure en position anatomique
Les luxations du poignet sont des lésions survenant et c’est le reste du carpe qui est luxé en arrière.
au cours de traumatismes violents à haute énergie b. Type 2 : le ligament postérieur du lunatum est rompu
avec bascule du lunatum en avant. c. Type 3 : les deux
chez des hommes jeunes. Nous ne décrirons que ligaments sont rompus, le lunatum est luxé en avant
les luxations périlunaires postérieures qui sont les et le capitatum prend sa place sous le radius.
plus fréquentes (95 %) en utilisant la classification Source : Carole Fumat.
Chapitre 4. Poignet et main 107

Figure 4.15. Luxation trans-scaphoïdienne du poignet.


a. De face, on note la fracture du scaphoïde (flèche) et le lunatum (L) qui n’est plus en contact avec la tête du capita-
tum (C). b. De profil, luxation rétrolunaire de type 2 (le lunatum est encore en contact avec le radius) trans-scaphoïdienne.

Imagerie rechercher des lésions associées et en premier lieu


Elle comprend des radiographies du poignet de une fracture du scaphoïde avec parfois fracture de
face et profil strict de bonne qualité. Sur le cliché la styloïde radiale. Habituellement, le fragment
de face, on doit rechercher l’interruption des proximal de scaphoïde reste attaché au semi-
courbes des articulations radiocarpienne et médio- lunaire car le ligament scapholunaire est conservé,
carpienne. Le cliché de profil permet de classifier mais il existe de rares cas où ce ligament est
la luxation qui est le plus souvent rétrolunatum. rompu. On recherchera également une fracture
Il est important d’avoir des clichés de bonne associée du triquetrum avec parfois fracture asso-
qualité car en cas de méconnaissance du diagnos- ciée de la styloïde ulnaire. Ces différentes lésions
tic, la luxation devient rapidement irréductible, ont permis de définir trois lignes de dissociation
source de séquelles majeures. Il faut également (figure  4.16). Il existe exceptionnellement une

Figure 4.16. Luxations du poignet : lignes de dissociation.


a. Luxation périlunaire pure par lésion ligamentaire. b. Luxation trans-scapholunaire avec parfois styloïde radiale. c. Luxa-
tion transtriquetrolunaire avec parfois styloïde ulnaire.
Source : Carole Fumat.
108 Traumatologie en pratique sportive

fracture associée de la tête du capitatum réalisant antérieur ou postérieur. Cette stabilisation par
un équivalent de syndrome de Fenton. En cas broches associée à une immobilisation par attelle
de doute diagnostic ou de suspicion de lésion poignet en discrète flexion palmaire et inclinaison
associée, un scanner est souvent utile. radiale de 4 à 6 semaines permet d’obtenir une
meilleure cicatrisation ligamentaire. En cas de
Traitement fracture du scaphoïde, une ostéosynthèse par vis-
sage est associée.
Il existe trois types de traitements  : la réduction
En cas de luxation irréductible par traction
fermée, la réduction fermée avec brochage per-
ou dans les types 3, un abord par voie d’abord
cutané et enfin la réparation ligamentaire à ciel
antérieur ou postérieur est pratiqué. Dans les types
ouvert, dans tous les cas avec contention plâtrée.
3, un abord antérieur est préconisé ce qui permet
Devant une luxation périlunaire le premier temps
de décomprimer le nerf médian fréquemment
est toujours, même en cas de décision opératoire,
comprimé. Il faut prévenir le patient du risque
une tentative de réduction au bloc opératoire sous
majeur d’évolution vers une nécrose du lunatum
anesthésie par traction dans l’axe du membre,
ou maladie de Kienböck dans les types 2 et surtout
traction suffisamment prolongée. On peut s’aider
3. De plus, une réduction même parfaite dans les
de petits mouvements de flexion–extension du
types 1 et 2 n’élimine pas le risque d’évolution
poignet et éventuellement de pression sur le luna-
vers une raideur, même après une rééducation pro-
tum ou sur le carpe pour réduire le ou les déplace­
longée, et/ou d’une arthrose post-traumatique
ments osseux. On contrôlera alors la réduction
radio- ou médiocarpienne. Quant à la fracture du
obtenue par clichés au bloc avant de débuter le
scaphoïde associée, elle est exposée aux risques
geste chirurgical.
habituels de ce type de lésion.
Même en cas de réduction parfaite, on consi-
L’intérêt du traitement chirurgical par rapport
dère actuellement qu’il est préférable de complé-
au traitement orthopédique est triple  : meilleure
ter la réduction orthopédique par un embrochage
réduction, meilleure stabilité et meilleur traitement
scapholunatum, scaphocapitatum et triquetro-
des lésions associées. Par contre, en cas de mécon-
lunaire (figure  4.17) réalisé soit en percutané
naissance du diagnostic initial vont apparaître des
sous amplificateur de brillance, soit par un abord
lésions dégénératives invalidantes nécessitant alors
des interventions palliatives mutilantes  : arthro-
dèse, carpectomie ou chirurgie prothétique.

Points clés : luxations du poignet


• Traumatismes violents concernant souvent des sujets
jeunes.
• 95 % des luxations sont périlunaires postérieures.
• Trois types sont à reconnaître  : 1. semi-lunaire en
place  ; 2. semi-lunaire basculé en avant  ; 3. semi-
lunaire luxé en avant.
• Ne pas méconnaître le diagnostic et les lésions
associées : bonnes radiographies, scanner si doute.
• Débuter systématiquement par réduction au bloc sous
Figure 4.17. Luxation du poignet : traitement anesthésie par traction progressive et prolongée.
par réduction et brochage. • Même en cas de réduction orthopédique parfaite, un
Luxation de type 1 avec réparation du ligament brochage de stabilisation est conseillé.
scapholunatum par deux ancres et stabilisation • Risque de raideur du poignet, d’arthrose ou de
par broches scapholunatum, scaphocapitatum nécrose du semi-lunaire.
et triquetrolunatum.
Chapitre 4. Poignet et main 109

2. Tendinopathies et
ténosynovites du poignet
D. Le Viet

Les tendinites sont des processus microtrauma-


tiques parfois mais non exclusivement inflam-
matoires, touchant non seulement les tendons
et leurs insertions «  apophysites  » mais aussi les
gaines synoviales. Elles sont souvent liées à des
microtraumatismes répétitifs, ce qui explique leur
fréquence en traumatologie du sport. Au point de Figure 4.18. Syndrome de l’intersection : clinique.
vue physiopathologique, il semble que les tendons Siège de la tuméfaction crépitante au tiers inférieur
de l’avant-bras.
les plus longs et les plus grêles, soumis en plus à
des angulations, soient les plus touchés par les
tendinites, ce qui explique leur grande fréquence cette douleur étant majorée par l’extension contra-
au niveau du poignet. riée du poignet. Longtemps considérée à tort
comme une ténosynovite, c’est Wood qui a insisté
sur l’existence constante d’une bourse séreuse
Syndrome de l’intersection située entre extensor carpi radialis longus et brevis
ou aï crépitant (1er et 2e radial) et abductor pollicis longus (long
abducteur du pouce). C’est cette bursite dont
Il réalise un aspect de ténosynovite crépitante l’inflammation est favorisée par des traumatismes
au tiers inféro-externe de l’avant-bras. Il s’agit répétitifs qui entraîne le syndrome de l’inter-
en fait de l’inflammation d’une bourse séreuse section. Il s’agit d’une pathologie qui a été décrite
décrite initialement par Monro, pathologie de sur- lors de la pratique de nombreux sports  : tennis,
venue brutale dont le diagnostic est fréquemment tennis de table, boxe, aviron et golf.
méconnu. Cette tuméfaction se situe au tiers Le diagnostic différentiel ne se pose pratique-
inférieur de l’avant-bras. ment pas avec la ténosynovite des tendons extensor
carpi radialis longus et brevis dont la tuméfaction
est plus distale mais surtout avec la ténosynovite
Clinique de De Quervain. En effet, la douleur est voisine
mais plus distale et la manœuvre de Finkelstein
Le syndrome de l’intersection appelé également
théoriquement pathognomonique de ténosynovite
«  aï crépitant  » ou «  syndrome de l’entrecroise-
de De Quervain peut être positive dans le syn-
ment  » réalise une tuméfaction allongée située
drome de l’intersection.
au tiers inférieur de l’avant-bras dans la région
postéro-externe (figure  4.18). Cette tuméfaction
débute à 4 travers de doigts en amont de la Imagerie
styloïde radiale. La palpation est douloureuse et
l’on retrouve une crépitation sous-cutanée lors des Si cette pathologie est connue, il s’agit d’un
mouvements de flexion–extension du poignet et diagnostic clinique facile devant le siège de la
de pronosupination. tuméfaction et l’existence d’une crépitation dou-
Le mode d’installation est brutal survenant loureuse d’apparition brutale. Le seul examen
chez des sujets jeunes au décours d’un effort qui peut être demandé est une échographie pour
inhabituel le plus souvent du côté dominant. étudier la bursite et vérifier l’absence de lésion
Les  mouvements du poignet sont douloureux, tendineuse sous-jacente.
110 Traumatologie en pratique sportive

Traitement Ténosynovite
Le traitement médical est d’efficacité remarquable
de De Quervain
et les cas opérés sont exceptionnels. Ce traitement
comprend une orthèse de repos immobilisant le Ténosynovite constrictive des tendons abductor
poignet en position de fonction associée à l’arrêt du pollicis longus (long abducteur) et extensor pol-
traumatisme causal. En cas de résistance au traite- licis brevis (court extenseur du pouce) qui sont
ment médical, un traitement par anti-inflammatoire maintenus à la face externe de la styloïde radiale
non stéroïdien (AINS), physiothérapie, ionisation par la coulisse ostéofibreuse du 1er comparti-
et éventuelle infiltration de corticoïdes est associé. ment dorsal. Pathologie décrite en 1895 par
En cas d’échec du traitement médical, ce qui de Quervain, elle est fréquente dans les sports
est extrêmement rare, un traitement chirurgical est nécessitant la tenue avec force d’un manche avec
envisagé. Il s’agit d’un geste simple mené par une mouvements multidirectionnels du poignet, en
voie d’abord externe. La branche sensitive du nerf particulier avec inclinaison radiale et ulnaire du
radial qui croise la cicatrice doit être réclinée et la poignet et pronosupination. Elle a été décrite
bursite située entre les extensor carpi radialis lon- dans le tennis mais également dans de nombreux
gus et brevis et l’abductor pollicis longus est exci- autres sports : golf, cyclisme, motocycle, aviron et
sée (figure  4.19). Certains auteurs ont constaté canoë-kayak.
des lésions dégénératives des tendons, lésions que
nous n’avons jamais observées dans notre série.
Clinique
La symptomatologie débute toujours par une
douleur au niveau de la styloïde radiale. Le patient
décrit parfois une impression de crépitation ou de
ressaut lors des mouvements d’inclinaison radiale
et ulnaire du poignet. Ces symptômes peuvent
entraîner une perte de force et de mobilité.
À l’examen, il existe un gonflement fusiforme
à la face externe du radius au niveau du 1er
compartiment. La palpation est parfois doulou-
reuse et les mobilités du poignet sont limitées par
Figure 4.19. Syndrome de l’intersection : aspect la douleur. Le test de Finkelstein, théoriquement
peropératoire. pathognomonique, consiste en la mise en tension
APL : abductor pollicis longus. B : bursite excisée. des tendons du 1er compartiment. Pour cela, il faut
NR : nerf radial. R1, R2 : tendons radiaux.
mettre le pouce en flexion forcée sur la racine du
5e doigt et porter le poignet en inclinaison ulnaire
Points clés : aï crépitant maximum, mettant ainsi en tension les tendons
• Tuméfaction crépitante au tiers inférieur de l’avant- abductor pollicis longus et extensor pollicis brevis
bras dans la région postéro-externe. (figure  4.20). Cette manœuvre déclenche une
• Il s’agit de l’inflammation d’une bourse séreuse de douleur parfois très violente au niveau de la sty-
survenue brutale au décours d’un effort. loïde radiale avec souvent irradiation en amont le
• Le diagnostic repose sur la découverte d’une tuméfac- long du trajet des tendons.
tion allongée crépitante, qui est douloureuse à la palpation Une névrite de la branche sensitive du nerf
(douleur déclenchée par la mobilisation du poignet). radial au poignet avec dysesthésies à la face dorsale
• Le traitement médical est très efficace et les cas
du pouce et de l’index doit systématiquement être
opérés sont rares.
recherchée.
Chapitre 4. Poignet et main 111

du 1er compartiment. Afin d’éviter une luxation


antérieure des tendons en flexion du poignet, nous
conservons un lambeau antérieur de poulie qui
réalise une butée antérieure.
L’intervention se termine par une immobilisa-
tion postopératoire par attelle de 15 jours suivie
d’autorééducation. Les suites sont habituellement
simples et le retour aux activités professionnelles
et sportives rapide.

Points clés : ténosynovite de De Quervain


• Cette ténosynovite du 1er compartiment (abductor
Figure 4.20. Ténosynovite de De Quervain. pollicis longus, extensor pollicis brevis) est favorisée par
Test de Finkelstein avec douleur locale sur la tuméfaction les sports de raquette.
(flèche) et irradiation en amont. • Elle présente une douleur styloïde radiale et un gon-
flement fusiforme.
Imagerie • Le test de Finkelstein déclenche une douleur locale
avec irradiation en amont.
Les radiographies standard sont de peu d’utilité en • Le traitement est d’abord médical puis éventuelle-
dehors de mettre en évidence un épaississement ment chirurgical en cas d’échec.
des parties molles dans la région douloureuse.
C’est surtout l’échographie qui assure le diag-
nostic et précise l’importance de la pathologie. Lésions de l’extensor
On retrouve un épaississement de la coulisse du carpi ulnaris (cubital
1er compartiment, une synovite avec composante postérieur) au poignet
liquidienne, une dilatation d’un ou des deux
tendons en amont et en aval de la coulisse et à un
stade avancé des lésions tendineuses. Rappel anatomique
Le tendon extensor carpi ulnaris ou ECU (cubital
Traitement postérieur) passe en arrière de l’extrémité infé-
rieure de la tête de l’ulna (cubitus) dans une gaine
Le traitement médical par injection de corticoïdes ostéofibreuse propre comprise entre la tête de
et orthèse de repos est d’efficacité remarquable. l’ulna et la styloïde ulnaire. Le tendon se termine
Cependant, il semble que des complications puis- sur le tubercule interne de l’extrémité supérieure
sent survenir. Il s’agit principalement d’atrophie du 5e métacarpien.
locale cutanée ou sous-cutanée avec dépigmenta- L’ECU est stabilisé dans cette gouttière consti-
tion et de la névrite de la branche sensitive du nerf tuant le 6e compartiment par une coulisse, le
radial appelée névrite de Wartenberg. retinaculum propre, inséré sur la gouttière osseuse
En cas d’intervention, la voie d’abord est hori- qui forme un véritable tunnel. Par-dessus passe
zontale dans un pli d’inclinaison radiale du poignet le retinaculum dorsal qui forme le toit des cinq
à l’aplomb de la tuméfaction. Le premier temps premiers compartiments et va s’insérer sur le
consiste à repérer le nerf radial. On ouvre alors la triquetrum et le pisiforme (figure  4.21), cette
partie médiane de la poulie dans le sens longitudi- anatomie permettant la pronosupination.
nal, permettant ainsi de faire apparaître les tendons En pronation, l’ECU est à distance de l’exten-
abductor pollicis longus et extensor pollicis brevis. sor digiti minimi (extenseur propre du 5e) :
Ensuite, on pratique la synovectomie des tendons, • il se situe sur le bord interne de la tête de l’ulna.
la régularisation d’éventuelle lésion tendineuse Il existe dans cette configuration un écart entre
et la résection de la partie postérieure de la poulie les deux tendons et dans cette position l’ECU
112 Traumatologie en pratique sportive

Figure 4.21. Tendinopathie de l’extensor carpi ulnaris.


Compartiments dorsaux avec la coulisse propre de l’ECU
(6e compartiment) recouverte par le retinaculum dorsal.
Source : Carole Fumat.

a un trajet direct. En supination, l’ECU se Figure 4.22. Tendinopathie de l’extensor carpi ulnaris :
vue opératoire.
rapproche de l’extensor digiti minimi, il n’y
a. En pronation, le tendon extensor carpi ulnaris est droit.
a aucun espace entre ces deux tendons, et le b. En supination, il a une forte angulation.
tendon est soumis à une traction maximum,
il fait une angulation d’environ 30° pour se ren- l’utilisation intensive du lift dans le tennis
dre à la base du 5e métacarpien (figure 4.22) : moderne et a également été décrite dans le golf,
ceci explique les douleurs en supination. Cette le rodéo et l’haltérophilie ;
variation de position anatomique permet de • On comprend selon cette disposition anato-
comprendre la survenue des lésions trauma- mique qu’une fois le tunnel ostéofibreux rompu
tiques de l’ECU tout particulièrement dans ou désinséré de la tête de l’ulna, l’ECU puisse
le tennis où le poignet ne cesse de varier ses se luxer en dedans glissant sous le retinaculum
angulations. Cette pathologie est favorisée par dorsal intact (figure 4.23).

Figure 4.23. Tendinopathie de l’extensor carpi ulnaris : IRM.


a. En pronation, rupture de la coulisse propre (flèches) de l’ECU. b. En supination, luxation de l’ECU de sa gouttière (flèche).
Chapitre 4. Poignet et main 113

Clinique palmaire en position de fonction pendant 3 à 4


semaines. Si le diagnostic de luxation de l’ECU en
Il existe schématiquement trois types de lésions dehors de sa coulisse est certain, il faut alors une
de l’ECU. La lésion la plus fréquente en pratique immobilisation du poignet qui limite également la
sportive est la luxation de l’ECU en dehors de sa pronosupination. Chez les amateurs, on utilise un
coulisse propre du 6e compartiment. Il semble que plâtre brachio-anté-brachio-palmaire, mais chez
dans un certain nombre de cas, notamment chez les professionnels, il est préférable de bloquer la
les sportifs comme les tennismen, cette luxation soit pronosupination en conservant un certain degré
précédée d’une période de ténosynovite. La lésion de la flexion–extension du coude.
siège du côté dominant en cas de survenue lors Bien entendu, l’arrêt du sport en cause est systé-
d’un coup droit lifté et sur le côté non dominant matique et la reprise sera progressive et fractionnée.
en cas de survenue lors d’un revers à deux mains. Il La prescription d’anti-inflammatoires est habituelle
faut savoir suspecter la lésion sur des signes discrets et les antalgiques sont prescrits à la demande.
au début car la rapidité de la mise en œuvre du On peut également donner des conseils tech-
traitement conditionne la qualité du résultat. niques  : pour les tennismen, changer le type de
Au début, il existe une douleur du bord ulnaire cordage et/ou diminuer la tension, modifier le
du poignet avec parfois gonflement localisé. Il poids en tête de raquette, diminuer l’importance
existe des douleurs à l’étirement, à l’extension– du lift. Concernant le lift, si cela est possible
adduction contrariée du poignet. Un signe très de modifier son importance chez les amateurs,
important est la douleur au niveau de la styloïde cela est quasi impossible chez les professionnels.
ulnaire lors de la supination forcée du poignet. En cas de résultat insuffisant de ce traitement
À un stade plus tardif, on retrouve une impres- médical, des infiltrations peuvent être envisagées,
sion de ressaut de l’ECU lors des mouvements réalisées au mieux sous contrôle échographique.
de pronosupination ou d’inclinaison radiale et Après infiltration, il faut bien insister sur l’impor-
ulnaire. Enfin, si la lésion est non ou mal traitée, tance d’une immobilisation et d’une reprise pro-
une rupture de l’ECU peut survenir. gressive, car les rares cas de rupture de l’ECU
sont décrits dans ce type de contexte.
Imagerie En cas d’échec de toutes les thérapeutiques, un
traitement chirurgical est alors envisagé, fonction
Elle comporte des radiographies comparatives de la gêne fonctionnelle et de la demande du
des poignets face et profil et des clichés de face patient. S’il s’agit d’une tendinite, un peigne lon-
dynamiques en pronation et supination. Au stade gitudinal du tendon est réalisé, ainsi qu’une syno-
de luxation, on note sur ces clichés en prono­ vectomie en cas de synovite associée. Ce peigne
supination une asymétrie de la styloïde ulnaire du avec synovectomie doit être réalisé en conservant
côté lésé qui n’est plus entraînée par l’ECU luxé. la coulisse propre de l’ECU. En cas de luxation de
L’échographie dynamique et comparative est un l’ECU, il faut alors reconstituer la poulie propre
examen systématique qui affirme le diagnostic, du 6e compartiment avec traitement des lésions
étudie la tendinopathie, une éventuelle synovite associées par peigne et/ou synovectomie. Il s’agit
et l’importance de la luxation de l’ECU. Quant à d’une intervention complexe dont les suites sont
l’IRM, elle est surtout demandée en cas de doute longues avec une reprise des activités sportives
diagnostique ou comme bilan préopératoire. entre 4 et 6 mois.

Traitement Points clés : lésions de l’ECU


• l’ECU bouge avec la tête de l’ulna lors de la pronosu-
Le traitement est essentiellement médical et il pination ;
faut insister sur l’intérêt d’un diagnostic précoce • cette pathologie est fréquente dans le tennis, surtout
garant d’un résultat satisfaisant. Le premier volet de fait de l’utilisation du lift ;
est une immobilisation par attelle anté-brachio-
114 Traumatologie en pratique sportive

le retinaculum dorsal. Dans ces ténosynovites


• elle touche le côté dominant en cas de coup droit et
le côté non dominant en cas de revers à deux mains ; des extenseurs ou des fléchisseurs, le traitement
• la douleur en supination forcée est un élément médical ne sera efficace que s’il n’existe pas
majeur du diagnostic clinique ; d’épine irritative sur les tendons qu’il conviendra
• l’échographie doit être dynamique et comparative, et alors de traiter.
permet de faire le diagnostic ;
• Diagnostiquée et traitée précocement, le traitement
médical est souvent favorable.
3. Fractures,
Autres tendinopathies luxations et entorses
des métacarpiens
D’autres tendinites sont rencontrées également
chez les sportifs : leur traitement médical débute et des doigts
toujours par orthèse, AINS et surtout arrêt du
traumatisme causal. L. Thomsen, J. Descamps
La tendinite du flexor carpi ulnaris (grand
palmaire) est rencontrée dans le cyclisme, l’aviron,
le golf et les boules. Cette pathologie est sou-
vent très inflammatoire avec chaleur, rougeur et Fractures de la base
œdème ; il existe fréquemment des calcifications du 1er métacarpien
autour de l’insertion tendineuse. Le traitement
médical est d’efficacité remarquable. Vingt-cinq pour cent des fractures des métacar-
La tendinite de l’extensor carpi radialis longus piens surviennent au pouce et 80  % de celles-ci
et brevis (tendons 1er et 2e radial) est décrite sont localisés à la base du 1er métacarpien (M1).
dans le tennis, la pelote basque, l’aviron et le La plupart des fractures de la base du M1 sont
moto-cross. Il s’agit d’une douleur à l’insertion causées par la force axiale appliquée au pouce
des tendons favorisée par des exostoses carpo- en flexion, lors d’une chute durant des activités
métacarpiennes (carpe bossu). En cas d’échec du sportives. Le pronostic est conditionné par la pré-
traitement médical, une résection du carpe bossu cocité de la prise en charge, l’atteinte articulaire
est souvent nécessaire. et la comminution. Une mauvaise réduction peut
La styloïdite radiale ou tendinite de l’abductor entraîner une raideur avec une fermeture de la
pollicis longus (long supinateur) est décrite dans le 1re commissure à court terme et si la fracture est
tennis, le handball, le volley-ball et le golf. Elle se articulaire, une arthrose trapézométacarpienne à
distingue de la ténosynovite de De Quervain par la long terme.
non-accentuation des douleurs lors de la manœuvre
de Finkelstein. Son traitement est médical.
La ténosynovite des fléchisseurs est décrite dans Clinique
l’aviron, le tennis, le cyclisme et la pelote basque.
Cliniquement, on retrouve un œdème et une
Elle est rarement idiopathique. Il faut rechercher
ecchymose localisés au niveau du poignet bord
une cause osseuse, comme une pseudarthrose
radial, avec une douleur à la mobilisation et à la
du crochet de l’hamatum ou une anomalie mus-
palpation de l’articulation trapézométacarpienne.
culaire (muscle surnuméraire ou hypertrophique,
anastomose tendineuse anormale).
Quant à la ténosynovite des tendons extenseurs, Imagerie
elle est décrite dans l’athlétisme, le bowling et
l’haltérophilie. Il s’agit en règle d’une ténosy- Il est recommandé trois incidences radiogra-
novite sténosante par conflit des extenseurs sous phiques, une vraie face du pouce avec le bras
Chapitre 4. Poignet et main 115

en pronation et le dos du pouce sur cassette, un • type 3 : les fractures de Rolando qui sont toutes
profil et un 3/4. les fractures comminutives (au moins trois frag-
La radiographie permet une classification des ments), articulaires, de la base du M1. Plus la
fractures en trois types (figure 4.24) : comminution est grande, plus le pronostic est
• type 1  : les fractures extra-articulaires de la réservé et le traitement délicat.
base du M1 comportent un trait de fracture
transversal ou oblique, la déformation se fait
avec une fermeture de la 1re commissure sous Traitement
l’action de l’adducteur du pouce ;
• type 2  : les fractures de Bennett sont caracté- L’objectif du traitement est de rétablir l’anatomie
risées par un trait de fracture oblique, unique, du M1 et de l’articulation trapézométacarpienne
articulaire, il s’agit d’une fracture–subluxation. qui assure une grande partie de la mobilité de la
La fracture détache un fragment antéromédial colonne du pouce.
plus ou moins gros qui reste toutefois lié au tra- Un traitement orthopédique avec une réduc-
pèze par un ligament retenant le fragment dans tion–immobilisation peut être envisagé si le déplace­
sa position anatomique. Le fragment restant de ment est inférieur à 30° pour les fractures
la base du M1 se subluxe en externe, proximal, extra-articulaires et/ou inférieur à 1 mm pour les
et en dorsal, sous l’effet de l’adducteur et du fractures articulaires. Dans ces cas, la réduction
long abducteur du pouce qui provoqueront la se fait en traction, abduction et antépulsion.
flexion du M1 ; L’immobilisation ne doit pas être enlevée pendant

Figure 4.24. Classification en trois types de la base du 1er métacarpien.


1. Fracture extra-articulaire. 2. Fracture de Bennett. 3. Fracture de Rolando.
Source : Carole Fumat.
116 Traumatologie en pratique sportive

30 à 45 jours, en immobilisant le pouce jusqu’au broche proximal de M1 vers M2 s’appuyant sans


milieu de la phalange proximale (P1), jusqu’au pli la traverser sur la 2e corticale de M2. Les broches
palmaire distal, laissant libres les doigts, et pre- sont enlevées au bout de 45 jours en même temps
nant le poignet et toute la colonne du pouce que l’immobilisation.
(figure 4.25).
Après réduction, les fractures peuvent être trai-
tées chirurgicalement soit à foyer ouvert, soit Complications
à foyer fermé  : la technique la plus utilisée de
La complication principale est l’arthrose post-
chirurgie à foyer fermé est le brochage d’Iselin
traumatique, avec un risque augmenté en cas de
(figure 4.26) qui consiste en l’introduction d’une
fracture articulaire et de comminution importante.
première broche divergente distale, du 2e métacar-
Il peut y avoir un défaut de réduction entraînant
pien (M2) vers M1, dont la pointe s’appuiera sur
un cal vicieux rétrécissant la 1re commissure. Ces
la deuxième corticale de M1, puis d’une seconde
complications conduisent à une diminution de
flexion–extension et abduction–adduction du pouce.

Fractures des métacarpiens


des doigts longs
Anatomie et physiopathologie
Les fractures des métacarpiens résultent le plus
souvent d’un traumatisme axial, comme un coup de
poing (fracture des boxeurs du 4e et du 5e rayon),
ou d’un traumatisme direct sur les métacarpiens.
Les 4e et 5e métacarpiens (M4 et M5) sont mobiles
au niveau de l’articulation carpocarpienne, alors que
les 2e et 3e métacarpiens (M2 et M3) sont fixes.
Il en résulte que lors des traumatismes axiaux par
coup de poing, les zones le plus souvent fracturées
Figure 4.25. Orthèse d’immobilisation pour fracture
de la base du 1er métacarpien. ou luxées sont le col ou la tête de M5 (figure 4.27)
a. Métacarpophalangienne à 20° de flexion. et la fracture–luxation dorsale de la base de
b. Trapézométacarpienne en abduction et antépulsion. M5 et M4. Les fractures peuvent concerner la tête,
Source : L. Thomsen , J. Descamps.
le col, la diaphyse ou la base du métacarpien. Lors
de la fermeture des doigts longs, toutes les pulpes
convergent vers le tubercule du scaphoïde. Si ce
n’est pas le cas, les doigts peuvent se chevaucher
lors de la fermeture, on parle alors de clinodactylie.

Clinique
Le mécanisme est souvent assez violent. La dou-
leur est immédiate mais peut être peu intense et
Figure 4.26. Technique de brochage selon Iselin retarder le diagnostic comme dans les fractures du
pour fracture de Bennett. col de M5 ou les fractures diaphysaires peu
1 : première broche divergente distale, de M2 vers M1.
2 : deuxième broche proximale de M1 vers M2. déplacées de M2 à M5. L’examen clinique s’efforce
Source : Carole Fumat. de rechercher une clinodactylie (figure 4.28).
Chapitre 4. Poignet et main 117

Figure 4.27. Fracture du col du 5e métacarpien Figure 4.29. Fracture–luxation dorsale de la base
chez un boxeur. du 5e métacarpien (scanner).

chirurgicale de la réduction par des broches


M5, M4, M3 ou M5 grand os est nécessaire.
Le traitement des fractures diaphysaires, si elles
n’entraînent pas de clinodactylie, est le plus sou-
vent orthopédique par attelle thermoformée en
position intrinsèque laissant libre les articulations
interphalangiennes. L’immobilisation est à garder
4 à 6 semaines. En cas de clinodactylie ou de fort
déplacement, une intervention chirurgicale peut
être réalisée.
Le traitement des fractures du col des métacar-
piens est le plus souvent orthopédique, sauf en cas
Figure 4.28. Enroulement normal des doigts de clinodactylie ou de déplacement majeur. En
et clinodactylie. effet, la fonction du doigt est toujours retrouvée,
Source : Carole Fumat. ne persistant qu’une séquelle esthétique du fait de
la consolidation en cal vicieux.
Imagerie
La radiographie est souvent suffisante pour affir-
mer le diagnostic. Le scanner est utile en parti- Entorses et luxations
culier pour les fractures articulaires (figure 4.29). trapézométacarpiennes
Traitement Anatomie et physiopathologie
Le traitement des fractures luxations de la base de L’articulation trapézométacarpienne (ATM) est
M5 ± M4 nécessite une réduction qui est aisée à une articulation possédant une grande stabilité
faire par manœuvre externe. Cependant la réduc- et une importante mobilité. Elle présente des
tion étant le plus souvent instable, une fixation mouvements dans les trois directions principales :
118 Traumatologie en pratique sportive

flexion–extension, abduction–adduction, opposi- Imagerie


tion–rétropulsion. La stabilité est assurée par 16
ligaments dont quatre principaux : ligament pal- Des radiographies de face et de profil strict doi-
maire oblique, ligament dorsal oblique, ligament vent être faites en débrouillage  : la face est faite
intermétacarpien, ligament dorsoradial. Cette avec le poignet en pronation de 30° et en exten-
stabilité implique que les luxations de l’ATM sion de 15° (l’ongle du pouce doit être parallèle
demeurent rares parmi les traumatismes de la main au plan de la table)  ; le profil est fait poignet
(moins de 1  %), tout en étant la plus fréquente en extension de 30°, main en pronation (ongle
des luxations carpométacarpiennes. Les entorses, perpendiculaire au plan de la table). Un élargisse-
quant à elles, sont rarement diagnostiquées. Le ment de l’espace articulaire (diastasis) ou un léger
mécanisme est généralement indirect, le plus déplacement dorsoradial peuvent être démasqués
souvent par compression axiale et rétropulsion sur ces radiographies de routine. Si la clinique
(pouce fléchi) chez les boxeurs ou volleyeurs, ou n’est pas concordante avec l’imagerie, il est pos-
plus rarement par une force dorsale appliquée sur sible de faire des clichés en stress bilatéraux pour
la 1re commissure, par exemple chez les cyclistes démasquer une entorse. Le stress est appliqué sur
ou dans les sports motocyclistes avec le guidon le bord radial de la dernièdre phalange du pouce.
enfoncé dans le pouce suite à un choc. La luxation Une IRM peut être demandée facilement pour les
est majoritairement dorsale avec une lésion du sportifs avec une suspicion de lésion ligamentaire
ligament palmaire oblique et dorsoradial. sévère. En cas de luxation avérée, le diagnostic
radiologique est évident (figure 4.30).
Clinique
Le diagnostic d’entorse est difficile parce que
l’articulation a une forte congruence due à la
concavité du trapèze. Plus la déchirure est impor-
tante, plus le déplacement est important et, par
conséquent, plus le diagnostic est évident. La dif-
férence entre mobilité normale et hypermobilité
est difficile. L’entorse bénigne est un diagnos-
tic d’élimination. Les examens complémentaires
sous souvent nécessaires pour les sportifs ayant
une douleur trapézométacarpienne. En cas de
luxation, l’aspect clinique est celui de la défor-
mation en dos de fourchette au niveau de la base
du pouce, associée à une douleur de l’éminence
thénar. Souvent, l’œdème masque la déformation.
Le patient est incapable de fermer le poing.
Le patient peut être vu tardivement pour insta-
bilité ou douleurs chroniques dues à un trau-
matisme ancien, jugé minime ou parfois oublié, Figure 4.30. Luxation trapézométacarpienne.
n’ayant pas été pris en charge. Il peut exister une
sensation de crépitement, une adduction de M1
avec une fermeture de la 1re commissure dans Traitement
les formes évoluées. Les tests de laxité peuvent
être positifs, mais ne pas entraîner de douleurs La réduction des luxations trapézométacarpiennes
en l’absence d’arthrose. Les tests de compression est toujours plus facile en urgence. Elle doit
axiale avec circumduction signent une arthrose être réalisée au bloc opératoire, car elle néces-
sous-jacente. site un geste de stabilisation. Le traitement non
Chapitre 4. Poignet et main 119

chirurgical est source d’échec. Il existe plusieurs sur la 1re phalange, et d’un faisceau accessoire,
techniques : qui se fixe lui sur le bord latéral de la plaque
• la réduction par manœuvres externes est obte- palmaire. Les ligaments latéraux principaux sont
nue et l’abord chirurgical n’est alors pas sys- donc tendus en flexion et distendus en extension,
tématiquement effectué ; et inverse­ment pour les ligaments collatéraux
• une immobilisation de l’articulation par bro- accessoires. En cas de rupture complète de ses
chage type Iselin ou broche trapézométacar- ligaments, la stabilité latérale de la MCP est donc
pienne est réalisée ; altérée. Deux structures anatomiques sont impor-
• certains abordent l’articulation pour réparer les tantes à connaître afin d’appréhender de manière
lésions ligamentaires ou faire une ligamento- logique la stratégie thérapeutique des lésions du
plastie. Il n’y a pas de preuve que ce traitement LCR et du LCU de la MCP.
soit supérieur en aigu. Le LCU est recouvert superficiellement par
L’impossibilité de réduction anatomique de l’expansion aponévrotique reliant l’adducteur du
l’ATM par manœuvres externes implique l’abord pouce au long extenseur du pouce. Lors de
chirurgical de celle-ci pour désincarcérer les tissus son arrachement, la partie proximale du LCU
d’interposition. peut passer au-dessus de l’aponévrose du mus-
cle adducteur du pouce créant une interposition
connue sous le nom d’effet Stener.
Soins postopératoires Le LCR au niveau de son insertion sur P1 est
aussi le siège du tendon conjoint des muscles
Pendant les 4 semaines d’immobilisation après
thénariens externes. En cas d’arrachement osseux
une reconstruction ligamentaire ou un brochage
du LCR sur P1, du fait de l’attraction du tendon
d’arthrorise, il est préférable de laisser libre les
conjoint, la cicatrisation osseuse est quasiment
articulations interphalangiennes du pouce et des
impossible.
doigts pour favoriser leurs mobilisations. Les
broches sont enlevées au bout de 4 semaines et
une attelle thermoformée est portée entre les Entorses du ligament
séances de rééducation pendant les 2 semaines collatéral ulnaire du pouce
suivantes. Le renforcement musculaire débute
généralement à 2 mois, avec une reprise du sport L’entorse du LCU est de très loin l’entorse de
à 3 mois. la MCP du pouce la plus fréquente. Les mouve-
ments forcés en abduction de la MCP du pouce
entraînent une rupture partielle ou complète du
Entorses LCU : par exemple, lors d’une chute de ski avec
métacarpophalangiennes bâton ou dans tout sport de ballon avec impact
possible en abduction du pouce.
du pouce
Clinique
Anatomie et physiopathologie
Cliniquement, la douleur est interne avec un
Les entorses de la métacarpophalangienne (MCP) œdème important, voire un hématome. La mobi-
du pouce sont des lésions très fréquentes en lité active du fait de la douleur et de l’œdème
pratique sportive. L’articulation MCP du pouce de la MCP est très souvent limitée. L’examen
possède un ligament collatéral radial (LCR) et un clinique doit rechercher une laxité en valgus en
ligament collatéral ulnaire (LCU) qui assurent la comparaison du côté controlatéral. Celle-ci, si
stabilité latérale de la MCP aussi bien en flexion la manœuvre est faite de manière douce, est très
qu’en extension de la MCP. Les ligaments col- facilement identifiable. Une instabilité en valgus
latéraux sont constitués d’un faisceau principal, signe l’entorse grave. Cette instabilité grave signe
qui part de la tête de M1 et se fixe latéralement l’indication opératoire  : en effet, dans ce cas
120 Traumatologie en pratique sportive

précis, aucun examen complémentaire ne pourra orthopédiquement par attelle MCP 6 semaines.
éliminer de manière formelle un effet Stener Le  traitement des entorses graves avec ou sans
(interposition de l’aponévrose de l’adducteur du arrachement osseux est chirurgical, suivi d’une
pouce entre les deux parties du ligament collatéral attelle MCP 6 semaines.
ulnaire rompu).
Les entorses graves du LCU non diagnos-
tiquées aboutissent à une instabilité majeure de
la MCP lors de la préhension pouce–index qui,
Entorses et luxations
même si elle est bien tolérée, conduit de façon de l’articulation
quasiment inéluctable vers l’arthrose. interphalangienne proximale
des doigts longs
Imagerie
Un bilan radiologique comprenant des clichés Physiopathologie
bilatéraux, comparatifs, de face et profil est indis-
pensable à la recherche d’un arrachement osseux Les entorses et luxations de l’articulation inter-
et de son déplacement. Ce bilan radiologique phalangienne proximale (IPP) des doigts longs
peut aussi montrer sur le profil une subluxation sont très fréquentes en pratique sportive, notam-
palmaire de P1, ce qui est le reflet d’un arrache- ment dans les sports de ballon  : basket-ball,
ment de la capsule dorsale de la MCP souvent handball, volley-ball, urban foot. Le mécanisme
concomitant à une entorse grave du LCU. le plus souvent observé est un mouvement forcé
En cas de doute sur l’indication opératoire, en hyperextension de l’IPP qui entraîne une
ce cliché de profil peut donc aider à trancher. entorse antérieure si le choc est peu violent
L’échographie, voire l’IRM peuvent aussi être et va jusqu’à la luxation dorsale si celui-ci est
prescrites à la recherche de la lésion complète plus appuyé. Un traumatisme dans l’axe, ou
du LCU, ainsi que de l’effet Stener au moindre sur le bord latéral de l’articulation entraînant
doute clinique. un valgus ou varus forcé, peut également être
observé. Les doigts les plus souvent concernés
Traitement vont de l’index à l’annulaire, l’auriculaire étant
souvent épargné.
Le traitement des entorses bénignes est orthopé-
dique : attelle métacarpophalangienne pour 4 à 6
semaines, suivie d’une rééducation.
Dans les entorses graves, le traitement est chi- Entorses de l’articulation
rurgical par réinsertion du moignon du LCU sur interphalangienne proximale
une ancre ou par ostéosynthèse de l’arrachement Cliniquement, l’articulation est augmentée de
osseux, le plus souvent par broche. Une attelle volume, une ecchymose est parfois présente. La
protégeant la MCP est portée 6 semaines, puis mobilité peut être conservée, mais le plus souvent
une rééducation est nécessaire. Il faut avertir du fait de la douleur et de l’œdème, il existe une
les patients que, quelle que soit la gravité de diminution de la mobilité en flexion–extension.
l’atteinte, la douleur, l’œdème et une diminution Une instabilité en valgus est recherchée, témoi-
de la mobilité peuvent persister 6 à 12 mois, voire gnant alors d’une lésion ligamentaire complète.
même rester à titre de séquelles. Il faut aussi toujours tester l’extension active de
l’IPP à la recherche d’une lésion complète de la
Entorses du ligament bandelette médiane qui de manière exception-
collatéral radial du pouce nelle peut survenir même lors d’un traumatisme
fermé.
Ces entorses, beaucoup plus rares, sont très Une radiographie doit systématiquement être
mal tolérées. Les entorses bénignes se traitent réalisée à la recherche d’un arrachement osseux
Chapitre 4. Poignet et main 121

ou d’un bâillement articulaire anormal, corollaire Luxations de l’articulation


d’une lésion ligamentaire (figure 4.31). Un arra- interphalangienne proximale
chement osseux antérieur de la base de la pha-
lange moyenne (P2) est extrêmement fréquent. Les luxations surviennent après les mêmes trau-
Le traitement consiste en une immobilisation matismes que les entorses, mais le mécanisme est
antalgique la plus brève possible (moins de plus violent. Les luxations sont le plus souvent
7  jours), puis une mobilisation précoce avec dorsales, mais elles peuvent être aussi palmaires,
ou sans syndactylie, suivie à 6 semaines de latérales et rotatoires. Ces luxations sont le plus
rééducation si nécessaire. Le but est de lutter souvent réductibles par traction axiale de manière
contre l’enraidissement du doigt du fait de la aisée. Si l’articulation est stable, on se retrouve
non-utilisation du doigt engendrée par la dou- alors dans le même tableau clinique qu’une
leur. En tout état de cause, il est à la fois facile entorse IPP et le traitement est donc le même,
de traiter ces lésions souvent classées comme avec les mêmes séquelles possibles. Cependant le
mineures et difficile du fait des séquelles qu’elles traitement peut être chirurgical dans certains cas
peuvent engendrer. En effet, l’œdème, la dou- de luxations :
leur et la limitation de mobilité peuvent souvent • luxation dorsale  : en cas d’irréductibilité par
persister de 6 à 12 mois, voire être séquellaires. incarcération de plaque palmaire dans l’articula-
Un traitement par AINS et une cryothérapie tion ou d’arrachement d’un gros pavé osseux pal-
peuvent aussi être utiles  ; une infiltration de maire de P2, entraînant une subluxation dorsale ;
corticoïdes dans les entorses latérales récalci- • luxation palmaire : en cas de déficit d’extension
trantes peut également être proposée. Même active de l’IPP signant un arrachement de la
pour des traumatismes mineurs, les séquelles à bandelette médiane de l’extenseur (le traitement
type de raideur, œdème et déformations latérales peut aussi être orthopédique dans ce cas) ;
sont fréquentes. Il est donc très utile d’en avertir • luxation rotatoire  : en cas d’irréductibilité par
le patient dès le traumatisme. L’attitude à retenir incarcération d’un condyle de P1 entre une
absolument devant une entorse IPP est la mobi- bandelette latérale et la bandelette médiane de
lisation précoce. l’appareil extenseur.

Figure 4.31. Entorse grave de l’articulation interphalangienne proximale d’un doigt long.
a. Laxité latérale. b. Bâillement latéral sur le cliché en stress.
122 Traumatologie en pratique sportive

4. Pathologie négligé, il peut s’y associer un flessum irréductible


de l’articulation IPP des doigts longs. Cela est dû
des tendons et poulies à une augmentation significative du volume des
tendons fléchisseurs superficiels et profonds qui
digitales des doigts ne peuvent plus coulisser entre eux sous la poulie
A2. Dans de rares cas, un blocage peut apparaître
L. Thomsen
sans douleur associée.

Ténosynovite Clinique
des fléchisseurs : Le doigt à ressaut se manifeste par une douleur en
le doigt à ressaut regard des plis de flexion palmaire accompagnée
d’épisodes de blocage en flexion douloureux ou
Épidémiologie non (figure  4.32). Le ressaut est souvent perçu
à tort par le patient au niveau de l’IPP. Un kyste
La ténosynovite des fléchisseurs, ou doigt à res- de poulie peut être associé, une tuméfaction dou-
saut, est une pathologie fréquente puisqu’elle loureuse au toucher au niveau de la poulie A1 est
touche 28 personnes sur 100 000. Le risque alors retrouvée. Si le doigt à ressaut est « vieilli »,
d’avoir un doigt à ressaut est de 2,6 % sur une vie. un flessum IPP y est associé. Le diagnostic est
Les femmes sont 3 fois plus concernées que les donc essentiellement clinique.
hommes. Le pic de survenue est entre 52 et
62  ans. Le doigt à ressaut est idiopathique la
plupart du temps même si le diabète et la poly-
arthrite rhumatoïde sont des facteurs favorisants.
Tous les sports nécessitant une prise en force
(tennis, escalade, golf, musculation) augmentent
logiquement la fréquence de la maladie. Les
deux doigts les plus atteints sont l’annulaire et le
pouce. Plusieurs doigts peuvent être concernés
simultanément chez un même patient.

Physiopathologie
L’apparition du doigt à ressaut pourrait être due
à une friction anormale et prolongée entre le
bord distal de la poulie A1 et le tendon lors de Figure 4.32. Doigt à ressaut bloqué en flexion.
la flexion. Cette friction prolongée entraînerait
une métaplasie de la couche interne de la poulie
avec une augmentation concentrique de l’épais- Imagerie
seur de la poulie accentuant progressivement et
inéluctablement la friction et engendrant une Aucun examen complémentaire n’est nécessaire
réaction inflammatoire associée, source de dou- pour le diagnostic. Cependant une échographie
leur. Si la douleur est peu gênante pour le patient, ou une IRM peuvent aider à le confirmer en
le « ressaut » peut apparaître secondairement. Ce montrant un épanchement autour du tendon
ressaut peut être intermittent initialement, puis dans la gaine des fléchisseurs, un épaississement
très régulier et aboutir à de véritables blocages de poulie ou même une dégénérescence fibrillaire
irréductibles en flexion. Si le doigt à ressaut est du tendon fléchisseur commun superficiel (FCS).
Chapitre 4. Poignet et main 123

Traitement car non vues dans d’autres activités, leur fréquence


est devenue telle dans ce sport que l’on en fait
Il dépend du stade de la ténosynovite. Dans les aujourd’hui une pathologie quasi spécifique de
stades débutants, l’arrêt de l’activité physique l’escalade. En effet, près de 20  % des grimpeurs
responsable du blocage, une orthèse d’extension en sont victimes au cours de leur carrière. Ceci ne
à porter la nuit, ainsi qu’un traitement par AINS peut surprendre lorsqu’on connaît les contraintes
peuvent être suffisants. extrêmes imposées aux mains dans ce sport.
Le plus souvent, une infiltration de corticoïdes Les tendons des fléchisseurs des doigts sont
est nécessaire. Cette dernière permet la disparation entourés par une gaine synoviale et sont plaqués
de l’inflammation, source de douleur et de majo- contre les phalanges osseuses par un système de
ration du conflit tendon–poulie. Une deuxième gaines fibreuses appelées poulies. Ces poulies
infiltration à distance peut être utile pour parfaire sont au nombre de huit : cinq poulies annulaires
le résultat. Cependant l’efficacité des infiltrations, (A1, A2, A3, A4, A5) et trois poulies cruciformes
bien que rapide, n’est souvent que temporaire. (C1, C2, C3). Les poulies les plus importantes
Au-delà de trois infiltrations ou si l’efficacité de à l’enroulement des doigts sont notamment les
l’infiltration dure moins de 3 mois, une indication poulies annulaires A2, A3 et A4.
chirurgicale peut être retenue. Une force extrême et brutale sollicitée sur les
Le traitement chirurgical classique du doigt à poulies digitales via les fléchisseurs peut engen-
ressaut consiste en une section longitudinale de drer une rupture de poulie partielle ou complète.
la poulie A1 pour les doigts longs ou T1 pour Si cette rupture s’étend de A2 à A4, les tendons
le pouce. Une incision transversale dans ses plis fléchisseurs prennent alors le plus court che-
donne la meilleure rançon cicatricielle. En post- min entre leurs insertions sur P3 ou P2 et A1
opératoire, une mobilisation active précoce est (figure 4.33). C’est l’aspect de corde d’arc visible
indispensable afin de réduire les risques d’adhé- sous la peau palmaire. La motricité du doigt en
rence. Le taux de succès est de 95 à 100 %. flexion–extension s’en trouve perturbée.
La section isolée de la poulie A1 donne de très
bons résultats dans la grande majorité des cas.
Cependant chez certains patients avec une longue
histoire de doigt à ressaut et de blocage, ce doigt
à ressaut peut être associé à un flessum de l’IP. Ce
flessum est dû à un élargissement dégénératif des
tendons fléchisseurs lié à la friction chronique. La
simple section de la poulie A1 ne permet alors pas
de restaurer le flessum IPP. Il faut donc réaliser
en plus une résection de la bandelette ulnaire du
FCS afin de réduire l’encombrement spatial de la
somme des tendons pour réduire le flessum IP.
Figure 4.33. Rupture de poulie A3 : le tendon
fléchisseur prend le plus court chemin.
Source : Carole Fumat.
Lésions des poulies digitales
Physiopathologie Clinique
L’engouement croissant pour l’escalade depuis les La rupture de poulie intervient donc quasiment
années 1980 a vu l’émergence d’une nouvelle exclusivement lors de la pratique de l’escalade.
pathologie autrefois rarement rencontrée : les rup- L’histoire décrite est caractéristique. Lors d’une
tures sous-cutanées des poulies digitales des ten- prise ou d’un jeté, le plus souvent monodigital en
dons fléchisseurs. Jusque-là quasiment inconnues position dite arquée, le grimpeur ressent une vive
124 Traumatologie en pratique sportive

douleur, concomitante d’un claquement audible


par le grimpeur et les personnes l’entourant. La
douleur est si violente qu’elle peut obliger le
grimpeur à lâcher prise.
La lésion concerne le plus souvent les poulies
A3 et A2 des 3e et 4e doigts.
L’examen clinique retrouve une douleur à la
palpation au niveau de la poulie incriminée, une
douleur à la flexion contre résistance de P2 sur P1.
On peut même sentir le tendon prendre la corde
par rapport au côté controlatéral (figure  4.34).
L’extension peut aussi être limitée, mais ceci est
surtout dû au saignement et à l’inflammation
créés par la rupture de poulie dans la gaine des
fléchisseurs.
Figure 4.35. Aspect à l’IRM d’une rupture de la poulie A2.
a. Aspect normal. b. Le tendon fléchisseur n’est plus collé
à l’os.

Traitement
L’arrêt de l’escalade doit être immédiat afin de
ne pas endommager une rupture partielle d’une
poulie ou de léser les poulies adjacentes par effet
«  fil à couper le beurre  ». Cet arrêt est dans les
faits difficile à mettre en place chez les grimpeurs
qui sont souvent passionnés par leur sport et ne
conçoivent pas son arrêt, d’autant plus que dans
la vie quotidienne ils ne sont généralement pas
Figure 4.34. Rupture de poulie digitale. Aspect en corde gênés par cette rupture. L’arrêt de l’escalade est
d’arc du tendon fléchisseur sous la peau. demandé pour une durée de 6 à 8 semaines et le
traitement comporte un glaçage et des AINS.
Une bague rigide de protection de la cicatrisa-
Imagerie tion peut être portée pendant 45 jours : son but
est d’éviter les contraintes exercées sur la poulie
La radiographie standard sert surtout à éliminer lors des mouvements de flexion des doigts.
une atteinte osseuse associée. L’escalade peut être reprise à partir du 2e mois
Le scanner réalisé en flexion IPP contre résis- de manière progressive, à un niveau moins élevé,
tance objective un écart anormal entre le tendon en évitant les prises arquées les premières semaines
fléchisseur et la phalange  : il a longtemps été (figure 4.36), ainsi que les prises monodigitales du
la référence. Cependant l’acquisition de telles doigt traumatisé. Enfin les précautions d’hydrata-
images n’est pas des plus aisées. tion, d’échauffement et d’étirement doivent être
De nos jours, l’échographie, examen dyna- rappelées.
mique, peut parfaitement mettre en évidence la En cas d’atteinte concernant plusieurs poulies et
rupture de la poulie ainsi que le décollement du se traduisant par une corde d’arc, l’indication est
tendon et l’inflammation du canal digital associée. le plus souvent chirurgicale. La chirurgie consiste
Il en est de même avec l’IRM, examen qui, non pas à réparer mais à reconstituer les poulies
s’il n’est pas dynamique, a le mérite d’être moins A2 et A4, à l’aide de tendon prélevé au niveau du
échographiste-dépendant (figure 4.35). poignet (palmaris longus).
Chapitre 4. Poignet et main 125

don–os du fléchisseur profond sur P3. L’annulaire


est le doigt le plus touché. Le joueur ressent alors
une vive douleur et un bruit de claquement peut
être entendu. Cette douleur traçante dans l’axe
du doigt peut remonter jusque dans l’avant-bras.
L’examen clinique est caractéristique : hématome
pulpaire et surtout impossibilité de fléchir P3 sur
P2 qui est typique de la lésion et doit donc être
recherchée. Parfois la palpation du tunnel digital
peut découvrir une zone de tuméfaction doulou-
reuse, il s’agit du niveau de rétraction du moignon
tendon fléchisseur profond (figure  4.37). Chose
importante, le diagnostic en urgence peut être
méconnu ou malheureusement confondu avec
une « entorse » ou un mallet finger. Le joueur ne
consulte souvent que plusieurs semaines après, à
Figure 4.36. Position des doigts lors de l’escalade. cause de la relative gêne fonctionnelle engendrée
a. Position arquée. b. Position tendue. par la perte de flexion de l’articulation interpha-
Source : Carole Fumat.
langienne distale (IPD) et/ou de douleurs dans la
paume de la main dues au moignon du fléchisseur
Avulsion du fléchisseur commun profond (FCP). Dans le cas où le moi-
profond des doigts (rugby gnon du FCP est incarcéré dans la décussation du
FCS, la perte de flexion de l’IPP peut aussi être un
finger ou jersey finger) motif surajouté de consultation.

Épidémiologie
À l’inverse de son homologue dorsal, le mal-
let finger (avulsion de l’extenseur), l’avulsion
traumatique fermée du fléchisseur profond des
doigts longs est une lésion beaucoup plus rare.
Son diagnostic doit être rapidement reconnu  :
en effet, contrairement à l’appareil extenseur,
le tendon fléchisseur se rétracte très rapidement
imposant un traitement dans les 7 jours pour que
le résultat soit optimal. Ces lésions se rencontrent
essentiellement dans les sports nécessitant des
efforts violents d’agrippage de maillot, comme au
rugby, au judo et au football américain.

Clinique
Figure 4.37. Jersey finger : perte de la flexion de l’IPD
Le contexte clinique est très souvent caractéris- et douleurs dans la paume de la main.
tique. Un sujet masculin, entre 20 et 30 ans, tente
d’agripper le maillot d’un joueur adverse, celui-ci
s’échappant en continuant sa course  ; les doigts Imagerie
fléchis du plaqueur subissent alors une violente
force d’hyperextension sur les interphalangiennes Aucune imagerie n’est nécessaire au diagnostic
distales supérieure à la résistance de l’insertion ten- qui est purement clinique. En effet, c’est la perte
126 Traumatologie en pratique sportive

de flexion active de l’IPD qui signe l’atteinte. En une ostéosynthèse par broche peut être indiquée.
revanche, l’imagerie, comprenant une radiogra- La suture est alors protégée par une attelle pen-
phie et une échographie, est utile pour identifier dant 6 semaines et une rééducation de plusieurs
le siège de rétraction du moignon et rechercher mois est à prévoir.
une atteinte osseuse associée à l’arrachement du
FCP (figure 4.38). Avulsion ancienne
Une avulsion ancienne est définie comme supé-
rieure à 21  jours. La tentative de réinsertion
tardive du FCP, du fait de sa rétraction et de
sa dévascularisation prolongée, expose au risque
de lâchage secondaire de la suture et surtout de
raideur en flexion séquellaire de l’IPD et de l’IPP.
La raideur étant beaucoup plus handicapante
qu’un déficit de flexion IPD isolé, il est donc
communément admis qu’il n’y a pas de place
Figure 4.38. Jersey finger avec arrachement osseux. pour la réinsertion. Par contre en cas de raideur
de l’IPP due à l’incarcération du moignon de
FCP au niveau de la décussation du FCS, ou
Classification de douleurs dans la paume de la main engendrées
par le moignon, une résection du FCP en amont
Au terme de l’examen clinique et radiologique, le de la paume est recommandée. Ce geste peut être
jersey finger peut être classé en trois types. Cette associé à une arthrodèse IPD.
classification simple, associée au délai de prise en
charge, a le mérite d’avoir un rôle thérapeutique
et pronostique : Doigt en maillet
• type 1 : le tendon est rétracté et incarcéré dans (mallet finger)
la décussation du FCS, donc pas d’avulsion
complète de sa propre vascularisation. C’est le
Le terme de mallet finger désigne une lésion très
cas le plus fréquent ;
commune de l’appareil extenseur des doigts. Il
• type 2  : le tendon est rétracté au niveau de la
s’agit d’une rupture traumatique de l’extenseur
paume de la main. La vascularisation propre du
des doigts au niveau de l’IPD. Il en résulte une
tendon est arrachée ;
perte de l’extension active de P3 sur P2 et donc
• type 3  : avulsion du FCP avec son insertion
une IPD fixée en flexion, passivement réductible :
osseuse issue de P3. Le tendon est le plus sou-
le doigt a alors une forme de «  maillet  ». Cette
vent bloqué en aval de la décussation du FCS.
lésion est très fréquente aussi bien lors de la pra-
tique sportive que lors d’activité domestique. Elle
Traitement est l’une des principales causes de consultation en
chirurgie de la main. Les doigts longs sont le plus
Il est dépendant de deux facteurs  : le délai et la souvent touchés, notamment le 4e et le 5e doigt
zone de rétraction du tendon. de la main. Le pouce est exceptionnellement
atteint.
Avulsion récente
Une avulsion récente est définie par la plupart Clinique
des auteurs comme inférieure à 7 jours. La solu-
tion préférentielle est la réinsertion chirurgicale Le mallet finger entraîne peu de douleurs et la
du fléchisseur commun, le plus souvent par la déformation en maillet n’est pas toujours immé-
technique de pull-out. En cas de fracture associée, diatement visible. Il peut même passer pour une
Chapitre 4. Poignet et main 127

entorse. C’est en fait l’incapacité à relever P3 ou la Traitement


déformation progressive qui amène à consulter, le
plus souvent au bout de 7 à 10 jours (figure 4.39). Le traitement dépend uniquement de l’existence
et de la taille du fragment osseux arraché.
De prendre une décision thérapeutique adé-
quate, on peut donc s’aider d’une classification
simple :
• stade A : lésion tendineuse pure ;
• stade B : petit fragment osseux ;
• stade C : petit fragment osseux et subluxation
de P3.
Le risque majeur est l’apparition d’une luxation
palmaire de P3 du fait de la traction du fléchisseur
sur P3, alors que l’extenseur resté accroché au
morceau osseux dorsal ne peut plus contrecarrer
cette force. P3 peut alors se subluxer en palmaire
immédiatement ou progressivement dans les 15
premiers jours.
Classiquement, le traitement est orthopédique
sauf dans le cas où il existe un arrachement osseux
Figure 4.39. Aspect clinique de mallet finger de plus de 1/3 de la surface articulaire de P3 avec
du 3e doigt.
subluxation. Il consiste alors en une immobilisation
de l’articulation interphalangienne distale en exten-
Imagerie sion. Il existe différents types d’attelles telle l’attelle
de Stack (figure  4.41) qui présente un appui pal-
Il existe des formes où le tendon seul s’est maire au niveau de la pulpe et un appui dorsal au
rompu et des formes présentant une fracture de niveau de la 2e phalange, permettant une immobili-
la dernière phalange (figure  4.40). Une radio- sation satisfaisante de l’IPD. L’immobilisation doit
graphie doit être systématiquement demandée être maintenue jour et nuit en permanence pendant
afin de préciser la nature exacte du mallet finger 6 à 8 semaines, puis 3 à 4 semaines la nuit,  pour
(soit tendineux pur, soit osseux), car le traitement un résultat optimal. L’observance du patient
envisagé est potentiellement différent selon la pour ce type de traitement est aléatoire et source
taille de l’atteinte osseuse. non négligeable d’échec de traitement par orthèse.

Figure 4.40. Mallet finger avec (a) et sans (b) fragment osseux.


128 Traumatologie en pratique sportive

avec réapparition de la déformation) et les risques


d’infection assez élevés du fait de la localisation
sous-cutanée de l’IPD.

Pour en savoir plus


Figure 4.41. Attelle de Stack.
Source : Carole Fumat. Fractures et luxation du poignet
Andress MR, Peckar VG. Fracture of the hook of the
hamate. Br J Radiol 1970;43:141–3.
Des explications doivent être données au
Cognet JM. Arthroscopically assisted fixation of intra-
patient quant à l’obligation de garder l’attelle articular distal radius fractures. In: Mathoulin C. Dir.
en permanence, sous peine de fragiliser le cal Wrist Arthroscopy Techniques. Stuttgart, New York:
tendineux et de retarder la cicatrisation. Thieme; 2015, p. 111-6.
Ce traitement peut être initié même à distance Guerini H, Drape JL, Le Viet D, Thevenin F, Roulot E,
du traumatisme, jusqu’à 2 à 6 mois selon les Pessis E, et  al. Imaging of wrist injuries in athletes.
J Radiol 2007;88(1 Pt 2):111–28.
auteurs. Un petit déficit de mobilité séquellaire
Henn CM, Wolfe SW. Distal radius fractures in athletes:
avec perte d’extension active de l’IPD non gênant approaches and treatment considerations. Sports
est fréquent en fin de traitement. Aucune réédu- Med Arthrosc Rev 2014;22(1):29–38.
cation n’est habituellement nécessaire. Herbert TJ, Fisher WE. Management of the fractured
Le traitement chirurgical consiste en une réduc- scaphoid using a new bone screw. J Bone Joint Surg
tion de la subluxation palmaire  : brochage axial Br 1984;66:114–23.
Krakauer JD, Bishop AT, Cooney WP. Surgical treatment
P3-P2 (figure 4.42) et attelle de protection pour of scapholunate advanced collapse. J Hand Surg Am
6 semaines. Même en cas de chirurgie, un déficit 1994;19(5):751–9.
séquellaire d’extension active de 10 à 20° est à Lacourt C, de Peretti F, Barraud O. Luxations périlunaires
prévoir, heureusement le plus souvent non gênant. du carpe : intérêt du traitement chirurgical. Rev Chir
En cas d’échec du traitement conservateur Orthop 1993;79:114–23.
Le Viet D, Dailiana Z. Swing et fracture de l’apophyse
ou du traitement chirurgical initial, il reste une
unciforme de l’os crochu. In  : Rodineau  J, Saillant
possibilité chirurgicale. Pour le mallet finger G. Dir. Un sport, un geste, une pathologie. Paris  :
osseux avec subluxation, seule l’arthrodèse reste Masson ; 2000, p. 76-86.
envisageable. Pour le mallet finger tendineux, le Lewis DM, Osterman AL. Scapholunate instability in
raccourcissement par plicature en zone saine et athletes. Clin Sports Med 2001;20(1):131–40.
ténolyse du système extenseur ou ténodermodèse Mathoulin C. Les fractures articulaires récentes du quart
inférieur du radius chez l’adulte. Description, clas-
est le plus souvent utilisé.
sification, traitement. In : Cahier d’enseignement de
Cependant le traitement chirurgical ne doit chirurgie de la main. Paris  : Expansion scientifique
être envisagé que pour une gêne fonctionnelle française ; 1990.
importante (ce qui est très rare), car les résultats Palmer AK. Trapezial ridge fractures. J Hand Surg
chirurgicaux sont très incertains (raideur ou échec 1981;6(6):561–4.
Schernberg F. Recent scaphoid fractures (within the first
three weeks). Chir Main 2005;24:117–31.
Whipple TL. The role of arthroscopy in the treatment
of wrist injuries in the athlete. Clin Sports Med
1992;11(1):227–38.
Whipple TL. The role of arthroscopy in the treatment
of wrist injuries in the athlete. Clin Sports Med
1998;17(3):623–34.
Witvoët J, Allieu Y. Lésions traumatiques fraîches. Sympo-
sium lésions traumatiques du semi-lunaire (XLVIIe
réunion annuelle de la SOFCOT). Rev Chir Orthop
1973;59:98–125.
Figure 4.42. Réduction et brochage axial d’un doigt Wright TW, Moser MW, Sahajpal DT. Hook of hamate
en maillet. pull test. J Hand Surg 2010;35(11):1887–9.
Chapitre 4. Poignet et main 129

Tendinopathies et ténosynovites du poignet Pathologie des tendons et poulies digitales


Finkelstein H. Stenosing tendovaginitis at the radial styloid des doigts
process. J Bone Joint Surg 1930;12:509. Chopra K, Walker GN, Tadisina KK, Lifchez SD. Surgical
Le Viet D, Lantieri L. Ténosynovite de De Quervain. decompression of trigger finger. Eplasty 2014;14. ic31.
Cicatrice horizontale et fixation du lambeau capsu- Finsen V, Hagen S. Surgery for trigger finger. Hand Surg
laire. Rev Chir Orthop 1992;78:101–6. 2003;8(2):201–3.
Le Viet D, Montalvan B, Rodineau J. Syndrome de Husain SN, Clarke SE, Buterbaugh GA, Imbriglia JE.
l’intersection à l’avant-bras. J Traumatol Sport 1990; Recalcitrant trigger finger managed with flexor digi-
7:185–8. torum superficialis resection. Am J Orthop (Belle
Montalvan B, Parier J, Braseur JL, Le Viet D, Drape JL. Mead NJ) 2011;40(12):620–4.
Extensor carpi ulnaris injuries in tennis players: a Le Viet D, Tsionos I, Boulouednine M, Hannouche D.
study of 28 cases. Br J Sports Med 2006;40:426–9. Trigger finger treatment by ulnar superficialis slip
Quervain F (de). Uber eine form von chronischen tendo- resection. J Hand Surg Br 2004;29(4):368–73.
vaginitis. Korresp-B Schweiz Arz 1985 ; 25 : 389-94.
Spinner M, Kaplan EB. Extensor carpi ulnaris. It’s rela-
tionship to the stability of the distal radio-ulnar joint.
Clin Orthop Rel Res 1970;68:124–9.
Chapitre 5
Bassin et hanche
nisée autrefois n’est pas nécessaire. Une mise en
1. Lésions décharge avec deux cannes anglaises pendant 3
ostéo-articulaires semaines, suivie d’un appui soulagé les 3 semaines
suivantes, est habituellement recommandée.
traumatiques : Dans les cas exceptionnels d’irréductibilité,
fractures et luxations une réduction chirurgicale est nécessaire. La voie
d’abord dépend du type anatomique de la luxation.
Y. Catonné Parmi les complications tardives, la nécrose de la
tête fémorale, la coxarthrose et les séquelles de
paralysie sciatique sont les plus fréquentes.
Nous ne traiterons pas ici des fractures les plus
fréquentes retrouvées habituellement soit chez le
sujet âgé (fractures du col fémoral), soit en patho-
logie routière (fractures du cotyle et traumatismes
du pelvis). Ces lésions n’ont rien de particulier
chez le sportif. Par ailleurs, les fractures de fatigue
seront exposées au chapitre 10.

Luxation de hanche
sans fracture
La luxation traumatique isolée de hanche est rare
d’une façon générale et en particulier chez le
sportif. Elle survient après un traumatisme à haute
énergie au cours de la pratique de certains sports :
compétition automobile ou moto, ski nautique
Figure 5.1. Luxation postérieure de hanche
(Figure  5.1) ou ski alpin, parachute. Différents chez un skieur nautique de compétition.
types de luxations ont été décrits  : elles diffèrent Traitement orthopédique.
selon le siège anatomique et le mécanisme de la
luxation (tableau 5.1). Tableau 5.1. Luxation traumatique de hanche : siège,
L’examen clinique montre une déformation mécanisme, complications
importante. La recherche de complications est Siège postérieur Siège antérieur
impérieuse, la plus fréquente étant une paralysie
Siège supérieur Iliaque (50 %) Obturatrice (15 %)
sciatique, le plus souvent incomplète. La radiogra-
Siège inférieur Ischiatique (25 %) Pubienne (10 %)
phie est nécessaire : elle précise le type de luxation
et recherche une fracture associée. Mécanisme Flexion, adduction, Extension, abduction,
rotation interne rotation externe
La réduction orthopédique de la luxation est
impérative et urgente. La mise en traction préco- Complications Paralysie sciatique Paralysie crurale

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
132 Traumatologie en pratique sportive

Instabilité de hanche : luxation et étude scanographique, le traitement


la luxation récidivante de la fracture dépend de différents facteurs : taille
et situation du fragment, association ou non à une
fracture du cotyle ou du col fémoral.
Elle très rare, aussi bien dans la population géné-
rale que dans la pratique sportive. Elle semble plus
fréquente chez l’enfant et l’adolescent selon Vialle.
Elle peut être favorisée par un excès d’antéversion
fémorale (luxation antérieure), un défaut d’anté-
2. Conflit
version fémorale (luxation postérieure), une dys- fémoro-acétabulaire
plasie cotyloïdienne.
La récidive peut survenir de nombreuses années (conflit antérieur
après la luxation initiale, puis un véritable syn- de hanche)
drome d’instabilité postérieure peur s’installer : le
traumatisme causal peut alors devenir peu violent. I. Tourabaly
L’arthroscanner montre une poche capsulaire
postérieure comparable à celle rencontrée dans
les instabilités scapulohumérales (Figure 5.2). Un Le conflit fémoro-acétabulaire est une coxopathie
traitement chirurgical par retension et fixation mécanique en rapport avec une malformation
capsulaire postérieure ou par butée postérieure acquise. Il s’agit de la pathologie de la hanche
peut être proposé. du sportif par excellence. À ce jour, le conflit de
hanche est identifié comme un facteur de risque
important d’évolution vers la coxarthrose précoce
Fractures de la tête fémorale du sujet jeune en plus de la dysplasie. Les symp-
tômes sont souvent méconnus et largement sous-
Elles peuvent être associées à une luxation trau- diagnostiqués. La découverte de la pathologie du
matique de hanche (jusqu’à 25  % des cas) et conflit est relativement récente, puisque la des-
ont donné lieu à plusieurs classifications : Pipkin cription du conflit a été publiée en 2003 par Ganz.
(1957), AO Foundation (1968), Yoon (2001), On définit deux malformations osseuses : la came
Chiron (2013). Après réduction en urgence de la fémorale et la tenaille acétabulaire (Figure  5.3).

Figure 5.2. Arthro-scanner pré-opératoire. Luxation récidivante de hanche chez un sportif pratiquant l’alpinisme.
Première luxation 18 ans auparavant. Traitement chirurgical par retension capsulaire postérieure.
Chapitre 5. Bassin et hanche 133

Figure 5.3. Came fémorale.


a. La came fémorale typique : perte de sphéricité de la tête fémorale. b. L’effet tenaille correspond à un excès de couverture
acétabulaire responsable d’un conflit avec le col fémoral.

La malformation principale est la came fémo- dysmorphie du cotyle entraînant un excès de


rale. La prévalence de cette dernière est variable et couverture acétabulaire. L’origine peut être mul-
dépend de l’origine ethnique et du sport pratiqué. tiple : soit une rétroversion acétabulaire, soit une
La prévalence dans la population générale reste coxa profunda ou une protrusion acétabulaire.
méconnue.
Physiopathologie de la came
Physiopathologie fémorale (effet came)
La maladie du conflit fémoro-acétabulaire est défi- La lésion principale est la délamination de la
nie par une malformation osseuse qui va générer plaque sous-chondrale de topographie antérieure
une lésion anatomique douloureuse. et antérolatérale. Cette délamination est créée
Cette lésion est révélée par la pratique d’un par la came fémorale lors d’un contact préma-
sport à risque. Il s’agit des sports pivots (comme le turé entre le col fémoral et le rebord acétabulaire
football, le tennis, le tennis de table, le badminton, pendant la phase de flexion et de rotation interne
etc.), des sports d’impact à grande amplitude arti- de la hanche. Le labrum va également être soulevé
culaire (comme les arts martiaux, le karaté, la boxe, par la came entraînant progressivement une dés-
la lutte, etc.) et enfin de la danse sous toutes ses insertion labrale (Figure 5.4).
formes (classique, hip-hop, contemporaine, etc.).
Il est possible d’avoir la malformation osseuse
sans symptôme clinique. Dans ce cas, le patient est
porteur de la came fémorale mais ne souffre pas de
conflit de hanche. Les conflits par effet came sont
les plus fréquents. Les associations lésionnelles
sont également classiques  : came  +  tenaille ou
came + dysplasie. La came fémorale est une dys-
morphie de la jonction tête–col en position anté- Figure 5.4. Physiopathologie de l’effet came.
La mise en flexion de la hanche crée un conflit entre la
rolatérale. Cette anomalie osseuse créée une bosse came fémorale et le cartilage acétabulaire antérieur qui
ou un bump. Cette malformation est acquise lors est délaminé. Le labrum est progressivement désinséré.
de la croissance. La tenaille acétabulaire est une Source : Carole Fumat.
134 Traumatologie en pratique sportive

Physiopathologie de la tenaille indispensable. La réalisation d’un bilan abarticulaire


acétabulaire (effet pince) à la recherche d’une pathologie tendinomusculaire
(souvent déjà explorée) et d’un bilan de la colonne
Le mécanisme est plus complexe. Les lésions chon- rachidienne fait partie du bilan diagnostique. Par
drales sont de topographie postéro-inférieure et exemple, une discopathie lombaire haute en L1 ou
générées par le contrecoup créé par l’effet de levier une compression L4-L5 peuvent mimer une dou-
entre le col fémoral et la tenaille acétabulaire anté- leur de flèche inguinale. La palpation des orifices
rieure. Le labrum est alors écrasé par cet effet tenaille herniaires à la recherche d’une hernie inguinale
(Figure 5.5). Il s’agit de lésions dégénératives avec ou crurale est importante et parfois associée à la
un aspect souvent hypotrophique du labrum. coxopathie chez les sportifs. Enfin, un examen neu-
rologique et la palpation des pouls périphériques
font également partie de l’examen de base.

Imagerie

Figure 5.5. Physiopathologie de l’effet tenaille.


Les radiographies standard sont systématiques dans
L’effet tenaille provoque un écrasement du labrum l’exploration d’une douleur de hanche du sujet
entre le col fémoral et le rebord acétabulaire en flexion jeune. Elles incluent un cliché du bassin de face en
de hanche. Il entraîne une discrète décoaptation de la charge, une hanche de face et profil et une incidence
hanche en flexion, responsable de lésions cartilagineuses
postéro-inférieures de contrecoup.
de profil de Lequesne. Il faut y ajouter une inci-
Source : Carole Fumat. dence de Dunn bilatérale. Cette dernière incidence
est moins connue et il est préférable d’adresser les
patients vers un cabinet ayant l’habitude de ce type
Clinique de cliché. L’incidence de Dunn est indispensable au
diagnostic de la came fémorale. L’ensemble de ces
Le profil typique du conflit de hanche est le radiographies permettent d’effectuer des mesures
patient jeune qui présente une douleur mécanique de l’architecture de la hanche. Il est ainsi possible de
inguinale en rapport avec la pratique sportive. faire le diagnostic d’un pincement de l’inter-
L’évolution des symptômes peut devenir plus ligne articulaire, d’une dysplasie ou d’un excès de
invalidante au quotidien avec même des réveils couverture acétabulaire. On peut aussi facilement
nocturnes positionnels. La localisation doulou- repérer une dysmorphie fémorale (coxa vara ou
reuse est typiquement inguinale, mais elle peut coxa valga) ou une came fémorale. La dysplasie
être latérale ou postérieure également. Enfin, est définie par la mesure des angles de couverture.
toute sensation de dérangement interne (blocage, Il s’agit de la coxométrie (VCE, VCA, HTE). Un
pseudo-blocage, ressaut, craquement) doit faire excès de couverture sera également diagnostiqué
suspecter une coxopathie mécanique. Deux tests par la coxométrie. La came fémorale est définie par
cliniques de coxopathie sont intéressants et simples un angle alpha supérieur à 50° ou un défaut
à pratiquer : le test en FADRI (flexion, adduction, d’offset inférieur à 9 mm. La rétroversion acétabu-
rotation interne) et le test en FABER (flexion, laire est suspectée lors d’un signe du croisement
abduction, rotation externe). Ces tests reprodui- (Figure 5.6) ou d’un signe de la paroi postérieure
sent la douleur élective inguinale du patient. Le ou d’une épine ischiatique trop visible. L’interligne
test en FADRI est très sensible (> 70 %) mais peu articulaire est évalué par la classification des stades
spécifique (44  %). Les mobilités articulaires sont d’arthrose (par exemple, la classification de Tonnis).
en général préservées sauf sur la rotation interne La radiographie est également utile pour dépister
qui est altérée par rapport au côté controlatéral. les signes indirects de la présence d’une came
La région de la hanche est un carrefour anato- fémorale. L’os acetabuli est une petite fracture du
mique. Éliminer les diagnostics différentiels est rebord antérolatéral du cotyle, témoin d’un micro-
Chapitre 5. Bassin et hanche 135

Figure 5.6. Le signe du croisement visible sur un bassin de face en charge fait suspecter une rétroversion acétabulaire.
En rouge, la paroi antérieure. En bleu, la paroi postérieure.

traumatisme répété. Les géodes sont le signe d’une


souffrance osseuse du col fémoral en regard de la
came fémorale (géode de Pitt).
L’imagerie intra-articulaire en coupe a révo-
lutionné notre compréhension de la coxopa-
thie mécanique et permet d’affiner le diagnostic
lésionnel. L’IRM de hanche (et non du bassin)
identifie les épanchements articulaires, les kystes
intra-osseux ou les kystes du labrum. L’arthro-
IRM de hanche reste peu développée en France.
Elle a l’avantage de ne pas délivrer d’irradiation,
mais l’accès rapide à ce type d’imagerie est pro- Figure 5.7. Coupe coronale d’un arthroscanner
blématique. L’arthro-TDM de hanche est plus de hanche gauche en traction.
facile d’accès. Son avantage principal est la grande Visualisation d’un clapet cartilagineux acétabulaire
et d’une lésion profonde du labrum.
résolution de l’image. Il s’agit d’un examen d’ima-
gerie technique et invasif. On peut associer à cet
examen un test infiltratif d’une ampoule de corti- osseuses responsables de lésion du labrum, de
sone intra-articulaire. Il est conseillé de sensibiliser clapet cartilagineux, de synovite. Le traitement
l’examen en réalisant une traction du membre est donc souvent chirurgical. L’objectif est de
inférieur de quelques kilogrammes pour décoapter corriger les différentes anomalies malformatives
légèrement la coxofémorale, afin de bien laisser osseuses par des gestes de fémoroplastie et/ou
passer le produit de contraste au niveau de l’inter- d’acétabuloplastie (Figure  5.8). Les lésions du
ligne articulaire. Cela a pour avantage de mettre labrum peuvent être traitées par simple résection
en évidence des clapets cartilagineux acétabulaires ou réparation par suture avec un système d’ancre
et des lésions profondes du labrum (Figure 5.7). intra-osseuse. L’inflammation articulaire sera trai-
tée par une synovectomie. Enfin, l’arthroscopie
permet de réaliser un bilan exhaustif du statut
Traitement cartilagineux. Les clapets cartilagineux instables
sont réséqués, les ulcérations cartilagineuses focales
Principes thérapeutiques peuvent bénéficier de perforations type Pridie.
Le pronostic est clairement lié à l’âge du patient
Le principe est simple. Il s’agit d’une pathologie et la lésion cartilagineuse déjà présente au moment
mécanique en rapport avec des malformations de la procédure chirurgicale.
136 Traumatologie en pratique sportive

Figure 5.8. Vue arthroscopique d’une fémoroplastie (a) et d’une acétabuloplastie (b).

Indications thérapeutiques comporte donc un traitement de la douleur par


antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens
La prise en charge du conflit de hanche est bien (AINS). Une infiltration intra-articulaire de corti-
codifiée depuis 2016 au sein d’un consensus inter- sone est souvent proposée, en particulier lors de la
national. Le traitement médical premier est la règle. demande d’arthro-TDM.
Il associe une prise en charge à la fois préventive et Le traitement du conflit fémoro-acétabulaire
symptomatique. est aujourd’hui chirurgical. La technique arthro-
La prévention consiste dans l’idéal à soit arrê- scopique est considérée comme le gold standard.
ter la pratique du sport à risque, soit adapter le Les gestes réalisés sont la fémoroplastie, l’acéta-
geste sportif ou éviter le mouvement à risque. Le buloplastie, la résection ou la suture du labrum
contrôle du poids est intéressant pour diminuer (Figure  5.9), la synovectomie, l’extraction des
les contraintes mécaniques sur la hanche. Enfin, le corps étrangers flottants, la résection d’un clapet
renforcement musculaire en rééducation permet cartilagineux instable, des perforations de Pridie,
d’améliorer les douleurs. Le traitement médical la résection d’un os acetabuli instable, l’excision de

Figure 5.9. Vue arthroscopique d’une désinsertion du labrum.


a. Aspect typique d’une désinsertion. b. Après réparation (suture).
Chapitre 5. Bassin et hanche 137

kystes intra-osseux. Enfin l’arthroscopie de hanche


permet de réaliser un bilan cartilagineux exhaustif.
3. Lésions
tendinomusculaires
Résultats autour du bassin
La cicatrisation anatomique des tissus est en et de la hanche
moyenne de 3 mois. Cependant, le retour au
sport est plus long. On considère que le retour à la Y. Catonné, H. Guerini, E. Rolland
compétition est en moyenne de 10 à 12 mois. Une
étude chez les footballeurs professionnels (Tegner)
De nombreuses structures musculotendineuses s’in­
traités pour un conflit de hanche rapporte des
sèrent sur le bassin : muscles de l’abdomen, adduc-
résultats similaires. Les suites opératoires doi-
teurs, iliopsoas, ischiojambiers, droit antérieur. En
vent être accompagnées d’une prise en charge en
traumatologie sportive, la pathologie tendineuse
rééducation qui peut être longue. Le résultat fonc-
consiste le plus souvent en des tendinopathies ou
tionnel est conditionné par la présence de lésions
tendinobursites par hyperutilisation ou des ressauts,
chondrales. Un amincissement cartilagineux, des
plus rarement des ruptures tendineuses.
clapets cartilagineux instables ou volumineux, une
chondropathie de la tête fémorale sont des élé-
ments importants à prendre en considération pour Pathologie du carrefour
évaluer le pronostic d’une coxopathie mécanique. pubien : la pubalgie
En conclusion, il faut penser au diagnostic de
coxopathie mécanique chez l’adulte jeune qui
Y. Catonné, H. Guerini
présente une douleur inguinale mécanique. Il
s’agit d’une pathologie de la hanche du sportif Le carrefour pubien est constitué de la symphyse
largement sous-diagnostiquée actuellement. Un pubienne (amphiarthrose unissant les deux os
diagnostic précoce permet une prise en charge pubiens) autour de laquelle s’insèrent (Figure 5.10) :
médicochirurgicale optimale avant que les lésions • en bas, les muscles adducteurs de cuisse : adduc-
cartilagineuses n’altèrent le pronostic. tor brevis (court adducteur) et adductor longus

Figure 5.10. Formes anatomo-cliniques de la pubalgie.


Source : Carole Fumat.
138 Traumatologie en pratique sportive

(moyen adducteur) sur la face antérieure de la le geste de la frappe de balle, les mouvements de
surface angulaire du pubis, adductor magnus torsion du tronc ont un rôle certain.
(grand adducteur) plus postérieurement. On y L’examen clinique doit dans tous les cas être
associe le pectinéus (pectiné) et le gracilis (droit complet. L’interrogatoire précise le mode de début
interne), également adducteurs ; (le plus souvent progressif, mais parfois brutal), le
• en haut, les muscles droits de l’abdomen sur le siège et l’intensité de la douleur. L’examen phy-
bord supérieur et la face antérieure du pubis. sique en position debout puis couchée recherche
Une aponévrose superficielle relie le tendon une douleur provoquée au niveau du canal ingui-
distal du grand droit au long adducteur ; nal, des adducteurs, de la symphyse pubienne, et
• l’orifice superficiel du canal inguinal est limité en porte également dans tous les cas sur la hanche
bas par l’arcade fémorale et en haut par le ten- (mobilité, recherche de conflit), les ischiojambiers
don conjoint, réunissant les fibres de l’oblique (rétraction ou non) et le rachis (recherche d’une
interne et de l’abdominal transverse de l’abdo- hyperlordose). Il doit tester la sensibilité de la face
men et  allant s’insérer sur l’épine et l’angle du médiale de la cuisse à la recherche d’une atteinte du
pubis et en avant du grand droit. nerf obturateur ou du nerf ilio-inguinal.
L’examen clinique doit orienter l’imagerie : radio-
Qu’est-ce que la pubalgie ? graphie standard du bassin systématique, échogra-
phie dans un premier temps, IRM en deuxième
La pubalgie (littéralement douleur de la région intension en particulier lorsqu’une solution chirur-
pubienne), ou groin pain, a donné lieu à de nom- gicale est envisagée (en fait demandée rapidement
breuses discussions d’ordre nosologique. Elle a chez les joueurs professionnels ou de haut niveau).
été décrite initialement en 1932 par Spinelli chez L’examen physique et l’imagerie permettent de
l’escrimeur. En France, après les travaux de Durey préciser la forme anatomoclinique de l’affection :
et Rodineau en 1976, Brunet a proposé en 1983, pariéto-inguinale, tendinomusculaire au niveau
dans un but de simplification, de démembrer ce des tendons adducteurs ou plus rarement du droit
«  syndrome fourre-tout  » et de distinguer trois de l’abdomen, ou encore arthropathie pubienne.
formes pouvant être isolées ou associées : arthro- Chaque forme anatomoclinique peut être isolée
pathie pubienne, tendinopathie d’insertion des ou associée aux autres.
adducteurs et insuffisance pariétale. Cette dernière,
d’origine microtraumatique, considérée par beau- Pathologie inguinopariétale
coup comme la seule véritable pubalgie (Courroy),
est la plus communément retrouvée chez le sportif, Elle concerne les éléments constitutifs du canal
et entraîne une souffrance pariétale autour du canal inguinal et peut être uni- ou bilatérale. L’examen
inguinal. Le football est indiscutablement le sport recherche une déhiscence autour du canal ingui-
le plus souvent à l’origine d’une pubalgie puisque nal avec douleur augmentée à la toux, une fai-
environ 1/3 des pratiquants de haut niveau en pré- blesse des muscles obliques parfois caractérisée
senteraient une au cours de leur carrière. Le hockey, par le signe de Malgaigne  : voussure ingui-
le rugby (particulièrement chez les buteurs), le nale  augmentée en hyperlordose (Figure  5.11).
handball, l’escrime, le tennis, la course à pied et la Une souffrance de rameaux nerveux (ilio-inguinal
danse peuvent également en être la cause. Lors de et ilio-hypogastrique) peut se manifester par des
la pratique du football, la symphyse pubienne est douleurs dans leur territoire ou une hypoesthésie
le siège d’importantes contraintes en compression qui doit être recherchée à la partie médiale de la
et en distraction, aggravées par certains facteurs racine de la cuisse.
favorisants intrinsèques (antéversion excessive du L’imagerie pariétale abdominale comporte
bassin, rétraction des adducteurs) ou extrinsèques dans un premier temps une échographie. Elle est
(surcharge mécanique, entraînement trop poussé pratiquée de façon comparative par des coupes
ou ayant récemment changé). Dans ce sport, les axiales et sagittales, et dynamiquement après
changements de direction, les démarrages rapides, manœuvre  de Valsalva, permettant d’étudier
Chapitre 5. Bassin et hanche 139

Figure 5.11. Signe de Malgaigne.

les orifices herniaires, d’apprécier leur largeur


et leur hauteur et de rechercher une protrusion
herniaire directe ou indirecte.
Figure 5.13. Examen clinique : palpation du long
L’IRM joue un rôle majeur non dans le diag- adducteur et adduction contrariée.
nostic de pubalgie mais dans le démembrement
de celle-ci : elle montre en cas d’atteinte pariétale
une hétérogénéité et une augmentation du signal de hanche pour relâcher le pectiné et l’adductor
du tendon en T1 et T2 avec rehaussement de ce longus (moyen adducteur), en flexion du genou
signal après injection par voie intraveineuse de pour détendre le gracilis.
produit de contraste (Figure 5.12). L’échographie recherche une fissure intraten-
dineuse à la face profonde du tendon, souvent
visible sur les coupes longitudinales et pouvant
aboutir à une désinsertion.
L’IRM peut montrer un hypersignal T2 périphé-
rique puis central avec rehaussement après injec-
tion de gadolinium. Le signe dit « de la seconde
fente  » est recherché  : il traduit une rupture
profonde de l’aponévrose commune entre long
adducteur et droit de l’abdomen (Figure 5.14).

Figure 5.12. Pubalgie : douleurs inguinales


chez un footballeur. Tendinopathie des
À l’IRM, faiblesse pariétale du côté gauche avec aspect
de hernie directe. droits de l’abdomen
Elle est rarement isolée et est en règle associée à
Tendinopathie des adducteurs une atteinte pariéto-inguinale ou une tendinopa-
thie des adducteurs. Il s’agit d’une enthésopathie
Qu’elle soit isolée ou associée à une pathologie qui se manifeste par une douleur au niveau de
pariétale, la tendinopathie concerne dans la majo- l’insertion symphysaire du tendon. Le mécanisme
rité des cas le grand adducteur (adductor magnus). impliqué serait une hyperextension de l’abdomen
Cliniquement, elle se manifeste par une dou- associée à une abduction de cuisse. Elle peut
leur à la palpation du tendon et à la manœuvre consister en une simple déchirure, une désinsertion
d’adduction active de hanche contrariée (Figure partielle au niveau de la symphyse, rarement en une
5.13) : cette manœuvre peut s’effectuer en flexion avulsion totale.
140 Traumatologie en pratique sportive

L’IRM montre un hypersignal en T2 et un


hyposignal en T1 traduisant une hyperhémie de
l’os spongieux.

Bilan avant traitement


Lorsque le diagnostic de pubalgie est suspecté
et avant tout traitement le clinicien doit se poser
deux questions :
• est-on vraiment certain qu’il s’agisse d’une
pubalgie  ? Devant une douleur inguinale,
lorsqu’on évoque une pubalgie, il convient
avant tout traitement d’éliminer une autre cause
de douleur  : infectieuse, tumorale, pathologie
coxofémorale (chondropathie, conflit fémoro-
acétabulaire), fracture de fatigue. La radiogra-
phie standard est donc impérative et en cas de
doute une IRM (voire une scintigraphie) sera
pratiquée ;
Figure 5.14. IRM : tendinopathie des adducteurs
• existe-t-il une anomalie de l’équilibre sagittal
avec signe de la seconde fente. du rachis  ? L’examen clinique recherche bien
entendu un trouble de l’équilibre frontal ou
sagittal du rachis, en particulier une hyperlor-
Arthropathie pubienne dose lombaire. Il faut souvent aller plus loin et
déterminer quels sont les paramètres pelviens,
Elle se manifeste par des douleurs spontanées en particulier : pente sacrée, version pelvienne,
ou provoqués par la pression de la symphyse angle d’incidence (étudiés au chapitre 9). Une
pubienne et à l’écartement des ailes iliaques, radiographie de profil ou une téléradiographie
irradiant souvent vers les adducteurs et les organes permet de mesurer ces paramètres qui sont au
génitaux. La radiographie standard du bassin peut mieux analysés par l’imagerie EOS. On peut ainsi
montrer une hypercondensation ou un élargisse­ distinguer les sujets à forte incidence (> 60°)
ment des berges articulaires, avec parfois des ayant une forte capacité d’adaptation, des sujets
géodes (Figure 5.15), rarement un décalage verti- à faible incidence (< 45°) qui ont une forte
cal en appui monopodal traduisant une instabilité. antéversion du bassin et seraient des sujets « à
risque » de pubalgie.

Traitement de la pubalgie
Il consiste en une prévention, en particulier chez
les sujets à risque, et en un traitement médical,
en phase de début, accompagnant le repos sportif
indispensable et constituant la base du traitement.

Traitement préventif
Il est important d’adapter l’entraînement en dimi-
nuant sa charge et d’éviter les facteurs favorisants
Figure 5.15. Radiographie du bassin : arthropathie (dureté du sol, chaussures et types de crampons
pubienne. inadaptés).
Chapitre 5. Bassin et hanche 141

On recommande un assouplissement des ad­ association à une chirurgie pariétale : elle peut être
duc­teurs et ischiojambiers (étirements après percutanée ou plutôt chirurgicale, enlevant d’éven-
entraîne­ment), une lutte contre l’hyperlordose, un tuelles calcifications.
renforce­ment des muscles larges de l’abdomen. La tendance actuelle est de traiter uniquement
du côté douloureux et de pratiquer une ténoto-
Traitement médical mie des adducteurs en cas d’atteinte révélée par
Il repose sur le repos sportif qui doit être prescrit la clinique ou l’imagerie. La tendinopathie isolée
dès l’apparition des signes cliniques pendant une des adducteurs sans atteinte pariétale est traitée
période allant de 6 semaines à 3 mois, il est souvent isolément.
associé en phase aiguë à un traitement par AINS. Les suites postopératoires après intervention
L’infiltration de corticoïdes peut être proposée pour pubalgie consistent en une reprise du vélo à
dans la tendinopathie d’insertion des adducteurs 3 semaines, de la course à 6 semaines, de l’entraîne­
ou des grands droits. ment avec ballon à 3 mois.
En cas de syndrome canalaire, un test anes- Les résultats publiés sont bons après chirurgie
thésique peut être proposé. avec un retour à la compétition au même niveau
dans 90 % des cas.
Traitement rééducatif
La rééducation, envisagée après un repos strict,
comporte différentes phases  : étirements passifs Pathologie de l’iliopsoas :
(ischiojambiers, adducteurs et rotateurs externes), tendinobursites
reprise de la course puis de l’entraînement pro-
gressif et personnalisé. Son efficacité est discutée Y. Catonné, H. Guerini
en cas de pubalgie installée et elle doit absolument L’iliopsoas réunit le corps musculaire de l’iliaque
être indolore. provenant de la face médiale de l’aile iliaque et
celui du psoas issu des vertèbres (D12 à L5) en
Traitement chirurgical un tendon distal s’insérant sur la face postérieure
Il a évolué dans le temps au cours de ces 30 du petit trochanter. Il est surtout fléchisseur de
dernières années, mais il repose sur les mêmes prin- hanche et a également une fonction lordosante
cipes : reconstituer les zones de faiblesse de la paroi importante.
et traiter les lésions associées tendinomusculaires. Différents types de pathologies ont été décrits
Dans la forme inguinopariétale, l’opération de au niveau de ce muscle :
Nésovic, elle-même dérivée de la technique de Bas- • l’hématome de la loge du psoas, par ailleurs
sini, repose sur l’abaissement du tendon conjoint à bien connu comme complication d’un traite-
l’arcade crurale. Pour Nésovic, la technique est bila- ment anticoagulant en dehors de tout contexte
térale et comporte un temps de résection nerveuse. sportif, pouvant survenir après une chute vio-
Une neurolyse des rameaux antéro-internes du lente sur le dos (sports de combat) ;
nerf ilio-inguinal et des rameaux postéro-externes • l’arrachement au niveau du petit trochanter  :
du nerf génito-fémoral est parfois associée. il survient surtout chez l’adolescent, mais a
Actuellement, la technique de Shouldice est le également été décrit chez l’adulte jeune, parfois
plus souvent utilisée, comme pour le traitement même au-delà de 20 ans ;
des hernies inguinales  : suture du fascia trans- • la rupture au niveau de la jonction myotendi-
versalis et du petit oblique à l’arcade crurale. Cer- neuse  : elle est très rare et peut se rencontrer
tains préfèrent couvrir la zone de faiblesse par une en particulier en cas de mouvement contré
prothèse mise en place par voie cœlioscopique ou violemment lors de la pratique du football. Elle
par voie inguinale (méthode de Liechtenstein). peut évoluer spontanément vers une cicatrice
En cas de tendinopathie des adducteurs, une fibreuse douloureuse ;
ténotomie peut être réalisée, isolément ou en • la tendinopathie proximale de l’iliopsoas ;
142 Traumatologie en pratique sportive

• la bursopathie peut avoir une origine micro- sous échographie peut être efficace. Dans de rares
traumatique ; cas, un traitement arthroscopique par ténolyse ou
• le ressaut : il est étudié séparément avec les res- allongement du tendon a été proposé.
sauts de hanche.
Cliniquement, la douleur de l’aine est le signe
révélateur et évoque en premier lieu une douleur Tendinopathies et ruptures
de hanche ou une fracture de fatigue. L’examen proximales des tendons
peut suspecter la responsabilité de l’iliopsoas s’il ischiojambiers
retrouve une douleur à la palpation ou provoquée
à la contraction contre résistance (flexion active
N. Lefevre, S. Herman, A. Gerometta, S. Klouche,
de hanche, genou en extension).
A. Hardy, O. Grimaud, A. Meyer, Y. Bohu.
L’imagerie permet le diagnostic de lésion de
l’iliopsoas : Les ischiojambiers à l’exclusion du chef court
• échographie avec coupes axiales et sagittales du biceps fémoral sont insérés en proximal sur la
comparatives au côté opposé, montrant une tubérosité ischiatique. Ils sont composés de deux
modification d’épaisseur ou une rupture ten- lames tendineuses  : le semi-membranosus et le
dineuse avec hypo- ou hyperéchogénicité. Les tendon conjoint, lui-même composé du semi-ten-
fibres musculaires situées en avant du tendon dinosus et de la longue portion du biceps fémoral.
iliopsoas paraissent épaissies et hyperéchogènes ; Le semi-membranosus a une insertion antérieure
• IRM comportant des coupes horizontales et latérale par rapport à l’insertion du tendon
comparatives et des coupes sagittales recher- conjoint qui, lui, est situé plus en postérieur et
chant une modification de signal en T1 ou T2. médial. Le nerf sciatique chemine dans une nappe
Le traitement consiste dans un premier temps de tissu cellulo-adipeux verticalement sous ces
en un repos sportif, puis en une phase de réédu- deux plans musculaires, en passant en haut, en
cation comportant un travail excentrique des flé- dehors de la tubérosité ischiatique et à la partie
chisseurs de hanche et des étirements. En cas de moyenne en avant du biceps (Figure 5.16). Il assure
cicatrisation fibreuse douloureuse, une infiltration l’innervation de tous les muscles ischiojambiers.

Figure 5.16. Ischiojambiers (flèche) : IRM en séquences pondérées T1 dans le plan coronal. Anatomie normale : semi-
membranosus (a), semi-tendinosus (b), chef long du biceps (c), nerf sciatique (d).
Chapitre 5. Bassin et hanche 143

Les ischiojambiers sont actifs tout au long du du traitement conservateur  : elle consiste alors
cycle de la marche, mais principalement en phase (selon Lempainen) en une ténotomie transverse
pendulaire terminale pour ralentir l’extension du isolée du demi-membranosus qui est suturé au
genou et initier l’extension de la hanche. Ils conti- biceps fémoral pour éviter une rétraction excessive.
nuent à fonctionner au début de la phase de pos-
ture pour aider à l’extension de la hanche. Parce
qu’ils sont digastriques, les ischiojambiers sont Ruptures proximales
plus à risque de blessure en raison de la possibilité des tendons ischiojambiers
d’un allongement rapide des muscles avec flexion
de la hanche et extension du genou combinées Les lésions musculaires des ischiojambiers comp­
notamment pendant la phase du sprint ou de la tent parmi les blessures les plus fréquentes du
course à pied. sportif. Elles sont le plus souvent retrouvées dans
les sports d’accélération ou de décélération rapide,
de saut, de fente, ou de coups de pied comme
Tendinopathies des tendons le rugby, le football et les sports de combat. Ces
ischiojambiers proximaux lésions musculaires entraînent des arrêts sportifs
parfois prolongés et sont bien traitées médicale­
Les contraintes répétées en traction telles qu’on ment. Les  lésions tendineuses proximales des
peut les rencontrer dans certains sports (danse, ischiojambiers sont en revanche beaucoup plus
patinage artistique, course de haie, course de fond, rares. Ce sont des lésions graves qui nécessitent une
gardien de but au hand-ball) sont à leur origine. prise en charge chirurgicale précoce. La technique
Il peut s’agir de tendinopathies d’insertion ou chirurgicale est difficile et nécessite une bonne
d’atteintes directes du tendon. connaissance anatomique de la région ischiatique.
Cliniquement, elles se manifestent par des dou- Il conviendra de différencier les ruptures aiguës des
leurs au niveau de la tubérosité ischiatique, parfois ruptures chroniques, selon le délai écoulé entre le
accompagnées de sciatalgie tronquée. Elles sont traumatisme et la réparation chirurgicale.
souvent présentes à la course ou en position assise.
L’examen retrouve cette douleur à la fois à
Physiopathologie
la palpation et à l’étirement  : celui-ci peut être
effectué en flexion antérieure du tronc ou par Le mécanisme de la blessure est l’allongement
le test du frotté sans ou contre résistance (signe excentrique brutal du groupe musculaire ischio-
du paillasson). Le diagnostic, essentiellement jambier à la suite d’une hyperflexion de la hanche
clinique, peut être confirmé par l’échographie et associée à une hyperextension du genou. La bles-
l’IRM, cette dernière étant surtout indiquée en sure se produit lors d’activités impliquant une accé-
cas de persistance après traitement. lération rapide du membre ou une décélération,
L’imagerie comporte en premier lieu l’écho- une fente avant ou un grand écart volontaire ou
graphie qui confirme le diagnostic. L’IRM n’est non. Cela se produit le plus souvent lors d’activités
pratiquée qu’en cas de suspicion de rupture ou de sportives à haute énergie, telles que le ski nautique,
bilan préchirurgical. le rugby, le football ou les sports de combat, mais
Le traitement est essentiellement conservateur  : également lors d’accident domestique avec glissade
repos sportif, ondes de choc pour certains. Le et chute.
traitement rééducatif repose sur les massages trans-
verses profonds et surtout les étirements et le
Clinique
travail excentrique. L’infiltration de corticoïdes sous
échographie (proximité du nerf sciatique) peut être Les patients décrivent généralement avoir entendu
efficace mais présente un risque non négligeable de au moment de l’accident un craquement, un
rupture secondaire. La chirurgie est rarement pro- claque­ment et d’avoir la sensation d’une déchirure
posée en dehors des ruptures avérées ou après échec dans la jambe. La douleur est très intense voire
144 Traumatologie en pratique sportive

syncopale avec une douleur en coup de poignard L’IRM est l’examen de référence pour le diag-
dans la fesse. Cela s’accompagne dans les jours qui nostic des ruptures tendineuses des ischiojambiers.
suivent d’une ecchymose souvent très étendue de On utilise les séquences pondérées T1 et T2 Fat-Sat
toute la face postérieure de la cuisse. Les patients (saturation de graisse) dans le plan coronal et axial
peuvent également présenter des symptômes d’irri- de manière comparative en antenne dite «  corps
tation du nerf sciatique, qui peuvent aller de sim- entier ». Un plan de coupe sagittal en séquence T2
ples douleurs postérieures de la fesse et de la cuisse, Fat-Sat unilatéral est parfois utile mais non systé-
aux symptômes de sciatique plus sévères tout le matique. L’IRM met typiquement en évidence, au
long de la jambe. niveau du site de rupture, un hématome plus ou
À l’examen physique (Figure  5.17), la marche moins conséquent, de signal variable en fonction
est difficile, le plus souvent sans appui. Le patient du délai par rapport au traumatisme. Le moignon
cherche une position antalgique en légère flexion tendineux rétracté est au sein du remaniement
de genou, afin d’éviter simultanément la flexion de hématique avec typiquement un aspect en grelot
la hanche et l’extension du genou. L’inspection (Figure 5.18). L’analyse de l’IRM permet de poser
cherche une ecchymose ou un œdème de la cuisse. le diagnostic de rupture complète ou partielle des
La position assise est douloureuse, voire impos- lames tendineuses, d’apprécier l’importance de
sible. La palpation de l’ischion peut provoquer la rétraction tendineuse, ainsi que l’état de souf-
une douleur, et un vide sous la fesse peut être noté france et la trophicité des muscles concernés.
dans certains cas. Enfin, la palpation en dessous de
l’ischion peut aider à identifier les tendons rétractés. Traitement
Une évaluation neurologique minutieuse doit être Le traitement chirurgical est aujourd’hui recom-
réalisée pour évaluer le nerf sciatique. mandé pour la prise en charge de ces lésions
tendineuses. La technique chirurgicale a beau-
Imagerie coup évolué depuis les premiers cas opérés par
La radiographie du bassin est le plus souvent Kouvalchouk en 1987 et par Ishikawa en 1988.
normale. L’échographie pourrait paraître comme L’abord était vertical avec une suture directe
une alternative séduisante car plus facile à réaliser des tendons rompus ou une réinsertion trans-
et moins coûteuse que l’IRM, mais l’analyse de osseuse du moignon tendineux par des tunnels
cette région anatomique par les ultrasons est très osseux dans l’ischion. La région étant difficile
difficile et opérateur-dépendante. d’accès, rapidement des équipes chirurgicales ont

Figure 5.17. Examen clinique d’un patient présentant une rupture des ischio-jambiers.
a. Hématome post-traumatique après rupture complète proximale des tendons ischiojambiers. b. Palpation d’un vide sous
la fesse.
Chapitre 5. Bassin et hanche 145

tendineuse. La rééducation se déroule en trois


phases successives avec des objectifs différents  :
la cicatrisation biologique, la reprise des activités
quotidiennes et enfin la reprise des activités spor-
tives. Pendant les 6 premières semaines, le genou
est immobilisé dans une genouillère articulée
permettant une flexion libre du genou mais une
extension limitée à 30 à 60°. L’appui est autorisé
mais soulagé avec deux cannes béquilles. Une
rééducation fonctionnelle douce et progressive est
débutée par un travail isométrique du quadriceps
et des ischiojambiers. À la 6e semaine, le genou est
totalement libéré et un appui complet sans canne
est autorisé. La rééducation active débute avec un
travail musculaire statique des ischiojambiers et
Figure 5.18. Rupture proximale des ischiojambiers du quadriceps en course interne.
avec rétraction. Entre la 12e et la 16e semaine, le renforcement
a. Schéma de la rupture tendineuse. b. IRM en séquence musculaire des ischiojambiers en isocinétique,
pondérée T2 Fat-Sat (saturation de graisse) dans le plan d’abord en concentrique puis en excentrique, est
coronal : ischion (i), nerf sciatique (n), moignon tendineux (m),
hématome (h). débuté. Entre la 20e et la 32e semaine, la reprise
Source : N. Lefèvre. de l’activité sportive est possible avec un retour à
la compétition vers le 8e mois postopératoire.
utilisé des ancres métalliques montées avec du fil
non résorbable, puis des ancres résorbables. Le
patient, sous anesthésie générale ou sous rachia-
Résultats
nesthésie, est installé en décubitus ventral. La voie Notre expérience repose sur une étude prospective
d’abord est le plus souvent verticale sous le pli de 412 patients opérés dont 82 % de sportifs, quel
fessier et à l’aplomb de la tubérosité ischiatique. que soit le niveau de pratique (dont 31 % de pro-
La voie d’abord horizontale sous le pli fessier est fessionnels ou sportifs de compétition). Au recul
apparue en 2002 puis a été régulièrement réalisée moyen de 43 mois, les patients opérés précocement
dans les années suivantes. La libération musculaire avant 4 semaines avaient repris leur sport dans plus
et la neurolyse du nerf sciatique étant plus diffi- de 89 % des cas. Le délai moyen de reprise du sport
ciles pas cette voie d’abord, elles sont réservées était de 5,7 mois. En revanche, seulement 49 % des
aux ruptures aiguës avec une faible rétraction patients traités chirurgicalement pour une rupture
tendineuse (< 6  cm). L’aspect esthétique post- chronique avaient repris une activité sportive. Les
opératoire est certes meilleur, mais la dissection tests isocinétiques ont montré que la force des
est plus difficile et la vision plus limitée. En post- ischiojambiers était en moyenne dans la série de
opératoire immédiat est posée une attelle articulée 93  % par rapport au membre controlatéral. Au
réglée entre 30 et 60° de flexion de genou, la dernier recul, 92,5 % patients étaient très satisfaits
hanche restant libre et ceci en fonction du type de ou satisfaits des résultats obtenus.
rupture et de l’importance de la rétraction.

Rééducation postopératoire Conclusion


Le but premier du protocole de rééducation La rupture proximale des tendons ischiojambiers
doit être le retour au même niveau d’activité est une pathologie rare. Le mécanisme lésionnel
qu’avant le traumatisme, aussi rapidement que traumatique et les signes cliniques caractéristiques
possible mais sans compromettre la cicatrisation doivent faire évoquer une rupture tendineuse.
146 Traumatologie en pratique sportive

Une IRM réalisée en urgence permettra de confir- manifeste par une douleur sur le tendon pouvant
mer ce diagnostic. simuler une douleur de hanche  : la radiographie
Le traitement chirurgical est aujourd’hui confirme l’absence de coxopathie et retrouve
recommandé. La réparation aiguë (moins de 4 parfois une irrégularité ou érosion corticale. Le
semaines après la blessure) est à privilégier car tendon est très accessible à l’échographie et peut
elle donne de meilleurs résultats et moins de retrouver un élargissement, une variation d’écho-
complications postopératoires que les blessures génicité ou des microcalcifications. Le traitement
chroniques. La reprise du sport et le pronostic est pratiquement toujours conservateur.
sont liés significativement au délai de prise en
charge et au niveau sportif du patient blessé.
Avulsion ou rupture
du tendon droit fémoral
Points clés : ruptures proximales (rectus femoris) proximal
des ischiojambiers
Elle concerne le tendon direct et parfois le tendon
• Les tendinopathies et ruptures proximales des tendons réfléchi (environ 50  % des cas) et se rencontre
ischiojambiers sont des lésions rares alors que les lésions volontiers chez le footballeur, le buteur au rugby,
musculaires des ischiojambiers sont très fréquentes. après un shoot violent ou encore en athlétisme
• Le mécanisme de la blessure est l’allongement
chez le sprinter. Elle correspond aux arrachements
excentrique brutal du groupe musculaire ischiojambier à
la suite d’une hyperflexion de la hanche associée à une de l’épine iliaque antéro-inférieurs observés chez
hyperextension du genou. l’adolescent (voir chapitre 12).
• L’IRM est l’examen de référence pour le diagnostic Cliniquement, on note une douleur vive au
des ruptures tendineuses des ischiojambiers. niveau de l’insertion du tendon direct. L’écho-
• Le traitement chirurgical est recommandé, en particu- graphie confirme le diagnostic d’avulsion ou de
lier chez le sportif. Il consiste en une réinsertion du tendon rupture et retrouve un hématome à ce niveau.
proximal avec, en cas de rétraction, libération musculaire L’IRM est pratiquée dans le bilan préchirurgical.
et neurolyse du nerf sciatique. En postopératoire, une Il précise si l’atteinte concerne un seul ou les
attelle articulée et une rééducation sont prescrites.
deux tendons d’origine (Figure  5.19) et permet
• Les résultats du traitement chirurgical sont bons avec
reprise du sport au moins au même niveau chez 70 % d’étudier au mieux le tendon réfléchi.
des patients, surtout si les patients ont été opérés dans Le traitement est surtout discuté chez le foot-
les 4 premières semaines suivant le traumatisme. balleur professionnel entre tenants de l’abstention

Tendinopathies et ruptures
proximales du droit
fémoral (rectus femoris)
Y. Catonné, E. Rolland, H. Guerini

Tendinopathie proximale
du droit fémoral (rectus femoris)
Elle est relativement rare et a été décrite en parti-
culier chez les danseurs (plutôt chez des amateurs
et des pratiquants de danse contemporaine) après Figure 5.19. IRM : rupture du tendon proximal du droit
élévation prolongée du membre inférieur. Elle se fémoral.
Chapitre 5. Bassin et hanche 147

chirurgicale avec reprise précoce, partisans d’une Ruptures du moyen glutéal


réinsertion du tendon (le plus souvent par ancres)
et praticiens préférant une excision de la partie Elles surviennent pratiquement toujours chez
proximale du tendon, cette dernière technique des sujets relativement âgés et dans un contexte
étant surtout recommandée en cas de rupture rhumatologique, en particulier chez les sujets
itérative. porteurs d’une prothèse de hanche. Certains rares
cas décrits en pratique sportive relèvent d’une
réparation chirurgicale.
Tendinopathies et ruptures
des fessiers
Ressauts tendineux
Y. Catonné, H. Guerini de hanche et du bassin
Y. Catonné, H. Guerini
Tendinopathies Les ressauts tendineux de hanche sont caractérisés
Elles sont parfois regroupées sous le terme de par des claquements. Il s’agit de phénomènes
«  tendinopathies trochantériennes  ». Dans la cliniques liés au passage d’un tendon ou d’une
grande majorité des cas, cette pathologie ne aponévrose sur une structure osseuse lors d’une
concerne pas les sportifs. On la retrouve sur- mobilisation active. Ils sont d’origine extra-arti-
tout chez la femme de plus de 50  ans, mais culaire et sont rarement douloureux mais l’appa-
elle peut aussi survenir chez le sportif (marche rition d’une douleur est plus fréquente chez le
athlétique, trail). sportif par hypersollicitation. La danse, la course
Il peut s’agir d’une atteinte du tendon moyen à pied et le football ont été décrits comme
glutéal ou d’une tendinobursite que l’on a pu cause d’apparition de douleurs chez des sujets
comparer à une rupture de la coiffe des rotateurs de présentant un ressaut de hanche (environ 5 % de
l’épaule, associant une atteinte de la bourse séreuse la population générale). On distingue le ressaut
du moyen glutéal et/ou celle du petit glutéal. latéral et le ressaut antéromédial.
Elle se manifeste par une douleur péritrochan-
térienne plus forte en station debout prolongée, Ressaut latéral de hanche :
présente à l’examen à la palpation ainsi qu’en bandelette iliotibiale
adduction forcée ou abduction contrariée. Le test
de dérotation latérale dit de Lequesne majore la Plus fréquent chez la femme (deux sur trois), il
douleur  : pratiqué en décubitus dorsal genou et est lié au passage de la bandelette iliotibiale sur
hanches fléchies à 90°, le patient ramène le membre le grand trochanter. Le ressaut visible, audible
inférieur d’une position de rotation médiale à une et palpable lors des mouvements actifs est de
position de rotation latérale active contre résistance. diagnostic clinique évident. Il est indolore dans la
L’imagerie repose sur l’échographie qui peut grande majorité des cas. Il est confirmé par l’écho-
retrouver une bursite sous le tendon moyen ou graphie dynamique qui retrouve le mouvement de
petit glutéal ou/et une atteinte du tendon lui- la bandelette au niveau du grand trochanter et
même. Elle recherche une rupture partielle du peut également retrouver un épaississement de la
tendon. bandelette ou une bursopathie.
Le traitement est médical dans la très grande L’IRM a surtout l’intérêt d’éliminer une autre
majorité des cas. Dans les rares cas de tendinopa- étiologie en cas de douleurs  : pathologie du
thie invalidante et rebelle, avec parfois rupture labrum, lésions chondrales, corps étranger intra-
partielle, et chez le sujet sportif, un traitement articulaire. Le traitement est avant tout conserva-
chirurgical peut être proposé qu’il soit à ciel teur, au moins dans un premier temps : rééducation
ouvert ou par technique endoscopique. avec étirements posturaux du fascia lata, massages
148 Traumatologie en pratique sportive

transverses profonds. En cas d’échec, l’infiltration beaucoup plus rares ont été décrites  : ressaut lié
locale de corticoïdes au niveau de la zone de aux ligaments iliofémoraux sur la tête fémorale,
frottement est souvent efficace sur la douleur. ressaut du psoas au niveau du petit trochanter.
En cas d’échec, un traitement chirurgical peut La pratique sportive est un élément important
être proposé. Différentes techniques ont été dans le déclenchement du ressaut et la survenue
décrites  : allongement de la bandelette (en Z, de douleurs  : en particulier, le ressaut antérieur
section oblique), section en croix associée à une semble fréquent chez les danseurs de ballet clas-
fixation des berges (Kouvalchouk). Actuellement, sique (jusqu’à 10  % des danseurs dans certaines
la section ou l’allongement de la bandelette sous publications). La gymnastique ou les sports de
arthroscopie sont privilégiés par beaucoup. combat peuvent également être responsables.
Cliniquement, le ressaut est le plus souvent
asymptomatique, mais il peut devenir doulou-
Ressaut antéromédial : iliopsoas reux. Il se manifeste par un claquement lors du
mouvement d’extension ou d’hyperextension, le
Moins fréquent que le ressaut latéral, il est lié plus souvent audible. L’examen recherche une
dans la grande majorité des cas à un conflit de la douleur à la manœuvre de contraction contrariée
lame aponévrotique postérieure du psoas et de en décubitus dorsal.
l’éminence iliopectinée (Figure  5.20). Ce ressaut L’échographie dynamique est l’examen majeur,
survient lorsque la hanche est en extension active, confirmant le diagnostic ( vidéo  5.1)  : lors du
le psoas étend tendu sur le bord antérieur du bas- mouvement actif d’abduction, flexion et rotation
sin. Il est audible, parfois douloureux. La douleur latérale (manœuvre de la grenouille), elle montre
peut être liée à une bursite survenant entre le relief une désincarcération brutale du tendon contre l’os,
osseux et la lame aponévrotique. D’autres causes parfois des signes de tendinopathie ou une bursite.

Figure 5.20. Mécanisme du ressaut antéromédial de l’ilio-psoas : conflit de la lame aponévrotique postérieure du psoas
et de l’éminence iliopectinée.
Source : Kouvalchouk JF. Ressauts de hanche. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Appareil locomoteur, 14-320-C-10,
2003,
Chapitre 5. Bassin et hanche 149

L’IRM est surtout utile au diagnostic différen- Ressaut proximal


tiel, permettant de rechercher une pathologie du des ischiojambiers
labrum ou du cartilage.
Le traitement, avant tout conservateur, consiste Il est rare et lié au contact entre la tubérosité
en des étirements du psoas, un traitement anti- ischiatique et l’insertion du tendon conjoint ou
inflammatoire et si la douleur persiste une infil- du tendon proximal du long biceps fémoral. Il est
tration échoguidée de la bourse séreuse. favorisé par une enthésopathie de celui-ci. L’ima-
En cas d’échec du traitement conservateur, gerie (échographie et IRM) recherche les signes
le traitement chirurgical peut être proposé  : il de l’enthésopathie (vus plus haut), ainsi qu’une
consiste en un allongement du psoas avec section bursite à ce niveau.
de la lame aponévrotique postérieure plutôt que
section distale du tendon qui diminue la force
de flexion. Elle peut se réaliser par une courte `` Liste des compléments
voie antérieure, éventuellement sous anesthésie en ligne
péridurale sensitive pour vérifier la disparition
du ressaut en peropératoire selon la technique Des compléments numériques sont associés à ce
décrite par Kouvalchouk. Un traitement réalisé chapitre. Ils sont indiqués dans le texte par un
par arthroscopie a également été proposé, mais picto . Pour voir ces compléments, connectez-
il consiste en une section distale du tendon au vous sur http://www.emconsulte/e-complement/
niveau du petit trochanter, avec les mêmes incon- 476819 et suivez les instructions.
vénients qu’après chirurgie ouverte.

Vidéo 5.1. Échographie dynamique d’un ressaut


Ressaut du tendon droit fémoral antérieur de hanche.

Il semble exceptionnel et résulte d’un conflit


entre le tendon du droit fémoral et l’épine iliaque Pour en savoir plus
antérosupérieure, parfois favorisé par une calcifi- Conflit fémoro-acétabulaire (conflit antérieur
cation intratendineuse. de hanche)
Ganz R, Parvizi J, Beck M, Leunig M, Nötzli H, Siebenrock
KA. Femoroacetabular impingement: a cause for
osteoarthritis of the hip. Clin Orthop Relat Res 2003;
Ressaut et conflit ischiofémoral 417:112–20.
(ou trochantéro-ischiatique) Griffin DR, Dickenson EJ, O’Donnel J, Agricola R,
Awan T, Beck M, et al. The Warwick Agreement on
Il résulte du contact entre le petit trochanter et femoroacetabular impingement syndrome (FAI syn-
l’ischion lors de mouvements d’extension, adduc- drome): an international consensus statement. Br J
tion, rotation latérale de hanche et semble être Sports Med 2016;50(19):1169–76.
relativement fréquent chez les danseurs. Griffin DR, Dickenson EJ, Wall PDH, Achana F, Donovan
JL, Griffin J, et  al. Hip arthroscopy versus best
Il se manifeste par des douleurs fessières ou conservative care for the treatment of femoroace-
inguinales, augmentées dans la position de conflit. tabular impingement syndrome (UK FASHIoN):
L’IRM recherche des remaniements de l’ischion, a multicentre randomised controlled trial. Lancet
une bursite au niveau du petit trochanter et des 2018;391(10136):2225–35.
signes de tendinopathie proximale des ischiojam- Palmer AJR, Gupta VA, Fernquest S, Rombach I, Dutton
SJ, Mansour R, et al. Arthroscopic hip surgery compa-
biers.
red with physiotherapy and activity modification
Le traitement est conservateur et consiste en un for the treatment of symptomatic femoroacetabular
arrêt provisoire d’un certain type de mouvement, impingement: multicentre randomised controlled trial.
parfois par une infiltration locale. BMJ 2019;364:l185.
150 Traumatologie en pratique sportive

Lésions tendinomusculaires autour du bassin Kajetanek C, Benoît O, Granger B, Menegaux F, Chereau


et de la hanche N, Pascal-Mousselard HF. Khiami. Athletic pubalgia;
Anderson CN. Iliopsoas: pathology, diagnosis and treat- return to play after targeted surgery. OTSR 2018;104:
ment. Clin Sports Med 2016;35:419–33. 469–72.
Askling CM, Koulouris G, Saartok T, Werner S, Best Kouvalchouk JF. Ressauts de hanche. EMC – Appareil
TM. Total proximal hamstring ruptures: clinical and locomoteur 2003. [Article 14-320-C].
MRI aspects including guidelines for postoperative Kouvalchouk JF, Durey A, Berthier P, Viel E. High
rehabilitation. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc disinsertion of the common tendon of the ischium
2013;21(3):515–33. and leg muscles, 5 cases seen belatedly and operated
Bouvard M, Lanusse P, Lippa A, Ospital JL, Durafour on. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot 1987;
H. Jonction myotendineuse du psoas iliaque. In  : 73(Suppl. 2):100–2.
Rodineau J, Saillant G, editors. Actualités sur les Laible C, Swanson D, Garofolo G, Rose D. Iliopsoas syn-
tendinopathies et les bursopathies des membres infé- drome in dancers. Orthop J Sports Med 2013;1(3).
rieurs. Paris : Masson ; 2001. p. 233–9. 2325967113500638.
Cohen M, Coudreuse JM. Pathologies de l’ilio-psoas. Larbi A, Pesquer L, Reboul G, Omoumi P, Perozziello
In: Rodineau J, Besch S Dir, editors. Pathologie du A, Abadie P, et  al. MRI in patients with chronic
complexe pelvi-fémoral du sportif. Issy-les Mouli- pubalgia: is precise useful information provided to
neaux. Elsevier Masson ; 2009. p. 3–13. the surgeon? A case-control study. Orthop Traumatol
Cohen SB, Rangavajjula A, Vyas D, Bradley JP. Func- Surg Res 2016;102(6):747–54.
tional results and outcomes after repair of proximal Lefevre N, Bohu Y, Klouche S, Herman S. Surgical tech-
hamstring avulsions. Am J Sports Med 2012;40: nique for repair of acute proximal hamstring tears.
2092–8. Orthop Traumatol Surg Res 2013;99(2):235–40.
Guilin R, Cardinal E. Exploration échographique des res- Lefevre N, Bohu Y, Naouri JF, Klouche S, Herman S.
sauts de hanche. In : Brasseur JL, et al. Dir. Actualités Returning to sports after surgical repair of acute
en échographie de l’appareil locomoteur. Montpellier : proximal hamstring ruptures. Knee Surg Sports Trau-
Sauramps Médical ; 2010, p. 25-33. matol Arthrosc 2013;21(3):534–9.
Ilizaliturri VM Jr, Martinez Escalante FA, Chaidez PA, Sandmann GH, Hahn D, Amereller M, Siebenlist S, Schwirtz
Camacho Galindo J. Endoscopic iliotibial band release A, Imhoff AB, Brucker PU. Mid-term functional.
for external snapping hip syndrom. Arthroscopy Outcome and return to sports after proximal hams-
2006;22(5):505–10. tring tendon repair. Int J Sports Med 2016;37:570–6.
Chapitre 6
Genou

1. Pathologie Anatomie et biomécanique


méniscoligamentaire Le tissu méniscal est un fibrocartilage de tissage
collagénique complexe aux propriétés complé-
F. Khiami, M.-A. Ettori, R. Rousseau, N. Barizien, mentaires alliant rigidité, élasticité et déforma-
W. Bayoud, R. Dayan bilité. Ces propriétés expliquent pourquoi les
ménisques jouent un rôle fondamental dans
l’absorption et la transmission des contraintes
axiales, l’augmentation de la congruence articu-
laire et la stabilisation articulaire. Les ménisques
Prises en charge transforment les contraintes axiales en force de
des lésions méniscales traction circulaire. Chaque ménisque est composé
de trois segments (antérieur, moyen et postérieur)
et de deux racines, antérieure et postérieure le
M.-A. Ettori, R. Rousseau
fixant au tibia. Le ménisque médial a une forme
Le ménisque est un fibrocartilage dont le rôle est de C, tandis que le ménisque latéral a une forme de
fondamental dans le fonctionnement du genou. O et répond au hiatus poplité (figure 6.1). La vas-
Il entre en jeu dans la répartition des charges, cularisation méniscale est très précaire, provenant
la transmission des contraintes et la lubrification de la zone méniscosynoviale. Le ménisque est
de l’articulation mais présente aussi des fonctions classiquement segmenté en trois zones de vas-
d’amortisseur et de stabilisateur secondaire. cularisation (1, 2 et 3)  : la zone 1 est la plus
Les lésions méniscales sont les lésions les plus périphérique et la plus richement vascularisée par
fréquentes au genou. opposition à la zone 3, avasculaire (figure  6.2).
Avant les nombreux travaux concernant cette Cette notion de vascularisation est importante afin
structure, celle-ci était le plus souvent traitée par
méniscectomie, source de dégradations cartilagi-
neuses.
Au cours des quarante dernières années, la
réflexion sur la prise en charge de ces lésions a
ainsi considérablement évolué, notamment avec
le développement de l’arthroscopie, permettant
l’apparition de la notion d’économie méniscale
et le développement de techniques de réparation.
L’objectif est ici de faire le point sur le traitement
de ces lésions fréquentes et de tenter de répondre
à certaines questions : toutes les lésions méniscales
sont-elles chirurgicales  ? Quelles sont celles qu’il Figure 6.1. Anatomie méniscale.
faut opérer ? Quels gestes sont à réaliser ? Source : Carole Fumat.

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
152 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.2. Vascularisation méniscale, d’après Ph. Beaufils.


Source : Carole Fumat.

de comprendre le potentiel de cicatrisation d’une cartilagineuse préexistante. On calcule l’indice


lésion méniscale, spontanément ou après répara- de masse corporelle (IMC) et on évalue le profil
tion chirurgicale par exemple. Les ménisques sont professionnel et sportif.
des structures mobiles, en synergie avec les autres Le patient décrit généralement des douleurs
structures du genou, notamment ligamentaires. localisées sur l’interligne plus ou moins accompa-
Cependant cette mobilité est différente entre les gnées d’épisodes d’épanchement et de craque-
deux compartiments. Le ménisque latéral est très ment. Le plus souvent, ces douleurs sont majorées
mobile en flexion contrairement au ménisque en position hyperfléchie et dans les mouvements
médial, expliquant pourquoi le compartiment de torsion.
latéral est celui de la mobilité et le comparti- Le mode de survenue des symptômes est un
ment médial celui de la stabilité. En flexion, le élément important, distinguant un début brutal,
ménisque latéral recule de 12  mm, alors que éventuellement traumatique, et un début progres-
le ménisque médial recule de 6 mm. Il faut noter sif, insidieux.
que l’innervation est uniquement périphérique L’existence de symptômes mécaniques, tels que
surtout vers les racines. des blocages de l’extension, des dérangements
internes ou une pseudo-instabilité, signe poten-
tiellement le caractère instable de la lésion.
Clinique L’examen physique s’attache à qualifier le mor-
photype varus ou valgus, les mobilités et la pré-
Le diagnostic est souvent assez simple et essen- sence éventuelle d’un épanchement.
tiellement clinique. Plusieurs éléments sont Un testing ligamentaire rigoureux est indis-
importants à préciser afin de mieux classer la pensable afin de dépister une lésion associée en
lésion et orienter la décision thérapeutique. particulier du ligament croisé antérieur (LCA).
Il est important de rechercher à l’interroga- Le diagnostic est évoqué devant une douleur
toire des antécédents sur le genou blessé  : en élective à la palpation d’un interligne articulaire
particulier, les événements traumatiques (notion avec des tests méniscaux positifs (jerk test, grin-
d’entorse antérieure) et l’existence de lésion ding test).
Chapitre 6. Genou 153

Le reste de l’examen s’attache principalement à Schématiquement, il est fondamental de diffé-


éliminer les diagnostics différentiels par la palpa- rencier lésions traumatiques et lésions dégénéra-
tion des reliefs osseux (fracture de fatigue, œdème tives. Il existe bien sûr des lésions intermédiaires
osseux, séquelle de la maladie de d’Osgood- (lésion traumatique sur contexte dégénératif pré-
Schlatter, pointe de rotule, articulation tibiofibu- existant).
laire proximale) et le dépistage d’une tendinopathie
autour du genou (patte d’oie, conflit du biceps,
syndrome de la bandelette iliotibiale, tendinopathie Lésions traumatiques
du semi-membraneux, syndrome de la pointe de la
En 2006, le knee comitee de l’International Society
rotule…).
of Arthroscopy, Knee Surgery and Orthopaedic
Sports Medicine (ISAKOS) a proposé une clas-
Imagerie sification fondée sur les caractéristiques mor-
phologiques de la lésion  : longueur, profondeur,
Le bilan d’imagerie est relativement simple et localisation et type (longitudinal, horizontal, radial,
comporte obligatoirement des clichés standard de languette, complexe). La classification de Trillat
face et de profil en charge, des incidences en schuss reste parfaitement adaptée à la pratique quoti-
comparatif et un défilé fémoropatellaire à 30° afin de dienne (figure 6.3).
ne pas méconnaître une chondropathie qui influe- Devant ce type de lésion, deux éléments parais-
rait sur le résultat d’un éventuel geste méniscal. sent fondamentaux pour guider la prise en charge
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) thérapeutique : l’évaluation du potentiel de cica-
permet ensuite de caractériser la lésion, rechercher trisation, spontané ou non du ménisque, et le
un œdème osseux et mieux préciser l’état cartila- statut ligamentaire de l’articulation.
gineux. Elle permet en outre de vérifier l’absence Le potentiel de cicatrisation est influencé par
de lésions associées. différents facteurs, tels que l’âge du patient, la
Il existe en définitive une multitude de lésions localisation médiale ou latérale, le caractère récent
méniscales. ou ancien du traumatisme, ainsi que le type de

Figure 6.3. Classification de Trillat.


Source : Carole Fumat.
154 Traumatologie en pratique sportive

lésion (localisation par rapport à la vascularisation Ces délais ne sont qu’indicatifs avec notam-
périphérique, complexité et extension). ment une évolution régulièrement plus longue
Dans tous les cas, cette évaluation se fait en au ménisque latéral, probablement en raison
préopératoire, mais ce sont les constatations pero- de contraintes différentes (majoritairement en
pératoires qui confirmeront ou pas l’indication cisaillement). Le risque de chondrolyse rapide,
d’une réparation ou d’une méniscectomie. d’hydarthrose à répétition ou de douleurs inva-
La réparation méniscale vise à obtenir une lidantes est alors important. Il faut donc adapter
cicatrisation afin d’éviter les effets délétères d’une le protocole de reprise sportive au cas par cas, en
méniscectomie. En effet, le caractère arthrogène n’hésitant pas à mettre les patients en appui sou-
de celle-ci est bien connu avec des taux d’arthrose lagé durant 1 à 3 semaines après l’intervention.
secondaire important (25 % au ménisque médial Ainsi la réparation méniscale, bien que repré-
et 40 % au ménisque latéral à 20 ans). Il est impor- sentant la solution «  idéale  » à long terme, doit
tant de souligner que les résultats fonctionnels des être expliquée et proposée à des patients motivés
sutures méniscales sont satisfaisants avec des taux conscients du risque d’échec, de méniscectomie
de méniscectomie secondaire relativement faibles. secondaire et d’allongement de la durée d’indis-
La cicatrisation après réparation, bien qu’incons- ponibilité sportive.
tante, a bien été démontrée tout comme son effet Plusieurs situations cliniques se distinguent
protecteur sur le cartilage à long terme. ainsi en fonction du statut ligamentaire.
Pujol a également bien montré que cette répa- Devant une lésion traumatique sur genou stable,
ration n’était pas délétère si elle échouait et qu’il la première question à se poser est le potentiel de
était toujours possible de réaliser une ménis- cicatrisation spontanée de la lésion. Il n’est en effet
cectomie secondaire. pas rare, en particulier devant des lésions périphé-
En résumé, proposer une réparation méniscale riques du ménisque latéral, de voir ces lésions cicatri-
peut réellement éviter la dégradation arthrosique. ser. Le traitement chirurgical, hormis sur un genou
L’échec expose uniquement à une perte de temps bloqué par une anse de seau, n’est jamais urgent
avec nécessité d’une seconde intervention, mais (figure  6.4). Le traitement de première intention
sans perte de chance. Il s’agit là d’un élément peut alors tout à fait être conservateur associant
important dans la prise de décision, en particulier contention, repos et limitation de la flexion.
devant un patient jeune. En l’absence de cicatrisation spontanée, la solu-
Sans rentrer dans les détails techniques, dont tion est le plus souvent chirurgicale. La décision
cette partie n’est pas le propos, la question à est prise pendant l’acte chirurgical en fonction
se poser est donc celle de la réparabilité des des constatations peropératoires et de l’évaluation
lésions méniscales. Car si la réparation semble la préopératoire.
solution idéale, il apparaît que malheureusement La réparation méniscale est proposée le plus sou-
toute lésion n’est pas réparable. Il est également vent possible  : lésion périphérique en zone rouge
important de discuter avec l’athlète des suites chez un patient jeune, surtout en cas de lésion
opératoires et en particulier du délai de retour au récente et sur un ménisque latéral.
sport ainsi que du risque d’échec de la suture et En cas d’irréparabilité, on propose une ménis-
donc de réintervention. cectomie, là encore la plus économe possible avec
Il existe une grande variabilité des suites en de bons résultats en particulier pour le ménisque
fonction du choix thérapeutique et du type de médial.
lésion. Sur un genou laxe, le raisonnement est différent.
En effet, si le retour au sport après méniscecto- Dans le cadre d’une instabilité chronique, la
mie interne est souvent relativement rapide (reprise lésion méniscale marque un tournant évolutif. En
de la course entre 8 et 10 semaines et des pivots effet, le pronostic, en particulier arthrogène, est
aux alentours du 3e mois), il n’en va pas de même nettement péjoré par cette lésion.
pour la réparation (reprise de la course entre le 3e Le traitement de la lésion méniscale est quasi-
et le 4e mois et des pivots entre le 5e et le 6e mois). ment exclusivement chirurgical et ne saurait être
Chapitre 6. Genou 155

Figure 6.4. Anse de seau méniscale (flèche) à l’IRM.

dissocié d’une stabilisation chirurgicale même si la Lésions dégénératives


symptomatologie méniscale est au premier plan.
En effet, les résultats des réparations méniscales Les lésions dégénératives (figure 6.5) correspon-
sur genou instable sont souvent moins bons avec dent à une altération progressive de la structure
un taux de cicatrisation inférieur aux réparations méniscale (dégénérescence myxoïde) sans élément
méniscales sur genou stable. traumatique déclenchant.
Quant aux résultats des méniscectomies isolées, Il s’agit de lésions le plus souvent asymptoma-
ils sont souvent mauvais, tant au niveau de la tiques, pouvant au décours d’un épisode aigu (foo-
reprise sportive et des résultats fonctionnels (dou- ting, par exemple) ou non, devenir douloureuses.
leurs, épanchement) qu’au niveau de la dégrada- Leur prévalence augmente avec l’âge a fortiori
tion cartilagineuse. en présence d’arthrose. Il s’agit en réalité de deux
Elles peuvent néanmoins parfois être discu- pathologies distinctes mais étroitement intriquées
tées avec prudence chez les patients âgés ou traduisant un vieillissement articulaire.
sédentaires, non instables et non motivés par la Ainsi, après 40 ans, certaines études retrouvent
chirurgie ligamentaire, en les informant du risque plus de 60 % de lésions méniscales dégénératives
d’échec et de décompensation de l’instabilité. à l’IRM, même en dehors de toute lésion arthro-
Devant une rupture ligamentaire récente, voire sique. Ce taux passe à 80 % en cas d’arthrose.
concomitante, de la lésion méniscale, le poten- Leur classification en cinq stades a été proposée
tiel de cicatrisation est bien supérieur. Ainsi, il par Boyer et Dorfmann en 1987 (figure 6.6).
convient au maximum d’éviter la méniscectomie. L’élément fondamental à prendre en compte
L’abstention thérapeutique est une option avant de poser l’indication est le statut cartilagi-
viable en particulier pour des lésions stables, peu neux du patient. En effet, de nombreuses études
étendues du ménisque latéral (taux de ménis- ont montré les résultats décevant des méniscec-
cectomie secondaire faible à 4 % en moyenne). tomies dans un contexte d’atteinte cartilagineuse
Le choix entre réparation et méniscectomie sous-jacente.
se fera en fonction des critères précédemment En cas d’absence de pincement radiologique,
cités. On aura tendance à favoriser les sutures il est important de ne pas méconnaître des signes
hormis dans les cas de lésion en zone avasculaire indirects à l’IRM comme un œdème osseux ou
avec un tissu de qualité médiocre ou chez des une extrusion méniscale (définie comme une
patients âgés. extrusion de plus de 3 mm).
156 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.5. Lésion méniscale horizontale dégénérative : IRM, vues frontale (a) et sagittale (b).

d’évolution que se discute une méniscectomie qui


sera la plus économe possible (figure 6.7).
La réparation méniscale n’a pas sa place pour ce
type de lésion en raison de l’absence de capacité
de cicatrisation.
La prise en charge opératoire est prudente, avec
très souvent un appui soulagé pendant 7 à 10 jours,
d’autant plus s’il existait des lésions cartilagineuses
associées.
À noter qu’il n’est pas rare d’avoir recours à des
injections intra-articulaires (corticoïdes ou vis-
cosupplémentation) en postopératoire.
Il faut cependant faire attention à ne pas tom-
ber dans le piège classique d’une languette ménis-
cale luxée dans le récessus méniscotibial inférieur
Figure 6.6. Classification de Dorfmann et Boyer.
Source : Carole Fumat. (figure  6.8), à l’origine d’un œdème du plateau
tibial interne sans souffrance cartilagineuse.
Dans ce cas, le tableau clinique est souvent
Pour ces lésions, le traitement de première suraigu avec une dégradation fonctionnelle brutale
intention est quasiment toujours conservateur et l’association fréquente d’une gêne mécanique
excepté en présence de symptômes mécaniques comme des dérangements internes ou une pseudo-
(coincement articulaire, blocages, claquement), instabilité.
témoins d’une instabilité de la lésion méniscale. Dans cette situation, le traitement est quasi
Il associe repos, antalgiques, anti-inflammatoires exclusivement chirurgical par méniscectomie
non stéroïdiens (AINS), rééducation, semelles et partielle, avec une amélioration rapide et des
infiltrations de corticoïdes. résultats satisfaisants (figure 6.9).
Ce n’est qu’en cas d’échec d’un traitement Notons le cas particulier de la lésion horizontale
médical bien conduit et après 4 à 6 mois de jeune athlète. Elle peut être considérée comme
Chapitre 6. Genou 157

Figure 6.7. Vues arthroscopiques d’une lésion dégénérative avec méniscectomie partielle.

Au vu du terrain, lorsque le traitement est


chirurgical, le choix se porte sur une réparation.
Si des techniques arthroscopiques ont été pro-
posées, une réparation à ciel ouvert permettant
un débridement efficace et une fixation primaire
stable par des points verticaux reste la technique
de référence. L’équipe versaillaise, menée par
N. Pujol et P. Beaufils, rapporte des résultats
satisfaisants avec un score IKDC (international
knee documentation committee) moyen de 89,
une reprise du sport au même niveau pour 20 des
21 patients. À noter que ces résultats ainsi que
le taux de réintervention (19  %) sont corrélés à
l’âge (inférieur ou supérieur à 30 ans).

Points clés : pathologie méniscale


• Devant toute lésion méniscale traumatique, il faut :
Figure 6.8. Languette méniscale luxée dans le récessus – privilégier autant que possible une réparation ;
méniscotibal. – rechercher une lésion du ligament croisé antérieur
et, si elle existe, se poser la question d’une stabilisa-
tion, même chez un patient stable.
une lésion d’hyperutilisation. Elle touche de façon
• Face à une lésion d’origine dégénérative, privilégier
équivalente le ménisque médial et le ménisque en première intention le traitement médical, sauf en cas
latéral et est souvent accompagnée d’un kyste de blocages aigus.
méniscal. Elle se manifeste à l’IRM par un hyper- • L’analyse de toute lésion méniscale a fortiori dégé-
signal linéaire, le plus souvent sans ouverture nérative nécessite en plus de l’IRM des clichés stan-
dans l’articulation. Une infiltration de corticoïdes dards bilatéraux et comparatifs afin d’évaluer le statut
au niveau du mur méniscal (préférentiellement arthrosique.
échoguidée) ainsi que le port de semelles peuvent • En cas de méniscectomie, il faut que celle-ci soit la
être proposés. L’utilisation de plasma riche en pla- plus économe possible et prévenir le patient du risque
d’arthrose.
quettes (PRP) est également débattue.
158 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.9. Languette méniscale luxée sous le ménisque (a) et dans le récessus méniscotibial (b).
Le traitement est une méniscectomie partielle de la languette.

Lésions des ligaments • ligament collatéral latéral (LCL) ou ligament


collatéraux du genou collatéral fibulaire (anciennement ligament laté-
ral externe ou LLE).
On dit que le LCM est la sentinelle du ligament
N. Barizien
croisé antéro-externe, et que le LCL est la senti-
nelle du ménisque latéral.
Anatomie Leur traumatisme par distensions provoque une
entorse d’évolution souvent favorable à condition
L’articulation du genou est composée de trois pièces
qu’elle soit diagnostiquée et correctement traitée.
osseuses (condyles fémoraux, plateaux tibiaux et
patella) contenues dans une même capsule articu-
laire. Les surfaces articulaires sont peu congruentes Ligament collatéral médial
et cependant très sollicitées mécaniquement, car
il s’agit d’une articulation portante du membre Le LCM est constitué d’un plan superficiel et d’un
inférieur. Cette articulation possède deux degrés plan profond, tous deux ayant des rôles différents :
de liberté : flexion–extension et rotation lorsque le • faisceau superficiel du ligament collatéral médial :
genou est « déverrouillé » en flexion. La stabilité il s’agit d’une bande fibreuse large et résistante
du genou est donc assurée par les ménisques qui d’une dizaine de centimètres de haut, tendue
augmentent la congruence des surfaces articulaires du condyle fémoral médial jusqu’au tibia, en
et surtout par un système ligamentaire sophistiqué. arrière des muscles ischiojambiers gracilis (droit
Les ligaments collatéraux sont les stabilisateurs interne) et semi-tendinosus (muscles de la patte
du genou dans le plan frontal. Ils sont la barrière d’oie). Il ponte le tendon réfléchi du muscle
de protection contre les traumatismes graves du semi-membraneux qui se porte en avant vers la
genou intéressant les structures méniscoligamen- tubérosité tibiale antérieure de même que des
taires (ménisques, pivot central et coques condy- fibres postérieures de l’insertion distale du LCL
liennes) dont l’atteinte déstabilise le genou faisant s’anastomosent avec le tendon réfléchi du muscle
le lit de l’arthrose prématurée. poplité. Ceci explique certaines douleurs irra-
Les ligaments collatéraux sont au nombre de diées dans les formes d’inflammation chronique ;
deux : • faisceau profond du ligament collatéral médial :
• ligament collatéral médial (LCM) ou liga- le faisceau profond du LCM correspond à un
ment collatéral tibial (anciennement ligament épaississement de la capsule articulaire tendue
latéral interne ou LLI) ; sous le faisceau superficiel du rebord condylien
Chapitre 6. Genou 159

jusqu’au bord supérieur du plateau tibial. Il est • 3e degré  : rupture du ligament avec solution
adhérent au ménisque par des fibres fémoro- de continuité qui peut se situer à son insertion
méniscales en haut et des fibres tibioméniscales proximale, en plein corps du ligament, ou à son
en bas. Il constitue le mur méniscal qui peut insertion distale. L’immobilisation complète puis
rester douloureux en cas de lésion associée du partielle est indispensable à une cicatrisation.
ménisque médial.
La classique entorse du LCM intéresse le plan
superficiel. Clinique
Le LCM est la sentinelle du ligament croisé
antéro-externe.
Physiopathologie L’examen clinique du ligament collatéral médial
Le rôle majeur du LCM est d’assurer un contrôle doit s’acharner à éliminer une lésion associée
actif : du ligament croisé antéro-externe (LCAE) et du
• du valgus du genou ; ménisque médial, car le diagnostic d’entorse
• de la rotation latérale « automatique » du tibia du LCM est souvent posé dès l’interrogatoire.
sous le fémur ; Le diagnostic d’une entorse du LCM est prin-
• de la subluxation antérieure du plateau tibial cipalement un diagnostic d’interrogatoire préci-
médial. sant l’âge du patient, le sport pratiqué, le niveau
Il est tendu en rotation externe et se détend d’intensité ou de performance et détaillant le
en rotation interne  ; de même il est tendu pour mécanisme à l’origine de la douleur.
une extension supérieure à 20° et une flexion On recherche dans un premier temps une
supérieure à 60°. Son amplitude de mise en repos modification d’aspect du genou, qui peut présen-
(détendu) se situe donc entre 20 et 60° de flexion. ter un épanchement intra-articulaire, en faveur
Le mécanisme traumatique typique de lésion d’une lésion associée grave, ou un hématome à
du LCM est le valgus forcé en légère flexion et la face interne. On demande ensuite au patient
rotation externe du tibia sous le fémur, appelé d’effectuer une extension, puis une flexion la
VALFE. C’est un mécanisme indirect. Le LCM plus complète possible en recherchant l’apparition
peut être également lésé par traumatisme direct d’une douleur et en notant sa localisation précise.
lors d’un choc de dehors en dedans provoquant Le test clinique de recherche de laxité dans le
un valgus forcé sans rotation externe. plan frontal s’effectue d’abord à 20° de flexion
Le patient décrit le mécanisme vulnérant (VALFE puis en extension ; il est coté entre 0 et 3 croix de
ou valgus forcé par choc externe), la sensation de manière comparative au genou sain :
craquement dans le genou et une douleur fulgu- 0 = pas de laxité ;
rante à l’origine d’une impotence fonctionnelle + = laxité minime (souvent physiologique si indo-
majeure (le sportif quitte le terrain en boitant sur lore et retrouvée sur le côté controlatéral) ;
la pointe du pied genou à 30° de flexion). Au ++  =  bâillement de l’interligne interne avec un
bord du terrain comme quelques jours après, le arrêt dur témoignant de la distension ligamen-
maître symptôme est la douleur du compartiment taire sans solution de continuité ;
fémorotibial médial à l’origine d’une boiterie. +++  =  bâillement complet de l’interligne articu-
La lésion du LCM est définie en trois degrés de laire sans résistance témoignant de la rupture
gravité croissante : du LCM.
• 1er degré  : étirement au-delà des 5  % de sa Le même test est réalisé en extension à la
réserve élastique. Il reste en continuité et cica- recherche d’une lésion associée du point d’angle
trise en quelques jours (< 15 jours) ; postéro-interne (PAPI) et de la capsule pos-
• 2e degré : rupture importante du tissu conjonc- térieure du genou. En l’absence de bâillement de
tif, mais il reste continu, ce qui nécessite une l’interligne articulaire en valgus genou en exten-
immobilisation partielle pour cicatriser en sion, il n’y a pas de lésion associée du PAPI ni
quelques semaines ; de la capsule postérieure. Sinon, il faut pratiquer
160 Traumatologie en pratique sportive

l’examen clinique du pivot central et des struc- aussi le ligament croisé postérieur (LCP) et les
tures ligamentaires postérieures à la recherche de coques condyliennes.
lésions associées graves.
Au terme de cet examen clinique, on peut Imagerie
poser le diagnostic clinique d’entorse du LCM Des clichés radiographiques de genou de face et
(figure 6.10) : de profil permettent d’éliminer un arrachement
• entorse bénigne stade 1  : douleur aiguë sur osseux pouvant faire discuter un avis chirurgical.
le trajet du LCM sans laxité interne (entorse Une radiographie normale n’élimine en aucun cas
bénigne par distension du LCM) ; une entorse d’un ligament collatéral ni du pivot
• entorse bénigne stade 2  : douleur et laxité central.
interne ++ en flexion 20° (entorse bénigne L’échographie n’est faite que si l’évolution
moyenne par lésion partielle du LCM) ; de cette entorse n’est pas favorable dans le délai
• entorse bénigne stade 3 : rupture du LCM, il habituel.
peut ne plus y avoir de douleur compte tenu de L’IRM n’est prescrite qu’en cas de doute sur
la rupture des fibres nerveuses. Laxité interne une lésion du pivot central et des ménisques. Elle
+++ en flexion 20° (entorse bénigne sévère par doit par contre être demandée en urgence (sous
rupture isolée du LCM) ; 48 h) pour avis chirurgical, en cas de suspicion de
• entorse grave : douleur postéro-interne, épan- rupture des coques condyliennes, c’est-à-dire s’il
chement et laxité interne en extension (entorse existe une laxité interne sur un genou en exten-
grave par rupture du LCM  +  pivot central sion et si le tiroir antérieur en rotation externe
et/ou coque condylienne), mais aussi parfois est positif.
avulsion osseuse déplacée.
L’association d’une lésion du LCA, du ménisque
Traitement
ou des points d’angle postérieurs est à redouter
dans ces entorses graves. Le tableau réalise les Le traitement des entorses du LCM est le plus
« sinistres » triades ou pentades médiales. souvent «  orthopédicofonctionnel  » en cas de
Les lésions des coques postérieures sont des grade 1 et 2, mais l’avis chirurgical doit être
urgences diagnostiques car un geste chirurgical rapide (quelques jours au maximum) en cas de
s’impose avant la rétraction des moignons rom- grade 3 ou d’entorse grave.
pus. Cette chirurgie ligamentaire «  d’urgence  » En cas d’avulsion osseuse déplacée, la chirurgie
permet d’éviter une ligamentoplastie complexe peut être indiquée, les avulsions osseuses non
devant stabiliser non seulement le LCAE mais déplacées pouvant être immobilisées dans une

Figure 6.10. Variété lésionnelle du ligament collatéral médial.


Les flèches pointent le niveau lésionnel possible du ligament collatéral médial (proximal fémoral, en plein corps, en regard
de l’interligne articulaire).
Source : Carole Fumat.
Chapitre 6. Genou 161

attelle cruromalléolaire pendant 4 à 6 semaines Laxité résiduelle


(nuit et jour au moins 3 semaines). Elle survient dans les entorses de grade 2 et 3 sur-
Les entorses bénignes de grade 1 cicatrisent en tout chez les sujets avec un valgus physiologique
une dizaine de jours avec : une attelle antalgique important ou en cas d’immobilisation insuffisante,
pour quelques jours, un protocole GREC (glace, surtout si la limitation de l’extension initiale n’a
repos, élévation, contention), une mobilisation pas été respectée ou prescrite… On rappelle ici
précoce en décharge  ; ensuite, une reprise des qu’une entorse de grade 2 (laxité à 20° de flexion)
sollicitations sportives progressive en quelques doit être immobilisée 2 à 3 semaines, jour et nuit,
jours permet un retour au sport en 10 à 21 jours. que l’attelle soit articulée ou pas. De même, une
Les entorses bénignes de gravité moyenne (grade entorse de grade 3 (laxité en extension), sans ou
2) doivent être protégées entre deux béquilles et avec complication méniscoligamentaire, doit être
contenues soit par une bande de contention, soit immobilisée en interdisant la rotation externe du
par une attelle articulée réglable en amplitude, en tibia sous le fémur. Il faut donc utiliser une attelle
limitant l’extension en début de traitement, les ou un plâtre crurobimalléolaire et toujours veiller à
trois premières semaines. Cet accompagnement limiter l’extension le plus précocémment possible.
orthopédique est antalgique et ne doit pas ralentir Cette laxité résiduelle sur genu valgum peut
le traitement fonctionnel qui repose sur la remise faire le lit d’une rupture du pivot central lors
en charge et la mobilisation précoce dans le plan d’un traumatisme ultérieur puisque la sentinelle
frontal. Ceci permet une récupération rapide en ne joue plus son rôle protecteur.
orientant la régénération ligamentaire et en limi-
tant les complications d’amyotrophie et d’ankylose Lésion méniscoligamentaire associée
en mécanisant la cicatrisation. Protocole GREC Une prise en charge inappropriée d’une lésion
et rééducation précoce permettent un retour au méniscoligamentaire associée à l’entorse du LCM
sport en 4 à 8 semaines selon la réévaluation entraîne des douleurs chroniques lorsqu’il s’agit du
clinique. ménisque et une instabilité chronique lorsqu’il s’agit
Les entorses bénignes de grade 3 relèvent le du LCAE ou des coques postérieures. L’avis chirur-
plus souvent du même protocole que celles de gical est souvent nécessaire pour stabiliser ce genou.
grade 2, mais doivent être évaluées par le chirur-
gien pour éliminer une indication opératoire. Arrachement osseux
Chez le patient en valgus physiologique, l’on L’arrachement osseux est fréquent chez l’adoles-
peut recommander une attelle cruromalléolaire cent chez qui le LCM résiste au traumatisme,
articulée pendant 4 à 6 semaines afin d’éviter mais c’est son insertion osseuse tibiale ou le plus
une laxité interne résiduelle. Il faut un contrôle souvent fémorale qui s’arrache.
clinique à 2 semaines et radioclinique à 4 semaines
pour libérer progressivement les amplitudes et Syndrome de Pellegrini-Stieda
surveiller l’apparition de calcifications. Il s’agit d’une calcification apparaissant lors de la
Un ligament cicatriciel ne retrouve sa résistance cicatrisation d’une lésion de l’insertion fémorale
élastique qu’au bout de 10 à 12 mois d’où la du LCM (figure 6.11). Le genou reste douloureux
nécessité d’une surveillance clinique et de l’uti- à la marche et plus particulièrement en extension
lisation d’une contention souple de rappel pro- (> 20°) et flexion (> 60°). Cette complication
prioceptif (strapping, K-taping) pour les premiers touche plutôt la femme entre 30 et 50  ans. Le
mois de reprise de pratique sportive. genou reste froid et sec, mais la palpation de la
calcification réveille une douleur exquise.
Le traitement comporte une rééducation de
Complications récupération d’amplitude et de physiothérapie anti-
Les entorses isolées du LCM, quel qu’en soit leur inflammatoire, un traitement par anti-inflammatoires
stade, peuvent évoluer vers des complications oraux et, en cas d’échec, une ou plusieurs infiltra­
douloureuses à distance de l’épisode traumatique. tions cortisonées.
162 Traumatologie en pratique sportive

à 80° de flexion (c’est-à-dire lorsque le LCM


se tend) gênant la marche  ; la palpation du
LCM retrouve un épaississement douloureux bien
visible à l’échographie.
Le traitement rééducatif par massage trans-
verse profond (MTP), récupération d’amplitude
et physiothérapie, suffit habituellement. Une ou
deux infiltrations feront disparaître les douleurs
rebelles.
Syndrome périméniscal interne
Il s’agit d’une inflammation chronique du LCM
à distance d’un traumatisme aigu associée à une
hypermobilité méniscale. La douleur du LCM est
faible à la marche, majorée à la montée et des-
cente d’escalier et interdit souvent la course. Le
testing ligamentaire est normal mais la sollicitation
méniscale peut réveiller la douleur. La palpation
Figure 6.11. Syndrome de Pellegrini-Stieda.
du trajet du LCM réveille une douleur exquise.
La radiographie est normale, l’échographie
peut montrer une extrusion ou un kyste ménis-
Syndrome de Palmer et Trillat (figure 6.12)
cal, mais c’est l’IRM qui pose le diagnostic par la
Il correspond à une cicatrisation du LCM en mise en évidence d’une inflammation en double
position raccourcie souvent due à une immobi- contour du LCM séparant le faisceau superficiel
lisation trop longue et en extension. L’absence du faisceau profond par une lame d’hypersignal.
de mécanisation de la cicatrice ligamentaire laisse Le traitement par semelles orthopédiques d’une
un ligament épaissi, fibreux et raide. La douleur anomalie morphostatique de l’axe des membres
se manifeste en fin d’extension, et au-delà de 60 inférieurs et une infiltration du mur méniscal
feront disparaître les douleurs.

Ligament collatéral latéral


Le LCL est une bande fibreuse de 6 cm environ,
tendue d’avant en arrière entre le condyle latéral
du fémur et la tête de la fibula. Il ponte l’articula-
tion fémorotibiale et contrôle le varus et la rota-
tion externe. Mais les structures stabilisatrices du
plan externe sont multiples, complexes et difficiles
à rétablir en cas d’intervention chirurgicale d’où
la nécessité d’un examen clinique soigneux à la
recherche de lésions associées.
Sa lésion est beaucoup plus rare que celle du
LCM et plus rarement isolée, c’est la sentinelle
du ménisque latéral et du point d’angle pos-
térolatéral ou PAPL (anciennement point d’angle
Figure 6.12. Syndrome de Palmer et Trillat. postéro-externe ou PAPE).
Chapitre 6. Genou 163

La lésion du LCL survient en varus forcé sur Lésion isolée du ligament


un genou en flexion. Par contre, en extension, le croisé antérieur
LCL est protégé par le tendon du biceps qui peut
se rompre avant que le LCL ne soit lésé. Il existe
F. Khiami
souvent dans ce cas une avulsion osseuse de la tête
de la fibula.
Le mécanisme de mise en varus forcé par choc Anatomie
interne du genou nécessite une énergie impor- Le ligament croisé antérieur (LCA) est un liga-
tante et provoque souvent des lésions associées du ment participant à la constitution du pivot central
plan externe (ménisque, LCP, PAPL). Le méca- du genou, associé au LCP. Il fait partie des struc-
nisme le plus fréquent est le choc face interne tures ligamentaires les plus importantes dans la
de genou lors d’un mouvement de changement de stabilisation articulaire du genou. Il est constitué
direction sur un pied ancré au sol, genou en varus de deux faisceaux  : un faisceau antéromédial
en flexion et rotation neutre ou externe (VARFE). important dans le contrôle de la laxité sagittale du
Comme pour le LCM, on classe les lésions rares genou et un faisceau postérolatéral plus impliqué
du LCL en trois grades d’entorse bénigne puis dans le contrôle de la laxité rotatoire du genou.
en grave : Il constitue un frein au tiroir antérieur du tibia
• entorse bénigne grade 1 (simple) : étirement sous le fémur et limite la rotation interne du
ligamentaire simple avec douleur palpatoire et tibia sous le fémur.
en tension. Aucune laxité en varus ; Les zones d’insertion osseuse du LCA doi-
• entorse bénigne grade 2 (modérée)  : rup- vent être parfaitement connues par le chirurgien
ture ligamentaire partielle avec douleur intense, afin de pouvoir reconstruire correctement et de
laxité en varus à 30° de flexion mais pas de laxité manière la plus anatomique possible ce ligament
en extension ; lorsqu’il est rompu.
• entorse bénigne grade 3 (sévère)  : rupture Les lésions du LCA peuvent être de gravité
ligamentaire complète, douleur intense et épan- différente et englobent :
chement intra-articulaire, laxité ++ en flexion à • un simple étirement ligamentaire sans véritable
30° et laxité + en extension ; rupture avec un potentiel de cicatrisation, et
• entorse grave  : lésion associée déstabilisant le l’on parle alors d’entorse ou de lésion du LCA
genou ; par ordre de gravité : ménisque latéral, sans rupture ;
LCP, PAPL, LCA. Succession de lésions réali- • une rupture partielle d’un des deux faisceaux,
sant une triade, voire une pentade, en fonction entraînant l’expression clinique au stade chro-
du nombre d’éléments déchirés. nique :
La lésion isolée du LCL est extrêmement rare – d’une laxité sagittale en cas de lésion du fais-
et il faut s’acharner à tester les autres structures ceau antéromédial, mais sans ressaut compte
latérales et postérieures. Il ne faut pas hésiter à tenu de l’intégrité du faisceau postérolatéral,
réaliser une imagerie, telle qu’une radiographie – ou à l’inverse d’une laxité rotatoire sous la
à la recherche d’une avulsion de la tête fibulaire forme d’un ressaut rotatoire interne ressenti
ou une IRM précoce devant tout signe d’insta- par le patient en cas de rupture du faisceau
bilité postérolatérale du genou (tiroir postérieur, postérolatéral sans tiroir antérieur retrouvé à
effacement de la tubérosité tibiale). l’examen clinique, compte tenu de l’intégrité
Le traitement «  orthopédicofonctionnel  » est du faisceau antéromédial.
le même que pour les lésions du LCM en cas On parle alors de rupture partielle de l’un des
de grade 1 et 2, mais l’avis chirurgical doit être deux faisceaux du LCA.
rapide (quelques jours au maximum) en cas de Au stade ultime, une rupture complète des deux
grade 3 ou d’entorse grave. faisceaux du LCA engendre un tiroir antérieur
164 Traumatologie en pratique sportive

au testing de Lachman associé plus ou moins à flexion–rotation interne (VARFI) ou encore la


un ressaut rotatoire interne au testing du pivot violente contraction brutale du quadriceps qui
rotatoire. génère un tiroir antérieur brutal sur des qua-
Cette corrélation anatomoclinique lésionnelle, driceps hypertrophiés.
certes un peu simpliste, permet de comprendre
l’importance de la classification lésionnelle du
ligament et son implication en clinique. Clinique
Cependant, en réalité, les situations rencontrées
Le bilan clinique peut se concevoir dans deux
peuvent faire appel à des lésions capsuloligamen-
situations totalement différentes  : la rupture
taires périphériques associées ou pas, devant faire
fraîche vue au stade aigu et la rupture plus
nuancer ce pseudo-postulat.
ancienne vue au stade chronique.

Épidémiologie Bilan clinique au stade aigu


Le tableau clinique d’une rupture isolée du LCA,
La fréquence de la rupture du ligament croisé
vue au stade aigu post-traumatique, prend la
antérieur est de l’ordre de 1 pour 3500 par an,
forme d’un gros genou douloureux, plus ou
ce qui engendre tous les ans en France 50 000
moins impotent selon que des mesures initiales
ligamentoplasties en moyenne.
aient été prises ou pas, notamment l’immobilisa-
Il s’agit de la 6e opération orthopédique la plus
tion, le glaçage, le béquillage.
pratiquée aux États-Unis, avec une prédominance
Dans un premier temps, le bilan clinique
masculine, mais un risque relatif 4 à 6 fois plus
s’attache à éliminer les urgences chirurgicales, et
important dans la population féminine au même
à éliminer tout ce qui ne rentre pas dans le cadre
niveau sportif. Considérant le sex-ratio, l’inci-
d’une rupture isolée du LCA, c’est-à-dire recher-
dence de la lésion est 2 à 4 fois plus importante
cher toutes les lésions associées qu’elles soient
chez la femme que chez l’homme.
ligamentaire, osseuse, méniscale ou cartilagineuse.
De nombreux éléments peuvent expliquer cette
Devant tout tableau de traumatisme du genou
prépondérance lésionnelle chez la femme, tels
associant craquement, épanchement, douleur,
que l’hyperlaxité ligamentaire, une étroitesse de
impotence, une radiographie simple de face et de
l’échancrure intercondylienne qui facilite la rup-
profil doit éliminer d’emblée une fracture ; le plus
ture vers l’extension du genou, un valgus dyna-
souvent, ce bilan radiographique est pratiqué dans
mique du membre inférieur qui accroît le risque
un service d’urgence ou dans le cadre d’une urgence.
lésionnel notamment lors de la réception d’un
Ce bilan radiographique initial revêt un carac-
saut, des facteurs neuromusculaires, des facteurs
tère fondamental afin de définir une stratégie
hormonaux.
thérapeutique adaptée.
L’examen clinique du gros genou douloureux,
Physiopathologie impotent, post-traumatique en l’absence de frac-
ture, précise et vérifie l’appareil extenseur (rupture
La rupture du LCA peut survenir pour des gestes du tendon quadricipital, fracture de la rotule,
totalement anodins ou sans véritable contrainte, luxation de l’appareil extenseur, rupture du ten-
mais le plus souvent, elle survient lors d’un don rotulien) et vérifie l’absence de déficit de
traumatisme sportif appuyé, plus généralement l’extension active du genou.
lors d’un pivot. La recherche des points douloureux par un exa-
Divers mécanismes sont fréquemment opposés men clinique minutieux vérifie tous les comparti-
tels que le shoot en hyperextension dans le vide, ments du genou, toutes les insertions ligamentaires
le traumatisme en valgus en flexion–rotation et les reliefs osseux pour ne pas méconnaître de
externe (VALFE) et le traumatisme en varus en lésions associées.
Chapitre 6. Genou 165

L’examen analyse les mobilités actives, le déficit Une consultation de réévaluation doit être mise
de flexion ainsi que le déficit d’extension, notam- en place 5 à 8  jours après le bilan initial pour
ment à la recherche d’un blocage vers l’extension affiner l’examen.
qui pourrait signifier la présence d’une lésion
méniscale de type anse de seau.
Bilan clinique au stade chronique
La mise en évidence d’un épanchement intra-
articulaire plus ou moins abondant est impor- Au stade chronique, l’examen clinique est beau-
tante, car elle pourra conditionner la rapidité de coup plus aisé et peut être beaucoup plus détaillé
récupération après les premiers soins. compte tenu de la sédation des douleurs.
Le testing ligamentaire vérifie et teste l’intégrité L’examen clinique s’attache à être bilatéral et
des ligaments périphériques, le LCP et le LCA. comparatif et s’intègre dans l’examen programmé
Il est tout à fait possible d’analyser en aigu une du genou, compartiment par compartiment, en
laxité quelle qu’elle soit si le patient est détendu veillant à n’oublier aucune structure anatomique
et si les manœuvres sont douces. qu’elle soit ligamentaire, tendineuse, cartilagineuse
La rupture isolée du LCA se dépiste par la ou osseuse.
manœuvre de Lachman à la recherche d’un arrêt Le patient est examiné debout et allongé.
mou au tiroir antérieur, genou fléchi entre 20 et Il faut veiller à analyser le morphotype du
30° de flexion. patient (normo-axé, varus, valgus), l’apparition
Il est inutile de rechercher un ressaut rotatoire d’un recurvatum à la marche ou d’un varus dyna-
interne par la manœuvre du pivot shift ou le jerk mique éventuellement (en cas de lésions devenues
test à la phase aiguë sous peine de déclencher des chroniques du LCL ou des capsules postérieures).
douleurs trop importantes. Une hyperlaxité constitutionnelle est soigneuse­
Un examen vasculonerveux, même sommaire, ment recherchée, en analysant le recurvatum arti-
doit éliminer une complication immédiate, certes culaire du genou (comparatif), la rotation externe
rare mais possible… au niveau de l’épaule, le cubitus recurvatum et la
Lors de cet examen initial, il est tout à fait pos- distance pouce–radius.
sible d’éliminer les urgences chirurgicales, d’éli- Parallèlement à la situation vue en aigu, l’exa-
miner les lésions associées et de confirmer la lésion men clinique recherche un épanchement, analyse
isolée du LCA qui, en soi, n’est pas une urgence précisément les mobilités, les points douloureux,
chirurgicale. l’appareil extenseur, et recherche un flessum ou
En l’absence d’urgence chirurgicale et si le une perte du recurvatum physiologique du côté
patient n’est pas totalement examinable car trop lésé.
douloureux, une ponction évacuatrice de l’épan- Il faut analyser et dépister une éventuelle amyo-
chement peut tout à fait être discutée suivie de trophie quadricipitale.
la mise en place d’un traitement de première Le bilan ligamentaire peut dès lors être beau-
intention visant à rendre le genou examinable. coup plus précis et s’attache à rechercher une
Ce traitement de première intention associe lésion éventuelle concomitante des plans périphé-
l’immobilisation, le glaçage, la surélévation, la riques que nous n’aborderons pas ici, une lésion
mise en décharge, la prescription d’antalgiques et du LCP et il précise le type de laxité en rapport
d’anti-inflammatoires, l’utilisation d’une conten- avec la lésion du LCA.
tion souple, de type bas de contention, qui La manœuvre de Lachman bilatérale et compa-
permettra par ailleurs de prévenir l’apparition de rative permet de retrouver un arrêt dur, un arrêt
phénomènes thrombo-emboliques. dur retardé ou un arrêt mou signant respective-
La prescription d’anticoagulants à titre préven- ment l’absence de laxité sagittale (toujours pos-
tif peut être discutée et introduite en fonction sible dans le cas d’une rupture partielle touchant
du degré d’impotence, des facteurs de risque le faisceau postérolatéral isolé du LCA), une
associés, des antécédents et de la mise en décharge rupture partielle du LCA, une rupture complète
ou pas du patient. du LCA.
166 Traumatologie en pratique sportive

Un testing du tiroir antérieur genou fléchi à de réévaluation, ou en cas de lésion associée, une
90°, lorsqu’il est positif, peut révéler la présence IRM peut être demandée à la recherche de lésion
de lésions des structures capsulaires postérieures méniscale ou pour affirmer l’existence de l’atteinte
et des ménisques associées à la rupture du LCA. du LCA (pas d’une rupture), notamment chez les
Le test de Lachman analyse la laxité sagittale patients à forte corpulence, les sportifs profes-
qui n’est pas suffisante dans l’appréciation d’une sionnels, les patients non coopérants à l’examen
lésion du LCA et qui doit être complétée systéma- clinique ou trop tendus lors de celui-ci et pour
tiquement par une recherche de laxité rotatoire lesquels le doute doit être levé.
par la recherche d’un ressaut rotatoire interne Au stade chronique, le bilan d’imagerie a trois
qui peut, en début d’expérience, s’avérer difficile enjeux :
à pratiquer. • confirmer le diagnostic de rupture et rechercher
Ce test (jerk test, pivot shift, test de MacIn- des lésions associées ;
tosh…) reproduit la sensation d’instabilité qu’a le • analyser le morphotype du patient et éliminer
patient lorsqu’il pratique un pivot au cours de ses des signes arthrosiques, notamment chez des
activités sportives. patients de plus de 35 ans ;
Ce test doit combiner une rotation interne du • préciser l’importance de la laxité.
squelette jambier sous le fémur, associée à un val- Le bilan radiographique comporte des inci-
gus et une flexion. Le patient doit être totalement dences comparatives des deux genoux de face et
relâché et percevra, ainsi que l’examinateur, un de profil ainsi qu’une incidence fémoropatellaire,
ressaut articulaire correspondant à la réduction des clichés en incidence en schuss comparatifs ainsi
brutale du plateau tibial latéral sous le condyle que des grands axes de type pangonogramme (en
fémoral latéral. cas de douleurs chroniques faisant suspecter des
Au terme de cet examen clinique au stade problèmes arthrosiques associés).
chronique, il est possible de classifier la lésion du Ce bilan permet de rechercher des signes arthro-
LCA en simple entorse, rupture partielle, rupture siques, d’analyser le compartiment fémoropatellaire
complète. et de mesurer l’importance d’une déviation axiale
Ce bilan confirme l’atteinte isolée du LCA et en varus ou en valgus, surtout chez les patients
donc l’absence de lésion associée clinique. douloureux et instables (ce qui pourrait faire dis-
Enfin, ce bilan clinique permet de contextualiser cuter une ostéotomie correctrice plus ou moins
cette lésion par rapport au terrain du patient, tel associée à une ligamentoplastie). Il permet en outre
qu’un hyperlaxe, un grand genou varum/valgum, d’analyser la pente tibiale et d’apprécier la taille de
un genou raide, une amyotrophie quadricipitale, l’échancrure intercondylienne fémorale qui sont
une rotule basse/haute, un genou liquidien… tous deux des facteurs de risque d’une part de rup-
ture, d’autre part de rupture après ligamentoplastie.
La pratique de clichés dynamiques de type
Imagerie Telos® antérieur, comparatifs, permet de juger de
Au stade aigu, le bilan paraclinique comme dit l’importance de la laxité, le diagnostic de rupture
précédemment nécessite d’emblée un bilan radio- du LCA demeurant toutefois clinique. Enfin, une
graphique du genou de face et de profil, ainsi IRM permet d’analyser le type de lésion du LCA,
qu’une incidence fémoropatellaire afin d’éliminer de vérifier l’intégrité des plans périphériques,
une fracture dont le traitement sera totalement d’analyser le LCP et surtout de vérifier l’absence
différent. de lésion méniscocartilagineuse.
Si l’examen clinique est suffisamment pertinent Si l’entorse est semi-récente, l’IRM permet
à la phase initiale et qu’il n’y a pas de doute sur d’analyser conjointement l’importance de la
l’existence de lésions associées, l’IRM n’est pas contusion intra-osseuse des condyles fémoraux et
demandée. des plateaux tibiaux et de juger de l’importance
Dans le cas contraire, en cas de doute diagnos- de l’épanchement résiduel (en confirmation de
tique, surtout à la consultation des 5 à 8  jours l’examen clinique).
Chapitre 6. Genou 167

Traitement post-traumatique. La récupération musculaire


Analyse du terrain du patient préopératoire doit être optimale afin d’optimiser
et réduire la période de récupération postopéra-
Cette analyse est capitale dans la discussion sur toire.
l’indication thérapeutique. Ceci peut prendre plusieurs semaines, voire
Les paramètres importants dans la prise en plusieurs mois, ce qui peut susciter une certaine
charge décisionnelle sont : incompréhension chez le patient qui doit être
• la motivation ; alors rassuré, suivi et guidé dans ses choix.
• l’âge ; En dehors de certains cas très particuliers,
• le sport pratiqué ; comme celui du sportif professionnel, une phase
• le niveau sportif ; de rééducation est nécessaire pour obtenir ces
• les antécédents chirurgicaux sur le genou ; critères d’indolence, de mobilité et de disparition
• les antécédents médicaux ou les pathologies en de l’épanchement.
cours ; Il faut veiller à récupérer le volume et la
• les traitements ; consistance musculaire ainsi que la proprioception
• la profession, notamment en recherchant les quelle que soit l’option thérapeutique choisie et
professions à risque (couvreur, ouvrier en bâti- certains programmes de rééducation spécifiques
ment, travail sur terrain instable, travail sur sol aideront le patient dans sa récupération.
glissant, militaire, pompier, travailleur de force, Les critères d’indication opératoire en cas de
sportif professionnel…) ; lésion isolée du LCA ne sont pas stricts et unanimes,
• l’indice de masse corporelle ; hormis si le patient souffre d’une instabilité qui est le
• le profil psychologique du patient. maître symptôme surtout si le genou a été parfaite-
ment pris en charge et bien rééduqué. Il s’agit de la
Disponibilité du patient
seule indication opératoire admise de tous.
Cette information est d’autant plus intéressante Cependant, de nombreux tableaux cliniques
qu’elle conditionne la rapidité de récupération du sont compatibles avec une indication à opérer une
patient et le succès de l’intervention. rupture du LCA.
Il est primordial de discuter avec le patient, En dehors de l’instabilité, les principaux facteurs
dans le cadre de l’information préthérapeutique pouvant concourir à une indication opératoire
(conservatrice ou chirurgicale), de la nécessité sont l’âge jeune (avant 35  ans), le sportif prati-
après une intervention chirurgicale d’une réédu- quant un sport pivot ou pivot/contact, surtout à
cation et d’un suivi long et rigoureux pour obte- haut niveau.
nir un résultat optimal. L’existence de lésions associées méniscales pou-
vant survenir d’emblée ou de façon retardée est
Indications thérapeutiques aussi un paramètre important dans l’indication
La prise en charge d’une rupture isolée du LCA chirurgicale.
peut être fonctionnelle, conservatrice ou chirur- Ceci sous-entend qu’un patient choisissant avec
gicale. son thérapeute une option thérapeutique conser-
En cas de rupture isolée du LCA, il n’y a aucune vatrice nécessite dans tous les cas une surveillance
urgence à opérer le patient, ce qui est parfois dif- dans le temps, afin de vérifier qu’une lésion
ficile à admettre pour des patients souvent jeunes, méniscale secondaire n’apparaisse pas.
actifs et sportifs qui souhaitent une intervention Certains patients ayant une profession exposant
au plus vite. à un risque d’instabilité peuvent bénéficier d’une
Plusieurs paramètres doivent être validés avant intervention stabilisatrice pour leur permettre de
de pouvoir intervenir sur une lésion du LCA. poursuivre leurs activités professionnelles sans
Le genou doit être sec, indolore et avoir risque.
recouvré l’intégralité de ses mobilités, ce qui Enfin, le type de laxité peut influencer l’option
sous-entend d’avoir passé le stade inflammatoire thérapeutique, notamment l’existence d’un ressaut
168 Traumatologie en pratique sportive

rotatoire interne important qui sera plus en faveur permettant de contrôler au mieux le ressaut rota-
d’une proposition chirurgicale que conservatrice. toire interne.
Une chirurgie stabilisatrice peut être proposée Globalement, chaque technique présente des
à un patient motivé, observant, disponible pour avantages et des inconvénients que le chirurgien
une rééducation postopératoire longue et parfois du genou connaît et exposera à son patient pour
fastidieuse. l’informer de la technique choisie.
À l’inverse de tous ces cas de figure, un traite- Quelle que soit la technique entre les mains
ment conservateur peut être proposé. d’un chirurgien expérimenté, les résultats seront
Le traitement conservateur donne d’excellents similaires si celle-ci est adaptée au profil du patient
résultats et ne doit pas être considéré comme un et au type de laxité.
abandon thérapeutique, ce qui est parfois vécu
comme tel chez des patients mal informés.
Le traitement conservateur nécessite des Résultats des ligamentoplasties
consultations de suivi de l’efficacité de la réédu- Actuellement, aucune étude ne permet d’affirmer
cation avec des paramètres cliniques subjectifs l’efficacité du traitement fonctionnel dans la sur-
et objectifs, tels qu’une analyse de la force venue d’une instabilité en cas de rupture complète
musculaire, des tests proprioceptifs, qui permet- du LCA (Haute Autorité de santé).
tront de guider le patient dans sa récupération Cependant même en l’absence d’étude prospec-
sportive. tive randomisée comparant le traitement conser-
Le traitement conservateur peut être tenté dans vateur et le traitement chirurgical, le traitement
des cas limites d’indication opératoire et en cas conservateur garde une place tout à fait privilégiée
d’échec de celui-ci, une intervention demeure dans l’arsenal thérapeutique, notamment chez les
possible secondairement. Ceci sous-entend d’éta- patients sédentaires ou peu sportifs, surtout après
blir un suivi clinique régulier, de guider le patient 40  ans, en l’absence de ressaut rotatoire interne
dans sa récupération sportive, de l’informer et de à l’examen clinique et en l’absence de lésion
l’accompagner dans ses choix. associée ou de phénomène d’instabilité.
Chez ce type de patient, le traitement conser-
Technique opératoire vateur peut être tenté et en cas d’échec une
La reconstruction du LCA est de plus en plus chirurgie secondaire peut tout à fait être indiquée.
aboutie techniquement. Les résultats de la chirurgie sont extrêmement
Les progrès en matière d’ancillaire de gui- encourageants avec un taux de reprise d’activité
dage et d’aide au positionnement des tunnels, sportive de plus de 90 % des cas pour la majorité
les connaissances biomécaniques, les transplants des études récentes, mais avec un niveau sportif
potentiellement utilisables, les moyens de fixation, qui reste perfectible même s’il s’est amélioré
les techniques et le suivi postopératoire, notam- récemment avec l’introduction de programmes de
ment en rééducation, font de la ligamentoplastie rééducation spécifique.
une intervention extrêmement pratiquée et qui À titre d’exemple, seulement un sportif de loisir
donne de très bons résultats dans plus de 90  % opéré d’une ligamentoplastie sur deux retrouvera
des cas. le même niveau sportif à 2  ans de recul, une
Divers transplants peuvent être utilisés tels que information précise des patients en préopératoire
les ischiojambiers, le tendon rotulien, le fascia lata est donc nécessaire.
ou le tendon quadricipital. Le taux de méniscectomie secondaire après
Tous ces différents transplants sont utilisables reconstruction du LCA est de moins de 5  %, ce
avec des philosophies, des techniques de prépara- qui en fait une chirurgie protectrice pour l’avenir
tion et de fixation différentes. des ménisques.
De façon globale, il existe des techniques de Concernant la survenue de l’arthrose, le rôle
reconstruction isolée, intra-articulaire du LCA, préventif de l’évolution arthrosique par la liga-
et des reconstructions intra- et extra-articulaires mentoplastie n’est pas encore clairement établi.
Chapitre 6. Genou 169

Le taux de complications postopératoires peut


Points clés : lésions du LCA
atteindre jusqu’à 40 à 50 % selon les études, avec
des taux de rupture itérative de moins de 3  %. • Le traitement des ruptures du LCA n’est pas forcément
Ces complications mineures ou majeures doivent chirurgical. L’indication opératoire repose sur de nom-
clairement être exposées au patient pour l’aider breux éléments dont il faut tenir compte.
dans son choix thérapeutique. • Devant une lésion méniscale traumatique, il faut
autant que possible privilégier une réparation lorsque
Le taux de reprise chirurgicale pour infection,
cela paraît possible, et protéger la réparation méniscale
raideur, cyclope syndrome, corps étranger intra- avec une ligamentoplastie.
articulaire, lésion méniscale secondaire, s’établit • Le bilan clinique d’un genou traumatique vu en aigu
autour de 15 à 20 % des cas. cherche avant tout à éliminer les urgences chirurgi-
cales.
• La lésion du LCA peut correspondre à un étirement
Conclusion simple, une rupture partielle ou une rupture totale.
La lésion du LCA est extrêmement fréquente, le • Seule l’instabilité chronique sur un genou bien réédu-
qué est une indication chirurgicale formelle.
plus souvent post-traumatique concernant une
• Toutes les techniques opératoires de reconstruction
population jeune et sportive. du LCA sont fiables, mais certaines sont mieux adaptées
Au terme d’un bilan clinique précis, le diagnos- à certains types de laxité et certains sports.
tic lésionnel est souvent fait, et l’IRM ainsi que • Le résultat des reconstructions du LCA est globa-
les autres examens paracliniques aideront unique­ lement bon sur le plan analytique. La reprise du sport
ment à préciser le type de lésion ainsi que les nécessite un encadrement extrêmement précis et un
lésions associées. suivi régulier.
L’analyse du terrain du patient revêt un carac-
tère fondamental pour aider aux choix de la
décision thérapeutique qui n’est pas univoque.
De nombreux paramètres doivent être évalués Ruptures du ligament
entre le thérapeute et son patient pour proposer croisé postérieur
une attitude qui soit cohérente, réfléchie, adaptée
et qui ne sera pas toujours chirurgicale. R. Rousseau, M.-A. Ettori
Il n’y a malheureusement que très peu de don-
nées sur les résultats du traitement conservateur,
mais il reste tout à fait d’actualité avec des pro- Épidémiologie
tocoles de plus en plus perfectionnés et des suivis
personnalisés. Les lésions du ligament croisé postérieur (LCP)
En cas d’échec du traitement conservateur, sont plus rares que celles du LCA. Pourtant, elles
ou dans des tableaux cliniques précis (sportif sont de plus en plus fréquentes, avec une prise
professionnel, patient de moins de 35 ans au res- en charge spécifique afin d’obtenir une reprise de
saut rotatoire interne important, lésion méniscale l’activité physique dans les meilleures conditions.
associée), la chirurgie sera indiquée. La connaissance de la biomécanique et de l’ana-
Si les résultats fonctionnels de la ligamento- tomie de ce ligament est indispensable à la prise
plastie continuent de s’améliorer tant sur les en charge diagnostique et thérapeutique de ce
analyses objectives que subjectives, tant sur type de lésion. L’incidence des lésions du LCP
le taux de reprise d’une activité sportive que sur le rapportée dans la littérature est variable. Dans la
niveau de reprise de cette activité sportive, le taux population générale, l’incidence est de 3 à 11  %
de complications incompressibles postopératoires des lésions ligamentaires. Certaines études retrou-
à court, moyen et long terme reste relativement vent une lésion du LCP pour cinq lésions du LCA
problématique devant toujours et clairement et une reconstruction du LCP pour cinquante
exposer les bénéfices et les risques au patient, le reconstructions du LCA dans un centre référent
plus souvent très demandeur… en chirurgie du genou.
170 Traumatologie en pratique sportive

Dans une population de sportifs de haut niveau de la rotule en flexion. Le centre de rotation du
pratiquant le football, le hockey, le rugby, le foot- genou est donc modifié et le moment d’action
ball américain, la lutte ou le handball, il a été du quadriceps est diminué. Ceci augmente les
retrouvé, lors d’examens systématiques de début de forces de pression fémoropatellaire et fémoro-
saison sportive, une incidence de 1 à 7 % de lésions tibiale. Les lésions cartilagineuses dégénératives
du LCP. La plupart de ces lésions étaient isolées et sont liées aux modifications de la cinématique
asymptomatiques lors de l’examen. Il existerait ainsi du genou augmentant les contraintes au sein
une rupture du LCP par équipe et par saison dans des différents compartiments. Ces modifications
la ligue professionnelle de football américain nord- entraînent une augmentation des pressions sur le
américaine et une rupture du LCP par équipe tous cartilage des compartiments fémoropatellaire et
les 3  ans dans la ligue professionnelle de hockey fémorotibial médial. L’augmentation des forces
nord-américaine. La rupture du LCP fait toujours de pression est encore plus importante en cas de
suite à un accident à haute énergie. lésions associées des structures postérolatérales.

Anatomie et biomécanique Physiopathologie


Le LCP est volumineux et résistant. Il est riche- Le mécanisme lésionnel le plus fréquemment
ment vascularisé, lui conférant un potentiel de rencontré (45  % des cas) est le syndrome du
cicatrisation, mais peu isométrique ce qui rend dif- tableau de bord. Le genou est fléchi à 90° et il
ficile sa reconstruction chirurgicale. Il est constitué existe un choc antérieur direct, en regard de la
de deux faisceaux fonctionnellement distincts qui tubérosité tibiale antérieure. Dans cette position,
sont accolés sans séparation macroscopique. On le LCP est le seul frein à la translation tibiale
décrit le faisceau antérolatéral (AL) et le faisceau postérieure. En fonction de l’intensité du choc,
postéromédial (PM). Le LCP est tendu à 90° de il existe des lésions associées périphériques plus
flexion et se détend en extension et en hyperflexion ou moins graves. Ce mécanisme est également
au-delà de 120°. Le LCP est le frein primaire à la rencontré dans les accidents sportifs lors de chutes
translation tibiale postérieure sous le fémur sauf à genou en flexion plantaire. D’autres mécanismes
en extension où il constitue un frein secondaire. lésionnels ont été décrits. Un mécanisme en varus
Le LCP est un frein secondaire à la rotation ou en valgus forcé à haute énergie entraîne une
tibiale latérale et en moindre proportion aux rupture des structures périphériques puis du LCP
mouvements de varus–valgus en flexion extrême avec ou sans lésion du LCA. Le même mécanisme
au-delà de 120°. Les structures postérolatérales est décrit en rotation médiale ou latérale. Un
jouent un rôle majeur de frein secondaire de la traumatisme isolé en hyperflexion entraîne une
translation tibiale postérieure lorsque le genou est rupture isolée du LCP par cisaillement sur le
en extension. En cas de lésion, on retrouve donc bord postérieur de l’échancrure intercondylienne.
une augmentation du tiroir postérieur. Enfin, des traumatismes en hyperextension ont
Lorsque le LCP est rompu, il existe une été décrits, notamment lors des plaquages au
subluxation postérieure des plateaux tibiaux sous rugby, avec parfois des lésions associées du LCA
les condyles fémoraux par la pesanteur et la et des structures périphériques postérolatérales et
contraction des muscles ischiojambiers lors du postéromédiales.
passage de l’extension à la flexion. La contraction
du quadriceps permet de réduire cette subluxa-
tion lors du passage de la flexion à l’extension. Le Histoire naturelle du genou
roulement des condyles sur les plateaux tibiaux après rupture du ligament
est progressivement remplacé par un mouvement croisé postérieur
de glissement. La subluxation postérieure des
plateaux tibiaux entraîne un avalement de la Dejour et al. ont décrit, en 1988, l’évolution natu-
tubérosité tibiale antérieure avec un abaissement relle des ruptures du LCP. Dans une population
Chapitre 6. Genou 171

hétérogène sur le plan lésionnel, associant des laxi- Clinique


tés postérieures pures, postéro-postéro-latérales et
postéro-postéro-médiales, ils distinguaient trois Plainte fonctionnelle
phases évolutives : la phase d’adaptation fonction- Au stade aigu ou sur le terrain, le genou est
nelle, la phase de tolérance fonctionnelle, puis la douloureux, rapidement augmenté de volume par
phase de l’arthrose. l’hémarthrose, ecchymotique. En cas de lésion
La phase d’adaptation fonctionnelle dure 3 combinée, la laxité est importante et l’instabilité est
à 18 mois. À ce stade, il existe une gêne fonc- franche avec sensation de dérobement au moindre
tionnelle avec douleur et sensations d’instabilité, pas. En cas de lésion isolée, la laxité est plus difficile
notamment en flexion et à la montée et à la a objectiver et la sensation initiale d’instabilité est
descente des escaliers. Les sujets jeunes et spor- plus sournoise, le mécanisme du traumatisme, la
tifs s’adaptent mieux et plus vite. Pendant cette douleur et l’épanchement doivent orienter notre
phase, la compensation quadricipitale est le fac- examen clinique.
teur principal qui permettra la phase de tolérance Au stade chronique, le patient consulte pour
fonctionnelle. instabilité et dérobements, classiquement à la
La phase de tolérance fonctionnelle se caracté- décélération au moment de la course et à la mon-
rise par la reprise de toutes les activités, y compris tée et à la descente des escaliers, associés à des
le sport à haut niveau. La compensation quadri- douleurs mal systématisées dans la région poplitée.
cipitale joue son rôle et les sensations d’instabilité Des douleurs fémoropatellaires d’hyperpression
disparaissent quasiment. Cette phase est parfois peuvent être le seul symptôme décrit. À terme, des
absente ou peut durer jusqu’à 15 ans. Une étude douleurs du compartiment fémorotibial médial et
(Toritsuka et al.,  2004) dans une population fémoropatellaire d’origine dégénérative peuvent
de rugbymen de haut niveau indique 88  % de survenir.
retour au même niveau à 1 an d’une rupture
isolée du LCP traitée par traitement conservateur
et une autre étude retrouve 2  % de joueurs de Examen physique
football américain professionnels présentant une L’appréciation du morphotype est importante
laxité postérieure chronique et continuant à jouer notamment en varus car ceci modifiera la prise en
à haut niveau. Toutefois, la modification de la charge thérapeutique lorsqu’il existe des lésions
cinématique du genou entraîne des modifications postérolatérales combinées. L’inspection recherche
précoces et progressives des surfaces cartilagi- un impact ou une contusion antérieure en regard
neuses fémoropatellaire et fémorotibiale. du tibia dans le cadre d’une lésion aiguë et une
La phase de l’arthrose est présente dans 28  % cicatrice antérieure traumatique dans le cadre
des cas à 15  ans avec pincement articulaire d’une lésion chronique.
significatif. Selon les études, on retrouve 10  % L’examen du genou ligamentaire se fait de façon
d’arthrose à 6 ans, 15 % à 5 ans. Parolie rapporte systématique et complète, bilatérale et compara-
36 % d’arthrose à 7 ans en incluant les remode- tive ( vidéo  6.1, vidéo  6.2). Dans le cadre de
lés osseux sans pincement. À ce stade évolutif, la lésion du LCP, le diagnostic est établi par la
la douleur est le symptôme principal, l’instabi- recherche du tiroir postérieur. À 90° de flexion,
lité étant au second plan. Les modifications du le tiroir postérieur teste le faisceau AL et à 30°
compartiment fémoropatellaire sont fréquentes de flexion, le faisceau PM. On recherche un ava-
et souvent précoces, s’agissant en général d’un lement de la tubérosité tibiale antérieure genou à
simple remaniement peu évolutif. 90° de flexion, témoignant d’une subluxation pos-
La laxité postérieure chronique isolée peut être térieure du tibia sous le fémur (posterior sag). Ceci
bien tolérée pendant plusieurs années  ; il faut est plus volontiers présent au stade chronique ; au
cependant l’opposer à l’évolution plus rapide et stade aigu, on peut sensibiliser ce signe en deman-
plus invalidante des laxités combinées, surtout en dant au patient de contracter les ischiojambiers.
cas d’instabilité postérolatérale associée. L’écueil classique est de confondre la réduction du
172 Traumatologie en pratique sportive

tiroir postérieur avec un tiroir antérieur, l’examen


comparatif et l’inspection permettent de rétablir le
diagnostic. La sévérité de la laxité est évaluée clini-
quement par le tibial step-off. Ce test est pratiqué
sur un genou à 90° de flexion :
• le grade 0 correspond à un genou normal : le
plateau tibial médial est physiologiquement en
avant de 10 mm par rapport au condyle fémoral
médial ;
• le grade I correspond à une diminution du
step-off, entre 5 et 10 mm avec persistance de la
position antérieure du plateau tibial ;
• dans le grade II, le plateau tibial médial et le
condyle fémoral médial sont au même niveau,
le step-off est entre 0 et 5 mm ;
• le grade III correspond au grade le plus grave ;
le condyle fémoral médial passe en avant du Figure 6.13. Classification du tibial step-off.
plateau tibial médial de plus de 5 mm (reverse Source : Carole Fumat.

step-off; figures 6.13 et 6.14).


Il est absolument fondamental de rechercher Imagerie
une lésion associée des plans ligamentaires colla-
téraux. On recherche une laxité frontale en valgus Des clichés radiographiques standard du genou
et en varus forcé en extension et en déverrouillage éliminent une avulsion osseuse ou une fracture
à 30°, ainsi qu’une atteinte du point d’angle pos- associée. Ils permettent par ailleurs d’apprécier la
térolatéral ou postéromédial. pente tibiale.
Des clichés en stress en tiroir postérieur, tiroir
antérieur, varus et valgus bilatéraux et compara-
tifs, permettent d’objectiver et de quantifier la

Figure 6.14. Analyse clinique du tiroir postérieur sur le genou de profil.


a. Patient avec step-off grade 0 (normal), le plateau tibial médial est en avant de l’extrémité distale du condyle fémoral
médial de plus de 10 mm (genou gauche). b. Patient présentant un step-off grade III, l’extrémité distale du condyle médial
est en avant du plateau tibial de plus de 5 mm (genou gauche).
Chapitre 6. Genou 173

laxité postérieure ainsi que de diagnostiquer les des lésions est quasi nul. Dans le cas des
laxités combinées. On préfère réaliser des clichés laxités chroniques anciennes, l’élément clinique
reproductibles sous contraintes par un appareil de important à rechercher est la réductibilité du
type Telos® en tiroir postérieur à 90° de flexion tiroir postérieur avant d’envisager une recons-
ou en contraction des muscles ischiojambiers truction chirurgicale : ceci doit inciter à réaliser
(figure 6.15). un assouplissement de l’articulation par la kiné-
Un pangonogramme en charge est réalisé en cas sithérapie avant tout geste de reconstruction
de lésion postérolatérale associée. ligamentaire ;
L’IRM confirme le diagnostic de rupture du • Sévérité de la lésion : la sévérité de la laxité est
LCP et des autres plans ligamentaires et recherche évaluée cliniquement par le tibial step-off. Elle
des lésions méniscales et cartilagineuses associées. peut également être évaluée par des clichés
Au stade chronique, l’aspect du LCP peut être radiographiques dynamiques en tiroir postérieur
remanié et continu du fait d’une cicatrisation avec mesures différentielles entre le genou sain
détendue et être faussement rassurant : les clichés et le genou lésé. La laxité est faible lorsque
dynamiques rétabliront le diagnostic. le tiroir postérieur différentiel est inférieur à
6  mm, moyenne entre 6 et 10  mm et élevée
quand elle est supérieure à 10  mm. Ces trois
stades sont superposables au tibial step-off des
Anglo-Saxons.
• Présence de lésions combinées permettant de
classer les laxités postérieures :
– laxités postérieures directes avec lésion isolée
du LCP ;
– laxités postéro-postéro-latérales associant une
lésion du LCP et des éléments latéraux et
postéro-latéraux ;
– laxités postéro-postéro-médiales associant
une lésion du LCP et des éléments médiaux
et postéromédiaux ;
– laxités postérieures globales en cas d’atteinte
du LCP, des structures postérolatérales et
postéromédiales ;
– laxités antéropostérieures en cas d’atteinte
combinée du LCP et du LCA.
• Lésions associées (ménisque, cartilage).
Figure 6.15. Radiographie en stress par Telos® à 90°
de flexion en tiroir postérieur. • Âge du patient.
Noter la translation postérieure des plateaux tibiaux. • Niveau d’activité et gêne fonctionnelle.

Traitement Traitement conservateur


De nombreux auteurs retrouvent de bons résultats
Éléments à considérer fonctionnels avec un traitement non chirurgical.
dans l’indication thérapeutique Les modalités de ce traitement sont hétérogènes
• Ancienneté de la lésion : les lésions sont consi- selon les séries. Le traitement non chirurgical
dérées comme aiguës jusqu’à 6 semaines après peut être fonctionnel ou orthopédique. Dans le
le traumatisme initial et correspondent au traitement orthopédique, l’objectif est la cica-
potentiel de cicatrisation des lésions. Après ce trisation du LCP en position anatomique, notam-
délai, le potentiel de cicatrisation ligamentaire ment du faisceau AL. Le but est de maintenir le
174 Traumatologie en pratique sportive

tibia en position de réduction en luttant contre méniscales initiales, de lésions cartilagineuses et/
la subluxation postérieure liée à la pesanteur et ou de lésions combinées sont des facteurs péjora-
à la contraction des muscles ischiojambiers. La tifs de l’évolution.
première phase est une phase d’immobilisation Ces données sont à analyser avec précaution.
de 2 à 6 semaines avec un contre-appui à la face Les populations décrites sont hétérogènes et peu-
postérieure du tibia pour diminuer la subluxation vent inclure des laxités chroniques et des ruptures
tibiale postérieure. Cette période privilégie la aiguës. Il coexiste des laxités postérieures simples
lutte contre l’inflammation locale et l’amyotro- et des laxités postérieures combinées. Le traite-
phie quadricipitale par la cryothérapie et l’élec- ment non chirurgical n’est pas consensuel dans
trostimulation, ainsi que la mobilisation passive ses modalités. Les scores d’évaluation et l’étude
d’entretien des amplitudes articulaires de 0 à 90°. des laxités objectives sont inconstants.
Toute contraction des muscles ischiojambiers est
proscrite. Après cette période, la phase de kinési-
Traitement chirurgical :
thérapie active peut débuter avec récupération des
techniques et résultats
amplitudes articulaires et de la force musculaire
en privilégiant le quadriceps. La reprise des acti- Le choix du greffon utilisé peut être une auto-
vités sportives est envisagée après recouvrement greffe de tendon quadricipital, de tendon patel-
complet de la force musculaire quadricipitale, laire ou d’ischiojambiers en quatre brins. Les
entre 6 et 12 mois en moyenne après le trau- allogreffes sont utilisées communément dans les
matisme en commençant par les sports en ligne. pays anglo-saxons avec de bons résultats. La
Le succès du traitement se traduit par la reprise reconstruction du LCP par ligament synthétique,
d’activité et une diminution de la laxité d’au notamment à la phase aiguë, est également pos-
moins 5 mm à 6 mois selon les séries. sible avec un phénomène de tuteur de cica-
Des études prospectives sur le traitement non trisation permettant une cicatrisation du LCP en
chirurgical ont mis en évidence de bons résultats bonne position sur le ligament artificiel. Les tests
au recul moyen de 2 à 6  ans avec 80 à 90  % de résistance de l’ensemble de ces greffons sont
de résultats subjectifs satisfaisants  : 80 à 100  % tous supérieurs à la résistance d’un LCP natif.
des patients avaient pu reprendre leurs activités Les résultats du symposium de la Société fran-
physiques et sportives avec un niveau équivalent çaise de chirurgie orthopédique et traumato-
dans 68 à 100  % des cas. Il n’existait pas de logique (SOFCOT) et de la Société française
corrélation entre la laxité postérieure résiduelle d’arthroscopie (SFA) ont retrouvé de meilleurs
et les scores fonctionnels subjectifs et objectifs. résultats fonctionnels et un meilleur contrôle de
Il n’existait pas non plus de corrélation entre la laxité avec une chirurgie arthroscopique par
l’importance du pincement articulaire et la laxité. rapport à une chirurgie à ciel ouvert. L’apport
La laxité était stable dans le temps. Les résultats de l’arthroscopie permet une meilleure position
fonctionnels étaient corrélés à la force musculaire du tunnel fémoral. Les résultats du traitement
quadricipitale. chirurgical sont bons dans les laxités postérieures
D’autres auteurs ont retrouvé des résultats isolées avec, selon les séries, des reprises sportives
moins encourageants et jusqu’à 70 % de douleurs possibles y compris dans les sports pivot avec un
résiduelles ainsi que 45 % d’épisodes d’instabilité délai de 1 an en moyenne. Dans la littérature,
à la marche. D’autres séries ont retrouvé 51 % de nous n’avons pas retrouvé d’auteurs mentionnant
reprise d’activité sportive avec une dégradation la reprise sportive après chirurgie ligamentaire
continue des scores fonctionnels objectifs, sub- en fonction du type de sport pratiqué. La reprise
jectifs et arthrosiques en moins de 5  ans  : 49  % sportive est très hétérogène dans les données
des patients d’une série considéraient leur genou de la littérature. Il existe entre 29 et 83  % de
comme anormal, 90 % présentaient des douleurs reprise sportive au même niveau sur des laxités
dont 43 % à la marche normale, 65 % étaient limi- postérieures isolées. Dans la série du symposium
tés dans leurs activités quotidiennes. Des lésions de la SFA en 2004, 90 % des patients pratiquaient
Chapitre 6. Genou 175

une activité physique avant l’accident et 74  % sur les compartiments fémorotibiaux médiaux et
avaient repris leurs activités physiques après fémoropatellaires. Les indications thérapeutiques
l’intervention. Avant l’accident, 51 % pratiquaient sont résumées dans la figure 6.16.
le sport de manière intensive et 26  % l’avaient
repris au même niveau après la prise en charge Conclusion
chirurgicale. Le résultat fonctionnel objectif et
subjectif de la chirurgie ligamentaire est évalué La pathologie du LCP est amenée à être de plus
dans la littérature par le score IKDC. Un score en plus fréquente en traumatologie du sport. Un
IKDC A ou B est retrouvé dans 65 à 92  % des examen clinique et paraclinique adapté et minu-
cas selon les séries dans le cadre des laxités pos- tieux permet d’obtenir les données nécessaires à
térieures isolées. Ces résultats sont entre 50 et une prise en charge individualisée. La meilleure
71 % en cas de laxité postérieure combinée à une thérapeutique, chirurgicale ou non, est ajustée
atteinte ligamentaire périphérique. Il semble que au sportif qui se présente à notre consultation.
les résultats sont moins bons en cas de laxité pos- Il convient de connaître les éléments devant
térieure combinée qu’en cas de laxité postérieure motiver un avis chirurgical et nous devons être
isolée. L’analyse de la littérature permet de met- en mesure, eu égard aux données de la littérature,
tre en évidence une laxité postérieure résiduelle de donner des réponses sur le pronostic et les
après traitement chirurgical quasi constante et traitements possibles devant de telles lésions. Il
ce, quels que soient la technique chirurgicale n’existe pas de dogme devant des lésions isolées
utilisée, le type de greffon ou le type de fixation. ou combinées du LCP mais différents traitements,
Il existe une faible corrélation entre la laxité avec leurs avantages et leurs inconvénients, leurs
résiduelle et les résultats fonctionnels. L’incidence risques et leurs bénéfices, qui doivent dans tous
de l’arthrose radiographique est de 44 à 60  %. les cas être proposés en connaissance de cause
Il existe une nette prédominance de l’arthrose en fonction des données lésionnelles, du type

Figure 6.16. Algorithme décisionnel de traitement des ruptures du LCP.


TP : tiroir postérieur.
176 Traumatologie en pratique sportive

d’activité et de la demande fonctionnelle. La dire qu’une lésion combinée associant le plan


chirurgie du LCP est exigeante et doit être prise interne aura plutôt une composante en valgus et,
en charge par une équipe spécialisée et entraînée inversement, une lésion externe aura plutôt une
spécifiquement à ce type de lésion. composante en varus. Plus la force vulnérante est
importante, plus le nombre de structures anato-
miques lésées sera important et la lésion sévère…
Lésions multiligamentaires On peut distinguer les lésions ligamentaires par
du genou bâillement, engendrant une rupture ligamentaire,
et les lésions ligamentaires par translation engen-
drant un décollement (figure  6.17). Ceci aura
W. Bayoud, F. Khiami
des conséquences thérapeutiques, car les ruptures
ligamentaires nécessiteront une réparation, tandis
que les décollements auront un très bon potentiel
Épidémiologie de cicatrisation spontanée.
Une lésion multiligamentaire du genou est une
atteinte d’au moins deux ligaments du genou.
Trillat définit la triade comme étant une atteinte
d’un ligament croisé et d’une structure péri-
phérique, tandis que la pentade, est une lésion
bicroisée associée à une lésion des formations péri-
phériques sur un seul versant du genou (interne,
externe ou postérieur).
Ces lésions sont rares et donc souvent sous-
diagnostiquées  : elles représentent 0,02  % de
toutes les lésions musculosquelettiques. De plus,
elles sont souvent associées à un contexte de poly-
traumatisme grave et peuvent alors être diagnos-
tiquées tardivement.
Ces lésions surviennent généralement chez les
hommes (ratio H/F  =  4) entre 30 et 40  ans,
suite à un accident à haute énergie (50 %) ou un
Figure 6.17. Décollement du ligament collatéral
accident sportif à basse cinétique (33  %)  ; 10  % latéral au versant fémoral (par translation) et rupture
des cas surviennent lors de chutes à très faible du ligament collatéral médial (par bâillement), associés
cinétique surtout chez les grands obèses avec un à une rupture bicroisée.
Source : Carole Fumat.
IMC > 35.

Classification
Physiopathologie
La plupart des classifications qui existent ont été
Le mécanisme lésionnel peut être soit direct, soit décrites pour les luxations de genou, qui sont le
indirect et combine plusieurs forces vulnérantes stade ultime des lésions multiligamentaires. La
souvent à haute énergie, contrairement à la clas- classification des lésions bicroisées, décrite par
sique rupture du LCP et le choc du tableau de Neyret, est issue de l’analyse des résultats du
bord, ou à la classique rupture isolée du LCA lors symposium de l’European Society of Sports Trau-
d’un shoot dans le vide. Souvent, il est impossible matology Knee surgery and Arthroscopy (ESSKA)
d’expliciter le mécanisme exact, notamment lors de 1998. Elle distingue trois types de pentades
d’une chute d’un lieu élevé ou d’un accident de et cinq types de luxations. Il s’agit d’une clas-
sport motorisé par exemple. On peut simplement sification descriptive qui a également un intérêt
Chapitre 6. Genou 177

thérapeutique, puisque les lésions à type de bâille- une surveillance renforcée en s’assurant que
ment seront systématiquement explorées chirur- l’index cheville/bras est supérieur à 0,9. Une
gicalement et réparées, alors que les lésions à type disparition du pouls ou un index inférieur à 0,9
de décollement seront traitées de façon conserva- doivent conduire à une exploration vasculaire et
trice. Cette classification est évoquée plus loin. une angiographie en urgence. D’autres équipes
préconisent un angioscanner systématiquement,
Clinique permettant à la fois de diagnostiquer les lésions
organiques sur une artère en continuité (dis-
Les objectifs premiers sont de sauver le patient section localisée, flap intimal), d’étudier les ano-
(contexte de polytraumatisme grave), puis de malies de branchement de l’artère poplitée et sa
sauver le membre inférieur (lésion vasculaire) et position, de détecter les fractures–arrachements
enfin de préserver le pronostic fonctionnel en res- associés, de visualiser l’état du cartilage et de cher-
tituant un genou normal pour la vie courante. Un cher les corps étrangers intra-articulaires.
retour au sport n’est pas garanti.
Le membre inférieur peut être le site de lésions Imagerie
associées qu’il convient de chercher systémati-
quement  : fracture fémorale ou tibiale, luxation Un bilan radiographique du genou est systéma-
de hanche (par traumatisme du tableau de bord, tique de face et de profil pour éliminer les frac-
fracture de cheville, du pied…). tures et affirmer une luxation.
Une lésion ligamentaire complexe du genou Dans un contexte de lésion grave, notamment
se présente avec une impotence fonctionnelle à partir de la triade jusqu’à la luxation du genou,
totale. La palpation et la mobilisation douce l’examen clinique est idéalement couplé à un bilan
du genou sont douloureuses. Un épanchement radiographique dynamique, sous scopie et sous
intra-articulaire peut ne pas être présent si la anesthésie. Cet examen radio-clinique comparatif
capsule est rompue. Des écorchures ou des points cherche, qualitativement, les lésions ligamentaires
d’impact sur la jambe ou le genou peuvent aussi (figure 6.18, vidéo 6.3).
être présents témoignant d’un traumatisme direct Ce testing radio-clinique comprend les tests
et pouvant contre-indiquer une chirurgie. suivants :
La présentation clinique peut être préoccupante • test de Lachman : analyse du LCA ;
d’emblée, notamment en cas d’ischémie du mem- • test du tiroir postérieur à 90° et lag sign : analyse
bre par lésion de l’artère poplitée, ou en cas du LCP ;
de paralysie motrice du pied, notamment en cas de • tests en valgus et en varus, genou à 30° de
lésion du nerf fibulaire commun. Cliniquement, flexion  : recherche des lésions du LCM et du
les pouls doivent être recherchés, ainsi qu’un LCL respectivement ;
retard de recoloration capillaire, un index bras/ • test en valgus et en varus, genou en exten-
cheville inférieur à 0,9, un déficit des releveurs de sion : recherche des lésions des points d’angle
la cheville et du gros orteil, un déficit sensitif… respectivement médial et latéral (coques pos-
Un examen vasculaire attentif doit être pra- térieures) ;
tiqué, sachant qu’un examen strictement nor- • test en hyperextension (recurvatum)  : lésion
mal (bonne coloration du pied, présence des bicroisée et capsulaire postérieure ;
pouls pédieux et tibial postérieur) n’élimine pas • hyperrotation externe, patient en décubitus
d’une façon formelle une atteinte vasculaire de dorsal, test en rotation latérale du squelette
l’artère poplitée (flap intimal). Bien que la litté- jambier, sur genou fléchi à 30 et 60° : recherche
rature admette qu’une angiographie urgente sur des lésions du point d’angle postérolatéral.
le champ opératoire soit pratiquée devant un pied Ensuite, le genou est immobilisé dans une
ischémique depuis plus de 6 h, la prise en charge attelle, en débutant le protocole antalgique et
suite à un examen vasculaire normal diffère selon le glaçage. À l’issue du testing dynamique radio-
les équipes. Certaines équipes recommandent clinique, le diagnostic lésionnel est déjà précis,
178 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.18. Testing radio-clinique sous anesthésie générale et scopie montrant une lésion bicroisée avec un plan
externe.
a. Varus forcé en extension. b. Valgus forcé en extension. c. Varus forcé en flexion. d. Valgus forcé en flexion. e. Tiroir
postérieur. f. Tiroir antérieur.

mais une IRM peut être pratiquée pour confirmer cela permet d’identifier correctement les zones
les lésions ligamentaires, analyser leur localisation de rupture, prévient la rétraction et l’involution
précise (proximale, distale ou en plein corps), ligamentaire et autorise des réparations faciles
vérifier le statut méniscocartilagineux (anse de avec de bons potentiels de cicatrisation.
seau méniscale, fracture ostéochondrale). Cepen- Cependant, une prise en charge différée peut
dant, la demande de cette IRM ne doit pas faire tout à fait se justifier, lorsque le potentiel de cica-
retarder la prise en charge thérapeutique, surtout trisation du plan collatéral est bon. Par exemple,
si l’on dispose des radiographies dynamiques, et en cas d’atteinte du plan interne et d’un croisé, il
en fonction des disponibilités de l’IRM. est tout à fait envisageable de soit :
• traiter le plan interne fonctionnellement, car il
Traitement a un excellent potentiel de cicatrisation, puis
d’opérer si nécessaire le ligament croisé à distance,
Une prise en charge non chirurgicale chez le lorsque le genou est parfaitement rééduqué ;
patient sportif peut être discutable dans des cas • opérer immédiatement les deux ligaments.
spécifiques : traumatisme crânien sévère, contexte Ces attitudes se discutent en fonction de nom-
de polytraumatisme grave, sportif âgé, comor- breux paramètres tels que l’âge, le niveau sportif,
biditiés, patient non compliant… Dans ces cas, le calendrier, la disponibilité et les symptômes du
le traitement orthopédique peut se justifier par patient.
une immobilisation stricte en veillant à ce que le Inversement, en cas de lésion des plans externes,
genou soit bien centré sur une radiographie de l’attitude sera beaucoup plus agressive d’emblée,
face et de profil. Il peut effectivement persister une et il est recommandé une chirurgie d’emblée
translation de face ou un tiroir postérieur résiduel eu égard au faible potentiel de cicatrisation du
qui conduiront vers une cicatrisation ligamentaire ligament collatéral latéral.
en mauvaise position… L’appui sera différé de Il n’y a pas de consensus sur la prise en charge
45  jours et les contrôles radiographiques seront chirurgicale. Faut-il opérer en aigu, en différé
réguliers pour vérifier l’absence de déplacement ou en plusieurs fois (chirurgie multiple)  ? Et
sous plâtre. Il faut garder à l’esprit que ce traite- faut-il rééduquer en postopératoire immédiat
ment chez le sportif retarde la récupération du fait ou immobiliser  ? Cette question réside dans le
de l’amyotrophie et des raideurs occasionnées. fait qu’une rééducation immédiate risque de dis-
Le traitement chirurgical permet de garantir un tendre les sutures (ligamentoplasties) et de pro-
bon rétablissement de la continuité ligamentaire. voquer la récidive d’une laxité, tandis qu’une
Les résultats semblent meilleurs lorsque la prise immobilisation peut engendrer une amyotrophie
en charge est rapide (moins de 3 semaines), car et des raideurs résiduelles.
Chapitre 6. Genou 179

Différents protocoles de rééducation post- y compris des emplois à forte demande fonction-
opératoire ont été proposés. Dans sa revue de nelle, tandis que 22 ont pu retrouver des activités
la littérature, Mook a évalué 24 articles rétros- récréatives et sportives telles que la course à pied,
pectifs concernant les lésions multiligamentaires la danse et la bicyclette.
comportant 396 genoux opérés. Les patients Les scores moyens IKDC, KOOS, Lysholm,
étaient classés selon le délai opératoire (aigu, Tegner et Euroqol-5D étaient respectivement de
chronique, multiple) et selon les suites opératoires 82 ± 17,5, 84,6 ± 16,8, 90,6 ± 6,4, 4,3 ± 1,3 et
(mobilisation précoce ou immobilisation). Ses 80 ± 11,7.
conclusions sont riches d’enseignement : Dans une revue de 21 études incluant 524
• opérer en aigu, indépendamment des suites patients, Everhart a évalué le retour au travail et
engendre : au sport. Le retour au sport était possible dans
– 2,6 fois plus de risque d’instabilité antérieure, 53,6  % des cas. Par contre, le retour au même
– 4 fois plus de risque de raideur de flexion avec niveau de sport n’était possible que dans 22 à 33 %.
nécessité d’arthrolyse secondaire, Concernant le retour au travail, il était possible
– moins de retour au sport ; dans 73 à 88,4 % des cas. L’obésité, le traitement
• opérer en aigu et immobiliser en postopératoire non opératoire, la gravité des blessures et des
engendre : lésions vasculaires étaient associés à de moins bons
– 3 fois plus de risque de flessum, résultats fonctionnels.
– 2,7 fois plus de risque de mauvais score fonc-
tionnel ;
• immobiliser seul engendre : Points clés : lésions multiligamentaires
– plus d’instabilité postérieure, du genou
– 13 fois plus de risque de laxité en varus, • Les lésions multiligamentaires du genou sont des
– 13 fois plus de laxité en valgus ; lésions graves si elles ne sont pas prises en charge
• opérer en plusieurs fois engendre : correctement.
– meilleur score fonctionnel indépendamment • Devant un traumatisme du genou, une lésion ligamen-
des suites postopératoires. taire doit être systématiquement suspectée, de même
En synthèse, entre des mains expérimentées, et que l’atteinte d’un plan collatéral qui va dès lors engen-
en suivant des protocoles postopératoires simples drer une prise en charge spécifique.
• Le bilan clinique de première intention est difficile
et cohérents, la chirurgie est préférée rapidement
devant une articulation parfois inexaminable, mais
lorsque le potentiel de cicatrisation spontané n’est la préparation du patient à un examen clinique de
pas bon, et à l’inverse, plusieurs attitudes peuvent deuxième intention et l’IRM rapide doivent permettre
se concevoir lorsque la cicatrisation spontanée est d’établir un diagnostic rapide de gravité.
possible et de qualité. • Le bilan lésionnel précis ne peut se concevoir avec
certitude qu’avec les clichés dynamiques, au mieux sous
anesthésie et le plus souvent en préopératoire.
Résultats • L’attitude thérapeutique est souvent chirurgicale dans
une population de sportifs, mais le traite­ment conser-
L’analyse des résultats fonctionnels montre que
vateur garde des indications surtout dans les formes
l’évolution, si elle est lente, permet d’obtenir à lésionnelles à fort potentiel de cicatrisation spontanée.
terme une satisfaction des patients. Dans une Il est malheureusement nécessaire d’avoir recours à
revue de Hantes et al. à long terme (suivi moyen plusieurs procédures chirurgicales pour garantir le
de 105 mois) de 26 patients opérés, la restitution contrôle des laxités et pour traiter les séquelles comme
des amplitudes articulaires était symétrique au côté la raideur chez des patients opérés ou pas.
opposé, sans avoir eu recours à une mobilisation • Les résultats à court et moyen terme sont satis-
sous anesthésie ou une arthrolyse. Dix-huit des faisants entre des mains expérimentées et si les proto-
26 genoux reconstruits (69,2  %) présentaient coles postopératoires sont respectés, mais le pronostic
à plus long terme dominé par l’arthrose doit rester
des  signes radiographiques d’arthrose débutante.
réservé.
Les 26 patients ont repris leur emploi précédent,
180 Traumatologie en pratique sportive

Luxation du genou présentes faisant d’ailleurs souvent confondre la


luxation avec une fracture du fémur. Le membre
W. Bayoud, F. Khiami inférieur peut être le site d’autres lésions associées
qu’il convient de toujours rechercher. Le membre
peut être en ischémie si une lésion vasculaire est
Épidémiologie présente. De même, une lésion du nerf fibulaire
commun (nerf sciatique poplité externe ou SPE)
La luxation du genou correspond à une perte de peut expliquer un déficit des releveurs du pied ou
contact permanente ou temporaire des surfaces un déficit sensitif.
articulaires tibiale et fémorale. On exclura, ici, la Les objectifs premiers sont de sauver le patient
luxation fémoropatellaire et la luxation tibiofibu- (contexte de polytraumatisme grave), puis de
laire proximale : il s’agit de lésions rares avec une sauver le membre inférieur (lésion vasculaire) et
incidence de 0,001 % et correspondant à 0,07 % enfin de préserver le pronostic fonctionnel. Cette
de l’ensemble de la traumatologie orthopédique. prise en charge suit les règles suivantes :
L’incidence de la luxation du genou est sous- • prendre en charge les lésions vitales : les luxa-
estimée et de nombreuses luxations s’autorédui- tions du genou sont souvent secondaires à
sent… Il faut garder à l’esprit que toute lésion des traumatismes violents  ; il faut examiner le
multiligamentaire du genou doit être considérée patient dans son intégralité et analyser les para-
comme une luxation autoréduite, jusqu’à preuve mètres vitaux (crâne, thorax, abdomen, rachis,
du contraire. Cinq à 17 % des luxations du genou bassin…) ;
sont ouvertes et 5 % sont bilatérales. • se focaliser sur le genou en recherchant des
lésions cutanées, des lésions de l’appareil exten-
Mécanisme seur, des fractures associées… ;
• faire un examen vasculaire détaillé  : un temps
Le traumatisme peut être direct, suite à un acci- d’ischémie supérieur à 8 h engendre une ampu-
dent motorisé ou une chute d’un lieu élevé par tation chez 86  % des patients, contre 11  %
exemple, ou indirect dû à une violente torsion seulement si la revascularisation s’est faite en
du genou pied bloqué au sol. Un cas de coureur moins de 8  h. Les luxations postérieures pro-
de 100 mètres a été décrit, se luxant le genou au voquent une compression directe des vaisseaux
démarrage. Généralement, la luxation du genou et conduisent généralement à des ruptures
est le stade ultime d’une pentade si la cinétique complètes artérielles, tandis que les luxations
du traumatisme est importante. antérieures induisent une traction des tissus
mous poplités provoquant des défauts d’épais-
Classification seur de paroi partielle (déchirures médiales ou
intimales). L’examen clinique analyse la couleur
Plusieurs classifications ont été décrites en tenant et la chaleur du pied, recherche les pouls (si pos-
compte de la direction de la luxation, du nom- sible avec un Doppler portable), analyse le temps
bre de structures lésées et des lésions associées de recoloration capillaire, de façon symétrique ;
(osseuse, vasculaire, nerveuse), comme les clas- • faire un examen neurologique rapide  : l’inci-
sifications de Kennedy (1963), de Schenk (1994), dence des lésions du nerf fibulaire commun
de Neyret et Rongiera et de la SOFCOT (2008). (SPE) après une luxation postérieure du genou
varie de 14 à 25 %, alors qu’après luxation pos-
Clinique et séquences térolatérale, elle augmente jusqu’à 45  %  ; les
de la prise en charge lésions du nerf tibial n’apparaissent que rare-
ment ; 87 % de toutes les lésions partielles du
Il est rare qu’une luxation du genou passe ina- nerf fibulaire commun récupèrent totalement,
perçue  : une déformation du membre inférieur alors que seulement 38 % des lésions complètes
et une impotence fonctionnelle complète sont ne guérissent que partiellement ;
Chapitre 6. Genou 181

• faire un bilan radiographique en urgence de – par contre, en l’absence d’ischémie, le temps


débrouillage pour objectiver la luxation et éli- d’évaluation ligamentaire prend toute sa place.
miner une fracture (figure 6.19) ; Cet examen comparatif se fera sous anesthé-
• réduire le genou  : la réduction ne peut se sie générale et sous scopie, afin de préciser
concevoir qu’à l’aide d’une anesthésie générale, l’ensemble des lésions ligamentaires :
et parfois une curarisation pour lutter contre – test de Lachman : analyse du LCA,
l’hypertonie musculaire qui gêne la réduction ; – test du tiroir postérieur à 90° et lag sign :
• immobiliser dans une attelle longue ; analyse du LCP,
• répéter l’examen neurovasculaire après la réduc- – tests en valgus et en varus, genou à 30° de
tion et noter toute modification ; flexion  : recherche des lésions respective-
• faire un bilan radiographique de contrôle de ment du LCM et du LCL,
face et de profil dans l’attelle. En cas d’isché- – test en valgus et en varus, genou en exten-
mie, le chirurgien vasculaire doit être présent sion : recherche des lésions des points d’angle
et demander un angioscanner en urgence post- respectivement médial et latéral (coques pos-
réduction  : cet examen contrôlera le type et térieures),
le niveau d’atteinte vasculaire et définira la – test en hyperextension (recurvatum) : lésion
stratégie de la prise en charge vasculaire  ; il bicroisée et capsulaire postérieure,
permettra par ailleurs de s’assurer de la bonne – hyperrotation externe, patient en décubitus
réduction, de chercher des lésions osseuses dorsal, test en rotation latérale du squelette
et des corps étrangers intra-articulaires. En jambier, sur genou fléchi à 30° et 60°  :
l’absence d’ischémie immédiate, l’angioscanner recherche des lésions du point d’angle pos-
peut être demandé dans les 48 h ; térolatéral ;
• pratiquer un testing sous anesthésie générale. – à l’issue de ce testing radio-clinique bilatéral
Au moment de la réduction, il est important et comparatif, il est possible de connaître de
d’évaluer les lésions ligamentaires : façon assez précise les structures rompues ;
– cependant, en cas d’ischémie, cette évalua- • immobiliser le genou ;
tion est très sommaire puisque l’urgence est • prévoir une IRM. Cet examen n’est pas indis-
à la revascularisation, et la prise en charge pensable en l’absence de doute diagnostique.
orthopédique se résumera à la mise en place Cependant il est très utile pour confirmer les
d’un fixateur externe, lésions et surtout rechercher des lésions ménis-
cocartilagineuses associées. La demande d’une
IRM ne doit en aucun cas retarder la prise en
charge chirurgicale, qui peut se faire jusque
dans les 10 à 15 jours suivant le traumatisme.

Traitement
La prise en charge chirurgicale a montré sa supé-
riorité par rapport au traitement conservateur.
Elle est identique à celle décrite précédemment
(voir plus haut Lésions multiligamentaires du
genou). Plusieurs techniques chirurgicales exis-
tent, avec différentes combinaisons. Dans sa revue
de littérature, Mook a montré qu’une chirurgie
séquentielle donne de très bons résultats fonc-
tionnels. Par exemple, certains auteurs proposent
une réparation du LCP en premier afin de recen-
Figure 6.19. Luxation du genou. trer le genou, puis de réparer un plan collatéral.
182 Traumatologie en pratique sportive

Dans un second temps, lorsque le genou est étant donné la grande hétérogénéité des études,
rééduqué, ils proposent de reconstruire le LCA. des patients, de la sévérité des lésions, des tech-
Barfield, dans sa revue de littérature de 11 études, niques chirurgicales, des suivis postopératoires et
incluant 274 patients, n’a pas trouvé de différences des scores utilisés.
significatives dans le résultat fonctionnel entre Everhart retrouve un retour au sport dans 53,6
une chirurgie aiguë et une chirurgie séquentielle. à 60 % des cas, mais seulement 22 à 33 % au même
Le principe de la prise en charge chirurgicale est niveau. La récupération est longue et nécessite
avant tout de recentrer le genou en reconstruisant plusieurs mois (jusqu’à 18 à 24 mois).
le LCP en priorité, puis de réparer les plans Ces délais peuvent être allongés en cas de prise
collatéraux. Les ruptures ligamentaires collatérales en charge séquentielle ou d’apparition de compli-
latérales ainsi que les ruptures médiales associées à cations postopératoires.
des lésions des coques postérieures sont réparées
et souvent renforcées par des plasties.
Le LCA peut être reconstruit d’emblée ou à Cas particuliers
distance en cas de prise en charge séquentielle.
La chronologie de la prise en charge évoquée ci-
Dans tous les cas, ce type de chirurgie doit être
dessus peut être modifiée dans certains cas :
réservé à des équipes entraînées.
• luxation ouverte nécessitant alors une réduction
Plusieurs protocoles de suites opératoires peu-
au bloc avec lavage abondant et fixation externe
vent être proposés. La rééducation immédiate est
(et antibiothérapie adaptée) ;
intéressante pour préserver les mobilités mais au
• lésions vasculaires nécessitant un fixateur externe
prix du risque d’une récidive de laxité. L’immo-
et une prise en charge vasculaire urgente ;
bilisation postopératoire garantit la cicatrisation
• fracture–luxation instable nécessitant un fixa-
ligamentaire au prix d’un enraidissement articu-
teur externe ou une ostéosynthèse des fractures.
laire. Si l’on choisit cette option, il faut informer
Les ligamentoplasties seront faites en différé ;
le patient de la nécessité probable d’une arthro-
• dimple sign  : incarcération du LCM sous le
lyse arthroscopique vers le 4e mois postopératoire.
condyle fémoral empêchant la réduction. La
peau médiale est aussi incarcérée. Une réduction
Prise en charge des sanglante au bloc opératoire est urgente pour
lésions nerveuses désincarcérer les structures, permettre la réduc-
tion de la luxation et éviter la nécrose cutanée ;
La prise en charge des lésions nerveuses est affaire • luxation irréductible ou hautement instable ;
de spécialiste. Deux examens peuvent être deman- • suspicion de syndrome de loges  : nécessité
dés rapidement en tant que bilan de référence. d’une fasciotomie en urgence associée à une
L’échographie a pris sa place dans l’évaluation des exofixation.
lésions nerveuses. Elle fournit des informations
sur le niveau de la lésion et son importance,
visualise des dommages périneuraux (hématome) Fracture du massif
et permet d’identifier une lésion partielle ou des épines tibiales
complète. L’électromyogramme est précieux en
début d’évolution, car il permet de déterminer R. Dayan
l’importance du bloc de conduction et de suivre
la récupération potentielle.
Physiopathologie
Résultats Les mécanismes lésionnels à l’origine des fractures
du massif des épines tibiales sont les mêmes que
Il est très difficile de conclure sur les résultats ceux de la rupture du LCA en plein corps. Cette
de la prise en charge des luxations du genou, fracture semble plus fréquente chez l’adolescent
Chapitre 6. Genou 183

car le LCA est plus résistant que son insertion geste technique. La classification de Meyers et
tibiale. Elle reste classique chez l’adulte mais, dans McKeever classe les fractures du massif des épines
une vaste majorité des cas, le ligament croisé cède tibiales en quatre stades (figure 6.20) :
alors que le massif des épines résiste. Elle s’associe • stade 1 – fracture non déplacée : le massif des
souvent à une distension du LCA. épines est fracturé mais non déplacé ;
• stade 2 – fracture partielle : le LCA vient sur-
élever la partie antérieure du massif des épines,
Anatomie mais il persiste une charnière postérieure ;
• stade 3 – fracture complète du massif des épines
Le massif des épines tibiales correspond à l’inser- avec surélévation de tout le massif et absence
tion distale du LCA. En effet, ce dernier s’insère de contact entre le massif fracturé et le tibia
en proximal sur le condyle latéral du fémur et est (figure 6.21) ;
tendu jusqu’au massif des épines tibiales. Une • stade 4 – fracture déplacée, comminutive, le mas-
fracture du massif des épines tibiales correspond sif des épines est refendu en plusieurs morceaux.
donc à l’arrachement distal du LCA qui emporte
un pavé osseux correspondant à son insertion.

Clinique
Le patient se présente à la suite d’un traumatisme,
le plus souvent violent (traumatisme sportif, acci-
dent de la voie publique) avec un gros genou
douloureux témoignant d’une hémarthrose très
importante. L’impotence fonctionnelle est sou-
vent très importante. Lorsque le fragment osseux Figure 6.20. Classification de Meyers et McKeever.
a. Stade 1. b. Stade 2. c. Stade 3. d. Stade 4.
est déplacé, le genou peut présenter un flessum Source : Carole Fumat.
irréductible par conflit osseux dans l’échancrure
lors des mouvements d’extension. Il n’est pas sou-
haitable de tester la stabilité sagittale du genou, Traitement
mais en termes de stabilité du genou, la fracture
du massif des épines s’apparente à une rupture du Traitement orthopédique
LCA. Comme pour une rupture du LCA, l’exa- Un traitement orthopédique par attelle en exten-
men des plans périphériques doit être minutieux sion complète est indiqué lorsque la fracture du
à la recherche de lésions associées. massif des épines n’est pas déplacée. L’attelle est à
porter 24 h/24 pendant 4 à 6 semaines. Il faudra
réaliser des radiographies de contrôle régulières
Imagerie à J7, J14 et J21 pour éliminer un déplacement
secondaire du massif des épines. Il est nécessaire
La radiographie standard genou de face et de pro-
d’informer le patient qu’en cas de déplacement
fil permet le plus souvent de poser le diagnostic.
secondaire de la fracture un traitement chirurgical
Le déplacement et l’importance du fragment sont
sera alors indiqué.
en général minorés par les radiographies standard.
Lorsque la radiographie confirme le diagnostic,
Traitement chirurgical
celui-ci doit être précisé à l’aide d’un scanner.
L’intérêt du scanner est d’évaluer le déplacement Le traitement chirurgical est identique à celui
du fragment osseux, son caractère comminutif ou d’une fracture c’est-à-dire qu’il consiste en une
non. Le scanner va confirmer ou non l’indication réduction et une ostéosynthèse. Il est indiqué
chirurgicale et aider le chirurgien à préciser son dans les fractures de stade 2, 3 et 4. Il est réalisé
184 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.21. Scanner en coupe frontale (a) et sagittale (b) d’une fracture du massif des épines.
Il s’agit d’un stade 3 de la classification de Meyers et McKeever.

sous arthroscopie : le pavé osseux est réduit puis Dans les suites opératoires, une attelle articulée
ostéosynthésé par vissage et/ou renforcé par un de genou est prescrite, elle sera portée 45 jours. Le
laçage du LCA fixé par endobouton (figure 6.22). chirurgien autorisera un gain d’amplitude articulaire
Les avantages du traitement arthroscopique progressif afin de débuter précocement la rééduca-
sont  : son caractère mini-invasif, la possibilité tion et de limiter les raideurs postopératoires.
de réaliser un nettoyage articulaire (évacuation de
l’hémarthrose, ablation de débris osseux), mais Complications
aussi la capacité à explorer et traiter dans le même
temps d’éventuelles lésions méniscales ou cartila- À la suite du traitement orthopédique ou chi-
gineuses associées ; rurgical, il est classique qu’après consolidation

Figure 6.22. Ostéosynthèse arthroscopique d’une fracture du massif des épines par vissage et laçage sur bouton.
Chapitre 6. Genou 185

du massif des épines, il persiste une instabilité La classification de Dejour décrit quatre formes
antérieure du genou. C’est le témoin d’une dis- cliniques :
tension du LCA avant la fracture du massif des • l’instabilité patellaire objective (IPO)  : luxation
épines. L’instabilité résiduelle et ses conséquences patellaire avec facteurs anatomiques d’instabilité.
fonctionnelles sont à réévaluer après la réédu- Actuellement, l’IPO est remplacée par la « luxa-
cation du genou. Dans certains cas d’instabilité tion épisodique de la patella » : il s’agit de patients
importante et mal tolérée, une ligamentoplastie ayant présenté une ou plusieurs luxations ;
du LCA sera proposée. • l’instabilité patellaire potentielle (IPP)  : pas de
La principale complication du traitement luxation, mais présence d’une anomalie anato-
orthopédique est le déplacement secondaire de mique ;
la fracture. Des radiographies seront réalisées à • le syndrome douloureux patellaire (SDP) ;
J7, J14 et J21 afin d’éliminer un déplacement • l’instabilité patellaire majeure (IPM) : luxation
secondaire de la fracture qui imposerait alors un habituelle ou permanente.
traitement chirurgical.
Les complications après traitement chirur-
gical comportent avant tout la raideur post- Instabilité fémoropatellaire
opératoire  : la réinsertion des épines tibiales
peut classiquement donner des raideurs post- V. Chassaing
opératoires. Il est indispensable de prévenir le
La patella constitue, avec le tendon quadricipital et
patient en préopératoire de la possibilité de
le tendon patellaire, l’appareil extenseur du genou.
devoir recourir à une arthrolyse arthroscopique
C’est une courroie, dont fait partie la patella, qui
une fois la fracture consolidée et le patient
s’articule avec une véritable poulie, la trochlée
rééduqué, en général entre le 4e et le 6e mois
fémorale. Soumise à des sollicitations importantes,
postopératoire.
elle transmet la traction du quadriceps au tibia.
Une instabilité patellaire, quelle qu’en soit la cause,
se traduit par un déplacement latéral anormal de la
Délais de retour au sport patella par rapport à sa poulie, qui peut aller jusqu’à
la luxation si elle quitte la trochlée en perdant tout
En l’absence de raideur postopératoire, les délais
contact avec elle. Il importe de retenir que ce
de retour aux activités sportives est long. Il faut
déplacement, lorsqu’il se produit, est toujours
compter autour de 4 mois pour débuter des
latéral. Une instabilité médiale est exceptionnelle
sports en décharge tels que le vélo et la natation.
et doit faire rechercher une étiologie iatrogène, en
Le retour à la course à pied se fait vers le 6e mois.
particulier une hypercorrection chirurgicale.

Clinique
2. Pathologie Le bilan clinique est essentiel pour faire le diag-
fémoropatellaire nostic d’instabilité patellaire, évaluer sa gravité
et prévoir l’imagerie nécessaire. Il est effectué au
V. Chassaing, J.-B. Courroy cours d’une ou plusieurs consultations dont il faut
souligner l’importance. Suffisamment de temps
est nécessaire pour examiner des patients souvent
Il convient de distinguer deux pathologies fémo- adolescents, au psychisme parfois fragile, inquiets
ropatellaires bien différentes  : l’instabilité de la de ce premier contact avec un médecin spécialiste,
patella et le syndrome douloureux fémoropatel- craignant une décision d’opération. L’informa-
laire. Leurs manifestations cliniques, les données tion et l’écoute du patient et de sa famille doivent
de l’imagerie et leur traitement sont différents. être privilégiées.
186 Traumatologie en pratique sportive

L’interrogatoire fait préciser les caractéristiques Grâce à cet interrogatoire, il est déjà possible
de l’instabilité, le plus souvent représentée par des de suspecter ou d’affirmer l’instabilité patellaire et
luxations patellaires. Le diagnostic de luxation peut d’évaluer son retentissement.
être difficile. Il nécessite un interrogatoire détaillé L’examen clinique peut commencer par une sim-
analysant un certain nombre de paramètres : ple inspection (figure 6.23), ce qui met en confiance
• la date de la première luxation et les circons- le patient et qui va d’emblée apporter un certain
tances de survenue  : souvent un geste ou une nombre d’informations  : en se plaçant en bout
torsion anodine de la vie courante, parfois au de table devant le patient allongé, l’examinateur
cours d’une activité sportive ; empaume par les talons les deux pieds qu’il soulève
• la notion de déformation ou saillie externe du à la même hauteur, et prend le temps d’observer.
genou ; On peut ainsi noter, de façon comparative :
• les modalités de la réduction de la luxation : ré­ • l’extension des deux genoux, dépistant un éven-
duction immédiate, autoréduction par manœuv­ tuel recurvatum ou flessum, asymétrique ou non ;
res personnelles, réduction aux urgences… ; • une amyotrophie quadricipitale ;
• les modalités et la fréquence des récidives des • l’axe des membres inférieurs, à la recherche
luxations ; d’un valgus ;
• le retentissement de l’instabilité patellaire dans • une torsion tibiale externe ;
la vie quotidienne, avec en particulier une appré- • les rotations des hanches en extension, à la
hension souvent permanente et importante. Il recherche d’un excès de rotation interne par
faut en tenir compte car elle risque de perturber rapport à la rotation externe, témoignant d’une
la qualité de vie dans l’intervalle des luxations ; antéversion des cols fémoraux ;
• l’existence de douleurs. Il convient de dis- • un gonflement du genou témoin d’un éventuel
tinguer les douleurs directement liées à la sur- épanchement.
venue de luxations des douleurs chroniques L’examen clinique se poursuit par la recherche
persistantes, de quatre signes importants d’instabilité patellaire :
• l’existence possible de cas d’instabilité patellaire • le signe d’appréhension de Smillie (figure 6.24) :
dans la famille. il est cité en premier car il est fondamental,

Figure 6.23. Examen clinique.


a. Genu recurvatum vu de profil b. Genu valgum vu de face.
Chapitre 6. Genou 187

du trajet en J inversé suivi par la patella. C’est


un signe de gravité de l’instabilité, souvent en
rapport avec une dysplasie importante de la
trochlée. C’est donc un signe dont il faut tenir
compte car les patients qui en sont porteurs sont
plus difficiles à stabiliser ( vidéo 6.4) ;
• la bascule patellaire  : c’est un témoin, plutôt
qu’un facteur, de l’importance de l’instabilité
patellaire. Son appréciation clinique est incertaine.
L’examen clinique recherche ensuite des fac-
teurs favorisant l’instabilité patellaire :
• une baïonnette due à la latéralisation exces-
sive de la tubérosité tibiale antérieure (TTA).
Elle s’accompagne d’une augmentation de la
valeur de l’angle Q (figure  6.25), entre l’axe
du quadriceps et celui du tendon patellaire. La
force de latéralisation sur la patella est propor-
Figure 6.24. Signe d’appréhension de Smillie. tionnelle à la valeur de cet angle dont la mesure
clinique est peu précise ;
• un genu valgum, un genu recurvatum ;
toutefois il faut le rechercher en dernier, car • des troubles de torsion du membre inférieur,
comme son nom l’indique, il déclenche une représentés par une antéversion exagérée du col
appréhension qui risquerait de gêner la suite de fémoral, souvent associée à une torsion tibiale
l’examen clinique. Il consiste, sur un genou en externe accrue ;
extension, quadriceps décontracté, à pousser la • une hyperlaxité, cliniquement évaluée par le
patella latéralement tout en fléchissant progres- score clinique de Beighton.
sivement le genou et en regardant le patient. Il
est positif quand il entraîne une appréhension
du patient qui craint la survenue d’une nouvelle
luxation. Il est négatif s’il n’y a pas d’appréhen-
sion, même si cette manœuvre est douloureuse ;
• la mobilité transversale de la patella  : elle est
recherchée par le patellar glide test de Kolowich.
Sur le genou en extension, sans contraction
musculaire, la patella est poussée latéralement.
Son déplacement est mesuré par le nombre de
quadrants qui défilent. À trois quadrants ou
plus, la patella présente une mobilité transversale
pathologique ;
• la course anormale de la patella, décrite en 1996
par Dejour : « la rotule apparaît subluxée dans
les premiers degrés de flexion, mais elle réin-
tègre la trochlée lorsque la flexion atteint 20
à 30°  ». Cette réintégration de la trochlée se
traduit par un véritable ressaut patellaire trans-
versal bien visible, durant la flexion active du
Figure 6.25. Baïonnette due à la latéralisation excessive
patient ou lors de la flexion passive au cours de de la tubérosité tibiale antérieure : angle Q augmenté.
l’examen. C’est le J sign, appelé ainsi en raison Source : Carole Fumat.
188 Traumatologie en pratique sportive

Deux maladies génétiques rares peuvent être Facteurs de l’instabilité patellaire


directement responsables d’une instabilité patellaire,
parfois sévère  : le nail-patella syndrome, souvent Leur recherche est essentielle car leur évaluation
marqué par une dysplasie unguéale, en particulier va guider les gestes chirurgicaux, lorsque l’indica-
du pouce, et le syndrome d’Ehler-Danlos, mala- tion opératoire a été décidée.
die du tissu conjonctif, avec laxité articulaire.
Enfin, l’examen clinique du genou doit s’assu- Facteurs majeurs
rer de l’intégrité du reste du genou – ligaments,
ménisques –, sans oublier la recherche d’une plica On décrit quatre facteurs majeurs de l’instabilité
dont la symptomatologie pourrait simuler celle patellaire  : la dysplasie de la trochlée, la latérali-
d’une instabilité patellaire. sation de la TTA, la patella alta et la rupture du
Au terme de cet examen clinique, on peut faire ligament patellofémoral médial (medial patello­
le diagnostic d’instabilité patellaire et évaluer femoral ligament ou MPFL).
son importance par la fréquence des luxations, le
degré de l’appréhension persistante et la présence Dysplasie de la trochlée
de facteurs d’instabilité.
C’est une malformation, d’origine génétique,
de la partie proximale de la trochlée. Elle se
Imagerie traduit par une trochlée plate, voire convexe
(figure  6.26), qui ne guide plus l’engagement
Les radiographies standard sont indispensables, de la patella en début de flexion. Le diagnostic
complétées par le scanner ou l’IRM. est fait sur la simple radiographie de profil grâce
Ce bilan radiographique standard comporte : à un signe essentiel  : le signe du croisement,
• une incidence de face, de préférence en position décrit par Dejour, qui permet d’affirmer la dys-
de schuss ; plasie de la trochlée (figure 6.27). Cette dysplasie
• deux incidences de profil (strict, avec super- peut être aggravée par une saillie de la trochlée
position postérieure des condyles fémoraux) : dont la gorge reste antérieure à la tangente à la
– en extension complète et contraction du qua- corticale diaphysaire antérieure fémorale. À cette
driceps, saillie peut se rajouter un éperon sus-trochléen,
– en flexion du genou de 40° ; sous forme d’un spicule osseux (figure 6.28). La
• une incidence fémoropatellaire effectuée sur un dysplasie de la trochlée est un facteur important
genou le plus proche possible de l’extension
(30°).
Le scanner, grâce aux coupes axiales, apporte
des informations complémentaires importantes. Il
faut demander un scanner en extension pour évi-
ter la rotation tibiale interne qu’entraîne la flexion
du genou car elle modifie certaines mesures.
L’arthroscanner peut être utile pour préciser l’état
cartilagineux fémoropatellaire.
Le scanner tend actuellement à être remplacé
par l’IRM qui a l’avantage de ne pas irradier des
patients souvent jeunes et de pouvoir ainsi être
plus facilement répété pour des contrôles ulté-
rieurs. La visualisation du cartilage et des parties
molles par l’IRM apporte des informations sup-
plémentaires.
Tous ces examens d’imagerie ont un objectif :
la recherche et la mesure des facteurs d’instabilité. Figure 6.26. Trochlée convexe (en bas).
Chapitre 6. Genou 189

Figure 6.27. Signe du croisement affirmant la dysplasie Figure 6.28. Saillie de la trochlée (avec éperon)
de la trochlée. dont la gorge reste antérieure à la tangente à la corticale
diaphysaire antérieure fémorale.

d’instabilité, que l’on retrouve dans 95  % des


luxations patellaires. Dejour a décrit quatre stades Latéralisation de la tubérosité tibiale antérieure
de dysplasie en fonction de l’existence d’une C’est une malposition de la TTA, mesurée
saillie trochléenne et d’un double contour témoin depuis 1978 par la distance TA-GT (distance
de l’hypoplasie du versant médial de la trochlée entre le milieu de la tubérosité antérieure du
(figure  6.29). Les coupes axiales du scanner ou tibia et la gorge de la trochlée). Deux coupes
de l’IRM précisent les éléments constitutifs de la axiales, de scanner ou d’IRM, sont superposées
dysplasie. (figure  6.30)  : une coupe proximale au niveau

Figure 6.29. Dysplasie de la trochlée : classification de David Dejour en 4 stades.


Source : Carole Fumat.
190 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.30. Distance TA-GT.


TA : milieu de la tubérosité antérieure ; GT : gorge
de la trochlée.

de la trochlée, dès que la gorge est suffisamment Figure 6.31. Indice de Caton-Deschamps permettant
creusée pour être individualisable, et une coupe de mesurer la hauteur de la rotule.
A : extrémité inférieure du cartilage patellaire ;
distale, au niveau du sommet de la TTA. La P : extrémité supérieure du cartilage patellaire ; T : angle
distance TA-GT, mesurée au scanner genou en antérosupérieur du tibia. Patella alta : index > 1,2 ; patella
extension, est pathologique pour une valeur supé- baja : index < 0,6.
rieure à 20 mm. Il convient cependant de rester
prudent dans l’interprétation de cette mesure
qui a l’inconvénient de donner un chiffre absolu, patellaire sur la trochlée. L’index de Bernageau est
indépendant des dimensions du genou, et de mesuré sur une radiographie de profil en extension
diminuer avec la flexion du genou. complète et contraction du quadriceps. La patella
est alta si son extrémité articulaire inférieure est
Patella alta
distante de plus de 6  mm du bord supérieur de
La patella alta, responsable d’un défaut d’engage- la trochlée. Mais il s’agit de repères osseux, pas
ment trochléopatellaire au tout début de la flexion, toujours bien identifiables, et cette mesure perd de
est un facteur important d’instabilité patellaire. sa valeur en l’absence de contraction quadricipitale
L’évaluation de ce facteur a été à l’origine de ou lorsqu’il existe un genu recurvatum.
nombreux index mesurés par l’imagerie, et en
particulier par la radiographie standard de profil Rupture du MPFL
en flexion (30°, 40°). On peut les classer en deux D’abord conséquence, elle devient ensuite facteur
groupes  : index patellotibiaux et index patello- de l’instabilité. Ce ligament, tendu de la patella au
trochléens. condyle médial fémoral, est en effet la structure
Parmi les index patellotibiaux, l’index de Caton- anatomique la plus importante pour le maintien
Deschamps est le plus utilisé en France : c’est le de la patella dans la trochlée durant les 20 pre-
rapport entre la distance de l’extrémité inférieure miers degrés de flexion du genou. Sa rupture est
du cartilage patellaire au tibia et la longueur bien visible sur l’IRM en aigu (figure 6.32).
de la surface articulaire patellaire (figure  6.31),
genou fléchi à 30 ou 40° pour tendre le tendon Torsion externe de la tubérosité tibiale antérieure
patellaire. Une valeur supérieure à 1,2 indique À ces quatre facteurs classiques, on peut rajouter
une patella anormalement haute. un facteur récemment décrit, la torsion externe
Les index patellotrochléens ont l’avantage de la TTA : c’est l’angle d’inclinaison externe de
d’évaluer directement l’engagement cartilagineux la TTA par rapport au plan bicondylien fémoral
Chapitre 6. Genou 191

L’existence d’une corrélation statistique entre


ces trois malpositions peut faire évoquer la res-
ponsabilité d’une torsion tibiale externe originelle.

Facteurs résultant de l’instabilité


patellaire
Ils sont utiles pour évaluer la gravité de l’insta-
bilité :
• la bascule patellaire (figure  6.34)  : c’est l’angle
formé par l’axe transversal de la patella et le plan
bicondylien postérieur, mesuré sur les coupes
axiales du scanner ou de l’IRM, dont la valeur
est inférieure à 20° en l’absence d’instabilité
patellaire ;
• la latéralisation de la patella : elle est mesurée sur
Figure 6.32. Rupture du MPFL après luxation
IRM par l’index d’engagement axial de la patella,
de la patella (IRM).
Elle siège ici au niveau de son 1/3 moyen (a). Sont qui varie de 1, patella stable dans la trochlée, à 0,
associées chez ce patient des contusions, au niveau patella luxée.
du bord médial de la patella (b) et du condyle
fémoral latéral (c). Ces contusions osseuses sont
Facteurs secondaires
pathognomoniques d’une luxation patellaire récente.
Elles témoignent du conflit fémoropatellaire brutal lors Certains facteurs favorisent également l’instabilité :
de la luxation.
• l’antéversion du col fémoral et la torsion tibiale
externe peuvent être mesurées sur le scanner ;
postérieur (figure  6.33). La différence de valeur • la rétraction du retinaculum latéral est d’appré-
de la torsion de la TTA entre un groupe de sujets ciation clinique difficile ;
instables (moyenne 17,9°) et un groupe témoin • un genu recurvatum, un genu valgum ou une
(moyenne 5,8°) était statistiquement significative. hyperlaxité sont également des facteurs favori-
La TTA peut donc présenter trois malpositions sants.
chez les sujets instables : latéralisation, torsion et
rotation externe.
Traitement
Traitement médical
Traitement médical de la première luxation
Il a pour objectif immédiat le traitement de la dou-
leur, de l’inflammation et des hématomes. L’immo-
bilisation doit être brève, pour ne pas prendre

Figure 6.33. Torsion extérieure de la tubérosité tibiale Figure 6.34. Bascule patellaire = angle formé par l’axe
antérieure (TTA) : angle d’inclinaison externe de la TTA transversal de la patella et le plan bicondylien postérieur.
par rapport au plan bicondylien fémoral postérieur. Source : Carole Fumat.
192 Traumatologie en pratique sportive

le risque de raideur articulaire, d’amyotrophie, proprioceptifs sur appuis instables en position


voire de syndrome douloureux régional complexe contrôlée.
(ancienne neuro-algo-dystrophie). Il n’y a pas de La lutte contre un recurvatum acquis, sou-
consensus sur le type de contention. Le taping vent constaté, passe par un travail analytique du
peut également diminuer la douleur, en favorisant contrôle de l’extension lors de la phase d’appui,
l’indolence lors du renforcement musculaire. associé à un renforcement musculaire de la chaîne
Le second objectif est de diminuer le risque postérieure ischiojambiers–triceps.
de récidive de la luxation en favorisant la cica- Les genouillères «  rotuliennes  » peuvent être
trisation du MPFL par l’immobilisation durant utiles. Elles ont un petit effet de correction de la
les premières semaines. Concernant le risque de bascule patellaire et du décentrage de la patella
récidive, il n’y a pas de différence significative en sans en modifier la hauteur, et semblent diminuer
fonction du type de contention. Le renforcement le risque de nouvelle luxation. Leur emploi est
musculaire du quadriceps et du vaste médial limité par leur tolérance fonctionnelle d’autant
oblique est également indiqué. que le port devrait en être continu en raison de
la survenue aléatoire des luxations. Enfin, aucune
Traitement médical de la luxation étude n’a prouvé l’efficacité stabilisatrice des
épisodique chronique orthèses plantaires même en cas de morphotype
En dehors du traitement d’éventuelles douleurs, genu valgum–pied pronateur.
l’immobilisation n’a pas de réelle justification.
La rééducation du quadriceps et du vaste médial Traitement chirurgical
oblique reste recommandée.
Trois gestes chirurgicaux peuvent être utilisés pour
Traitement rééducatif stabiliser la patella : deux gestes osseux, les transposi-
tions de la TTA et les trochéoplasties, et un geste sur
La rééducation a pour but de restaurer, puis d’opti- les parties molles, la reconstruction du MPFL.
miser les paramètres fonctionnels de la stabilité
fémoropatellaire en valgus–rotation externe en Transpositions de la tubérosité tibiale antérieure
appui, en tenant compte aussi des constatations cli- • Ostéotomie de médialisation  : elle consiste à
niques : raideurs, insuffisances musculaires, patella détacher une baguette osseuse de TTA pour la
haute, recurvatum, etc. Il s’agit principalement de : déplacer en dedans, réduisant ainsi la distance
• assouplir les différentes chaînes myotendi- TA-GT (figure 6.35). Elle est fixée par vis.
neuses : ischiojambiers, psoas et quadriceps (si • Ostéotomie d’abaissement : la baguette de TTA
patella alta), rotateurs internes de hanche (petit est distalisée pour abaisser une patella trop haute.
fessier) et tenseur du fascia lata ;
• renforcer non seulement le quadriceps et le vaste
médial mais aussi les rotateurs externes de hanche
et les ischiojambiers médiaux en travail excen-
trique. Aucune technique de musculation ne ren-
force spécifiquement le vaste médial dont on peut
améliorer l’éveil sensoriel par le taping, l’électros-
timulation et le travail en série avec le muscle tibial
antérieur. Le renforcement du quadriceps peut
être douloureux en présence de chondropathies et
impose un emploi judicieux des angles de travail
et des techniques de musculation parmi lesquelles
l’isocinétisme a une place de choix ;
• sécuriser l’appui unipodal par du travail global
en charge : stabilisation du bassin avec contrôle
du valgus–rotation externe du genou et de la Figure 6.35. Ostéotomie de médialisation de la tubérosité
tibiale antérieure
pronation du pied, puis exercices dynamiques et Source : Carole Fumat.
Chapitre 6. Genou 193

• Ostéotomie de détorsion : elle a pour but une


rotation interne de la TTA lorsqu’il existe
une torsion externe exagérée. Il s’agit d’un
geste en cours de validation.
Trochléoplasties
Elles ont pour objectif la correction de la dysplasie
de la trochlée (figure 6.36) par soit :
Figure 6.37. Reconstruction du MPFL.
• creusement pour restaurer sa profondeur et sa (technique Chassaing avec fixation sur les parties molles).
concavité ; Le tendon d’un ischio-jambier est fixé, du côté patellaire
• enfoncement pour supprimer la saillie troch- par une suture à lui-même après passage sous le surtout
léenne. pré-patellaire, du côté fémoral par un amarrage en U sur
le rétinaculum médial en regard de l’épicondyle fémoral.
Source : Carole Fumat.
Reconstructions du MPFL
Elle consiste en une reconstruction de ce ligament dépend de l’étendue de l’instabilité patellaire,
tendu du bord médial de la patella au condyle jugée sur la durée d’évolution, la fréquence des
médial fémoral (figure  6.37). Elle est pratiquée accidents d’instabilité, l’importance de l’appréhen-
en utilisant une greffe, le plus souvent avec les sion, la gravité des facteurs d’instabilité dépistés.
ischiojambiers, en particulier le tendon du gracile. Surtout, cette indication doit être fonction
Les techniques sont nombreuses en fonction de de la demande du patient, en particulier de son
la fixation osseuse (agrafes, tunnel osseux avec souhait d’être débarrassé de l’instabilité et de
vis d’interférence…) et/ou sur les parties molles. l’appréhension. C’est insister sur l’importance
Autres gestes chirurgicaux de l’information donnée car la décision appar-
tient, en définitive, au patient.
• La section du retinaculum latéral a pour but
une détente latérale patellaire. Isolé, ce geste Quels gestes chirurgicaux ?
n’est pas suffisant et doit donc être associé à des
La décision du ou des gestes chirurgicaux dépend
gestes précédents pour améliorer leur efficacité.
bien entendu d’une analyse soigneuse des facteurs
• La désinsertion du quadriceps (Judet) est excep-
à l’origine de l’instabilité, différents d’un patient à
tionnelle, parfois justifiée pour des luxations
l’autre. Il faut choisir dans ce « menu à la carte »
graves car permanentes, remontant à l’enfance.
le ou les gestes à associer, choix qui reste dépen-
Indications thérapeutiques dant de l’expérience et des habitudes de chaque
opérateur. Il faut rester économe, l’objectif étant
Quelles indications à la chirurgie ? une stabilisation patellaire avec disparition des
Pour la grande majorité des auteurs, il n’y a pas luxations par une intervention la moins extensive
d’indication à opérer après la première luxation. possible, en limitant la correction chirurgicale à
Après la deuxième, l’indication chirurgicale un ou deux facteurs les plus importants.

Figure 6.36. Trochléoplastie de creusement ou d’enfoncement.


Source : Carole Fumat.
194 Traumatologie en pratique sportive

Reprise du sport Rotule douloureuse


Après traitement conservateur non instable du sportif
Elle doit être nuancée en fonction des circons-
tances des luxations. Si une activité sportive est J.-B. Courroy
à l’origine des luxations, la reprise du sport doit La souffrance patellaire s’exprime par une douleur
être retardée pour permettre le renforcement globalement antérieure, dont la topographie pré-
musculaire. En revanche, si la luxation se produit cise peut être variable et souvent sans rapport avec
à l’occasion d’un geste banal de la vie courante, une étiologie précise. Son mode d’apparition est
ce qui est fréquent, il n’y a pas de raison d’inter- plus significatif et constant  : syndrome statique,
dire le sport, alors qu’il peut être bénéfique par le lié à une position fléchie du genou surtout en
renforcement musculaire qu’il apporte. charge, et/ou syndrome dynamique lors de la
Après traitement chirurgical marche, la course, la montée et surtout la descente
d’escaliers. Des troubles mécaniques peuvent être
Pendant la période de rééducation postopératoire,
associés tels que craquements, sensations de « blo-
le travail de mobilisation du genou doit être pru-
cage », de lâchage du genou… On parle de syn-
dent, en particulier en passif, et fonction des
drome fémoropatellaire (SFP) une fois identifiée la
recommandations du chirurgien. Une rééducation
souffrance patellaire, ce qui n’est pas si simple car
musculaire et proprioceptive est ensuite recom-
il existe de nombreuses autres causes de syndrome
mandée. Après consolidation, le retour au terrain
douloureux antérieur (SDA) du genou. Ce SFP
de sport est fonction du sport pratiqué et du type
est le motif de consultation pour gonalgies le plus
d’intervention. Un délai moyen de 4 à 6 mois est
fréquent ; l’examen exhaustif du genou et son ima-
nécessaire entre l’intervention et la reprise sportive.
gerie adaptée permettent d’en définir les différents
tableaux cliniques. D’une sémiologie assez simple,
Points clés : instabilité patellaire
il faut retenir la nécessité première d’éliminer une
• L’instabilité patellaire se traduit par un déplace­ment coxopathie et rappeler la rareté de l’hydarthrose
latéral anormal de la patella par rapport à sa poulie, qui dans la pathologie fémoropatellaire. Il faut éviter
peut aller jusqu’à la luxation si elle quitte la trochlée. enfin de donner trop de signification aux signes de
• L’examen clinique est essentiel et recherche : le signe souffrance chondrale (à la palpation ou aux tests
d’appréhension de Smillie, une mobilité transversale et
de frottement) et de vouloir corréler strictement
une course anormale de la patella, une baïonnette due
à la latéralisation excessive de la TTA, ainsi que des une éventuelle chondropathie fémoropatellaire au
anomalies constitutionnelles et une hyperlaxité. syndrome douloureux.
• L’imagerie recherche les facteurs majeurs de l’insta-
bilité patellaire : la dysplasie de la trochlée, la latéralisa-
tion de la TTA, la patella alta et la rupture du MPFL. Tableaux cliniques
• La rééducation a un rôle majeur dans le traite­
ment : elle a pour but de restaurer, puis d’optimiser les Syndrome patellaire juvénile
paramètres fonctionnels de la stabilité fémoropatellaire. Ce syndrome douloureux isolé est très fréquent
• Trois gestes chirurgicaux peuvent être utilisés pour
chez de jeunes adolescents, en majorité de sexe
stabiliser la patella  : deux gestes osseux, les trans-
positions de la TTA et les trochéoplasties, et un geste féminin. L’atteinte peut être bilatérale mais non
sur les parties molles, la reconstruction du MPFL. simultanée. Son expression est plus souvent
• Il n’y a pas d’indication à opérer après la première dynamique (course à pied, marche) que statique.
luxation. L’indication chirurgicale dépend de l’impor- D’apparition aléatoire, au décours d’une séance
tance de l’instabilité patellaire et doit être fonction de la de sport ou spontanée, il évolue par poussées
demande du patient. intermittentes et entraîne souvent des situations
• La décision du ou des gestes chirurgicaux dépend conflictuelles avec l’encadrement sportif, surtout
bien entendu d’une analyse soigneuse des facteurs à scolaire, et parfois même familial. La topographie
l’origine de l’instabilité, différents d’un patient à l’autre.
des douleurs est variable et varie dans le temps  ;
Chapitre 6. Genou 195

la localisation en barre sous-rotulienne est la plus surcharge mécanique récente : randonnée inhabi-
significative et s’accompagne parfois d’une sensa- tuelle en terrain montagneux, accroissement de
tion de tension, de « gonflement » de part et d’autre la distance habituelle de course à pied, pratique
du liga­ment patellaire. Les douleurs postérieures du nouvelle et intensive de squats, de crossfit, semaine
genou sont rares et n’ont pas d’explication claire en de ski alpin, voire renforcement dynamique inadé­
l’absence, ici constante, d’hydarthrose  : contrac- quat du quadriceps. La douleur peut apparaître
ture des ischiojambiers compensant l’inhibition lors de l’exercice ou les jours suivants  ; elle est
du quadriceps, tension de la capsule postérieure sans rapport strict avec la présence éventuelle de
à l’attaque du pas genou trop étendu  ? Le bilan chondropathies préexistantes, l’hydarthrose réac-
clinique est normal, il montre souvent de banales tionnelle est possible mais toujours discrète. Le
particularités anatomiques  : anomalies de torsion retour à l’indolence est la règle, mais peut deman-
des membres inférieurs, hypermobilité rotulienne der plusieurs mois. L’imagerie est de peu d’intérêt
frontale, rétractions musculaires du rectus femoris, dans ce syndrome clinique. Le traitement logique
du psoas… dont aucune ne suffit à justifier la est là aussi d’éviter un déconditionnement fonc-
douleur et son intermittence. L’IRM, normale, tionnel excessif par le maintien d’un seuil d’acti-
est utile aussi pour rassurer l’entourage familial. vités adaptées associé à un reconditionnement
Faute d’en comprendre l’étiologie, le traitement athlétique prudent. Le traitement médical est
de ces douleurs manque de consensus ; la règle est dicté par le contexte : brève cure d’AINS en pré-
d’éviter toute agressivité thérapeutique, surtout sence de signes inflammatoires, injection d’acide
chirurgicale, de dédramatiser sans la nier la réalité hyaluronique en présence de chondropathies. Il
douloureuse, de donner des explications simples est surtout utile d’expliquer au patient la néces-
et rassurantes évitant une médicalisation excessive sité future d’une adaptation plus judicieuse de sa
du problème. Les «  petits moyens  » habituels – préparation sportive et de son calendrier sportif !
taping, strapping, genouillères… – sont d’efficacité
diverse et certains se limitent à un programme sim-
ple d’aménagement de la pratique sportive civile Contusion de rotule
et aussi scolaire. Cependant, l’absence de lésion La contusion antérieure du genou par choc direct
ou d’anomalie significative constatée peut faire ou lors d’une chute est le traumatisme du genou
considérer ce tableau comme l’expression d’une le plus fréquent, autant dans la vie courante que
dysfonction plus globale du genou. On comprend lors de la pratique sportive. Sa conséquence la
alors le bénéfice, même inconstant apporté par un plus spectaculaire est l’apparition, rare, d’une
reconditionnement athlétique associant un assou- large ecchymose antérieure, appelée «  le genou
plissement des chaînes antérieures, un renforce- couronné » qui correspond à l’éclatement hémor-
ment musculaire du quadriceps et des stabilisateurs ragique de la bourse prépatellaire  ; l’ecchymose
pelviens. D’autres font du syndrome juvénile la se résorbe progressivement sans conséquence
conséquence d’une dysfonction dynamique du particulière. Par contre, en raison du haut poten-
pied qui peut être corrigée par : tiel de réactivité patellaire, la contusion entraîne
• une orthèse plantaire en cas d’hyperpronation souvent des suites douloureuses prolongées, avec
en appui ; une inhibition quadricipitale réflexe majorant le
• la mobilisation en décoaptation de la sous- cercle vicieux douloureux post-traumatique. C’est
talienne levant le blocage du tendon du long une cause fréquente de syndrome douloureux
fléchisseur de l’hallux (LFH) en cas de stretch test régional complexe de type I (ancienne algodys-
positif. trophie) qu’il faut craindre devant l’apparition
secondaire de douleurs nocturnes ou s’étendant
à la face tibiale antérieure, et la persistance ou
Rotule forcée l’aggravation de l’amyotrophie quadricipitale. Le
La douleur fémoropatellaire survient chez un contexte fréquent d’accident de travail, ou avec
adulte jeune de 30 à 40 ans dans un contexte de responsabilité d’un tiers, majore évidemment la
196 Traumatologie en pratique sportive

difficulté de prise en charge médicale du patient. au niveau de l’éventuel conflit latéral. Devant
C’est dire l’importance d’éviter les indications l’échec habituel du traitement médical, et le résul-
imprudentes d’arthroscopie et de vérifier au tat aléatoire d’une immobilisation souvent trop
moindre doute l’absence d’hyperfixation précoce tardive, l’exérèse chirurgicale du petit ossicule,
à la scintigraphie osseuse. cas heureusement le plus fréquent, donne un très
Lors de la contusion antérieure, l’impact brutal bon résultat.
des deux surfaces chondrales peut être à l’origine
d’une chondropathie post-traumatique. Il s’agit Fracture de fatigue rotulienne
rarement d’une réelle fracture chondrale isolée Cette pathologie rare, sans doute aussi sous-
à la symptomatologie immédiate bruyante. Plus estimée, sera étudiée plus loin avec les autres
souvent, c’est la persistance ou l’apparition retar- fractures de fatigue. Le diagnostic s’établit sur de
dée d’un SFP qui amène à découvrir la chondro- simples radiographies qui montrent la fissure à
pathie, ce qui pose évidemment le problème de la départ cortical, visible de profil pour les fractures
responsabilité du traumatisme ancien. Contraire­ horizontales et de face et en défilé pour les traits
ment aux lésions chondrales de l’instabilité, ces verticaux. L’IRM permet un diagnostic précoce
chondropathies post-traumatiques ne libèrent par la présence d’une anomalie médullaire en
pas de fragment articulaire et évoluent peu vers hyposignal T1 et hypersignal T2.
l’arthrose fémoropatellaire secondaire.
Les rotules bipartites sont fréquentes et prati-
Ostéochondrites trochléopatellaires
quement toujours asymptomatiques par respect
habituel de la surface chondrale. Elles peuvent Ce sont des localisations rares, parfois bilaté-
cependant devenir durablement douloureuses à rales, qui représentent un pourcentage minime de
la suite d’un choc direct avec une rupture de la l’ensemble des ostéochondrites du genou, majori-
synchondrose permettant une mobilité relative tairement condyliennes. Elles affectent plus sou-
du fragment, allant parfois jusqu’à provoquer vent le jeune garçon et se manifestent par un SFP
un conflit trochléopatellaire latéral. Le contexte, marqué, volontiers accompagné d’hydarthrose et
la localisation précise et constante de la douleur de sensations d’accrochage ou de blocage antal-
supérolatérale, son réveil à la percussion directe gique du genou. La lésion trochléenne a l’aspect
sur le genou fléchi à 45° font évoquer ce diagnos- d’une irrégularité de toute la facette osseuse, plu-
tic rare. L’IRM est l’examen de choix qui montre tôt latérale (figure 6.38) ; son traitement, si néces-
un hypersignal au niveau de la synchondrose ou saire car elle est souvent bien tolérée, se limite

Figure 6.38. Ostéochondrite de la trochlée.


a. Aspect radiologique. b. Aspect à l’IRM.
Chapitre 6. Genou 197

à une éventuelle chondroplastie avec viscosup- Rotule basse


plémentation et programme de lissage articulaire. Définie par l’index de Caton-Deschamps, elle est
La lésion patellaire, plus rare, siège au tiers presque toujours la conséquence d’un trauma-
inférieur et présente un aspect classique en niche tisme affectant le ligament patellaire (réparation
(figure 6.39), à différencier d’un banal cortical defect, après rupture) ou d’un abaissement de la TTA
mais la dissection du séquestre est rare  ; l’abord et/ou d’une rétraction secondaire lors d’un syn-
délicat de la lésion ajoute aux difficultés habituelles drome douloureux régional complexe du genou.
du traitement classique par curetage ou greffe. À chaque moment de la flexion, la rotule basse
subit donc une contrainte plus élevée, qui corres-
Syndromes fémoropatellaires pondrait à un angle de flexion plus important.
secondaires de surcharge
Syndromes fémoropatellaires
Laxité postérieure chronique
fonctionnels
Elle résulte d’une lésion du LCP, au minimum, et
a pour conséquence une augmentation constante Le déconditionnement fonctionnel du membre
de l’angle fémorotibial sagittal et donc de la inférieur est une situation fréquente que l’on
contrainte de placage fémoropatellaire. À distance, constate après un arrêt de pratique sportive,
le syndrome fémoropatellaire est souvent la seule a fortiori en raison d’une lésion ou d’une chirur-
plainte des patients, et fait parfois même découvrir gie portant sur le membre inférieur, qui altère
la lésion ligamentaire ancienne passée inaperçue. les différents paramètres d’élasticité, de mobilité
et surtout de force quadricipitale. Cette perte
Flessum de genou d’adaptabilité croît avec l’âge et le niveau de
dégénérescence articulaire et une de ses consé-
Le verrouillage capsuloligamentaire assure seul la quences habituelles est l’apparition fréquente de
stabilité du genou lors de l’appui en extension. Le SFP lors de la reprise des activités sportives. Pour
flessum permanent impose à l’appui une contrac- cette raison, il est préférable d’éviter la boiterie
tion elle aussi permanente du quadriceps qui en favorisant le béquillage et de programmer
majore la contrainte fémoropatellaire. avec bon sens la reprise des activités sportives en
fonction de la restauration athlétique.
L’insuffisance quadricipitale, qu’elle qu’en soit
la cause, domine toujours sur le vaste médial,
seul rappel médial actif de la patella, dont la
faiblesse entraîne un déséquilibre latéral fonc-
tionnel potentiellement douloureux. La difficulté
habituelle ici est d’adapter les techniques de mus-
culation afin d’éviter tout entretien ou exacerba-
tion de douleurs favorisant l’inhibition réflexe du
quadriceps. Ce cercle vicieux explique la difficulté
du renforcement quadricipital lors de la prise en
charge de tout syndrome patellaire et l’intérêt des
techniques de renforcement isocinétique.

Troubles fonctionnels du pied


La position d’appui du pied au sol est l’autre
Figure 6.39. Ostéochondrite patellaire : aspect facteur variable agissant sur la dynamique fémoro­
en niche. patellaire. Tout défaut ou toute modification de la
198 Traumatologie en pratique sportive

dynamique d’appui du pied peut donc expliquer antérieures sous-patellaires plus ou moins laté-
l’apparition progressive d’un syndrome fémoro- ralisées apparaissant dans les mêmes conditions
patellaire lors d’activités répétitives comme la que les syndromes patellaires, à la marche, à la
marche ou la course à pied. Les troubles les course ou à la montée d’escaliers. Les troubles
plus fréquents, et pour lesquels la correction par mécaniques sont fréquents, à type de grippage,
orthèse semble la plus efficace, sont l’affaissement de lâchages ou, plus significatifs, de blocages
de l’arche plantaire médiale et la pronation tar- fugaces lors de la fin de l’extension du genou.
sienne exagérée à la réception, qui provoquent Le signe clinique majeur est la présence d’une
une rotation tibiale interne altérant la dynamique douleur, retrouvée aux manœuvres d’extension
patellaire. brutale passive du genou. On distingue clas-
La raideur fonctionnelle du LFH est une entité siquement deux formes étiologiques :
de découverte plus récente (Dananberg) qui • la «  hoffite  » primitive qui est la conséquence
résulte du blocage du tendon au niveau de son du coincement d’un paquet adipeux sans doute
passage dans la gouttière intertubérositaire pos- hypertrophique, lors des extensions répétées
térieure du talus. Cet effet ténodèse bloque la du genou. Le mécanisme reste discuté mais
sous-talienne en varus provoquant une supination l’évolution pathologique pourrait résulter
exagérée du pied avec une contraction retardée d’une cicatrisation fibroscléreuse des franges
du quadriceps à l’impact talonnier et un décalage synoviales hypertrophiques, sièges de rema-
de la séquence supination–pronation qui vont niements initiaux inflammatoires et hémorra-
modifier la dynamique patellaire. Cet «  hallux giques. La perte de plasticité du tissu scléreux
limitus fonctionnel » est démasqué lors du FHL et ses adhérences en expliqueraient la pérennité
stretch test qui montre l’absence de flexion passive symptomatique ;
du premier orteil, la cheville étant maintenue en • la pathologie extrinsèque qui correspond à
flexion maximale. Le blocage du tendon peut être la présence ou à l’extension dans le paquet
levé par la manipulation en décoaptation de la adipeux de différentes affections  : expansions
sous-talienne, voire par la libération chirurgicale de kystes synoviaux ou méniscaux, processus
du tendon dans les formes chroniques rebelles. tumoraux de type synovite villonodulaire ou
hémangiome, synovite rhumatismale, etc.

Diagnostics différentiels
des syndromes fémoropatellaires Conflit trochléotendineux
antérolatéral
De nombreuses affections du genou s’expriment Son identification est plus récente et repose essen-
en partie par des douleurs antérieures méca- tiellement sur un aspect typique, mais parfois
niques, isolées ou non, simulant une souffrance asymptomatique, en IRM qui montre un hypersi-
patellaire. C’est dire l’importance d’un examen gnal T2 à la limite supérieure du paquet adipeux,
exhaustif du genou à la recherche de signes entre la face profonde de l’attache du ligament
cliniques significatifs habituellement absents dans patellaire et le bord antérieur de la jonction
les syndromes patellaires  : hydarthrose, douleurs trochléocondylienne latérale (figure  6.40). Ce
réveillées à l’extension passive brutale, aux tests de conflit se traduit par un syndrome douloureux
coincement fémorotibiaux, etc. C’est souligner essentiellement dynamique à la course ou à la
aussi l’intérêt incontournable de l’IRM dans le marche avec des sensations de lâchages à la récep-
diagnostic étiologique des douleurs antérieures tion au sol. Il est probable que cette image corres-
du genou. ponde au syndrome clinique anciennement décrit
sous le terme de syndrome de l’engagement car
Pathologie du Hoffa on retrouve souvent un test d’engagement positif
La pathologie du paquet adipeux infrapatellaire et pratiquement toujours une patella alta dont la
est rare. Elle se manifeste par des douleurs conséquence habituelle est une désaxation latérale
Chapitre 6. Genou 199

Figure 6.40. Conflit trochléotendineux antérolatéral.


IRM en séquence T2 montrant un hypersignal franc supérolatéral du tissu adipeux de Hoffa avec rotule haute.

de l’appareil extenseur en extension du genou.


La synovite locale peut être aussi la conséquence
3. Pathologie tendineuse
d’un conflit sur une trochlée saillante isolée, du genou
sans signe d’engagement clinique positif mais
avec parfois une lésion associée de l’insertion du Y. Catonné, D. Petrover, J.-L. Brasseur
tendon patellaire. Si l’injection locale de corti-
coïdes améliore souvent, mais temporairement la
douleur, la prise en charge rejoint celle, complexe, Les tendinopathies du genou sont fréquentes
des dysmorphies fémoropatellaires avec instabilité chez le sportif, en particulier celles qui concernent
potentielle. l’appareil extenseur  : tendon patellaire et qua-
dricipital. Elles représentent la deuxième cause
Lésion antérieure du ménisque latéral de consultation pour douleurs du genou chez le
coureur à pied, après les syndromes rotuliens. La
Il s’agit généralement d’une fissure horizontale fréquence des tendinopathies du genou par ordre
d’apparition progressive dont l’expression clinique décroissant est la suivante selon leur siège  : ten-
est souvent déconcertante  : douleur antérieure don patellaire, quadricipital, semi-membraneux,
vague, volontiers intermittente et longtemps assez patte d’oie, poplité.
bien tolérée, sans troubles mécaniques. L’examen
retrouve une hydarthrose souvent discrète et des
signes de coincement fémorotibial douloureux Tendinopathies
plus nets lors de l’extension brutale du genou que
lors des différents tests dynamiques habituels de
de l’appareil extenseur
Cabot ou Mariani. Les kystes méniscaux fréquents
lors des fissures horizontales restent ici impal- Tendinopathies patellaires
pables en raison de leur développement antérieur,
Anatomie et épidémiologie
contrairement aux kystes extériorisés des lésions
du segment méniscal moyen. L’injection locale Le tendon patellaire est un tendon aplati d’environ
de corticoïdes est un test diagnostique utile et 7  mm d’épaisseur comportant deux parties  : un
entraîne souvent une rémission symptomatique plan profond tendu entre le 1/3 inférieur de la
durable. face antérieure et le bec de la rotule d’une part
200 Traumatologie en pratique sportive

et la tubérosité tibiale antérieure d’autre part  ; un profil vrai avec incidence fémoropatellaire à
un plan superficiel, ou expansion quadricipitale, 30° de flexion. Cet examen montre les structures
constitué de fibres superficielles du droit antérieur osseuses et les parties molles : présence éventuelle
complété par les expansions des vastes. La tendino- de calcifications intratendineuses ou au niveau
pathie patellaire résulte d’une hypersollicitation du des insertions du tendon, présence de séquelles
genou liée à des mouvements répétés de flexion et d’ostéochondrose, position de la rotule (haute,
d’extension du genou tels qu’on en rencontre lors basse, latéralisée ou strictement normale), épais-
des sauts (jumper’s knee). On la retrouve chez des seur du tendon. L’échographie est l’examen de
sportifs souvent jeunes, pratiquant le sport de façon choix, non pas pour le diagnostic qui est fait par
intense (jusqu’à 20 h d’entraînement par semaine). l’examen clinique, mais pour préciser la structure
Les sports le plus souvent en cause sont le volley- du tendon et guider le traitement (figure  6.41).
ball, le basket-ball, l’athlétisme (saut en hauteur et Elle est bilatérale et comparative. Elle montre un
longueur), la danse (classique ou contemporaine) aspect globalement hypo-échogène et épaissi avec
et, avec une fréquence moindre, le football et le souvent une perte de son aspect fibrillaire. Les
rugby. Parmi les facteurs intrinsèques favorisants, lésions peuvent être localisées ou diffuses, avec
le surpoids, la raideur musculaire du quadriceps parfois au stade chronique remaniement kystique.
et des ischiojambiers, l’insuffisance du quadriceps L’échographie précise l’aspect de l’enthèse : calci-
jouent un rôle certain. Parmi les facteurs extrin- fication, désinsertion partielle.
sèques, la qualité des revêtements, un changement L’IRM n’est pas pratiquée initialement (sauf
récent en qualité et/ou quantité de l’entraînement dans le milieu des sportifs professionnels qui ont
peuvent jouer un rôle. La localisation des lésions besoin d’un pronostic et d’un traitement rapides),
est dans la grande majorité des cas l’insertion elle est surtout utile dans les formes rebelles au
proximale du tendon, le corps du tendon et son traitement initial (figure 6.42). Elle est indispen-
insertion distale étant moins souvent atteintes. Les sable lorsque l’on envisage un traitement chirurgi-
séquelles des troubles de croissance siègent souvent cal. Dans les formes aiguës, on note un œdème du
au niveau de l’insertion distale du tendon (maladie péritendon (hypo-intense en T1, hyperintense en
d’Osgood-Schlatter), et plus rarement en proximal T2), le tendon lui-même pouvant rester normal.
(syndrome de Sinding-Larsen-Johansson). Dans les formes chroniques, on recherche un
épaississement localisé du tendon, des signes de
Clinique désinsertion partielle avec signal liquidien, un
éventuel œdème de la graisse de Hoffa.
Le diagnostic repose essentiellement sur l’examen
L’IRM permet parfois d’éliminer une affection
clinique, toujours bilatéral et comparatif : la dou-
sans atteinte du tendon  : chondrite de la pointe
leur siégeant sur le trajet du tendon est le signe
de rotule en rapport avec un syndrome d’engage­
essentiel. L’interrogatoire précise son stade selon
ment avec œdème de la partie inférieure de la
la classification de Blazina. Dans 90 % des cas, elle
rotule sans aucune anomalie du tendon, maladie
siège à la partie proximale du tendon, au niveau
de Hoffa, séquelle de Sinding-Larsen-Johansson,
de son insertion sur la rotule. La triade sympto-
chondropathie patellaire, atteinte intra-articulaire.
matique est recherchée  : contraction contrariée,
étirement et palpation du tendon déclenchant la
douleur. La douleur ressentie à la flexion unipo- Traitement
dale contrôlée constitue également un bon signe. Traitement conservateur
Une rétraction des ischiojambiers et du droit
Le traitement des tendinopathies patellaires est
antérieur est recherchée.
dans la grande majorité des cas conservateur.
Initialement, le repos sportif au moins relatif et la
Imagerie lutte contre les facteurs favorisants sont proposés :
L’imagerie consiste, lors d’un premier examen diminution de la quantité d’entraînement, sup-
surtout, en une radiographie standard de face et pression de certains gestes, modification de la
Chapitre 6. Genou 201

Figure 6.41. Enthésopathie proximale du tendon patellaire.


a. vue axiale. b. incidence sagittale avec doppler.

surface et du chaussage, hydratation adaptée. Les Après certaines expérimentations animales promet-
anti-inflammatoires peuvent être prescrits à la teuses, ce type de traitement est souvent utilisé, en
phase aiguë initiale mais sont souvent inefficaces. particulier chez les sportifs professionnels, sans que
La cryothérapie est souvent utile à ce même l’on ait pour l’instant établi la preuve scientifique
stade. La mésothérapie est proposée par certains. de son efficacité. Actuellement, il n’y a pas de
La kinésithérapie représente la base du traite- consensus sur le nombre d’injections et le pro-
ment conservateur actif  : Stanish et Steadman tocole les suivant, mais il semble qu’il n’y ait pas
ont proposé une rééducation à base d’étirements d’effets indésirables, en tout cas à court terme, de
suivis d’exercices de mise en charge avec des ce type de traitement.
vitesses croissantes et contrôlées. Ce protocole
de renforcement excentrique des tendinopathies Traitement chirurgical
rotuliennes comporte trois phases : Lorsque aucun traitement n’est efficace, on peut
• phase de début par échauffement avec exercices proposer un traitement chirurgical qui s’adresse
d’étirement du quadriceps et d’étirements et aux formes rebelles au traitement conservateur
exercices statiques en flexion ; chez des sportifs motivés. Dans les formes évoluées,
• phase principale par exercices de musculation il s’agit d’une chirurgie « à la carte » dépendant des
excentrique en flexion active contrôlée, l’ampli- lésions reconnues sur l’IRM et non pas unique-
tude et le nombre des flexions étant adaptés au ment d’un peignage systématique du tendon :
seuil de la douleur ; • excision de la synoviale en cas de synovite
• phase finale à nouveau d’étirements. prétendineuse ;
Dans les formes résistant au traitement initial • suppression d’un éventuel conflit représenté le
conservateur, on peut avoir recours à des traite- plus souvent par la pointe de la rotule ou plus
ments souvent efficaces tels que les ondes de choc rarement par le sommet de la tubérosité tibiale
ou le laser. L’infiltration peut être dangereuse et dans les séquelles d’Osgood-Schlatter ;
ne doit en aucun cas être intratendineuse. • peignage de la partie supérieure du tendon
Dans les tendinopathies rebelles, les injections permettant une ablation de calcifications éven-
intralésionnelles de sang autologue sont actuelle- tuelles ainsi que de nodules ou kystes ;
ment proposées sous différentes formes  : sérum • peignage de l’ensemble du corps du tendon  :
autologue conditionné, plasma riche en facteurs il n’est justifié qu’en cas de lésions visibles à
de croissance, plasma riche en plaquettes (PRP). l’IRM et dans les tendinopathies corporéales ;
202 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.42. Aspect en IRM d’une tendinopathie patellaire.


a. IRM en coupe sagittale pondérée en T2 avec saturation de la graisse : renflement proximal du tendon en hypersignal T2
témoignant d’un jumper’s knee avec habituelle fissure longitudinale sous la pointe de la patella (flèche). b. Tendinopathie
patellaire avec fragilisation du tendon : IRM vue sagittale. c. Tendinopathie patellaire avec fragilisation du tendon : IRM
vue axiale. L’IRM permet de localiser la lésion avant une éventuelle intervention.

• enthèse : elle est également traitée en fonction La rééducation postopératoire dépend du geste
des lésions  ; en cas de fragilisation de la zone pratiqué  : le travail en flexion est autorisé au 2e
d’insertion sans désinsertion vraie, un renforce- mois, le travail dynamique du quadriceps au 3e,
ment peut être proposé : plastie de glissement l’entraînement au 5e et la compétition au 6e.
de l’insertion ou de retournement du périoste
rotulien. En cas de fragilisation majeure, une Résultats
véritable « désinsertion–réinsertion » peut être Le traitement chirurgical donne des résultats très
proposée dans de rares cas. La chirurgie des bons et bons dans 80 % des cas, avec une reprise
tendinopathies peut être pratiquée à ciel ouvert du sport à un niveau identique dans 70  % des
ou pour certains par arthroscopie : celle-ci n’est cas, mais 6 % d’arrêt de carrière chez les profes-
pas indiquée en cas de rupture ou de prérupture sionnels. Le traitement arthroscopique proposé
où la chirurgie à ciel ouvert est préférable. depuis une dizaine d’années semble donner des
Chapitre 6. Genou 203

résultats identiques d’après des études récentes (le profonde, moyenne et superficielle  ; prétibiale.
traitement chirurgical à ciel ouvert restant préfé- Les bursites surviennent avec une certaine fré-
rable dans les cas de prérupture ou de fragilisation quence en zone prépatellaire (sous-aponévrotique
de l’enthèse). ou sous-cutanée) ou prétibiale mais également
parfois sous le tendon quadricipital.
Points clés : tendinopathie patellaire La bursite peut se traduire par une tuméfaction
fluctuante, indépendante de l’articulation, pou-
• Elle survient fréquemment chez le sportif, en particu- vant devenir inflammatoire et même évoluer vers
lier dans les sports de sauts (jumper’s knee). la calcification.
• L’atteinte est le plus souvent proximale au niveau de
Le traitement médical consiste en une ponc-
l’insertion patellaire.
• Le diagnostic est surtout clinique et repose sur la
tion–évacuation du liquide avec examen bactério-
triade symptomatique. logique, le traitement d’une éventuelle infection
• La radiographie standard est systématique, l’écho- et, si celle-ci est écartée, une ou plusieurs infil-
graphie importante pour confirmer le diagnostic et trations. L’exérèse chirurgicale suivie de compres-
suivre l’évolution. sion prépatellaire peut être nécessaire en cas de
• L’IRM est nécessaire dans les formes à diagnostic persistance ou de récidive.
incertain et dans les formes rebelles, surtout lorsqu’on
discute un traitement chirurgical.
• Le traitement est avant tout conservateur et repose
sur la rééducation selon Stanish, ainsi que sur d’autres
Ruptures du système
techniques. extenseur
• En cas d’échec, la chirurgie peut être indiquée : elle
doit être une «  chirurgie à la carte  » en fonction des Le système extenseur du genou peut être inter-
lésions anatomiques et non un peignage systématique. rompu à différents niveaux  : soit en transtendi-
neux par une rupture du tendon quadricipital ou
du tendon patellaire, soit en transosseux par une
Tendinopathies du quadriceps fracture de la patella ou de la tubérosité tibiale
antérieure (chez l’adolescent). La rupture du ten-
Beaucoup moins fréquentes que les tendino­ don patellaire, sans être fréquente, se rencontre
pathies patellaires, elles se retrouvent parfois chez plus souvent chez le jeune sportif, contrairement
le sportif (volley, gymnastique, haltérophilie) mais à la rupture du tendon quadricipital, plus rare sur
sont souvent associées à une pathologie médicale ce terrain et plutôt retrouvée chez des patients
(rhumatismes inflammatoires, usage de statines) plus âgés, parfois dans un contexte rhumatismal
en dehors de tout contexte sportif. L’examen ou médicamenteux.
clinique et l’imagerie donnent des signes proches
des tendinopathies patellaires et le traitement
est comparable lorsqu’elles surviennent dans un Ruptures du tendon patellaire
contexte sportif.
Physiopathologie
La rupture survient surtout chez des sujets mascu-
Bursites ou hygromas du genou lins de moins de 40 ans, souvent dans un contexte
sportif. Le mécanisme typique est représenté par
Ces affections n’ont rien de spécifique chez le une contraction violente excentrique du quadri-
sportif. On peut les rencontrer au cours de sports ceps survenant sur un genou fléchi, tel qu’on peut
entraînant des frottements prolongés au niveau de le rencontrer après une réception de saut ou une
la face antérieure des genoux (voile) ou des chocs chute. Il peut également plus rarement être direct,
itératifs (sports de combat au sol). secondaire à un choc sur le tendon survenant à
Il existe cinq bourses séreuses à la face antérieure 90° de flexion. Expérimentalement, la rupture
du genou  : sous-quadricipitale  ; prépatellaire nécessite une charge importante, équivalente à
204 Traumatologie en pratique sportive

17 fois le poids du corps. Elle survient parfois sur


un tendon fragilisé par une tendinopathie évoluée
(elle représente alors le stade 4 de Blazina) ou une
maladie rhumatismale. Anatomiquement, la lésion
siège le plus souvent à la partie haute du tendon
réalisant parfois une véritable avulsion, parfois à sa
partie moyenne (rupture en Z, transversale ou cli-
vage frontal), plus rarement à sa partie basse. Les
ailerons rotuliens sont presque toujours rompus.

Clinique
Le diagnostic doit être fait par l’examen clinique :
présence d’une dépression bien visible sous la patella
(figure  6.43), rotule ascensionnée par rapport au
côté opposé et surtout impossibilité d’étendre Figure 6.43. Aspect clinique d’une rupture du tendon
activement le genou. Lorsque les ailerons rotuliens patellaire.
ne sont pas rompus, le diagnostic peut être plus
difficile car il peut persister exceptionnellement et souvent en une échographie qui confirme le
une extension active (toujours limitée par rapport diagnostic et précise le siège de la rupture.
au côté sain). L’IRM n’est pas nécessaire dans les formes
vues tôt et cliniquement évidentes. Elle se justifie
Imagerie par contre lorsqu’on suspecte une lésion associée
Elle consiste dans tous les cas en une radiogra- du LCA et dans les formes vues tardivement
phie standard qui doit être bilatérale, de façon à (figure 6.44). Son intérêt essentiel est de recher-
apprécier comparativement la hauteur de la rotule cher une lésion associée.

Figure 6.44. Imagerie d’une rupture du tendon patellaire vue à distance du traumatisme.
a. Radiographie de profil montrant une importante ascension de la patella. b. IRM signalant la désinsertion complète
au niveau de la tubérosité tibiale antérieure.
Chapitre 6. Genou 205

Traitement principes qu’en cas de rupture récente, mais il


Le traitement des ruptures complètes du tendon faut souvent y ajouter, s’il existe une zone de fra-
patellaire est toujours chirurgical. De nombreuses gilisation du tendon, une plastie de renforcement
techniques ont été décrites. Quelle que soit la utilisant un greffon local  : aponévrose du triceps
technique choisie, la chirurgie doit être pratiquée ou tendon de la patte d’oie (semi-tendinosus ou
selon les principes suivants : gracilis), voire utiliser une allogreffe.
• réaliser un cadrage transosseux de façon à fixer Les soins postopératoires après chirurgie des rup-
la hauteur de rotule et à permettre une flexion tures du tendon patellaire récentes ou anciennes
précoce afin d’éviter les adhérences et la raideur répondent à certains principes : attelle non articulée
postopératoire. Un cadrage utilisant un gros fil en extension avec appui complet, mobilisation pré-
non résorbable paraît préférable à un fil métal- coce du genou avec limite de flexion fixée par le chi-
lique trop rigide ; rurgien en fonction des constatations peropératoires.
• suturer le tendon selon les principes habituels Le retour au sport après intervention est dans la
de la chirurgie tendineuse  : laçage direct à la majorité des cas possible après intervention mais dans
partie moyenne, suture par tunnels transosseux un délai assez long : footing à 4 mois mais reprise de
aux extrémités avec réinsertion dans une tranchée compétition en moyenne à 10 mois.
osseuse (figure 6.45). Certains utilisent des ancres Points clés : ruptures du tendon patellaire
pour cette réinsertion ;
• toujours suturer les ailerons rotuliens. • Elles sont secondaires à une contraction violente du
Dans les ruptures anciennes, le diagnostic cli- quadriceps, plus rarement après choc direct.
• Le diagnostic est clinique  : ascension de la patella,
nique est plus difficile en raison d’une cicatrisation
extension active impossible.
partielle permettant un certain degré d’extension • L’imagerie comporte toujours une radiographie stan-
active. L’échographie et l’IRM sont alors très utiles dard (montrant une ascension de la patella), parfois une
avant l’intervention qui est toujours indiquée. La échographie.
rotule est parfois fixée en position haute et il faut • L’IRM est utile dans le cadre d’un bilan préopératoire
alors après avoir isolé les extrémités du tendon et dans les formes vues tardivement.
réaliser une libération basse de la rotule et du qua- • Le traitement est toujours chirurgical et consiste
driceps qui adhèrent souvent au fémur. Le cadrage en une réinsertion ou une suture du tendon patellaire
transpatellaire et la suture répondent aux mêmes protégée par un cadrage.

Figure 6.45. Traitement chirurgical d’une rupture proximale récente du tendon patellaire chez un footballeur
professionnel.
a. Vue opératoire d’une rupture récente du tendon patellaire. b. Aspect après réinsertion par suture dans les tunnels
transosseux et cadrage (gros fil).
206 Traumatologie en pratique sportive

Ruptures du tendon quadricipital sion active est mineure (< 10°) voire inexistant.
La radiographie standard retrouve une rotule
Elles surviennent dans la grande majorité des cas basse ou basculée, une hémarthrose et recherche
après 40 ans et souvent dans un contexte particu- des calcifications. L’échographie confirme le diag-
lier de pathologie associée (diabète, insuffisance nostic et l’IRM est surtout utile dans les formes
rénale, maladies systémiques, dyslipidémie) ou vues tardivement.
après un traitement médical (corticothérapie En cas de rupture partielle, souvent chez des
ou stéroïdes anabolisants) et peuvent être dans ce sujets âgés, si le déficit de l’extension active est
cas bilatérales et survenir après un traumatisme mineur, un traitement fonctionnel peut être pro-
mineur. Elles peuvent également (bien que plus posé. En cas de déficit d’extension active impor-
rarement) se rencontrer chez le sujet plus jeune tant (> 10°) ou complet, le traitement doit être
et sportif. Le mécanisme est en règle une contrac- chirurgical (seuls certains sujets âgés présentant
tion violente du quadriceps, le genou étant fléchi. des pathologies graves peuvent faire discuter une
Un mécanisme direct est également possible. Il simple immobilisation). En présence d’une rup-
peut s’agir d’une rupture transtendineuse (60 %), ture en plein corps, une suture directe est possible
mais parfois également d’un décalottement quadi- par points en U ou en X associée à une suture des
cipital (figure 6.46), emportant surtout le périoste ailerons. Un cadrage rotulien au fil non résor-
prépatellaire et l’insertion du quadriceps (sur- bable est souvent possible pour protéger la suture.
tout chez le jeune), plus rarement d’une rup- Il est également pratiqué en cas de désinsertion, le
ture à la jonction musculotendineuse. L’examen moignon distal étant réinseré au pôle supérieur de
retrouve une perte d’extension active du genou. la rotule après réalisation d’une tranchée et de tun-
Un gonflement survient tôt et lorsque le patient nels transosseux ou en cas d’utilisation d’ancres.
est vu tardivement le diagnostic est plus difficile En cas de lésion ancienne, une perte de subs-
d’autant qu’un tissu cicatriciel survient rapide- tance peut être présente ainsi que des adhérences
ment. Contrairement au tendon patellaire, il est du moignon distal. Il faut pratiquer une libération
possible de rencontrer une rupture partielle du basse du quadriceps et une plastie de renforce-
tendon quadricipital, souvent centrale et sur le ment utilisant les ischiojambiers, le tendon rotu-
feuillet tendineux superficiel. Le déficit d’exten- lien ou l’aponévrose du triceps sural.

Figure 6.46. Décalottement du quadriceps.


a. Radiographie de profil préopératoire. b. Aspect peropératoire.
Chapitre 6. Genou 207

Les soins postopératoires consistent en une


attelle de genou pendant 6 semaines. Un appui
soulagé est autorisé et une rééducation précoce est
pratiquée en suivant les indications du chirurgien
pour le secteur de mobilité autorisé, variable selon
les constatations opératoires. L’attelle est rem-
placée à 6 semaines par une orthèse articulée, le
but étant d’obtenir 110° à 3 mois postopératoires.
Une récupération fonctionnelle peut être obtenue
dans la plupart des cas, en général complète pour
la mobilité avec cependant un déficit de force mus-
culaire fréquent.

Tendinopathies distales
des ischiojambiers
et de la patte d’oie
Les tendinopathies distales des ischiojambiers Figure 6.47. Schéma de l’insertion distale du semi-
représentent environ 10 à 15 % de l’ensemble des membraneux.
Source : Carole Fumat.
tendinopathies du genou. Elles peuvent concerner
le semi-membraneux, le semi-tendineux (tendino- est globalement plus fréquente mais surtout dans
pathie étudiée avec l’ensemble de la patte d’oie) un contexte rhumatismal, parfois en association à
ou le biceps fémoral. une gonarthrose fémorotibiale interne.

Tendinopathies Clinique
du semi-membraneux Cliniquement, le diagnostic est souvent facile  : en
(semi-membranosus) décubitus ventral, genou à 110° de flexion, la dou-
leur est provoquée à la palpation directe du tendon,
Anatomie et physiopathologie augmentée au test d’étirement (genou en extension,
Le tendon distal du semi-membraneux se divise rotation externe passive) et au test de contrac-
en cinq faisceaux (figure 6.47) : un tendon direct tion  contrariée en flexion active du genou, jambe
attaché à la partie postérieure de la tubérosité en rotation interne (figure 6.48). Un facteur favori-
interne  ; un tendon réfléchi qui passe dans un sant (genu recurvatum) est toujours recherché.
tunnel ostéofibreux formé par la gaine du tendon
Imagerie
renforcé par le LCM ; un tendon récurrent consti-
tuant le ligament poplité oblique attaché à la coque L’échographie est l’examen majeur pour confirmer
condylienne postérolatérale  ; un renforcement le diagnostic en particulier pour le diagnostic de ten-
recouvrant le muscle poplité et un faisceau incons- dinopathie du tendon réfléchi qui peut passer ina-
tant s’insérant sur la tête fibulaire. Chez le sportif, perçue à l’IRM. Pour les tendinopathies du tendon
l’atteinte du tendon commun et celle du tendon commun ou direct, l’échographie montre parfois un
direct sont les plus fréquentes. Il peut s’agir de tendon épaissi, en hypersignal et hypo-échogène par
ténosynovites ou d’enthésopathies, liées à des rapport au côté sain, avec fréquemment une bursite.
phénomènes de traction et frottement, souvent L’IRM est en fait surtout utile au diagnostic diffé-
favorisées par un genu recurvatum et survenant rentiel pour éliminer une affection intra- ou extra-
volontiers au cours de la marche de longue durée articulaire : lésion du ménisque interne, nécrose du
ou la course de fond. L’atteinte du tendon réfléchi condyle interne, semi-membraneux accessoire.
208 Traumatologie en pratique sportive

tion de l’insertion des tendons et au test d’étire­


ment provoqué par la mise en rotation externe
de la jambe, le genou étant légèrement fléchi. En
fait, la douleur survenant dans cette zone, relative-
ment fréquente chez la femme de la cinquantaine,
est le plus souvent liée à une cellulite sous-cutanée,
en dehors de tout contexte sportif, qui n’est pas à
proprement parler une tendinopathie.
L’échographie représente l’élément essentiel de
l’imagerie, radiographie et IRM étant surtout utiles
pour éliminer un autre diagnostic  : gonarthrose
médiale, méniscose ou kyste méniscal médial.
Le traitement est surtout médical et conser-
Figure 6.48. Tendinopathie du demi-membraneux : vateur  : réglage du pédalier et des cale-pieds
examen clinique. (Henri Judet, ancien médecin du Tour de France,
Douleur sur le tendon commun du semi-membraneux convoquait le cycliste… avec son vélo), repos
lors de la flexion active contrariée du genou.
sportif relatif, infiltration d’une bursite sous écho-
graphie, travail de rééducation en excentrique,
mésothérapie. Le traitement chirurgical de ce type
Traitement de lésion est exceptionnel.
Le traitement médical conservateur permet une
guérison dans la majorité des cas : mise au repos
sportif, anti-inflammatoires non stéroïdiens en cas Tendinopathies du biceps
de ténosynovite ou de bursite, physiothérapie, fémoral (biceps femoris)
parfois ondes de choc. Une rééducation selon la
méthode de Stanish est souvent prescrite. Ce tendon provient de deux chefs  : le long bi­
Le traitement chirurgical est très rarement néces- ceps issu de la tubérosité ischiatique et le court
saire dans les tendinopathies sans rupture : excision biceps inséré sur la ligne âpre, le septum inter-
d’une bursite, section ou excision du tendon réflé- musculaire et le long biceps. Son tendon distal
chi, rarement peignage du tendon commun. s’insère à la partie postérieure de la tête fibulaire,
accessoirement à sa partie antérieure et sur le tibia
Tendinopathies de la patte d’oie (figure  6.49). Le biceps a un rôle fléchisseur et
rotateur externe, important dans le football pour
La patte d’oie est constituée de trois tendons (sar- le shoot du plat du pied.
torius, semi-tendinosus et gracile) et d’une bourse La tendinopathie du biceps est située sur l’inser-
séreuse qui, d’après Hennigan, comporterait une tion fibulaire ou en plein corps du tendon. On la
poche superficielle entre semi-membraneux et rencontre en particulier chez le cycliste, notam-
LCM et une poche profonde entre semi-mem- ment après mauvais réglage des cale-pieds.
braneux et condyle médial. Une hypersollicita- La morphologie en varus est un facteur prédis-
tion en rotation interne active contre résistance posant à ce type de tendinopathie.
a été invoquée en particulier chez le cycliste. Le diagnostic est souvent clinique  : douleur
Un mauvais réglage des cale-pieds peut être un fac- sur la partie distale du tendon, augmentée au test
teur déclenchant, en particulier lorsque le pied et d’étirement (genou étendu, hanche fléchie, jambe
fixé en rotation externe trop importante ou lorsque en rotation interne) et de contraction contrariée
le pied est trop en supination. En dehors du (jambe en rotation externe active).
cyclisme, les sports à l’origine de ces tendinopathies L’échographie est l’examen essentiel à réaliser :
sont l’athlétisme (saut de haies, sprint) et le tennis. il peut montrer une enthésopathie hypo-échogène
Cliniquement, on retrouve une douleur à la palpa- du tendon direct s’insérant à la partie postérieure
Chapitre 6. Genou 209

Figure 6.49. Insertion du faisceau profond du tendon distal du biceps fémoral.


Insertion normale (Type 0) et anomalies d’insertion (Types 1,2 et 3). a. type 0 : insertion normale. Bras fibulaire postérieur
prédominant. Bras tibial accessoire. b. type 1 : bras fibulaire antérieur prédominant. Bras tibial accessoire. c. type 2 : bras
tibial prédominant. Bras fibulaire accessoire. d. type 3 : bras tibial unique. Bras fibulaire absent. Les types 1,2 et 3 peuvent
être à l’origine d’un ressaut.
Source : Carole Fumat.

de la tête de la fibula, parfois une lésion de la la fabella est aisément palpable en postérolatéral,
jonction myotendineuse, rarement des calcifica- entraînant parfois une douleur importante. Dans le
tions. Une lésion siégeant sur l’insertion du gas- cadre des tendinopathies, des pressions répétées de
trocnémien latéral peut lui être associée. la fabella contre la face postérieure du condyle peu-
Le traitement médical comporte : repos sportif, vent entraîner un conflit douloureux à ce niveau.
physiothérapie, semelles corrigeant un éventuel L’échographie montre une hypo-échogénicité du
varus, rééducation avec travail excentrique. tendon avec parfois hypervascularisation au Dop-
pler. Une infiltration échoguidée est souvent très
efficace. L’ablation de la fabella est pratiquée en cas
Pathologie de la fabella d’échec du traitement conservateur.
La fabella est un os sésamoïde inconstant du mus-
cle gastrocnémien latéral, présent dans 10 à 20  %
des genoux (figure  6.47). Sa pathologie, souvent Ruptures tendineuses
méconnue, peut évoquer celle d’un autre sésamoïde distales des ischiojambiers
beaucoup plus volumineux, la rotule  : fracture,
tendinopathie, chondromalacie, nécrose avec frag- Les lésions musculaires des tendons ischiojam-
mentation peuvent être observées. Cliniquement, biers sont très fréquentes en pratique sportive.
210 Traumatologie en pratique sportive

Dans la grande majorité des cas, il s’agit de lésions de l’os. Le mécanisme est une hyperextension du
siégeant en plein corps musculaire, secondaires à genou, hanche en flexion et rotation externe de
un étirement brutal. Beaucoup plus rarement, il jambe.
s’agit de ruptures proximales ou distales dans la L’examen clinique retrouve rarement une inter-
portion tendineuse de ces muscles. Les ruptures ruption du tendon à la palpation, plus souvent un
basses des ischiojambiers sont beaucoup plus empâtement de la région. L’échographie et l’IRM
rares que les ruptures de l’appareil extenseur du montrent la rupture et en précisent le siège exact.
genou. Par ordre de fréquence décroissante, selon Elles permettent de retrouver parfois une tendi-
Lempainen, le biceps fémoral semble le plus sou- nopathie préexistante et d’écarter des diagnostics
vent atteint, suivi par le semi-membraneux et le rares tels qu’un semi-membraneux accessoire. Des
semi-tendineux. Les muscles ischiojambiers sont ruptures partielles existent, secondaires à une
bi-articulaires (à l’exception de la courte portion entorse du plan médial, et entraînant à l’échogra-
du biceps) et jouent un rôle dans la flexion du phie un hypersignal sur le tendon.
genou et l’extension de hanche. Leur plus grand Le traitement est chirurgical en cas de rupture
degré d’étirement est obtenu lorsque la hanche complète (figure 6.50). Un traitement conserva-
est fléchie et le genou tendu, en particulier lors du teur peut se discuter en cas de rupture incom-
shoot chez le footballeur, ou lors de la course chez plète, en particulier au niveau de la jonction
les sprinters. Une position en valgus relatif du musculotendineuse.
segment jambier va étirer préférentiellement les
ischiojambiers internes ; en varus, c’est le biceps Ruptures du semi-tendineux
fémoral qui sera sollicité. distal
Elles sont exceptionnelles isolément. Reconnues
Ruptures du semi-membraneux par l’IRM, elles peuvent bénéficier d’un traite-
distal ment conservateur, car on connaît l’absence de
conséquences fonctionnelles du prélèvement du
La terminaison du semi-membraneux est complexe gracilis et du demi-tendinosus (DIDT) au cours
(figure  6.47). Les ruptures peuvent survenir au des plasties ligamentaires. Certaines séquelles
niveau du tendon commun (plus souvent à la douloureuses au niveau de la zone de cicatrisation
jonction myotendineuse) ou du tendon direct, ont cependant été décrites et ont nécessité une
parfois sous forme d’avulsion du tendon au ras ablation secondaire du tendon.

Figure 6.50. Rupture du faisceau commun du semi-membraneux distal chez un footballeur professionnel.
a. Aspect peropératoire. b. Aspect après suture du tendon.
Chapitre 6. Genou 211

Ruptures isolées du biceps dont l’insertion d’origine est distale et le tendon


fémoral distal terminal proximal. Il s’insère au niveau de la région
postérosupérieure du tibia et s’étend obliquement
Les ruptures du tendon distal du biceps fémoral en haut, en dehors et en avant vers la fossette
se rencontrent assez fréquemment au cours des ovoïde du condyle externe (figure 6.47) et acces-
entorses graves du plan latéral avec rupture du soirement vers la coque condylienne latérale et la
LCL et sont souvent associées à une lésion des corne postérieure du ménisque externe. Son ten-
ligaments croisés, mais elles sont rarement iso- don terminal est intracapsulaire et intrasynovial. Il
lées. Elles résultent d’un traumatisme en rotation est rotateur interne, fléchisseur et joue un rôle dans
médiale, alors que le biceps est contracté. Parmi le déroulement de la foulée  : lors de la phase de
les sports en cause, le football joue un rôle propulsion, il est le starter de la flexion du genou et
important, en particulier après une frappe dans entraîne une rotation interne de jambe ; lors de la
le vide associant une hyperflexion de hanche et phase de suspension, il s’oppose aux mouvements
une hyperextension du genou, parfois après une de valgus–rotation externe de la jambe.
frappe contrée par le joueur adverse alors que la
jambe est en extension. Ce type de rupture a déjà
été décrit également lors de la prise d’appui avant Tendinopathies du poplité
un smash au volley-ball ou après une chute au
On les rencontre surtout chez les coureurs à pied ;
patinage artistique.
elles sont favorisées par la course en descente et le
Cliniquement, le diagnostic, parfois aisé en cas
morphotype en rotation externe de jambe et en
de disparition du relief du tendon bicipital, doit
recurvatum. Le diagnostic est suspecté lorsque,
être évoqué devant un hématome associé à une
chez un patient présentant une douleur postéro-
douleur postérieure sur la portion terminale du
externe du genou, un ou plusieurs des signes
tendon, augmentée en rotation axiale interne
suivants sont présents :
du genou. Il est important de rechercher une
• douleur provoquée à la palpation du tendon
lésion du PAPL et du LCL avant d’affirmer
terminal situé à la base d’un triangle limité en
le caractère isolé de la rupture. L’échographie
avant par le bord postérieur de la bandelette
confirme le diagnostic de rupture. L’IRM est utile
iliotibiale, en arrière par le tendon distal du
pour préciser le type de la rupture (complète ou
biceps fémoral ;
non), son siège (avulsion, lésion transtendineuse
• test de contraction contrariée  : le sujet étant
ou siégeant à la jonction musculotendineuse), et
pied au sol, genou fléchi à 60°, une force en
orienter le traitement.
valgus–rotation externe est imprimée au tibia,
Le traitement est résolument chirurgical chez
entraînant une douleur ;
le sportif de compétition. Le traitement conserva-
• test d’étirement (dit test du tabouret) recherché
teur peut être discuté lorsqu’il s’agit de ruptures
en plaçant le pied du patient sur un tabouret, la
incomplètes, en particulier lorsqu’elles siègent
jambe étant mise par l’examinateur en rotation
à la jonction musculotendineuse. L’intervention
externe et varus.
est suivie d’une période d’immobilisation à 30°
La radiographie standard est le plus souvent
de flexion pendant 4 à 6 semaines puis de réédu-
normale, la tendinopathie calcifiante étant très
cation.
rare. L’échographie montre souvent un épaississe-
ment hypo-échogène du tendon terminal. L’IRM
peut confirmer le diagnostic en cas de doute.
Tendinopathies et ruptures Le diagnostic n’est parfois fait que lors d’une
du poplité arthroscopie réalisée devant une douleur latérale
du genou.
Le poplité est un muscle original  : seul muscle Le traitement des tendinopathies du poplité
mono-articulaire du genou, il est également le seul est avant tout médical  : repos sportif, strapping,
212 Traumatologie en pratique sportive

correction d’une anomalie plantaire, MTP. La diagnostic lorsqu’il demeure incertain. Le traite­
rééducation repose sur le travail excentrique du ment consiste pour la majorité des auteurs en une
poplité. La libération arthroscopique du tendon réinsertion chirurgicale du tendon sur le condyle
peut être proposée dans les rares cas de tendino- fémoral, mais plusieurs articles récents ont fait
pathie calcifiante. état de bons résultats après traitement conser-
vateur lorsque la rupture est strictement isolée,
même chez des footballeurs professionnels, avec
Ruptures isolées du poplité une reprise sportive 4 à 8 semaines après le
traumatisme.
Les ruptures du poplité surviennent le plus sou-
vent au cours d’entorses du plan latéral, en asso-
ciation à une rupture du LCL et des ligaments
croisés. Beaucoup plus rarement, elles peuvent Conflits et ressauts
également survenir isolément. du genou
Le mécanisme retrouvé le plus souvent est un
traumatisme en rotation externe forcée de jambe Pour qu’il y ait conflit, il faut être au moins deux !
tel qu’on peut en rencontrer lors de tacles dans Un conflit, le plus souvent entre une structure
la pratique du football. Ces ruptures peuvent osseuse et les parties molles, peut se produire à
être intra- ou extra-articulaires et consister soit de nombreux niveaux  : épaule, coude, poignet,
en une avulsion de l’insertion fémorale enlevant main, hanche ou cheville. Il est particulièrement
parfois un fragment osseux, soit en une rupture fréquent au niveau du genou.
au niveau de la jonction musculotendineuse. Le Lors de certains mouvements en flexion du
diagnostic doit être évoqué devant une douleur genou peut se produire un frottement (ou fric-
postérolatérale du genou souvent avec hémar- tion) entre une structure osseuse et les parties
throse, survenant après traumatisme sur un molles (tendon ou aponévrose) entraînant soit un
genou stable à l’examen clinique. Il repose sur conflit douloureux lors de certaines activités, soit
l’IRM qui montre parfois la désinsertion du un ressaut visible et parfois audible et palpable.
tendon avec un contour irrégulier au niveau Les principaux conflits du genou sont résumés
du hiatus et un hypersignal dans le muscle poplité dans le tableau 6.1. Le syndrome de la bandelette
(figure  6.51). L’arthroscopie peut confirmer le iliotibiale représente la cause la plus fréquente de
douleurs latérales du genou chez le sportif.

Syndrome de friction
de la bandelette iliotibiale
Physiopathologie
Le syndrome de la bandelette iliotibiale (iliotibial
band friction syndrome), encore appelé syndrome
de l’essuie-glace, est secondaire à un conflit entre
la bandelette iliotibiale et le condyle fémoral
latéral. Décrit initialement par Rennes en 1975, il
survient après des flexions répétées autour de 30°
et est fréquent chez les coureurs à pied. Anato-
Figure 6.51. Rupture complète et isolée du tendon miquement, la bandelette iliotibiale est une lame
poplité chez un footballeur international.
IRM T2 FAT-SAT frontale. Solution de continuité du tendon
aponévrotique tendue entre le bassin et le tibia.
poplité en regard de segment moyen du menisque latéral Elle se divise distalement en trois composantes  :
signant la rupture. un tractus iliopatellaire s’insérant sur le bord
Chapitre 6. Genou 213

Tableau 6.1. Causes des ressauts et conflits du genou.


Structure osseuse Parties molles Ressaut ou friction Mouvement causal Facteur causal Sports les plus
ou favorisant concernés
Syndrome de la bandelette iliotibiale
Condyle fémoral latéral Bandelette iliotibiale Friction Flexion 30° GVR Course à pied
Ressaut ou friction du biceps fémoral
Tête de la fibula Tendon biceps fémoral Ressaut ou friction Flexion 110° Insertion anormale Cyclisme
du tendon
Ressaut de la patte d’oie
Condyle médial Semi-tendinosus Ressaut Flexion
Gracilis
Ressaut poplité
Condyle latéral Tendon poplité Ressaut Flexion Excroissance
Condyle lateral

externe de la rotule, un tractus iliotibial attaché L’examen clinique recherche un morphotype


au tubercule de Gerdy et un récessus synovial favorisant  : genu varum, supination du pied,
externe et antérieur lié à la capsule articulaire. Ce hyperrotation interne tibiale. Le siège du point
dernier peut glisser sur le condyle latéral lors de la douloureux est recherché sur le condyle latéral
flexion du genou, aux alentours de 30° et entraî- et la pratique de trois tests permet de sensibiliser
ner en cas de répétition du mouvement un syn- cette recherche :
drome de friction lié au frottement. Celui-ci est • le test de Renne cherche à provoquer la dou-
favorisé par un genu varum ou une saillie exces- leur habituelle  : patient en appui monopodal
sive du condyle. Il survient assez fréquemment du côté douloureux avec genou fléchi vers
chez les sportifs pratiquant la course à pied, mais 30°, éventuellement en lui faisant pratiquer des
on le retrouve parfois également chez les cyclistes oscillations verticales autour de cette position
ou les footballeurs. Certains auteurs insistent sur (figure 6.52a) ;
l’existence d’une faiblesse des muscles abducteurs • le test de Noble recherche une douleur à la
de hanche mais il n’existe pas de consensus sur pression du condyle chez le patient en décu-
ce point. bitus dorsal. Le passage de la flexion à 90°
à l’extension passive progressive entraîne une
douleur aux alentours de 30° (figure 6.52b) ;
Clinique • le test d’Ober cherche à mettre en évidence une
contracture de la bandelette iliotibiale : le sujet
Le diagnostic est surtout clinique et est le plus
étant en décubitus latéral, l’examinateur amène
souvent établi dès l’interrogatoire  : la douleur
la cuisse (genou fléchi à 90°) en abduction
siège sur la partie latérale du condyle et apparaît
maximale puis en extension complète. Le test
après un certain kilométrage variant selon les
est positif si dans cette position le membre
cas. Celui-ci peut diminuer progressivement en
inférieur ne peut être mis en adduction.
cours d’évolution et la douleur peut apparaître
plus précocement et entraîner une gêne dans la
Imagerie
vie courante. Elle disparaît plus ou moins rapide­
ment après l’effort sportif (de quelques heures à L’imagerie consiste initialement en des radiogra-
48  h). On note parfois un facteur favorisant sa phies standard recherchant une saillie excessive
survenue  : changement de type ou d’intensité du condyle et parfois une échographie qui n’est
d’entraînement, de chaussures, de matériel, course souvent pratiquée qu’en cas de persistance des
sur terrain dur. douleurs ( vidéo 6.5). Cet examen, qui peut être
214 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.52. Tests cliniques pour la recherche d’un syndrome de la bandelette iliotibiale.
a. Test de Noble. b. Test de Renne.

pratiqué après une course provoquant la douleur, Traitement


retrouve parfois une zone hypo-échogène entre Le traitement conservateur est toujours préféré et
le condyle et la bandelette, plus rarement une consiste en un premier temps en une mise au repos
pseudo-bursite. L’IRM (figure 6.53) est surtout sportif relatif (diminution de la quantité d’entraîne­
utile pour écarter un autre diagnostic (lésion ment) et en des modifications d’éventuels facteurs
méniscale, chondropathie fémorotibiale externe prédisposants  : semelles orthopédiques corrigeant
ou patellaire) et guider le traitement en cas un défaut de l’arrière-pied, chaussures adaptées,
d’échec du traitement initial. changement de surface de course.
Le traitement de la douleur comporte une cryo-
thérapie, des AINS en cas de signes d’inflammation
et avec des résultats inconstants. Le traitement
rééducatif utilise des techniques d’assouplissement
du fascia lata, parfois des MTP. En cas de persis-
tance des douleurs, une infiltration, de préférence
échoguidée, est souvent efficace.
Dans la grande majorité des cas, le traitement
conservateur permet au patient de reprendre ses
activités sportives.
Le traitement chirurgical est rarement indiqué
(de 1 à 5 % selon les publications). Il est réalisé en
cas d’échec du traitement conservateur, lorsque
le sportif souhaite continuer son activité sportive.
Diverses techniques ont été proposées. La téno-
tomie distale totale de la bandelette iliotibiale
Figure 6.53. IRM en cas de syndrome de la bandelette
iliotibiale (Bd IT). ne semble pas recommandable en raison du rôle
IRM en coupe coronale pondérée en T2 avec saturation stabilisateur de cet élément. Diverses techniques
de la graisse visualisant un hypersignal T2 (*) de résection partielle ou d’allongement ont été
entre la tubérosité du condyle latéral et la bandelette
décrites : résection elliptique, hémi-section posté-
iliotibiale (flèches). Cet hypersignal ne doit pas
être confondu avec le récessus articulaire souvent rieure, allongement en Z, résection en digastrique.
situé à proximité. Les techniques d’allongement et de résection
Chapitre 6. Genou 215

partielle peuvent être pratiquées à ciel ouvert ou tête de la fibula et le tendon lors de mouvements
par voie endoscopique. en flexion du genou. Il existe dans tous les cas une
anomalie d’insertion du tendon sur la tête de la
fibula avec soit une insertion trop antérieure sur
Points clés : syndrome de la bandelette
la tête, soit une insertion tibiale prédominante ou
iliotibiale
unique (figures 6.49 et  6.54). Il se présente soit
• Il résulte d’un conflit entre la bandelette iliotibiale et comme un conflit douloureux lié au frottement lors
le condyle fémoral à la suite de mouvements répétés de la flexion aux alentours de 110°, soit comme un
à 30° de flexion du genou (fréquent chez le coureur à ressaut parfois strictement indolore, parfois doulou-
pied).
reux au cours de certaines activités ou de certains
• Le diagnostic repose sur l’interrogatoire et l’examen
physique.
sports. Le cyclisme est le plus souvent en cause
• L’échographie confirme le diagnostic et recherche (vélo de route ou VTT), plus rarement d’autres
une pseudo-bursite. sports (football, karaté).
• L’IRM n’est pas nécessaire au diagnostic mais est
importante en cas de doute pour écarter les autres Clinique et imagerie
causes de douleur latérale du genou : lésion méniscale Cliniquement, le diagnostic est évident lorsqu’il
latérale, chondropathie.
existe un ressaut (figure  6.55 et vidéo  6.6)  :
• Le traitement est le plus souvent conservateur  :
repos sportif relatif, orthèses plantaires, rééducation, celui-ci est visible, parfois audible, souvent pal-
infiltration. pable. Il est par contre difficile en cas de conflit
• En cas d’échec, un traitement chirurgical peut être sans ressaut, et il faut alors écarter les autres
proposé (1 à 5 % des cas) : il consiste le plus souvent en causes de douleur latérale du genou (tableau 6.2).
un allongement de la bandelette iliotibiale, parfois associé
à une bursectomie, réalisé par chirurgie à ciel ouvert ou par
technique endoscopique.

Ressauts et conflits du biceps


fémoral (biceps femoris snapple)
Physiopathologie
Le ressaut du tendon distal du biceps fémoral est
réputé relativement rare, mais sa fréquence est sans
doute sous-estimée. Il résulte du contact entre la Figure 6.55. Ressaut du biceps fémoral : aspect clinique.

Figure 6.54. Mécanisme du ressaut du biceps fémoris (d’après R. Gullin).


Insertion antérieure prédominante du biceps femoris : conflit du faisceau antérieur avec la tête fibulaire en flexion
du genou. a. En extension, absence de contact entre tendon et tête fibulaire. b. En flexion de plus de 90°, possibilité
de conflit avec la tête fibulaire qui peut être responsable d’un ressaut ou d’un syndrome douloureux de friction.
Source : Carole Fumat.
216 Traumatologie en pratique sportive

Tableau 6.2. Causes de douleurs latérales du genou.


Fréquence Diagnostic Traitement conservateur Traitement chirurgical
Lésion ménisque latéral
Traumatique
+++ Clinique ++ Suture ou méniscectomie
IRM +++ économe arthroscopique
Dégénérative
Radiographie et IRM Traitement médical initial Si lésion instable ou échec
Chondropathie fémortibiale latérale ou arthrose, ou nécrose
+ Radiographie Traitement médical Si échec
IRM ou arthroscanner
Syndrome de la bandelette iliotibiale
+++ Clinique +++ +++ Si échec
Échographie
Anomalie insertion biceps fémoral (avec ou sans ressaut)
Rare Clinique Si gêne +
Échographie Réinsertion tendon
IRM
Pathologie tibiofibulaire supérieure
Rare Clinique Traitement initial Si échec et gêne +
Radiographie
TDM
Pathologie du poplité
Rare Clinique Traitement initial Arthroscopie
Échographie (rare)
IRM
Pathologie de la fabella
Rare Clinique + ++ Si échec
Radiographie Fabellectomie
IRM

Traitement
La  douleur est localisée autour de la tête fibu-
laire. Pour les cyclistes, elle survient souvent Le traitement dépend de l’importance de la gêne
après un nombre de kilomètres toujours identique fonctionnelle : en cas de ressaut indolore, aucun
obligeant le sportif à arrêter son activité. L’ima- traitement n’est nécessaire. Lorsque le ressaut est
gerie est utile avant d’envisager le traitement : la douloureux, le patient préfère parfois changer
radiographie standard recherche une anomalie de d’activité sportive ou diminuer son kilométrage.
la tête fibulaire (hypertrophie), l’examen essentiel Dans la majorité des cas, il souhaite poursuivre
étant l’échographie dynamique en cas de ressaut cette activité. Le traitement médical est peu effi-
( vidéo  6.7). Elle permet de localiser celui-ci, cace et il est logique de lui proposer un traitement
plus rarement de localiser l’insertion du biceps. chirurgical. Celui-ci consiste en une désinsertion
L’IRM a un intérêt majeur en cas de conflit du tendon distal du biceps suivie d’une réinsertion
sans ressaut en permettant de visualiser l’inser- en zone normale sur la partie postérieure de la tête
tion trop antérieure du tendon (figure  6.56) et fibulaire. On constate alors une disparition du res-
surtout d’éliminer les autres causes de douleur saut ou du conflit en peropératoire (figure 6.57 et
latérale  : lésion méniscale latérale, syndrome de vidéo 6.8). Plusieurs techniques sont possibles :
la bandelette iliotibiale, pathologie tibiofibulaire tunnel transosseux, utilisation d’ancres ou de vis
supérieure, tendinopathie du biceps. d’interférence. Certains auteurs ont proposé un
Chapitre 6. Genou 217

Figure 6.56. IRM montrant l’insertion anormale du biceps fémoral en cas de conflit ou de ressaut.
La flèche montre l’insertion tibiale unique du biceps femoris.

semi- tendinosus isolément peuvent présenter un


ressaut au niveau du condyle interne. Le sartorius
est exceptionnellement concerné. Cette patho-
logie semble plus fréquente en Asie. Plusieurs
facteurs peuvent intervenir dans sa survenue,
tels qu’une rotation interne du tibia entraînant
une rotation postérieure du condyle médial et une
contracture du semi-tendineux. Seule une ving-
taine de cas a été publiée concernant des sports
divers (danse classique, aérobic, triathlon), mais
également souvent sans rapport avec le sport.
L’échographie et l’IRM permettent de visualiser
le conflit avec le condyle médial. En cas de gêne
Figure 6.57. Ressaut du biceps fémoral : aspect
peropératoire. Insertion unique du biceps sur le tibia. fonctionnelle, une libération ou, pour certains,
une exérèse du tendon concerné de la patte d’oie,
comme lors d’un prélèvement pour plastie du
geste sur la tête fibulaire (résection partielle) qui LCA, peuvent être réalisées. Certains ont égale-
ne semble justifié qu’en cas d’anomalie évidente ment proposé une suture du semi-tendinosus au
de celle-ci (exceptionnelle). semi-membranosus.
Les résultats du traitement chirurgical sont très
bons en cas de ressaut : celui-ci disparaît de façon
constante. En cas de conflit douloureux sans res- Ressaut du poplité
saut, la douleur disparaît dans 90 % des cas mais
peut persister dans quelques cas si une tendinopa- Plus rare que le ressaut du biceps fémoral ou de la
thie est associée. patte d’oie, le ressaut du tendon poplité a égale-
ment été décrit. Il est en général lié à une excrois-
sance au niveau du condyle latéral, entraînant un
Ressaut de la patte d’oie ressaut au passage du tendon. Lorsque la gêne
fonctionnelle le justifie un traitement chirurgical
L’ensemble des tendons de la patte d’oie, le est proposé. Un traitement arthroscopique peut
semi-tendinosus avec le gracilis ou le tendon du également être proposé.
218 Traumatologie en pratique sportive

4. Pathologie Cependant, à ce jour, le traitement des


lésions chondrales profondes est toujours un
ostéo-articulaire défi chirurgical. Plusieurs techniques existent
pour obtenir la restauration efficace et durable
microtraumatique de la surface chondrale. On peut définir des
du genou techniques «  traditionnelles  » qui font appel
au potentiel de réparation spontanée de la
G. Versier, O. Barbier, Y. Catonné moelle osseuse sous-chondrale dont les cellules
mésenchymateuses, mobilisées pour subir une
métaplasie fibreuse, vont produire un tissu
cartilagineux de réparation. Ces techniques ont
Ostéochondrites et lésions une portée cependant limitée du fait des carac-
téristiques histologiques et biomécaniques défa-
ostéochondrales du genou vorables du tissu cicatriciel fibrocartilagineux.
À l’opposé, les techniques plus récentes visent
G. Versier, O. Barbier à recréer une surface hyaline ou hyaline-like au
Les lésions chondrales et ostéochondrales foca- niveau de la zone dépourvue de cartilage, soit
lisées, intéressant toute l’épaisseur du cartilage par greffe structurale (allogreffe, mosaïcoplas-
articulaire en zone portante, sont secondaires soit tie), soit par ingénierie tissulaire. Le dévelop-
à des traumatismes, soit à une ostéochondrite pement de ces techniques chirurgicales est en
disséquante. Leur identification par l’imagerie et plein essor avec pour challenge la reconstruction
en particulier par l’IRM explique l’augmentation du cartilage hyalin sur son support osseux,
de leur prévalence. seule solution durable et viable face aux lésions
Le cartilage facilite le mouvement des surfaces cartilagineuses.
articulaires par l’absorption des contraintes et la
réduction des forces de friction. Néanmoins, ce
tissu cartilagineux est dépourvu de vaisseau san- Bilan d’une lésion cartilagineuse
guin et de nerf, et les cellules sont nourries par C’est la première étape vers le choix théra-
diffusion à travers la matrice extracellulaire. Tout peutique. Il s’agit d’une évaluation à la fois
porte à croire que dans un contexte mécanique fonctionnelle et morphologique que l’on trouve
complexe, la faible activité métabolique du tissu dans la fiche de l’International Cartilage Repair
cartilagineux le protège des contraintes physiques Society (ICRS) pour le genou. Trois facteurs vont
excessives, car par chance son potentiel de répara- permettre d’évaluer la lésion cartilagineuse ini-
tion spontané est faible. tiale : l’état clinique du patient (étude de la gêne
La découverte d’une lésion cartilagineuse fonctionnelle et du terrain), la taille et la nature
n’impose pas obligatoirement la réalisation d’un de la lésion. Le bilan repose donc à la fois sur un
geste de réparation cartilagineuse. Bien que l’his- bilan clinique et sur l’évaluation radiologique de
toire naturelle de ces lésions soit peu connue, il la lésion.
semble qu’une grande partie d’entre elles puissent
cicatriser spontanément ou en tout cas n’induire
aucune gêne fonctionnelle. Lorsque ces lésions Bilan fonctionnel et clinique
sont profondes, étendues et symptomatiques et La dégradation de l’état fonctionnel se traduit par
qu’elles surviennent chez un sujet jeune, il est la douleur, la perte des mobilités et la limitation
logique de proposer un geste chirurgical après un des fonctions  : instabilité, boiterie, réduction et
traitement médical bien conduit, dans le double perturbation de la marche et de la pratique des
objectif de faire disparaître les symptômes et de escaliers. Ces critères sont validés par de nombreux
prévenir une éventuelle dégradation du cartilage scores cliniques qui permettent une évaluation
adjacent et/ou en miroir. chiffrée et relative par rapport au côté opposé
Chapitre 6. Genou 219

supposé sain. Les scores fonctionnels le plus sou- • l’âge qui est également un facteur limitant, car
vent utilisés sont : les résultats des techniques de réparation sont
• l’échelle visuelle analogique de la douleur ; moins bons au-delà de 50 ans du fait de la raré-
• l’évaluation subjective de l’articulation lésée en faction des cellules souches sous-chondrales ;
pourcentage par rapport au genou sain ; • le tabagisme qui est également un élément
• le niveau d’activité du patient avant l’accident, péjoratif prouvé sur la microcirculation.
avant et après le traitement ;
• l’état fonctionnel subjectif (normal, presque
normal, limité, très limité) avant l’accident, Bilan radiologique préopératoire
avant et après le traitement ; La mesure de la taille de la lésion et l’évaluation
• les amplitudes articulaires. de l’état de l’os sous-chondral sont essentielle-
Pour le genou, On utilise les items de l’ICRS, ment radiologiques et arthroscopiques.
de l’International Knee Documentation Commit- Les radiographies simples ne sont significatives
tee (IKDC) et le score clinique de Hughston. qu’en cas d’atteinte de l’os sous-chondral et
L’ICRS est un score validé utilisé pour l’évalua- permettent d’estimer la largeur sur le cliché de
tion de la réparation des lésions cartilagineuses, face et la longueur sur le cliché de profil, mais ce
il permet d’évaluer l’état fonctionnel (normal, sont surtout l’arthroscanner, l’IRM et l’arthro-
presque normal, anormal et très anormal), de IRM qui permettent d’apprécier plus précisément
comparer le côté malade au côté sain (en pour- la largeur sur les coupes frontales, la longueur
centage), d’évaluer la douleur en utilisant l’échelle sur les coupes sagittales, et donc le calcul de la
analogique de la douleur et de classer le niveau surface atteinte. L’arthroscanner est performant
sportif de normal à très anormal. pour réaliser une cartographie lésionnelle (images
L’IKDC fonctionnel n’est pas spécifiquement en addition), surtout pour explorer les lésions de
validé pour les lésions cartilagineuses, mais c’est stade III en coupes millimétriques jointives mais
un score fréquemment employé. aussi pour identifier les méplats des stades II ou
Le score clinique de Hughston est plus spéci- les fissures (classification ICRS). Ses inconvénients
fiquement utilisé par les orthopédistes pédiatres, majeurs sont son caractère invasif et l’irradiation
il a été conçu pour évaluer le traitement des qui rend son utilisation discutable dans le suivi
lésions d’ostéochondrite chez l’enfant. Il permet répété pour apprécier l’évolution de ces lésions.
de classer les patients en cinq catégories cliniques L’IRM permet d’obtenir des images de qualité
allant de l’échec à un excellent résultat clinique. mais nécessite des appareils performants, et des
Ces évaluations permettent à la fois de quanti- incidences et des séquences adaptées. Aisé pour
fier la gêne fonctionnelle préopératoire et d’éva- les lésions chirurgicalement réparables de stade
luer le résultat postopératoire. III et IV, le diagnostic est plus difficile pour les
L’étude du terrain est aussi fondamentale car stades I et II, bien qu’il soit facilité par la présence
l’évolution spontanée de la lésion et le résul- d’un éventuel épanchement articulaire. L’ICRS
tat d’une éventuelle réparation chirurgicale en préconise deux séquences simples à mettre en
dépendent. Il faut apprécier : œuvre  : la séquence FSE T2 qui montre l’épan-
• le poids, les activités physiques sportives et pro- chement, l’œdème osseux et l’altération de la sur-
fessionnelles actuelles et souhaitées du patient ; face cartilagineuse, et la séquence 3D GRE T1 qui
• le morphotype du membre inférieur qui peut être révèle les altérations dans l’épaisseur du cartilage
mécaniquement favorable ou défavorable selon la et donne des informations très précises sur la lame
localisation de la lésion (le genu valgum peut être sous-chondrale. Ces deux séquences permettent de
favorable en cas de lésion du condyle médial) ; déterminer le stade ICRS de la lésion. Pour évaluer
• la stabilité articulaire clinique et radiologique la réparation cartilagineuse, on utilise le score
car la présence d’une laxité représente un fac- MOCART (magnetic resonance observation of car-
teur certain de dégradation cartilagineuse et tilage repair tissue) qui s’appuie sur neuf critères :
d’échec des techniques de réparation ; comblement, état des berges (intégration latérale),
220 Traumatologie en pratique sportive

état de la surface (lamina splendens), homogénéité • grade 2 : cartilage anormal avec des fissures de
de la réparation, type de signal en FSE T2 et en moins de 50 % de l’épaisseur du cartilage ;
3D GRE FS, présence d’un liseré sous-chondral, • grade 3 : cartilage anormal avec des fissures de
étude de l’os sous-chondral, présence d’adhérences plus de 50 % de l’épaisseur du cartilage ;
et visualisation d’un épanchement. • grade 4 : cartilage anormal avec une lésion attei-
L’arthroscopie mesure directement la taille de la gnant l’os sous-chondral, la plaque superficielle
lésion (figure 6.58) en s’aidant soit d’un crochet est atteinte et la surface osseuse est altérée.
palpeur, de gabarit cylindrique, soit de la mesure
de l’arc lésionnel comme l’a préconisé Robert.
Cela représente le premier des deux temps de la Moyens thérapeutiques
technique de greffe.
Moyens non chirurgicaux
Les lésions symptomatiques relèvent habituelle-
Classification des lésions ment d’un traitement médical et fonctionnel avec
cartilagineuses et éléments les antalgiques/anti-inflammatoires. Plus inva-
d’orientation thérapeutique : sives,  les infiltrations de corticoïdes retard, la vis-
cosupplémentation, les injections de PRP et les
localisation, traumatismes
injections de cellules souches mésenchymateuses
associés et terrain, taille, imagerie sont largement utilisées. L’efficacité est variable
Il est essentiel en ce qui concerne les lésions et temporaire, sans action prépondérante de l’un
cartilagineuses du genou d’utiliser la classification ou de l’autre dans les différentes études compara-
arthroscopique de l’ICRS qui permet une analyse tives. Aucune de ces techniques n’est capable de
descriptive en quatre grades. Cette classification régénérer le cartilage. Les semelles orthopédiques
précise aussi la taille et la localisation de la lésion. déchargeant le compartiment lésé font partie de
En visualisant directement la lésion, l’arthroscopie l’arsenal.
permet d’apprécier la profondeur en utilisant les
grades ICRS : Moyens chirurgicaux
• grade 0 : cartilage macroscopiquement normal ; Les moyens chirurgicaux ont pour but de
• grade 1 : cartilage anormal (en superficie) avec combler la perte de substance afin de restituer
chondromalacie, fibrillations de surface ou fis- une congruence articulaire, si possible d’induire
sures superficielles ; une cicatrisation hyaline et donc d’éviter à moyen
et long terme la dégénérescence arthrosique. Ils
peuvent être classés en moyens de réparation
par stimulation sous-chondrale conduisant le plus
souvent à une cicatrice fibreuse (microfractures et
microfractures plus membrane, perforations de
Pridie et abrasion), en moyens de reconstruction
structurale amenant du cartilage mature en unité
ostéochondrale (mosaïcoplastie et allogreffe mas-
sive) et en moyens de régénération par greffe de
culture de chondrocytes autologues ayant pour
objectif une réparation hyaline.

Techniques palliatives
Lavage articulaire et débridement cartilagineux
Le principe est double associant l’action méca-
Figure 6.58. Clapet cartilagineux du condyle interne. nique du lavage articulaire à l’exérèse des tissus
Chapitre 6. Genou 221

détériorés. Le lavage élimine les cytokines (inter- Techniquement, l’intervention est réalisée sous
leukine 1 ou IL-1, tumor necrosis factor β ou arthroscopie et utilise des mèches de 1,5  mm
TNF-β) et les métalloprotéases de l’articulation, (figure  6.59) ou des broches de 18 ou 20/10
ainsi que les produits de dégradation du cartilage, introduites afin d’attaquer l’os sous-chondral sur
les débris cartilagineux ou les cristaux de pyro- environ 15 à 20 mm.
phosphate de calcium irritant la synoviale. Dans
les stades précoces, l’ablation de telles enzymes Microfractures
permet aux chondrocytes de réguler leurs activités Il s’agit de la technique de réparation de réfé-
biologiques. Lorsque le cartilage a complètement rence, largement répandue en France bien que
disparu et qu’il existe un contact os–os, l’effet parfois confondue avec la technique de Pridie,
bénéfique du lavage articulaire est minime. Le avec des objectifs histologiques et tissulaires
lavage articulaire a un effet symptomatique réel identiques. L’utilisation d’un poinçon repose sur
mais transitoire de quelques mois à 1 an. Malgré l’idée d’éviter tout dommage thermique à l’os
quelques séries montrant une amélioration de la sous-chondral.
symptomatologie dans 2/3 des cas, la plupart Le principe de cette technique est d’obtenir
des auteurs estiment qu’il ne faut pas attendre de une cicatrisation d’un défect cartilagineux par la
résultats spectaculaires de ce traitement. mobilisation et stimulation des cellules souches
mésenchymateuses contenues dans l’os sous-
Techniques de stimulation ostéochondrale chondral. En effet, ce saignement va induire la
Ces techniques cherchent à produire une répa- création d’un caillot fibrinocruorique, colonisé
ration fibrocartilagineuse en exposant l’os sous- par les cellules souches multipotentes, les pla-
chondral, en produisant un caillot de fibrine qui quettes et des facteurs de croissance (figure 6.60).
va être colonisé par les cellules mésenchymateuses La technique initialement décrite par Steadman
indifférenciées. Celles-ci vont se multiplier et est réalisée sous arthroscopie. Ces microfractures
peuvent, en fonction de facteurs locaux et de sont réalisées à la pointe carrée fine ou mieux avec
facteurs mécaniques, se différencier en cartilage des poinçons angulés appelés « pics chondraux »
ou en os. Cependant, le cartilage « reconstitué » de 4 mm de profondeur et placés tous les 4 mm
est très loin du cartilage hyalin et il s’agit d’un (figure  6.61). Dans les suites opératoires, une
fibrocartilage constitué de collagène de type II mobilisation immédiate est instituée sur arthro-
très fragile. moteur. La reprise de l’appui est effectuée 8
semaines après l’intervention. Le délai avant la
Perforations de Pridie
En théorie, la perforation de la zone sous-
chondrale est un complément indispensable au
débridement qui, si isolé, ne peut pas induire
la formation spontanée d’un fibrocartilage au
niveau de la zone de défect. La pénétration de la
couche sous-chondral crée une communication
directe entre l’os spongieux sous-chondral et
l’espace articulaire et favorise la mobilisation
vers la surface articulaire des cellules souches
mésenchymateuses à partir de la cavité médul-
laire. Ces canaux sont colonisés par une néo-
vascularisation et une migration des cellules
souches, mais jouent aussi un rôle important
dans la décompression de l’os sous-chondral en
diminuant la pression intra-osseuse élevée dans Figure 6.59. Perforations de Pridie réalisées à la mèche
la zone de défect. motorisée.
222 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.60. Processus de réparation par microfractures.


Source : Carole Fumat.

Figure 6.61. Microfractures au poinçon (a) avec contrôle du saignement (b).

chirurgie influence de manière significative le du fragment car le cartilage articulaire est habi-
résultat. Au-delà de 20 mois, le résultat est péjo- tuellement sain. Cette perforation se fait soit
ratif. Produisant du fibrocartilage, les résultats de par un orifice unique et un trajet multidirection-
cette technique se dégradent dans le temps. Elle nel, soit par plusieurs orifices inframillimétriques
est particulièrement indiquée pour les patients (figure 6.62).
maigres, avec un délai accident–chirurgie court, à L’objectif de la fixation des ostéochondrites est
faible demande fonctionnelle, et pour les lésions bien connu et a été étudié lors du symposium de
de découverte fortuite dont la taille est inférieure la SOFCOT en 2005. La fixation isolée s’utilise
à 2 cm2. lorsque le fragment est viable et le cartilage
articulaire intact, ce qui est identifiable sur l’IRM
Techniques de perforation et de fixation ou l’arthroscanner : elle se fait soit par des broches
des ostéochondrites disséquantes fermées résorbables, soit par vissage enfoui, soit plus
La perforation isolée des ostéochondrites est élégamment par un plot de mosaïcoplastie selon
un geste simple qui se fait habituellement sous Beaufils (figure  6.63). Lorsque l’ostéochondrite
arthroscopie. La difficulté est celle du repérage se dissèque, c’est-à-dire lorsqu’elle se détache,

Figure 6.62. Perforations d’une ostéochondrite disséquante à cartilage articulaire fermées à l’aide d’une broche (a)
et aspect final (b).
Chapitre 6. Genou 223

Comblement par autogreffe


pâteuse ostéocartilagineuse
Le principe est de combler la zone de défect avec
des cellules souches mésenchymateuses en trans-
plantant un mélange d’os spongieux autologues.
Cette technique a été développée par Stone qui
rapporte des résultats prometteurs sur 29 cas avec
le développement d’un aspect mixte de fibrocarti-
lage et de cartilage hyalin, et une réduction de la
douleur. La technique de greffon ostéochondral
autologue morcelé est un des procédés utilisés
actuellement.
Figure 6.63. Fixation mixte d’une ostéochondrite
(vissage et plots de mosaïcoplastie) selon Beaufils. Microfractures « plus »
Il s’agit d’une technique plus récente dont le
principe est la technique des microfractures re­
Moyen préconise la « fixation plus » qui associe le couvertes par une membrane protectrice (périoste
relèvement du fragment, l’avivement de la niche ou matrice de synthèse).
et sa greffe spongieuse, puis le repositionnement
avant sa fixation.
Matrices acellulaires 3D
Les matrices (scaffolds) 3D sont des substituts
Techniques de réparation et régénération
de comblement acellulaire, constitués de multi-
cartilagineuse
couches biomimétiques alternant des couches de
Allogreffes ostéochondrales collagène de type I et des couches de collagène
Cette technique est plutôt réservée aux grosses et d’hydroxyapatite de calcium en proportion
pertes de substance, habituellement supérieure à variable. Cette technique utilisant le MaioRegen®
4 cm2. C’est un véritable traitement de sauvetage (figure  6.64), notamment à l’Institut Rizzoli, a
et cela reste une alternative utile à connaître. pour principaux avantages de réaliser un comble-
Néanmoins, cette technique étant rarement ment par la matrice d’une perte de substance
employée, aucune étude de niveau 1 ou 2 n’est ostéochondrale, tout en se passant d’une culture
présente dans la littérature. Il s’agit d’études de chondrocytes autologues, et de pouvoir être
rétrospectives avec avis d’experts. Cette technique effectuée en un seul temps opératoire. Il existe un
nécessite une banque tissulaire agréée, le coût est recrutement cellulaire différent au niveau de
élevé. Pourtant la récupération en banque d’os de chaque couche de cette matrice apposée sur un
condyles postérieurs pourrait faciliter la diffusion fond avivé et saignant. Les résultats prélimi-
de cette technique. naires de cette méthode nouvelle et simple sont

Figure 6.64. Matrice acellulaire multicouche biomimétique type MaioRegen® servant pour combler les gros défects.
Source : Carole Fumat.
224 Traumatologie en pratique sportive

encourageants avec un très court recul de 6 saignante, ce qui favorise la production de fibro-
mois, montrant la stabilité puis la résorption de cartilage entre les greffons. L’étape suivante est le
l’implant et le comblement complet du défect prélèvement des greffons ostéochondraux cylin-
aussi bien macroscopiquement que par IRM avec driques (figure 6.66) au niveau des bords internes
une amélioration fonctionnelle. Une évaluation ou externes de la trochlée fémorale. Les greffons
clinique morphologique et histologique est néces- sont prélevés en zone non portante. La dernière
saire à plus long terme. étape est l’implantation des greffons mosaïques
en les enfonçant dans les trous percés dans la zone
Mosaïcoplastie ou greffes d’implantation.
ostéochondrales autologues Cette technique peut être réalisée sous arthro-
Cette technique a été mise au point puis déve- scopie quand la lésion fait moins de 2 cm de dia-
loppée en Hongrie au début des années 1990 mètre et si elle peut être couverte par quatre à six
par Hangody à partir d’étude animale puis chez greffes au maximum. Comme dans la technique
l’homme en 1992. Largement diffusée, elle est la à ciel ouvert, la perte de substance cartilagineuse
technique de référence en France. À court terme, doit être couverte au moins à 70 %.
la greffe en mosaïque est une technique de res- Plusieurs séries rapportent les résultats des
tauration cartilagineuse validée. mosaïcoplasties. Hangody, promoteur et diffuseur
Cette technique exigeante consiste en un trans- de cette technique, a rapporté en 2008 une large
fert d’unité anatomique et fonctionnelle ostéo- série avec 92 % de bons et très bons résultats au
chondrale prélevée sur le genou, puis en sa niveau du condyle fémoral, 87 % au tibia et 74 %
greffe au niveau d’une lésion ostéochondrale sur la rotule et la trochlée.
située soit localement au niveau du genou, En 2013, Solheim a conclu que les meilleurs
soit à distance au niveau d’une autre articulation, résultats à long terme étaient obtenus chez les
en un seul temps opératoire à ciel ouvert ou sous hommes de moins de 40 ans présentant une lésion
arthroscopie (figure  6.65). Techniquement, au de moins de 3 cm2.
genou, l’intervention peut être réalisée soit sous Versier avait déjà émis les mêmes conclusions
arthroscopie, soit par une courte arthrotomie. Le dans la série de la SFA en 1998 sur une série
premier temps consiste à faire le bilan lésionnel multicentrique de 86 cas avec à 1 an 78  % de
puis à régulariser les bords du défect à angle score A et B selon l’ICRS avec les mêmes facteurs
droit jusqu’au cartilage hyalin sain à l’aide d’une de bon pronostic. L’évaluation IRM est admise de
curette plutôt que du shaver. Le plancher de la tous en particulier en utilisant les séquences ICRS
lésion est ensuite soumis à une abrasion jusqu’en et le score MOCART. Les facteurs de meilleur
os sous-chondral viable afin d’exciser la couche pronostic habituellement retrouvés sont les lésions
séquestrée et d’obtenir une surface sous-chondrale situées sur le condyle médial, l’ostéochondrite

Figure 6.65. Technique de l’autogreffe ostéochondrale en mosaïque sous arthroscopie (a) ou à ciel ouvert (b).
Chapitre 6. Genou 225

Figure 6.66. Mosaïcoplastie : prélèvement d’unités ostéochondrales.


a. Vue d’une unité prélevée. b, c. Vue du site donneur pendant et après prélèvement en périphérie de la trochlée fémorale.

disséquante, les lésions profondes et de petites par des matrices. Le principe est de multiplier
tailles et un délai opératoire le plus court pos- les chondrocytes du patient sur des milieux de
sible. Les lésions de grande taille représentent les culture, puis de les injecter dans la zone lésée sur
lésions au pronostic le plus défavorable. La greffe un support qui leur permet de régénérer la perte
en mosaïque semble ainsi être une technique fiable de substance cartilagineuse.
à court et à plus long terme. Nettement moins
onéreuse que les techniques régénératives, réalisée La 1re génération : technique du lambeau
en une seule étape chirurgicale et offrant une res- périosté (figure 6.67)
tauration immédiate de la surface cartilagineuse en Largement développé, utilisé et diffusé par l’école
traitant toute l’unité ostéochondrale, la mosaïco- suédoise de Peterson et Brittberg puis par Minas,
plastie demeure néanmoins une technique difficile, le principe est de mettre en place, dans le défect
exigeante, non dépourvue de complications. La régularisé et exsangue, une culture de chondro-
limite de la technique est représentée par la taille cytes autologues ayant subi une multiplication in
de la lésion à traiter. L’indication de choix est vitro en laboratoire, implantée sous un patch de
représentée par les lésions profondes et de petites périoste prélevé localement (tibia) et suturé aux
tailles (< 2 cm2) situées sur le condyle médial. berges de la perte de substance avant d’être étan-
chéifié avec de la biocolle. La multiplication et la
Culture et greffe autologue de chondrocytes (GAC) maturation cellulaire permettent le comblement
Il s’agit de techniques récentes de régénération du défect par du cartilage hyalin.
tissulaire dont la première génération reposait sur Cette technique est globalement délaissée à ce
la dynamique biologique du complexe chondro- jour aux dépens de culture de 2e et de 3e  géné-
cyte–périoste. Depuis, le périoste a été remplacé ration.
226 Traumatologie en pratique sportive

Figure 6.67. Détails de la technique de transplantation de chondrocytes.


a. Lésion très étendue du condyle interne (stade IV). b. Détermination de la taille du patch périosté. c. Mise en place
et suture du patch périosté. d. Implantation de la greffe cartilagineuse sous le patch.

Culture de chondrocytes de 2e génération Indications des différentes techniques


Certaines études comparatives vis-à-vis des tech- Le genou est la principale articulation concernée
niques de réparation simples et peu coûteuses par ces techniques de réparation du cartilage et
comme les microfractures ou la mosaïcoplastie toutes les études ont concerné le genou avant
n’ont pas démontré la supériorité des cultures d’en étendre les indications aux autres articula-
cellulaires de 2e génération. tions. Les indications au genou tiennent compte
Afin d’éviter les problèmes en relation avec le des connaissances actuelles sur le plan biologique,
patch périosté (ossification, arrachement, calcifi- histologique, clinique et chirurgical, et doivent
cations, fuites), se sont développées des matrices intégrer l’accessibilité aux techniques innovantes.
servant de membranes artificielles. Ces matrices Le patient type idéal susceptible de donner le
peuvent être synthétiques (carbone, acide poly- meilleur résultat semble être un patient de moins
lactique ou polyglycolique, dacrylène), protéique de 50  ans, pour des raisons biologique et cellu-
(collagène, fibrine, gélatine) ou polysaccharidique laire, mais aussi car il est moins éligible en termes
(alginate, agarose, acide hyaluronique). d’indication d’arthroplastie. La gêne doit être
Les meilleurs résultats sont observés pour les importante et résistante au traitement médical
lésions traitées précocement et lorsque la culture bien conduit. Le genou doit être stable, avec un
implantée a un meilleur «  score de potentiel axe favorable, c’est-à-dire déchargeant la lésion,
chondrogénique  », ce qui conduit à poursuivre sans obésité morbide (IMC < 30). Le tabagisme
la recherche dans cette voie d’amélioration de la est défavorable pour la cicatrisation de l’os, donc
thérapie cellulaire. défavorable pour les lésions profondes, mais rien
ne prouve dans la littérature qu’il le soit pour le
Culture de chondrocytes de 3e génération cartilage qui est avasculaire. La lésion à traiter
Il s’agit de techniques plus récentes encore en doit être profonde (grade ICRS 3 ou 4) sur une
cours d’évaluation dont le principe est la mise seule des surfaces, et les lésions en miroir sont à
en cultures de chondrocytes dans une matrice réfuter. La taille de la lésion doit être suffisante,
biologique implantable artificielle tridimension- de plus de 0,5  cm2, sans que l’on puisse définir
nelle avec des propriétés idéales  : biocompa- une taille maximale avec parfois des indications de
tible, biodégradable, bioactive en conservant chirurgie de sauvetage. Dans tous les cas, et c’est
les caractéristiques phénotypiques, favorisant la un message fort, ce n’est pas une chirurgie des-
prolifération cellulaire et la synthèse de la matrice tinée à l’arthrose. Les contre-indications absolues
extracellulaire, perméable, facile d’utilisation et reconnues sont l’obésité, le pincement articulaire
de faible coût. et les pathologies inflammatoires, d’autres sont
Chapitre 6. Genou 227

relatives car pouvant être réglées en même temps Les lésions du tibia sont rares. Les petites lésions
(en particulier pour les gestes en 1 temps : micro- accessibles au viseur de moins de 1 cm2 relèvent de
fractures et mosaïcoplastie) ou en amont du la mosaïcoplastie rétrograde, permettant d’obtenir
traitement du cartilage  : laxité ligamentaire rele- selon Hangody 87 % de bons résultats. Les lésions
vant d’une ligamentoplastie, défaut d’axe à traiter tibiales plus grandes seront préférentiellement
par ostéotomie et amaigrissement. De nombreux traitées par microfractures, matrice ou culture de
auteurs prônent d’ailleurs une ostéotomie de dés- chondrocytes 3D, mais là aussi recul et nombre
axation quasi systématique. Les méniscectomies de cas ne permettent pas de donner de résultat.
préalables ne péjorent pas le résultat. Par contre,
la précocité du traitement doit être recherchée. Conclusion
Le choix thérapeutique doit prendre en compte
plusieurs facteurs : le type de lésion (ostéochon- Les techniques de réparation cartilagineuse sont
drite ou fracture chondrale), la localisation, la encore en pleine expansion. Actuellement, il n’y
taille, la profondeur, l’âge du patient, son niveau a pas une réponse pour un problème donné et
d’activité souhaité, son morphotype et enfin chaque cas doit être considéré comme particulier.
l’arsenal thérapeutique disponible. Il faut veiller à respecter les contre-indications
Pour les ostéochondrites disséquantes, nous chirurgicales en particulier l’obésité morbide, les
suivrons les recommandations de la SOFCOT. défauts d’axe, la laxité et surtout l’arthrose qui
Lorsque le cartilage articulaire est fermé (stade I est une contre-indication absolue. Il faut utiliser
de la SOFCOT), la perforation en cas de vitalité des indications validées et rester prudent pour les
douteuse du nodule sur l’IRM donnera plus de techniques émergentes non totalement validées.
certitude et de satisfaction par rapport à un vissage. Les algorithmes établis reposent sur les résultats
Si le cartilage est ouvert (stade II), la lésion est de la littérature, et sont également dépendants de
instable, la fixation « plus » proposée par Moyen, l’accessibilité locale des différentes techniques.
amènera un bon taux de succès, associant revas- En France, la mosaïcoplastie est la technique de
cularisation par avivement de la niche et fixation référence susceptible de traiter la majorité de ces
éventuellement mixte comme le réalise Beaufils. lésions mais c’est une technique délicate à maîtri-
Lorsque la niche est vide (stade III), il faut pré- ser. Quant aux microfractures isolées, elles gardent
férer le comblement, et le choix dépendra de la leur place pour les patients qui ont une demande
taille de la niche. Ainsi, au-dessous de 2  cm2, la fonctionnelle faible. Il faut savoir qu’actuellement,
mosaïcoplastie donne des résultats fiables surtout en France, il n’y a pas d’accès aux cultures de
si l’on cale les plots par une greffe interplot entre chondrocytes ou aux allogreffes pour pallier cer-
2 et 4  cm2. Les greffes de chondrocytes de 3e taines pertes de substance importantes.
génération trouvent ici une place de choix, et au-
delà, c’est la place du mega-OATS (osteochondral
autograft transfer system) condylien ou l’allogreffe.
Pour les fractures ostéochondrales, la décision Pathologies traumatiques
dépendra de la taille et de l’activité. La mosaïco- et microtraumatiques
plastie a une place de choix pour les lésions de de l’articulation
moins de 2 cm2 et dans l’avenir, selon les résultats, tibiofibulaire proximale
les microfractures « plus » pourraient trouver une
place. Pour les lésions plus larges, c’est le domaine
Y. Catonné
de la greffe de chondrocytes. Concernant le choix
selon le niveau d’activité, la tendance actuelle est Cette pathologie, relativement rare, doit être évo-
de proposer des techniques de régénération aux quée devant une douleur postérolatérale du genou.
patients jeunes et actifs, les autres moins actifs L’articulation tibiofibulaire proximale (TFP) est
relevant des techniques de réparation ou de recons- peu mobile et mécaniquement liée aux mouve-
truction. ments de la tibiotarsienne. Une flexion dorsale
228 Traumatologie en pratique sportive

de celle-ci entraîne une élévation et une rotation diagnostic : la recherche d’un tiroir fibulaire anté-
médiale de la tête fibulaire. ropostérieur est importante et doit être compara-
tive. Une douleur est retrouvée lors de la mise en
hyperflexion du genou squelette jambier en rota-
Luxations de la tibiofibulaire tion interne maximale. La radiographie de profil
proximale en extension et en flexion montre la position de
la tête, mieux précisée par le scanner. Celui-ci
Elles sont rares : la luxation antéro-externe supé- permet également de mesurer la torsion tibiale
rieure est la plus fréquente (70 %), la forme postéro- des deux côtés, mesure également possible par
interne ou supérieure étant exceptionnelle. Elles l’imagerie EOS. L’IRM peut retrouver un kyste
peuvent être retrouvées chez des patients présen- de l’articulation TFP et permet surtout d’éliminer
tant une hyperlaxité. Le mécanisme peut être soit d’autres diagnostics. Le traitement de l’instabilité
une mise en inversion et flexion plantaire du pied, de l’articulation TFP dépend de l’importance de la
genou fléchi, entraînant une tension des tendons gêne fonctionnelle dans la vie courante et dans
fibulaires et des extenseurs des orteils, soit une la pratique sportive.
hyperextension après pratique de certains sports Le traitement chirurgical ne doit en aucun cas
(tacle chez le footballeur, sports de combat). consister en une résection de la tête fibulaire,
Cliniquement, on constate que la douleur est source d’instabilité, ou une arthrodèse isolée TFP
accentuée à la dorsiflexion du genou et que la tête qui entraînerait une diminution de mobilité de la
fibulaire fait saillie. Le déplacement en avant de cheville. L’arthrodèse doit être associée à une ostéo-
celle-ci est confirmé par la radiographie de profil tomie de la fibula à l’union 2/3  supérieurs–1/3
et le scanner. Dans la forme à déplacement antéro- inférieur, réalisant une véritable «  intervention
externe vue précocement, une réduction orthopé- de Sauvé-Kapandji du genou  ». Cette interven-
dique est possible, suivie d’immobilisation. Dans tion est indiquée dans les formes avec instabilité
les formes vues tardivement et dans les formes douloureuse. Certains proposent une fixation
à déplacement postéro-interne ou supérieur, le temporaire de l’articulation associée à une liga-
traitement chirurgical est indiqué avec réduction à mentoplastie utilisant les ischiojambiers. En cas
ciel ouvert et suture du plan capsuloligamentaire. de douleurs modérées chez le sportif de loisir, un
bandage élastique adhésif, voire une infiltration de
Instabilité tibiofibulaire proximale corticoïdes peuvent être efficaces.

Décrite par Dubreuil dès 1882, l’instabilité de


l’articulation TFP reste une entité mal connue. Arthropathie microtraumatique
Dans les conditions normales, cette articulation de l’articulation
est très peu mobile. Elle peut devenir instable tibiofibulaire proximale
soit spontanément, soit après un traumatisme.
L’articulation TFP est une arthrodie dont l’inter- Elle est parfois la conséquence de l’instabilité de
ligne est soit oblique ou vertical (60  % des cas), l’articulation TFP ou secondaire à une luxation
soit horizontal. Dans ce dernier cas, et surtout de l’articulation TFP. La mobilisation de l’arti-
si la surface articulaire est très postérieure, il culation est douloureuse. Certains cas ont été
peut exister une incongruence et une instabilité. rapportés dans des sports pouvant entraîner des
Cliniquement, la douleur siège est latérale, irra- traumatismes à haute énergie : rugby, parachutisme.
diant souvent vers la loge antéro-externe de la Le scanner permet le diagnostic en montrant des
jambe, apparaissant après quelques centaines de signes habituels d’arthropathie (géodes, hypercon-
mètres à la marche ou à la course. Une sensation densation) ou d’arthrose (pincement articulaire).
de dérangement postéro-externe ou d’instabilité Très rarement, en cas de gêne majeure, le traite­
lorsque le genou est en flexion peut l’accompa- ment est l’arthrodèse associée à l’ostéotomie de la
gner. L’examen clinique est l’élément majeur du fibula.
Chapitre 6. Genou 229

`` Liste des compléments Djian P, Rousseau R, Christel P, Seil R. Reconstruction


chirurgicale du ligament croisé postérieur. EMC -
en ligne Techniques chirurgicales–Orthopédie–Traumatologie
2014. [Article 44-792].
Des compléments numériques sont associés à ce Everhart JS, Du A, Chalasani R, Kirven JC, Magnussen RA,
Flanigan DC. Return to work or sport after multili-
chapitre. Ils sont indiqués dans le texte par un
gament knee injury: a systematic review of 21 studies
picto . Pour voir ces compléments, connectez- and 524 patients. Arthroscopy 2018;34(5):1708–16.
vous sur http://www.emconsulte/e-complement/ Jiang W, Yao J, He Y, Sun W, Huang Y, Kong D. The
476819 et suivez les instructions. timing of surgical treatment of knee dislocations:
a systematic review. Knee Surg Sports Traumatol
Arthrosc 2014;23(10):3108–13.
Vidéo 6.1. Rupture du LCP. Tiroir postérieur. Maslaris A, Brinkmann O, Bungartz M, Krettek C, Jagod-
zinski M, Liodakis E. Management of knee dislocation
Vidéo 6.2. Auto-réduction du tiroir postérieur. prior to ligament reconstruction: What is the current
evidence? Update of a universal treatment algorithm.
Vidéo 6.3. Testing d’une triade antéro-externe. Eur J Orthop Surg Traumatol 2018;28(6):1001–15.
Mook WR, Miller MD, Diduch DR, Hertel J, Boachie-
Vidéo 6.4. Instabilité fémoro patellaire. © F. Khiami. Adjei Y, Hart JM. Multiple-ligament knee injuries:
a systematic review of the timing of operative inter-
Vidéo 6.5. Syndrome essuie-glace recoupé flexion. vention and postoperative rehabilitation. J Bone Joint
© J.-L. Brasseur. Surg Am 2009;91(12):2946–57.
Pujol N, Bohu Y, Boiresnoult P, Macdes A, Beaufils P.
Vidéo 6.6. Ressaut biceps fémoral clinique. Clinical outcomes of open meniscal repair of horizon-
© Y. Catonné. tal meniscal tears in young patients. Knee Surg Sports
Vidéo 6.7. Ressaut biceps fémoral clinique. Traumat Arthrosc 2013;21:1530–3.
© J.-L. Brasseur. Rousseau R, Makridis K, Pasquier G, Miletic B, Djian P.
Chronic posterior knee laxity: diagnosis, technical
Vidéo 6.8. Friction biceps vue per-opératoire. aspects and treatment algorithm. Knee Surg Sports
© A. Wajsfisz, J. Amzallag. Traumatol Arthrosc 2017;25(10):3046–52.
Toritsuka Y, Horibe S, Hiro-Oka A, Mitsuoka T, Nakamura
N. Conservative treatment for rugby football players
Pour en savoir plus with an acute isolated posterior cruciate ligament
Pathologie méniscoligamentaire injury. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2004;
Badet R, Chambat P, Boussaton M, Bousquet V, Chas- 12(2):110–4.
saing V, Cucurulo T, et  al. Traitement chirurgical Pathologie fémoropatellaire
d’une rupture isolée du ligament croisé postérieur  : Caton J. Méthode de mesure de la hauteur de la rotule.
résultats d’une série rétrospective multicentrique de Acta Orthop Belg 1989;55:385–6.
103 patients. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Chassaing V, Zeitoun JM, Camara M, Blin JL, Marque S,
Mot 2005;91(8):44–54. Chancelier MD. Tibial tubercle torsion, a new factor of
Barfield WR, Holmes RE, Slone H, Walton ZJ, Hart- patellar instability. Orthop Traumatol Surg Res 2017;
sock LA. Acute versus staged surgical intervention 103(8):1173–8.
in multiligamentous knee injuries: a review of the Dejour H, Walch G, Nove-Josserand L, Guier C. Factors
literature since 2009. Current Orthopaedic Practice of patellar instability: an anatomic radiographic study.
2015;26(5):530–5. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 1994;2:19–26.
Beaufils P. Lésions méniscales du sportif. Cahier d’ensei- Goutallier D, Bernageau J, Lecudonnec B. Mesure de
gnement de la SOFCOT. Paris  : Expansion scienti- l’écart tubérosité tibiale antérieure - gorge de la troch-
fique française ; 2004. p. 69–88. lée (TA-GT). Technique. Résultats. Intérêt. Rev Chir
Chatain F, Neyret P, Chambat P. Méniscectomie sous Orthop Reparatrice Appar Mot 1978;64(5):423–8.
arthroscopie sur un genou stable sans antécédent Guilbert S, Chassaing V, Radier C, Hulet C, Rémy F, Chou-
chirugicaux. Résultats à plus de 10 ans dans le cadre teau J, et al. Axial MRI index of patellar engagement:
du symposium de la Société française d’arthroscopie A new method to assess patellar instability. Orthop
(SFA) de 1997. Rhumatologie 1997;19(8):842–9. Traumatol Surg Res 2013;99(8 Suppl):S399–405.
Dejour H, Walch G, Peyrot J, Eberhard P. Histoire natu- Thys R. Liberation of the extensor apparatus of the knee
relle de la rupture du ligament croisé postérieur. Rev (technic of R. and J. Judet). Acta Orthop Belg 1961;
Chir Orthop Reparatrice Appar Mot 1988;74:35–43. 27:291–9.
230 Traumatologie en pratique sportive

Pathologie tendineuse du genou Noble CA. Iliotibial band friction syndrome in runners.
Besch S, Godefroy D, Rolland E. Les tendinopathies de Am J Sports Med 1980;8:232–4.
l’appareil extenseur du genou. In: Rodineau J, Sail- Pathologie ostéo-articulaire microtraumatique
lant G Dir, editors. Actualités sur les tendinopathies du genou
et les bursopathies des membres inférieurs. Paris  : Brittberg M, Lindahl A, Nilsson A, et al. Treatment of deep
Masson ; 2001. p. 63–80. cartilage defects in the knee with autologous chondro-
Biette G, Rolland E, Rousseau MA, Catonné Y. Syndrome cyte transplantation. N Engl J med 1994;331:889–95.
du ressaut du biceps fémoral au genou et rupture Hangody L, Kish G, Kàrpàti Z, Szerb I, Udvarhelyi I.
basse du biceps fémoral. In  : Catonné Y, Rolland Arthroscopic autogenous osteochondral mosaicplasty
E, Khiami F, Meyer C Dir, editors. Ruptures tendi- for the treatment of femoral condylar articular defects.
neuses récentes et anciennes du membre inférieur. A preliminary report. Knee Surg Sports Traumatol
Montpellier : Sauramps Médical ; 2008. p. 135–40. Arthrosc 1997;5:262–7.
Blazina ME, Kerlan RK, Jobe FW, Carter VS, Carlson GJ. O’Driscoll SW, Salter RB. The repair of major osteochon-
Jumper’s knee. Orthop Clin North Am 1973;4:665–78. dral defects in joint surfaces by neochondrogenesis
Cucurulo T, Louis ML, Thaunat M, Franceschi JP. Sur- with autogenous osteoperiosteal grafts stimulated by
gical reatment of patellar tendinopathy in athletes. A continuous passive motion: an experimental investi-
retrospective multicentric study. Orthop Traumatol gation in the rabbit. Clin Orthop 1986;208:131–40.
Surg Res 2009;95:78–84. Pridie KH. A method of resurfacing osteoarthritic knee
Gullin R, Rochcongar P. Anatomie, pathologie et imagerie joint. J Bone Joint Surg (Br) 1959;41:618.
du tendon distal du muscle biceps fémoral distal. In : Steadman JR, Rodkey WG, Singleton SB, Briggs KK.
Bard H, Bianchi S, Brasseur JL, et al. Dir. Le tendon Microfracture technique for full-thickness chondral
et son environnement. Monographies du GETROA, defect: technique and clinical results. Operative Tech
Montpellier : Sauramps Médical ; 2013, p. 449-58. Orthop 1997;7:294–9.
Khiami F, Ramanoudjame M, Thaunat M, Catonné Y. Versier G, Le Coadou PY. Résultats de l’expérience mul-
Ruptures récentes du tendon rotulien. In  : Rolland ticentrique SFA des autogreffes osteochondrales en
E, Catonné Y, Khiami F, Saillant G Dir, editors. mosaïque. Annales de la SFA 1999. Montpellier  :
Techniques chirurgicales en traumatologie du sport. Sauramps ; 2000. p. 239–51.
Montpellier : Sauramps Médical ; 2012. p. 137–44. Versier G, Barbier O, Ollat D. Techniques de restaura-
Lempainen L, Sarimo J, Mattila K. Distal tears of the hams- tion des lésions cartilagineuses du genou techniques
tring muscles: review of the literature and our results en arthroscopie du membre supérieur. In  : Cahiers
of surgical treatment. Br J Sports Med 2007;41:80–3. d’enseignement de la SOFCOT, 2014. Issy-les-
Ray JM, Clancy WG, Lemon RJ. Semimembranosus ten- Moulineaux : Elsevier Masson 2014;263–90.
dinitis: an overlooked cause of medial knee pain. Am Yamashita F, Sakakida K, Suzu F, Takai S. The transplan-
J Sports Med 1988;16(4):347–51. tation of an autogenic osteochondral fragment for
Renne JW. The iliotibial band friction syndrome. J Bone osteochondritis dissecans os the knee. Clin Orthop
Joint Surg 1975;57:1110–1. 1985;210:43–50.
Chapitre 7
Cheville et pied

1. Fractures et lésions Fractures de l’apophyse


latérale du talus (dite fracture
ligamentaires du snowboardeur)
A. Frey, L. Borrini, Y. Catonné, E. Sariali, F. Khiami Ces fractures, réputées rares, sont souvent mécon-
nues. Elles se voient avec une certaine fréquence
chez les snowboardeurs et sont maintenant bien
connues des médecins de stations de sports d’hiver.

Fractures de la cheville Physiopathologie


et du pied chez le sportif Le mécanisme est le plus souvent un trauma-
tisme en hyperflexion dorsale du pied associée
Y. Catonné, E. Sariali, F. Khiami en général à une pronation du pied, mais parfois
également à une supination. Un effet casse-noisette
Nous n’envisagerons pas ici l’étude des fractures
par écrasement entre la malléole latérale et la sur-
rencontrées le plus souvent à la suite d’accidents
face thalamique latérale peut entraîner la fracture.
de la route ou chez le sujet âgé telles que les
Le snowboard est le sport le plus souvent en cause
fractures uni- ou bimalléolaires, les fractures du
mais le football, le volley-ball peuvent également
calcanéum et du corps du talus. Les fractures de
être à l’origine de cette fracture. En dehors du
fatigue du tarse ou des métatarsiens sont étudiés
sport, les accidents de la voie publique peuvent être
ailleurs. Seules quelques fractures ayant un rapport
en cause, de même que la chute d’un lieu élevé.
avec la pratique sportive seront étudiées : il s’agit
Le mécanisme typique survient chez le conducteur
des fractures parcellaires du talus (figure  7.1),
de voiture provoquant une décélération brutale, le
de la base du 5e métatarsien et des sésamoïdes de
pied bloqué en flexion dorsale sur la pédale de frein.
l’hallux.
Clinique
L’interrogatoire est important pour préciser le
type de traumatisme et le mécanisme lésionnel.
L’examen clinique permet d’évoquer le diag-
nostic grâce à deux signes :
• le siège de la douleur provoquée à la palpation
précise n’est ni la malléole latérale ni le trajet du
Figure 7.1. Fractures parcellaires du talus. ligament collatéral latéral (LCL), mais le point
1. fracture de l’apophyse latérale. 2. fracture du tubercule
postéro-latéral. 3. fracture ostéo-cartilagineuse du dôme.
situé en bas et en avant de la pointe malléolaire
Source : Carole Fumat. (soit plus bas que le LCL) ;

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
232 Traumatologie en pratique sportive

• le test en stress provoqué par une mise en valgus Le scanner permet également le diagnostic
passif de la cheville est positif : la compression de lésions associées : fracture du dôme talien, de
exerce dans cette position un effet d’écrasement l’apophyse postérieure du talus, du sustentaculum
sur la zone fracturaire. tali ou de la berge de la gouttière des fibulaires
Le gonflement survient rapidement et rend (avec parfois luxation des tendons).
le diagnostic plus difficile. En fait, le risque est
de méconnaître la fracture en pensant à une Complications
banale entorse du LCL et en ne pratiquant pas Lorsque le diagnostic n’est pas porté et en
d’imagerie. l’absence de traitement, les fractures de l’apophyse
latérale peuvent évoluer vers des complications qui
Imagerie toutes se manifestent par des douleurs : pseudar-
La radiographie standard permet de faire le diag- throse, cal vicieux, arthrose sous-talienne.
nostic sur les deux incidences  : face en rotation
médiale de 20°, profil appréciant le déplacement. Traitement
L’échographie, parfois pratiquée pour évaluer Le traitement conservateur est indiqué dans les
le degré de gravité d’une entorse latérale, peut fractures non déplacées : il consiste en une botte
permettre de redresser le diagnostic et d’imposer résine ou plâtrée pendant 45 jours.
une radiographie. Le traitement chirurgical est indiqué en cas de
Le diagnostic peut ne pas être évident sur la fracture déplacée :
radiographie en cas de fracture non déplacée. Le • lorsque le fragment osseux est petit ou commi-
scanner avec reconstruction 2D et 3D est l’examen nutif, une simple ablation du ou des fragments
essentiel à la fois pour confirmer le diagnostic de est pratiquée ;
fracture et pour en préciser le type selon la clas- • lorsqu’il s’agit d’un volumineux fragment avec
sification de Hawkins : trait intra-articulaire, un vissage est pratiqué,
• type I  : fracture simple à trait intra-articulaire suivi d’une immobilisation par attelle ou résine
(figure 7.2a) ; (4 à 6 semaines).
• type II : fracture comminutive intra-articulaire Dans les formes vues tardivement, une pseudar-
(figure 7.2b) ; throse peut être également traitée par vissage en
• type III  : fracture extra-articulaire (pointe du cas de gros fragment ou ablation du fragment s’il
processus latéral) (figure 7.2c). est de petite taille.

Figure 7.2. Fractures de l’apophyse latérale du talus.


a. Fracture intra-articulaire type Hawkins 1 après un accident de moto-cross. Pseudarthrose (traité initialement
pour entorse). Traitement par vissage et greffe au 4e mois. b. Fracture comminutive type Hawkins 2 chez un snowboarder :
traitement par ablation du fragment osseux. c. Fracture extra-articulaire type Hawkins 3 chez un footballeur : traitement
par ablation du fragment osseux.
Chapitre 7. Cheville et pied 233

Résultats artères métaphysaires en proximal et de la vascula-


En dehors des fractures non déplacées dont les risation diaphysaire endomédullaire et périostée
résultats sont bons, ceux-ci sont souvent moyens en distalité. Ceci explique la présence d’une zone
en cas de diagnostic tardif, avec apparition fré- « hypovasculaire » à la jonction de ses deux zones
quente d’arthrose sous-talienne pouvant néces- de vascularisation, zone de fragilité (figure 7.3).
siter une arthrodèse secondaire. On décrit classiquement trois types de frac-
tures de la base. Les fractures avulsions en zone
richement vascularisée, les fractures articulaires de
Fracture du tubercule la base et les fractures en zone métaphysodia-
postérolatéral du talus physaire ou fracture de Jones. Chacune a une
(fracture de Cloquet-Shepherd) spécificité. L’avulsion de la base consolide très bien
en l’absence de déplacement en raison d’une vas-
Cette fracture est l’équivalent d’une entorse grave cularisation profuse. La fracture articulaire porte
du LCL avec arrachement osseux. Le plus sou- le cartilage articulaire cuboïdométatarsien et sera
vent, seul le tubercule postérolatéral est fracturé, pourvoyeuse d’arthrose ou du moins de douleurs
plus rarement le postéromédial. La fracture est chroniques au moindre cal vicieux. La fracture de
secondaire à une chute sur la plante du pied avec Jones est en zone hypovasculaire et consolide très
contact de l’apophyse avec le calcanéum, par un mal (figure 7.4).
mouvement de torsion forcée.
La douleur est postéro-externe et provoquée par Clinique
la flexion du gros orteil qui entraîne un contact du Les fractures de la base du 5e  métatarsien se
tendon long fléchisseur de l’hallux avec le fragment. présentent sous la forme d’un pied douloureux
Le diagnostic souvent méconnu sur la radiogra- et impotent. Elles peuvent être confondues avec
phie standard repose sur le scanner. une entorse latérale de la cheville, car le méca-
Cette fracture peut passer inaperçue ou être nisme est souvent le même, en inversion. Il peut
assimilée à un os trigone, d’autant qu’elle évolue y avoir une notion de craquement, gonflement et
souvent vers la pseudarthrose. impotence fonctionnelle totale. Le patient boite et
Le traitement est au départ souvent conser- talonne pour ne pas appuyer sur l’avant-pied. Une
vateur. En cas de persistance des douleurs, une ecchymose peut orienter vers le site de la fracture.
ablation du fragment peut être proposée : celle-ci Il est important de rechercher à l’interrogatoire
est pratiquée d’emblée par certains. la notion de douleurs préexistantes pouvant faire
évoquer un terrain de fracture de fatigue qui se
Fracture de la base serait complétée.
Cliniquement, la douleur se situe au niveau et
du 5e métatarsien autour de la base du 5e métatarsien. Le seul pro-
Physiopathologie blème est donc de penser à y mettre le doigt…
Le 5e  métatarsien est un os relativement mobile,
tout comme le 1er  rayon, contrairement aux
2e, 3e et 4e  métatarsiens. Il porte l’articulation
cuboïdométatarsienne et répond à la base du
4e  métatarsien. Sa particularité réside dans le fait
qu’il reçoit l’insertion du court fibulaire d’une
part, et dans sa vascularisation d’autre part. Le
court fibulaire engendre des contraintes locales en
traction, et une violente contraction des fibulaires
sur un pied en inversion peut générer la fracture. Figure 7.3. Vascularisation du 5e métatarsien.
Concernant la vascularisation, celle-ci provient des Source : Carole Fumat.
234 Traumatologie en pratique sportive

Traitement
Le choix thérapeutique peut s’orienter vers le traite-
ment orthopédique, fonctionnel ou chirurgical. Le
traitement orthopédique peut concerner toutes les
variétés de fractures en l’absence de déplacement,
mais les fractures en zone hypovasculaire (fracture
de Jones) ont tendance à récidiver ou à pseudar-
throser. Le traitement consiste en une immobilisa-
tion stricte par une botte en résine pour 6 semaines,
cheville à l’angle droit et sans appui. Ce traitement
est une sécurité chez les patients hyperalgiques ou
peu disciplinés pour lesquels l’observance thérapeu-
tique peut être difficile. L’inconvénient de ce type
de traitement provient de l’immobilisation prolon-
Figure 7.4. Variété lésionnelle des fractures de la base gée qui engendre des raideurs articulaires, amyo-
du 5e métatarsien : avulsion (A), fracture articulaire (B), trophie et déprogrammation neuromusculaire. Les
fracture de Jones (C). délais de consolidation sont plus longs que pour
le traitement chirurgical et une surveillance radio-
Devant tout traumatisme de la cheville, les critères logique hebdomadaire les 3  premières semaines
d’Ottawa aident à ne pas méconnaître ce diagnos- est indispensable pour dépister un déplacement
tic en étant systématique. Le testing du court secondaire. L’avantage principal est de ne pas avoir
fibulaire réveille la douleur. les complications de la chirurgie…
Le traitement fonctionnel consiste également en
Imagerie une immobilisation par une botte en résine pour
Le bilan radiographique doit comprendre trois 2  semaines sans appui, relayée par une botte de
incidences, associant un cliché de face, de profil marche amovible pour 1 mois. Cette option théra-
et de  3/4 afin de dégager totalement la base peutique permet de diminuer les effets indésirables
(figure 7.5). d’une immobilisation stricte prolongée, mais néces-
Le scanner peut être utile si l’on souhaite site la garantie d’une observance de la décharge.
préciser le déplacement de la fracture et dans le Le traitement chirurgical s’adresse à toutes les
suivi de la consolidation. L’échographie, si elle est fractures déplacées ou aux fractures non dépla-
demandée dans le cadre du bilan d’entorse de la cées en zone métaphysodiaphysaire (fracture de
cheville, pourra rectifier le diagnostic en montrant Jones), particulièrement s’il s’agit d’une fracture
la fracture et en réveillant la douleur au passage de fatigue qui s’est complétée. Les sportifs de
de la sonde d’échographie sur la fracture. haut niveau relèvent d’un traitement chirurgical

Figure 7.5. Bilan radiologique de fracture de la base du 5e métatarsien.


Le bilan radiographique comporte trois incidences : face (a), profil (b) et 3/4 (c). La fracture est parfaitement visible
sur le cliché de 3/4.
Chapitre 7. Cheville et pied 235

pour accélérer la récupération fonctionnelle. Les assez aisé dès le moment où le praticien applique
avulsions peuvent être réinsérées sur une ancre les critères d’Ottawa et demande des clichés
vissée, les fractures de la base peuvent être vissées de 3/4 en cas de douleurs du bord latéral du pied.
et les fractures de Jones seront soit vissées, soit Le principal problème est surtout thérapeutique
ostéosynthésées par une plaque qui tend à devenir puisqu’il faut choisir entre le traitement conser-
le traitement de référence (figure 7.6). Le traite- vateur et la chirurgie. Chacun a ses avantages et
ment chirurgical aura la préférence des patients ses inconvénients qu’il conviendra d’expliquer au
sportifs afin de diminuer le temps de retour aux sportif.
activités sportives. La rapidité de retour au sport
vient de l’immobilisation qui est plus courte, de
l’appui qui peut être partiel et de la consolidation Fractures des sésamoïdes
plus rapide. Cependant, il faut garder à l’esprit la de l’hallux
possibilité de complications liées à toute chirurgie. Les os sésamoïdes (ressemblants aux grains de
sésame) de l’hallux sont situés sous la tête du
Retour au sport 1er  métatarsien. Le sésamoïde médial est le plus
Les délais de retour au sport sont étroitement liés volumineux et le plus souvent concerné par une
à la rapidité de consolidation et à la précocité de fracture. La pathologie des sésamoïdes s’apparente
rééducation. Les fractures traitées par immobilisa- à celle du plus gros d’entre eux (la patella) à savoir :
tion prolongée isolée consolident en 8  semaines l’atteinte ou l’inflammation du cartilage (sésamoï-
environ. La récupération fonctionnelle optimale dite), l’ostéonécrose, la fracture (traumatique ou
se fait entre le 4e et le 6e mois. En cas de chirurgie, de fatigue).
la consolidation est plus rapide et les délais de
retour au sport varient entre le 3e et le 4e mois. Physiopathologie
Les sésamoïdes sont soumis à deux types de
Conclusion contraintes : une force de compression entre la tête
Les fractures de la base du 5e métatarsien sont des du 1er métatarsien et le sol ; une force de tension
lésions fréquentes chez le sportif. Le diagnostic est liée à sa situation intratendineuse.

Figure 7.6. Fracture de Jones sur un terrain de fatigue osseuse, chez un sportif de haut niveau.
a. Fracture de Jones (flèche rouge). b. Ostéosynthèse par plaque. La consolidation est obtenue en 6 semaines.
En postopératoire, le patient est immobilisé par une botte en résine pour 15 jours, remplacée par une botte amovible
pour 3 semaines et reprise d’appui progressif dès la 2e semaine. Le retour au sport est possible au 3e mois postopératoire
et la compétition à 4 mois. c. Aspect à 3 mois.
236 Traumatologie en pratique sportive

Le mécanisme de la fracture est celui d’un écrase­ Imagerie


ment d’un sésamoïde bloqué par la contraction L’imagerie comporte toujours des radiographies
du court fléchisseur de l’hallux. Il survient le plus standard comparatives avec incidence dorsoplan-
souvent à la suite d’un choc direct lors d’un appui taire centrée sur la métatarsophalangienne de
sur l’avant-pied (figure  7.7), comme on peut en l’hallux et incidence de Guntz (étudiant les sésa-
rencontrer à l’impulsion ou à la réception d’un moïdes et la crête intercondylienne en vue axiale)
saut (en longueur, en hauteur ou à la perche en ou de Walter-Muller (figure 7.8).
cas de chute en dehors du tapis). On peut égale­ L’échographie peut être également utile au
ment les retrouver après impacts répétés sur le diagnostic. Si celui-ci est incertain, une imagerie
sol (chez les coureurs de fond), ce qui peut alors par résonance magnétique (IRM) ou même un
faire discuter une fracture de fatigue. L’évolution scanner seront pratiqués.
vers une nécrose partielle ou totale est rapide et le
patient n’est souvent vu qu’à ce stade. Traitement
Clinique Il comporte au moins dans un premier temps un
La douleur située sous la tête de l’hallux est le traitement conservateur comportant des semelles de
maître symptôme : elle survient lors de la marche décharge avec un appui rétrocapital et une cuvette
(au temps final du pas) ou de la course. À l’exa- infrasésamoïdienne, parfois une infiltration locale.
men, la pression du sésamoïde médial est doulou- Le traitement chirurgical n’est indiqué qu’en
reuse et majorée par l’extension de l’hallux. cas d’échec du traitement conservateur. Il peut
être décidé plus rapidement chez les sportifs de
compétition.
La technique la plus utilisée est la sésamoïdec-
tomie qui donne de bons résultats à condition de
transposer les insertions de l’abducteur sur la tête
métatarsienne et de respecter l’insertion latérale
du court fléchisseur. Elle permet un retour au
sport rapide (6  semaines) et peut être indiquée
également en cas de nécrose secondaire.
La sésamoïdectomie est discutée par certains
Figure 7.7. Mécanisme de la fracture du sésamoïde qui redoutent l’évolution vers un hallux valgus
de l’hallux. secondaire et préfèrent pratiquer un brochage ou
Écrasement du sésamoïde bloqué par la contraction
du court fléchisseur de l’hallux. un vissage de la fracture, ou encore un brochage
Source : Carole Fumat. transitoire de la métatarsophalangienne en flexion.

Figure 7.8. Fracture du sésamoïde médial chez une sauteuse en longueur de niveau international. Retour au même
niveau après sésamoïdectomie.
a. Radiographie de profil. b. Incidence axiale de Walter-Muller visualisant la fracture.
Chapitre 7. Cheville et pied 237

Entorses de la cheville possibles limités soit par des butées osseuses, soit
et du pied par la mise en tension ligamentaire. Les ligaments,
souvent pluri-articulaires, assurent en outre la
congruence articulaire (figure  7.9). Le mouve-
A. Frey
ment global de la cheville met en jeu plusieurs
articulations que nous allons détailler sur le plan
Épidémiologie ligamentaire.

La cheville est une articulation complexe regroupant


Articulation tibiotalienne ou talocrurale
un ensemble d’éléments anatomiques très variés
(articulation, os, tendon, capsule). Chez le sportif, Le plan collatéral latéral (LCL) est constitué de
cette articulation est soumise à des contraintes trois faisceaux  : un faisceau calcanéofibulaire et
répétées et à des chocs parfois violents néces- deux faisceaux talofibulaires. Le ligament talofi-
sitant de bien connaître l’anatomie et la physiologie bulaire antérieur (anterior talofibular ligament ou
articulaire pour comprendre les différentes lésions ATF) est tendu du bord antérieur de la malléole
provoquées par un mécanisme lésionnel identifié. au talus, entre la joue latérale et le sinus du tarse,
La pathologie au niveau de la cheville est variée et 1 cm au-dessus de la pointe de la malléole latérale.
nécessite d’être rigoureux dans la prise en charge, Il se tend et se verticalise en flexion plantaire
notamment diagnostique. L’interrogatoire est pour stabiliser la cheville ; il est très peu sollicité
un temps fondamental qui détermine de manière en dorsiflexion. Le ligament calcanéofibulaire
précise le mécanisme lésionnel. Nous recensons (CF) s’étend de la pointe de la malléole latérale,
actuellement environ 6000  entorses par jour en oblique en bas et en arrière, en passant sous les
France d’où la nécessité d’avoir une prise en charge fibulaires, à la face latérale du calcanéus. Il se
codifiée. Leininger retrouve 18 % de traumatismes tend en varus et contrôle surtout l’articulation
de cheville sur 1,6  million de blessures au foot- sous-talienne. Le ligament talofibulaire postérieur
ball aux États-Unis vues aux urgences en 14  ans (posterior talofibular ligament ou PTF) est tendu
de suivi. Waterman rapporte que l’incidence du
traumatisme de cheville est de  2,15 pour  1000
avec une répartition identique entre les hommes
et les femmes et représente un coût de 2 billions
de dollars/an. Lambers montre que la cheville
représente 36  % des traumatismes du membre
inférieur aux États-Unis. Mauntel recense une
atteinte de la syndesmose pour 10 000 expositions
à une blessure sur 25 sports différents dont les plus
exposés sont les suivants  : football, lutte, hockey
sur glace. Mulcahey rapporte 33  % d’atteintes de
la syndesmose lors des traumatismes de la cheville
chez le footballeur américain et Lubberts rapporte
7  % d’atteinte isolée de la syndesmose chez
le footballeur professionnel sur 15 années de suivi
des blessures au football au sein de l’Union of
European Football Associations (UEFA).
Figure 7.9. Ligaments latéraux de la cheville.
1. Membrane interosseuse. 2. Ligament tibiofibulaire
Anatomie antéro-inférieur (LTFAI). 3. Ligament talofibulaire antérieur
(ATF). 4. Ligament calcanéofibulaire (CF). 5. Ligament
talofibulaire postérieur (PTF). 6. Ligament tibiofibulaire
La morphologie, propre à chaque articulation, postéro-inférieur (LTFPI).
détermine le type et l’amplitude des mouvements Source : Carole Fumat.
238 Traumatologie en pratique sportive

de la pointe de la malléole latérale à la partie pos- Articulation transverse du tarse


térieure non articulaire du talus. Il se tend surtout de Chopart ou médiotarsienne
en dorsiflexion et est détendu en flexion plantaire Elle s’articule également dans les trois plans de
(figure 7.9). l’espace. Elle est composée de la jonction talo-
Le plan médial est constitué par le ligament col- naviculaire en dedans et calcanéocuboïdienne en
latéral médial (LCM) qui se divise en deux couches, dehors. La stabilité de cette articulation est essen-
superficielle et profonde. Le plan superficiel s’étend tiellement assurée par le nœud ligamentaire puis-
du naviculaire au sustentaculum tali, petite apo- sant que représente le ligament en Y de Chopart
physe du calcanéus, comme un éventail dont la base avec ses deux faisceaux ligamentaires médial et
se situe au niveau de la malléole médiale. Le plan latéral qui solidarisent respectivement naviculaire
profond est tibiotalien composé de deux faisceaux, et cuboïde au calcanéus. Plus accessoirement, la
l’un antérieur et l’autre postérieur. congruence articulaire est assurée par les ligaments
La stabilité de l’articulation talocrurale est assu- talonaviculaire et calcanéocuboïdien dorsal d’une
rée en varus par la mise en tension du LCL et la part, et par le ligament glénoïdien et le ligament
butée de la malléole médiale et en valgus par calcanéocuboïdien plantaire d’autre part.
la butée osseuse de la malléole latérale plus que
par le LCM. La pince bimalléolaire semi-rigide
joue un rôle de guidage du talus  : en talus et Articulation distale de Lisfranc
en équin, ce sont principalement les butées des Elle est composée en proximal des trois cunéi-
marges, plus que les renforcements capsulaires, formes et du cuboïde qui s’articulent avec les cinq
qui constituent les éléments stabilisateurs. métatarsiens. Le principal ligament est celui de
Lisfranc situé entre le 1er cunéiforme et la base du
Articulation sous-talienne 2e  métatarsien, il est accompagné des ligaments
cunéométatarsiens.
Elle est peu mobile et se déplace dans les trois
Ces articulations fonctionnent en synergie et
plans de l’espace. La stabilité talocalcanéenne est
nous retrouvons soit un mouvement en inversion
essentiellement assurée par le ligament interosseux
associant une flexion plantaire de la tibiotalienne,
occupant le sinus du tarse (ligament en haie) et plus
un varus de la tibiotalienne et de la sous-talienne
accessoirement par le ligament fibulocalcanéen.
et une supination dans la médiotarsienne, soit
un mécanisme en éversion associant une flexion
Articulation tibiofibulaire inférieure dorsale de la tibiotalienne, un valgus de la tibiota-
C’est une syndesmose sans surface cartilagineuse lienne et de la sous-talienne et une pronation dans
qui met en contact la fibula avec le tibia incluant une la médiotarsienne.
frange graisseuse. Elle permet la constitution d’une Tous les muscles du pied et de la cheville sont
pince bimalléolaire semi-rigide. La congruence est multi-articulaires et participent à la stabilité active
assurée par un système ligamentaire composé d’un et la mobilisation des articulations qu’ils pontent.
ligament tibiofibulaire antéro-inférieur (LTFAI), Il est à noter que le talus, charnière de la cheville,
d’un ligament interosseux (LIO), d’un ligament ne possède aucune insertion musculaire faisant
tibiofibulaire postéro-inférieur (LTFPI) et d’une de cette clé de la cheville un rouage indirect de
membrane interosseuse jambière. Lors de la dorsi- l’action musculaire. Plusieurs tendons vont ainsi
flexion, la pince bimalléolaire s’ouvre du fait de la participer directement ou indirectement à la
largeur plus importante de la partie antérieure du mobilité et à la stabilité des articulations talocru-
talus, la malléole latérale s’écarte, se lève et tourne rale et médiotarsienne en passant autour d’elles ou
en rotation médiale. Lors de la flexion plantaire, la en s’insérant sur les os impliqués dans le mouve­
malléole latérale se resserre, s’abaisse et tourne en ment de ces articulations. Ces muscles sont le tibial
rotation latérale. Ces mouvements sont liés à ceux antérieur, le tendon calcanéen, le tibial postérieur,
de la tibiofibulaire supérieure dont la morphologie le long et le court fibulaire, le 3e  fibulaire et,
anatomique est éminemment variable. plus accessoirement, les muscles destinés aux
Chapitre 7. Cheville et pied 239

orteils, l’extenseur propre de l’hallux, l’extenseur l’abduction  ; en général, il s’agit d’un trauma-
commun des orteils, le fléchisseur propre de tisme violent.
l’hallux et le fléchisseur commun des orteils. L’atteinte de la sous-talienne est difficile à diag-
nostiquer en urgence, mais il faut essayer de la
Physiopathologie rechercher dès que l’examen clinique devient plus
facile.
Les mécanismes lésionnels sont liés à un dépasse­ L’atteinte de la médiotarsienne se subdivise en
ment de la charge physiologique de la cheville ou trois atteintes possibles :
à des chocs directs  : le ligament le plus exposé • au niveau calcanéocuboïdien avec trois mouve-
est le CF car il croise les deux articulations ments forcés :
(tibiotalienne et sous-talienne)  ; le ligament le – supination du pied lors d’un déroulement
plus fragile est l’ATF, tendu lors des mécanismes anormal du pas sur sol inégal,
d’inversion, le ligament le plus puissant est le PTF – flexion plantaire isolée lors de la réception sur
qui n’est tendu que lors de la flexion plantaire la pointe du pied ou shoot contré,
extrême. Il existe une interdépendance entre la – adduction forcée par choc direct (football,
cheville et le squelette jambier avec notamment karaté) ;
la configuration de la fibulotibiale supérieure. Les • au niveau de la talonaviculaire avec deux mouve­
mécanismes peuvent être les suivants  : en varus, ments forcés :
en valgus, en rotation, en flexion, par choc direct – pronation du pied sur sol inégal,
avec des associations possibles. – abduction forcée par choc direct ;
Parmi les traumatismes indirects par mouve- • au niveau de la médiotarsienne complète sur-
ment forcé, on distingue deux types principaux de tout en cas de supination et de flexion plantaire
traumatisme de cheville : lors d’un mécanisme violent.
• les traumatismes en inversion du pied qui génè- En cas de lésion de la tibiofibulaire inférieure,
rent des contraintes en adduction et en rotation le mécanisme principal retrouvé est une rotation
interne associées à une flexion plantaire dans latérale associée à une dorsiflexion, mécanisme
l’articulation tibiotalienne. Ces traumatismes souvent proche de celui d’une lésion du plan
génèrent essentiellement des atteintes du LCL médial d’où l’association lésionnelle fréquente
et plus rarement des fractures bimalléolaires en entre le plan médial et la syndesmose.
adduction. À l’interrogatoire, il est intéressant Des lésions mixtes cheville/avant-pied peuvent
de faire préciser si le pied est en plus en équin, être associées, plus rarement retrouvées en patholo-
en position différente ou en talus. En effet, lors gie sportive sauf quand le mécanisme est très violent.
d’un équin, les lésions intéresseront plus facile- Une attention particulière sera portée chez
ment la partie antérieure de la tibiotalienne et les enfants sportifs car du fait d’une hyperlaxité
le médiotarse, alors qu’en talus pourront s’asso- ligamentaire relative, la lésion sera au niveau du
cier des lésions postérieures de la tibiotalienne, cartilage de croissance le plus souvent.
éventuellement du tendon calcanéen ;
• les traumatismes en éversion qui génèrent des
contraintes en abduction et en rotation externe Diagnostic clinique
associées à une dorsiflexion dans l’articulation L’examen clinique d’une cheville traumatique
tibiotalienne. Ils génèrent plus particulièrement peut être relativement aisé si le traumatisme est
des fractures bimalléolaires ou équivalentes. mineur et, à l’inverse, extrêmement complexe en
L’entorse antérieure est le plus souvent due à un cas de traumatisme majeur avec impotence totale.
mécanisme de flexion plantaire forcée type chute
du skieur en arrière, shoot du footballeur dans le sol.
Examen initial difficile
L’entorse interne plus rare mais qui existe
est souvent due à une éversion forcée avec une Il faut préciser l’âge du patient, le mécanisme
composante de pronation plus importante que de l’accident, l’existence d’un craquement au
240 Traumatologie en pratique sportive

moment du traumatisme, les antécédents éven- et des tendons. L’examen se poursuit par l’étude
tuels d’instabilité chronique de cheville connue. des mobilités passives et actives en évitant de
Il est important de rechercher systématique- poser les mains sur les zones douloureuses.
ment les critères de gravité, tels que la douleur L’analyse se fait segment par segment en mobi-
syncopale avec une échelle visuelle analogique lisant l’articulation tibiotalienne en flexion plan-
(EVA) ≥ 7, l’impotence fonctionnelle, le craque- taire et dorsiflexion, puis par des mouvements de
ment et le gonflement immédiat. À l’inspection, varus/valgus pour finir par le tiroir antéropos-
seront notés l’existence d’une déformation ou une térieur. Il faut noter les limitations articulaires
perte de l’axe du pied par rapport à la jambe, un ou une laxité articulaire lors des manœuvres
empâtement important, une plaie profonde ou dynamiques.
étendue, un avant-pied gonflé et court par rapport L’examen clinique spécifique de l’articulation
à l’autre. Un bilan vasculonerveux doit être réalisé tibiofibulaire distale comprend :
systématiquement. • un empâtement antérolatéral ;
La palpation doit explorer : • une douleur antérolatérale reproduite à la
• les trajets ligamentaires  : palpation des trois compression tibiofibulaire proximale, man­
faisceaux du LCL et la syndesmose de la tibiofi- œuvre ouvrant la syndesmose (squeeze test) ;
bulaire inférieure ; • une douleur en rotation latérale et flexion
• les points osseux : la pointe et le bord postérieur dorsale du pied (stress test) ;
des deux malléoles, le naviculaire sur le bord • une douleur ou une hypermobilité en trans-
médial du pied, la styloïde du 5e  métatarsien. lation médiolatérale du talus dans la mortaise
Selon les critères d’Ottawa, des radiographies (cotton test) ;
doivent être demandées si l’un de ces points est • une douleur à la translation antéropostérieure
douloureux ou si le patient n’arrive pas à effec- de la fibula ;
tuer quatre pas soit juste après le traumatisme, • une diminution des douleurs par strapping
soit au cabinet dans les 24 à 48 h. cheville (stabilization test).
Le critère d’âge ne figure plus dans les critères L’articulation sous-talienne est examinée sur
d’Ottawa ; en effet, cette règle de prescription a le plan des points douloureux par la palpation de
été validée chez les enfants. la sous-talienne postérieure, du sinus du tarse et
L’examen clinique se termine par un testing à la mobilisation calcanéenne en empaumant le
ligamentaire et des mobilités si celles-ci sont calcanéus et en imprimant des mouvements de
réalisables. varus/valgus. Le médiopied puis le Lisfranc sont
La prise en charge dans ce cas nécessite la pres- mobilisés par l’avant-pied en bloquant respective-
cription d’un protocole POLICE (Protection, Opti- ment la talocrurale, puis le Chopart.
mal loading, Ice, Compression, Elevation) et d’un Tous les tendons sont testés en recherchant
bilan radiographique, afin d’éliminer la nécessité des douleurs, faiblesses, ressauts, crépitations
d’une prise en charge chirurgicale rapide si besoin. par  des  contractions résistées soit en concen-
Dans le cas contraire, le patient sera examiné à trique, soit en excentrique dans les différentes
nouveau après quelques jours. courses musculaires.

Examen initial possible


Imagerie
Sous couvert d’une antalgie (per os), si elle est jus-
tifiée, nous pouvons effectuer un examen clinique Doit-on réaliser systématiquement un bilan radio-
le plus complet possible. graphique devant tout traumatisme de la cheville
L’examen débute par la palpation des reliefs ou du pied, alors que seulement 10 % des trauma-
osseux (malléole latérale, malléole médiale, navi- tismes présentent une fracture ? Stiell a élaboré et
culaire, cuboïde, calcanéus, cunéiformes, méta- validé avec son équipe les critères d’Ottawa qui
tarsiens), des ligaments (LCL, LCM, LTFAI…) ont été depuis largement validés dans la littérature
Chapitre 7. Cheville et pied 241

y compris chez les enfants. Les règles d’Ottawa d’une fracture du col de la fibula lors des fractures
actuelles sont les suivantes (l’âge ne fait plus partie ou équivalent de fracture de Maisonneuve. À
de ces critères) : la radiographie, il convient de rechercher un
• il faut demander un bilan radiographique de la diastasis médial, tibiofibulaire distal et/ou une
cheville et/ou du pied si l’un des signes suivants fracture du col de la fibula (figure 7.11).
est présent : En cas de lésion de la syndesmose, il peut exister
– impossibilité de faire 4  pas immédiatement d’emblée un diastasis tibiofibulaire distal à la
après le traumatisme ou dans le service ou le radiographie qui signe une lésion grave chirurgi-
cabinet du médecin (jusqu’à un délai raison- cale. S’il n’existe pas de diastasis, l’exploration se
nable de 48 h après le traumatisme), poursuivra par une échographie permettant d’ana-
– les zones grisées sur la figure  7.10 sont lyser le LTFAI. En cas de rupture de ce ligament,
douloureuses à la palpation ; une IRM est indispensable afin d’analyser le LIO,
• le bilan radiographique comporte deux inci- le LTFPI, la membrane interosseuse et le LCM.
dences orthogonales au minimum  : la face et En cas de lésions graves de l’avant-pied, telles
le profil. Mais en plus de la face en rotation qu’une luxation du Chopart ou du Lisfranc, ou
neutre, il convient de rajouter un cliché de même en cas de petits arrachements osseux visibles
face en rotation médiale de 15 à 20° pour bien à la radiographie, un scanner doit être demandé
dérouler l’interligne articulaire tibiotalien. Ce pour préciser les lésions. Toutes les autres image-
bilan peut être complété par d’autres clichés ries ne sont pas recommandées en urgence comme
recherchant des lésions associées en fonction les clichés en stress et l’IRM.
de l’examen clinique (clichés de  3/4 ou de
sinus du tarse par exemple). En cas de trau-
matisme de l’avant-pied, il faut demander des Traitement
incidences de l’avant-pied, face dorsoplantaire,
3/4 déroulant l’interligne de Lisfranc et profil. Une fois les diagnostics différentiels éliminés, le
En cas de traumatisme de l’arrière-pied, un pro- protocole POLICE s’applique aussi bien pour la
fil de l’arrière-pied déroulant bien le calcanéum cheville que pour le pied. Une orthèse ou une
est indiqué. bande postérieure en résine peuvent être proposées.
En cas de lésion médiale de la cheville, l’appli- En cas d’entorse de la cheville ou du pied, le
cation des critères d’Ottawa est aussi de mise traitement initial reposait sur le protocole RICE
mais il faudra associer un bilan radiographique (Rest, Ice, Compression, Elevation) qui s’est modi-
du segment jambier (face et profil) à la recherche fié en protocole PRICE (Protection, Rest, Ice,

Figure 7.10. Critères d’Ottawa.


Source : Carole Fumat.
242 Traumatologie en pratique sportive

Figure 7.11. Fracture de Maisonneuve.


a. Diastasis médial tibiotalien et tibiofibulaire distal. b. Fracture du col fibulaire.

Compression, Elevation) puis POLICE (Protec-


• Lors de cette deuxième consultation, le praticien
tion, Optimal loading, Ice, Compression, Elevation)
réexamine le patient et affine le diagnostic de gravité
consistant en l’application de froid, la compres- pour proposer un traitement adéquat.
sion, la surélévation du membre inférieur, la pro- • Une échographie de la cheville peut être extrême­ment
tection de la cheville et des cannes anglaises avec utile.
appui autorisé dès que possible.
À ce protocole, s’associent d’autres mesures  :
En cas de suspicion de lésion de la syndesmose,
la prescription d’antalgique, d’anticoagulants en
soit d’emblée il existe un diastasis tibiofibulaire
fonction des antécédents vasculaires ou cardiaques.
et seule la chirurgie s’impose, soit il n’y a pas de
La chirurgie en urgence reste exceptionnelle et ne
diastasis et une immobilisation dans une botte
concerne que certains sportifs de haut niveau.
de marche en limitant la dorsiflexion est mise en
Le patient doit être revu dans les 5 jours pour
place le temps de faire le bilan complémentaire par
réévaluer sa cheville, en apprécier la gravité et
au minimum une échographie.
pour adapter le traitement. Des conseils doivent
Lors de la 2e consultation au 5e jour, le traite-
lui être délivrés.
ment proposé à  J5 sera différent en fonction de
la gravité.
Points clés L’entorse bénigne du LCL correspond le plus
souvent à une simple distension de l’ATF, l’entorse
• L’appui est autorisé en fonction de la douleur.
• Attention chez l’enfant car celui-ci fait plutôt une moyenne à une rupture partielle de l’ATF et
fracture du cartilage de croissance et plus rarement une l’entorse grave à une rupture complète de l’ATF
lésion ligamentaire jusqu’à preuve du contraire. Cette associée ou non à une lésion du CF. La rééducation
suspicion impose une attelle plâtrée et un rendez-vous sera systématiquement prescrite. Le tableau  7.1
à 8 jours, avec un médecin compétent en traumatologie résume la prise en charge d’une entorse en fonc-
pour réévaluation clinique. Ce n’est qu’à cette consultation tion de degrés de sévérité de celle-ci.
que le diagnostic final d’entorse latérale pourra être porté. Les indications chirurgicales restent exception-
• La lésion ligamentaire latérale de la cheville est nelles en cas d’entorse latérale. Elles concernent
difficile à apprécier initialement et nécessite une rééva-
les entorses graves avec rupture de l’ATF et
luation aux alentours du 5e jour.
du CF chez un sportif de très haut niveau, les
Chapitre 7. Cheville et pied 243

Tableau 7.1. Prise en charge d’une entorse en fonction pendant 6 semaines. Si un plan médial est associé
de degrés de sévérité. (clinique et échographique), il s’agit d’une lésion
Entorse Entorse Entorse instable et une chirurgie est fortement conseil-
bénigne moyenne grave lée ;
Marche +++ + – • en cas d’entorse du Chopart ou du Lisfranc sans
Appui +++ ++ ± critères de gravité, l’appui sera repris rapidement
Ecchymose – + ++ avec une autorééducation. En cas d’entorse
Varus clinique + + ++ sévère, une immobilisation dans une chaus-
sure type Barouk ou une botte sera prescrite
Tiroir – + ++
antéropostérieur pendant 4 à 6 semaines.
Ligament + + ++
Les délais de retour au sport sont indiqués dans
talofibulaire le tableau 7.2.
antérieur Au niveau de l’entorse latérale de la cheville,
Ligament – + ++ les complications sont relativement faibles et
calcanéofibulaire représentent environ  5 à 10  % de complications
Immobilisation – + ++ plutôt liées aux associations lésionnels qu’à une
Rééducation + ++ +++ mauvaise cicatrisation lésionnelle. Les associations
Retour au sport 2–3 semaines 4–6 semaines > 6 semaines
lésionnelles le plus souvent retrouvées à distance
sont les lésions ostéochondrales du dôme de
l’astragale (LODA), les lésions de la sous-talienne
fractures ostéochondrales du talus associées et qui passent souvent inaperçues initialement et, à
les  hémarthroses hyperalgiques ne s’améliorant un moindre degré, les laxités secondaires par dis-
pas à la ponction articulaire. tension progressive ligamentaire.
En cas d’entorse médiale de la cheville, le En cas de récidive des lésions du plan latéral
traitement proposé à J5 sera différent en fonction avec laxité ligamentaire et si le sportif décrit une
de la gravité. Mis à part le diastasis immédiat qui instabilité avec douleur, une chirurgie ligamen-
relève d’une chirurgie rapide, dans la plupart des taire sera proposée.
cas, en l’absence de diastasis, le traitement sera
orthopédique avec une botte en résine sans appui
pendant 3 semaines suivi d’un appui pendant les Tableau 7.2. Délais de retour au sport en fonction
du diagnostic.
3 semaines suivantes.
En cas d’entorse de la syndesmose, le traite- Diagnostic Délai minimum de retour
au sport
ment proposé à  J5 sera différent en fonction
de la gravité. Nous appliquons actuellement la Entorse LCL grade 1 2–3 semaines
proposition de Porter à savoir : Entorse LCL grade 2 4–6 semaines
• en cas de grade 1 avec distension du LTFAI sans Entorse LCL grade 3 6–8 semaines
rupture du LIO ni de la membrane interosseuse, le Entorse LCM 4–8 semaines
traitement peut être fonctionnel avec rééducation Entorse LCM avec diastasis 8–10 semaines
ou immobilisation dans une botte de marche en Entorse LTFAI grade 1 3–4 semaines
limitant la dorsiflexion pendant 3 à 4 semaines ;
Entorse LTFAI grade 2 6–8 semaines
• en cas de grade  3 avec diastasis tibiofibulaire
inférieur d’emblée sur la radiographie de face, le Entorse LTFAI grade 3 8–12 semaines
traitement est chirurgical avec une vis de syndes- Entorse bénigne du Chopart 2–3 semaines
mose et une immobilisation sans appui pendant Entorse grave du Chopart 8–10 semaines
6  semaines, puis ablation de la vis de syndes- Entorse bénigne du Lisfranc 2–3 semaines
mose avant de commencer la rééducation ; Entorse grave du Lisfranc 8–10 semaines
• en cas de grade 2 sans diastasis visible, le traite- LCL : ligament collatéral latéral ; LCM : ligament collatéral médial ;
ment actuel proposé doit être une immobilisation LTFAI : ligament tibiofibulaire antéro-inférieur.
244 Traumatologie en pratique sportive

Conclusion La classification actuellement admise faisant


office de référence a été proposée par Doré et
Bien connaître l’anatomie de la cheville et du pied Rosset en 1995, et est fondée sur l’aspect lésionnel
et faire préciser le mécanisme lésionnel sont essen- radiologique. Cette classification est nommée FOG
tiels pour établir un diagnostic précis. Il est pos- pour fracture (forme F), ostéonécrose (forme O) et
sible d’éliminer d’emblée une fracture grâce à un géode (forme G) (encadré 7.1). Elle a le mérite de
examen clinique systématique, quand celui-ci est décrire simplement et efficacement le type lésionnel.
réalisable, et en appliquant les critères d’Ottawa. Cette classification descriptive lésionnelle est
Il est important de revoir systématiquement le purement radiologique et ne tient pas compte
patient dans les 5 jours pour apprécier la gravité et de l’intégrité du cartilage qui devra pourtant être
adapter le traitement. Il est important de se méfier spécifiée lors du bilan préthérapeutique. Elle ne
des lésions du plan médial et de la syndesmose tient pas compte non plus de la localisation de la
qu’il faut rechercher systématiquement car les LODA, médiale ou latérale, ni du caractère récent
délais de retour au sport sont beaucoup plus longs ou ancien de la lésion.
et un mauvais diagnostic entraînera des séquelles Il est important de spécifier dans certaines
douloureuses et d’instabilités secondaires. formes l’ancienneté de la lésion. Par exemple,
concernant la forme F, il s’agit d’une fracture qui
de manière quasi systématique est contemporaine
Lésions ostéochondrales d’un traumatisme comme une banale entorse. Si la
du talus fracture est vue au stade aigu, elle sera considérée
comme une fracture ostéochondrale et relèvera
F. Khiami d’une excision du fragment si celui-ci est petit
ou d’une fixation dans le cas contraire. Mais
Les lésions ostéochondrales du dôme du talus lorsque le diagnostic est retardé, cette fracture
ne sont pas fréquentes et ne relèvent pas exclu- évolue comme une véritable pseudarthrose dont le
sivement de la pathologie sportive. Ces lésions traitement sera résolument différent, avec soit une
communément appelées lésions ostéochondrales
du dôme de l’astragale ou LODA englobent un
ensemble de signes fonctionnels dont le malade se Encadré 7.1
plaint et qui sont totalement aspécifiques. Classification FOG
Le terme LODA est donc un terme générique, • Fracture (forme F) : il s’agit d’un fragment
aspécifique dont le seul point commun entre toutes isolé qui peut être récent ou ancien. Dans
les formes lésionnelles sera l’atteinte au niveau du l’immense majorité des cas, la fracture se situe
talus. sur le versant latéral du dôme du talus et le
Sous cette entité générique, plusieurs formes plus souvent avec un antécédent traumatique
s’opposent tant dans leur expression radiologique quasi systématique.
que dans la manière de les traiter. • Ostéonécrose (forme O) : cet aspect autre-
Il est impératif de connaître précisément la fois appelé ostéochondrite fait référence à un
séquestre avec une image radiologique d’œuf
forme lésionnelle dont se plaint le patient et de
au nid. Il s’agit d’une forme nécrotique asso-
la classifier afin de déterminer la meilleure attitude ciée à une trame osseuse remaniée et conden-
thérapeutique garantissant le meilleur résultat sée avec des microgéodes. Il s’agit d’une des
fonctionnel possible. formes les plus fréquentes, le plus souvent
sans contexte traumatique et en général dans
le compartiment médial du talus.
Classifications lésionnelles • Géode (forme G) : elle est caractérisée par une
image kystique intra-osseuse radio-transparente,
De nombreuses classifications de la LODA ont sous la forme d’une géode plus ou moins volu-
été décrites dont la première en 1959 par Berndt mineuse.
et Harty.
Chapitre 7. Cheville et pied 245

excision en cas de petit fragment, soit une fixation inférieure dont l’instabilité chronique génère des
et greffe osseuse dans le cas contraire. modifications de contrainte du compartiment
Cette notion de délai pour la forme  F est latéral de cheville engendrant jusqu’à 20  % de
importante à connaître afin de cerner les enjeux LODA à terme.
thérapeutiques et les résultats qui en émanent. L’examen clinique permet d’analyser précisé-
Concernant les autres formes, il est classique ment les points douloureux, les mobilités tibo-
de considérer qu’elles évoluent dans la chroni- taliennes, sous-taliennes, du médio-pied et de
cité sous la forme de dystrophie ou de nécrose l’avant-pied. L’état tendineux de tous les muscles
partielle et de kyste muqueux intra-osseux. péri-articulaires de la cheville est analysé et l’état
ligamentaire de cette dernière est vérifié, notam-
Clinique ment les compartiments latéral et médial ainsi que
l’articulation péronéotibiale inférieure.
Le motif de consultation d’un patient souffrant de Au terme de ce bilan clinique, il est important
LODA est totalement aspécifique et non stéréo­ de vérifier si la lésion du talus s’intègre sur une
typé. cheville normale ou sur une cheville présentant
Un caractère commun à l’ensemble des LODA des facteurs étiologiques ou de gravité associés.
est le symptôme douloureux. Cette douleur, plus Les principaux facteurs à reconnaître à l’examen
ou moins importante, peut se localiser dans un clinique sont les défauts d’axe de l’arrière-pied, les
compartiment médial ou latéral de la cheville anomalies ligamentaires générant notamment une
selon la localisation de la LODA, s’exprimer de instabilité chronique pouvant être la cause ou la
manière quotidienne ou épisodique simplement à conséquence de la LODA.
la marche ou à la pratique d’activité intensive et la
plupart du temps d’horaire mécanique.
La douleur est donc le principal symptôme Imagerie
faisant consulter le thérapeute qui s’attachera à L’imagerie d’une LODA se fait par étapes.
rechercher d’autres symptômes moins expressifs. Dans un premier temps, il s’agit de l’étape diag-
L’interrogatoire précise le type de sport et nostique qui va permettre d’une part d’évoquer
le niveau sportif pratiqué, les antécédents trau- le diagnostic, d’autre part de la classifier dans sa
matiques, notamment les antécédents d’entorse forme lésionnelle.
d’origine ligamentaire ou pas, la notion de dou-
leur sur la cheville opposée, les antécédents de
Bilan de dépistage et bilan
chirurgie de la cheville.
diagnostique
D’autres symptômes sont recherchés tels que
des gonflements aux efforts, une instabilité quoti- Un simple bilan radiographique de la cheville
dienne ou à la pratique sportive, des craquements comparatif de face et de profil en charge permet
faisant craindre l’apparition d’un corps étranger d’établir le diagnostic. Un cliché de face en rotation
intra-articulaire ou un décollement cartilagineux médiale de 20° permet de dégager l’intégralité du
se comportant comme un clapet en flexion–exten- dôme du talus et de ne pas méconnaître une forme
sion, des blocages articulaires. masquée par la malléole latérale.
Il faut préciser la durée d’évolution des symp- Cependant, la radiographie à un stade débutant
tômes et la répercussion sur la pratique sportive. ou en fonction de la pénétration des rayons peut
L’examen physique se fait debout et couché. faire défaut et Verhagen avait évoqué jusqu’à 50 %
Il faut veiller à préciser l’axe de l’arrière-pied, de faux négatifs, justifiant, lorsque les symptômes
rechercher une anomalie de l’avant-pied et déter- sont très importants et que la radiographie est insuf-
miner les appuis (pied creux, pied plat). fisante pour les expliquer, la pratique d’une IRM.
Il faut veiller à vérifier l’absence de séquelles de L’IRM est un excellent examen pour le diag-
fracture bimalléolaire ou du pilon tibial, l’absence nostic de la LODA et pour dépister des lésions
de lésions au niveau de l’articulation tibiofibulaire associées. Elle permet de montrer les infiltrations
246 Traumatologie en pratique sportive

sous-chondrales sous la forme d’œdème intra- dans le retentissement clinique qu’elle occasionne
osseux, les kystes intra-osseux, ainsi que les zones pour le patient.
d’ostéonécrose sous-chondrales. Son point faible Ce bilan permet en outre de dépister les fac-
réside dans l’analyse plus complexe et moins spé- teurs lésionnels, étiologiques ainsi que les facteurs
cifique de l’état cartilagineux, même si avec les aggravants qu’il convient de traiter conjointement
nouvelles séquences et les coupes les plus fines, au traitement spécifique de la LODA.
les lésions cartilagineuses peuvent être dépistées
assez facilement.
Étiologie
L’IRM permet en outre de rechercher des
lésions associées, notamment des lésions tendi- Un facteur quasi constant dans l’étiologie de cette
neuses ou des lésions ligamentaires dans le cadre lésion est son caractère traumatique.
d’instabilité chronique de la cheville tant sur le Il peut s’agir d’un macrotraumatisme tel qu’une
plan médial que latéral ainsi que sur l’articulation fracture bimalléolaire, fracture du pilon tibial ou
tibiofibulaire distale. d’une entorse des plans ligamentaires collatéraux
La deuxième étape est un bilan d’imagerie à de la cheville ou de l’articulation tibiofibulaire
visée préthérapeutique. inférieure.
Il peut s’agir aussi d’une étiologie microtrau-
Bilan préthérapeutique matique surtout dans les formes médiales.
Ce bilan peut être extrêmement complet, devant Des étiologies héréditaires et génétiques ont été
répondre à deux impératifs : proposées, mais également vasculaires, synoviales
• obtenir une cartographie lésionnelle extrême- (synovite villonodulaire, par exemple), endocri-
ment précise pour définir la stratégie thérapeu- niennes, idiopathiques.
tique la plus adaptée ;
• prendre en charge des facteurs favorisants ou
aggravants la LODA. Traitement
Cartographie lésionnelle Traitement conservateur
L’examen de référence reste l’arthroscanner qui Le traitement d’une lésion du talus peut être
analyse précisément l’état du cartilage, les pertuis médical ou chirurgical.
cartilagineux, les clapets cartilagineux, les zones Les mesures thérapeutiques simples, telles
de décollement cartilagineux, les corps étrangers que le repos sportif, la confection d’orthèse
intra-articulaires et permet des mesures extrême- plantaire permettant de mettre en décharge le
ment précises et fiables de l’étendue lésionnelle. compartiment lésé et amortir les contraintes, ou
Ce bilan préthérapeutique doit être effectué les traitements infiltratifs manquent de données
lorsqu’une chirurgie est envisagée, mais probable- objectives dans la littérature. Il n’y a que très
ment pas à l’étape du diagnostic. peu de preuves scientifiques publiées sur cette
thématique.
Recherche des lésions associées Verahgen, dans une méta-analyse de quatorze
et des facteurs aggravants séries non chirurgicales, apporte des bons résul-
En cas d’anomalie des axes de l’arrière-pied, des tats fonctionnels de ces traitements dans à peine
clichés cerclés de Méary permettent de mesurer 45 % des cas.
l’axe de l’arrière-pied et de définir si une chirurgie Schafer rapporte moins de 50 % de bons résul-
correctrice est nécessaire. tats quel que soit le traitement fonctionnel utilisé.
En cas d’instabilité chronique de la cheville, des Ceci amène à penser que le traitement médical
clichés dynamiques en varus ou en valgus forcé est un traitement d’attente qu’il faut savoir utiliser
(rare) sont nécessaires. en fonction du profil du patient, du calendrier
Au terme de ce bilan clinicoradiologique, la du sportif et de l’importance des symptômes et du
LODA est précisée dans sa forme lésionnelle et retentissement fonctionnel.
Chapitre 7. Cheville et pied 247

Traitement chirurgical Greffe compactée spongieuse


À l’inverse, le traitement chirurgical se codifie Cette technique nécessite le prélèvement d’une
de mieux en mieux et répond de façon de plus autogreffe spongieuse qui servira à combler une
en plus adaptée à chaque profil lésionnel du perte de substances géodique. La géode doit être
patient. curetée, perforée, avivée et se comporter comme
De nombreuses séries publiées ont permis de une sorte de vasque de réception d’une greffe
définir une arborescence thérapeutique adaptée spongieuse compactée sur laquelle un fibrocarti-
au profil lésionnel, faisant appel à l’outil arthro- lage se reconstruit. Ces techniques sont réservées
scopique ou à la chirurgie conventionnelle. aux formes géodiques.

Ostéotomie malléolaire médiale


Chirurgie conventionnelle ou arthroscopique ?
Il s’agit plus d’une voie d’abord permettant
Les facteurs permettant de choisir soit l’arthro- d’accéder à des lésions médiales et centrales dif-
scopie, soit la chirurgie conventionnelle sont : ficilement accessibles sous arthroscopie. L’ostéo-
• la taille et la profondeur du défect cartilagineux tomie malléolaire médiale expose parfaitement la
et ostéochondral ; lésion et permet son traitement. Il s’agit d’une
• la taille d’une forme géodique ; technique relativement agressive qui nécessite une
• la nécessité d’une ostéosynthèse ou pas ; ostéosynthèse en fin d’intervention et une protec-
• la localisation de la lésion (les formes antérola- tion avec immobilisation de 6 semaines, le temps
térales sont très accessibles en arthroscopie, les de la consolidation malléolaire.
formes postéromédiales ou médiales pures le
sont difficilement). Ostéosynthèse
Cette technique permet de refixer un fragment
Méthodes chirurgicales ostéocartilagineux de grande taille. L’ostéosyn-
Chirurgie de débridement–perforation thèse se conçoit soit à :
• la phase aiguë, en cas de fracture ostéocartila-
Cette chirurgie mini-invasive se fait sous arthro-
gineuse fraîche avec un excellent potentiel de
scopie avec comme objectifs de supprimer des
consolidation ;
conflits, notamment les clapets cartilagineux,
• la phase chronique, en cas de pseudarthrose d’un
de retirer les corps étrangers intra-articulaires,
fragment relativement volumineux qui néces-
d’aviver l’os sous-chondral en retirant la fibrose
sitera d’être avivé, parfois greffé en stimulant l’os
cicatricielle et de perforer l’os sous-chondral à la
sous-chondral et fixé pour garantir au mieux la
manière des microperforations, très répandues et
consolidation du fragment pseudarthrosé.
utilisées en chirurgie du genou. Ces techniques
sont réservées à des lésions très superficielles et
Indications thérapeutiques
de petite taille.
Nous avons vu que le traitement médical était un
traitement d’attente et que l’indication opératoire
Remplacements ostéochondraux devait être dictée par l’importance des signes
de type greffe par mosaïcoplastie fonctionnels, le retentissement sur l’activité ou le
Ces chirurgies beaucoup plus agressives, le plus potentiel évolutif de la lésion.
souvent réalisées en chirurgie conventionnelle à Certaines formes nécessitent une chirurgie
ciel ouvert, sont réservées à des pertes de substance rapide telle que la forme F vue à la phase aiguë ou
cartilagineuse de plus de 1 cm2 avec ou sans atteinte chronique, car le potentiel de guérison spontanée
de l’os sous-chondral, mais sans forme géodique. demeure très aléatoire.
L’os sous-chondral doit être relativement intègre, La forme  G nécessite elle aussi une chirurgie
afin de pouvoir supporter l’implantation d’un plot à court ou moyen terme afin de ne pas laisser
de mosaïcplastie. évoluer une géode creusant l’os sous-chondral,
248 Traumatologie en pratique sportive

pouvant aboutir à des formes extrêmement pro- Instabilité chronique


blématiques qui peuvent atteindre l’articulation de la cheville
sous-talienne.
Dans les cas des ostéonécroses, l’indication
F. Khiami, L. Borrini
opératoire est beaucoup plus relative d’une part
si les symptômes fonctionnels sont maîtrisables,
d’autre part si le cartilage n’est pas atteint et qu’il
ne s’agit que d’une anomalie de l’os sous-chondral Instabilité ligamentaire
pour laquelle les techniques opératoires sont plus
délicates et rendent le résultat plus aléatoire. L’entorse aiguë de la cheville, d’origine ligamen-
taire, est une lésion extrêmement fréquente en
Résultats pathologie sportive. Il s’agit d’une lésion dont la
Le traitement des lésions superficielles cartilagi- codification de prise en charge est un enjeu de
neuses donne d’excellents résultats sous arthro- santé publique vu le nombre de consultations en
scopie si l’on associe l’excision cartilagineuse des service d’urgence.
fragments instables avec un curetage du lit lésion- La protocolisation de prise en charge a mis au
nel et des perforations de l’os sous-chondral. premier plan l’utilisation des critères d’Ottawa
Dans une méta-analyse de 21 séries, Verahgen pour définir une stratégie diagnostique, et il est
rapporte jusqu’à 86  % de bons résultats, ce qui maintenant admis de tous qu’à de rares exceptions
fait de cette technique d’arthroscopie la référence le traitement fonctionnel à la phase aiguë doit
dans cette forme lésionnelle superficielle. être le traitement de premier choix.
Les résultats des mosaïcoplasties sont probable- Le principal enjeu de la prise en charge à la
ment plus aléatoires puisque Valderrabano apporte phase initiale est d’éviter le passage à une forme
une série de 12 athlètes dont seulement 1/3 a pu chronique, c’est-à-dire la récidive d’instabilité qui
retrouver son même niveau préopératoire. peut atteindre jusqu’à 15 à 20 % des cas.
Lorsque l’instabilité d’origine ligamentaire
devient chronique, cela rend compte de la faillite
Conclusion des structures de stabilité passive ligamentaire,
active d’origine musculaire et proprioceptive, et
Les LODA forment un ensemble générique de
le plus souvent des deux.
variantes lésionnelles répondant à la classification
À cela peut s’ajouter des facteurs aggravant qu’il
FOG.
conviendra de rechercher et de traiter conjointe-
Chaque lésion doit être précisément détaillée et
ment lors de la phase thérapeutique de l’instabilité
cartographiée pour pouvoir proposer une théra-
chronique.
peutique efficace. Le problème dans la LODA n’est
L’instabilité chronique est le plus souvent laté-
pas d’en faire le diagnostic mais de la traiter. Les
rale, exceptionnellement médiale, mais il convient
outils thérapeutiques sont de plus en plus adaptés
toujours de se poser la question d’une faillite
et codifiés avec certaines formes lésionnelles qui
du plan ligamentaire interne dans l’examen pro-
répondent parfaitement à l’arthroscopie simple et
grammé de la cheville et dans la caractérisation de
qui donnent d’excellents résultats. D’autres formes
l’origine des troubles.
sont plus problématiques devant faire appel à des
autogreffes telles que les formes géodiques.
Anatomie
Le principal problème réside encore dans les
ostéonécroses dont le traitement est technique- La stabilité articulaire de la cheville est multifac-
ment plus difficile, parfois très invasif et dont les torielle. Il existe une stabilité d’ordre morpholo-
résultats restent encore aléatoires. gique osseuse par l’encastrement du talus dans
Si les résultats fonctionnels globaux sont la mortaise tibiofibulaire, extrêmement stable.
bons, le retour aux activités sportives est souvent Cette mortaise autorise des mouvements du talus
compromis dans plus de la moitié des cas. en flexion–extension prépondérante limitant ainsi
Chapitre 7. Cheville et pied 249

la mobilisation dans les autres plans de l’espace. uniquement à la marche sur un terrain plat, sur
À cette stabilité osseuse s’ajoute la stabilité passive un terrain avec un léger devers, dans les escaliers
d’origine ligamentaire. Cette stabilité ligamen- ou sur un terrain accidenté.
taire est possible par une capsule ligamentaire Les antécédents du patient sont bien évidem-
péri-articulaire extrêmement dense et bien indi- ment répertoriés, notamment les antécédents
vidualisable sur le plan anatomique, renforcée d’entorse, les antécédents chirurgicaux et les trai-
des plans ligamentaires latéral et médial. Le plan tements déjà mis en place.
ligamentaire latéral, le plus souvent touché, est L’examen clinique est symétrique, bilatéral et
lui-même constitué de trois faisceaux : le faisceau comparatif.
talofibulaire antérieur, le faisceau calcanéofibulaire L’on s’attache à analyser la mobilité articu-
et le faisceau talofibulaire postérieur. laire tibiotalienne en flexion dorsale et flexion
Le plan ligamentaire interne est constitué par plantaire, sans négliger l’articulation sous-talienne
le LCM constitué lui-même de deux faisceaux, et le médio-pied. Une rétraction des gastrocné-
superficiel et profond, extrêmement épais et miens, véritable facteur favorisant de l’instabilité,
denses réalisant une véritable nappe ligamentaire est recherchée.
qui verrouille la cheville sur le versant médial. La recherche des points douloureux est capi-
Le dernier élément de stabilité de la cheville est tale, puisqu’ils rendent compte dans les formes
une stabilité active dite musculaire ou neuromus- chroniques de la gravité de la situation. En effet,
culaire par l’activation des muscles péri-articulaires l’histoire naturelle de l’instabilité chronique se
de la cheville dans les situations de stress articulaire. fait vers la dégradation cartilagineuse ou vers des
Le plus souvent, cet élément de stabilité active est lésions associées compliquant l’évolution liga-
négligé dans la prise en charge thérapeutique. mentaire. La recherche des points douloureux est
donc très importante pour tenter de leur trouver
Épidémiologie une solution thérapeutique, lorsque conjoin-
tement l’instabilité chronique sera traitée. Les
L’instabilité à la phase aiguë est extrêmement
points douloureux autour de la cheville concer-
fréquente avec une incidence de l’ordre de  1
nent toutes les structures ligamentaires latérales,
pour 10 000 et jusqu’à 5 à 10 % des admissions
le LCM, l’articulation tibiofibulaire distale, le
dans les services d’accueil des urgences.
sinus du tarse et le spring ligament. La palpation
Cette instabilité concerne le plus souvent des
minutieuse de tout l’interligne articulaire tibiota-
patients jeunes, actifs, sportifs, touchant les deux
lien recherche un conflit antérieur de cheville et
sexes et qui peut devenir chronique dans  15
une lésion cartilagineuse du talus. Il ne faut pas
à 20 % des cas.
oublier le médio-pied et l’avant-pied.
Le testing tendineux est lui aussi très important
Clinique et systématique.
Le bilan clinique doit être extrêmement systéma- Il ne faut pas méconnaître une rupture chro-
tisé, précis et doit répondre à plusieurs exigences : nique du tendon calcanéen qui pourrait expliquer
• affirmer l’origine ligamentaire des troubles ; une instabilité chronique de la cheville. L’analyse
• affirmer le caractère chronique de l’instabilité ; du tendon du muscle tibial postérieur tant sur les
• rechercher des facteurs favorisants ou aggravants ; trajets douloureux que sur la stabilité de celui-ci
• rechercher des complications de cette instabilité. est importante dans les formes médiales. L’analyse
L’interrogatoire précise les symptômes dont se du muscle tibial antérieur et de son insertion
plaint le patient : appréhension, insécurité ou véri- permet d’éliminer une tendinopathie ou une rup-
table entorse récidivante. Tous ces signes d’inter- ture de celui-ci. Enfin l’exploration des tendons
rogatoire ont le même dénominateur commun  : fibulaires complète cet examen tendineux. Les
l’instabilité ressentie par le patient. Afin de juger tendons fibulaires peuvent être incriminés dans
de la gravité de l’instabilité, le niveau d’activité une instabilité chronique en présence d’une insta-
est précisé, car le symptôme peut se manifester bilité de ceux-ci avec des luxations/subluxations
250 Traumatologie en pratique sportive

passées inaperçues ou du fait d’un syndrome fis- du talus et de rechercher des stigmates d’entorse
suraire douloureux du court fibulaire. ancienne.
L’examen des laxités ligamentaires est extrême- Les éléments ligamentaires peuvent rendre
ment important. compte d’arrachements osseux, de calcifications,
L’examen clinique doit s’attacher à rechercher d’ossifications résiduelles, de fractures négligées
une laxité latérale et médiale tibiotalienne, ainsi ou de lésions ostéochondrales du dôme du talus.
qu’une laxité de l’articulation sous-talienne de Une analyse radiographique des axes par la
manière comparative. réalisation de clichés en charge, cerclés de Méary,
La laxité sagittale est analysée par la recherche permet de vérifier de façon comparative qu’il
d’un tiroir antérieur tibiotalien qui peut être isolé n’y a pas de défaut d’axe de l’arrière-pied qui là
ou associé à une laxité en varus. encore peut être un facteur aggravant de l’insta-
bilité chronique, notamment en cas de varus de
Imagerie celui-ci.
De la même manière que pour l’examen clinique, La réalisation de clichés dynamiques compara-
l’examen paraclinique est toujours bilatéral, symé- tifs en varus et en tiroir antérieur demeure impé-
trique et comparatif. Il doit permettre de réaliser rative dans l’affirmation du caractère ligamentaire
une véritable cartographie lésionnelle tant sur le de l’instabilité chronique. Ces clichés en varus
plan ligamentaire que sur le plan des lésions asso- dynamique manuel, en autovarus ou à l’aide d’un
ciées ou des complications de l’instabilité chro- testing en varus instrumental, tels des Telos® de
nique (tendineuse, articulaire, ostéocartilagineuse). cheville (figure  7.12), confirment les données
de l’examen clinique.
Bilan radiologique L’ouverture de l’interligne tibiotalien affirme
Le bilan standard comporte une analyse radio- la laxité ligamentaire et donc la défaillance liga-
logique de la cheville de face et de profil per- mentaire. Une laxité différentielle de plus de 10°
mettant d’étudier le morphotype du pied à la affirme l’origine ligamentaire de l’instabilité.
recherche d’une dégénérescence articulaire sous De profil, les clichés dynamiques sont réalisés
la forme d’ostéophytes ou de pincements articu- sous la forme d’un tiroir antérieur comparatif.
laires localisés. Le bilan échographique est un examen simple,
Un cliché de face à  20° de rotation médiale peu coûteux et facilement réalisable. Celui-ci per-
permet d’identifier parfaitement tout le dôme met d’analyser toutes les structures ligamentaires

Figure 7.12. Clichés en varus forcé.


a. Bâillement latéral majeur. b. Le cliché comparatif montre un bâillement minime.
Chapitre 7. Cheville et pied 251

de la cheville, les structures tendineuses et de


• Imagerie complémentaire préopératoire :
vérifier, par son caractère dynamique, la bonne – arthroscanner ou arthro-IRM si la cheville est
mise en tension ligamentaire au varus ou au valgus. douloureuse ;
L’échographie permet par ailleurs de recher- – analyse précise du cartilage et des parties molles.
cher des signes expliquant d’éventuelles douleurs
telles qu’une tendinopathie, une fissuration ou
un conflit. Traitement
La prise en charge thérapeutique d’une instabilité
Bilan plus spécifique
chronique de la cheville doit être rigoureuse et
En l’absence de douleurs, ces deux examens seront suivie sur le long terme.
probablement suffisants dans la prise en charge
thérapeutique. Par contre, en présence d’une Traitement conservateur
cheville douloureuse et instable, il faut veiller à La prise en charge débute par un traitement
comprendre l’origine des douleurs par la réalisa- conservateur combinant rééducation des ampli-
tion d’une imagerie plus spécifique telle qu’une tudes articulaires, sédation des douleurs, récupé-
IRM. Celle-ci a un caractère de débrouillage, ration proprioceptive et musculaire associée à un
permettant d’analyser tous les plans ligamentaires, travail de l’équilibre.
osseux, tendineux et la synoviale. Certaines IRM À la phase initiale, le port d’orthèse stabilisa-
extrêmement perfectionnées analysent parfaite- trice peut être indiqué.
ment, avec des séquences précises, le cartilage À la phase chronique, le bilan podologique et
articulaire, même si en France la réalisation de postural peut être d’une aide substantielle pour
l’arthroscanner reste encore extrêmement utili- corriger les troubles de l’arrière-pied, soulager des
sée. L’arthroscanner  a l’avantage par des coupes segments douloureux, mettre au repos des secteurs
fines et l’injection d’un produit de contraste de hypersollicités.
permettre une véritable cartographie des lésions Cependant, le traitement conservateur nécessite
cartilagineuses lorsqu’elles existent. une surveillance de son efficacité et ne doit pas se
Cet examen est réalisé uniquement lorsqu’une satisfaire d’un résultat à court terme. La reprise du
intervention chirurgicale sur une cheville doulou- sport doit être analysée car la récidive d’une insta-
reuse est indiquée. Il s’agit donc d’un examen à bilité chronique peut se faire sur plusieurs années.
réserver en préopératoire. En cas d’échec du traitement médical, le trai-
tement chirurgical peut tout à fait être indiqué.
Points clés
Traitement chirurgical
• Bilan clinique : Le traitement chirurgical est relativement ancien ;
– antécédents, caractère chronique de l’instabilité,
il a évolué en se perfectionnant au gré des résultats
antécédents chirurgicaux ;
– morphotype, recherche d’un varus de l’arrière-pied ; positifs ou des échecs des différentes séries publiées.
– amplitude articulaire, rétraction des jumeaux ; De nos jours, la chirurgie est extrêmement bien
– analyse de tous les points douloureux articulaires codifiée et fait appel à des techniques de recons-
et péri-articulaires ; truction ligamentaire (ligamentoplastie) dont la
– testing des laxités sagittale et frontale. philosophie technique est une affaire d’école.
• Bilan radiologique : De façon assez générale, il existe des ligamento-
– radiographies simples en charge de face et de plasties dites anatomiques, qui vont reconstruire
profil ; l’anatomie ligamentaire par des plasties capsu-
– analyse des axes ;
laires renforcées par des plasties ligamentaires.
– radiographies dynamiques comparatives de face et
de profil, recherche d’un tiroir antérieur et d’un varus À l’opposé, il existe des techniques chirurgicales
ou d’un valgus ; stabilisatrices de la cheville par ligamentoplasties
– échographie simple si instabilité isolée sans douleur. dite fonctionnelles qui vont s’attacher à stabiliser
la cheville sans reconstruire l’anatomie.
252 Traumatologie en pratique sportive

Quoi qu’il en soit, quelle que soit la technique objectif de laxité avant toute intervention chirurgi-
utilisée, les résultats des techniques opératoires cale, par la pratique de clichés dynamiques.
sont à l’heure actuelle bien connus à court, Les autres examens complémentaires sont utiles
moyen et long terme et montrent une satisfaction si la cheville, en plus d’être instable, devient dou-
des patients tant sur le plan fonctionnel que sur le loureuse, afin de rechercher la cause de la douleur.
plan sportif dans plus de 90 % des cas. L’indication opératoire doit être posée devant
Les échecs sont en rapport avec des complica- toute cheville instable malgré un traitement médi-
tions infectieuses ou neurologiques, ou dûs à la cal bien conduit et si et seulement si la preuve
persistance de douleurs chroniques qui existaient ligamentaire de l’instabilité a été objectivée.
malheureusement en préopératoire. Le traitement, conservateur dans tous les cas
Les chevilles qui restent douloureuses en au départ, doit devenir chirurgical rapidement si
postopératoire le sont du fait soit de lésions les symptômes persistent, perturbent la vie quo-
neurologiques chroniques, notamment du nerf tidienne et/ou la vie sportive, et si des douleurs
saphène externe et du nerf fibulaire superficiel, commencent à s’installer.
soit de persistances de douleurs préopératoires en Le traitement chirurgical doit s’attacher à
rapport avec des lésions cartilagineuses devenues reconstruire les ligaments de la cheville afin de la
chroniques pour lesquelles la mise en place de stabiliser, et à traiter conjointement tous les fac-
traitements palliatifs est nécessaire. teurs aggravants ou les facteurs associés découlant
Ceci rend compte de la nécessité de ne pas de cette instabilité au long cours.
banaliser l’instabilité chronique de la cheville et Les résultats de la chirurgie sont excellents et
de l’opérer relativement tôt afin que ces lésions garantissent au patient un résultat fonctionnel de
cartilagineuses ne s’installent pas. La stabilisation qualité ainsi qu’un retour à des activités sportives
chirurgicale d’une instabilité chronique protége- l’esprit libre.
rait de la dégradation cartilagineuse sur le long
terme. En tout cas, toutes les études montrent
une excellente évolution sur le plan fonctionnel et
Instabilité d’origine non ligamentaire
sur la reprise d’activité sportive avec un taux très Épidémiologie
important de satisfaction du patient.
Le retour aux activités sportives peut se conce- L’entorse de cheville est le traumatisme sportif
voir autour du  5e ou du  6e  mois postopératoire le plus fréquent avec 6000  cas recensés par jour
avec des récidives d’instabilité d’origine ligamen- en France dont 70  % d’épisodes inauguraux et
taire inférieures à 5 %. 30  % de récidives. Jugée classiquement comme
bénigne, l’entorse de cheville peut néanmoins
Conclusion entraîner des séquelles dans 10 à 30 % des cas, à
type de gonflement récurrent, de douleur persis-
L’instabilité chronique d’origine ligamentaire
tante et d’instabilité chronique.
de la cheville est une pathologie fréquente et
La physiopathologie de l’instabilité chronique
probablement trop banalisée encore à l’heure
de cheville intègre des facteurs mécaniques, fonc-
actuelle. Si celle-ci est longtemps très bien tolérée,
tionnels et favorisants qui, associés ou isolés, peu-
lorsque les douleurs viennent compléter les symp-
vent être à l’origine d’entorses à répétition. De
tômes d’instabilité la situation devient complexe
plus, l’instabilité chronique peut occasionner des
à gérer.
complications agissant comme de réels facteurs
Le bilan clinique doit s’attacher à affirmer l’ori-
aggravants propres (encadré 7.2).
gine ligamentaire des symptômes et à rechercher
les facteurs favorisants et aggravants de l’instabi-
Étiologies
lité, ainsi que les complications d’une instabilité
chronique au long cours. L’instabilité d’origine ligamentaire est le facteur
Le bilan radiologique doit affirmer l’origine mécanique largement prédominant en termes de
ligamentaire de l’instabilité et rechercher un critère fréquence. Elle est traitée plus haut.
Chapitre 7. Cheville et pied 253

Encadré 7.2 le tendon du long fibulaire. La classification en


quatre stades de Sobel reprend l’évolution lésion-
Facteurs de l’instabilité chronique
nelle de ce syndrome (figure 7.13) :
de cheville
• stade I : aplatissement du tendon court fibulaire ;
• Facteurs mécaniques :
• stade II : fissuration non transfixiante ;
– ligamentaire : rupture et laxité résiduelle ;
• stade III : fissuration transfixiante < 2 cm ;
– ostéocartilagineux  : atteinte talocrurale,
• stade IV  : fissuration transfixiante >  2  cm  ;
sous-talienne ou tibiofibulaire inférieure ;
subluxation fréquente du lambeau externe.
– tendineux : inefficacité fonctionnelle des
fibulaires ;
La plainte principale est une douleur rétro- ou
– neurologique : déficit, fatigabilité.
sous-malléolaire latérale associée à un gonflement
localisé et souvent à une instabilité de cheville.
• Facteurs fonctionnels :
Cliniquement, un empâtement périmalléolaire est
– défaut proprioceptif ;
fréquent, associé à la classique triade clinique de
– contrôle neuromusculaire déficitaire ;
la tendinopathie des fibulaires. La confrontation
– déconditionnement ou faiblesse mus-
culaire ;
échographique et IRM permet l’analyse des ten-
– équilibre postural insuffisant.
dons et de leur gaine. Quel que soit le stade évo-
• Facteurs favorisants :
lutif, la prise en charge doit inclure le traitement
médical spécifique du tendon et le traitement de
– hyperlaxité constitutionnelle généralisée ;
l’instabilité chronique qui est le facteur aggravant
– troubles statiques des membres inférieurs
(varus de l’arrière-pied, rétraction du sys- de ce tableau.
tème suro-achilléen) ; Au stade précoce, le traitement conservateur
– neuropathie périphérique. associe :
• Facteurs aggravants =  complications de • la rééducation ;
l’instabilité chronique : • la confection d’une orthèse plantaire pronatrice ;
– lésions articulaires : LODA, arthrose ;
– lésions des tendons fibulaires ;
– déconditionnement neuromoteur ;
– syndrome douloureux régional complexe
de type 1.

Instabilité d’origine tendineuse


L’instabilité d’origine tendineuse est en large
majorité liée à l’inefficacité fonctionnelle des fibu-
laires, principaux muscles stabilisateurs actifs de la
cheville. Le contexte peut être une tendinopathie
chronique des tendons fibulaires, un syndrome
fissuraire du court fibulaire, une instabilité des
tendons fibulaires ou une faiblesse des muscles
fibulaires.

Syndrome fissuraire du court fibulaire


Le syndrome fissuraire du tendon court fibulaire Figure 7.13. Classification de Sobel.
est l’expression d’une tendinopathie corporéale Stade I : aplatissement du tendon court fibulaire.
Stade II : fissuration non transfixiante. Stade III : fissuration
chronique avec fissuration longitudinale des fibres
transfixiante < 2 cm. Stade IV : fissuration transfixiante >
tendineuses. Ce tendon est plaqué contre l’os 2 cm ; subluxation fréquente du lambeau externe.
dans la gouttière rétromalléolaire et coiffé par Source : Carole Fumat.
254 Traumatologie en pratique sportive

• des injections intratendineuses de plasma riche de l’interligne reproduite en varus ou valgus passif
en plaquettes (PRP) ; et un grinding de cheville douloureux orientent la
• les traitements infiltratifs de dérivés cortisonés localisation d’une éventuelle LODA.
(au stade débutant en l’absence de fissure) ou En cas d’arthrose tibiotalienne, une limitation
d’acide hyaluronique selon les protocoles. des amplitudes articulaires peut être retrouvée.
À un stade avancé, une chirurgie de réparation Les radiographies simples en charge de profil
tendineuse ou de ténodèse peut être proposée. et de face en rotation interne de 20° permettent
de bien analyser l’interligne articulaire. L’IRM
Instabilité des tendons fibulaires oriente vers la cause et l’arthroscanner précise le
L’instabilité des tendons fibulaires est une cause diagnostic.
classique d’instabilité chronique de la cheville. En cas de lésions cartilagineuses diffuses, le
Cette lésion est traitée dans le sous-chapitre 7.2. traitement est celui de l’arthrose et demeure
conservateur en début d’évolution. Le traitement
Instabilité d’origine ostéocartilagineuse chirurgical est une option de dernier recours
L’instabilité d’origine ostéocartilagineuse regroupe (arthrodèse tibiotalienne ou prothèse de cheville).
les tableaux cliniques liés à une souffrance des En cas de LODA, le traitement doit être adapté
articulations tibiotalienne, sous-talienne ou tibiofi- à la variété lésionnelle.
bulaire inférieure (tableau 7.3). En cas de corps étranger intra-articulaire
(CEIA), la prise en charge est plus volontiers chi-
Souffrance tibiotalienne rurgicale avec l’exérèse par voie arthroscopique.
Différentes anomalies chondrales, osseuses ou
synoviales peuvent impacter le fonctionnement Souffrance sous-talienne
de l’articulation tibiotalienne. Elles englobent L’articulation sous-talienne est constituée des
les LODA et les autres fractures potentielles articulations talocalcanéennes antérieure et pos-
(joues du talus, surface tibiale, facettes malléo- térieure, séparées par le sinus du tarse qui intègre
laires), l’arthrose tibiotalienne (tout autant cause le ligament interosseux talocalcanéen, de la graisse
et conséquence de l’instabilité chronique) et la incluant de nombreux récepteurs proprioceptifs
chondromatose synoviale qui peut être primitive et le passage d’un pédicule vasculonerveux. Il est
ou post-traumatique. rapporté une atteinte de la sous-talienne dans  6
À la plainte d’instabilité d’intensité variable, à 30 % des entorses latérales de cheville avec une
s’associent différents signes communs à type de majorité de cas passant inaperçus.
sensation de blocages, d’arthrophonies, de dou- La physiopathologie de la souffrance sous-
leurs aiguës intermittentes, de dérobements, de talienne peut associer une atteinte :
gonflement articulaire. Une douleur au niveau • du ligament interosseux qui peut être cicatriciel
ou rompu ;
• de la graisse du sinus du tarse qui peut être le
siège d’une dégénérescence, d’une fibrose ou
Tableau 7.3. Tableaux cliniques de l’instabilité d’origine
ostéocartilagineuse.
d’une hypertrophie ;
• de la synoviale talocalcanéene qui peut être
Souffrance Souffrance Souffrance
le siège d’une synovite, d’une sclérose ou de
tibiotalienne sous-talienne tibiofibulaire
inférieure kystes ;
LODA et autres Syndrome du sinus Instabilité
• du cartilage talocalcanéen avec arthrose ou syn-
fractures du tarse chondrose ;
Arthrose (± CEIA) Arthrose • de l’os avec synostose.
La souffrance sous-talienne se décompose en
Chondromatose Synostose
synoviale (CEIA) trois tableaux principaux  : le syndrome du sinus
CEIA : corps étranger intra-articulaire ; LODA : lésion ostéochondrale du dôme
du tarse, l’arthrose sous-talienne ou la synostose
astragalien. talocalcanéenne.
Chapitre 7. Cheville et pied 255

Syndrome du sinus du tarse Synostose sous-talienne


Il peut être lié à soit : Elle peut être secondaire, post-traumatique
• une fibrose cicatricielle du ligament interosseux (rare mais possible). Il s’agit plus fréquemment
et  un remaniement de la graisse responsables d’une synostose congénitale qui devient souvent
d’une perturbation des récepteurs proprioceptifs ; symptomatique à partir de l’adolescence. Elle se
• une rupture du ligament interosseux méconnue manifeste par une raideur en inversion, des dou-
et non immobilisée lors du traumatisme initial leurs et une instabilité. L’examen clinique révèle
avec laxité sous-talienne résiduelle. une hypomobilité sous-talienne, une absence de
varus de l’arrière-pied lors de la mise sur pointe
Signes fonctionnels ou un pied plat valgus avec contracture des fibu-
Les plaintes fonctionnelles habituelles sont une laires associée. Une prise en charge chirurgicale
instabilité en terrain irrégulier et des douleurs pré- avec résection de la synostose est en général
ou sous-malléolaires latérales en charge, irradiant proposée.
vers la face externe du pied, principalement en ter-
rain irrégulier ou en adduction–supination du pied. Souffrance tibiofibulaire inférieure
Les lésions ligamentaires aiguës de la syndesmose
Signes cliniques sont rarement isolées et souvent mal diagnos-
En plaçant le patient en décubitus ventral, en blo- tiquées. Elles font suite à un mécanisme trau-
quant l’articulation tibiotalienne et en empoignant matique en flexion dorsale et rotation latérale
le talon, il convient de rechercher une douleur et/ du pied. En cas de lésion ancienne négligée,
ou une hypermobilité à la mobilisation de l’articu- l’évolution peut se faire vers une instabilité tibio-
lation sous-talienne ainsi qu’une douleur à la palpa- fibulaire distale ou une arthrose tibiotalienne.
tion du sinus du tarse au niveau de son orifice latéral. Les éléments cliniques sont décrits dans ce sous-
chapitre 7.1.
Imagerie Les radiographies de face en charge peuvent
L’IRM de cheville permet l’analyse précise du mettre en évidence un diastasis tibiofibulaire,
sinus du tarse et des différents éléments le consti- des calcifications ligamentaires, voire une synos-
tuant. tose tibiofibulaire. L’échographie peut aisément
mettre en évidence une rupture ou un remanie-
Principes thérapeutiques ment du ligament tibiofibulaire antéro-inférieur.
Le volet médical comprend la prise en charge L’IRM permet une analyse complète de la chape
globale de l’instabilité chronique (rééducation, ligamentaire et des lésions associées. L’intérêt
confection d’orthèses plantaires stabilisatrices) et du dépistage et de la prise en charge adaptée des
la possibilité d’infiltration cortisonique du sinus lésions de la syndesmose au stade aigu limite les
du tarse. En cas d’échec, un évidemment chirur- complications de lésions passées inaperçues.
gical du sinus peut être réalisé en cas de remanie- Au stade chronique, la prise en charge médicale
ment post-traumatique et une arthrodèse peut repose sur des infiltrations cortisoniques en cas
être proposée en cas d’instabilité majeure. de séquelles douloureuses et la mise en place
d’orthèse stabilisatrice en cas d’instabilité. Les
Arthrose sous-talienne chirurgies avec débridement et ligamentoplastie,
Elle peut être à l’origine de craquements et d’une ou ablation d’une synostose sont proposées en
gêne en terrain instable. L’examen clinique peut seconde intention.
mettre en évidence une douleur à la mobilisation
de l’articulation sous-talienne. La prise en charge
Instabilité d’origine neurologique
thérapeutique repose sur les traitements habituels
de l’arthrose en première intention, voire un La stabilité active de la cheville est assurée princi-
traitement infiltratif. La chirurgie d’arthrodèse palement par les muscles court et long fibulaires,
peut être proposée en dernier recours. innervés par le nerf fibulaire superficiel.
256 Traumatologie en pratique sportive

Lors du traumatisme initial, le nerf fibu- • proprioception  : modalité sensitive profonde,


laire superficiel peut être lésé par différents elle permet l’analyse de la position et des
mécanismes  : traction du nerf fibulaire commun mouvements articulaires et des segments de
au col du péroné, traction ou compression du membres. Les mécanorécepteurs présents au
nerf fibulaire superficiel au niveau de sa traversée niveau des tendons et des ligaments renseignent
du muscle long fibulaire à la jambe ou isché- sur leur état de tension, ceux présents au niveau
mie sur rupture des vasa-vasorum. Les séquelles capsulaire et du derme analysent leur degré de
d’atteintes radiculaires L5 ou S1 et certaines déformation et les fuseaux neuromusculaires
neuropathies peuvent également concerner le discriminent le degré d’étirement des muscles.
territoire fibulaire superficiel. Les lésions anatomiques potentielles liées à
Outre l’instabilité, le sportif peut se plaindre l’entorse peuvent ainsi être à la base d’une per-
de paresthésies, de dysesthésies et de douleurs turbation de ces informations proprioceptives ;
neuropathiques. L’examen clinique recherche un • activité musculaire  : l’activité musculaire des
déficit sensitif en territoire fibulaire superficiel (face fibulaires, principaux muscles stabilisateurs actifs
antérolatérale des 2/3 distaux de jambe et dos du de la cheville, peut être perturbée après entorse.
pied sauf la 1re commissure) et évalue la commande On peut observer une diminution de force mais
motrice des muscles fibulaires. Ces déficits sont surtout une diminution de la pré-activation et
variables selon le mécanisme et la sévérité lésion- une augmentation du temps de réaction des
nelle. Les formes sévères sont rares et de diagnostic fibulaires ;
plus aisé. La réalisation d’un électromyogramme a • contrôle neuromusculaire : il permet une régu-
une valeur topographique et pronostique. L’IRM lation adaptative de programmes moteurs préé-
permet d’objectiver le site lésionnel (recherche tablis et la mémorisation des patterns moteurs
d’un hématome, de fibrose sur le trajet du nerf optimaux ;
fibulaire commun et superficiel, kyste de l’articula- • équilibre postural  : il résulte de l’intégration
tion tibiofibulaire proximale). Sur le plan médical, plus globale des informations sensorielles pro-
la réalisation d’une infiltration cortisonique est prioceptives, visuelles et vestibulaires.
possible dans le cadre d’un équivalent de conflit Le contrôle postural statique est analysé par la
chronique. La prise en charge en rééducation est mesure du temps d’appui monopodal et l’obser-
complémentaire. Sur le plan chirurgical, les évacua- vation des réactions d’équilibration. Des modali-
tions d’hématome ou de kyste périnerveux restent tés de difficulté croissante peuvent être intégrées :
rares en aigu ; à distance, une neurolyse peut être yeux ouverts, yeux fermés, surfaces variées, ajout
proposée en cas de conflit persistant. de déstabilisations extrinsèques. L’analyse de la
variation du centre de pression en stabilométrie
Instabilité d’origine fonctionnelle permet une évaluation objective et reproductible
L’instabilité d’origine fonctionnelle est fréquente mais nécessite du matériel spécifique, de même
puisque compliquant jusqu’à 60  % des entorses. que pour le contrôle postural dynamique.
Elle est surtout très souvent associée aux autres Les objectifs de la rééducation sont :
facteurs dans l’instabilité chronique de cheville. • la gestion des troubles trophiques (œdème,
On retrouve en particulier une laxité a priori adhérences, cicatrices…) ;
isolée dans 50 % des instabilités fonctionnelles. • la restauration des mobilités articulaires, en
L’élément de base est le « déconditionnement » particulier le gain de flexion dorsale et la dimi-
de la cheville. Celui-ci peut être lié à l’œdème nution de l’hypo-extensibilité du triceps sural ;
post-traumatique ou à la rupture ligamentaire • le renforcement des muscles stabilisateurs actifs
perturbant les récepteurs proprioceptifs, à l’immo- de cheville et des groupes musculaires proxi-
bilisation voire à la décharge mises en place après maux (fessiers, tronc…) ;
l’entorse ou encore aux douleurs séquellaires. • la reprogrammation neuromusculaire ;
L’instabilité fonctionnelle rend compte d’ano- • le travail du geste sportif ou du schéma de
malies de quatre mécanismes intriqués : course.
Chapitre 7. Cheville et pied 257

Conclusions Tendinopathie corporéale


L’instabilité chronique de cheville a une phy-
Physiopathologie
siopathologie multifactorielle avec intrication de
facteurs mécaniques et fonctionnels. Bien que l’excès de contraintes soit le facteur
Un interrogatoire précis, un examen clinique dominant de cette tendinopathie, d’autres fac-
standardisé et des examens paracliniques orientés teurs peuvent lui être associés et doivent être sys-
permettent d’analyser les éléments d’instabilité tématiquement recherchés :
mécanique. • facteurs intrinsèques :
L’instabilité fonctionnelle procède également – âge avancé : en vieillissant, les ténocytes inter-
d’un diagnostic positif avec une évaluation cli- viennent moins dans le renouvellement de la
nique propre. Elle est très souvent associée à matrice tendineuse, la qualité du collagène
l’instabilité mécanique posant la possibilité d’une s’altère et ainsi le tendon perd en résistance
rééducation spécifique assez systématique. et en élasticité,
– sexe masculin  : la pratique sportive fémi-
nine s’intensifiant et se diversifiant, le ratio
homme/femme tend cependant à s’équilibrer
2. Tendinopathies progressivement,
– surcharge pondérale : les forces transmises au
et ruptures tendineuses tendon calcanéen durant l’exercice représen-
tent 10 à 12 fois le poids du corps,
S. Besch, F. Khiami, A. Frey, C. Choufani – troubles statiques du pied, inégalité de lon-
gueur des membres inférieurs, dysharmonie
musculaire agonistes/antagonistes, hyper-
laxité articulaire : modifications de la charge
appliquée sur le tendon,
Tendinopathie calcanéenne – maladies génétiques affectant les tendons  :
ochronose par exemple,
S. Besch, F. Khiami – troubles métaboliques : goutte, diabète sucré,
dyslipidémie, hypercorticisme, insuffisance
rénale chronique (formation de dépôts intra-
Généralités et épidemiologie tendineux et/ou altération de la vascularisa-
tion locale),
La tendinopathie calcanéenne est, en termes de – pathologie rhumatismale : polyarthrite rhuma-
fréquence, l’atteinte tendineuse qui affecte le plus toïde, spondylarthropathie, chondrocalcinose
le sportif pratiquant des activités où prédominent (inflammation locale, déformations osseuses) ;
la course et/ou les sauts (course à pied, athlé- • facteurs intrinsèques :
tisme, sports de raquette, basket-ball…). Son – technopathie  : erreurs d’entraînement, de
incidence est connue de manière approximative : surface, de matériel, de calendrier des compé-
de  6 à 18  % des coureurs à pied selon certains titions, d’environnement (température,
travaux, 3  % de l’ensemble des athlètes pour humidité)…,
d’autres publications. – prises médicamenteuses : corticoïdes, fluoro-
Les lésions microtraumatiques qui la caractéri- quinolones, statines, inhibiteurs de l’aroma-
sent se situent soit en plein corps du tendon (ten- tase, isotrétinoïne.
dinopathie corporéale), soit à son insertion distale D’un point de vue histopathologique, de nom-
calcanéenne (enthésopathie) définissant ainsi deux breuses modifications structurelles et chimiques
sous-groupes ayant une physiopathologie et une au sein du tendon pathologique sont décrites. La
présentation clinique bien distinctes. chronologie de ces changements et leur impact
258 Traumatologie en pratique sportive

sur l’évolution de la lésion ne sont pas encore On réalise également un examen complet du
parfaitement élucidés. Cependant, l’absence pied et de la cheville afin d’éliminer d’autres causes
d’inflammation locale à la phase chronique de la de talalgie postérieure (pathologie fracturaire,
maladie est un constat commun. tumorale, infectieuse du calcanéus, arthropathie
sous-talienne, syndrome du carrefour postérieur,
Clinique neuropathie radiculaire…).

Interrogatoire Imagerie
Il précise plusieurs points :
• Radiographie standard  : sur une incidence de
• concernant la douleur  : topographie (entre  2
la cheville de profil, on peut voir une silhouette
à  6  cm de l’insertion calcanéenne), ancien-
tendineuse ayant perdu son parallélisme habi-
neté, évolution, horaires des douleurs, facteurs
tuel ainsi que la présence éventuelle de calcifi-
déclenchants ou favorisants, traitements déjà
cations en son sein. Pour autant, la radiographie
entrepris. Le retentissement fonctionnel est
vise plutôt à éliminer certains diagnostics diffé-
répertorié selon la classification de Blazina
rentiels ostéoarticulaires.
modifiée par Leadbetter ;
• Échographie  : c’est l’instrument principal de
• concernant le patient  : recherche de facteurs
diagnostic et de suivi évolutif. La tendinopa-
favorisants intrinsèques ou extrinsèques (voir
thie corporéale se traduit par la présence de
plus haut).
plages hypo-échogènes intratendineuses, une
Inspection perte de l’aspect fibrillaire régulier du tendon,
une augmentation ponctuelle ou plus diffuse
La présence d’une boiterie à la marche est très de son calibre. Des calcifications peuvent égale­
rare ; la montée demi-pointe monopodale peut être ment être présentes ainsi que des kystes et
sensible mais est toujours possible. Le saut mono- des lésions fissuraires. L’existence d’une hyper-
podal réveille la douleur. Le tendon peut présenter vascularisation au Doppler puissance traduit
un gonflement local traduisant la présence d’un souvent une poussée évolutive de la tendinopa-
nodule intratendineux. thie. Cependant, la découverte fréquente d’un
remaniement échographique tendineux chez
Examen physique
des patients par ailleurs asymptomatiques incite
Il recherche la triade caractéristique des tendino- à la plus grande prudence pour l’interprétation
pathies : des seules images et impose la recherche d’une
• douleurs à l’étirement passif du tendon  : on concordance indispensable clinique–imagerie
réalise une flexion dorsale passive de la che- avant de proposer une prise en charge théra-
ville. L’étirement peut également être réalisé de peutique.
manière dynamique en demandant au sujet • IRM : c’est un examen de deuxième intention
de s’accroupir, les talons restant à plat ; lorsque l’échographie n’apporte pas toutes les
• douleurs à la contraction musculaire contra- informations sur l’état du tendon et de son envi-
riée  : on réalise une flexion plantaire contre ronnement. La même réserve demeure quant à
résistance (la manœuvre est parfois indolore la valeur pathologique des seules images.
en décubitus ; elle le devient lors de la montée
demi-pointe monopodale, le sautillement) ; Traitement
• douleurs à la palpation : le tendon est plus épais
par rapport au côté opposé, soit de manière Traitement conservateur
diffuse, soit focalement (présence de nodules). Les objectifs thérapeutiques sont clairs  : lutter
Il est également sensible à la palpation. contre la douleur, redonner au tendon des pro-
Il n’existe aucun signe de rupture tendineuse. priétés mécaniques suffisantes pour permettre une
L’examen podoscopique est systématique à la reprise sportive, éviter les récidives en corrigeant
recherche de troubles statiques. autant que faire se peut les facteurs favorisants.
Chapitre 7. Cheville et pied 259

Lutter contre la douleur protocoles de réalisations et d’indications, sans


• Moyens locaux : mise au repos relative du ten- que n’apparaissent pour l’instant de preuves
don, c’est-à-dire activité pratiquée sans douleur scientifiques formelles de leur efficacité. Il
car la mise au repos complet a un impact négatif convient donc de laisser retomber le soufflé de
sur la vascularisation et l’innervation locales  ; l’emballement pour mieux définir leur intérêt,
port d’une talonnette réhaussante ; physiothéra- leurs indications et modalités de préparation.
pie à visée antalgique ; glaçage du tendon en cas D’ores et déjà, une seule certitude : l’usage des
de poussée douloureuse. PRP n’est par un traitement de première inten-
• Moyens généraux  : à la phase initiale, la réac- tion dans la prise en charge des tendinopathies ;
tion inflammatoire locale étant présente, l’usage • autres moyens cités dans la littérature, mais
d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dont l’efficacité reste à démontrer  : le laser
peut se justifier durant quelques jours. Au stade haute énergie, les injections de produits scléro-
chronique, leur utilisation est plus discutée faute sants (pour lutter contre la néoangiogenèse), le
de traces d’inflammation retrouvées au sein du patch de dérivés nitrés, la mésothérapie.
tendon. Les antalgiques de classe  I, voire  II, Actuellement, au vu des résultats, les ondes de
peuvent être préconisés selon la douleur. En choc radiales et le travail musculaire excentrique
revanche, rien ne justifie le recours aux corti- sont préconisés en première intention par la
coïdes per os ou locaux. majorité des auteurs.

Améliorer les compétences mécaniques Éviter les récidives


du tendon en aidant à sa cicatrisation • Corriger les technopathies : gestes, outils, calen-
L’éventail des moyens utilisés est large, témoi- drier des entraînements et des compétitions.
gnant d’une compréhension encore imparfaite • Préconiser les étirements et le renforcement
et/ou du caractère multifactoriel de cette lésion : musculaire excentrique de manière régulière.
• rééducation  : physiothérapie, massages, travail • Lutter contre la surcharge pondérale.
musculaire excentrique constituent la trilogie la • Traiter le diabète, les maladies métaboliques et
plus couramment usitée. Aucune étude n’a pu rhumatismales.
démontrer la supériorité formelle d’une seule • Éviter, autant que faire se peut, les médica-
technique. Aucun protocole n’a jusqu’à présent ments à forte toxicité tendineuse.
été unanimement validé faute de critères formels
permettant d’affirmer la cicatrisation tendineuse ; Indications et résultats
• ondes de choc : elles sont très couramment uti- Le traitement conservateur est toujours proposé
lisées dans les tendinopathies calcanéennes cor- en première intention. Son efficacité est jugée
poréales. Les séries publiées rapportent un taux sur l’évolution de la douleur et la reprise ou non
de satisfaction des patients pouvant atteindre 70 des activités, données extrêmement variables d’un
à  75  %. Pour autant, quel est le paramétrage individu à l’autre d’où la difficulté de chiffrer
le plus efficace (nombre de coups, fréquence, les résultats et de comparer les études. De plus,
pression) ? Quel est le nombre idéal de séances ? le suivi de l’imagerie n’apporte aucun argument
Dans la hiérarchie des traitements, quel est le supplémentaire dans l’interprétation des réponses
meilleur moment pour proposer une thérapie thérapeutiques obtenues. On retiendra simple-
par ondes de choc (TOC)  ? Autant de ques- ment que les travaux avec un long recul (2–5 ans)
tions qui justifient des études multicentriques rapportent une reprise des activités, avec ou sans
permettant de standardiser le(s) protocole(s) douleurs modérées, dans  80 à 90  % des cas. En
le(s) plus adapté(s) ; l’absence d’amélioration après 6 mois d’un traite­
• injections de PRP : c’est un nouveau traitement ment médical bien mené, le temps est alors à la
actuellement en plein essor. Comme toute discussion chirurgicale. Ce délai est un peu écourté
innovation en matière thérapeutique, on assiste chez le sportif de haut niveau aux enjeux sportifs et
dans la littérature à un véritable feu d’artifice de professionnels spécifiques.
260 Traumatologie en pratique sportive

Traitement chirurgical précautionneuse et faite en trois plans distincts


La tendinopathie corporéale répond très bien au (gaine, tissu sous-cutané et peau).
traitement chirurgical. Celui-ci est relativement L’immobilisation postopératoire est relative, ce
stéréotypé et relève d’un peignage tendineux. qui signifie qu’une autorééducation immédiate est
Le principe du peignage consiste à aborder le possible. La protection tendineuse par une botte
tendon sans réaliser de décollements majeurs des de marche amovible permet cette automobilisation
parties molles sous-cutanées. La gaine aponé- précoce, avec un appui soulagé par deux cannes
vrotique tendineuse est ouverte longitudinalement et une talonnette de  10 à  15  mm dans la botte
et parfaitement respectée lors de l’abord, car un pour une durée de  6  semaines. La kinésithérapie
point clé de la protection des plans de glissement débute à la 6e semaine avec un appui complet.
est de la refermer soigneusement. Toute la gaine Les résultats sont bons et supérieurs à 90 % avec
synoviale inflammatoire et adhérente doit être peu de complications. Le retour au sport ad inte-
excisée circonférentiellement, tout en libérant le grum est possible entre le 5e et le 7e mois, variable
tendon. Le tendon est ensuite inspecté et palpé selon le sport et le niveau sportif préopératoires.
à  360°. Il faut rechercher des fissures, clivages, Les complications spécifiques comportent
kystes, calcifications, zones d’induration et zones l’infection, la rupture tendineuse secondaire mais
de fibrose. Tout le tissu macroscopiquement parfois précoce, la persistance d’une inflammation
fibreux est excisé afin de ne laisser apparaître que le si l’excision n’a pas été complète, les lésions neuro-
tissu sain. Il faut veiller à ne pas fragiliser le tendon logiques du nerf saphène externe.
au cours de ce temps d’excision – sous peine de
devoir avoir recours à une autogreffe tendineuse –
pour permettre au tendon de se régénérer et éviter
Enthésopathie calcanéenne
une rupture secondaire sur tendon fragilisé. La tendinopathie calcanéenne d’insertion est
Enfin, le peignage est effectué et consiste à inci- moins fréquente que l’atteinte corporéale. L’envi-
ser le tendon longitudinalement en deux ou trois ronnement anatomique propre à cette région du
incisions pour obtenir trois ou quatre bandelettes tendon permet de comprendre certaines étiologies,
tendineuses de taille équivalente (figure 7.14). présentations cliniques et options thérapeutiques :
Le peignage permet d’accéder au tendon pro- • présence de bourses pré- et rétro-achilléennes
fond, de poursuivre l’excision des tissus patholo- destinées à limiter, à l’état physiologique, les
giques en profondeur et de relancer la production phénomènes de frottement ;
de ténocytes pour la sécrétion de collagène de • un bord postérosupérieur du calcanéum, très
bonne qualité. Les bandelettes sont suturées pour proche de la partie terminale du tendon, pouvant
reformer un tendon homogène. La fermeture est vite devenir menaçant, voire agressif, lorsqu’il
présente une anatomie atypique (maladie de
Haglund) ;
L’enthèse, véritable intermédiaire entre le ten-
don et l’os en termes de résistance, vascularisation
et calcification, a un potentiel évolutif différent de
celui du corps du tendon.

Physiopathologie
On distingue deux types d’enthésopathies :
• celles dites non mécaniques, présentant les
mêmes facteurs favorisants que les tendinopa-
thies corporéales (voir plus haut) ;
• celles dites mécaniques, répondant à un conflit
Figure 7.14. Peignage du tendon calcanéen en trois constitutionnel ou acquis de l’angle postérosu-
lanières. périeur du calcanéum avec le tendon.
Chapitre 7. Cheville et pied 261

Clinique Encadré 7.3

Outre la triade clinique pathognomonique de Classification de Khiami-Rolland


la tendinopathie, il existe quelques particularités • Stade 1 : bursite.
propres à cette localisation : • Stade 2 : conflit osseux sans atteinte tendi-
• présence fréquente d’une tuméfaction locale, neuse.
témoignant d’une bursite et/ou d’une saillie • Stade 3a : rupture partielle < 50 %.
osseuse ; • Stade 3b : rupture partielle > 50 % = fragi-
• à la palpation, la zone douloureuse exquise se lisation.
situe exclusivement à la partie basse du tendon. • Stade 3c : rupture complète.
Il existe un empâtement local répondant à une • Stade 4  : perte de substance tendineuse
bursite et/ou un infiltrat du triangle de Kager. (nécrose).
L’examen locorégional systématique permet-
tra d’éliminer d’autres causes de douleurs pos-
térieures de la cheville  : syndrome du carrefour ponction–infiltration d’une bursite pré-achilléenne
postérieur, tendinopathies ou arthropathies de lorsqu’elle présente un volume conséquent.
voisinage, affections osseuses et ostéochondrales,
Traitement chirurgical
syndrome du tunnel tarsien.
Contrairement aux tendinopathies corporéales,
les atteintes distales qui concernent l’insertion
Imagerie
relèvent d’une prise en charge résolument diffé-
• Radiographie standard : elle peut être normale rente dans laquelle le peignage n’a aucune place.
ou retrouver simplement quelques calcifications Plusieurs tableaux peuvent être rencontrés et
intratendineuses sans véritable valeur diagnos- leur présentation peut être anticipée à l’IRM.
tique. Elle permet de rechercher des signes Les lésions peuvent être isolées ou associées :
en faveur d’une lésion osseuse ou ostéochon- • conflit osseux pur : maladie de Haglund (fig­ure
drale de l’arrière-pied, d’une maladie rhumatis- 7.15) ;
male. Elle permet également d’orienter vers • association à une atteinte tendineuse < 50 % de
une maladie de Haglund via la mesure de divers l’épaisseur du tendon ;
angles sur les clichés de profil en charge : angle • association à une atteinte tendineuse > 50 % de
de Chauveaux, angle de Fowler et Philipp, l’épaisseur du tendon (figure 7.16) ;
angle d’inclinaison calcanéenne. • perte de substance tendineuse (figure 7.17) ;
• Échographie  : elle recherche une douleur à la • rupture complète sur terrain de tendinopathie.
palpation échoscopique, des signes de remanie- À chaque tableau correspond une stratégie
ment de l’enthèse, une possible hypervascula- technique différente et adaptée :
risation au Doppler puissance, la présence de • en cas de conflit, il faut réséquer la zone calca-
bursites. Réalisée en dynamique (flexion plan- néenne agressive  : c’est la résection du conflit
taire puis dorsale), elle visualise bien le conflit osseux ;
de Haglund. • en cas de lésion tendineuse partielle non fragi-
• IRM : elle retrouve les lésions vues en échogra- lisante, une excision de la fibrose associée à un
phie. Elle permet de préciser la lésion selon la traitement du conflit est nécessaire ;
classification de Khiami-Rolland (encadré 7.3). • en cas de lésion tendineuse fragilisante, la prise
en charge doit comporter une technique de
Traitement renforcement du tendon par soit des plasties
de retournement de type autogreffe, soit une
Traitement conservateur autogreffe libre, soit une désinsertion totale
Les modalités du traitement conservateur des en­ (aggravation volontaire de la lésion) suivie
thésopathies ne diffèrent en rien de celles des ten- d’une réinsertion du tendon fragilisé : c’est une
dinopathies corporéales (voir plus haut), hormis la réfection de l’enthèse ;
262 Traumatologie en pratique sportive

Figure 7.15. Conflit postérosupérieur tendinocalcanéen (stade 2).


Le tendon est normal à l’IRM. Il existe une bursite et un hypersignal osseux signant le conflit.

Figure 7.16. Exemple de prise en charge d’une fragilisation de l’insertion (stade 3B) (a).
Le traitement consiste à désinsérer le tendon (b), confectionner une tranchée osseuse (c) et réinsérer le tendon
en transosseux (d).

• en cas de perte de substance tendineuse, un En cas de lésions plus avancées, nécessitant


lambeau par auto- ou allogreffe est nécessaire ; une réinsertion, une suture ou une greffe, une
• en cas de rupture, une suture associée au traite­ immobilisation postopératoire de 6  semaines est
ment des lésions liées à la tendinopathie est recommandée. À l’issue de cette immobilisation,
entreprise. la reprise d’appui est possible sous couvert d’une
Les suites opératoires sont différentes ainsi que talonnette avec reprise progressive de la marche.
les délais de récupération. Jusqu’au 3e mois postopératoire, il faut s’attacher à
Le conflit isolé ainsi que les ruptures partielles récupérer les mobilités articulaires, traiter l’œdème
non fragilisantes ne sont pas immobilisés en post- postopératoire et les troubles cicatriciels. Au-delà
opératoire et récupèrent rapidement. Un simple du 3e mois, une rééducation plus active est indiquée,
accompagnement en kinésithérapie douce est avec renforcement musculaire et travail neuromus-
indiqué les six premières semaines. Une fois les culaire, puis introduction progressive d’activités
phénomènes douloureux, l’œdème postopéra- sportives. L’immobilisation postopératoire, néces-
toire et les troubles cicatriciels traités, et les saire à la cicatrisation tendineuse, engendre raideur
mobilités de la cheville restituées, un travail plus articulaire, amyotrophie et déprogrammation neu-
actif est indiqué. La récupération sportive néces- romusculaire. Ceci explique pourquoi les délais de
site 4 à 6 mois selon le sport et le niveau sportif récupération sont plus longs, de l’ordre de 10 mois
préopératoires. à 1 an selon le sport et le niveau sportif.
Chapitre 7. Cheville et pied 263

Figure 7.17. Reconstruction tendineuse pour fragilisation et perte de substance tendineuse (stade 4).
L’IRM montre une fragilisation de l’insertion (a), mais en peropératoire, il existe une nécrose tendineuse (b). Après
avoir excisé la nécrose et les zones de fibrose (c), il existe une perte de substance importante. Le traitement consiste
à confectionner une tranchée osseuse (d) et y réinsérer une autogreffe d’aponévrose du tendon calcanéen prélevée
plus haut (e).
264 Traumatologie en pratique sportive

Indications gastrocnémiens et du soléaire. Sa «  robustesse  »


Grâce aux travaux de la Pitié-Salpêtrière de 2015, répond aux innombrables tractions auxquelles il
puis la thèse de Jouffriault de 2017, un algo- est soumis dans la vie quotidienne et de manière
rithme décisionnel a pu être établi (figure 7.18). encore plus intense lors de la pratique de certains
sports en charge car sa fonction est de transmettre
au calcanéum les forces engendrées par la contrac-
tion des muscles dont il est issu, permettant ainsi
Rupture du tendon le décollement du talon, action indispensable pour
calcanéen pouvoir marcher, sauter, courir sans aucune gêne.
Pourtant, sa rupture est loin d’être rare. En effet,
S. Besch, F. Khiami l’incidence de cette lésion est estimée actuellement
entre 7 à 40 pour 100 000 personnes par an selon
les études. Elle est en constante augmentation
Épidémiologie depuis quelques décennies. En dehors des facteurs
bien connus de fragilisation tendineuse (médi-
Le tendon calcanéen est un des tendons les camenteux comme la corticothérapie per os ou
plus résistants de l’appareil locomoteur. Il naît locale, les fluoroquinolones ou les anabolisants  ;
de la fusion des aponévroses des deux muscles rhumatologiques ; chirurgie du tendon ; diabète),

Figure 7.18. Algorythme décisionnel de prise en charge thérapeutique d’une enthésopathie calcanéenne.
ODC : ondes de choc.
Chapitre 7. Cheville et pied 265

plusieurs causes peuvent expliquer la recrudes- • l’existence d’un hématome péri-achilléen ;


cence des ruptures du tendon calcanéen : le recul • l’existence d’un comblement des gouttières
de l’espérance de vie augmentant l’exposition aux rétromalléolaires si la lésion date de plusieurs
contraintes mécaniques de tendons vieillissants  ; heures.
la surcharge pondérale croissante de la population La montée demi-pointe est toujours possible
générale  ; des sportifs récréatifs de plus en plus en bipodal, bien qu’asymétrique, mais totalement
nombreux et des pratiques sportives de plus en impossible en appui monopodal du côté lésé
plus diversifiées, sophistiquées, extrêmes parfois ; ( vidéo 7.1).
des niveaux d’activités plus intenses. À l’examen, en décubitus dorsal, on note une
La rupture du tendon calcanéen intéresse préfé- augmentation asymétrique de la flexion dorsale
rentiellement deux tranches d’âge : passive de la cheville du côté lésé. Signe trom-
• l’une autour de  30–40  ans, avec une nette peur, la flexion plantaire active reste possible en
prédominance de sportifs amateurs masculins ; décubitus, réalisée par la contraction des muscles
• l’autre, après 70 ans, survenant le plus souvent tibial postérieur, fléchisseur commun des orteils,
lors d’un accident banal de la vie quotidienne fléchisseur propre de l’hallux et long fibulaire.
(glissade, marche d’escalier ratée…). Cependant, ces muscles n’étant pas suffisamment
puissants, ils ne peuvent assurer une flexion plan-
taire en appui monopodal d’où l’intérêt de tester
Physiopathologie le patient debout pour démasquer l’insuffisance
fonctionnelle du triceps sural liée à la rupture. Par
Si l’on exclut les rares traumatismes directs (choc
ailleurs, les bilans articulaire et ligamentaire de la
violent, plaie), deux mécanismes peuvent provo-
cheville et du pied sont strictement normaux.
quer une rupture du tendon calcanéen :
En décubitus ventral (position exposant idéale-
• une forte poussée sur l’avant-pied, genou tendu
ment le tendon calcanéen), les pieds dépassant du
(ex. : départ de sprint, impulsion lors d’un saut) ;
bout de table, on note :
• une dorsiflexion brutale passive et inattendue
• une verticalisation du pied par rapport au côté
de la cheville (ex. : chute en avant à ski genou
opposé due à la perte du tonus du tendon au
tendu).
repos (signe de Brunet) ;
• une absence de réponse à la manœuvre de
Clinique Simmonds-Thompson  : sur un tendon sain, la
pression des muscles du mollet par l’examinateur
Le tableau clinique est caractéristique et ne pose provoque une flexion plantaire de la cheville
pas de problème diagnostique, si ce n’est celui (figure 7.19 et vidéo 7.2) ; cette manœuvre
d’évoquer cette lésion  : 20 à 30  % de ruptures peut également être réalisée le genou fléchi
méconnues en post-traumatique immédiat ! à 90° ;
À l’interrogatoire, l’on retrouve : un mécanisme • l’augmentation de la flexion dorsale passive du
lésionnel typique, des facteurs de risque, la sensa- côté de la rupture déjà constatée en décubitus
tion d’avoir reçu un violent projectile ou coup de dorsal (test de Matles) ;
fouet à l’arrière de la cheville, la perception d’un • une zone douloureuse exquise à la palpation
craquement ou claquement audible parfois par ainsi qu’un hiatus net (parfois visible) en regard
l’entourage du blessé, l’appui immédiat impos- de la rupture. Ce dernier devient plus difficile
sible sur le membre lésé suivi, au bout de plusieurs à constater au bout de quelques jours, masqué
minutes, d’une reprise progressive de l’appui avec alors par l’hématome.
boiterie. Bien que la plupart des ruptures se produisent
À l’inspection, sujet debout, on note : en plein corps tendineux, zone de vascularisation
• une disparition du demi-pas postérieur à la moindre fragilisant le tendon, elles peuvent égale­
marche compensée par une flexion du genou ; ment survenir au niveau de la jonction myoten-
• la disparition du relief tendineux ; dineuse ou proche de son insertion calcanéenne.
266 Traumatologie en pratique sportive

Figure 7.19. Manœuvre de Simmonds-Thompson.


a. Rupture du tendon : absence de réponse. b. Tendon continu : réponse positive.
Source : Carole Fumat.

Imagerie polémiques pendant plusieurs décennies. La dis-


cussion n’a cependant toujours concerné que la
Le diagnostic de rupture du tendon calcanéen prise en charge des ruptures situées en plein corps
est clinique. L’imagerie ne se justifie qu’en cas de du tendon car l’attitude était et reste consensuelle
doute diagnostique ou pour discuter des modali- pour les ruptures hautes, toujours traitées de
tés thérapeutiques : manière conservatrice en raison d’un fort poten-
• radiographie  : en cas de rupture basse, un tiel de cicatrisation lié à la proximité du muscle,
cliché de la cheville de profil permet de recher- ou les ruptures proches de l’insertion osseuse,
cher un arrachement osseux qui, selon sa taille toujours traitées chirurgicalement car ne cica-
et sa topographie, pourra être éventuellement trisant pas spontanément.
ostéosynthésé. Toute autre incidence aura Concernant les ruptures corporéales tendineuses,
pour objectif d’éliminer d’autres diagnostics et les deux méthodes, conservatrices ou chirurgicales,
dépendra du bilan clinique ; se justifient car permettant, l’une comme l’autre,
• échographie  : c’est l’examen de choix pour d’obtenir une cicatrisation du tendon avec, dans
évaluer si le hiatus intertendineux est réductible toutes les séries publiées, des résultats fonctionnels
lors de la mise en flexion plantaire passive. En comparables à 1 an du traumatisme.
effet, s’il persiste un écart intertendineux de
plus de 1 cm dans cette position, la plupart des Traitement conservateur
auteurs réfutent le traitement conservateur au
Le traitement conservateur, dans sa conception
profit d’une réparation chirurgicale ;
initiale (10–12 semaines d’immobilisation dont les
• IRM  : elle ne présente aucun intérêt dans les
6  premières en équin avec appui très partiel puis
ruptures récentes. En revanche, dans les lésions
remise en charge progressive avec réduction par
vues plus tardivement (> 15 jours), elle fournit
palier de la flexion plantaire), présentait un taux
des informations sur le degré de rétraction et
de re-rupture plus conséquent (10–13  %) et une
de dégénérescence du tendon, sur un possible
immobilisation bien plus longue (10–12 semaines)
comblement du hiatus par du tissu fibreux, cri-
que ceux constatés lors d’une prise en charge
tères fondamentaux pour décider des modalités
chirurgicale (respectivement 3–4 % et 6 semaines).
thérapeutiques.
Ses modalités ont évolué au fil du temps avec
notamment une meilleure sélection des sujets
Traitement grâce à l’échographie initiale recherchant l’affron-
tement des deux extrémités tendineuses en posi-
Le traitement des ruptures récentes (<  8  jours) tion d’équin ; par ailleurs, un appui plus précoce
du tendon calcanéen a fait l’objet de nombreuses a été autorisé.
Chapitre 7. Cheville et pied 267

L’introduction récente du traitement fonc- • deuxième protocole  : 4  semaines à 30° de FP,


tionnel, avec appui quasi immédiat (facilitant puis 2  semaines avec FP dynamique entre  15
la maturation du collagène, augmentant la vas- et  30°, puis 2  semaines avec FP dynamique
cularisation tendineuse, stimulant le remodelage entre 0 et 30°.
tendineux, luttant contre l’amyotrophie) et mobi- La rééducation post-immobilisation est  incon-
lisation précoce en secteur protégé via une botte tournable. Les exercices proposés doivent  répon­
à angulation réglable, a permis de réduire le délai dre  aux propriétés mécaniques évolutives du
d’immobilisation (8–10  semaines) et, surtout, tendon en cours de cicatrisation. Pour cette raison,
d’obtenir un taux de re-rupture similaire à celui aucun protocole optimal et/ou strict n’a jusqu’à
de la chirurgie. Par conséquent, le traitement présent été adopté.
conservateur retrouve une plus grande légitimité,
faisant diminuer les indications d’une réparation
Traitement chirurgical
chirurgicale.
Kauwe, dans sa revue bibliographique, fait une Le traitement chirurgical d’une rupture du ten-
synthèse des principes les plus récents du traite- don calcanéen consiste en une suture des frag-
ment conservateur (tableau 7.4). ments rompus. Le traitement peut être à ciel
Le traitement antithrombotique n’est plus sys- ouvert conventionnel, percutané ou mini-invasif.
tématique pour la majorité des auteurs, sauf ter- Les techniques dépendent de l’opérateur et de
rain à risque identifié (antécédents de phlébite, son expérience, du siège de la rupture et du profil
traitement hormonal, pathologie maligne évolu- du patient.
tive, surcharge pondérale). Globalement, il faut différencier les ruptures
Après la levée de l’immobilisation, le port d’une corporéales et celles de l’insertion. Les rup-
talonnette dans les deux chaussures pendant plu- tures  hautes ne sont pas chirurgicales, car elles
sieurs mois est majoritairement recommandé. sont en zone richement vascularisée avec un fort
Le traitement fonctionnel exige une bonne potentiel de cicatrisation.
compliance et compréhension du patient compte Inversement, les désinsertions sont systéma-
tenu du risque de re-rupture en cas de mobilisation tiquement chirurgicales et nécessitent une réin-
précoce intempestive. Certains thérapeutes n’y ont sertion transosseuse.
donc recours pour l’instant que si le suivi se fait Enfin, les ruptures corporéales, si l’indication
dans des centres ayant l’expérience et la rigueur opératoire est retenue, peuvent bénéficier de
nécessaires. Quand cela s’avère difficile à mettre en toutes les techniques.
œuvre, d’autres protocoles sont possibles : La suture à ciel ouvert (figure  7.20) est une
• premier protocole : 5 semaines à 30° de flexion suture conventionnelle qui a l’avantage de réta-
plantaire (FP), puis 3 semaines à 15° de FP, puis blir parfaitement la longueur du tendon avec une
2  semaines en FP dynamique entre  15 et  30°, suture solide et de qualité. Le principal écueil pro-
puis 1 semaine en FP dynamique entre 0 et 30° ; vient des complications cutanées si la technique

Tableau 7.4. Exemple de protocole d’un traitement conservateur.


Semaines Appui Immobilisation et fonctions
0–2 Appui complet Plâtre ou orthèse à 20–30° de flexion plantaire
3–4 Appui complet ; début de réduction progressive Jambes pendantes, début sous contrôle de flexion dorsale active
de l’équin ne dépassant pas 0°, à répéter pendant 5 minutes plusieurs fois par jour
5–6 Appui complet ; poursuite de la réduction Poursuite de la mobilisation active contrôlée
de l’équin
7–8 Appui complet en position neutre Poursuite de la mobilisation contrôlée ; ablation de l’orthèse la nuit
9–12 Début de la rééducation
268 Traumatologie en pratique sportive

Figure 7.20. Suture à ciel ouvert.

opératoire ne respecte pas les règles précises de la


chirurgie du tendon d’Achille.
La suture percutanée (figure 7.21) a pour avan- Figure 7.22. Suture mini-invasive par dispositif Achillon®.
Source : Carole Fumat.
tage son caractère à « foyer fermé ». Cela permet
de protéger la peau et de garder l’hématome
provenant de la rupture ce qui accélère la cicatri- La chirurgie mini-invasive (figure 7.22) néces-
sation. Cependant, la technique de reconstruction site un dispositif spécifique qui permet de suturer
est moins précise que la suture à ciel ouvert, mais a les fragments tendineux à distance. La technique
bénéficié de l’apport de l’échographie peropératoire exige un apprentissage précis dans l’ordre de pas-
pour faciliter la suture. Quelques nécroses cutanées sage des fils, mais les résultats semblent excellents.
ont été décrites sur le point de fixation distal. Quoi qu’il en soit, une période de protection
maximale doit être préconisée les 6  premières
semaines en équin de gravité (entre 10 et 15°) avec
un appui soulagé ou sans appui si la réparation est
fragile. Au-delà de la 6e semaine, la reprise d’appui
est progressive avec début de la rééducation. Au
3e  mois, une intensification des exercices permet
d’obtenir une marche normale, de reprendre le
vélo et d’envisager une reprise de la course à pied.
Le sport spécifique peut être repris entre le 4e et
le 6e mois. La rapidité de reprise du niveau sportif
dépend du niveau sportif préopératoire.

Indications
Trois paramètres principaux, étroitement liés,
guident essentiellement le choix thérapeutique :
• le siège de la rupture : seule la rupture en plein
corps du tendon donne lieu à une discussion entre
une prise en charge chirurgicale ou conservatrice ;
• le niveau sportif : malgré des taux de re-rupture
devenus quasi similaires et des résultats fonction-
Figure 7.21. Suture percutanée par Ténolig®. nels comparables à 1 an, le jeune sportif a encore
Source : Carole Fumat. tendance à préférer un traitement chirurgical en
Chapitre 7. Cheville et pied 269

cas de rupture corporéale, en raison du délai mais de nombreux paramètres vont influencer
d’immobilisation moins long (6 semaines) et étant cette reprise : le sex-ratio (les hommes reprenant
davantage rassuré par la solidité de la suture plus davantage une activité que les femmes), la nature
que par celle d’une cicatrisation spontanée… ; et le niveau de pratique, la motivation, l’appré-
• l’ancienneté de la lésion  : au-delà de  7  jours hension, le degré de récupération.
post-traumatiques, le diastasis intertendineux a La reprise de la course à pied se fait en moyenne
toutes les chances d’être déjà en partie comblé autour du  6e  mois post-traumatique. Les sauts
par un cal fibreux, rendant l’affrontement des sont introduits à partir du 7e mois.
berges tendineuses impossible en équin, abou- La reprise de la compétition, en moyenne au
tissant à une cicatrisation avec allongement du bout de 10 à 12 mois pour les sports en charge,
tendon. L’imagerie seule permet de prendre est conseillée lorsque les tests fonctionnels dyna-
une décision. miques sont satisfaisants : saut monopodal hori-
L’âge du patient, l’existence de tares, la zontal et vertical atteignant au moins 75  % des
de­mande fonctionnelle sont également à prendre valeurs du côté sain. Ces délais sont beaucoup
en considération dans cette discussion. plus courts chez le sportif de haut niveau et
plus généralement, chez les patients motivés,
suivis et accompagnés dans leur récupération
Résultats
fonctionnelle.
Ils sont évalués selon deux grands paramètres, le
taux de rupture itérative et les capacités fonction-
nelles à 6–12 mois : Lésions des tendons
• taux de re-rupture  : il varie selon les protocoles de la cheville (tibial antérieur,
(avec ou sans rééducation et appui immédiats) tibial postérieur, fibulaires)
mais a globalement très nettement régressé, allant
de 1 à 7 % en moyenne. La période à risque de sur- A. Frey
venue des re-ruptures se situe durant les 4 à 6 pre-
mières semaines qui suivent l’ablation de l’orthèse Ces pathologies sont peu fréquentes et néces-
d’où des règles de prudence à bien expliciter au sitent de les rechercher systématiquement lors de
patient  : pas de course ni de marche accélérée, l’interrogatoire et de l’examen clinique de la che-
montée des marches une par une, pas de saut ni de ville. Elles font partie des diagnostics différentiels
montée en demi-pointe, pas de marche pieds nus des traumatismes latéraux de la cheville pour les
mais port d’une talonnette en permanence dans les lésions des fibulaires, des traumatismes médians
chaussures de ville et à domicile ; de la cheville pour les lésions du tibial postérieur.
• capacités fonctionnelles  : dans toutes les séries En revanche, les lésions du tibial antérieur sont le
comparant chirurgie versus traitement conserva- plus souvent isolées.
teur, les résultats fonctionnels à 1 an (périmètre Plusieurs diagnostics sont possibles pour ces
mollet, saut, course, indice de satisfaction) sont quatre tendons. Il s’agit soit d’une :
similaires. • tendinopathie corporéale ou enthésopathie dis-
Avec le traitement chirurgical, l’on peut espérer tale (simple, nodulaire ou fissuraire) ;
un taux de re-rupture de moins de  3  % avec un • ténosynovite (crépitante, sténosante, exsudative) ;
délai de retour au sport autour de 6 mois. L’écueil • luxation par effraction des retinaculums ;
provient surtout des complications infectieuses, • rupture partielle (amincissement, épaississe­
rares mais graves. ment, allongement) ;
• rupture totale.
Délais de retour au sport Les tendinopathies associées ou non à des téno-
synovites sont les plus fréquentes. Les luxations
Après une rupture du tendon calcanéen, environ ou ruptures sont moins fréquentes en pathologie
80  % des sujets reprennent une activité sportive sportive.
270 Traumatologie en pratique sportive

Nous aborderons ici les trois localisations en agresser ce tendon ou cette gaine, ou de chaus-
rappelant leur anatomie et l’action de chaque sures trop serrées perturbant la biomécanique de
tendon puis en détaillant la clinique et la prise en ce tendon. En cas de fissures longitudinales, elles
charge des diagnostics possibles. À l’interrogatoire, siègent le plus souvent au niveau de son passage
nous rechercherons une douleur, un claquement, sous le retinaculum.
une sensation de ressaut, un gonflement, une Une autre pathologie fréquemment rencontrée
instabilité qui ne sont pas pathognomoniques mais est la rupture de ce tendon soit sur un mode aigu
qui peuvent nous orienter vers une pathologie lors d’une chute sur les fesses avec un pied en
tendineuse lors du testing qui de toute façon sera flexion plantaire maximale associée à une éversion
systématique lors de l’examen de la cheville. de l’avant-pied (position d’étirement maximal
En imagerie, l’échographie sera l’examen de du tendon), soit sur un mode chronique lors de
choix couplé à la radiographie de la cheville. pathologies tendineuses chroniques ou de rares
L’analyse du tendon et de son trajet sera d’autant maladies inflammatoires comme la goutte. Les
plus précise lors des manœuvres dynamiques en types de ruptures peuvent être soit totales, soit
échographie. sous forme de fissure longitudinale. En cas de
rupture totale, on retrouve les lésions à deux
endroits soit au niveau des poulies de réflexion,
Tibial antérieur soit au niveau de l’insertion distale avec parfois
une pastille osseuse arrachée. C’est une lésion
Anatomie et biomécanique plutôt du sujet âgé avec une moyenne d’âge
Le muscle tibial antérieur est un muscle profond d’environ 50–60 ans.
de la loge antérieure de la jambe et se prolonge D’autres mécanismes peuvent être rencontrés
par un tendon puissant qui s’insère sur le bord comme les plaies de la face dorsale du pied par
dorsomédial du pied. chute d’un objet tranchant. Il faut toujours se
Son insertion proximale se situe au niveau du méfier d’un tableau de tendinopathie du tibial
tubercule de Gerdy et de la face latérale de la antérieur, longtemps douloureuse, qui devient
tubérosité tibiale antérieure et du tibia. Il des- brutalement indolente (parfois après une infil-
cend verticalement avec un point de réflexion tration cortisonée). La disparition des douleurs
au niveau du ligament annulaire antérieur où, au laisse place à un déficit de la dorsiflexion active et
niveau du retinaculum supérieur, il traverse un signe une rupture qui risque d’être méconnue, sur
dédoublement de son feuillet, source de conflit. un terrain de tendinopathie chronique.
Son insertion distale se termine à la face interne
du 1er  cunéiforme et à la partie médiale du Clinique
1er métatarsien.
Il est le fléchisseur dorsal du pied le plus puis- En cas de traumatisme aigu du tendon tibial anté-
sant ; il a un rôle également dans l’adduction et rieur, on retrouve à l’interrogatoire un claque-
l’inversion du pied. C’est aussi un suspenseur ment avec une douleur vive sur la face antérieure
de la voûte plantaire qui limite la pronation de de la cheville ou sur le bord médial du médio-
l’arrière-pied lors de la course ou de la marche. pied. Le patient peut souvent reprendre une
marche mais avec un steppage (à ne pas confondre
avec une lésion neurologique du nerf fibulaire ou
Physiopathologie d’une sciatalgie type L5). Localement, l’examen
Les principales lésions du tendon du tibial anté- peut parfois retrouver un discret œdème mais
rieur sont le plus souvent des tendinopathies, plus surtout une disparition du relief du tendon tibial
rarement des ténosynovites en regard des retina- antérieur.
culums antérieurs de la cheville ou de la présence Lors du testing des muscles releveurs du pied,
d’ostéophytes du col talien antérieur, qui peuvent il existe bien une flexion dorsale du pied, mais
Chapitre 7. Cheville et pied 271

celle-ci est possible uniquement avec les Tibial postérieur


extenseurs des orteils et avec moins de force que
le côté opposé. Pour sensibiliser la manœuvre, on Anatomie et biomécanique
demande au patient de relever l’avant-pied, mais Le muscle tibial postérieur est un muscle profond
avec les orteils fléchis, ce qui rend impossible la de la loge postérieure profonde de la jambe et
flexion dorsale du pied. se prolonge par un tendon au  1/3 moyen se
La palpation peut retrouver le moignon du dirigeant vers le bas. Il est le muscle le plus interne
tendon sous le retinaculum inférieur en cas de au niveau de l’articulation de la cheville. Il passe
rupture basse, mais surtout la disparition de la sous l’arcade du fléchisseur commun des orteils,
corde du tendon lors de l’extension contrariée. en arrière puis en dehors de la malléole médiale,
En cas de traumatisme chronique avec rupture puis au-dessus du sustentaculum tali. Il s’insère
longitudinale partielle du tendon tibial antérieur, sur le tubercule interne du naviculaire avec des
on retrouve un tableau douloureux chronique expansions vers les os du pied proches du navicu-
avec une inflammation le plus souvent des gaines laire, sauf le talus et le 1er métatarsien. Une gaine
(recherche de la crépitation neigeuse), une dou- synoviale l’entoure et elle s’étend de  2  à  3  cm
leur provoquée à l’étirement en flexion plantaire au-dessus de la pointe de la malléole médiale
et éversion, et lors du testing isométrique en à 1 cm de son insertion distale sur le naviculaire.
flexion–adduction contrariée. Cette gaine ne communique pas avec l’articula-
En cas d’enthésopathie distale, le tableau peut tion talocrurale. Il maintient la voûte plantaire,
être trompeur et on peut le confondre avec une est adducteur, fléchisseur plantaire et supinateur
arthropathie cunéométatarsienne du 1er rayon. accessoire.
Imagerie
Physiopathologie
La radiographie de la cheville peut nous montrer
C’est probablement le tendon qui subit la plus
des ostéophytes antérieurs ou des arrachements
grande pression quand le pied est plat lors du
osseux sur l’enthèse distale du tibial postérieur en
déroulé du pied. Une fois que le talon s’est levé, il
regard du naviculaire. C’est surtout l’échographie
contribue à la stabilité des articulations de la cheville.
qui nous montrera l’aspect du tibial antérieur et la
La pathologie du tibial postérieur est retrouvée
position exacte du tendon une fois rompu.
notamment chez le danseur et le coureur à pied,
mais elle doit être différenciée d’une lésion du flexor
Traitement
hallucis longus ou d’un syndrome talien postérieur.
En cas de tendinopathie ou de ténosynovite, le Le mécanisme principal de la lésion de ce tendon est
traitement repose sur le traitement des tendinopa- la dorsiflexion de la cheville avec éversion.
thies ainsi que sur des moyens locaux de protec- Espinosa propose une classification en deux
tion de la face dorsale du pied. grands stades :
En cas de rupture du tibial antérieur, le traite- • le stade  1 définit une simple ténosynovite sans
ment reste le plus souvent chirurgical. L’immo- déformation. Le tendon peut être enflammé
bilisation stricte est d’environ 6  semaines après ou partiellement rompu. Il n’y a presque pas
chirurgie, puis une reprise de la marche est pos- de déformation ou seulement une déformation
sible  ; le footing est repris entre 3  et 4  mois. minime présente à l’arrière-pied. Cette phase est
L’abstention peut être proposée chez les sujets divisée en trois catégories : tendinopathie corpo-
âgés avec mobilité réduite car l’extension du pied réale, fissuration partielle et rupture partielle ;
est en partie réalisée par les extenseurs des orteils • le stade 2 est défini par la présence d’une rup-
mais le patient garde un discret steppage. ture du tendon. Cette étape est divisée en cinq
En cas de fissure longitudinale, le traitement catégories qui sont importantes à distinguer
peut être chirurgical avec suture, protection de parce qu’elles ont un impact sur la prise de
la cheville et reprise du footing à 3 mois environ. décision chirurgicale. En cas de rupture du tibial
272 Traumatologie en pratique sportive

postérieur lors d’un mécanisme en flexion dor- En cas de luxation du tibial postérieur, la
sale avec une éversion forcée, le patient décrit radiographie peut retrouver une écaille osseuse
une douleur, un craquement avec la sensation en regard de la malléole médiale, témoin d’un
de déchirure. arrachement du retinaculum.
En cas de luxation du tibial postérieur, les
facteurs retrouvés sont une gouttière rétromal- Traitement
léolaire médiale hypoplasique, une insuffisance du En cas de tendinopathie, le traitement repose
retinaculum, un traumatisme répétitif chronique aussi sur le bilan podologique avec semelles pro-
ainsi que des injections répétées de corticoïdes, posant un soutien de la voûte médiale, les AINS
valables aussi pour la rupture. si besoin et le travail en rééducation. Le retour
au sport est variable en fonction de l’intensité des
Clinique symptômes et des anomalies retrouvées et varie
En cas d’inflammation du tendon ou de sa gaine, il entre 1 et 4 mois.
faut rechercher une décompensation progressive, En cas de rupture, le traitement chirurgical
une douleur à la palpation du tubercule médial comporte plusieurs techniques associant suture,
du naviculaire, une douleur à l’étirement du tibial transfert tendineux ou autogreffe. Le délai de
postérieur et lors des contractions isométriques. retour au sport est d’au moins 6 mois.
En cas de rupture, nous recherchons une dou- En cas de luxation, le traitement est chirur-
leur en arrière de la malléole médiale, une dis- gical avec une suture de la gaine sur le périoste
parition du relief du tendon tibial postérieur et et une reconstruction du retinaculum par un
une baisse de force de l’inversion du pied, mais lambeau périosté si besoin, suivi d’une décharge
attention car, si l’examen ne se fait qu’en décubi- de 4 semaines. Le délai de retour au sport se situe
tus dorsal, le sujet peut ébaucher les mouvements entre 4 et 6 mois.
pas les autres tendons. Il faut mettre le sujet en
position debout, se placer derrière lui et alors vous Tendons fibulaires
observerez un affaissement de la voûte plantaire
avec visualisation d’une bonne partie des orteils, Anatomie
car l’avant-pied est parti en abduction–rotation
Le long fibulaire est un muscle de la loge latérale
latérale. Dans cette position, nous pouvons aussi
de la jambe partant du tiers supérieur de la jambe
demander au sujet de se mettre debout sur les
pour former un tendon au tiers inférieur de la
orteils, ce qu’il aura du mal à réaliser.
jambe passant en arrière du court fibulaire. Il
En cas de luxation, nous retrouvons un œdème
passe ensuite dans la gouttière postérieure de la
modéré au niveau de la partie médiane, un tendon
malléole fibulaire pour se projeter vers le canal
qui se situe en avant de la malléole médiale, un
cuboïdien et se rendre ensuite à la face plantaire
vide en rétromalléolaire, une faiblesse importante
du  1er et du 2e  métatarsien avec une expansion
lors de l’inversion active contrariée et une montée
vers le  1er  cunéiforme. Son action est multiple  :
unipodale compliquée.
soutien latéral de la voûte plantaire, pronateur,
abducteur et fléchisseur plantaire accessoire.
Imagerie Le court fibulaire est un muscle de la loge
En dehors de l’échographie qui est aussi perfor- latérale de la jambe partant du bord latéral de la
mante que l’IRM, la radiographie peut être utile fibula pour former un tendon au tiers inférieur
pour rechercher des fractures méconnues ou un de la jambe passant en avant du long fibulaire. Il
os naviculaire accessoire. Les clichés de cheville et passe dans la gouttière postérieure de la malléole
d’avant-pied classiques doivent être réalisés, nous fibulaire pour se projeter ensuite vers la styloïde
pouvons nous aider d’un cliché de Méary en cas du 5e métatarsien.
de lésion chronique de ce tendon afin d’analyser Il est abducteur, fléchisseur plantaire et prona-
les axes de l’arrière-pied. teur accessoire.
Chapitre 7. Cheville et pied 273

La rupture du court fibulaire est souvent secon-


daire à une entorse en varus ou à une instabilité
chronique de la cheville. La rupture est partielle
ou complète et siège le plus souvent en arrière de
la malléole latérale. Le court fibulaire se rompt
plus souvent que le long fibulaire.
La fissuration du long fibulaire est une patho-
logie rare. Elle se produit en dessous du tuber-
cule des fibulaires, une hypertrophie de celui-ci
favorise le clivage du long fibulaire avec possible
ressaut douloureux des fibulaires.
Figure 7.23. Vue latérale des tendons fibulaires.
Source : Carole Fumat.
Clinique
En cas d’enthésopathie distale du court fibulaire,
Ces deux tendons sont entourés d’une gaine nous retrouvons une tuméfaction douloureuse
synoviale et maintenus par un système fibreux du bord latéral du pied en regard de la styloïde du
appelé retinaculum fibulaire supérieur et inférieur 5e  métatarsien. L’enthésopathie du long fibulaire
(figure 7.23). est rare, peut se rencontrer chez le joueur de ten-
nis avec une douleur transversale plantaire allant
Physiopathologie du cuboïde au 1er  métatarsien, une douleur en
Les tendinopathies sont fréquentes au niveau pronation contrariée et à la palpation de la gout-
des tendons fibulaires. Elles siègent au niveau des tière cuboïdienne et de l’insertion sur le 1er méta-
points de conflit  : en arrière et en dessous de tarsien. En cas de ténosynovite, nous retrouvons
la malléole, à la face latérale du calcanéus. Elles les mêmes symptômes associés à une crépitation.
peuvent être favorisées par un pied creux varus, En cas de tendinopathie fissuraire, nous pou-
une hypertrophie du tubercule des fibulaires ou vons retrouver un ressaut rétromalléolaire que
un conflit avec le contrefort de la chaussure. Les nous mettrons en évidence lors d’une contraction
ténosynovites, soit par contrainte mécanique, soit contrariée de la cheville en éversion et en palpant
d’origine inflammatoire, existent également mais en même temps les fibulaires. Le patient décrit
sont peu fréquentes. souvent des douleurs avec un claquement et une
Les ruptures des tendons fibulaires se produi- sensation d’instabilité.
sent lors d’un mécanisme en flexion dorsale forcée En cas de rupture très rare des fibulaires, nous
ou supination forcée. retrouvons une douleur rétromalléolaire, une impos-
Une rupture du long fibulaire, peut être sibilité à faire une éversion contrariée ou une difficulté
partielle en arrière de la malléole latérale ou à se tenir sur les orteils en monopodal, une vacuité
complète à trois niveaux : rétromalléolaire. Le patient décrit une douleur, un
• soit en arrière de la malléole latérale avec une claquement avec une impotence fonctionnelle rela-
ascension de la partie proximale du tendon ; tive. Il est important lors de l’examen clinique de
• soit en regard de l’os cuboïde avec un os péro- rechercher des facteurs favorisants tels qu’un varus
néum déplacé (signe indirect en faveur d’une de l’arrière pied ou une laxité latérale dans le cadre
rupture) ; d’une instabilité chronique de la cheville.
• soit au niveau de l’os péronéum (ce sésamoïde
inconstant chez 25  % des patients et de situa- Imagerie
tion intratendineuse constitue un point de fai- La radiographie est réalisée de principe en y
blesse du tendon). La fracture survient par choc incluant l’interligne cunéométatarsien. Les inci-
direct ou traction excessive. La fracture est un dences demandées sont celles de la cheville (face
équivalent de rupture à ne pas confondre avec et profil stricts) en y couplant celles de l’avant-
un os péronéum bipartite. pied de face et de  3/4). Cette imagerie nous
274 Traumatologie en pratique sportive

permet de visualiser une calcification, un arrache- Instabilités des tendons


ment osseux, des ostéophytes taliens antérieurs. fibulaires
Mais le diagnostic reste essentiellement écho-
graphique. L’échographie nous permet d’étu-
C. Choufani
dier le tendon et sa gaine et de localiser avec
précision la lésion. On peut s’aider à distance
d’une IRM pour analyser finement les lésions
fissuraires surtout. Généralités et épidémiologie
Des particularités existent au niveau du court
L’instabilité des tendons fibulaires est une lésion
fibulaire avec soit un aspect bifide à l’origine de
traumatique souvent sous-diagnostiquée à la
conflits douloureux d’effort, de subluxation ou de
phase aiguë. Survenant le plus souvent au décours
luxation des tendons, soit une jonction myotendi-
d’un accident sportif, elle concerne moins de 1 %
neuse basse du court fibulaire. Le court fibulaire
des traumatismes de la cheville.
devient tendineux à la hauteur de l’interligne talo-
Le retard diagnostique est fréquent devant des
crural avec une tuméfaction rétromalléolaire, source
tableaux «  d’entorses de cheville  » très doulou-
de conflit rétromalléolaire pouvant causer une lésion
reuses, œdématiées et pour lesquelles l’examen
fissuraire ou une subluxation des tendons.
physique est difficile à la prise en charge initiale.
En cas de ressaut mais sans luxation vraie des
Tout retard diagnostique ou de prise en charge
tendons, une échographie permet d’analyser les
diffère la reprise sportive et est facteur de mauvais
tendons en dynamique lors d’une manœuvre de
résultats fonctionnels. Ainsi, il faut s’astreindre à
contraction contrariée en éversion.
la rechercher devant tout traumatisme de cheville
et, au moindre doute, s’aider d’examens complé-
Traitement
mentaires.
En cas de fissuration et après bilan podologique,
le traitement médical est entrepris, comprenant
une rééducation adaptée. En cas d’échec, une Physiopathologie
utilisation des PRP peut être envisagée avant de
proposer un traitement chirurgical. Les deux tendons fibulaires (long et court) pas-
sent dans la gouttière postérieure de la malléole
Conclusion fibulaire, fermée en arrière par le retinaculum
proximal des fibulaires, principal stabilisateur
Le diagnostic de ces différentes atteintes tendi- des fibulaires. Le retinaculum distal, situé plus
neuses est essentiellement fondé sur la clinique bas, est un stabilisateur accessoire. En cas de
d’un traumatisme de la cheville en testant sys- contraction brutale réflexe des fibulaires, lors d’un
tématiquement tous les tendons. L’imagerie nous traumatisme où le pied est positionné en dorsi-
permet d’analyser le type d’atteinte, d’adapter flexion–éversion, la luxation se produit. En cas
la thérapeutique (sans oublier l’examen podolo- de mouvement en varus, il peut s’y associer une
gique) et de vérifier l’absence de technopathies sur entorse talocrurale. Le tableau physiopatholo-
une mauvaise gestuelle ou un mauvais chaussage. gique est souvent confondu avec celui de l’entorse
Les ruptures du tendon du tibial antérieur, du grave, d’où l’importance de l’interrogatoire initial
tibial postérieur et des fibulaires sont rares, voire sur le mécanisme traumatique.
exceptionnelles chez le sportif, mais nécessitent Au moment de la luxation, il se produit une
d’en faire le diagnostic car le traitement est sys- lésion du retinaculum proximal des fibulaires.
tématiquement chirurgical. Cette lésion peut prendre différentes formes selon
Les tendinopathies, quelle qu’en soit la forme, l’atteinte du retinaculum, du fibrocartilage et s’il
sont plus fréquentes et seront prises en charge s’associe une fracture–avulsion malléolaire. La
médicalement en utilisant toutes les techniques classification d’Oden reprend les différents types
actuelles. lésionnels (figure 7.24) :
Chapitre 7. Cheville et pied 275

important à rechercher. La contraction contra-


riée des fibulaires est douloureuse mais repro-
duit rarement la luxation. Pour sensibiliser cette
manœuvre, le pied doit être placé en flexion
plantaire maximale et éversion, les doigts de
l’examinateur viennent alors crocheter les tendons
fibulaires comme pour accompagner la luxation
qui se démasquera au moment de la contraction
active du patient (figure 7.25).
C’est au stade chronique, devant des luxations
récidivantes, que les signes deviennent plus évi-
dents. Le patient décrit des claquements, ressauts,
Figure 7.24. Classification d’Oden.
sensations d’instabilité, douleurs et/ou défor-
PB : peroneus brevis ; PL : peroneus longus ; mations rétromalléolaires. L’inspection retrouve
SPR : retinaculum supérieur du péroné. parfois une luxation visible reproduite spontané-
Source : Carole Fumat.
ment par le patient. La douleur locale palpatoire
est franche, exacerbée par la contraction contrariée
• type I : désinsertion du retinaculum ;
qui peut alors reproduire la luxation. Le testing de
• type II  : désinsertion du retinaculum +  fibro-
la stabilité par la pression des tendons d’arrière
cartilage ;
en avant dans la gouttière permet de mettre en
• type III : avulsion osseuse ;
évidence la luxation fibulaire ( vidéo 7.3).
• type IV : déchirure postérieure du retinaculum.

Clinique
L’évaluation clinique initiale doit être attentive
tant ces luxations sont trop souvent méconnues et
confondues avec des entorses latérales. La douleur
initiale et un œdème important peuvent limiter
la qualité de l’évaluation clinique et il convient
donc de réévaluer le patient après une période de
préparation. Certains éléments permettent de sus-
pecter ces lésions au stade initial.
Il s’agit le plus souvent de patient de sexe mas-
culin dont l’âge moyen est de  20–30  ans. Les
sports à risque sont le ski, l’escalade et le football.
L’interrogatoire retrouve un mécanisme lésion-
nel bien identifié. Le patient note parfois une Figure 7.25. Testing de la stabilité fibulaire
sensation de claquement rétromalléolaire. par la manœuvre de Sobel : test clinique.
Le doigt crochète les tendons fibulaires, pied
L’inspection constate une tuméfaction avec en flexion plantaire et éversion. Instabilité démasquée
ecchymose rétromalléolaire, et non pas prémal- lors de la contraction active des fibulaires.
léolaire comme dans les entorses classiques.
La palpation retrouve un point douloureux
rétromalléolaire au contraire des entorses latérales Imagerie
qui sont plutôt douloureuses à la palpation des
faisceaux antérieur et moyen du LCL. Les radiographies standard initiales sont toujours
Le testing de la stabilité fibulaire en aigu est indiquées. Elles recherchent une lésion osseuse,
rendu difficile par la douleur mais reste un point à type d’écaille osseuse corticale malléolaire
276 Traumatologie en pratique sportive

externe, correspondant à l’arrachement osseux dynamiquement le comportement des tendons


du retinaculum proximal qui s’insère normale- dans leur gaine.
ment sur la malléole latérale. Elles permettent
également d’écarter les diagnostics différentiels
de fracture malléolaire externe, arrachement Traitement
osseux d’insertion ligamentaire dans un contexte
Méthodes
d’entorse grave, fracture du tarse ou de
l’arrière-pied… Le traitement orthopédique consiste en une
L’échographie dynamique est l’examen de décharge complète de la cheville immobilisée de
référence. Elle permet de confirmer le diagnos- manière rigide par une botte (plâtrée, résine ou
tic en reproduisant dynamiquement la luxation, autres) en position physiologique à  90° pendant
en objectivant le décollement du retinaculum 6 semaines.
et elle permet le bilan des lésions associées ou Concernant l’option chirurgicale (figure 7.26),
favorisantes : tendon fibulaire surnuméraire, corps plusieurs techniques existent. Aucun gold stan-
musculaire bas situé, tendinopathie (fissuraire ou dard n’est identifié dans la littérature. Le geste
non), malléole latérale convexe… principal de la prise en charge chirurgicale est la
L’IRM peut également retrouver des signes retente du retinaculum. Même réalisée de manière
évocateurs de luxation ; lorsque les tendons sont isolée, sans geste supplémentaire associée, elle a
spontanément luxés, elle peut affirmer le diagnos- montré de bons résultats fonctionnels avec une
tic. Mais l’étude IRM ne permet pas d’analyser faible morbidité.

Figure 7.26. Retente chirurgicale du retinaculum.


a. Abord latéral fibulaire et exposition de la malléole externe après avoir isolé le retinaculum. b. Passage des fils de retente
au travers de tunnels transosseux malléolaires externes. c. Retente du retinaculum sur la malléole externe.
Chapitre 7. Cheville et pied 277

Il s’agit d’une incision au bord postérieur de est exposée aux nécroses cutanées cicatricielles, à
la malléole latérale permettant de faire un bilan la désunion cutanée, au sepsis… Ceci s’explique
lésionnel initial avec recherche des facteurs favori- par la faible masse de parties molles protectrices
sants qui sont traités dans le même temps (myo- entre le tissu cutané et le tissu osseux. À cette
mectomie musculaire si tissu musculaire fibulaire complication commune à toutes les chirurgies de
bas inséré, avivement–suture si tendinopathie). Le la cheville, se surajoutent les complications plus
retinaculum est ouvert pour permettre sa retente. spécifiques liées à la pathologie  : récidive de la
Les autres techniques ou gestes associés envisa- luxation (échec de la chirurgie), douleur résiduelle
geables sont le creusement malléolaire (malléole sur tendinopathies séquellaires ou iatrogènes de
convexe), un lambeau périosté de renforcement, compression par excès de retente du retinaculum
l’utilisation d’une bandelette de polyester bio- avec défaut de glissement des tendons dans leur
compatible, un transfert tendineux fibulaire sous le gaine, gêne fonctionnelle résiduelle (marche).
ligament fibulocalcanéen, ou encore l’arthroscopie
comme moyen opératoire… Tous ces gestes n’ont
pas montré de supériorité dans la littérature en Résultats
comparaison à la retente isolée du retinaculum.
L’analyse de la littérature retrouve de bons résul-
Les suites opératoires comportent une immo-
tats fonctionnels pour le traitement chirurgical
bilisation par botte (en résine) 6  semaines sans
(retente isolée du retinaculum) avec une satis-
appui sous couvert d’une anticoagulation pré-
faction des patients, une amélioration significative
ventive. La remise en charge est autorisée dès
du score AOFAS (American Orthopaedic Foot
la 6e  semaine avec une rééducation débutée en
& Ankle Society), une réduction significative de
parallèle (mobilisation articulaire douce, reprise
la douleur à l’effort et à la marche, évaluée par
de l’appui progressif, renforcement musculaire).
l’échelle visuelle analogique (EVA), et l’absence
de douleurs résiduelles dans la majorité des cas.
Indications thérapeutiques Le taux de récidive varie de  0 à  15  % selon les
La luxation des tendons fibulaires est trop rare- études et les techniques utilisées, au contraire du
ment diagnostiquée au stade aigu. Si le traitement traitement orthopédique avec 50 % d’échec.
peut alors se discuter entre orthopédique ou À 1 an, la réduction du niveau sportif concerne
chirurgical chez le sujet non sportif, il n’en est surtout les patients présentant une douleur rési-
plus de même au stade chronique. duelle. Celle-ci est souvent causée par des ten-
Le traitement orthopédique en aigu est envi- dinopathies séquellaires. Ces dernières trouvent
sageable, surtout chez le sujet non sportif, si le leur origine principalement dans le délai pro-
patient est informé du risque d’échec élevé de longé avant diagnostic et un traitement retardé
cette option thérapeutique (50 %). Il s’agit d’une entraînant une souffrance tendineuse. D’où
immobilisation en botte pour 6  semaines sans l’importance d’un délai de diagnostic court et de
appui sous traitement anticoagulant. l’instauration du traitement adapté rapide.
Le traitement chirurgical en aigu reste le traite-
ment de choix chez le sujet jeune et sportif.
Au stade chronique, le traitement chirurgical est Délais de retour au sport
indiqué en cas de symptomatologie fonctionnelle. Le travail proprioceptif est débuté entre le  2e et
le  3e  mois. La reprise des activités sportives est
Complications autorisée progressivement à partir du  3e  mois et
intensifiée progressivement. Mais à 2 ans de recul,
La complication spécifique du traitement ortho- 2/3 des patients auront changé de sport ou baissé
pédique est le taux d’échec de l’ordre de 50 %. leur niveau sportif. Il s’agit donc d’une pathologie
Le risque principal du traitement chirurgical au retentissement sportif important même bien
est le problème cicatriciel. La zone opératoire prise en charge. Il convient d’en informer le
278 Traumatologie en pratique sportive

patient, d’autant plus celui qui est sportif. La À ces facteurs mécaniques classiques, s’ajoutent
luxation des tendons fibulaires, même correcte- des causes médicales bien connues d’enthéso-
ment prise en charge, peut signer un déclin des pathie  : rhumatisme inflammatoire psoriasique,
activités sportives à long terme. spondylarthropathie, polyarthrite, goutte, diabète.

Clinique
Pathologie de l’aponévrose
La symptomatologie est dominée par la douleur,
plantaire d’installation progressive, située principalement
sous le talon mais pouvant irradier le long du bord
S. Besch médial du pied, voire être plus diffuse en cas d’évo-
lution prolongée. Le rythme est nettement méca-
nique : douleurs à la station debout, à la marche,
Aponévropathie plantaire soulagement au repos. On retrouve souvent un
dérouillage matinal ou une reprise de la marche
Épidémiologie douloureuse après une station assise prolongée.
La talalgie plantaire est un symptôme fréquent en À l’examen, il peut exister une boiterie d’esquive
traumatologie. Une des étiologies principales est de l’appui talonnier. Les signes diagnostiques
l’enthésopathie de l’aponévrose plantaire super- positifs les plus courants sont : un réveil doulou-
ficielle (APS), plus communément appelée aponé- reux possible lors de la mise en tension de l’apo-
vrosite plantaire. Elle affecte 5 à 10 % des joggeurs, névrose par flexion dorsale passive des orteils, des
tous niveaux confondus. Son pic d’incidence se douleurs déclenchées lors de la palpation de la
situe entre  40 et  60  ans, mais des sportifs plus zone d’insertion calcanéenne.
jeunes peuvent être touchés. L’atteinte bilatérale L’examen clinique recherche les facteurs favo-
n’est pas rare, pouvant aller jusqu’à 1/3 des cas. risants connus. Il vise également à éliminer les
diagnostics différentiels :
Physiopathologie • fracture de fatigue du calcanéus ;
• souffrance de l’articulation sous-talienne ;
L’APS est une lame fibreuse qui s’étend de la
• talonnade ;
tubérosité postéromédiale du calcanéus jusqu’à
• maladie de Sever ;
la tête des métatarsiens. Partie intégrante du sys-
• syndrome canalaire : nerf tibial postérieur, nerf
tème suro-achilléo-calcanéo-plantaire, elle joue
calcanéen inférieur (neuropathie de Baxter) ;
un rôle important de soutien du pied en position
• pathologie rhumatismale ;
debout et à la marche. À ces microtraumatismes
• pathologie tumorale ou infectieuse calcanéenne.
« physiologiques » incontournables s’ajoutent des
tractions plus intenses lors d’impacts au sol (ex. :
Imagerie
réceptions de saut) et/ou de propulsions rapides
(ex.  : sauts). L’excès de contraintes mécaniques, Une radiographie de face et de profil de l’arrière-
ou plus exactement l’inadéquation entre la tension pied est nécessaire. Elle vise surtout à rechercher
exercée et la résistance de l’aponévrose à celle-ci, des signes évocateurs d’autres diagnostics que
est majoritairement responsable de la genèse de l’APS + +. Elle peut révéler la présence d’une exos-
l’APS. Plusieurs facteurs peuvent en être à l’ori- tose parallèle au plan cutané plantaire, commu-
gine  : l’âge (modification histologique du tissu nément dénommée épine calcanéenne, simple
avec le temps altérant ses propriétés mécaniques traduction d’une hypertraction de l’enthèse. Elle
associée à un appauvrissement du coussin adipeux est présente dans 15 à 20 % de la population géné-
sous-calcanéen), la pratique sportive soutenue en rale et très souvent de manière asymptomatique.
charge, un surpoids, les troubles statiques du pied L’échographie est l’examen de choix. Elle
(constitutionnels ou acquis  : pied creux, tendon délimite la zone douloureuse au passage de la
calcanéen court, raideur de l’arrière-pied). sonde ; elle recherche un épaississement proximal
Chapitre 7. Cheville et pied 279

de l’aponévrose, la présence de microcalcifications – adaptation du chaussage : talonnette de suré-


(contre-indiquant les massages locaux), élimine lévation en matériau absorbant avec pos-
des signes en faveur d’une rupture partielle ou sible zone d’exclusion d’appui au niveau de la
totale. Elle fait également une analyse locorégio- zone douloureuse, plus ou moins correction
nale exhaustive évoquant d’autres pathologies. des troubles statiques,
Cependant, l’interprétation des images se doit – étirement de l’aponévrose mais également de
d’être prudente et toujours en corrélation avec toute la chaîne suro-achilléenne  : 1/2  fente
la clinique, les modifications locales asympto- avant avec les talons à plat, flexion dorsale
matiques (notamment l’épaississement de l’apo- au bord d’une marche, rouler le pied sur une
névrose) étant fréquentes (jusqu’à 50  % dans balle de tennis ou une bouteille froide, flexion
certaines séries intéressant des sportifs). dorsale passive des orteils (figure 7.27),
En cas de doute diagnostique (malgré un bilan – revoir les modalités d’entraînement : quantita-
clinique bien conduit) ou d’échec thérapeutique tives (changement brutal de rythme, intensité
initial, une IRM peut être demandée. excessive) et qualitatives (sauts, dénivelés),
– contrôle du poids ;
Traitement • lutter contre la douleur grâce à différents
Deux objectifs guident le traitement : moyens d’efficacité variable :
• limiter les tractions, ce qui passe par plusieurs – médicaments : les antalgiques ou AINS per os
mesures : apportent rarement un soulagement durable,
– arrêt des activités sportives douloureuses pen- – physiothérapie  : laser et ultrasons sont des
dant plusieurs semaines, possibilités thérapeutiques mal évaluées,

Figure 7.27. Étirements de l’aponévrose plantaire.


Source illustration : Carole Fumat. Photos : S. Besch
280 Traumatologie en pratique sportive

– ondes de choc  : elles sont d’usage courant. • lors d’une mise en tension brutale (ex. : impulsion
Pour autant, les résultats des nombreuses ou réception de saut, démarrage à la course)  :
études portant sur le sujet restent encore dis- contexte essentiellement d’activités sportives.
parates (efficacité similaire à un placebo versus La rupture se produit alors plus volontiers à
85  % de nette amélioration…) en raison de l’aplomb du sommet de l’arche interne du pied ;
protocoles et de populations très hétérogènes, • lors d’un étirement modéré sur une aponévrose
– infiltrations de corticoïdes  : elles ne sont déjà pathologique. La rupture se situe plus fré-
jamais un traitement de première intention en quemment à l’insertion calcanéenne. Dans  10
raison du risque d’atrophie graisseuse et de à  12  % des cas, il s’agit d’une complication
rupture iatrogène secondaire de l’aponévrose. évolutive de l’APS.
Elles sont réservées aux formes très algiques,
rebelles au traitement médical et sont réalisées Clinique
au mieux sous contrôle échographique. Il a
On retrouve deux tableaux cliniques distincts
été clairement démontré que leur efficacité
répondant au contexte de survenue bien diffé-
n’est effective qu’à court terme, probable-
rents :
ment parce qu’histologiquement la majorité
• rupture récente  : sensation de déchirure bru-
des lésions retrouvées dans l’APS sont de type
tale, en plein effort, obligeant à l’arrêt immé-
« dégénératif » et non inflammatoire,
diat de l’activité en cours. La reprise de l’appui
– PRP et fasciotomie à l’aiguille : ils sont encore
est possible mais avec une boiterie d’esquive.
au stade expérimental,
Localement, c’est l’existence d’une zone dou-
– toxine botulique  : testée il y a quelques
loureuse à la palpation ainsi qu’une déhiscence
années, son usage n’a jamais été validé faute
située au niveau du 1/3 moyen de l’aponévrose
de preuves d’efficacité,
ou à son insertion calcanéenne qui évoquent le
– port d’une attelle nocturne, voire d’une botte
diagnostic. Les signes locaux à type d’œdème
de marche  : dans les formes très algiques, il
ou d’ecchymose sont plus ou moins marqués ;
est préconisé par certains.
• rupture ancienne  : il arrive que la rupture
La chirurgie de désinsertion, partielle ou totale,
initiale passe inaperçue en raison d’antécédents
reste exceptionnelle et ne se discute qu’après au
de talalgies ou par errance diagnostique. La
moins 6  mois de traitement conservateur suivi
gêne fonctionnelle est d’intensité variable mais
scrupuleusement.
la pratique sportive en charge est rarement
possible. À l’examen, on retrouve une douleur
Résultats et délais de retour au sport précise à la palpation de l’aponévrose mais la
Il existe une amélioration de la symptomatologie zone de rupture peut avoir disparu, remplacée
dans 50 à 90 % des cas avec le traitement mais elle par un remaniement cicatriciel sensible.
est souvent longue à obtenir (plusieurs mois). La
persistance d’une gêne est fréquente, quelles que Imagerie
soient les modalités thérapeutiques. La reprise Elle est indispensable pour mettre en évidence la
sportive est toujours progressive et débute au rupture :
bout de 2 à 3 mois. Les rechutes ne sont pas rares. • l’échographie est réalisée par des mains
expertes, elle visualise l’interruption de l’aponé-
vrose, précise sa topographie et son importance
Ruptures de l’aponévrose (partielle ou complète), recherche des signes
plantaire évoquant une lésion déjà ancienne (épaississe­
ment, kyste…) ;
Physiopathologie • l’IRM est pratiquée seulement en deuxième
La rupture de l’aponévrose survient dans deux intention, lorsque l’échographie s’avère insuffi-
contextes : sante pour décider des modalités thérapeutiques.
Chapitre 7. Cheville et pied 281

Traitement ligamentaire du ligament talofibulaire antérieur.


Rupture récente Ferckel, dans les années 1990, a été à l’origine de
l’explication inflammatoire capsuloligamentaire
Le traitement est toujours conservateur : qui est actuellement retenue au niveau inter-
• dans les formes très douloureuses, une immo- national. Selon Barelds, les sports occasionnant
bilisation plâtrée sans appui est recommandée le plus de blessures à la cheville sont le basket-
pour une durée maximale de  6  semaines  ; ball, le volley-ball et le football. Cependant, les
elle est suivie d’une reprise progressive de sportifs les plus touchés par le conflit antérieur
l’appui avec l’aide de semelles plantaires et de cheville sont les footballeurs, largement devant
de rééducation ; les danseurs, les coureurs à pied et les sauteurs
• dans les formes moins algiques ou en présence en hauteur ; 0,6 % de toutes les blessures dans le
d’une aponévrose déjà fragilisée, l’immobili- football sont dues à un conflit antérieur.
sation est plus courte (environ 2  semaines)
avec un appui partiel non douloureux suivi
Physiopathologie
également du port d’une orthèse plantaire et
d’une rééducation. Les causes des conflits sont multiples mais deux
théories ont été élaborées. La première, osseuse,
Rupture ancienne avec remaniement cicatriciel
est liée à la formation d’ostéophytes. Tol et Van
Une désinsertion chirurgicale partielle ou totale Djick ont contesté l’hypothèse de l’ostéophyte de
peut être proposée. traction en se servant de constatations peropéra-
Dans la littérature, après une rupture de l’apo- toires. Ces exostoses ne se situent pas au niveau de
névrose, le délai moyen pour la reprise du sport au l’attache de la capsule mais plutôt à une distance
même niveau est d’environ 14 semaines. de  5 à 8  mm de la fixation capsulaire réfutant
l’hypothèse de la formation de l’ostéophyte par
traction de la capsule sur l’os.
3. Conflits de cheville Autre constatation anatomique, les ostéophytes
se développent à partir du bord cartilagineux
E. Orhant, B. Tamalet non porteur de la surface inférieure du tibia et
de la partie antérieure de la malléole médiale
(figure  7.28). Les analyses vidéo et sensorielles
de l’impact d’un ballon sur une cheville de
Conflit antérieur de cheville footballeur d’élite ont montré que la localisation

E. Orhant
Le conflit antérieur de cheville est une pathologie
mal connue avec une prise en charge aléatoire. Sa
mauvaise gestion entraîne une réduction, voire un
arrêt de l’activité physique et sportive.

Épidémiologie
Le conflit antérieur a été découvert en 1943 par
Morris puis décrit par McMurray chez le footbal-
leur en 1950. Wollin et Schonholtz ont ensuite Figure 7.28. Développement des ostéophytes de part
et d’autre de l’interligne tibiotalien à distance des zones
précisé les phénomènes anatomopathologiques
d’insertion capsulaire réfutant l’hypothèse d’ostéophytes
responsables. Mc Ginty a été le premier à trouver de traction.
un rapport entre le conflit antérieur et la lésion Source : Carole Fumat.
282 Traumatologie en pratique sportive

des ostéophytes était en regard de l’impact. Ces fonction du sportif. En effet, les variantes anato-
analyses montrent également que le mouvement miques ou le développement biomécanique anor-
excessif de flexion plantaire ou dorsale de la mal lié au sport peuvent influer sur la clinique. Le
cheville ne se rapproche de l’amplitude maximale sportif décrit une douleur entre les parties molles
statique que dans 39  % des cas. La localisation sous-cutanées et les reliefs osseux. Cette douleur,
(antérolatérale, antérocentrale, antéromédiale) et de rythme mécanique, apparaît seulement dans
la taille de ces ostéophytes sont en rapport avec certains mouvements de la cheville et dépend
le microtraumatisme originel. Qu’il s’agisse d’un de la localisation et du mécanisme du conflit. La
impact comme dans le football ou d’une modifica- plupart du temps, la douleur apparaît en flexion
tion dynamique du pied lors de certaines activités dorsale mais peut parfois être déclenchée lors
physiques comme la danse, le saut en hauteur, le de flexions plantaires, surtout si des mécanismes de
trail, la typicité du sport explique alors le conflit. compression s’y associent comme l’inversion ou
La seconde théorie est histopathologique. Dans l’éversion de la cheville. La douleur, la plupart
les années 1990, Ferkel a fait l’analyse histopa- du temps, n’est pas présente sur tout le mouve-
thologique de cette bande fibreuse et a démontré ment mais plutôt en fin de course. L’évolution
l’existence de tissus ligamentaire et synovial cica- de la douleur se fait vers un rythme inflam-
triciels en son sein. Le terme méniscoïde est alors matoire. Cette aggravation est souvent associée
abandonné. Le tissu est enfin décrit comme un à la pratique sportive, au déconditionnement
tissu capsuloligamentaire. Tol et Van Djick ont neuromusculaire engendrée par la douleur, à la
été plus loin en montrant que ce tissu capsulo- modification de l’activité mais aussi aux gestes
ligamentaire était une bande cicatricielle épaissie compensatoires. À l’interrogatoire, il est essentiel
à partir du ligament tibiofibulaire antérieur en de rechercher un traumatisme de la cheville mais
latéral et du ligament deltoïde en médial associée aussi une histoire ancienne d’instabilité chro-
à une plica synoviale. L’entorse de cheville puis nique. Il faut rechercher un épanchement, noter
l’instabilité chronique entraînent progressivement sa localisation (diffus ou localisé) mais aussi le
une inflammation locale. Cette inflammation peut caractère aigu, chronique, récidivant en analysant
être à l’origine d’une hyperplasie synoviale ou les phénomènes déclenchants (activité sportive
ligamentaire. L’hématome constitué souvent aux par exemple). La palpation retrouve une douleur
dépens du récessus antérieur peut se calcifier et de la cheville localisée à l’interligne talocrurale
aggraver le pronostic cellulaire local. Le ligament antérieure. Le conflit antérolatéral se situe le plus
ou la synoviale se trouvent désorganisés, la cica- souvent en dehors des tendons extenseurs des
trisation est alors épaisse, incomplète et devient orteils, le conflit antéromédial se situe en dedans
inflammatoire. Cela engendre une hypertrophie du tendon du tibial antérieur. Les manœuvres de
des tissus et une cicatrice fibreuse non fonction- pression sont importantes. Elles associent une
nelle. Murawki évoque l’hypothèse que la répéti- flexion dorsale et une pression latérale ou médiale,
tion des dorsiflexions entraîne des modifications voire une inversion ou une éversion de la cheville.
sur le complexe capsuloligamentaire sans qu’il Le test de Molloy est décrit comme une pression
y ait un phénomène d’instabilité aiguë. Finale- douloureuse de l’interligne antérolatéral avec un
ment, nous pouvons retenir que l’explication du mouvement forcé de dorsiflexion. L’examen doit
conflit antérieur est double et traumatique. La rechercher des signes d’adaptation chronique,
lésion osseuse ostéophytique ajoutée à un pro- notamment au niveau musculo-aponévrotique
blème inflammatoire capsuloligamentaire engendre ou sur les appuis plantaires. Le pic de force
conflit et désadaptation fonctionnelle articulaire. lors des tests musculaires isocinétiques n’est pas
diminué. Des signes associés en rapport avec une
Diagnostic clinique pathologie chronique articulaire existent comme
une raideur de cheville. L’analyse posturale et
Les localisations des conflits antérieurs sont diffé- podologique statique et dynamique devient
rentes en fonction du sport pratiqué mais aussi en essentielle et doit pouvoir être comparée aux
Chapitre 7. Cheville et pied 283

empreintes précédentes pour regarder l’évolution


dans le temps de ce conflit. Liu en 1997 a proposé
des critères de positivité du conflit antérolatéral.
Six critères sont décrits :
• une douleur antérolatérale persistante ;
• un comblement de la gouttière sous-malléolaire
latérale ;
• un épanchement tibiotalien récidivant après
l’activité ;
• une douleur antérolatérale en flexion dorsale
forcée et en éversion ;
• une douleur en appui monopodal et en position
accroupie ;
• une absence de laxité latérale.
Si cinq critères sont présents, la positivité du
conflit antérolatéral est retenue et la sensibilité est
de 94 % et la spécificité de 75 %.
Figure 7.29. Ostéophytose tibiale antérieure
sans pincement de l’interligne.
Imagerie
On utilise la radiographie standard de cheville Massada a relevé que 60  % des footballeurs
face et profil. La radiographie permet souvent professionnels avaient des ostéophytes au contact
de retrouver des anomalies comme des variations de l’interligne antérolatéral sans plainte en rapport
anatomiques, des exostoses ou des ostéophytes, avec un conflit antérolatéral. Ces radiographies
d’en préciser la taille et la localisation. Ces ostéo- permettent surtout l’élimination des diagnostics
phytes dans le conflit osseux siègent le plus différentiels, notamment le pincement articulaire
souvent sur le col talien ou sur le pilon tibial ou la réaction osseuse sous-chondrale orientant
(figure  7.29). Ces clichés standard ont une sen- le diagnostic vers une évolution arthrosique. Van
sibilité faible pour Van Dijk. En effet, les ostéo- Djik a proposé une classification radiologique
phytes qui siègent sur l’interligne antérolatéral ne pour les conflits antérieurs :
sont vus que dans 32 % des cas sur le talus et 40 % • le type I est noté comme un conflit synovial avec
sur la marge tibiale. Les ostéophytes siégeant sur une réaction ostéophytique inférieure à 3 mm ;
le compartiment médial sont souvent invisibles • le type  II montre une réaction exostosante de
sur les clichés de profil latéral. Il est donc conseillé plus de 3 mm sans ostéophyte sur le talus ;
de réaliser un cliché oblique avec 45° en cranio- • le type III montre une réaction ostéophytique
caudal et  30° de rotation externe de jambe. Les fragmentée ou non mais avec une ostéophytose
ostéophytes antéromédiaux et antérolatéraux sont sur le dos du talus ;
alors retrouvés dans plus de 73 % des cas. Mais il • le type  IV retrouve une lésion talocrurale dif-
est très difficile de prouver que ces signes positifs fuse avec des images de destruction ostéo-
radiographiques sont responsables de la douleur. arthritique.
En effet, une étude réalisée sur des joueurs profes- Cette classification a un intérêt pronostique,
sionnels en France (Berger-Vachon et al.,  1986) notamment sur le traitement arthroscopique.
a montré que les remaniements radiologiques Le conflit antérieur ayant toujours une ori-
étaient constants, qu’ils pouvaient être en rapport gine mécanique, l’échographie est la seule image
avec un conflit antérieur dans 85 % des cas, mais qui permet cette analyse dynamique. Bien que
que moins de 5 % des sportifs étaient douloureux. compliquée et nécessitant une grande expérience,
284 Traumatologie en pratique sportive

elle peut apporter des réponses dans les problèmes Principes thérapeutiques
de pincement. L’analyse du Doppler objective et indications
une hypervascularisation cohérente avec l’inflam-
mation capsuloligamentaire. Le premier principe est la suppression des
Les spécialistes d’imagerie ne sont pas d’accord microtraumatismes ou du facteur déclenchant
sur la place de l’IRM ou du scanner. Pour cer- à l’origine du conflit. L’examen biomécanique
tains, il n’y a aucun intérêt à faire une IRM. du sportif et l’analyse du geste doivent corri-
Selon Liu, la sensibilité de l’IRM dans le conflit ger les phénomènes favorisant l’apparition de la
antérieur n’est que de  39  % et la spécificité symptomatologie. Il s’agit de traiter une techno­
de  50  % donc légèrement plus élevée que la pathie. L’analyse podoposturale a toute sa place
radiographie. Pour d’autres, l’IRM est le gold et peut être à l’origine d’une correction par
standard. Murawski a réalisé un algorithme qui des semelles orthopédiques. Le traitement du
met l’IRM au centre du diagnostic pour les traumatisme aigu mettant en évidence le conflit
conflits antéromédiaux et antérolatéraux. En fait, (nouvelle entorse dans le cadre de l’instabilité)
il faut distinguer les images réalisées au début de doit être primordial pour éviter l’entretien de la
la pathologie qui sont peu contributives et non douleur capsuloligamentaire. Le repos précoce
spécifiques. La seule anomalie qui est constatée permet d’éviter l’évolution de la pathologie vers
est l’épanchement. Ce n’est que dans un second une composante inflammatoire. Il n’est malheu-
temps que l’inflammation capsuloligamentaire reusement pas suffisant à un stade avancé et la
devient visible (figure  7.30). La recherche des reprise de l’activité physique est souvent syno-
facteurs osseux associés ou prédisposants (mal- nyme de réapparition des symptômes. Les AINS
formation, exostose, ostéophytose) est essentielle et les antalgiques apportent un confort à court et
pour appréhender au mieux le traitement. L’IRM moyen terme mais n’ont aucune action curative,
doit éliminer les lésions articulaires de surcharge passé le phénomène aigu. La mésothérapie peut
associées, les lésions ostéochondrales, les kystes être un traitement dans les phases algiques aiguës.
synoviaux, les corps étrangers intra-articulaires. Il ne faut pas cautionner la pratique d’une activité
Enfin, les diagnostics différentiels de douleurs ou sportive sous antalgique ou anti-inflammatoire
d’instabilités doivent être éliminés grâce à l’IRM au risque d’aggraver le conflit. Le test infiltratif
ou l’arthroscanner. échoguidé oriente le traitement. En effet, l’infil-

Figure 7.30. IRM : coupe sagittale T2.


a. Synovite antérieure (A) ; ostéophyte tibiale antérieure (B) ; œdème osseux réactionnel tibial antérieur (C). b. Ostéophytose
sur les versants talien et tibial.
Chapitre 7. Cheville et pied 285

tration de corticoïdes échoguidée entraîne une est le non-traitement des lésions concomitantes.
amélioration rapide de la douleur aiguë. Elle per- La non-prise en compte des lésions ligamentaires,
met d’orienter, voire de valider le diagnostic. Mais de la lésion d’instabilité, des lésions ostéochon-
ce geste ne permet pas la disparition complète de drales sont source de récidive de la douleur. Les
la cause du conflit, souvent la symptomatologie risques postopératoires sont communs à toutes
réapparaît et l’échec thérapeutique est constaté. les opérations de la cheville par arthroscopie et ne
Néanmoins, le fait d’avoir une bonne réponse sont pas augmentés par le diagnostic de conflit.
contre la douleur lors de l’infiltration est une indi- L’infection (<  1  %) et l’algodystrophie (<  3  %)
cation de bon pronostic pour le traitement curatif. ont été décrites.
Le traitement définitif est souvent apporté par
la chirurgie et notamment l’arthroscopie. Il ne
doit être réalisé qu’en cas d’échec du traitement Délais de retour au sport
médical bien mené. Son rôle sera de supprimer la
Dans le milieu professionnel du football, le délai
cause du conflit. Le traitement de la lésion capsu-
de reprise après des douleurs aiguës de conflit
loligamentaire par synovectomie sous arthrosco-
est compris entre 7 et 11 jours mais le risque de
pie est essentiel. Les techniques de débridement
récidive dans ce type de diagnostic est impor-
du tissu cicatriciel (associant tissu ligamentaire
tant. L’arrêt, la rééducation et la réathlétisation
et capsulaire) ont évolué avec le temps mais le
sont fonction de l’origine du conflit mais aussi
principe reste le même. Il sera associé à ces
de l’ancienneté des symptômes. Si le traitement
techniques un acte osseux de régularisation des
est chirurgical, le repos est de  1  semaine et la
exostoses ou malformations ou ostéophytoses. Le
rééducation est reprise dans la semaine suivant
traitement essentiel qui doit être réalisé parallèle-
la chirurgie. La reprise de l’activité sportive est
ment, ou dans un second temps pour certains, est
prévue entre 4 et 8 semaines. Plus le niveau spor-
la prise en charge des lésions associées ostéochon-
tif de base est élevé, plus le retour à la compétition
drales ou le traitement de l’instabilité de cheville.
est facile. Les différentes études montrent que la
reprise de la compétition chez les sportifs de haut
Résultats niveau est comprise entre  6 et  8  semaines. Les
résultats sont plutôt de bons pronostics, autour
La qualité du résultat est appréciée sur les échelles de  80  % dans la plupart des études. Cependant,
de la douleur, sur la mobilité articulaire et pour le la présence de lésions ostéochondrales associées
sportif sur le retour à l’activité sportive, notam- majore les délais de la reprise et, comme noté pré-
ment en compétition. Plus le délai entre le début cédemment, sont source d’échec thérapeutique.
de la symptomatologie et son traitement est
court, meilleur est le pronostic. Pour certains,
il doit être inférieur à  2  ans. La localisation du Conflits postérieurs
conflit au niveau antéromédial est de meilleur de la cheville
pronostic que sur la portion antérolatérale. Les
mauvais résultats de la chirurgie sont souvent
B. Tamalet
corrélés à la taille des ostéophytes. En effet, plus
les lésions ostéophytiques sont grandes, plus elles Le conflit postérieur de la cheville est un syndrome
sont associées à un long passé douloureux et il douloureux du carrefour tibio-talo-calcanéen. Il a
en découle comme vu précédemment de moins été décrit initialement chez les danseurs de ballet
bons résultats. Van Djick a donc proposé une par microtraumatisme en flexion plantaire répétée
classification sur les examens d’imagerie permet- liée à la position «  en pointe  ». Depuis, ce type
tant de pronostiquer les résultats de la chirurgie. de douleur a été décrit dans la plupart des sports
Les résultats sont considérés la plupart du temps d’accélération et de sauts, quel que soit le niveau.
comme excellents ou bons après un traitement Chez le footballeur, le geste de frappe est un
définitif chirurgical. La première cause d’échec facteur causal plus spécifique.
286 Traumatologie en pratique sportive

Ce syndrome douloureux peut survenir égale­


ment lors d’un traumatisme aigu en flexion
plantaire forcée pied bloqué au sol ou dans les
semaines suivant une entorse antérolatérale.

Anatomie
Les éléments formant le carrefour postérieur sont
d’ordre osseux, capsulosynovial, ligamentaire et
tendineux.

Eléments osseux
L’extrémité postérieure du talus est formée de
deux tubercules ou processus médial et latéral
séparés par une gorge, le processus postérolatéral
du talus (PPLT) est plus volumineux que le
médial, néanmoins les variations interindividuelles Figure 7.31. Talus.
de taille sont importantes. Lorsque le processus Source : Carole Fumat.
postérolatéral est allongé, on parle souvent de
«  queue du talus  » ou processus de Stieda. Au- série radiologique de 3460  chevilles, a décrit la
dessus se trouve le rebord postéro-inférieur ou présence de celui-ci dans 12,7 % des cas mais sans
marge postérieure du tibia. Au dessous se trouve préciser l’âge des patients. Ces variations peuvent
le calcanéum, soit la prolongation de la surface s’expliquer aussi du fait de différences dans la défi-
thalamique, soit la surface osseuse directement en nition. En effet, certains auteurs incluent, dans le
arrière de celle-ci. nombre d’OT, le noyau d’ossification secondaire
L’os trigone (OT) est un des os accessoires non encore fusionné chez le sujet en cours de
le plus fréquemment retrouvés sur la cheville et le maturation osseuse. L’OT est plus fréquemment
pied, il est situé en arrière du PPLT. Le noyau unilatéral que bilatéral. Sa présence ne préjuge
d’ossification du PPLT apparaît entre 7 et 10 ans pas de son rôle dans la genèse de douleurs. La
et sa fusion avec le talus a lieu chez la fille entre 8 et face inférieure du PPLT et/ou de l’OT peut faire
10  ans et chez le garçon entre  11 et  13  ans partie intégrante de l’articulation sous-talienne
et dans tous les cas, en général, 1  an après son postérieure lorsque la surface thalamique est éten-
apparition radiologique. Avant la fusion des deux due vers l’arrière.
os, ceux-ci sont unis par un fibrocartilage ou
synchondrose. L’absence de fusion osseuse peut Éléments capsulosynoviaux
être favorisée soit par un phénomène de dis-
traction du noyau par les ligaments s’insérant à L’articulation tibiotalienne présente un cul-de-
ce niveau (ligaments talocalcanéen postérieur et sac synovial postérieur plus ou moins développé
talofibulaire postérieur), soit par des microtrau- comportant parfois des diverticules. Plus rare-
matismes répétés en flexion plantaire maximum ment, un cul-de-sac synovial de l’articulation
de cheville cisaillant le fibrocartilage entre marge sous-talienne est singulièrement développé. Les
postérieure du tibia et calcanéum. Compte tenu deux articulations communiquent parfois par leur
de ce mécanisme, l’OT est plus fréquemment synoviale postérieure.
associé à un PPLT court (figure  7.31). La pré-
valence de l’OT est très variable selon les auteurs Éléments ligamentaires
du fait des différentes populations examinées, Sur le PPLT s’insère le faisceau talofibulaire pos-
de  8 à 13  % dans la population générale à 80  % térieur du LCL, prolongé par un petit ligament
sur des séries de footballeurs. Tsuruta, sur une talocalcanéen postérieur. Il existe un  liga­ment
Chapitre 7. Cheville et pied 287

intermalléolaire postérieur (LIMP), inconstant, Depuis cette description princeps, ces douleurs
présent dans  20 à  50  % selon les études cada- ont pu être recensées dans de nombreux sports où
vériques, dont les variations anatomiques sont l’accélération ou l’impulsion de saut est requise,
nombreuses, très bien décrites encore récemment notamment la course en descente, le lancer du
par Edama. Il peut jouer un rôle dans certaines javelot, la gymnastique et le football. Dans ce der-
formes douloureuses (figure 7.32). nier, s’ajoutent les contraintes répétées en flexion
plantaire lors des frappes, avec une contrainte
Éléments tendineux plus grande si la balle est prise à la face dorsale de
Le seul tendon réellement impliqué dans le car- l’extrémité du pied (figure 7.33).
refour est celui du fléchisseur propre de l’hallux Dans les suites d’entorse antérolatérale, ne pré-
(FPH) passant dans la gorge formée par les deux sentant initialement aucune douleur postérieure,
processus postérieurs du talus. ces signes peuvent apparaître secondairement.
Le mécanisme n’est pas univoque  : l’hyperlaxité
acquise par rupture du ligament talofibulaire anté-
Physiopathologie rieur, entraînant une augmentation du glissement
Les contraintes répétées sur la cheville en flexion antérieur dynamique du talus en flexion plantaire,
plantaire maximale sont responsables de micro- augmenterait les contraintes entre marge pos-
traumatismes des éléments anatomiques du carre­ térieure du tibia et PPLT.
four postérieur. Ce mécanisme a été décrit Une flexion plantaire traumatique aiguë peut
initialement chez les danseurs de ballet profession- provoquer une fracture du PPLT ou de la syn-
nels du fait de leur prévalence particulièrement chondrose ou de l’OT lui-même. Il n’a pas été
importante dans ce sport. Plusieurs mécanismes décrit de lésion tendineuse aiguë du LFH. Que ce
entrent en jeu : soit après micro- ou macrotraumatisme des parties
• un contact PPLT–tibia lors de la position en molles en impaction, une synovite locale réaction-
pointe et demi-pointe ; nelle peut survenir, suivie d’une fibrose cicatricielle
• l’hyperlaxité physiologique associée à une ten- plus ou moins épaisse du cul-de-sac postérieur ou
sion excessive du FPH en position en pointe d’une ténosynovite du LFH réactionnelle.
peut favoriser les contraintes en cisaillement.
De plus chez le danseur, le long fléchisseur de Formes postéromédiales
l’hallux (LFH) joue un rôle actif très important Il existe des formes frontières par contusion de
de propulsion pour passer de demi-pointe à fibres postérieures du faisceau profond du LCM
pointe. Les deux mécanismes combinés favori- entre malléole médiale et bord postéromédial
sent la survenue d’une ténosynovite du LFH. du talus. Le conflit est dû au développement
d’une cicatrice ligamentaire hypertrophique plus
ou moins une synovite locale, l’encombrement

Figure 7.33. Mécanismes physiopathologiques


Figure 7.32. Ligaments postérieurs de la cheville. du conflit d’après Berman.
Source : Carole Fumat. Source : Carole Fumat.
288 Traumatologie en pratique sportive

tissulaire entretient alors le conflit. Ceci peut sur- tibiofibulaire postérieur. Le tissu cicatriciel secon-
venir dans les suites proches d’un traumatisme de daire dans cette partie postérieure de la syndes-
la cheville en varus équin (figure  7.34) ou pro- mose donne un tableau de douleur chronique du
gressivement chez un sportif souffrant d’instabi- carrefour postérolatéral une fois les symptômes
lité chronique. Les tendons fléchisseurs communs antérieurs disparus. Dans notre expérience chez
des orteils et tibial postérieur peuvent également le footballeur, nous avons plusieurs fois rencon-
se trouver engagés par extension d’une cicatrice tré ces douleurs postérieures lors de la phase de
exubérante, donnant de ce fait des signes cli- reprise sur terrain après entorse du ligament tibio-
niques mixtes de tendinopathie en plus du conflit. fibulaire antérieur inférieur. Robinson a publié
une série chez des footballeurs dans laquelle
le conflit postérolatéral était survenu dans les
Formes postérolatérales
suites immédiates d’une entorse antérolatérale par
Les lésions ligamentaires tibiofibulaires anté- mécanisme de varus équin et sans aucune lésion
rieures inférieures graves sont fréquemment du ligament talofibulaire postérieur. Dans des
associées à des lésions d’impaction tibiofibulaire formes non traumatiques, le ligament intermal-
postérieure soit osseuse au versant tibial de l’arti- léolaire postérieur a pu être incriminé, pouvant
culation (œdème osseux ou au-delà, fracture de s’incarcérer dans l’interligne tibiotalien entraînant
petite taille), soit de fibres profondes du ligament douleur fugace et pseudoblocage.

Figure 7.34. Variétés lésionnelles autour du processus latéral du talus.


a. Processus postérolatéral du talus long ou processus de Stieda. b. Os trigone : on remarque l’aspect irrégulier
des berges de la synchondrose. c. Possible séquelle de fracture du processus postérolatéral du talus ou fracture
de Shepherd.
Chapitre 7. Cheville et pied 289

Clinique Néanmoins le test d’impaction postérieur posi-


tif est pathognomonique.
Les sportifs décrivent des douleurs dans les mouve­ Les authentiques lésions ostéochondrales du
ments de flexion plantaire maximale  : montée dôme du talus dans sa partie postérieure peuvent
sur pointe ou demi-pointe, forte accélération, nous induire en erreur comme diagnostic diffé-
frappe de balle. L’examen différencie facilement rentiel ou associé.
ce symptôme d’une tendinopathie d’Achille en Une arthropathie sous-talienne postérieure
recherchant une douleur en flexion plantaire pas- peut donner un tableau clinique proche mais n’est
sive (et non active), soit en amenant manuelle- pas assimilé au carrefour postérieur proprement
ment la cheville en fin d’amplitude passive, soit dit. L’examen peut alors retrouver des douleurs
si besoin par le test d’impaction postérieure qui exacerbées par les manœuvres de cisaillement
consiste en un mouvement brusque de flexion sous-talien (mouvement imprimé en varus valgus
plantaire en empaumant le talon. On peut sensi- et rotations dans la position de flexion plantaire).
biliser encore le test par une percussion du talon L’association entre carrefour postérieur et parti-
dans cette position, ou combiner des manœuvres cularité du morphotype de l’arrière-pied n’a pas
de rotations dans l’articulation sous-talienne en été signalée à notre connaissance.
flexion plantaire en empaumant le talon (décubi-
tus ventral) pour recréer un effet de cisaillement
des éléments capsulaires postérieurs. Cela permet Imagerie
également de rechercher des différences plus sub-
Douleur postérieure traumatique aiguë
tiles entre forme postéromédiale et forme pos-
térolatérale. Radiographies standard
La palpation profonde du PPLT et du LFH Elles sont à réaliser systématiquement.
à son passage dans la gouttière reproduit éven- L’interprétation des anomalies observées à la
tuellement la douleur concordante. partie postérieure du talus sur la radiographie de
L’étirement du FPH et le test isométrique profil strict est toujours difficile. En effet, il n’est
de ce muscle en course externe (flexion dorsale pas toujours évident de différencier une fracture
maximum de la cheville et de l’hallux) repro- du PPLT (fracture de Shepherd) d’un OT et sur-
duisent de façon très inconstante une douleur tout d’une pseudarthrose de la queue du talus
postéromédiale concordante même en cas de (souvent asymptomatique).
ténosynovite de celui-ci. À l’extrême en cas de L’OT peut apparaître arrondi, triangulaire,
ténosynovite sténosante, s’observe une limitation ovale, voire multipartite, mais son contour est
de flexion dorsale de l’hallux donnant un aspect habituellement régulier avec une corticale, ce
de pseudo-hallux rigidus, cette limitation dis- qui le différencie de la pseudarthrose dont le
paraît en flexion plantaire de cheville signant bord a un aspect irrégulier, en timbre-poste sur
l’effet ténodèse. les deux versants osseux. La fracture fraîche du
PPLT ne peut être différenciée de la pseudar-
throse sur ces clichés standard, mais un aspect
Diagnostics différentiels condensé des berges de la fracture est en faveur
d’une pseudarthrose ancienne. Lorsqu’il existe un
Les douleurs de la région postérieure de la cheville OT, il peut s’agir malgré cela d’une fracture aiguë
chez le sportif sont fréquemment source d’erreurs de la synchondrose (comme on peut l’observer
diagnostiques. En effet, devant la localisation dans la patella bipartita), l’OT pouvant présen-
postérieure des douleurs, les patients incriminent ter une fracture propre comme tout sésamoïde.
souvent en première intention le tendon d’Achille
induisant le médecin en erreur, et le sportif Scanner
déclenchant sa douleur en montant sur la pointe Il peut apporter des éléments complémentaires
du pied renforce cette idée fausse. permettant d’éliminer une fracture fraîche  : la
290 Traumatologie en pratique sportive

condensation osseuse des berges de la fracture, parfois associée à des séquelles de fracture thala-
témoignant de l’ancienneté de la séparation, est mique de petite taille ;
souvent mieux visible que sur les radiographies • variations anatomiques favorisantes : PPLT gros
standard. La mise en évidence d’une corticale ou allongé (queue du talus), surface thalamique
bien individualisée caractérise l’OT. trop convexe en arrière.
Les radiographies dynamiques en flexion plan-
Scintigraphie taire maximum ont été abandonnées.
Idéalement couplée au scanner – tomographie par
émission monophotonique/tomodensitométrie IRM (figure 7.35)
(TEMP/TDM) ou single photon emission compu- Son interprétation doit se faire à la lumière des
ted tomography/computed tomography (SPECT/ résultats des radiographies standard et de la cli-
CT) –, elle est intéressante uniquement dans le nique, car les éléments du conflit peuvent se retrou-
cas où il existe une hyperfixation très localisée à la ver également chez des patients indolores. Cet
partie postérieure du talus témoignant de rema- examen peut montrer un œdème osseux (hyposi-
niements dégénératifs anciens, éliminant ainsi une gnal T1, hypersignal sur les séquences T2 STIR ou
fracture fraîche lorsque l’examen est fait très suppression de graisse) du PPLT et plus rarement
rapidement après le traumatisme. en miroir sur la marge postérieure du tibia. En cas
d’OT, on recherche des arguments en faveur de
Douleur chronique microtraumatique la rupture de la synchondrose : œdème osseux de
part et d’autre de la synchondrose, images liqui-
Si le diagnostic positif de SDCP est facile, peu
diennes entre les deux berges ou des remaniements
d’arguments cliniques permettent de prédire les
inflammatoires des tissus mous synoviaux, de la
éléments anatomiques responsables. L’imagerie va
capsule postérieure, de la gaine du LFH.
permettre d’évaluer les différentes étiologies, afin
La combinaison de plusieurs éléments est fré-
d’affiner la stratégie thérapeutique. L’exploration
quente  : la présence d’un OT peut être la cause
repose avant tout sur le couple radiographie–IRM.
de conflit entre celui-ci et la marge postérieure du
Radiographies standard tibia, le calcanéum ou avec des replis synoviaux
Elles sont indispensables pour rechercher les dif- s’interposant entre les éléments osseux du conflit.
férentes particularités osseuses et leur pathologie : La présence de liquide dans la gaine du LFH ne
• remaniements dégénératifs à type de scléroses signifie pas forcément une ténosynovite  ; elle n’a
ou microgéodes entre le bord antérieur de l’OT
et le bord postérieur du talus signant la chro-
nicité de la lésion : ils touchent plus rarement
le bord inférieur de l’OT et la partie tout à fait
postérieure du thalamus calcanéen ;
• OT hétérogène, fragmenté ;
• marge postérieure tibiale irrégulière, acérée ou
présentant de fines calcifications ;
• ostéophytes sur les berges de la tibiotalienne
postérieure ou sous-talienne postérieure. Chez
les sportifs à haut niveau d’impact, les ostéo-
phytes postérieurs ou antérieurs de la cheville
ne traduisent pas nécessairement une arthro-
pathie, mais sont seulement la résultante de
microtraumatismes et d’instabilité chronique ; Figure 7.35. Aspect de ligament intermalléolaire
postérieur très épais en IRM sagittale.
• début d’arthropathie dégénérative de l’articula- T2 (flèche pointillée) ; marge postérieure du tibia acérée
tion sous-talienne postérieure, post-traumatique, (flèche pleine).
Chapitre 7. Cheville et pied 291

de valeur pathologique qu’en l’absence d’épanche­ Traitement


ment dans la tibiotalienne, car la communication
physiologique entre les deux est possible. Le Traumatisme aigu
LIMP et ses variantes peuvent former comme Seuls les cas de fracture prouvée du PPLT jus-
une bride mais dont le rôle dans la genèse de la tifient d’un traitement orthopédique strict par
douleur est difficile à évaluer puisque présent de botte et décharge durant 6  semaines. Dans les
façon congénitale. Les chondromes et ostéochon- autres cas, le traitement est symptomatique  :
dromes plus visibles en coupes sagittales T1 sont antalgiques, AINS, botte et décharge une dizaine
parfois piégeants. On recherche la présence d’un de jours, puis mise en route fonctionnelle après
LIMP visible, épaissi, associé à des images de réévaluation clinique.
synovite postérieure.
Un épaississement en hypersignal T2 des fibres Douleurs chroniques
les plus postérieures du faisceau profond du LCM Le traitement de première intention comporte
peut être retrouvé dans les formes postéromé- un repos sportif relatif, visant la limitation des
diales. Des variantes anatomiques musculotendi- microtraumatismes en flexion plantaire extrême
neuses, de type muscle soléaire accessoire pouvant par contention souple : chevillère ou taping. Une
donner des douleurs dans cette région, sont cure d’AINS est souvent proposée, par voie orale
plus un diagnostic différentiel, car il ne s’agit ou locale. Notre préférence va alors à la méso-
pas d’un mécanisme de conflit. Un corps mus- thérapie plus qu’aux gels ou crèmes, bien que
culaire du LFH anormalement important dans sa l’efficacité d’aucun de ces traitements n’ait été
partie basse est également possible. Un fléchisseur évaluée scientifiquement.
commun des orteils accessoires est rare, découvert En cas d’échec, l’infiltration de corticoïdes a
en peropératoire plus qu’à l’imagerie. toute sa place. Elle est faite idéalement sous
contrôle d’un amplificateur de brillance ou de
Échographie
l’échographie. Le faisceau d’arguments cliniques
Elle est surtout contributive pour détecter une et d’imagerie permet de cibler l’injection dans la
ténosynovite du LFH. La jonction myotendi- structure responsable des douleurs : le cul-de-sac
neuse du LFH, qui est toujours très basse juste postérieur de l’articulation, des zones de nodules
au-dessus du PPLT, est à noter. L’opérateur très hypertrophiques synoviaux, la gaine du LFH (sous
entraîné peut individualiser des épaississements échographie) soit au contact de l’OS, soit dans la
nodulaires de la capsule à la partie latérale du synchondrose en cas de pseudarthrose doulou-
PPLT ou de l’OT. Les variantes musculaires sont reuse (sous radioscopie). En fonction de l’objectif,
parfois détectées (intérêt de l’examen comparatif une voie d’abord para-achilléenne médiale ou laté-
supérieur à l’IRM). rale est choisie. Par ailleurs, dans notre expérience,
une infiltration tibiotalienne par voie antérieure,
Scanner et arthroscanner de réalisation plus facile, est régulièrement efficace
L’arthroscanner ou le scanner simple peuvent en cas de conflit intra-articulaire synovial du réces-
être utile pour préciser l’existence ou non d’une sus postérieur de l’articulation tibiotalienne.
arthropathie tibiotalienne, des chondromes et les La rééducation (essentiellement chez le dan-
brides synoviales dans le cul-de-sac. seur) a sa place dans le traitement. Dans ce cas
précis, elle consiste en un étirement du cou de
Scintigraphie pied en flexion plantaire visant à limiter ainsi les
Aujourd’hui, l’IRM a remplacé clairement l’indi- contraintes sur la tibiotalienne dans ce mouve-
cation de la scintigraphie. ment, associé à une amélioration du contrôle pro-
La scintigraphie couplée au scanner (TEMP/ prioceptif de la position «  en pointe  ». Dans les
TDM ou SPECT/CT) peut permettre de prouver formes sur laxité chronique antérolatérale, il est
l’activité d’un foyer fracturaire ou de pseudarthrose. licite de penser qu’une rééducation adéquate de
292 Traumatologie en pratique sportive

l’instabilité pourrait réduire les contraintes micro- Dans la série de Ribbans, la reprise du sport
traumatiques. L’efficacité du traitement médical se fait entre  8 à 10  semaines en moyenne, les
et rééducatif ainsi que l’évolution naturelle du footballeurs reprennent 3  semaines plus tôt que
SDCP ont été très peu évaluées dans la littérature. les danseurs. L’analyse des délais de reprise en
Lorsque les douleurs sont dues à une arthropa- fonction du geste réalisé, osseux, tendineux ou
thie sous-talienne postérieure, le pronostic est combiné, donne des résultats contradictoires selon
plus réservé. Le traitement par AINS apporte un les auteurs. Les séries comportant des sportifs de
soulagement souvent transitoire ; la correction des moins de  18  ans, majoritairement des danseurs,
troubles statiques de l’arrière-pied par semelles retrouvent des résultats identiques avec toutefois
orthopédiques est conseillée. L’infiltration de des délais de reprise plus long. Les auteurs suggè-
cette articulation impérativement sous contrôle rent que la rééducation est probablement moins
radioscopique par voie sous-malléolaire latérale agressive en postopératoire chez l’adolescent.
semble la plus efficace. La poursuite des sports à
forte contrainte en impact est compromise.
En cas d’échec du traitement médical, un Conclusion
geste chirurgical peut être indiqué. La chirurgie
La mise en évidence du SDCP est facile puisqu’il
est pratiquée aujourd’hui par voie arthrosco-
suffit d’y penser et de réaliser les tests d’impaction
pique utilisant une double voie postéromédiale
et latérale combinée, popularisée par Van Dijk postérieure et de cisaillement en flexion plantaire
en 2006. passive. Dans les formes microtraumatiques sim-
C’est une chirurgie «  à la carte  » traitant les ples, les éléments du traitement médical et fonc-
lésions préalablement analysées cliniquement et tionnel de première intention peuvent suffire.
radiologiquement  : ablation d’un OT ou d’un En cas d’échec, l’inventaire des causes possibles
PPLT pseudarthrosé, de chondromes  ; excision repose sur la triade : clinique–radiographies–IRM.
des lésions prolifératives ou cicatricielles syno- Ceci permet alors de proposer un traitement
viales  ; excision d’un ligament intermalléolaire invasif adapté, c’est-à-dire une infiltration locale
postérieur méniscoïde  ; ténosynovectomies du correctement ciblée. Les indications chirurgicales
LFH dans les formes sténosantes. sont rares, mais les résultats chez le sportif sont
Une méta-analyse par Ribbans retrouve la réa- bons que ce soit dans les ablations de l’OT ou les
lisation d’un geste osseux chez les patients opérés excisions de tissus mous pathologiques.
à ciel ouvert dans 84 % des cas et sur le LFH dans
40 % des cas ; dans les séries arthroscopiques 78
et 31 % respectivement. `` Liste des compléments
L’immobilisation postopératoire varie selon les en ligne
auteurs de 0 jour, 10 jours à 4 semaines notam-
ment dans les séries plus anciennes à ciel ouvert. Des compléments numériques sont associés à ce
Une période de décharge de 7 jours est respectée chapitre. Ils sont indiqués dans le texte par un
puis la reprise d’appui est préconisée, en fonction picto . Pour voir ces compléments, connectez-
de la douleur sur 3 semaines, puis débute le ren- vous sur http://www.emconsulte/e-complement/
forcement musculaire. À partir de 6 semaines, une 476819 et suivez les instructions.
reprise du geste sportif (impulsion) est possible.
La plupart des sportifs (80  à 85  %), notam-
Vidéo 7.1. Augmentation de la flexion dorsale.
ment danseurs professionnels, peuvent reprendre
le sport en moyenne à  2  mois avec les mêmes Vidéo 7.2. Signe de Thompson.
performances que précédemment après  3  mois,
avec un recul de 7 ans pour certains auteurs. Vidéo 7.3. Luxation des tendons fibulaires.
Chapitre 7. Cheville et pied 293

Pour en savoir plus Tendinopathies et ruptures tendineuses


Jouffriault J. Mise au point sur la tendinopathie calca-
Fractures et lésions ligamentaires
néenne d’insertion. Journal de traumatologie du sport
Brian R, Waterman MD, Major Brett D. Owens, MD, 2017;34(2.).
Captain Shaunette Davey. The Epidemiology of Kauwe M. Acute Achilles tendon rupture: clinical evalua-
Ankle Sprains in the United States. J Bone Joint Surg tion, conservative management, and early active reha-
Am 2010;92:2279–84.
bilitation. Clin Podiatr Med Surg 2017;34(2):229–43.
Lambers K, Ootes D, Ring D. Incidence of patients with
Rousseau R, Gerometta A, Fogerty S, Rolland E, Catonné
lower extremity injuries presenting to us emergency
Y, Khiami F. Results of surgical treatment of cal-
departments by anatomic region, disease category,
caneus insertional tendinopathy in middle- and
and age. Clin Orthop Relat Res 2012;470:284–90.
long-distance runners. Knee Surg Sports Traumatol
Leininger RE, Knox CL, Comstock RD. Epidemiology
Arthrosc 2015;23(9):2494–501.
of 1.6 million pediatric soccer-related injuries pre-
senting to US emergency departments from 1990 to Conflits de cheville
2003. Am J Sports Med 2007;35(2):288–93. Barelds I, van den Broek AG, Huisstede BMA. Ankle bra-
Lubberts B, D’Hooghe P, Bengtsson H, DiGiovannu cing is effective for primary and secondary prevention
CW, Calder J, Ekstrand J. Epidemiology and return of acute ankle injuries in athletes: a systematic review
to play following isolated syndesmotic injuries of the and meta-analyses. Sports Med 2018;48(12):2775–84.
ankle: a prospective cohort study of 3677 male pro- Berger-Vachon C, Gabard G, Moyen B. Soccer acci-
fessional footballers in the UEFA Elite Club Injury dents in the French Rhône-Alpes Soccer Association.
Study. Br J Sports Med 2019;53(15):959–64. Sports Med 1986;3(1):69–77.
Mauntel TC, Wikstrom EA, Roos KG, Djoko A, Dompier Edama M, Takabayashi T, Inai T, Hirabayashi R, Ikezu
TP, Kerr ZY. The epidemiology of high ankle sprains M, Kaneko F, et  al. Morphological features of the
in National Collegiate Athletic Association Sports. posterior intermalleolar ligament. Surg Radiol Anat
Am J Sports Med 2017;45(9):2156–63. 2019;41(12):1441–3.
Mulcahey MK, Bernhardson AS, Murphy CP, Chang A, Zajac Liu SH, Nuccion SL, Finerman G. Diagnosis of ante-
T, Sanchez G, et al. The epidemiology of ankle injuries rolateral ankle impingement. Comparison between
identified at the National Football League Combine, magnetic resonance imaging and clinical examina-
2009-2015. Orthop J Sports Med 2018;6(7). tion. Am J Sports Med 1997;25(3):389–93.
Schäfer DB. Cartilage repair of the talus. Foot Ankle Clin Massada JL. Ankle overuse injuries in soccer players: morpho-
2003;8(4):739–49. logical adaptation of the talus in the anterior impinge-
Stiell IG, Greenberg GH, McKnight RD, Nair RC, McDo- ment. J Sports Med Phys Fitness 1991;31(3):447–51.
well I, Worthington JR. A study to develop clinical Ribbans WJ, Ribbans HA, Cruickshank JA, Wood EV.
decision rules for the use of radiography in acute The management of posterior ankle impingement
ankle injuries. Ann Emerg Med 1992;21(4):384–90. syndrome in sport: a review. Foot Ankle Surg 2015;
Valderrabano V, Leumann A, Rasch H, Egelhof T, Hinter- 21(1):1–10.
mann B, Pagenstert G. Knee-to-ankle mosaicplasty for Robinson P, Bollen SR. Posterior ankle impingement in
the treatment of osteochondral lesions of the ankle professional soccer players: effectiveness of sono-
joint. Am J Sports Med 2009;37(1_suppl). 105S-111S. graphically guided therapy. AJR Am J Roentgenol
Verhagen RA, Maas M, Dijkgraaf MG, Tol JL, Krips 2006;187(1):W53–8.
R, van Dijk CN. Prospective study on diagnostic Tsuruta T, Shiokawa Y, Kato A, Matsumoto T, Yamazoe Y,
strategies in osteochondral lesions of the talus. Is Oike T, et al. Radiological study of the accessory ske-
MRI superior to helical CT? J Bone Joint Surg Br letal elements in the foot and ankle (author’s transl).
2005;87(1):41–6. Nihon Seikeigeka Gakkai Zasshi 1981;55(4):357–70.
Verhagen RA, Struijs PA, Bossuyt PM, van Dijk CN. Van Dijk CN, Tol JL, Verheyen CC. A prospective study of
Systematic review of treatment strategies for osteo- prognostic factors concerning the outcome of arthro-
chondral defects of the talar dome. Foot Ankle Clin scopic surgery for anterior ankle impingement. Am J
2003;8(2):233–42. Sports Med 1997;25:737–45.
Chapitre 8
Lésions musculo-aponévrotiques
Lors d’un geste sportif, il existe un équilibre
1. Lésions musculo- entre les forces concentriques agonistes (contrac-
aponévrotiques : tions des fibres musculaires) et les forces excen-
triques antagonistes (élasticité, étirement du tissu
clinique, imagerie, conjonctif de soutien).
traitement Les lésions musculaires intrinsèques survien-
nent spontanément par défaut de synchronisation
E. Rolland, M. Crema, J. Renoux, J.-L. Brasseur entre la double nécessité physiologique du muscle
d’assurer une contraction concentrique nécessaire à
l’exécution du mouvement et d’assurer un degré de
La pratique du sport est à l’origine de la plupart décontraction excentrique suffisant pour permettre
des lésions musculo-aponévrotiques traumatiques. l’allongement imposé par le mouvement. Cet équi-
Les muscles concernés dépendent du type de libre est particulièrement vulnérable pour les muscles
sport et des groupes musculaires sollicités par sa bi-articulaires où l’amplitude (raccourcissement/
pratique avec une nette prédominance au niveau étirement) est variable en fonction des mouvements
des membres inférieurs. articulaires extrêmes. La gravité dépend alors de la
D’un point de vue physiopathologique, diag- taille de la lésion, mais également de sa localisation
nostique, thérapeutique et pronostique, il faut au niveau de la structure musculaire. En effet, le
distinguer les lésions intrinsèques (par étirement/ processus de cicatrisation sera différent entre une
contraction) des lésions extrinsèques (par contu- jonction tendinomusculaire, une cloison intra-
sion directe). musculaire et une lésion à la périphérie du muscle
Il existe de plus en plus de différences entre la sous-aponévrotique.
prise en charge des lésions musculaires, tant sur le Les lésions musculaires extrinsèques résultent
plan diagnostique que thérapeutique, du sportif d’un choc direct (classique «  béquille  »). La
de haut niveau et celle du sportif de loisir, même gravité de l’atteinte dépend de la violence du trau-
si la finalité reste une reprise du sport sans récidive matisme, de l’état de contraction musculaire et de
ni séquelle. la présence de relief osseux. Les formes bénignes
restent superficielles, respectent la structure mus-
culaire avec un simple écrasement des tissus sous-
Physiopathologie cutanés. Les formes plus graves avec écrasement
plus ou moins important du tissu musculaire pro-
voquent une désorganisation de la structure et un
E. Rolland, M. Crema, J. Renoux, J.-L. Brasseur
saignement. L’évolution de l’hématome est alors
Le muscle squelettique est constitué de deux élé- variable et parfois imprévisible. Elle peut se faire
ments innervés et vascularisés  : d’une part des vers une résorption lente in situ, ou plus rapide
fibres musculaires, éléments contractiles et élas- par diffusion dans le tissu cellulaire sous-cutané
tiques, d’autre part le tissu conjonctif (lames ten- en cas de brèche aponévrotique. Le risque est
dineuses, cloison, aponévrose) organisé comme un de voir apparaître un enkystement de l’héma-
squelette fibreux ramifié et résistant. tome qui va évoluer vers un noyau fibrocicatriciel,
Traumatologie en pratique sportive
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
296 Traumatologie en pratique sportive

une calcification secondaire ou une myosite ossi- Débuter un bilan lésionnel


fiante circonscrite (MOC) qui correspond à une Le vécu du sportif de haut niveau tant sur le plan
prolifération hétérotopique non néoplasique d’os physique que psychologique limite le plus souvent
et de cartilage d’étiologie assez mal définie (déve- l’examen initial à l’essentiel. L’interrogatoire précise
loppement autolimité à partir du tissu conjonctif la topographie et l’intensité de la douleur initiale
interstitiel). (échelle visuelle analogique ou EVA). L’examen
clinique prudent analyse les amplitudes passives
Diagnostic clinique des articulations de voisinage, la palpation douce
recherche la zone douloureuse et ses limites pour
des lésions musculaires réaliser, en fonction du groupe musculaire sus-
pecté, un test d’étirement progressif (à partir de la
E. Rolland course interne) et un test de contraction musculaire
Les enjeux du sport professionnel ont entraîné concentrique (contre résistance manuelle modérée).
ces dernières années un développement important
de l’entourage médical et paramédical non seule- Expliquer les étapes de la prise
ment pour des raisons sportives mais également en charge
économiques, stratégiques et parfois médiatiques.
Au stade aigu, le sportif et son entourage sont le plus
Ainsi, il faut admettre qu’aujourd’hui, la prise
souvent obnubilés par les délais de reprise compte
en charge d’un sportif de haut niveau n’est pas
tenu des objectifs sportifs. La première étape est
comparable à celle d’un sportif de loisir.
alors de faire comprendre que le pronostic va être
déterminé par l’évolution clinique dans les premiers
Sportif de haut niveau jours avec soins, mais également par un bilan d’ima-
gerie nécessaire pour préciser le bilan lésionnel.
Concernant le sportif de haut niveau, la blessure L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est
musculaire survient plus souvent en compétition devenue l’examen de choix en traumatologie dans
qu’à l’entraînement et donc en présence d’un staff le sport de haut niveau et particulièrement dans le
médical qui va pouvoir coordonner une prise en bilan initial des lésions musculaires. Les facilités
charge initiale optimale dont l’objectif est de dimi- d’accès spécifiques au milieu sportif et la qualité
nuer le délai de reprise sans prendre le risque de des images (non opérateur-dépendant) permettent
rechute. Sur le terrain de la compétition, le diag- de déterminer de façon précise et indiscutable
nostic de lésion musculaire est le plus souvent évi- le muscle lésé, la topographie de la lésion au sein du
dent lors de la survenue d’une douleur aiguë dans muscle (centrale, périphérique, jonction) et d’élimi-
une zone musculaire (contraction violente, puis- ner les diagnostics différentiels (lésions tendineuse
sante, excentrique) imposant l’arrêt de l’effort. et articulaire de voisinage). Le bilan clinique à 48 h,
Le rôle du médecin est alors de limiter l’extension au mieux orienté par l’IRM, permet alors d’évaluer
de la lésion, débuter un bilan lésionnel, expliquer l’évolution de la douleur spontanée depuis le trau-
les étapes de la prise en charge pour envisager les matisme (EVA) et surtout de pratiquer un examen
délais de reprise avec le sportif et son entourage. clinique complet dans des conditions plus sereines :
les tests spécifiques d’étirement (de la course interne
Limiter la lésion vers la course externe) et l’analyse de la force mus-
L’arrêt de l’activité sportive est impératif pour ne culaire concentrique et excentrique contre résistance
pas prendre le risque d’une extension de la lésion manuelle permettent de définir les seuils douloureux
sur le plan anatomique. L’application de froid et de de référence pour le suivi clinique de la cicatrisation.
la compression doit être effectuée le plus rapide­ Les délais de reprise sont alors déterminés par
ment possible pour contrôler un saignement confrontation des éléments cliniques et d’imagerie :
intramusculaire à l’origine d’hématome extensif, une douleur initiale supérieure à 6/10 sur l’EVA et
voire de syndrome des loges. persistante dans la vie quotidienne à plus de 48 h,
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 297

et une limitation douloureuse de plus de 15° à adjacentes que des tests cliniques d’étirement et
l’étirement passif du muscle lésé par rapport au côté de force. Ainsi, la perte du ballottement mus-
sain laissent préjuger d’une reprise plus proche de 2 culaire, souvent avec sidération à la contraction, et
mois que de 1 mois. une limitation significative (> 15 %) de mobilité
articulaire par rapport au côté opposé doivent
faire rechercher un hématome profond. L’écho-
Sportif de loisir graphie est alors l’examen de choix non seulement
Concernant le sportif de loisir, il est rare que la pour mettre en évidence l’hématome, sa taille et
blessure musculaire survienne avec une présence sa topographie, mais également pour guider une
médicale et le sportif est le plus souvent livré à lui- ponction évacuatrice. Ce bilan justifie alors d’un
même pour tester la poursuite de l’activité, gérer suivi avec contrôle écho-clinique régulier pour
ses premiers soins, analyser la gêne fonctionnelle adapter la rééducation et prévenir la survenue de
et son évolution. Ainsi, c’est souvent plusieurs complications parfois sévères en cas de développe-
jours après le traumatisme que le sportif est vu en ment d’ossifications.
consultation spécialisée. Si le diagnostic de lésion
musculaire est alors le plus souvent évident dès
l’interrogatoire, il est important, pour une bonne Imagerie des lésions
prise en charge, de distinguer une lésion mus- musculaires
culaire intrinsèque d’une lésion extrinsèque par
l’analyse des circonstances de la survenue de la M. Crema, J. Renoux, J.-L. Brasseur
douleur, le contexte de choc, la poursuite de
l’activité et l’évolution dans les premiers jours. Grâce au développement de l’imagerie moderne –
échographie et IRM –, la précision de la gravité
Lésions musculaires intrinsèques d’une lésion s’améliore. Ces techniques déter-
minent mieux que la clinique l’importance des
Dans le cas d’une lésion musculaire intrinsèque lésions et ainsi la durée du repos sportif.
(absence de choc), l’examen clinique permet Nous verrons ici les différents types de lésions
d’évaluer la gravité par la recherche d’une ecchy- musculaires ainsi que l’anatomie musculaire IRM
mose, l’analyse des tests d’étirement (le muscle et échographique pour classifier les lésions et pré-
étudié est mis en position la plus courte possible, ciser leur topographie. Nous préciserons ensuite
puis la tension est augmentée par la mobilisation la manière d’effectuer correctement une analyse
d’une ou des deux articulations adjacentes) et musculaire en échographie et en IRM, l’aspect
celle des contractions contre résistance manuelle des lésions et la classification de leur gravité. Nous
en concentrique et excentrique dans le secteur verrons enfin quels sont les critères qui peuvent
d’étirement indolore. aider à la remise du sportif sur le terrain en sachant
La persistance de tests douloureux plusieurs jours que seule l’association des critères d’imagerie et
après la douleur initiale justifie d’une imagerie des critères cliniques permet cette décision.
complémentaire. Pour des raisons de disponibilité
et de coût, l’échographie est l’examen de référence
chez le sportif de loisir pour confirmer la lésion Échographie
musculaire, préciser sa taille et sa topographie au
sein du muscle (centrale, périphérique ou jonction). Anatomie et aspects
échographiques du muscle
Lésions musculaires extrinsèques Anatomie
Dans le cas d’une lésion musculaire extrinsèque Un groupe de fibres musculaires entourées de leur
(après choc direct), l’évaluation de la gravité endomysium conjonctif forme le fascicule mus-
dépend plus de la palpation de la zone douloureuse culaire qui est visible en échographie sous la forme
et de l’analyse des mobilités des articulations de stries hypoéchogènes. Du tissu conjonctif,
298 Traumatologie en pratique sportive

le périmysium, vascularisé, est présent entre les • Lors de la contraction, les fascicules musculaires
fascicules ce qui explique que, si la lésion n’est pas se raccourcissent et s’épaississent et, comme la
uniquement limitée aux fascicules musculaires, partie conjonctive ne se modifie pas, le muscle
elle atteint le conjonctif et peut s’accompagner apparaît plus hypo-échogène (figure 8.1d).
d’un saignement. Ce tissu conjonctif est visible,
dans l’axe longitudinal, sous la forme de lignes Types de muscles et aspects de leur insertion
hyperéchogènes entre les fascicules. Les fasci- Plusieurs types de muscles sont décrits dans le
cules se groupent en faisceau entouré d’un fascia corps humain mais, pour l’analyse musculaire trau-
conjonctif périmusculaire. matique, il est important de séparer les muscles
possédant un squelette conjonctif intramusculaire
Aspect échographique de ceux qui n’en ont pas, car les lésions observées
• Dans le sens longitudinal, alternance de lignes seront différentes ainsi que leur pronostic.
hypo (le fascicule) et hyperéchogènes (le Au niveau de la majorité des muscles des mem-
conjonctif) (figure 8.1a). bres, il existe :
• Dans le plan axial, points conjonctifs hyper­ • un prolongement tendineux (proximal et/ou
échogènes entourés de plages musculaires distal) au sein du muscle ;
hypoéchogènes (figure 8.1b). • des cloisons conjonctives se détachant du fascia
• Des vaisseaux peuvent être individualisés en périmusculaire.
Doppler au sein des éléments conjonctifs les Ces éléments conjonctifs forment une « arma-
plus épais (figure 8.1c). ture » au sein du muscle, véritable « squelette ».

Figure 8.1. Aspect échographique du muscle normal : vue sagittale, axiale, vascularisation (doppler), effet de la
contraction.
a. Échographie sagittale du muscle. Sur cette vue sagittale du mollet, on visualise bien l’architecture bipennée faite
de stries hypoéchogènes (les fascicules musculaires) et hyperéchogènes (le tissu conjonctif). b. Échographie axiale du muscle.
Sur cette vue axiale du mollet, on visualise les éléments conjonctifs comme des points hyperéchogènes, entourés de plages
hypoéchogènes correspondant aux fascicules musculaires. c. Doppler montrant la présence d’une vascularisation au sein du
périmysium. BIC : biceps. d. Coupe sagittale en contraction montrant l’épaississement des fascicules musculaires alors que
les éléments conjonctifs restent identiques ; le muscle prend de ce fait un aspect plus hypoéchogène.
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 299

Les éléments conjonctifs sont plus épais et ren-


ferment des vaisseaux de calibre plus important
au voisinage des insertions, alors qu’au centre du
muscle, les éléments conjonctifs sont fins et moins
vascularisés.
L’architecture du muscle est conditionnée par
ce squelette car les fascicules musculaires s’insè-
rent sur certains éléments de ce squelette à l’ori-
gine d’un aspect bipenné (figure 8.2).
Par contre, principalement au niveau des muscles Figure 8.3. Les deux éléments, antérieur
des parois, ce squelette conjonctif n’est pas présent et postérieur (têtes de flèche), du fascia périmusculaire
et les lésions rencontrées seront différentes. du gastrocnémien médial fusionnent et tapissent
le fascia postérieur du soléaire pour former
L’insertion musculaire est également variable.
les deux feuillets du tendon d’Achille (flèches fines).
En proximal comme en distal, on retrouve des Noter la présence du tendon du plantaire (flèche épaisse)
jonctions myotendineuses et myo-osseuses, mais au sein de l’espace interaponévrotique.
certains muscles ont une insertion distale particu-
lière ; le fascia périmusculaire distal fusionne en une
lame conjonctive qui tapisse et vient épaissir le fas-
cia périmusculaire d’un autre muscle. Il s’agit du :
• tenseur du fascia lata sur le vaste latéral ;
• long biceps fémoral sur le court biceps ;
• des gastrocnémiens latéral et médial sur le
soléaire.
Deux de ces insertions sont le siège de lésions Figure 8.4. Rupture de l’extrémité distale du fascia
fréquentes : l’attache distale du long biceps fémo- périmusculaire antérieur du gastrocnémien médial
ral et celle du gastrocnémien médial (figure 8.3) ; avec hématome interaponévrotique.
en fait, quand on analyse ces lésions, on observe,
dans l’immense majorité des cas, une rupture de les fibres musculaires, mais en entraînant parfois
l’attache conjonctive distale et non une désinser- un hématome dans l’espace interaponévrotique
tion musculaire. Ainsi, pour le gastrocnémien sus-jacent (figure 8.4).
médial, les lésions siègent pratiquement toujours
à la partie distale du fascia antérieur, en respectant Topographie des lésions musculaires
En raison de cette différence, muscle avec ou
sans squelette conjonctif, les lésions musculaires
traumatiques sont de topographie différente.

Topographie des lésions au niveau des


muscles des membres (avec squelette)
En raison de la présence d’un squelette conjonctif
au sein du muscle, trois types lésionnels sont indi-
vidualisés selon leur point de départ : conjonctif,
jonction conjonctif–muscle, ou muscle lui-même
(encadré 8.1).

Figure 8.2. Échographie dans le grand axe du squelette Lésions du squelette conjonctif
conjonctif (ici la cloison frontale du semimembraneux)
Ces lésions ont été décrites par Folinais  ; elles
montrant bien l’insertion bipennée des fascicules
musculaire sur ce squelette. résultent de l’élasticité 5 fois moindre du conjonc-
CLOIS : cloison. tif par rapport au muscle et elles nécessitent un
300 Traumatologie en pratique sportive

Encadré 8.1 On retrouve ces lésions conjonctives au niveau :


• du fascia périmusculaire (figure 8.6) ;
Structure anatomique à l’origine
• des éléments conjonctifs intramusculaires proxi-
d’une lésion intrinsèque
maux et distaux ;
• Lésions au départ des éléments musculaires
• des insertions conjonctives distales des muscles.
« M ».
Les décollements entre les fascias périmus-
• Lésions situées à la jonction des fibres et du
squelette conjonctif « M ». culaires rentrent également dans ce cadre.
• Lésions au départ du squelette conjonctif Lésions situées à la jonction du
lui-même « C ».
squelette conjonctif et du muscle
Elles ont été décrites par Garrett et corres-
arrêt plus long des activités. Les lésions les moins pondent aux lésions myo-osseuses (figure  8.7),
graves sont limitées à cette « armature » conjonc- myotendineuses proximales ou distales et myo-
tive (sans lésion des fascicules), alors que dans les aponévrotiques centrales ou périphériques.
lésions les plus graves, l’atteinte démarre dans le
tissu conjonctif mais atteint aussi les fascicules Lésions démarrant au niveau du muscle lui-même
musculaires insérés sur lui. Ainsi, dans les archi- Elles sont très rares au niveau des muscles présen-
tectures bipennées, il existera des lésions de l’élé- tant un squelette conjonctif et se situent souvent
ment conjonctif diffusant aux fascicules insérés de à la partie centrale du muscle. Elles sont de gravité
part et d’autre (figure 8.5). peu importante.

Figure 8.5. a-b Lésion limitée au squelette conjonctif sans atteinte des fascicules musculaires insérés à son niveau.
Schéma et échographie de l’épaississement à contours flous de la cloison conjonctive de semimembraneux
c-d Lésion du squelette conjonctif (rupture) s’accompagnant d’une lésion des fascicules musculaires insérés à son
niveau. Schéma et échographie de la rupture d’une ramification conjonctive au sein du semitendineux.
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 301

Figure 8.6. Rupture du fascia périmusculaire


du soléaire.

Figure 8.8. Désinsertion myo-osseuse du muscle


oblique interne à son attache sur la crête iliaque.
OE : oblique externe ; OI : oblique interne ;
TR : transverse.

Figure 8.7. Désinsertion myo-osseuse du court


adducteur à son attache sur le pubis et désinsertion
myotendineuse proximale du long adducteur. Figure 8.9. Désinsertion myo-aponévrotique à la face
profonde du droit de l’abdomen.
Flèche = désintertion myo-osseuse
Nous avons appelé lésions C, celles qui démar-
rent dans le conjonctif, et lésions M, les deux
autres types le lésions (myoconjonctives et d’ori-
gine musculaire ; encadré 8.1).

Topographie des lésions au niveau


des muscles des parois
En raison de l’absence de squelette conjonctif à
leur niveau, toutes les lésions seront bien entendu
classées M. Nous aurons :
• des désinsertions essentiellement myo-osseuses
(figure  8.8), rarement myo-aponévrotiques
périphériques (figure  8.9) ou myotendineuses
(essentiellement à l’attache distale du droit de
Figure 8.10. Désinsertion myotendineuse distale
l’abdomen (figure 8.10) ; du droit de l’abdomen avec épaississement à contours
• des lésions à point de départ musculaire, véri- flous du prolongement tendineux à la partie distale
tables déchirures (figure 8.11). du muscle.
302 Traumatologie en pratique sportive

Celle-ci s’observe dans les lésions atteignant le


périmysium (de grade 2 à 4) et débute environ
3  jours après le traumatisme (figure  8.12). Sa
disparition témoigne d’une cicatrisation acquise
d’un point de vue échographique, ce qui ne veut
pas dire pour autant que cette dernière soit solide
(intérêt de l’étude clinique).
La présence de cette vascularisation est égale-
ment très importante pour dépister des lésions
récidivantes  ; ainsi, une vascularisation autour
Figure 8.11. Lésion intramusculaire avec dilacération d’une cicatrice ancienne témoigne d’une réac-
des fibres et présence de petites collections
hématiques.
tivation de celle-ci.
Des épreuves de contraction sont systématique-
ment réalisées dans les deux plans de l’espace afin
de déterminer en aigu si une sidération fonction-
Impératifs de l’échographie nelle du muscle est présente (à partir du grade 3)
d’une lésion musculaire et en chronique s’il existe une adhérence ou une
Une échographie réalisée en urgence peut être attraction en regard d’une zone de cicatrice. À
faussement négative, car les hématomes sur- ce stade en particulier, les rapports d’une lésion
viennent progressivement. Un examen effectué des ischiojambiers avec le nerf sciatique sont
2 jours après l’accident est un excellent compro- analysés pour expliquer d’éventuelles sciatalgies
mis et il ne faut pas hésiter à refaire après quelques récidivantes.
jours une échographie précoce ne montrant pas
de lésion alors que la clinique est positive. Classification échographique
D’importantes connaissances anatomiques des lésions musculaires
sont indispensables car toutes les études échogra- La détermination de la localisation exacte de la
phiques musculaires se fondent sur des repères lésion est le premier but de l’examen ultrasonore,
écho-anatomiques qui doivent être étudiés suc- car tous les muscles n’ont pas la même impor-
cessivement et comparativement dans un premier tance fonctionnelle.
temps pour terminer l’examen par l’analyse de la Ainsi, une atteinte du droit fémoral sera beau-
zone douloureuse. coup plus grave chez un footballeur ou un ouvreur
Au niveau de celle-ci, on recherche d’abord de rugby que chez un autre sportif.
un remaniement du squelette conjonctif  : inter-
ruption d’une cloison, épaississement hyperécho-
gène à contours flous. Ce sont les lésions le plus
souvent observées.
En cas de collection liquidienne circonscrite,
compressible au palper échoscopique, une ponc-
tion–évacuation échoguidée se justifie, suivie
d’une compression pour éviter ou limiter au
maximum la récidive de l’hématome. Dans notre
expérience, cette ponction raccourcit les délais
de cicatrisation, évite la survenue d’une cicatrice
hypertrophique et limite l’apparition des calcifica-
tions et des ossifications.
Une étude en Doppler puissance est systéma-
tique pour vérifier la présence (et surtout la Figure 8.12. Vascularisation réactionnelle au Doppler
disparition) d’une vascularisation intralésionnelle. une semaine après la survenue d’une lésion musculaire.
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 303

Le deuxième rôle de l’échographie est, comme • les lésions bénignes qui entraînent un remanie-
nous l’avons déjà vu, la ponction échoguidée en ment hyperéchogène sans désorganisation de la
cas d’hématome collecté. structure du muscle ; il n’y a pas d’hématome
Mais son rôle le plus difficile est la gradation intramusculaire (figure 8.13) ;
de la lésion : c’est important, car ce grade condi- • les lésions de gravité intermédiaire dans les-
tionne, mieux que la clinique, la durée d’immobi- quelles la dilacération correspond à moins de
lisation. La taille de la lésion, même si elle ne peut la moitié de la surface du muscle sur une coupe
être négligée, est source d’erreur : axiale. Des suffusions hémorragiques peuvent
• en aigu, car à partir du grade 2 un saignement être présentes mais il n’existe pas d’hématome
se surajoute à la lésion et ce saignement est collecté et le fascia périmusculaire est intact
très variable en fonction des patients (chaleur, (figure 8.14).
mobilisation, compression…) ; il ne faut jamais
oublier qu’en imagerie (échographie mais aussi
IRM), on mesure la lésion et le saignement ;
• lors des contrôles  : c’est le saignement qui
diminue et non la taille de la lésion ; il ne faut
pas dire au patient que sa lésion est passée de
8 à 4  cm car pour lui le but sera d’arriver à
la disparition complète, alors qu’il persistera
pratiquement toujours une cicatrice résiduelle.
Pour apprécier la gravité d’une lésion, il faut
d’abord déterminer le mécanisme lésionnel car la
classification est totalement différente. En effet,
en cas d’atteinte extrinsèque, nous avons une Figure 8.13. Contusion bénigne après choc à la face
contusion et une dilacération et lors d’un trauma- antérolatérale de la cuisse ayant entraîné un remaniement
tisme intrinsèque, un étirement. hyperéchogène (ZH) sans désorganisation du vaste
latéral et du vaste intermédiaire.
Gradation des lésions en cas FEM : fémur.
d’atteinte extrinsèque
On regarde dans ce type de lésion :
• la fraction lésée par rapport à la surface axiale
du muscle ;
• la présence et l’importance des hématomes ;
• l’aspect des fascias périmusculaires.
On peut ainsi séparer (tableau 8.1) :

Tableau 8.1. Classification des lésions musculaires


extrinsèques.
Lésion bénigne Tuméfaction hyperéchogène sans
désorganisation de l’architecture musculaire
Lésion de gravité Désorganisation de l’architecture sur moins
intermédiaire de 50 % de la surface axiale du muscle
Lésion sévère La désorganisation ou la dilacération
atteignent plus de 50 % de la surface
Figure 8.14. Lésion extrinsèque de gravité intermédiaire
du muscle
avec dilacération et atteignant moins de la moitié
Ou une ecchymose de l’aponévrose enserre
de la surface du muscle.
le muscle et empêche sa contraction
FEM : fémur.
304 Traumatologie en pratique sportive

En cas de lésion grave – plus de 50 % de la sur- Par définition, la lésion sera classée 0 si aucune
face du muscle atteinte –, des lames hématiques anomalie échographique n’est décelée.
sont présentes, parfois sous la forme d’une col- On peut donc différencier les lésions d’origine
lection à ponctionner sous contrôle échoscopique conjonctive :
(figure  8.15). Le fascia superficiel du muscle est • C : tableau 8.2 ;
souvent rompu ce qui permet l’évacuation des • M : tableau 8.3. Cette catégorie M comporte les
saignements intramusculaires (qui seront parfois lésions des jonctions myoconjonctives, mais aussi
retrouvés sous la forme d’une ecchymose sous- celles à point de départ musculaire. Ces lésions
cutanée à distance de la lésion). Un syndrome des M se retrouvent au centre du muscle (sur-
loges est souvent évité par cette rupture du fascia tout pour les muscles des parois), aux jonctions
qui peut par contre être à l’origine d’une hernie myotendineuses et myoconjonctives (centrales et
musculaire à la phase séquellaire. périphériques) ainsi qu’au niveau des jonctions
Il faut par contre repérer les petites lésions du myo-osseuses.
fascia périmusculaire qui peuvent être très dou-
loureuses et leurs épaississements ecchymotiques Tableau 8.2. Classification de l’Institut national
qui viennent enserrer le muscle comme dans une du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP)
des lésions intrinsèques d’origine conjonctive (C)
gangue à l’origine d’une hyperpression intramus- en échographie et en IRM.
culaire justifiant parfois l’ouverture chirurgicale
Grade Classification des lésions C
du fascia.
0 Pas d’anomalie décelée en imagerie
Classification échographique des lésions 1C Épaississement à contours flous d’un élément
en cas d’atteinte intrinsèque conjonctif sans rupture
2C Rupture partielle d’un élément conjonctif majeur
Dans ce type de lésion, le plus fréquent, il faut (élément intramusculaire proximal ou jonction
d’abord déterminer si nous sommes en présence conjonctive distale) sans perte de tension
d’une lésion C, d’origine conjonctive, ou d’une Rupture complète d’un élément conjonctif mineur
lésion M résultant d’une atteinte de la jonction (élément conjonctif intramusculaire secondaire,
périmusculaire ou intermusculaire)
entre le muscle et le squelette, voire d’une rare
3C Rupture complète d’un élément conjonctif majeur
lésion d’origine musculaire.
avec perte de tension
4 Rupture myoconjonctive complète avec rétraction

Tableau 8.3. Classification de l’Institut national


du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP)
des lésions intrinsèques d’origine myoconjonctive
ou musculaire (M) en échographie et en IRM.
Grade Classification des lésions M
0 Pas d’anomalie décelée en imagerie
1M Plage hyperéchogène ou en hypersignal T2, limitée,
avec respect de la structure musculaire
2M Plage hyperéchogène ou en hypersignal T2 avec
désorganisation limitée de la structure musculaire
3M Plage hyperéchogène ou en hypersignal T2
avec désorganisation importante de la structure
musculaire, c’est-à-dire :
une collection de plus de 3 mm d’épaisseur
ou une désorganisation atteignant plus d’un tiers
de la surface du muscle
ou une désorganisation atteignant plus de 50 %
Figure 8.15. Lésion extrinsèque grave avec hématome
de la longueur de la jonction myoconjonctive
et dilacération de plus de la moitié de la surface
du muscle. 4 Rupture myoconjonctive complète avec rétraction
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 305

La gradation des lésions musculaires n’est donc IRM des lésions myotendineuses
pas aisée.
Dans nos études, l’arrêt sportif est d’environ : L’IRM est avec l’échographie la méthode de réfé-
• 1 à 2 semaines pour une lésion de grade 1M rence pour l’exploration des lésions musculaires
ou 1C ; traumatiques. L’IRM bénéficie d’une excellente
• 3 semaines pour une lésion de grade 2M ; reproductibilité et présente un contraste tissulaire
• 4 semaines pour une lésion de grade 2C ; très supérieur à celui de l’échographie.
• 6 semaines pour une lésion de grade 3M ; Par contre, le prix de l’examen et la dis-
• 8 semaines pour une lésion de grade 3C ; ponibilité des machines d’IRM n’en font pas l’ins-
• 9 à 12 semaines pour une lésion de grade 4M. trument privilégié dans cette indication.
On remarque que le retour sur le terrain est Nous retenons toutefois trois indications impé-
plus tardif en cas de lésion d’origine conjonctive. ratives :
On peut parler de facteur conjonctif péjoratif. • les discordances entre examen clinique et écho-
graphie ;
Conclusion • les lésions graves (stade 4) dans le cadre de la
discussion d’une prise en charge chirurgicale ;
La détermination de la gravité d’une lésion mus-
• les avulsions tendineuses des racines de membre
culaire en échographie est complexe et si on veut
(ischiojambiers, adducteurs…) pour lesquelles
évaluer, lors de la lésion, un pronostic de durée
l’échographie peut être prise à défaut (héma-
d’immobilisation, un examen précis est indis-
tome important en aigu, morphotype gênant
pensable.
l’étude satisfaisante de l’enthèse).
Du fait de son faible coût et de sa facilité d’accès,
Le choix est ensuite fonction du plateau tech-
l’échographie doit être réalisée en cas de lésion
nique et des circonstances.
musculaire Par contre, un examen en urgence
n’est pas indiqué, car une lésion, avant 48 h, peut
rester iso-échogène et être à l’origine d’un faux Réalisation de l’examen IRM
négatif.
De ce fait, du fait de sa sensibilité, l’IRM est plus Pathologie musculaire aiguë
intéressante en aigu, car elle permet d’affirmer L’IRM doit être réalisée dans les 7 premiers jours
l’existence d’une lésion, ce qui est capital pour le suivant le traumatisme.
sportif. Au mieux, un repère graisseux (glycérine) est
L’inconvénient majeur de cette étude ultra- collé à la peau du patient en regard de la zone
sonore est sa grande difficulté car, outre cette douloureuse.
sémiologie complexe, il est nécessaire de L’IRM comporte au minimum deux plans
connaître parfaitement l’anatomie musculaire et orthogonaux (dont un axial) en T2 TSE après
en particulier les éléments du squelette conjonctif saturation du signal de la graisse. Les inhomogé-
spécifique à chaque groupement. Après l’analyse néités du champ magnétique étant susceptibles de
axiale incontournable et comparative, il faut ana- créer des anomalies de la saturation de la graisse,
lyser les éléments de ce squelette dans leur grand le signal de cette dernière peut être supprimé par
axe pour détecter ces lésions à point de départ d’autres techniques comme les séquences STIR
conjonctif, qui sont les lésions intrinsèques les qui seront préférées pour les champs d’explo-
plus fréquentes. ration plus larges. Dans la mesure du possible,
Le but de cette échographie est le suivant : l’étude doit être bilatérale et comparative pour au
• au stade aigu, faire le bilan le plus exact possible moins une des deux séquences.
afin de déterminer la durée d’immobilisation ; Une attention particulière est portée à l’analyse
• au stade chronique, vérifier l’évolution de la des zones les plus superficielles ou les inhomogé-
cicatrisation pour envisager la remise sur le néités du champ magnétique risquent de masquer
terrain. des lésions traumatiques.
306 Traumatologie en pratique sportive

Un plan T1, idéalement axial, est réalisé en Les fibres musculaires ainsi que les fascicules ne
complément. sont pas visibles.
Lorsque le résultat revêt une importance pro- Les tendons ainsi que leurs prolongements
nostique majeure ou en cas de doute diagnostique, conjonctifs intra- ou périmusculaires sont en asignal
une séquence pondérée en T1 après injection de T1 et T2. Il en est de même pour les aponévroses
gadolinium et saturation du signal de la graisse périmusculaires. Tout comme pour le muscle, leur
peut être réalisée afin d’augmenter la sensibilité structure fibrillaire n’est pas visible en IRM.
de l’examen. Toutefois, certains considèrent
Lésions musculaires
qu’une lésion musculaire traumatique à IRM nor-
male présente un excellent pronostic et que le et myotendineuses en IRM
retour sur les terrains est possible en 6 jours. Lésions musculaires extrinsèques
Une séquence pondérée en T2 écho de gra- La majorité de ces lésions surviennent dans les
dient peut être réalisée afin de mettre en évidence zones exposées (muscle vaste latéral, loge antéro-
la présence de produits de dégradation de l’hémo- externe de jambe) ou situées contre une corticale
globine, permettant de différencier un œdème osseuse (muscle vaste intermédiaire).
musculaire d’un saignement interstitiel. Ces lésions surviennent de dehors en dedans,
et s’accompagnent donc d’une atteinte des parties
Pathologie musculaire chronique
molles superficielles et souvent de l’aponévrose
Le protocole débute comme pour la pathologie périphérique du muscle. Ces éléments prennent
aiguë (deux à trois plans T2 FAT-SAT, un une importance capitale dans l’évaluation pronos-
plan  T1). Il faut savoir que les anomalies de tique de la lésion si l’anamnèse ne peut en préciser
signal T2 décroissent très lentement et ne sont le mécanisme. En effet, les lésions extrinsèques
pas spécifiques (elles rendent compte du saigne- récupèrent en général plus rapidement que les
ment, de l’hypervascularisation ou d’une stase lésions intrinsèques qui atteignent un maillon
hydrique que l’on peut voir en aigu ou lors des faible de la chaîne os–tendon–muscle.
phases plus tardives, qu’elles soient normales ou On distingue trois types de lésions en fonction
pathologiques). de leur gravité :
Il est donc souvent nécessaire d’adjoindre une • lésion bénigne : hypersignal T2 diffus du muscle
séquence T1 après injection de gadolinium et sans rupture de fibres. Cet hypersignal d’origine
saturation du signal de la graisse. Celle-ci ren- œdémateuse ou hématique est parallèle aux fas-
seigne sur l’état de la néovascularisation au sein cicules musculaires, les rendant visibles. Ce type
de la lésion. de lésion ne peut être différencié d’une DOMS
Une séquence pondérée en T2 écho de gradient (delayed onset muscle soreness) ou d’une lésion
peut être réalisée si la présence de calcifications est intrinsèque de grade 1 ;
suspectée. Cette séquence reste toutefois infé- • lésion intermédiaire  : présence de fibres mus-
rieure à une radiographie ou mieux à un scanner culaires rompues représentant moins de 50 % de
pour étudier ces calcifications. la surface du muscle au même niveau dans le plan
Comme en pathologie aiguë, il est conseillé axial ;
de réaliser au moins une séquence bilatérale et • lésion grave : rupture de plus de 50 % des fibres
comparative afin de mieux dépister les subtiles (figure 8.16).
asymétries. Dans les deux derniers grades, un hématome
peut être associé.
Aspect normal La lésion aponévrotique est facilement visible
Le muscle apparaît en hyposignal T1 et T2 homo- en IRM grâce à l’œdème avoisinant.
gène, seulement parcouru de cloisons conjonc- Au stade aigu, les lésions extrinsèques peuvent
tives en asignal, visibles uniquement lorsqu’elles se compliquer d’un syndrome de loge (diagnostic
sont de grande taille. clinique).
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 307

Figure 8.16. Aspect en IRM d’une lésion intrinsèque grade 2C du chef long du muscle biceps fémoral gauche.
a. Coupe axiale T2 avec saturation de la graisse : lésion du prolongement intramusculaire distal du tendon du long biceps
fémoral, élément conjonctif mineur (flèche), visualisé ici en hypersignal T2 et ayant des contours flous (flèche). b. Coupe
sagittale T2 avec saturation de la graisse : rupture complète de cet élément conjonctif en distalité (flèche) avec perte
de tension (têtes de flèche).

Au stade chronique, les hématomes ont ten- La plupart du temps, l’œdème ou l’hématome
dance à se calcifier. Ces calcifications (en hyposi- à la phase aiguë présentent un hypersignal en T2,
gnal T2, s’élargissant sur un T2 écho de gradient) T2 FAT-SAT ou STIR et un hyposignal T1.
sont amorphes ou s’organisent dans l’axe des
fibres musculaires. Si elles sont situées à proximité Lésions de grade 0 (DOMS) et grade 1
d’une corticale, elles peuvent s’y intégrer. La sémiologie est la même pour les deux lésions :
un hypersignal T2 intramusculaire dessinant les
Lésions musculaires intrinsèques fascicules normalement non visibles, le muscle
Les lésions intrinsèques (surnommées entorses rappelant alors la structure d’une plume d’oiseau.
musculaires ou muscle strains) sont provoquées La forme du muscle est respectée.
par un étirement excessif sur un muscle contracté. L’intensité de l’hypersignal T2 est moins
La durée de cicatrisation est en général plus importante dans la DOMS. Ces lésions de grade
longue que pour les lésions précédentes. Les mus- 0 sont souvent multiples.
cles présentant un risque élevé de lésion de ce type
croisent le plus souvent deux articulations (comme Lésions de grade 2
les ischiojambiers ou les gastrocnémiens) et sont • Grade 2 musculaire (« grade 2m ») :
composés d’une proportion importante de fibres – en plus de l’œdème musculaire, une perte
musculaires de type II (à contraction rapide). de parallélisme des fibres est visible dans le
Dans un objectif de simplification, nous avons plan longitudinal au muscle. C’est cette zone
rassemblé les lésions de la zone de jonction myo- de désorganisation qui représente la lésion
tendineuse, ou de son prolongement intramuscu- elle-même. Son signal T2 est en général plus
laire (myoconjonctive), et les lésions conjonctives. élevé que pour les lésions de grade 1, ceci
Quel que soit le type de lésion, la grande majo- correspondant probablement à la présence de
rité d’entre elles siège à proximité d’un tendon ou sang. L’hypersignal en périphérie n’est qu’un
d’une cloison conjonctive. œdème ou saignement satellite dont la taille
308 Traumatologie en pratique sportive

peut être beaucoup plus importante, sans Plusieurs classifications sont utilisées dans la
incidence pronostique (tant qu’il n’est pas littérature. La correspondance entre les classifi-
collecté). Ces coulées d’œdème sont d’ailleurs cations de Rodineau et Durey, de O’Donoghue
le plus souvent déclives ; et de Peetrons est présentée dans le tableau 8.4.
– une rétraction focale partielle peut être présente.
• Grade 2 conjonctif (2C) (figure 8.16) : hyper-
signal T2 d’une cloison conjonctive et souvent
des fibres musculaires adjacentes.

Lésions de grade 3 (figure 8.17)


Une collection intramusculaire est présente. Elle
peut être adossée à une zone de jonction ou
centrée sur une cloison conjonctive. Cette collec-
tion doit être ponctionnée.
Une exception est la rupture d’une aponé-
vrose périmusculaire qui fait partie de ce grade.
L’hématome n’étant plus cloisonné dans le corps
musculaire, il fuit dans les tissus mous superficiels
et il n’y a pas de collection.

Lésions de grade 4 (figure 8.18)


La rupture et la rétraction soit de la zone de jonc-
tion, soit du prolongement conjonctif du tendon Figure 8.18. Aspect en IRM d’une lésion intrinsèque
grade 4 du muscle long adducteur droit.
au sein du muscle, sont bien visibles, l’extrémité Coupe coronale T2 avec saturation de la graisse :
de la structure lésée baignant en battant de cloche rupture complète de la jonction myotendineuse proximale
dans une collection hématique. avec importante rétraction distale associée (flèches).

Figure 8.17. Aspect en IRM d’une lésion musculaire intrinsèque grade 3C du muscle droit fémoral gauche.
a. Coupe axiale T2 avec saturation de la graisse : important hypersignal T2 et distorsion touchant la partie proximale
du muscle droit fémoral (flèches), les éléments conjonctifs majeurs (prolongements proximaux des tendons direct
et indirect) étant mal visualisés sur cette coupe. b. Coupe sagittale T2 avec saturation de la graisse : rupture complète
de ces éléments conjonctifs majeurs avec perte de tension (flèches), mais persistance de la continuité de quelques
faisceaux musculaires.
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 309

Tableau 8.4. Classifications des lésions musculaires L’IRM montre des anomalies de signal touchant
selon leur gravité. tous les muscles d’une loge, mais le diagnostic
Classification Classification Classification est clinique et fondé sur la mesure des pressions
de Rodineau et Durey de O’Donoghue de Peetrons intramusculaires.
Grade 1 Grade1 Grade 1 La récidive de lésion musculaire traumatique
Grade 2 Grade 2 est une des conséquences de ces séquelles (risque
Grade 3 Grade 2 relatif de 2 pour les ischiojambiers chez les foot-
Grade 4 Grade 3 Grade 3 balleurs). Ces nouvelles lésions peuvent survenir
au même endroit ou à distance (même muscle ou
muscle agoniste) en raison de la sidération mus-
Lors d’un examen des masses musculaires, culaire due à la première lésion (récidive précoce)
l’hypersignal T2 détecté n’est pas forcément ou de la présence d’une cicatrice fibreuse moins
d’origine traumatique. extensible que les fibres musculaires de voisinage
(récidive tardive). Il convient donc de rechercher
Cicatrisation et séquelles des lésions une récidive devant toute douleur musculaire
musculaires traumatiques chronique avec antécédent de lésion  muscu-
La décroissance de l’hypersignal T2 est progres- laire traumatique.
sive en intensité et en taille mais peut longtemps
se prolonger (jusqu’à 10 semaines), alors que En pratique
l’examen clinique se normalise plus vite. Dans notre expérience, l’IRM est plus sensible
Dans les grades 2, il y a, en 2 à 3 semaines, dans le bilan initial, mais l’échographie est plus
une diminution puis une disparition de l’hyper- informative dans le suivi. En effet, en plus du bilan
signal T2 intense situé entre les fibres et la cloison morphologique, l’échographie permet l’étude de
conjonctive. Dans les grades 2 conjonctifs (2C), la contractilité musculaire, guide le drainage d’un
l’hypersignal T2 de la cloison diminue et se éventuel hématome, ce qui améliore le pronostic
normalise en 3 à 4 semaines. s’il est réalisé précocement et permet l’étude de
Dans les grades 3, la collection hématique dimi- la vascularisation. Le Doppler couleur se positive
nue puis disparaît dans des délais très variables. généralement à partir du 3e jour et se négative
Elle peut persister sous la forme d’une collection à la fin de la cicatrisation, ce qui est un élément
séreuse ou se compliquer de la formation d’une participant à la décision de reprise de l’activité
calcification. sportive. De même, en cas de doute concernant
La fibrose apparaît plus tardivement (dans les une lésion ancienne ou en cas de suspicion de
2 mois) sous la forme d’un hyposignal T1 et T2, réactivation d’une cicatrice, l’échographie peut
visible parfois par le seul épaississement d’une cloi- différencier les lésions récentes mal limitées et
son conjonctive (intérêt des coupes comparatives hyper-hémiques des lésions anciennes bien limi-
bilatérales). Lorsque son grand axe est parallèle tées et non vascularisées.
à celui des fibres musculaires, le retentisse­ment
fonctionnel est moindre que lorsqu’il est situé
dans un plan transversal.
La calcification est similaire à la fibrose dans sa pré- Traitement des lésions
sentation. Elle survient aux mêmes endroits (zones tendinomusculaires
de jonction), après un délai plus long (3 mois).
L’infiltration graisseuse est rare. Elle doit faire
E. Rolland
rechercher une lésion de grade 4 méconnue, un
syndrome des loges chronique ou une myopathie Il comprend toujours trois phases successives  :
sous-jacente. cicatrisation, récupération de la force musculaire
Un antécédent de lésion musculaire traumatique et réentraînement au geste sportif. La durée
est un facteur de risque de syndrome des loges. des différentes phases et le retour à la pratique
310 Traumatologie en pratique sportive

sportive dépendent du bilan initial lésionnel de Dans le milieu sportif professionnel, l’utili-
gravité. Le passage à la phase suivante ne se fait sation d’injections dans la lésion sous contrôle
qu’après validation de la phase précédente par des échographique de plasma riche en plaquettes
tests cliniques et fonctionnels. (PRP) s’est très largement développée ces der-
nières années dans le but d’améliorer la qualité et
la durée de la cicatrisation. Le principe est fondé
Phase de cicatrisation sur les propriétés des facteurs de croissance dans
la réparation tissulaire en général (extraits en
Elle correspond à la période douloureuse, au
concentré au-dessus du culot globulaire de sang
temps de régénération des fibres musculaires
autologue centrifugé). Il n’existe pas actuellement
lésées à partir des cellules satellites et à la forma-
de protocole unique à la fois sur le mode d’extrac-
tion de la cicatrice fibreuse du tissu conjonctif.
tion, les quantités et le nombre d’injections. Les
Le traitement initial a pour but de limiter
différentes séries publiées analysant les résultats
l’extension de la lésion, contrôler les phéno-
ne permettent pas encore aujourd’hui d’affirmer
mènes inflammatoires secondaires et favoriser la
la réelle efficacité d’un tel traitement malgré une
mobilisation et le mouvement. Ainsi, en patho-
bonne tolérance et l’absence d’effets secondaires.
logie musculaire plutôt que le classique proto-
Les critères cliniques de cicatrisation primaire
cole RICE (Rest, Ice, Compression, Elevation),
doivent être stricts pour autoriser la phase sui-
il vaut mieux proposer le protocole POLICE
vante :
(Protection, Optimal loading, Ice, Compression,
• absence de douleur spontanée dans la vie cou-
Elevation), l’immobilisation étant remplacée par
rante ;
une mise en activité précoce du muscle lésé
• test d’étirement normalisé ;
dans les secteurs de sollicitation indolore avec
• force musculaire (concentrique et excentrique)
protection (taping, contention souple, cannes
normale contre résistance manuelle ;
anglaises). Glaçage et compression doivent être
• palpation de la zone lésée indolore.
utilisés le plus rapidement possible et de façon
régulière. L’idéal est de les associer avec des
appareils type Game Ready® portable. La pres- Phase de renforcement
cription médicamenteuse doit être évitée en musculaire
dehors des antalgiques de palier 1 car les anti-
inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les L’idéal est d’avoir accès à une machine isociné-
corticoïdes ont des actions néfastes sur la cica- tique qui permet un travail contrôlé musculaire
trisation. Des techniques de drainage (crochet) concentrique et excentrique, mais également un
et d’électrostimulation veineuse plus que mus- comparatif de valeurs avec le côté sain.
culaire à ce stade peuvent être utilisées lorsque Ainsi, le protocole peut débuter avec des répé-
cela est possible. La mobilisation précoce est titions à 40 % des valeurs du muscle controlatéral
recommandée pour optimiser l’orientation des sain et la progression de la récupération de la
fibres musculaires et l’élasticité de la cicatrice force musculaire peut s’effectuer par paliers de
fibreuse en respectant la règle de la non-douleur. 10 %. À chaque palier, il est nécessaire de valider
Le vélo ergomètre sans résistance peut être testé la tolérance clinique (douleur, gêne, fatigabilité)
pour évaluer le seuil douloureux. Les exercices et de contrôler l’aspect des courbes de valeur
classiques sont l’appui monopodal yeux ouverts obtenue.
puis yeux fermés, le travail de la marche avant et À défaut de matériel isocinétique, la récu-
arrière le long d’une ligne (en dosant l’ampli- pération de la force musculaire initiale peut
tude et la fréquence du pas) et le travail de être obtenue par un programme d’exercice
déplacement latéral ou croisé à faible intensité. physique excentrique dont il existe de nom-
La balnéothérapie et le travail en piscine sont breuses variantes. L’expérience du rééducateur
idéaux lorsqu’ils sont accessibles. est alors déterminante pour choisir les exercices
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 311

des séances et contrôler l’intensité, la durée et doit être effectuée par le sportif sans gêne, sans
la qualité d’exécution, en ne sollicitant pas un raideur et sans tension avant d’autoriser un retour
muscle lésé en course externe tant qu’il existe à l’activité sportive normale sans appréhension.
un déficit de force.
Cette phase de récupération de la force mus-
culaire doit être toujours associée à des soins de
récupération (prévention des courbatures) par la
cryothérapie et/ou la balnéothérapie, et à des
2. Tennis-leg
soins locaux de travail de l’élasticité de la cicatrice
J. de Lecluse
par des techniques manuelles et de physiothérapie
et un travail cardiovasculaire (vélo, tapis de course
ou Alter G®). Le tennis-leg correspond à une lésion musculo-
Les critères de récupération de la force mus- aponévrotique du chef médial du muscle gas-
culaire doivent être stricts pour autoriser la phase trocnémien. Ce muscle constitue avec le muscle
suivante : soléaire, plus profond, le triceps sural. Le gas-
• absence de douleur lors d’une contraction trocnémien médial est plus volumineux et des-
maximale du muscle en course externe et lors cend plus bas que le gastrocnémien latéral, ce qui
de la course sur tapis ; explique sa plus grande vulnérabilité. Les trois
• amplitude articulaire complète et indolore des corps musculaires s’unissent distalement par un
articulations sus- et sous-jacentes au muscle tendon commun, le tendon calcanéen.
lésé ; Muscle bi-articulaire, le gastrocnémien est flé-
• sur le test avec machine isocinétique lorsqu’il chisseur de la jambe et surtout fléchisseur plan-
est possible, déficit de force excentrique infé- taire (ou extenseur) de la cheville. Son rôle dans
rieur à 10 % par rapport au côté sain, normali- la propulsion est capital.
sation de l’angle et du délai de pic de force et Le terme de tennis-leg s’explique par le fait
absence de déséquilibre musculaire avec un bon qu’il survient fréquemment chez les pratiquants de
ratio fonctionnel (antagoniste en excentrique à sports de raquette, plus particulièrement au tennis.
vitesse lente/agoniste en vitesse rapide). Cependant les circonstances de cette lésion peuvent
s’observer aussi lors d’autres activités sportives.
Phase de réathlétisation
Elle comprend non seulement la reprise des gestes Mécanismes traumatiques
spécifiques liés au sport pratiqué, en particulier
celui qui est à l’origine de la lésion musculaire, L’accident survient principalement lors d’une
mais également une remise à niveau cardiovas- contraction brutale du triceps associée à une
culaire de la condition physique préexistante à flexion passive du pied (contraction excentrique
l’arrêt sportif. Les séances proposées doivent res- du gastrocnémien). L’autre mécanisme trauma-
pecter des sollicitations croissantes sur le muscle tique se produit lorsque, le muscle étant étiré
lésé mais surtout développer la coordination pour (flexion dorsale du pied et genou proche de
rétablir une fonction neuromusculaire optimale. l’extension), une forte et soudaine contraction du
La remise à niveau cardiovasculaire peut s’effec- triceps (contraction concentrique du gastrocné-
tuer sur le terrain le plus souvent par un prépara- mien) survient.
teur physique ou en salle en utilisant les différents Au tennis, cela se produit en allant chercher
appareils de cardiotraining mis à disposition (vélo, une balle basse au filet (amorti), à la réception
stepper elliptique, tapis de course). La réalisation d’un saut (lob) ou lors d’un brutal changement
de ces séances (avec des exercices d’intensité, de de direction (passing). Au rugby, cela peut se
répétition et de durée croissante par paliers) voir lors d’une poussée en mêlée qui s’effondre ;
312 Traumatologie en pratique sportive

en ski, c’est lors d’une chute en avant avec le pied en flexion dorsale passive de sa cheville va provo-
fixé au sol et, dans les sports d’impulsion, lors d’une quer ou augmenter les douleurs. Dans les formes
accélération ou d’une réception mal contrôlée. mineures, les douleurs provoquées sont d’autant
plus intenses en flexion dorsale de la cheville que
le genou est mis simultanément en extension.
Clinique La contraction volontaire du triceps est pos-
sible, mais ce sont les douleurs qui limitent le
Symptômes blessé à poursuivre l’effort de flexion plantaire de
la cheville.
Ils sont caractéristiques. La douleur vive est située Enfin, on termine l’examen par la palpation du
au tiers moyen inférieur et médial du mollet. triceps pour localiser le point ou la zone doulou-
Elle s’accompagne parfois dans les formes graves reuse caractéristique du tennis-leg. Elle se situe sur
d’un claquement, mais le plus souvent d’une la partie inférieure et médiale du gastrocnémien
sensation de déchirure. L’arrêt de l’activité est médial, soit proche du galbe inférieur de ce chef
immédiat. Au tennis, il est classique que le sujet musculaire.
décrive sa douleur initiale comme l’impact d’une
balle dans son mollet. La marche est difficile et
se fait plus aisément sur la demi-pointe, voire Imagerie
en triple flexion de la hanche, du genou et de
la cheville. L’appui avec genou en extension est
Si le diagnostic de tennis-leg est avant tout cli-
difficilement réalisable, voire impossible. Dans les
nique, il peut être nécessaire de demander une
formes mineures, si la marche lente est possible,
échographie. C’est le cas quand on suspecte un
l’accélération aggrave les symptômes douloureux.
hématome, que le stade de gravité est clinique-
ment imprécis, qu’il y a une suspicion de lésion
Examen clinique associée, ou lors d’une récidive.
L’échographie permet d’évaluer la présence
Après l’examen de la station debout et de la d’un hématome et d’en estimer son volume et
marche, l’observation de la jambe permet de donc sa possible ponction. Si celle-ci est effectuée,
rechercher une ecchymose. Dans les rares grandes elle sera complétée par la pose d’une bande élas-
déchirures myo-aponévrotiques, une ecchymose tique compressive de la jambe. Un contrôle écho-
postéromédiale apparaît en quelques heures. Dans graphique à 8 jours confirmera sa disparition ou
les autres formes, la présence d’une ecchymose sa récidive.
n’est pas systématique. Elle survient généralement La gravité de la lésion s’établit par la présence
en 24 à 48  h et se situe souvent à distance de d’un épanchement, du volume et des spécificités
la lésion, à la partie inférieure de la jambe pour de la désorganisation des structures musculo-
diffuser ensuite en sous-malléolaire médial. Son aponévrotiques. De l’importance des lésions
existence signifie la présence d’un hématome, observées dépendront les modalités thérapeu-
donc au minimum d’une lésion de grade III dans tiques et les consignes de reprise des activités
la classification habituelle des lésions musculaires. sportives.
L’importance de l’augmentation de volume du Si le diagnostic différentiel avec une rupture du
mollet, comparativement au mollet controlatéral, tendon calcanéen est cliniquement facile (montée
est fonction de la gravité de la lésion. sur demi-pointe impossible, augmentation de la
Le ballottement du mollet lésé est douloureux flexion dorsale passive de la cheville, verticalisa-
et diminué. tion du pied, encoche palpable et douleur plus
L’étirement passif du triceps sural confirme bas située), une thrombophlébite secondaire au
le diagnostic. Le blessé est placé en décubitus tennis-leg n’est pas rare. Celle-ci peut se consti-
dorsal, son genou est fléchi et la mise progressive tuer rapidement, notamment si un hématome
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 313

volumineux et/ou l’inflammation réactionnelle temps de soulager les douleurs et favoriser le


locale comprime le réseau veineux, ou bien plus drainage, puis progressivement de faciliter la cica-
insidieusement, chez des patients médicalement à trisation par la réalisation d’étirements doux et
risque et surtout en raison d’un traitement initial de contractions musculaires en statique puis en
absent ou non adapté (voir plus loin). dynamique, d’abord en course interne puis peu à
En cas de récidive, il se peut que l’on retrouve peu en course externe. Le principe est de toujours
des séquelles du traumatisme précédent avec réaliser les exercices en infradouloureux et de
fibrose, lame d’épanchement résiduel, épaissis- façon contrôlée. Au fur et à mesure des progrès
sement aponévrotique, calcifications… Ainsi, le et de la tolérance, l’intensité des exercices est
traitement de cette récidive sera différent de celui augmentée par la charge, les amplitudes et la
du traumatisme initial. vitesse d’exécution.
Un traitement chirurgical est indiqué en cas de
large désinsertion musculo-aponévrotique avec une
Traitement clinique nette : claquement, souvent chute, impo-
tence fonctionnelle majeure, encoche palpable,
ecchymose importante, gonflement  net,  étire­
Classiquement, devant tout traumatisme mus-
ment  impossible et sidération de la contraction
culaire, il faut refroidir au plus vite la zone lésée
musculaire. L’échographie confirme la présence
(cryothérapie) pendant les premiers jours, porter
d’un hématome volumineux et d’un délabrement
une contention veineuse ou un bandage compres-
musculaire. Le traitement consiste en une évacua-
sif simple de la jambe et prendre des périodes de
tion de l’hématome et en la réinsertion aponé-
repos en position déclive du membre inférieur,
vrotique du gastrocnémien.
tout ceci pour limiter la suffusion hémorragique
et œdémateuse.
Quant à l’appui, il est rapidement conseillé mais
en gardant les pieds en équin. Pour cela, il faut Reprise des activités
porter des chaussures avec de hauts talons. Si cela sportives
est relativement facile à obtenir chez les femmes,
chez les hommes, il faut ajouter aux talonnettes • Le temps moyen de cicatrisation est de 6
dures, glissées dans les chaussures, des talons semaines, il varie en fonction de la gravité de la
extérieurs aux chaussures. La hauteur ad hoc lésion et de la précocité du traitement.
s’obtient en recherchant la hauteur qui permet de • Dans tous les cas, l’autorisation de reprise
tenir debout et marcher sur terrain plat de façon progressive des sports nécessite une indolence
indolore (ne mettant pas en tension le gastrocné- complète à l’étirement maximum du triceps,
mien médial). Au fur et à mesure du temps et des aux sauts unipodaux répétés et à la palpation
progrès, la hauteur des talons est diminuée pro- locale.
gressivement. Outre le fait que porter des talons
donne plus d’autonomie au blessé et diminue le
risque de thrombophlébite, la marche favorise la Complications
cicatrisation dirigée et ainsi un résultat de qualité.
Il faut par ailleurs informer le blessé qu’il doit Hématome
monter les escaliers en posant le pied à plat sur les
marches, ne pas accélérer brutalement à la marche Il est évoqué en cas de gros mollet, de la présence
et ne pas s’accroupir. d’une masse rénitente à la palpation, d’une ecchy-
La prescription d’un antalgique, d’un AINS ou mose, d’une évolution difficile. L’échographie
d’un veinotonique est faite selon les besoins. découvrira cet hématome qui sera soit encore
La rééducation est indispensable et peut être ponctionnable, soit enkysté et dans ce cas un
débutée rapidement. Il s’agit dans un premier traitement chirurgical se discutera.
314 Traumatologie en pratique sportive

Thrombophlébite • La clinique est suffisante pour évoquer le diagnostic.


• L’échographie n’est pas systématique, mais elle est
Elle doit être évoquée en cas de grosse jambe utile en cas d’évolution anormale.
douloureuse sur un trajet veineux avec œdème • La suppression d’appui est à éviter au profit d’un
global de la jambe et de la cheville et du pied. appui précoce en équin.
L’absence d’évolution favorable sur les douleurs • La rééducation facilite la cicatrisation dirigée.
et le gonflement doivent inciter à faire une écho- • La reprise du sport est possible si tous les tests
graphie Doppler. fonctionnels sont bien réalisés et indolores.
• Des complications sont possibles : hématome, throm-
bophlébite, récidive. Les séquelles sont rares.
Récidive
Les causes sont multiples :
• une reprise trop précoce des activités sportives
avant que la cicatrisation soit terminée ; 3. Syndrome des loges
• la persistance d’une lame d’épanchement entre des membres inférieurs
le gastrocnémien et l’aponévrose du soléaire.
Il s’agit alors de tenter un assèchement par sa F. Depiesse
ponction ou par l’infiltration d’un corticoïde
sous échographie  ; ensuite le traitement sera
identique à une lésion récente ; Décrit dans sa forme aiguë par Vogt dès 1943
• une fibrose cicatricielle qui se manifeste par des chez les recrues militaires et dans sa forme chro-
douleurs lors des efforts faisant craindre par le nique chez un footballeur par Mavor en 1956,
blessé que cela va récidiver. Il s’agit en fait d’un le compartmental syndrome des Anglo-Saxons, ou
tissu cicatriciel qui nuit aux qualités d’élasticité et syndrome des loges des membres inférieurs, est
de viscosité des fibres musculaires. Des ondes de caractérisé par une élévation pathologique de la
choc, des massages transverses profonds, des étire- pression intratissulaire dans un compartiment mus-
ments et du renforcement musculaire excentrique culaire. Il détermine une souffrance neuromuscu-
peuvent lever cet obstacle à la reprise sportive. laire et neurovasculaire dont la sévérité est variable.
En fonction de son degré de gravité et des circons-
tances étiologiques, il est possible d’individualiser
Séquelles et d’opposer deux tableaux cliniques :
• une forme aiguë souvent post-traumatique qui
• Déficit de la force musculaire  : il est négli- constitue une urgence chirurgicale. Son retard
geable, mais cette minime faiblesse peut être diagnostique est à l’origine de séquelles redou-
préjudiciable pour les sprinters et sauteurs de tables qui se doublent d’implications médico-
compétition. légales ;
• Séquelle esthétique  : dans les grandes dés- • une forme chronique qui est fréquemment
insertions, on peut conserver une modification retrouvée dans les douleurs chroniques de jambe
du galbe du triceps par une ascencion du gas- du sportif mais avec souvent des errances diag-
trocnémien médial. nostiques. Le tableau clinique est celui d’une
claudication intermittente chez un jeune sportif.
Points clés
• La lésion est une désinsertion des fibres du gas- Anatomie
trocnémien médial sur l’aponévrose.
• Le mécanisme traumatique fréquent est le suivant : Les quatre loges de jambe (antérieure, latérale,
contraction musculaire forte du gastro­cnémien simulta-
postérieure superficielle et postérieure profonde)
nément avec un étirement passif du triceps.
peuvent être touchées par cette ischémie d’effort
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 315

avec souffrance neurologique et risque de nécrose était retrouvée dans 38,1  % des cas (90/236).
musculaire. Chaque loge contient, en plus des Une atteinte tricompartimentale était constatée
muscles, un tronc nerveux important : dans 31,4 % des cas (74/236), touchant les loges
• nerf fibulaire profond et artère tibiale dans la postérieures superficielles et antérolatérales. Enfin,
loge antérieure ; une lésion des quatre loges (antérieure, latérale,
• nerf fibulaire superficiel dans la loge latérale ; postérieure superficielle et postérieure profonde)
• nerf sural dans la loge superficielle postérieure ; a été décrite dans 6,8 % des cas (16/236). Il n’a pas
• nerf tibial et artère tibiale postérieure dans la été retrouvé d’atteinte isolée de la loge postérieure
loge postérieure profonde. profonde. Sept fois sur dix les deux jambes étaient
atteintes. Ces chiffres confirment les données de
1996 de Edwards où le compartiment antérieur
Physiopathologie était touché à 45  %, suivi par la loge postérieure
profonde (40 %), puis la loge latérale (10 %) et la
L’hyperpression intratissulaire va résulter d’une loge profonde superficielle (5 %).
inadéquation entre la rigidité des aponévroses Le roller arrive en deuxième position des sports
de recouvrement et l’augmentation du volume touchés, principalement dans la loge antérieure.
musculaire à l’effort réalisant ainsi un véritable La raison topographique repose essentiellement
garrot interne. Il s’agit bien d’un conflit entre sur des notions ergonométriques inhérentes à la
un contenant inextensible, la loge fibreuse, et un position antérieure de la bande de roulement,
contenu, le muscle, qui augmente de volume sous a fortiori lorsqu’il s’agit de patins de vitesse à
l’effet d’une compression d’origine ischémique. cinq roues surchargeant le travail des releveurs et
Edmundsson a retrouvé chez ses patients avec donc de la loge antérieure. Enfin, en troisième
un syndrome de loge chronique une densité position, on retrouve le football. Fichez a noté
capillaire faible et un faible nombre de capillaires deux pics de fréquence : le premier chez le sportif
en lien avec la taille des muscles en comparaison jeune, lors du passage en centre de formation
avec le groupe contrôle. Ceci joue un rôle négatif incriminant vraisemblablement le changement de
sur le flux vasculaire des muscles. De même, la volume d’entraînement physique entre amateurs
régulation artériolaire et le débit sanguin jouent et stagiaires professionnels  ; le second chez un
un rôle important. sportif plus âgé, en fin de carrière, incriminant
alors une rigidité acquise de l’aponévrose du fait
de multiples microtraumatismes (tacles).
Épidémiologie
On note une prédominance masculine (9 fois sur Examen clinique
10), un âge situé très souvent entre 20 et 30 ans.
On retrouve au premier rang des sports touchés, Interrogatoire
la course à pied (fond ou demi-fond) avec, dans la
série de 209 cas de Turnispeed, 89  % d’athlètes. On est dans le cadre de douleurs de jambe à
La répartition topographique se situe au niveau l’effort et après l’effort apparaissant en marche
de la loge antéro-externe dans 48  % des cas, de rapide et souvent en course. Ces douleurs sont
la loge postérieure profonde dans 40 % des cas et peu spécifiques et on a des présentations cliniques
de la loge postérieure superficielle dans 12 % des variées avec souvent une aggravation des symp-
cas. Pierret et al., dans leur étude portant sur 234 tômes avec la durée de l’exercice, inefficacité des
patients inclus dans leur cohorte et 236 interven- traitements classiques. Souvent, on retrouve des
tions chirurgicales réalisées, ont retrouvé l’atteinte antécédents traumatiques locaux, tels que périos-
d’une seule loge dans 23,7  % des cas et tou- tite, fracture de fatigue, fracture, lésion muscu-
jours la loge postérieure superficielle (56/236). laire, hématome calcifié ou lésion de la membrane
L’atteinte de deux loges (antérieure et latérale) interosseuse. Parfois des hernies musculaires sont
316 Traumatologie en pratique sportive

bien décrites par le sportif, des signes de tendi- de pied. Dans tous les cas, les signes négatifs sont
nopathie des releveurs du pied, une sensation aussi importants à préciser.
d’instabilité de cheville lors des sorties longues.
Un point notable est la symptomatologie assez
stéréotypée de claudication intermittente d’effort Tests dynamiques
progressivement croissante qui va s’exprimer par
Charlopain et al. en 1997 ont proposé le test
des douleurs d’effort à type de striction d’appa-
du battement de la mesure  : dans le cadre de
rition progressive, toujours après le même type
syndrome de loge antéro-externe, il consiste à
d’effort et presque toujours avec le même délai
effectuer au minimum 150 dorsiflexions du pied en
de latence au cours de l’activité physique. Cette
4 minutes. En cas de syndrome des loges, le sportif
distance est quasi constante : parfois un peu plus
ne pourra satisfaire à cette épreuve, reproduisant la
courte si le rythme est soutenu ou légèrement
douleur vécue. Les auteurs ont corrélé ce test avec
allongée si le rythme est atténué, mais qui au
la prise de pression, permettant de dégager une
bout de quelques minutes oblige à l’arrêt. Il s’agit
prédictivité positive en cas de test positif de 96 %
donc d’un tableau typique alors même, et ceci est
et une prédictivité négative en cas de test négatif
fondamental, qu’il n’existe aucune manifestation
de 90 %.
au repos. La douleur persiste avec la continuation
de l’effort et cède à l’arrêt, après 10 à 15 minutes.
L’examen clinique est normal au repos, à ceci Examens complémentaires
près qu’il devra toujours s’enquérir de l’existence
ou non d’une hernie musculaire ou d’un muscle La prise de pression de la loge musculaire n’est
surnuméraire. pas systématique, mais confirmera sans appel le
L’examen se fait donc au repos, puis après la diagnostic. Elle est réalisée à l’aide d’un appareil
répétition de l’effort connu du patient qui lui pro- de la société Stryker (figure 8.19) disposant d’un
voque la douleur : il ne faut pas hésiter à l’envoyer enregistreur de pression électronique miniaturisé et
courir un peu avant la consultation. Après effort, relié à une chambre de mesure à usage unique. Cet
on retrouve fréquemment à l’inspection la majo- appareil américain est à ce jour le seul appareil du
ration d’une éventuelle hernie musculaire. commerce disponible sur le sol français, or un arrêt
de sa commercialisation est possible, ce qui ramè-
nerait les thérapeutes français à l’usage de montage
Palpation
On recherche la tension musculaire douloureuse
au mollet en postérieur ou à la loge antéro-
externe de jambe et surtout on palpe les pouls :
il n’y a jamais de modification des pouls distaux
éliminant un syndrome d’artère piégée.

Testing neurologique
Il peut exister quelques signes neurologiques
comme une hypoesthésie possible et des paresthé-
sies du 1er espace intermétatarsien par atteinte du
nerf fibulaire profond. En cas de loge antérieure
touchée, on examine le muscle tibial antérieur,
on retrouve une douleur à l’étirement et au tes- Figure 8.19. Appareil Stryker de prise de pression.
Source : Bonnevie L, Clément R, Larroque P, Fontes D, Garcin JM,
ting avec un déficit possible. On parle alors de Chanudet X. Syndrome des loges. EMC - Cardiologie-angéiologie,
steppage d’effort avec une parésie des releveurs 1(4) : 413-25 [Article 19-1590].
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 317

artisanaux et moins faciles d’accès de mesure de la fatigue, une périostite, des signes de souffrance
pression. musculaire (nécrose). Exceptionnellement, on
La méthode consiste à procéder à trois prises de demandera des examens biologiques (signes de
pression, la première au repos, la deuxième dans la souffrance musculaire de rhabdomyolyse  : créa-
minute qui suit l’effort et la troisième 10 minutes tine phosphokinase ou CPK, bilan rénal) et un
après l’effort. Au repos, la pression doit être infé- électromyogramme des membres inférieurs en cas
rieure à 10  mm Hg, voire 15  mm Hg. Elle est de souffrance nerveuse avec parésie ou paralysie
considérée comme très suspecte entre 16 et 20 mm motrice (lésion canalaire, atteinte radiculaire).
Hg et tout à fait anormale au-dessus de 20 mm Hg. Les pièges artériels anatomiques sont liés à une
Au moment de l’effort, le seuil critique se situe anomalie de structure entraînant une déviation
aux alentours de 30 mm Hg, le seuil indiscutable permanente de l’artère poplitée et de fait suscep-
est à 50 mm Hg et le retour à la normale doit se tible de complications graves (anévrisme, sténose
faire en moins de 10 minutes. Ces mesures sont intrinsèque, thrombose). Le diagnostic se fait
bilatérales. Certains préconisent une mesure des sur l’abolition des pouls à l’effort (que l’on ne
loges adjacentes et, lors des syndromes des loges retrouve quasiment jamais en cas de syndrome des
postérieures, une prise de pression systématique loges chronique) et sur l’angio-IRM.
de la loge postérieure profonde et de la loge pos- Les pièges artériels fonctionnels ne présentent
térieure superficielle. ici aucune anomalie de structure, c’est unique-
ment en fonction de la position du genou (tra-
pèze, canoë…) et de la contraction musculaire
Diagnostic différentiel que l’artère est temporairement comprimée. Les
risques de complications sont faibles et l’indication
En cas de doute diagnostique, on doit distin- chirurgicale plus nuancée. Lors des pièges fonc-
guer, devant une claudication et/ou une grosse tionnels, on ne retrouve aucun déplacement ou
jambe douloureuse, les pièges veineux des pièges position anormale, seules les épreuves dynamiques,
artériels (anatomiques et fonctionnels). Clinique- notamment la flexion plantaire forcée, vont générer
ment, dans le cadre de pièges veineux, on cherche le déplacement ou une compression temporaire.
le signe de Homans avec perte du ballottement On recherche aussi des altérations artérielles
du mollet et douleur à la dorsiflexion de cheville ; intrinsèques (anévrisme, encoche compressive,
dans le cadre de pièges artériels, on effectue thrombose), ainsi qu’une endofibrose plus haut
une prise des pouls périphériques après effort située de l’artère iliaque externe chez le sportif de
et une évaluation par la mesure des index de pres- haut niveau, en particulier le cycliste, voire une
sion systolique à la cheville. sténose de l’artère iliaque primitive.
Une échographie Doppler des troncs veineux
est réalisée en urgence pour éliminer une throm-
bose veineuse profonde et/ou un hématome Traitement
compressif sur lésion musculaire. On propose
sans urgence une échographie Doppler des troncs Le traitement médical est pauvre, il faut arrêter ou
artériels des membres inférieurs, voire au mieux diminuer l’entraînement, essayer les étirements et
une angio-IRM, pour éliminer un syndrome de les orthèses plantaires, mais souvent rien n’y fera
l’artère poplitée piégée et une athéromatose, et et le traitement de référence du syndrome des loges
des radiographies standard pour éliminer les frac- des membres inférieurs chronique est le traite­
tures de fatigue, les tumeurs, les calcifications ment chirurgical (fasciotomie). Les résultats sont
musculaires. relativement bons  : dans l’étude de Pierret et al.,
Il faut également éliminer un canal lombaire le taux déclaré de guérison était de 68,4 %, et celui
étroit (radiographies et IRM lombaire). Une IRM d’amélioration de 23,9 %. Le taux d’échec rapporté
de la jambe est utile pour exclure une fracture de était faible (7,7  %). Cependant, il y a parfois
318 Traumatologie en pratique sportive

une symptomatologie douloureuse postopératoire Brasseur JL, Bach G, Renoux J, Zeitoun-Eiss D. Classifica-
persistante avec une limitation du niveau d’activité. tion des lésions musculaires ; de quoi parle-t-on ? In :
Sans  N, Lhoste-Trouilloud  A, Cohen  M, et  al. Dir.
Dans l’étude de Wieczorek, parmi les patients,
L’imagerie en traumatologie sportive. Montpellier  :
37,5 % avaient une indolence totale et 62,5 % ont Sauramps Médical ; 2010, p. 145-68.
retrouvé un niveau d’activité équivalent à leur pra- Brasseur JL, Renoux J. Classification des lésions mus-
tique antérieure. Le niveau de retour aux activités culaires. Revue de la Société d’imagerie musculo-
est diminué lorsque la loge postérieure est atteinte squelettique (SIMS) 2012;21:6–24.
(p  =  0,008) et lorsque le tableau clinique initial Carillon Y, Cohen M. Imagerie des lésions musculaires du
sportif. J Radiol 2007;88:129–42.
est atypique (p  =  0,035). Un tableau clinique Crema MD, Godoy IRB, Abdalla RJ, De Aquino JS,
initial atypique est également en faveur d’une dis- Ingham SJM, Skaf AY. Hamstring injuries in pro-
parition incomplète des douleurs (p = 0,011). fessional soccer players: extent of MRI-detected
En postopératoire, on doit prévenir l’héma- edema and the time to return to play. Sports Health
tome par compression, glacer et drainer  ; la 2018;10(1):75–9.
marche est autorisée dans les 48 h. Il faut éviter Ekstrand J, Askling C, Magnusson H, Mithoefer K.
Return to play after thigh muscle injury in elite foot-
la position jambes pendantes, la reprise du travail ball players. Implementation and validation of the
musculaire est progressive, en isométrique puis Munich injury classification. Br J Sports Med 2013;
en dynamique. La reprise de la course à pied (ou 47:769–74.
de l’activité causale) est possible 6 semaines après. Folinais D, Thelen P, Delin C. Lésions musculaires du
soleus. Imagerie normale et pathologique - Réflexions
sur le mécanisme physio-pathologiques des dés-
Points clés insertions musculo-aponévrotiques. In : Brasseur JL,
Zeitoun-Eiss D, Renoux J, Grenier P. Dir. Actualités
• Un syndrome des loges est un conflit entre un en échographie de l’appareil locomoteur. Tome  IV.
contenant inextensible, la loge fibreuse, et un contenu, Montpellier : Sauramps Médical ; 2007, p. 47-74.
le muscle, qui augmente de volume sous l’effet d’une Garrett WE Jr. Muscle strain injuries: clinical and basic
souffrance d’origine neuromusculaire et neurovasculaire aspects. Med Sci Sports Exerc 1990;22(4):436–43.
caractérisée par une élévation pathologique de la pres- Koulouris G, Connell DA, Brukner P, Schneider-Kolsky
sion intratissulaire. Les lésions aiguës sont rapidement M. Magnetic resonance imaging parameters for asses-
irréversibles en l’absence de traitement adéquat, la sing risk of recur-rent hamstring injuries in elite
forme chronique est handicapante pour un sportif. athletes. Am J Sports Med 2007;35(9):1500–6.
• Il touche surtout les coureurs à pied au niveau des Peetrons P. Ultrasound of the muscles. Eur Radiol
2002;12(1):35–43.
quatre loges musculaires de la jambe.
Renoux J, Mercy G, Zeitoun-Eiss D, Brasseur JL. Valeur
• Le diagnostic d’un syndrome des loges est essen-
pronostique de l’échographie dans les lésions mus-
tiellement clinique, mais la prise de pression peut être
culaires post-traumatiques. In : Brasseur JL, Zeitoun-
réalisée confirmant la réalité de ce syndrome et permet- Eiss D, Bach G, et al. Dir. Actualités en échographie
tant de préciser les voies d’abord en cas de chirurgie. de l’appareil locomoteur. Tome  VIII. Montpellier  :
• Le traitement du syndrome des loges de jambe Sauramps Médical ; 2011.
sans fracture est surtout chirurgical ; le plus souvent, il Shelly MJ, Hodnett PA, MacMahon PJ, Moynagh
requiert une fasciotomie, les résultats sont bons selon MR, Kavanagh EC, Eustace SJ. MR imaging of
les auteurs pour environ 66 % des cas. muscle injury. Magn Reson Imaging Clin N Am
2009;17(4):757–73. vii.
Verrall GM, Slavotinek JP, Barnes PG, Fon GT. Diagnos-
tic and prognostic value of clinical findings in 83
Pour en savoir plus athletes with posterior thigh in-jury: comparison of
Lésions musculo-aponévrotiques : clinique, clinical findings with mag-netic resonance imaging
imagerie, traitement documentation of hamstring muscle strain. Am J
Askling CM, Tengvar M, Saartok T, Thorstensson A. Sports Med 2003;31(6):969–73.
Proximal hamstring strains of stretching type in Zamorani MP, Valle M. Muscle and tendon in ultrasound
different sports: injury situations, clinical and magne- of the musculoskeletal system. In: Bianchi S, Mar-
tic resonance imaging characteristics, and return to tinoli C. Ultrasound of the musculoskeletal system.
sport. Am J Sports Med 2008;36(9):1799–804. Berlin: Springer-Verlag; 2007, p.  45-98.
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 319

Syndrome des loges des membres inférieurs Pierret C, Tourtier JP, Blin E, Bonnevie L, Garcin JM,
Bonnevie  L, Clément  R, Larroque  P, Fontes  D, Gar- Duverger V. Le syndrome chronique des loges. À
cin  JM, Chanudet  X. Syndrome des loges. Encycl propos d’une série de 234  patients opérés. Journal
Med Chir (Elsevier, Paris). Cardiologie-angéiologie, des Maladies Vasculaires 2011;36(4):254–60.
1(4) : 413-25 [Article 19-1590]. Turnispeed WD. Diagnosis and management of chronic
Charlopain P, Dumas P, Vion M, et  al. Le test de dorsi- compartment syndrome. Surgery 2002;132:613–7.
flexion dans le diagnostic du syndrome chronique discussion 617-9.
de loge antéro-externe de jambe. J Traumatol Sport Turnispeed WD, Hurschier C, Vanderdy R. The effect of
1997;14:13–9. elevated compartment pressure on tibial arteriovenous
Edmundsson D, Toolanen G, Thornell LE, et al. Evidence flow and relationship of mechanical and biochemical
for low muscle capillary supply as a pathogenic factor characteristics of fascia to genesis of chronic anterior
in chronic compartment syndrome. Scand J Med Sci compartment syndrome. J Vasc Surg 1995;21:810–7.
Sports 2010;20(6):805–13. Vogt PR. Ischemic muscular necrosis following marching.
Edwards P, Myerson MS. Exertional compartment syn- Oregon State Medical Society 1943;4.
drome of the leg: steps for expedient return to Wieczorek V, Luciani JF, Brunet-Guedj E, Feugier P,
activity. Phys Sportsmed 1996;24(4):31–46. Thevenon A. Résultats du traitement chirurgical des
Fichez O. Diagnostic d’une douleur de jambe chronique syndromes de loges chroniques des membres. Science
chez le sportif. Med Sport 1999;27:11–25. & Sports 2012;27(1):39–45.
Mavor GE. The anterior tibial syndrome. J Bone Joint
Surg Br 1956;38-B(2):513–7.
Chapitre 9
Rachis du sportif

Chez le sportif, surtout d’âge mûr, il faudra tout


1. Traumatisme du rachis particulièrement être prudent en raison du risque
cervical en pratique de traumatisme sur canal cervical étroit qui doit
être reconnu afin de prendre les mesures préven-
sportive tives qui s’imposent.
Les sports motorisés (course automobile,
G. Eloy, R. Bonaccorsi moto-cross) sont fréquemment impliqués dans les
traumatismes du rachis cervical, en raison principale­
ment  de la haute cinétique des accidents ou des
Les traumatismes du rachis cervical en pathologie chutes et de l’importance des forces de décéléra-
sportive sont fréquents. La majorité des trauma- tion. Le mécanisme traumatique peut revêtir plu-
tismes sont constitués par les entorses cervicales sieurs formes, dont le classique « coup du lapin »
bénignes, dont la guérison est de règle, sans (whiplash), correspondant à une hyperextension
séquelles, avec un retour normal aux activités brutale du rachis cervical.
après une période de repos. Cependant l’atteinte Les sports de contact entraînant des collisions
traumatique du rachis cervical est potentiellement comme le rugby, le football américain et le hockey
gravissime en raison du risque de lésions neurolo- sur glace sont particulièrement impliqués dans les
giques, médullaires ou radiculaires. traumatismes graves du rachis cervical. En France,
Les sports à risque pour le rachis cervical sont les études épidémiologiques montrent que les
nombreux. Citons par argument de fréquence accidents sur le rachis cervical, tous diagnostics
les sports de contact (rugby, sports de combat) confondus, représentent 5 % des traumatismes du
ainsi que les sports motorisés (course automobile, rugbyman. Par saison, il y a deux à trois accidents
moto-cross). avec lésions médullaires graves entraînant des
Le dépistage des atteintes graves du rachis séquelles fonctionnelles sévères.
cervical est primordial pour ne pas mettre en jeu
le pronostic neurologique de ces lésions. La prise
en charge débute sur le terrain dès le diagnostic
de présomption, avec transfert en centre spécialisé
Principes du raisonnement
le cas échéant. face à un traumatisme
du rachis cervical
Épidémiologie Face à un traumatisé cervical, il faut répondre à
trois questions :
Les traumatismes du rachis cervical lors de la • Existe-t-il une atteinte neurologique ?
pratique sportive sont en règle superposables • Existe-t-il une instabilité mécanique ?
à ceux rencontrés en traumatologie courante. • Existe-t-il un trouble statique ?

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
322 Traumatologie en pratique sportive

Existe-t-il une atteinte le sportif d’âge mûr nous obligent à la plus


neurologique ? grande vigilance face à un tableau neurologique
«  bâtard  » sur un traumatisme classiquement
La réponse à cette question est essentiellement d’intensité modérée.
clinique. L’examen clinique précoce et exhaustif
est donc fondamental face à un traumatisé du
rachis cervical. Existe-t-il une instabilité
À ce niveau, l’atteinte est médullaire et/ou mécanique ?
radiculaire et on s’attache à retrouver un syn-
La réponse à cette question passe par l’imagerie.
drome sous-lésionnel, un syndrome radiculaire ou
La radiographie «  standard  » face, profil et
une contusion médullaire sur canal cervical étroit.
bouche ouverte ne permet pas une réponse satis-
faisante à cette question. Elle doit être réservée
Syndrome sous-lésionnel à un dépistage dans le cadre d’un traumatisme à
Il peut être moteur et s’accompagner d’une para- faible énergie, chez un patient neurologiquement
ou tétraplégie complète ou incomplète. Il ne pose sain, tant son interprétation est délicate. L’acces-
donc pas de problème diagnostique particulier. sibilité à l’imagerie en coupes par scanner et la
Ce déficit doit être côté le plus précisément pos- possibilité de reconstruction dans les trois plans
sible afin d’en suivre l’évolutivité pré- et post- de l’espace doivent faire privilégier cet examen.
opératoire. L’utilisation de fiches standardisées, Le scanner est indispensable en cas de fracture
telles que le score ASIA (American Spinal Injury dépistée à la radiographie, en cas de doute, ou
Association), est d’une grande aide. en cas de traumatisme à haute énergie. L’IRM
Il peut être sensitif et s’accompagner d’une n’est pas un examen de première ligne et ne doit
hypoesthésie sous-lésionnelle dont le niveau doit pas retarder la prise en charge. Il est cependant
être défini. intéressant en cas de doute sur une lésion discoli-
Enfin, il peut s’accompagner de troubles sphinc­ gamentaire ou en cas de discordance clinicoradio-
tériens, à type de rétention d’urine, de priapisme logique (déficit neurologique sans compression
et d’hypotonie anale. L’examen pelvien, avec scanographique).
notamment le toucher rectal, doit faire partie de Classiquement, il s’agit de différencier les
l’examen d’un traumatisé du rachis cervical. lésions osseuses des lésions discoligamentaires.
Les lésions osseuses peuvent être mécanique-
Syndrome radiculaire ment stables ou instables selon leur étendue.
La théorie des trois colonnes, comparant le
Il peut être moteur ou sensitif sur le territoire radi- rachis à un trépied «  corps vertébral–articulaire
culaire concerné. Il doit être considéré comme un gauche–articulaire droite  » permet de simplifier
signal d’alerte et toute névralgie cervicobrachiale le raisonnement, l’atteinte «  de deux pieds ou
au décours d’un accident sportif doit impérative- plus  » définissant une instabilité. L’atteinte du
ment faire interrompre l’activité et considérer le segment vertébral moyen, regroupant le mur pos-
patient comme un traumatisé du rachis cervical térieur, les pédicules et les massifs articulaires, trait
grave jusqu’à preuve du contraire. d’union entre l’arc antérieur et l’arc postérieur,
définit aussi a priori une lésion « instable ».
Contusion médullaire sur Ces lésions osseuses («  fracture vraie  ») ont
canal cervical étroit l’avantage de consolider après un délai moyen
Il peut reprendre les caractéristiques du syndrome d’environ 3 mois. Ainsi, leur instabilité potentielle
sous-lésionnel, mais se démasque parfois par des est temporaire, le temps que la consolidation
tableaux neurologiques particuliers tels que la osseuse ait lieu. Elles sont donc potentiellement
diplégie brachiale du syndrome de Kahn-Schneider. éligibles à un traitement orthopédique ou à un
Sa gravité et sa fréquence non négligeable chez traitement chirurgical par ostéosynthèse.
Chapitre 9. Rachis du sportif 323

Les lésions discoligamentaires sont classique- craindre un mécanisme de rotation impliquant


ment considérées comme instables, car n’ont pas nécessairement une atteinte discoligamentaire,
de potentiel de cicatrisation satisfaisant et compro- source potentielle d’instabilité.
mettent le segment mobile rachidien. Celui-ci Au vu de l’instabilité définitive qu’elles entraînent,
est défini par l’ensemble des éléments unissant les lésions discoligamentaires doivent obligatoire­
deux vertèbres entre elles  : d’avant en arrière, le ment bénéficier d’un traitement chirurgical par
ligament vertébral antérieur, le disque, le ligament réduction–arthrodèse (fusion des vertèbres entre
vertébral postérieur, les capsules articulaires, le elles) (figure 9.1).
ligament jaune et le ligament interépineux.
Leur diagnostic repose le plus souvent par
déduction sur les radiographies standard, le scan- Existe-t-il un trouble statique ?
ner, voire les radiographies dynamiques, les struc-
tures discoligamentaires étant radiotransparentes. La réponse à cette question passe également par
On s’attardera à rechercher un bâillement inter- l’imagerie. Elle suit le même raisonnement qu’en
épineux, une décoaptation des articulaires avec traumatologie périphérique, quand une fracture
perte du parallélisme des facettes, un antélisthésis est plus ou moins déplacée. Au niveau du rachis,
et une cyphose des plateaux vertébraux. Le diag- ce « déplacement » se fait en cyphose par tasse­
nostic peut être évident (luxation bi-articulaire) ment osseux, par antélisthésis et, à l’extrême,
ou plus fourbe (entorse grave « radiologiquement par une luxation uni- ou bi-articulaire. De la
normal » au stade initial). Ainsi, tout traumatisme même façon qu’une fracture déplacée doit être
du rachis cervical avec une imagerie normale à réduite, un rachis déformé doit aussi être réduit.
la phase initiale doit faire l’objet de radiographie Cette réduction peut, comme d’habitude, se
dynamique en flexion–extension une fois l’indo- faire par manœuvres externes (traction) ou
lence obtenue, afin d’éliminer une entorse grave. internes. Une fois celle-ci obtenue, elle doit être
Le délai de 7 à 10 jours est généralement retenu. contenue soit par un traitement orthopédique
Il convient enfin d’être vigilant sur des lésions uni- (collier cervical souple ou rigide, halo-veste),
latérales, pouvant être peu ou pas déplacées lors de soit par un traitement chirurgical (ostéosyn-
l’imagerie initiale, dont la gravité est sous-estimée thèse plus ou moins associée à une arthrodèse si
à tort. En effet, une atteinte unilatérale doit faire lésions discoligamentaires).

Figure 9.1. Exemple d’entorse grave du rachis cervical C5-C6.


Radiographie initiale statique dans les limites de la normale (a, b), diagnostic définitif à J10 sur les clichés dynamiques (c, d).
324 Traumatologie en pratique sportive

Gestion du traumatisme Le centre médical devra disposer d’une struc-


sur le terrain ture adaptée à la prise en charge des traumatisés
rachidiens en urgence, comprenant la disponi-
bilité d’investigations diagnostiques performantes
Médicalisation sur le terrain (scanner, imagerie par résonance magnétique),
La survenue d’un traumatisme rachidien cervical ainsi qu’une équipe médicochirurgicale spécialisée
sur un terrain sportif doit en premier lieu faire (anesthésiste-réanimateur, chirurgien orthopédiste
interrompre le match ou la rencontre sportive, le ou neurochirurgien).
temps de l’évaluation et du conditionnement du
blessé. Le premier bilan doit être effectué par un
médecin de terrain si possible à la recherche de
signes engageant le pronostic vital (conscience,
Gestion du malade
respiration, pouls…) devant faire appeler une aux urgences
équipe médicalisée en urgence (SAMU).
En l’absence de signes engageant le pronostic Examen clinique (ce que
vital, il faut rechercher des signes de gravité de l’on doit chercher)
la blessure par l’interrogatoire (siège et intensité
de la douleur, circonstances du traumatisme) et Le pronostic immédiat des traumatisés du rachis
l’examen (recherche de déformation/hématome/ cervical est fonction en premier lieu des lésions
œdème, exa­men neurologique minutieux) du blessé. associées, de l’état de la fonction cardiaque et
L’examen du rachis cervical en cas de signes de respiratoire. Un examen neurologique soigneux
gravité de la blessure ou de douleur persistante sera et répété est indispensable chez tous les trau-
prudent, en évitant toute mobilisation excessive. matisés rachidiens, la gravité étant conditionnée
Les signes devant faire craindre un traumatisme par la présence d’une complication radiculaire
grave du rachis cervical sont les suivants : ou médullaire. L’examen clinique initial est fon-
• perte de connaissance ; damental et doit être minutieux. L’étude de la
• déficit neurologique, sensitif ou moteur, du sensibilité périnéale et le toucher rectal appréciant
tronc ou des membres ; la tonicité du sphincter sont obligatoires.
• névralgie cervicobrachiale avec paresthésies des L’ensemble des résultats de l’examen neuro-
membres ; logique peut être reporté sur la fiche de l’IRME
• douleur intense du cou ; (Institut pour la recherche sur la moelle épinière),
• déformation de la colonne vertébrale cervicale. dérivée de celle de l’ASIA (figure 9.2).

Immobilisation et transfert Bilan d’imagerie


en centre spécialisé
L’exploration minimale comprend la radiographie
En cas de signes de gravité de la blessure, le patient conventionnelle, mais surtout le scanner (indis-
doit être immobilisé dans un collier cervical rigide pensable pour le bilan de stabilité mécanique)
et, éventuellement, dans un matelas coquille en cas et éventuellement une imagerie par résonance
de doute sur des lésions associées du rachis tho- magnétique (IRM) en cas de doute diagnostique
racolombaire, notamment dans les traumatismes ou de mauvaise corrélation radio-clinique, mais
à haute énergie. Le transfert s’effectuera vers un plus difficile d’accès en urgence.
centre spécialisé s’il existe des signes de gravité de Tout traumatisme du rachis cervical avec une
la blessure, notamment un déficit neurologique. imagerie normale à la phase initiale doit faire l’objet
Chapitre 9. Rachis du sportif 325

Figure 9.2. Fiche d’évaluation clinique neurologique ASIA.


Source : © 2020 American Spinal Injury Association. Reprinted with permission.

de radiographies dynamiques en flexion–extension Au rugby, certaines mesures visant à réduire


une fois l’indolence obtenue, afin d’éliminer une la fréquence des traumatismes cervicaux ont été
entorse grave. Le délai de 7 à 10 jours est générale­ adoptées. Le recours à un joueur de troisième ligne
ment retenu. pour suppléer l’absence d’un joueur de première
ligne n’est désormais plus autorisé. Les poussées en
mêlée sont interdites dans les catégories de jeunes.
L’engage­ment en mêlée a également été modifié,
Traitement se faisant désormais en séquentiel, ligne par ligne.
L’arbitrage s’est enfin adapté en sanctionnant de
Prévention primaire manière plus sévère les placages hauts et les mêlées
effondrées ou tournées. Au judo, l’apprentissage
La prévention des accidents potentiellement graves des techniques de chute (ukemi) participe à la
en rapport avec les traumatismes du rachis cervical en réduction du taux de traumatismes cervicaux,
pathologie sportive est primordiale et repose sur une notamment en flexion cervicale. Il est d’ailleurs à
sensibilisation des joueurs, des entraîneurs et des rappeler que la fréquence des traumatismes cervi-
préparateurs physiques à l’égard du risque trauma- caux dans ce sport est en règle d’autant plus élevée
tique inhérent à certaines pratiques. que le sportif est moins entraîné.
326 Traumatologie en pratique sportive

Traitement fonctionnel L’existence d’une instabilité d’origine purement


et orthopédique osseuse, du fait du caractère temporaire de cette
instabilité, n’est pas toujours un critère opératoire
Le traitement fonctionnel est de mise dans les formel. Ce traitement consiste en une immobili-
entorses bénignes du rachis cervical ou en cas de sation par une orthèse cervicale adaptée jusqu’à la
«  dérangements  » cervicaux communs, avec nor- consolidation des lésions.
malité du bilan clinique et paraclinique (radiogra-
phie, scanner et IRM dynamiques). Le traitement Traitement chirurgical
fonctionnel chez le sportif ne présente que peu de
particularités. Il fait appel au traitement antalgique, Le traitement chirurgical est indiqué en cas de
anti-inflammatoire (hors contre-indication) et lésions instables d’origine discoligamentaire
décontracturant musculaire pendant la phase dou- (entorse grave du rachis cervical), de fracture
loureuse. L’immobilisation par collier cervical en ou de luxation avec retentissement neurologique
phase aiguë peut être nécessaire à titre antalgique et (urgence chirurgicale) ou de lésions à potentiel
en cas de traumatisme, tant que l’entorse n’a pas fait évolutif délétère (fracture–séparation du massif
la preuve de sa bénignité. La rééducation peut avoir articulaire non déplacé). Il s’agit d’une réduction–
une place en période aiguë (physiothérapie, massage ostéosynthèse (avec arthrodèse en cas de lésions
et techniques myorelaxantes) ou à distance (récupé- discoligamentaires) associée à une libération
ration des amplitudes, renforcement musculaire). neurologique en cas d’éléments compressifs et de
Les manipulations cervicales, réalisées dans de déficit neurologique. L’abord peut être antérieur,
bonnes conditions, constituent un traitement de postérieur ou combiné (figure 9.3).
choix chez le sportif. Elles sont contre-indiquées La décompensation aiguë de myélopathie cer-
en cas de traumatisme cervical récent, avant la vicarthrosique sur canal cervical étroit constitue
fin du bilan diagnostique, éliminant une lésion un cas particulier. Le traitement chirurgical sera
rachidienne instable. L’intérêt des manipulations indiqué en général sans urgence, sauf compres-
cervicales est leur possible efficacité immédiate, sion médullaire (hernie discale ou hématome)
permettant de diminuer la prise de médicaments et ou instabilité. Son objectif est avant tout d’évi-
une reprise plus précoce du sport. ter une aggravation de la symptomatologie,
Le traitement orthopédique est choisi en cas lorsque la récupération neurologique est obtenue
de lésions rachidiennes stables et non déplacées. (figure 9.4).

Figure 9.3. Exemple de luxation complète uni-articulaire C5-C6 traitée par réduction en traction progressive
préopératoire sur étrier et arthrodèse cervicale antérieure.
a. Luxation C5-C6 (scanner). b. Réduction sous traction préopératoire. c. Arthrodèse C5-C6.
Chapitre 9. Rachis du sportif 327

en cocontraction fléchisseurs–extenseurs, et de
proprioception ;
• phase de préparation au retour sur les terrains en
cas de sport à risque : cette phase n’est nécessaire
que chez le sportif à risque et correspond à une
intensification du programme de renforcement
musculaire et de rééducation neuromotrice.

Législation et modalités
de reprise sportive
La fréquence des canaux rétrécis et le risque
potentiel de retentissement neurologique grave,
en particulier chez les joueurs de première ligne
du rugby, ont amené les instances sportives à
reconsidérer les critères d’aptitude à ce sport.
Un travail réalisé par la Ligue nationale de rugby
Figure 9.4. Exemple de contusion médullaire (LNR) et la Fédération française de rugby (FFR)
(hypersignal intramédullaire en T2 à l’IRM) C3-C4 a permis d’élaborer une classification permettant
sur canal cervical étroit arthrosique. de définir des critères d’aptitude, régulièrement
mis à jour (tableau 9.1).
Rééducation
La rééducation, après un traumatisme du rachis Conclusion
cervical et une arthrodèse chirurgicale chez le
sportif, comprend trois phases : La pratique sportive peut être à l’origine de
• phase de consolidation osseuse et discoligamen- pathologies traumatiques rachidiennes plus ou
taire : elle dure environ 3 mois et la rééducation moins spécifiques. La prise en charge des macro-
est en règle limitée au travail statique, infradou- traumatismes responsables de lésions aiguës sur
loureux, contre résistance manuelle des muscles des rachis sains doit être rigoureuse avec un
cervicaux. S’y associe un travail d’entretien bilan diagnostique précis, à la fois clinique et
prudent des membres supérieurs et inférieurs ; paraclinique, afin de dépister une lésion instable
• phase de sevrage de la contention et de récupé- à risque de retentissement neurologique secon-
ration des qualités analytiques du rachis cervical : daire. En cas d’atteinte neurologique initiale,
elle permet le retour à des activités sportives la prise en charge en urgence dans un centre
légères et de la vie quotidienne. Elle débute spécialisé pour bilan et traitement est la règle.
obligatoire­ment après un contrôle radiographique L’atteinte microtraumatique du rachis cervical
et avec l’autorisation du chirurgien. Le sevrage chez le sportif est d’évolution plus lente, pou-
doit être progressif pour éviter les cervicalgies vant entraîner notamment des rétrécissements
d’origine musculaire liées au déconditionnement arthrosiques accélérés du canal vertébral cervical,
en rapport avec la contention et l’immobilisation. avec à l’extrême un risque de décompensation
La récupération des amplitudes du rachis cervical neurologique aiguë, d’origine traumatique, ou de
est essentielle durant cette phase associant tra- myélopathie. Le dépistage de ces sportifs à risque
vail cervical actif et rééducation oculocervicale. de décompensation neurologique est désormais
Enfin, le renforcement musculaire permet une obligatoire dans les sports dangereux impliquant
tonification des muscles cervicaux et périscapu- des collisions. La législation dans ce domaine évo-
laires avec des travaux spécifiques de gainage, lue et il faut savoir informer assez tôt le sportif des
328 Traumatologie en pratique sportive

Tableau 9.1. Classification particulière des lésions du rachis cervical dans le cadre du rugby
Groupes Types de pathologies Critères médicaux
G 0 Absence de pathologie cervicale
G 1 Pathologies cervicales n’entraînant pas de contre- a) Critères cliniques :
indication médicale – épisode de radiculalgie résolutive
b) Critères radiologiques :
– fracture consolidée
– sténose foraminale
– sténose osseuse ou discale modérée du canal rachidien
avec persistance de LCR en arrière et en avant du cordon
médullaire
G 1 + Pathologies entraînant une contre-indication : a) Critères cliniques : aucun
– relative (le sur-risque connu d’accident aigu doit être b) Critères radiologiques :
accepté par le joueur concerné) : – fusion chirurgicale à 1 niveau entre C2 et T1
• pour les joueurs de 18 ans et + évoluant dans avec persistance de LCR en arrière ou en avant du cordon
un groupement professionnel, les joueuses d’Élite 1 médullaire
Féminine et les joueurs de Fédéral 1* – discectomie à 1 niveau entre C2 et T1 avec persistance
• pour les joueuses d’Élite 2 Féminine qui évoluaient de LCR en arrière ou en avant du cordon médullaire
en Élite 1 Féminine la saison précédente
et les joueurs de Fédéral 2**
– absolue pour tous les autres joueurs et joueuses
G 2 Pathologies entraînant une contre-indication : a) Critères cliniques :
– relative (le sur-risque connu d’accident aigu doit être – radiculalgie chronique
accepté par le joueur concerné) : – antécédent de commotion médullaire
• pour les joueurs sous contrat professionnel b) Critères radiologiques :
ou pluriactif homologue par la LNR – sténose osseuse ou discale franche du canal rachidien
• pour les joueurs âgés de 18 à 22 ans qui sollicitent avec persistance de LCR en arrière ou en avant du cordon
une licence dans un groupement professionnel médullaire
sur avis conforme du comité médical FFR – bloc congénital ou fusion chirurgicale à 2 niveaux entre C1
– absolue pour tous les autres joueurs et joueuses et T1
G 3 Pathologies entraînant une contre-indication absolue, a) Critères cliniques :
quel que soit le niveau de compétition auquel le joueur – déficit moteur radiculaire ou médullaire invalidant
ou la joueuse concerné(e) évolue – trois épisodes ou plus de commotion médullaire
– syndrome tétrapyramidal
b) Critères radiologiques :
– instabilité vertébrale traumatique ou congénitale
– sténose sévère du canal rachidien sans persistance de LCR
en arrière ou en avant du cordon
– bloc congénital ou fusion chirurgicale de trois niveaux
ou plus
– hypersignal intramédullaire
– cavité syringomyélique
– malformation de Chiari II et III
Cette classification s’applique pour toute demande d’affiliation ou de ré-affliliation à la Fédération.
* Examen clinique annuel par une Référent Rachis national + IRM cervicale tous les 2 ans (tous les ans sur demande du Référent) + Évaluation de la force

musculaire cervicale suivant avis du Référent.


** Examen clinique annuel par une Référent Rachis national + IRM cervicale tous les 2 ans (tous les ans sur demande du Référent) + Évaluation de la force

musculaire cervicale suivant avis du Référent + avis du Comité Médical FFR.FFR : Fédération française de rugby ; LCR : liquide céphalorachidien ; LNR : Ligue
nationale de rugby.
Source : annexe XIV du règlement médical de la Fédération française de rugby.
Chapitre 9. Rachis du sportif 329

dangers encourus et de la nécessité d’interrompre Épidémiologie


un sport à risque en cas de contre-indications liées
au rachis cervical. La lombalgie est l’un des motifs les plus fréquents
de consultation en médecine générale et aux
Points clés
urgences (3 à 4 % de l’ensemble des consultations
• Les traumatismes du rachis cervical sont fréquents de médecine d’urgence). Quant à la sciatalgie, sa
chez le sportif. cause principale est la hernie discale, notamment
• De gravité variable, ils peuvent être source de lésions dans la jeune population sportive. Son sex-ratio
neurologiques sévères, initiales ou consécutives à une
est de 1. Elle est épidémiologiquement favorisée
mauvaise prise en charge.
• La connaissance des signes d’alerte, l’examen clinique
par l’âge, l’obésité, le tabagisme.
neurologique systématisé et répété, et la réalisation d’exa-
mens d’imagerie performants et orientés sont les clés
d’une prise en charge optimale.
• Tout traumatisme du rachis cervical avec une ima- Clinique
gerie normale à la phase initiale doit faire l’objet de
radiographies dynamiques en flexion–extension une fois L’interrogatoire devant un sportif consultant
l’indolence obtenue, afin d’éliminer une entorse grave. pour lombalgies et/ou radiculalgies s’attache à
• Le scanner est indispensable en cas de fracture préciser l’intensité de la lombalgie, son horaire
dépistée à la radiographie, en cas de doute, ou en cas
(mécanique, inflammatoire, présence de réveils
de traumatisme à haute énergie.
• En cas de lésions retrouvées, un avis spécialisé en
nocturnes), son ancienneté et son évolutivité. Les
chirurgie rachidienne est indispensable. modalités de la pratique sportive et leur influence
• Le dépistage des sportifs à risque de décompensation sur les douleurs rachidiennes et radiculaires sont
neurologique est désormais obligatoire dans les sports également à préciser, ainsi que le type de sport et
dangereux impliquant des collisions. sa pratique ou non en compétition.
L’examen clinique recherche de façon prioritaire :
• une anomalie neurologique : un examen neuro­
logique complet, notamment des membres
2. Lombalgie, sciatique inférieurs avec cotation de la force musculaire
et sport (sur  5) et recherche des réflexes ostéotendi-
neux, est pratiqué. Cet examen est à faire en
H. Pascal-Moussellard, L. Marie-Hardy présence d’une sciatalgie, mais aussi devant
toute lombalgie, afin de ne pas méconnaître un
déficit associé. En présence de troubles neuro-
Le lien entre rachis et sport est à double sens. logiques même a minima au niveau des mem-
En effet, une activité sportive régulière contri- bres, il est nécessaire de préciser la présence de
bue à la compétence des muscles paravertébraux, troubles sphinctériens (syndrome de la queue
notamment érecteurs du rachis, avec un rôle pro- de cheval) ;
tecteur vis-à-vis des lombalgies chroniques et des • une gibbosité, un déséquilibre frontal ou sagittal
troubles de posture, tandis que certains sports ou qui feront suspecter une scoliose sous-jacente ;
des biais de pratique peuvent être pourvoyeurs de • un signe de Lasègue et de Léri ;
traumatismes aigus et/ou répétés avec des consé- • une raideur rachidienne  : mesure (en centi-
quences néfastes à court et à long terme. mètres) de la distance doigt–sol et de l’indice
De cela, il faut également distinguer les patho- de Schöber (normal > 5 cm) ;
logies lombaires sous-jacentes qui ne sont ni • une douleur spontanée ou à la palpation et une
cause ni conséquence de la pratique sportive, mais mobilisation des sacro-iliaques ;
peuvent évoluer par elles-mêmes et nécessiter une • une faiblesse des muscles érecteurs rachidiens
prise en charge parfois urgente. par le test de Sorensen.
330 Traumatologie en pratique sportive

Imagerie microtraumatismes (sport). Le diagnostic repose


tout d’abord sur les radiographies de face et de
Les radiographies de face et de profil centrées profil de la colonne lombaire, sur lesquelles il faut
sur le rachis lombaire constituent l’examen de rechercher un spondylolisthésis qui sera classifié
base devant une lombalgie aiguë et intense selon Meyerding (figure  9.5). En cas de doute
ou persistante. Elles permettent de rechercher diagnostique sur les radiographies, le recours à
une fracture passée inaperçue, d’apprécier la la TDM et à l’IRM permet de faire le diagnos-
lordose lombaire et l’équilibre rachidien global. tic  : visualisation du trait de fracture ou d’une
L’appréciation d’abord clinique, puis paracli- pseudarthrose. Dans les rares cas de doute persis-
nique par des radiographies rachis entier et tant, la scintigraphie osseuse peut être d’une aide
centrées, de la lordose lombaire est un élément précieuse.
fondamental de l’examen. Il a, en effet, été
démontré un lien inverse entre lordose lombaire
et lombalgie. Hernie discale
Les radiographies dynamiques (profil en flexion
et extension) sont utiles pour dépister une lyse Certains sports, comme le basket-ball ou le
isthmique, voire un spondylolisthésis. hockey sur glace, sont connus pour favoriser
En cas de sciatalgie, l’examen de référence pour la dégénérescence de la colonne lombaire du
rechercher l’étiologie de la compression nerveuse fait de la répétition des impacts. Il a ainsi été
est l’IRM. Une tomodensitométrie (TDM) peut montré jusqu’à 90  % de débords discaux chez
être demandée en cas de contre-indication à les hockeyeurs professionnels. Dans tous les cas,
l’IRM (matériel métallique, claustrophobie…). il faut différencier les hernies discales minimes
(débords discaux), qui sont peu symptomatiques
ou se présentent sous forme de lombalgie chro-
nique, des hernies discales traumatiques, aiguës,
Étiologies notamment lorsqu’elles s’accompagnent de signes
neurologiques.
Ce sous-chapitre n’a pas vocation à discuter les
traumatismes aigus pourvoyeurs de fracture ou
d’entorse grave. Nous verrons les causes les plus
courantes de lombalgies plus ou moins accompa-
gnées de sciatalgies chez le sportif.

Lyse isthmique
et spondylolisthésis
La spondylolyse est définie comme la lyse par frac-
ture de fatigue de la pars intercularis (isthme ver-
tébral) uni- ou bilatérale ; elle touche 3 à 7 % de la
population générale, le plus souvent en L4-L5 ou
L5-S1. Un spondylolisthésis correspond à un glis-
sement d’un corps vertébral par rapport à l’autre
dans le plan sagittal et peut résulter de l’évolution
d’une spondylolyse. La spondylolyse est favorisée
Figure 9.5. Radiographie lombaire de profil montrant un
par une dysplasie, une incidence pelvienne et/ou spondylolisthésis grade II de Meyerding avec une image
une lordose lombaire élevées et la répétition des caractéristique de sacrum en dôme.
Chapitre 9. Rachis du sportif 331

Pièges diagnostiques des patients lombalgiques chroniques. Les sports


non en charge, tels que la natation, pourront être
Une gibbosité à l’examen clinique doit faire sus- poursuivis aisément. Un traitement antalgique et
pecter une scoliose et conduire à la réalisation de anti-inflammatoire systémique sera mis en place
radiographies du rachis entier ou d’une imagerie pour une durée minimale, afin de limiter les
EOS. phénomènes de dépendance pharmacologique.
Des douleurs intenses, voire insomniantes,
notamment chez un sujet jeune, doivent faire Hernie discale symptomatique
évoquer une tumeur rachidienne (ostéoblastome
ou ostéome ostéoïde notamment) et conduire à Un déficit sensitif ou moteur récent (> 7 jours)
pousser les investigations paracliniques. est une indication à un avis chirurgical spécialisé
Les douleurs sacro-iliaques isolées ou dans le (orthopédiste ou neurochirurgien) en urgence
cadre de la révélation d’une maladie ankylosante avec bilan radiographique et IRM afin de pouvoir
(spondylarthrite ankylosante notamment) sont à proposer une chirurgie d’exérèse de hernie discale
distinguer par un examen clinique adapté, voire dans des délais courts. Les radiographies (de face,
un test diagnostique par infiltration sacro-iliaque. de profil et dynamiques) associées à l’IRM sont
indispensables afin d’évaluer la nécessité d’une
éventuelle indication à une fixation associée à la
Traitement libération.
En l’absence de déficit moteur aigu, le traite-
L’objectif du traitement va être la satisfaction ment est médical, comprenant pour une durée
fonctionnelle, le soulagement de la plainte qui a initiale de 1  mois, à prolonger en fonction de
amené à consulter, mais également la prévention l’évolution clinique :
d’une éventuelle aggravation spécifique, que le • arrêt des activités sportives et immobilisation
patient peut méconnaître. par une ceinture lombaire ;
• antalgiques usuels et anti-inflammatoires per os ;
• infiltration sous contrôle radiologique, dont le
Lombalgie chronique siège devra être guidé par la localisation de la
hernie. La prescription doit préciser si l’infiltra-
Après élimination d’un substrat anatomique rachi- tion doit être épidurale, foraminale ou du hiatus.
dien à la lombalgie, si celle-ci est invalidante pour
la pratique sportive ou dans la vie quotidienne,
un traitement doit être proposé. Celui-ci repose Spondylolyse
sur une rééducation, active, encadrée au mieux ou spondylolisthésis
par un kinésithérapeute. Il s’agit de proposer des
exercices de renforcement des muscles paraverté- Un avis chirurgical est à prendre en cas de
braux (longissumus, multifidus), associés à des spondylolisthésis avéré, du fait du risque d’aggra-
exercices posturaux, lordosants. Une partie du vation progressive du glissement, qui peut être
travail rééducatif consiste chez le sportif à rééqui- pourvoyeur de radiculalgie ou de déficit neurolo-
librer les forces musculaires entre fléchisseurs gique d’origine médullaire (syndrome de la queue
du rachis (psoas notamment) et érecteurs. Le de cheval). Il sera ainsi proposé au patient une
port d’une ceinture lombaire ne doit pas être de fixation antérieure et/ou postérieure de l’étage
prescription systématique en raison de son carac- en question, avec libération radiculaire si néces-
tère amyotrophiant. L’éducation du patient est saire. En cas de spondylolyse, le traitement est
également primordiale, ainsi les sports avec port tout d’abord médical. Un patient présentant une
de charges ou effort de poussée (haltérophilie, spondylolyse aiguë (<  3  mois) sera soulagé par
rugby) devront être déconseillés à long terme à une immobilisation dans un corset lombaire  ;
332 Traumatologie en pratique sportive

par contre, ce volet du traitement n’a pas montré


de supériorité en cas de spondylolyse chronique,
3. Spondylolyse
qui sera au mieux traitée par de la kinésithérapie chez le sportif
associée à des antalgiques adaptés. Cependant,
en cas de résistance à un traitement médical bien F. Devriese, N. Bocahut, H. Pascal-Moussellard
conduit, le chirurgien pourra proposer au patient
une chirurgie de reconstruction isthmique,
notamment chez les sportifs de haut niveau afin
de permettre un retour au sport plus rapide. Anatomie et description
La lyse isthmique ou spondylolyse est une solution
de continuité de la pars interarticularis, structure
Conclusion anatomique reliant l’apophyse articulaire supé-
rieure à l’apophyse articulaire inférieure. Lors de
La prise en charge d’un sportif, amateur ou l’hyperextension du rachis lombaire, l’apophyse
professionnel, présentant des lombalgies et/ou articulaire inférieure entre en conflit avec la cor-
radiculalgies doit mener en premier lieu à identi- ticale antérieure de l’isthme de la vertèbre sous-
fier les pathologies potentiellement évolutives ou jacente générant des microtraumatismes répétés
requérant un avis chirurgical (spondylolisthésis, pouvant aboutir à une fracture de fatigue de
scoliose, hernie discale), qui peut être urgent, manière aiguë ou progressive. La spondylolyse
par exemple en cas de déficit neurologique. La peut s’accompagner du glissement de la vertèbre
présence de lombalgies chez un sportif ne doit en question sur celle sous-jacente à la lyse faisant
pas être considérée comme «  commune  », mais apparaître un spondylolisthésis. L’importance du
doit inciter à la mise en place d’un traitement glissement est analysée selon la classification de
rééducatif personnalisé. Meyerding (figure 9.6).

Figure 9.6. Classification modifiée de Meyerding des spondylolisthésis par lyse isthmique.
Source : Carole Fumat.
Chapitre 9. Rachis du sportif 333

Épidémiologie spondylolisthésis dont il faudra préciser l’impor-


tance du glissement. Ces clichés sont très utiles
Dans la population générale, la prévalence de la pour rechercher également une dysplasie régionale
lyse isthmique atteint 5 à 7 % et touche majoritai- (dôme sacré) et mesurer la cyphose lombosacrée
rement les hommes avec un sex-ratio évalué à 3 (figure 9.7). Les clichés de 3/4 peuvent montrer
pour 1. Elle peut atteindre 20 % chez les sportifs la classique image du « petit chien décapité » de la
de haut niveau. Certains sports en hyperlordose lyse mais en cas de doute, le scanner lombaire est le
(gymnastique, haltérophilie, plongeon, saut en gold standard pour affirmer le diagnostic. L’étude
hauteur…) sont associés à une plus forte préva- dynamique par des clichés en flexion, extension
lence de cette anomalie. La spondylolyse se situe et en chien de fusil permet de démasquer certains
en très large majorité au dernier étage mobile en spondylolisthésis et d’évaluer une éventuelle limi-
L5 (85 %), puis en L4 (10 %) et, beaucoup plus tation douloureuse des mouvements rachidiens.
rarement, en L3. Elle peut être uni- ou bilatérale. La réalisation de clichés de télérachis de face et
de profil en charge, préférentiellement de type
EOS, permet d’évaluer les différents paramètres
Clinique de l’équilibre sagittal et le retentissement du glis-
sement sur ce dernier. Dans ces populations de
L’âge critique d’apparition de la lyse isthmique se sportifs, ce bilan met souvent en évidence une
situe aux alentours de 6 ans et touche alors environ hyperlordose lombaire. Enfin, une IRM du rachis
5  % de la population, mais il existe une hausse lombaire permet de différencier les fractures
importante de la prévalence vers 16–17 ans surtout récentes des fractures anciennes, de rechercher
chez les sportifs réguliers ou de haut niveau chez une compression nerveuse, notamment par les
qui elle atteint 14 % à maturité osseuse. La sympto- nodules de Gill (témoins de la pseudarthrose de
matologie clinique est extrêmement variable, car il l’isthme), et d’évaluer l’état des disques lombaires
n’existe pas de parallélisme anatomoclinique. sus- et sous-jacents pour guider la prise en charge
Le diagnostic est le plus souvent posé dans trois chirurgicale éventuelle.
circonstances :
• à l’occasion d’un examen radiographique sys-
tématique chez un sujet asymptomatique prati-
quant un sport à risque ;
• au décours du bilan d’une lombalgie aiguë ou
chronique plutôt d’horaire mécanique et calmée
par le repos ;
• au décours du bilan d’une lomboradiculalgie
par conflit radiculaire lorsque la lyse s’accom-
pagne d’un spondylolisthésis.
Chez le jeune sportif, la survenue d’une lombal-
gie aiguë doit systématiquement faire évoquer une
lyse isthmique sachant que cet épisode aigu peut
être contemporain de la lyse par fracture de fatigue.

Imagerie
La première partie du bilan d’imagerie comporte
Figure 9.7. Cyphose lombosacrée majeure
la réalisation de radiographies standard du rachis dans le cadre d’un spondylolisthésis par lyse isthmique
lombosacré de face et de profil en charge pour de grade III avec dysplasie du dôme sacré.
rechercher une lyse isthmique et un éventuel LSA : lumbo-sacral angle (angle lombosacré).
334 Traumatologie en pratique sportive

Conduite à tenir que dans la population générale. Chez l’enfant


chez le sportif prépubertaire et pubertaire, la découverte d’un
spondylolisthésis de grade I ne contre-indique pas
la pratique sportive quelle qu’elle soit, à condition
Une fois le diagnostic de spondylolyse posé, il faut
qu’un suivi médical régulier soit mis en place. Il
tenter de répondre à trois questions :
faut émettre par contre de franches réserves quant
• Quel est son pronostic chez le sportif ?
à la pratique intensive d’un sport à haut niveau
• Faut-il contre-indiquer la pratique sportive ?
dans le futur.
• Comment la traiter chez le sportif ?

Quel est le pronostic Comment traiter la spondylolyse


de la spondylolyse ? chez le sportif ?
L’évolutivité de la spondylolyse dépend principale- Le traitement du spondylolisthésis par lyse chez le
ment des facteurs suivants : âge, dysplasie, cyphose sportif n’est pas réellement différent de celui de la
lombosacrée, existence et stade du glisse­ment. population générale.
Le glissement s’observe entre 10 et 14 ans, pen- Logiquement, les spondylolisthésis asympto-
dant la phase pubertaire mais son accentuation est matiques découverts fortuitement ne justifient
rare après l’âge de 20 ans. Le degré de dysplasie, d’aucun traitement.
la dégénérescence du disque olisthésique et une
cyphose lombosacrée <  90° sont des facteurs Traitement médical conservateur
de risque d’évolutivité. Les spondylolisthésis de En cas de symptomatologie invalidante, le traite-
stade  I ou  II ont une évolutivité faible et sont ment médical est toujours justifié dans un premier
de bon pronostic. À partir du stade III et surtout temps. Il comporte deux objectifs : un traitement
en cas d’atteinte du disque olisthésique, le risque symptomatique qui vise à soulager les lombalgies
d’aggravation du glissement est important. et les radiculalgies, et un traitement orthopédique
Sachant que l’évolution se fait presque toujours qui vise à obtenir la consolidation de l’isthme
à bas bruit, l’existence de facteurs de risque jus- grâce à une immobilisation.
tifie la réalisation d’un bilan clinique et radiogra- Les modalités du traitement médical associent
phique au moins annuel. les antalgiques usuels, les anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS), l’arrêt des activités sportives
Faut-il contre-indiquer pendant au moins 3  mois et le port d’un corset
la pratique sportive ? thoracolombaire plus ou moins avec prise crurale.
Les infiltrations de dérivés cortisoniques peuvent
Chez l’adulte, le spondylolisthésis par lyse isth- être également utilisées, toujours sous contrôle
mique n’est nullement une contre-indication à la radiographique ou scanner, au niveau de l’espace
pratique sportive s’il n’entraîne aucune manifes- épidural, des zones de lyse ou des articulaires en
tation fonctionnelle significative. La limitation fonction de la symptomatologie. La rééducation,
est uniquement conditionnée par les douleurs qui doit être encadrée par un médecin du sport,
ressenties. Chez l’adolescent en fin de croissance, a essentiellement pour objectifs le renforcement
la découverte d’un spondylolisthésis de grade  I de la sangle abdominale et des spinaux, la lutte
ou  II ne contre-indique pas la pratique sportive contre la rétraction du secteur sous-pelvien et
à condition qu’il soit indolore. Il faut toutefois l’éducation posturale.
émettre des réserves à plus long terme vis-à-vis du Dans la littérature, le traitement conservateur
risque d’évolution douloureuse et de la poursuite est prôné par plusieurs auteurs chez les sportifs de
du sport à haut niveau, voire du choix d’une car- haut niveau. Debnath et al. ont décrit une série
rière sportive professionnelle. Les manifestations de 42  patients présentant une lyse isthmique
douloureuses surviennent en effet en moyenne unilatérale chez qui le traitement conservateur a
10  ans plus tôt chez les sportifs de haut niveau permis une consolidation pour  34 d’entre eux.
Chapitre 9. Rachis du sportif 335

Selon Lee et al., il semble que le traitement grade  I, une reconstruction isthmique peut être
conservateur ait une place dans les lyses unilaté- envisagée. En effet, elle doit permettre l’obtention
rales, mais en cas de lyse bilatérale, le traitement d’une consolidation de l’isthme tout en préser-
médical ne doit pas excéder 6 mois car la proba- vant la mobilité de la charnière lombosacrée et en
bilité de fusion spontanée est faible et la durée diminuant les contraintes sur les niveaux adjacents
d’interruption se doit d’être la plus courte pos- contrairement à une arthrodèse.
sible chez les sportifs de haut niveau. Plusieurs techniques chirurgicales ont été éva-
luées tant sur les résultats biomécaniques que
cliniques :
Traitement chirurgical • technique de Buck par vissage direct transisth-
Dans les cas de lyses isthmiques symptomatiques, mique (figure 9.8) ;
résistantes au traitement médical bien conduit, • technique de Scott par laçage transverse–épi-
n’ayant pas consolidé suite au traitement ortho- neuse (figure 9.9)
pédique et empêchant la pratique sportive, en • technique de Morscher par vissage de l’articu-
particulier à haut niveau, l’indication chirurgi- laire et crochet sous-lamaire (figure 9.10) ;
cale est discutée. En l’absence de lésion discale • technique avec crochet et vis pédiculaires
sous-jacente et de spondylolisthésis supérieur au (figure 9.11).

Figure 9.8. Réparation isthmique bilatérale selon la technique de Buck : vissage transisthmique direct après avivement
et greffe.

Figure 9.9. Réparation isthmique bilatérale selon la technique de Scott : laçage transverse épineuse.
336 Traumatologie en pratique sportive

haut niveau doit privilégier l’épargne discale et pré-


férer une reconstruction isthmique plutôt qu’une
arthrodèse. Il ne faut toutefois pas méconnaître ses
contre-indications, à savoir un spondylolisthésis de
grade II ou III, une déformation marquée en dôme
du plateau sacré, une discopathie L5-S1, l’existence
Figure 9.10. Réparation isthmique selon la technique de signe de souffrance radiculaire L5 ou S1. Dans
de Morscher : vissage de l’articulaire et crochet toutes ces situations, seule l’arthrodèse peut être
sous-lamaire. envisagée, mais elle ne paraît pas compatible avec la
Source : Carole Fumat.
pratique de sports à haut niveau ou alors seulement
avec la pratique d’activités sportives sans contraintes
en rotation ni choc violent.

Conclusion
La spondylolyse est fréquente chez le sportif de
haut niveau et doit être dépistée précocement en
cas de survenue de lombalgies. Un bilan d’imagerie
permet de rechercher la présence d’un spondylolis-
thésis associé. Le traitement médical prime devant
la survenue de symptômes douloureux. Dans la
population des sportifs de haut niveau, en l’absence
de contre-indication, le traitement chirurgical
Figure 9.11. Réparation isthmique bilatérale conservateur doit être proposé le plus rapidement
par vis pédiculaire et crochet sous-lamaire. possible afin d’espérer une reprise plus précoce de
la compétition.
Toutes ces techniques ont pour modalités une
cure de la pseudarthrose avec avivement, greffe Points clés
osseuse et ostéosynthèse.
• La spondylolyse est fréquente chez le sportif, en
Les résultats cliniques fonctionnels et le retour particulier dans les sports en hyperlordose.
au sport sont satisfaisants dans la littérature après • Les radiographies standard recherchent une lyse
reconstruction isthmique  : Debnath et al. ont isthmique, la présence d’un glissement et son impor-
décrit une série de 22  athlètes à 2  ans d’une tance, une éventuelle dysplasie régionale (dôme sacré)
reconstruction isthmique selon la technique de et permettent de mesurer la cyphose lombosacrée.
Buck ou de Scott avec 2  % de retour au sport • Les spondylolisthésis de stade I ou II ont une évoluti-
dans un délai moyen de 7 mois. Sutton et al. ont vité faible et sont de bon pronostic. À partir du stade III
évalué dans leur série huit athlètes dont tous ont et surtout en cas d’atteinte du disque olisthésique, le
risque d’aggravation du glissement est important.
pu reprendre la compétition en postopératoire.
• Chez l’adulte, le spondylolisthésis par lyse isthmique
Pour la technique de Buck, qui est la plus utilisée, n’est nullement une contre-indication à la pratique spor-
la littérature rapporte un faible taux de complica- tive s’il n’entraîne aucune manifestation fonctionnelle.
tions (8 % de pseudarthrose, 3 % de malposition des • En cas de symptomatologie invalidante, le traite­ment
implants) et un fort taux de consolidation (80 %). médical premier (symptomatique et orthopédique) est
L’arrêt du sport de plus de 6 mois chez les sportifs toujours justifié.
de haut niveau peut être délétère quant à leur entraî- • Dans les cas de lyses isthmiques symptomatiques,
nement. Ainsi, en cas de facteurs de mauvais pronos- résistantes au traitement médical bien conduit, empê-
tic (lyse bilatérale, glissement évolutif), le traitement chant la pratique sportive en particulier à haut niveau,
l’indication chirurgicale (reconstruction isthmique) est
chirurgical peut être proposé plus précocement.
discutée.
De manière générale, la chirurgie chez le sportif de
Chapitre 9. Rachis du sportif 337

Pour en savoir plus Lee GW, Lee SM, Ahn MW, Kim HJ, Yeom JS. Compa-
rison of surgical treatment with direct repair versus
Traumatisme du rachis cervical en pratique sportive
conservative treatment in young patients with spondy-
American spinal injury association Standards for neurolo-
lolysis: a prospective, comparative, clinical trial. Spine
gic and functionnal class of spinal cord injury. J Am
J 2015;15(7):1545–53.
Paraplegia Soc 1994 ; 17(1) : 7-11.
Meyerding HW. Spondylolisthesis; surgical fusion of lumbo-
Bottini E, Poggi EJ, Luzuriaga F, Secin FP. Incidence and
sacral portion of spinal column and interarticular facets;
nature of the most common rugby injuries sustained in
use of autogenous bone grafts for relief of disabling
Argentina (1991-1997). Br J Sports Med 2000;34:94–7.
backache. J Int Coll Surg 1956;26(5 Part 1):566.
Fédération française de rugby. Classification particulière
Sutton JH, Guin PD, Theiss SM. Acute lumbar spondy-
des lésions du rachis cervical. Annexes XIV du règle-
lolysis in intercollegiate athlets. J Spinal Disord Tech
ment médical de la Fédération française de rugby.
2012;25:422–5.
Sénégas J. Traumatisme grave du rachis cervical chez le
Vialle R, Ilharreborde B, Dauzac C, Lenoir T, Rillardon
rugbyman. Sport Med 1997;92:36–9.
L, Guigui P. Is there a sagittal imbalance of the spine
Spondylolyse chez le sportif in isthmic spondylolisthesis? A correlation study. Eur
Chanussot JC, Danowski RG. Rééducation en traumatolo- Spine J 2007;16(10):1641–9.
gie du sport. Paris : Masson ; 2005. Wodecki P, Guigui P, Hanotel MC, Cardinne L, Deburge
Debnath UK, Freeman BJC, Gregory P, de la Harpe D, A. Sagittal alignment of the spine: comparison bet-
Kerslake RW, Webb JK. Clinical outcome and return ween soccer players and subjects without sports acti-
to sport after the surgical treatment of spondylolysis in vities. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot 2002;
young athletes. J Bone Joint Surg Br 2003;85(2):244–9. 88(4):328–36.
Chapitre 10
Lésions microtraumatiques
ostéo-articulaires

1. Fractures de fatigue Physiopathologie

F. Khiami, M. Ankri Le mot « fatigue » est à prendre au sens de fatigue


d’un matériau et non au sens médical où il serait
synonyme d’asthénie. Par définition, la FF est une
modification très localisée du remodelage osseux
survenant sur un os sain après un surmenage fonc-
Épidémiologie tionnel inhabituel et répété. Cette altération du
remodelage osseux favorise la survenue de micro-
La fracture de fatigue (FF), appelée également fractures corticales et trabéculaires qui révèlent
fracture de stress, représenterait environ 10 % des la fracture. C’est donc une fracture partielle ou
lésions liées au sport avec une incidence variant complète d’un os résultant de l’application répé-
de 0,9 à 6,9 % en fonction de la population étu- tée d’une contrainte inférieure à celle nécessaire à
diée (athlètes, militaires…). Elle touche les mem- fracturer l’os dans une situation de charge unique.
bres inférieurs dans 80 à 95 % des cas. Le site le Parmi les différents types de fractures, on iden-
plus fréquemment touché est le tibia, représentant tifie les fractures de contrainte. Celles-ci incluent
jusqu’à 75 % des cas, devant les métatarsiens, l’os les FF et les fractures par insuffisance osseuse. Le
naviculaire, le fémur et le pelvis. mécanisme fracturaire microtraumatique est le
De toutes les blessures liées au sport, les FF même dans les deux cas, mais la charge appliquée
sont parmi celles qui entraînent les  reprises du et le terrain concerné diffèrent même si les deux
sport les plus longues, avec un potentiel de mor- peuvent être intriqués. La fracture par insuffisance
bidité important, d’échec de retour au sport et osseuse ne sera pas traitée ici.
de récidive. L’étiologie semble multifactorielle en La FF est une maladie d’adaptation de l’os à
lien avec la physiologie osseuse et le métabolisme, l’effort. Elle peut se définir comme une modi-
la charge d’entraînement, la structure et la mor- fication très localisée du remodelage osseux
phologie squelettique, et le régime alimentaire. survenant sur un os sain après un surmenage
Le milieu militaire, en particulier dans les pre- fonctionnel inhabituel et répété, avec résorption
mières semaines d’entraînement des nouvelles ostéoclastique qui affaiblit temporairement l’os.
recrues, est également pourvoyeur de FF. C’est La FF peut être considérée comme une réponse
d’ailleurs dans ce contexte que les premières normale à un stress anormal. Physiologiquement,
descriptions de FF ont été faites en 1855 avant d’après la loi de Wolff, l’os s’adapte à la demande
l’utilisation de la radiographie. mécanique en respectant un équilibre qui veut

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
340 Traumatologie en pratique sportive

que les processus osseux de construction (acti- risque est discutable car aucun seuil n’a pu être
vité ostéoblastique) compensent strictement les établi étant donné que la majeure partie de la
processus de destruction (activité ostéoclastique) population présente une ILMI.
qui les précèdent toujours. Ces processus sont Il a également été mis en évidence que le sexe
extrêmement progressifs et régissent la bonne féminin serait un facteur de risque de fracture de
santé osseuse de tout individu. Ils sont à l’origine fatigue. À cela certaines explications ont été avan-
de la densification osseuse progressive de certaines cées  : longueur des foulées, dimensions osseuses
zones porteuses. À l’inverse, une hypostimulation plus petites que chez l’homme, facteurs nutri-
osseuse (diminution des activités en charge, repos tionnels avec une alimentation perturbée (apports
au lit…) est à l’origine d’une déperdition car énergétiques plus que calciques), perturbations du
l’adaptation se fait dans le sens d’une économie cycle menstruel en particulier en cas d’aménorrhée
sans stimulation de reconstruction. ou d’oligoménorrhée avec moins de 5 cycles/an,
L’os du sportif est un os hyperactif, car il est voire contraception progestative. La fréquence de
soumis à des contraintes mécaniques permanentes ces facteurs a conduit plusieurs auteurs à en faire
supérieures à la normale. Une zone rendue fragile une caractéristique de l’athlète féminin sous le
par une demande trop rapide d’adaptation paraît nom de « triade de l’athlète » comprenant trouble
plus exposée à la pathologie de fatigue. Cette du cycle, apport calorique inadapté, ostéoporose.
situation se retrouve dès qu’un geste est répété D’autres facteurs prédictifs a posteriori de FF
très souvent d’autant plus qu’une augmentation du tibia ont été retrouvés par Pohl et al. sur une
progressive de l’entraînement n’est pas respectée. série de coureuses  : éversion de l’arrière-pied qui
La course à pied est l’exemple type du même entraînerait une fatigue musculaire précoce et donc
geste technique indéfiniment répété. une charge anormale sur le tibia  ; adduction de
À l’échelle microscopique, il se produit des micro- hanche qui augmenterait la contrainte sur la partie
fractures qui entraînent une zone de résorption médiale du tibia  ; couple entre le pied et le sol
osseuse qui n’est plus compensée par la construc- qui entraînerait un mouvement de torsion sur le
tion ostéoblastique. La confluence d’un grand tibia. Une section du tibia étroite, en particulier
nombre de zones de résorption conduit à la FF. le diamètre antéropostérieur, sera également à
La FF touche différents os selon l’activité risque de FF.
concernée (préférentiellement l’olécrane chez le La cinématique de la course aurait également un
pratiquant de base-ball, le pied chez le danseur rôle chez la femme. En effet, des études cinéma-
ou le tibia dans les sports comprenant sauts et tiques chez des coureuses ont montré que celles qui
course), mais les membres inférieurs et en parti- ont eu une FF du tibia avaient un pic d’adduction
culier les tibias sont les plus fréquemment atteints, de hanche et une rotation interne de genou plus
représentant jusqu’à 75 % des FF selon les séries. élevée avec une réduction du pic d’adduction du
genou, ce défaut de cinématique à la course pou-
vant altérer le schéma normal de chargement sur
Facteurs de risque le tibia.

Facteurs intrinsèques
Facteurs extrinsèques
Les facteurs de risque intrinsèques sont des fac-
teurs anthropométriques. Des facteurs liés à l’entraînement et donc à une
Les facteurs morphologiques, tels que la min- fatigue musculaire, à l’activité et au matériel sont
ceur, une grande taille, une moindre masse mus- cités par plusieurs auteurs :
culaire et un âge supérieur à 23–25  ans, ainsi • un entraînement trop intensif et insuffisamment
que des facteurs locaux, comme une inégalité de progressif, pas assez varié, avec un temps de
longueur des membres inférieurs (ILMI), ont été récupération insuffisant, un mauvais matériel,
rapportés. Cependant, l’ILMI comme facteur de un terrain dur ou accidenté ;
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 341

• une activité nouvelle, une reprise ou une intensifi- Il retrouve une douleur mécanique, de sur-
cation d’une activité chez un sportif expérimenté venue progressive, proportionnelle à l’intensité de
ou une activité soutenue chez un sujet non l’entraînement. Initialement, elle survient après la
entraîné, un changement de matériel, de terrain ; fin des activités physiques, puis plus tôt jusqu’à
• une durée d’entraînement supérieure à 5 h/jour apparaître à la marche simple et gênant de plus en
de danse, ou à 54 à 80 km/semaine de course à plus les activités sportives jusqu’à les interrompre.
pied. Le repos ou l’évitement des activités en cause
Le tabagisme a également été retrouvé comme la soulage. La douleur est souvent d’installation
facteur de risque de FF. insidieuse, négligée au départ, non systématisée.
Chez l’homme, une étude de 2017 portant Une augmentation ou une modification récente
sur 1082 recrues de la Royal Marine Commendos de l’activité physique ou de l’équipement, une
lors d’un entraînement de 32 semaines a montré intensification de l’entraînement et, de façon géné-
un lien entre FF et faible consommation de lait rale, toute sollicitation importante du segment
dans l’enfance (< 285 mL/jour) en plus d’autres douloureux, de même que les autres facteurs de
facteurs déjà cités. risque, sont à rechercher pour étayer le diagnostic.
De plus, un faible dosage en 25(OH)vitamine L’interrogatoire précise tout ce qui concerne
D sanguine (< 50 nmol/L) et une densité miné- l’activité sportive :
rale osseuse basse pourraient être des facteurs de • type de sport ;
risque. • niveau sportif ;
Ces facteurs sont résumés dans le Tableau 10.1. • nombre, durée et intensité de l’entraînement ;
• calendrier sportif ;
• modification récente des pratiques ;
Clinique • qualité du suivi médical, du matériel, du terrain
d’entraînement.
Le diagnostic de FF est souvent posé tardivement,
car la clinique ainsi que l’imagerie ne sont pas
toujours typiques et les diagnostics différentiels Inspection
sont peu nombreux dans ce contexte sportif.
L’inspection est assez pauvre, mais dans le cas de
la FF tibiale antérieure, il peut exister un œdème
Interrogatoire de la crête antérieure du tibia et surtout une
déformation localisée en cas de fracture antérieure
L’interrogatoire enquête sur les antécédents,
assez ancienne.
notam­ ment de fatigue osseuse, les problèmes
Un point commun aux FF du membre inférieur
nutritionnels, les carences métaboliques et le suivi
qu’il faut rechercher est la présence de troubles
diététique.
morphostatiques des membres inférieurs (défauts
Tableau 10.1. Facteurs de risque de fracture de fatigue
d’axe en varus ou valgus) ou du pied (équinisme,
du tibia pied creux ou pied plat). Ces troubles seront
notés et corrigés en tant que facteurs favorisants,
Facteurs intrinsèques Facteurs extrinsèques
surtout en cas d’atteinte du pied et de la cheville.
Âge Charge d’entraînement
Sexe Terrain
Taille Matériel, chaussage
Poids
Masse musculaire
Tabac
Consommation de lait
Examen physique
Alignement squelettique, dans l’enfance
souplesse musculaire Troubles alimentaires Qu’elle que soit la localisation, l’examen doit être
Cinématique articulaire Hypovitaminose D minutieux et doit tenter de faire la part des choses
Géométrie du tibia entre une douleur osseuse, musculotendineuse ou
Troubles hormonaux ligamentaire. Les tests en charge sont susceptibles
342 Traumatologie en pratique sportive

de reproduire la douleur comme le sautillement spongieux, les fractures de contrainte sont égale­
avec réception sur le talon. La palpation est capi- ment difficiles à diagnostiquer. La fracture est
tale et se fait millimètre par millimètre dans la zone visible assez tardivement comme une bande dense
douloureuse. Cette dernière est en général peu qui devient plus nette avec le temps. Cet aspect
étendue, de l’ordre de quelques centimètres, avec est dû à l’impaction des travées (fractures en
une zone centrale hyperalgique, le plus souvent compression) et au cal de réparation (calcanéum,
au sommet de la voussure osseuse qui correspond métaphyse tibiale, aile iliaque…).
à l’endroit précis de la FF. Les os sous-cutanés Si la FF n’est pas diagnostiquée, la réaction
sont facilement accessibles à la palpation tels que périostée et l’œdème peuvent conduire au diagnos-
le radius, les plateaux tibiaux, la rotule, le tibia, tic erroné d’infection ou de tumeur osseuse comme
les malléoles, le calcanéum, le naviculaire et les l’ostéome ostéoïde, principale erreur diagnostique
métatarsiens  ; d’autres le sont moins, tels que chez le sportif.
l’humérus, le sacrum, le bassin, le fémur et le talus. La présentation radiologique selon la localisa-
Un épaississement cellulaire sous-cutané ou un tion sur le tibia est la suivante :
cal palpable en regard de la fracture peuvent être • FF postérieure  : au niveau du bord postéro-
retrouvés dans les os sous-cutanés. L’examen médial du tibia, la fissure est le plus souvent
clinique cherche à éliminer les diagnostics diffé- oblique en haut et en dehors, et il peut exister
rentiels selon la localisation. Par exemple, dans le une petite zone déminéralisée si la radiographie
cas d’une FF du tibia, il conviendra d’éliminer les est faite précocement  ; si cette dernière arrive
étiologies de douleurs de jambe chez le sportif, tardivement, elle peut montrer des appositions
d’origine musculotendineuse (syndrome de loge périostées ou un cal. La FF postérieure se situe la
d’effort, tendinopathie, lésion musculaire aiguë plupart du temps à la jonction tiers moyen–tiers
ou chronique), vasculaire (insuffisance veineuse, inférieur du tibia d’après Lafforgue et De Laba-
artère poplitée piégée) ou périostée (périostite). reyre, alors que pour Bousson, elle serait plutôt
au niveau du tiers moyen et du tiers inférieur
chez les coureurs de longue distance, et plutôt
Imagerie proximale chez l’enfant et les coureurs de petites
distances ;
Radiologie • FF antérieure : quand la fracture de fatigue touche
le bord antérieur du tibia, elle est générale­
De manière générale, la radiographie standard ment transversale, perpendiculaire à la corticale,
objective des anomalies dans la moitié des cas, et visible en radiographie de profil. Il peut exister
reste normale durant les 3 premières semaines. des localisations multiples en coups de serpe.
Elle montre une fracture souvent incomplète ou Un aspect de pseudarthrose peut également être
rien, et il peut être nécessaire de faire un repère retrouvé ;
radio-opaque en regard de la zone douloureuse • FF longitudinale :
de manière à sensibiliser l’examen, de multiplier – elle est possible mais rare. Elle est alors paral-
les incidences et de répéter l’examen à plusieurs lèle à la corticale et à différencier des fractures
semaines d’intervalle. Les modifications initiales obliques longues,
sont une discrète diminution de densité et un – la radiographie étant un examen spécifique
aspect un peu flou du cortex. Ensuite, l’appo- (95–100 %) mais peu sensible (22–37 %), l’on
sition fusiforme d’une lamelle épaisse d’os et la peut avoir recours en cas de radiographies
réaction endostée conduisent à la condensation normales – ce qui est donc souvent le cas à
et à l’épaississement du cortex (tibia, base du un stade précoce – à des méthodes plus sen-
5e métatarsien, col fémoral…). Une ligne claire sibles, en particulier l’imagerie par résonance
correspondant à la fracture est parfois visible au magnétique (IRM) et la scintigraphie osseuse
sein de la densification réactionnelle. Dans l’os au technétium 99m (99mTc).
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 343

Scanner Tableau 10.2. Classification des fractures de fatigue


selon Fredericson en fonction des images IRM
Son utilité est modérée surtout si les coupes sont IRM
larges. Il objective les mêmes signes que la radio- Stade 0 Pas d’anomalie
graphie standard de manière plus fine et permet Stade 1 Œdème périosté discret à modéré en T2 seulement
d’évaluer la profondeur de la fissure et l’évolution sans anomalie médullaire (sensibilité de l’examen
de la consolidation. Il peut en revanche être utile accru en séquence FAT-SAT)
dans les FF longitudinales mal visibles en radiolo- Stade 2 Œdème périosté plus sévère associé à un œdème
gie. Cet examen est surtout utile dans le suivi de médullaire en T2 seulement
la consolidation. Stade 3 Œdème cortical et médullaire modéré à sévère
en T1 et T2
Stade 4 Ligne de fracture en hyposignal visible dans toutes
IRM les séquences avec œdème sévère en T1 et T2,
parfois œdème musculaire périphérique (fracture
L’IRM est aussi sensible (proche de 100  %) et visible)
plus spécifique (de l’ordre de 86  %) que le PET
scan (positron emission tomography) tout en étant Tableau 10.3. Classification des fractures de fatigue
plus précis que la scintigraphie. C’est l’examen selon Arendt en fonction de la radiographie et de l’IRM
de référence pour le diagnostic des FF, car c’est Radiographie IRM
un examen non irradiant et plus sensible et plus Grade 1 Normale Image visible en séquence
spécifique que la radiographie standard, le scanner STIR
et la scintigraphie osseuse. Grade 2 Normale Image visible en STIR et T2
À la phase aiguë, elle montre précocement
Grade 3 Réaction périostée Image visible en STIR,
de façon constante une plage mal limitée en T1 et T2
hyposignal T1 et hypersignal T2 (en particulier Pas de ligne corticale visible
en séquence FAT-SAT), rehaussée avec injection Grade 4 Fracture ou réaction Trait de fracture visible
de gadolinium au sein de la médullaire témoignant périostée en T1 ou T2
d’une hyperhémie ou d’un œdème médullaire.
Cependant, comme pour la scintigraphie, il peut y Tableau 10.4. Classification des fractures de fatigue
avoir des anomalies isolées asymptomatiques très selon Kaeding et Miller fondée sur la douleur et l’imagerie
fréquentes chez les sportifs. La fracture est parfois (scanner, IRM et/ou radiographie)
visible au sein de la corticale en hypersignal T1 Clinique Imagerie
et T2, ou au sein de la médullaire en hyposignal Grade I Pas de douleur Image indirecte de fracture
T1 et T2, mieux visible avec injection. Dans les de fatigue
formes corticales, il peut exister un hypersignal du Pas de trait de fracture visible
périoste et des parties molles en regard de la plage Grade II Douleur Image indirecte de fracture
d’œdème médullaire. de fatigue
Trois classifications utilisant les images d’IRM Pas de trait de fracture visible
ont été retrouvées dans la littérature (tableaux 10.2 Grade III Douleur Fracture non déplacée
à 10.4). Grade IV Douleur Fracture déplacée > 2 mm
Grade V Douleur Pseudarthrose

Scintigraphie osseuse
au technétium 99m radiographie normale, la FF se manifeste par
une hyperfixation franche bien limitée aux trois
Elle a été longtemps considérée comme l’exa- temps de l’examen avec une sensibilité proche de
men de référence, mais est maintenant supplantée 100 %. Les localisations multiples sont possibles et
par l’IRM. À un stade précoce et en cas de visibles avec cet examen.
344 Traumatologie en pratique sportive

En effet, l’hyperfixation focale au site fractu- Autres examens


raire apparaît dès les premiers jours, bien avant
l’apparition de signes radiographiques. Initiale-
ment, elle est d’intensité modérée, mal limitée,
Dosages sanguins
puis s’accentue et les limites se précisent. Le bilan biologique usuel est en règle normal en
À un stade tardif, l’hyperfixation ne se retrouve dehors d’éventuelles anomalies associées à une
qu’au temps tardif, puis à long terme, la scintigra- ostéopathie fragilisante. Une carence en vitamine
phie devient nulle ou montre une faible fixation, D peut se retrouver et sera à corriger.
mais le trait sera alors visible radiologiquement. Il
existe une classification sur les images scintigra-
phiques (tableau 10.5) correspondant aux grades Histologie
de la classification IRM de Fredericson. L’analyse anatomopathologique lorsqu’elle est faite
à l’occasion d’une chirurgie (diagnostic erroné
PET scan d’ostéome ostéoïde ou traitement de la FF) mon-
tre un tissu fibreux dans le défaut de formation de
Il possède une grande sensibilité et une grande cal, de l’os en formation sous-périosté entourant
spécificité. On retrouve une zone d’absorption le site fracturaire, et un os scléreux avec une lacune
fusiforme. Il peut permettre d’évaluer l’âge de la aux bords de la lésion. Cela correspond à une zone
fracture et la consolidation. de pseudarthrose au niveau de la fracture.

Échographie Traitement
D’après une étude récente sur des militaires indiens Traitement médical
en comparaison à l’IRM, elle a une bonne sensibi-
lité (86 %) et une spécificité modérée (77 %). Elle Le traitement médical consiste tout d’abord à agir
peut retrouver des arguments en faveur d’une FF sur les facteurs de risque extrinsèques.
à la phase précoce en cas de radiographie standard Il s’agit d’éduquer l’athlète, sa famille pour les
normale. En effet, une solution de continuité ou plus jeunes, et l’encadrement sportif sur l’impor-
une irrégularité de la corticale sous forme d’une tance d’une alimentation adaptée aux besoins, de
petite saillie peuvent être retrouvées ainsi qu’un matériel adapté à l’activité et, pour les filles, la
œdème des parties molles avec hypervascularisa- valeur d’alerte des dysménorrhées. La recherche
tion au Doppler. Le signe indirect le plus perfor- d’une carence en vitamine D et sa supplémen-
mant est la mise en évidence d’un hématome à la tation le cas échéant font également partie de la
surface du périoste. Cet examen est très utile dans prévention primaire et secondaire des FF.
les FF des os sous-cutanés. Les premières mesures à prendre sur lesquelles
les auteurs s’accordent sont la modification du
chaussage et de la méthode d’entraînement. Pour
certaines variétés lésionnelles, notamment les os
Tableau 10.5. Classification des fractures de fatigue
selon les images scintigraphiques spongieux, la suppression des activités sportives
en charge donne en général une évolution favo-
Scintigraphie
rable en 8 à 12 semaines. C’est le cas du bassin,
Grade 1 Hyperfixation corticale modérée, de petite taille, du sacrum, de la métaphyse tibiale, du calcanéum,
aux limites floues
et des 2e et 3e métatarsiens.
Grade 2 Hyperfixation corticale mieux limitée et plus intense
Pour les FF antérieures du tibia, la limitation
Grade 3 Hyperfixation intense, corticale et médullaire, des activités donne selon Robertson une guéri-
fusiforme ou large
son dans 55 % des cas après un arrêt sportif de 4,4
Grade 4 Hyperfixation transcorticale intense à 6 mois associé ou non à une mise en décharge.
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 345

L’immobilisation stricte n’améliore pas les des critères radiologiques ou s’il existe une forte
résultats, et le peu de données sur les ondes élec- demande à raccourcir la période d’inactivité, ce qui
tromagnétiques pulsées et stimulations électriques se voit en général chez les sportifs de haut niveau.
ne permettent pas de conclure à un bénéfice de Le traitement chirurgical comporte, selon
ces techniques. En revanche, le traitement par les auteurs, perforation, greffe, décortication,
ondes de choc peut permettre de réduire la dou- enclouage, plaques, vissage en compression, séparé­
leur et le délai de récupération sans accélération ment ou associés. Pour certains, il s’agit d’enlever
visible de la consolidation. la zone de fracture et d’associer une greffe osseuse
D’autres traitements médicaux ont été tentés et/ou des perforations. Pour d’autres, l’enclouage
mais n’ont pas démontré leur efficacité. Il s’agit : est nécessaire pour absorber les contraintes et
• de l’oxygénothérapie hyperbare ; mettre l’os au repos. Dans tous les cas, la reprise
• des injections de plasma riche en plaquettes de l’appui et des activités doit être progressive et
(PRP), qui auraient un effet positif quand la indolore pour éviter une récidive précoce.
fracture n’est pas complète ;
• des protéines morphogéniques osseuses, qui ont
montré une efficacité uniquement chez l’animal, Résultats du traitement
• de l’hormone parathyroïdienne, utilisée aux au tibia sur la reprise
États-Unis pour l’ostéoporose. sportive (Tableau 10.6)
Certaines variétés de FF répondent mal au traite-
ment médical. Elles sont habituellement de mauvais Consolidation osseuse
pronostic évolutif, avec un risque majeur de pseudar-
throse, un risque de se compléter et de se déplacer. La consolidation d’une FF est rapide et de bonne
C’est le cas des FF de l’humérus, du col fémoral, qualité dans certaines localisations. Sur la consoli-
de la rotule, de la corticale antérieure du tibia, de la dation radiologique, Robertson constate qu’elle a
malléole médiale, de l’os naviculaire lorsque le trait lieu pour les FF antérieures en moyenne à 6 mois
est complet et de la base du 5e métatarsien. et pour les FF postérieures à 3 mois. Sur sa série
de danseurs traités par enclouage ou perforation,
Miyamoto et al. retrouvent une consolidation
Indications chirurgicales radiologique à 5,1 mois (3,5–9 mois) et une
et options thérapeutiques consolidation clinique à 6 semaines (4–10 mois).
Pour Varner, la consolidation clinique a lieu à
Le traitement chirurgical s’envisage en cas d’échec 2,7 mois et celle radiologique à 3 mois dans sa
du traitement médical. Selon le niveau sportif et série de sept compétiteurs (course et basket-ball)
le calendrier, le traitement chirurgical peut être traités par clou centromédullaire.
indiqué plus précocement, surtout si le potentiel Mallee constate une absence de consolidation
de guérison ou de déplacement n’est pas bon. pour les fractures antérieures dans 53 à 93 % des
Miyamoto et al. attendent au moins 8 à 12 cas après traitement conservateur. Rettig constate
semaines pour proposer la chirurgie à des dan- une guérison en 8,7 mois en moyenne des frac-
seurs ayant effectué une période de repos, des tures antérieures traitées par champ magnétique
modifications de l’activité et l’évitement des acti- pulsé et repos, alors que Orava constate la conso-
vités douloureuses. Robertson et al., dans leur lidation à 6 mois (3–10 mois) avec le traitement
revue de la littérature en 2015, préconisent 6 conservateur contre 7,1 mois (4–16 mois) en cas
mois de repos relatif associé à d’autres thérapies de perforations chirurgicales.
avant d’opter pour un traitement chirurgical d’une La consolidation est évaluée cliniquement ou
FF tibiale. Mais peut-on se permettre d’attendre radiologiquement selon les études. Elle est plus
6 mois pour un sportif de haut niveau, pressé, rapide pour les fractures postérieures que pour les
informé et motivé  ? La chirurgie peut aussi être fractures antérieures et est en moyenne de 5 à 7
proposée d’emblée si la fracture est menaçante sur mois postopératoires.
346 Traumatologie en pratique sportive

Tableau 10.6. Variété lésionnelle, fréquence, type de sport à risque et orientation thérapeutique privilégiée
Siège Fréquence Sport Traitement
Sacrum et bassin ++ Course à pied > 80 km/semaine Conservateur
Marche de fond (militaires)
Ligne trous sacrés +
Aileron sacré ++
Aile iliaque Très rare
Cadre obturateur (Figure 10.1) +
Col fémoral ++ Course à pied de fond Fracture en distraction : chirurgie
(Figure 10.2) Marche de fond Fracture en contraction non déplacée :
traitement conservateur
Diaphyse fémur Rare Course de fond Conservateur, parfois chirurgical
Extrémité inférieure du fémur Rare
Patella Rare Course à pied Conservateur
Saut en hauteur Déplacement ou risque de déplacement :
Ski chirurgie
Plateau tibial médial Rare Course à pied Conservateur
(attaque talonnière)
Tibia (diaphyse) +++ Football Fracture :
(figures 10.3 et 10.4) Course à pied – postérieure : conservateur
Sauts – longitudinale : conservateur
– antérieure : chirurgie
Fibula (1/3 inférieur) + Course à pied (terrain inégal) Conservateur
Malléole médiale ++ Course à pied Conservateur
(Figure 10.5) Saut de haies Chirurgie si fracture complète
Saut à la perche
Talus col et corps + Course à pied Conservateur
Compression
Talus processus latéral + Snowboard Conservateur si non déplacé
Distraction Chirurgical si déplacé
Calcanéus ++ Course Conservateur
Tennis (sol dur)
Os naviculaire + Course sur piste Conservateur
(Figure 10.6) Saut en hauteur Chirurgie si trait complet
Cuboïde Très rare (compression) Course de fond Conservateur
Cunéiformes Très rare Course de fond Conservateur
Métatarsiens médians +++ Danse Conservateur
(Figure 10.7)
5e métatarsien +++ Football Chirurgie
(Figure 10.8) Course
Sésamoïdes de l’hallux Rare Sauts Conservateur
Sésamoïdectomie si échec
Côtes (1res) + Danse (homme porteur) Conservateur
Ski de fond
Aviron
Lancer
Sternum Rare Golf Conservateur
Trampoline
Bodybuilding
Acromion + Tennis Conservateur
Olécrane Rare Tennis (service) Conservateur
Base-ball
Hamulus de l’hamatum ++ Golf Conservateur
Tennis Si échec : ablation
2e métacarpien + Tennis (coup droit)
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 347

Figure 10.1. Fracture de fatigue de la branche


ischiopubienne en cours de consolidation.

Figure 10.4. Fracture de fatigue de la corticale


antérieure du tibia.
a. Radiographie montrant la FF sur la corticale antérieure.
b. Radiographie après enclouage. Noter que la fracture
s’est complétée, ayant nécessité un enclouage centromé-
dullaire en urgence.

Figure 10.2. Fracture de fatigue du col fémoral.

Figure 10.5. Fracture de fatigue de la malléole médiale.

Figure 10.3. Fracture de fatigue de la corticale pos-


térieure du tibia.
a. Scanner de profil. b. Scanner de face.
348 Traumatologie en pratique sportive

Figure 10.7. Fracture de fatigue du col du 2e métatarsien


en cours de consolidation.
Figure 10.6. Fracture de fatigue du naviculaire.

Figure 10.8. Fracture de fatigue de la base du 5e métatarsien.


À noter que le trait s’est complété.

Traitement médical mois) chez sept basketteurs traités médicalement


pendant 8,7 mois en moyenne par repos et champ
Après FF du membre inférieur (majoritairement électromagnétique pulsé. Six ont pu reprendre la
du tibia et du pied) chez 53 étudiants traités par compétition.
repos relatif et reprise progressive des activités D’après la revue de la littérature de Mallee, 55 %
physiques, Arendt retrouve un délai de reprise des patients traités médicalement pour FF anté-
sportive moyen de 8,4 semaines, qui est lié au rieure retournent au sport au bout de 24 semaines
grade de la fracture allant de 3,3 semaines pour les en moyenne pour les fractures consolidées et 28,4
grades 1 à 11,4 semaines pour les grades 3 et 14,3 semaines pour les fractures non consoli­dées qui
semaines pour les grades 4. L’analyse est globale ont été alors opérées. Entre 53 et 93 % des traite-
sans distinction selon la localisation de la fracture. ments médicaux ont échoué. La plupart des patients
Rettig constate un retour au sport sans symp- traités orthopédiquement ou fonctionnellement ne
tômes au bout de 12,7 mois en moyenne (10–19 retrouvent pas leur niveau sportif.
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 349

D’après la revue de la littérature de Robertson, Conclusion


sur 49 patients avec FF tibiale antérieure traitée
médicalement, 35 ont repris le sport (71,4  %) Les FF sont des lésions relativement fréquentes
dans un délai moyen de 7 mois (3–10 mois). Tous chez le sportif mais dont le diagnostic est souvent
les patients ayant bénéficié de LIPUS (low inten- retardé. N’importe quel os peut être lésé, avec une
sity pulsed ultra-son), d’onde de choc ou d’attelle localisation préférentielle aux membres inférieurs
pneumatique ont pu reprendre le sport ; 86 % de et surtout au tibia. L’expression clinique n’est
ceux ayant eu de l’électrostimulation et 55 % de pas spécifique et une douleur plutôt «  osseuse  »
ceux qui ont été traités par un repos relatif ont pu chez un sportif doit faire évoquer le diagnostic.
reprendre leur activité. Le délai n’est pas précisé. Le bilan radiographique consiste surtout en un
Par ailleurs, toujours d’après cette revue de la bilan de débrouillage initial et doit rapidement
littérature, dans les cas de FF postérieures, 100 % être complété par une IRM en cas de doute, sur-
des patients retournent au sport, quel que soit tout dans les formes débutantes pour lesquelles la
le traitement médical (repos, attelle, ultrasons). radiographie est souvent normale.
Le taux de retour au sport est plus élevé significa- Le bilan doit tenir compte du morphotype et
tivement qu’en cas de FF antérieure. Le taux de dépister les facteurs favorisants intrinsèques et extrin-
retour au même niveau sportif est de 100 % avec le sèques qu’il faudra corriger en prévention primaire
traitement par LIPUS et de 91 % avec le repos seul. et secondaire. «  L’enquête  » autour des activités
Si pour les FF de la corticale postérieure du sportives est importante afin de corriger les erreurs et
tibia, le traitement médical seul permet un retour prévenir la rechute.
au sport dans la majorité des cas, avec une récu- La prise en charge métabolique est importante,
pération du niveau le plus souvent, dans le cas des notamment l’hypovitaminose D qui est quasi sys-
FF de la corticale antérieure, ce traitement est mis tématique chez les sportifs de haut niveau.
en échec dans 29,6 à 45 % des cas. Le traitement dépend de la localisation, de la
gravité lésionnelle, de la durée d’évolution, ainsi
Traitement chirurgical que du potentiel de consolidation et de déplace-
ment secondaire.
Dans la série de Borens, les FF antérieures sont Il s’agit d’une lésion préoccupante qui peut
traitées par plaque et greffe de substitut osseux, compromettre les activités sportives, voire la car-
avec un retour à l’activité complète en 2,4 mois rière du sportif si la prise en charge n’est pas
(1,5–3 mois). Dans celle de Cruz, traitant les adaptée. Le retour au sport doit être progressif,
patients par ostéosynthèse par plaque sans greffe, sous surveillance, en tenant compte de la guérison
le retour au sport se fait à 3 mois sans restriction. clinique et de celle radiologique souvent décalée.
Pour Miyamoto et al., le retour à la danse, Les délais de retour au sport et de récupération
défini par un retour à un niveau sans restriction du niveau sportif sont longs, mais la guérison
de danse avec sauts, a lieu à 6,5 mois (4–12 mois). peut être pérenne si les mesures de prévention
D’après la revue de la littérature de Robertson, secondaires sont mises en place.
sur 111 FF antérieures traitées chirurgicalement,
107 patients (96,4 %) sont retournés au sport, soit
tous les patients ayant bénéficié d’une ostéosyn-
thèse par clou ou plaque, et 92,5 % de ceux qui ont Points clés : fracture de fatigue
eu une excision–perforation, dans un délai moyen
de 7 mois (3–24 mois). Avec l’ostéosynthèse par • Une douleur osseuse d’apparition progressive chez un
sportif doit faire évoquer une FF. La localisation la plus
clou ou par plaque, le délai était de 6 mois.
fréquente est au tibia.
En résumé, dans la littérature, les patients opé- • Tout sportif quel que soit son niveau est exposé à la FF.
rés pour FF antérieure ont pu reprendre le sport • Les facteurs de risque et les nombreux facteurs
sans symptômes dans un délai de 3 à 10 mois dans favorisants doivent systématiquement être recherchés.
plus de 90 % des cas de fractures unicorticales.
350 Traumatologie en pratique sportive

pas les fractures de fatigue dans ce syndrome.


• La palpation doit être minutieuse et millimétrique à la
recherche d’une douleur osseuse exquise, d’un œdème Cette situation reflète bien les discussions depuis
localisé et d’une voussure sous-cutanée. les années 1980 sur les deux visions qui exis-
• L’imagerie comporte systématiquement un bilan tent en physiopathologie de l’os sur la notion de
radiographique mais la sensibilité est faible pour les continuum entre la lésion de la périostite sur tibia
formes débutantes pour lesquelles l’IRM est plus per- non fracturaire et l’atteinte de l’os fracturaire  :
formante. L’échographie est très performante pour le dans un cas, la périostite serait la première étape
diagnostic des formes sous-cutanées. vers la fracture de fatigue par microtraumatisme à
• Certaines formes de FF relèvent d’un traitement type d’impacts répétés comme à chaque foulée en
médical, d’autres doivent être rapidement orientées
course à pied, on parle de fracture de fatigue de
vers un traitement chirurgical.
• La guérison est longue à obtenir et une des princi- bas grade  ; dans l’autre, il n’y aurait pas de lien
pales complications est la récidive justifiant un suivi à entre les deux types de lésions et la périostite
long terme. appartiendrait à la famille des enthésopathies de
traction et de torsion (tibial postérieur, soléaire,
fléchisseur commun des orteils) sur les feuillets
constituant le périoste. Certains associent les deux
explications. C’est dans tous les cas une patholo-
2. Périostite gie d’hyperutilisation avec douleur chronique, on
parle de maladie d’adaptation. Souvent bénigne,
F. Depiesse elle peut évoluer vers la chronicité.

Dans le grand cadre nosologique des douleurs


de jambe du sportif, on distingue les fractures de
Physiopathologie
fatigue du tibia (voir précédemment) et la périos-
tite, ces deux entités étant pour beaucoup d’auteurs On retiendra ici plutôt la périostite, ou shin splint
des éléments constituant du syndrome du « stress des Anglo-Saxons, comme un décollement avec plus
médial tibial ». ou moins une inflammation des feuillets du périoste
(tissu qui entoure la diaphyse de l’os et qui est res-
ponsable de sa croissance en épaisseur avec une
couche superficielle de fibroblastes alignée parallèle­
Cadre nosologique ment dans une trame collagénique qui s’ancrent à la
corticale). Les fibres tendineuses sont étroitement
Le syndrome du stress médial tibial est une affec- liées à cette couche superficielle et peuvent par
tion pathologique répandue chez les sportifs pra- leur traction la dissocier de la couche profonde qui
tiquant en charge avec impact comme les coureurs est constituée d’ostéoblastes, de prochondroblastes
à pied. Il est la conséquence d’un stress méca- et d’ostéoclates contribuant à la croissance osseuse
nique répétitif et fréquent appliqué sur le tibia. périostéale et susceptible lorsqu’elle est agressée de
La pathologie provoque des douleurs sur le bord générer par apposition du tissu ostéoïde.
postéromédial du tibia. On y inclut la périostite, la Par ailleurs, concernant les travaux sur la den-
réaction osseuse de contrainte et/ou enthésopa- sité minérale osseuse du tibia, aucun élément ne
thies de traction, les fractures diaphysaires longi- retrouve de lien entre la densité et la périostite,
tudinales et les hyperostoses tibiales diffuses. Mais hormis le fait que les tibias des coureurs de longue
selon d’autres auteurs, les fractures de contrainte distance (souvent touchés par la périostite) ont
(ou de stress ou de fatigue) n’en font pas partie, une très bonne densité osseuse et que celle-ci doit
elles étaient pourtant bien incluses initialement être maintenue au mieux en cas de retour au sport
dans ce syndrome décrit en premier en 1958 après arrêt, au risque de voir apparaître une lésion
par Devas. Ainsi Yates et White ne retiennent du « stress médial tibial ».
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 351

Épidémiologie : sports chez les débutants et lors de la reprise intensive


impliqués et causes du sport chez un ancien sportif. Les femmes sem-
blent plus touchées que les hommes, on retrouve
Les périostites siègent essentiellement au niveau du dans un groupe de coureurs de cross-country
tibia, elles surviennent donc souvent lors de la pra- une incidence de 19,1 % chez les femmes et 3,5 %
tique d’activités en charge avec microtraumatismes chez les hommes. On retient comme facteur de
comme la course à pied, mais aussi dans les sports risque les notions d’amplitudes extrêmes de rotation
sur parquet comme le basket-ball. Les chiffres de de hanche, un index de masse corporelle supérieur
prévalence datent d’études assez anciennes, on à 21, un passé de périostite, une hyperpronation
parle de 4 à 35 %. Les militaires sont une popula- de l’arrière-pied. Les autres causes fréquemment
tion à risque par leur pratique à la fois sportive et repérées mais pas prouvées sont la reprise récente
d’activités physiques spécifiques : marches longues, d’un entraînement, l’augmentation de la charge
par exemple (Figure 10.9 et encadré 10.1). d’entraînement, la pratique de footings sur des sols
On note une prévalence importante des périos- durs (bitume, piste), le passage d’un terrain de
tites chez les sujets jeunes, probablement du fait tennis en terre battue à un terrain en ciment ou le
de la croissance périostéale et de la fragilité des passage d’un terrain de football en gazon naturel
deux couches du périoste à cette période  : en à un terrain avec pelouse synthétique, l’augmenta-
effet, la couche cellulaire profonde est en pleine tion du rythme des compétitions. Craig cite aussi
activité donc susceptible d’une hyperréactivité «  l’augmentation de la pronation du pied, l’aug-
microtraumatique. On la retrouve aussi beaucoup mentation de la force des fléchisseurs plantaires et

Figure 10.9. Pathologies relatives à la course à pied.


Source : Francis P, Whatman C, Sheerin K, et al. The proportion of lower limb running injuries by gender, anatomical location and specific
pathology : a systematic review. J Sports Sci Med 2019 ; 18(1) : 21-31
352 Traumatologie en pratique sportive

Encadré 10.1 du soléaire ou des fléchisseurs des orteils peu-


vent déclencher la douleur.
Les cinq pathologies relatives
à la course
Les pathologies relatives à la course les plus
répandues seraient les suivantes :
Diagnostic différentiel
1. le syndrome fémoropatellaire (17 %) ;
2. les tendinopathies d’Achille (10 %) ; Les douleurs tibiales d’effort sont en lien avec
3. le syndrome du stress médial tibial (8 %) ; un spectre d’affections provenant de l’hyper-
4. la fasciite plantaire (environ 7 %) ; sollicitation mécanique du tibia (réaction osseuse
5. le syndrome de la bandelette iliotibiale de contrainte). On y individualise les fractures de
(6 %). contrainte dites aussi de « fatigue » du sujet jeune
Source  : Francis  P, Whatman C, Sheerin K, et al. et sportif (à l’opposé des fractures pathologiques
The proportion of lower limb running injuries by survenant chez le sujet âgé à l’os porotique), de
gender, anatomical location and specific pathology : pronostic plus péjoratif. Il y a aussi les douleurs
a systematic review. J Sports Sci Med 2019 ; 18(1) :
21-31.
vasculaires (artère poplitée piégée), le syndrome
des loges chronique de jambe (lésions mus-
culaires et tendineuses) et les autres pathologies
de jambe à éliminer (tumeurs osseuses, neuropa-
l’usage de chaussures inadéquates ». Concernant le thies canalaires).
chaussage usé ou inadapté, on mettra un bémol car
on a peu d’études concluantes sur l’effet du chaus-
sage comme facteur de risque certain et son rôle
dans la prévention ou le traitement des périostites. Examens complémentaires
Malgré tout, en pratique, de nombreux praticiens
en tiennent compte. La radiographie ne montre rien le plus sou-
vent, sauf en cas d’appositions périostées visibles en
général au stade tardif, ce qui fait discuter d’autres
Clinique diagnostics (fracture de fatigue longitudinale, hyper-
ostose tibiale diffuse, maladie de Pierre Marie…).
• Interrogatoire : le sportif souffre de douleurs au L’échographie est un examen utile montrant
niveau d’un tibia, parfois des deux côtés (50 % par comparaison au côté opposé l’épaississement
des cas). Les douleurs postéromédiales des tiers hypo-échogène de la jonction entre l’aponévrose
moyen et inférieur du tibia sont mécaniques et et le périoste, mais aussi l’effraction corticale avec
surviennent exclusivement lors de la pratique l’œdème péri-osseux.
du sport, elles cèdent au repos. La scintigraphie peut servir au diagnostic à la
• Inspection dynamique à la course : on recherchera recherche d’une hyperfixation linéaire ou fusi-
une hyperpronation à la course associée à un forme hétérogène postérieure, limitée au périoste
valgus de l’arrière-pied et, en inspection statique, de la diaphyse tibiale de hauteur supérieure au
des signes d’usure évocateurs sur les chaussures. tiers de la diaphyse, au niveau de l’insertion du
• Palpation  : on retrouve une grosseur doulou- soléaire et uniquement visible au temps tardif.
reuse au niveau médiodiaphysaire postéromé- La scintigraphie osseuse a progressé ces dernières
dial du tibia. Souvent étendue sur 5 à 15  cm années vers une modalité d’imagerie hybride  :
(contraire­ment à la fracture de fatigue plus le SPECT/CT (single photon emission computed
localisée), cette tuméfaction peut prendre le tomography/computed tomography).
godet dans des cas très inflammatoires avec Mais aujourd’hui, c’est l’IRM qui permet la
décollement œdémateux. Le sautillement sur gradation des lésions et leur dépistage précoce.
place, la contraction résistée du tibial postérieur, Le protocole IRM comprend obligatoirement des
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 353

séquences en pondération T2 FAT-SAT, pouvant • de la kinésithérapie avec étirements des muscles


être réalisées en coupes axiales (analyse de la super- de la loge postéromédiale de jambe  ; parfois
ficie à la profondeur des différents compartiments certains font du massage appuyé douloureux le
anatomiques) et coronales (extension en hauteur long de la zone lésionnelle (« ponçage »).
et analyse comparative). Le plan sagittal est utile Il y a quelques études en faveur de l’utilisation
à la détection de certaines fractures de localisation des ondes de choc et de la mésothérapie dans
antérieure. La pondération T1 permet la gradation cette indication mais pas de certitude.
de l’œdème avec la classification de Fredericson Avant la reprise, il faut utiliser des exercices de
qui suggère une progression lésionnelle débu- renforcement musculaire progressif des muscles
tant par un œdème périosté, éventuellement suivi incriminés comme le soléaire, le tibial postérieur,
d’une atteinte médullaire, puis d’une fracture cor- les fléchisseurs communs des orteils.
ticale. On retrouve un hypersignal en T2 linéaire, Le recours à la chirurgie est exceptionnel et
longitudinal en périphérie de la corticale, sans réservé aux formes rebelles.
trait de refend, ce qui la distingue de la fracture
de fatigue. L’œdème peut être analysé (intensité,
topographie), ainsi que les anomalies corticales Conclusion
(fracture, cavités de résorption).
Les périostites sont des affections très fréquentes,
souvent responsables d’un repos forcé mal vécu
Traitement surtout en période de compétition  ; elles sont
difficiles à traiter et les mesures préventives par
Il faut éviter au maximum les situations trauma- l’adaptation du chaussage et le travail musculo-
tisantes ; en particulier, il faut suivre un entraîne- tendineux sont essentielles.
ment programmé et adapté tout en privilégiant
le travail sur terrain souple. Il faut respecter
des périodes de repos et utiliser des chaussures
assurant un amortissement optimal (sujet discuté Points clés
en l’absence de preuves). En tout cas, il ne faut
• La périostite fait partie du syndrome de « stress médial
pas hésiter à changer de chaussures, à faire un tibial », c’est une pathologie d’hypersollicitation.
bilan podologique pour évaluer l’intérêt d’une • Le tibia antéromédial est fréquemment atteint chez
orthèse plantaire plutôt supinatrice dans les théo- les coureurs à pied.
ries mécanistiques ou posturale selon l’approche • La douleur postéromédiale de la diaphyse du tibia pro-
du thérapeute, à porter des chaussettes de conten- viendrait de l’association de stress lésionnels par traction
tion, voire des bandes K-Tape®. des enthèses des muscles de la loge postérieure du
Il faut respecter un repos sportif d’une durée mollet et/ou par l’impact osseux des microtraumatismes
variable de quelques jours à quelques semaines. répétés au niveau périosté.
• Le diagnostic est clinique. Parfois les examens
Dans les cas rebelles, on peut avoir 2 à 3 mois de
complémentaires sont utiles  : radiographie, échogra-
repos obligatoire. Pour ne pas perdre ses capaci- phie, IRM. L’IRM permet le diagnostic précoce et la
tés musculaires et respiratoires, le sportif devra gradation des lésions fondés sur l’analyse de l’œdème
privilégier la pratique modérée d’autres activités et des corticales (T2 FAT-SAT et T1).
physiques (vélo, rameur, musculation). • Il faut distingue la périostite des fractures de contrainte,
Le traitement local (pommades anti-inflamma- de pronostic et de récupération différents.
toires, glaçages pluriquotidiens, bandages adhésifs : • Le traitement est médical, par du repos sportif, une
strapping ou K-Tape®, physiothérapie anti-inflam- orthèse plantaire adaptée et une rééducation spécifique
matoire) peut être associé à : des muscles postérieurs de la jambe associée à de la
contention.
• des médicaments per os  : anti-inflammatoires
• La prévention est essentielle.
non stéroïdiens (AINS), antidouleurs ;
354 Traumatologie en pratique sportive

3. Arthrose et sport une approche métabolique de type catabolique


(cellules souches mésenchymateuses de l’os sous-
F. Depiesse chondral, macrophages, facteurs de croissance,
facteurs de dégradation…). Il faut bien distinguer
l’«  arthrose maladie  » du «  vieillissement phy-
Dans le cadre du sport, les atteintes du cartilage siologique  » du cartilage qui est polyarticulaire,
concernent d’une part l’arthrose dite secondaire, asymptomatique et se traduit par de simples
d’autre part les lésions traumatiques du cartilage : fibrillations superficielles avec un cartilage dur,
ostéochondrites et lésions ostéochondrales (celles- déshydraté et riche en protéoglycanes. On recon-
ci sont traitées au chapitre 6 pour le genou et au naît deux types d’« arthrose maladie » :
chapitre 7 pour la cheville). • l’arthrose «  primitive  » présente un fonction-
On s’intéresse ici aux liens entre arthrose et sport nement articulaire normal, mais un cartilage
du pratiquant intensif au sédentaire qui se met à pathologique : soit par fragilité, soit par nécrose
l’activité physique et sportive. de l’os sous chondral, soit par inflammation de
la synoviale ( synovite infectieuse...).
• l’arthrose «  secondaire  » se définit par un car-
Définitions tilage normal qui supporte des pressions trop
importantes, c’est le cas le plus fréquent chez
Cartilage le sportif. On connaît aussi l’arthrose post-
traumatique et l’arthrose métabolique liée à
Le cartilage est un tissu intra-articulaire, il est l’obésité. Cette pression devient délétère
formé de cellules appelées chondrocytes, situées au lorsqu’il existe une malformation ou un défaut
sein d’une matrice extracellulaire faite de cytokines, d’axe des membres (dysplasie articulaire de la
de protéoglycanes et de collagènes et il repose sur hanche ou dysmorphie en valgus ou varus du
un os dit sous-chondral avec lequel il échange. Il genou), ou dans le cadre d’instabilité articulaire
a la particularité d’avoir un très faible potentiel au genou (rupture du ligament croisé antérieur
de régénération spontanée ce qui complique sa du genou, hyperlaxité) ou dans le cadre d’un
guérison après lésion. Il y a bien un turn-over des syndrome fémoropatellaire, ou dans les cas de
chondrocytes et de la matrice de protéoglycanes, surcharge (surcharge pondérale et surcharge
mais il s’agit d’un phénomène extrêmement long fonctionnelle par hypersollicitation sportive
chez l’adulte (en dizaine d’années). De plus étant ou professionnelle), enfin dans les cas d’incon-
non vascularisé, non innervé et alymphatique, on gruence articulaire (méniscectomie, séquelle de
comprend mieux son très faible potentiel de régé- fracture). D’autres arthroses secondaires sont
nération spontanée. liées à certaines maladies rhumatismales (ostéo-
chondromatose, hyperostose de Forestier) ou
Arthrose métaboliques (hémochromatose, drépanocytose,
maladie de Paget…).
L’arthrose est une maladie de toute l’articulation Cliniquement, les symptômes les plus invali-
et de son environnement incluant les structures dants sont la douleur et la raideur articulaire avec,
suivantes : cartilage, tissu synovial, os sous-chondral, sur fond de chronicité, des épisodes aigus de gon-
ligaments, muscles et tendons. Le cartilage est le flement articulaire. On verra plus loin l’impact du
principal tissu cible de cette maladie. sport et des activités physiques sur ces signes.
Elle regroupait classiquement des affections
chroniques dégénératives dites non inflamma-
toires des articulations, or récemment les avan- Prévalence
cées dans la pathophysiologie de l’arthrose ont
redonné leur place à la vision inflammatoire avec C’est une pathologie fréquente dont la prévalence
des cascades de cytokines pro-inflammatoires et est estimée en France entre 9 et 10 millions. Les
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 355

articulations principalement touchées sont, par avec, selon la dose et l’intensité des efforts, soit un
ordre décroissant, le rachis cervical et lombaire, risque accru de destruction – c’est la lésion carti-
le genou, le pouce, la hanche, la cheville et les lagineuse du joueur intensif de football –, soit un
épaules. La coxarthrose et la gonarthrose ne sont effet bénéfique sur le cartilage lors d’une pratique
pas les plus fréquentes, mais elles sont les plus à dose modérée. Des auteurs ont incriminé les
invalidantes au quotidien surtout pour les sportifs. forces de compression articulaire. La marche par
Chez les sportifs, une étude finlandaise de exemple correspond à deux fois le poids du corps,
Kujala a calculé la prévalence de l’arthrose tou- la course à pied à trois à quatre fois ce poids. Mais
chant les membres inférieurs chez 2488 anciens cette marche à allure libre provoque des pressions
sportifs de haut niveau comparés à un groupe sur la hanche bien inférieures à celles d’exercices
témoin apparié sur l’âge et le sexe. Cette pré- isométriques ou dynamiques en position debout.
valence était de 5,9  % chez les anciens sportifs En revanche, une marche rapide sur des arti-
versus 2,6  % chez les témoins avec un odds ratio culations avec troubles d’alignement articulaire
(OR) de 1,7, 1,9 et 2,2 respectivement pour les peut être délétère pour le cartilage. Ainsi, c’est
sports suivants : course à pied (endurance), sports bien l’activité modérée et intermittente lors d’un
de terrain (base-ball, football, hockey) et sports de exercice physique qui est recommandable, elle
force (boxe, haltérophilie, lutte). Chez des anciens obéit au même principe que la mobilisation pas-
joueurs professionnels de football, l’étude de sive continue et douce obtenue par des appareils
Petrillo retrouve un risque majoré d’arthrose motorisés de flexion du genou utilisés en postopé-
de genou et de hanche. Comme Kujala, Vigdorchik ratoire, elle semble favoriser la trophicité cartilagi-
a écrit que la coxarthrose est plus fréquente dans neuse. Des études à l’exercice dynamique, comme
les sports à impact (football, hand-ball, athlétisme le vélo ou la marche, ont montré, sur des genoux
sur piste ou hockey sur glace) que chez les cou- arthrosiques gonflés par effusion, l’augmentation
reurs de longue distance. du flux sanguin synovial, ce qui participerait
selon les auteurs à améliorer la trophicité du
cartilage. Inversement, l’immobilisation, qu’elle
soit orthopédique ou bien liée à l’inactivité chez
Physiopathologie un sédentaire ou à l’apesanteur dans les voyages
et effets des activités dans l’espace, semble être arthrogène.
physiques et sportives Les facteurs majeurs d’arthrose en pratique
sportive sont les traumatismes, aggravés par des
Le sport et les activités physiques modérées peu- facteurs augmentant les pressions sur le cartilage
vent jouer un rôle dans l’arthrose, en particulier comme des laxités, des troubles morphostatiques,
sur le cartilage et sa matrice extracellulaire. des déficits neurologiques, des faiblesses mus-
culaires… Ainsi, les sujets présentant une faiblesse
du quadriceps semblent plus à risque de déve-
Effets mécaniques lopper une arthrose que les autres, surtout chez
de l’activité physique les femmes. Il faut donc limiter au maximum les
risques de traumatismes articulaires en pratique
La stimulation mécanique influe sur l’équilibre sportive intensive et sûrement promouvoir les
entre synthèse et dégradation de la matrice, en pratiques peu traumatisantes pour les sujets à
particulier en stimulant des cytokines différentes. risque et pour les pratiquants d’un sport de
In vitro, les stimulations cycliques appliquées au loisir ou d’activité physique adaptée en cas de
cartilage ou aux chondrocytes ont probablement pathologie chronique. Hilliquin (2007) indique
un effet anabolique sur la matrice extracellulaire qu’« il existe une susceptibilité individuelle pour
contrairement aux stimulations statiques. In vivo le développe­ment d’une arthrose en rapport avec
et chez l’animal, l’activité physique par son action une activité donnée, liée notamment à la mor-
mécanique à type de compression joue un rôle, phologie articulaire, la congruence des surfaces
356 Traumatologie en pratique sportive

articulaires, la stabilité de l’articulation, la force augmentation des contraintes cartilagineuses. Il


musculaire, l’innervation, l’indice de masse corpo- est donc nécessaire d’accorder toute son impor-
relle, la réponse des tissus à l’exercice et à des méca- tance à l’apprentissage technique rigoureux de
nismes génétiquement déterminés, concernant la chaque geste sportif, ainsi que de prendre en
composition et le métabolisme du cartilage ». compte les contraintes mécaniques spécifiques à
l’activité en réaménageant, s’il y a lieu, l’équilibre
musculaire par une préparation physique à visée
Intérêt en prévention primaire préventive bien conduite.

Les activités physiques favorisent-elles Dans quels cas les activités


l’apparition d’arthrose ? physiques exercent-elles un rôle
Cette question n’est pas encore tranchée, les protecteur vis-à-vis de l’arthrose ?
études existantes étant difficilement comparables À cette question du rôle protecteur de l’exercice
entre elles (type de sport, durée et intensité sur le risque arthrosique, il n’y a aucune preuve
de pratique, taille des échantillons, type d’étude définitive, mais une vraie tendance statistique
souvent rétrospectif, méthode de diagnostic de montrant que les personnes actives sans excès
l’arthrose), et les facteurs confondants (ménis- ont moins d’arthrose que les sédentaires. En
cectomie, antécédents de traumatisme…) étant revanche, il est clair que les pratiquants modérés
inégalement rapportés. Cependant, il semble clair présentent un risque inférieur à celui des sportifs
que les sportifs intensifs, pratiquant surtout des intensifs, en particulier dans les sports à risque de
sports avec impacts et se jouant en équipe ou traumatismes articulaires.
des sports de contact, sont exposés au risque Les exercices physiques s’inscrivant dans un
d’arthrose. Voici un exemple de l’effet de la cadre programmé sont préconisés par les sociétés
surutilisation d’une articulation liée à une pra- savantes, notamment l’European League Against
tique intensive du sport sur l’arthrose induite  : Rheumatism (EULAR) avec ses recommanda-
Roos a bien montré que l’arthrose de hanche tions pour la prise en charge de la coxarthrose
était augmentée chez les anciens footballeurs et de la gonarthrose. Il nous semble que le sport
(13 %) par rapport à des sédentaires (1 %), ainsi modéré pratiqué avec un encadrement sportif
que l’arthrose au niveau du genou pour 5 % des bien formé soit aussi recommandable.
ex-footballeurs et 15  % des anciens joueurs de
haut niveau. Ainsi, les sports à impacts répétés, à
risque de torsion du genou sont fortement sus- Intérêt en prévention
pectés d’augmenter l’apparition d’arthrose. En secondaire et tertiaire
revanche, les études sur la course à pied sont
contradictoires et ne permettent pas aujourd’hui Avant de prescrire des activités physiques et spor-
de conclure à l’existence d’un effet ou non sur tives à un sujet arthrosique non opéré, des ques-
l’apparition d’arthrose, même si globalement il tions se posent au médecin  : peut-on ralentir
semble que courir et faire du ski de fond en l’évolution arthrosique par les activités physiques
évitant les très longues distances à l’entraîne- et sportives et si oui, de quelle manière ? Peut-on
ment (nous n’avons pas d’étude sur des coureurs laisser un sportif arthrosique continuer sa pratique
pratiquant sur plus de 50 km par semaine) et en compétitive ou intensive ?
compétition (pas d’étude au-delà du marathon) Certains auteurs, comme Lane en 1998, ont
ne soient pas arthrogènes. À ce jour, on ne sait montré que chez les coureurs atteints de gonar-
pas encore si la pratique du trail sera bénéfique ou throse, l’on constatait une progression moin-
délétère dans ce cadre. dre du pincement articulaire. La plupart des
Dans tous les cas et quelle que soit l’acti- études confirment une amélioration des capacités
vité, tout non-respect des règles de prudence fonctionnelles et une diminution des douleurs,
sur les impacts peut conduire à l’arthrose par en particulier avec des exercices supervisés et
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 357

encadrés par des masseurs-kinésithérapeutes ou


des éducateurs sportifs qui donnent de meilleurs
résultats que les exercices réalisés seul à la maison.
Les exercices de renforcement du quadriceps
et d’amélioration de l’endurance sont efficaces.
Selon Deyle, ils pourraient même retarder la mise
en place d’une arthroplastie. Une baisse de la
consommation médicamenteuse a été rapportée.
L’observance est aussi un élément essentiel de
la réussite des programmes d’activités physiques Figure 10.10. Les exercices d’intensité modérée
et sportives  ; visiblement, les sujets arthrosiques sont recommandés pour les arthrosiques.
déjà habitués à bouger sont plus réguliers que Source : Mobasheri A, Batt M. An update on the pathophysiology
of osteoarthritis. Annals of Physical and Rehabilitation Medicine
les débutants en activités physiques et sportives. 2016 ; 59(5-6) : 333-339.
Or, comme Van Baar l’a montré, le bénéfice des
séances d’exercices de 12 semaines disparaît au
bout de 6 mois d’arrêt. La réussite des activités Le rôle d’éducation du médecin du sport prend ici
physiques et sportives passe donc par la motiva- tout son sens.
tion à la pratique régulière, l’entretien de cette
motivation et la véritable modification du mode de
vie du sujet. C’est pourquoi l’American College of Traitement
rheumatology et l’American College of sports medi-
cine (ACSM) recommandent de mettre en place En aigu, les AINS per os en cas de crise douloureuse
des consultations d’information sur l’intérêt des et, parfois, une injection de glucocorticostéroïdes
activités physiques et sportives. Marks et allegrante en intra-articulaire en cas de gonflement seront
ont montré l’intérêt d’améliorer le sentiment de utilisés en tenant compte des effets secondaires.
confiance en soi chez des arthrosiques qui veulent L’application locale d’AINS sera privilégiée. Bien
faire de l’activité physique, de leur fournir un évidemment, la répétition des injections intra-
support social, de favoriser la prise en compte et articulaires de corticoïdes est déconseillée dans
l’analyse de leur progrès par eux-mêmes. la même articulation, on dépasse très rarement
Quant à la compétition ou la pratique intensive deux injections par an. En cas d’épisode congestif
des sports «  à risque  » (Figure  10.10), sauf cas d’arthrose, on déconseillera la pratique des acti-
très particulier, la réorientation vers des pratiques vités physiques et sportives pendant la poussée  ;
sportives dites portées et/ou moins contrai- en cas d’injection de corticoïdes, on laissera de 2
gnantes (Figure  10.11) semble de bon sens pour à 7 jours de repos à l’articulation, même si aucun
la protection du capital cartilagineux du patient. consensus n’existe sur cette durée.

Figure 10.11. Les exercices de grande intensité ne sont pas adaptés aux patients arthrosiques.
Source : Mobasheri A, Batt M. An update on the pathophysiology of osteoarthritis. Annals of Physical and Rehabilitation Medicine 2016 ;
59(5-6) : 333-339.
358 Traumatologie en pratique sportive

Dans le cadre d’une prise en charge chronique, sur genu varum et tibia en rotation externe avec
les injections intra-articulaires d’acide hyaluro- un effet antalgique reconnu.
nique dites de viscosupplémentation peuvent être On connaît le rôle thérapeutique sur la douleur
proposées avec des résultats inconstants (50 % de arthrosique des exercices de renforcement mus-
bons résultats environ), ce qui a amené la Haute culaire avec ou sans charge d’intensité faible à
Autorité de santé (HAS) à proposer le dérem- modérée (par exemple, dix répétitions à 60 % de
boursement de ces produits. En pratique, certains la résistance maximale en musculation).
sportifs étant bons répondeurs, il n’est pas inutile
de faire un test thérapeutique dans le respect des
précautions d’usage.
L’évolution du traitement de l’arthrose du Conclusion
sportif s’oriente vers la médecine dite régénérative
et en particulier vers deux voies : L’activité physique modérée et régulière ne pré-
• la première date d’une quinzaine d’années en vient pas l’arthrose, mais elle en diminue et en
médecine du sport, c’est l’usage des facteurs retarde le risque de survenue. Le sport intensif ou
plaquettaires de croissance (PRP) ; l’activité physique intensive et/ou mal conduite
• la seconde est plus récente, c’est l’usage des cel- sont arthrogènes sur les articulations sollicitées.
lules souches autologues soit adipocytaires, soit Lorsque le sujet est arthrosique, les études sur les
médullaires avec différenciation en direction du pratiquants modérés concluent à l’amélioration
cartilage. des capacités fonctionnelles et à une diminu-
On n’évoquera pas ici les techniques orthopé- tion des douleurs grâce à l’action sur l’environne-
diques qui vont de la stimulation de la moelle sous ment musculaire de l’articulation atteinte et sur
l’os sous-chondral (par microfracture ou mosaïco- ses amplitudes articulaires.
plastie) au remplacement total (voir chapitre voir En prévention primaire, on recommande une
chapitre 10.4, ci-dessous). activité physique ou sportive modérée et régulière.
Dans le cadre de l’injection de PRP, les pro- En prévention secondaire et tertiaire, on associe
tocoles ne sont pas encore totalement définis une éducation thérapeutique avec une pratique
et le consensus n’existe pas. Les résultats d’une d’activité physique encadrée au début par un
injection de PRP seule ou en association avec un masseur-kinésithérapeute  : un travail spécifique
acide hyaluronique sur les arthroses de hanche ou de renforcement musculaire sur toutes les moda-
de genou sont en cours d’étude. lités de contraction possible, d’étirement, de
La rééducation musculotendineuse en force et proprioception est effectué  ; puis une activité
en proprioception joue aussi un rôle essentiel en physique régulière globale est mise en place avec
termes de prévention secondaire de l’arthrose, des exercices d’aérobie d’intensité modérée à
surtout au niveau des muscles péri-articulaires. Les vigoureuse, de résistance modérée à vigoureuse,
protocoles post-injections restent encore à préci- de renforcement musculaire, d’équilibre et d’éti-
ser mais le renforcement et le travail du contrôle rement avec un éducateur sportif au sein d’une
neuromoteur sont obligatoires. L’apprentissage institution sportive, afin de renforcer l’adhésion à
des bons gestes techniques ou de leur modifica- la régularité de la pratique.
tion ainsi que le choix du matériel sportif sont L’activité physique n’est pas recommandée
essentiels. Concernant les semelles plantaires, elles lors des poussées de la maladie et même si
peuvent jouer un rôle de modification des appuis aucune preuve d’un effet délétère pour le cartilage
et des pressions par leur rôle dynamique et/ou n’existe dans cette situation, la mise au repos de
proprioceptif et ainsi diminuer les contraintes l’articulation a clairement un effet antalgique utile
comme dans une arthrose fémorotibiale interne avant le retour sur le terrain.
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 359

Points clés 4. Prothèses totales


• L’arthrose est une maladie du cartilage et de son de hanche ou de genou
environnement : tissu synovial, os sous-chondral.
• Le stress mécanique et l’inflammation sont des et sport
éléments clés de la genèse et de l’évolution de
l’arthrose. Y. Catonné
• Le sport intensif est une cause de développement de
l’arthrose par contrainte et hypersollicitation.
• Quelle que soit l’activité, tout non-respect de Les prothèses totales de hanche (PTH) et de
« l’intelligence articulaire », c’est-à-dire du bon place- genou (PTG) sont de plus en plus couramment
ment articulaire (bon geste technique), peut conduire à pratiquées. Actuellement, le nombre de PTH réa-
l’arthrose par augmentation des contraintes cartilagi-
lisées en France chaque année est d’environ 140
neuses.
• Les activités physiques et sportives avec impacts,
000. Le nombre de PTG est moindre (environ
sauts et torsions articulaires, et les sports de compé- 100  000/an) mais devrait augmenter de façon
tition avec impacts (sport de balle en équipe type importante dans les prochaines années et même
football, rugby…) et de contact sont déconseillés en cas dépasser celui des PTH, comme cela est déjà le cas
d’arthrose débutante. aux États-Unis. Les patients souhaitent retrouver
• En revanche, les activités physiques et sportives une activité quasi normale, et souvent reprendre
adaptées (exercices aérobies d’intensité modérée à les sports pratiqués par le passé. Le chirurgien
vigoureuse, renforcement musculaire avec ou sans est partagé entre le désir de faire reprendre une
charge d’intensité faible à modérée, gain d’amplitude
activité quasi normale, source d’équilibre physique
et proprioception), le mouvement articulaire et les
contraintes de l’articulation sans excès sont essentiels
et mental, à son patient et la crainte d’induire des
pour maintenir un capital cartilagineux fonctionnel. complications traumatiques ou microtraumatiques
La pratique des activités physiques et sportives sans liées à la présence des implants prothétiques.
contrainte importante permet de diminuer la douleur,
la raideur articulaire et l’amyotrophie. Elle contribue
à la fonction et à la qualité de vie en complément de
la rééducation. Quels sont les risques
• Il convient chez le sportif de privilégier la perte de
poids.
de la pratique du sport
• Le choix du sol de pratique plutôt souple est important. chez les porteurs
Les pratiques en milieux aquatiques, ainsi que les activi- d’une prothèse totale
tés physiques en glisse sont utiles. de hanche ou de genou ?
• Il est conseillé d’avoir une pratique régulière, rai-
sonnable et raisonnée, et qui sera suspendue lors
des périodes de poussées congestives de l’articulation Risque traumatique
arthrosique.
• L’usage des AINS pour la gestion de la douleur Il existe chez tout sujet pratiquant un sport, mais
arthrosique sera judicieux et sans abus du fait des nom- peut avoir des conséquences plus importantes
breux effets secondaires. Les AINS locaux sont intéres- chez les patients porteurs d’une PTH ou d’une
sants, car ils présentent moins d’effets secondaires. PTG. Le risque est largement dépendant du sport
• La viscosupplémentation est utile pour les arthroses pratiqué et du niveau sportif.
débutantes et modérées. Pour les PTH, le risque essentiel est celui d’une
• les corticostéroïdes en intra-articulaire sont utiles avec
luxation de la prothèse.
parcimonie (pas plus de deux injections par semaine)
pour la gestion de la douleur à court terme.
Pour les PTG, il existe en cas de traumatisme
un risque de rupture ligamentaire  : ligaments
360 Traumatologie en pratique sportive

collatéraux médial ou latéral, ligament croisé pos- Tableau 10.7. Forces exercées sur la hanche ou le genou
térieur sur prothèse postéro-conservée. en fonction du sport d’après Kuster
Les fractures périprothétiques après PTH ou Sport PTH PTG
PTG surviennent beaucoup plus souvent chez des Marche < 5 km/h 2,9 2,8
sujets âgés et ostéoporotiques qu’au cours de la Course à pied à 5 km/h 5 ?
pratique sportive.
Course à pied à 7 km/h 5,4 8
Course à pied à 12 km/h 6 10,3

Risque microtraumatique Vélo faible résistance (plat)


Vélo haute résistance (côtes)
0,5
1,4
1
1,2
Il est surtout représenté par l’usure des implants Ski alpin classique 4,5 3,5
et surtout celle du polyéthylène, elle-même source Ski alpin descente ou bosses 8 ?
d’ostéolyse et de descellement des implants : Skieur débutant ? 10
• pour les PTH, l’usure du polyéthylène varie 1 = 1 fois le poids du corps.
selon sa qualité, son épaisseur et surtout le PTG : prothèse totale de genou ; PTH : prothèse totale de hanche.
Source : Kuster MS. Exercice recommandations after total joint replacement :
couple formé par l’implant cotyloïdien et a review of the current literature and proposal of scientifically bases guidelines.
l’implant de la tête fémorale  : initialement, le Sports Med 2002 ; 32(7) : 433-45.
couple associait un polyéthylène conventionnel
à une tête métallique ; actuellement, ce couple
est de plus en plus souvent remplacé par l’un des
couples suivants  : métal/polyéthylène réticulé, On remarque que la pratique du cyclisme
métal/métal ou alumine/alumine qui diminue (terrain plat) entraîne des forces très peu impor-
de façon très importante le risque d’usure ; tantes à la fois sur la hanche (0,5 fois le poids du
• pour les PTG, le couple associe pratiquement corps) et sur le genou (1 fois), alors que pour
toujours un implant fémoral métallique et un la course à pied à 12  km/h, la force appliquée
implant tibial en polyéthylène. L’usure à long sur le genou est supérieure à 10, soit le double
terme n’est pas un motif très fréquent de révision de celle mesurée à la hanche. En plus de ces
contrairement au descellement. Elle dépend sur- mesures, il faut également faire intervenir la
tout du dessin des implants, de l’axe postopéra- notion de « pics de force » et leur fréquence au
toire dans les plans frontal, sagittal et rotationnel cours des différentes activités : ainsi, les pics sont
et de la qualité de la balance ligamentaire. plus importants au cours de la course à pied que
lors du golf ou du tennis. Toutefois, ces chiffres
doivent être tempérés par d’autres facteurs éga-
Quelles forces sont lement importants : niveau technique du sportif,
appliquées sur les pratique en sport de loisir ou en compétition,
implants au cours kilométrage.
des différents sports ?
Des mesures de pression exercée sur des PTH
et des PTG ont été faites in vitro (sur cadavre à
Quels conseils doit-on
partir de modèles mathématiques) et in vivo (en donner en fonction
implantant des capteurs de force chez des patients du sport pratiqué ?
porteurs de prothèse). Une étude réalisée par
Kuster résume bien les différences selon les sports Ces conseils varient en fonction de l’âge du
et entre hanche et genou (Tableau 10.7). patient, de son niveau sportif, de son poids et de
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 361

sa motivation. Ils dépendent également du type Tennis


de prothèse mis en place.
Il est en règle autorisé après PTH, plus discuté
après PTG. Au moins, la pratique du double chez
Marche et course à pied les joueurs de bon niveau technique est autorisée.
Les pressions retrouvées au cours de ce sport sont
La pratique de la marche représente l’un des
de 4 fois le poids du corps, mais les pics de pres-
objectifs d’une prothèse de hanche ou de genou.
sion sont nombreux.
Elle est bien entendu autorisée même en longue
durée et dépend alors surtout de l’état musculaire
du patient. Ski
La course à pied est habituellement autorisée
après PTH, surtout si cette dernière comporte un Au cours de la pratique du ski alpin, les chiffres
couple alumine/alumine ou est une prothèse de de pression au niveau du genou ou de la hanche
resurfaçage. Après PTG, elle est contre-indiquée varient de 3 à 10 fois le poids du corps (ski de des-
par la plupart des chirurgiens. Il faut mettre à cente), mais restent modérés en cas de pratique
part le cas des prothèses unicompartimentales, qui habituelle hors compétition. Le risque essentiel
conservent les ligaments croisés et pour lesquelles est celui d’une chute et on conseille aux skieurs
la course à pied est souvent autorisée. confirmés de skier à «  un niveau au-dessous de
leur niveau » préopératoire. On déconseille égale-
ment à un débutant de commencer à skier, s’il est
Natation et vélo porteur d’une prothèse.
Le ski de fond est facilement autorisé, mais avec
Comme la natation, le vélo est non seulement les mêmes réserves que pour le ski alpin.
autorisé mais même recommandé après une PTH
ou une PTG. Après cette dernière, de nombreux
coureurs à pied se mettent au vélo. Le risque Sports de contact
essentiel de ce sport est celui d’une chute pou-
vant entraîner une fracture, et il convient d’être Les sports de contact (football, rugby, handball,
prudent et d’éviter par exemple les parcours de basket-ball, hockey sur gazon ou sur glace, sports
VTT à risque. de combat) sont contre-indiqués après PTH ou
PTG, même si tous les chirurgiens ont quelques
opérés qui les pratiquent, au moins à l’entraîne-
Golf ment.
Les sociétés savantes ont établi des recomman-
Les pressions sur le genou peuvent être impor- dations qui sont résumées dans le Tableau 10.8.
tantes surtout du côté dominant, mais les pics En 1995, la Mayo Clinic a effectué une sélection
de force sont beaucoup moins nombreux qu’au assez restrictive des sports recommandés et non
cours de la course à pied. Ce sport est donc recommandés  ; toutefois, une nouvelle liste en
autorisé aussi bien après PTH qu’après PTG. 2005, complétée en 2009, a permis d’établir les
Une étude réalisée par Mallon a montré qu’en sports « autorisés chez les sportifs expérimentés ».
moyenne le golfeur reprenait 4 mois après une En fait, chaque cas est particulier et fait interve-
PTG, que son handicap augmentait de 4,6 points nir en premier lieu les motivations et l’expérience
et que son drive diminuait de 12,2 yards. sportive de l’opéré.
362 Traumatologie en pratique sportive

Tableau 10.8. Recommandations aux porteurs de PTH ou PTG


Sport Recommandé Autorisé Déconseillé Seulement chez les sportifs
expérimentés
PTH PTG PTH PTG PTH PTG
Marche + + + +
Natation + + + +
Cyclisme + + + +
Course à pied + +
Golf + +
Tennis simple + + +
Tennis double + +
Ski alpin + + +
Ski de fond + +
Football + +
Rugby + +
Handball + +
Basket-ball + +
Hockey + +
Sports de combat + +
Patinage + + +
PTG : prothèse totale de genou ; PTH : prothèse totale de hanche.

Pour en savoir plus Fredericson M, Bergman AG, Hoffman KL, Dillingham


MS. Tibial stress reaction in runners: correlation of cli-
Fractures de fatigue
nical symptoms and scintigraphy with a new magnetic
Miyamoto RG, Dhotar HS, Rose DJ, Egol K. Surgical treat-
resonance imaging grading system. Am J Sports Med
ment of refractory tibial stress fractures in elite dancers:
1995;23(4):472–81.
a case series. Am J Sports Med 2009;37(6):1150–4.
Reshef N, Guelich DR. Medial tibial stress syndrome.
Robertson GAJ, Wood AM. Return to sports after stress
Clinics in sports medicine 2012;31(2):273–90.
fractures of the tibial diaphysis: a systematic review. Br
Thacker SB, Gilchrist J, Stroup DF, Kimsey CD. The pre-
Med Bull 2015;114(1):95–111.
vention of shin splints in sports: a systematic review
Sanchez-Santos MT, Davey T, Leyland KM, Allsopp AJ,
of literature. Med Sci Sports Exerc 2002;34(1):
Lanham-New SA, Judge A, et al. Development of a
32–40.
prediction model for stress fracture during an inten-
Arthrose et sport
sive physical training program: The Royal Marines
Commandos. Orthop J Sports Med 2017;5(7). Bennell K, Hinman R. Exercise as a treatment for osteoar-
232596711771638. thritis. Curr Opin Rheumatol 2005;17(5):634–40.
Deyle GD, Allison SC, Matekel RL, Ryder MG, Stang JM,
Périostite Gohdes DD, et al. Physical therapy treatment effec-
Bennett JE, Reinking MF, Pluemer B, Pentel A, Seaton M, tiveness for osteoarthritis of the knee: a randomized
Killian C. Factors contributing to the development of comparison of supervised clinical exercise and manual
medial tibial stress syndrome in high school runners. therapy procedures versus a home exercise program.
J Orthop Sports Phys Ther 2001;31(9):504–10. Phys Ther 2005;85(12):1301–17.
Craig DI. Current developments concerning medial tibial Hilliquin P. Le sport chez l’arthrosique. Revue du Rhuma-
stress syndrome. Phys Sports Med 2009;37:39–44. tisme 2007 ; 74 : 587-
Devas, Michael B. Stress fractures of the tibia in athletes Kujala UM, Kaprio J, Sarna S. Osteoarthritis of weight
or shin soreness. J Bone Joint Surg Br 1958;40-B(2): bearing joints of lower limbs and osteoarthritis. Br Med
227–39. 1994;308:231–8.
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 363

Lane NE, Buckwalter JA. Exercise and osteoarthritis. Curr Prothèses totales de hanche ou de genou
Opin Rheumatol 1999;11(5):413–6. et sport
Marks R, Allegrante JP. Chronic osteoarthritis and adhe- Argenson JN. Activité physique et sportive après pro-
rence to exercise: a review of the literature. J Aging thèse totale de hanche et de genou. In  : Huten  D.
Phys Act 2005;13:434–60. Dir. 13 Mises au point en chirurgie de la hanche.
Petrillo S, Papalia R, Maffulli N, Volpi P, Denaro V. Osteoar- Cahiers d’enseignement de la SOFCOT. Issy-les-
thritis of the hip and knee in former male professional Moulineaux : Elsevier Masson ; 2012, p. 3-15.
soccer players. Br Med Bull 2018;125(1):121–30. Bonnin M, Laurent JR, Parratte S, Zadegan F, Badet R,
Rannou F, Sellam J, Berenbaum F. Physiopathologie de Bissey A. Can Patients really do sport after TKA?
l’arthrose : conceptions actuelles. La Presse Médicale Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2010;18:
2010;39(11):1159–63. 853–62.
Roos H. Are there long-term sequelae from soccer? Clin Clifford PE, Mallon W. Sport after total joint replacement.
Sports Med 1998;17(4):819–31. viii. Clin Sports Med 2005;24:175–86.
Van Baar ME, Assendelft WJ, Dekker J, Oostendorp Jassim SS, Tahmassebi J, Haddad FS, Robertson A. Return
RA, Bijlsma JW. Effectiveness of exercise therapy in to sport after lower limb arthroplasty. World J Orthop
patients with osteoarthritis of the hip or knee: a sys- 2019;10(2):90–100.
tematic review of randomized clinical trials. Arthritis Kuster MS. Exercice recommandations after total joint
Rheum 1999;42(7):1361–9. replacement: a review of the current literature and
Vigdorchik JM, Nepple JJ, Eftekhary N, Leunig M, proposal of scientifically bases guidelines. Sports Med
Clohisy JC. What is the association of elite sporting 2002;32(7):433–45.
activities with the development of hip osteoarthritis? Mallon WJ, Callaghan JJ. Total knee arthroplasty in active
Am J Sports Med 2017;45(4):961–4. golfers. J Arthroplasty 1993;8:299–306.
Chapitre 11
Pathologie microtraumatique
nerveuse et vasculaire

une élongation supérieure à 15 % conduisent à une


1. Syndromes canalaires altération durable de la vascularisation endoneurale,
du membre supérieur source d’un œdème qui va participer lui-même à
l’hyperpression locale. Dès lors, la conduction ner­
chez le sportif veuse va être compromise par plusieurs éléments :
ischémie locale, démyélinisation segmentaire et
B. Ferembach, A. Cambon-Binder enfin, à un stade tardif, dégénérescence wallérienne.
Le diagnostic repose sur un interrogatoire et un
examen clinique précis, qui permettent d’identifier
De nombreux sports exposent à un risque de la neuropathie compressive et d’en préciser la gra­
lésion nerveuse au membre supérieur. Ainsi, la pra­ vité. Il est complété par un électromyogramme et
tique sportive représente environ 6  % des causes le plus souvent par des examens d’imagerie (écho­
de syndromes canalaires. Un syndrome canalaire graphie, imagerie par résonance magnétique). Le
représente l’ensemble des signes neurologiques ou traitement chirurgical est proposé en cas d’échec
vasculaires objectifs et subjectifs liés à la souffrance d’un traitement conservateur. Il repose sur la
prolongée d’un nerf dans un défilé anatomique. libération du nerf par exoneurolyse dans le but de
On distingue deux types de causes : les compres­ prévenir l’installation d’une paralysie sensitivomo­
sions canalaires, lorsque le nerf est comprimé dans trice définitive par ischémie nerveuse.
un défilé ostéofibreux anatomique inextensible, Nous ne traiterons pas ici des compressions ner­
et les compressions purement dynamiques entre veuses consécutives aux fractures et aux luxations
un nerf et des rapports musculaires ou aponévro­ survenues lors de la pratique sportive, mais plutôt
tiques changeant lors des mouvements. Les nerfs des gestes et situations sportives qui peuvent
les plus touchés en contexte sportif sont par ordre induire un syndrome canalaire.
de fréquence le plexus brachial, le nerf ulnaire, le
nerf radial et le nerf axillaire.
Certains sports de contact ou sports de haute Plexus brachial
vélocité sont responsables de chocs violents qui
peuvent induire des compressions ou des tractions De nombreux sports de contact occasionnent
aiguës de nerfs particulièrement vulnérables dans des chocs violents au niveau des régions sus-
une portion de leur trajet dans un défilé anatomique, claviculaire et cervicale et peuvent entraîner des
entraînant des douleurs intenses et des paresthésies. lésions nerveuses  : rugby, football américain,
À l’inverse, les mouvements répétitifs vont provo­ sports de combat. La région haute du plexus bra­
quer des compressions chroniques par épaississe­ chial est la plus exposée. Ces traumatismes vont
ment des structures musculofibreuses avoisinant de la neurapraxie (bloc de conduction nerveuse
les nerfs entraînant des démyélinisations localisées. transitoire, sans interruption axonale) jusqu’à
Ainsi, une compression de plus de 30 mm Hg ou l’axonotmesis (rupture axonale voire périneurale,

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
366 Traumatologie en pratique sportive

dont la récupération clinique est lente et  aléa­ La compression du nerf suprascapulaire est
toire) comme le rapporte l’équipe de Clancy. rare au passage du défilé spinoglénoïdien mais
Lors des plaquages, au rugby ou au football fréquente à l’échancrure coracoïdienne. Clinique­
américain, ou lors de contacts violents, au hockey ment, elle se manifeste le plus souvent par une
ou à la lutte, lorsque l’épaule subit une compression amyotrophie des fosses supra- et infra-épineuses
tandis que la tête est tournée vers l’épaule opposée, non douloureuses. Parfois au contraire, une scapu­
un Burner syndrome (ou stinger syndrome) peut lalgie insomniante gênante est le motif de consul­
survenir. Il s’agit d’une traction de la partie haute tation du patient.
du plexus (racines C5 et C6), responsable de dou­ Du fait de ses points de fixité anatomique, le nerf
leurs intenses et de paresthésies non systématisées, est solidaire des mouvements de la scapula, ce qui
irradiant de l’épaule vers la main, et parfois d’une explique sa vulnérabilité aux microtraumatismes
faiblesse dans le membre supérieur. Généralement, répétés par étirements dans les sports avec armé
les symptômes disparaissent en quelques minutes, comme le tennis, le volley-ball ou le handball. Les
mais des cas de parésie prolongée ont été rapportés. signes cliniques évocateurs sont une reproduction
Les sportifs ne consultent pas forcément pour de la douleur à la pression du canal sus-scapulaire
cette pathologie dont les conséquences sont en arrière de la clavicule et de l’échancrure, ainsi
parfois imperceptibles immédiatement. Dans que le cross body adduction test qui place le membre
l’étude de Nissen, 70  % des sportifs blessés ont supérieur en antépulsion à l’horizontale et en
déclaré ne pas toujours rapporter leur traumatisme adduction, et peut déclencher la douleur en met­
qui pour certains (52 %) est survenu plusieurs fois. tant en tension le ligament scapulaire transverse.
Il est important d’éliminer dans ce contexte les L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
diagnostics différentiels de lésion du rachis cervical recherche un processus compressif dans l’échan­
(entorse grave, névralgie cervicobrachiale). crure spinoglénoïdienne  : kyste provenant d’une
La prévention de ce genre de traumatisme éventuelle fissure du labrum et signes de déner­
repose sur le port d’équipements sportifs adaptés vation musculaire. Le diagnostic est confirmé par
et le respect des règles de sécurité. Il n’y a pas de l’électromyogramme (EMG).
traitement spécifique. Le traitement est conservateur dans un premier
temps avec repos, prise orale d’anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS), infiltration d’un dérivé
Nerf suprascapulaire cortisonique. En cas d’échec après 6  mois, il est
possible d’envisager une neurolyse du nerf supras­
Le nerf suprascapulaire est un nerf mixte respon­ capulaire qui peut se faire à ciel ouvert ou sous
sable de l’innervation des muscles supraspinatus arthroscopie.
et infraspinatus et d’une partie des articulations
acromioclaviculaires et glénohumérales. Il naît
du tronc supérieur du plexus brachial (racines Nerf axillaire
C5-C6). Au cours de son trajet à la face postérieure
de la scapula, le nerf traverse successivement deux Le syndrome de l’espace quadrilatère est un syn­
défilés anatomiques, points de fixité avec l’origine drome canalaire fréquent chez le sportif dans lequel
du nerf : le nerf axillaire et l’artère circonflexe postérieure
• l’incisure scapulaire sous le ligament scapulaire sont comprimés dans le quadrilatère de Velpeau. Cet
transverse, avant de pénétrer la fosse supra- espace est limité en bas par le muscle teres major,
épineuse, où il donne la branche motrice à des­ en haut par le teres minor, en dedans par la longue
tinée du muscle supraspinatus ; portion du triceps brachial et en dehors par le bord
• l’échancrure spinoglénoïdienne entre l’épine interne de l’humérus. En abduction et rotation
de la scapula en dedans et le ligament spino­ externe, le quadrilatère devient un triangle et chez
glénoïdien en dehors, en aval de laquelle naît la les sportifs la compression axillaire est principale­
branche du muscle infraspinatus. ment due à une hypertrophie du teres minor.
Chapitre 11. Pathologie microtraumatique nerveuse et vasculaire 367

Elle se manifeste par une douleur du moignon de une radiographie cervicale, une IRM du plexus
l’épaule et d’une sensation de faiblesse de l’épaule, brachial, un EMG et un examen visualisant les
tout particulièrement lors des mouvements d’ab­ vaisseaux sus-claviculaires. Le traitement médical
duction, d’antépulsion et de rotation externe du repose sur une rééducation spécialisée : renforce­
bras. Des paresthésies latérales de l’épaule et de la ment des muscles suspenseurs de l’épaule, travail
face postérieure du bras sont plus rares. À l’exa­ en antépulsion de l’épaule. En cas d’échec, un
men, on peut retrouver une douleur à la palpation traitement chirurgical peut s’envisager en cas de
de la face postérieure du quadrilatère de Velpeau et bonne concordance clinique et paraclinique.
une parésie du deltoïde, sans déficit sensitif associé.
Le bilan paraclinique comprend un EMG et un
Doppler artériel ou une artériographie mettant en Nerf thoracique long
évidence une occlusion de l’artère circonflexe pos­
térieure quand le bras est en abduction. Le nerf thoracique long, ou nerf de Charles Bell,
Ce syndrome peut survenir plusieurs semaines est un nerf issu de la partie antérieure des racines
ou mois après un traumatisme de l’épaule, ou C5-C6-C7  ; il innerve le serratus antérieur. Du
chez les sportifs pratiquant un sport avec armé. fait de son trajet, il peut être étiré dans les mouve­
Des bandes fibreuses tendues entre les muscles ments d’abduction et rotation externe extrêmes
bordant l’espace quadrilatére peuvent alors être d’épaule (notamment dans le geste de service au
observées. Il a ainsi été retrouvé chez les lanceurs tennis où la mobilité de la scapula est maximale
de javelot des paresthésies axillaires qui sont et où le bras réalise une circumduction quasi
résolutives après quelques semaines de repos. En complète). La conséquence est une paralysie du
cas d’échec, la neurolyse donne généralement des serratus antérieur qui se manifeste par une scapula
résultats satisfaisants. alata : difficulté à l’élévation du bras, décollement
du bord spinal de la scapula déclenché lors de
la manœuvre des «  pompes  » sur le mur. Le
Syndrome de la traversée diagnostic est confirmé à l’EMG. L’éviction du
thoracobrachiale geste et l’arrêt du sport sont de rigueur jusqu’à
la récupération qui survient le plus souvent spon­
Les scalènes sont des muscles inspiratoires, rota­ tanément dans l’année. La neurolyse n’est propo­
teurs et fléchisseurs du cou. Ils sont particulière­ sée qu’en cas de persistance des troubles au-delà
ment sollicités dans les sports où l’arc de mobilité de ce délai.
de l’épaule est maximal (tennis, natation, jave­
lot…). Une hypertrophie de ces muscles peut être
responsable d’une compression principalement des Nerf musculocutané
racines C8 et T1 du plexus brachial appelée syn­
drome de la traversée cervico-thoraco-brachiale. Le nerf musculocutané naît du tronc secondaire
Cliniquement, il se manifeste par des douleurs, antérolatéral du plexus brachial issu des racines
souvent localisées dans les trois doigts internes C5-C6-C7. Après s’être écarté de l’artère axil­
de caractère positionnel (épaule en abduction– laire, il pénètre le muscle coracobrachial environ
rotation externe), et un déficit moteur à la main. 6 cm sous l’apophyse coracoïde avant de quitter
Les signes cliniques les plus sensibles sont la son bord antérolateral à la partie moyenne du
manœuvre de Roos (paresthésies déclenchées dans bras. Il chemine ensuite entre le biceps brachial
la position d’armé) et le pseudo-signe de Tinel en avant et le brachialis en arrière, muscles dont il
(paresthésies déclenchées à la percussion) au creux assure l’innervation motrice. Puis il sort au bord
sus-claviculaire. externe du tendon du biceps pour perforer le fas­
Une apophysomégalie de C7 ou une malfor­ cia brachial. À ce niveau, les fibres nerveuses res­
mation de la première côte peuvent participer à la tantes sont purement sensitives ; elles constituent
compression de la racine T1. Le bilan comprend le nerf cutané latéral de l’avant-bras dont les deux
368 Traumatologie en pratique sportive

branches terminales innervent la zone externe de pertinents à réaliser sont l’EMG, l’échographie
l’avant-bras jusqu’à la base de l’éminence thénar. et des radiographies standard. Le traitement est
La traversée du muscle coracobrachial est le point initialement médical (éviction des gestes à risque,
de fixité du nerf où un étranglement, par exemple orthèse nocturne), mais en cas d’échec une neu­
par un renforcement fibreux, peut survenir. Chez rolyse chirurgicale peut être entreprise, complétée
les bodybuilders, l’hypertrophie coracobrachiale par une transposition antérieure du nerf ulnaire en
peut comprimer le nerf musculocutané, entraî­ cas d’instabilité post-neurolyse ou d’hypertrophie
nant des paresthésies du bord latéral de l’avant- du triceps brachial.
bras et une sensation de lourdeur des muscles
fléchisseurs du coude dont le traitement consiste
à éviter les gestes de flexion contrariée du coude Nerf radial à l’avant-bras
et le port de charges, et à se mettre au repos.
Chez des athlètes, une compression du nerf radial
entre le long supinateur et le biceps brachial ou dans
Nerf ulnaire au coude le canal radial entre les deux faisceaux du muscle
supinateur est possible.
Dans la région du coude, le nerf ulnaire peut La symptomatologie motrice est due à une
être comprimé à plusieurs niveaux  : entre le compression intermittente de la branche profonde
muscle triceps brachial et le septum intermus­ du nerf radial. Elle se manifeste tout particulière­
culaire médial, sous le ligament épitrochléo- ment dans un contexte de mouvements répétitifs
olécranien, sous l’arcade d’Osborne tendue entre de pronosupination, coude peu fléchi. Par ailleurs,
les deux chefs du muscle flexor carpi ulnaris et la branche sensitive du nerf radial peut également
enfin sous l’arcade d’Amadio et Beckenbaugh ten­ être comprimée dans certains sports comme le
due entre le chef huméral du flexor carpi ulnaris et volley-ball avec les réceptions dites «  en man­
le flexor digitorum superficialis. Une hypertrophie chette » avec les deux mains jointes en supination.
d’un des muscles sus-cités peut entraîner une Les chocs répétés peuvent entraîner des pares­
compression du nerf  : par exemple, celle du tri­ thésies vers le dos du poignet, dans le territoire
ceps brachial chez les haltérophiles ou les adeptes sensitif du nerf radial. Le traitement est médical
des pompes et des tractions. Un autre facteur avec antalgiques, anti-inflammatoires, arrêt du
étiologique de la neuropathie ulnaire au coude sport et physiothérapie.
est son élongation répétée lors des mouvements
de flexion–extension du coude, et plus encore
dans les sports responsables d’une laxité du liga­ Nerf médian à l’avant-bras
ment collatéral médial du coude avec déformation
dynamique en valgus du coude. Tennis, handball Une hypertrophie du muscle pronator teres, un
et base-ball sont des sports avec des mouvements épaississement du lacertus fibrosus ou de l’arcade
répétitifs entraînant de fortes contraintes sur le du muscle flexor digitorum superficialis peuvent
coude dominant (vitesse angulaire de 4500°/s sur entraîner une compression proximale du nerf
certains mouvements comme le lancer du pitcher médian. Survenant après des efforts inhabituels
au base-ball ou le service au tennis). Le patient en pronosupination de l’avant-bras, cette neuropa­
se plaint de paresthésies dans les deux derniers thie a habituellement une expression uniquement
doigts, de douleurs au coude et dans les stades sensitive d’installation subaiguë. Elle se manifeste
plus évolués d’une faiblesse à la main. Les signes par des douleurs à l’effort du tiers proximal de
cliniques à rechercher sont un déficit objectif sen­ l’avant-bras pouvant irradier vers la main, associées
sitif ou moteur dans le territoire ulnaire à la main, à des paresthésies dans le territoire du médian à la
un pseudo-signe de Tinel à la percussion du nerf main. Celles-ci peuvent être déclenchées par une
en regard de sa zone de compression, un elbow contraction contrariée du pronator teres, du biceps
flexion test positif. Les examens complémentaires brachial ou du flexor digitorum superficialis.
Chapitre 11. Pathologie microtraumatique nerveuse et vasculaire 369

Les bandes de maintien d’avant-bras utilisées par Conclusion


certains sportifs souffrant d’épicondylalgie (tennis-
elbow et golf-elbow) peuvent également comprimer En dehors de rares lésions aiguës du plexus bra­
le nerf interosseux antérieur, lorsqu’elles sont trop chial par étirement, les syndromes canalaires sont
serrées. Dans ce cas, les symptômes sont purement généralement diagnostiqués au stade chronique
moteurs et concernent le flexor pollicis longus devant un tableau douloureux et des symptômes
et le fléchisseur profond de l’index. Une fois le déficitaires objectifs sensitifs et/ou moteurs. La
diagnostic confirmé par l’EMG, le traitement est répétition importante de certains gestes dans la
principalement médical (orthèses de repos, éviction pratique du sport en compétition est suscep­
des gestes à risque). Une neurolyse sera effectuée tible d’entraîner des compressions nerveuses par
en cas d’échec. hypertrophie musculaire ou élongation répétée de
certains nerfs dans des défilés anatomiques.
Nerf médian au canal L’examen clinique doit être méticuleux, afin
d’éliminer les nombreuses causes locales tendi­
carpien nomusculaires de symptômes analogues, et est
systématiquement complété par un EMG. Des exa­
De nombreux sports – golf, cyclisme, tennis, aviron mens d’imagerie – échographie et IRM – doivent
mais surtout bodybuilding – comportent un risque être prescrits. Le traitement dépend de la cause
accru de syndrome du canal carpien. Les méca­ de compression mais commence toujours par un
nismes physiopathologiques sont dans ces cas une traitement médical associant des antalgiques, des
hypertrophie des masses musculaires de l’avant-bras AINS, de la physiothérapie et l’arrêt du sport ou
(bodybuilding), une synovite des tendons des flé­ au moins une modification du geste délétère. Le
chisseurs par hyperutilisation, ou une compression traitement chirurgical est à réserver aux cas d’échec
directe du talon de la main (tennis, golf, cyclisme). du traitement médical. La prévention passe par une
La présentation clinique et neurophysiologique est adaptation des règles et du matériel sportif, un bon
similaire à celle rapportée dans le syndrome du canal échauffement et une bonne hydratation.
carpien idiopathique. Le traitement est médical ou
chirurgical en cas d’échec du traitement  médical
ou de signe clinique et électromyographique de
gravité. 2. Syndromes canalaires
du membre inférieur
Nerf ulnaire au canal O. Fichez
de Guyon
Le nerf ulnaire est particulièrement vulnérable au Les syndromes canalaires du membre inférieur
poignet et à la main. Certains sports sont respon­ résultent de l’étroitesse de certains défilés anato­
sables de traumatismes directs du nerf  : cyclisme, miques souvent associée à des facteurs dynamiques
volley-ball. Chez les athlètes handicapés utilisateurs posturaux, voire traumatiques.
du fauteuil roulant manuel, parcourant près de Leur physiopathologie tient à la compression
100 km par semaine à l’entraînement, il a été retrouvé mais aussi à l’étirement des fibres nerveuses en
50  % de compressions du médian (dont 90  % de même temps qu’à des facteurs ischémiques.
manière bilatérale), 25  % de neuropathies ulnaires L’examen clinique et la connaissance anatomique
au poignet et 25 % au coude, 17 % de neuropathies sont fondamentaux et permettent d’orienter les
radiales. L’examen clinique et l’EMG permettent investigations complémentaires en particulier vers
de différencier cette atteinte d’une compression du l’examen électrophysiologique. De plus, on utilise
nerf ulnaire au coude ou d’une atteinte des racines l’échographie dynamique, examen de plus en plus
C8 et T1 du plexus brachial. performant.
370 Traumatologie en pratique sportive

Compression du nerf genou et de la région infrapatellaire irradiant à la


saphène au tiers face interne de jambe.
L’examen clé repose sur cette zone gâchette au
inférieur de cuisse niveau du canal de Hunter qui reproduit le vécu
du sportif et qui permet alors un test anesthésique
Anatomie prudent compte tenu de la proximité de l’artère
fémorale entraînant une disparition de la douleur.
Le nerf saphène (ancien nerf saphène interne) est
une branche terminale du nerf crural exclusive­
ment sensitif qui descend depuis le ligament Examens complémentaires
inguinal à proximité de l’artère fémorale jusqu’au
canal de Hunter (figure 11.1) qui est un repli apo­ Les examens complémentaires reposent sur l’élec­
névrotique du moyen adducteur. Il perfore alors tromyographie prudente compte tenu de la proxi­
le canal dont l’épaississement microtraumatique mité de l’artère fémorale superficielle. L’utilisation
va créer la source d’agression potentielle de ce de petites sondes de 21 MHz permet d’objectiver
nerf pour se situer en arrière du muscle sartorius. parfois le renflement du nerf lors de son passage
Il présente deux branches de division : l’une patel­ dans le canal de Hunter.
laire interne (nerf infrapatellaire) essentiellement
lésée lors de la chirurgie du genou par prise de
greffon du tendon rotulien lors de ligamento­ Traitement
plastie croisée ; l’autre à la face interne de jambe
qui peut être classiquement lésée en chirurgie Le traitement est initialement médical  : réédu­
phlébologique lors des saphénectomies. cation, étirements, massages transverses. Mais
parfois l’importance de la douleur doit amener
Clinique à un geste infiltratoire qu’il faudra systématique­
ment effectuer sous échographie compte tenu de
La sémiologie repose sur une douleur, à type de la proximité de l’artère fémorale superficielle.
brûlure, de dysesthésies, de la face interne du En cas d’échec, le traitement chirurgical peut
reposer sur une neurolyse ou plus volontiers sur
une neurectomie. Toutefois, Mozes rapporte des
résultats assez décevants avec seulement 40 % de
succès. Les récidives après neurolyse semblent
dues à la réapparition de la fibrose.

Atteintes neurotronculaires
du nerf fibulaire et de
ses branches fibulaires
superficielles et profondes
Atteinte du nerf fibulaire commun
Anatomie
Le nerf fibulaire émerge de la partie supérieure du
creux poplité (figure 11.2) par division terminale
du nerf sciatique. Il s’oriente vers la face antéro-
Figure 11.1. Canal de Hunter et nerf saphéne. externe de la fibula qu’il contourne par sa face
Source : Carole Fumat. latérale. Il est fragilisé à ce niveau car simplement
Chapitre 11. Pathologie microtraumatique nerveuse et vasculaire 371

prolongée accroupie (carreleur), voire plus rare­


ment d’une instabilité tibiofibulaire supérieure.
Les atteintes purement canalaires sont plus rares.

Clinique
Le tableau peut s’exprimer de manière caricaturale
par un steppage avec parésie de l’éversion du pied,
mais le plus souvent, la sémiologie reposera sur une
atteinte de la branche terminale sensitive et à un
degré moindre de la branche terminale motrice. La
douleur s’exprime à type de brûlure, de dysesthésie
et touche toute la face externe de jambe.
Le signe de Tinel est positif au col de la fibula.

Examens complémentaires
L’électromyographie montre un ralentissement
des vitesses sensitives au col de la fibula après
stimulation intradermique de la face antérieure de
la cheville. Cet examen permet par ailleurs de juger
Figure 11.2. Division du nerf sciatique au creux poplité
en nerf tibial et nerf fibulaire commun. de l’intensité de la dénervation et de la qualité de la
Source : Carole Fumat. réinnervation. Il permet par ailleurs de différencier
cette atteinte d’une compression de L5 qui touche
recouvert de tissu cellulograisseux sous-cutané. alors, d’un point de vue moteur, le moyen fessier
Poursuivant sa course, il perfore alors le chef et le tibial postérieur.
supérieur du muscle long fibulaire dont les fibres L’imagerie par échographie à l’aide de sondes
forment une sorte d’arche musculotendineuse. à haute fréquence est devenue très performante
Cette structure anatomique est souvent dénom­ pour le suivi du nerf fibulaire et de ses branches
mée « canal fibulaire ». de division.
Il existe de fait deux zones à risque : la tête de
la fibula et le canal fibulaire.
Le nerf se divise alors en deux branches : Atteinte du nerf fibulaire profond
• le fibulaire superficiel (ancien nerf musculocutané
de la jambe) qui oblique quasi perpendiculaire­ Anatomie et physiopathologie
ment et va donner des rameaux moteurs à la Au niveau de la cheville, il s’engage sous le reti­
face antérolatérale de jambe au court et au long naculum antérieur (figure  11.3), encore appelé
fibulaire ; tunnel tarsien antérieur. Ceci explique l’implication
• le fibulaire profond (ancien nerf tibial antérieur) technopathique chez les sportifs liée à des chaus­
qui va innerver le tibial antérieur, l’extenseur sures montantes (ski, wakeboard, ski nautique,
propre de l’hallux, l’extenseur commun super­ patin à glace, randonnée…) responsables de téno­
ficiel et le 3e  fibulaire. Plus bas situé, il va synovites associées du tibial antérieur, de l’exten­
s’engager à la face antérieure de la cheville sous le seur de l’hallux et de l’extenseur commun.
retinaculum.
Clinique
Physiopathologie
Le sportif décrit souvent des sensations de brû­
D’un point de vue sportif, l’atteinte résulte d’un lures, de dysesthésies à l’effort liées à la chaussure.
choc direct (football), d’un croisement prolongé La palpation retrouve souvent une crépitation
de jambe (yoga, méditation), d’une position assise ténosynoviale des extenseurs sous le retinaculum.
372 Traumatologie en pratique sportive

Figure 11.3. Anatomie frontale de la loge antérieure


de cheville.
Source : Carole Fumat.
Figure 11.4. Territoire sensitif du nerf fibulaire.
Source : Carole Fumat.
Le déficit moteur du court extenseur de l’hallux
est inconstant à la différence de l’hypoesthésie du
Clinique
1er espace beaucoup plus fréquente.
Les doléances reposent sur des sensations pares­
Examens complémentaires thésiques et/ou de brûlures cutanées de la face
dorsale du pied. Ce tableau s’exprime essentielle­
L’EMG montre un allongement des latences dis­ ment à l’effort. On retrouve alors souvent une
tales du tibial antérieur et une atteinte neurogène hypoesthésie épicritique et nociceptive de la face
du court extenseur. dorsale du pied à l’exception du 1er espace.
L’échographie, outre sa performance grâce aux
sondes à haute fréquence, permet d’objectiver les Examens complémentaires
ténosynovites associées.
L’échographie est actuellement, grâce aux sondes
de haute fréquence, très performante pour objec­
tiver le nerf au niveau de sa traversée du septum
Atteinte du nerf fibulaire ainsi que ses deux branches de division. En
superficiel outre, l’échographie dynamique pourra objectiver
Anatomie et physiopathologie le piège (entrapment) ainsi que les lésions ténosy­
noviales associées.
Au tiers inférieur de jambe, il perfore l’aponé­
vrose superficielle du long fibulaire à environ
11 cm au-dessus de la malléole, ce qui implique Points clés : atteinte du nerf fibulaire
là aussi une corrélation technopathique liée aux • L’atteinte du fibulaire commun peut être secondaire
chaussures à tige montante (ski alpin, rangers à un choc direct, une position assise ou un croisement
chez les militaires). Il peut également être étiré de jambe prolongé.
lors des cinématiques forcées en varus équin et • Parfois révélée par un déficit moteur (parésie ou/et
devra être systématiquement recherché en cas steppage), plus souvent par des troubles sensitifs, avec
d’entorse de cheville. Une fois traversé le septum, présence d’un signe de Tinel au col de la fibula.
• L’atteinte du nerf fibulaire profond résulte d’une
ce nerf fibulaire superficiel se divise en ses deux
compression directe, en particulier par chaussures
branches, le nerf cutané médial et le nerf cutané montantes (ski) entraînant un déficit moteur (court
dorsal intermédiaire responsable de la sensibi­ extenseur de l’hallux) et plus souvent des troubles
lité dorsale du pied à l’exception du 1er  espace sensitifs (hypoesthésie du 1er espace).
(figure 11.4).
Chapitre 11. Pathologie microtraumatique nerveuse et vasculaire 373

Il se divise alors en ses deux branches terminales :


• L’atteinte du nerf fibulaire superficiel peut être secon-
daire à un traumatisme en varus équin ou au port • le nerf plantaire interne qui passe à la face
prolongé de chaussures montantes. profonde de l’adducteur du gros orteil ;
• Les signes cliniques consistent en des paresthésies • le nerf plantaire externe qui s’oriente vers la loge
avec parfois une hypoesthésie de la face dorsale du pied. plantaire externe puis le tubercule du 5e métatar­
• Quel que soit le siège de l’atteinte, le diagnostic sien où il se divise en ses branches terminales des­
repose sur l’électromyogramme, l’échographie avec tinées à la face plantaire des 3e, 4e et 5e rayons.
sondes à haute fréquence, parfois l’échographie dyna- Le nerf calcanéen interne, décrit comme une
mique. 3e branche, naît au-dessus de l’adducteur du gros
orteil et est donc souvent épargné lors des processus
compressifs intracanalaires. Il chemine au niveau
Atteinte du nerf tibial du bord interne du tendon d’Achille puis de sa face
postérieure et devient alors sous-aponévrotique en
Anatomie se distribuant au plan cutané de la partie interne et
postérieure du talon pouvant simuler une aponé­
Le nerf tibial (ancien nerf sciatique poplité interne)
vrosite.
naît de la division terminale du sciatique à la partie
supérieure du creux poplité (figure  11.2)  ; à sa
partie haute, il peut être atteint lors d’une hyper­ Clinique
plasie du muscle gastrocnémien interne, alors
associée à un fréquent piège artériel, mais aussi La rare atteinte haute peut donner une paralysie
potentiellement au niveau de l’arcade de soléaire. des muscles du mollet et de la plante du pied. Le
Il descend le long de la face interne de jambe réflexe achilléen est alors aboli et s’accompagne
et s’engage sous le ligament annulaire interne d’une hypoesthésie plantaire avec la possibilité de
accompagné du pédicule artérioveineux entre le troubles trophiques (type neuropathie diabétique).
fléchisseur de l’hallux et le fléchisseur commun Le plus souvent, ce nerf tibial est comprimé au
superficiel (figure 11.5) réalisant le syndrome du niveau du ligament annulaire interne et réalise le
canal tarsien postéro-interne. syndrome du tunnel tarsien postéro-interne.

Figure 11.5. Canal tarsien postéro-interne.


Source : Carole Fumat.
374 Traumatologie en pratique sportive

La compression sous le ligament annulaire


• Il se manifeste par des paresthésies avec à l’examen
interne est favorisée par la ténosynovite fréquente hypoesthésie et un test de Tinel positif.
du tibial postérieur, des fléchisseurs de l’hallux • Les troubles moteurs sont souvent discrets ou
et du fléchisseur commun des orteils associée le absents.
plus souvent à un pied plat valgus accentuant • Le diagnostic est confirmé par l’EMG et l’échogra-
l’angulation du paquet vasculonerveux. Les pares­ phie.
thésies ne manquent pratiquement jamais à type • Le traitement est le plus souvent conservateur  :
de pied mort, de fourmillements, de douleurs, de suppression de la cause de compression, infiltration.
brûlures, apparaissant à la marche, à la station En cas d’échec, une neurolyse chirurgicale peut être
nécessaire.
debout prolongée, mais persistant parfois la nuit.
La compression rétromalléolaire interne repro­
duit  la sémiologie avec un test de Tinel positif. Atteinte du nerf sural
Une hypoesthésie est retrouvée à l’examen, alors
que le déficit moteur toujours discret, voire Anatomie
absent, au niveau de la flexion des orteils est
recherché par le signe du papier (papier placé sous Le nerf sural provient d’une anastomose avec
le gros orteil à la recherche d’une parésie du nerf la branche collatérale uniquement sensitive du
plantaire interne et sous le 2e orteil à la recherche nerf tibial et du rameau communiquant du nerf
d’une parésie du nerf plantaire externe). Un fibulaire commun. Il chemine à la face postérieure
chevauchement du gros orteil par le 2e  orteil et profonde du mollet en proximal et se dirige
lors de la flexion est l’expression d’une parésie de superficiellement au tiers inférieur de jambe. La
l’adducteur de l’hallux. L’atteinte isolée d’une des zone anatomique de compression résulte de la tra­
branches plantaires, interne et externe, est possible versée d’un dédoublement de l’aponévrose super­
si le conflit est situé à l’étage sous-malléolaire ou à ficielle réalisant une arcade inextensible. De fait,
la plante du pied, en particulier chez le coureur à l’ergonométrie des chaussures à tige montante (ski
pied. Des talalgies peuvent être l’expression d’une alpin) contribue à la genèse de ce syndrome.
compression fibreuse de la branche musculaire du
nerf plantaire externe ou encore d’une compres­
sion du nerf calcanéen interne pris en étau entre Clinique
le bord inférieur du calcanéum et l’aponévrose de
Le diagnostic est évoqué devant une douleur chro­
l’adducteur du pouce.
nique rebelle du mollet avec dysesthésies cédant au
repos. Le test de Tinel est souvent positif repro­
Traitement duisant le vécu du sportif. L’augmentation de la
douleur lors de la flexion plantaire passive et active
Ce traitement est d’abord médical par infiltration
du pied est inconstante. Un test anesthésique est
tangentielle entre la malléole interne et le tendon
souvent probant.
calcanéen au mieux sous échographie, en arrière
de l’artère tibiale postérieure. Ce n’est qu’en cas
d’échec qu’une neurolyse chirurgicale est propo­ Examens complémentaires
sée en poursuivant l’exploration sous l’adducteur
du gros orteil. L’EMG reste un élément clé du diagnostic. Il
est pratiqué de manière comparative et montre
Points clés : syndrome du tunnel tarsien une diminution des vitesses de conduction ainsi
qu’une réduction de l’amplitude du potentiel
• Secondaire à une compression du nerf tibial au sensitif optimisé dans les conditions dynamiques
niveau du ligament annulaire interne, il peut être
pied en flexion plantaire.
favorisé par une synovite du tibial postérieur ou des
L’échographie est devenue très performante
fléchisseurs des orteils.
grâce aux sondes à haute fréquence et permet un
Chapitre 11. Pathologie microtraumatique nerveuse et vasculaire 375

examen dynamique en flexion plantaire passive et aviron. Cette affection est plus fréquente du côté
active. Elle permet de bien voir les branches de gauche (trois fois sur quatre).
division du nerf sural, le plus souvent en aval de la Anatomiquement, la lésion se présente comme
zone de compression. un épaississement pariétal blanchâtre siégeant sur
l’artère iliaque externe sur une partie ou la totalité
de la circonférence, lié au dépôt de fibroblastes
Traitement (figure 11.6). Elle serait secondaire à la répétition
Il repose sur l’ergonométrie de la chaussure à tige des mouvements de flexion de hanche entraînant
montante. En cas d’échec, l’infiltration est au mieux de véritables plicatures de l’artère et favorisée par
guidée par l’échographie qui permet d’objectiver certains facteurs anatomiques et hémodynamiques
la dilatation du dédoublement aponévrotique. (hyperdébit systolique). L’artère iliaque externe
En cas d’échec, le traitement chirurgical par libéra­ étant la portion mobile de l’axe iliaque, lors du
tion du conflit au niveau du dédoublement aponé­ mouvement de pédalage, l’artère iliaque externe
vrotique est quasi constamment efficace. rapproche ses deux points d’ancrage  : l’artère
iliaque interne en proximal et, en distal, le pas­
sage sous l’arcade crurale, où elle est fixée par
les artères iliaques, circonflexes et épigastriques.
3. Pathologie vasculaire Ces mouvements engendrent des microfractures
microtraumatique intimales dont les lambeaux constituent un obs­
tacle hémodynamique dans les conditions de
l’hyperdébit. Ces lambeaux sont souvent très fins
F. Koskas, Y. Catonné
et échappent volontiers à la définition du scanner.
Même l’artériographie peut être peu parlante
Des lésions vasculaires ont également été décrites si les conditions n’en sont pas parfaites. En
chez les sportifs et tout particulièrement l’endofi­ dehors de l’artère iliaque externe, d’autres locali­
brose artérielle qui intéresse surtout l’artère iliaque sations ont été décrites : artère iliaque primitive,
externe et représente typiquement la pathologie artère fémorale profonde, artère quadricipitale.
microtraumatique par répétition des mouvements. Les lésions primordiales peuvent engendrer des
complications endo-artérielles comme une sté­
nose permanente hyperplasique et toute la gamme
Endofibrose artérielle des complications thrombo-emboliques.

Épidémiologie et
physiopathologie
L’endofibrose artérielle survient préférentielle­
ment chez le cycliste de haut niveau. Après le
premier cas de Mosiman et Walder en 1985, elle a
été décrite en 1986 par Chevallier. Elle siège
dans la grande majorité des cas sur l’artère iliaque
externe. Elle survient préférentiellement chez
le cycliste âgé de  20 à  30  ans, ayant commencé
la compétition assez tôt et ayant une quan­
tité d’entraînement importante (en moyenne
120 000 km parcourus au moment de l’apparition
des symptômes). D’autres sports ont été incrimi­ Figure 11.6. Aspect peropératoire d’une endofibrose
iliaque externe : épaississement pariétal blanchâtre
nés, toujours des sports d’endurance : marathon entraînant une sténose artérielle à l’effort.
ou marche athlétique, triathlon, ski de fond, Source : P. Feugier.
376 Traumatologie en pratique sportive

Clinique rects que sont un allongement ou une plicature


de l’artère ou une dilatation en aval de l’obs­
L’interrogatoire est très important et précise le ni­ tacle. L’artériographie semi-sélective, avec des
veau sportif et le kilométrage parcouru. La douleur vues agrandies sur le tiers moyen de l’iliaque
est le maître symptôme : elle siège au niveau de la externe, est un peu plus performante, mais il
cuisse, survient au moment d’un effort maximal faut bien souvent plus deviner que voir l’obstacle
(montée des côtes, sprint) et disparaît au repos. (figure  11.7). L’artériographie dynamique en
Sont également évocateurs une «  douleur paraly­ flexion montre bien la plicature et révèle parfois
sante  » de cuisse et une «  impression de cuissard l’obstacle. L’angioscopie est l’examen qui montre
trop serré  ». Plus tardivement, une claudication le mieux l’obstacle mais ses modalités actuelles en
intermittente surale ou des épisodes d’ischémie limitent l’usage au bloc opératoire.
subaiguë peuvent survenir.

Traitement
Examens complémentaires
Pour permettre le maintien de l’activité sportive,
L’Échographie Doppler de repos n’est positive le traitement doit être chirurgical. Le traitement
que dans les cas très avancés. C’est l’épreuve antiagrégant plaquettaire seul ne se justifie que
d’effort sur home trainer qui apporte en général chez les retraités peu gênés. Le traitement endo­
le diagnostic : la pression à la cheville s’effondre vasculaire par angioplastie transluminale, avec ou
dès les premières minutes par comparaison à sans stent, a été vite abandonné par la plupart des
l’autre côté. Il ne faut pas trop compter sur équipes car les résultats en sont sinon médiocres,
l’angioscanner et encore moins sur l’angiographie parfois aggravants. Chevallier et Feugier (à Lyon)
par résonance magnétique (ARM) pour montrer ont parfaitement codifié le traitement chirurgical
l’obstacle car les dimensions de celui-ci échappent qui a pour étapes l’angioscopie qui désigne le
en général à la définition de ces examens. En segment pathologique de l’artère, la résection de
revanche, ces examens montrent les signes indi­ ce segment et soit l’anastomose directe, si l’excès

Figure 11.7. Endofibrose de la fémorale profonde chez un cycliste professionnel.


a. Du côté gauche, endofibrose : noter la discrétion des signes malgré la qualité de l’artériographie. b. Artériographie
controlatérale du même patient montrant la thrombose de la fémorale profonde expliquant une claudication de la cuisse
après 50 km parcourus.
Chapitre 11. Pathologie microtraumatique nerveuse et vasculaire 377

de longueur de l’artère et la brièveté du segment après l’autre les trois axes de jambe par mécanisme
pathologique la permettent, soit l’interposition embolique. La compression veineuse peut résulter
d’un greffon. Le calibre de cet éventuel greffon en des phlébites «  d’effort  » à répétition. Les
doit être dimensionné en prévision de l’effort. sports le plus souvent concernés sont le football,
La saphène crurale ne convient que si son calibre le tennis, l’escrime, le basket-ball, la natation
est nettement suffisant. Sinon, les prothèses arté­ et le culturisme.
rielles modernes donnent d’excellents résultats à la La symptomatologie montre une claudication
condition de prévoir un bon calibre. Après l’inter­ qui fait décliner les capacités sportives en cours de
vention, 6 à 12 mois de repos sportif s’imposent performance. Il apparaît alors « en cours de match »
sous un traitement antiagrégant plaquettaire que une fatigue intense, puis une paralysie de la jambe
l’on ne peut interrompre in fine que si le montage concernée. Dans les cas typiques, le diagnostic
clinique est possible avec l’abolition d’un ou
ne comporte pas de greffon synthétique.
des deux pouls distaux lors de la flexion dorsale
ou plantaire. L’abolition permanente d’un pouls ou
Points clés : endofibrose iliaque externe la persistance d’un œdème doivent faire recher­
cher une complication thrombo-embolique. Un
• Liée à un épaississement pariétal siégeant sur l’artère
anévrisme post-sténotique doit être systématique­
iliaque externe par dépôt de fibroblaste, elle survient
ment recherché comme une masse battante et
préférentiellement chez le cycliste de haut niveau.
surtout expansive dans le creux poplité.
• Se manifeste par une douleur de cuisse au moment de
l’effort maximal, disparaissant au repos.
L’échographie Doppler dynamique suffit en
• L’angioscanner peut montrer des signes indirects, général à affirmer le diagnostic, mais les exa­
mais c’est surtout l’artériographie dynamique en flexion, mens iodés sont indispensables pour identifier
voire l’angioscopie, qui permet le diagnostic. correctement l’agent vulnérant et faire l’inventaire
• Le traitement est chirurgical et permet la reprise préthérapeutique des complications. La présence
sportive dans la grande majorité des cas. d’un faisceau musculaire anormal entre artère et
veine en échographie est pathognomonique des
pièges typiques, et est retrouvée par le scanner
ou l’IRM. Plus simplement, la désaxation des
Artère poplitée piégée axes vasculaires dans le plan coronal est évoca­
trice. L’artériographie et la phlébographie avec
Il s’agit d’un syndrome canalaire relativement épreuves dynamiques restent la méthode diagnos­
fréquent mais qui n’entraîne des conséquences tique la plus précise (figure 11.8).
pathologiques que du fait de la répétition des
mouvements du genou comme la flexion–
extension et la flexion dorsale et plantaire du
pied, particulièrement en charge. L’artère ou la
veine poplitée ou les troncs tibiofibulaires subis­
sent lors de ces mouvements une compression,
voire une percussion répétée, par un agent vulné­
rant qui est le plus souvent un faisceau anormal
du gastrocnémien mais peut aussi être l’arcade du
soléaire, voire la coque condylienne. La présence
d’anomalies angulaires du genou, en particulier
en genu recurvatum, favorise ces syndromes. Il
peut résulter de ce microtraumatisme répété une
hyperplasie intimale qui transforme l’obstacle
Figure 11.8. Piège poplité chez un jeune footballeur.
hémodynamique transitoire en un obstacle per­
Noter la désaxation coronale de l’artère, la quasi-occlusion
manent. Encore plus lourds de conséquences sont intrinsèque par hyperplasie dès le repos et la disparition
une thrombose pariétale et un anévrisme post- du flux direct en flexion plantaire. Dans cette position,
sténotique qui peuvent détruire à bas bruit l’un c’est la collatéralité qui remplit la tibiale antérieure.
378 Traumatologie en pratique sportive

Le traitement est chirurgical et consiste en concertation multidisciplinaire associant l’ortho­


une libération exhaustive de l’artère et de la pédiste et le chirurgien vasculaire.
veine de l’anneau du grand adducteur à l’arcade
du soléaire. Tous les agents vulnérants doivent
Pour en savoir plus
être excisés. L’exhaustivité de la libération est
la seule garantie contre les récidives, voire Syndromes canalaires du membre inférieur
Delfaut E, Demondion X, Cotten A. Conflit nerveux de la
une aggravation, car un obstacle oublié va
cheville et du pied. Imagerie du pied et de la cheville.
forcément concentrer les contraintes chez un Monographie du Getroa et de la SIMS. OPUS XXIX.
sportif de haut niveau. Dans certains cas, la Montpellier: Sauramps Médical; 2002.
correction d’anomalies angulaires du genou Fabre A, Batisse J, Guillemot E, Potier L, Buisson P.
peut être nécessaire. Les complications doivent Compression du nerf fibulaire superficiel chez le spor­
aussi être corrigées comme la résection–anas­ tif. Journal de traumatologie du sport 1997;14:8–12.
Fabre T, Piton CH, Lasseur E, Durandeau A. Compres­
tomose d’une sténose hyperplasique ou la mise sion du nerf sural chez le sportif. Journal de trauma­
à plat–greffe d’un anévrisme, voire le pontage tologie du sport 1977;14:4–7.
veineux dans les cas les plus sévères. Sans ren­ Fichez O, Rochcongar P. Syndromes canalaires. In : Rivière
trer dans le détail de cette chirurgie vasculaire, D. Dir. Médecine du sport pour le praticien. 6e  éd.
il faut insister ici sur le fait que les techniques Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson ; 2020.
endovasculaires n’ont aucune place dans ce Kopell HP, Thompson VAL. Knee pain due to saphenous
nerve entrapment. New England Journal of Medecin
domaine chez le sportif sous peine de compli­ 1960 1960;263:351–3.
cations redoutables. L’Hoste-Trouilloud A, Guillin R, Demondion X, Bianchi
Après l’intervention, au moins 6  mois d’abs­ S, Cintas P, Cohen M, et  al. Le nerf périphérique.
tention sportive et une reprise progressive sont Monographie du Getroa et de la SIMS. OPUS XL.
indiqués. Les complications peuvent nécessiter un Montpellier : Sauramps Médical; 2015.
traitement antithrombotique. Pathologie vasculaire microtraumatique
Chevalier JM, Enon B, Walder J, Barral X, Pillet J, Megret
A, L’Hoste P, et al. Endofibrosis of the external iliac
artery in bicycle racers: an unrecognized pathological
Syndrome du soléaire state. Ann Chir Vasc 1986;1:297–303.
Chevalier JM, L’Hoste P, Bouvat E, Megret A, André JP,
Il s’agit d’un piège poplité atypique assez rare, Ruault P. L’endofibrose artérielle du sportif de haut
niveau : formes inhabituelles. Journal de traumatolo­
déjà expliqué ci-dessus. Le mode de présentation gie du sport 1991;8:176–81.
peut être des phlébites « d’effort » ou des varices Feugier P. Pathologie vasculaire chez le sportif. In : Rivière
du sportif. Plus rarement, il existe une compres­ D. Dir. Médecine du sport pour le praticien. 6e éd.
sion ou une contusion chronique du nerf tibial Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson ; 2020.
postérieur, avec ou sans traduction électromyo­ Mosiman R, Walder J, Van Melle G. Stenotic external iliac
artery. Ilness of the competition cyclist? Report of two
graphique. Une anomalie angulaire du genou est
cases. Vasc Surg 1985;19:258–63.
fréquemment retrouvée. Le traitement est plus Mozes M, Ouakhine G, Nathan H. « Saphenous nerve
complexe qu’une simple section de l’arcade du entrapment simulating a vascular disorder ». Surgery
soléaire et justifie une bonne exploration et une 1975 77, 299-303.
Chapitre 12
Traumatologie en pratique sportive
chez l’enfant et l’adolescent
R. Laurent, M. Bachy-Razzouk, F. Fitoussi, R. Vialle

Les effets bénéfiques du sport sur la santé justifient nécessite une imagerie par résonance magné-
l’incitation à la pratique sportive. La participation tique (IRM) dans un délai court (inférieur à
est de plus en plus intense et de plus en plus 10 jours) pour être visualisée et traitée à temps ;
spécialisée chez des enfants de plus en plus jeunes. • elles sont des zones de faiblesse entre les seg-
Paradoxalement, il existe actuellement une dimi- ments diaphysaires ossifiés qui agissent dessus
nution générale des activités quotidiennes dans la avec de grands bras de levier. Les structures
population pédiatrique, expliquant des conditions tendineuses qui s’insèrent à ce niveau présentent
physiques générales plus basses. L’intensification également une résistance mécanique supérieure.
des activités sportives induit alors des lésions Ceci explique la physiopathologie de l’avulsion
d’hypersollicitation (ou over-use). ostéocartilagineuse ou du décollement épiphy-
La mutation des sports avec une pratique plus saire qui survient plus volontiers que l’entorse
intense chez des sujets jeunes ainsi que la démo- ou la rupture ligamentaire ;
cratisation de sports à risque dans une pratique • elles peuvent entraîner des troubles de croissance
récréative, comme le trampoline, sont à l’origine lorsque leur atteinte provoque une ossification
d’une augmentation de la fréquence de trauma- cicatricielle prématurée, partielle ou complète.
tismes aigus spécifiques. En période de croissance, La classification de Salter et Harris a une bonne
ils présentent des particularités diagnostiques et valeur pronostique dans la grande majorité des
thérapeutiques, notamment au genou et sur le cas. Les fractures–décollements épiphysaires de
rachis qui sont spécifiquement exposés. type I et II, n’atteignant pas la couche des cel-
lules germinales, ne présentent habituellement
pas de risque à la différence des types  III, IV
et V (Figure 12.1) ;
Généralités sur le squelette • elles sont à l’origine des capacités de remodelage
en croissance du squelette immature. C’est un avantage à ne
pas négliger dans la prise en charge des fractures
Les lésions liées à la pratique sportive de l’enfant de l’enfant. Des cals fracturaires vicieux peuvent
et de l’adolescent, qu’elles soient aiguës ou chro- se corriger sous la simple influence de la crois-
niques, atteignent un squelette immature, non sance. Il y a donc une marge de tolérance dans
encore complètement ossifié et parsemé de zones le déplacement des fractures. Le remodelage est
de croissance (physes). Ces zones sont cartilagi- néanmoins soumis à certaines règles et limites :
neuses et présentent plusieurs particularités : il agit d’autant plus que l’enfant est jeune et la
• elles sont radio-transparentes  : leur fracture, croissance à venir importante, que la fracture
lorsqu’elle n’est pas étendue à un noyau d’ossi- est proche des zones à forte croissance (sur les
fication ou à une zone métaphysaire ossifiée, os longs proches du genou et loin du coude) ;
n’est pas visible à la radiographie standard et il ne corrige pas les troubles rotatoires.

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
380 Traumatologie en pratique sportive

Figure 12.1. Classification de Salter et Harris des fractures épiphysaires en cinq types.
Les types I et II sont des simples décollements au niveau de la physe : le risque d’épiphysiodèse est peu élevé. Les types III
et IV traversent complètement le cartilage de croissance, risquant d’entraîner une épiphysiodèse définitive. Le type V n’est
pas toujours visible d’emblée à la radiographie, il est dû à une impaction sévère de la physe.
Source : Carole Fumat.

Ostéochondrites de réels décollements microtraumatiques. Il n’y


a pas d’incidence familiale, ni de facteur prédis-
Les ostéochondrites sont des pathologies liées à posant morphologique, à l’exception parfois
une sollicitation excessive du squelette de l’enfant d’une certaine «  raideur tendinomusculaire  »,
en croissance. Sur le plan anatomique et physio- qu’il conviendra de rechercher ;
pathologique, les lésions touchent la chondro- • l’ostéochondrite physaire s’explique par des
traumatismes répétés en traction ou compres-
épiphyse et correspondent à une perturbation
sion. La forme la plus fréquente est l’atteinte du
de l’ossification enchondrale. Ces lésions sont
radius distal chez le gymnaste ;
actuellement regroupées sous le terme d’« ostéo-
• l’ostéochondrite épiphysaire est de cause encore
chondrite » (ou ostéochondrose), qui remplace les
inconnue. Différentes théories sont développées :
termes plus anciens d’épiphysite ou apophysite. Si
endocriniennes, vasculaires, génétiques, micro-
la tendance actuelle est d’utiliser le terme « ostéo-
traumatiques. Il existe deux formes d’ostéochon-
chondrose », les auteurs utilisent délibérément le
drite épiphysaire :
terme ostéochondrite, le suffixe « -ite » signifiant – l’ostéochondrite primitive qui touche le noyau
l’inflammation. d’ossification primaire dans sa globalité chez
le sujet jeune au niveau de la hanche (maladie
Généralités de Legg-Perthes-Calvé), au niveau de l’os
naviculaire (maladie de Köhler-Mouchet) et
La chondro-épiphyse est une unité fonctionnelle au niveau du capitulum (maladie de Panner),
qui comporte plusieurs zones : épiphyse, physe et – l’ostéochondrite disséquante qui touche une
apophyse. Il existe différentes ostéochondrites en zone restreinte et souvent chez l’enfant plus
fonction de la zone atteinte : âgé (14 à 18 ans) dont les trois localisations
• l’ostéochondrite apophysaire est la plus fré- préférentielles sont  : condyle fémoral, talus,
quente. Il existe une proportionnalité entre la capitelum.
fréquence de cette atteinte et l’activité sportive. S’il existe de nombreuses formes et de nom-
Elle a une origine traumatique et résulte d’une breuses localisations, les ostéochondrites ont de
discordance entre la croissance osseuse et la nombreux points communs, à la fois sur leur
croissance du système musculotendineux. Elle présentation clinique et leur prise en charge.
survient pendant la période de modification sta-
turale, en particulier d’augmentation de la masse Interrogatoire et examen clinique
musculaire. La force musculaire augmente plus
rapidement que la résistance des zones cartila- L’interrogatoire est une étape essentielle de la prise
gineuses d’insertion des tendons. Les forces de en charge. Il permet de faire le diagnostic et d’éta-
traction disproportionnées à ce niveau vont être blir une stratégie de prévention pour diminuer le
responsables de réactions inflammatoires, voire risque de récurrence.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 381

La douleur est le symptôme majeur et le pre- attention à des aspects simples de la pra-
mier signe d’appel. Cette douleur peut évoluer tique comme la qualité de l’amorti du chaussage
depuis quelques mois, elle est le plus souvent et son adéquation avec le terrain de pratique.
modérée, diurne, d’horaire mécanique, majorée La qualité de l’hygiène de vie est importante
par l’activité sportive et calmée par le repos. Sa pour limiter le risque de lésions. Il faut insister sur
localisation est précise, montrée par le doigt de l’hydratation qui doit être largement suffisante et
l’enfant. Il peut exister des signes inflammatoires rechercher un déséquilibre dans l’alimentation.
comme une tuméfaction sur les apophyses super- Un manque de sommeil ou un sommeil de mau-
ficielles. vaise qualité sont des facteurs favorisants.
La douleur permet de classer les lésions d’hyper- Des règles simples à mettre en œuvre pour la
sollicitation en quatre stades : prévention des lésions d’hypersollicitation ont été
• stade 1 : la douleur survient après une activité édictées par l’Association nationale américaine
physique ; des entraîneurs sportifs (encadré  12.1). Il s’agit
• stade 2 : la douleur survient pendant l’activité principalement d’encourager une activité sportive
physique sans retentissement fonctionnel ; diversifiée jusqu’à un âge le plus tardif possible
• stade 3 : la douleur survient pendant l’activité et de ménager l’enfant en organisant suffisam-
physique et persiste toute la journée, avec un ment de périodes de repos.
retentissement fonctionnel ; L’examen clinique est en général pauvre. Il
• stade 4  : la douleur survient lors de toute cherche à reproduire une douleur à la palpation.
activité physique. Il recherche une raideur musculotendineuse ou
L’interrogatoire doit analyser toutes les activités au contraire une hyperlaxité. La souplesse aide à
physiques et sportives de l’enfant de façon précise. la performance sportive et il est important de la
La ou les activités sportives doivent être réper- maintenir chez l’enfant sportif, surtout lors des
toriées avec leur condition de pratique (loisir ou phases de croissance rapide des membres.
compétition). Pour chaque activité, le nombre
d’heures de pratique doit être noté. Il ne faut pas Encadré 12.1
oublier de rajouter les heures de sport scolaire,
Prévention des lésions
parfois nombreuses dans les classes dites «  spor-
d’hypersollicitation
tives » dans lesquelles les emplois du temps sont
La National Athletic Trainers’ Association
adaptés pour permettre une pratique plus inten-
(NATA) propose des mesures préventives des
sive. Les activités récréatives ne sont pas non plus lésions d’hypersollicitation chez l’enfant et
à négliger car elles représentent un temps non l’adolescent sportifs :
négligeable d’activité aussi physique qu’un sport. • la durée totale hebdomadaire de la pra-
Il faut mettre en corrélation l’âge osseux de tique en club ne doit pas excéder, en nombre
l’enfant (son stade de maturation squelettique) d’heures, l’âge de l’enfant (exemple : pas plus
avec la catégorie dans laquelle il pratique sa ou ses de 8 h chez un enfant de 8 ans) ;
activités pour éviter qu’un entraînement ou des • la pratique en club ne doit pas excéder
compétitions trop intensives lui soient imposées. 8 mois sur l’année ;
Il faut demander à l’enfant comment se dérou- • faire respecter une période de repos sportif
lent les entraînements et notamment si des étire­ de 2 jours par semaine ;
ments musculaires sont réalisés. Idéalement, • encourager la pratique de sports variés pen-
ils devraient être effectués au cours de séances dant toute l’enfance et l’adolescence et retar-
spécifiques, car ils pourraient nuire à la perfor- der la spécialisation dans une activité unique ;
mance lorsqu’ils sont réalisés avant l’effort et ils • ne pas laisser les enfants et adolescents
s’entraîner pour la compétition dans plusieurs
pourraient aggraver des microlésions musculaires
clubs sportifs ;
lorsqu’ils sont réalisés après.
• des périodes de repos doivent être aména-
Bien que nous ne puissions être des spécialistes gées à la fin de chaque saison.
de toutes les activités sportives, il faut prêter
382 Traumatologie en pratique sportive

Imagerie Points clés


Les examens complémentaires ont deux intérêts : • La maladie d’Osgood-Schlatter est une ostéochon-
écarter une affection tumorale ou infectieuse dans drite apophysaire (ou ostéochondrose) de la tubérosité
le cadre du diagnostic différentiel et rechercher tibiale antérieure.
des calcifications ectopiques. • D’origine microtraumatique, elle est liée à des tractions
répétées du tendon patellaire sur la tubérosité tibiale et
Dans le cadre du suivi, il est important de
survient pendant la période de modification staturale, en
rappeler que la cicatrisation radiologique est tou- particulier d’augmentation de la masse musculaire.
jours en retard sur la guérison clinique. Des radio- • Le diagnostic est essentiellement clinique, sans
graphies standard doivent toujours être réalisées besoin de radiographies dans les formes typiques.
en cas d’unilatéralité ou d’un caractère atypique • Le traitement est symptomatique associant un repos
de la douleur (réveil nocturne). sportif transitoire, une orthèse plantaire à visée amortis-
sante et des exercices d’étirement.
• L’évolution se fait toujours vers la guérison et la
Ostéochondrites apophysaires chirurgie n’est utile qu’en cas d’évolution vers un
séquestre osseux intratendineux.
Maladie d’Osgood-Schlatter
C’est une ostéochondrite apophysaire de la tubé- Maladie de Sinding-Larsen-Johansson
rosité tibiale antérieure, site d’insertion distal du C’est une ostéochondrite de la pointe de la patella
ligament patellaire. Elle survient habituellement à au site d’insertion proximal du ligament patellaire.
l’adolescence au cours de la phase de maturation Son âge de découverte est identique à celui de la
apophysaire de la tubérosité tibiale antérieure maladie d’Osgood-Schlatter. Les facteurs favori-
qui est cartilagineuse de  0 à  11  ans puis passe sants sont les mêmes. Les douleurs sont localisées
par différentes phases de maturation avant d’être à la pointe de la patella.
osseuse, en général au moment du pic de crois- Le bilan radiographique est parfois d’interpré-
sance pubertaire (Risser 1). La fusion avec le tibia tation difficile avec une ossification inhabituelle
n’intervient que tardivement, jusqu’à  17–18  ans du noyau secondaire pouvant être confondue avec
chez le garçon et 15–16 ans chez la fille. un séquestre intratendineux.
Cliniquement, il existe une douleur élective à Le traitement est identique à celui de la maladie
la palpation de la tubérosité tibiale qui peut être d’Osgood-Schlatter.
rendue proéminente par des signes inflammatoires Si la douleur est brutale, après l’impulsion ou
locaux. Il y a souvent une raideur associée des la réception d’un saut et avec une hémarthrose, il
muscles ischiojambiers et du muscle droit fémoral faut évoquer une désinsertion du tendon rotulien
(quadriceps). du pôle distal de la patella (sleeve patella) ou sa
Des radiographies ne sont pas indispensables si rupture en plein corps qui nécessite une prise en
le tableau clinique est typique. Elles sont souvent charge chirurgicale urgente.
normales.
Le traitement est symptomatique associant un
repos sportif transitoire, une orthèse plantaire à Maladie de Sever
visée amortissante et des exercices d’étirement. C’est une ostéochondrite apophysaire du calca-
L’évolution se fait toujours vers la guérison avec néus. Elle est provoquée par des tractions répétées
la maturation progressive de la tubérosité tibiale et transitoirement disproportionnées du tendon
qui finit par s’ossifier. La chirurgie peut être utile d’Achille au niveau du noyau d’ossification de
en cas d’évolution vers un séquestre osseux intra- la grosse tubérosité du calcanéus. Elle touche
tendineux (Figure  12.2). La maladie d’Osgood- habituellement le garçon entre 8 et 12 ans.
Schlatter, siégeant à la jonction tendon–tubérosité, Les douleurs des talons sont typiquement bila-
ne semble pas être un facteur favorisant d’arrache­ térales et symétriques et sont associées à une
ment de la tubérosité tibiale antérieure. raideur des triceps suraux.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 383

Figure 12.2. Maladie d’Osgood-Schlatter.


a. Aspect radiologique cartilagineux de la tubérosité tibiale antérieure chez un enfant de 2 ans. b. Maladie débutante
chez un enfant de 14 ans, avec la tubérosité tibiale en cours d’ossification. c.Évolution radiologique vers une calcification
intratendineuse à l’âge de 15 ans. d. Aspect IRM en coupe sagittale.

Les examens complémentaires se discutent en Sur le plan biomécanique, le compartiment latéral


cas d’unilatéralité. Le traitement est toujours du coude travaille en compression. Elle débute
symptomatique, associant repos sportif transi- par une nécrose de la totalité du noyau condylien,
toire, orthèses plantaires à visée amortissante et suivie d’une revascularisation puis d’une réossifi-
étirements du triceps. cation. Elle survient lors de la pratique de sports
avec chocs répétés, coude en extension (tennis,
Ostéochondrites épiphysaires gymnastique et lancer). Il existe une douleur
latérale avec parfois un flessum.
Atteintes au coude
Radiologiquement, l’évolution se fait vers une
Maladie de Panner fragmentation puis une reconstruction avec une
C’est une ostéochondrite primitive du condyle restitution ad integrum du capitulum en  12
huméral latéral qui touche l’enfant avant 10 ans. à 18 mois (Figure 12.3). Il n’y a habituellement
384 Traumatologie en pratique sportive

Figure 12.3. Radiographies d’une maladie de Panner à 6 ans.

pas de fragment osseux libéré dans l’articulation La radiographie montre au stade initial une
et le cartilage articulaire est normal. plage sous-chondrale claire et l’IRM permet
d’évaluer l’intégrité du cartilage articulaire.
Ostéochondrite disséquante du capitelum L’évolution est souvent moins favorable que pour
L’ostéochondrite disséquante est une lésion focale la maladie de Panner. Les lésions stables à cartilage
du capitelum secondaire à une hyperpression de la continu peuvent bénéficier d’un traitement conser-
tête radiale sur le condyle latéral lors des sollici- vateur. La cessation totale de l’activité sportive pour
tations répétées en valgus. Elle survient plus tard une durée de 6 mois est nécessaire. Des indications
que la maladie de Panner. Elle touche surtout les chirurgicales sont posées devant l’échec du traite-
garçons entre 12 et 16 ans, dans un contexte de ment conservateur ou devant une instabilité ou un
surutilisation au cours de sports de lancer ou de corps étranger articulaire. Le traitement par arthro-
l’utilisation de raquettes. Les filles pratiquant la scopie améliore de façon significative la mobilité et
gymnastique sont également touchées. Le côté les douleurs. Un corps étranger libre peut être retiré
dominant est le plus souvent atteint. sous arthroscopie ou arthrotomie. Si le fragment est
La douleur est toujours présente, augmentée volumineux et pédiculé, il peut être reposé après
par l’effort. L’extension est souvent limitée. La avivement et fixé par une microvis (Figure  12.4).
survenue de blocages font suspecter un corps Un défect important du capitulum doit faire l’objet
étranger intra-articulaire. de perforations ou d’une greffe ostéochondrale.

Figure 12.4. Ostéochondrite disséquante du capitelum.


a. Fragment libre intra-articulaire. b, c. Radiographies face et profil du coude d’un gymnaste de 16 ans après vissage
d’un fragment pédiculé.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 385

Le pronostic est fonction de l’étendue de la lé­ (Figure 12.6). Classiquement, elle touche l’enfant
sion. Les études au long cours montrent que la de plus de  10  ans. La douleur est mécanique
moitié des patients gardent des douleurs et un fles- localisée au niveau de l’interligne tibiotalien. Le
sum du coude. Le retour à un sport de haut niveau bilan radiographique permet de faire le diagnos-
est souvent problématique chez les gymnastes. tic, en retrouvant une lacune bien limitée. L’IRM
permet d’apprécier la continuité de la surface
articulaire. Le traitement est symptomatique en
Atteintes au genou
première intention avec un arrêt des activités
L’ostéochondrite épiphysaire du condyle fémoral sportives. En cas de chronicisation ou d’atteinte
(le plus souvent médial) ou maladie de König, de la surface articulaire, un traitement chirurgical
est très fréquente. Elle touche préférentiellement doit être envisagé.
le garçon entre  10 et  13  ans. La douleur est
typique­ment mécanique, mal localisée  : «  dou- Atteintes au pied
leurs à l’intérieur ». Des blocages faisant craindre
un fragment libre doivent être recherchés. L’exa- La maladie de Köhler-Mouchet est une ostéo-
men clinique peut retrouver une amyotrophie du chondrite de l’os naviculaire. Elle touche l’enfant
quadriceps ou une légère limitation de la flexion de moins de 8 ans. La douleur est mécanique, loca-
du genou. Un bilan radiographique doit être lisée sur le bord interne du pied. Radiologique­
réalisé avec des clichés standard de face, de profil ment, l’os naviculaire peut apparaître dense ou
et en incidence en schuss. Il existe différents aplati. L’évolution est favorable en quelques mois.
stades radiologiques allant de la lésion lacunaire, Le traitement est symptomatique associant repos
bien limitée aux dépens du condyle médial, sportif, orthèses plantaires, voire immobilisation
jusqu’au séquestre libre dans l’articulation. Le plâtrée en cas de douleurs importantes.
traitement comporte initialement un arrêt des Ce type d’ostéochondrite peut également tou-
activités sportives de 6 mois. Une décharge peut cher la base du 5e  métatarsien (maladie d’Iselin),
être proposée lors de douleurs importantes. Les la tête du  2e ou du 3e  métatarsien (maladie de
deux critères de mauvais pronostic sont la matu- Freiberg) ou les sésamoïdes (maladie de Renander).
rité osseuse (physe fermée) et l’existence d’une Le traitement est essentiellement symptomatique.
lésion de grande taille. Les lésions de petite taille
chez un enfant immature ont une évolution
habituellement favorable sous traitement symp- Fractures–décollements
tomatique. Les lésions fermées de grande taille apophysaires
chez un enfant mature doivent faire discuter
un traitement chirurgical à type de perforations Les apophyses, sites d’insertion tendineuse ou
pour éviter une évolution vers une forme ouverte ligamentaire, sont reliées à la chondro-épiphyse
avec risque de séquelle articulaire nécessitant un par une zone cartilagineuse fragile. Elles sont
traitement plus lourd à type de greffe ostéochon- sujettes au décollement lors d’un traumatisme vio-
drale (Figure 12.5). lent en traction. Selon la localisation, les modalités
de traitement varient : elles sont orthopédiques ou
Atteintes à la cheville chirurgicales.
Il existe deux localisations typiques d’ostéochon-
drite disséquante au niveau du talus, dont l’étio- Au coude
logie serait différente. La forme postéromédiale
serait plutôt d’origine ischémique ou multifacto- Lors d’une luxation traumatique postéro-externe
rielle comme l’ensemble des ostéochondrites, la du coude, il se produit fréquemment un arrache-
forme antérolatérale serait d’origine traumatique ment de l’épicondyle médial. Le fragment doit être
386 Traumatologie en pratique sportive

Figure 12.5. Évolution d’une ostéochondrite du condyle médial du fémur droit chez un enfant de 12 ans.
a. Image radiologique typique de face. b. Importance du cliché en schuss rendant plus visible la lésion. c. IRM en coupe
frontale confirmant la forme fermée avec continuité cartilagineuse. d. Vue arthroscopique du cartilage articulaire.
e. Contrôle scopique des perforations. f, g. Guérison complète en 3 mois.

systématiquement recherché sur la radiographie. Au bassin


Il existe deux pièges diagnostiques (Figure 12.7) :
• la présence du fragment au sein de l’articulation Des contractions violentes des muscles de la cuisse
après une tentative de réduction ; lors d’une pratique sportive intensive peuvent
• l’absence d’ossification du fragment qui le rend entraîner des fractures–avulsions de leur insertion
peu visible à la radiographie standard et qui doit au bassin. Il peut aussi s’agir de traumatismes indi-
être recherché par IRM. rects avec mouvement contrarié. L’épine iliaque
Le fragment doit être réduit et ostéosynthésé, antéro-inférieure où s’insère le droit fémoral est
par une vis ou deux broches. lésée vers l’âge de  13–15  ans, tandis que l’épine
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 387

Figure 12.6. Ostéochondrite du dôme talien.


a. Forme postéromédiale de l’enfant jeune. b. Forme antérolatérale de l’adolescent.

Figure 12.7. Avulsions de l’épicondyle médial au coude.


a. Radiographie standard d’un épicondyle non ossifié avulsé chez un garçon de 7 ans  : noter l’épaississement des parties
molles médiales. b. Aspect IRM avec incarcération du fragment cartilagineux pur dans l’articulation. c. Ostéosynthèse
du fragment par deux broches. d. Scanner montrant une avulsion de l’épicondyle médial chez une fille de 12 ans ;
le fragment est incarcéré dans l’articulation. e. Ostéosynthèse du fragment par une vis.
388 Traumatologie en pratique sportive

iliaque antérosupérieure, donnant insertion au manière progressive. La complication principale est


tenseur du fascia lata et au sartorius, est atteinte la récidive. Elle est liée soit à un défaut de diagnos-
de façon un peu plus tardive entre  14 et 18  ans. tic, soit à une reprise trop précoce ou intensive des
D’autres apophyses peuvent être atteintes, petit activités. Ces formes avec multirécidives peuvent
et grand trochanter ou tubérosité ischiatique entraîner la formation de volumineuses calcifica-
(Figure 12.8). La douleur est importante, impose tions visibles sur les radiographies secondairement.
l’arrêt de l’activité et empêche le plus souvent
l’appui et la marche. La radiographie confirme Au genou
le diagnostic. Le traitement est fonctionnel. La
marche est autorisée avec appui, au besoin aidée Au lieu d’une rupture en plein corps du ligament
par des cannes anglaises. Le testing musculaire patellaire, chez l’enfant et surtout l’adoles­ cent,
devient indolore au bout de  4 à  6  semaines. On l’appareil extenseur se rompt préférentielle-
interdit le sport en compétition pour une période ment à la pointe de la patella ou au niveau de la
d’environ 3  mois. La reprise doit se faire de tubérosité tibiale antérieure. Ceci survient souvent

Figure 12.8. Avulsions apophysaires au bassin. Radiographies standard.


a. Épine iliaque antérosupérieure. b. Épine iliaque antéro-inférieure. c. Ischion. d. Petit trochanter.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 389

à l’impulsion d’un saut. Cliniquement, il y a tou- L’arrachement de la tubérosité tibiale anté-


jours une hémarthrose volumineuse et un clinos- rieure est facilement diagnostiqué à la radiogra-
tatisme du membre. phie. L’atteinte se propage parfois à la surface
Au pôle inférieur de la patella, il se produit un articulaire tibiale. La complication fréquente à
dégantage périosté. Cette lésion ne se traduit que moyen terme de cette lésion est un trouble de
par des signes indirects lorsque aucun fragment croissance par épiphysiodèse antérieure du tibia
osseux n’est avulsé. La patella est alors ascension- proximal provoquant une inversion de la pente
née et basculée (Figure 12.9). tibiale et un excès de recurvatum (Figure 12.10).

Figure 12.9. Sleeve patella (dégantage patellaire).


a. Radiographie standard : dégantage sans os avulsé ; bascule et ascension de la patella. b. Aspect IRM. c. Réduction,
suture et cadre patellotibial au fil d’acier.

Figure 12.10. Fracture–avulsion de la tubérosité tibiale antérieure chez un garçon de 12 ans.


a. Radiographie initiale. b. Radiographie postopératoire. c. Trouble de croissance du tibia supérieur (épiphysiodèse
antérieure) : inversion de la pente tibiale avec excès de recurvatum.
390 Traumatologie en pratique sportive

Ces deux lésions nécessitent une prise en charge ostéochondrale ou ligamentaire. L’hémarthrose
chirurgicale urgente pour une réduction et une n’est associée à une lésion ligamentaire bénigne
ostéosynthèse protégée par un cadre patellotibial. que de 30 % des cas (lésion du ligament ménis-
cofémoral ou méniscotibial avec respect du plan
superficiel).
Particularités des lésions Concernant la croissance du genou, les physes
du pivot central et des du tibia et du fémur proches du genou sont
ménisques au genou très fertiles et sont responsables de  70  % de
la croissance du membre inférieur. Les noyaux
d’ossification du fémur distal et du tibia proxi-
L’augmentation de la pratique sportive et de sa
mal apparaissent dès la naissance, mais l’épiphyse
précocité chez l’enfant a fait augmenter de ma­
garde longtemps une grande composante carti-
nière significative la fréquence et la gravité des
lagineuse radio-transparente (ossification tardive
traumatismes pédiatriques du genou. Ce dernier
complète du tibia supérieur à 14–16 ans chez la
est particulièrement exposé dans les sports avec
fille et 16–18 ans chez le garçon).
« pivot » autour du genou, tels que les sports col-
La radiographie doit néanmoins être demandée
lectifs de ballon (football, handball, basket-ball,
en première intention. Elle est indispensable avec
rugby), les sports de raquette ou les arts martiaux,
au minimum des incidences de face et de profil.
ainsi que le ski, qui attirent énormément de
Elle est peu irradiante, peu coûteuse, rapidement
jeunes pratiquants.
accessible et souvent rentable pour le diagnostic
Si les contusions et plaies sont les premiers
positif ou différentiel.
diagnostics posés par ordre de fréquence lors des
En l’absence de lésion visible, la prescription
consultations aux urgences pour un traumatisme
d’une IRM et son délai doivent être raisonnés.
du genou, les lésions méniscales et ligamentaires
Tout patient ayant présenté une hémarthrose
ne doivent pas être méconnues pour bénéficier
post-traumatique doit avoir une IRM pour
d’un traitement adapté.
rechercher des lésions ostéochondrales, ménis-
cales ou ligamentaires.
Prise en charge Chez l’enfant de moins de  10  ans, l’IRM
d’une hémarthrose chez l’enfant doit être réalisée dans les  10  jours suivant le
traumatisme pour ne pas méconnaître une lésion
Juste après un traumatisme, l’examen du genou purement cartilagineuse non visible à la radiogra-
est souvent difficile en raison de la douleur induite phie dont le traitement est urgent.
par la palpation et la mobilisation. À distance, il Chez l’enfant de plus de  10  ans, il n’est pas
est plus contributif et il doit être répété. nécessaire de la demander avant 3  semaines et
Les circonstances de l’accident en cause sont après un nouvel examen par un spécialiste en
souvent difficiles à préciser. Néanmoins, il faut orthopédie pour évaluer cliniquement le genou
évaluer sa cinétique et l’énergie mise en jeu, (laxité, douleur ou épanchement résiduel).
son caractère direct ou indirect et si possible le En attendant, et pour diminuer les douleurs,
mouvement induit. Il est important de noter une immobilisation rigide du genou en extension
l’impotence fonctionnelle engendrée et faire pré- peut être mise en place. Les contentions souples
ciser la possibilité de reprendre l’activité et dans n’ont pas d’intérêt. Comme la plupart des arti-
quel délai (immédiatement, après quelques jours, culations du jeune enfant, le genou est rarement
arrêt définitif). atteint d’une raideur séquellaire après immobilisa-
La présence d’un gonflement articulaire tion. L’autorééducation se fera par la reprise des
important immédiatement après le traumatisme activités quotidiennes. Chez l’adolescent, il faut
est synonyme d’hémarthrose. Cet élément est cependant être plus prudent, limiter l’immobilisa-
capital à rechercher car il exprime la constitution tion à 3 semaines et encadrer la récupération par
d’une lésion intra-articulaire grave  : méniscale, quelques séances avec un kinésithérapeute.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 391

Ruptures du ligament un tournant évolutif majeur dans la prise en


croisé antérieur charge. Elle est à l’origine de lésions méniscales
atteignant majoritairement  le ménisque médial.
Diagnostic Elle fait entrer le genou dans un cercle vicieux
conduisant à moyen terme à des lésions chondrales
La rupture du ligament croisé antérieur (LCA) est
dégénératives.
responsable d’une laxité du genou dans les plans
Bien que l’enfant doive être considéré comme
sagittal et/ou axial, car il est un frein à la trans-
un « sportif pivot-contact du quotidien » (Xavier
lation antérieure et à la rotation interne du tibia
Cassard), la prévention passe par l’interdiction
par rapport au fémur. Chez le jeune enfant, elle
des activités sportives à risque (sports pivot). Les
est à mettre en balance avec une relative « hyper-
sports « dans l’axe » (vélo, course à pied) restent
laxité généralisée  » souvent présente. En effet,
autorisés. Leur reprise ne s’entend qu’après une
il n’est pas rare de retrouver un tiroir antérieur
rééducation bien menée qui vise à retrouver
ou un arrêt dur retardé au test de Lachmann de
une  bonne trophicité et un bon équilibre mus-
manière physiologique. Néanmoins, l’anamnèse
culaire du quadriceps et des ischiojambiers.
permet toujours de retrouver un accident, sou-
Un traitement purement conservateur peut être
vent sportif, avec constitution d’une hémarthrose,
tenté sur le genou d’un enfant présentant tous ces
sauf s’il s’agit d’une agénésie du LCA retrouvée
critères :
dans certaines malformations des membres infé-
• absence de ressaut rotatoire ;
rieurs (ectromélies  qui y associent une inégalité
• après une rééducation bien conduite ;
de longueur des membres inférieurs). L’instabilité
• aucune plainte fonctionnelle à la reprise des
qui en résulte n’est pas toujours évidente à mettre
activités sportives ;
en évidence par l’interrogatoire de l’enfant.
• absence de lésion méniscale déjà constituée.
L’accès désormais facile à l’IRM permet de
Cette situation n’est applicable qu’à peu
visualiser la rupture (Figure 12.11) et de recher-
d’enfants et ceux-ci doivent être régulièrement
cher des lésions méniscales associées.
surveillés pour dépister une éventuelle instabilité
naissante.
Indications thérapeutiques Dans tous les autres cas, lorsque le genou est
L’instabilité du genou ayant une rupture du manifestement instable, la reconstruction du LCA
LCA doit être recherchée, car elle représente est indiquée.

Figure 12.11. Rupture du ligament croisé antérieur chez un garçon de 10 ans. Images d’IRM en séquence T2 FAT-SAT.
a. Atrophie des fibres supérieures et horizontalisation des fibres inférieures avec hypersignal T1. b. Signe indirect :
fermeture de l’angle du ligament croisé postérieur.
392 Traumatologie en pratique sportive

Le principal risque de la chirurgie de recons- Les trajets sont horizontaux et doivent néanmoins
truction du LCA spécifique à l’enfant est la être proches des physes pour respecter l’isométrie
constitution d’un trouble de croissance autour du transplant. Le passage du transplant «  over
du genou. Il est quasi nul dans les dernières the top » au fémur (au-dessus du condyle fémoral
études. Les équipes de chirurgiens orthopédistes latéral) et «  over the front  » au tibia permet de
pédiatres, qui utilisent des techniques de recons- ne pas forer l’os en croissance au prix d’une
truction spécifiques à l’enfant, maîtrisent ce risque moins bonne isométrie et d’une fixation moins
et savent en gérer les conséquences. solide. Des tunnels transphysaires peuvent être
La balance est donc en faveur d’une reconstruc- réalisés s’ils sont de petit diamètre, forés à vitesse
tion précoce du LCA, d’autant plus que la lésion lente, très verticaux et assez centraux. Ce cahier
survient précocement dans la vie de l’enfant. En des charges est assez facile à appliquer au tibia,
effet, plus il est jeune, plus le risque d’instabilité moins au fémur. Des techniques mixtes associant
est important du fait de l’hyperlaxité physiolo- trajets épipysaires (surtout au fémur) ou « over the
gique et de la sollicitation importante du genou. top » et transphysaires au tibia sont régulièrement
L’attitude consistant à différer la reconstruction à pratiquées.
maturité osseuse n’est pas souhaitable, ou au prix La fixation du greffon ne doit pas être trans-
de lésions méniscales non réparables compromet- physaire.
tant l’avenir du genou. La seule exception notable La plastie antérolatérale associée à la recons-
est le cas de l’adolescent proche de la fin de crois- truction du LCA devient de plus en plus recom-
sance chez qui le parti peut être pris d’attendre mandée, car l’enfant et l’adolescent restent des
quelques mois, sous réserve de pouvoir maîtriser sujets sollicitant de manière importante leur greffe
l’instabilité et le risque de lésions méniscales. Il avec un risque de rupture itérative plus important
faut également rappeler que l’utilisation d’attelles que chez l’adulte. Elle rajoute néanmoins des
articulées n’a pas montré d’intérêt pour prévenir contraintes techniques supplémentaires pour la
l’apparition de lésions méniscales. fixation d’un greffon supplémentaire.
Dans les suites opératoires, quelle que soit
Traitements chirurgicaux la technique, une immobilisation stricte, plâtrée
Les techniques chirurgicales pédiatriques cher- ou en résine, du genou en extension est recom-
chent à prévenir la constitution d’une épiphy- mandée chez les enfants de moins de  10  ans.
siodèse lors du forage des tunnels osseux, du Les protocoles de rééducation sont adaptés des
protocoles pour les adultes. Quant à la reprise du
prélèvement, de l’implantation et de la fixation
sport, elle est autorisée à plus de 12 mois postopé-
du greffon. La conséquence en serait un potentiel
ratoires. Les limitations sélectives des activités sont
trouble de croissance.
difficilement observées chez les patients les plus
Le greffon os–ligament patellaire–os, utilisé
jeunes qui se mettent souvent en situation de pivot
dans la technique de Kenneth-Jones, régulière-
autour du genou même lors du jeu au quotidien.
ment pratiquée chez l’adulte est le seul qui ne
puisse pas être prélevé sans induire un trouble de
croissance sur la tubérosité tibiale antérieure qui Points clés
fusionne tardivement. Un greffon de ligament
• Une hémarthrose post-traumatique chez l’enfant
patellaire sans attache osseuse tibiale peut tout de ou l’adolescent exprime la constitution d’une lésion
même être prélevé. Tous les autres – ishiojambiers intra-articulaire grave (ostéochondrale, ligamentaire ou
(semi-tendineux et/ou gracile), tendon quadri- méniscale).
cipital, fascia lata – peuvent être prélevés de la • Une radiographie standard est impérative. En
même manière et avec les mêmes faibles taux de l’absence de lésion visible, la prescription d’une IRM
complications que chez l’adulte. et son délai doivent être raisonnés, mais en pratique
Les tunnels osseux doivent respecter certaines tout patient ayant présenté une hémarthrose post-
précautions. Dans certaines techniques, ils évitent traumatique doit avoir une IRM (dans les 10 jours chez
l’enfant de moins de 10 ans).
les physes en restant strictement épiphysaires.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 393

• En cas de rupture du LCA, le diagnostic clinique peut • le testing se fait habituellement sous anesthésie
être trompeur (possibilité d’un test de Lachmann phy- générale et est associé à une ponction de l’hémar-
siologique par hyperlaxité) et l’IRM affirme le diagnostic throse qui peut améliorer la réductibilité ;
et recherche une lésion méniscale ou cartilagineuse • une ostéosynthèse peut également être discutée.
associée. Celle-ci est indiquée pour les fractures de stade III
• En cas de rupture du LCA, un traitement purement et IV. Elle peut se réaliser sous contrôle arthrosco-
conservateur par rééducation est rarement indiqué sur le pique de la réduction. Cette synthèse doit rester
genou d’un enfant présentant certains critères : absence épiphysaire et épargner la physe tibiale. Elle peut
de ressaut rotatoire, aucune plainte fonctionnelle à la
se réaliser à l’aide de vis courtes ou en ramarrant
reprise des activités sportives, absence de lésion ménis-
cale déjà constituée. le LCA dans l’épiphyse au moyen de fils.
• Dans les autres cas, et particulièrement chez l’enfant En l’absence de traitement, cette fracture évolue
sportif, l’indication chirurgicale est retenue  : la recons- vers la pseudarthrose car elle subit des contraintes
truction du LCA doit préserver les cartilages de croissance en traction par le LCA. Une reconstruction du
au cours du forage des tunnels osseux, du prélèvement, ligament devient nécessaire à la place d’une simple
de l’implantation et de la fixation du greffon. ostéosynthèse. Après consolidation anatomique,
la persistance d’une laxité par distension du LCA
préfracturaire peut rendre nécessaire une recons-
Fracture de l’éminence truction. Certains auteurs recommandent une
intercondylienne antérieure sur-réduction pour retendre le LCA.
du tibia
Lésions méniscales
Cette fracture, parfois dénommée de manière
réductrice «  fracture des épines tibiales  », est un L’incidence des lésions méniscales de l’enfant est
autre mode d’atteinte du pivot central. Il s’agit de actuellement mal connue : elle serait a priori rare
l’avulsion ostéochondrale de la zone d’insertion chez l’enfant de moins de  10  ans (de l’ordre de
du LCA au tibia. Le même type d’avulsion peut 1/100  000)  ; 80 à 90  % des lésions méniscales
survenir au fémur, mais est beaucoup plus rare. seraient associées à une activité sportive et sont
Les déterminismes de la survenue d’une avulsion souvent concomitantes à d’autres lésions comme
ou d’une rupture intraligamentaire ne sont pas la rupture du LCA, des lésions chondrales et des
connus mais elle est plus fréquente chez le jeune fractures du tibia.
enfant. On explique classiquement que la résistance Les ménisques sont entièrement vascularisés à la
ligamentaire est supérieure à celle des structures naissance, puis la zone de vascularisation diminue
ostéochondrales en croissance. avec l’âge, persistant en périphérie. Ainsi à l’aube
Cette fracture est souvent facilement reconnue de l’âge adulte, seul le tiers périphérique le reste.
sur la radiographie du genou de profil. Néanmoins, Chez l’enfant et l’adolescent, la vascularisation
elle peut passer inaperçue sur des radiographies de méniscale est donc toujours supérieure ou égale à
jeunes enfants à l’épiphyse encore très immature. celle qui demeure chez l’adulte.
Son diagnostic ne peut alors se faire qu’à l’IRM Cela leur confère une très bonne capacité de
qui est nécessaire dans un délai de 10 jours pour cicatrisation après suture sous arthroscopie. Elle
tout traumatisé du genou de moins de  10  ans doit toujours être tentée en première intention.
ayant présenté une hémarthrose post-traumatique. Cependant la faisabilité du geste et sa chance de
Elle est classée selon Meyers et Mc Keever comme succès dépendent directement du délai de prise
chez l’adulte : en charge. Après 6 mois, les résultats sont moins
• les fractures de stade I sont traitées orthopédique­ bons et peuvent compromettre le capital méniscal.
ment par une immobilisation cruromalléolaire C’est un enjeu de les diagnostiquer au plus tôt.
de 6 semaines genou en extension ; Deux entités pédiatriques spécifiques doivent
• un traitement orthopédique peut être tenté sur être bien connues  : le ménisque discoïde et les
les fractures de stade II sous réserve d’observer anomalies de signal de la corne postérieure du
une bonne réduction genou en extension ; ménisque médial.
394 Traumatologie en pratique sportive

Ménisque discoïde Lésions du ménisque médial


C’est une malformation congénitale qui atteint Le ménisque médial peut être atteint chez l’enfant,
quasiment exclusivement le ménisque externe  : il comme le ménisque latéral, essentiellement lors
est anormalement large et épais (Figure  12.12). d’accident sportif. Les difficultés en pédiatrie sont
Même si ce n’est pas à proprement parler une lésion l’examen clinique qui peut être faussement ras-
traumatique, il peut être à l’origine de conflits surant et les difficultés d’interprétation de l’IRM.
mécaniques. C’est aussi un ménisque fragile faci- En effet, il existe des faux positifs avec un hyper-
lement sujet aux lésions  : fissure ou désinsertion. signal asymptomatique  dans 80  % des cas à l’âge
Chez l’enfant, le ménisque est plus hydraté et plus de 10 ans, 65 % à 13 ans, 35 % à 15 ans, 29 % à
résistant en son centre, expliquant des lésions qui l’âge adulte, correspondant à des images vascu-
sont plutôt des désinsertions périphériques. laires de la corne postérieure du ménisque médial
Le tableau clinique comporte des «  claque- (Figure 12.13).
ments  » qui traduisent une désinsertion péri- L’enjeu est de savoir s’il s’agit d’une lésion
phérique et un ménisque « luxable–réductible ». horizontale de grade  2 de la classification de
Il peut aussi être responsable d’une limitation de Stoller (donc sans ouverture dans l’articulation) ou
mobilité, souvent un flessum,  si le ménisque est d’une image vasculaire physiologique. L’arthros-
« luxé–non réductible ». canner peut avoir un intérêt dans ce type spécifique
S’il est symptomatique le traitement est chirur- de lésion à la recherche du passage du produit de
gical. Il consiste à redonner une anatomie nor- contraste au sein de la lésion méniscale. La pré-
male au ménisque et à réparer les lésions associées sence d’un kyste méniscal pourra également étayer
tout en parvenant à stabiliser le ménisque lorsque le diagnostic selon l’adage «  il n’y a pas de kyste
celui-ci est trop mobile. sans fissure ».

Figure 12.12. Ménisque externe discoïde du genou droit chez une fille de 7 ans.
a. IRM préopératoire. b. Aspect à l’arthroscopie. c. Aspect après méniscoplastie.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 395

Modalités d’imagerie
En cas de douleur récente et peu intense, la
réalisation en urgence d’examens d’imagerie n’est
pas forcément nécessaire dans un premier temps.
En cas de récidive douloureuse, de persistance
des douleurs sur plusieurs jours, ou bien en cas
de douleur post-traumatique, la réalisation de
radiographies standard, de face et de profil est
recommandée dans un premier temps.
L’histoire complète et un examen physique sont
généralement plus productifs que les examens
d’imagerie pour établir un diagnostic et orienter
le traitement. Bien que la plupart des douleurs
rachidiennes chez les jeunes patients sportifs soient
d’origine musculaire, des examens d’imagerie plus
Figure 12.13. Anomalies de signal IRM (T2 FAT-SAT) poussés peuvent être envisagés, chez de jeunes
de la corne postérieure du ménisque médial chez un athlètes présentant des douleurs importantes cau-
garçon de 12 ans.
sées par un traumatisme aigu ou ne s’améliorant
pas avec un traitement conservateur après plusieurs
semaines. Parmi les éléments cliniques qui doivent
Rachis de l’enfant et sport susciter une inquiétude accrue figurent la douleur
nocturne, la raideur marquée des ischiojambiers,
Avec l’augmentation du nombre d’enfants et la douleur liée à l’hyperextension de la colonne
d’adolescents impliqués dans des activités spor- lombaire et toute anomalie de l’examen clinique
tives, les douleurs rachidiennes aiguës et chro- neurologique. Dans de tels cas, des radiographies,
niques sont devenues plus courantes. Les cliniciens une scintigraphie osseuse, une tomodensitométrie
qui soignent les enfants et les adolescents spor- et une IRM peuvent aider à identifier ou à exclure
tifs verront probablement de nombreux jeunes une pathologie grave.
patients se plaindre de maux de dos. Le jeune
athlète est soumis à d’importants stress répétitifs,
notamment sur la charnière thoracolombaire qui Lombalgies isolées
de surcroît est en croissance. Cette situation peut
causer des douleurs aiguës et des consultations Bien que la lombalgie ne soit pas la plainte la
plus fréquentes pour cette population de patients. plus fréquente chez les athlètes, elle est difficile
Les douleurs lombaires représentent 5 à 8 % des à diagnostiquer et à traiter pour le médecin du
blessures sportives. Il est important de toujours sport. Les facteurs prédisposant le jeune athlète à
se rappeler que si des pathologies rachidiennes la lombalgie comprennent la vélocité de la pous-
graves peuvent être une source de douleur pour sée de croissance, une augmentation brutale de
un patient sportif, la plupart des problèmes sont l’intensité ou de la fréquence de l’entraînement,
bénins et peuvent se résoudre simplement. Après une technique inappropriée, un équipement spor-
un examen minutieux des antécédents médicaux tif inadéquat et une différence de longueur des
et physiques, ainsi que l’utilisation judicieuse membres inférieurs.
des modalités d’imagerie, les causes de douleurs Les douleurs lombaires isolées sont principale-
rachidiennes peuvent être correctement diagnos- ment d’origine musculaire. Une faiblesse relative
tiquées et traitées afin que les jeunes athlètes puis- et souvent transitoire des muscles érecteurs du
sent reprendre rapidement leur activité sportive. rachis (masses musculaires sacrolombaires) et de
396 Traumatologie en pratique sportive

la musculature abdominale, ainsi que la raideur degré de douleur et sur le désir du jeune athlète
du rachis lombaire, des muscles ischiojambiers et de reprendre ses activités sportives. L’évolution
des fléchisseurs de la hanche peuvent contribuer est habituellement favorable et presque tous les
à l’installation d’un tableau de lombalgie chro- jeunes athlètes pourront reprendre des activités
nique. Des efforts de soulèvement ou de torsion sportives après un traitement réussi.
excessifs constituent la cause la plus courante de La spondylolyse associée à la dégénérescence
lombalgie chez les adolescents sportifs. précoce du disque L5-S1 reste difficile à traiter, et
La colonne vertébrale est fréquemment concer- la fusion intersomatique L5-S1 doit être envisagée.
née par des traumatismes, le plus souvent mineurs, Même avec la fusion, de nombreuses personnes
chez les jeunes athlètes et de nombreux problèmes peuvent reprendre le sport après plusieurs mois de
découlent d’une mauvaise technique sportive et rééducation structurée, bien qu’un nombre signi-
d’un déséquilibre musculaire. Un renforcement et ficatif d’athlètes ne parviennent pas à reprendre
un développement musculaire inadéquat condui- leur niveau d’activité antérieur à la blessure.
sent fréquemment à une hyperlordose, elle-même
pouvant majorer le retentissement douloureux
d’une spondylolyse, d’un spondylolisthésis, d’une Spondylolisthésis
hyperpression sur les processus articulaires lom- et autres anomalies
baires ou causer une douleur discogénique ou un de la charnière lombosacrée
syndrome du muscle piriforme.
Parmi les autres causes importantes de lombalgies
Spondylolyse nécessitant un traitement plus approfondi chez de
jeunes athlètes, on peut citer le spondylolisthésis,
La spondylolyse est la cause osseuse la plus les atteintes dégénératives du disque L5-S1 et les
commune de douleurs rachidiennes chez les jeunes fractures de fatigue de la plaque de croissance
athlètes. Bien que l’étiologie de cette pathologie du plateau sacré. L’articulation sacro-iliaque est
soit incertaine, des prédispositions génétiques et également sujette aux irritations et pourrait être
les traumatismes répétitifs ont été fortement sus- responsable de douleurs lombosacrées.
pectés. Les athlètes qui participent à des sports Le spondylolisthésis lombosacré est un glisse­
impliquant une hyperextension répétée et éner- ment réciproque de  L5 en avant de  S1. Il est
gique de la colonne vertébrale peuvent souffrir de fréquemment associé à une spondylolyse symp-
douleurs liées à une hyperpression sur les proces- tomatique ou non, mais évolue rarement. La
sus articulaires, une spondylolyse ou un spondy- poussée de croissance de la colonne vertébrale
lolisthésis. Les joueurs de football, les rameurs, pubertaire associée à un déséquilibre lombosacré
les danseurs et les gymnastes présentent des taux préexistant (cyphose lombosacrée) constitue les
élevés de lombalgies associées à une spondylolyse. deux principaux facteurs de risque d’aggravation
L’IRM ainsi que la tomographie par émission du glissement, alors que l’activité sportive, même
de positons (TEP) semblent être utiles dans le à un niveau élevé, ne l’est pas. Une détection pré-
diagnostic précoce de la spondylolyse chez un coce des jeunes athlètes présentant une cyphose
jeune sportif douloureux avec des radiographies lombosacrée intrinsèque responsable d’un dés-
standard non contributives. équilibre régional est obligatoire pour se concen-
La spondylolyse isolée est une affection trer sur les candidats au risque élevé de glissement
bénigne qui devient rarement symptomatique progressif. Des anomalies de l’équilibre sagittal
et répond bien aux mesures conservatrices. La du tronc associées à une augmentation de la
spondylolyse douloureuse peut être traitée avec lordose lombaire, une diminution de la cyphose
une limitation transitoire de l’activité, un pro- thoracique, une rétroversion du bassin avec des
gramme d’exercices spécifiques incluant une contractures des ischiojambiers soulignent l’exis-
rééducation spécifique et une orthèse lombo- tence d’une forme progressive de spondylolis-
pelvienne. Le traitement doit être fondé sur le thésis associée à une cyphose lombosacrée.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 397

Le traitement du spondylolisthésis évolutif et Fractures de la colonne


mal toléré chez les adolescents reste difficile. Le vertébrale
traitement chirurgical du spondylolisthésis a été
recommandé chez les adolescents présentant une Les traumatismes sportifs sur la colonne verté-
douleur réfractaire au traitement conservateur, brale peuvent créer des contusions ou des frac-
une progression du glissement ou un glissement tures. Les fractures chez les adolescents ayant
important lors du diagnostic. Nous recomman- subi un traumatisme grave incluent les fractures
dons la réalisation d’une décompression nerveuse par compression, les fractures comminutives, les
des racines L5 et S1, la réduction du glissement fractures de la plaque de croissance au niveau du
et de la cyphose lombosacrée et la fusion par plateau vertébral, les fractures du processus trans-
voie postérieure (Figure  12.14). Les limitations verse lombaire et les fractures des processus
fonctionnelles dues à la raideur lombopelvienne épineux.
postopératoire doivent être clairement expliquées Les fractures des processus articulaires lombo-
au jeune athlète de manière complète avant de sacrés peuvent être une lésion méconnue et mal
recommander ce traitement chirurgical. diagnostiquée chez des athlètes de haut niveau,

Figure 12.14. Spondylolisthésis évolutif dysplasique L5-S1 chez un gymnaste de 12 ans.


a. IRM pondérée en T2 montrant le remodelage dystrophique du plateau sacré. b. Radiographie de profil debout
préopératoire montrant un glissement de haut grade et une cyphose lombosacrée. c. Radiographie de profil
postopératoire montrant une réduction du déplacement et de la cyphose lombosacrée, une fusion antérieure L4-L5
et L5-S1 et une ostéosynthèse par voie postérieure.
398 Traumatologie en pratique sportive

comme des gymnastes ou des joueurs de tennis. des déformations de la scoliose. Il n’est pas recom-
Cette lésion peut être diagnostiquée par un scan- mandé de faire du sport avec le corset. Le proto-
ner ou une IRM chez des patients présentant une cole de port du corset (ainsi que le spécialiste de la
douleur intense et localisée, notamment en hyper- scoliose !) doit permettre de retirer le corset suffi-
extension du rachis. samment longtemps pendant la journée pour per-
mettre à l’athlète de poursuivre son entraînement
et sa pratique sportive (Figure  12.15). De plus,
Dégénérescence discale une bonne qualité physique favorisant la flexibilité
et la statique de la colonne vertébrale, il est tout à
Le sport de haut niveau équivaut à un test bioméca-
fait logique et même indispensable qu’elle puisse
nique qui révèle la réponse biologique individuelle
être poursuivie. Lors de scolioses sévères et évolu-
de la colonne vertébrale en croissance aux forces
tives, une discussion au cas par cas est obligatoire
liées au sport. Les perturbations de croissance
à la fin de la période de croissance. Si la plupart
symptomatiques ou asymptomatiques, telles que la
des scolioses nécessitent un traitement chirurgical
maladie de Scheuermann, les scolioses ou les frac-
à l’adolescence pour une angulation (angle de
tures de fatigue, représentent les problèmes les plus
Cobb) supérieure à 50°, chez les jeunes athlètes,
fréquemment rencontrés chez les jeunes athlètes.
les limitations fonctionnelles sont plus impor-
Les lésions les plus fréquentes sont retrouvées à la
tantes que le risque théorique de progression de la
jonction du plateau vertébral et du disque : hernie
déformation et de dysfonctionnement respiratoire
discale intraspongieuse, perturbations de la crois-
au début de l’âge adulte. Dans de telles situations,
sance vertébrale antérieure avec cunéïformisation
l’option chirurgicale doit être discutée au cas par
vertébrale, fractures de l’anneau apophysaire (lis-
cas ; le plus souvent, elle est différée après la fin de la
tel marginal). Ces lésions se produisent souvent
carrière sportive du patient. Bien que le cas de
lorsque les contraintes biomécaniques dépassent
chaque patient présentant une scoliose nécessitant
la résistance mécanique des plaques de croissance.
un traitement chirurgical soit préoccupant, il est
Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés
important de respecter l’individualité du jeune
pour la dégénérescence du disque intervertébral
athlète et d’évaluer la situation individuelle dans
chez les jeunes athlètes. Cependant, les causes
sa globalité avant de recommander un traitement.
ne sont pas bien comprises et peu d’études pros-
pectives ont été réalisées sur cette maladie chez les
adolescents. Des facteurs de risque de progression Recommandations
significatifs ont été étudiés chez des joueurs de thérapeutiques
football américain dans des lycées américains. Ces
Fort heureusement, la majorité des cas de lombal-
jeunes athlètes, dès lors qu’ils avaient des hernies
gies chez les adolescents est d’origine musculaire
discales intraspongieuses ou une hernie discale au
et répond bien au traitement conservateur. Le
travers de l’annulus, étaient considérés comme pré-
traitement précoce d’une lombalgie aiguë, par
sentant un risque de progression de la dégénéres-
exemple à l’occasion d’un traumatisme mineur,
cence discale s’ils continuaient à jouer au football
comprend la cryothérapie, l’électrostimulation, des
américain pendant leurs deux années de lycée.
médicaments anti-inflammatoires et des exercices
légers. Le repos au lit prolongé doit être évité car
Scoliose et sport l’atrophie musculaire peut survenir rapidement.
Les analgésiques puissants sont également générale­
Les jeunes athlètes peuvent avoir une déforma- ment contre-indiqués, sauf le soir et la nuit, car ils
tion  de la colonne vertébrale totalement indé- masquent la douleur et peuvent encourager une
pendante de leur pratique sportive. Ces athlètes activité trop intense.
doivent être encouragés à continuer les activités Les exercices de renforcement précoces compren­
sportives au même niveau. Le port de corsets est nent les exercices en flexion de Williams et/ou les
couramment utilisé pour prévenir la progression exercices d’éducation rachidienne de McKenzie.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 399

Figure 12.15. Scoliose et sport.


a. Déformation scoliotique lombaire gauche et thoracique droite évolutive chez une gymnaste professionnelle de 13 ans.
Cette jeune fille a été activement traitée par un corset de correction « à temps plein » pendant la période de croissance
pour empêcher la progression de la scoliose. La scoliose a été traitée avec succès jusqu’à l’âge de 16 ans, à maturité
squelettique. Au cours de la période de traitement, cette jeune fille a été encouragée à poursuivre ses activités sportives
au même niveau avec de bonnes performances nationales et internationales. b. Photographie de cette jeune fille lors
d’une compétition internationale.
Source : Figure 12.15b, copyright Olivier Aubrais, avec autorisations.

Ces deux protocoles d’exercices peuvent souvent après la carrière sportive étaient déjà présentes
être prescrits de façon concomitante. Les athlètes préalablement. Certaines anomalies constatées
ayant une hernie discale ne doivent toutefois effec- dès le plus jeune âge peuvent se dégrader de
tuer que des exercices d’extension au début. Les manière plus ou moins importante au cours du
athlètes souffrant de spondylolyse, de spondylolis- suivi, probablement en raison d’une combinaison
thésis et d’une irritation des processus articulaires d’activités sportives intensives et d’un vieillis-
devraient initialement être limités aux exercices en sement normal. Des mesures préventives doivent
flexion. être envisagées pour éviter le développement de
Les stratégies thérapeutiques multimodales ont ces lésions chez les plus jeunes athlètes.
plus de succès que les traitements orthopédiques L’appréciation des différences anatomiques, de
isolés et purement somatiques. Les mesures la croissance et de la cinématique de la colonne
actives préventives primaires et secondaires, le vertébrale facilite l’évaluation de chaque individu.
contrôle médical régulier du sport, la sensibilisa- Divers facteurs sont susceptibles de compliquer
tion aux pathologies rares mais potentiellement l’évaluation et le traitement, mais une approche
désastreuses et la reconnaissance des syndromes organisée mettant l’accent sur les variations
douloureux chroniques sont les pierres angulaires interindividuelles physiologiques de la colonne
du traitement efficace des troubles de la colonne vertébrale immature permettra de proposer des
vertébrale au cours de la croissance. recommandations et des traitements toujours plus
Les jeunes athlètes qui pratiquent un sport avec appropriés.
des contraintes importantes sur l’axe rachidien
courent un risque élevé de dégénérescence dis-
cale et d’autres anomalies de la colonne verté- Conclusion
brale en IRM. Ils se plaignent plus fréquemment
de lombalgies. La plupart des anomalies de la En dépit des risques, les enfants et adolescents
colonne vertébrale surviennent chez les athlètes doivent être encouragés à pratiquer une activité
en période de poussée de croissance, et la majorité sportive. Les bénéfices sont multiples : physique,
des anomalies diagnostiquées lors du suivi IRM psychologique et social.
400 Traumatologie en pratique sportive

Le squelette en croissance est une structure pratique sportive diversifiée doit être encouragée
fragile. La pratique doit donc être cadrée pour ne tout au long de l’enfance.
pas générer de lésions chroniques ou aiguës. Il faut pouvoir impliquer l’enfant lui-même, ses
Des temps de repos suffisants doivent être parents et son entraîneur dans la prise en charge
ménagés pour ne pas sursolliciter l’enfant. Une des lésions chroniques.
Chapitre 13
Traumatismes craniofaciaux

la plaie avec un antiseptique, de la recouvrir d’un


1. Traumatismes crâniens pansement et d’appeler le SAMU.
T. Nguyen, A. Vanderzwalm
Hématome extradural
Ce sont des urgences nécessitant un transfert dans Il est situé entre la dure-mère et la table interne
un service de neurochirurgie. de l’os crânien (figure 13.2a). Il est dû le plus sou-
vent à une plaie de l’artère méningée moyenne.
Après généralement une perte de connaissance
initiale, il existe un intervalle libre sans signe
Embarrures et plaies neurologique, puis il apparaît progressivement
craniocérébrales des troubles neurologiques imposant la réalisation
d’un scanner crânien en urgence.
Les embarrures (figure 13.1a) sont des enfonce-
ments de la boîte crânienne. Les plaies craniocéré-
brales (figure  13.1b) associent une plaie du cuir Hématome sous-dural aigu
chevelu, une fracture ouverte comminutive du
crâne et souvent une issue de matière cérébrale Il est situé entre la dure-mère et le cerveau
par la plaie. Leur prise en charge immédiate (figure  13.2b). Les troubles neurologiques sont
nécessite de laisser le sportif allongé, de nettoyer immédiats et imposent l’appel du SAMU.

Figure 13.1. Traumatismes crâniens : embarrure et plaie craniocérébrale.


a. Embarrure pariétale gauche. b. Plaie craniocérébrale pariétale droite.
Source : courtoisie du Professeur Dominique Liguoro.

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
402 Traumatologie en pratique sportive

Figure 13.2. Hématomes intracrâniens.


a. Extradural droit. b. Sous-dural aigu droit. c. Intracérébral.
Source a : courtoisie de C. Souza. Source b, c : courtoisie du Professeur Dominique Liguoro.

Hématome intracérébral Dans notre expérience, 45  % des rugbymen


professionnels ont été victimes d’au moins une
Il est situé en intraparenchymateux (figure 13.2c). commotion. En 2009, avec Alexis Savigny,
Les troubles neurologiques sont immédiats et médecin du Stade français Paris rugby, puis
imposent l’appel du SAMU. en 2011 avec Johann Bohu, médecin du
Racing  92, nous avons mis en place un pro-
Encadré 13.1 tocole, obligeant le joueur commotionné à
être examiné par un neurologue indépendant
Commotion cérébrale et pratique à  48  h. Ce dernier doit juger de la gravité
du rugby de la commotion et envisager un pronostic
J.-F. Chermann pour le retour à la compétition. Ce protocole
La commotion cérébrale est une altération a désormais pour nom HIA3 (head injury
des fonctions neurologiques consécutive à un assessment) et il a été généralisé d’abord à tout
impact transmis au cerveau. Elle est suivie le Top 14, puis à tout le rugby international.
d’un syndrome commotionnel (céphalées, Les risques à court terme de la commotion
fatigue, troubles attentionnels) qui disparaît en sont premièrement la récidive qui survient
quelques jours mais qui peut persister et pren- dans 90 % des cas dans les 10 premiers jours
dre le nom de syndrome post-commotionnel du fait d’un nouvel impact sur un cerveau
quand il dépasse les 4  semaines. La perte de n’ayant pas récupéré, deuxièmement une
connaissance ou K.-O. dans le domaine du autre blessure car la rapidité d’exécution est
sport et notamment du rugby ne dépasse pas perturbée. Le syndrome du second impact,
les 15 % des cas de commotion cérébrale. Une qui survient chez les moins de  20  ans,
commotion peut se traduire par des troubles est heureusement rarissime  : moins d’une
de la mémoire isolée, des troubles visuels, des centaine de cas rapportés avec 50  % de
troubles de l’équilibre. Le principal joueur décès et 100  % de morbidité neurologique.
touché est le plaqueur dans 67  % des cas et Chez les moins de 20  ans, la règle est donc
non le plaqué. L’incidence de la commotion l’interdiction du rugby pendant un minimum
est entre 8 et 13 pour 1000 joueurs par heure. de 3 semaines. Le protocole HIA a permis de
Les facteurs de risque de syndrome post- faire prendre conscience du phénomène avec
commotionnel prolongé sont : le sexe féminin, pour la première fois une diminution de
la survenue de deux commotions dans un l’incidence de la commotion dans le Top 14
temps rapproché, l’âge inférieur à 15 ans, les lors de la saison 2018–2019. Le taux de
antécédents multiples de commotion. sortie immédiate en cas de commotion est

Chapitre 13. Traumatismes craniofaciaux 403

 sont à adresser dans un service de chirurgie maxillo-


de 72  % dans le rugby professionnel, alors faciale ou plastique. Pour toutes les fractures, le
qu’il est de 50 % dans tous les autres sports,
traitement général est identique  : antibiothérapie
y compris le rugby amateur.
à large spectre, antalgique, anti-inflammatoire non
Les risques à long terme sont méconnus mais
comme tout sport avec répétition d’impacts stéroïdien (AINS), vérification de la vaccination
au cerveau, l’encéphalopathie chronique antitétanique et rédaction du certificat médical
post-traumatique doit être envisagée. initial.
En 2009, avec la collaboration de tous les
médecins des sports de combat, nous avons
réalisé pour le Comité national olympique et Traumatismes de la face
sportif français (CNSOF) une affiche afin de
sensibiliser au problème de la commotion les
amateurs de tout sport. Cette affiche a été Les traits de fracture sont nombreux et variés (verti-
éditée par la Fédération française de rugby caux, horizontaux de type Lefort, comminutifs…).
(FFR) et adressée à tous les clubs via le maga- Cependant, chez le sportif, les fractures rencontrées
zine de la fédération. le plus fréquemment sont les fractures de l’os zygo-
matique isolées du plancher de l’orbite et de l’os
Pour en savoir plus nasal. Le traitement est généralement chirurgical.
Chermann JF. Commotions cérébrales et sport  : La contre-indication sportive est de 1 mois.
complications à long terme. Journal de réadap-
tation médicale 2014;34(3):118–25.
Chermann JF, Klouche S, Savigny A, Lefevre N,
Herman S, Bohu Y. Return to rugby after brain
Fracture de l’os zygomatique
concussion: A prospective study in 35 high-
level rugby players. Asian J Sports Med 2014;
L’interrogatoire doit rechercher un choc direct
5:e24042. sur la pommette, des douleurs, un craquement et
Decq P, Chermann JF, Loiseau H, Pariente J, une épistaxis.
Touchon J, Mias L, et al. Rugby professionnel et L’examen clinique recherche les signes suivants :
traumatismes crâniens (commotions cérébrales) : aplatissement de la pommette qui peut être rapide-
recommandations pour leur prise en charge en
France. Journal de traumatologie du sport 2011;
ment masqué par un œdème et/ou un hématome ;
28(4):227–42. ecchymoses sous-orbitaire et/ou sous-conjonctivale
Fantou A, Marty F, Radafy A. Facteurs de risque externe ; points douloureux sur l’os zygomatique ;
de syndrome post-commotionnel prolongé sur emphysème sous-cutané palpébraux ; encoche voire
une population de 501 athlètes de haut niveau. « marche d’escalier » à la palpation du rebord orbi-
Journal de traumatologie du sport 2018;35(2).
Radafy A, Savigny A, Blanchard S, Chermann JF.
taire inférieur et de la suture frontozygomatique ;
Incidence et mécanisme des commotions énophtalmie ; diplopie dans le regard vers le haut
cérébrales dans le rugby professionnel : 2 clubs par incarcération du muscle droit inférieur dans le
du top 14. Journal de traumatologie du sport plancher de l’orbite ; dysesthésie dans le territoire
2018;35:75–81. du nerf maxillaire (aile du nez et lèvre supérieure) ;
limitation de l’ouverture buccale.
L’examen radiologique à prescrire en urgence
2. Traumatismes est une incidence de Blondeau (figure 13.3a) qui
pourra être complété par un scanner de la face.
maxillofaciaux Le traitement est chirurgical sauf en cas de
fracture stable et non déplacée. Il consiste en une
T. Nguyen, A. Vanderzwalm
libération du muscle droit inférieur et une recons-
truction du plancher de l’orbite si nécessaire, une
Ils sont caractérisés par la rareté de l’urgence vraie, réduction de la fracture et une ostéosynthèse au
la relative bénignité immédiate et la gravité des niveau du rebord orbitaire inférieur et de la suture
séquelles fonctionnelles et esthétiques. Les sportifs frontozygomatique (figure 13.3b).
404 Traumatologie en pratique sportive

Figure 13.3. Titre figure.


a. Fracture de l’os zygomatique gauche (incidences de Blondeau). b. Ostéosynthèse de la fracture de l’os zygomatique
gauche.

Fracture de l’arcade zygomatique L’examen radiologique à prescrire en urgence


est une incidence de Blondeau qui pourra être
Il s’agit généralement chez le sportif d’un coup de complété par un scanner de la face (figure 13.4).
coude en arrière de la pommette. Le traitement est chirurgical. Par une voie
L’examen clinique cherche en particulier une d’abord transconjonctivale, le muscle droit infé-
dépression en arrière de la pommette associée à rieur est libéré et le plancher de l’orbite est
une limitation de l’ouverture buccale. reconstruit.
L’examen radiologique à prescrire est une inci-
dence de Hirtz latéralisée.
Le traitement est chirurgical par réduction de la
Fracture de l’os nasal
fracture et contention par une attelle. L’interrogatoire et l’examen clinique recherchent
la circonstance de l’accident, une épistaxis, un
Fracture isolée du plancher œdème et/ou un hématome du nez, des douleurs
de l’orbite ou blow-out fracture
Il s’agit d’un traumatisme direct sur le globe
oculaire (balles de tennis, de tennis de table…).
La pression induite dans la cavité orbitaire fracture,
dans la zone de moindre résistance, le plancher
de l’orbite.
L’interrogatoire recherche la circonstance de
l’incident, l’existence d’une épistaxis.
L’examen clinique recherche les signes suivants :
énophtalmie  ; limitation de l’élévation de l’œil  ;
diplopie dans le regard vers le haut ; emphysème
sous-cutané palpébral  ; dysesthésie dans le ter-
ritoire du nerf maxillaire. En revanche, le cadre
orbitaire est intact. Figure 13.4. Fracture isolée du plancher de l’orbite droit.
Chapitre 13. Traumatismes craniofaciaux 405

à la palpation de l’os nasal et une déformation du et le condyle (extra-articulaire et articulaire). Les


nez à l’inspection et à la palpation. fractures peuvent être unifocales, mais aussi – et
L’examen radiologique à prescrire en urgence à rechercher systématiquement – bifocales (par
est une incidence os propres du nez (figure 13.5a), exemple, la branche horizontale droite avec le
voire en cas de doute une incidence de Gosserez- condyle gauche), trifocales (par exemple, la sym-
Tréheux (figure 13.5b). physe avec les deux condyles).
Le traitement est fonction de l’existence d’une L’interrogatoire recherche la circonstance de
déviation ou non de l’arête osseuse. Si elle existe, l’accident, le siège de l’impact, l’existence de
une réduction puis une immobilisation par un douleurs, la notion de craquement.
plâtre ou une attelle nasale est nécessaire pen- L’examen clinique se réalise sur toutes les dif-
dant  7 à 10  jours. Dans tous les cas, il est férentes régions de la mandibule. L’inspection
recommandé une abstention de pratique sportive regarde s’il existe un œdème, un hématome,
à risque pendant 1 mois sauf si l’athlète porte une une incontinence salivaire, un trismus (d’autant
protection nasale. plus important que la fracture est postérieure),
un trouble de l’occlusion dentaire, une plaie de
la muqueuse buccale et des lésions dentaires. La
Traumatismes de la mandibule palpation recherche une douleur, le(s) trait(s) de
fracture en exo- et endobuccal, une dysesthésie
Généralités dans le territoire du nerf alvéolodentaire (région
labiomentonnière) (figure 13.6a).
Toutes les régions de la mandibule peuvent être
fracturées  : la symphyse (de canine à canine non
comprise), la parasymphyse (au niveau de la Examen radiologique
canine), la branche horizontale, l’angle de la man-
dibule (d’autant plus qu’il existe une dent de La prescription d’un panoramique dentaire
sagesse incluse ou enclavée qui rompt les lignes (figure 13.6b) suffit le plus souvent pour le diag-
de force osseuses au niveau de l’angle de la mandi- nostic et comme bilan préopératoire, sinon un
bule), la branche verticale (rare), le coroné (rare) scanner de la mandibule est prescrit (figure 13.6c).

Figure 13.5. Fracture de l’os nasal.


a. Incidence os propres du nez. b. Incidence de Gosserez-Tréheux.
406 Traumatologie en pratique sportive

Figure 13.6. Fracture parasymphysaire.


a. Fracture parasymphysaire droite. b. Fracture parasymphysaire gauche. c. Fracture de la branche montante droite
(scanner mandibulaire).

Traitement du traumatisme. En cas de trouble de l’occlu-


sion dentaire, un blocage intermaxillaire pendant
Il est régi par deux principes : la remise en occlu- 3 semaines est institué suivie d’une kinésithérapie
sion dentaire et la mobilisation précoce pour les immédiate pour éviter le risque d’ankylose tem-
fractures du condyle. poromandibulaire en cas de fracture articulaire
Les fractures situées de la symphyse à l’angle de du condyle.
la mandibule sont chirurgicales par ostéosynthèse
(figures 13.7 et 13.8).
Les fractures de la branche verticale et du
coroné sont traitées de manière orthopédique par Traumatismes
un blocage intermaxillaire aux élastiques ou aux alvéolodentaires
fils d’acier pendant 1  mois en cas de trouble de
l’occlusion dentaire (figure 13.9). La traumatologie dentaire au cours d’une pratique
Les fractures du condyle sans trouble de sportive survient, dans 80 % des cas, sur les quatre
l’occlusion dentaire nécessitent un traitement incisives maxillaires. Les traumatismes peuvent
fonctionnel par une kinésithérapie à  2  semaines être classés en trois grandes familles : les fractures
Chapitre 13. Traumatismes craniofaciaux 407

Figure 13.7. Fracture parasymphysaire gauche (a) et ostéosynthèse (b).

Figure 13.8. Fracture angulaire droite (a) et ostéosynthèse (b).

Fractures
Les fractures coronaires sont immédiatement
objectivables mais ont des degrés de sévérité
différents selon que la pulpe est exposée ou non.
Pour une fracture coronaire simple, sans expo-
sition pulpaire, il est important de retrouver le
fragment et de le conserver dans un milieu humide
en attendant le rendez-vous chez le chirurgien-
dentiste. Un flacon de sérum physiologique ou
Figure 13.9. Blocage intermaxillaire aux élastiques.
simplement de l’eau suffit. Ce fragment sera collé
à l’aide d’un composite. Le soin peut être réalisé
le lendemain.
(coronaire et radiculaire), les luxations (déplace- Pour une fracture coronaire compliquée, avec
ments de la dent) et enfin l’expulsion. Toute dent exposition pulpaire, la pulpe est visible, soit partielle-
traumatisée, quel que soit le type du traumatisme, ment, un simple point rouge est alors apparent, soit
devra bénéficier d’une prise en charge et d’un en totalité. La dent est particulièrement sensible aux
suivi du maintien de sa vitalité. variations thermiques. La contamination bactérienne
408 Traumatologie en pratique sportive

de la pulpe est immédiate et une prise en charge Lors d’une extrusion la dent est très mobile,
rapide est recommandée. Suivant la durée de l’expo- partiellement déplacée axialement hors de son
sition pulpaire à la salive et l’étendue de la surface alvéole. Les parois osseuses sont respectées, le
exposée la dent sera dépulpée ou non (figure 13.10). ligament alvéolodentaire déchiré et le paquet vas-
La fracture radiculaire n’est diagnostiquée que culonerveux étiré, voire sectionné. Cliniquement,
radiologiquement mais la mobilité de la dent est le saignement est important et le patient ne peut
un signe clinique qui doit alerter. plus fermer la bouche. Le geste d’urgence est de
remettre la dent en place et de faire mordre le
Luxations patient sur plusieurs compresses repliées (un mou-
choir en papier ou du papier absorbant peuvent
Le terme de « luxation dentaire » est utilisé car la être utilisés) afin de bloquer la dent et d’éviter
racine de la dent est reliée à l’os par le ligament qu’elle ne redescende. Le patient doit consulter
alvéolodentaire. Lors du traumatisme, ce ligament est immédiatement pour un examen radiologique afin
étiré ou comprimé, tout comme un ligament clas- de vérifier l’intégrité radiculaire et la mise en place
sique, avec une partie de ses fibres déchirées. d’une contention pour une durée de 15 jours.
Selon la direction du choc, la dent est déplacée L’intrusion, ou impaction, est le déplacement
dans son alvéole soit latéralement ou axialement, axial de la dent dans l’os alvéolaire. Cliniquement,
soit en direction palatine (vers l’arrière), soit en la dent n’est plus alignée avec les dents adjacentes.
direction vestibulaire (vers l’avant). Elle n’est pas Son enfoncement s’accompagne d’une fracture
mobile car bloquée contre la paroi de l’alvéole qui du fond de l’alvéole, d’un écrasement du ligament
est alors fracturée. Le patient doit être pris en charge et du paquet vasculonerveux. Il n’y a pas de geste
rapidement afin de remettre en place la dent et de d’urgence à pratiquer et la consultation chez le
réaliser une contention qui sera laissée 15 jours. dentiste peut se faire le lendemain.

Figure 13.10. Fracture dentaire.


a. Fracture coronaire de l’incisive maxillaire droite avec exposition totale de la pulpe. Le fragment a été conservé dans du
sérum physiologique. b. Fragment rescellé après traitement pulpaire.
Chapitre 13. Traumatismes craniofaciaux 409

Expulsion • replacer la dent dans l’alvéole avec une certaine


pression en prenant soin de vérifier l’orientation
Suite au choc, la dent se retrouve hors de son au préalable ;
alvéole. C’est l’urgence par excellence  ! Le traite­ • faire mordre le patient sur un paquet de
ment est la réimplantation qui, pour être cou- compresses pliées ou un mouchoir en papier ;
ronnée de succès, doit être réalisée dans l’heure • se rendre en urgence chez un chirurgien-dentiste
qui suit l’accident. L’objectif de la réimplantation qui effectuera une contention qui sera laissée en
est l’obtention d’une réattache de la dent par un place pendant 15 jours.
nouveau ligament formé à partir des cellules res- Si la réimplantation ne peut pas être réalisée sur
tées vivantes à la surface de la racine. Idéalement, le le site de l’expulsion, la dent doit impérativement
temps extra-alvéolaire doit donc être le plus court être placée dans un milieu de conservation. Du fait
possible (15  à 20  min au maximum) et la dent de son osmolarité équivalente à celle du milieu san-
remise en place immédiatement après l’expulsion guin, le lait stérile est l’idéal, vient ensuite la salive
selon le protocole suivant : et, en dernier, le sérum physiologique. L’urgence
• manipuler la dent par la couronne afin de ne pas à se rendre chez le dentiste pour effectuer la réim-
léser les cellules ; plantation reste de rigueur (figure 13.11).
• ne pas gratter la racine pour la nettoyer, mais Toutes ces recommandations proviennent de
placer la dent sous un fin filet d’eau pendant guidelines éditées chaque année par l’Internatio-
quelques secondes si elle est souillée ; nal Association for Dental Traumatology.

Figure 13.11. Titre figure.


a. Expulsion de l’incisive centrale maxillaire droite. L’alvéole est béante. b. L’incisive est remise en place et le patient mord
sur un rouleau de coton avant la mise en place de la contention. c. La contention sera laissée 15 jours au maximum.
410 Traumatologie en pratique sportive

Plaies cutanées Cas particulier


Il faut distinguer les simples abrasions ou excoria-
des othématomes
tions des plaies touchant le derme.
Une abrasion se traite par une asepsie avec un Il s’agit d’une collection hématique dans le
antiseptique local 3  fois par jour et l’application pavillon de l’oreille. L’othématome se rencontre
d’une pommade grasse en permanence jusqu’à le plus souvent chez les rugbymen. L’absence de
cicatrisation. traitement peut entraîner une chondrite chro-
Une plaie cutanée atteignant le derme nécessite nique, voire une infection du cartilage de l’oreille
une suture sans urgence  : il n’y a pas de limite conduisant inéluctablement à la classique « oreille
horaire pour suturer, au calme, le plus souvent en chou-fleur ».
sous anesthésie locale. En attendant, la suture, il Le traitement qui peut se faire sous anesthésie
faut nettoyer la plaie avec un antiseptique local et locale consiste en un drainage de l’othématome
mettre un pansement. et une compression du pavillon de l’oreille par
Dans tous les cas, une protection solaire pen- un bourdonnet de gaze grasse pendant 5  jours
dant au moins 6  mois est recommandée afin associée à une antibiothérapie à large spectre
d’éviter une pigmentation cicatricielle irréversible. (figure 13.12).

Figure 13.12. Othématome droit (a) : incision puis drainage (b) et compression par un bourdonnet (c).
Chapitre 14
Urgences de terrain

1. Urgences sur le terrain Aspects administratifs


de sport Contrat de travail
A. Frey Les contrats de travail ont été mis en place après
des discussions entre le Conseil national de
l’ordre  des  médecins (CNOM), l’Union nationale
Commençons par un cas de figure classique  : des médecins fédéraux (UNMF) et le Syndicat
un enseignant de judo demande à l’un de ses national de médecine du sport (SNMS). Ces contrats
élèves si son père, qui est médecin, pourrait venir sont en ligne sur le site Internet du CNOM.
dimanche prochain surveiller la compétition inter- Ces contrats donnent un cadre à l’activité des
clubs benjamin. Celui-ci accepte après que son fils médecins du sport s’occupant d’une équipe spor-
lui en a parlé. Il assiste donc à la compétition tout tive ou de la surveillance d’une compétition quel
en accompagnant son fils. que soit le niveau.
Qu’aurait-il dû faire avant d’accepter cette sur- Un contrat entre le médecin et l’organisateur
veillance ? Que risque-t-il ? doit être établi et celui-ci doit être adressé au conseil
Les demandes de surveillance médicale de départemental de l’ordre dont dépend le médecin.
compétition sont de plus en plus nombreuses, mais À partir du moment où le médecin reçoit un ordre
les médecins disponibles sont de moins en moins de mission pour surveiller une manifestation, il
nombreux, les événements sportifs se déroulant le existe un lien de subordination entre le médecin et
plus souvent le week-end. l’organisateur. Si un contrat n’est pas signé entre les
Les encadrements médicaux d’équipes profes- deux parties mais que le médecin reçoit un ordre de
sionnelles ou d’équipes de France nécessitent une mission, celui-ci peut faire office de contrat.
présence allant d’une simple vacation de 2 heures Quand le médecin accepte de surveiller une
hebdomadaire à une présence sur un poste à compétition, il doit s’enquérir du règlement médi-
temps plein. La médiatisation de certains sports cal fédéral disponible soit sur le site Internet de
nécessite d’avoir des attitudes prédéterminées sur l’UNMF, soit sur le site Internet de la fédération
le terrain, une connaissance parfaite de l’exercice concernée, afin de prendre connaissance du règle-
de la médecine du sport sur le terrain sans jamais ment médical et de son rôle pendant le déroulement
perdre de vue son indépendance professionnelle. de la compétition.
L’aspect juridique est de plus en plus présent, Sur le contrat, un certain nombre de rensei-
sans aller pour l’instant jusqu’à l’excès nord- gnements doivent figurer :
américain  : tous les actes doivent être consignés • date, heure, lieu de la compétition ;
par écrit aussi bien l’activité médicale que para- • sportifs concernés (nombre, catégories d’âge) ;
médicale. • publics (nombre) ;

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
412 Traumatologie en pratique sportive

• moyen d’évacuation et secours ; Les responsabilités sont de plusieurs niveaux :


• matériels à disposition dont un défibrillateur ; • ordinale (contrat visé par le CNOM) ;
• salle d’examen ; • civile (en cas de faute, omission ou dégâts) ;
• salle pour le contrôle antidopage ; • pénale (exercice illégal, violation du secret
• chaîne des secours prévenus (hôpital local, médical, non-assistance, homicide et blessure
SAMU, sapeurs-pompiers). involontaires) ;
• contractuelle (contrat médecin/organisation).
Un relevé d’activité des compétitions, papier ou
Assurances professionnelles informatique, doit être tenu à jour par le médecin ;
ce relevé peut être adressé au médecin fédéral
Responsabilité civile national ou au médecin coordonnateur de la fédé-
professionnelle collective ration dans le cas d’analyses statistiques des acci-
La responsabilité civile professionnelle (RCP) col- dents médicaux survenant lors des compétitions.
lective doit être prise par la fédération concernée
ou par l’organisateur de la manifestation. Elle doit Enjeux de la surveillance médicale
assurer l’ensemble des intervenants médicaux et
paramédicaux. Le cahier des charges doit être le plus complet
possible pour éviter des problèmes secondaires
Responsabilité civile inhérents à la surveillance des compétitions.
professionnelle individuelle Le médecin doit avant tout repérer les situa-
La RCP collective ne dispense pas le médecin tions à risque où les aspects vitaux sont mis en jeu
d’avoir sa propre RCP. Il doit préciser à son et doit gérer les aspects fonctionnels, soit sur place
assureur l’activité de médecine du sport avec sur- si cela est possible, soit en évacuant vers le centre
veillance de compétitions sur le terrain et préciser si d’urgence le plus proche.
l’activité est susceptible d’être effectuée en dehors Il doit déceler le « potentiellement grave » sur
de la France. le lieu de la compétition et agir en tant que pro-
Le médecin fournit à l’assureur un double de fessionnel de santé (arrêt cardiorespiratoire, trau-
la RCP collective souscrite par la fédération ou matismes thoraciques, abdominaux, rachidiens).
l’organisme qui l’emploie (les ordres de mission La trousse de secours du médecin doit compor-
suffisent s’il n’existe pas de contrat). ter a minima les éléments suivants :
• stéthoscope, appareil tensionnel ;
• dextro, thermomètre, abaisse-langue ;
Responsabilités médicales • otoscope, peak-flow ;
• médicaments  : antalgiques, anti-inflammatoires
Le médecin est responsable de ses actes ainsi que non stéroïdiens (AINS), digestifs, ORL, β2-mimé-
des actes prescrits aux paramédicaux. tique… ;
Le médecin a une obligation de moyen et de • contentions, pansements divers, compresses ;
plus en plus de résultats. • sets de suture, agrafes, colle.
Il doit être inscrit à l’Ordre des médecins donc Tout matériel supplémentaire peut être le bien-
thésé, ce qui exclut toute participation d’un méde- venu en fonction des sports à surveiller.
cin non thésé à une surveillance de compétition
(les seules restrictions peuvent être dans le cas
d’un service médical à plusieurs médecins où il Pathologies urgentes
peut y avoir un interne restant sous la responsabi- non traumatiques
lité d’un senior).
Le rôle du médecin assurant la surveillance de Arrêt cardiorespiratoire
la compétition est bien défini : il ne doit en aucun
cas signer des certificats d’absence de contre- Il représente environ 50  000  cas/an en France
indication (CACI) pendant cette surveillance. et peut survenir en milieu sportif (environ 1500
Chapitre 14. Urgences de terrain 413

cas/an) lors d’un entraînement, d’un match ou • Poser le défibrillateur le plus vite possible : les
parmi les spectateurs. défibrillateurs sont de deux types soit automa-
La prise en charge est bien codifiée actuellement. tique, soit semi-automatique. L’utilisation est
Il faut être capable de reconnaître un arrêt car- très simple dès lors qu’une formation initiale
diaque et de déclencher toute une chaîne de survie. a été réalisée. L’application des électrodes est
toujours la même et peut s’effectuer pendant
Étiologies des arrêts cardiaques le MCE  ; il suffit de suivre les instructions
• 80 % d’affections cardiaques : délivrées par le défibrillateur mais cela ne dis-
– troubles du rythme ventriculaire (88 %) ; pense en rien d’arrêter la réanimation cardiores-
– commotio cordis (20 %) pour certains sports ; piratoire sauf au moment de l’analyse et de la
– causes circulatoires (hypovolémique, rupture délivrance éventuelle d’un choc.
d’anévrisme) ; • Si vous disposez d’un ballon autoremplisseur à
– causes non cardiovasculaires (asthme, valve unidirectionnelle (BAVU) sur place et de
dopage…). l’oxygène et que vous êtes au moins deux, vous
• 15 % d’affections pulmonaires. posez un masque avec débit maximum d’oxy-
• 5 % divers. gène et vous ventilez 2 fois toutes les 30 MCE.

Prise en charge de l’arrêt Pourquoi une réanimation


cardiorespiratoire cardiorespiratoire précoce
(figure 14.1) ?
• Reconnaître l’arrêt cardiorespiratoire  : patient
inconscient, ne respirant plus et ne circulant plus Elle prévient la dégradation de la fibrillation ven-
avec absence de pouls carotidien pris sur 10 s. triculaire en asystole.
• Prévenir le plus rapidement possible les services Elle augmente les chances de succès de la défi-
de secours. brillation.
• Commencer la réanimation cardiorespiratoire Chez le sujet inconscient, la perte du tonus mus-
avec un massage cardiaque externe (MCE) à culaire entraîne une chute de la langue en arrière et
100 battements/min. une obstruction par l’épiglotte.

Figure 14.1. Efficacité de la chaîne de survie.


RCP : réanimation cardiorespiratoire précoce ; VF : défibrillation en cas de fibrillation ventriculaire.
Source : Carole Fumat.
414 Traumatologie en pratique sportive

Il faut connaître les manœuvres d’ouverture des Tableau 14.1. Bronchospasmes induits par l’effort
voies aériennes supérieures : chez le sportif
• positionner la tête en arrière : le plat de la main Facteurs Facteurs moins
placée sur le front fait pression en bas et arrière ; favorisants favorisants
• et lever le menton : deux doigts de l’autre main Type d’exercice Continue Intermittent
placés sous le menton soulèvent la mâchoire Fréquence FC > 160 batte- FC < 140 batte-
inférieure. cardiaque (FC) ments/min ments/min
pendant exercice
En cas de traumatisme cervical suspecté (ma­
chez l’enfant
nœuvre à privilégier) :
Sport Course à pied Natation
• placer les mains de chaque côté de la tête de la
victime, les coudes posant sur le même plan que Hygrométrie Air sec et froid Air humide
son dos ; Période allergique ++ −−
• soulever les deux angles mandibulaires avec les Qualité de l’air Pollution atmo- Air pur
quatre doigts en crochet, les pouces ouvrant la sphérique
bouche. Traitement asthme Inadapté Adapté
En cas de respiration satisfaisante, installer le
patient en position latérale de sécurité. Les éléments de gravité (tableau  14.2) sont à
Si une réanimation peut se réaliser sur le terrain rechercher.
avec des médecins formés, il faut poser au moins Le traitement repose sur les éléments suivants :
une voie d’abord avec du sérum physiologique • on peut utiliser des chambres d’inhalation ou
tout en continuant le MCE, poser une canule de mieux des aérosols sous oxygène avec de la terbu-
Guédel et administrer les « drogues » préconisées taline, de l’ipratropium bromure ou du budéso-
selon les dernières recommandations européennes nide selon des dosages bien précis ;
de 2018 comme l’amiodarone, la lidocaïne et le • une corticothérapie orale peut être débutée
magnésium. à 1 mg/kg ;
• le patient est mis sous oxygène entre les aérosols
Asthme qui peuvent se succéder tant que le peak-flow n’a
pas atteint une valeur au moins égale à 60 % de
C’est une association de bronchoconstriction et la valeur théorique.
d’inflammation entraînant une gêne à l’expiration L’auscultation pulmonaire est régulière.
de l’air. Cette pathologie fréquente est la cause Plus la crise est traitée tôt, plus le recours à une
d’encore environ 500 décès/an et chez le sportif réanimation lourde est peu probable.
l’incidence est de  2 pour  100  000. Il existe en
plus chez le sportif des bronchospasmes induits
Tableau 14.2. Asthme, bronchospasmes induits
par l’effort (BIE). par l’effort et éléments de gravité
Les facteurs retrouvés favorisant le BIE et ceux
Signes Évaluation
limitant l’apparition du BIE sont présentés dans
Parole Possible/impossible
le tableau 14.1.
Les différents sports susceptibles de favoriser Toux Possible/impossible
un BIE sont les suivants  : course à pied longue Conscience Normale/obnubilation
distance, basket-ball, football, cyclisme, rugby, Fréquence respiratoire Normale/pause respiratoire
biathlon, hockey sur glace, patinage artistique. Fréquence cardiaque Tachycardie/bradycardie
Les moins favorisants sont les suivants  : football Pression artérielle systolique < 100 mm Hg
américain, base-ball, sprint, gym, lutte, golf, boxe,
Pouls paradoxal Baisse de la pression artérielle
sports de raquette, water-polo, plongeon, natation. systolique > 20 si inspiration
Pour les sports aquatiques pratiqués en piscine,
Sibilants Présents/silence auscultatoire
il faut suivre les nageurs qui peuvent développer
Débit expiratoire de pointe
un asthme induit par les produits chlorés. < 100
Chapitre 14. Urgences de terrain 415

Le traitement est autorisé par l’Agence mon- mais préférable avec de l’air froid pulsé (0,2°/
diale antidopage (AMA) sans demander d’autori- min) au minimum 20 min ;
sation d’usage à visée thérapeutique (AUT) pour • réhydratation (correction moitié déficit en 6 h) ;
corticoïdes et salbutamol inhalés. • traitement de la cause  : infectieuse, métabo-
lique, neurologique, cardiovasculaire.
Hyperthermie d’effort
Commotion cérébrale
Celle-ci est à craindre dès que la température
extérieure est élevée. Si une commotion cérébrale est avérée, le médecin
La physiopathologie est la suivante : doit arrêter immédiatement le sportif et celui-ci
• défaillance des mécanismes de régulation ; ne peut pas reprendre la compétition. En fonction
• absence d’évacuation de la chaleur produite par du sport, le médecin doit prévenir le corps arbitral
organisme ; ou l’organisateur que ce sportif ne pourra pas
• métabolisme basal =  100  kcal/h pour 70  kg reprendre la compétition.
environ ; Le rôle du médecin est d’appréhender si le spor-
• réchauffement du corps = 1 °C/heure ; tif est apte à reprendre la compétition ou s’il doit
• coup de chaleur =  hyperthermie extrême avec l’adresser aux urgences. Il s’aidera notamment du
troubles neurologiques et des organes cibles. dernier questionnaire SCAT5 (Sport Concussion
Il existe quatre mécanismes de dissipation : Assessment Tool 5th edition).
• conduction = contact physique direct : 2 % ; Souvent associé à cette commotion cérébrale,
• convection  =  transfert vapeur d’eau à l’exté- le rachis cervical peut être touché. En cas de
rieur : 10 % ; doute, le médecin doit prendre toutes les précau-
• radiation = ondes thermiques : 65 % ; tions sur  le terrain avant de mobiliser le sportif
• évaporation= sueur : 30 %. (immobilisation dans un collier cervical, examen
Du fait des phosphorylations oxydatives appa- neurologique et recherche de paresthésies distales
raissent dès 42 °C des lésions tissulaires. décrites par le sportif).
Les signes cliniques sont les suivants :
• troubles neurologiques fréquents (ataxie, hallu-
cinations, troubles du comportement, céphalée, Pathologies urgentes
confusion, perte de connaissance) ; traumatiques
• température > 41 °C, transpiration ;
• nausées, vomissements ; Nous abordons ici les principales situations que
• déshydratation ; le médecin est susceptible de rencontrer sur le
• troubles circulatoires (tachycardie, hypoten- terrain en essayant de proposer une conduite à
sion, troubles du rythme) ; tenir (voir chapitre 13).
• coagulation intravasculaire disséminée.
Le traitement repose sur les éléments suivants : Face
• prévention par acclimatation si possible, hydra-
tation avant et pendant l’effort ; Devant la présence d’une épistaxis d’origine trau-
• soustraire le sportif de l’atmosphère chaude ; matique, il faut savoir éliminer une lésion des os
• augmenter la perte par conduction (aération) : propres du nez (OPN). Sans déformation évidente,
le sujet peut rester habillé ; l’examen clinique peut se contenter d’un examen
• monitorage ; cutané, d’une recherche d’obturation narinaire
• refroidir par immersion dans de l’eau glacée et à l’aide d’un otoscope d’analyser les fosses
(bains froids ou bâche remplie d’eau et de nasales. Après compression bidigitale si celle-ci est
glaçons posée au sol et relevée aux quatre réalisable, un mêchage bilatéral est préférable avec
coins par des secouristes) au mieux, sinon glace soit du Mérocel®, soit du Surgicel®, soit du simple
sur le corps ou perfusion de solutés refroidis, coton.
416 Traumatologie en pratique sportive

En cas de fracture déplacée des OPN, une Il faut examiner la plaie dans de bonnes conditions
réduction dans l’axe peut être tentée sur le terrain et décider du geste thérapeutique à adopter. Soit la
en fonction de l’expérience du médecin. plaie peut être traitée sur le terrain dans un local
En cas de lésion péri-orbitaire, il faut rechercher adapté en utilisant l’un des moyens de fermeture mis
une fracture du cadre orbitaire et surtout s’assurer à disposition (Steri-Strip®, colle, suture, agrafe), soit
de l’intégrité de la vision du sportif. Au moindre la plaie n’est pas suturable sur le terrain et le sportif
doute sur une fracture, le sportif est évacué pour doit être dirigé vers un service d’urgence.
bilan d’imagerie. Il faut vérifier le statut vaccinal du sportif et
En cas de lésion cornéenne, le plus souvent soit lui proposer une vaccination antitétanique à faire
par un doigt soit par un objet comme une balle, rapidement s’il n’est pas à jour.
l’examen ophtalmologique doit être complet sur la Attention, le risque de piqûre septique est pos-
mobilité, la vision. Il faut rechercher une diplopie, sible sur le terrain !
une hémianopsie homolatérale, un hyphéma… Si jamais un risque de contamination existe
Faire attention aux dermabrasions cornéennes qui (virus de l’immunodéficience humaine ou VIH,
peuvent brusquement se transformer en kératite hépatites  B et  C), le médecin doit suivre les
nécessitant un traitement rapide ! protocoles réglementaires en cours concernant
En cas de chute d’une lentille de contact sur la le traitement à appliquer en cas d’un risque de
surface de jeu, celle-ci ne doit pas être remise en contamination par le VIH.
l’état au niveau de l’œil mais doit être changée et
nettoyée par des solutions adéquates avant tout
repositionnement. Tronc et abdomen
En cas de traumatisme mandibulaire, s’assurer
Lors d’un traumatisme thoraco-abdominal, le
de l’absence de fracture et vérifier l’état dentaire.
médecin s’attache surtout à rechercher une lésion
S’il s’agit d’une luxation dentaire, retrouver la
des organes sous-jacents à savoir poumons et
dent, la nettoyer sans frotter avec de l’eau ou du
cœur à l’étage thoracique et foie, rate, et reins à
sérum physiologique en la tenant par la couronne,
l’étage abdominal pour ne citer qu’eux.
puis la réimplanter dans son alvéole et placer une
En cas de doute sur une possible lésion sous-
compresse que le sportif devra serrer. S’il s’agit
jacente, le sportif est dirigé vers un service d’urgence.
d’une fracture dentaire, récupérer le fragment si
Le médecin, s’il possède un appareil d’échographie
possible et le conserver dans un liquide approprié
portable, peut réaliser une FAST écho (focused
(sérum physiologique, lait).
assessment with sonography in trauma) et avoir déjà
En cas de luxation dentaire chez l’enfant de
une idée sur une éventuelle atteinte de ces organes.
moins de 12  ans, lui prescrire des antibiotiques
La fracture de côte n’est qu’un diagnostic
type amoxicilline, ou tétracyclines en cas d’allergie,
d’élimination.
pendant 7 jours.
Le sportif doit être adressé chez le dentiste dans
l’heure qui suit en cas de luxation dentaire, dans les Membre supérieur
24 à 36 h pour les autres traumatismes.
Afin d’éviter ce type de lésion, il est fortement Les traumatismes le plus souvent rencontrés sont :
conseillé dans les sports à risque de porter un • au niveau des épaules :
protège-dents effectué sur mesure. – luxation gléno-humérale,
– entorse acromioclaviculaire,
Plaies – fracture de la clavicule,
– lésion de la coiffe des rotateurs,
Avant de prendre en charge une plaie, plusieurs – atteintes sternoclaviculaires  : il faut s’en
points doivent être vérifiés : méfier et les rechercher systématiquement ;
• le siège ; • au niveau des coudes :
• la profondeur ; – luxation postérieure,
• existe-t-il une hémorragie ? – fracture de la palette humérale,
Chapitre 14. Urgences de terrain 417

– fracture de la tête radiale, Le médecin doit être formé et se former à ce type


– désinsertion basse du biceps brachial, d’exercice particulier.
– entorse du plan médial (ligament collatéral L’adage «  Le médecin ne vient pas surveiller
médial) ; une compétition les mains dans les poches  » est
• au niveau des poignets, des mains et des doigts : très juste. Le médecin doit évaluer les risques
– luxation des doigts  : la plus fréquente étant avant. La responsabilité est certes celle de l’orga-
la luxation soit latérale, soit dorsale de l’inter- nisateur, mais dès lors qu’il délègue à un médecin,
phalangienne proximale, ce dernier endosse la responsabilité médicale et il
– fracture des métacarpiens, a une obligation de moyens partagée avec l’orga-
– fracture du naviculaire, nisateur à qui il peut demander de lui fournir ces
– entorse grave du poignet, voire luxation moyens. Le médecin sera fautif s’il n’a pas les
rétrolunaire du carpe à rechercher. moyens nécessaires et s’il ne les a pas demandés
ni apportés.
Il faut savoir quelle attitude avoir devant un trau-
Membre inférieur matisme, quels gestes sont possibles à réaliser sur le
terrain, quels sont ceux qu’il vaut mieux éviter…
Les traumatismes le plus souvent rencontrés sont : Au moindre doute, il ne faut pas hésiter à
• au niveau du bassin et des hanches : évacuer un sportif blessé vers un centre d’urgence,
– traumatisme du bassin  : attention au risque préalablement prévenu qu’une compétition se
d’hémorragie, déroulait à proximité.
– arrachements apophysaires chez les jeunes  :
épine iliaque antérosupérieure (EIAS), épine Points clés
iliaque antéro-inférieure (EIAI), ischion…, • Le médecin ne doit pas s’engager dans la surveillance
– lésions musculaires des ischiojambiers, des d’une compétition sans être assuré avec l’organisateur
quadriceps, des adducteurs, que les conditions de son exercice sur le terrain seront
– luxation de la hanche : rare sur le terrain ; respectées.
• au niveau des genoux : • Le médecin doit tenir un registre des sportifs qu’il
– luxation de la patella, pourra consulter pendant la compétition.
– lésions du pivot central et/ou des plans • Le médecin doit savoir reconnaître les situations
latéraux, d’urgence médicale sur le terrain en appliquant les
recommandations actuelles (arrêt cardiorespiratoire,
– fracture de la patella,
asthme…).
– luxation du genou : rare sur le terrain ; • Le médecin ne doit pas tenter des gestes de réduction
• au niveau des jambes et des chevilles : de luxation sur le terrain s’il ne sait pas les pratiquer.
– entorse de la cheville  : en particulier,  entorse
latérale, mais rechercher une lésion de la syn-
desmose (application des critères d’Ottawa ou
de Buffalo puis protocole POLICE : Protection, 2. Le médecin en club
Optimal loading, Ice, Compression, Elevation),
– lésions musculaires du mollet  : gastrocné-
professionnel
miens, soléaire,
F. Le Gall*
– lésions tendineuses : rupture du tendon cal-
canéen, luxation des fibulaires,
– fractures de la cheville. Être médecin de club, c’est un rêve ou un simple
objectif, que l’on peut avoir avant même de débuter
ses études de médecine. C’était le mien, et pourtant
il a mis 26 ans à se réaliser à compter de mes pre-
Conclusions miers pas à la faculté. J’aurais très bien pu faire sans,
mais quand l’occasion s’est vraiment présentée,
Être médecin de terrain demande un véritable savoir-
faire et engage la responsabilité du professionnel. *. Médecin de l’équipe de France de football.
418 Traumatologie en pratique sportive

après 15  ans au Centre technique national de Après, rapidement, il faut confronter ses
Clairefontaine, je ne l’ai pas laissée passer. Pour dire connaissances avec le sportif. Cela peut se faire en
que ce désir était important dans mon choix ! Il a été consultant au cabinet, le plus simple et efficace,
guidé par la passion du football et celle de l’exercice mais aussi au stade, au plus près de l’activité du
de la médecine de terrain. Footballeur amateur dès joueur. Pour créer un lien fort avec eux, rien de tel
mon plus jeune âge, la semaine et les week-ends que de les suivre sur le terrain, être auprès d’eux
étaient rythmés par le football, les entraînements quand ça va bien, mais surtout quand ça va mal,
et les matchs en club. Mais rythmées aussi par blessure ou pas. En cas de lésion (déchirure mus-
les retransmissions télé des épopées stéphanoises, culaire, fracture, entorse…), on apprend à se faire
bastiaises et sochaliennes des années 1970, celles la main au bord du terrain ou dans le vestiaire, à
de l’équipe de France de la génération Platini ; et recueillir les informations essentielles du méca-
rythmées encore et toujours par le football au stade nisme lésionnel et les signes fonctionnels, à faire
Jean-Bouin à supporter l’Angers Sporting Club de le premier examen dans les minutes qui suivent.
l’Ouest. Plus qu’une simple passion donc, comme On sait que cet examen est précieux dans bon
la plupart de mes collègues médecins de club. nombre de pathologies, les entorses de cheville et
Très vite à la fac, pour le futur médecin de terrain, du genou par exemple quasiment inexaminables
les cours d’anatomie ostéo-articulaire deviennent le lendemain. Prendre le temps de l’examen,
passionnants. On avale le certificat de l’appareil rougeur, gonflement, chaleur, laxité, testing mus-
locomoteur et celui de rhumatologie et l’affaire est culaire et tendineux, tout cela peut s’apprendre
lancée. Très tôt dans les gardes, on a une attention très vite au bord d’un terrain ou dans un vestiaire.
toute particulière pour tous les sportifs qui arrivent On va vous demander d’être compétent et
aux urgences  : entorses de cheville et du genou, d’avoir de l’expérience. La compétence s’apprend
fractures de tout poil… On fait ses premiers plâtres à la fac et sur le terrain, en cultivant la pertinence
ou premières résines. Les services d’orthopédie et de son jugement et les orientations que l’on va
de rhumatologie sont des passages obligés pour proposer au joueur. Mais comment avoir de l’expé-
nos stages hospitaliers. On se familiarise ainsi avec rience en sortant de la faculté ? Un bon moyen est
le bloc opératoire, les plasties, les réductions de très certainement de ne pas hésiter à se confronter
fracture, on apprend à examiner les articulations, à au monde amateur, dès les premiers temps des
lire une radiographie, une IRM… Pour tout ce qui études, à s’intéresser aux joueurs de son équipe
touche aux muscles et aux tendons, à la pathologie et de son club en général si l’on pratique encore,
chronique, l’internat permet d’approfondir son à leurs petites ou grandes pathologies  : on leur
approche et les consultations de traumatologie du fait raconter leur parcours, la blessure, la prise
sport avec les patrons. En stage dans le service de en charge, pourquoi, quand et comment. Il faut
rééducation fonctionnelle, on se rapproche alors se montrer curieux, se montrer disponible aussi,
des kinésithérapeutes pour comprendre leur rôle, comme lorsqu’on est de garde à l’hôpital. Savoir
leurs techniques et leur impact auprès du patient : réaliser un pansement, apprendre les gestes des
en particulier, dans les suites postopératoires de la kinésithérapeutes aussi, les étirements, le massage,
ligamentoplastie du genou ou de la chirurgie de les strappings et autres tapings sont un très bon
coiffe des rotateurs  ; mais même les pathologies moyen pour s’attirer la confiance d’un sportif et
neurologiques et rhumatologiques attirent notre appréhender une bonne prise en charge.
attention… On se rapproche aussi du laboratoire Médecin de club, c’est s’occuper de la trauma-
de physiologie pour comprendre les fonctions tologie, de la rééducation et de la réadaptation
cardiaques, ventilatoires et musculaires à l’effort, sur le terrain, mais c’est aussi savoir proposer un
l’impact de l’entraînement, de ses différents types travail de prévention aux joueurs, s’occuper de
(endurance, intermittent, puissance…), l’intérêt leur hygiène de vie, de leur diététique, de leur
des explorations fonctionnelles, comment les utili- sommeil, faire des visites d’embauche, leur donner
ser pour améliorer les performances athlétiques des une information sur le dopage. Sans doute que le
sportifs, mais surtout comment les utiliser en phase diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine
de réadaptation après blessure. physique et réadaptation est le plus adapté pour
Chapitre 14. Urgences de terrain 419

devenir un jour médecin de club, mais sans que et médecin de l’équipe de France championne du
ce soit une nécessité absolue. En revanche, les monde en 1998) explique que nous, médecins
formations que l’on doit conseiller sont  : une de club, nous n’avons pas qu’une obligation de
capacité en biologie et médecine du sport et un moyens, mais que nous avons également une véri-
diplôme universitaire (DU) complémentaire de table obligation de résultat. Et c’est bien le cas. On
traumatologie du sport (il existe depuis 2016 un doit avoir des résultats. Les statistiques en football
diplôme interuniversitaire ou DIU de traumato- nous montrent que 5 à 15 % des joueurs sont en
logie du football) ; un DU de thérapie manuelle salle de soins chaque jour. Une bonne statistique se
pour apprendre au mieux toute la finesse de situe en dessous de 10 %. Au-delà, il faut commen-
l’examen clinique et quelques techniques manipu- cer à se poser des questions, et les bonnes. Un club
latives ; un diplôme de préparation physique pour investit de l’argent sur un joueur, achat et salaire,
bien appréhender le football dans sa dimension il demande donc un retour sur cet investissement.
athlétique  ; un DIU d’échographie de l’appareil C’est sur le terrain qu’il l’aura, pas dans une salle de
locomoteur parce qu’il s’agit d’un allié de choix au soins. Donc l’objectif devant toute pathologie est
centre d’entraînement et que beaucoup de clubs clair : un retour du joueur sur le terrain avec toutes
disposent de matériel d’échographie ; sans doute ses capacités, le plus vite possible et sans risque de
aussi, un DU de nutrition du sportif. récidive. Cette pression fait partie du quotidien.
Médecin de club, il va falloir obtenir la confiance Très tôt ainsi, j’ai souhaité mettre en place des
du joueur, celle de l’entraîneur et de son staff, statistiques en traumatologie. Les premières que j’ai
celle de toute son équipe de soins, les kinésithéra- publiées en 2006 décrivaient la traumatologie des
peutes, le podologue, l’ostéopathe… La médecine jeunes footballeurs de l’Institut national du football
est affaire d’humilité aussi. Ne pas trop s’embal- (âgés de 13 à 16 ans, sur 10 ans de 1993 à 2003).
ler après quelques bonnes intuitions et prises en Dès que j’ai intégré le milieu professionnel, le Lille
charge. Attention, la tuile n’est pas loin  ! Mais il Olympique Sporting Club, puis l’Olympique de
faut reconnaître qu’il ne faut trop en avoir non plus, Marseille, j’ai fait de même. Outre la possibilité
elle pourrait vous desservir de temps en temps si le de publier, c’est un véritable outil pour comprendre
joueur y voit un manque d’assurance. Il faut savoir le quotidien, savoir où on se situe dans les blessures,
faire preuve de caractère, c’est évident : on ne parle leur nombre, mais aussi le type de pathologie, les
pas de médecine, mais bien de relations humaines. récidives… Les messages sont plus faciles à faire pas-
Dans un cabinet en ville, vous êtes face à face avec ser auprès d’un entraîneur, du préparateur physique
le joueur, aucun rapport de force ne s’établit dans et des kinésithérapeutes lorsqu’on a ces données
cette relation, juste une relation de confiance. Il en entre les mains. Le meilleur exemple que je peux
va tout autrement avec le staff technique, le pré- donner d’une bonne utilisation des statistiques de
parateur physique mais aussi les kinésithérapeutes. terrain est celui-ci : j’étais médecin à Clairefontaine
Chacun doit être à sa place, mais malheureusement depuis 1993 ; au pôle Espoirs féminin créé en 1998,
ce n’est jamais le cas. Tout le monde donne son nous avions deux à trois ruptures du ligament croisé
avis sur tout, pour ce qui nous concerne ce sera sur par an à prendre en charge. Un vrai traumatisme
le diagnostic et la prise en charge qui sont souvent physique et psychologique pour ces adolescentes
sujets à discussion. Ainsi, si votre compétence et évidemment et pour nous qui les suivions alors dans
votre expérience sont l’outil indispensable pour toutes les étapes, du début à la fin : la chirurgie, le
avancer (d’où l’importance de suivre les formations postopératoire, la rééducation et la réadaptation
et valider les diplômes), votre caractère, sans être au centre, tout cela pendant 5  à 7  mois selon les
mauvais, votre ouverture d’esprit et votre diploma- cas. Après 3  à 4  ans à vivre cela un peu comme
tie seront la façon de l’utiliser. Et pour le coup, il ne une fatalité, nous avons procédé méthodiquement
faut pas manquer de caractère ! avec les entraîneurs pour trouver une solution. Des
Dans la préface de mon livre Traumatologie entretiens avec les staffs d’autres sports comme le
du football et return to play – À partir de 45  cas basket-ball et le handball, grands pourvoyeurs de
cliniques en club professionnel, Jean-Marcel Ferret rupture du LCA chez les filles, une revue complète
(médecin de l’Olympique lyonnais pendant 30 ans de la littérature et quelques congrès sur le sujet
420 Traumatologie en pratique sportive

nous ont permis de mettre en place une stratégie • la plupart ont signé un CDI ;
gagnante pour elles  : renforcement systématique • une moitié souhaite continuer à suivre une ou
des ischiojambiers quasi toujours déficitaires chez des formations (échographie, DIU de médecine
les filles, étirements pelviens et sous-pelviens, travail du football…) ;
de la proprioception et apprentissage de l’abaisse­ • à la quasi-unanimité, ils considèrent qu’il faut
ment de la hauteur du centre de gravité sur tous avoir emmagasiné de l’expérience avant de
les appuis pour protéger les genoux. À compter s’occuper d’un groupe professionnel.
de 2003 jusqu’à mon départ de Clairefontaine en L’équipe médicale comprend également un peu
2008, nous n’avons plus eu de rupture du LCA moins de trois kinésithérapeutes en moyenne par
chez les filles, mais après également, dès lors que ce club, la plupart à temps plein avec un CDI, ainsi
programme a été respecté. Voilà un très bon exem- qu’un ostéopathe, un podologue et un diététicien,
ple du rôle que l’on doit tenir dans une structure le plus souvent à raison de 2 à 3 vacations chacun
médicale de club en termes de prévention. par semaine.
Pour terminer, je vous livre les grandes lignes du Voilà  ! Le tableau est dressé, il ne reste plus
profil type du médecin de club (enquête de 2019 qu’à… Finalement, pas de conseil particulier autre
de l’Association des médecins de clubs de football que celui de ne pas trop se prendre la tête pour
professionnels) : travailler au plus près de sa passion ! C’est encore
• moyenne d’âge 50  ans (extrêmes de  32 à le moyen le plus sûr de prendre du plaisir et d’être
74 ans) ; performant.
• les médecins ont en moyenne 11 ans d’expérience
au plus haut niveau (extrêmes de 1 à 32 ans) ;
• les trois quarts sont médecins généralistes, le Pour en savoir plus
quart restant étant composé de médecins réédu- Urgences sur le terrain de sport
cateurs surtout et d’orthopédistes (deux d’entre Belval LN, Casa DJ, Adams WM, Chiampas GT, Hol-
schen JC, Hosokawa Y, et al. Consensus statement-
eux) ;
prehospital care of exertional heat stroke. Prehospital
• tous ont une capacité en biologie et médecine Emergency Care 2018;22(3):392–7.
du sport, certains l’ont complétée par un autre Breathe FK. The World Anti Doping-Code: can you have
diplôme de traumatologie du sport (celui de la asthma and still be an elite athlete? 2016;12(2):149–58.
Pitié-Salpêtrière surtout et le DIU de médecine Casa DJ, DeMartini JK, Bergeron MF, Csillan D, Eichner
du football de Pierre Rochcongar mis en place ER, Lopez RM, et al. National Athletic Trainers’ Asso-
ciation position statement: exertional heat illnesses.
en 2016) ; J Athl Train 2015;50(9):986–1000.
• un tiers des médecins ont un diplôme en écho- Dartevelle JL, Goupy L, Frey A. Dental medicine in injury
graphie du sport, un tiers en thérapie manuelle and health risk management in sports. Springer 2020.
et le tiers restant en nutrition, en mésothérapie (à paraître).
ou encore en préparation physique ; Decq P, Brauge D, Calmat A, et al. Diagnosis clinical crite-
• plus des deux tiers ont ou ont eu une activité ria of sport related concussion: toward an operational
criteria definition. Neurochirurgie 2020. (à paraître).
libérale, la moitié une activité hospitalo-uni- Lang D. Asthma deaths and the athlete. Clin Rev Allergy
versitaire et quelques-uns sont passés par les Immunol 2005;29:125–9.
sélections nationales (six d’entre eux) ; Soar J, Perkins GD, Maconochie I, Böttiger BW, Dea-
• près de la moitié des clubs ont mis un écho- kin CD, Sandroni C, et  al. European Resuscitation
graphe à disposition du ou des médecins ; Council Guidelines for Resuscitation: 2018 Update –
Antiarrhythmic drugs for cardiac arrest. Resuscitation
• ils sont un à deux médecins par club  : un tiers
2019;134:99–103.
seulement est à temps plein  ; ils travaillent en
Le médecin en club professionnel
collaboration avec un entraîneur principal, deux Le Gall F. Traumatologie du football et return to play –
adjoints, un entraîneur des gardiens de but, À partir de 45  cas cliniques en club professionnel.
deux préparateurs physiques et un analyste vidéo ; Éditions C. Geoffroy ; 2020.
Chapitre 15
Pathologies par sport
de lésions au niveau de la jambe, et le lancer plus de
1. Athlétisme lésions au niveau du tronc et des membres supé-
rieurs. Le mode de survenue des blessures était
F. Depiesse1 P. Edouard2 majoritairement la sur-utilisation en course de
fond et de demi-fond, et traumatique dans les dis-
L’athlétisme est un sport universel, populaire ciplines explosives. Le muscle était le tissu le plus
et pratiqué sur tous les continents. Il rassemble touché dans toutes les disciplines de l’athlétisme,
différentes disciplines ayant leurs particularités en le ligament a été rapporté comme deuxième struc-
termes de demandes physiques, biomécaniques, ture lésée en saut et en lancer, et le tendon, la peau
physiologiques, énergétiques et techniques, entraî- et l’os en course de fond et de demi-fond.
nant des contraintes différentes et spécifiques sur Bien que le risque de blessure existe pour tous les
l’appareil locomoteur qui va donc être à l’origine athlètes, chacun d’eux est à risque d’une pathologie
de multiples pathologies traumatologiques et spécifique qui est le reflet des contraintes bioméca-
microtraumatologiques. La pratique de ce sport niques et physiologiques de sa discipline. Connaître
entraîne un risque de blessure : environ 60 à 75 % ces informations permet au clinicien d’orienter sa
des athlètes vont présenter au moins une blessure prise charge diagnostique, d’anticiper les services
durant une saison, avec peu de variations entre médicaux pour l’encadrement d’athlètes, mais aussi
les disciplines, et pour une incidence d’environ d’orienter les stratégies de prévention vers les patho-
4 blessures pour 1000 heures de pratique. À tout logies les plus fréquentes et/ou les plus graves.
instant d’une saison, environ 30  % des athlètes Sur le plan des spécificités, le praticien doit
se plaignent d’une blessure ou douleur (données s’attendre à rencontrer un panel de pathologies
non publiées). Lors d’un championnat inter- différentes à la fois en termes de localisation (mem-
national, il a été rapporté qu’environ 10  % des bres inférieurs, tronc et membres supérieurs),
athlètes ont présenté une blessure, ce taux variait de tissu (muscle, ligament, tendon, os, peau) ou de
en fonction du type de championnat (≈ 12 % en mode de survenue, à l’intérieur d’un même sport.
plein air et ≈ 5–7 % en salle), du sexe (≈ 11 % chez La deuxième spécificité est le fait que l’athlé-
les hommes et ≈ 9 % chez les femmes) et de la dis- tisme est un sport individuel fondé en très grande
cipline (≈ 20 % en épreuves combinées, ≈ 8–15 % partie sur les qualités physiques. Cela implique
en course de fond et de demi-fond, ≈ 7–10 % en que l’athlète, pour pratiquer en compétition, doit
sprint et en saut et ≈ 3–5 % en lancer). être à 100 % (ou proche) de ses capacités. Et cela
Il semble exister une spécificité de la blessure nécessite pour autoriser la reprise après blessure
vis-à-vis de la discipline. Les disciplines de sprint que la zone lésée soit non seulement cicatrisée,
et de saut entraînaient plus de lésions de la cuisse mais aussi ait récupéré des propriétés lui per-
(en majorité la lésion musculaire des ischiojam- mettant d’assumer les contraintes induites par la
biers), la course de fond et de demi-fond plus réalisation de l’activité, qui seront probablement
maximales car l’athlète ne peut s’appuyer sur
1. Ancien président de la commission médicale natio- ses partenaires pour compenser ses faiblesses, et
nale de la FFA et ex-membre European Athletics et World rarement sur les aspects techniques ou tactiques.
Athletics. Ainsi, après blessure, le délai de reprise pourra
2. P. Edouard : à compléter être considéré comme plus long que pour d’autres
Traumatologie en pratique sportive
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
422 Traumatologie en pratique sportive

sports notamment les sports collectifs, et le clini- d’eau (steeple), et les épreuves hors stade peuvent
cien devra veiller à cette récupération optimale être réalisées sur béton (course sur route) ou en
pour autoriser la reprise de la compétition. nature (cross ou trail). Il est aussi à noter l’utilisa-
Dans le cadre de son entraînement, l’athlète tion d’engins dans les lancers et à la perche pouvant
est généralement habitué à faire, en routine être à l’origine de pathologies spécifiques.
d’échauffe­ment ou de préparation physique, un Toutes ces spécificités sont donc à prendre
certain nombre d’exercices visant à améliorer en compte par le praticien afin de répondre aux
ses capacités physiques, fonctionnelles, neuromus- mieux aux demandes de l’athlète en adéquation
culaires et de coordination. Ainsi, une troisième aux exigences de sa discipline.
spécificité dans la prise en charge d’un athlète
blessé est que l’athlète peut être plus enclin à
réaliser un travail considéré par d’autres sportifs 2. Cyclisme
comme rébarbatif pour lui permettre de récupérer
ses capacités physiques et de les faire progresser J. Maillot3, E. Meinadier4
dans un objectif  de prévention secondaire, mais
aussi dans le cadre de la prévention d’un premier
épisode de blessure (prévention primaire). Le cyclisme est soumis à de nombreuses contraintes
L’organisation des saisons d’athlétisme repré- macro- et microtraumatiques :
sente une quatrième spécificité. Il y a globalement : • macrotraumatiques :
une saison hivernale avec les cross en plein air pour – fréquentes, potentiellement graves  : d’après
les athlètes de demi-fond et fond, les compétitions l’Observatoire national interministériel de
en salle pour les athlètes de piste (sprint, haies, saut, la sécurité routière, en 2018, en France,
lancer du poids, demi-fond et épreuves combinées), 4805  accidents ont impliqué un vélo avec
et les compétitions de lancer long en plein air, et 4328 blessés et 175 décès, soit 5 % du nom-
une saison estivale avec les compétitions sur piste bre total de tués sur la route,
pour tous les athlètes. Pour chaque saison, il y a des – les lésions les plus couramment rencontrées
championnats de différents niveaux : départemen- vont des dermabrasions aux fractures. À
taux, nationaux, internationaux. La sélection pour ce titre, la clavicule (50  % des fractures du
le niveau supérieur se fait par la réalisation d’un cycliste), l’articulation acromioclaviculaire et
niveau de performance requis qui peut être obtenu le scaphoïde (15  %) sont des zones électives
durant un championnat ou dans un meeting. Le d’atteinte traumatique chez le cycliste. La prise
nombre de compétitions réalisables dans une saison en charge de ces fractures diffère peu des autres
peut être limité par le niveau de l’athlète, il va aussi disciplines sportives hormis le cas particulier du
y avoir une forme de course à la sélection pour cycliste professionnel ;
atteindre ses objectifs. De plus, certaines compéti- • microtraumatiques :
tions peuvent être considérées comme des coupe- – elles dépendent du couple homme–machine.
rets, à savoir si l’athlète n’y participe pas, sa saison Cette relation doit être la plus harmonieuse pos-
peut s’arrêter là. Cette spécificité est à prendre en sible dans le double objectif de prévention des
compte dans la prise en charge de l’athlète blessé. technopathies induites par une imperfection du
Une cinquième spécificité est l’équipement des geste et de l’amélioration du rende­ment méca-
athlètes. Les épreuves se déroulent sans protection, nique du pédalage donc de la performance ;
alors qu’il existe un risque de chute. Les chaus- – le pédalage est un geste simple mais dont les
sures sont généralement très minimalistes (pointes, impacts biomécaniques sont plus subtils et
running de compétition) que ce soit dans les dis- compliqués qu’il n’y paraît ;
ciplines de sprint et saut ou de demi-fond et fond.
3. Directeur médical de l’équipe professionnelle Grou-
La surface est le plus souvent semi-rigide (piste en
pama FDJ. Pôle médical de la Fédération Française de
tartan), mais il peut y avoir des réceptions dans le Cyclisme
sable (saut en longueur et triple saut), sur un tapis 4. Directeur du pôle médical de la Fédération Française
(saut en hauteur et à la perche), ou dans une fosse de Cyclisme
Chapitre 15. Pathologies par sport 423

– la répétition du geste de pédalage peut induire, Dans ce cadre, il faut rechercher :


si ce geste est imparfait, des microtraumatismes • une mauvaise orientation du couple pied–chaus-
répétés (100 km représentant environ 15 000 sure (réglages de cales) ;
à 20 000 tours de pédale selon le braquet uti- • un non-respect de la liberté angulaire tibia–fémur ;
lisé). Il faut noter le rôle important des muscles • une selle trop haute ;
stabilisateurs du bassin lors des phases de pous- • une inégalité de longueur des membres inférieurs.
sée et de traction (grands droits abdominaux,
carré des lombes, piriformes, glutéaux…).
Dans le cadre des technopathies du cycliste, Tendinopathies
nous distinguons deux tableaux cliniques : de l’appareil extenseur
• les inadaptations de la machine à l’homme (par
défaut de réglage adapté) ; Elles sont rencontrées lors d’un(e) :
• les inadaptations de l’homme à sa machine par • position en hyperflexion du genou (selle trop
dissymétrie anatomofonctionnelle. basse, trop en avant, manivelles trop longues…) ;
Les troubles posturaux telles les dissymétries • intensité excessive à l’effort (braquets inadap-
anatomiques et/ou fonctionnelles du cycliste (vraie tés, sprints répétés…) ;
ou fausse jambe courte, anomalies du morphotype • changements de matériel.
patellaire, valgus, varus…) sont très longtemps Il faudra savoir examiner le cycliste sur sa
compensées par des adaptations fonctionnelles, machine (home trainer), un examen clinique sta-
pouvant décompenser tôt ou tard et source de tique se révélant insuffisant.
pathologies que nous allons détailler. À ce titre, le
genou, seule articulation libre du membre inférieur
du cycliste, est l’articulation la plus exposée. Les Autres tableaux cliniques
gonalgies du cycliste les plus fréquemment rencon-
trées sont les syndromes fémoropatellaires, les ten-
En dehors de ces gonalgies, d’autres tableaux
dinopathies autour du genou et les tendinopathies
cliniques rencontrés sur le terrain peuvent être
de l’appareil extenseur.
favorisés par des troubles posturaux :
• lombalgies d’effort ;
Syndromes fémoropatellaires • syndrome du piriforme ;
• tendinopathies autour de la cheville ;
Dans ce sport en décharge, les forces de compres- • pathologies périnéales  : cutanées (folliculites,
sion chondrales sont faibles. Mais une chondro- kystes sébacés…), kyste fibreux (3e  testicule),
pathie patellaire peut apparaître, en aggravation bursite ischiatique par hyperpression périnéale
parfois d’un déséquilibre préexistant, dans les latéralisée sur la selle.
situations suivantes : Le dépistage de ces anomalies posturales par
• selle trop haute ; dissymétrie anatomofonctionnelle du cycliste se
• rotations exagérées du pied ; fera par un(e) :
• braquet trop important ; • examen clinique statique et en décharge sur la
• antécédents traumatiques ; table d’examen ;
• déséquilibre musculaire important asymétrique. • examen dynamique sur home trainer;
• utilisation d’outils de mesure apportant une
preuve scientifique de la présence de ces anoma-
Tendinopathies lies (accéléromètres, analyse vidéo, analyse par
autour du genou bikefitting…).
L’anomalie du pattern de pédalage peut être
Dans 80 % des cas, on peut noter un facteur posi- une méthode de dépistage.
tionnel (enthésopathie de la patte d’oie, biceps Les corrections de ces dissymétries peuvent se
fémoral, tenseur du fascia lata). faire par la conception de semelles orthopédiques
424 Traumatologie en pratique sportive

thermoformées, dynamiques, adaptées avec mesure reine, notamment chez les petites filles qui rêvent
scientifique de l’impact de ces corrections. Parfois toujours et encore de faire des pointes, mais aussi
de simples cales type spacer (entre la cale et la la danse contemporaine qui a fait suite elle-même
chaussure) suffisent à la correction, côté membre à la danse moderne et tend de nos jours à occuper
inférieur court. une place toujours plus importante après avoir
Outre ces pathologies microtraumatiques de modifié – mais pas toujours en bien – certains élé-
l’appareil locomoteur spécifiques du cycliste, ments de la danse classique, notamment ceux du
l’endofibrose iliaque externe est une pathologie ballet. La danse, c’est aussi le jazz, le modern jazz,
artérielle fréquemment rencontrée dans le cyclisme les claquettes, les danses de salon (notamment la
(95 % des cas d’endofibrose), plus rarement dans salsa et le tango). La danse, c’est encore le hip-
le triathlon, le trail, l’aviron, le marathon (5 %). hop ou le street jazz sur la pathologie desquels on
Parmi les facteurs favorisants pas tous élucidés, ne détient aucune donnée médicale.
un facteur génétique semble une hypothèse et les Les différentes danses nécessitent l’utilisation
facteurs posturaux semblent une évidence. Les d’un chaussage particulier  : pointes qui néces-
plicatures artérielles itératives lors du pédalage, sitent une contraction de tous les muscles intrin-
notamment dans une position aérodynamique sèques du pied pour maintenir tendue la pointe
avec hyperflexion de hanche, semblent favoriser du pied ; demi-pointes qui provoquent un appui
la lésion. sur les têtes des métatarsiens et sont utilisées par
Il s’agit d’une fibrose intimale paucicellulaire, les élèves avant les pointes ou lors de l’échauffe-
atteinte différente de l’athérome, qui concerne ment par des ballerines comprimées ; trois-quarts
l’artère iliaque externe (92  % des cas), l’artère de pointes mais aussi chaussures et bottines en
iliaque commune ou l’artère fémorale profonde cuir souple de modern jazz.
(8 % des cas) et plus rarement l’artère quadricipitale. L’importance de la chaussure mérite d’être sou-
Les localisations sont multiples dans 10  % des lignée particulièrement lors des danses qui néces-
cas, bilatérales dans 15 % des cas. sitent des mouvements répétés et exécutés avec
Au niveau  thérapeutique, les traitements médi- autant de force que de vitesse.
caux et l’angioplastie endoluminale percutanée Parmi ces nombreuses pratiques, certaines
n’ont pas montré d’efficacité. La chirurgie avec imposent des qualités physiques et psychiques
endofibrosectomie et résection artérielle–pontage hors norme. Les danseurs et les danseuses sont
est le traitement de référence chez le sportif de haut souvent des athlètes car la danse impose de nom-
niveau permettant, le plus souvent, une reprise de breuses contraintes au niveau du rachis lombaire
la compétition au 4e mois postopératoire. ainsi que des articulations périphériques, tant sur
le plan capsuloligamentaire que tendineux. Il en
résulte des pathologies très variées sur les plans
traumatique et microtraumatique, notamment au
3. Danse niveau de la cheville et du pied. Elles s’observent,
particulièrement pour les microtraumatismes,
J. Rodineau5 après un certain nombre d’années de pratique
quotidienne. C’est donc surtout dans la tranche
d’âge 25–30 ans qu’on observe le plus de lésions.
La danse est multiple selon les époques, mais aussi Cette période correspond souvent au paroxysme
les pays et les cultures. La danse évolue avec son de la carrière du danseur bien que cette der-
temps et sous l’appellation danse, on doit enten- nière puisse encore atteindre un très haut niveau
dre la danse classique qui demeure une discipline jusqu’à 45 ou même 50 ans.
Au cours de la carrière d’un danseur ou d’une
danseuse, on observe aussi différents aspects plus
5. Médecin du sport Ancien chef de service de Méde-
cine physique et Réadaptation. Ancien international de spécifiques de la pathologie de l’appareil locomo-
Volley-ball teur liés au surmenage physique et aux exigences
Chapitre 15. Pathologies par sport 425

des chorégraphes. Ces problèmes de santé sont de la danse, une arthropathie mécanique favorisée
souvent favorisés par le haut niveau de tolérance par un pied creux, une dorsiflexion limitée, des
à la douleur des danseurs et des danseuses qui antécédents d’entorse de cheville avec laxité rési-
la considère comme inévitable et inhérente à la duelle (tableau 15.1).
pratique de leur activité, mais peut aussi leur faire En danse contemporaine, des études tendent à
ignorer ou minorer les signes annonciateurs d’une montrer qu’il existe une grande disparité des lésions,
lésion qui ne pourra que s’aggraver avec la pour- mais qu’environ 25 % des consultations concernent
suite de leur carrière et par leur volonté, rarement le genou. Ces lésions figurent les pathologies du
démentie, de faire leur métier ou de vivre leur pas- genou liées à de nombreux facteurs  comme une
sion en dépit de leur pathologie. Garçons ou filles, mauvaise technique ou utilisation de l’en-dehors,
ils se trouvent alors en prise avec des pressions une hyperlaxité ou une instabilité du genou, un
physiques et psychologiques élevées. recurvatum constitutionnel ou acquis, la fatigue,
En danse classique, l’atteinte prédomine au la diminution de la proprioception, l’utilisation
niveau des membres inférieurs. Connaître les gestes de chaussants inadaptés ou la danse pieds nus,
est nécessaire pour mieux comprendre les patho- notamment sur un sol inapproprié.
logies traumatiques et microtraumatiques qui peu- Il faut distinguer les traumatismes violents provo-
vent affecter les danseurs et les danseuses. En danse qués par une impulsion et/ou une réception brutale
classique, par exemple, figurent les syndromes lors d’un saut ou encore par une chute et les micro-
tibio-astragaliens postérieur et antérieur, liés tous traumatismes, particulièrement fréquents au niveau
les deux à des microtraumatismes répétés. Les de la cheville et du pied, mais dont le diagnostic
premiers en flexion plantaire sont surtout observés lésionnel exact n’est pas souvent fait à la différence
chez les ballerines ; les seconds en flexion dorsale des genoux et de la racine du membre inférieur où
sont surtout observés chez les danseurs du fait du ils sont pourtant moins fréquents. Les premiers
très grand nombre de sauts qu’ils effectuent. Dans sont responsables de lésions diverses et variées
le syndrome postérieur, on note une utilisation communes avec de nombreuses activités sportives
répétée à l’extrême de l’hyperflexion plantaire en et ne requièrent ni connaissance spécifique, ni
pointes et en demi-pointes, responsable d’une évaluation ou traitement particuliers. Ils nécessitent
atteinte aiguë ou chronique concernant les os et/ tout simplement une prise en charge rigoureuse,
ou les parties molles. Dans le syndrome antérieur, d’autant plus nécessaire qu’un traitement inadapté
chaque réception de saut entraîne un « plié » dont peut laisser des séquelles extrêmement préjudi-
il résulte, au bout de quelques années de pratique ciables pour un danseur ou une danseuse.

Tableau 15.1. Les différents types de lésions


Nature de la lésion n % Hommes Femmes
n n
Ligamentaire 52 31,1 31 21
Multiple 23 13,8 11 12
Osseuse 21 12,6 12 9
Musculaire 20 12 14 6
Tendineuse 18 10,8 9 9
Plaie 15 8,9 10 5
Contusion n 6,6 3 8
Luxation 1 0,6 0 1
Divers 6 3,6 3 3
Total 167 100 93 74
Source : étude de J.-N. Plas et D. Perez.
426 Traumatologie en pratique sportive

Quant aux seconds, ils se présentent sous des


aspects multiples, mais dominés par les souffrances
4. Football professionnel
tendineuses, trop souvent et hâtivement étiquetées E. Rolland6
«  tendinite  » en l’absence d’évaluation clinique
correcte et d’une demande d’iconographie adaptée
et de qualité irréprochable. Chez les danseurs et les L’analyse du risque traumatique dans le football
danseuses, ces lésions peuvent concerner la quasi- professionnel a été initiée en 2000 par Jan Ekstrand,
totalité des tendons, mais également des rétinacula, pour l’Union of European Football Associations
en particulier au niveau de la cheville. Ces tendino­ (UEFA), et par Pierre Rochcongar, en France, pour
pathies et ces rétinaculopathies se présentent la Ligue de football professionnel (LFP).
sous des aspects anatomiques très variés allant Les différentes études prospectives en cours
de simples anomalies anatomiques (par exemple, permettent le suivi et la confirmation des pre-
un long fléchisseur accessoire de l’hallux) à des mières constatations.
désinsertions et ruptures complètes ou partielles, Le risque traumatique reste élevé en compé-
des fissurations, des instabilités, des ressauts. La tition (10  fois plus qu’à l’entraînement) variant
physiopathologie de ces lésions varie de la sim- entre 17,5 et 27,5 pour 1000 h de matchs (ce qui
ple hyperutilisation lors des heures de travail équivaut à 40–60 blessures par an pour une équipe
quotidien à la compression permanente ou inter- de 15 joueurs).
mittente et aux frictions répétées sur un relief Près de 50 % des blessures sont musculaires au
osseux ou sur un autre tendon, sans pour autant niveau des membres inférieurs avec une nette pré-
oublier les formes inflammatoires, métaboliques dominance en ce qui concerne les ischiojambiers.
ou autres, toujours possibles chez un danseur ou La fréquence des blessures au genou est pratique-
une danseuse. ment comparable à celle des blessures de la cheville.
Les fractures de fatigue sont courantes  : elles Le sujet des commotions cérébrales est en cours
concernent près d’un tiers des danseurs et dan- d’évaluation.
seuses et peuvent concerner tous les os, notamment
les os longs et, en particulier, le 2e  métatarsien,
siège de contraintes maximales lors des demi- Blessures
pointes ou des pointes. Le diagnostic n’offre musculo-aponévrotiques
aucune difficulté et aucune particularité et il en est
de même du traitement qui est conservateur dans Les blessures musculo-aponévrotiques représen-
la majorité des cas. tent la pathologie la plus fréquente du footballeur
Les lésions des membres supérieurs sont peu professionnel. Si le diagnostic est le plus souvent
fréquentes, notamment chez les danseuses. En évident compte tenu des circonstances de sur-
revanche, chez les danseurs, on note la possibilité venue (course, frappe), de la topographie de la
de lésions microtraumatiques de l’épaule, notam- douleur et des tests cliniques de palpation, d’étire­
ment lors des portés. ment et de contraction résistée, il est impératif
Dans ce domaine, la danse sur pointes, tech- aujourd’hui d’effectuer un bilan lésionnel précis
nique de la danse classique, en principe réservée par l’imagerie pour déterminer les protocoles de
aux femmes en raison des particularités mor- soins, les délais de reprise et d’éviter ainsi rechute
phologiques du pied qu’elles nécessitent, est for- et cicatrice pathologique douloureuse.
tement traumatisante. D’ailleurs, elle nécessite des L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
chaussures dont l’extrémité a été aplatie et rendue est l’examen de choix au stade initial pour préciser
rigide par une coque. Elle impose un appui sur non seulement le muscle lésé, mais également la
la courbure du pied et non sur la pointe. Ces topographie de la lésion au sein du muscle (myo-
particularités morphologiques et chorégraphiques tendineuse, centrale ou musculo-aponévrotique).
expliquent que très peu d’hommes pratiquent
cette danse sur pointes. 6. Ancien médecin du Paris Saint Germain
Chapitre 15. Pathologies par sport 427

Après 2 à 3 jours de soins pour limiter le saigne- L’échographie et l’IRM permettent de préciser
ment, l’échographie devient l’examen de référence le diagnostic lésionnel et de déterminer le traite-
pour ponctionner un hématome si nécessaire et ment adapté qui doit être chirurgical en cas de
analyser la structure lésée (musculaire, conjonc- diastasis spontané ou dynamique.
tive, aponévrotique, voire tendineuse).
Si la cicatrisation peut être suivie par l’évolu- Commotion cérébrale
tion de la douleur sur les tests cliniques (palpation,
étire­ment, contraction résistée), seuls des appa- Il faut désormais insister sur le risque de la commo-
reils de cardio-training et des tests spécifiques sur tion cérébrale dans la pratique du football pro-
le terrain peuvent valider la récupération de la fessionnel. Elle ne se résume pas au classique
force et de l’endurance. traumatisme crânien avec perte de connaissance
En pratique, le temps des tests douloureux doit et imagerie normale. Des signes cliniques plus dis-
être multiplié par trois pour estimer la durée de crets de comportement à la suite de chocs parfois
l’indisponibilité du joueur. anodins et fréquents sont à identifier. Leur mécon-
L’utilisation de l’échographie de suivi (avec le naissance expose à des complications immédiates et
Doppler) et de l’isocinétisme permet une aide à secondaires qui peuvent mettre en danger la santé
la décision du retour à l’entraînement sans risque. du joueur.
De nombreuses études en cours doivent per-
Traumatologie du genou mettre de codifier la prise en charge initiale et
du footballeur secondaire de cette nouvelle pathologique du
footballeur professionnel.
Elle est largement dominée par les atteintes liga-
mentaires (du fait du mécanisme de torsion) de
la classique rupture du ligament croisé antérieur, 5. Gymnastique
isolée ou associée, à la fréquente entorse du liga-
ment latéral interne et aux lésions plus méconnues M. Rozenblat7, P. Billard8
du ligament latéral externe.
L’IRM doit être systématique pour confirmer
le diagnostic et préciser l’état des ménisques et Avec 80 % de femmes et 75 % d’enfants et adoles-
du cartilage. cents âgés de 8 à 15 ans, la gymnastique regroupe
Le traitement reste chirurgical pour le ligament plusieurs disciplines :
croisé antérieur, parfois orthopédique pour le • compétitives  : la gymnastique artistique fémi-
ligament latéral interne en cas de laxité impor- nine (GAF : quatre agrès) et masculine (GAM :
tante, et le plus souvent fonctionnel pour le six agrès), la gymnastique rythmique (cinq
ligament latéral externe. engins), le trampoline, le tumbling, la gymnas-
tique acrobatique, l’aérobic, le teamGym ;
Traumatologie de la cheville • de loisir : babygym, access gym, freestyle gym,
gym santé, mise en scène.
du footballeur Caractérisées par des éléments de force, de sou-
plesse, d’équilibre et des acrobaties réalisées par
Concernant la cheville du footballeur, la patho- des pratiquants en pleine croissance, ces disciplines
logie traumatique de la péronéotibiale inférieure sont principalement pourvoyeuses de lésions
et du ligament latéral interne par mécanisme de microtraumatiques (à partir d’un certain niveau
rotation externe est pratiquement aussi fréquente de pratique). La traumatologie aiguë reste rare.
que les entorses du ligament latéral externe.
L’examen clinique doit donc systématiquement 7. Ancien président de la Société Française de Trauma-
tester la rotation externe de la cheville traumatisée tologie du sport
en décubitus ventral. 8. P. Billard : à compléter
428 Traumatologie en pratique sportive

Membre supérieur autant exclusivement liés à la pratique gym-


nique : l’augmentation des mobilités pelviennes
• Ostéochondroses de croissance  : elles sont fré- qu’ils induisent peut expliquer l’affinité pour la
quentes en GAM et en GAF compte tenu du travail gymnastique qui nécessite une grande souplesse
en appui sur leurs membres supérieurs (maladies du rachis (sélection naturelle). Aucun gymnaste
de Panner, de Friedrich, de Kienböck…). présentant une spondylolyse ou un spondylolis-
• Épaule  : un conflit supéro-externe peut être thésis ne peut entrer en centre fédéral d’entraîne-
retrouvé aux anneaux et à la barre fixe. ment de haut niveau sans l’accord d’un médecin
• Coude : fédéral avec une surveillance médicale spécifique.
– outre les ostéochondroses extra-articulaires, il • Hyperlordose en décubitus ventral  : le test
n’est pas rare, devant des douleurs latérales, de dynamique permet de détecter cliniquement les
diagnostiquer une ostéochondrite disséquante gymnastes symptomatiques.
parfois difficile à différencier d’une ostéochon- • Scoliose : la pratique d’une discipline gymnique
drose de Panner survenant chez des enfants avec une scoliose rachidienne asymptomatique
plus jeunes. L’ostéochondrite disséquante peut être autorisée.
pose le problème de la poursuite de la gymnas-
tique et se traite comme celle du genou ; Périnée
– les chutes en arrière « du débutant », avec pose
des mains bras en extension et supination, Des signes fonctionnels urinaires (urgenturie,
peuvent être responsables d’entorses graves, fuites…) sont fréquemment décrits dans le secteur
de luxations ou d’arrachements épiphysaires féminin. Un travail de prévention fondé sur le
du coude. renforcement hypopressif de la sangle abdominale
• Avant-bras : est recommandé.
– les fractures des deux os des avant-bras peuvent
être provoquées par une mauvaise utilisation Bassin et hanche
du matériel (blocage des sangles ou maniques
pendant un mouvement autour de la barre) ; Rechercher des ostéochondroses de croissance.
– il existe de rares syndromes des loges chro- Les diagnostics rarissimes d’ostéochondrite ou
niques des fléchisseurs symptomatiques sur d’épiphysiolyse de hanche devront être suspectés
les agrès en suspension. devant un tableau de douleur intra-articulaire.
• Poignet  : les gymnastes s’en plaignent souvent
et utilisent des protections adaptées. Trois syn-
dromes sont retrouvés : le syndrome d’impaction
Genou
radiocarpien, le syndrome de torsion cubitale et
le syndrome de dorsiflexion douloureuse. Des On y trouve les pathologies de surmenage de
fractures de fatigue doivent aussi être recherchées. l’appareil extenseur (tendinopathie patellaire)
• Steak  : lésion cutanée spécifique de la main ou les ostéochondroses de la tubérosité tibiale
(ou du poignet) en gymnastique artistique, il antérieure (maladie d’Osgood-Schlatter) ou de la
s’agit d’une brûlure du 2e degré nécessitant une pointe de la rotule (maladie de Sinding-Larsen-
prévention au quotidien. En l’absence de soins, Johansson) en période de croissance ainsi que les
cette lésion peut exceptionnellement se compli- pathologies fémoropatellaires dans le secteur fémi-
quer de phlegmon des fléchisseurs des doigts. nin. Des épanchements articulaires doivent faire
craindre de rares ostéochondrites intra-articulaires
ou chondropathies.
Rachis
Pied et cheville
• Spondylolyse et spondylolisthésis (attitude
fédérale)  : ils doivent être recherchés devant Les traumatismes de la talocrurale sont les lésions
des lombalgies. Fréquents, ils ne sont pas pour traumatiques les plus fréquentes. Avant de parler
Chapitre 15. Pathologies par sport 429

d’entorse chez les enfants (rares), des arrachements places dans les championnats européens et mon-
apophysaires (base du 5e métatarsien), des fractures diaux, fédérant ainsi un enthousiasme grandissant
osseuses, des contusions du talus ou des lésions de autour de ce sport. À côté de la filière de haut
l’os naviculaire doivent être éliminées. niveau et des équipes professionnelles, il y a le
Les réceptions en hyperflexion dorsale en handball pour tous avec une offre de pratique
charge sont pourvoyeuses de douleurs antérieures diversifiée : pour les enfants, même les tout petits
subaiguës parfois en rapport avec une contusion (baby hand), pour les joueurs amateurs, pour
des parties molles. Ces douleurs doivent faire les non-compétiteurs évoluant en loisir, pour les
éliminer une fracture du col du talus, une entorse personnes en situation de handicap, pour le sport-
de la tibiofibulaire inférieure antérieure ou un santé (hand fit). Plus récemment s’est dévelop-
dérangement articulaire talocrural. pée la pratique du handball sur sable avec une
Les ruptures complètes du tendon du calcanéum règlementation spécifique et des compétitions de
ne sont pas exceptionnelles en tumbling, en GAM niveau international : le beach hand.
et en GAF avec ou sans tendinopathie préalable. Le handball est un sport collectif soumettant
Les chutes sur les talons à côté des agrès peuvent l’appareil locomoteur à de fortes contraintes.
être responsables de talonnades, voire de fractures L’incidence des pathologies traumatiques varie en
du calcanéum. Les fractures de fatigue du pied fonction des études, des populations analysées, du
(naviculaire, métatarses, sésamoïdes…) doivent être niveau de pratique, de l’âge, etc. Les accidents trau-
redoutées devant des douleurs chroniques dans les matiques surviennent préférentiellement au cours
pratiques de haut niveau. d’un match plutôt que lors des entraînements, ce
Les pathologies de surmenage des chaînes mus- qui est assez cohérent étant donné le plus grand
culaires postérieures restent les plus fréquentes investissement physique des sportifs lors des matchs.
avec l’ostéochondrose du calcanéum (maladie de Le handball est un sport de pivot qui allie
Sever) chez l’enfant, puis les tendinopathies calca- courses rapides, sauts, changements de direction,
néennes ou les aponévrosites plantaires, plus fré- mouvements de pivot sollicitant beaucoup les
quentes en trampoline et en tumbling. membres inférieurs. Il apparaît alors de façon
Les ostéochondroses de l’os naviculaire podal évidente que le membre inférieur est la localisation
sont probablement plus courantes que dans les anatomique préférentielle des traumatismes aigus
sports chaussés, avec l’impossibilité de corriger avec une fréquence variant entre 42  et 75  % en
les troubles statiques par des orthèses plantaires fonction des études. Les blessures concernent
pendant l’activité. majoritairement les articulations du genou et de la
Des contre-indications temporaires partielles cheville. La pathologie ligamentaire est au premier
sont fréquemment prescrites. Cette attitude néces- plan : l’entorse de cheville est le diagnostic le plus
site d’avoir la parfaite évaluation du(de la) gym- représenté. Les ruptures du ligament croisé anté-
naste, de ses parents et de son(ses) entraîneur(s). rieur ne sont pas rares et représentent la cause la
plus fréquente de l’arrêt sportif de plusieurs mois.
Chez les femmes, les données rapportées mon-
6. Handball trent que 51 % des blessures des membres inférieurs
surviennent sans contact, au cours de manœuvres
S. Gleizes Cervera9, G. Juin10 de débordement ou de changement de direction
et lors de la réception de saut. Des programmes
de prévention axés sur la lutte contre le valgus
La pratique du handball s’est largement démo-
dynamique du genou ont montré leur efficacité,
cratisée en France  : depuis plusieurs années,
spécifiquement chez les joueuses, en réduisant le
les Français occupent régulièrement les premières
risque d’entorses du genou et de cheville.
En ce qui concerne les pathologies d’hyper-
9. Médecin du pôle Occitanie de Handball. Ancienne
présidente de la commission médicale de la FFHB sollicitation au niveau des membres inférieurs,
10. Médecin des équipes de France de Handball. Direc- on retiendra la tendinopathie rotulienne et sur-
teur médical national de la Fédération Française de handball tout la périostite qui, pour certains auteurs, est la
430 Traumatologie en pratique sportive

pathologie la plus représentée chez les plus jeunes, Les contusions, qu’elles soient musculaires, arti-
devant la douleur lombaire et les gonalgies. culaires ou de la face, sont majoritairement rappor-
Le handball, c’est aussi un sport de lancer, tées dans certaines études. Lors du championnat
soumettant les membres supérieurs, tout parti- du monde au Qatar en 2015, la contusion de la
culièrement l’épaule, à de fortes contraintes. En face a été la plus fréquente ; elle était due, le plus
effet, au niveau des membres supérieurs, l’épaule souvent, à une collision avec un autre joueur. Au
et la main sont les zones anatomiques les plus niveau de la face, les traumatismes sont de gravités
fréquemment atteintes. En traumatologie aiguë, variables : la fracture des os propres du nez est le
l’entorse digitale est l’atteinte du membre supé- traumatisme le plus fréquent. Les traumatismes
rieur la plus représentée : l’atteinte de la métacar- dentaires ont également une prévalence élevée,
pophalangienne du pouce mérite une attention alors que l’utilisation d’un protège-dents reste
spécifique étant donné les complications secon- faible. Il apparaît cependant que l’utilisation de
daires à long terme. ce dernier réduit de 5 fois le risque traumatique.
En ce qui concerne les pathologies d’hyper- Les contusions musculaires font partie des bles-
sollicitation, la pathologie de l’épaule arrive au sures récurrentes sur contact en général avec le
premier rang, toutes localisations confondues, chez genou d’un adversaire : il s’agit de traumatismes
l’adulte. Cette fréquence lésionnelle s’explique extrinsèques, en particulier de la loge antérieure
aisément par la répétition du geste de lancer et les de la cuisse et de gravité variable.
contraintes parfois extrêmes s’exerçant sur l’épaule Dans ce contexte, la commotion cérébrale est
dans ce sport d’armé-contré. Il s’agit le plus sou- une pathologie traumatique réelle. Il n’y a pas à ce
vent de syndrome de conflit interne ou d’un syn- jour de données épidémiologiques concernant
drome de conflit sous-acromial, de tendinopathie ce diagnostic. Un relevé récent a été fait par la
de la coiffe des rotateurs ou de lésion du bourrelet Fédération française de handball avec l’application
glénoïdien sur une instabilité d’origine microtrau- de la règle «  carton blanc  ». Ce travail va méri-
matique. Parmi les facteurs de risque évoqués dans ter une analyse mais reflète déjà l’existence non
ce contexte, un déficit de mobilité de l’articulation négligeable des commotions cérébrales et de leurs
gléno-humérale en rotation interne, une dyskinésie conséquences.
scapulothoracique et un déséquilibre musculaire
entre rotateurs internes et rotateurs externes doi-
vent faire l’objet d’une recherche minutieuse pour
orienter la prise en charge qui est le plus souvent
7. Judo
rééducative. Chez les jeunes élites entre  15 et
R. Rousseau11
18  ans, la prévalence des pathologies de l’épaule
semble plus élevée chez les filles que chez les
garçons, suggérant là encore une stratégie de pré- Le judo est un sport de combat devenu olympique
vention spécifique dans cette population. en 1964. Le judo a trouvé son essor en France
Il est à noter que ces pathologies touchant les grâce à de nombreux titres et médailles remportés
membres supérieurs se localisent préférentielle- par des Français dans les grandes compétitions
ment sur le membre dominant mais pas exclusive- internationales. Ce sport est ainsi devenu très
ment. Il est assez fréquent de prendre en charge populaire. Au-delà des résultats sportifs, le judo a
médicalement des membres opposés au bras lan- su, au fil des ans, reprendre des traditions ances-
ceur sur des accidents de défense principalement. trales pour les adapter au monde moderne. Le
Enfin, le handball est un sport de contact en judo est la voie de la souplesse, de l’adaptation.
raison de l’opposition du joueur adverse mais Les gestes sont choisis en fonction du niveau des
également à cause de choc direct avec le ballon.
D’après les données de la littérature, les trau- 11. Membre de la commission médicale de la Fédération
matismes au handball chez l’adulte surviennent en Française de Judo (FFJDA). Département médical de
effet préférentiellement avec contact. l’INSEP
Chapitre 15. Pathologies par sport 431

pratiquants, dans une gamme très large, mettant uke étant le combattant blessé. Le plus souvent,
en jeu les différentes parties du corps, et ils sont le il existe un manque de contrôle au niveau de la
plus souvent pratiqués à droite et à gauche pour un prise de garde du kimono (kumikata), le judoka
développement harmonieux et équilibré. L’activité attaquant (tori) n’exerçant alors pas une traction
est médiée par une tenue, le judogi, avec préhen- suffisante sur la manche de uke. Le moignon de
sion. Il n’y a pas de coup porté ni de recherche de l’épaule touche en premier le tatami avec la force
K.-O. Les katas sont des formes techniques impo- cinétique de tori causant la disjonction acromio-
sées destinées à l’apprentissage du judo. Celui-ci claviculaire ou plus rarement sternoclaviculaire. Le
se pratique dans une salle dédiée appelée dojo même type de chute cause chez l’enfant et l’ado-
et sur une surface spécifique dotée de tatamis. lescent plutôt des fractures du tiers moyen de la
Les grades sont visibles (ceintures de couleur ou clavicule selon la maturité osseuse et ligamentaire.
noire). Il existe des catégories de poids lors des Les lésions postérieures du labrum sont relative-
compétitions officielles. Le travail s’effectue donc ment spécifiques. Aucune publication n’a étudié
soit debout, soit au sol et la transition debout–sol cette pathologie à notre connaissance, pourtant
est également une phase technique. Les judokas ces lésions en rapport avec des subluxations pos-
portent un judogi (kimono de judo), blanc ou térieures sont assez spécifiques avec parfois des
bleu et une ceinture. L’apprentissage se fonde sur désinsertions importantes du labrum. Ce type
la mise en pratique d’un ensemble de techniques de lésion atteint les combattants pratiquant des
(waza) de projection debout (tachi-waza) ou techniques de hanche avec des chutes répétées sur
d’immobilisation au sol (ne-waza) ainsi que des la face antérieure de l’épaule en rétropulsion et
étranglements (shime-waza) et des clés au coude rotation externe avec garde haute sur harai goshi
(kansetsu-waza). La victoire (ippon, dix points) ou uchi mata en forme maki komi.
se décide ainsi par projection ou immobilisation Les lésions du coude sont surtout les luxations
pendant 30  secondes, abandon sur étranglement postérolatérales et les entorses du ligament collaté-
ou clé de bras. Les compétitions se déroulent par ral médial. Comme pour les disjonctions acromio-
catégories de poids. claviculaires, les luxations du coude sont toujours
Les mécanismes de blessures au judo sont mul- causées par une mauvaise défense de uke qui tente
tiples. Certaines de ces blessures comportent des d’éviter le ippon en mettant son bras en opposi-
spécificités directement liées à la pratique de ce tion, la paume de main entrant en contact avec
sport. le sol, le coude étant en légère flexion avant-bras
Les pathologies de l’épaule regroupent majo- en supination et valgus forcé. Ce traumatisme est
ritairement les luxations gléno-humérales antéro- favorisé lorsque tori a une garde mixte aux deux
médiales, les disjonctions acromioclaviculaires, les revers du kimono. Il ne contrôle pas la manche de
disjonctions sternoclaviculaires, les fractures de la uke qui peut alors mettre sa main en opposition
clavicule et les lésions labrales postérieures micro- pour éviter la chute. Le poids du corps de tori et
traumatiques. Les luxations gléno-humérales sont celui de uke sont alors à l’origine d’une compres-
le plus souvent causées par un refus de chute de sion axiale entraînant la luxation. Paradoxalement,
la part du judoka subissant une attaque (uke) qui, l’arm-lock n’entraîne que rarement une luxation,
pour éviter le ippon, chute sur la paume de la main, mais provoque une entorse grave du ligament
coude en extension et épaule en abduction et rota- collatéral médial (LCM) par traction en valgus et
tion latérale. Plus rarement, il s’agit d’une chute extension sur le coude comme lors de juji gatame.
sur le moignon de l’épaule, uke refusant la chute. Des entorses médiales s’observent également en
Les clés d’épaule étant interdites, il n’existe pas de cas de traumatisme coude entre  20 et  120° avec
luxation gléno-humérale par ce mécanisme. Les contraintes en valgus lorsque tori est contré sur
disjonctions acromioclaviculaires ainsi que les dis- morote seoi nage, uke exerçant une pression en
jonctions sternoclaviculaires sont le plus souvent valgus sur le bras tenant le revers.
causées par une projection sur l’avant, du type Dans une étude épidémiologique sur les rup-
morote gari, harai maki komi ou ippon seoi nage, tures du ligament croisé antérieur (LCA), certains
432 Traumatologie en pratique sportive

auteurs retrouvent un traumatisme au judo dans Le même mécanisme se produit lors des balayages
5,6 % des cas. Une série de la littérature a étudié (ashi baraï, okuri ashi baraï) à contretemps, le
le type de lésion ligamentaire suite à une entorse pied de uke restant bloqué en flexion avec une
du genou en fonction du sport pratiqué. Elle tentative de balayage avorté et un coup de pied
retrouve principalement des lésions du LCM et direct en valgus pur. Ces traumatismes entraînent
du LCA dans la pratique du judo. Les lésions du des lésions de rupture isolée du LCM.
LCA sont plus fréquentes en cas de garde croisée Les techniques de mise en situation d’étrangle-
(kenka-yotsu grip) et touchent plus fréquemment ment sont spécifiques au judo (shime waza). Il en
uke ou tori étant contre-attaqué et plus rarement existe plus d’une dizaine ayant pour but de faire
tori. Il s’agit systématiquement d’un trauma- abandonner l’adversaire. Les techniques d’étran-
tisme pied bloqué au sol avec des contraintes glement sont fondées sur une pression antéropos-
en rotation et/ou en valgus/varus. La qualité térieure sur le larynx ou sur les carotides associées
du tatami est importante  : lorsque celui-ci est à un contre-appui au niveau de la nuque. La
relativement mou, le pied s’enfonce et favorise les perte de connaissance peut survenir si uke n’a pas
lésions ligamentaires du genou. Les techniques signifié à temps son abandon du combat. Il existe
de jambe tel que o  soto gari, ko soto gari ou ko trois types de perte de connaissance par shime
soto gake entraîne un traumatisme en flexion– waza  : par obstruction respiratoire directe, par
rotation externe et valgus, le pied de uke étant obstruction sanguine en comprimant les artères
fixé au sol et tori appliquant une force au niveau carotides et par réflexe d’inhibition vagale par
du genou. Des traumatismes en hyperextension stimulation du glomus carotidien.
peuvent survenir lorsque uke subit une technique La commotion cérébrale, à l’origine d’un dys-
telle que harai goshi ou ko uchi gari où le pied fonctionnement cérébral transitoire, fait suite à un
se trouve bloqué au sol avec l’application d’une choc transmis au cerveau, après un traumatisme
force antéropostérieure au niveau du genou avec de la tête, du cou ou du thorax. Dans neuf cas sur
une composante plus ou moins importante en dix, elle ne s’accompagne pas de perte de connais-
valgus ou en varus. Des traumatismes en flexion– sance. Au judo, c’est une projection sur la tête, le
varus et rotation médiale sont retrouvés lors des cou ou le dos qui induit les symptômes, soit par
techniques de gake lorsque tori est contre-attaqué compression–écrasement, le cerveau étant projeté
par ura nage par exemple : le poids du corps de contre la boîte crânienne, soit par cisaillement avec
uke lors du contre s’applique sur le genou de tori étirement axonal et/ou rupture axonale. Bien que
et l’accompagne dans sa chute avec une torsion au ces traumatismes restent peu fréquents par rapport
niveau du genou. Lors d’une attaque directe, tori au nombre de projections que peut subir un
peut subir une lésion du LCA lors de taï otoshi par judoka dans sa carrière, il ne faut pas pour autant
exemple où la jambe en barrage est fixée au sol en les minimiser. La détection la plus précoce possible
flexion–rotation externe et le poids de uke exerce permettra de débuter au plus vite les protocoles
une pression en valgus à l’origine des lésions. spécifiques mis en place par la fédération. Ceux-ci
Ces différents mécanismes lésionnels entraînent sont établis en fonction de l’âge. Ils servent à
des ruptures du LCA et en fonction de leur protéger le judoka d’éventuelles complications à
complexité peuvent provoquer des lésions  asso- court et à long terme. Par rapport à d’autres sports,
ciées des plans collatéraux et des lésions ménis- plusieurs facteurs limitent le nombre de commo-
cales. Les lésions isolées du LCM sont également tions cérébrales lors de la pratique du judo tels que
fréquentes et causés par des traumatismes en la surface de réception (tatami), qui répond à un
flexion et valgus forcé sans contraintes en rota- cahier des charges spécifique, l’apprentissage de la
tion, c’est le cas lorsque tori engage o  uchi gari chute et l’absence de vitesse lors de l’impact.
par exemple où la jambe de fauchage se fixe au Nous disposons de peu de données sur l’inci-
sol par manque de déséquilibre au niveau du dence des blessures liées aux compétitions. Pour
tronc, uke bloquant l’attaque et «  s’assoyant  » cette raison, la Fédération française de judo,
sur le genou en fauchage de tori en valgus forcé. jujitsu, kendo et disciplines associées (FFJDA)
Chapitre 15. Pathologies par sport 433

a mis en place depuis de nombreuses années un sion médicale participe à la prévention des accidents
système de recueil pour documenter la fréquence en effectuant des statistiques depuis de nombreuses
et les types de blessures lors des compétitions de années et en analysant, par vidéo, les circonstances
judo. Depuis la saison 1993–1994, la commission d’apparition des traumatismes lors des compéti-
médicale de la FFJDA a établi prospectivement un tions nationales. Un certain nombre d’entre eux
système d’enregistrement systématique des bles- sont dus à une faute technique des judokas ou à
sures survenant en compétition en ne colligeant une insuffisance de l’arbitrage. La prévention des
que celles qui ont occasionné un arrêt de la pra- traumatismes de l’épaule repose sur l’apprentissage
tique de plus de 1 semaine. Après chaque compé- de la chute et les ruptures du LCA sont encore une
tition, les formulaires remplis anonymement sont problématique non négligeable. Ces études, effec-
adressés à un membre de la commission médicale tuées en lien avec la direction technique nationale,
nationale. De 1993 à 2014, 1839  compétitions ont pour but de poursuivre la recherche de mesures
ont été supervisées médicalement  : 64  compéti- de prévention, notamment en modifiant les règles de
tions internationales, 239 compétitions nationales, combat selon les différents âges, et d’adapter si besoin
580  compétitions régionales et 956  compéti- les règles d’arbitrage.
tions départementales  ; 421  670  combats ont Le judo est une des activités sportives les plus pra-
été surveillés avec 3511  blessures relevées chez tiquées en France. Admirée pour les performances
316  203  judokas (incidence =  1,1  %). Parmi de ses champions et la qualité de ses structures,
les blessures colligées, les plus fréquentes sont les la FFJDA est volontiers citée en exemple et prise
entorses (54,3 %), les fractures (15,6 %) et les luxa- pour modèle par les instances du sport. Le judo de
tions (12,5 %). Si l’on tient compte de toutes les compétition est pratiqué par 20 % des licenciés et
blessures signalées, l’incidence est plus élevée chez le judo loisir est une pratique démocratisée. On dit
les judokas féminins (1,32  %), les jeunes judokas que le judo est autre chose qu’un sport parce que
adultes (1,56 %) et les judokas ayant un niveau de son enseignement est censé placer la transmission
performance plus élevé (1,43 %). L’incidence des des valeurs au-dessus de celle des techniques.
entorses est significativement plus élevée chez les
judokas féminines (femmes  : 0,82  %, hommes  :
0,53  %  ; p  <  0,001). Les judokas féminins ont 8. Ski
subi plus souvent des entorses au genou (0,24 %)
que les judokas masculins (0,12 %) (p < 0,001). N. Bouscaren, A. Guyon, J. Attye, C. Barthomeuf,
Les entorses du genou signalées correspondaient A. Brulé, J.-M. Fayard, O. Matarese,
à des entorses du LCA (femme : 0,09 %, homme : M.-P. Rousseaux-Blanchi, P. Saliba,
0,05 % ; p < 0,001) et du LCM (femme : 0,15 %, S. Bulle, S. De Jésus12
homme  : 0,07  %  ; p  <  0,001). Concernant les
fractures, 548  fractures ont été signalées  : 349
touchant les membres supérieurs, la clavicule étant Parmi les sports d’hiver, le ski alpin et les disciplines
la plus atteinte ; 4 cas de fractures cervicales graves apparentées, tels le snowboard ou le freestyle, sont
associées à la tétraplégie ont été documentés chez les plus populaires au niveau international. Au-delà
des judokas masculins. Dans la série, 439  luxa- de cet engouement, ces disciplines exposent à des
tions ont été colligées. L’incidence des luxa- risques importants de chutes et de blessures du fait
tions de l’épaule est plus élevée chez les hommes de l’énergie cinétique élevée (vitesse) et des sauts
(hommes : 0,05 %, femmes : 0,02 % ; p < 0,001). sur des surfaces glacées. En plus du risque trauma-
L’incidence des luxations du coude est plus élevée tique de ces disciplines, les charges d’entraînement
chez les femmes (femmes  : 0,07  %, hommes  : toujours plus importantes exposent également à
0,03 % ; p < 0,001). des blessures d’overuse. La prévention et la prise
Eu égard au nombre de compétiteurs et de en charge de ces dernières passent par une parfaite
combats, le judo de compétition, sport à catégories
de poids, a un faible taux de sinistralité. La commis- 12. Médecins de la Fédération Française de ski
434 Traumatologie en pratique sportive

mesure de leur incidence, une connaissance précise une incidence de  21,5  blessures sévères pour
de leur épidémiologie, une compréhension appro- 100 skieurs/saison en ski alpin, 34,1 blessures en
fondie des mécanismes et des situations trauma- freestyle et 46,8  blessures en snowboard (c’est-
togènes. La Fédération française de ski a mis en à-dire que près d’un snowboardeur sur deux pré-
place depuis la saison 2017–2018 un important sentera une blessure nécessitant plus de 28 jours
dispositif prospectif de surveillance afin d’établir d’arrêt durant la saison). Ces blessures peuvent
l’épidémiologie des blessures survenant chez les exceptionnellement conduire au décès (un décès
sportifs élites. Ce sous-chapitre est rédigé à partir sur les 2  ans de suivi). Les blessures néces-
des données de ce dispositif. sitant 1 semaine ou moins d’arrêt représentent en
comparaison 15,1 % des blessures en snowboard,
12,9 % des blessures en ski alpin et 6,9 % des bles-
Épidémiologie sures en freestyle.
des blessures : incidence, La structure atteinte est articulaire (cartilage,
gravité, mécanisme, ligament) pour 56,9 % des cas en freestyle, 50,8 %
en ski alpin et 29,9  % en snowboard où l’os est
localisation touché dans près de 1/4 des traumatismes enre-
gistrés (25,3  %). Les lésions musculotendineuses
L’incidence des blessures sur une saison complète surviennent dans 15,2  % des cas en ski alpin
varie de 51,6 blessures pour 100 skieurs/saison13 contre 5,6  % et 5,7  % des cas respectivement
pour le ski alpin à 110,1 blessures pour 100 skieurs/ en freestyle et en snowboard. Concernant les
saison pour le snowboard. Le freestyle présente commotions cérébrales, elles représentent 6,8  %
une incidence intermédiaire de 84,7 blessures pour de toutes les blessures en ski alpin, 13,9  % en
100  skieurs/saison. En comparaison, l’incidence freestyle et 18,4 % en snowboard pour un total de
des blessures en biathlon est de 10,9 blessures pour 35 commotions enregistrées sur les 2 ans de suivi.
100 skieurs/saison et en ski de fond de 44,8 bles- Concernant la localisation, 53  % des blessures
sures pour 100  skieurs/saison (les disciplines touchent le membre inférieur en ski alpin, et plus
nordiques ne sont pas plus détaillées ici du fait de particulièrement le genou (25  % de la totalité
leur spécificité). des blessures). Il ne faut pas négliger les atteintes
Pour plus de 80  % des blessures, il s’agit de du rachis (15,9  % des blessures) et du membre
blessures dites traumatiques (c’est-à-dire faisant supérieur (les atteintes du poignet entraînent près
suite à un traumatisme aigu identifiable). En de 9,8  % des blessures). Concernant le freestyle
effet, seules 19,7 % des blessures sont secondaires et le snowboard, le membre inférieur est égale­
à un mécanisme d’overuse (c’est-à-dire blessure ment le plus touché (45,8  % et 42,5  % res-
sans événement identifiable et faisant suite à des pectivement), avec une prédominance au niveau
microtraumatismes répétés) en ski alpin, 4,2  % de la cheville en snowboard (20,7 %) et au genou
en ski freestyle et 6,9 % en snowboard. Ces bles- en freestyle (26,4 %). Les atteintes de l’extrémité
sures d’overuse ne sont cependant pas à négliger. céphalique représentent près de 20 % des blessures
En effet, ces dernières années une explosion de avec un maximum de 25 % en freestyle. À noter
l’incidence des blessures au niveau du rachis a été une incidence non négligeable des traumatismes
constatée (discopathie à l’étage lombothoracique de l’épaule en freestyle (16,7 % des blessures).
notamment chez les jeunes). Les principaux diagnostics traumatologiques
Dans un peu plus de 40  % des cas, ces bles- rencontrés chez les skieurs alpins et pratiquants de
sures sont sévères et entraînent une indisponibilité disciplines apparentées sont la lésion du ligament
de plus de  28  jours d’arrêt. Cela représente croisé antérieur du genou (partielle ou totale), la
commotion cérébrale, l’entorse latérale de cheville
13. L’incidence est indiquée en nombre de blessures (majoritairement en préparation physique) et la
pour 100  skieurs/saison  ; une incidence de  50  bles­
sures pour 100 skieurs/saison signifie que pour 100 skieurs
luxation de l’épaule (luxation gléno-humérale).
suivis pendant une saison complète, nous avons enregistré La période compétitive n’est pas la plus trauma-
50 blessures. togène : en effet, 40 % des blessures surviennent
Chapitre 15. Pathologies par sport 435

à l’entraînement contre 35  % en compétition et Une enquête épidémiologique a été réalisée en


25  % au cours de la préparation physique. La France chez les amateurs. Les blessures sont repar-
traumatologie en ski alpin et disciplines apparen- ties de la manière suivante : 16 % à l’épaule, 33 % au
tées ne se limite d’ailleurs pas à la seule période coude, 11 % au genou, 12 % sur le rachis lombaire,
hivernale. En effet, 1/4 à 1/3  des blessures de 11 % à la cheville et au pied, 6 % à la main et au
la population Élite des athlètes de la Fédéra- poignet.
tion française de ski surviennent au cours de la Au tournoi de Roland-Garros, lors d’une étude
période estivale hors compétition (entraînement et d’un suivi sur plus de 10  ans, Montalvan a
sur les glaciers de l’hémisphère Sud, préparation constaté une répartition de l’atteinte en trois
physique). On constate cependant une certaine grandes catégories  : membre supérieur ≈  30  %,
saisonnalité des blessures, les mois de janvier et membre inférieur 40 % et rachis 30 %.
février représentant à eux seuls 24 % de la totalité
des blessures enregistrées.
Épaule
Conclusion Le service est le mouvement le plus agressif.
Les atteintes neurologiques se rencontrent chez
Les hautes vitesses, l’enchaînement de virages les joueurs jeunes, de haut ou de très haut niveau.
serrés, les sauts spectaculaires font que le ski alpin, C’est avant tout le nerf du grand dentelé (ser-
le freestyle et le snowboard sont parmi les dis- ratius anterior), dit nerf de Charles Bell, qui est
ciplines sportives les plus à risque de blessure. Les touché. Le mouvement du service est le principal
blessures traumatiques sont fréquemment graves, responsable de son étirement, du fait à la fois
voire très graves, et entraînent des durées d’indis- d’une élévation antérieure maximum du bras et
ponibilité importantes. Les pathologies d’overuse d’un mouvement de torsion au niveau du rachis
sont également à surveiller, notamment celles du cervical. Le muscle grand dentelé, qui a pour
rachis thoracolombaire. Négliger la saison estivale rôle de plaquer l’omoplate contre le thorax, n’est
et ne se concentrer que sur la saison hivernale plus capable de diriger de façon efficace l’omo-
de compétition serait une erreur qui aboutirait à plate dans les différents mouvements. Il peut
l’omission d’un tiers des blessures recensées. Le s’ensuivre secondairement une décompensation,
genou, la tête et la face (commotion cérébrale) et avec désorganisation du mouvement et souffrance
le membre supérieur (poignet et épaule) représen- secondaire de la coiffe des rotateurs.
tent les localisations privilégiées de blessures chez La symptomatologie n’est pas univoque : début
les skieurs, freestyleurs et snowboardeurs Élite. brutal avec sensation de brûlure, de douleur intense
au niveau de l’omoplate, sensation de bras mort,
douleur à distance au niveau du coude, irradiation
dans le membre supérieur… C’est le bras directeur
9. Tennis qui est touché avec, à distance, comme signe carac-
téristique, un décollement de l’omoplate plus ou
J. Parier14, B. Montalvan15 moins important. L’électromyogramme apprécie
l’importance de l’atteinte et la phase de celle-
ci  : récupération en cours, dénervation massive…
Les fréquences respectives des différents types La récupération nécessite plusieurs mois, avec un
d’atteintes varient selon l’âge et selon qu’il s’agit arrêt du geste nocif qui peut être difficile à faire
de joueurs professionnels ou amateurs. respecter chez le joueur professionnel. Les atteintes
du nerf sus-scapulaire (suprascapularis) sont moins
fréquentes.
14. Médecin de la Fédération Française de Tennis Le conflit postérieur, décrit il y a quelques
15. Médecin de la Fédération Française de Tennis et de années par Walch, est fréquemment rencontré
l’équipe de France de coupe Davis chez les joueurs de tennis jeunes et de haut niveau.
436 Traumatologie en pratique sportive

Le mouvement d’armé (rétropulsion horizon- besoin était qu’il n’existe aucun traitement rapide­
tale–rotation externe) peut être à l’origine d’un ment efficace et définitif de cette pathologie
conflit répétitif entre la partie profonde du tendon chronique et récidivante :
du sus-épineux et le bourrelet postérieur, débou- • dans 90  % des cas la guérison est obtenue au
chant sur une pathologie douloureuse et sur une bout de 12 à 18 mois ;
lésion plus ou moins importante du tendon du • dans les cas extrêmes, la chirurgie peut être
sous-épineux. indiquée.
Typiquement, le mouvement d’armé réveille la L’épitrochléite (1/10 lésions du coude) corres-
douleur. pond à une souffrance de l’insertion des muscles
L’échographie dans la position douloureuse épitrochléens, situés au niveau du compartiment
visualise le conflit. D’autres examens plus sophis- interne du coude. Il peut s’agir de pathologies
tiqués peuvent être utiles : résonance magnétique, intriquées du fait des nombreuses formations,
arthroscopie. ligamentaires et neurologiques, de cette zone.
Le traitement nécessite repos, rééducation, Elle frappe davantage les joueurs de haut niveau
adaptation technique. que les débutants.
Chez le senior, la pathologie de l’épaule est sur-
tout en relation avec une détérioration de la coiffe Poignet
des rotateurs, elle est dépistée par les tests cliniques
et par l’imagerie. Rééducation et adaptation tech-
La pathologie du poignet se rencontre principale­
nique permettent le plus souvent la poursuite du
ment chez les joueurs de tennis de haut niveau.
tennis. Cependant la chirurgie est de plus en plus
Les modifications techniques – en particulier la
utilisée.
modification de la prise de raquette, l’apparition
Le senior présente également une dégénéres-
du lift, les frappes de face en coup droit, le revers à
cence des articulations acromioclaviculaires et
deux mains – sont sans doute responsables de son
sternoclaviculaires, qui est rarement un obstacle à
augmentation de fréquence.
la pratique du jeu.
C’est le compartiment interne du poignet qui
est le plus touché, avec le tendon du cubital
postérieur (extensor carpi ulnaris ou ECU). Ce
Coude tendon est moteur, puisqu’il permet l’adduction
du poignet, mais c’est également un verrou très
Son atteinte reste la «  plaie  » du joueur amateur important du compartiment interne, intriqué dans
entre 35 et 60 ans, aussi bien chez l’homme que le complexe triangulaire, la radiocubitale inférieure
chez la femme. Elle est extrêmement fréquente, et et le ligament latéral.
différentes études montrent qu’elle concerne 40 à L’examen clinique et certains examens complé-
60 % des joueurs de tennis au cours de leur carrière. mentaires, en particulier l’échographie qui permet
Le tennis-elbow vient largement en première d’effectuer un examen dynamique, sont essentiels
position des lésions du coude (9/10  lésions). Il au diagnostic.
correspond à une souffrance, sur le plan latéral, La fracture de l’apophyse unciforme de l’os
de l’insertion des muscles épicondyliens, en parti- crochu est assez spécifique. Elle correspond à une
culier du 2e  radial et de l’extenseur commun. À véritable fracture de fatigue dont le diagnostic est
l’origine de cette pathologie, plusieurs facteurs relativement facile, soit par des radiographies sim-
semblent s’associer : une modification du matériel ples, soit à l’aide du scanner.
ou de la technique, l’âge supérieur à 30 ou 35 ans.
Deux gestes sont particulièrement douloureux
lors de la pratique : le revers et le service. La mise Rachis
en tension isométrique coude tendu réveille la
douleur. La littérature qui concerne le tennis- Le rachis lombaire est le plus souvent impliqué,
elbow est extrêmement riche et variée, prouvant si le service est le mouvement le plus traumatisant.
Chapitre 15. Pathologies par sport 437

La pathologie est variée  : souffrance des arti- poursuivre le jeu dans des conditions moins agres-
culaires postérieures, pathologie discale, fracture sives. La mise en place d’une prothèse de hanche
de fatigue, en particulier lyse isthmique chez le n’est pas une contre-indication à la pratique du
sujet jeune. Les éléments de prévention restent tennis.
essentiels, et les joueurs de tennis professionnels
utilisent de manière très régulière et très poussée
toutes les techniques d’assouplissement au niveau Genou
des ischiojambiers, mais également des articula- Il est très largement sollicité lors du jeu. Les
tions des hanches et des épaules. flexions importantes et répétées sont à l’origine
de la pathologie de l’appareil extenseur  : tendon
Muscles abdominaux rotulien au niveau de la pointe de la rotule ou
de l’insertion sur la tubérosité tibiale antérieure,
L’atteinte de ces muscles est tout à fait spécifique tendon quadricipital.
des joueurs de tennis de haut niveau. Le service et
le smash sont en cause dans pratiquement 100 % Mollet
des cas. C’est une pathologie qu’on rencontre
principalement chez le jeune, mais également chez Le claquage du mollet, ou tennis-leg, est fréquent
des joueurs un peu plus âgés, toujours en dessous autour de la quarantaine chez les joueurs de tennis.
de 25 ans. C’est l’extension brutale du genou sur une che-
Elle se situe toujours chez le joueur droitier ville en flexion dorsale, ou la flexion plantaire sur
du côté gauche, un peu en dessous de l’ombilic, un genou presque étendu, qui produit l’accident.
dans la masse du grand droit (rectus abdominis), Celui-ci correspond plutôt à une désinsertion mus-
parfois des obliques. La clinique est stéréotypée, culaire, habituellement du jumeau interne (gas-
avec une douleur lors du relèvement, une douleur trocnémien médial), sur son tendon commun du
à la toux, l’impossibilité d’effectuer un service à triceps. Le tableau est souvent impressionnant, avec
pleine puissance. L’asymétrie de volume du grand impotence fonctionnelle complète et augmentation
droit est constante en faveur du côté controlatéral importante du volume du mollet (par saignement).
à la main dominante. L’échographie est l’examen L’examen retrouve une douleur à la palpation et à
de choix. L’amélioration rapide est trompeuse. la mise en tension du jumeau interne.
Le traitement est celui de tous les accidents
musculaires : décharge de courte durée, ponction
Membre inférieur éventuelle sous échographie de la poche héma-
tique, rééducation progressive à type de drai-
Hanche nage, puis d’étirements et de renforcement. Les
accidents sévères nécessitent d’attendre environ
La pathologie de hanche est plus fréquente chez
2 mois avant la reprise du tennis.
le joueur de tennis professionnel qu’auparavant,
du fait de modifications techniques qui sont
apparues dans le tennis moderne. Les frappes, Cheville et pied
notamment de coup droit, sont de plus en plus
effectuées de face, avec préférentiellement un Les lésions tendineuses sont fréquentes, en particu-
appui au niveau du pied droit chez un droitier. Il lier la souffrance du tendon d’Achille (calcanéen),
s’ensuit des surcharges et des mouvements de tor- chez les joueurs autour de la quarantaine. La rup-
sion qui peuvent déboucher sur une pathologie, ture du tendon se produit à l’occasion d’un démar-
soit cartilagineuse, soit du bourrelet cotyloïdien. rage brusque. Deux signes doivent être recherchés :
Chez le senior, la coxarthrose est plutôt en verticalisation du pied en décubitus ventral,
rapport avec une dysplasie décompensée. La sur- encoche ou discontinuité du tendon à la palpation.
face de type terre battue est l’un des moyens de Le traitement est orthopédique ou chirurgical.
438 Traumatologie en pratique sportive

La récupération est habituellement bonne, avec plantaires  : pieds creux, pieds plats. La lésion
retour au même niveau. Il faut environ 1 an pour de l’aponévrose plantaire superficielle est le plus
véritablement récupérer toutes ses qualités. Les éti- fréquemment située au niveau de l’insertion, les
rements, la mise en place à la demande de semelles formes moyennes étant plus rares. Le diagnos-
orthopédiques sur mesure, des règles hygiéno- tic est clinique, par la palpation locale, souvent
diététiques limitent ce type d’incident. étayé par une échographie effectuée par un écho-
Les lésions de l’aponévrose plantaire sont rela- graphiste entraîné, qui confirme l’épaississement
tivement spécifiques du joueur de tennis. Elles de l’aponévrose, voire par une IRM. Décharge
s’expliquent par l’enchaînement d’accélérations et relative, puis mise en place de semelles rigides
de freinages. Elles se rencontrent plus volontiers thermoformées, rééducation permettent la guéri-
chez des sujets qui présentent des anomalies son dans la plupart des cas.
Index

NUMBER AND SYMBOL –– sous-talienne, 238


5e métatarsien, 231 –– sternoclaviculaire, 28
A –– tibiofibulaire inférieure, 238
Ablation Assurances professionnelles, 412
–– des corps étrangers du coude, 83 Asthme, 414
–– du crochet de l'hamatum, 102 Autovarus, 250
Acétabuloplastie, 135 Avulsion
Acide hyaluronique, 13 –– du biceps brachial distal, 89
Activité physique, effets mécaniques de l', 355 –– du tendon distal du triceps brachial, 91
Antalgique, 12 –– du tendon droit fémoral proximal, 146
Anti-inflammatoire non stéroïdien, 12 B
Aponévropathie plantaire, 278 Bennett, fracture de, 115
Aponévrose plantaire, 278, 438 Blazina, classification de, 2
Apophyse unciforme de l'os crochu, 436 Blessure, 421
Arrêt cardiorespiratoire, 412 –– au judo (incidence), 432
Artère poplitée piégée, 377 –– au ski (incidence), 434
Artériopathie, 35 –– musculo-aponévrotique, 426
Arthrodèse tibiotalienne, 254 Brochage
Arthrolyse du coude, 78, 82 –– à foyer ouvert des métacarpiens des doigts longs, 117
Arthropathie –– d'Iselin. Voir Iselin
–– pubienne, 140 –– percutané du poignet, 104, 108
–– tibiofibulaire, 228 Bronchospasme induit par l'effort, 414
Arthroscanner, 6 Brunet, signe de, 265
–– de la cheville, 251 Bursite du genou, 203
–– de la lésion cartilagineuse, 219 C
–– du coude, 82 Calcification
–– du poignet, 104 –– du coude, 81
Arthroscopie –– tendineuse de l'épaule, 51
–– de la clavicule, 18 Came fémorale, 133
–– de la hanche, 136 Capsulite, 3
–– du coude, 78, 83, 86 Cartilage, 354
–– du poignet, 104 Ceinture scapulothoracique, 44
–– LODA et, 247 Cheville
Arthrose –– contrôle neuromusculaire et, 256
–– post-traumatique de la base du 1er métacarpien, 116 –– du footballeur, 427
–– secondaire, 354 –– équilibre postural et, 256
–– sous-talienne, 254 –– proprioception et, 256
–– sport et, 354 Chirurgie mini-invasive
–– tibiotalienne, 254 –– du tendon calcanéen, 268
Arthro-TDM de hanche, 135 –– LODA et, 247
Articulation Cicatrisation lésionnelle, 9
–– distale de Lisfranc. Voir Lisfranc Classification
–– médiotarsienne, 238 –– arthroscopique de l'ICRS, 220

Traumatologie en pratique sportive


© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
440 Index

–– d'Oden. Voir Oden D


–– de Blazina. Voir Blazina De Quervain, ténosynovite de, 110
–– de Dejour. Voir Dejour Dejour, classification de, 185
–– de Hawkins. Voir Hawkins Désinsertion des épicondyliens, 86
–– de Meyerding. Voir Meyerding Diastasis, 243
–– de Neer. Voir Neer –– tibiofibulaire, 243, 255
–– de Salter et Harris. Voir Salter et Harris Disjonction
–– de Witvoët et allieu. Voir Witvoët et allieu –– acromioclaviculaire, 431
–– des fractures du radius distal, 93 –– sternoclaviculaire, 431
–– FOG, 244 Distorsion excentrique du tendon de l'épaule, 45
Claudication, 317 Doigt à ressaut, 122
Clavicule, 17 Doppler
Cliché –– Doppler puissance, 302
–– cerclé de Méary –– effet Doppler, 7
–– – LODA et, 246 Douleur
–– dynamique –– de jambe à l'effort, 315
–– – du coude, 78 –– de jambe du sportif, 350
–– – LODA et, 246 –– grosse jambe douloureuse, 317
Coiffe des rotateurs, 36 Dyskinésie scapulothoracique, 55
Col huméral, 35 Dysplasie de la trochlée, 188
Commotion cérébrale, 402, 415, 427, 430, 432, 434 E
Compression du nerf saphène, 370 Échographie, 6
Conflit –– de l'apophyse latérale du talus, 232
–– de l'épaule, 45 –– de la lésion musculaire, 297
–– – coracoïdien, 46 –– du biceps brachial distal, 89
–– – postérieur, 435 –– du coude, 84
–– – postérosupérieur, 54 –– du genou, 200
–– – sous-acromial, 46 –– du tennis-leg, 312
–– de la cheville –– interventionnelle, 7
–– – antérieur, 281 Électrostimulation musculaire, 10
–– – postérieur, 285 Embarrure, 401
–– du biceps femoris, 215 Endobouton, 27
–– fémoro-acétabulaire, 132 Endofibrose iliaque externe, 375, 424
–– glénoïdien, 47 –– épreuve d'effort, 376
–– ischiofémoral, 149 Enthésopathie, 257
–– péri-olécranien, 81 –– calcanéenne, 260
–– trochléotendineux, 198 Entorse
Contention, 11 –– de cheville, 237, 252
Contusion, 430 –– – latérale, 434
–– de la face, 430 –– de l'articulation interphalangienne proximale, 120
–– de rotule, 195 –– des fibulaires, 253
–– médullaire sur canal cervical étroit, 322 –– du ligament collatéral
–– musculaire, 430 –– – médial du coude, 431
Corset lombaire, 331 –– – radial du pouce, 120
Coude –– – ulnaire du pouce, 119
–– du boxeur, 82 –– du pied, 237
–– flottant, 74 –– du poignet, 103
–– raide, 78 –– métacarpophalangienne du pouce, 119
–– souffrance du, 74 –– trapézométacarpienne, 117
Court fibulaire, 273 –– – clichés en stress, 118
Coxarthrose, 437 Épaule
Cryothérapie, 10 –– abduction fixée, 33
–– tennis-leg, 313 –– apophyse coracoïde, 51
Index 441

–– arche ostéoligamentaire acromiocoracoïdien, 51 –– de la coronoïde, 76


–– atteinte axillaire ou plexique, 33 –– de la tête fémorale, 132
–– bilan isocinétique, 56 –– de la tête radiale, 76
–– butée coracoïdienne, 42 –– de Latarjet. Voir Latarjet
–– coup de hache externe, 33 –– de Monteggia. Voir Monteggia
–– double contour de la tête, 39 –– de Rolando. Voir Rolando
–– douloureuse instable, 40 –– des métacarpiens des doigts longs, 116
–– encoche, 39 –– du capitatum, 103
–– – céphalique, 42 –– du crochet de l'hamatum, 100
–– glenohumeral internal rotation deficit (GIRD), 55 –– du lunatum, 103
–– paralytique, 2 –– du rachis chez l'enfant, 397
–– rebord glénoïdien antérieur, 42 –– du radius distal, 93
–– ressaut postérieur, 43 –– – articulaire, 94
–– rotation latérale, 39 –– – extra-articulaire, 94
–– rupture de la coiffe, 51 –– du scaphoïde, 98, 422
–– saillie de l'acromion, 33 –– du tubercule du scaphoïde, 99
Épicondylite –– du tubercule postérolatéral du talus, 233
–– latérale, 83 –– glénoïdienne antérieure de l'épaule, 35
–– médiale, 87 –– intercondylienne, 74
Épistaxis, 415 –– isolée du plancher de l'orbite, 404
Essex-Lopresti, syndrome d’, 73 –– parcellaire de la palette humérale, 75
Étranglement, 432 –– polaire supérieure du scaphoïde, 99
Examen clinique, 1 –– radiculaire, 408
Excision, 245 –– sus-condylienne, 74
Exostose, 281 Fracture-arrachement du triquetrum, 103
Expulsion, 409 Fracture-décollement
F –– apophysaire, 385
Fabella, 209 –– épiphysaire, 379
Fasciotomie, 317 G
Fémoroplastie, 135 Gagey, test d'hyperabduction de, 41
Fibrillation ventriculaire, 413 Gerber, lift off test de, 49
Finkelstein, test de, 3, 110 Geste de lancer, 430
Fixation, 245 Glucocorticostéroïde, 13
Fléchisseur propre de l'hallux, 287 Greffe
Fracture –– autologue de chondrocytes, 225
–– acromioclaviculaire, 422 –– compactée spongieuse, 247
–– coronaire, 407 Guntz, incidence de, 236
–– de Bennett. Voir Benett H
–– de fatigue, 426 Haglund, maladie de, 261
–– – du pied, 429 Hanche, 437
–– – du tibia, 350 Hawkins
–– – rotulienne, 196 –– classification de, 232
–– de Jones. Voir Jones –– test de, 46, 48
–– de l'apophyse latérale du talus, 231 Hémarthrose du genou, 390
–– de l'arcade zygomatique, 404 Hématome
–– de l'éminence intercondylienne antérieure du tibia, –– extradural, 401
393 –– intracérébral, 402
–– de l'os nasal, 404 –– sous-dural aigu, 401
–– de l'os zygomatique, 403 Hernie discale, 330
–– de la base du 1er métacarpien, 114 Hippocrate, méthode d’, 34
–– – extra-articulaire, 115 Hyperlaxité
–– de la base du 5e métatarsien, 233 –– de la cheville, 253
–– de la clavicule, 422, 431 –– du genou, 425
442 Index

Hyperlordose, 428 –– – retentissement scapulothoracique, 22


Hyperthermie d'effort, 415 –– bénigne, 306
Hyperutilisation –– cartilagineuse, bilan, 218
–– du coude, 78 –– de l'extensor carpi ulnaris, 111
–– pathologie d’, 83 –– grave, 306
I –– intermédiaire, 306
Imagerie –– labrale postérieure, 431
–– EOS, 5, 140 –– méniscale chez l'enfant, 393
–– par résonance magnétique, 8, 219, 305 –– microtraumatique, 1, 427
–– – de hanche, 135 –– musculaire
–– – des lésions –– – cicatrisation, 309, 310
–– – – cartilagineuses, 219 –– – des ischiojambiers, 421
–– – – musculaires, 305 –– – diagnostic clinique, 296
–– – des tendons ischiojambiers, 144 –– – extrinsèque, 295
–– – du rachis, 330 –– – intrinsèque, 295
–– – du scaphoïde, 98 –– – réathlétisation, 311
–– – LODA et, 245 –– – renforcement musculaire, 310
Infiltration –– – séquelles, 309
–– de corticoïdes, 123 –– musculotendineuse, 434
–– du rachis, 331 –– ostéochondrale du talus, 244
–– radio-guidée, 5 Ligament
Instabilité, 3 –– collatéral
–– de hanche, 132 –– – latéral, 72, 231
–– de la cheville chronique, 248, 252 –– – médial, 72, 238, 249
–– de l'épaule –– coraco-acromial, 27
–– – chronique, 40, 43 –– coracoclaviculaire, 17
–– – gléno-humérale, 45 –– costoclaviculaire, 18, 28
–– des tendons fibulaires, 274 –– croisé antérieur, 431
–– du coude –– – du genou, 434
–– – médiale, 80 –– cunéométatarsien, 238
–– – postérolatérale, 79 –– extrinsèque
–– – rotatoire, 79 –– – conoïde, 21
–– du genou, 425 –– – trapézoïde, 21
–– du rachis cervical, 322 –– intermalléolaire postérieur, 287
–– fémoropatellaire, 185 –– intrinsèque
–– – bilan, 188 –– – acromioclaviculaire, 21
–– LODA et, 245 –– lunotriquétral, 97
–– scapholunaire, 103 –– patellofémoral médial, reconstruction, 193
–– tibiofibulaire proximale, 228 –– scapholunaire, 96
Iselin, brochage d', 116 –– talofibulaire antérieur, 242
J –– tibiofibulaire antéro-inférieur, 241
Jersey finger, 125 –– triangulaire, 97
Jobe, test de, 47 Ligamentoplastie de la cheville, 251
Jones, fracture de, 233 Lisfranc, articulation distale de, 238
Jumper's knee, 200 LODA, 244
K –– de la cheville, 254
Köhler-Mouchet, maladie de, 385 Loge musculaire, prise de pression de la, 316
Kyste périnerveux, cheville et, 256 Lombalgie, 329
L Luxation
Latarjet, fracture de, 19 –– de hanche
Laxité de la cheville, 252 –– – récidivante, 132
Lésion –– – traumatique, 131
–– acromioclaviculaire, 21 –– de l'articulation interphalangienne proximale, 121
Index 443

–– de l'épaule, 33, 434 Neurolyse de la cheville, 256


–– – récidivante, 40 Neuropathie de la cheville, 253
–– de la cheville, 269 Névralgie cervicobrachiale, 322
–– de la tibiofibulaire proximale, 228 Noble, test de, 213
–– dentaire, 408 O
–– du coude, 74 Oden, classification d', 274
–– – postérolatérale, 431 Os
–– – rééducation, 75 –– naviculaire, 271
–– – scanner, 75 –– trigone, 286
–– du poignet, 106 Osgood-Schlatter, maladie d’, 382
–– du rachis cervical, 323 Ostéochondrite, 384
–– gléno-humérale antéromédiale, 431 –– apophysaire, 380
–– trapézométacarpienne, 117 –– disséquante, 222
–– – réduction par manœuvres externes, 119 –– – au niveau du talus, 385
M –– – du capitelum, 384
Malgaigne, signe de, 138 –– du 5e métatarsien, 385
Mallet finger, 126 –– épiphysaire, 380
Matles, test de, 265 –– – du condyle fémoral, 385
Matrices acellulaires 3D, 223 –– physaire, 380
Médecine manuelle, 11 –– trochléopatellaire, 196
Membrane interosseuse, 238 Ostéochondrose de croissance, 428
Métacarpophalangienne du pouce, 430 Ostéophyte, 281
Meyerding, classification de, 330 Ostéosynthèse, 95
Microcalcification, 146, 279 –– de la clavicule, 18
Microfracture, 221 –– des fractures du radius distal
Microperforation, LODA et, 247 –– – sous arthroscopie, 95
Microtraumatisme, 423, 424 Ostéotomie malléolaire médiale, 247
Microtraumatologie, 421 Othématome, 410
Monteggia, fracture de, 74 Ottawa, critères d', 240
Mosaïcoplastie, 224 P
–– LODA et, 247 Panner, maladie de, 383
Mouvement d'armé, 436 Paresthésie, cheville et, 256
N Patella alta, 190
Neer Pathologie
–– classification de, 19 –– de l'appareil extenseur, 437
–– test de, 46, 49 –– fémoropatellaire, 428
Nerf –– inguinopariétale, 138
–– axillaire, 35 Patte, signe de, 49
–– du grand dentelé, 435 Paxinos, test de, 22
–– fibulaire Peignage tendineux, 260
–– – commun, 370 Périnée, 428
–– – profond, 371 Périostite, 350, 429
–– – superficiel, 255, 372 –– activités en charge, 351
–– musculocutané, 35 Perte de connaissance, 402
–– – branche sensitive du, 85 Physiothérapie, 10
–– radial, 35 Pied
–– – branche profonde du, 85 –– creux varus, 273
–– suprascapulaire, 35 –– plat valgus, 255
–– sural, 374 Pièges artériels anatomiques, 317
–– sus-scapulaire, 435 Plaie, 416
–– tibial, 373 –– craniocérébrale, 401
–– ulnaire, 35 Plan collatéral latéral, 237
Nésovic, opération de, 141 Plasma riche en plaquettes, 12, 201, 259
444 Index

Plastie –– du poplité, 217


–– au petit palmaire, 81 –– du tendon droit fémoral, 149
–– ligamentaire du coude, 80 –– proximal des ischiojambiers, 149
POLICE, protocole, 240, 310 –– tendineux de hanche, 147
Ponction-évacuation échoguidée, 302 Rétinaculopathie, 426
Pridie, perforations de, 221 Retinaculum, 274
Processus postérolatéral du talus, 286 Retour sur le terrain, 9
Pronosupination, 72 Rolando, fracture de, 115
Prothèse totale Rotule
–– de genou, 359 –– douloureuse non instable, 194
–– de hanche, 359 –– forcée, 195
Pseudarthrose, 21 Rupture
–– du scaphoïde, 100 –– basse des ischiojambiers, 210
Pubalgie, 138 –– de la cheville, 269
R –– du biceps brachial distal, 89
Rachis –– du ligament
–– cervical –– – croisé antérieur, 391, 427
–– – bilan, 324 –– – patellofémoral médial, 190
–– – rugby et, 328 –– du ligament croisé antérieur, 429
–– – traumatisme du, 321 –– du moyen glutéal, 147
–– lombaire, 436 –– du semi-membraneux distal, 210
–– – de l'enfant, 395 –– du semi-tendinosus distal, 210
Radiographie –– du tendon
–– de l'apophyse latérale du talus, 232 –– – distal du triceps brachial, 91
–– du crochet de l'hamatum, 101 –– – droit fémoral proximal, 146
–– du poignet, 104 –– – patellaire, 203
–– LODA et, 245 –– – quadricipital, 206
–– standard, 4 –– isolée
Railhac, incidence de, 51 –– – du biceps femoris distal, 211
Réathlétisation, 9 –– – du poplité, 212
Récupération fonctionnelle, 9 –– sous-cutanée des poulies digitales, 123
Réduction orthopédique de hanche, 131 S
Rééducation, 9 Salter et Harris, classification de, 379
–– d'un syndrome rotulien, 192 Scanner, 5
–– d'une fracture du radius distal, 97 –– du crochet de l'hamatum, 101
–– d'une tendinopathie calcanéenne, 259 Scaphoïde, incidence du, 98
–– de lombalgie chronique, 331 Scheuermann, maladie de, 398
–– des tendons ischiojambiers, 145 Sciatalgie, 329
–– selon Stanish. Voir Stanish Scintigraphie du scaphoïde, 98
Réinsertion Scoliose, 428
–– capsulolabrale de l'épaule, 42 –– chez l'enfant, 398
–– chirurgicale du jersey finger, 126 Score IKDC fonctionnel, 219
–– transosseuse, 91, 267 Sésamoïdectomie, 236
Renforcement musculaire, 10 Sésamoïdes, 231
Renne, test de, 213 Sever, maladie de, 382, 429
Réparation ligamentaire du poignet, 105, 108 Shouldice, technique de, 141
Repos sportif, 141 Signe
Responsabilité médicale, 412 –– de Brunet. Voir Brunet
Ressaut –– de l'épaulette, 33
–– de l'iliopsoas, 148 –– de Malgaigne. Voir Malaigne
–– de la bandelette iliotibiale, 147 –– de Patte. Voir Patte
–– de la patte d'oie, 217 –– de Smillie. Voir Smillie
–– du biceps femoris, 215 –– du clairon, 48
–– du genou, 212 –– du croisement, 134
Index 445

Simmonds-Thompson, manœuvre de, 3, 265 –– de l'appareil extenseur, 423


Sinding-Larsen-Johansson, maladie de, 382, 428 –– de la cheville, 253, 269
Sinus du tarse, 249 –– de la patte d'oie, 208
Smillie, signe de, 186 –– des adducteurs, 139
Snowboardeur, 231 –– des droits de l'abdomen, 139
Spasme vasculaire, 35 –– des tendons ischiojambiers, 143
Spondylolisthésis, 428 –– du biceps brachial distal, 88
Spondylolyse, 330, 332, 428 –– du biceps femoris, 208
–– chez l'enfant, 396 –– du poplité, 211
–– imagerie, 333 –– du quadriceps, 203
–– pratique sportive et, 334 –– du semi-membranosus, 207
Sport de pivot, 429 –– du triceps brachial, 91
Sportif –– patellaire, 199
–– de haut niveau, 296 –– proximale du rectus femoris, 146
–– professionnel, 2, 81 –– trochantérienne, 147
Spring ligament, 249 Tendon
Stanish, rééducation selon, 201 –– calcanéen, 264
Stener, effet, 120 –– du cubital postérieur, 436
Steppage d'effort, 316 –– fibulaire, 249, 272
Subluxation de l'épaule, 40 Tennis-elbow, 436
Surveillance médicale, 412 Tennis-leg, 311, 437
Suture percutanée du tendon calcanéen, 268 –– complications, 313
Syndesmose, 238, 240, 255 Ténosynovite
Syndrome –– de De Quervain. Voir De Quervain
–– d'Essex-Lopresti. Voir Essex-Lopresti –– de la cheville, 269
–– de friction de la bandelette iliotibiale, 212 Ténotomie des adducteurs, 141
–– de l'intersection, 109 Test
–– des loges des membres inférieurs –– bear hug test, 49
–– – pression intratissulaire, 314 –– belly press test, 49
–– du sinus du tarse, 254 –– cross arm test, 49
–– du soléaire, 378 –– d'adduction croisée, 22
–– du stress médial tibial, 350 –– d'appréhension, 40
–– du tunnel tarsien, 373 –– – postérieure, 43
–– fémoropatellaire, 423 –– d'hyperabduction de Gagey. Voir Gagey
–– – fonctionnel, 197 –– de Finkelstein. Voir Finkelstein
–– fissuraire, 250 –– de Hawkins. Voir Hawkins
–– patellaire juvénile, 194 –– de Jobe. Voir Jobe
–– post-commotionnel prolongé, 402 –– de laxité, 41
–– sous-lésionnel, 322 –– – tiroir antérieur, 41
–– tibio-astragalien, 425 –– de Matles. Voir Matles
Synostose –– de Neer. Voir Neer
–– talocalcanéenne, 254 –– de Noble. Voir Noble
–– tibiofibulaire, 255 –– de Paxinos. Voir Paxinos
T –– de recentrage de l'épaule, 40
Talalgie, 278 –– de Renne. Voir Renne
Talons hauts, 313 –– de Yocum. Voir Yocum
Telos®, 250 –– du battement de la mesure, 316
Tenaille acétabulaire, 133 –– du portillon, 49
Tendinobursite de l'iliopsoas, 141 –– en FABER, 134
Tendinopathie, 426 –– en FADRI, 134
–– autour du genou, 423 –– lift off test de Gerber. Voir Gerber
–– calcanéenne, ondes de choc et, 259 –– palm up test, 47
–– corporéale, 257, 260 –– relocation test, 55
446 Index

Tétraplégie, 322 –– médicamenteux, 12


Tibial –– orthopédique
–– antérieur, 270 –– – de la base du 1er métacarpien, 115
–– postérieur, 271 –– – du mallet finger, 127
Torsion externe de la tubérosité tibiale antérieure, 190 –– – du pouce, 120
Traitement –– – du rachis cervical, 326
–– chirurgical –– – du radius distal, 95
–– – de l'endofibrose iliaque, 376 –– – du scaphoïde, 99
–– – de la spondylolyse, 335 –– physique, 9
–– – de lésions de l'extensor carpi ulnaris, 113 Transposition de la tubérosité tibiale antérieure, 189,
–– – des ruptures du tendon patellaire, 205 192
–– – des tendinopathies patellaires, 201 Traumatisme
–– – des tendons ischiojambiers, 144 –– alvéolodentaire, 406
–– – du mallet finger, 128 –– de la face, 403
–– – du biceps brachial distal, 90 –– de la mandibule, 405
–– – du doigt à ressaut, 123 –– de la talocrurale, 428
–– – du ligament croisé antérieur, 392 –– dentaire, 430
–– – du pouce, 120 –– mandibulaire, 416
–– – du rachis cervical, 326 –– mécanisme causal du, 1
–– – du ressaut du biceps femoris, 216 –– thoraco-abdominal, 416
–– – du syndrome de la bandelette iliotibiale, 214 Trochléoplastie, 193
–– conservateur Trouble
–– – de l'apophyse latérale du talus, 232 –– musculosquelettique, 44
–– – de la spondylolyse, 334 –– statique du pied, 257
–– – du syndrome de la bandelette iliotibiale, 214 Tubercule majeur, 35
–– des lésions musculaires, 309 V
–– fonctionnel Varus de l'arrière-pied, 255
–– – de la cheville, 248 Vissage percutané du scaphoïde, 99
–– – du rachis cervical, 326 Voûte plantaire, 272
–– médical W
–– – de la ténosynovite de De Quervain, 111 Witvoët et Allieu, classification de, 106
–– – de lésions de l'extensor carpi ulnaris, 113 Y
–– – du syndrome de l'intersection, 110 Yocum, test de, 46, 48

Vous aimerez peut-être aussi