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Autres ouvrages :
Anatomy Trains, Les méridiens myofasciaux en thérapie manuelle, de T. W. Myers, 344 pages, 2018.
Manuel de palpation osseuse et musculaire, Points gâchettes, zones de projection et étirements,
2e édition, de J. E. Muscolino, 568 pages, 2018.
Mésothérapie : place en traumatologie et rhumatologie, de J. le Coz, 256 pages, 2020.
Traumatologie en pratique
sportive
Yves Catonné
Professeur des universités, ancien chef de service de chirurgie orthopédique,
hôpital Pitié-Salpêtrière, université Paris-Sorbonne.
Frédéric Khiami
Professeur des universités, hôpital Pitié-Salpêtrière, université Paris-Sorbonne.
Frédéric Depiesse
Praticien hospitalier spécialiste de médecine physique et réadaptation, médecin du sport.
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature médicale et
concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, différer des normes définies
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Table des compléments
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Chapitre 5 Vidéo 6.6
Ressaut biceps fémoral clinique. © Y. Catonné
Vidéo 5.1
Échographie dynamique d’un ressaut antérieur de hanche. Vidéo 6.7
Ressaut biceps échographie dynamique. © J.-L. Brasseur.
Chapitre 6 Vidéo 6.8
Friction biceps vue per-opératoire. © A. Wajsfisz, J. Amzallag.
Vidéo 6.1
Rupture du LCP. Tiroir postérieur. Chapitre 7
Vidéo 6.2 Vidéo 7.1
Auto-réduction du tiroir postérieur. Augmentation de la flexion dorsale.
Vidéo 6.3 Vidéo 7.2
Testing d’une triade antéro-externe. Signe de Thompson.
Vidéo 6.4 Vidéo 7.3
Instabilité fémoro patellaire. © F. Khiami. Luxation des tendons fibulaires.
Vidéo 6.5
Syndrome essuie-glace recoupé flexion. © J.-L. Brasseur.
Liste des collaborateurs
Éric Abehsera, Chirurgie orthopédique, Clinique Léo Borrini, Médecine physique et réadaptation,
du Sport – Paris Rééducation fonctionnelle et Traumatologie du
Marine Ankri, Chirurgie orthopédique, Hôpital Sport, Hôpital d’instruction des armées de
Pitié Salpêtrière, Sorbonne Université Percy, Clamart
Ahlam Arnaout, Chirurgie orthopédique, Hôpi- Nicolas Bouscaren, Fédération française de ski,
tal Armand-Trousseau, Sorbonne Université, Annecy
AP-HP, International Wrist center Clinique Bizet Jean-Louis Brasseur, Radiologie, Hôpital Pitié-
Paris Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris
Julie Attye, Fédération française de ski, Annecy Arthur Brulé, Fédération française de ski, Annecy
Manon Bachy-Razzouk, Chirurgie orthopédique Stéphane Bulle, Fédération française de ski,
pédiatrique, Hôpital Armand-Trousseau, Sor- Annecy
bonne Université, AP-HP, Paris
Adeline Cambon-Binder, Chirurgie orthopé-
Olivier Barbier, Chirurgie orthopédique, Profes- dique, Maître de conférences des universités –
seur des Armées, Hôpital Sainte-Anne, Toulon Praticien hospitalier, Hôpital Saint-Antoine,
Nicolas Barizien, Médecine physique et réadapta- Sorbonne Université, Paris
tion, Hôpital Foch, Suresnes
Yves Catonné, Chirurgie orthopédique, Profes-
Cyril Barthomeuf, Fédération Française de Ski, seur des universités, Hôpital Pitié-Salpêtrière,
Annecy Sorbonne Université, Paris
Wael Bayoud, Chirurgie orthopédique, Hôpital Vincent Chassaing, Chirurgie orthopédique,
Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris Hôpital privé d’Antony
Sylvie Besch, Médecine physique et réadaptation, Jean-François Chermann, Neurologue, Ancien
rééducation fonctionnelle et traumatologie du
interne et ancien chef de clinique assistant des
sport, Hôpitaux de Saint-Maurice
hôpitaux de Paris, attaché à l’hôpital européen
Pierre Billard, Médecine du sport, Médecin fédé- Georges-Pompidou, attaché à l’Institut natio-
ral national FFGym, Président de la commis- nal psychiatrique Marcel Rivière, DEA neuro
sion médicale en charge de la SMR, Praticien sciences université Paris-VIII, Paris
hospitalier urgences, Paris
Camille Choufani, Chirurgie orthopédique,
Nicolas Bocahut, Chirurgie orthopédique, Hôpi- Hôpital Sainte-Anne, Toulon
tal Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris
Jean-Baptiste Courroy, Médecine du sport, Ins-
Yoann Bohu, Chirurgie orthopédique, Clinique
titut de l’Appareil Locomoteur Nollet, Paris
du Sport, Paris
Raphaël Bonaccorsi, Chirurgie orthopédique, Michel Crema, Radiologie, INSEP, Paris
Praticien hospitalier, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Romain Dayan, Chirurgie orthopédique, Hôpital
Sorbonne Université, Paris Pitié-Salpétrière, Sorbonne Université, Paris
XIV Liste des collaborateurs
Stéphane De Jésus, Fédération française de ski, Sophie Gleizes Cervera, Pôle Occitanie de hand-
Annecy ball, Medipôle, Toulouse
Jacques de Lecluse, Médecine du sport, médecine Mathilde Gras, Chirurgie orthopédique, Institut
physique et réadaptation, Institut de l’Appareil de l’Appareil Locomoteur Nollet, Paris
Locomoteur Nollet, Paris Olivier Grimaud, Chirurgie orthopédique, Cli-
Frédéric Depiesse, Médecine du sport, médecine nique du sport, Paris
physique et réadaptation, Ancien président
Henri Guerini, Radiologie, Centre d’imagerie
de la commission médicale nationale de la
Léonard de Vinci, Paris
FFA, Ex-membre European Athletics et World
Athletics, Praticien Hospitalier en disponibilité, Alice Guyon, Fédération française de ski, Annecy
médecin, Clinalliance Villers-sur-Orge , Institut Alexandre Hardy, Chirurgie orthopédique, Cli-
Mutualiste de Montsouris Paris nique du sport, Paris
Jules Descamps, Chirurgie orthopédique, Hôpital Serge Herman, Chirurgie orthopédique, Clinique
Bichat, AP-HP, Paris du sport, Paris
Flore Devriese, Chirurgie orthopédique, Hôpital Olivia Judet, Radiologie, Clinique Jouvenet, Paris
Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris
Thierry Judet, Chirurgie orthopédique, Profes-
Pascal Edouard, Médecine physique et réadapta- seur des universités, Clinique Jouvenet, Paris
tion, Professeur des universités de Physiologie,
Praticien Hospitalier en médecine physique et Gérard Juin, Médecin des équipes de France,
réadaptation, Hôpital Nord, CHU, Saint-Étienne Directeur médical national de la Fédération
française de handball, Gentilly
Gauthier Eloy, Chirurgie orthopédique, Hôpital
Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris Frédéric Khiami, Chirurgie orthopédique et trau-
matologie du sport, Professeur des universités,
Marc-Antoine Ettori, Chirurgie orthopédique,
Hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université,
Institut de l’Appareil Locomoteur Nollet, Cli-
Paris
nique Maussins-Nollet, Paris
Jean-Marie Fayard, Fédération française de ski, Shahnaz Klouche, Chirurgie orthopédique, Cli-
Annecy nique du sport, Paris
Benjamin Ferembach, Chirurgie orthopédique, Yohann Knafo, Chirurgie orthopédique, Hôpital
CHRU Trousseau, Chambray-lès-Tours Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, Paris
Olivier Fichez, Rhumatologie, Médecine du sport, Fabien Koskas, Chirurgie vasculaire, Professeur des
Saint-Raphaël universités, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne
Frank Fitoussi, Chirurgie orthopédique pédia- Université, Paris
trique, Professeur des universités, Hôpital Romain Laurent, Chirurgie orthopédique, Hôpi-
Armand-Trousseau, Sorbonne Université, tal Armand-Trousseau, Sorbonne Université,
AP-HP, Paris AP-HP, Paris
Didier Fontes, Chirurgie orthopédique, Clinique Nicolas Lefevre, Chirurgie orthopédique, Clinique
du sport, Paris du sport, Paris
Alain Frey, Médecine du sport, CHU Poissy/ Franck Le Gall, Médecin de l’équipe de France de
Saint-Germain, Poissy football, Médecin de l’Olympique de Marseille,
Antoine Gerometta, Chirurgie orthopédique, D, Centre national de Football, Clairefontaine-
Clinique du sport, Paris en-Yvelines
Liste des collaborateurs XV
La traumatologie du sport constitue un domaine pour ne pas le nommer) avait rappelé l’excep-
en pleine expansion et dont la prise en charge tionnelle compétence dans la revue « Maitrise
doit être pluridisciplinaire. C’est de plus en plus Orthopédique » dont le Directeur de la publica-
évident et nécessaire. tion n’était – et n’est toujours- que l’autre auteur
La traumatologie du sport se situe à un véri- de cette préface : Gérard Saillant pour le nom-
table carrefour de la médecine, de l’imagerie et de mer. De cet entretien on peut rappeler quelques
la chirurgie, où se rejoignent – et se confrontent termes : « O.Troisier, c’était le grand prêtre de la
parfois – les idées de chacun sur l’importance du médecine orthopédique ... Passionné de l’examen
bilan clinique, les critères de choix de l’imagerie clinique, l’esprit toujours en éveil, l’idée nouvelle
et la recherche de la stratégie thérapeutique la sans cesse renouvelée, il (m’) a donné un goût
plus efficace qu’elle soit médicale ou chirurgicale. extrême pour cette façon d’appréhender le pro-
Confrontés aux mêmes problèmes de recherche blème posé par un patient qui « repose sur des
d’un diagnostic précoce et précis et d’un traite- principes bien établis par Cyriax » . Ce James H
ment efficace, se retrouvent côte à côte le “clan Cyriax, sujet britannique, au départ chirurgien
des cliniciens” regroupant : médecins du sport, orthopédique au St. Thomas’Hospital de Londres
médecins de Médecine Physique, rhumatologues, fut le véritable père de la médecine orthopédique
chirurgiens orthopédistes généralistes ou parfois et l’auteur du Textbook of Orthopaedic Medicine ,
spécialisés dans telle ou telle pathologie : épaule, ouvrage d’une richesse incommensurable et qui
coude, poignet et main, bassin, articulation coxo- pourtant demeure méconnu, en particulier de
fémorale, genoux, cheville, pied, rachis ; mais nombreux praticiens français. Cyriax était parti
aussi chirurgiens viscéraux, vasculaires et parfois de quasiment rien à une époque où n’existait
neuro-chirurgiens et le “clan des imageurs” dis- aucun traité et pratiquement aucune publication
posant de moyens diagnostiques allant du clas- sur le sujet. Au terme d’un énorme travail, il fut
sique bilan radiographique aux technologies le premier au monde à entreprendre une étude
modernes : l’échographie en perpétuel dévelop- systématique et approfondie des affections des
pement, la tomodensitométrie aux rayons X et tissus mous de l’appareil locomoteur, réussissant à
l’arthroscanner toujours bien implantés, l’IRM développer au fil des ans un système de diagnostic
et l’arthro-IRM et leur formidable potentiel de dans lequel les pathologies sont cataloguées selon
développement, sans oublier la scintigraphie leur image clinique et proposant des solutions
pour qu’un traitement spécifique soit appliqué
à chacune d’entre elles. Son credo fut, tout au
Pour les cliniciens long de ce labeur, le suivant : « toute douleur
nait d’une lésion, tout traitement doit atteindre
La prise en charge du blessé doit toujours reposer la lésion et tout traitement doit exercer un effet
« sur une triple démarche intellectuelle » telle bénéfique sur la lésion. » Ce qui peut se résumer
que l’avait magistralement montré le maitre de la par ces mots : tout traitement doit être fondé sur
« Médecine orthopédique » en France : Olivier un diagnostic lésionnel précis. C’est la grande
Troisier dont l’un d’entre nous (Jacques Rodineau leçon qu’a su si bien transmettre O.Troisier :
XVIII Préface
ne pas « soigner » une épaule douloureuse ou un La nécessité d’un examen clinique « consis-
coude douloureux ou un genou douloureux mais tant », programmé, s’impose donc dans tous les
avant tout traitement établir un diagnostic précis cas. Il conduit à rechercher des signes cliniques
par une triple démarche : pathologiques au cours de différentes séquences
– ANALYSER les symptômes dont le patient se dont chacune a une signification particulière :
plaint. Cette analyse peut et doit suggérer aux – l’inspection ;
praticiens un certain nombre de diagnostics – la mobilité active ;
possibles ; – la mobilité passive ;
– RECHERCHER des signes physiques qui, par – les tests musculo-tendineux réalisés en isomé-
leur regroupement et leur concordance avec trique contre résistance ;
les symptômes recueillis lors de l’interrogatoire, – la recherche de signes de laxité et de signes de
permettent d’affiner les probabilités diagnos- coincement ;
tiques ; – la palpation qui, pratiquée seulement en fin
– FAIRE CORRELER, dans le domaine des d’examen, permet d’une part de confirmer tout
pathologies organiques, l’ensemble de ces don- ce que l’examen préalable a permis de suspecter
nées anamnésiques et cliniques avec une ou des et d’autre part de mettre le doigt- au vrai sens
lésions connues et reconnues comme potentielle du mot à la condition que la structure lésée
ment responsables d’une telle symptomatologie soit accessible au toucher- sur la lésion qu’elle
et d’une sémiologie clinique comparable. soit osseuse, capsulo-ligamentaire, tendineuse
« Cliniciens avant tout » telle pourrait être le ou musculaire.
positionnement, les principes de ces médecins et Les clés d’un diagnostic clinique précis ne
chirurgiens qui, comme nous, n’ont jamais conçus peuvent se concevoir que de la façon suivante :
que l’on puisse se priver d’un interrogatoire et d’un – une véritable connaissance de l’anatomie fonc-
examen physique des plus rigoureux avant d’évo- tionnelle et topographique pour être capable de
quer un diagnostic que viendront obligatoirement traduire les données cliniques en lésions anato-
confirmer ou infirmer des examens complémen- miques et appliquer par la suite un traitement
taires guidés. adapté véritablement à la structure lésée ;
Dans le domaine des pathologies ostéo- – une évaluation standardisée et reproductible pas-
articulaires, traumatiques ou microtraumatiques, sant en revue toutes les structures susceptibles
liées aux activités sportives, de nombreux élé- de « faire souffrir » ce qui nécessite de solides
ments anatomiques peuvent être concernés : notions de la physiopathologie, des différents
– le squelette osseux car le périoste et les vais- caractères, de l’évolution normale de la lésion
seaux intra-osseux sont riches en terminaisons qu’on est susceptible d’avoir diagnostiquée
nerveuses appartenant au système nociceptif ; Ces clés qui excluent tout examen clinique
– les cartilages au niveau desquels le mécanisme incomplet et, dans la mesure du possible, tout
de la douleur est complexe, mais sans doute diagnostic clinique imprécis pourrait donc tenir en
plus indirect que direct ; quelques mots mais elles exigent des praticiens :
– les membranes synoviales en relation avec la rigueur dans la démarche clinique et aussi humilité
distension que l’excès de synovie entraine au en acceptant qu’à chaque consultation, le praticien
niveau des gaines et des capsules ; s’avoue qu’il ne sait encore pas tout de la raison
– les ligaments, riches en terminaisons nocicep- pour laquelle le patient le consulte et qu’il n’est
tives, ils déclenchent des douleurs lors de leur jamais -ou presque- à l’abri d’une erreur.
mise en tension passive ;
– les tendons dont les mécanismes susceptibles de Pour les imageurs
déclencher des douleurs sont plusieurs : la mise
en tension active, la mise en tension passive La radiographie standard demeure un outil
et la compression (l’impingement des Anglo- diagnostique incontournable dans l’évaluation
saxons). de nombre des traumatismes liés à la pratique
Préface XIX
sportive, qu’il s’agisse d’une luxation ou d’une toutes les anomalies de la moelle osseuse, offrant
entorse. Elle est aisément et rapidement acces- des renseignements incomparables sur la présence
sible. Elle est économique. En des mains compé- de contusions plus ou moins banales mais aussi
tentes, elle fournit aux cliniciens un nombre de fractures occultes. Elle renseigne sur l’état des
considérable de renseignements. Toutefois, toutes ménisques et des cartilages, des ligaments et des
les fractures ne peuvent pas être diagnostiquées tendons, de la synoviale. L’adjonction d’un pro-
aux Rayons-X, toutes les luxations ne peuvent duit de contraste permet l’analyse fine de certaines
pas bénéficier des incidences nécessaires à les lésions comme une lésion ou une déchirure du
confirmer, toutes les entorses ne s’accompagnent labrum de l’épaule ou de la hanche, la rupture
pas de signes radiographiques formels. d’un ligament collatéral ou des brides synoviales
L’émergence de nouvelles technologies permet au coude, une lésion ligamentaire intracarpienne
d’affirmer le diagnostic lorsque les clichés standard au niveau du poignet, des franges synoviales au
ne peuvent pas expliquer la symptomatologie. niveau de la cheville. Son efficacité est nettement
La tomodensitométrie montre parfaitement majorée lorsque le clinicien prend l’habitude de
certaines fractures comme celles des petits os fournir à l’imageur des renseignements précis – et
du carpe (hamulus de l’hamatum) ou du pied si possible pertinents – sur la lésion qu’il suspecte.
(apophyse latérale du talus). Elle permet facile- Cette façon de procéder permet à l’imageur de
ment la mise en évidence de certaines luxations mieux choisir les paramètres qu’il utilisera comme,
comme la luxation postérieure de l’épaule, parfois par exemple, le plan et l’épaisseur des coupes ainsi
difficile à diagnostiquer sur des clichés standard. que les dimensions du champ.
Les nouvelles générations de tomodensitométrie L’arthro-IRM est largement répandue aux
autorisent une grande rapidité d’acquisition des Etats-Unis et semble y constituer actuellement
images. Au prix d’une moindre irradiation des l’imagerie de référence. En France, son utilisation
patients, elles permettent une remarquable éva- est nettement moins développée bien qu’elle soit
luation de la totalité des structures de l’appareil censée améliorer la qualité des images IRM grâce
locomoteur. Les appareils multibarettes assurent au remplissage de l’articulation, à l’amélioration
des reconstructions de grande qualité et permet- de la résolution spatiale, à la diminution des arté-
tent la réalisation d’images multiplanaires en 3D facts. C’est le cas pour l’épaule où sa résolution
d’une remarquable définition. anatomique parait supérieure à celle de l’arthro
En combinaison avec l’arthrographie, la tomo scanner. C’est le cas aussi pour la hanche et le
densitométrie est un remarquable examen. L’arthro genou à la différence de la cheville où l’arthro
scanner (arthro-TDM) est surtout utilisé pour scanner conserve une meilleure résolution.
rechercher une origine à des douleurs articulaires, L’échographie est une technique rapide, peu
tout particulièrement lorsque ces dernières sont coûteuse et totalement inoffensive. Elle analyse
persistantes et demeurent inexpliquées. C’est le finement, en statique et en dynamique, l’état des
cas notamment pour l’épaule lors de la recherche ligaments (depuis la simple distension jusqu’à
d’une rupture tendineuse, en particulier des ten- la rupture ou la désinsertion, notamment au
dons de la coiffe, mais aussi dans un contexte niveau du cou-de-pied) et des tendons (depuis le
d’épaule douloureuse et instable (EDI). C’est le banal épaississement jusqu’à la rupture partielle
cas également dans la recherche de lésions ostéo- ou totale, notamment pour les tendons de la
chondrales du dôme du talus (LODA). coiffe des rotateurs). Elle note la présence de
L’IRM connaît un essor considérable depuis une lésions bursales et l’importance des épanchements
vingtaine d’années. De nos jours, elle est devenue intra-articulaires. Elle détecte certains corps
indispensable pour explorer les très nombreuses étrangers intra-articulaires qui apparaissent avec
pathologies observées chez des sportifs à l’occa- un cône d’ombre variable selon leur nature et leur
sion d’un accident brutal, de microtraumatismes volume, ainsi que les granulomes chondromateux.
répétés ou simplement d’une surutilisation (over Toutefois elle nécessite une très bonne connais-
use des anglo-saxons). Elle est capable d’identifier sance de l’anatomie dans des plans orthogonaux.
XX Préface
Elle demande aussi un matériel sophistiqué et activités sportives. A la condition toutefois que
coûteux. En revanche, son évaluation de l’état des l’on s’adresse à des praticiens compétents dans
structures osseuses est loin d’être aussi pertinente l’anatomie, la physiologie, l’anatomopathologie,
que celle obtenue par la tomodensitométrie ou la physiopathologie, l’évaluation clinique, la perti-
l’IRM dont elle n’a pas la résolution anatomique. nence de l’imagerie de ces lésions potentiellement
La scintigraphie osseuse aux disphosphonates liées aux activités sportives.
marqués au technécium 99m constitue un bon Dans la prise en charge de ces lésions, deux
examen de repérage d’une anomalie osseuse en grands types de pathologie doivent être bien dis-
permettant sans préparation l’exploration du tinguées sur le plan thérapeutique : les lésions
squelette et des articulations. En traumatologie aiguës qui conduisent à une prise en charge qui ne
du sport, grâce à la mise en évidence de zones s’éloigne pas obligatoirement de celle de toutes
où le renouvellement de l’os est excessif et trop les lésions aigües de l’appareil locomoteur, mais
rapide, elle conserve un intérêt, en particulier peuvent s’en différencier dans certains cas comme
pour déceler une fracture de fatigue bien que, de une première luxation de l’épaule, une fracture du
nos jours, elle soit de moins en moins utilisée car scaphoïde, une rupture du LCA, etc. et les lésions
l’IRM lui est souvent préférée. chroniques d’hyperutilisation, les lésions d’over
Lorsqu’elle est réalisée, elle est souvent fusionnée use des Anglo-saxons, qui peuvent présenter des
avec la tomodensitométrie : c’est le SPECT-CT particularités thérapeutiques en fonction des dif-
(Single Photon Emission Computed Tomography) férentes activités sportives, de l’âge et du niveau
qui permet de localiser avec plus de précision les de pratique pour ne citer que celles qui sont
lésions anatomiques. spécifiques des activités sportives. C’est le cas de
Au total, toutes les techniques d’imagerie consti- certaines tendinopathies des membres supérieurs
tuent un atout majeur dans l’analyse des lésions. A et des membres inférieurs, de plusieurs syndromes
nous “cliniciens” de savoir faire des demandes canalaires, de quelques fractures de fatigue.
justifiées, guidées par nos constatations cliniques, L’étude approfondie et pertinente du traite-
en raisonnant toujours dans l’intérêt (à tous les ment de ces deux catégories de lésions, aigües
sens du mot) des patients. A vous “imageurs poly- et chroniques, en fonction d’une part, des diffé-
valents” de nous fournir les meilleurs documents rentes localisations et d’autre part des pratiques
possibles, de choisir rationnellement les incidences sportives ainsi que des motivations, de l’âge et
les plus conformes au but recherché, et d’éviter du niveau des sportifs blessés est largement déve-
la multiplication des techniques d’imagerie sous loppée dans cet ouvrage par une véritable kyriade
prétexte que les images demandées n’ont pas d’auteurs de grande notoriété.
permis d’aboutir à un diagnostic lésionnel précis. Au total, parvenir à une présentation didac-
tique et claire de l’examen clinique, des examens
complémentaires, en particulier iconographiques,
Sur le plan thérapeutique du diagnostic, du traitement des pathologies de
Nul domaine de la médecine au sens large du l’appareil locomoteur liées aux activités sportives
mot ne rapproche autant spécialistes de méde- a été l’objectif de tous les auteurs de cet ouvrage.
cine physique et chirurgiens orthopédiques que Qu’ils en soient sincèrement remerciés.
la prise en charge des traumatismes liés à des Jacques RODINEAU et Gérard SAILLANT
Prologue
• mobilité contre résistance ou mobilité contra- ment remplacé par celui de tendinopathie, plus
riée : sa recherche n’est effectuée que dans extensif.
certaines circonstances cliniques, car elle n’est En cas de suspicion de tendinopathie, la fameuse
pas toujours possible en traumatologie aiguë. triade si souvent évoquée par Rodineau est
systématiquement recherchée : douleur à la pal-
Étude de la stabilité articulaire pation, à l’étirement du tendon, à la contraction
(par exemple, genou, épaule) contrariée. Certains tests sont spécifiques d’une
lésion. Ainsi, le test de Finkelstein est théorique-
Devant des symptômes évoquant une instabilité ment pathognomonique d’une ténosynovite de
articulaire, il est nécessaire de pratiquer des tests De Quervain au niveau du poignet : il consiste
d’appréhension : manœuvre en rotation externe en la mise en tension des tendons du premier
d’épaule évoquant une instabilité scapulo-humérale, compartiment.
manœuvre de Smillie dans les instabilités patellaires. En cas de rupture tendineuse, certains tests sont
La recherche des laxités (parfois impossible très importants, telle la manœuvre de Simmonds-
dans un contexte traumatique aigu) comporte des Thompson pour le diagnostic d’une rupture de
tests spécifiques pour chaque articulation : épaule tendon calcanéen.
(tiroir), genou (test de Lachman, jerk test), cheville.
Examen programmé
Orientation du diagnostic : des articulations
os, articulations, tendons ?
En dehors du contexte d’urgence, il existe actuelle-
L’examen clinique permet d’orienter le diagnostic ment un examen programmé de chaque articula-
vers une pathologie osseuse, articulaire ou péri- tion tenant compte des aspects pratiques de tout
articulaire (tendinopathie ou rupture tendineuse). examen : par exemple, nécessité de regrouper les
tests faits en position debout, de face et de dos,
Pathologie osseuse à la marche, en décubitus ventral et dorsal. Cet
examen est bien entendu orienté par le contexte
La présence d’une douleur sur un fragment osseux clinique et l’interrogatoire.
doit faire redouter, selon les circonstances, une
fracture non déplacée méconnue ou une fracture
de fatigue. Conclusion
Pathologie articulaire : L’examen clinique garde une grande importance
instabilité, raideur malgré les énormes progrès de l’imagerie. Lorsque
le patient est vu « à froid », cet examen doit tou-
La présence d’une hémarthrose initiale, d’une jours être pratiqué avant de prendre connaissance
hydarthrose secondaire évoque une atteinte arti- de celle-ci. Il permet parfois à lui seul de faire
culaire : instabilité en cas de lésions ligamentaires un diagnostic : par exemple, devant des épisodes
(tests d’appréhension, laxité clinique), rétraction typiques de blocage en flexion du genou associés
articulaire (capsulite) en cas de raideur. à une douleur médiale, un bon interrogatoire
permet d’affirmer que le patient présente une
Pathologie abarticulaire lésion du ménisque médial avec anse de seau.
(ou péri-articulaire) : Il ne dispense cependant pas le plus souvent de
tendinopathie, bursite demander une imagerie (en l’occurrence pour cet
exemple, une radiographie standard et une IRM).
Le terme de tendinite, qui laisse supposer une ori- L’imagerie reste cependant très souvent indis-
gine inflammatoire systématique, a été progressive pensable en traumatologie du sport pour écarter
4 Traumatologie en pratique sportive
un diagnostic différentiel et préciser les indica- Quel est le responsable de ce péché contre l’esprit ?
tions thérapeutiques. L’examen clinique permet Le manque de temps, de disponibilité, de compé-
de choisir l’imagerie la plus adaptée, le clinicien tence ou d’expérience des cliniciens ?
restant le médecin prescripteur, et de donner aux Et si pour changer, vous, cliniciens, posiez
radiologues les renseignements cliniques néces- une question et nous, radiologues, y répondions
saires. Le diagnostic reste fondamentalement lié à clairement ?
la collaboration entre le clinicien et le radiologue. Cette première dérive majeure est potentialisée
par une seconde, presque aussi grave : dans plus de
huit cas sur dix, les renseignements cliniques qui
figurent sur la demande sont inexistants ou limités
2. Imagerie à deux ou trois mots insuffisants pour que le
en traumatologie du sport radiologue fasse un examen adapté au problème.
D’où ce paradoxe : un aveugle qui demande à un
G. Morvan voyant de le guider, mais refuse de lui dire où il va.
Nous marchons sur la tête.
Quelle imagerie ?
Trois petits mots simples recouvrant des réalités
plurielles :
• Quelle imagerie ? Celle élémentaire, disponible Radiographie
sur place ou celle de seconde ligne, beaucoup
plus sophistiquée ? La radiographie standard,
• Quelle traumatologie ? Le macrotraumatisme une science qui se perd
unique à haute énergie pendant une descente à
ski ou les millions de microtraumatismes accu- Les radiographies, de moins en moins enseignées
mulés lors de la marche sportive ? aux jeunes générations au profit des diverses
• Quel sport ? La randonnée familiale du dimanche imageries en coupes, sont en perte de vitesse…
ou le traumatisme de la star du football qui va Compréhensible en pathologie viscérale ou car-
faire la une des journaux ? diovasculaire, où l’indication des examens fondés
Tous ces cas de figure différents nécessitent des sur les radiographies a connu une chute dras-
gestions différentes. tique, cette évolution l’est moins en pathologie
Notre monde judiciarisé est un monde de preuves. de l’appareil musculosquelettique où la radiogra-
Le traitement des traumatismes sportifs a long- phie demeure un des piliers du diagnostic. De ce
temps suivi, sans autre forme de procès, un diagnos- déficit d’enseignement découlent en cascade des
tic purement clinique. Temps révolu. Actuellement, incidences approximatives, des radiographies trop
même un tableau évident, par exemple une rupture rapidement lues, d’où un appauvrissement des
du croisé antérieur typique, aura en pratique une renseignements fournis par ces dernières.
imagerie. Plusieurs raisons à cela : dans un monde Comme la démocratie, la radiographie « est
d’images, l’intime conviction ne suffit plus. La un mauvais système, mais c’est le moins mau-
médecine d’aujourd’hui demande des preuves tan- vais de tous les systèmes » (W. Churchill).
gibles et les patients qu’on leur montre de quoi ils Les radiographies ne montrent que le squelette
souffrent. Cette « icono-dépendance » a un coût et avec une sensibilité très moyenne. Pour voir
et est source d’une surconsommation d’imagerie. une fracture, il faut qu’elle soit enfilée par les
La France, ta clinique fout le camp ! rayons X ou déplacée d’où un grand nombre de
La primauté de la clinique a longtemps été un faux négatifs (fractures de côtes, fractures en os
dogme incontesté, d’où un besoin limité d’exa- spongieux…). Cependant, malgré ses défauts, la
mens « complémentaires », et l’imagerie ne fai- radiographie reste le meilleur examen d’ensemble
sait pas exception. Progressivement, celle-ci est d’une région, la technique qui permet les compa-
devenue de moins en moins « complémentaire », raisons les plus fines dans le temps et qui demeure
jusqu’à parfois se substituer à l’examen clinique. la plus répandue et la moins chère.
Chapitre 1. Généralités 5
même massives, ou du matériel d’ostéosyn- préopératoires des instabilités et des lésions tendi-
thèse et de leur voisinage immédiat, neuses de l’épaule (l’arthro-IRM, non irradiante,
– mode « scout-view » du scanner pouvant concurrence de plus en plus l’arthroscanner dans
être utilisé pour faire des radiographies de la ce site sensible), les pathologies chondrales et
colonne en décubitus très peu irradiantes (bilan labiales de la hanche, certains bilans du genou (car-
de scoliose, réductibilité d’une cyphose…) ; tilage de la patella, contrôles postopératoires des
• des points négatifs : gestes méniscaux) et la pathologie de la cheville.
– les coupes tomodensitométriques sont tou- En revanche, le scanner reste un examen de
jours source d’une forte irradiation. Bien que seconde intention en matière de colonne, où
les nouveaux appareils irradient beaucoup l’IRM lui est préférable.
moins que les précédents, ils demeurent la
principale source d’irradiation médicale,
– faire attention aux zones radio-sensibles des Échographie
jeunes chez qui l’indication d’un scanner de
la colonne, du bassin, des épaules doit être Beaucoup plus difficile qu’on ne le croit, cette
mûrement réfléchie et, si faire se peut, rem- technique n’appartient à personne.
placée par l’IRM. En revanche, au-delà d’un Ni les radiologues ni les cliniciens ne peuvent
certain âge, la notion d’irradiation devient en revendiquer la propriété, ni même l’usage. En
anecdotique et ne doit plus être considérée revanche, si tous les médecins peuvent y avoir
comme un obstacle, accès, les règles du jeu et le prérequis sont les
– faible sensibilité pour l’étude des parties mêmes pour tous : un niveau de formation élevé,
molles, d’où la même nécessité de produit de reconnu par un diplôme national officiel et une
contraste que pour les radiographies. remise à niveau continue des connaissances.
L’échographie n’est pas et ne sera jamais le
« prolongement naturel de la main du clinicien ».
Scanner et fractures C’est même l’inverse : l’échographie musculos
quelettique est la plus difficile des imageries
La précision et la capacité de reconstruction
musculosquelettiques. C’est celle qui exige
2D et 3D du scanner en font l’examen de base
l’investissement intellectuel le plus lourd et les
pour la recherche ou le bilan de fractures. Une
connaissances anatomiques les plus exhaustives,
exception : certaines fractures non déplacées en os
longues à acquérir et à entretenir. L’échographie
spongieux peuvent passer inaperçues au scanner
est une maîtresse séduisante, mais terriblement
(scaphoïde, plateaux tibiaux), d’où l’IRM.
exigeante à de multiples points de vue.
L’échographie « ostéo-articulaire » n’étudie
Scanner et arthroscanner paradoxalement ni l’os, ni les articulations.
des articulations Pour des raisons physiques, les ultrasons ne
voient pas l’intérieur des os, mais seulement sa sur-
Bien qu’en perte de vitesse par rapport à l’IRM, face. Une lésion intra-osseuse, évidente en radio-
l’arthrocanner reste très utilisé en France pour graphie, passera donc inaperçue en échographie.
l’étude du cartilage, des labrums et capsules arti- C’est une limite majeure de cette méthode par
culaires, de la lame sous-chondrale et de l’os nature incomplète dès lors que la zone étudiée
spongieux adjacent, d’où son importance en trau- inclut un os, d’où l’indissociable couple radio-
matologie du sport. Il nécessite parfois un premier graphie–échographie. En matière d’articulation,
temps sans préparation (ce qui double l’irradia- l’échographie voit les surfaces osseuses ou cartila-
tion) pour ne pas manquer un corps étranger gineuses accessibles, les récessus synoviaux, certains
intra-articulaire. C’est le gold standard actuel en ligaments collatéraux, les tendons et les parties
France pour l’étude des cartilages et des ligaments molles péri-articulaires. La demande « échographie
du poignet, du coude traumatique, les bilans de la hanche pour douleur » n’a donc pas de sens :
Chapitre 1. Généralités 7
Imagerie par résonance Cette extrême sensibilité est précieuse pour le diag-
magnétique nostic, mais a des inconvénients : elle voit des
lésions minimes qui ne nécessitent pas toujours de
traitement. Elle a tendance à surestimer les lésions
Des énormes progrès en cas d’examen précoce (par exemple, les ruptures
en quelques années partielles des croisés), d’où la difficulté à affirmer la
fin de la guérison en cas de petit œdème résiduel
Depuis des années, l’imagerie par résonance
intramusculaire. En revanche, sa faible spécificité ne
magnétique (IRM) monte en puissance : champs
permet pas toujours de mettre une étiquette sur ces
magnétiques plus homogènes, gradients plus puis-
images. Le problème n’est tant pas de voir quelque
sants, antennes plus performantes, temps d’acqui-
chose d’anormal, mais souvent de dire ce que c’est.
sition nettement plus courts et meilleure définition
des images… De nouvelles séquences révolution-
naires sont apparues : Des contraintes techniques
• séquences volumiques pondérées en T1 et STIR importantes
(short tau inversion recovery) – IRM CUBE
– permettant d’obtenir des coupes submillimé- Le tunnel est source de claustrophobie. L’immo-
triques jointives en haute définition sur des bilité absolue nécessaire (pendant au minimum 15
volumes importants : genou, bassin, colonne à 20 min) est difficile à obtenir chez les jeunes
lombaire, pied et cheville… Ces séquences, enfants ou les personnes âgées, en cas de douleur,
qui permettent une étude 3D et des recons- d’anxiété (respiration forte), de tremblements,
tructions planes fines dans tous les plans de d’indiscipline. Le champ de vue étudié doit être
l’espace, sont de plus en plus utilisées : colonne, réduit et les coupes fines si l’on désire une bonne
ménisques, bassin… ; définition anatomique (main, pied, nerf…), ce qui
• séquences anti-artefacts métalliques (multiac- pose fréquemment problème : douleurs mal sys-
quisition variable-resonance image combination tématisées, bilatérales…
ou MAVRIC) permettant l’étude de l’os et
des parties molles à proximité immédiate des Des inconvénients non négligeables
prothèses et du matériel d’ostéosynthèse et à
l’origine d’une nouvelle sémiologie encore en • Prix : L’IRM est un examen cher (au moins
cours de gestation et en passe de bouleverser quatre fois le prix d’un scanner), ce que l’on
l’imagerie des prothèses ; peut ne pas passer sous silence à notre époque
• séquences à temps d’écho (TE) court, voire de difficultés budgétaires.
nul, en voie de finalisation permettant d’obtenir • Accès : certaines zones géographiques sont
une imagerie calcique de type scanner ; correctement pourvues, mais d’autres restent
• séquences spéciales pour la moelle et la colonne. notoirement sous-équipées, avec des délais
incompatibles avec le bilan de lésions sportives.
• Hétérogénéité du parc : certains appareils
L’IRM, très sensible, datent et sont loin de posséder les possibilités
mais peu spécifique énoncées ci-dessus.
• Manque de spécialistes en IRM de l’appareil
Du fait de son extraordinaire sensibilité, l’IRM est
moteur.
apte à mettre en évidence le moindre œdème de
la moelle osseuse, normalement graisseuse, ou des
structures conjonctives (tendons, ligaments, fas- Un examen incontournable
cias…), normalement uniformément noires. D’où en imagerie du sport
l’énorme potentiel diagnostique de la méthode
pour la mise en évidence des lésions trauma- L’IRM est d’ores et déjà l’examen de référence dans
tiques : fractures minimes, contusion osseuse, nombre de situations : genou traumatique, hanche,
œdème sous-chondral, entorse, tendinopathie, etc. cheville complexe, colonne, épaule, poignet, main…
Chapitre 1. Généralités 9
sur le terrain avec la collaboration du MKDE, du sportif, on utilisera pour cela l’arsenal des différents
préparateur physique et de l’entraîneur. modes de contraction musculaire1.
Cette progression nécessite un ajustement per-
manent des exercices en fonction de l’évolution
de la récupération et de la tolérance du blessé aux Électrostimulation du sportif
exercices prescrits. Cela implique un suivi régulier
L’électrostimulation musculaire est efficace pour
du MKDE et du médecin et une collaboration
prévenir et traiter l’amyotrophie sous la forme
active du blessé à sa rééducation.
de courants de basse fréquence qui permettent
Nous décrirons succinctement quelques-unes
un recrutement spatial important des unités
(mais pas toutes) des méthodes et techniques
motrices. Quant à son utilisation comme moyen
propres à la rééducation du sportif (à visée
de renforcement musculaire, elle n’a d’intérêt que
d’antalgie, de gain d’amplitude) : renforcements
si elle est associée aux contractions volontaires.
musculaires (isométrique, isotonique, concen-
Elle est donc un adjuvant intéressant à certaines
trique, excentrique, pliométrique, isocinétique),
phases de la rééducation du sportif blessé sur la
travail en chaînes cinétiques, travail proprioceptif,
zone lésée ainsi qu’en maintien des acquis de
massages, étirements, physiothérapie, électros-
force et d’endurance musculaire sur les parties non
timulation… Le lecteur trouvera facilement des
lésées du corps.
ouvrages spécialisés sur ce sujet.
Le médecin du sport doit connaître les différents
modes de renforcement musculaire, mais aussi Physiothérapie
savoir soigner les troubles trophiques et prescrire
les méthodes complémentaires à la rééducation Les différentes techniques de physiothérapie sont
comme la balnéothérapie (et le travail en décharge), les suivantes : thermothérapie (chaud froid), ultra-
la cryothérapie (locale et corps entier), les ondes sons, ionisation, électrothérapie, massages, ondes
de choc (focalisées ou radiales), les techniques de magnétiques pulsées, ondes courtes… On doit
médecine manuelle ostéopathique ou autres. les prescrire à bon escient à visée antalgique, anti-
inflammatoire, en récupération… Elles complètent
le travail manuel du MKDE mais ne le rempla-
Renforcement musculaire cent pas.
Par exemple, la cryothérapie est soit localisée
La perte de force musculaire est systématique et et partielle (pose de glace sur une articulation, ou
précoce lors de toute immobilisation totale ou immersion du bas du corps en eau froide), soit sous
partielle, temporaire ou définitive, comme c’est une forme de refroidissement global dite corps
le cas après un traumatisme ou une intervention entier dans des chambres de froid et sa variante
chirurgicale. On estime que la diminution de la qui laisse la tête et le cou hors de la machine de
force musculaire est de 3 à 4 % par jour lors de cryothérapie.
la première semaine d’immobilisation. De même, la Nous ne discuterons pas ici des avantages et
force du quadriceps diminue de 20 à 60 % après inconvénients de ces techniques ni de leurs indi-
30 jours d’immobilisation type bed rest et un déficit cations qui sont encore scientifiquement discutées.
moyen de 11 à 16 % a été rapporté sur la taille des Sachez que ces méthodes font partie de l’arsenal
muscles extenseurs de genou après une immobili- de soins pour le sportif blessé et sont utilisées en
sation sans appui. Si la perte de force est rapide, la prévention, mais jamais comme traitement exclusif.
récupération de l’état initial est très longue. Ainsi,
un déficit de 10 à 20 % de la force et de la taille
du quadriceps peut persister pendant des années
1. Pour une description complète des différents modes de
après les interventions chirurgicales, malgré des
contraction musculaire, voir Rivière D. (dir.) Médecine du
efforts de rééducation intense. Limiter la perte et la sport pour le praticien. Elsevier Masson ; 2020 et Edouard P,
fonte musculaire est donc un enjeu capital pour le Degache F. Guide d’isocinétisme. Elsevier Masson ; 2016.
Chapitre 1. Généralités 11
inflammation locales et permettant de stimuler et ce malgré une toxicité bien connue, tant au
la croissance cellulaire et de réparer les tissus), la niveau rénal, que gastrique, intestinal et cardiovas-
luminothérapie. culaire. Depuis les années 2000, leur efficacité sur
Ces méthodes sont parfois utilisées par des pro- les troubles musculosquelettiques est débattue.
fessionnels à la limite de leurs décrets de compé- L’inhibition de la réponse inflammatoire précoce
tence. Il appartient alors aux traumatologues du pourrait altérer la cicatrisation naturelle d’une
sport de bien informer les sportifs afin de leur lésion et avoir un impact négatif sur le processus
permettre un usage éclairé de ces techniques de réparation ultérieure. Lors de tendinopathie
qui, comme les produits homéopathiques, sont chronique où il n’y a pas à proprement parler de
parfois utilisées dans le milieu sportif sans preuves phénomène inflammatoire, les AINS ne sont pas
scientifiques ni études indiscutables. recommandés. Il convient aussi de les éviter après
une fracture en raison de leurs effets délétères sur
la formation osseuse. Enfin, les études ne démon-
Traitements médicamenteux trent pas d’intérêt notable à leur utilisation lors de
lésions musculaires aiguës. Ils restent utilisés dans
On distingue : les lésions ligamentaires et tendineuses aiguës ou
• les traitements locaux des moyens généraux ; alors certains attendent 1 semaine avant de les
• les méthodes de prise : soit topiques locaux utiliser selon l’évolution et d’autres les emploient
(ex. : pommade), sous-cutanés (ex. : mésothé- d’emblée mais en cure courte de 3 à 5 jours
rapie), intra-articulaires et péri-articulaires (ex. : environ.
infiltrations), soit per os, parentérales, intramus- Au final, au même titre que les antalgiques, une
culaires. réflexion s’impose donc pour savoir s’il est jus-
tifié de masquer les symptômes douloureux d’un
sportif afin de lui permettre une interruption la
Antalgiques plus courte possible de sa pratique sportive, au
détriment peut-être de sa guérison.
Ils sont non spécifiques aux sportifs. On notera
toutefois que certains comme le tramadol sont
décriés pour leurs effets de baisse de vigilance
(risque de chute en cyclisme) et de diminution Facteurs de croissance
de la douleur, donc d’amélioration des capacités plaquettaire sous la forme
d’effort, donc « dopants », même s’ils ne sont de plasma riche en plaquette
pas inscrits sur la liste officielle des produits inter-
Les plasmas riches en plaquettes (PRP) ont été pro-
dits par la réglementation antidopage. En cyclisme,
posés dans le traitement des lésions musculaires,
ils sont bannis, depuis mars 2019, du peloton
puis ligamentaires et tendineuses. Aujourd’hui,
professionnel par une règle sur la protection de la
les résultats des PRP sont très controversés et les
santé de l’Union cycliste internationale (UCI). La
études difficilement comparables. Les PRP sem-
codéine est juste surveillée en compétition et sans
blent surtout efficaces pour les tendinopathies
sanction en 2020. D’autres antalgiques (narcotiques
chroniques, ils le sont moins pour les lésions mus-
dont la morphine) sont inscrits sur la liste des subs-
culaires aiguës et chroniques et les tendinopathies
tances dopantes interdites en compétition. De plus,
aiguës. Des essais récents semblent rapporter une
le risque de trop masquer la douleur peut être aussi
efficacité dans l’arthrose. Même si on ne connaît
dangereux pour guider une rééducation de blessure.
pas encore toutes les règles à respecter dans la
synthèse des PRP, les mesures suivantes semblent
Anti-inflammatoires non stéroïdiens acquises :
• nécessité d’absence des leucocytes et des éry-
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) throcytes dans le produit récupéré après cen-
sont les médicaments les plus utilisés en sport trifugation ;
Chapitre 1. Généralités 13
Glucocorticostéroïdes
Depuis ces trente dernières années, les progrès
Les indications de glucocorticostéroïdes et leur en matière de chirurgie ont été considérables à
usage en médecine du sport ont fortement dimi- plusieurs niveaux.
nué ces dernières années, toutefois bien prescrits
ils restent de très bons outils pour le trauma-
tologue du sport. On sera prudent du fait des Collaboration
risques de rupture tendineuse et d’insuffisance médico-chirurgicale
surrénale aiguë en plus de toutes les précautions
d’emploi connues (diabète, risque infectieux…).
L’amélioration de la connaissance lésionnelle n’est
Ils sont classés dans la liste des produits S9
pas un hasard. Elle est le fait d’une collaboration
interdits en compétition par l’Agence mondiale
médico-chirurgicale au service du patient. Cette
antidopage (AMA). En cas de prise par voie
collaboration précieuse amenant la confrontation
orale, intraveineuse, intramusculaire ou rectale,
des points de vue et des retours d’expérience
ils devront être déclarés en demandant une auto-
a permis le perfectionnement et la systématisa-
risation d’usage à visée thérapeutique (AUT)
tion de l’examen clinique, la mise en valeur des
à l’Agence française de lutte contre le dopage
points importants pour chacun et l’élaboration
(AFLD) pour les sportifs de niveau national ou à
de consensus de prise en charge. Un exemple
la fédération internationale à laquelle un sportif
simple est la prise en charge de la rupture du
de haut niveau relève pour la période de compé-
ligament croisé antérieur : si celle-ci était autrefois
tition. Le médecin prescripteur aide le sportif à
réservée à des « experts », elle respecte désormais
remplir son AUT.
un consensus sur les lésions qui sont à opérer de
façon formelle et sur celles pouvant ne pas l’être
Acide hyaluronique et ce, grâce à la multitude de confrontations
en infiltration intra-articulaire de points de vue, aux retours d’expérience des
experts médicaux et des chirurgiens et à l’organi-
L’acide hyaluronique est un constituant du liquide sation des sociétés savantes.
synovial et du cartilage. Sa supplémentation est La lésion est donc mieux analysée sur le plan
utilisée dans le cadre de l’arthrose et du vieillisse clinique, et l’examen clinique « programmé »,
ment articulaire dans un objectif d’amélioration rigoureux et exhaustif, permet de mieux cerner
symptomatique. la gravité de la lésion, son retentissement fonc-
En 2020, la viscosupplémentation n’est plus tionnel et son potentiel évolutif. D’autant que les
remboursée, le service médical rendu ayant été progrès de l’imagerie ont permis de mieux mettre
jugé défavorable par la Sécurité sociale. en corrélation une lésion proposée par le clinicien
Les indications en sport restent les douleurs et confirmée par le radiologue. L’avènement de
d’origine cartilagineuse : ostéochondrite trauma- l’échographie et de l’IRM a permis de revisi-
tique au début, coxarthrose, gonarthrose avec ou ter certaines lésions, et d’en découvrir d’autres,
sans ménisque lésé, arthrose de cheville. Environ autorisant des traitements plus ciblés, plus précis
50 % des sportifs rapportent une efficacité sur et plus adaptés. La pathologie méniscale illustre
leurs symptômes. ces progrès. La qualité des images IRM voire
14 Traumatologie en pratique sportive
échographiques des ménisques a permis d’établir mais avec une faiblesse résiduelle de la force de
des classifications lésionnelles précises desquelles flexion du genou et une perturbation sportive. Les
découlent des traitements ciblés. Si autrefois, en progrès de l’imagerie qui ont permis de cartogra-
cas de pathologie méniscale, le traitement pou- phier la lésion, l’utilisation d’ancres de réinsertion
vait consister en une méniscectomie totale à ciel fiables et le perfectionnement des protocoles post-
ouvert, il est possible actuellement de différencier opératoires ont permis d’élargir les indications
les lésions de profil aigu traumatique de celles qui opératoires dans cette pathologie, autrefois traitée
sont de profil dégénératif, de dépister des lésions quasi exclusivement de façon fonctionnelle.
des racines méniscales et de cartographier la
lésion selon l’orientation de la déchirure. Avec le
développement de l’arthroscopie, le mini-invasif Recherche scientifique
a supplanté la chirurgie conventionnelle, permis
de préserver les ménisques et l’avenir du cartilage Un des points de faiblesse en traumatologie du
en faisant des chirurgies de reconstruction et de sport était l’absence de recherche scientifique orga-
sutures méniscales ou des méniscectomies très nisée et dédiée, contrairement aux pathologies
ciblées et économes. orthopédiques mieux codifiées et depuis long-
temps, comme la chirurgie prothétique de hanche.
Progressivement, les sociétés savantes et les congrès
Matériel chirurgical autour de la pathologie sportive se sont organisés,
ont développé des protocoles de recherche, consti-
Le perfectionnement du matériel chirurgical a per- tué des bases de données et alimenté la littérature
mis là encore de franchir des caps. Le développe scientifique au service de la preuve scientifique
ment d’ancres de réinsertion, de fils incassables, d’un succès ou d’un échec d’une technique chirur-
l’explosion des techniques arthroscopiques, les gicale. Pour exemple, depuis longtemps la butée
plaques d’ostéosynthèse osseuse quasi anato- antérieure d’épaule dans le traitement de l’insta-
miques, les matériaux résorbables de fixation tendi- bilité chronique faisait référence, mais a été remise
neuse ou ligamentaire, l’utilisation des allogreffes en question par les traitements arthroscopiques
en pratique courante, les mini-amplificateurs de moins agressifs et moins délétères. Pourtant la
brillance ou la navigation chirurgicale peropéra- preuve scientifique a montré que les résultats de
toire sont autant de progrès techniques au service l’arthroscopie n’étaient pas ceux attendus dans de
d’une chirurgie rapide, efficace et précise dimi- nombreuses situations et a précisé les indications
nuant la longueur des suites opératoires, les délais de cet outil thérapeutique, en redonnant sa place
d’indisponibilité et les dommages collatéraux des à la chirurgie conventionnelle. De même, toutes
chirurgies plus conventionnelles. Par exemple, les recherches autour de la chirurgie du ligament
dans les ruptures corporéales du tendon calcanéen, croisé antérieur (LCA) ont fait évoluer la prise en
il est possible à l’heure actuelle de réparer la lésion, charge de cette pathologie. L’anatomie du LCA
sous anesthésie locorégionale, en ambulatoire, en a été précisée, la connaissance biomécanique de
percutané ou mini-invasif, par une suture aiguillée chacun de ses faisceaux a évolué, les techniques
avec harpon dédié, sous contrôle échographique de reconstruction ont été comparées, la position
peropératoire… Nous sommes loin des abords des tunnels osseux pour la fixation des ligamento-
larges qui gardent encore des indications mais qui plasties a été optimisée, la gestion des lésions
tendent à diminuer. Une autre lésion est particulière méniscales associée a été codifiée, les raisons des
ment intéressante dans l’évolution de sa prise en faillites techniques ont été analysées, le tout faisant
charge. La rupture haute des ischiojambiers était de la ligamentoplastie du LCA, une intervention
rarement opérée. Certes, les patients pouvaient la presque banale sur le plan technique pour des chi-
plupart du temps reprendre une activité sportive, rurgiens formés, garantissant un résultat de qualité.
Chapitre 1. Généralités 15
Figure 2.4. Fracture du 1/4 externe (a) et ostéosynthèse sous arthroscopie par endobouton (b).
Concernant les fractures du 1/3 moyen, s’il n’y Il ressort donc de cette revue systématique un
avait pas de différence significative entre les frac- intérêt important à opérer les fractures déplacées
tures non déplacées traitées orthopédiquement et du 1/3 moyen claviculaire chez les sportifs afin
celles opérées, lorsqu’un déplacement important de leur permettre un retour rapide au sport et au
n’était pas opéré, les résultats se détérioraient même niveau (ce qui est fréquent en particulier
(tableau 2.1). chez les cyclistes de compétition).
Les taux de consolidation étaient très bons avec :
– pour les fractures du 1/3 moyen, un taux de
consolidation moyen de 98 % à 10,3 semaines ; Complications
– pour les fractures du 1/4 externe, un taux de
consolidation moyen de 98 % également à 11 Le traitement orthopédique ne comporte pas de
semaines. complications majeures avec des pseudarthroses
exceptionnelles pour des fractures non déplacées, orthopédiques les plus courantes à l’épaule (9 %
sauf en cas d’ouverture cutanée, d’écart frag- des traumatismes de l’épaule dans la population
mentaire de plus de 2 cm ou de non-respect de générale) mais surtout dans une population de
l’immobilisation. jeunes athlètes et sportifs de contact.
En cas de fragments déplacés, le traitement Un traumatisme indirect résulte généralement
orthopédique comporte jusqu’à 57 % de fractures d’une chute sur un bras en adduction et tendu,
itératives et 7,5 % de paresthésies temporaires. ce qui contraint la tête humérale sous l’acromion
En cas de stabilisation chirurgicale, les compli- entraînant ainsi l’articulation acromioclaviculaire
cations peuvent être nombreuses et sérieuses, elle-même. La gravité de cette affection est direc-
telles que l’infection, des douleurs sur la plaque, tement liée à la force de l’impact induisant des
3 % de pseudarthrose, un déplacement secondaire lésions croissantes des structures anatomiques de
sur faillite du matériel, une cicatrice hypertro- stabilisation acromio- et coracoclaviculaire.
phique et jusqu’à 5 % de fractures itératives néces- Dans la population générale, l’incidence des
sitant une ré-intervention. disjonctions acromioclaviculaires (DAC) est esti-
mée à 1,8 pour 10 000 habitants avec un sex-ratio
de 8,5 hommes pour 1 femme. On ne retrouve
pas de différence entre bras dominant et bras
Conclusion controlatéral. L’âge moyen de survenue de la
lésion est de 36–37 ans tant chez les femmes
Les fractures de la clavicule sont fréquentes chez que chez les hommes. C’est la pratique sportive
le sportif. Une prise en charge adaptée permet qui est la principale étiologie (cyclisme, football,
une consolidation rapide et un délai de retour basket-ball, roller…) suivie des accidents de la
au sport optimisé. Les fractures du 1/3 moyen voie publique.
déplacées doivent être opérées pour améliorer les
chances de récupération. Les fractures du 1/4
externes instables et/ou déplacées doivent être Anatomopathologie
opérées par endobouton sous arthroscopie afin de
limiter les risques de complications. L’articulation acromioclaviculaire est une diar-
throse à pans obliques, la présence d’un « ménisque »
y est variable.
La stabilisation est tributaire de trois éléments
2. Entorses et luxations distincts (figure 2.5) :
• le ligament intrinsèque acromioclaviculaire supé-
acromioclaviculaires rieur au sein des ligaments capsulaires assure
typiquement la stabilisation horizontale de l’arti-
D. Fontes, É. Abehsera culation, c’est le premier frein au mécanisme de
disjonction ;
• les ligaments extrinsèques conoïde et trapézoïde
tendus du coude de l’apophyse coracoïde à la
face inférieure de la clavicule assurent sa stabili-
Épidémiologie, sation verticale. Ils s’insèrent environ 3 à 4 cm
physiopathologie en dedans de l’articulation acromioclaviculaire ;
• la chape musculo-aponévrotique deltotrapé-
Les données concernant l’épidémiologie des bles- zienne contribue au verrouillage dynamique
sures sont rarement fiables et exhaustives. Néan- des précédentes structures.
moins, des rapports récents ont indiqué que les La scapula est ainsi suspendue à l’extrémité
lésions acromioclaviculaires sont parmi les lésions latérale de la clavicule et un impact violent sur
22 Traumatologie en pratique sportive
Figure 2.6. Aspect clinique caractérisant la disjonction acromioclaviculaire réductible en « remontant » le bras.
Figure 2.7. Bilan radiologique comparatif : luxation acromioclaviculaire avec augmentation de la distance
coracoclaviculaire.
24 Traumatologie en pratique sportive
Néanmoins, Virk et al. ont montré que les aussi conjugué à des erreurs techniques de posi-
résultats étaient meilleurs dans le groupe ayant tionnement) s’est avéré incompétent à maintenir
eu une intervention chirurgicale précoce, à 91 % la réduction dans plus de 41 % des cas. En dehors
contre 73 % dans le groupe ayant eu une interven- de complications générales (infections, capsulites
tion plus tardive. Compte tenu du petit nombre rétractiles…), il a été déploré des fractures de la
de patients (135 précoces et 90 retardés) ainsi clavicule et de la coracoïde, ainsi que des irrita-
que des techniques chirurgicales hétérogènes, il tions douloureuses sur le bouton claviculaire. Les
peut être difficile de généraliser. En outre, pour techniques de canal transcoracoïdien occasionnent
les sportifs professionnels, d’autres critères que un taux important de fractures de l’apophyse avec
purement anatomiques peuvent interférer dans perte réductionnelle faisant préférer un laçage
la décision tels que la période de la saison de autour de la coracoïde à sa transfixion.
compétition et des aspects contractuels. Ainsi, ces différents auteurs insistent sur la
courbe d’apprentissage difficile de ces nouvelles
techniques nécessitant abord arthroscopique et
Techniques chirurgicales contrôle radioscopique avec parfois des compli-
cations majeures. L’utilisation de renforts syn-
La grande hétérogénéité des techniques rend dif- thétiques péri- ou transclaviculaires de type LARS
ficile une appréciation objective des résultats chi- (ligament advanced reinforcement system) n’est
rurgicaux. Parmi les procédures les plus répandues, pas indemne non plus de complications à type
il faut retenir les plaques à crochet, les traitements d’ostéolyse, de perte réductionnelle, de calcifica-
arthroscopiques utilisant les endoboutons (associés tions, de fractures de la clavicule (par cisaillement
ou pas à un ligament artificiel ou une autogreffe) ou ou fragilisation par les orifices transosseux) ou de
encore les ligaments synthétiques à ciel ouvert. démontages, parfois d’ailleurs aussi en rapport avec
Chaque technique a ses propres avantages et ses une infection torpide à Propionibacterium acnes à
inconvénients qui sont affaires de spécialistes. rechercher de manière systématique lors de reprises
De nombreuses complications quelle que soit la chirurgicales de DAC. Les matériaux résorbables
technique utilisée, ont été rapportées, devant faire ne semblent pas à même de maintenir durablement
réfléchir à la justification de l’indication opératoire. la réduction et sont pratiquement abandonnés.
L’étude de la Société française d’arthroscopie La technique de stabilisation acromioclaviculaire
(SFA) a conclu que la stabilisation arthrosco- (Acrolig®) a été rapportée dans une série de 150
pique coracoclaviculaire nécessitait l’adjonction patients dont 85 % de sportifs (dont 35 rugbymen
d’un abord acromioclaviculaire complémentaire professionnels). Tous les sportifs professionnels ont
afin d’accompagner la stabilisation dans le plan retrouvé leur niveau entre le 3e et le 6e mois avec
antéropostérieur. Une immobilisation soutenant le un résultat clinique et radiologique satisfaisant.
bras pendant 6 semaines était nécessaire ainsi que
l’adjonction conseillée d’une greffe biologique
(ligament coraco-acromial) si le délai opératoire Conclusion
dépassait 10 jours. La technique endoscopique
théoriquement mini-invasive n’est pas dénuée de Les lésions ligamentaires acromioclaviculaires bien
complications avec un taux observé de 20,7 % et que courantes, notamment en pratique sportive,
un retour aux sports de contact chez 72 % des demeurent problématiques. Si les lésions de type
patients pratiquant ce type de sport au préalable. I et II ne sont pas chirurgicales, a contrario les
Clavert et al. ont étudié spécifiquement les compli- disjonctions de type IV, V et VI sont considérées
cations de cette étude multicentrique de 116 cas. comme instables et nécessitent généralement une
Ainsi, aucune complication vasculonerveuse n’a intervention chirurgicale. Que ce soit pour la popu-
été déplorée mais d’autres séries ont fait état de lation générale ou chez les sportifs, les lésions de
complications de ce type lors de la perforation type III sont toujours d’indication controversée,
de la coracoïde. Le matériel utilisé (sans doute bien que l’éclosion récente des techniques dites
28 Traumatologie en pratique sportive
Épidémiologie et anatomie
Les traumatismes de l’articulation sternoclaviculaire
sont rares puisqu’ils ne représentent que 3 % de
l’ensemble des blessures de la ceinture scapulaire.
Les luxations postérieures, jusqu’à dix fois moins
fréquentes que leur forme antérieure, peuvent avoir Figure 2.9. Stabilisateurs de l’articulation sternoclaviculaire.
des conséquences dramatiques, lorsque la clavicule 1. Ligament costoclaviculaire. 2. Muscle sous-clavier.
3. Ménisque. 4. Ligament sternoclaviculaire. 5. Ligament
médiale comprime ou lèse les éléments médias- interclaviculaire.
tinaux. Le pronostic vital peut alors être mis en Source : Carole Fumat.
Chapitre 2. Épaule 29
Clinique
Dans un cas sur trois, le diagnostic clinique n’est
fait qu’à distance du traumatisme. L’interrogatoire
est primordial, et on notera, hors hyperlaxité,
un traumatisme important qu’il soit direct sur la
clavicule ou indirect sur le moignon de l’épaule.
Le patient se présente fréquemment avec l’atti-
tude de traumatisé du membre supérieur, celui- Figure 2.11. Aspect clinique d’une disjonction sterno-
claviculaire antérieure, côté droit.
ci étant immobilisé contre le thorax par la main
controlatérale. À l’inspection, on note une vous-
sure, un empâtement œdémateux en regard de seraient présentes dans 8 % des cas. On veillera
la sternoclaviculaire, parfois ecchymotique, avec donc à contrôler les paramètres vitaux, à réaliser
souvent une attitude en enroulement de l’épaule, une auscultation pulmonaire et à examiner sur
de raccourcissement claviculaire du côté lésé. La les plans neurologique et vasculaire le membre
rotation de la tête vers le côté luxé a tendance à faire supérieur homolatéral à la luxation.
diminuer la douleur, alors que celle-ci augmente lors Ces lésions sternoclaviculaires peuvent être clas-
des mouvements d’épaule et en position couchée. sées de manière simple en trois stades :
La palpation permet de préciser le diagnostic • stade 1 : celui de l’entorse simple, il s’agit d’un
en réveillant la douleur au niveau de l’articulation étirement capsulaire et ligamentaire ;
acromioclaviculaire. On peut ressentir une vacuité • stade 2 : rupture capsuloligamentaire avec
en cas de luxation postérieure ou une vous- subluxation articulaire ;
sure en cas de luxation antérieure (figure 2.11). • stade 3 : luxation articulaire.
Il faut aussi, et surtout, rechercher les signes Enfin, deux tableaux particuliers doivent être
associés pouvant témoigner de la gravité d’une cités :
luxation postérieure. En effet, le déplacement • le décollement épiphysaire de la clavicule
postérieur de la clavicule peut comprimer les médiale : il peut mimer une luxation sternoclavi-
éléments médiastinaux (figure 2.12) dans 30 % culaire, tant par son examen que par son histoire
des cas provoquant alors dyspnée, dysphagie, clinique, et ne peut survenir qu’avant l’âge de
modifications de la voix, paresthésies et œdème 25 ans, âge de fusion du cartilage de croissance
du membre supérieur. Les complications vas- claviculaire médial. En cas de déplacement, son
culaires, pouvant mettre en jeu le pronostic vital, traitement sera le plus souvent chirurgical ;
30 Traumatologie en pratique sportive
de 21 à 100 %, pourrait limiter l’intérêt d’une l’articulation sternoclaviculaire ; elle sera retirée
réduction sans chirurgie, d’autant plus que ces entre 3 et 6 mois selon les auteurs ;
luxations, chronicisées, sont souvent peu sympto- • la suture capsuloligamentaire par ancres : les
matiques. La conduite à tenir consisterait donc en moignons ligamentaires sont fixés à l’os par
une prise en charge chirurgicale en cas d’instabilité ancres après réduction de la luxation, en asso-
chronique symptomatique. Néanmoins, il reste ciant une plicature de la capsule articulaire
licite, et plus encore chez un patient sportif, de sternoclaviculaire ;
lui donner l’opportunité de rétablir l’anatomie • la résection du quart médial de la clavicule avec
sternoclaviculaire en proposant une simple réduc- fixation du moignon claviculaire à la 1re côte.
tion sous anesthésie générale suivie d’une immo- Le maintien par broches est proscrit du fait
bilisation. Celle-ci peut permettre d’éviter une du risque majeur de migration du matériel en
chirurgie de stabilisation future, dont les résultats intramédiastinal.
sont moins bons que ceux d’une réduction simple
stable. Il convient d’en discuter avec le patient, en
l’informant bien du risque de luxation itérative. Complications
Entorses et luxations postérieures Les séries concernant les stabilisations sterno-
claviculaires sont souvent restreintes, raison pour
La réduction de ces luxations est bien moins dis- laquelle il est difficile de chiffrer le taux de compli-
cutable. En effet, elle est nécessaire car plus symp- cations de ces gestes.
tomatique, avec un réel risque pour les éléments On peut néanmoins citer les complications
médiastinaux, en particulier vasculaires, ainsi que infectieuses qu’elles soient profondes (arthrite
pour le plexus brachial. Dans le cadre d’une luxa- septique) ou superficielles (infection de cicatrice).
tion aiguë (< 3 semaines), sans lésion médiasti- La fixation par broches peut se compliquer de
nale, la réduction par manœuvres externes au bloc migration du matériel en intramédiastinal avec
opératoire sous anesthésie générale doit être réa- des conséquences vasculaires parfois dramatiques
lisée. La manœuvre est la même que celle réalisée allant jusqu’au décès. Enfin, le risque de lésion
lors d’une luxation antérieure associée à une pres- d’éléments nobles existe, bien qu’exceptionnel.
sion antéropostérieure sur le moignon de l’épaule. Les éléments les plus proches sont la veine bra-
L’immobilisation postopératoire par anneaux dure chiocéphalique droite (à 6 mm de la sterno-
6 semaines. Dans le cadre d’une instabilité persis- claviculaire droite) et la veine brachiocéphalique
tante avec luxation itérative, ou d’une instabilité gauche (à 7 mm de la sternoclaviculaire gauche).
chronique, le traitement chirurgical devient néces-
saire. En effet, ces luxations sont à haut risque de
complications, telles que la compression du plexus
brachial, les érosions vasculaires, les compressions Résultats
trachéale ou œsophagienne. Quelle que soit la
technique utilisée, il reste vivement conseillé de Concernant les luxations antérieures aiguës, le
pratiquer l’intervention en présence d’un chirur- taux de luxation itérative avoisine les 50 %, mais
gien thoracique ou vasculaire. 70 % des patients obtiendront malgré tout un
Plusieurs moyens de stabilisation sternoclavicu- résultat qualifié de bon à excellent. Glass et al.
laire peuvent être utilisés : ont noté un taux de bons ou excellents résultats
• la greffe tendineuse ; un greffon tendineux de 92 % pour les réductions seules contre 76 %
(gracilis, semi-tendineux, sterno-cléido-mastoï- pour les réductions à ciel ouvert. Seul le résultat
dien, long palmaire) est prélevé et faufilé dans clinique est ici relevé, sans information sur le taux
la clavicule et le sternum. Un ligament artificiel de luxation itérative.
peut remplacer ce greffon ; Concernant les luxations postérieures, Tepolt
• la plaque d’ostéosynthèse : la réduction est sta- et al. ont montré dans une méta-analyse un taux
bilisée par une plaque d’ostéosynthèse pontant de luxation itérative de 44 % après réduction
32 Traumatologie en pratique sportive
fermée lorsque celle-ci était réalisée dans les 48 h entre 3 et 6 mois après l’intervention initiale afin
suivant le traumatisme, et de 68 % lorsqu’elle d’éviter un démontage lors des activités en force.
était réalisée après 48 h. Le résultat fonctionnel
après réduction stable est excellent, avoisinant
les 100 %. Les réductions simples sont envisagées Conclusion
idéalement dans les 48 premières heures après
le traumatisme, et peuvent être effectuées dans Les traumatismes de l’articulation sternoclaviculaire
les 3 premières semaines. Le diagnostic précoce sont rares, mais leur diagnostic précoce est particu-
est donc particulièrement important et semble lièrement important car le délai de prise en charge
permettre d’éviter tout geste à ciel ouvert, les modifiera le pronostic clinique. Il faudra donc, lors
résultats étant d’ailleurs meilleurs lors d’une prise de tout traumatisme de la ceinture scapulaire, et
en charge en aigu plutôt qu’en chronique. plus encore à haute énergie, bien analyser cette arti-
Lorsque la réduction simple d’une luxation pos- culation souvent délaissée lors de l’examen clinique.
térieure est un échec, ou lorsqu’elle est découverte Sa prise en charge reste encore sujette à contro-
tardivement, le traitement chirurgical est indi- verse concernant la luxation antérieure. En effet,
qué. Sur des luxations antérieures et postérieures, la luxation antérieure chronique semble bien tolé-
une série utilisant le LARS (ligament advanced rée par les patients. Néanmoins, dans le cas d’un
reinforcement system) – un ligament artificiel per- patient sportif où les attentes fonctionnelles sont
mettant, par l’intermédiaire d’orifices intraosseux optimales, il convient de réaliser une réduction
claviculaires, sternaux et costaux, la reconstruction en urgence, le traitement à ciel ouvert étant alors
des ligaments costoclaviculaires et sternoclavicu- réservé à la récidive symptomatique.
laires – montrait des résultats favorables avec reprise Concernant les luxations postérieures, la prise
des activités sportives et professionnelles en force. en charge est bien plus unanime. Le diagnostic
Concernant les techniques chirurgicales à privi- précoce, idéalement dans les 48 h suivant le
légier, les meilleurs résultats ont été obtenus par traumatisme, entraîne une réduction sous anes-
ténodèse, suture par ancres et fixation par plaque thésie générale, qui dans la majorité des cas per-
d’ostéosynthèse. D’autres auteurs ont étudié les met d’éviter toute chirurgie. En cas de luxation
luxations postérieures ou décollements épiphy- itérative, la tendance est clairement chirurgicale
saires chez le sportif. La réduction simple fournit du fait des risques de lésion des éléments médias-
les meilleurs résultats lorsqu’elle est réalisée dans les tinaux par la clavicule médiale.
48 premières heures suivant le traumatisme. Lorsqu’un traitement chirurgical est nécessaire,
il est difficile de statuer sur la meilleure option
thérapeutique. S’agissant d’une pathologie rare,
Délais de retour au sport les études sur le sujet concernent peu de cas, et
aucune série n’a encore comparé deux traitements
Dans le cadre des entorses simples, si toutefois de manière prospective. La méta-analyse de Glass
celles-ci sont diagnostiquées ce qui peut être rendu a semblé montrer de meilleurs résultats pour les
difficile par un tableau peu parlant, une immobilisa- gestes de ténodèse, de suture/ancrage et de syn-
tion de 15 à 21 jours peut être réalisée, avec reprise thèse par plaque. On rappelle malgré tout qu’on
de la mobilisation simple jusqu’à 6 semaines et parle ici de comparaisons de courtes séries rétros-
reprise progressive des activités en force à partir de pectives, ce qui ne peut amener à une conclusion
6 semaines après obtention de l’indolence totale. fiable. On note enfin que les traitements type
Sur le plan chirurgical, les auteurs préconi- ténodèse et ligamentoplastie sont assez largement
sent une immobilisation par coude au corps ou utilisés dans la littérature.
anneaux de 6 semaines, une reprise des activi- Quel que soit le traitement choisi, il doit avant
tés en force progressive à partir de 3 mois, et tout être réalisé par un chirurgien habitué à la
sans limitation à partir de 6 mois. Les plaques technique qu’il pratique, et toujours en présence
d’ostéosynthèse sont retirées, selon les auteurs, d’un chirurgien thoracique ou vasculaire.
Chapitre 2. Épaule 33
Concernant le sportif, on retient que les suites contré ou chute sur la paume de la main. Il est
d’une luxation sternoclaviculaire sont longues, classique de constater des pics de fréquence dans
la mobilisation pouvant être démarrée librement la deuxième et la sixième décade. Les patients les
à partir de 6 semaines, la reprise de l’entraîne plus exposés sont les hommes (3/1) et ceux de 21
ment sans contact à partir de 3 mois, et des à 30 ans (9/1).
contacts sans limitation à 6 mois.
Clinique
Les luxations antérieures surviennent en abduc-
4. Luxation tion–rotation latérale, avec une force déplaçant
gléno-humérale aiguë la tête humérale en avant et en bas par rapport à
l’apophyse coracoïde. Les autres formes sont plus
F. Khiami rares : luxations sous-glénoïdienne, sous-claviculaire
(infracoracoïdienne) et intrathoracique.
Le patient se présente le bras du côté luxé sou-
tenu par la main du côté valide. Plusieurs signes
orientent vers une luxation antérieure (figure
Forme antérieure 2.14) :
• signe de l’épaulette avec perte du galbe de
Épidémiologie l’épaule ;
• coup de hache externe ;
La luxation de l’épaule est un motif fréquent de • saillie de l’acromion et comblement du sillon
consultation. La forme traumatique prédomine deltopectoral ;
sur la forme volontaire et/ou atraumatique qui • vacuité de la glène ;
relève d’une rééducation. Les luxations anté- • abduction fixée irréductible en actif et en passif.
rieures sont de loin les plus fréquentes représen- On recherche d’emblée des signes d’atteinte
tant 96 à 98 % des luxations avec une incidence axillaire ou plexique (testing sensitif du moignon
du premier épisode de 8 à 8,2/10 0000 habitants de l’épaule jusqu’aux doigts, testing moteur sim-
par an, avec une prévalence d’environ 2 %. Elles ple) et d’atteinte vasculaire (chaleur et coloration
concernent dans 90 % des cas une population cutanée des doigts et de la main, palpation des
jeune et souvent sportive. pouls distaux).
La luxation peut relever soit d’un mécanisme Les données de l’examen doivent être consi-
direct, soit d’un mécanisme indirect avec armé gnées dans l’observation médicale.
Stratégie post-réductionnelle
Traitement : réduction Un cliché de face doit affirmer l’obtention de la
réduction et peut déceler les lésions associées qu’il
La réduction doit être envisagée chez un patient
est utile de préciser pour affiner le traitement.
soulagé, rassuré et informé. Ce dernier doit être ins-
Il peut s’agir d’une fracture non déplacée de
tallé dans un environnement calme. Les manœuvres
la tête humérale qu’il ne faut surtout pas dés-
de réduction doivent être douces et progres-
engrener lors de la réduction, d’une fracture du
sives pour réduire la contracture musculaire.
trochiter ou de la glène. Elles peuvent nécessiter
Deux grands types de manœuvres de réduction,
une stabilisation chirurgicale immédiate ou en
avec de nombreuses variantes, ont été décrits
urgence différée. La suite du traitement dépend
selon qu’ils comportent ou non un contre-appui
du caractère simple ou compliqué de la luxation.
axillaire. Parmi les méthodes ne comportant pas
de contre-appui, l’on peut citer :
Luxation simple : traitement
• la méthode d’Hippocrate (simple traction dans
conservateur classique
l’axe) ;
• la technique de Kocher (légère adduction, Après réduction, l’examinateur recherche à nou-
coude fléchi à 90°, mise en rotation latérale veau des complications neurovasculaires comme
progressive suivie d’une élévation et d’une rota- précédemment. Le patient est le plus souvent
tion médiale) moins douloureuse ; immobilisé dans un bandage coude au corps le
• la technique de Stimson (patient sur le ventre, bras en rotation médiale. Un traitement antal-
bras pendant avec un poids) ; gique simple et des séances de glaçage permet-
• la technique de Milch (patient mettant les tent d’obtenir rapidement l’indolence. La durée
mains derrière la tête), qui est très simple à d’immobilisation varie de quelques jours chez les
Chapitre 2. Épaule 35
patients de plus de 40 ans à 4 à 6 semaines chez pouvant nécessiter une réduction sanglante, une
les sujets jeunes présentant une première luxation. chirurgie à double équipe est nécessaire.
Des conseils de surveillance sont prodigués et le
patient est informé des principales complications Fractures associées
(risque de récidive précoce sous immobilisation L’association d’une fracture complique la prise en
surtout). charge, car la réduction est rendue plus délicate
et une ostéosynthèse peut s’avérer nécessaire. Les
Luxation compliquée principales fractures sont celles du col huméral, du
tubercule majeur et de la glène.
Complications neurologiques
Les complications neurologiques sont fréquentes Fractures du col huméral
et sous-estimées. Certaines sont le fait d’une neu- Il faut les reconnaître avant la réduction. Associées
rapraxie dont le potentiel de récupération est bon. à une fracture du tubercule majeur qui doit attirer
La rupture nerveuse est beaucoup plus rare (moins l’attention, elles ont été décrites par Hersche et
de 4 %). Les nerfs axillaire et suprascapulaire Gerber. Le désengrènement est suivi de nécrose
sont les plus exposés. Certaines études rappor- céphalique. Certains préconisent une stabilisation
tent 45 % d’atteintes neurologiques analysées par à foyer ouvert d’emblée avant la réduction, mais la
électromyogramme – atteinte des nerfs axillaire plupart recommandent une tentative de réduction
(37 cas), suprascapulaire (29 cas), radial (22 douce à foyer fermé sous anesthésie, quitte à
cas), musculocutané (19 cas) et ulnaire (8 cas) – convertir en cas de difficultés à obtenir facilement
et d’évolution la plupart du temps favorable. la réduction. Le traitement de la fracture est envi-
Une atteinte neurologique sévère justifie une sagé une fois la réduction obtenue en fonction du
surveillance étroite ainsi qu’une prise en charge déplacement et de l’âge du patient.
spécialisée, avec un électromyogramme de réfé-
rence avant 3 semaines, voire une IRM cervicale Fracture du tubercule majeur
à la recherche de lésions plexiques (ou d’avulsions • Fracture non déplacée : le traitement conserva-
radiculaires) en cas d’atteinte très sévère. teur avec surveillance radiographique régulière
Les atteintes neurologiques récupèrent généra- est indiqué pour dépister un éventuel déplace-
lement spontanément, mais il peut persister des ment secondaire.
séquelles nécessitant une intervention, notam- • Un déplacement de 5 mm ou plus après réduc-
ment lorsque l’atteinte axillaire est d’emblée iso- tion fait discuter une ostéosynthèse, surtout
lée et complète et qu’elle ne récupère pas dans les chez les patients jeunes et/ou actifs, mais cer-
3 à 6 mois. tains tolèrent un déplacement de 10 mm.
• Il arrive que la luxation se reproduise après
Complications vasculaires réduction (luxation incoercible) nécessitant une
Très rares (moins de 1 % des cas), elles sur- ostéosynthèse du tubercule majeur pour stabili-
viennent en cas de fracture–luxation de la tête ser l’épaule.
humérale et chez les sujets âgés ayant une arté-
riopathie. Il peut s’agir d’une rupture artérielle, Fractures glénoïdiennes antérieures
d’une thrombose après dissection intimale ou Elles peuvent également expliquer une reproduc-
d’un pseudo-anévrisme, souvent situé au niveau tion de la luxation après réduction. La tomoden-
du tiers distal de l’artère axillaire. Le spasme vas- sitométrie (TDM) les précise : siège, taille du ou
culaire est fréquent, de l’ordre de 60 %, et cède à des fragments détachés. On peut être amené à les
la levée de la compression. fixer (luxation incoercible et/ou pour restituer
En présence d’une ischémie distale, un avis l’anatomie de la glène) par voie deltopectorale,
vasculaire est urgent de même que l’organisation par vissage (figure 2.15). Cette ostéosynthèse
d’une angiographie systématique, qui ne doit pas peut être difficile en cas de comminution. Une
retarder la réduction ; en cas de fracture–luxation butée préglénoïdienne est rarement nécessaire.
36 Traumatologie en pratique sportive
Figure 2.15. Luxation associée à une fracture du tiers antéro-inférieur de la glène ayant nécessité une réduction
de la luxation et une ostéosynthèse de la glène à ciel ouvert.
luxation est de l’ordre de 77 %, avec seulement adapter leurs activités sportives ou de loisirs, avec
32 % de chances d’avoir une épaule stable à un handicap fonctionnel moins évident mais réel.
10 ans. Pour Rowe, 87 % des récidives ont lieu
Résultats du traitement chirurgical
dans les deux premières années, surtout chez les
en cas de premier épisode
jeunes.
de luxation (tableau 2.3)
À côté des sujets jeunes, les patients pratiquant
les sports de contact et les compétiteurs sont une Devant le risque important de récidive après un
population à fort risque de rechute, de même que traitement conservateur, un traitement chirurgical
les patients souffrant de lésions osseuses de pas- précoce a pu être proposé, surtout chez les sujets
sage importantes. jeunes et sportifs. De nombreuses séries compara-
Cependant, une épaule qui ne se luxe plus, n’est tives tendent à prouver son efficacité.
pas forcément une épaule oubliée. Nombreuses L’analyse de la littérature est sans appel : les
sont les épaules douloureuses et instables d’une taux de récidive après une stabilisation chirurgi-
manière fruste, avec des accidents d’instabilité cale (arthroscopique ou à ciel ouvert) sont signi-
passés inaperçus. D’autres patients, enfin, pré- ficativement moindres que ceux du traitement
sentent une appréhension résiduelle, qui leur fait conservateur, quel qu’il soit.
38 Traumatologie en pratique sportive
Tableau 2.3. Résultats comparatifs du traitement conservateur versus chirurgie évalués sur le taux de récidive.
Niveau Type Taux
Auteur N Âge Recul
de preuve de traitement de récidive
Prospectif non ran- Chirurgie 4 %
Larrain1 46 21 ans (17–27) 67 mois
domisé Conservateur 94,5 %
Chirurgie 37 3 %
Jakobsen2 I 15–39 ans 2 ans
Conservateur 39 56 %
Chirurgie 23,3 ans 18 % 79 mois
Kirkley3 II 40
Conservateur 22,7 ans 60 %
Law4 IV Chirurgie 38 5,2 % 28 mois
21 ans (16–30)
Owens5 IV Chirurgie 40 14,3 % 12 ans
Revue Chirurgie 7 % 2 ans
Brophy6
de la littérature Conservateur 46 %
Conservateur 14 75 % 3 ans
Botton7 I 18–26 ans
Arthroscopie 10 11 %
1 Larrain MV, Botto GJ, Montenegro HJ, Mauas DM. Arthroscopic repair of acute traumatic anterior shoulder dislocation in young athletes. Arthrosc J Arthrosc
Relat Surg 2001 ; 17 : 373-7. 2 Jakobsen BW, Johannsen HV, Suder P, Søjbjerg JO. Primary repair versus conservative treatment of first-time traumatic anterior
dislocation of the shoulder: a randomized study with 10-year follow-up. Arthrosc J Arthrosc Relat Surg 2007 ; 23 : 118-23. 3 Kirkley A, Werstine R, Ratjek A, Griffin
S. Prospective randomized clinical trial comparing the effectiveness of immediate arthroscopic stabilization versus immobilization and rehabilitation in first traumatic
anterior dislocations of the shoulder: long-term evaluation. Arthrosc J Arthrosc Relat Surg 2005 ; 21 : 55-63. 4 Law BKY, Yung PSH, Ho EPY, Chang JJHT, Chan KM.
The surgical outcome of immediate arthroscopic Bankart repair for first time anterior shoulder dislocation in young active patients. Knee Surg Sports Traumatol
Arthrosc 2008 ; 16 : 188-93. 5 Owens BD, DeBerardino TM, Nelson BJ, Thurman J, Cameron KL, Taylor DC, et al. Long-term follow-up of acute arthroscopic Bankart
repair for initial anterior shoulder dislocations in young athletes. Am J Sports Med 2009 ; 37 : 669-73. 6 Brophy RH, Marx RG. The treatment of traumatic anterior
instability of the shoulder: nonoperative and surgical treatment. Arthrosc J Arthrosc Relat Surg 2009 ; 25 : 298-304. 7 Bottoni CR, Wilckens JH, DeBerardino TM,
D’Alleyrand JCG, Rooney RC, Harpstrite JK, et al. A prospective, randomized evaluation of arthroscopic stabilization versus nonoperative treatment in patients
with acute, traumatic, first-time shoulder dislocations. Am J Sports Med 2002 ; 30 : 576-80.
Opérer tous les premiers épisodes de luxation Ces constatations expliquent qu’une enquête
d’épaule est excessif et une sélection des bons can- auprès de chirurgiens britanniques a révélé que
didats à une chirurgie précoce apparaît nécessaire. 35 % d’entre eux opéraient les premières luxations
Celle-ci réduit considérablement le taux de chez les jeunes, dont 16 % sous arthroscopie.
récidive par rapport au traitement conservateur Cette même étude, reprise 7 ans plus tard, mon-
classique. En l’absence de récidive, l’appréhension trait que le nombre de chirurgiens proposant une
résiduelle après traitement conservateur est six chirurgie stabilisatrice d’emblée avait doublé, et
fois plus importante que chez les patients opérés que la part de la chirurgie arthroscopique avait
avec un résultat fonctionnel trois fois moins bon. quadruplé.
D’autres travaux ont montré des scores de qualité
de vie (Western Ontario Shoulder Instability index
ou WOSI) moyens de 83 % après suture capsu- Conclusion
lolabrale sous arthroscopie pour une première
luxation. Cette meilleure qualité de vie après Le traitement conservateur est très controversé.
chirurgie est un argument important en faveur L’immobilisation « historique » coude au corps en
d’une intervention précoce. rotation médiale a montré ses limites et la durée
Enfin, si le traitement chirurgical est largement d’immobilisation de 3 à 6 semaines ne fait pas
supérieur au traitement conservateur, aucune dif- l’unanimité avec une tendance à des immobilisa-
férence, en revanche, n’a pu être mise en évidence tions plus courtes. Par contre, tous s’accordent à
entre une chirurgie conventionnelle et une chirur- mobiliser précocement les patients plus âgés pour
gie arthroscopique. limiter le risque d’enraidissement.
Chapitre 2. Épaule 39
Les taux de récidive sont très élevés après une Le bilan radiographique de face et de profil
première luxation chez les sujets jeunes. Les séries montre un signe caractéristique de tête humérale
sont unanimes avec des taux qui atteignent 95 % en rotation médiale, avec une forme rappelant
et en l’absence de récidive, une gêne est fréquente, une ampoule électrique, ainsi qu’une disparition
sous la forme de douleur et d’appréhension, avec de l’interligne articulaire avec image de double
un changement d’activité sportive ou une baisse contour de la tête (figure 2.16). L’encoche est
de niveau, voire un abandon. parfois visible de face ou de profil, surtout si elle
Le développement des techniques arthrosco- est volumineuse.
piques a incité à être plus interventionniste. La La prise en charge débute par l’obtention de la
chirurgie précoce permet de réduire considé- réduction de la luxation par manœuvre externe
rablement le taux de récidive et d’obtenir de en traction–flexion et adduction douce chez un
meilleurs résultats fonctionnels. Ceci explique que patient détendu, soulagé et coopérant. Une radio-
la tendance actuelle soit à l’augmentation des graphie de contrôle de face et de profil atteste que
indications opératoires précoces, quelle que soit la luxation est réduite.
la technique utilisée, notamment chez les plus La prise en charge postréductionnelle comprend
jeunes, qui présentent un risque de récidive et de une immobilisation en rotation neutre pour 1
séquelles plus important, et un taux d’arthrose mois avec contrôle hebdomadaire de l’absence de
de 20 % à 10 ans. récidive précoce. Un scanner est indiqué en post-
Nous manquons néanmoins d’outils décision- opératoire afin de préciser et mesurer le volume
nels pouvant aider à conforter le chirurgien dans de l’encoche. Ceci est fondamental, car en cas
son choix et faciliter la compréhension du patient d’encoche modérée ou volumineuse, il peut être
sur la meilleure attitude à adopter. Aujourd’hui, nécessaire de traiter l’encoche par un remplissage
l’on peut seulement informer le patient et son (figure 2.17) de celle-ci à l’aide du tendon du
entourage de cette problématique et l’aider à sous-scapulaire, ou à l’aide du tubercule mineur
prendre sa décision en fonction de son calen- vissé dans l’encoche.
drier scolaire, universitaire ou professionnel, et
de ses velléités de reprise sportive et d’éventuelles
échéances de compétition.
Forme postérieure
La luxation aiguë postérieure est beaucoup plus
rare (moins de 4 % des luxations) et de diagnos-
tic plus difficile. Il faut savoir l’évoquer devant
une douleur d’épaule survenue au décours d’une
crise d’épilepsie et la dépister après un trauma-
tisme à plus ou moins haute énergie, le bras
en rotation médiale. À l’examen clinique, le
patient présente l’attitude des traumatisés du
membre supérieur en se soutenant l’avant-bras,
et l’élément le plus important est la perte de la
rotation latérale active et passive. Plus rarement,
l’on peut voir une saillie antérieure du processus Figure 2.16. Luxation postérieure d’épaule
avec disparition de l’interligne articulaire.
coracoïde, un aplatissement du deltoïde anté- Image de la tête humérale en ampoule électrique
rieur et une saillie de la tête humérale en arrière et double contour de la tête faisant suspecter
chez les patients minces. une encoche antérieure volumineuse.
40 Traumatologie en pratique sportive
Traitement
Le but du traitement est de stabiliser l’épaule.
Deux grandes techniques sont proposées :
• la technique de butée coracoïdienne consis-
tant à fixer le processus coracoïde sur la partie
antéro-inférieure de la glène ;
• la retente et la réinsertion capsulolabrales répa-
rant les parties molles.
Il est classique de proposer des techniques de
butée chez les patients jeunes, pratiquant un sport
Figure 2.20. Encoche humérale postérosupérieure de contact, compétiteurs, surtout en cas d’hyper-
bien visible sur le cliché de face en rotation médiale laxité et si les lésions osseuses sont avancées. Une
après réduction de la luxation. immobilisation postopératoire de 2 semaines en
cas de butée et de 4 semaines en cas de chirurgie
capsuloligamentaire est recommandée.
La rééducation postopératoire est primordiale
et par étapes. L’objectif initial sera la récupération
des mobilités articulaires, suivie du renforcement
musculaire et de la reprogrammation neuromus-
culaire.
Il est fréquent de perdre un peu de mobilité en
rotation latérale en début de rééducation avec une
restitution progressive des amplitudes.
Résultats
Ces deux techniques peuvent se faire à ciel ouvert
ou sous arthroscopie avec des résultats très satis-
faisants et des taux de récidive inférieurs à 2 à 7 %.
Le retour au sport peut se faire lorsque les
Figure 2.21. Profil glénoïdien de Bernageau qui permet symptômes ont disparu, les amplitudes sont res-
la visualisation complète de la glène. tituées et la force est retrouvée. Il peut être utile
Chapitre 2. Épaule 43
Épidémiologie
Les tendinopathies et les conflits d’épaule sont
des pathologies très fréquentes dans la popu-
lation générale, elles représentent presque 3 %
Figure 2.23. Vue scanographique postopératoire : des consultations générales d’après le résultat de
on remarque la butée postérieure vissée à la face
postérieure de la glène et, sur le versant huméral,
consultation (RC) de l’Observatoire de méde-
l’encoche antérieure. cine générale (OMG). Elles représentent 16 %
des plaintes de l’appareil locomoteur et sont le
troisième motif de consultation pour troubles
6. Tendinopathie musculosquelettiques. Les épaules douloureuses
chroniques sont également le deuxième motif de
et conflit d’épaule consultation en rhumatologie. En médecine géné-
rale, les tendinopathies et bursopathies d’épaule
N. Barizien représentent respectivement 48 % et 17 % des
motifs de consultation pour épaule douloureuse
chronique.
Dans le sport de haut niveau, l’analyse des Jeux
Anatomie olympiques de Rio en 2016 met en évidence
que 14,4 % des imageries réalisées au cours de
Ce que nous appelons communément l’épaule la compétition l’étaient pour des tendinopathies
correspond à la jonction entre le corps de l’athlète dont la localisation principale était la tendinopa-
et son membre supérieur dont la fonction est thie du supra-épineux (19,9 % supra-épineux,
de porter l’effecteur du geste qu’est la main. Il 12,8 % tendon calcanéen, 7,7 % tendon infra-
est donc indispensable d’aborder les patholo- épineux et 7,7 % tendon patellaire). Dans certains
gies de l’épaule en considérant l’ensemble du sports, la tendinite de l’épaule est la pathologie
fonctionnement de la ceinture scapulothoracique principale : ainsi, 91 % des nageurs de compétition
et de l’articulation gléno-humérale. On décrit âgés de 13 à 25 ans ont souffert de leur épaule
cet ensemble comme le complexe articulaire de au cours de leur carrière ; elles sont la première
l’épaule (Kapandji, 2018). Lors d’un mouvement cause de blessure du nageur représentant 38 %
simple d’élévation antérieure du bras au-dessus de l’ensemble des blessures imposant un arrêt
de la tête, ce complexe thoraco-scapulo-huméral temporaire d’entraînement.
met en jeu : Il en est de même pour les sports de lancer tel
• un point fixe antérieur sternoclaviculaire ; le base-ball et son fameux pitcher impingement
• un plan mobile postérieur vertébro-scapulo- qui représente à lui seul 38 % de l’ensemble des
thoracique ; blessures de ce sport.
Chapitre 2. Épaule 45
On définit trois types de conflits entre les tendons Conflit coracoïdien dit antéro-interne
de la coiffe et l’arche ostéoligamentaire acromio-
coracoïdien : Dans la partie tout antérieure de l’arche ostéoli-
• le conflit sous-acromial dit antérosupérieur ; gamentaire acromiocoracoïdien se trouve le LAC
• le conflit sous-coracoïdien dit antéro-interne ; ainsi que l’apophyse coracoïde. Dans ce conflit,
• le conflit glénoïdien dit postérosupérieur. lorsque le bras se porte en avant et en bas, il est
en adduction et rotation interne forcées (fin d’un
geste de lancer ou de service), alors le tendon du
Conflit sous-acromial subscapulaire vient frotter contre la partie anté-
dit antérosupérieur rieure de la coracoïde. Ceci provoque des lésions
du côté huméral à la face profonde du tendon du
Le conflit sous-acromial est défini par le frotte- muscle subscapulaire ou du chef long du tendon
ment inapproprié des tendons du supraspinatus du long biceps à sa sortie de la coulisse bicipitale.
et de la longue portion du biceps sur l’arche Côté glénoïdien, les lésions intéressent le cartilage
ostéoligamentaire acromiocoracoïdien. Il corres- du rebord antérosupérieur de la glène osseuse
pond à un conflit antérosupérieur car la tête ou du labrum.
humérale vient pincer le supraspinatus sur la partie Le test clinique le plus significatif est le test de
antérieure et supérieure de cette voûte constituée Hawkins lorsqu’il est fait en adduction complète.
Chapitre 2. Épaule 47
empêche l’élévation antérieure des deux mem- • test de Yocum : l’épaule est positionnée en
bres supérieurs. Une douleur ou l’insuffisance rotation interne et en adduction maximale et
de force musculaire orientent vers une lésion du l’on demande au patient de poser la main sur
tendon du supraspinatus (sus-épineux) ; l’épaule opposée. Puis l’examinateur l’empêche
• test de Hawkins : l’examinateur fléchit le coude de lever le coude à l’horizontal. Une douleur
du patient bras à l’horizontale et coude flé- signe également un conflit sous-acromial antéro-
chit, l’examinateur imprime des mouvements de interne.
rotation interne en allant de l’abduction vers Les six tests suivants explorent l’infraspinatus et
l’adduction du bras, testant ainsi un conflit avec le terres minor dans différentes rotations externes :
la voûte sous-acromiale. Une douleur signe un • signe du clairon : à partir du test de Yocum,
conflit sous-acromial antérosupérieur de l’abduc- on demande au patient de porter la main à la
tion jusqu’en élévation antérieure, puis un conflit bouche pouce vers le bas, bras en adbuction à
sous-coracoïdien antéro-interne en adduction ; 90°. Une douleur ou l’insuffisance musculaire
Chapitre 2. Épaule 49
signent une souffrance de l’infraspinatus et du puis empaume l’épaule avec sa main pouce
terres minor ; derrière et force la rotation externe. La peur du
• signe de Patte : on demande au patient de geste, une sensation d’instabilité ou une dou-
mettre son bras en chandelier. Élévation anté- leur antérieure signent une instabilité antérieure
rieure de 90°, coude fléchi à 90° en rotation à explorer par la séquence de tests cliniques
externe 90°. L’examinateur empêche la rota- d’instabilité d’épaule que nous décrivons plus
tion externe du patient. Une douleur signe la loin. Attention, ce test ressemble au test d’armé
souffrance de l’infraspinatus ; du conflit postérosupérieur, mais dans ce cas la
• rotation externe coude au corps contrariée : douleur est à la face postérieure de l’épaule ;
coude au corps fléchi à 90°, l’examinateur teste • impingement test de Neer : le bras est positionné
la rotation externe de patient. Une douleur tendu, pouce vers le bas dans le plan de l’omo-
de la face postérieure de l’épaule signe une souf- plate par l’examinateur qui bloque la scapula avec
france de l’infraspinatus ou du terres minor ; son autre main. Le test est positif si l’élévation
• test du portillon : en mettant le bras en passive dans cette position est douloureuse. Elle
rotation externe coude au corps maximale, signe un conflit glénoïdien postérosupérieur :
l’examinateur résiste à une rotation interne du • lift off test de Gerber : le patient met son bras
patient et lâche brutalement sa résistance. Si la dans son dos, le décolle de 10 cm et doit main-
main du patient vient frapper son ventre sans tenir la position. Si la main revient taper le dos,
qu’il puisse l’arrêter, il s’agit d’une rupture de c’est que le subscapularis est rompu. L’examina-
l’infraspinatus ou si le test est douloureux une teur peut sensibiliser le test de tendinopathie en
lésion de l’infraspinatus ou du terres minor ; s’opposant à l’écartement de la main du dos du
• belly press test : coude au corps à 90° de flexion, patient.
main sur le ventre, le patient décolle son coude L’examinateur étant toujours derrière le patient,
du corps pour appuyer sur son ventre. Une dou- à partir de la position lift off test de Gerber, on
leur signe la souffrance du subscapularis (sous- peut palper le supraspinatus à la face antérieure de
scapulaire) ; l’épaule. On demande ensuite au patient de mettre
• bear hug test : bras à l’horizontale, coude fléchi et son bras en avant, en adduction et en rotation
main posée à plat sur l’épaule opposée, le patient externe, afin de palper le tendon de l’infraspinatus
doit résister à l’examinateur qui tente de décoller qui se trouve juste sous l’épine de l’omoplate à la
la main de l’épaule par une rotation externe. La face postérieure de l’épaule. En étendant le bras à
douleur confirme la souffrance du subscapularis. 45° dans le plan de l’omoplate, on peut palper le
tendon du terres minor à la partie inférieure de la
Examen clinique dos au patient tête humérale.
Puis coude au corps et bras fléchi à 90°, la rota-
L’examinateur passe ensuite derrière le patient et tion externe permet de dégager le tendon du long
commence par (figure 2.25) : biceps et sa coulisse qui peuvent être palpés à la
• articulation acromioclaviculaire : la palpation face antérieure de l’épaule. En forçant la rotation
symétrique des articulations acromioclaviculaires externe et en abduction, on dégage le tendon du
permet de rechercher une douleur qui peut subscapulaire en dedans de la coulisse bicipitale.
fausser les douleurs des tests tendineux réalisés ; Ces points de palpation sont habituellement
• cross arm test : bras tendu à l’horizontale, indolores sur un tendon sain, une douleur provo-
l’examinateur le porte en adduction maximale quée signe une inflammation lésionnelle.
pour mettre en compression l’articulation. Une
douleur signe la souffrance de l’articulation Amplitudes articulaires
acromioclaviculaire ; du complexe articulaire de l’épaule
• test d’appréhension : c’est un test d’instabilité
gléno-humérale antérieur. Toujours derrière le Au cours de l’examen tendineux de l’épaule, vous
patient, l’examinateur place le bras en position pouvez être alerté par une ou plusieurs limita-
d’armé, abduction 90°, rotation externe 90°, tions d’amplitude articulaire. Celles-ci doivent
50 Traumatologie en pratique sportive
être comparées au côté opposé, car il existe de • rotation externe, bras en abduction à 90°, coude
grandes variabilités individuelles. à 90° à l’horizontale = RE2 : on mesure l’angle
Globalement, l’élévation antérieure et l’abduc- de rotation externe par rapport à l’horizontale ;
tion doivent être à 180° par rapport au bras le • rotation externe, bras en élévation antérieure à
long du corps, la flexion (rétropulsion arrière 90°, coude fléchi à 90° à l’horizontale = RE3 :
du coude) doit être de 60°, on cote la rotation on mesure l’angle de rotation externe à partir
interne par la position du pouce dans le dos pou- de l’horizontale.
vant être limitée de la fesse jusqu’à monter en D4. L’examen de ces rotations externes est primor-
Les rotations externes sont évaluées dans trois dial surtout dans un sport d’armé ou de lancer,
positions de référence : particulièrement pour l’épaule du bras dominant.
• rotation externe, coude au corps fléchi à Une limitation globale des amplitudes articu-
90° = RE1 : on mesure l’angle de rotation laires doit faire évoquer une « capsulite rétractile »
externe par rapport à cette position de référence ; qui peut survenir de novo ou suite à un traumatisme
Chapitre 2. Épaule 51
parfois mineur. Une limitation d’amplitude arti- • identifier des signes indirects de rupture de la
culaire douloureuse sectorisée doit faire recher- coiffe ;
cher une lésion inflammatoire aiguë des tendons • rechercher des signes d’épisode d’instabilité
de la coiffe comme une tendinopathie aiguë antérieure.
calcifiante de l’épaule, alors qu’une limitation Une calcification d’hydroxyapatite ou de l’enthèse
d’amplitude articulaire indolore doit faire recher- tendineuse sera localisée précisément grâce aux
cher un blocage articulaire par lésion du labrum différentes incidences :
ou corps étranger intra-articulaire. • le supraspinatus sur le cliché de face en rota-
tion neutre ;
• l’infraspinatus et terres minor sur le cliché de
Laxité et instabilité d’épaule
face en rotation interne ;
Au cours de l’examen programmé de l’épaule, si • le subscapularis et le biceps pour les clichés de
le test d’appréhension est positif ou que les tests face en rotation externe et de profil axillaire.
cliniques sont incohérents, il faut effectuer les L’étroitesse sous-acromiale par un bec acro-
tests d’instabilité d’épaule. Décrits dans le chapitre mial proéminent, voire agressif, ou une apophyse
5, ils vous permettront de savoir si l’instabilité coracoïde trop volumineuse seront visualisées sur
est uni- ou multidirectionnelle. En effet, l’hyper- le cliché en profil de Lamy (figure 2.26a) : c’est
laxité constitutionnelle peut être un avantage dans l’incidence de référence pour l’analyse de la voûte
certains sports d’armé ou de lancer, tant que acromiale et de l’espace coracoïdien.
l’épaule n’est pas déstabilisée par une blessure. On y recherche également une rupture du
cintre scapulo-huméral, témoin d’une ascension
anormale de la tête humérale dans l’espace sous-
Imagerie acromial sur les clichés debout de face. L’inci-
dence de Railhac (figure 2.26b) en position
Comme nous l’avons vu dans l’anatomopatholo- couchée supprime la pesanteur du bras permet-
gie des lésions, il faut évaluer le contenant ostéo- tant de mesurer l’espace sous-acromial : inférieur
ligamentaire acromiocoracoïdien avant d’étudier à 6 mm, il témoigne d’une rupture transfixiante
les parties molles que sont les tendons, les muscles de la coiffe. L’articulation acromioclaviculaire est
et le labrum. également facile à analyser sur ce cliché.
Le cliché en profil axillaire (figure 2.26c) per-
Radiologie met de visualiser la glène à la recherche d’une éro-
sion du bord inférieur de la glène. Le cliché debout
Le bilan d’imagerie d’une épaule douloureuse du de face en rotation externe permet de voir une
sportif commence donc par un bilan radiographique. encoche de la face postérieure de la tête humérale,
Le bilan radiographique recommandé pour l’étude dite de Malgaigne ou de Hill-Sachs, témoin d’une
des tendinopathies et conflits d’épaule comporte : luxation antéro-interne.
• des clichés réalisés debout :
– épaule de face 3 rotations (rotation interne, Échographie
neutre, rotation externe),
– épaule en profil de Lamy, C’est l’examen de choix pour l’épaule douloureuse
– épaule en profil axillaire ; du sportif, car elle permet de voir une bursite
• un cliché réalisé couché, épaule de face stricte, sous-acromiale retrouvée dans les conflits sous-
couché, rayons droits, dit incidence de Railhac. acromiaux, les micro- ou macrocalcifications mais
Ces radiographies permettent d’étudier les également les épaississements inflammatoires et
structures osseuses de l’épaule mais aussi de : les lésions tendineuses. Les ruptures totales sont
• localiser d’éventuelles calcifications tendineuses ; faciles à identifier à l’échographie, cependant les
• analyser l’arche ostéoligamentaire acromiocora- ruptures partielles superficielles ou profondes
coïdien ; nécessitent un échographiste expérimenté.
52 Traumatologie en pratique sportive
IRM Traitement
C’est l’examen le plus précis pour les pathologies
des tendinopathies et des conflits de l’épaule,
Principes thérapeutiques
permettant la visualisation des structures tendino Les principes thérapeutiques dans une épaule
musculaires, du labrum et des répercussions douloureuse de sportif sont simples :
osseuses des traumatismes et conflits chroniques. • antalgie :
– repos du geste vulnérant,
Scanner – cryothérapie,
– antalgiques et/ou anti-inflammatoires ;
C’est l’examen de choix pour explorer les lésions • réévaluation à 2 semaines ;
complexes du labrum, du cartilage et l’éventualité • infiltration ou chirurgie ;
d’une petite lésion transfixiante des tendons de • rééducation ;
la coiffe. Il est également utilisé comme test • réathlétisation.
diagnostique anesthésique et/ou infiltration cor- Il est nécessaire dans un premier temps de
ticoïde. mettre l’épaule au repos en interdisant les gestes
Chapitre 2. Épaule 53
vulnérants. Ceci ne veut pas dire un arrêt complet l’amplitude considérée. La réévaluation médicale
du sport, mais éliminer les exercices utilisant les à 2 semaines avec les examens d’imagerie affine le
membres supérieurs. Toutes les thérapeutiques diagnostic et la stratégie thérapeutique.
antalgiques peuvent être utilisées qu’elles soient Dans les tendinopathies de coiffe et les conflits
mécaniques, électriques ou médicamenteuses. De sans lésion transfixiante, les infiltrations de produit
même dans un premier temps, un traitement dans la bourse sous-acromiale (conflit antérosupé-
anti-inflammatoire par l’application de glace et la rieur, tendinopathie superficielle de la coiffe) ou en
prescription d’anti-inflammatoire non stéroïdien gléno-humérale (conflit antérosupérieur et antéro-
en comprimés est souvent nécessaire. Cette phase interne, labrum et SLAP lesion, chondropathie et
initiale dure de 1 à 2 semaines, puis il faut rééva- omarthrose), parfois en extra-articulaire (coulisse
luer l’épaule au vu des examens radiologiques et bicipitale, subscapulaire, arthropathie acromio
du traitement initial prescrit. claviculaire), ont pour double intérêt d’être un test
Très rapidement, il faut commencer une réédu- anesthésique diagnostique immédiatement après le
cation. Celle-ci doit faire la différence entre une geste et de traiter la pathologie durablement. Plu-
épaule douloureuse souple ou raide. sieurs produits peuvent être injectés dans l’épaule
L’épaule raide et douloureuse doit être éva- selon la cause des douleurs : un corticoïde si
luée en amplitude pour suivre les progrès, elle se l’inflammation prédomine, un acide hyaluronique
rencontre lors d’une bursite inflammatoire par en cas de lésion chondrale ; certaines équipes
conflit antérosupérieur ou calcification. La rup- utilisent du plasma riche en plaquettes (PRP) en
ture d’une calcification d’hydroxyapatite dans la particulier lors des lésions partielles ou fissuraires
bourse sous-acromiodeltoïdienne est particulière- (les résultats sont pour l’instant insuffisants).
ment douloureuse et enraidissante. Les capsulites Certaines lésions sont d’emblée chirurgicales
rétractiles de novo ou post-traumatiques font partie et nécessitent un traitement arthroscopique qui
des diagnostics à évoquer. Les calcifications de la devra être obligatoirement suivi par une rééduca-
coiffe répondent bien aux injections de corticoïdes tion bien menée, car nous l’avons vu ces lésions
qui visent à les ponctionner, triturer, infiltrer. Ce sont très souvent associées à des instabilités fonc-
geste s’effectue de préférence sous guidage écho- tionnelles de l’articulation gléno-humérale.
graphique ou radiologique et soulage les patients
en quelques jours. Ce geste thérapeutique est
également diagnostique car le test anesthésique Délais de retour au sport
de la bourse sous-acromiale doit faire disparaître
la douleur, sinon c’est qu’il y a une composante La reprise du geste sportif d’armé doit être décidée
gléno-humérale à prendre en compte. Il est néces- par le kinésithérapeute, le préparateur physique et
saire d’avoir une action thérapeutique rapide afin l’entraîneur, particulièrement lors de la reprise des
de permettre une rééducation rapidement indolore rotations forcées, source des conflits antérosupé-
car sinon, aucun travail de récupération des ampli- rieur et antéro-inférieur. Cette réathlétisation doit
tudes articulaires ne peut être fait correctement par être débutée rapidement sous contrôle médical
le kinésithérapeute. et paramédical, avant même que la rééducation
L’épaule souple et douloureuse nécessite prio- ne soit terminée, surtout chez le sportif de haut
ritairement une rééducation avec un recentrage niveau de compétition.
passif de la tête humérale en face de la glène, des Attention ! Pour un sportif de haut niveau
massages décontracturants des muscles de la coiffe ou professionnel, la réalisation d’infiltration corti-
et des stabilisateurs de la scapula. Un renforcement coïde, bien qu’elle ne soit pas interdite par l’Agence
musculaire actif aidé de l’ensemble des muscles et mondiale antidopage (AMA), nécessite une infor-
tendons de la coiffe des rotateurs va permettre mation, car en cas de contrôle antidopage dans
de retrouver un bon centrage dynamique de la les semaines suivant le geste, il peut être contrôlé
tête humérale en face de la glène quelle que soit positif aux corticoïdes. Il faut donc lui remettre un
54 Traumatologie en pratique sportive
certificat médical expliquant la pathologie et les pratiqué. Le conflit postérosupérieur est une
produits utilisés, afin qu’il puisse les déclarer en cas pathologie relativement rare, souvent méconnue,
de contrôle antidopage inopiné. de présentation parfois atypique et qui doit rester
Pour le sportif amateur, il est conseillé de un diagnostic d’élimination. Il touche classique-
recommencer le sport sous contrôle d’un entraî- ment les patients jeunes pratiquant un sport de
neur vigilant à la récupération d’un geste efficace lancer (base-ball, handball…) ou nécessitant un
mais non agressif pour l’épaule convalescente. geste en abduction hyper-rotation externe (volley,
Le délai de retour au sport s’effectue lorsque tennis…). Le côté lésé est classiquement le côté
l’épaule est indolore, en particulier lorsqu’elle est dominant et le risque de lésion augmente avec le
testée dans les amplitudes potentiellement trau- niveau de pratique. Il s’agit le plus souvent d’une
matiques (rotation maximale externe et interne) à atteinte chronique et d’apparition progressive.
vitesse lente puis à vitesse rapide, lorsque le kinési-
thérapeute est assuré d’une bonne synchronisation
musculaire de la ceinture thoraco-scapulo-humérale. Physiopathologie
Une attention particulière doit être portée au maté-
riel avec lequel le sport est repris : il doit être plus
Le conflit glénoïdien postérosupérieur de l’épaule
léger, plus souple afin de travailler le geste en moin-
a été défini pour la première fois par Walch en
dre contrainte mécanique et sur des séquences plus
1991 par des douleurs chroniques de l’épaule,
courtes. Un principe prédomine lors de la reprise
sans notion d’instabilité associée, avec présence de
après blessure : peu de gestes mais de qualité avant
lésions de la face profonde de la coiffe. Si un phé-
d’introduire la quantité.
nomène d’hyperlaxité antérieure a pu être évoqué
Rappelons que le délai de cicatrisation naturelle
à la même époque par Jobe pour expliquer ces
d’un tendon lésé est de l’ordre de 6 semaines, et
douleurs chroniques, notamment chez les pitchers
qu’en dehors des douleurs provoquées par une
(lanceurs) au base-ball, il semblerait toutefois que
inflammation réversible du stade 1 de Neer, il
ces sportifs ne présentent pas d’épisode d’insta-
sera difficile de reprendre une pratique complète
bilité réelle et que le phénomène soit plutôt en
ou compétitive avant 1,5 mois. Rééducation et
rapport avec un conflit direct entre la face profonde
réathlétisation doivent mettre à profit ce délai pour
de la coiffe d’une part, le bord postérosupérieur de
rendre cette épaule indolore, centrée et resynchro-
la glène et le labrum correspondant d’autre part.
nisée tout en gardant un niveau de performance
Ce conflit physiologique serait accentué par une
physique globale compatible avec le niveau de
modification du centre de rotation de l’épaule avec
compétition attendu.
rétraction capsulaire postérieure et modification de
l’arc de rotation de l’épaule lors de l’armé.
7. Conflit postérosupérieur
Clinique
de l’épaule et SLAP lesion
L’interrogatoire s’attache à rapporter les caractéris-
A. Hardy
tiques épidémiologiques du patient (âge, sexe, bras
dominant, type de sport, niveau de pratique). Le
mécanisme d’apparition est classiquement atrau-
Épidémiologie matique ou microtraumatique. Une recherche
d’épisode d’instabilité sera systématique. La dou-
Les douleurs d’épaule chroniques sont le pre- leur est décrite le plus souvent comme un coup de
mier motif de douleurs chez le sportif réalisant poignard ou bien, dans certains des cas, comme
des gestes répétés en armé ou avec des lancers une simple gêne, voire comme une sensation de
répétitifs, et la première cause d’arrêt du sport bras mort. Le retentissement de cette pathologie
Chapitre 2. Épaule 55
sur la pratique sportive est important avec plus de par rapport au côté sain d’une part, et sur l’appa-
la moitié des patients ne pouvant pas la poursuivre. rition d’une limitation de l’arc global de rotation
L’analyse de la technopathie sera surtout inté- par rapport au côté sain supérieur à 5° (total
ressante chez le sportif par l’examen précis, à range of motion deficit) d’autre part (tableau 2.5).
l’aide parfois de la vidéo, du geste incriminé. Il Le patient rapporte classiquement une douleur
convient de toujours éliminer l’existence d’une postérieure à la position de l’armé en abduction
modification récente de la technique d’armé ou du et rotation latérale, signe à la fois très sensible et
matériel (nouvelle raquette, par exemple). Enfin, spécifique. Dans 1/3 des cas, le test de Jobe per-
les traitements déjà entrepris doivent être listés. met la disparition de cette douleur en imprimant
L’inspection recherche une dyskinésie scapulo- manuellement une translation postérieure de la tête
thoracique plutôt de type 3 selon Kibler (proémi- humérale du patient. Attention ! Cette douleur ne
nence bord supéromédial). doit pas être confondue avec l’appréhension soula-
La palpation permet d’éliminer des sources gée par le relocation test dans l’instabilité antérieure
potentielles de douleurs d’épaule différentielles d’épaule.
que sont l’articulation acromioclaviculaire ou les Le testing de la coiffe recherche des lésions de
vertèbres cervicales. la coiffe associées aux formes les plus évoluées
Lors du testing, un des signes les plus sim- de conflit postérosupérieur. À noter également
plement mis en évidence est l’apparition d’une que le test de conflit sous-acromial peut s’avérer
augmentation de la rotation latérale en position positif, en l’absence de conflit sous-acromial réel.
2 (rotation latérale en abduction) et d’une limita- L’hyperlaxité représente un diagnostic différentiel et
tion de la rotation médiale en position 2 (rotation doit être recherchée systématiquement (critères de
médiale en abduction). Ce signe doit être recher- Beighton). Les tests d’instabilité antérieure ou pos-
ché en décubitus dorsal afin de limiter au maxi- térieure doivent être normaux. Kibler recommande
mum les mouvements trompeurs de la scapula. une approche globale de la pathologie du lanceur,
La comparaison se fait par rapport au côté sain. comprenant une analyse de l’ensemble de la chaîne
Le diagnostic est porté sur une limitation de la cinétique et un traitement de chacune des dys-
rotation médiale en position 2 supérieure à 20° fonctions retrouvées, à savoir la diminution de la
(glenohumeral internal rotation deficit ou GIRD) rotation médiale passive de la hanche controlatérale,
Imagerie
Le diagnostic radiologique est porté sur un fais- Figure 2.27. Sleeper stretch test.
ceau d’arguments à la recherche de kissing lesions,
conséquences du conflit postérosupérieur et de l’épaule et de toute la chaîne cinétique permettant
l’impact répété de la partie postérosupérieure le geste d’armé.
de la glène avec la tête humérale (la récente série Ces techniques visent à permettre au patient
du symposium de la Société française d’arthrosco- le retour au sport au niveau antérieur et à préve-
pie rapporte l’incidence de ces différentes lésions). nir l’apparition de lésions secondaires comme les
Le bilan d’imagerie nécessaire est le suivant : lésions de la coiffe.
• des radiographies standard face, 3 rotations, et
profil de Bernageau : recherche de sclérose, voire
d’une encoche (26 %), ou de kystes huméraux Indications thérapeutiques
postérosupérieurs (18 %). Au niveau glénoïdien,
Lorsque le traitement médical échoue, un traite-
des ostéophytes postérieurs peuvent être retrou-
ment chirurgical peut être proposé, mais il n’existe
vés sur le cliché de Bernageau (43 %) ;
actuellement pas de consensus sur les gestes tech-
• un arthroscanner ou une arthro-IRM : ils per-
niques permettant d’obtenir un résultat satisfai-
mettent un bilan combiné coiffe/labrum à
sant. L’école américaine préconise des gestes de
la recherche de lésions de la face profonde de la
capsulorraphie antérieure fondés sur l’hypothèse
coiffe postérosupérieure (59 %) et de lésions
de l’hyperlaxité antérieure, lorsque l’école française
labrales postérosupérieures (67 %) ;
recommande de traiter les kissing lesions elles-mêmes
• un scanner simple : il pourra éventuellement
par des gestes sur la glène postérieure et le labrum.
être ajouté afin de permettre un bilan 3D plus
Il n’existe pas de consensus concernant la prise en
précis des lésions glénoïdiennes.
charge des lésions de la coiffe des rotateurs, fré-
quemment associées au conflit postérieur d’épaule
Traitement (74 %). L’abstention, le débridement simple des
lésions, la réparation après résection tendineuse ont
Principes thérapeutiques montré des résultats très aléatoires et souvent très
décevants.
Le traitement de cette pathologie est d’abord
médical et si possible préventif dès le plus jeune Résultats
âge, afin de diminuer le risque d’évolution vers les
lésions de la face profonde de la coiffe, tournant Les résultats du symposium de la Société française
péjoratif dans la pathologie. Les assouplissements, d’arthroscopie (Peduzzi et al., 2019) mettent en
comme le sleepers stretch test (figure 2.27), ont évidence la persistance de douleurs au décours de la
montré leur efficacité mais aussi la rééducation de chirurgie chez plus de la moitié des patients (54 %),
Chapitre 2. Épaule 57
même si celle-ci est décrite comme une simple complication possible de celui-ci par l’école
gêne dans la plupart des cas (82 %). La chirurgie française, la superior labral from anterior to pos-
permet néanmoins une amélioration significative terior (SLAP) correspond à une lésion du pôle
des scores Kerlan-Jobe Orthopaedic Clinic (KJOC) supérieur du labrum en regard de l’insertion de
et Constant, respectivement 82 points ± 19 et 81 la longue portion du biceps. Elles se classifient
points ± 12. Le score KJOC est significativement selon Snyder, classification complétée par Maffet.
amélioré à 82 points en moyenne contre 44 en préo- Cette classification par imagerie d’apparence assez
pératoire, ce qui est une valeur proche de la normale simple se révèle finalement très peu reproductible
(> 90). Le score de Constant semble moins perti- notamment pour différencier les stades 1 et 2
nent, car moins spécifique pour l’évaluation de ces (figure 2.28).
patients. À noter cependant que pour la majorité des Le diagnostic clinique se fonde sur un faisceau
patients, ces douleurs résiduelles n’empêchent pas la de tests assez peu discriminants qui doivent de fait
reprise sportive. La capsulorraphie antérieure semble être utilisés ensemble. L’active compression test ou
donner de moins bons résultats avec notamment 3 test de O’Brien consiste en une élévation active
fois plus de douleurs postopératoires. contre résistance patient debout à 90° d’élévation
La présence d’une lésion de la coiffe est péjora- et 15° d’adduction ; le test est positif en cas de
tive. Toutes les séries dans lesquelles une réparation douleurs en pronation disparaissant en supination.
de la coiffe est associée rapportent 25 à 35 % de Le Crank test est réalisé en abduction d’épaule à
reprise du sport au même niveau. En cas de geste 160°, coude fléchi à 90° : une compression dans
sur la coiffe, le débridement simple des lésions de l’axe du bras est exercée associée à des mouve-
coiffe semble moins péjoratif que la réparation. ments en RE–RI entraînant des douleurs en cas
Dans le symposium de la Société française d’arthro- de positivité. Le palm up test, avec élévation du
scopie ainsi que pour certains auteurs comme bras à 90° contre résistance dans le plan de la
Reynolds, autour de 55 % des patients reprennent scapula en supination, entraîne des douleurs en
le sport au même niveau. cas de positivité.
Le traitement médical de la SLAP lesion ne
diffère pas de celui du conflit postérosupérieur.
Délais de retour au sport Il se fonde sur l’analyse de l’ensemble des dés-
ordres fonctionnels (GIRD, dyskinésie scapulo-
Les résultats du symposium de la Société française thoracique…).
d’arthroscopie retrouvent 90 % de reprise sportive
dont un peu plus de la moitié (52 %) au même
niveau. Seuls 15 % ont dû changer de sport à
cause de leur épaule. Le délai moyen de reprise de
l’entraînement est de 6 mois ± 6 (1–48 mois) et
le délai moyen de reprise de la compétition est de
9,5 mois ± 6 (1–48 mois). La reprise du sport au
même niveau est 3 fois moins fréquente chez les
femmes, 4 fois moins fréquente en cas de géode
du trochiter préopératoire, alors que la présence
d’une lésion de la coiffe est au contraire associée à
3 fois plus de reprise au même niveau.
Cas particulier
de la SLAP lesion
Considérée comme partie intégrante du conflit Figure 2.28. Classification des SLAP lesions.
par l’école anglo-saxonne et plutôt comme une Source : Carole Fumat.
58 Traumatologie en pratique sportive
Traitement
Méthodes
Les deux options sont le traitement conservateur
et la chirurgie.
Traitement conservateur
Il consiste en une gestion de la douleur (antal-
Figure 2.29. Signe de la prière (côté gauche giques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, gla-
pathologique) : rétraction musculaire, perte du galbe çage, immobilisation), une rééducation précoce
musculaire, vacuité du creux axillaire. progressive adaptée à la douleur et une gestion de
60 Traumatologie en pratique sportive
l’hématome. Il faut lutter contre le saignement La classification en trois stades proposée par
(glaçage, immobilisation) et les calcifications Guiu rejoint cette philosophie (encadré 2.1).
secondaires (massages, ultrasons).
Encadré 2.1
– le diagnostic de rupture partielle est donc un La chirurgie garantit une récupération complète
diagnostic insuffisant, il faut le préciser grâce ou presque.
à l’IRM ; Le traitement conservateur permet d’obtenir
• Stade 3 : traitement conservateur même s’il 70 à 80 % de bons résultats si l’indication est bien
existe un risque de préjudice esthétique. La posée, mais il expose aux inconvénients suivants :
lésion musculaire (lésion IRM grade 1 à 2 et hématome (infection, calcification), perte de force
selon le volume musculaire atteint) est une d’adduction de l’humérus, séquelles esthétiques
lésion d’une portion isolée musculaire (souvent et récidive.
la partie inférieure de la lame postérieure se
continuant par la lame antérieure). Délais de retour au sport
En résumé, le traitement est chirurgical pour
un sujet jeune, sportif, avec une rupture en zone Après le 3e mois, les exercices contre résistance
tendineuse (des deux lames, voire même une seule débutent avec une reprise légère des activités
des deux lames rompue). Dans les autres cas, il sportives. Entre le 5e et le 6e mois, les activi-
sera médical. tés physiques complètes peuvent être reprises
progressivement (musculation), après un contrôle
clinique, échographique et isocinétique.
Complications
Si la prise en charge est de qualité, le sportif
En cas de traitement chirurgical, les complications pourra débuter ses activités autour du 3e mois et
sont celles liées à toute chirurgie et anesthésie. La espérer une reprise complète des mêmes activités au
rançon cicatricielle peut être importante, parfois même niveau entre 6 et 12 mois (90 % des athlètes).
rétractile surtout à la partie basse du sillon del-
topectoral, et lors d’abords extensifs pour des
ruptures anciennes qui font l’objet d’une recons- 9. Épaule neurologique
truction ambitieuse à l’aide d’autogreffe. Le
risque de lésion du nerf axillaire est exceptionnel microtraumatique
dans la voie d’abord chirurgicale. Des douleurs du sportif
chroniques peuvent survenir sur des fils de suture
non résorbables avec réaction inflammatoire. J. Rodineau
Dans le cadre d’un traitement conservateur,
peuvent survenir :
• un hématome volumineux ; Le développement des activités sportives, l’inten-
• une surinfection de cet hématome ; sification de l’entraînement, la multiplication des
• des calcifications secondaires ; compétitions favorisent l’apparition de lésions
• une récidive ; neurologiques microtraumatiques au niveau du
• une rupture complète en cas de lésion partielle complexe articulaire de l’épaule. Toutefois ces
initiale ; lésions restent souvent méconnues, faute d’un
• des douleurs chroniques de tendinopathie. examen soigneux de l’épaule.
Pourtant l’amplitude des mouvements de
Résultats l’épaule, la violence d’exécution de certains gestes
tels le service au tennis, le smash au volley-ball, le
Les ruptures relevant de la chirurgie et prises en lancer de javelot, le tir au handball doivent faire
charge dans les 3 semaines post-traumatiques redouter la survenue de telles lésions. Le trajet,
ont un pronostic très favorable avec plus de parfois compliqué, la longueur et la gracilité de
95 % de bons résultats fonctionnels. Les éléments certains troncs nerveux expliquent leur vulnérabi-
défavorables sont la prise en charge retardée lité au cours des activités sportives.
(après 6 semaines) et le terrain sous-jacent de Ces lésions concernent le nerf long thoracique
tendinopathie. (nerf de Charles Bell) et le nerf suprascapulaire.
62 Traumatologie en pratique sportive
Examen clinique
Dans les formes sévères, la simple inspection
suffit à faire le diagnostic. Le bord spinal de la
scapula fait une saillie plus ou moins nette. Il s’y
associe une perte de l’inclinaison en bas et en
dehors de ce bord spinal, une saillie de l’épine,
une ascension de l’angle inférieur (figure 2.30).
Les mouvements d’élévation antérieure et latérale
du bras sont limités et parfois leur amplitude ne
dépasse pas 90°.
Motifs de consultation
Ce sont essentiellement des douleurs de l’épaule.
La douleur est d’apparition brusque le plus Figure 2.32. Aspect clinique d’un patient présentant
souvent, contemporaine d’un geste sportif vio- une lésion du nerf suprascapulaire droit.
lent. Parfois, elle peut s’installer progressivement
sous la forme d’une douleur profonde. Elle peut La mobilité active de l’épaule est d’amplitude
ensuite persister et devenir peu à peu plus intense normale, mais une douleur à l’adduction horizon-
et lancinante. En général, elle siège au niveau des tale du bras peut être constatée. Dans certains cas,
faces postérieure et latérale de l’épaule et peut irra- des signes de dysfonctionnement articulaire sont
dier vers les fosses supra- et infra-épineuses. Elle observés au cours de l’étude de la mobilité active.
est parfois mal localisée. Elle est surtout nette lors Ils font évoquer une tendinite du sus-épineux
de l’échauffement et, au cours des activités, dans par la présence d’un arc douloureux lors du pas-
les mouvements d’élévation antérieure et latérale. sage à l’horizontale ou peuvent même imiter
Elle reflète la perte de l’équilibre musculaire de la une rupture de la coiffe lorsque le mouvement
coiffe des rotateurs et du rythme scapulo-huméral. d’abduction est difficile. La mobilité passive de
L’impotence fonctionnelle de l’épaule est l’épaule est toujours normale.
modérée car le déficit moteur est plus ou moins En isométrique, la force d’abduction est
compensé par l’action du deltoïde, d’une part et conservée le plus souvent ou n’est que légèrement
du petit rond, d’autre part. déficitaire. En revanche, il existe un déficit, parfois
Un manque de précision au cours des gestes considérable, de la rotation externe quelle que
sportifs, une fatigabilité du bras lors des activités soit la position de testing: coude au corps, bras en
prolongées sont constatés dans certains cas. abduction à 90° ou en élévation antérieure à 90°.
À la palpation, les muscles déficitaires sont
douloureux. La pression appuyée de l’échancrure
Examen clinique coracoïdienne provoque parfois une douleur tra-
L’amyotrophie n’apparaît qu’au bout de quelques çante, irradiant vers l’extrémité externe de la
semaines dans les formes traumatiques vraies. De clavicule ou la partie postérieure de l’articulation
toute façon, elle n’est pas toujours évidente à gléno-humérale.
l’inspection. Elle est plus visible au niveau de la Le reste de l’examen clinique (rachis cervical,
fosse infra-épineuse (figure 2.32) dont la vacuité bilan neurologique) est sans particularité.
doit être systématiquement recherchée en faisant
varier la position de la ceinture scapulaire : hausse- Bilan électrique
ment d’épaule, ante- et rétropulsion du moignon.
L’amyotrophie du supra-épineux n’est souvent Il permet de confirmer l’atteinte neurologique,
constatée qu’à la palpation du muscle. d’en préciser le degré et de localiser le niveau
66 Traumatologie en pratique sportive
lésionnel. Le tracé est toujours très pauvre dans étude de ces masses de contour net et régulier et
l’infra-épineux. Dans le supra-épineux, il est plus qui sont arrondies ou polylobées. L’IRM montre
riche et, à ce niveau, il est normal lorsque la lésion un hyposignal homogène sur les images pondé-
neurologique se fait après la naissance de fibres rées en T1 et un hypersignal homogène sur les
d’origine du rameau innervant ce muscle. images pondérées en T2. On peut aussi noter
un rehaussement périphérique du signal après
injection intraveineuse d’un produit de contraste
Imagerie paramagnétique. De plus, l’IRM permet une
localisation correcte de ces masses, objectivant
Le diagnostic de certitude de compression du nerf
notamment une éventuelle extension aux fosses
suprascapulaire par une formation kystique a été
sus-épineuse ou sous-épineuse.
affirmé par l’IRM.
Enfin, elle évalue le degré d’atrophie des mus-
À l’arthrographie, ces kystes ne sont pas visibles
cles supra-épineux et infra-épineux, secondaire à la
car, le plus souvent, ils ne sont pas remplis par
compression du nerf suprascapulaire. L’infiltration
le produit de contraste. Cette technique permet
graisseuse est caractérisée par des bandes en hyposi-
toutefois d’éliminer une rupture de la coiffe des
gnal sur les images pondérées en T1, dont le signal
rotateurs.
diminue sur les images pondérées en T2. L’œdème
La TDM simple ne semble pas non plus être une
se manifeste par des signaux iso-intenses par rapport
méthode de choix dans la détection de ces kystes
aux muscles sur les images pondérées en T1 et
au contenu épais, souvent isodense par rapport
hyper-intenses sur les images pondérées en T2.
aux muscles adjacents. A posteriori cependant, on
Plus récemment, certains auteurs ont montré
peut évoquer, comme signe indirect de l’existence
l’intérêt de l’échographie dans le diagnostic de
d’un kyste, l’effacement de la graisse dans l’échan-
ces kystes.
crure spinoglénoïdienne.
L’arthroscanner est un examen contributif
lorsqu’il montre la formation kystique opacifiée Traitement
par l’injection intra-articulaire. Cependant, son
résultat est aléatoire : le kyste peut être complète L’attitude thérapeutique dépend de l’étiopatho-
ment exclu ou sa consistance gélatineuse empê- génie de l’atteinte neurologique.
cher la pénétration rapide du produit de contraste. Dans les formes par étirement, lorsque le diag-
Ce dernier point souligne l’intérêt des coupes nostic est précoce, l’arrêt du geste nocif est obli-
TDM tardives, réalisées après mobilisation de gatoire.
l’articulation. Dès les premiers signes de réinnervation, une
L’excellente résolution en contraste de l’IRM rééducation analytique est entreprise. Elle est
(figure 2.33) permet, en revanche, une bonne poursuivie jusqu’à récupération complète ou
Figure 2.33. IRM montrant un kyste compressif entraînant une lésion du nerf suprascapulaire.
Chapitre 2. Épaule 67
stabilisation durable, guidée par des bilans élec- L’atteinte du nerf long thoracique est le plus
triques successifs. souvent due à un mécanisme par étirement.
On a également proposé d’effectuer des infil- L’atteinte du nerf suprascapulaire se fait égale-
trations locales de corticoïdes (une à trois) au ment par étirement dans de nombreux cas, mais
niveau de l’échancrure coracoïdienne. le diagnostic de compression par une formation
L’exploration chirurgicale est conseillée par cer- kystique ne doit pas être négligé.
tains auteurs lorsque le déficit moteur reste total Les examens complémentaires de routine sont
après 6 à 8 semaines, mais, dans notre expérience, représentés par un bilan électrique orienté. Tou-
la section du ligament coracoïdien ou la véritable tefois, après confirmation de l’atteinte du nerf
neurolyse chirurgicale ne doivent jamais être pro- suprascapulaire, la recherche d’une formation kys-
posées avant le 6e mois et uniquement dans les tique susceptible de comprimer ce nerf doit être
formes post-traumatiques avec augmentation de actuellement envisagée. L’IRM apporte un tribut
la distance « mastoïde–clavicule ». fondamental à ce diagnostic.
Dans les syndromes par compression, la mise en Lorsque le diagnostic étiologique est établi, il
évidence d’une masse comprimant le nerf incite faut souligner l’importance de la suppression du
le plus souvent à son exérèse chirurgicale par geste nocif dans le traitement des atteintes du nerf
abord postérieur direct. Dans le cas d’un kyste et, à un degré moindre, dans les lésions récentes
synovial, l’excision par arthroscopie ou l’aspira- du nerf suprascapulaire.
tion percutanée guidée par TDM ou échographie Dans les atteintes du nerf suprascapulaire par
et complétée par l’injection intrakystique d’une compression, il faut souligner l’importance des
petite quantité de corticoïdes sont également gestes locaux : exérèse de la formation, ponction
proposées. et infiltration du kyste.
Dans l’ensemble, le pronostic est souvent
bon et la récupération complète ou importante
Évolution et pronostic lorsque les microtraumatismes sont supprimés et la
rééducation correctement menée. Le pronostic est
Lorsque la lésion est reconnue précocement et toutefois meilleur dans les atteintes du nerf long
traitée correctement, le déficit moteur se nor- thoracique que dans celles du nerf suprascapulaire.
malise en 3 à 9 mois et les douleurs disparaissent
progressivement. Dans le cas contraire, si le diag- Pour en savoir plus
nostic est tardif ou si le sportif refuse l’arrêt, on Fracture de la clavicule
assiste à un passage à la chronicité, favorisée par Frey A, Lambert C, Vesselle B, Rousseau R, Dor F, Mar-
la persistance des microtraumatismes. Le déficit quet LA, et al. Epidemiology of Judo-related injuries
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Chapitre 3
Coude
Articulation intermédiaire du membre supérieur, Une bonne connaissance de l’anatomie et la
le coude a pour fonction de transmettre à la main compréhension des facteurs de la stabilité du coude,
les mouvements et l’énergie générés au niveau de la osseux et ligamentaires intriqués, sont nécessaires
ceinture scapulaire et de l’épaule, de positionner pour appréhender les lésions traumatiques aiguës
la main dans l’espace par la flexion–extension et et chroniques, qu’elles soient ligamentaires ou
de l’orienter par sa participation à la pronosupina- osseuses pures, ou ostéoligamentaires. Une prise
tion. L’articulation elle-même est entourée d’un en charge adaptée vise à éviter les séquelles domi-
environnement musculotendineux fait principale- nées par l’enraidissement, mais aussi les douleurs
ment de muscles bi- ou pluri-articulaires qu’elle et l’instabilité.
partage avec l’épaule sus-jacente pour les muscles
antérieurs et postérieurs, et avec le poignet et la
main sous-jacente pour les muscles latéraux. Rappel anatomique
Toutes ces structures articulaires et péri-articu-
laires peuvent en pathologie sportive subir les consé-
et physiologique
quences d’accidents aigus ou faire l’objet d’une
pathologie d’hyperutilisation. Articulation unique, le coude assure deux fonc-
Dans toutes les situations, la proximité des axes tions, flexion–extension et pronosupination, mettant
vasculaires et nerveux peut expliquer des compli- en présence trois pièces osseuses, humérus, radius et
cations que ce soit lors de traumatismes ou lors de ulna unis par un appareil capsuloligamentaire.
la prise en charge thérapeutique.
Seront successivement présentées les patho-
logies articulaires proprement dites, ostéocarti- Anatomie osseuse (Figure 3.1a)
lagineuses et ligamentaires, et les pathologies • Palette humérale : grossièrement triangulaire,
péri-articulaires tendinomusculaires. elle est faite de deux colonnes osseuses latérale
et médiale qui portent à leur extrémité distale les
surfaces articulaires, trochlée et capitulum sépa-
rés par la zone conoïde. Ces surfaces articulaires
1. Lésions ligamentaires sont déjetées en avant et surmontées des très
et fractures profondes fossettes coronoïdiennes et olécra-
niennes.
T. Judet, M. Peyre, S. Besch, O. Judet • Extrémité supérieure de l’ulna : elle est creusée
de la grande incisure délimitée par l’olécrane
et l’apophyse coronoïde responsables d’une
Situé entre deux segments de membre longs et congruence extrêmement serrée avec la trochlée
présentant des secteurs de mobilité extrêmement humérale maintenue par les formations ligamen-
stricts et sans possibilité d’échappement du fait de taires latérales. La profondeur des fossettes per-
sa congruence élevée, le coude est essentiellement met une grande amplitude en flexion–extension.
sujet à des traumatismes indirects qui vont hyper- Latéralement, la petite incisure ulnaire reçoit la
solliciter ses mécanismes naturels de stabilisation. tête radiale.
• Extrémité supérieure du radius : la tête radiale, Il reçoit par son bord supérieur l’insertion distale
très schématiquement cylindrique avec une face du faisceau antérieur du ligament collatéral radial.
supérieure, ou cupule, concave vient s’articuler
de façon congruente dans toutes les positions de
flexion–extension et de pronosupination avec Physiologie et mécanismes
le capitulum et la zone conoïde humérale et la de stabilité du coude
petite incisure ulnaire.
Le coude apporte une large mobilité en flexion–
extension et en pronosupination dont il partage
Appareil capsuloligamentaire le mécanisme avec le cadre osseux antébrachial et
l’articulation radio-ulnaire distale. Hors ces deux
La capsule articulaire unique est en avant et en secteurs de mobilité, le coude est parfaitement
arrière mince et lâche, ne se tendant que dans les stable et ce sont les moyens osseux et ligamen-
positions extrêmes pour laisser toute liberté à la taires de cette stabilité qui vont céder en cas
flexion–extension. d’hypersollicitation traumatique aiguë.
Elle présente des renforts latéraux qui assurent,
avec la congruence des encastrements osseux, la
Stabilité frontale
stabilité du coude.
Le ligament collatéral médial (LCM) présente Elle est principalement sollicitée en valgus de
deux faisceaux principaux (Figure 3.1b) : l’anté- façon statique par le valgus physiologique huméro-
rieur épitrochléocoronoïdien est tendu de façon à ulnaire ou « angle de charge » et de façon dyna-
peu près constante en toute position de flexion– mique par la prédominance au niveau de l’épaule
extension ; le postérieur épitrochléo-olécranien des muscles adducteurs et rotateurs internes. Cette
est plus grêle et n’est tendu qu’en flexion. stabilité frontale repose anatomiquement sur la
Le complexe ligamentaire latéral (Figure 3.1c) congruence de l’encastrement throchléo-ulnaire,
comporte essentiellement un puissant faisceau maintenu par le ligament collatéral huméro-ulnaire
moyen épicondylo-ulnaire, tendu en toute posi- (« hauban médial ») et protégé latéralement par
tion de flexion–extension, et le ligament annulaire l’appui capituloradial (« console latérale »)
qui participe, avec la courbure relative des deux os Un excès de contraintes en valgus pur va se
de l’avant-bras et la membrane interosseuse qui traduire soit par une lésion ligamentaire (entorse
les unit, à la stabilité de la tête radiale sous le capi- du LCM), soit par une fracture par compression
tulum et en regard de la petite incisure sigmoïde. de la tête radiale, les deux pouvant être associés.
Chapitre 3. Coude 73
des reliefs osseux et des trajets ligamentaires et ten- De mécanisme indirect, le plus souvent par
dineux, doivent déboucher sur un examen radiolo- chute sur la main coude semi-fléchi, il leur est
gique orienté et au moindre doute complété par le décrit deux modes de survenue, éventuellement
scanner d’accès facile et de réalisation simple même associés : soit prédominance des contraintes en
en traumatologie fraîche du fait des possibilités valgus avec arrachement premier du plan liga-
d’acquisition d’image par les machines spiralées mentaire médial, décoaptation ulno-humérale et
multibarrettes. Les hypothèses de « contusion » luxation première du compartiment interne du
simple ou d’« entorse » bénigne ne sont que des coude, soit plus fréquemment, prédominance des
diagnostics d’élimination et l’on sait le risque contraintes en compression et rotation externe
pronostique qu’il y a à laisser vieillir une lésion du (chute sur la paume de la main, coude en supina-
coude. tion et proche de l’extension). Lorsque le coude
est ibéré par la faillite des formations capsulaires
et tendinomusculaires du plan postéro-externe, il
Gros coude traumatique évident se produit une luxation première de la tête radiale
qui entraîne avec elle l’ulna et aboutit à la luxation
Ce tableau recouvre les grandes fractures dépla- complète du coude.
cées et les luxations. Quel que soit le mécanisme, il peut être facteur
de lésions osseuses associées qu’il faut savoir
Fractures : sus- et intercondyliennes, diagnostiquer et prendre en compte dans la thé-
de l’olécrane rapeutique. Il peut s’agir de fracture–arrachement
Il peut s’agir de fractures totales de la palette humé- de l’épicondyle médial, de fracture–séparation de
rale, sus- et intercondyliennes ou sus-articulaires, la coronoïde, de fracture de la tête radiale, totale
fractures de l’extrémité supérieure de l’ulna, olécra- par compression ou parcellaire par cisaillement.
niennes ou totales dites dia-épiphysaires, avec ou L’association luxation–fracture de la tête radiale–
sans luxation associée du radius entrant alors dans fracture de la coronoïde définit la « terrible
le cadre des lésions de Monteggia, voire de fractures triade ».
associées de l’extrémité supérieure des deux os de La clinique est univoque dans ces luxations le
l’avant-bras. Quand elles s’associent à une fracture plus souvent postérieures ou postéro-externes.
distale de l’humérus, on parle de « coude flottant », Le coude est hyperalgique, bloqué en demi-
aussi dénommé « coude de portière ». flexion, déformé avec pseudo-raccourcissement
Toutes ces lésions de mécanisme variable (trau- de l’avant-bras, concavité sus-olécranienne du
matisme direct ou indirect) peuvent se compliquer tendon tricipital et désorganisation des repères
d’ouverture rendant d’autant plus urgente la néces- osseux postérieurs (triangle de Nélaton).
saire prise en charge chirurgicale qui doit viser un Le bilan vasculonerveux systématique retrouve
rétablissement de l’anatomie et une fixation osseuse volontiers et consigne des signes de souffrance
permettant idéalement une rééducation précoce. (nerf médian ou nerf ulnaire ou abolition de
Elles ne sont pas exemptes de complications, pouls) qui imposent une réduction d’urgence. Le
infectieuse ou neurologique en particulier, et de bilan radiologique préréductionnel est réduit au
séquelles à type principalement d’enraidissement. minimum et confirme le diagnostic.
Non spécifiques de la traumatologie sportive, elles La réduction par traction axiale et pression
posent principalement des problèmes techniques directe sur l’olécrane se fait sous anesthésie ou
concernant la prise en charge chirurgicale souvent analgésie profonde. Le contrôle de cette réduc-
délicate, mais toujours nécessaire et urgente. tion se fait cliniquement par une indolence immé-
diate, la récupération de la flexion–extension et le
rétablissement des repères anatomiques.
Luxations totales du coude L’urgence de cette réduction pose la question
Elles entrent beaucoup plus dans le cadre de la de sa réalisation immédiate « sur le terrain » : cette
traumatologie sportive. attitude est licite, et le plus souvent couronnée de
Chapitre 3. Coude 75
Fractures de la coronoïde
Survenant soit dans un mécanisme de luxation (à
laquelle elles peuvent être associées) soit dans un
mécanisme de traction axiale, leur gravité dépend
du volume du fragment fracturé, de son déplace-
ment et des associations lésionnelles, fréquentes.
La découverte radiologique d’une fracture de la Figure 3.3. Classification de Mason modifiée.
coronoïde impose l’évaluation soigneuse de l’insta- Elle permet, en combinaison avec l’existence de lésions
bilité associée : lésions ligamentaires, en particu- associées déstabilisantes, la décision thérapeutique :
traitement fonctionnel, ostéosynthèse, prothèse ou résection.
lier du faisceau postérieur du ligament collatéral
Source : Carole Fumat.
médial, ou fracture de la tête radiale.
Toute fracture de la coronoïde déplacée ou sur- évacuatrice se discute qui, si elle ne modifie pas le
venant dans un contexte de lésions déstabilisantes pronostic, apporte un soulagement immédiat ;
associées doit faire discuter un traitement chirur- • type 2 : fracture parcellaire déplacée. Elle doit
gical, résection d’un fragment minime ou ostéo- toujours faire discuter une réduction et une
synthèse par vis d’un fragment volumineux. Le ostéosynthèse par vis pour éviter la constitution
pronostic dépend du contexte de lésions associées. d’un cal vicieux articulaire générateur d’arthrose
et d’enraidissement ;
Fractures de la tête radiale • type 3 : fractures totales séparant du col radial la
Fréquentes dans des mécanismes de compression tête, elle-même refendue en plusieurs fragments.
axiale ou de luxation (chute de vélo, surf, roller), L’ostéosynthèse de ces fractures en règle dépla-
elles tirent leur gravité du rôle fondamental de la cées est techniquement difficile, mécaniquement
tête radiale dans tous les secteurs de stabilité du aléatoire et se solde biologiquement par un risque
coude et de la difficulté de leur réparation dans important de pseudarthrose ou de nécrose des
certains cas. fragments, petits et mal vascularisés. C’est pour-
L’analyse du trait permet de décrire quatre types quoi les options thérapeutiques sont l’abstention
de fractures (classification de Mason modifiée ; dans les rares cas de fractures pas ou peu déplacées
Figure 3.3) : et la résection simple de la tête ou son remplace-
• type 1 : fracture parcellaire non déplacée, dont ment par une prothèse dans les autres cas ;
le diagnostic repose sur un examen clinique • type 4 : fractures du col radial, apanage de
soigneux orientant le bilan radiologique et entraî l’enfant et rares chez l’adulte. Leur propension à
nant un traitement conservateur. En cas d’hémar- évoluer vers la pseudarthrose doit faire envisager
throse sous tension douloureuse, une ponction une fixation par ostéosynthèse.
Chapitre 3. Coude 77
efficacement une instabilité postéro-externe. Force plastie au petit palmaire ou à l’aponévrose des mus-
est de recourir dans les instabilités comme dans cles épitrochléens.
les luxations récidivantes a une chirurgie stabi- Cependant l’instabilité médiale fait le plus
lisatrice : retension transosseuse globale tendi- souvent partie du tableau de coudes d’hyper-
noligamentaire selon Osborne-Cottril ou plastie utilisation dans le cadre d’excès de sollicitation en
ligamentaire huméro-ulnaire au long palmaire traction médiale et compression latérale spécifique
selon Jobe (Figure 3.6) ou au ligament annulaire. à certains sports de lancer.
Cette chirurgie est suivie d’une période d’immobi-
lisation de 4 à 6 semaines, puis d’une rééducation Points clés : instabilité médiale
active prudente. Si la stabilisation est le plus
souvent obtenue, c’est fréquemment au prix d’une L’instabilité médiale chronique :
perte de quelques degrés d’extension. • présente des séquelles d’hyperutilisation chronique
(pitcher et autre lancers) ;
• est une gêne essentiellement dans le geste sportif ;
Points clés : instabilité postérolatérale • est accessible à une chirurgie de plastie ligamentaire
médiale.
L’instabilité postérolatérale chronique est :
• le plus souvent post-traumatique aiguë : luxation(s) ;
• de diagnostic difficile, avant tout clinique ;
• de traitement toujours chirurgical. 2. Coude ostéo-articulaire
d’hyperutilisation
Déstabilisation frontale :
instabilité médiale T. Judet, M. Peyre, S. Besch
Elle est parfois secondaire à des accidents aigus
d’entorse grave du plan ligamentaire médial, dont
la gravité initiale a été sous-évaluée ou dont le
Coude d’hypersollicitation
traitement a été inadapté, en particulier mise au en valgus ou « coude
repos insuffisante ne permettant pas une cicatri- du pitcher »
sation spontanée correcte. Se manifestant par des
accidents de décoaptation interne avec impression Il est le plus souvent le fait d’une hyperutilisa-
de « déboîtement » aigus plus ou moins doulou- tion répétitive. Décrit chez les joueurs de base-
reux, l’instabilité interne pure peut requérir un ball, il s’observe également dans d’autres sports
geste isolé de plastie ligamentaire de stabilisation, comportant des lancers répétitifs « au-dessus de la
Figure 3.6. Plastie de stabilisation postérolatérale de Jobe, au long palmaire ou au gracilis. En a, 1. plastie tendineuse,
2. tunnel transosseux.
Source illustration : Carole Fumat.
Chapitre 3. Coude 81
tête » tels le javelot, le handball ou le water-polo. externe : ostéophytose de la tête radiale, voire
La symptomatologie prédominante de distraction pincement de l’interligne capituloradial.
médiale associée à l’hyperpression latérale permet Les clichés comparatifs en valgus forcé peuvent
de le différencier du coude d’hyperutilisation du mesurer cette laxité, avec une fiabilité relative du
joueur de tennis avec sa symptomatologie pos- fait de la contraction réactionnelle du patient.
térieure prédominante (Figure 3.7). Échographie et IRM objectivent la souffrance
ou la rupture ligamentaire.
L’électromyogramme confirme la souffrance
Clinique ulnaire.
La symptomatologie clinique est dominée par des
douleurs médiales en phase d’armé et d’accéléra- Traitement
tion du lancer, une impression de décoaptation
interne (« coude qui lâche ») et, dans près de la La prise en charge thérapeutique comporte clas-
moitié des cas, de signes neurologiques de souf- siquement un premier temps de mise au repos
france ulnaire. prolongé, précédant une reprise progressive d’acti-
L’examen clinique retrouve une douleur au vité avec éventuellement modification du geste
palper sous-épitrochléen du faisceau antérieur du du lancer et sous couvert d’anti-inflammatoires et
LCM et d’éventuels signes de neuropathie ulnaire. d’antalgiques. Le port d’une orthèse antivalgus est
Il n’y a pas de perte d’amplitude significative. discutable.
La recherche de laxité en valgus se fait coude En cas d’insuffisance, un geste chirurgical se dis-
proche de l’extension, ou de préférence coude entre cute : l’exérèse simple de calcifications peut être pro-
30 et 60° de flexion, pour détendre la capsule posée en cas de tableau uniquement douloureux.
antérieure et déverrouiller l’enclavement de l’olé- Parfois une neurolyse ulnaire, isolée ou associée à
crane dans la trochlée au fond de sa fossette, facteur un autre geste, est effectuée. La réparation liga-
de sous-estimation de la laxité. mentaire, plastie au petit palmaire ou au gracilis
(ou opération dite de « Tommy John », du nom
d’un pitcher renommé opéré par Jobe en1970),
Imagerie peut être nécessaire devant une symptomatologie
dominée par les manifestations d’instabilité.
La radiographie simple montre volontiers des cal-
La littérature nord-américaine fait état de jusqu’à
cifications sous-épitrochléennes cicatricielles de la
10 % de problème de coude chez les joueurs pro-
lésion ligamentaire. Peuvent s’y associer des signes
fessionnels de base-ball en activité avec un recours
de souffrance cartilagineuse du compartiment
fréquent à une chirurgie de restabilisation qui
permet dans la majorité des cas une reprise de la
pratique sportive à un niveau équivalent.
Conflit péri-olécranien
ou coude du joueur de tennis
Entité nosologique particulière, le plus sou-
vent observée chez le joueur de tennis de 35
à 50 ans, elle semble essentiellement secondaire
aux contraintes répétées associant valgus et hyper-
extension, et se traduit initialement par un conflit
péri-olécranien postéro-interne.
Figure 3.7. Le « coude du pitcher » associe un excès
de traction médiale et de compression latérale. La symptomatologie d’apparition progressive
Source : Carole Fumat. sans traumatisme initial est faite de douleur d’abord
82 Traumatologie en pratique sportive
dans la pratique sportive, puis invalidant la vie quo- geste complémentaire d’arthrolyse par capsulecto-
tidienne (port de charges lourdes en particulier). mie antérieure n’est à envisager que dans les formes
Des épisodes de blocages fugaces sont contingents. évoluées où la perte d’extension est importante.
L’examen ne retrouve ni laxité ni signe de ten- La chirurgie est suivie d’une rééducation essentielle
dinopathie, par contre une perte de mobilité existe ment active sur 6 à 8 semaines, sous couvert au
prédominant sur l’extension, mais avec également début de refroidissement et d’anti-inflammatoires, et
perte de flexion. Surtout la mise en extension permet d’obtenir la disparition des douleurs et une
rapide réveille la douleur postérieure, alors que certaine amélioration des amplitudes, résultat qui
la mise en compression des surfaces articulaires semble pérenne probablement du fait du terrain :
par mouvement de flexion–extension contre résis- sportifs âgés ne faisant plus subir à leur coude les
tance musculaire est indolore, à la différence des mêmes sollicitations qu’en début de carrière.
arthroses débutantes.
La radiographie découvre l’hypertrophie ostéo- Points clés
phytique de l’olécrane et le comblement de la
Les conflits postérieur et postéro-interne :
fossette olécranienne, conflit mieux précisé par le
• sont l’apanage du sportif vieillissant ;
scanner. L’arthroscanner confirme l’intégrité des • provoquent une gêne jusque dans la vie courante par
cartilages de revêtement et le caractère péricartilagi- perte douloureuse de l’extension ;
neux de l’ostéophytose postérieure. Dans les formes • font l’objet d’un bilan systématique par scanner
avancées peuvent être observés des signes de souf- couplé à l’arthroscanner ;
france du compartiment externe avec amincisse • sont améliorés par une levée par arthrolyse.
ment du cartilage du capitulum et de la cupule
radiale. Le scanner couplé à l’arthroscanner permet
enfin de faire le bilan de possibles corps étrangers Coude du boxeur
radio-opaques ou transparents (Figure 3.8). et chondromatose secondaire
Le traitement repose sur la levée du conflit par
arthrolyse postérieure, chirurgicale plus volontiers Le coude du boxeur peut présenter une patholo-
qu’arthroscopique du fait de la proximité du nerf gie spécifique en rapport avec l’hypersollicitation
ulnaire qui rend extrêmement risquée la réalisation des traumatismes axiaux et en hyperextension
d’un geste complet de levée de tout le conflit, responsables de conflits péricartilagineux et d’une
résection du bec olécranien et recreusement de la souffrance cartilagineuse se traduisant par une
fossette, en particulier dans sa partie interne. Un chondromatose secondaire.
Figure 3.8. Coude d’hyperutilisation évolué de joueur de tennis (conflit péri-olécranien). L’association scanner
et arthroscanner recherche la présence de corps étranger, d’ostéophytose péricartilagineuse contrastant
avec la bonne conservation du cartilage.
a. Scanner de profil : 1. ostéophytose du bec olécranien, 2. corps étranger ostéocartilagineux. b. Arthroscanner de profil.
Chapitre 3. Coude 83
Observé chez le pratiquant intensif, il se traduit deux présentera au cours de sa carrière une EL.
par un conflit postérieur ; mais à la différence des Cette pathologie se rencontre aussi bien chez la
coudes d’hyperutilisation, il est associé à un conflit femme que chez l’homme, en règle générale âgés
antérieur coronoïdien et à une souffrance carti- de plus de 30 ans, surtout plus de 35 ans ; elle est
lagineuse responsable de la formation de corps beaucoup plus rare après 60 ans.
étrangers chondromateux.
La symptomatologie est dominée par un enraidisse Physiopathologie
ment douloureux, tant de la flexion que de l’exten- La physiopathologie de l’EL n’est pas formelle.
sion, agrémenté parfois de pseudo-blocages, avec Des études suggèrent un processus dégénératif
un coude souvent un peu augmenté de volume et secondaire à un microtraumatisme, conduisant
sans signe d’instabilité. à un processus cicatriciel, un alignement défec-
Le bilan d’imagerie – radiologie et scanner couplé tueux des fibres de collagène dans l’extenseur
à l’arthroscanner – confirme les conflits antérieur carpi radialis brevis. Les microtraumatismes répétés
et postérieur, retrouve les corps étrangers radio- localement, le vieillissement, la surutilisation et
opaques et transparents et objective les lésions car- l’hypovascularisation ont été impliqués comme
tilagineuses. causes possibles d’EL. Au niveau microscopique,
L’arthroscopie de levée des conflits et d’abla- l’hyperplasie angiofibroblastique, après surutilisa-
tion des corps étrangers apporte une bonne amé- tion de l’extenseur carpi radialis brevis avec échec
lioration. de la cicatrisation, a été démontrée. En phase
chronique de l’EL, l’histopathologie révèle une
dégénérescence tendineuse avec remplacement par
du collagène désorganisé ; il y a un manque de
3. Tendinopathies preuves pour un processus d’inflammation aiguë
et ruptures tendineuses ou chronique. Compte tenu de la pathologie dis-
tincte de l’inflammation aiguë, il y a eu un change-
Y. Catonné, H. Guerini, J. Parier, B. Montalvan, ment de terminologie de l’épicondylite chronique
J.-L. Brasseur vers la tendinopathie ou tendinose.
L’EL est une pathologie d’hyperutilisation prin-
cipalement de deux tendons, extensor carpi radia-
lis brevis (ECRB) et extenseur commun (extensor
Épicondylalgie latérale digitorum communis ou EDC), mais aussi dans
une moindre mesure du supinateur (court supina-
J. Parier, B. Montalvan, J.-L. Brasseur teur) (Figure 3.9).
La biomécanique du tennis et le surmenage des
épicondyliens méritent d’être étudiés.
Épicondylite latérale Lors de la prise de raquette, le travail est beau-
coup plus important sur les tendons extenseurs
Épidémiologie destinés à stabiliser le poignet que sur les tendons
L’épicondylite latérale (EL), également connue fléchisseurs.
sous le nom de tennis-elbow, est une affection Lors du revers, il existe un important travail
douloureuse qui atteint le tendon commun des des épicondyliens latéraux. Chez le débutant,
épicondyliens latéraux à son insertion sur l’épi- le retard de la tête de raquette nécessite un
condyle latéral. travail excentrique des épicondyliens, alors que
L’EL affecte 1 à 3 % des adultes chaque chez un joueur confirmé, ce travail s’effectue de
année. En 2003, sur 34 000 maladies profes- manière moins agressive en concentrique. Tous
sionnelles recensées, près de 7000 tendinopa- ces éléments s’associent donc pour entraîner un
thies des épicondyliens ont été retrouvées. On surmenage au niveau du tendon commun des
estime également qu’un joueur de tennis sur épicondyliens.
84 Traumatologie en pratique sportive
Figure 3.11. Aspect échographique d’une enthésopathie des épicondyliens latéraux du coude droit.
La coupe frontale de l’insertion de épicondyliens latéraux montre, par comparaison au côté gauche normal, la perte
de la structure fibrillaire du tendon droit qui devient hétérogène et irrégulier.
Source : J.-L. Brasseur.
Dans quelques cas particuliers, la résonance Les mécanismes de prosupination répétée sont à
magnétique peut être utile, principalement s’il l’origine de cette pathologie. On peut retrouver
existe une incertitude diagnostique ou lors d’un une douleur lors de l’extension du coude, avant-
bilan préchirurgical. bras en pronation. Une hypoesthésie palmaire,
Les diagnostics différentiels ou associés sont à côté radial de l’avant-bras, oriente le diagnostic.
bien connaître. L’électromyogramme est un argument important
de diagnostic positif.
Pathologie neurologique
Souffrance articulaire
La branche profonde du nerf radial peut être
comprimée lors de sa pénétration dans le court
(huméroradiale)
supinateur. La compression s’effectue classique Elle est déjà suspectée lorsque l’interrogatoire
ment au niveau de l’arcade de Frohse, mais égale retrouve certains antécédents : fracture de la tête
ment au niveau de l’expansion aponévrotique radiale, traumatisme direct, luxation. L’examen
médiale de l’ECRB et il existe de nombreuses clinique note une limitation d’amplitude, soit glo-
variations anatomiques. bale, soit sélective, sachant que la prosupination
Sur un plan clinique, la douleur est plus souvent reste libre. Un certain nombre d’éléments intra-
permanente avec parfois des douleurs nocturnes. articulaires peuvent être responsables de cette
Elle est chronique, il existe des irradiations au souffrance articulaire : frange synoviale, synovite,
niveau du bord externe de l’avant-bras. Classique- chondropathie, kyste. L’imagerie est, dans ce cas,
ment, on retrouve la douleur lors de la supination essentielle ; on effectue des radiographies simples,
contrariée, coude en flexion puis en extension. La face et profil, avec des incidences particulières en
douleur existe également lors de l’extension passive fonction de la clinique. La résonance magnétique,
du coude et de la flexion–pronation du poignet. La l’arthroscanner sont parfois nécessaires pour préci-
palpation peut retrouver l’équivalent d’un signe de ser les lésions et orienter le traitement chirurgical.
Tinel, 3 à 5 cm sous l’épicondyle. L’électromyo-
gramme note un ralentissement de la vitesse de
conduction. Cet examen est difficile à effectuer et Autres diagnostics différentiels
sa négativité n’est pas un argument formel.
La compression de la branche sensitive du nerf Même s’ils restent anecdotiques, il faut bien sûr
musculocutané est beaucoup plus rare. Sur un plan rester vigilants et ne pas méconnaître une patholo-
anatomique, il existe un rapport étroit de cette gie tendineuse à distance avec notamment la souf-
branche nerveuse avec le bord externe du biceps. france de l’insertion basse du tendon du biceps,
86 Traumatologie en pratique sportive
une pathologie vasculaire, une souffrance du sérum salé, la prolothérapie, la toxine botulique.
ligament collatéral latéral, une pathologie osseuse Aucun de ces traitements n’a pour l’instant la
(tumeur, calcification) et enfin des douleurs preuve scientifique de son efficacité. Coombes a
référées, notamment les projections cervicales proposé un algorithme sur la prise en charge de
dans le cadre de souffrance radiculaire tronquée. l’épicondyle tendineuse latérale en faisant valoir
que le traitement doit être adapté à chaque forme
Évolution et traitement clinique propre à chaque patient.
L’utilisation du biseau de l’aiguille qui dilacère,
L’histoire naturelle de l’EL est habituellement voire désinsère, les fibres du tendon est une
simple, avec près de 90 % de cas résolus dans un technique qui est de plus en plus utilisée pour
délai de 12 à 24 mois. Cependant cette tendinopa- relancer la cicatrisation. En dehors de la douleur
thie peut être réfractaire, entraîner une morbidité qui suit le geste durant quelques jours, il y a peu
à long terme et être responsable d’arrêt de travail. d’effets secondaires.
Avant d’envisager un traitement purement médi- La technique de criblage à l’aiguille reste une
cal, le médecin du sport et l’entraîneur (notam- alternative à proposer comme choix thérapeu-
ment chez les joueurs de tennis ou de golf) doivent tique aux formes chroniques qui ne guérissent pas
analyser la technique et le matériel responsables dans les délais habituels. Dans les séries publiées,
bien souvent du déclenchement de la pathologie. il reste entre 7 à 20 % d’échec.
Le traitement de l’épicondylalgie latérale par La chirurgie est le dernier recours pour traiter
injection de corticoïdes au niveau du tendon n’est définitivement cette pathologie. Il s’agit le plus sou-
plus le gold standard, car bien qu’il soit reconnu vent d’une simple désinsertion des épicondyliens.
pour avoir une efficacité à court terme, il est Le nombre de patients atteints d’EL chronique
moins efficace que la physiothérapie et le « wait ayant bénéficié de chirurgie est passé d’environ
and see » à moyen et long terme. Les études 1,1 % en 2000 à 3,2 % en 2009 (chiffre se main-
médico-économiques montrent qu’il n’est pas ren- tenant 10 ans plus tard).
table. Les injections de corticoïdes ne sont donc, Les techniques sont variées : ciel ouvert, arthro-
aujourd’hui, pas recommandées et ne doivent pas scopie, chirurgie percutanée sous échographie.
être utilisées comme gold standard dans les études Les suites sont simples, les résultats excellents.
comparatives dans la mesure où leur efficacité
à 1 an est mauvaise. Doit-on les bannir définitive-
ment ou les réserver à certains cas d’« urgence » ou Points clés : épicondylalgie latérale
hyperalgiques ? • Les douleurs du compartiment externe du coude
La séquence de la cicatrisation dans le temps chez un joueur de tennis sont dans la majorité des
définie par Cook, dans ses articles sur le continuum cas une tendinopathie des épicondyliens. La clinique
de tendinopathie où il essaye d’établir une relation cependant reste indispensable. En cas de doute, elle
peut s’appuyer sur une imagerie ou d’autres examens
entre la structure du tendon, son fonctionnement
complémentaires, tel l’électromyogramme en cas de
et la douleur, a permis aux médecins de réaliser de
souffrance neurologique.
nouveaux travaux de recherche clinique ayant pour • L’évolution naturelle de la maladie est telle que, neuf
but de favoriser un processus ou une ambiance fois sur dix, le tendon cicatrisera en 12 à 24 mois.
« prorégénérative ». Dans la logique de ce concept, • Au cours de la pratique de sports, comme le tennis
de nouveaux programmes de rééducation ont été ou le golf, fréquemment touchés par l’EL, la prévention,
mis en place : travail excentrique, isométrique, étire- toujours préférable, consiste en une adaptation à tous
ments. Par ailleurs, de nouveaux protocoles de soins les changements de matériel ou de technique.
sont apparus tels que les ondes de choc, la cryothéra- • L’utilisation d’un corticoïde donne un effet positif sur
le court terme (4 à 6 semaines), mais celui-ci diminue
pie, le tape… Enfin, de grands espoirs sont nés avec
à long terme. Les études médico-économiques ne
l’arrivée de produits injectables comme le concentré
sont pas en faveur de l’utilisation du corticoïde dans le
de facteurs plaquettaires (plasma riche en plaquettes traitement de l’EL.
ou PRP), le sang total, l’acide hyaluronique, le
Chapitre 3. Coude 87
Tendinopathies du
biceps brachial distal
Elles sont rares, surtout décrites chez le sujet
de 40 à 50 ans pratiquant le culturisme ou l’hal-
térophilie mais également la pelote basque et le
judo. Cliniquement, elles se manifestent par une
douleur antérieure du coude retrouvée à la palpa-
tion du tendon bicipital distal, accentuée au test
de flexion–supination contrariée. L’échographie
retrouve des remaniements microtraumatiques
avec épaississement hypo-échogène du tendon,
occasionnellement siège de microcalcifications,
et parfois une péritendinopathie plus ou moins
vascularisée au Doppler. Le traitement est conser-
vateur dans la grande majorité des cas, exception-
nellement chirurgical (désinsertion–réinsertion
Figure 3.13. Aspect en IRM d’une épicondylite médiale. du tendon principal).
Chapitre 3. Coude 89
Clinique
Le diagnostic doit être fait cliniquement lorsque
le patient est vu tôt :
• par l’interrogatoire retrouvant une douleur en
éclair avec parfois craquement, et précisant le
mécanisme lésionnel ;
• par l’examen clinique recherchant à la palpation
le tendon rétracté (tuméfaction située au-dessus Figure 3.14. Aspect en échographie d’une rupture
du pli du coude, majorée lors d’une flexion du biceps distal.
90 Traumatologie en pratique sportive
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Chapitre 4
Poignet et main
On distingue les fractures extra- et intra-arti- atteinte des plans ligamentaires périphériques),
culaires : comminution dorsale (facteur d’instabilité et de
• concernant les fractures extra-articulaires, la plu- déplacement secondaire) et, bien entendu, lésions
part des classifications décrivent différents types associées (osseuses, chondrales ou ligamentaires).
en fonction du déplacement et du mécanisme :
compression–extension à déplacement postérieur Traitement des fractures
(type Pouteau-Colles) ou compression–flexion à extra-articulaires
déplacement antérieur (type Goyrand-Smith) ;
• pour les fractures articulaires, Letrosne, Mathou- Elles sont également retrouvées dans la popula-
lin et Saffar ont proposé une classification axée tion sportive, mais en plus faible proportion que
sur les fractures articulaires de l’adulte jeune qui dans la population générale. En effet, les trau-
restent bien souvent les plus difficiles à classer matismes du poignet chez le sportif surviennent
(figure 4.1 et tableau 4.1). Le type II est soit volontiers à cinétique moyenne ou élevée, ils sont
scaphoïdien soit lunarien, selon dans quelle fos- pourvoyeurs de lésions intra-articulaires.
sette finit le trait de fracture, voire radio-ulnaire Tout comme chez le sujet plus âgé, où ces frac-
si le trait se prolonge en interne. Les types II, tures sont prédominantes, leur déplacement peut
III et IV sont volontiers pourvoyeurs d’instabi- être analysé dans le plan sagittal avec une bascule
lité scapholunaire, qui devra être recherchée et antérieure ou postérieure, ainsi que dans le plan
traitée. Enfin, il existe des critères à prendre en frontal avec souvent une translation radiale.
compte en raison de leur influence sur la décision Le traitement vise à restaurer l’anatomie en
thérapeutique et la technique : ouverture cutanée corrigeant ce déplacement s’il existe. En dehors
(risque infectieux mais surtout témoin d’un pos- de l’enfant ou du jeune adolescent, il n’existe plus
sible délabrement des tissus mous et nobles), d’indication à une simple réduction suivie d’une
déplacement initial (témoin d’une potentielle immobilisation plâtrée.
Si la fracture est parfaitement réduite d’emblée, une voie d’abord dorsale complémentaire peut
on procède alors à l’ostéosynthèse définitive. être réalisée pour tenter d’améliorer la réduction
S’il persiste un défaut de réduction articulaire articulaire.
(marche d’escalier, gap, enfoncement), il faut Ce temps arthroscopique permet également la
s’attacher à réduire les fragments sous contrôle recherche et le traitement des lésions ligamen-
arthroscopique à l’aide d’un crochet palpeur ou taires associées.
d’une spatule. La mobilisation des fragments Enfin, on procède à l’ostéosynthèse définitive.
(surtout en cas de fracture comminutive) peut En cas de mise en place d’une plaque antérieure, les
également faire appel à des broches à effet joystick. dernières vis épiphysaires sont placées au plus près
Ces broches peuvent contribuer à la fixation tem- de la surface articulaire et verrouillées (figure 4.3).
poraire une fois la réduction atteinte, en atten- Il est souhaitable de respecter la règle des
dant la fixation définitive par les vis épiphysaires. 90 minutes pour une telle intervention, afin de
Selon la position des fragments à réduire, il peut réduire le risque d’œdème postopératoire pouvant
être nécessaire de modifier la position de l’arthro- se compliquer de compression du nerf médian ou
scope (en faisant par exemple appel à une voie de syndrome des loges. Classiquement, on répar-
palmaire pour un fragment dorsal). tit ces 90 minutes en 3 fois 30 minutes (réduction
Si la fracture est irréductible, notamment en et fixation provisoire, exploration arthroscopique,
cas d’enfoncement central important (die-punch ostéosynthèse définitive).
fracture), il peut être nécessaire de réaliser un
mini-abord dorsal juste en amont du tubercule de Traitement des lésions associées
Lister, afin de procéder à une fine corticotomie
Lésions ligamentaires
pour y glisser un petit ostéotome permettant
d’accéder au fragment enfoncé et de le relever. Ligament scapholunaire
Une éventuelle greffe osseuse impactée sur le L’exploration arthroscopique radiocarpienne et
trajet de l’ostéotome permet alors de soutenir médiocarpienne sera le meilleur outil pour déceler
cette réduction. une lésion du ligament scapholunaire (présente
En cas de fracture très comminutive, dont dans 30 à 50 % des cas), ainsi que pour la clas-
la réduction arthroscopique semble inaccessible, sifier et la traiter. La vue radiocarpienne offre un
très bon jour sur la partie dorsale du ligament, sont associées aux lésions du ligament triangulaire.
et la vue médicarpienne permet d’objectiver une En réalité, toute lésion de la styloïde ulnaire
éventuelle marche entre le lunatum et le sca- renvoie à ce qui a été dit concernant l’exploration
phoïde, qui pourra être réduite par la même arthroscopique du ligament triangulaire, dont le
occasion, tout en réparant le ligament selon notre traitement sera de mise en cas de lésion ou
technique de capsulodèse dorsale arthroscopique d’instabilité radio-ulnaire distale. L’ostéosynthèse
et/ou par brochage scapholunaire plus ou moins de la styloïde ulnaire sera à discuter pour les gros
scaphocapital. fragments, emportant la base et/ou un fragment
de la tête ulnaire.
Ligament lunotriquétral Par ailleurs, le temps arthroscopique sera aussi
Il sera exploré selon les mêmes principes que pour l’occasion de rechercher une éventuelle fracture
le ligament schapholunaire, et toute lésion pourra du scaphoïde ou d’un autre os du carpe.
être traitée par voie arthroscopique en utilisant
également une capsulodèse dorsale plus ou moins Soins postopératoires
associée à un brochage lunotriquétral. et retour au sport
œuvre pour restaurer l’anatomie de façon stricte, carpien de Schreck qui peuvent parfois montrer
aux niveaux osseux, cartilagineux et ligamentaire. le trait de fracture d’emblée, surtout s’il existe un
Toute lésion non ou mal traitée entraîne un risque déplacement. Il faut reconnaître que ces clichés
d’évolution arthrosique rapide, dont la probléma- sont souvent d’interprétation délicate au début. En
tique prend tout son sens chez des patients jeunes l’absence de visibilité du trait de fracture, devant
à haute demande fonctionnelle. L’arthroscopie de une forte suspicion diagnostique, il est habituel
poignet permet un traitement global, à la carte, de mettre en place une immobilisation provisoire
de ces fractures souvent complexes, en permet- par attelle anté-brachio-palmaire et de répéter des
tant de contrôler la réduction articulaire et de clichés identiques 8 à 10 jours plus tard. Du fait de
traiter les lésions associées. l’ostéolyse au niveau du trait de fracture, celui-ci
devient parfois visible secondairement.
Si le trait de fracture est visible d’emblée, il faut
Fractures des os du carpe analyser trois paramètres qui conditionnent le
traitement et l’évolution :
D. Le Viet • le siège du trait de fracture siège dans la grande
majorité des cas au tiers moyen de l’os (70 %) :
c’est, avec les fractures polaires inférieures
(10 %) et les fractures du tubercule, la forme
Fracture du scaphoïde la plus favorable. Par contre, les rares fractures
Clinique polaires supérieures (10 %) sont exposées au
risque de pseudarthrose ;
Elle est de loin la fracture des os du carpe la • le type de trait : il faut analyser le type de
plus fréquente. Elle se produit souvent lors de trait de fracture en opposant les traits trans-
chutes, poignet en extension avec impact sur versaux bien engrenés qui sont stables aux traits
l’éminence thénar. On la rencontre également lors obliques, voire verticaux, qui sont instables de
des traumatismes en hyperextension, comme dans même que les fractures comminutives ou avec
l’haltérophilie au cours de l’épaulé-jeté, ou lors troisième fragment externe ;
des traumatismes en hyperextension, comme chez • l’importance du déplacement doit être étudiée
le gardien de but en football. et il est évident que les fractures à gros déplace-
L’examen clinique peut être évocateur au début. ment sont un élément péjoratif pour le résultat
À la suite d’un traumatisme, le patient présente un final exposant au risque de dévascularisation et
œdème de situation variable, fonction du siège de pseudarthrose.
de la fracture : soit postérieur dans la tabatière Certains auteurs ont recours d’emblée à une
anatomique, soit externe au niveau du poignet, scintigraphie qui, si elle est franchement positive,
soit antérieur au niveau de la gouttière du pouls. impose alors un scanner. D’autres auteurs préfèrent
On peut retrouver une douleur précise lors de la l’IRM qui assure le diagnostic de façon certaine et
pression dans la tabatière anatomique, ou anté- permet de distinguer fracture et contusion osseuse
rieure au niveau du tubercule du scaphoïde, avec microfracture trabéculaire indétectable au
associée à une douleur lors de l’hyperextension scanner. Ces examens sont surtout utiles en cas de
ou de l’inclinaison radiale. Il existe également un fracture oblique, où le trait de fracture est très dif-
signe évocateur de fracture du scaphoïde à savoir ficile à mettre en évidence sur les clichés standard.
la douleur à la traction et à la compression dans
l’axe de la colonne du pouce.
Traitement
Imagerie Une fois le trait de fracture mis en évidence, le
Devant la suspicion diagnostique, il faut demander traitement est fonction du siège du trait, de l’exis-
les quatre incidences spécifiques du scaphoïde tence d’une comminution ou d’un déplacement.
Chapitre 4. Poignet et main 99
Le traitement orthopédique comprend la mise préférable de les synthéser par une vis introduite
en place d’un plâtre anté-brachio-palmaire, par voie rétrograde (figure 4.5). Certains auteurs
habituellement pour 2 mois et demi à 3 mois. proposent pour ces fractures une fixation de
Il ne faut plus immobiliser le coude pour ces principe même pour des fractures sans déplace-
fractures. Ce plâtre doit prendre la métacarpo- ment, en particulier chez certains sportifs profes-
phalangienne et la 1re phalange du pouce en sionnels, tels les cyclistes, afin de leur permettre
immobilisant le pouce en antépulsion/écartement une reprise rapide de leur activité.
maximal. Ce traitement est préconisé pour les Les fractures du tubercule du scaphoïde sur-
fractures transversales sans déplacement. L’effi- viennent en particulier lors d’une chute en recu-
cacité est remarquable surtout pour les fractures lant (comme un tennisman qui chute en arrière
du tiers moyen du scaphoïde. Signalons que si un en voulant rattraper un lob). Il s’agit de fractures
patient souhaite une reprise rapide de ses activités, qui consolident beaucoup plus vite du fait de leur
il peut lui être proposé un vissage percutané du bonne vascularisation, habituellement en 45 jours.
scaphoïde (figure 4.4). Ce traitement permet de Méconnues et non traitées, ces fractures du tuber-
se passer d’immobilisation postopératoire, mais il cule du scaphoïde carpien peuvent évoluer vers
faut expliquer au patient les risques habituels de la un déplacement et exposer secondairement à une
chirurgie et surtout la nécessité d’éviter, du fait de tendinite du flexor carpi radialis (grand palmaire).
l’absence d’immobilisation, les gestes avec force, Pour nous, le traitement chirurgical est réservé
surtout en serrage–torsion, jusqu’à consolidation. aux fractures déplacées, surtout si le trait de frac-
En ce qui concerne les fractures polaires supé- ture est oblique car il risque de continuer à glisser
rieures, il s’agit de fractures qui sont très mal malgré l’immobilisation. En l’absence de diagnos-
vascularisées, car la vascularisation du scaphoïde tic, ces fractures évoluent vers une pseudarthrose
vient essentiellement de sa base. Ces fractures justifiant alors un traitement chirurgical avec greffe
sont donc exposées au risque de pseudarthrose. osseuse et synthèse. Actuellement, dans les cas dif-
S’il existe un déplacement minime, il semble ficiles, des greffons vascularisés sont employés : leur
Lésions ligamentaires
et instabilités du poignet
D. Le Viet
Entorses du poignet
et instabilités scapholunaires
Le poignet présente une anatomie extrêmement
complexe avec une rangée proximale compre-
nant le scaphoïde, le lunatum (semi-lunaire), le
Figure 4.10. Entorse scapholunaire : clinique.
triquetrum (pyramidal) et le pisiforme, et une Siège de la douleur en cas de lésion scapholunaire
rangée distale comprenant le trapezium (trapèze), dans la fossette de crucifixion.
104 Traumatologie en pratique sportive
Imagerie
Si l’on retrouve toujours la douleur précise dans
la fossette de crucifixion, on pratique des radio-
graphies comparatives des deux poignets face et
profil, avec un cliché en serrage des doigts et en
Figure 4.11. Instabilité scapholunaire : radiographie
inclinaison radiale et ulnaire maximum. Il faut en stress.
absolument obtenir des radiographies qui déga- Aspect radiographique en stress, poing fermé, mettant
gent bien l’interligne scapholunaire sans aucune en évidence un espace scapholunaire élargi (flèche).
superposition des deux os. Ces clichés recher-
chent de face un écart scapholunaire soit statique
supérieur au côté sain relativement rare à ce stade,
soit surtout des clichés de face dynamiques avec
inclinaison radiale et ulnaire et des clichés en
stress (figure 4.11) qui peuvent mettre en évi-
dence une instabilité dissociative dynamique. Sur
les clichés de profil, on recherche une instabilité
du semi-lunaire avec sa surface inférieure qui
regarde en arrière ou un début d’horizontalisa-
tion du scaphoïde, lésions rarement retrouvées
au début. Ces clichés doivent être comparatifs
du fait de la variabilité physiologique de l’espace
scapholunaire. Figure 4.12. Arthroscanner : rupture du ligament
Mais souvent le diagnostic est hésitant et c’est scapholunaire dont le moignon est resté attaché
alors l’arthroscanner ou l’arthroscopie qui per- sur le semi-lunaire (tête de flèche).
mettront un diagnostic précoce. L’arthroscanner
met en évidence une rupture du ligament sca-
pholunaire avec passage du produit injecté à y associent de façon systématique un brochage
travers l’espace scapholunaire (figure 4.12). Il percutané scapholunatum et scaphocapitatum
existe quelques rares faux négatifs. pour assurer la consolidation ligamentaire, bro-
chage guidé au mieux par arthroscopie qui per-
met un bilan précis des lésions ou sous contrôle
Traitement
radiographique peropératoire. En cas de lésion
Ce diagnostic précoce est très important car, vues dissociative scapholunaire, une réparation est
précocement, ces lésions peuvent cicatriser grâce à nécessaire, réalisée selon les habitudes du chirur-
une immobilisation de 45 jours. Certains auteurs gien par un abord chirurgical conventionnel ou
Chapitre 4. Poignet et main 105
Figure 4.13. Instabilité scapholunaire. Signe de l’anneau. a. Diastasis statique scapholunaire évident (double flèche)
et signe de l’anneau. b. Signe de l’anneau traduisant l’horizontalisation du scaphoïde.
sous arthroscopie. De nombreuses techniques ont du poignet. C’est souligner l’importance d’un
été proposées qu’il s’agisse de réparation directe diagnostic précis avec un traitement précoce, qui
par sutures transosseuses ou avec ancres chirurgi- est le meilleur garant d’un résultat satisfaisant.
cales. Ces techniques sont également complétées
par un brochage de protection. Conclusion
C’est souvent secondairement que l’on est Les lésions ligamentaires du poignet sont rela-
amené à voir ces patients. À ce stade, on peut tivement fréquentes lors de la pratique du sport
trouver un écart scapholunaire statique patholo- touchant tant les sportifs de haut niveau que les
gique s’il est supérieur à 3 mm et il existe un début sportifs amateurs. Les sports le plus souvent en
d’horizontalisation du scaphoïde avec un signe de cause sont le tennis, le basket-ball et les sports de
l’anneau (ring test ; figure 4.13). Le test de Watson combat. Ces lésions sont dominées et de loin par
qui consiste à passer le poignet de flexion palmaire– les lésions scapholunaires. Devant une forte sus-
inclinaison ulnaire à extension dorsale–inclinaison picion clinique de lésion ligamentaire, le diagnos-
radiale, en appuyant sur le pôle antérieur du sca- tic reposera sur les examens complémentaires :
phoïde, permet de retrouver le ressaut scaphoïdien radiographies statiques et dynamiques compara-
typique dans la fossette de crucifixion. tives, arthroscanner, IRM. Quant à l’arthroscopie,
Quant aux lésions anciennes avec scaphoïde elle a l’avantage de permettre un bilan précis des
totalement couché, désaxation carpienne d’adap- lésions ainsi qu’un traitement chirurgical pour
tation en DISI (dorsal intercalated scapholunate la grande majorité des lésions. Une fois le diag-
instability), la face inférieure du lunatum regar- nostic établi, le traitement comportera toujours
dant en arrière conduisant au classique SLAC une immobilisation plâtrée prolongée de 5 à
wrist (scapholunate advanced collapse) de Watson, 6 semaines associée ou non à une fixation osseuse
il s’agit de lésions beaucoup plus tardives. Ces provisoire par brochage percutané ou par une
lésions scapholunaires statiques ou dynamiques réparation soit par abord direct, soit par arthro-
font alors appel à des réparations ligamentaires scopie en cas de lésion dissociative.
et/ou osseuses complexes, dont le résultat n’est Il est important de prévenir le patient que ces
pas garanti et qui laissent toujours une raideur lésions ont des suites longues justifiant, après
106 Traumatologie en pratique sportive
l’immobilisation, une rééducation extrêmement de Witvoët et Allieu définissant trois types de
prolongée et d’insister sur le fait que ces lésions luxations postérieures (figure 4.14) :
peuvent laisser, même bien traitées, des séquelles • type 1 : le lunatum reste en position anato-
définitives, essentiellement sous la forme d’une mique ; avec la glène radiale, ses deux freins liga-
raideur avec perte de force. mentaires antérieur et postérieur sont intacts ;
• type 2 : le frein postérieur est rompu et le lunatum
peut basculer en avant. Le frein antérieur étant
Points clés : entorse du poignet
intact, le semi-lunaire reste au contact du radius ;
• Elle survient après chute sur l’éminence thénar poi- • type 3 : les freins antérieur et postérieur du
gnet en extension. semi-lunaire sont rompus et celui-ci est luxé
• La douleur dans la fossette de crucifixion est très en avant parfois à distance du radius et la tête
évocatrice de lésion scapholunaire.
du capitatum (grand os) prend sa place sous la
• Un bilan clinique et radiologique standard est demandé,
suivi d’une immobilisation 8 à 10 jours puis d’un nouvel glène radiale. C’est la forme la plus grave expo-
examen. sée à distance au risque de nécrose du lunatum.
• Un bilan est réalisé à 10 jours avec examen clinique et Quel que soit le type de luxation, il faut
radiologique bilatéral statique et dynamique. toujours rechercher une fracture associée du sca-
• En cas de doute diagnostique, l’arthroscanner ou phoïde réalisant alors une luxation rétrolunaire
l’arthroscopie permettent le diagnostic. L’arthroscopie trans-scaphoïdienne (figure 4.15).
a l’avantage de permettre un bilan précis des lésions
ainsi qu’un traitement chirurgical pour la grande majo- Clinique
rité des lésions.
• Le traitement comprend une immobilisation prolongée Le diagnostic de luxation périlunaire survient dans
de 45 jours avec ou sans brochage percutané complé- un contexte de traumatisme violent à haute énergie
mentaire. type accident de moto. En urgence, il existe tou-
• Il est important de faire un diagnostic précoce afin jours un œdème avec apparition d’ecchymose et
d’éviter une évolution vers le SLAC wrist de pronostic très un poignet et une main quasi bloqués en discrète
péjoratif.
flexion. Du fait de l’importance des douleurs, un
examen clinique est quasi impossible et le diagnostic
Luxations du poignet va reposer sur la qualité de l’examen radiologique.
Un élément pouvant orienter vers le diagnostic
Anatomie est l’existence de paresthésies (25 % des cas) dans
le territoire du nerf médian.
L’anatomie est complexe avec huit os répartis en
deux rangées et trente-trois ligaments, décrits par
Taleisnik, comprenant les ligaments extrinsèques
qui fixent le carpe au radius et ulna et les ligaments
intrinsèques unissant les différents os du carpe
entre eux. Du fait de la disposition des ligaments,
on retrouve une zone de vulnérabilité au niveau
du lunatum (semi-lunaire) réalisant une lésion
ligamentaire pure ou bien présentant une fracture
associée le plus souvent du scaphoïde.
Figure 4.14. Luxations du poignet : classification
Physiopathologie de Witvöet et Allieu.
a. Type 1 : le lunatum demeure en position anatomique
Les luxations du poignet sont des lésions survenant et c’est le reste du carpe qui est luxé en arrière.
au cours de traumatismes violents à haute énergie b. Type 2 : le ligament postérieur du lunatum est rompu
avec bascule du lunatum en avant. c. Type 3 : les deux
chez des hommes jeunes. Nous ne décrirons que ligaments sont rompus, le lunatum est luxé en avant
les luxations périlunaires postérieures qui sont les et le capitatum prend sa place sous le radius.
plus fréquentes (95 %) en utilisant la classification Source : Carole Fumat.
Chapitre 4. Poignet et main 107
fracture associée de la tête du capitatum réalisant antérieur ou postérieur. Cette stabilisation par
un équivalent de syndrome de Fenton. En cas broches associée à une immobilisation par attelle
de doute diagnostic ou de suspicion de lésion poignet en discrète flexion palmaire et inclinaison
associée, un scanner est souvent utile. radiale de 4 à 6 semaines permet d’obtenir une
meilleure cicatrisation ligamentaire. En cas de
Traitement fracture du scaphoïde, une ostéosynthèse par vis-
sage est associée.
Il existe trois types de traitements : la réduction
En cas de luxation irréductible par traction
fermée, la réduction fermée avec brochage per-
ou dans les types 3, un abord par voie d’abord
cutané et enfin la réparation ligamentaire à ciel
antérieur ou postérieur est pratiqué. Dans les types
ouvert, dans tous les cas avec contention plâtrée.
3, un abord antérieur est préconisé ce qui permet
Devant une luxation périlunaire le premier temps
de décomprimer le nerf médian fréquemment
est toujours, même en cas de décision opératoire,
comprimé. Il faut prévenir le patient du risque
une tentative de réduction au bloc opératoire sous
majeur d’évolution vers une nécrose du lunatum
anesthésie par traction dans l’axe du membre,
ou maladie de Kienböck dans les types 2 et surtout
traction suffisamment prolongée. On peut s’aider
3. De plus, une réduction même parfaite dans les
de petits mouvements de flexion–extension du
types 1 et 2 n’élimine pas le risque d’évolution
poignet et éventuellement de pression sur le luna-
vers une raideur, même après une rééducation pro-
tum ou sur le carpe pour réduire le ou les déplace
longée, et/ou d’une arthrose post-traumatique
ments osseux. On contrôlera alors la réduction
radio- ou médiocarpienne. Quant à la fracture du
obtenue par clichés au bloc avant de débuter le
scaphoïde associée, elle est exposée aux risques
geste chirurgical.
habituels de ce type de lésion.
Même en cas de réduction parfaite, on consi-
L’intérêt du traitement chirurgical par rapport
dère actuellement qu’il est préférable de complé-
au traitement orthopédique est triple : meilleure
ter la réduction orthopédique par un embrochage
réduction, meilleure stabilité et meilleur traitement
scapholunatum, scaphocapitatum et triquetro-
des lésions associées. Par contre, en cas de mécon-
lunaire (figure 4.17) réalisé soit en percutané
naissance du diagnostic initial vont apparaître des
sous amplificateur de brillance, soit par un abord
lésions dégénératives invalidantes nécessitant alors
des interventions palliatives mutilantes : arthro-
dèse, carpectomie ou chirurgie prothétique.
2. Tendinopathies et
ténosynovites du poignet
D. Le Viet
Traitement Ténosynovite
Le traitement médical est d’efficacité remarquable
de De Quervain
et les cas opérés sont exceptionnels. Ce traitement
comprend une orthèse de repos immobilisant le Ténosynovite constrictive des tendons abductor
poignet en position de fonction associée à l’arrêt du pollicis longus (long abducteur) et extensor pol-
traumatisme causal. En cas de résistance au traite- licis brevis (court extenseur du pouce) qui sont
ment médical, un traitement par anti-inflammatoire maintenus à la face externe de la styloïde radiale
non stéroïdien (AINS), physiothérapie, ionisation par la coulisse ostéofibreuse du 1er comparti-
et éventuelle infiltration de corticoïdes est associé. ment dorsal. Pathologie décrite en 1895 par
En cas d’échec du traitement médical, ce qui de Quervain, elle est fréquente dans les sports
est extrêmement rare, un traitement chirurgical est nécessitant la tenue avec force d’un manche avec
envisagé. Il s’agit d’un geste simple mené par une mouvements multidirectionnels du poignet, en
voie d’abord externe. La branche sensitive du nerf particulier avec inclinaison radiale et ulnaire du
radial qui croise la cicatrice doit être réclinée et la poignet et pronosupination. Elle a été décrite
bursite située entre les extensor carpi radialis lon- dans le tennis mais également dans de nombreux
gus et brevis et l’abductor pollicis longus est exci- autres sports : golf, cyclisme, motocycle, aviron et
sée (figure 4.19). Certains auteurs ont constaté canoë-kayak.
des lésions dégénératives des tendons, lésions que
nous n’avons jamais observées dans notre série.
Clinique
La symptomatologie débute toujours par une
douleur au niveau de la styloïde radiale. Le patient
décrit parfois une impression de crépitation ou de
ressaut lors des mouvements d’inclinaison radiale
et ulnaire du poignet. Ces symptômes peuvent
entraîner une perte de force et de mobilité.
À l’examen, il existe un gonflement fusiforme
à la face externe du radius au niveau du 1er
compartiment. La palpation est parfois doulou-
reuse et les mobilités du poignet sont limitées par
Figure 4.19. Syndrome de l’intersection : aspect la douleur. Le test de Finkelstein, théoriquement
peropératoire. pathognomonique, consiste en la mise en tension
APL : abductor pollicis longus. B : bursite excisée. des tendons du 1er compartiment. Pour cela, il faut
NR : nerf radial. R1, R2 : tendons radiaux.
mettre le pouce en flexion forcée sur la racine du
5e doigt et porter le poignet en inclinaison ulnaire
Points clés : aï crépitant maximum, mettant ainsi en tension les tendons
• Tuméfaction crépitante au tiers inférieur de l’avant- abductor pollicis longus et extensor pollicis brevis
bras dans la région postéro-externe. (figure 4.20). Cette manœuvre déclenche une
• Il s’agit de l’inflammation d’une bourse séreuse de douleur parfois très violente au niveau de la sty-
survenue brutale au décours d’un effort. loïde radiale avec souvent irradiation en amont le
• Le diagnostic repose sur la découverte d’une tuméfac- long du trajet des tendons.
tion allongée crépitante, qui est douloureuse à la palpation Une névrite de la branche sensitive du nerf
(douleur déclenchée par la mobilisation du poignet). radial au poignet avec dysesthésies à la face dorsale
• Le traitement médical est très efficace et les cas
du pouce et de l’index doit systématiquement être
opérés sont rares.
recherchée.
Chapitre 4. Poignet et main 111
a un trajet direct. En supination, l’ECU se Figure 4.22. Tendinopathie de l’extensor carpi ulnaris :
vue opératoire.
rapproche de l’extensor digiti minimi, il n’y
a. En pronation, le tendon extensor carpi ulnaris est droit.
a aucun espace entre ces deux tendons, et le b. En supination, il a une forte angulation.
tendon est soumis à une traction maximum,
il fait une angulation d’environ 30° pour se ren- l’utilisation intensive du lift dans le tennis
dre à la base du 5e métacarpien (figure 4.22) : moderne et a également été décrite dans le golf,
ceci explique les douleurs en supination. Cette le rodéo et l’haltérophilie ;
variation de position anatomique permet de • On comprend selon cette disposition anato-
comprendre la survenue des lésions trauma- mique qu’une fois le tunnel ostéofibreux rompu
tiques de l’ECU tout particulièrement dans ou désinséré de la tête de l’ulna, l’ECU puisse
le tennis où le poignet ne cesse de varier ses se luxer en dedans glissant sous le retinaculum
angulations. Cette pathologie est favorisée par dorsal intact (figure 4.23).
en pronation et le dos du pouce sur cassette, un • type 3 : les fractures de Rolando qui sont toutes
profil et un 3/4. les fractures comminutives (au moins trois frag-
La radiographie permet une classification des ments), articulaires, de la base du M1. Plus la
fractures en trois types (figure 4.24) : comminution est grande, plus le pronostic est
• type 1 : les fractures extra-articulaires de la réservé et le traitement délicat.
base du M1 comportent un trait de fracture
transversal ou oblique, la déformation se fait
avec une fermeture de la 1re commissure sous Traitement
l’action de l’adducteur du pouce ;
• type 2 : les fractures de Bennett sont caracté- L’objectif du traitement est de rétablir l’anatomie
risées par un trait de fracture oblique, unique, du M1 et de l’articulation trapézométacarpienne
articulaire, il s’agit d’une fracture–subluxation. qui assure une grande partie de la mobilité de la
La fracture détache un fragment antéromédial colonne du pouce.
plus ou moins gros qui reste toutefois lié au tra- Un traitement orthopédique avec une réduc-
pèze par un ligament retenant le fragment dans tion–immobilisation peut être envisagé si le déplace
sa position anatomique. Le fragment restant de ment est inférieur à 30° pour les fractures
la base du M1 se subluxe en externe, proximal, extra-articulaires et/ou inférieur à 1 mm pour les
et en dorsal, sous l’effet de l’adducteur et du fractures articulaires. Dans ces cas, la réduction
long abducteur du pouce qui provoqueront la se fait en traction, abduction et antépulsion.
flexion du M1 ; L’immobilisation ne doit pas être enlevée pendant
Clinique
Le mécanisme est souvent assez violent. La dou-
leur est immédiate mais peut être peu intense et
Figure 4.26. Technique de brochage selon Iselin retarder le diagnostic comme dans les fractures du
pour fracture de Bennett. col de M5 ou les fractures diaphysaires peu
1 : première broche divergente distale, de M2 vers M1.
2 : deuxième broche proximale de M1 vers M2. déplacées de M2 à M5. L’examen clinique s’efforce
Source : Carole Fumat. de rechercher une clinodactylie (figure 4.28).
Chapitre 4. Poignet et main 117
Figure 4.27. Fracture du col du 5e métacarpien Figure 4.29. Fracture–luxation dorsale de la base
chez un boxeur. du 5e métacarpien (scanner).
chirurgical est source d’échec. Il existe plusieurs sur la 1re phalange, et d’un faisceau accessoire,
techniques : qui se fixe lui sur le bord latéral de la plaque
• la réduction par manœuvres externes est obte- palmaire. Les ligaments latéraux principaux sont
nue et l’abord chirurgical n’est alors pas sys- donc tendus en flexion et distendus en extension,
tématiquement effectué ; et inversement pour les ligaments collatéraux
• une immobilisation de l’articulation par bro- accessoires. En cas de rupture complète de ses
chage type Iselin ou broche trapézométacar- ligaments, la stabilité latérale de la MCP est donc
pienne est réalisée ; altérée. Deux structures anatomiques sont impor-
• certains abordent l’articulation pour réparer les tantes à connaître afin d’appréhender de manière
lésions ligamentaires ou faire une ligamento- logique la stratégie thérapeutique des lésions du
plastie. Il n’y a pas de preuve que ce traitement LCR et du LCU de la MCP.
soit supérieur en aigu. Le LCU est recouvert superficiellement par
L’impossibilité de réduction anatomique de l’expansion aponévrotique reliant l’adducteur du
l’ATM par manœuvres externes implique l’abord pouce au long extenseur du pouce. Lors de
chirurgical de celle-ci pour désincarcérer les tissus son arrachement, la partie proximale du LCU
d’interposition. peut passer au-dessus de l’aponévrose du mus-
cle adducteur du pouce créant une interposition
connue sous le nom d’effet Stener.
Soins postopératoires Le LCR au niveau de son insertion sur P1 est
aussi le siège du tendon conjoint des muscles
Pendant les 4 semaines d’immobilisation après
thénariens externes. En cas d’arrachement osseux
une reconstruction ligamentaire ou un brochage
du LCR sur P1, du fait de l’attraction du tendon
d’arthrorise, il est préférable de laisser libre les
conjoint, la cicatrisation osseuse est quasiment
articulations interphalangiennes du pouce et des
impossible.
doigts pour favoriser leurs mobilisations. Les
broches sont enlevées au bout de 4 semaines et
une attelle thermoformée est portée entre les Entorses du ligament
séances de rééducation pendant les 2 semaines collatéral ulnaire du pouce
suivantes. Le renforcement musculaire débute
généralement à 2 mois, avec une reprise du sport L’entorse du LCU est de très loin l’entorse de
à 3 mois. la MCP du pouce la plus fréquente. Les mouve-
ments forcés en abduction de la MCP du pouce
entraînent une rupture partielle ou complète du
Entorses LCU : par exemple, lors d’une chute de ski avec
métacarpophalangiennes bâton ou dans tout sport de ballon avec impact
possible en abduction du pouce.
du pouce
Clinique
Anatomie et physiopathologie
Cliniquement, la douleur est interne avec un
Les entorses de la métacarpophalangienne (MCP) œdème important, voire un hématome. La mobi-
du pouce sont des lésions très fréquentes en lité active du fait de la douleur et de l’œdème
pratique sportive. L’articulation MCP du pouce de la MCP est très souvent limitée. L’examen
possède un ligament collatéral radial (LCR) et un clinique doit rechercher une laxité en valgus en
ligament collatéral ulnaire (LCU) qui assurent la comparaison du côté controlatéral. Celle-ci, si
stabilité latérale de la MCP aussi bien en flexion la manœuvre est faite de manière douce, est très
qu’en extension de la MCP. Les ligaments col- facilement identifiable. Une instabilité en valgus
latéraux sont constitués d’un faisceau principal, signe l’entorse grave. Cette instabilité grave signe
qui part de la tête de M1 et se fixe latéralement l’indication opératoire : en effet, dans ce cas
120 Traumatologie en pratique sportive
précis, aucun examen complémentaire ne pourra orthopédiquement par attelle MCP 6 semaines.
éliminer de manière formelle un effet Stener Le traitement des entorses graves avec ou sans
(interposition de l’aponévrose de l’adducteur du arrachement osseux est chirurgical, suivi d’une
pouce entre les deux parties du ligament collatéral attelle MCP 6 semaines.
ulnaire rompu).
Les entorses graves du LCU non diagnos-
tiquées aboutissent à une instabilité majeure de
la MCP lors de la préhension pouce–index qui,
Entorses et luxations
même si elle est bien tolérée, conduit de façon de l’articulation
quasiment inéluctable vers l’arthrose. interphalangienne proximale
des doigts longs
Imagerie
Un bilan radiologique comprenant des clichés Physiopathologie
bilatéraux, comparatifs, de face et profil est indis-
pensable à la recherche d’un arrachement osseux Les entorses et luxations de l’articulation inter-
et de son déplacement. Ce bilan radiologique phalangienne proximale (IPP) des doigts longs
peut aussi montrer sur le profil une subluxation sont très fréquentes en pratique sportive, notam-
palmaire de P1, ce qui est le reflet d’un arrache- ment dans les sports de ballon : basket-ball,
ment de la capsule dorsale de la MCP souvent handball, volley-ball, urban foot. Le mécanisme
concomitant à une entorse grave du LCU. le plus souvent observé est un mouvement forcé
En cas de doute sur l’indication opératoire, en hyperextension de l’IPP qui entraîne une
ce cliché de profil peut donc aider à trancher. entorse antérieure si le choc est peu violent
L’échographie, voire l’IRM peuvent aussi être et va jusqu’à la luxation dorsale si celui-ci est
prescrites à la recherche de la lésion complète plus appuyé. Un traumatisme dans l’axe, ou
du LCU, ainsi que de l’effet Stener au moindre sur le bord latéral de l’articulation entraînant
doute clinique. un valgus ou varus forcé, peut également être
observé. Les doigts les plus souvent concernés
Traitement vont de l’index à l’annulaire, l’auriculaire étant
souvent épargné.
Le traitement des entorses bénignes est orthopé-
dique : attelle métacarpophalangienne pour 4 à 6
semaines, suivie d’une rééducation.
Dans les entorses graves, le traitement est chi- Entorses de l’articulation
rurgical par réinsertion du moignon du LCU sur interphalangienne proximale
une ancre ou par ostéosynthèse de l’arrachement Cliniquement, l’articulation est augmentée de
osseux, le plus souvent par broche. Une attelle volume, une ecchymose est parfois présente. La
protégeant la MCP est portée 6 semaines, puis mobilité peut être conservée, mais le plus souvent
une rééducation est nécessaire. Il faut avertir du fait de la douleur et de l’œdème, il existe une
les patients que, quelle que soit la gravité de diminution de la mobilité en flexion–extension.
l’atteinte, la douleur, l’œdème et une diminution Une instabilité en valgus est recherchée, témoi-
de la mobilité peuvent persister 6 à 12 mois, voire gnant alors d’une lésion ligamentaire complète.
même rester à titre de séquelles. Il faut aussi toujours tester l’extension active de
l’IPP à la recherche d’une lésion complète de la
Entorses du ligament bandelette médiane qui de manière exception-
collatéral radial du pouce nelle peut survenir même lors d’un traumatisme
fermé.
Ces entorses, beaucoup plus rares, sont très Une radiographie doit systématiquement être
mal tolérées. Les entorses bénignes se traitent réalisée à la recherche d’un arrachement osseux
Chapitre 4. Poignet et main 121
Figure 4.31. Entorse grave de l’articulation interphalangienne proximale d’un doigt long.
a. Laxité latérale. b. Bâillement latéral sur le cliché en stress.
122 Traumatologie en pratique sportive
Ténosynovite Clinique
des fléchisseurs : Le doigt à ressaut se manifeste par une douleur en
le doigt à ressaut regard des plis de flexion palmaire accompagnée
d’épisodes de blocage en flexion douloureux ou
Épidémiologie non (figure 4.32). Le ressaut est souvent perçu
à tort par le patient au niveau de l’IPP. Un kyste
La ténosynovite des fléchisseurs, ou doigt à res- de poulie peut être associé, une tuméfaction dou-
saut, est une pathologie fréquente puisqu’elle loureuse au toucher au niveau de la poulie A1 est
touche 28 personnes sur 100 000. Le risque alors retrouvée. Si le doigt à ressaut est « vieilli »,
d’avoir un doigt à ressaut est de 2,6 % sur une vie. un flessum IPP y est associé. Le diagnostic est
Les femmes sont 3 fois plus concernées que les donc essentiellement clinique.
hommes. Le pic de survenue est entre 52 et
62 ans. Le doigt à ressaut est idiopathique la
plupart du temps même si le diabète et la poly-
arthrite rhumatoïde sont des facteurs favorisants.
Tous les sports nécessitant une prise en force
(tennis, escalade, golf, musculation) augmentent
logiquement la fréquence de la maladie. Les
deux doigts les plus atteints sont l’annulaire et le
pouce. Plusieurs doigts peuvent être concernés
simultanément chez un même patient.
Physiopathologie
L’apparition du doigt à ressaut pourrait être due
à une friction anormale et prolongée entre le
bord distal de la poulie A1 et le tendon lors de Figure 4.32. Doigt à ressaut bloqué en flexion.
la flexion. Cette friction prolongée entraînerait
une métaplasie de la couche interne de la poulie
avec une augmentation concentrique de l’épais- Imagerie
seur de la poulie accentuant progressivement et
inéluctablement la friction et engendrant une Aucun examen complémentaire n’est nécessaire
réaction inflammatoire associée, source de dou- pour le diagnostic. Cependant une échographie
leur. Si la douleur est peu gênante pour le patient, ou une IRM peuvent aider à le confirmer en
le « ressaut » peut apparaître secondairement. Ce montrant un épanchement autour du tendon
ressaut peut être intermittent initialement, puis dans la gaine des fléchisseurs, un épaississement
très régulier et aboutir à de véritables blocages de poulie ou même une dégénérescence fibrillaire
irréductibles en flexion. Si le doigt à ressaut est du tendon fléchisseur commun superficiel (FCS).
Chapitre 4. Poignet et main 123
Traitement
L’arrêt de l’escalade doit être immédiat afin de
ne pas endommager une rupture partielle d’une
poulie ou de léser les poulies adjacentes par effet
« fil à couper le beurre ». Cet arrêt est dans les
faits difficile à mettre en place chez les grimpeurs
qui sont souvent passionnés par leur sport et ne
conçoivent pas son arrêt, d’autant plus que dans
la vie quotidienne ils ne sont généralement pas
Figure 4.34. Rupture de poulie digitale. Aspect en corde gênés par cette rupture. L’arrêt de l’escalade est
d’arc du tendon fléchisseur sous la peau. demandé pour une durée de 6 à 8 semaines et le
traitement comporte un glaçage et des AINS.
Une bague rigide de protection de la cicatrisa-
Imagerie tion peut être portée pendant 45 jours : son but
est d’éviter les contraintes exercées sur la poulie
La radiographie standard sert surtout à éliminer lors des mouvements de flexion des doigts.
une atteinte osseuse associée. L’escalade peut être reprise à partir du 2e mois
Le scanner réalisé en flexion IPP contre résis- de manière progressive, à un niveau moins élevé,
tance objective un écart anormal entre le tendon en évitant les prises arquées les premières semaines
fléchisseur et la phalange : il a longtemps été (figure 4.36), ainsi que les prises monodigitales du
la référence. Cependant l’acquisition de telles doigt traumatisé. Enfin les précautions d’hydrata-
images n’est pas des plus aisées. tion, d’échauffement et d’étirement doivent être
De nos jours, l’échographie, examen dyna- rappelées.
mique, peut parfaitement mettre en évidence la En cas d’atteinte concernant plusieurs poulies et
rupture de la poulie ainsi que le décollement du se traduisant par une corde d’arc, l’indication est
tendon et l’inflammation du canal digital associée. le plus souvent chirurgicale. La chirurgie consiste
Il en est de même avec l’IRM, examen qui, non pas à réparer mais à reconstituer les poulies
s’il n’est pas dynamique, a le mérite d’être moins A2 et A4, à l’aide de tendon prélevé au niveau du
échographiste-dépendant (figure 4.35). poignet (palmaris longus).
Chapitre 4. Poignet et main 125
Épidémiologie
À l’inverse de son homologue dorsal, le mal-
let finger (avulsion de l’extenseur), l’avulsion
traumatique fermée du fléchisseur profond des
doigts longs est une lésion beaucoup plus rare.
Son diagnostic doit être rapidement reconnu :
en effet, contrairement à l’appareil extenseur,
le tendon fléchisseur se rétracte très rapidement
imposant un traitement dans les 7 jours pour que
le résultat soit optimal. Ces lésions se rencontrent
essentiellement dans les sports nécessitant des
efforts violents d’agrippage de maillot, comme au
rugby, au judo et au football américain.
Clinique
Figure 4.37. Jersey finger : perte de la flexion de l’IPD
Le contexte clinique est très souvent caractéris- et douleurs dans la paume de la main.
tique. Un sujet masculin, entre 20 et 30 ans, tente
d’agripper le maillot d’un joueur adverse, celui-ci
s’échappant en continuant sa course ; les doigts Imagerie
fléchis du plaqueur subissent alors une violente
force d’hyperextension sur les interphalangiennes Aucune imagerie n’est nécessaire au diagnostic
distales supérieure à la résistance de l’insertion ten- qui est purement clinique. En effet, c’est la perte
126 Traumatologie en pratique sportive
de flexion active de l’IPD qui signe l’atteinte. En une ostéosynthèse par broche peut être indiquée.
revanche, l’imagerie, comprenant une radiogra- La suture est alors protégée par une attelle pen-
phie et une échographie, est utile pour identifier dant 6 semaines et une rééducation de plusieurs
le siège de rétraction du moignon et rechercher mois est à prévoir.
une atteinte osseuse associée à l’arrachement du
FCP (figure 4.38). Avulsion ancienne
Une avulsion ancienne est définie comme supé-
rieure à 21 jours. La tentative de réinsertion
tardive du FCP, du fait de sa rétraction et de
sa dévascularisation prolongée, expose au risque
de lâchage secondaire de la suture et surtout de
raideur en flexion séquellaire de l’IPD et de l’IPP.
La raideur étant beaucoup plus handicapante
qu’un déficit de flexion IPD isolé, il est donc
communément admis qu’il n’y a pas de place
Figure 4.38. Jersey finger avec arrachement osseux. pour la réinsertion. Par contre en cas de raideur
de l’IPP due à l’incarcération du moignon de
FCP au niveau de la décussation du FCS, ou
Classification de douleurs dans la paume de la main engendrées
par le moignon, une résection du FCP en amont
Au terme de l’examen clinique et radiologique, le de la paume est recommandée. Ce geste peut être
jersey finger peut être classé en trois types. Cette associé à une arthrodèse IPD.
classification simple, associée au délai de prise en
charge, a le mérite d’avoir un rôle thérapeutique
et pronostique : Doigt en maillet
• type 1 : le tendon est rétracté et incarcéré dans (mallet finger)
la décussation du FCS, donc pas d’avulsion
complète de sa propre vascularisation. C’est le
Le terme de mallet finger désigne une lésion très
cas le plus fréquent ;
commune de l’appareil extenseur des doigts. Il
• type 2 : le tendon est rétracté au niveau de la
s’agit d’une rupture traumatique de l’extenseur
paume de la main. La vascularisation propre du
des doigts au niveau de l’IPD. Il en résulte une
tendon est arrachée ;
perte de l’extension active de P3 sur P2 et donc
• type 3 : avulsion du FCP avec son insertion
une IPD fixée en flexion, passivement réductible :
osseuse issue de P3. Le tendon est le plus sou-
le doigt a alors une forme de « maillet ». Cette
vent bloqué en aval de la décussation du FCS.
lésion est très fréquente aussi bien lors de la pra-
tique sportive que lors d’activité domestique. Elle
Traitement est l’une des principales causes de consultation en
chirurgie de la main. Les doigts longs sont le plus
Il est dépendant de deux facteurs : le délai et la souvent touchés, notamment le 4e et le 5e doigt
zone de rétraction du tendon. de la main. Le pouce est exceptionnellement
atteint.
Avulsion récente
Une avulsion récente est définie par la plupart Clinique
des auteurs comme inférieure à 7 jours. La solu-
tion préférentielle est la réinsertion chirurgicale Le mallet finger entraîne peu de douleurs et la
du fléchisseur commun, le plus souvent par la déformation en maillet n’est pas toujours immé-
technique de pull-out. En cas de fracture associée, diatement visible. Il peut même passer pour une
Chapitre 4. Poignet et main 127
Luxation de hanche
sans fracture
La luxation traumatique isolée de hanche est rare
d’une façon générale et en particulier chez le
sportif. Elle survient après un traumatisme à haute
énergie au cours de la pratique de certains sports :
compétition automobile ou moto, ski nautique
Figure 5.1. Luxation postérieure de hanche
(Figure 5.1) ou ski alpin, parachute. Différents chez un skieur nautique de compétition.
types de luxations ont été décrits : elles diffèrent Traitement orthopédique.
selon le siège anatomique et le mécanisme de la
luxation (tableau 5.1). Tableau 5.1. Luxation traumatique de hanche : siège,
L’examen clinique montre une déformation mécanisme, complications
importante. La recherche de complications est Siège postérieur Siège antérieur
impérieuse, la plus fréquente étant une paralysie
Siège supérieur Iliaque (50 %) Obturatrice (15 %)
sciatique, le plus souvent incomplète. La radiogra-
Siège inférieur Ischiatique (25 %) Pubienne (10 %)
phie est nécessaire : elle précise le type de luxation
et recherche une fracture associée. Mécanisme Flexion, adduction, Extension, abduction,
rotation interne rotation externe
La réduction orthopédique de la luxation est
impérative et urgente. La mise en traction préco- Complications Paralysie sciatique Paralysie crurale
Figure 5.2. Arthro-scanner pré-opératoire. Luxation récidivante de hanche chez un sportif pratiquant l’alpinisme.
Première luxation 18 ans auparavant. Traitement chirurgical par retension capsulaire postérieure.
Chapitre 5. Bassin et hanche 133
Imagerie
Figure 5.6. Le signe du croisement visible sur un bassin de face en charge fait suspecter une rétroversion acétabulaire.
En rouge, la paroi antérieure. En bleu, la paroi postérieure.
Figure 5.8. Vue arthroscopique d’une fémoroplastie (a) et d’une acétabuloplastie (b).
(moyen adducteur) sur la face antérieure de la le geste de la frappe de balle, les mouvements de
surface angulaire du pubis, adductor magnus torsion du tronc ont un rôle certain.
(grand adducteur) plus postérieurement. On y L’examen clinique doit dans tous les cas être
associe le pectinéus (pectiné) et le gracilis (droit complet. L’interrogatoire précise le mode de début
interne), également adducteurs ; (le plus souvent progressif, mais parfois brutal), le
• en haut, les muscles droits de l’abdomen sur le siège et l’intensité de la douleur. L’examen phy-
bord supérieur et la face antérieure du pubis. sique en position debout puis couchée recherche
Une aponévrose superficielle relie le tendon une douleur provoquée au niveau du canal ingui-
distal du grand droit au long adducteur ; nal, des adducteurs, de la symphyse pubienne, et
• l’orifice superficiel du canal inguinal est limité en porte également dans tous les cas sur la hanche
bas par l’arcade fémorale et en haut par le ten- (mobilité, recherche de conflit), les ischiojambiers
don conjoint, réunissant les fibres de l’oblique (rétraction ou non) et le rachis (recherche d’une
interne et de l’abdominal transverse de l’abdo- hyperlordose). Il doit tester la sensibilité de la face
men et allant s’insérer sur l’épine et l’angle du médiale de la cuisse à la recherche d’une atteinte du
pubis et en avant du grand droit. nerf obturateur ou du nerf ilio-inguinal.
L’examen clinique doit orienter l’imagerie : radio-
Qu’est-ce que la pubalgie ? graphie standard du bassin systématique, échogra-
phie dans un premier temps, IRM en deuxième
La pubalgie (littéralement douleur de la région intension en particulier lorsqu’une solution chirur-
pubienne), ou groin pain, a donné lieu à de nom- gicale est envisagée (en fait demandée rapidement
breuses discussions d’ordre nosologique. Elle a chez les joueurs professionnels ou de haut niveau).
été décrite initialement en 1932 par Spinelli chez L’examen physique et l’imagerie permettent de
l’escrimeur. En France, après les travaux de Durey préciser la forme anatomoclinique de l’affection :
et Rodineau en 1976, Brunet a proposé en 1983, pariéto-inguinale, tendinomusculaire au niveau
dans un but de simplification, de démembrer ce des tendons adducteurs ou plus rarement du droit
« syndrome fourre-tout » et de distinguer trois de l’abdomen, ou encore arthropathie pubienne.
formes pouvant être isolées ou associées : arthro- Chaque forme anatomoclinique peut être isolée
pathie pubienne, tendinopathie d’insertion des ou associée aux autres.
adducteurs et insuffisance pariétale. Cette dernière,
d’origine microtraumatique, considérée par beau- Pathologie inguinopariétale
coup comme la seule véritable pubalgie (Courroy),
est la plus communément retrouvée chez le sportif, Elle concerne les éléments constitutifs du canal
et entraîne une souffrance pariétale autour du canal inguinal et peut être uni- ou bilatérale. L’examen
inguinal. Le football est indiscutablement le sport recherche une déhiscence autour du canal ingui-
le plus souvent à l’origine d’une pubalgie puisque nal avec douleur augmentée à la toux, une fai-
environ 1/3 des pratiquants de haut niveau en pré- blesse des muscles obliques parfois caractérisée
senteraient une au cours de leur carrière. Le hockey, par le signe de Malgaigne : voussure ingui-
le rugby (particulièrement chez les buteurs), le nale augmentée en hyperlordose (Figure 5.11).
handball, l’escrime, le tennis, la course à pied et la Une souffrance de rameaux nerveux (ilio-inguinal
danse peuvent également en être la cause. Lors de et ilio-hypogastrique) peut se manifester par des
la pratique du football, la symphyse pubienne est douleurs dans leur territoire ou une hypoesthésie
le siège d’importantes contraintes en compression qui doit être recherchée à la partie médiale de la
et en distraction, aggravées par certains facteurs racine de la cuisse.
favorisants intrinsèques (antéversion excessive du L’imagerie pariétale abdominale comporte
bassin, rétraction des adducteurs) ou extrinsèques dans un premier temps une échographie. Elle est
(surcharge mécanique, entraînement trop poussé pratiquée de façon comparative par des coupes
ou ayant récemment changé). Dans ce sport, les axiales et sagittales, et dynamiquement après
changements de direction, les démarrages rapides, manœuvre de Valsalva, permettant d’étudier
Chapitre 5. Bassin et hanche 139
Traitement de la pubalgie
Il consiste en une prévention, en particulier chez
les sujets à risque, et en un traitement médical,
en phase de début, accompagnant le repos sportif
indispensable et constituant la base du traitement.
Traitement préventif
Il est important d’adapter l’entraînement en dimi-
nuant sa charge et d’éviter les facteurs favorisants
Figure 5.15. Radiographie du bassin : arthropathie (dureté du sol, chaussures et types de crampons
pubienne. inadaptés).
Chapitre 5. Bassin et hanche 141
On recommande un assouplissement des ad association à une chirurgie pariétale : elle peut être
ducteurs et ischiojambiers (étirements après percutanée ou plutôt chirurgicale, enlevant d’éven-
entraînement), une lutte contre l’hyperlordose, un tuelles calcifications.
renforcement des muscles larges de l’abdomen. La tendance actuelle est de traiter uniquement
du côté douloureux et de pratiquer une ténoto-
Traitement médical mie des adducteurs en cas d’atteinte révélée par
Il repose sur le repos sportif qui doit être prescrit la clinique ou l’imagerie. La tendinopathie isolée
dès l’apparition des signes cliniques pendant une des adducteurs sans atteinte pariétale est traitée
période allant de 6 semaines à 3 mois, il est souvent isolément.
associé en phase aiguë à un traitement par AINS. Les suites postopératoires après intervention
L’infiltration de corticoïdes peut être proposée pour pubalgie consistent en une reprise du vélo à
dans la tendinopathie d’insertion des adducteurs 3 semaines, de la course à 6 semaines, de l’entraîne
ou des grands droits. ment avec ballon à 3 mois.
En cas de syndrome canalaire, un test anes- Les résultats publiés sont bons après chirurgie
thésique peut être proposé. avec un retour à la compétition au même niveau
dans 90 % des cas.
Traitement rééducatif
La rééducation, envisagée après un repos strict,
comporte différentes phases : étirements passifs Pathologie de l’iliopsoas :
(ischiojambiers, adducteurs et rotateurs externes), tendinobursites
reprise de la course puis de l’entraînement pro-
gressif et personnalisé. Son efficacité est discutée Y. Catonné, H. Guerini
en cas de pubalgie installée et elle doit absolument L’iliopsoas réunit le corps musculaire de l’iliaque
être indolore. provenant de la face médiale de l’aile iliaque et
celui du psoas issu des vertèbres (D12 à L5) en
Traitement chirurgical un tendon distal s’insérant sur la face postérieure
Il a évolué dans le temps au cours de ces 30 du petit trochanter. Il est surtout fléchisseur de
dernières années, mais il repose sur les mêmes prin- hanche et a également une fonction lordosante
cipes : reconstituer les zones de faiblesse de la paroi importante.
et traiter les lésions associées tendinomusculaires. Différents types de pathologies ont été décrits
Dans la forme inguinopariétale, l’opération de au niveau de ce muscle :
Nésovic, elle-même dérivée de la technique de Bas- • l’hématome de la loge du psoas, par ailleurs
sini, repose sur l’abaissement du tendon conjoint à bien connu comme complication d’un traite-
l’arcade crurale. Pour Nésovic, la technique est bila- ment anticoagulant en dehors de tout contexte
térale et comporte un temps de résection nerveuse. sportif, pouvant survenir après une chute vio-
Une neurolyse des rameaux antéro-internes du lente sur le dos (sports de combat) ;
nerf ilio-inguinal et des rameaux postéro-externes • l’arrachement au niveau du petit trochanter :
du nerf génito-fémoral est parfois associée. il survient surtout chez l’adolescent, mais a
Actuellement, la technique de Shouldice est le également été décrit chez l’adulte jeune, parfois
plus souvent utilisée, comme pour le traitement même au-delà de 20 ans ;
des hernies inguinales : suture du fascia trans- • la rupture au niveau de la jonction myotendi-
versalis et du petit oblique à l’arcade crurale. Cer- neuse : elle est très rare et peut se rencontrer
tains préfèrent couvrir la zone de faiblesse par une en particulier en cas de mouvement contré
prothèse mise en place par voie cœlioscopique ou violemment lors de la pratique du football. Elle
par voie inguinale (méthode de Liechtenstein). peut évoluer spontanément vers une cicatrice
En cas de tendinopathie des adducteurs, une fibreuse douloureuse ;
ténotomie peut être réalisée, isolément ou en • la tendinopathie proximale de l’iliopsoas ;
142 Traumatologie en pratique sportive
• la bursopathie peut avoir une origine micro- sous échographie peut être efficace. Dans de rares
traumatique ; cas, un traitement arthroscopique par ténolyse ou
• le ressaut : il est étudié séparément avec les res- allongement du tendon a été proposé.
sauts de hanche.
Cliniquement, la douleur de l’aine est le signe
révélateur et évoque en premier lieu une douleur Tendinopathies et ruptures
de hanche ou une fracture de fatigue. L’examen proximales des tendons
peut suspecter la responsabilité de l’iliopsoas s’il ischiojambiers
retrouve une douleur à la palpation ou provoquée
à la contraction contre résistance (flexion active
N. Lefevre, S. Herman, A. Gerometta, S. Klouche,
de hanche, genou en extension).
A. Hardy, O. Grimaud, A. Meyer, Y. Bohu.
L’imagerie permet le diagnostic de lésion de
l’iliopsoas : Les ischiojambiers à l’exclusion du chef court
• échographie avec coupes axiales et sagittales du biceps fémoral sont insérés en proximal sur la
comparatives au côté opposé, montrant une tubérosité ischiatique. Ils sont composés de deux
modification d’épaisseur ou une rupture ten- lames tendineuses : le semi-membranosus et le
dineuse avec hypo- ou hyperéchogénicité. Les tendon conjoint, lui-même composé du semi-ten-
fibres musculaires situées en avant du tendon dinosus et de la longue portion du biceps fémoral.
iliopsoas paraissent épaissies et hyperéchogènes ; Le semi-membranosus a une insertion antérieure
• IRM comportant des coupes horizontales et latérale par rapport à l’insertion du tendon
comparatives et des coupes sagittales recher- conjoint qui, lui, est situé plus en postérieur et
chant une modification de signal en T1 ou T2. médial. Le nerf sciatique chemine dans une nappe
Le traitement consiste dans un premier temps de tissu cellulo-adipeux verticalement sous ces
en un repos sportif, puis en une phase de réédu- deux plans musculaires, en passant en haut, en
cation comportant un travail excentrique des flé- dehors de la tubérosité ischiatique et à la partie
chisseurs de hanche et des étirements. En cas de moyenne en avant du biceps (Figure 5.16). Il assure
cicatrisation fibreuse douloureuse, une infiltration l’innervation de tous les muscles ischiojambiers.
Figure 5.16. Ischiojambiers (flèche) : IRM en séquences pondérées T1 dans le plan coronal. Anatomie normale : semi-
membranosus (a), semi-tendinosus (b), chef long du biceps (c), nerf sciatique (d).
Chapitre 5. Bassin et hanche 143
Les ischiojambiers sont actifs tout au long du du traitement conservateur : elle consiste alors
cycle de la marche, mais principalement en phase (selon Lempainen) en une ténotomie transverse
pendulaire terminale pour ralentir l’extension du isolée du demi-membranosus qui est suturé au
genou et initier l’extension de la hanche. Ils conti- biceps fémoral pour éviter une rétraction excessive.
nuent à fonctionner au début de la phase de pos-
ture pour aider à l’extension de la hanche. Parce
qu’ils sont digastriques, les ischiojambiers sont Ruptures proximales
plus à risque de blessure en raison de la possibilité des tendons ischiojambiers
d’un allongement rapide des muscles avec flexion
de la hanche et extension du genou combinées Les lésions musculaires des ischiojambiers comp
notamment pendant la phase du sprint ou de la tent parmi les blessures les plus fréquentes du
course à pied. sportif. Elles sont le plus souvent retrouvées dans
les sports d’accélération ou de décélération rapide,
de saut, de fente, ou de coups de pied comme
Tendinopathies des tendons le rugby, le football et les sports de combat. Ces
ischiojambiers proximaux lésions musculaires entraînent des arrêts sportifs
parfois prolongés et sont bien traitées médicale
Les contraintes répétées en traction telles qu’on ment. Les lésions tendineuses proximales des
peut les rencontrer dans certains sports (danse, ischiojambiers sont en revanche beaucoup plus
patinage artistique, course de haie, course de fond, rares. Ce sont des lésions graves qui nécessitent une
gardien de but au hand-ball) sont à leur origine. prise en charge chirurgicale précoce. La technique
Il peut s’agir de tendinopathies d’insertion ou chirurgicale est difficile et nécessite une bonne
d’atteintes directes du tendon. connaissance anatomique de la région ischiatique.
Cliniquement, elles se manifestent par des dou- Il conviendra de différencier les ruptures aiguës des
leurs au niveau de la tubérosité ischiatique, parfois ruptures chroniques, selon le délai écoulé entre le
accompagnées de sciatalgie tronquée. Elles sont traumatisme et la réparation chirurgicale.
souvent présentes à la course ou en position assise.
L’examen retrouve cette douleur à la fois à
Physiopathologie
la palpation et à l’étirement : celui-ci peut être
effectué en flexion antérieure du tronc ou par Le mécanisme de la blessure est l’allongement
le test du frotté sans ou contre résistance (signe excentrique brutal du groupe musculaire ischio-
du paillasson). Le diagnostic, essentiellement jambier à la suite d’une hyperflexion de la hanche
clinique, peut être confirmé par l’échographie et associée à une hyperextension du genou. La bles-
l’IRM, cette dernière étant surtout indiquée en sure se produit lors d’activités impliquant une accé-
cas de persistance après traitement. lération rapide du membre ou une décélération,
L’imagerie comporte en premier lieu l’écho- une fente avant ou un grand écart volontaire ou
graphie qui confirme le diagnostic. L’IRM n’est non. Cela se produit le plus souvent lors d’activités
pratiquée qu’en cas de suspicion de rupture ou de sportives à haute énergie, telles que le ski nautique,
bilan préchirurgical. le rugby, le football ou les sports de combat, mais
Le traitement est essentiellement conservateur : également lors d’accident domestique avec glissade
repos sportif, ondes de choc pour certains. Le et chute.
traitement rééducatif repose sur les massages trans-
verses profonds et surtout les étirements et le
Clinique
travail excentrique. L’infiltration de corticoïdes sous
échographie (proximité du nerf sciatique) peut être Les patients décrivent généralement avoir entendu
efficace mais présente un risque non négligeable de au moment de l’accident un craquement, un
rupture secondaire. La chirurgie est rarement pro- claquement et d’avoir la sensation d’une déchirure
posée en dehors des ruptures avérées ou après échec dans la jambe. La douleur est très intense voire
144 Traumatologie en pratique sportive
syncopale avec une douleur en coup de poignard L’IRM est l’examen de référence pour le diag-
dans la fesse. Cela s’accompagne dans les jours qui nostic des ruptures tendineuses des ischiojambiers.
suivent d’une ecchymose souvent très étendue de On utilise les séquences pondérées T1 et T2 Fat-Sat
toute la face postérieure de la cuisse. Les patients (saturation de graisse) dans le plan coronal et axial
peuvent également présenter des symptômes d’irri- de manière comparative en antenne dite « corps
tation du nerf sciatique, qui peuvent aller de sim- entier ». Un plan de coupe sagittal en séquence T2
ples douleurs postérieures de la fesse et de la cuisse, Fat-Sat unilatéral est parfois utile mais non systé-
aux symptômes de sciatique plus sévères tout le matique. L’IRM met typiquement en évidence, au
long de la jambe. niveau du site de rupture, un hématome plus ou
À l’examen physique (Figure 5.17), la marche moins conséquent, de signal variable en fonction
est difficile, le plus souvent sans appui. Le patient du délai par rapport au traumatisme. Le moignon
cherche une position antalgique en légère flexion tendineux rétracté est au sein du remaniement
de genou, afin d’éviter simultanément la flexion de hématique avec typiquement un aspect en grelot
la hanche et l’extension du genou. L’inspection (Figure 5.18). L’analyse de l’IRM permet de poser
cherche une ecchymose ou un œdème de la cuisse. le diagnostic de rupture complète ou partielle des
La position assise est douloureuse, voire impos- lames tendineuses, d’apprécier l’importance de
sible. La palpation de l’ischion peut provoquer la rétraction tendineuse, ainsi que l’état de souf-
une douleur, et un vide sous la fesse peut être noté france et la trophicité des muscles concernés.
dans certains cas. Enfin, la palpation en dessous de
l’ischion peut aider à identifier les tendons rétractés. Traitement
Une évaluation neurologique minutieuse doit être Le traitement chirurgical est aujourd’hui recom-
réalisée pour évaluer le nerf sciatique. mandé pour la prise en charge de ces lésions
tendineuses. La technique chirurgicale a beau-
Imagerie coup évolué depuis les premiers cas opérés par
La radiographie du bassin est le plus souvent Kouvalchouk en 1987 et par Ishikawa en 1988.
normale. L’échographie pourrait paraître comme L’abord était vertical avec une suture directe
une alternative séduisante car plus facile à réaliser des tendons rompus ou une réinsertion trans-
et moins coûteuse que l’IRM, mais l’analyse de osseuse du moignon tendineux par des tunnels
cette région anatomique par les ultrasons est très osseux dans l’ischion. La région étant difficile
difficile et opérateur-dépendante. d’accès, rapidement des équipes chirurgicales ont
Figure 5.17. Examen clinique d’un patient présentant une rupture des ischio-jambiers.
a. Hématome post-traumatique après rupture complète proximale des tendons ischiojambiers. b. Palpation d’un vide sous
la fesse.
Chapitre 5. Bassin et hanche 145
Une IRM réalisée en urgence permettra de confir- manifeste par une douleur sur le tendon pouvant
mer ce diagnostic. simuler une douleur de hanche : la radiographie
Le traitement chirurgical est aujourd’hui confirme l’absence de coxopathie et retrouve
recommandé. La réparation aiguë (moins de 4 parfois une irrégularité ou érosion corticale. Le
semaines après la blessure) est à privilégier car tendon est très accessible à l’échographie et peut
elle donne de meilleurs résultats et moins de retrouver un élargissement, une variation d’écho-
complications postopératoires que les blessures génicité ou des microcalcifications. Le traitement
chroniques. La reprise du sport et le pronostic est pratiquement toujours conservateur.
sont liés significativement au délai de prise en
charge et au niveau sportif du patient blessé.
Avulsion ou rupture
du tendon droit fémoral
Points clés : ruptures proximales (rectus femoris) proximal
des ischiojambiers
Elle concerne le tendon direct et parfois le tendon
• Les tendinopathies et ruptures proximales des tendons réfléchi (environ 50 % des cas) et se rencontre
ischiojambiers sont des lésions rares alors que les lésions volontiers chez le footballeur, le buteur au rugby,
musculaires des ischiojambiers sont très fréquentes. après un shoot violent ou encore en athlétisme
• Le mécanisme de la blessure est l’allongement
chez le sprinter. Elle correspond aux arrachements
excentrique brutal du groupe musculaire ischiojambier à
la suite d’une hyperflexion de la hanche associée à une de l’épine iliaque antéro-inférieurs observés chez
hyperextension du genou. l’adolescent (voir chapitre 12).
• L’IRM est l’examen de référence pour le diagnostic Cliniquement, on note une douleur vive au
des ruptures tendineuses des ischiojambiers. niveau de l’insertion du tendon direct. L’écho-
• Le traitement chirurgical est recommandé, en particu- graphie confirme le diagnostic d’avulsion ou de
lier chez le sportif. Il consiste en une réinsertion du tendon rupture et retrouve un hématome à ce niveau.
proximal avec, en cas de rétraction, libération musculaire L’IRM est pratiquée dans le bilan préchirurgical.
et neurolyse du nerf sciatique. En postopératoire, une Il précise si l’atteinte concerne un seul ou les
attelle articulée et une rééducation sont prescrites.
deux tendons d’origine (Figure 5.19) et permet
• Les résultats du traitement chirurgical sont bons avec
reprise du sport au moins au même niveau chez 70 % d’étudier au mieux le tendon réfléchi.
des patients, surtout si les patients ont été opérés dans Le traitement est surtout discuté chez le foot-
les 4 premières semaines suivant le traumatisme. balleur professionnel entre tenants de l’abstention
Tendinopathies et ruptures
proximales du droit
fémoral (rectus femoris)
Y. Catonné, E. Rolland, H. Guerini
Tendinopathie proximale
du droit fémoral (rectus femoris)
Elle est relativement rare et a été décrite en parti-
culier chez les danseurs (plutôt chez des amateurs
et des pratiquants de danse contemporaine) après Figure 5.19. IRM : rupture du tendon proximal du droit
élévation prolongée du membre inférieur. Elle se fémoral.
Chapitre 5. Bassin et hanche 147
transverses profonds. En cas d’échec, l’infiltration beaucoup plus rares ont été décrites : ressaut lié
locale de corticoïdes au niveau de la zone de aux ligaments iliofémoraux sur la tête fémorale,
frottement est souvent efficace sur la douleur. ressaut du psoas au niveau du petit trochanter.
En cas d’échec, un traitement chirurgical peut La pratique sportive est un élément important
être proposé. Différentes techniques ont été dans le déclenchement du ressaut et la survenue
décrites : allongement de la bandelette (en Z, de douleurs : en particulier, le ressaut antérieur
section oblique), section en croix associée à une semble fréquent chez les danseurs de ballet clas-
fixation des berges (Kouvalchouk). Actuellement, sique (jusqu’à 10 % des danseurs dans certaines
la section ou l’allongement de la bandelette sous publications). La gymnastique ou les sports de
arthroscopie sont privilégiés par beaucoup. combat peuvent également être responsables.
Cliniquement, le ressaut est le plus souvent
asymptomatique, mais il peut devenir doulou-
Ressaut antéromédial : iliopsoas reux. Il se manifeste par un claquement lors du
mouvement d’extension ou d’hyperextension, le
Moins fréquent que le ressaut latéral, il est lié plus souvent audible. L’examen recherche une
dans la grande majorité des cas à un conflit de la douleur à la manœuvre de contraction contrariée
lame aponévrotique postérieure du psoas et de en décubitus dorsal.
l’éminence iliopectinée (Figure 5.20). Ce ressaut L’échographie dynamique est l’examen majeur,
survient lorsque la hanche est en extension active, confirmant le diagnostic ( vidéo 5.1) : lors du
le psoas étend tendu sur le bord antérieur du bas- mouvement actif d’abduction, flexion et rotation
sin. Il est audible, parfois douloureux. La douleur latérale (manœuvre de la grenouille), elle montre
peut être liée à une bursite survenant entre le relief une désincarcération brutale du tendon contre l’os,
osseux et la lame aponévrotique. D’autres causes parfois des signes de tendinopathie ou une bursite.
Figure 5.20. Mécanisme du ressaut antéromédial de l’ilio-psoas : conflit de la lame aponévrotique postérieure du psoas
et de l’éminence iliopectinée.
Source : Kouvalchouk JF. Ressauts de hanche. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Appareil locomoteur, 14-320-C-10,
2003,
Chapitre 5. Bassin et hanche 149
lésion (localisation par rapport à la vascularisation Ces délais ne sont qu’indicatifs avec notam-
périphérique, complexité et extension). ment une évolution régulièrement plus longue
Dans tous les cas, cette évaluation se fait en au ménisque latéral, probablement en raison
préopératoire, mais ce sont les constatations pero- de contraintes différentes (majoritairement en
pératoires qui confirmeront ou pas l’indication cisaillement). Le risque de chondrolyse rapide,
d’une réparation ou d’une méniscectomie. d’hydarthrose à répétition ou de douleurs inva-
La réparation méniscale vise à obtenir une lidantes est alors important. Il faut donc adapter
cicatrisation afin d’éviter les effets délétères d’une le protocole de reprise sportive au cas par cas, en
méniscectomie. En effet, le caractère arthrogène n’hésitant pas à mettre les patients en appui sou-
de celle-ci est bien connu avec des taux d’arthrose lagé durant 1 à 3 semaines après l’intervention.
secondaire important (25 % au ménisque médial Ainsi la réparation méniscale, bien que repré-
et 40 % au ménisque latéral à 20 ans). Il est impor- sentant la solution « idéale » à long terme, doit
tant de souligner que les résultats fonctionnels des être expliquée et proposée à des patients motivés
sutures méniscales sont satisfaisants avec des taux conscients du risque d’échec, de méniscectomie
de méniscectomie secondaire relativement faibles. secondaire et d’allongement de la durée d’indis-
La cicatrisation après réparation, bien qu’incons- ponibilité sportive.
tante, a bien été démontrée tout comme son effet Plusieurs situations cliniques se distinguent
protecteur sur le cartilage à long terme. ainsi en fonction du statut ligamentaire.
Pujol a également bien montré que cette répa- Devant une lésion traumatique sur genou stable,
ration n’était pas délétère si elle échouait et qu’il la première question à se poser est le potentiel de
était toujours possible de réaliser une ménis- cicatrisation spontanée de la lésion. Il n’est en effet
cectomie secondaire. pas rare, en particulier devant des lésions périphé-
En résumé, proposer une réparation méniscale riques du ménisque latéral, de voir ces lésions cicatri-
peut réellement éviter la dégradation arthrosique. ser. Le traitement chirurgical, hormis sur un genou
L’échec expose uniquement à une perte de temps bloqué par une anse de seau, n’est jamais urgent
avec nécessité d’une seconde intervention, mais (figure 6.4). Le traitement de première intention
sans perte de chance. Il s’agit là d’un élément peut alors tout à fait être conservateur associant
important dans la prise de décision, en particulier contention, repos et limitation de la flexion.
devant un patient jeune. En l’absence de cicatrisation spontanée, la solu-
Sans rentrer dans les détails techniques, dont tion est le plus souvent chirurgicale. La décision
cette partie n’est pas le propos, la question à est prise pendant l’acte chirurgical en fonction
se poser est donc celle de la réparabilité des des constatations peropératoires et de l’évaluation
lésions méniscales. Car si la réparation semble la préopératoire.
solution idéale, il apparaît que malheureusement La réparation méniscale est proposée le plus sou-
toute lésion n’est pas réparable. Il est également vent possible : lésion périphérique en zone rouge
important de discuter avec l’athlète des suites chez un patient jeune, surtout en cas de lésion
opératoires et en particulier du délai de retour au récente et sur un ménisque latéral.
sport ainsi que du risque d’échec de la suture et En cas d’irréparabilité, on propose une ménis-
donc de réintervention. cectomie, là encore la plus économe possible avec
Il existe une grande variabilité des suites en de bons résultats en particulier pour le ménisque
fonction du choix thérapeutique et du type de médial.
lésion. Sur un genou laxe, le raisonnement est différent.
En effet, si le retour au sport après méniscecto- Dans le cadre d’une instabilité chronique, la
mie interne est souvent relativement rapide (reprise lésion méniscale marque un tournant évolutif. En
de la course entre 8 et 10 semaines et des pivots effet, le pronostic, en particulier arthrogène, est
aux alentours du 3e mois), il n’en va pas de même nettement péjoré par cette lésion.
pour la réparation (reprise de la course entre le 3e Le traitement de la lésion méniscale est quasi-
et le 4e mois et des pivots entre le 5e et le 6e mois). ment exclusivement chirurgical et ne saurait être
Chapitre 6. Genou 155
Figure 6.5. Lésion méniscale horizontale dégénérative : IRM, vues frontale (a) et sagittale (b).
Figure 6.7. Vues arthroscopiques d’une lésion dégénérative avec méniscectomie partielle.
Figure 6.9. Languette méniscale luxée sous le ménisque (a) et dans le récessus méniscotibial (b).
Le traitement est une méniscectomie partielle de la languette.
jusqu’au bord supérieur du plateau tibial. Il est • 3e degré : rupture du ligament avec solution
adhérent au ménisque par des fibres fémoro- de continuité qui peut se situer à son insertion
méniscales en haut et des fibres tibioméniscales proximale, en plein corps du ligament, ou à son
en bas. Il constitue le mur méniscal qui peut insertion distale. L’immobilisation complète puis
rester douloureux en cas de lésion associée du partielle est indispensable à une cicatrisation.
ménisque médial.
La classique entorse du LCM intéresse le plan
superficiel. Clinique
Le LCM est la sentinelle du ligament croisé
antéro-externe.
Physiopathologie L’examen clinique du ligament collatéral médial
Le rôle majeur du LCM est d’assurer un contrôle doit s’acharner à éliminer une lésion associée
actif : du ligament croisé antéro-externe (LCAE) et du
• du valgus du genou ; ménisque médial, car le diagnostic d’entorse
• de la rotation latérale « automatique » du tibia du LCM est souvent posé dès l’interrogatoire.
sous le fémur ; Le diagnostic d’une entorse du LCM est prin-
• de la subluxation antérieure du plateau tibial cipalement un diagnostic d’interrogatoire préci-
médial. sant l’âge du patient, le sport pratiqué, le niveau
Il est tendu en rotation externe et se détend d’intensité ou de performance et détaillant le
en rotation interne ; de même il est tendu pour mécanisme à l’origine de la douleur.
une extension supérieure à 20° et une flexion On recherche dans un premier temps une
supérieure à 60°. Son amplitude de mise en repos modification d’aspect du genou, qui peut présen-
(détendu) se situe donc entre 20 et 60° de flexion. ter un épanchement intra-articulaire, en faveur
Le mécanisme traumatique typique de lésion d’une lésion associée grave, ou un hématome à
du LCM est le valgus forcé en légère flexion et la face interne. On demande ensuite au patient
rotation externe du tibia sous le fémur, appelé d’effectuer une extension, puis une flexion la
VALFE. C’est un mécanisme indirect. Le LCM plus complète possible en recherchant l’apparition
peut être également lésé par traumatisme direct d’une douleur et en notant sa localisation précise.
lors d’un choc de dehors en dedans provoquant Le test clinique de recherche de laxité dans le
un valgus forcé sans rotation externe. plan frontal s’effectue d’abord à 20° de flexion
Le patient décrit le mécanisme vulnérant (VALFE puis en extension ; il est coté entre 0 et 3 croix de
ou valgus forcé par choc externe), la sensation de manière comparative au genou sain :
craquement dans le genou et une douleur fulgu- 0 = pas de laxité ;
rante à l’origine d’une impotence fonctionnelle + = laxité minime (souvent physiologique si indo-
majeure (le sportif quitte le terrain en boitant sur lore et retrouvée sur le côté controlatéral) ;
la pointe du pied genou à 30° de flexion). Au ++ = bâillement de l’interligne interne avec un
bord du terrain comme quelques jours après, le arrêt dur témoignant de la distension ligamen-
maître symptôme est la douleur du compartiment taire sans solution de continuité ;
fémorotibial médial à l’origine d’une boiterie. +++ = bâillement complet de l’interligne articu-
La lésion du LCM est définie en trois degrés de laire sans résistance témoignant de la rupture
gravité croissante : du LCM.
• 1er degré : étirement au-delà des 5 % de sa Le même test est réalisé en extension à la
réserve élastique. Il reste en continuité et cica- recherche d’une lésion associée du point d’angle
trise en quelques jours (< 15 jours) ; postéro-interne (PAPI) et de la capsule pos-
• 2e degré : rupture importante du tissu conjonc- térieure du genou. En l’absence de bâillement de
tif, mais il reste continu, ce qui nécessite une l’interligne articulaire en valgus genou en exten-
immobilisation partielle pour cicatriser en sion, il n’y a pas de lésion associée du PAPI ni
quelques semaines ; de la capsule postérieure. Sinon, il faut pratiquer
160 Traumatologie en pratique sportive
l’examen clinique du pivot central et des struc- aussi le ligament croisé postérieur (LCP) et les
tures ligamentaires postérieures à la recherche de coques condyliennes.
lésions associées graves.
Au terme de cet examen clinique, on peut Imagerie
poser le diagnostic clinique d’entorse du LCM Des clichés radiographiques de genou de face et
(figure 6.10) : de profil permettent d’éliminer un arrachement
• entorse bénigne stade 1 : douleur aiguë sur osseux pouvant faire discuter un avis chirurgical.
le trajet du LCM sans laxité interne (entorse Une radiographie normale n’élimine en aucun cas
bénigne par distension du LCM) ; une entorse d’un ligament collatéral ni du pivot
• entorse bénigne stade 2 : douleur et laxité central.
interne ++ en flexion 20° (entorse bénigne L’échographie n’est faite que si l’évolution
moyenne par lésion partielle du LCM) ; de cette entorse n’est pas favorable dans le délai
• entorse bénigne stade 3 : rupture du LCM, il habituel.
peut ne plus y avoir de douleur compte tenu de L’IRM n’est prescrite qu’en cas de doute sur
la rupture des fibres nerveuses. Laxité interne une lésion du pivot central et des ménisques. Elle
+++ en flexion 20° (entorse bénigne sévère par doit par contre être demandée en urgence (sous
rupture isolée du LCM) ; 48 h) pour avis chirurgical, en cas de suspicion de
• entorse grave : douleur postéro-interne, épan- rupture des coques condyliennes, c’est-à-dire s’il
chement et laxité interne en extension (entorse existe une laxité interne sur un genou en exten-
grave par rupture du LCM + pivot central sion et si le tiroir antérieur en rotation externe
et/ou coque condylienne), mais aussi parfois est positif.
avulsion osseuse déplacée.
L’association d’une lésion du LCA, du ménisque
Traitement
ou des points d’angle postérieurs est à redouter
dans ces entorses graves. Le tableau réalise les Le traitement des entorses du LCM est le plus
« sinistres » triades ou pentades médiales. souvent « orthopédicofonctionnel » en cas de
Les lésions des coques postérieures sont des grade 1 et 2, mais l’avis chirurgical doit être
urgences diagnostiques car un geste chirurgical rapide (quelques jours au maximum) en cas de
s’impose avant la rétraction des moignons rom- grade 3 ou d’entorse grave.
pus. Cette chirurgie ligamentaire « d’urgence » En cas d’avulsion osseuse déplacée, la chirurgie
permet d’éviter une ligamentoplastie complexe peut être indiquée, les avulsions osseuses non
devant stabiliser non seulement le LCAE mais déplacées pouvant être immobilisées dans une
L’examen analyse les mobilités actives, le déficit Une consultation de réévaluation doit être mise
de flexion ainsi que le déficit d’extension, notam- en place 5 à 8 jours après le bilan initial pour
ment à la recherche d’un blocage vers l’extension affiner l’examen.
qui pourrait signifier la présence d’une lésion
méniscale de type anse de seau.
Bilan clinique au stade chronique
La mise en évidence d’un épanchement intra-
articulaire plus ou moins abondant est impor- Au stade chronique, l’examen clinique est beau-
tante, car elle pourra conditionner la rapidité de coup plus aisé et peut être beaucoup plus détaillé
récupération après les premiers soins. compte tenu de la sédation des douleurs.
Le testing ligamentaire vérifie et teste l’intégrité L’examen clinique s’attache à être bilatéral et
des ligaments périphériques, le LCP et le LCA. comparatif et s’intègre dans l’examen programmé
Il est tout à fait possible d’analyser en aigu une du genou, compartiment par compartiment, en
laxité quelle qu’elle soit si le patient est détendu veillant à n’oublier aucune structure anatomique
et si les manœuvres sont douces. qu’elle soit ligamentaire, tendineuse, cartilagineuse
La rupture isolée du LCA se dépiste par la ou osseuse.
manœuvre de Lachman à la recherche d’un arrêt Le patient est examiné debout et allongé.
mou au tiroir antérieur, genou fléchi entre 20 et Il faut veiller à analyser le morphotype du
30° de flexion. patient (normo-axé, varus, valgus), l’apparition
Il est inutile de rechercher un ressaut rotatoire d’un recurvatum à la marche ou d’un varus dyna-
interne par la manœuvre du pivot shift ou le jerk mique éventuellement (en cas de lésions devenues
test à la phase aiguë sous peine de déclencher des chroniques du LCL ou des capsules postérieures).
douleurs trop importantes. Une hyperlaxité constitutionnelle est soigneuse
Un examen vasculonerveux, même sommaire, ment recherchée, en analysant le recurvatum arti-
doit éliminer une complication immédiate, certes culaire du genou (comparatif), la rotation externe
rare mais possible… au niveau de l’épaule, le cubitus recurvatum et la
Lors de cet examen initial, il est tout à fait pos- distance pouce–radius.
sible d’éliminer les urgences chirurgicales, d’éli- Parallèlement à la situation vue en aigu, l’exa-
miner les lésions associées et de confirmer la lésion men clinique recherche un épanchement, analyse
isolée du LCA qui, en soi, n’est pas une urgence précisément les mobilités, les points douloureux,
chirurgicale. l’appareil extenseur, et recherche un flessum ou
En l’absence d’urgence chirurgicale et si le une perte du recurvatum physiologique du côté
patient n’est pas totalement examinable car trop lésé.
douloureux, une ponction évacuatrice de l’épan- Il faut analyser et dépister une éventuelle amyo-
chement peut tout à fait être discutée suivie de trophie quadricipitale.
la mise en place d’un traitement de première Le bilan ligamentaire peut dès lors être beau-
intention visant à rendre le genou examinable. coup plus précis et s’attache à rechercher une
Ce traitement de première intention associe lésion éventuelle concomitante des plans périphé-
l’immobilisation, le glaçage, la surélévation, la riques que nous n’aborderons pas ici, une lésion
mise en décharge, la prescription d’antalgiques et du LCP et il précise le type de laxité en rapport
d’anti-inflammatoires, l’utilisation d’une conten- avec la lésion du LCA.
tion souple, de type bas de contention, qui La manœuvre de Lachman bilatérale et compa-
permettra par ailleurs de prévenir l’apparition de rative permet de retrouver un arrêt dur, un arrêt
phénomènes thrombo-emboliques. dur retardé ou un arrêt mou signant respective-
La prescription d’anticoagulants à titre préven- ment l’absence de laxité sagittale (toujours pos-
tif peut être discutée et introduite en fonction sible dans le cas d’une rupture partielle touchant
du degré d’impotence, des facteurs de risque le faisceau postérolatéral isolé du LCA), une
associés, des antécédents et de la mise en décharge rupture partielle du LCA, une rupture complète
ou pas du patient. du LCA.
166 Traumatologie en pratique sportive
Un testing du tiroir antérieur genou fléchi à de réévaluation, ou en cas de lésion associée, une
90°, lorsqu’il est positif, peut révéler la présence IRM peut être demandée à la recherche de lésion
de lésions des structures capsulaires postérieures méniscale ou pour affirmer l’existence de l’atteinte
et des ménisques associées à la rupture du LCA. du LCA (pas d’une rupture), notamment chez les
Le test de Lachman analyse la laxité sagittale patients à forte corpulence, les sportifs profes-
qui n’est pas suffisante dans l’appréciation d’une sionnels, les patients non coopérants à l’examen
lésion du LCA et qui doit être complétée systéma- clinique ou trop tendus lors de celui-ci et pour
tiquement par une recherche de laxité rotatoire lesquels le doute doit être levé.
par la recherche d’un ressaut rotatoire interne Au stade chronique, le bilan d’imagerie a trois
qui peut, en début d’expérience, s’avérer difficile enjeux :
à pratiquer. • confirmer le diagnostic de rupture et rechercher
Ce test (jerk test, pivot shift, test de MacIn- des lésions associées ;
tosh…) reproduit la sensation d’instabilité qu’a le • analyser le morphotype du patient et éliminer
patient lorsqu’il pratique un pivot au cours de ses des signes arthrosiques, notamment chez des
activités sportives. patients de plus de 35 ans ;
Ce test doit combiner une rotation interne du • préciser l’importance de la laxité.
squelette jambier sous le fémur, associée à un val- Le bilan radiographique comporte des inci-
gus et une flexion. Le patient doit être totalement dences comparatives des deux genoux de face et
relâché et percevra, ainsi que l’examinateur, un de profil ainsi qu’une incidence fémoropatellaire,
ressaut articulaire correspondant à la réduction des clichés en incidence en schuss comparatifs ainsi
brutale du plateau tibial latéral sous le condyle que des grands axes de type pangonogramme (en
fémoral latéral. cas de douleurs chroniques faisant suspecter des
Au terme de cet examen clinique au stade problèmes arthrosiques associés).
chronique, il est possible de classifier la lésion du Ce bilan permet de rechercher des signes arthro-
LCA en simple entorse, rupture partielle, rupture siques, d’analyser le compartiment fémoropatellaire
complète. et de mesurer l’importance d’une déviation axiale
Ce bilan confirme l’atteinte isolée du LCA et en varus ou en valgus, surtout chez les patients
donc l’absence de lésion associée clinique. douloureux et instables (ce qui pourrait faire dis-
Enfin, ce bilan clinique permet de contextualiser cuter une ostéotomie correctrice plus ou moins
cette lésion par rapport au terrain du patient, tel associée à une ligamentoplastie). Il permet en outre
qu’un hyperlaxe, un grand genou varum/valgum, d’analyser la pente tibiale et d’apprécier la taille de
un genou raide, une amyotrophie quadricipitale, l’échancrure intercondylienne fémorale qui sont
une rotule basse/haute, un genou liquidien… tous deux des facteurs de risque d’une part de rup-
ture, d’autre part de rupture après ligamentoplastie.
La pratique de clichés dynamiques de type
Imagerie Telos® antérieur, comparatifs, permet de juger de
Au stade aigu, le bilan paraclinique comme dit l’importance de la laxité, le diagnostic de rupture
précédemment nécessite d’emblée un bilan radio- du LCA demeurant toutefois clinique. Enfin, une
graphique du genou de face et de profil, ainsi IRM permet d’analyser le type de lésion du LCA,
qu’une incidence fémoropatellaire afin d’éliminer de vérifier l’intégrité des plans périphériques,
une fracture dont le traitement sera totalement d’analyser le LCP et surtout de vérifier l’absence
différent. de lésion méniscocartilagineuse.
Si l’examen clinique est suffisamment pertinent Si l’entorse est semi-récente, l’IRM permet
à la phase initiale et qu’il n’y a pas de doute sur d’analyser conjointement l’importance de la
l’existence de lésions associées, l’IRM n’est pas contusion intra-osseuse des condyles fémoraux et
demandée. des plateaux tibiaux et de juger de l’importance
Dans le cas contraire, en cas de doute diagnos- de l’épanchement résiduel (en confirmation de
tique, surtout à la consultation des 5 à 8 jours l’examen clinique).
Chapitre 6. Genou 167
rotatoire interne important qui sera plus en faveur permettant de contrôler au mieux le ressaut rota-
d’une proposition chirurgicale que conservatrice. toire interne.
Une chirurgie stabilisatrice peut être proposée Globalement, chaque technique présente des
à un patient motivé, observant, disponible pour avantages et des inconvénients que le chirurgien
une rééducation postopératoire longue et parfois du genou connaît et exposera à son patient pour
fastidieuse. l’informer de la technique choisie.
À l’inverse de tous ces cas de figure, un traite- Quelle que soit la technique entre les mains
ment conservateur peut être proposé. d’un chirurgien expérimenté, les résultats seront
Le traitement conservateur donne d’excellents similaires si celle-ci est adaptée au profil du patient
résultats et ne doit pas être considéré comme un et au type de laxité.
abandon thérapeutique, ce qui est parfois vécu
comme tel chez des patients mal informés.
Le traitement conservateur nécessite des Résultats des ligamentoplasties
consultations de suivi de l’efficacité de la réédu- Actuellement, aucune étude ne permet d’affirmer
cation avec des paramètres cliniques subjectifs l’efficacité du traitement fonctionnel dans la sur-
et objectifs, tels qu’une analyse de la force venue d’une instabilité en cas de rupture complète
musculaire, des tests proprioceptifs, qui permet- du LCA (Haute Autorité de santé).
tront de guider le patient dans sa récupération Cependant même en l’absence d’étude prospec-
sportive. tive randomisée comparant le traitement conser-
Le traitement conservateur peut être tenté dans vateur et le traitement chirurgical, le traitement
des cas limites d’indication opératoire et en cas conservateur garde une place tout à fait privilégiée
d’échec de celui-ci, une intervention demeure dans l’arsenal thérapeutique, notamment chez les
possible secondairement. Ceci sous-entend d’éta- patients sédentaires ou peu sportifs, surtout après
blir un suivi clinique régulier, de guider le patient 40 ans, en l’absence de ressaut rotatoire interne
dans sa récupération sportive, de l’informer et de à l’examen clinique et en l’absence de lésion
l’accompagner dans ses choix. associée ou de phénomène d’instabilité.
Chez ce type de patient, le traitement conser-
Technique opératoire vateur peut être tenté et en cas d’échec une
La reconstruction du LCA est de plus en plus chirurgie secondaire peut tout à fait être indiquée.
aboutie techniquement. Les résultats de la chirurgie sont extrêmement
Les progrès en matière d’ancillaire de gui- encourageants avec un taux de reprise d’activité
dage et d’aide au positionnement des tunnels, sportive de plus de 90 % des cas pour la majorité
les connaissances biomécaniques, les transplants des études récentes, mais avec un niveau sportif
potentiellement utilisables, les moyens de fixation, qui reste perfectible même s’il s’est amélioré
les techniques et le suivi postopératoire, notam- récemment avec l’introduction de programmes de
ment en rééducation, font de la ligamentoplastie rééducation spécifique.
une intervention extrêmement pratiquée et qui À titre d’exemple, seulement un sportif de loisir
donne de très bons résultats dans plus de 90 % opéré d’une ligamentoplastie sur deux retrouvera
des cas. le même niveau sportif à 2 ans de recul, une
Divers transplants peuvent être utilisés tels que information précise des patients en préopératoire
les ischiojambiers, le tendon rotulien, le fascia lata est donc nécessaire.
ou le tendon quadricipital. Le taux de méniscectomie secondaire après
Tous ces différents transplants sont utilisables reconstruction du LCA est de moins de 5 %, ce
avec des philosophies, des techniques de prépara- qui en fait une chirurgie protectrice pour l’avenir
tion et de fixation différentes. des ménisques.
De façon globale, il existe des techniques de Concernant la survenue de l’arthrose, le rôle
reconstruction isolée, intra-articulaire du LCA, préventif de l’évolution arthrosique par la liga-
et des reconstructions intra- et extra-articulaires mentoplastie n’est pas encore clairement établi.
Chapitre 6. Genou 169
Dans une population de sportifs de haut niveau de la rotule en flexion. Le centre de rotation du
pratiquant le football, le hockey, le rugby, le foot- genou est donc modifié et le moment d’action
ball américain, la lutte ou le handball, il a été du quadriceps est diminué. Ceci augmente les
retrouvé, lors d’examens systématiques de début de forces de pression fémoropatellaire et fémoro-
saison sportive, une incidence de 1 à 7 % de lésions tibiale. Les lésions cartilagineuses dégénératives
du LCP. La plupart de ces lésions étaient isolées et sont liées aux modifications de la cinématique
asymptomatiques lors de l’examen. Il existerait ainsi du genou augmentant les contraintes au sein
une rupture du LCP par équipe et par saison dans des différents compartiments. Ces modifications
la ligue professionnelle de football américain nord- entraînent une augmentation des pressions sur le
américaine et une rupture du LCP par équipe tous cartilage des compartiments fémoropatellaire et
les 3 ans dans la ligue professionnelle de hockey fémorotibial médial. L’augmentation des forces
nord-américaine. La rupture du LCP fait toujours de pression est encore plus importante en cas de
suite à un accident à haute énergie. lésions associées des structures postérolatérales.
laxité postérieure ainsi que de diagnostiquer les des lésions est quasi nul. Dans le cas des
laxités combinées. On préfère réaliser des clichés laxités chroniques anciennes, l’élément clinique
reproductibles sous contraintes par un appareil de important à rechercher est la réductibilité du
type Telos® en tiroir postérieur à 90° de flexion tiroir postérieur avant d’envisager une recons-
ou en contraction des muscles ischiojambiers truction chirurgicale : ceci doit inciter à réaliser
(figure 6.15). un assouplissement de l’articulation par la kiné-
Un pangonogramme en charge est réalisé en cas sithérapie avant tout geste de reconstruction
de lésion postérolatérale associée. ligamentaire ;
L’IRM confirme le diagnostic de rupture du • Sévérité de la lésion : la sévérité de la laxité est
LCP et des autres plans ligamentaires et recherche évaluée cliniquement par le tibial step-off. Elle
des lésions méniscales et cartilagineuses associées. peut également être évaluée par des clichés
Au stade chronique, l’aspect du LCP peut être radiographiques dynamiques en tiroir postérieur
remanié et continu du fait d’une cicatrisation avec mesures différentielles entre le genou sain
détendue et être faussement rassurant : les clichés et le genou lésé. La laxité est faible lorsque
dynamiques rétabliront le diagnostic. le tiroir postérieur différentiel est inférieur à
6 mm, moyenne entre 6 et 10 mm et élevée
quand elle est supérieure à 10 mm. Ces trois
stades sont superposables au tibial step-off des
Anglo-Saxons.
• Présence de lésions combinées permettant de
classer les laxités postérieures :
– laxités postérieures directes avec lésion isolée
du LCP ;
– laxités postéro-postéro-latérales associant une
lésion du LCP et des éléments latéraux et
postéro-latéraux ;
– laxités postéro-postéro-médiales associant
une lésion du LCP et des éléments médiaux
et postéromédiaux ;
– laxités postérieures globales en cas d’atteinte
du LCP, des structures postérolatérales et
postéromédiales ;
– laxités antéropostérieures en cas d’atteinte
combinée du LCP et du LCA.
• Lésions associées (ménisque, cartilage).
Figure 6.15. Radiographie en stress par Telos® à 90°
de flexion en tiroir postérieur. • Âge du patient.
Noter la translation postérieure des plateaux tibiaux. • Niveau d’activité et gêne fonctionnelle.
tibia en position de réduction en luttant contre méniscales initiales, de lésions cartilagineuses et/
la subluxation postérieure liée à la pesanteur et ou de lésions combinées sont des facteurs péjora-
à la contraction des muscles ischiojambiers. La tifs de l’évolution.
première phase est une phase d’immobilisation Ces données sont à analyser avec précaution.
de 2 à 6 semaines avec un contre-appui à la face Les populations décrites sont hétérogènes et peu-
postérieure du tibia pour diminuer la subluxation vent inclure des laxités chroniques et des ruptures
tibiale postérieure. Cette période privilégie la aiguës. Il coexiste des laxités postérieures simples
lutte contre l’inflammation locale et l’amyotro- et des laxités postérieures combinées. Le traite-
phie quadricipitale par la cryothérapie et l’élec- ment non chirurgical n’est pas consensuel dans
trostimulation, ainsi que la mobilisation passive ses modalités. Les scores d’évaluation et l’étude
d’entretien des amplitudes articulaires de 0 à 90°. des laxités objectives sont inconstants.
Toute contraction des muscles ischiojambiers est
proscrite. Après cette période, la phase de kinési-
Traitement chirurgical :
thérapie active peut débuter avec récupération des
techniques et résultats
amplitudes articulaires et de la force musculaire
en privilégiant le quadriceps. La reprise des acti- Le choix du greffon utilisé peut être une auto-
vités sportives est envisagée après recouvrement greffe de tendon quadricipital, de tendon patel-
complet de la force musculaire quadricipitale, laire ou d’ischiojambiers en quatre brins. Les
entre 6 et 12 mois en moyenne après le trau- allogreffes sont utilisées communément dans les
matisme en commençant par les sports en ligne. pays anglo-saxons avec de bons résultats. La
Le succès du traitement se traduit par la reprise reconstruction du LCP par ligament synthétique,
d’activité et une diminution de la laxité d’au notamment à la phase aiguë, est également pos-
moins 5 mm à 6 mois selon les séries. sible avec un phénomène de tuteur de cica-
Des études prospectives sur le traitement non trisation permettant une cicatrisation du LCP en
chirurgical ont mis en évidence de bons résultats bonne position sur le ligament artificiel. Les tests
au recul moyen de 2 à 6 ans avec 80 à 90 % de résistance de l’ensemble de ces greffons sont
de résultats subjectifs satisfaisants : 80 à 100 % tous supérieurs à la résistance d’un LCP natif.
des patients avaient pu reprendre leurs activités Les résultats du symposium de la Société fran-
physiques et sportives avec un niveau équivalent çaise de chirurgie orthopédique et traumato-
dans 68 à 100 % des cas. Il n’existait pas de logique (SOFCOT) et de la Société française
corrélation entre la laxité postérieure résiduelle d’arthroscopie (SFA) ont retrouvé de meilleurs
et les scores fonctionnels subjectifs et objectifs. résultats fonctionnels et un meilleur contrôle de
Il n’existait pas non plus de corrélation entre la laxité avec une chirurgie arthroscopique par
l’importance du pincement articulaire et la laxité. rapport à une chirurgie à ciel ouvert. L’apport
La laxité était stable dans le temps. Les résultats de l’arthroscopie permet une meilleure position
fonctionnels étaient corrélés à la force musculaire du tunnel fémoral. Les résultats du traitement
quadricipitale. chirurgical sont bons dans les laxités postérieures
D’autres auteurs ont retrouvé des résultats isolées avec, selon les séries, des reprises sportives
moins encourageants et jusqu’à 70 % de douleurs possibles y compris dans les sports pivot avec un
résiduelles ainsi que 45 % d’épisodes d’instabilité délai de 1 an en moyenne. Dans la littérature,
à la marche. D’autres séries ont retrouvé 51 % de nous n’avons pas retrouvé d’auteurs mentionnant
reprise d’activité sportive avec une dégradation la reprise sportive après chirurgie ligamentaire
continue des scores fonctionnels objectifs, sub- en fonction du type de sport pratiqué. La reprise
jectifs et arthrosiques en moins de 5 ans : 49 % sportive est très hétérogène dans les données
des patients d’une série considéraient leur genou de la littérature. Il existe entre 29 et 83 % de
comme anormal, 90 % présentaient des douleurs reprise sportive au même niveau sur des laxités
dont 43 % à la marche normale, 65 % étaient limi- postérieures isolées. Dans la série du symposium
tés dans leurs activités quotidiennes. Des lésions de la SFA en 2004, 90 % des patients pratiquaient
Chapitre 6. Genou 175
une activité physique avant l’accident et 74 % sur les compartiments fémorotibiaux médiaux et
avaient repris leurs activités physiques après fémoropatellaires. Les indications thérapeutiques
l’intervention. Avant l’accident, 51 % pratiquaient sont résumées dans la figure 6.16.
le sport de manière intensive et 26 % l’avaient
repris au même niveau après la prise en charge Conclusion
chirurgicale. Le résultat fonctionnel objectif et
subjectif de la chirurgie ligamentaire est évalué La pathologie du LCP est amenée à être de plus
dans la littérature par le score IKDC. Un score en plus fréquente en traumatologie du sport. Un
IKDC A ou B est retrouvé dans 65 à 92 % des examen clinique et paraclinique adapté et minu-
cas selon les séries dans le cadre des laxités pos- tieux permet d’obtenir les données nécessaires à
térieures isolées. Ces résultats sont entre 50 et une prise en charge individualisée. La meilleure
71 % en cas de laxité postérieure combinée à une thérapeutique, chirurgicale ou non, est ajustée
atteinte ligamentaire périphérique. Il semble que au sportif qui se présente à notre consultation.
les résultats sont moins bons en cas de laxité pos- Il convient de connaître les éléments devant
térieure combinée qu’en cas de laxité postérieure motiver un avis chirurgical et nous devons être
isolée. L’analyse de la littérature permet de met- en mesure, eu égard aux données de la littérature,
tre en évidence une laxité postérieure résiduelle de donner des réponses sur le pronostic et les
après traitement chirurgical quasi constante et traitements possibles devant de telles lésions. Il
ce, quels que soient la technique chirurgicale n’existe pas de dogme devant des lésions isolées
utilisée, le type de greffon ou le type de fixation. ou combinées du LCP mais différents traitements,
Il existe une faible corrélation entre la laxité avec leurs avantages et leurs inconvénients, leurs
résiduelle et les résultats fonctionnels. L’incidence risques et leurs bénéfices, qui doivent dans tous
de l’arthrose radiographique est de 44 à 60 %. les cas être proposés en connaissance de cause
Il existe une nette prédominance de l’arthrose en fonction des données lésionnelles, du type
Classification
Physiopathologie
La plupart des classifications qui existent ont été
Le mécanisme lésionnel peut être soit direct, soit décrites pour les luxations de genou, qui sont le
indirect et combine plusieurs forces vulnérantes stade ultime des lésions multiligamentaires. La
souvent à haute énergie, contrairement à la clas- classification des lésions bicroisées, décrite par
sique rupture du LCP et le choc du tableau de Neyret, est issue de l’analyse des résultats du
bord, ou à la classique rupture isolée du LCA lors symposium de l’European Society of Sports Trau-
d’un shoot dans le vide. Souvent, il est impossible matology Knee surgery and Arthroscopy (ESSKA)
d’expliciter le mécanisme exact, notamment lors de 1998. Elle distingue trois types de pentades
d’une chute d’un lieu élevé ou d’un accident de et cinq types de luxations. Il s’agit d’une clas-
sport motorisé par exemple. On peut simplement sification descriptive qui a également un intérêt
Chapitre 6. Genou 177
thérapeutique, puisque les lésions à type de bâille- une surveillance renforcée en s’assurant que
ment seront systématiquement explorées chirur- l’index cheville/bras est supérieur à 0,9. Une
gicalement et réparées, alors que les lésions à type disparition du pouls ou un index inférieur à 0,9
de décollement seront traitées de façon conserva- doivent conduire à une exploration vasculaire et
trice. Cette classification est évoquée plus loin. une angiographie en urgence. D’autres équipes
préconisent un angioscanner systématiquement,
Clinique permettant à la fois de diagnostiquer les lésions
organiques sur une artère en continuité (dis-
Les objectifs premiers sont de sauver le patient section localisée, flap intimal), d’étudier les ano-
(contexte de polytraumatisme grave), puis de malies de branchement de l’artère poplitée et sa
sauver le membre inférieur (lésion vasculaire) et position, de détecter les fractures–arrachements
enfin de préserver le pronostic fonctionnel en res- associés, de visualiser l’état du cartilage et de cher-
tituant un genou normal pour la vie courante. Un cher les corps étrangers intra-articulaires.
retour au sport n’est pas garanti.
Le membre inférieur peut être le site de lésions Imagerie
associées qu’il convient de chercher systémati-
quement : fracture fémorale ou tibiale, luxation Un bilan radiographique du genou est systéma-
de hanche (par traumatisme du tableau de bord, tique de face et de profil pour éliminer les frac-
fracture de cheville, du pied…). tures et affirmer une luxation.
Une lésion ligamentaire complexe du genou Dans un contexte de lésion grave, notamment
se présente avec une impotence fonctionnelle à partir de la triade jusqu’à la luxation du genou,
totale. La palpation et la mobilisation douce l’examen clinique est idéalement couplé à un bilan
du genou sont douloureuses. Un épanchement radiographique dynamique, sous scopie et sous
intra-articulaire peut ne pas être présent si la anesthésie. Cet examen radio-clinique comparatif
capsule est rompue. Des écorchures ou des points cherche, qualitativement, les lésions ligamentaires
d’impact sur la jambe ou le genou peuvent aussi (figure 6.18, vidéo 6.3).
être présents témoignant d’un traumatisme direct Ce testing radio-clinique comprend les tests
et pouvant contre-indiquer une chirurgie. suivants :
La présentation clinique peut être préoccupante • test de Lachman : analyse du LCA ;
d’emblée, notamment en cas d’ischémie du mem- • test du tiroir postérieur à 90° et lag sign : analyse
bre par lésion de l’artère poplitée, ou en cas du LCP ;
de paralysie motrice du pied, notamment en cas de • tests en valgus et en varus, genou à 30° de
lésion du nerf fibulaire commun. Cliniquement, flexion : recherche des lésions du LCM et du
les pouls doivent être recherchés, ainsi qu’un LCL respectivement ;
retard de recoloration capillaire, un index bras/ • test en valgus et en varus, genou en exten-
cheville inférieur à 0,9, un déficit des releveurs de sion : recherche des lésions des points d’angle
la cheville et du gros orteil, un déficit sensitif… respectivement médial et latéral (coques pos-
Un examen vasculaire attentif doit être pra- térieures) ;
tiqué, sachant qu’un examen strictement nor- • test en hyperextension (recurvatum) : lésion
mal (bonne coloration du pied, présence des bicroisée et capsulaire postérieure ;
pouls pédieux et tibial postérieur) n’élimine pas • hyperrotation externe, patient en décubitus
d’une façon formelle une atteinte vasculaire de dorsal, test en rotation latérale du squelette
l’artère poplitée (flap intimal). Bien que la litté- jambier, sur genou fléchi à 30 et 60° : recherche
rature admette qu’une angiographie urgente sur des lésions du point d’angle postérolatéral.
le champ opératoire soit pratiquée devant un pied Ensuite, le genou est immobilisé dans une
ischémique depuis plus de 6 h, la prise en charge attelle, en débutant le protocole antalgique et
suite à un examen vasculaire normal diffère selon le glaçage. À l’issue du testing dynamique radio-
les équipes. Certaines équipes recommandent clinique, le diagnostic lésionnel est déjà précis,
178 Traumatologie en pratique sportive
Figure 6.18. Testing radio-clinique sous anesthésie générale et scopie montrant une lésion bicroisée avec un plan
externe.
a. Varus forcé en extension. b. Valgus forcé en extension. c. Varus forcé en flexion. d. Valgus forcé en flexion. e. Tiroir
postérieur. f. Tiroir antérieur.
mais une IRM peut être pratiquée pour confirmer cela permet d’identifier correctement les zones
les lésions ligamentaires, analyser leur localisation de rupture, prévient la rétraction et l’involution
précise (proximale, distale ou en plein corps), ligamentaire et autorise des réparations faciles
vérifier le statut méniscocartilagineux (anse de avec de bons potentiels de cicatrisation.
seau méniscale, fracture ostéochondrale). Cepen- Cependant, une prise en charge différée peut
dant, la demande de cette IRM ne doit pas faire tout à fait se justifier, lorsque le potentiel de cica-
retarder la prise en charge thérapeutique, surtout trisation du plan collatéral est bon. Par exemple,
si l’on dispose des radiographies dynamiques, et en cas d’atteinte du plan interne et d’un croisé, il
en fonction des disponibilités de l’IRM. est tout à fait envisageable de soit :
• traiter le plan interne fonctionnellement, car il
Traitement a un excellent potentiel de cicatrisation, puis
d’opérer si nécessaire le ligament croisé à distance,
Une prise en charge non chirurgicale chez le lorsque le genou est parfaitement rééduqué ;
patient sportif peut être discutable dans des cas • opérer immédiatement les deux ligaments.
spécifiques : traumatisme crânien sévère, contexte Ces attitudes se discutent en fonction de nom-
de polytraumatisme grave, sportif âgé, comor- breux paramètres tels que l’âge, le niveau sportif,
biditiés, patient non compliant… Dans ces cas, le calendrier, la disponibilité et les symptômes du
le traitement orthopédique peut se justifier par patient.
une immobilisation stricte en veillant à ce que le Inversement, en cas de lésion des plans externes,
genou soit bien centré sur une radiographie de l’attitude sera beaucoup plus agressive d’emblée,
face et de profil. Il peut effectivement persister une et il est recommandé une chirurgie d’emblée
translation de face ou un tiroir postérieur résiduel eu égard au faible potentiel de cicatrisation du
qui conduiront vers une cicatrisation ligamentaire ligament collatéral latéral.
en mauvaise position… L’appui sera différé de Il n’y a pas de consensus sur la prise en charge
45 jours et les contrôles radiographiques seront chirurgicale. Faut-il opérer en aigu, en différé
réguliers pour vérifier l’absence de déplacement ou en plusieurs fois (chirurgie multiple) ? Et
sous plâtre. Il faut garder à l’esprit que ce traite- faut-il rééduquer en postopératoire immédiat
ment chez le sportif retarde la récupération du fait ou immobiliser ? Cette question réside dans le
de l’amyotrophie et des raideurs occasionnées. fait qu’une rééducation immédiate risque de dis-
Le traitement chirurgical permet de garantir un tendre les sutures (ligamentoplasties) et de pro-
bon rétablissement de la continuité ligamentaire. voquer la récidive d’une laxité, tandis qu’une
Les résultats semblent meilleurs lorsque la prise immobilisation peut engendrer une amyotrophie
en charge est rapide (moins de 3 semaines), car et des raideurs résiduelles.
Chapitre 6. Genou 179
Différents protocoles de rééducation post- y compris des emplois à forte demande fonction-
opératoire ont été proposés. Dans sa revue de nelle, tandis que 22 ont pu retrouver des activités
la littérature, Mook a évalué 24 articles rétros- récréatives et sportives telles que la course à pied,
pectifs concernant les lésions multiligamentaires la danse et la bicyclette.
comportant 396 genoux opérés. Les patients Les scores moyens IKDC, KOOS, Lysholm,
étaient classés selon le délai opératoire (aigu, Tegner et Euroqol-5D étaient respectivement de
chronique, multiple) et selon les suites opératoires 82 ± 17,5, 84,6 ± 16,8, 90,6 ± 6,4, 4,3 ± 1,3 et
(mobilisation précoce ou immobilisation). Ses 80 ± 11,7.
conclusions sont riches d’enseignement : Dans une revue de 21 études incluant 524
• opérer en aigu, indépendamment des suites patients, Everhart a évalué le retour au travail et
engendre : au sport. Le retour au sport était possible dans
– 2,6 fois plus de risque d’instabilité antérieure, 53,6 % des cas. Par contre, le retour au même
– 4 fois plus de risque de raideur de flexion avec niveau de sport n’était possible que dans 22 à 33 %.
nécessité d’arthrolyse secondaire, Concernant le retour au travail, il était possible
– moins de retour au sport ; dans 73 à 88,4 % des cas. L’obésité, le traitement
• opérer en aigu et immobiliser en postopératoire non opératoire, la gravité des blessures et des
engendre : lésions vasculaires étaient associés à de moins bons
– 3 fois plus de risque de flessum, résultats fonctionnels.
– 2,7 fois plus de risque de mauvais score fonc-
tionnel ;
• immobiliser seul engendre : Points clés : lésions multiligamentaires
– plus d’instabilité postérieure, du genou
– 13 fois plus de risque de laxité en varus, • Les lésions multiligamentaires du genou sont des
– 13 fois plus de laxité en valgus ; lésions graves si elles ne sont pas prises en charge
• opérer en plusieurs fois engendre : correctement.
– meilleur score fonctionnel indépendamment • Devant un traumatisme du genou, une lésion ligamen-
des suites postopératoires. taire doit être systématiquement suspectée, de même
En synthèse, entre des mains expérimentées, et que l’atteinte d’un plan collatéral qui va dès lors engen-
en suivant des protocoles postopératoires simples drer une prise en charge spécifique.
• Le bilan clinique de première intention est difficile
et cohérents, la chirurgie est préférée rapidement
devant une articulation parfois inexaminable, mais
lorsque le potentiel de cicatrisation spontané n’est la préparation du patient à un examen clinique de
pas bon, et à l’inverse, plusieurs attitudes peuvent deuxième intention et l’IRM rapide doivent permettre
se concevoir lorsque la cicatrisation spontanée est d’établir un diagnostic rapide de gravité.
possible et de qualité. • Le bilan lésionnel précis ne peut se concevoir avec
certitude qu’avec les clichés dynamiques, au mieux sous
anesthésie et le plus souvent en préopératoire.
Résultats • L’attitude thérapeutique est souvent chirurgicale dans
une population de sportifs, mais le traitement conser-
L’analyse des résultats fonctionnels montre que
vateur garde des indications surtout dans les formes
l’évolution, si elle est lente, permet d’obtenir à lésionnelles à fort potentiel de cicatrisation spontanée.
terme une satisfaction des patients. Dans une Il est malheureusement nécessaire d’avoir recours à
revue de Hantes et al. à long terme (suivi moyen plusieurs procédures chirurgicales pour garantir le
de 105 mois) de 26 patients opérés, la restitution contrôle des laxités et pour traiter les séquelles comme
des amplitudes articulaires était symétrique au côté la raideur chez des patients opérés ou pas.
opposé, sans avoir eu recours à une mobilisation • Les résultats à court et moyen terme sont satis-
sous anesthésie ou une arthrolyse. Dix-huit des faisants entre des mains expérimentées et si les proto-
26 genoux reconstruits (69,2 %) présentaient coles postopératoires sont respectés, mais le pronostic
à plus long terme dominé par l’arthrose doit rester
des signes radiographiques d’arthrose débutante.
réservé.
Les 26 patients ont repris leur emploi précédent,
180 Traumatologie en pratique sportive
Traitement
La prise en charge chirurgicale a montré sa supé-
riorité par rapport au traitement conservateur.
Elle est identique à celle décrite précédemment
(voir plus haut Lésions multiligamentaires du
genou). Plusieurs techniques chirurgicales exis-
tent, avec différentes combinaisons. Dans sa revue
de littérature, Mook a montré qu’une chirurgie
séquentielle donne de très bons résultats fonc-
tionnels. Par exemple, certains auteurs proposent
une réparation du LCP en premier afin de recen-
Figure 6.19. Luxation du genou. trer le genou, puis de réparer un plan collatéral.
182 Traumatologie en pratique sportive
Dans un second temps, lorsque le genou est étant donné la grande hétérogénéité des études,
rééduqué, ils proposent de reconstruire le LCA. des patients, de la sévérité des lésions, des tech-
Barfield, dans sa revue de littérature de 11 études, niques chirurgicales, des suivis postopératoires et
incluant 274 patients, n’a pas trouvé de différences des scores utilisés.
significatives dans le résultat fonctionnel entre Everhart retrouve un retour au sport dans 53,6
une chirurgie aiguë et une chirurgie séquentielle. à 60 % des cas, mais seulement 22 à 33 % au même
Le principe de la prise en charge chirurgicale est niveau. La récupération est longue et nécessite
avant tout de recentrer le genou en reconstruisant plusieurs mois (jusqu’à 18 à 24 mois).
le LCP en priorité, puis de réparer les plans Ces délais peuvent être allongés en cas de prise
collatéraux. Les ruptures ligamentaires collatérales en charge séquentielle ou d’apparition de compli-
latérales ainsi que les ruptures médiales associées à cations postopératoires.
des lésions des coques postérieures sont réparées
et souvent renforcées par des plasties.
Le LCA peut être reconstruit d’emblée ou à Cas particuliers
distance en cas de prise en charge séquentielle.
La chronologie de la prise en charge évoquée ci-
Dans tous les cas, ce type de chirurgie doit être
dessus peut être modifiée dans certains cas :
réservé à des équipes entraînées.
• luxation ouverte nécessitant alors une réduction
Plusieurs protocoles de suites opératoires peu-
au bloc avec lavage abondant et fixation externe
vent être proposés. La rééducation immédiate est
(et antibiothérapie adaptée) ;
intéressante pour préserver les mobilités mais au
• lésions vasculaires nécessitant un fixateur externe
prix du risque d’une récidive de laxité. L’immo-
et une prise en charge vasculaire urgente ;
bilisation postopératoire garantit la cicatrisation
• fracture–luxation instable nécessitant un fixa-
ligamentaire au prix d’un enraidissement articu-
teur externe ou une ostéosynthèse des fractures.
laire. Si l’on choisit cette option, il faut informer
Les ligamentoplasties seront faites en différé ;
le patient de la nécessité probable d’une arthro-
• dimple sign : incarcération du LCM sous le
lyse arthroscopique vers le 4e mois postopératoire.
condyle fémoral empêchant la réduction. La
peau médiale est aussi incarcérée. Une réduction
Prise en charge des sanglante au bloc opératoire est urgente pour
lésions nerveuses désincarcérer les structures, permettre la réduc-
tion de la luxation et éviter la nécrose cutanée ;
La prise en charge des lésions nerveuses est affaire • luxation irréductible ou hautement instable ;
de spécialiste. Deux examens peuvent être deman- • suspicion de syndrome de loges : nécessité
dés rapidement en tant que bilan de référence. d’une fasciotomie en urgence associée à une
L’échographie a pris sa place dans l’évaluation des exofixation.
lésions nerveuses. Elle fournit des informations
sur le niveau de la lésion et son importance,
visualise des dommages périneuraux (hématome) Fracture du massif
et permet d’identifier une lésion partielle ou des épines tibiales
complète. L’électromyogramme est précieux en
début d’évolution, car il permet de déterminer R. Dayan
l’importance du bloc de conduction et de suivre
la récupération potentielle.
Physiopathologie
Résultats Les mécanismes lésionnels à l’origine des fractures
du massif des épines tibiales sont les mêmes que
Il est très difficile de conclure sur les résultats ceux de la rupture du LCA en plein corps. Cette
de la prise en charge des luxations du genou, fracture semble plus fréquente chez l’adolescent
Chapitre 6. Genou 183
car le LCA est plus résistant que son insertion geste technique. La classification de Meyers et
tibiale. Elle reste classique chez l’adulte mais, dans McKeever classe les fractures du massif des épines
une vaste majorité des cas, le ligament croisé cède tibiales en quatre stades (figure 6.20) :
alors que le massif des épines résiste. Elle s’associe • stade 1 – fracture non déplacée : le massif des
souvent à une distension du LCA. épines est fracturé mais non déplacé ;
• stade 2 – fracture partielle : le LCA vient sur-
élever la partie antérieure du massif des épines,
Anatomie mais il persiste une charnière postérieure ;
• stade 3 – fracture complète du massif des épines
Le massif des épines tibiales correspond à l’inser- avec surélévation de tout le massif et absence
tion distale du LCA. En effet, ce dernier s’insère de contact entre le massif fracturé et le tibia
en proximal sur le condyle latéral du fémur et est (figure 6.21) ;
tendu jusqu’au massif des épines tibiales. Une • stade 4 – fracture déplacée, comminutive, le mas-
fracture du massif des épines tibiales correspond sif des épines est refendu en plusieurs morceaux.
donc à l’arrachement distal du LCA qui emporte
un pavé osseux correspondant à son insertion.
Clinique
Le patient se présente à la suite d’un traumatisme,
le plus souvent violent (traumatisme sportif, acci-
dent de la voie publique) avec un gros genou
douloureux témoignant d’une hémarthrose très
importante. L’impotence fonctionnelle est sou-
vent très importante. Lorsque le fragment osseux Figure 6.20. Classification de Meyers et McKeever.
a. Stade 1. b. Stade 2. c. Stade 3. d. Stade 4.
est déplacé, le genou peut présenter un flessum Source : Carole Fumat.
irréductible par conflit osseux dans l’échancrure
lors des mouvements d’extension. Il n’est pas sou-
haitable de tester la stabilité sagittale du genou, Traitement
mais en termes de stabilité du genou, la fracture
du massif des épines s’apparente à une rupture du Traitement orthopédique
LCA. Comme pour une rupture du LCA, l’exa- Un traitement orthopédique par attelle en exten-
men des plans périphériques doit être minutieux sion complète est indiqué lorsque la fracture du
à la recherche de lésions associées. massif des épines n’est pas déplacée. L’attelle est à
porter 24 h/24 pendant 4 à 6 semaines. Il faudra
réaliser des radiographies de contrôle régulières
Imagerie à J7, J14 et J21 pour éliminer un déplacement
secondaire du massif des épines. Il est nécessaire
La radiographie standard genou de face et de pro-
d’informer le patient qu’en cas de déplacement
fil permet le plus souvent de poser le diagnostic.
secondaire de la fracture un traitement chirurgical
Le déplacement et l’importance du fragment sont
sera alors indiqué.
en général minorés par les radiographies standard.
Lorsque la radiographie confirme le diagnostic,
Traitement chirurgical
celui-ci doit être précisé à l’aide d’un scanner.
L’intérêt du scanner est d’évaluer le déplacement Le traitement chirurgical est identique à celui
du fragment osseux, son caractère comminutif ou d’une fracture c’est-à-dire qu’il consiste en une
non. Le scanner va confirmer ou non l’indication réduction et une ostéosynthèse. Il est indiqué
chirurgicale et aider le chirurgien à préciser son dans les fractures de stade 2, 3 et 4. Il est réalisé
184 Traumatologie en pratique sportive
Figure 6.21. Scanner en coupe frontale (a) et sagittale (b) d’une fracture du massif des épines.
Il s’agit d’un stade 3 de la classification de Meyers et McKeever.
sous arthroscopie : le pavé osseux est réduit puis Dans les suites opératoires, une attelle articulée
ostéosynthésé par vissage et/ou renforcé par un de genou est prescrite, elle sera portée 45 jours. Le
laçage du LCA fixé par endobouton (figure 6.22). chirurgien autorisera un gain d’amplitude articulaire
Les avantages du traitement arthroscopique progressif afin de débuter précocement la rééduca-
sont : son caractère mini-invasif, la possibilité tion et de limiter les raideurs postopératoires.
de réaliser un nettoyage articulaire (évacuation de
l’hémarthrose, ablation de débris osseux), mais Complications
aussi la capacité à explorer et traiter dans le même
temps d’éventuelles lésions méniscales ou cartila- À la suite du traitement orthopédique ou chi-
gineuses associées ; rurgical, il est classique qu’après consolidation
Figure 6.22. Ostéosynthèse arthroscopique d’une fracture du massif des épines par vissage et laçage sur bouton.
Chapitre 6. Genou 185
du massif des épines, il persiste une instabilité La classification de Dejour décrit quatre formes
antérieure du genou. C’est le témoin d’une dis- cliniques :
tension du LCA avant la fracture du massif des • l’instabilité patellaire objective (IPO) : luxation
épines. L’instabilité résiduelle et ses conséquences patellaire avec facteurs anatomiques d’instabilité.
fonctionnelles sont à réévaluer après la réédu- Actuellement, l’IPO est remplacée par la « luxa-
cation du genou. Dans certains cas d’instabilité tion épisodique de la patella » : il s’agit de patients
importante et mal tolérée, une ligamentoplastie ayant présenté une ou plusieurs luxations ;
du LCA sera proposée. • l’instabilité patellaire potentielle (IPP) : pas de
La principale complication du traitement luxation, mais présence d’une anomalie anato-
orthopédique est le déplacement secondaire de mique ;
la fracture. Des radiographies seront réalisées à • le syndrome douloureux patellaire (SDP) ;
J7, J14 et J21 afin d’éliminer un déplacement • l’instabilité patellaire majeure (IPM) : luxation
secondaire de la fracture qui imposerait alors un habituelle ou permanente.
traitement chirurgical.
Les complications après traitement chirur-
gical comportent avant tout la raideur post- Instabilité fémoropatellaire
opératoire : la réinsertion des épines tibiales
peut classiquement donner des raideurs post- V. Chassaing
opératoires. Il est indispensable de prévenir le
La patella constitue, avec le tendon quadricipital et
patient en préopératoire de la possibilité de
le tendon patellaire, l’appareil extenseur du genou.
devoir recourir à une arthrolyse arthroscopique
C’est une courroie, dont fait partie la patella, qui
une fois la fracture consolidée et le patient
s’articule avec une véritable poulie, la trochlée
rééduqué, en général entre le 4e et le 6e mois
fémorale. Soumise à des sollicitations importantes,
postopératoire.
elle transmet la traction du quadriceps au tibia.
Une instabilité patellaire, quelle qu’en soit la cause,
se traduit par un déplacement latéral anormal de la
Délais de retour au sport patella par rapport à sa poulie, qui peut aller jusqu’à
la luxation si elle quitte la trochlée en perdant tout
En l’absence de raideur postopératoire, les délais
contact avec elle. Il importe de retenir que ce
de retour aux activités sportives est long. Il faut
déplacement, lorsqu’il se produit, est toujours
compter autour de 4 mois pour débuter des
latéral. Une instabilité médiale est exceptionnelle
sports en décharge tels que le vélo et la natation.
et doit faire rechercher une étiologie iatrogène, en
Le retour à la course à pied se fait vers le 6e mois.
particulier une hypercorrection chirurgicale.
Clinique
2. Pathologie Le bilan clinique est essentiel pour faire le diag-
fémoropatellaire nostic d’instabilité patellaire, évaluer sa gravité
et prévoir l’imagerie nécessaire. Il est effectué au
V. Chassaing, J.-B. Courroy cours d’une ou plusieurs consultations dont il faut
souligner l’importance. Suffisamment de temps
est nécessaire pour examiner des patients souvent
Il convient de distinguer deux pathologies fémo- adolescents, au psychisme parfois fragile, inquiets
ropatellaires bien différentes : l’instabilité de la de ce premier contact avec un médecin spécialiste,
patella et le syndrome douloureux fémoropatel- craignant une décision d’opération. L’informa-
laire. Leurs manifestations cliniques, les données tion et l’écoute du patient et de sa famille doivent
de l’imagerie et leur traitement sont différents. être privilégiées.
186 Traumatologie en pratique sportive
L’interrogatoire fait préciser les caractéristiques Grâce à cet interrogatoire, il est déjà possible
de l’instabilité, le plus souvent représentée par des de suspecter ou d’affirmer l’instabilité patellaire et
luxations patellaires. Le diagnostic de luxation peut d’évaluer son retentissement.
être difficile. Il nécessite un interrogatoire détaillé L’examen clinique peut commencer par une sim-
analysant un certain nombre de paramètres : ple inspection (figure 6.23), ce qui met en confiance
• la date de la première luxation et les circons- le patient et qui va d’emblée apporter un certain
tances de survenue : souvent un geste ou une nombre d’informations : en se plaçant en bout
torsion anodine de la vie courante, parfois au de table devant le patient allongé, l’examinateur
cours d’une activité sportive ; empaume par les talons les deux pieds qu’il soulève
• la notion de déformation ou saillie externe du à la même hauteur, et prend le temps d’observer.
genou ; On peut ainsi noter, de façon comparative :
• les modalités de la réduction de la luxation : ré • l’extension des deux genoux, dépistant un éven-
duction immédiate, autoréduction par manœuv tuel recurvatum ou flessum, asymétrique ou non ;
res personnelles, réduction aux urgences… ; • une amyotrophie quadricipitale ;
• les modalités et la fréquence des récidives des • l’axe des membres inférieurs, à la recherche
luxations ; d’un valgus ;
• le retentissement de l’instabilité patellaire dans • une torsion tibiale externe ;
la vie quotidienne, avec en particulier une appré- • les rotations des hanches en extension, à la
hension souvent permanente et importante. Il recherche d’un excès de rotation interne par
faut en tenir compte car elle risque de perturber rapport à la rotation externe, témoignant d’une
la qualité de vie dans l’intervalle des luxations ; antéversion des cols fémoraux ;
• l’existence de douleurs. Il convient de dis- • un gonflement du genou témoin d’un éventuel
tinguer les douleurs directement liées à la sur- épanchement.
venue de luxations des douleurs chroniques L’examen clinique se poursuit par la recherche
persistantes, de quatre signes importants d’instabilité patellaire :
• l’existence possible de cas d’instabilité patellaire • le signe d’appréhension de Smillie (figure 6.24) :
dans la famille. il est cité en premier car il est fondamental,
Figure 6.27. Signe du croisement affirmant la dysplasie Figure 6.28. Saillie de la trochlée (avec éperon)
de la trochlée. dont la gorge reste antérieure à la tangente à la corticale
diaphysaire antérieure fémorale.
de la trochlée, dès que la gorge est suffisamment Figure 6.31. Indice de Caton-Deschamps permettant
creusée pour être individualisable, et une coupe de mesurer la hauteur de la rotule.
A : extrémité inférieure du cartilage patellaire ;
distale, au niveau du sommet de la TTA. La P : extrémité supérieure du cartilage patellaire ; T : angle
distance TA-GT, mesurée au scanner genou en antérosupérieur du tibia. Patella alta : index > 1,2 ; patella
extension, est pathologique pour une valeur supé- baja : index < 0,6.
rieure à 20 mm. Il convient cependant de rester
prudent dans l’interprétation de cette mesure
qui a l’inconvénient de donner un chiffre absolu, patellaire sur la trochlée. L’index de Bernageau est
indépendant des dimensions du genou, et de mesuré sur une radiographie de profil en extension
diminuer avec la flexion du genou. complète et contraction du quadriceps. La patella
est alta si son extrémité articulaire inférieure est
Patella alta
distante de plus de 6 mm du bord supérieur de
La patella alta, responsable d’un défaut d’engage- la trochlée. Mais il s’agit de repères osseux, pas
ment trochléopatellaire au tout début de la flexion, toujours bien identifiables, et cette mesure perd de
est un facteur important d’instabilité patellaire. sa valeur en l’absence de contraction quadricipitale
L’évaluation de ce facteur a été à l’origine de ou lorsqu’il existe un genu recurvatum.
nombreux index mesurés par l’imagerie, et en
particulier par la radiographie standard de profil Rupture du MPFL
en flexion (30°, 40°). On peut les classer en deux D’abord conséquence, elle devient ensuite facteur
groupes : index patellotibiaux et index patello- de l’instabilité. Ce ligament, tendu de la patella au
trochléens. condyle médial fémoral, est en effet la structure
Parmi les index patellotibiaux, l’index de Caton- anatomique la plus importante pour le maintien
Deschamps est le plus utilisé en France : c’est le de la patella dans la trochlée durant les 20 pre-
rapport entre la distance de l’extrémité inférieure miers degrés de flexion du genou. Sa rupture est
du cartilage patellaire au tibia et la longueur bien visible sur l’IRM en aigu (figure 6.32).
de la surface articulaire patellaire (figure 6.31),
genou fléchi à 30 ou 40° pour tendre le tendon Torsion externe de la tubérosité tibiale antérieure
patellaire. Une valeur supérieure à 1,2 indique À ces quatre facteurs classiques, on peut rajouter
une patella anormalement haute. un facteur récemment décrit, la torsion externe
Les index patellotrochléens ont l’avantage de la TTA : c’est l’angle d’inclinaison externe de
d’évaluer directement l’engagement cartilagineux la TTA par rapport au plan bicondylien fémoral
Chapitre 6. Genou 191
Figure 6.33. Torsion extérieure de la tubérosité tibiale Figure 6.34. Bascule patellaire = angle formé par l’axe
antérieure (TTA) : angle d’inclinaison externe de la TTA transversal de la patella et le plan bicondylien postérieur.
par rapport au plan bicondylien fémoral postérieur. Source : Carole Fumat.
192 Traumatologie en pratique sportive
la localisation en barre sous-rotulienne est la plus surcharge mécanique récente : randonnée inhabi-
significative et s’accompagne parfois d’une sensa- tuelle en terrain montagneux, accroissement de
tion de tension, de « gonflement » de part et d’autre la distance habituelle de course à pied, pratique
du ligament patellaire. Les douleurs postérieures du nouvelle et intensive de squats, de crossfit, semaine
genou sont rares et n’ont pas d’explication claire en de ski alpin, voire renforcement dynamique inadé
l’absence, ici constante, d’hydarthrose : contrac- quat du quadriceps. La douleur peut apparaître
ture des ischiojambiers compensant l’inhibition lors de l’exercice ou les jours suivants ; elle est
du quadriceps, tension de la capsule postérieure sans rapport strict avec la présence éventuelle de
à l’attaque du pas genou trop étendu ? Le bilan chondropathies préexistantes, l’hydarthrose réac-
clinique est normal, il montre souvent de banales tionnelle est possible mais toujours discrète. Le
particularités anatomiques : anomalies de torsion retour à l’indolence est la règle, mais peut deman-
des membres inférieurs, hypermobilité rotulienne der plusieurs mois. L’imagerie est de peu d’intérêt
frontale, rétractions musculaires du rectus femoris, dans ce syndrome clinique. Le traitement logique
du psoas… dont aucune ne suffit à justifier la est là aussi d’éviter un déconditionnement fonc-
douleur et son intermittence. L’IRM, normale, tionnel excessif par le maintien d’un seuil d’acti-
est utile aussi pour rassurer l’entourage familial. vités adaptées associé à un reconditionnement
Faute d’en comprendre l’étiologie, le traitement athlétique prudent. Le traitement médical est
de ces douleurs manque de consensus ; la règle est dicté par le contexte : brève cure d’AINS en pré-
d’éviter toute agressivité thérapeutique, surtout sence de signes inflammatoires, injection d’acide
chirurgicale, de dédramatiser sans la nier la réalité hyaluronique en présence de chondropathies. Il
douloureuse, de donner des explications simples est surtout utile d’expliquer au patient la néces-
et rassurantes évitant une médicalisation excessive sité future d’une adaptation plus judicieuse de sa
du problème. Les « petits moyens » habituels – préparation sportive et de son calendrier sportif !
taping, strapping, genouillères… – sont d’efficacité
diverse et certains se limitent à un programme sim-
ple d’aménagement de la pratique sportive civile Contusion de rotule
et aussi scolaire. Cependant, l’absence de lésion La contusion antérieure du genou par choc direct
ou d’anomalie significative constatée peut faire ou lors d’une chute est le traumatisme du genou
considérer ce tableau comme l’expression d’une le plus fréquent, autant dans la vie courante que
dysfonction plus globale du genou. On comprend lors de la pratique sportive. Sa conséquence la
alors le bénéfice, même inconstant apporté par un plus spectaculaire est l’apparition, rare, d’une
reconditionnement athlétique associant un assou- large ecchymose antérieure, appelée « le genou
plissement des chaînes antérieures, un renforce- couronné » qui correspond à l’éclatement hémor-
ment musculaire du quadriceps et des stabilisateurs ragique de la bourse prépatellaire ; l’ecchymose
pelviens. D’autres font du syndrome juvénile la se résorbe progressivement sans conséquence
conséquence d’une dysfonction dynamique du particulière. Par contre, en raison du haut poten-
pied qui peut être corrigée par : tiel de réactivité patellaire, la contusion entraîne
• une orthèse plantaire en cas d’hyperpronation souvent des suites douloureuses prolongées, avec
en appui ; une inhibition quadricipitale réflexe majorant le
• la mobilisation en décoaptation de la sous- cercle vicieux douloureux post-traumatique. C’est
talienne levant le blocage du tendon du long une cause fréquente de syndrome douloureux
fléchisseur de l’hallux (LFH) en cas de stretch test régional complexe de type I (ancienne algodys-
positif. trophie) qu’il faut craindre devant l’apparition
secondaire de douleurs nocturnes ou s’étendant
à la face tibiale antérieure, et la persistance ou
Rotule forcée l’aggravation de l’amyotrophie quadricipitale. Le
La douleur fémoropatellaire survient chez un contexte fréquent d’accident de travail, ou avec
adulte jeune de 30 à 40 ans dans un contexte de responsabilité d’un tiers, majore évidemment la
196 Traumatologie en pratique sportive
difficulté de prise en charge médicale du patient. au niveau de l’éventuel conflit latéral. Devant
C’est dire l’importance d’éviter les indications l’échec habituel du traitement médical, et le résul-
imprudentes d’arthroscopie et de vérifier au tat aléatoire d’une immobilisation souvent trop
moindre doute l’absence d’hyperfixation précoce tardive, l’exérèse chirurgicale du petit ossicule,
à la scintigraphie osseuse. cas heureusement le plus fréquent, donne un très
Lors de la contusion antérieure, l’impact brutal bon résultat.
des deux surfaces chondrales peut être à l’origine
d’une chondropathie post-traumatique. Il s’agit Fracture de fatigue rotulienne
rarement d’une réelle fracture chondrale isolée Cette pathologie rare, sans doute aussi sous-
à la symptomatologie immédiate bruyante. Plus estimée, sera étudiée plus loin avec les autres
souvent, c’est la persistance ou l’apparition retar- fractures de fatigue. Le diagnostic s’établit sur de
dée d’un SFP qui amène à découvrir la chondro- simples radiographies qui montrent la fissure à
pathie, ce qui pose évidemment le problème de la départ cortical, visible de profil pour les fractures
responsabilité du traumatisme ancien. Contraire horizontales et de face et en défilé pour les traits
ment aux lésions chondrales de l’instabilité, ces verticaux. L’IRM permet un diagnostic précoce
chondropathies post-traumatiques ne libèrent par la présence d’une anomalie médullaire en
pas de fragment articulaire et évoluent peu vers hyposignal T1 et hypersignal T2.
l’arthrose fémoropatellaire secondaire.
Les rotules bipartites sont fréquentes et prati-
Ostéochondrites trochléopatellaires
quement toujours asymptomatiques par respect
habituel de la surface chondrale. Elles peuvent Ce sont des localisations rares, parfois bilaté-
cependant devenir durablement douloureuses à rales, qui représentent un pourcentage minime de
la suite d’un choc direct avec une rupture de la l’ensemble des ostéochondrites du genou, majori-
synchondrose permettant une mobilité relative tairement condyliennes. Elles affectent plus sou-
du fragment, allant parfois jusqu’à provoquer vent le jeune garçon et se manifestent par un SFP
un conflit trochléopatellaire latéral. Le contexte, marqué, volontiers accompagné d’hydarthrose et
la localisation précise et constante de la douleur de sensations d’accrochage ou de blocage antal-
supérolatérale, son réveil à la percussion directe gique du genou. La lésion trochléenne a l’aspect
sur le genou fléchi à 45° font évoquer ce diagnos- d’une irrégularité de toute la facette osseuse, plu-
tic rare. L’IRM est l’examen de choix qui montre tôt latérale (figure 6.38) ; son traitement, si néces-
un hypersignal au niveau de la synchondrose ou saire car elle est souvent bien tolérée, se limite
dynamique d’appui du pied peut donc expliquer antérieures sous-patellaires plus ou moins laté-
l’apparition progressive d’un syndrome fémoro- ralisées apparaissant dans les mêmes conditions
patellaire lors d’activités répétitives comme la que les syndromes patellaires, à la marche, à la
marche ou la course à pied. Les troubles les course ou à la montée d’escaliers. Les troubles
plus fréquents, et pour lesquels la correction par mécaniques sont fréquents, à type de grippage,
orthèse semble la plus efficace, sont l’affaissement de lâchages ou, plus significatifs, de blocages
de l’arche plantaire médiale et la pronation tar- fugaces lors de la fin de l’extension du genou.
sienne exagérée à la réception, qui provoquent Le signe clinique majeur est la présence d’une
une rotation tibiale interne altérant la dynamique douleur, retrouvée aux manœuvres d’extension
patellaire. brutale passive du genou. On distingue clas-
La raideur fonctionnelle du LFH est une entité siquement deux formes étiologiques :
de découverte plus récente (Dananberg) qui • la « hoffite » primitive qui est la conséquence
résulte du blocage du tendon au niveau de son du coincement d’un paquet adipeux sans doute
passage dans la gouttière intertubérositaire pos- hypertrophique, lors des extensions répétées
térieure du talus. Cet effet ténodèse bloque la du genou. Le mécanisme reste discuté mais
sous-talienne en varus provoquant une supination l’évolution pathologique pourrait résulter
exagérée du pied avec une contraction retardée d’une cicatrisation fibroscléreuse des franges
du quadriceps à l’impact talonnier et un décalage synoviales hypertrophiques, sièges de rema-
de la séquence supination–pronation qui vont niements initiaux inflammatoires et hémorra-
modifier la dynamique patellaire. Cet « hallux giques. La perte de plasticité du tissu scléreux
limitus fonctionnel » est démasqué lors du FHL et ses adhérences en expliqueraient la pérennité
stretch test qui montre l’absence de flexion passive symptomatique ;
du premier orteil, la cheville étant maintenue en • la pathologie extrinsèque qui correspond à
flexion maximale. Le blocage du tendon peut être la présence ou à l’extension dans le paquet
levé par la manipulation en décoaptation de la adipeux de différentes affections : expansions
sous-talienne, voire par la libération chirurgicale de kystes synoviaux ou méniscaux, processus
du tendon dans les formes chroniques rebelles. tumoraux de type synovite villonodulaire ou
hémangiome, synovite rhumatismale, etc.
Diagnostics différentiels
des syndromes fémoropatellaires Conflit trochléotendineux
antérolatéral
De nombreuses affections du genou s’expriment Son identification est plus récente et repose essen-
en partie par des douleurs antérieures méca- tiellement sur un aspect typique, mais parfois
niques, isolées ou non, simulant une souffrance asymptomatique, en IRM qui montre un hypersi-
patellaire. C’est dire l’importance d’un examen gnal T2 à la limite supérieure du paquet adipeux,
exhaustif du genou à la recherche de signes entre la face profonde de l’attache du ligament
cliniques significatifs habituellement absents dans patellaire et le bord antérieur de la jonction
les syndromes patellaires : hydarthrose, douleurs trochléocondylienne latérale (figure 6.40). Ce
réveillées à l’extension passive brutale, aux tests de conflit se traduit par un syndrome douloureux
coincement fémorotibiaux, etc. C’est souligner essentiellement dynamique à la course ou à la
aussi l’intérêt incontournable de l’IRM dans le marche avec des sensations de lâchages à la récep-
diagnostic étiologique des douleurs antérieures tion au sol. Il est probable que cette image corres-
du genou. ponde au syndrome clinique anciennement décrit
sous le terme de syndrome de l’engagement car
Pathologie du Hoffa on retrouve souvent un test d’engagement positif
La pathologie du paquet adipeux infrapatellaire et pratiquement toujours une patella alta dont la
est rare. Elle se manifeste par des douleurs conséquence habituelle est une désaxation latérale
Chapitre 6. Genou 199
et la tubérosité tibiale antérieure d’autre part ; un profil vrai avec incidence fémoropatellaire à
un plan superficiel, ou expansion quadricipitale, 30° de flexion. Cet examen montre les structures
constitué de fibres superficielles du droit antérieur osseuses et les parties molles : présence éventuelle
complété par les expansions des vastes. La tendino- de calcifications intratendineuses ou au niveau
pathie patellaire résulte d’une hypersollicitation du des insertions du tendon, présence de séquelles
genou liée à des mouvements répétés de flexion et d’ostéochondrose, position de la rotule (haute,
d’extension du genou tels qu’on en rencontre lors basse, latéralisée ou strictement normale), épais-
des sauts (jumper’s knee). On la retrouve chez des seur du tendon. L’échographie est l’examen de
sportifs souvent jeunes, pratiquant le sport de façon choix, non pas pour le diagnostic qui est fait par
intense (jusqu’à 20 h d’entraînement par semaine). l’examen clinique, mais pour préciser la structure
Les sports le plus souvent en cause sont le volley- du tendon et guider le traitement (figure 6.41).
ball, le basket-ball, l’athlétisme (saut en hauteur et Elle est bilatérale et comparative. Elle montre un
longueur), la danse (classique ou contemporaine) aspect globalement hypo-échogène et épaissi avec
et, avec une fréquence moindre, le football et le souvent une perte de son aspect fibrillaire. Les
rugby. Parmi les facteurs intrinsèques favorisants, lésions peuvent être localisées ou diffuses, avec
le surpoids, la raideur musculaire du quadriceps parfois au stade chronique remaniement kystique.
et des ischiojambiers, l’insuffisance du quadriceps L’échographie précise l’aspect de l’enthèse : calci-
jouent un rôle certain. Parmi les facteurs extrin- fication, désinsertion partielle.
sèques, la qualité des revêtements, un changement L’IRM n’est pas pratiquée initialement (sauf
récent en qualité et/ou quantité de l’entraînement dans le milieu des sportifs professionnels qui ont
peuvent jouer un rôle. La localisation des lésions besoin d’un pronostic et d’un traitement rapides),
est dans la grande majorité des cas l’insertion elle est surtout utile dans les formes rebelles au
proximale du tendon, le corps du tendon et son traitement initial (figure 6.42). Elle est indispen-
insertion distale étant moins souvent atteintes. Les sable lorsque l’on envisage un traitement chirurgi-
séquelles des troubles de croissance siègent souvent cal. Dans les formes aiguës, on note un œdème du
au niveau de l’insertion distale du tendon (maladie péritendon (hypo-intense en T1, hyperintense en
d’Osgood-Schlatter), et plus rarement en proximal T2), le tendon lui-même pouvant rester normal.
(syndrome de Sinding-Larsen-Johansson). Dans les formes chroniques, on recherche un
épaississement localisé du tendon, des signes de
Clinique désinsertion partielle avec signal liquidien, un
éventuel œdème de la graisse de Hoffa.
Le diagnostic repose essentiellement sur l’examen
L’IRM permet parfois d’éliminer une affection
clinique, toujours bilatéral et comparatif : la dou-
sans atteinte du tendon : chondrite de la pointe
leur siégeant sur le trajet du tendon est le signe
de rotule en rapport avec un syndrome d’engage
essentiel. L’interrogatoire précise son stade selon
ment avec œdème de la partie inférieure de la
la classification de Blazina. Dans 90 % des cas, elle
rotule sans aucune anomalie du tendon, maladie
siège à la partie proximale du tendon, au niveau
de Hoffa, séquelle de Sinding-Larsen-Johansson,
de son insertion sur la rotule. La triade sympto-
chondropathie patellaire, atteinte intra-articulaire.
matique est recherchée : contraction contrariée,
étirement et palpation du tendon déclenchant la
douleur. La douleur ressentie à la flexion unipo- Traitement
dale contrôlée constitue également un bon signe. Traitement conservateur
Une rétraction des ischiojambiers et du droit
Le traitement des tendinopathies patellaires est
antérieur est recherchée.
dans la grande majorité des cas conservateur.
Initialement, le repos sportif au moins relatif et la
Imagerie lutte contre les facteurs favorisants sont proposés :
L’imagerie consiste, lors d’un premier examen diminution de la quantité d’entraînement, sup-
surtout, en une radiographie standard de face et pression de certains gestes, modification de la
Chapitre 6. Genou 201
surface et du chaussage, hydratation adaptée. Les Après certaines expérimentations animales promet-
anti-inflammatoires peuvent être prescrits à la teuses, ce type de traitement est souvent utilisé, en
phase aiguë initiale mais sont souvent inefficaces. particulier chez les sportifs professionnels, sans que
La cryothérapie est souvent utile à ce même l’on ait pour l’instant établi la preuve scientifique
stade. La mésothérapie est proposée par certains. de son efficacité. Actuellement, il n’y a pas de
La kinésithérapie représente la base du traite- consensus sur le nombre d’injections et le pro-
ment conservateur actif : Stanish et Steadman tocole les suivant, mais il semble qu’il n’y ait pas
ont proposé une rééducation à base d’étirements d’effets indésirables, en tout cas à court terme, de
suivis d’exercices de mise en charge avec des ce type de traitement.
vitesses croissantes et contrôlées. Ce protocole
de renforcement excentrique des tendinopathies Traitement chirurgical
rotuliennes comporte trois phases : Lorsque aucun traitement n’est efficace, on peut
• phase de début par échauffement avec exercices proposer un traitement chirurgical qui s’adresse
d’étirement du quadriceps et d’étirements et aux formes rebelles au traitement conservateur
exercices statiques en flexion ; chez des sportifs motivés. Dans les formes évoluées,
• phase principale par exercices de musculation il s’agit d’une chirurgie « à la carte » dépendant des
excentrique en flexion active contrôlée, l’ampli- lésions reconnues sur l’IRM et non pas unique-
tude et le nombre des flexions étant adaptés au ment d’un peignage systématique du tendon :
seuil de la douleur ; • excision de la synoviale en cas de synovite
• phase finale à nouveau d’étirements. prétendineuse ;
Dans les formes résistant au traitement initial • suppression d’un éventuel conflit représenté le
conservateur, on peut avoir recours à des traite- plus souvent par la pointe de la rotule ou plus
ments souvent efficaces tels que les ondes de choc rarement par le sommet de la tubérosité tibiale
ou le laser. L’infiltration peut être dangereuse et dans les séquelles d’Osgood-Schlatter ;
ne doit en aucun cas être intratendineuse. • peignage de la partie supérieure du tendon
Dans les tendinopathies rebelles, les injections permettant une ablation de calcifications éven-
intralésionnelles de sang autologue sont actuelle- tuelles ainsi que de nodules ou kystes ;
ment proposées sous différentes formes : sérum • peignage de l’ensemble du corps du tendon :
autologue conditionné, plasma riche en facteurs il n’est justifié qu’en cas de lésions visibles à
de croissance, plasma riche en plaquettes (PRP). l’IRM et dans les tendinopathies corporéales ;
202 Traumatologie en pratique sportive
• enthèse : elle est également traitée en fonction La rééducation postopératoire dépend du geste
des lésions ; en cas de fragilisation de la zone pratiqué : le travail en flexion est autorisé au 2e
d’insertion sans désinsertion vraie, un renforce- mois, le travail dynamique du quadriceps au 3e,
ment peut être proposé : plastie de glissement l’entraînement au 5e et la compétition au 6e.
de l’insertion ou de retournement du périoste
rotulien. En cas de fragilisation majeure, une Résultats
véritable « désinsertion–réinsertion » peut être Le traitement chirurgical donne des résultats très
proposée dans de rares cas. La chirurgie des bons et bons dans 80 % des cas, avec une reprise
tendinopathies peut être pratiquée à ciel ouvert du sport à un niveau identique dans 70 % des
ou pour certains par arthroscopie : celle-ci n’est cas, mais 6 % d’arrêt de carrière chez les profes-
pas indiquée en cas de rupture ou de prérupture sionnels. Le traitement arthroscopique proposé
où la chirurgie à ciel ouvert est préférable. depuis une dizaine d’années semble donner des
Chapitre 6. Genou 203
résultats identiques d’après des études récentes (le profonde, moyenne et superficielle ; prétibiale.
traitement chirurgical à ciel ouvert restant préfé- Les bursites surviennent avec une certaine fré-
rable dans les cas de prérupture ou de fragilisation quence en zone prépatellaire (sous-aponévrotique
de l’enthèse). ou sous-cutanée) ou prétibiale mais également
parfois sous le tendon quadricipital.
Points clés : tendinopathie patellaire La bursite peut se traduire par une tuméfaction
fluctuante, indépendante de l’articulation, pou-
• Elle survient fréquemment chez le sportif, en particu- vant devenir inflammatoire et même évoluer vers
lier dans les sports de sauts (jumper’s knee). la calcification.
• L’atteinte est le plus souvent proximale au niveau de
Le traitement médical consiste en une ponc-
l’insertion patellaire.
• Le diagnostic est surtout clinique et repose sur la
tion–évacuation du liquide avec examen bactério-
triade symptomatique. logique, le traitement d’une éventuelle infection
• La radiographie standard est systématique, l’écho- et, si celle-ci est écartée, une ou plusieurs infil-
graphie importante pour confirmer le diagnostic et trations. L’exérèse chirurgicale suivie de compres-
suivre l’évolution. sion prépatellaire peut être nécessaire en cas de
• L’IRM est nécessaire dans les formes à diagnostic persistance ou de récidive.
incertain et dans les formes rebelles, surtout lorsqu’on
discute un traitement chirurgical.
• Le traitement est avant tout conservateur et repose
sur la rééducation selon Stanish, ainsi que sur d’autres
Ruptures du système
techniques. extenseur
• En cas d’échec, la chirurgie peut être indiquée : elle
doit être une « chirurgie à la carte » en fonction des Le système extenseur du genou peut être inter-
lésions anatomiques et non un peignage systématique. rompu à différents niveaux : soit en transtendi-
neux par une rupture du tendon quadricipital ou
du tendon patellaire, soit en transosseux par une
Tendinopathies du quadriceps fracture de la patella ou de la tubérosité tibiale
antérieure (chez l’adolescent). La rupture du ten-
Beaucoup moins fréquentes que les tendino don patellaire, sans être fréquente, se rencontre
pathies patellaires, elles se retrouvent parfois chez plus souvent chez le jeune sportif, contrairement
le sportif (volley, gymnastique, haltérophilie) mais à la rupture du tendon quadricipital, plus rare sur
sont souvent associées à une pathologie médicale ce terrain et plutôt retrouvée chez des patients
(rhumatismes inflammatoires, usage de statines) plus âgés, parfois dans un contexte rhumatismal
en dehors de tout contexte sportif. L’examen ou médicamenteux.
clinique et l’imagerie donnent des signes proches
des tendinopathies patellaires et le traitement
est comparable lorsqu’elles surviennent dans un Ruptures du tendon patellaire
contexte sportif.
Physiopathologie
La rupture survient surtout chez des sujets mascu-
Bursites ou hygromas du genou lins de moins de 40 ans, souvent dans un contexte
sportif. Le mécanisme typique est représenté par
Ces affections n’ont rien de spécifique chez le une contraction violente excentrique du quadri-
sportif. On peut les rencontrer au cours de sports ceps survenant sur un genou fléchi, tel qu’on peut
entraînant des frottements prolongés au niveau de le rencontrer après une réception de saut ou une
la face antérieure des genoux (voile) ou des chocs chute. Il peut également plus rarement être direct,
itératifs (sports de combat au sol). secondaire à un choc sur le tendon survenant à
Il existe cinq bourses séreuses à la face antérieure 90° de flexion. Expérimentalement, la rupture
du genou : sous-quadricipitale ; prépatellaire nécessite une charge importante, équivalente à
204 Traumatologie en pratique sportive
Clinique
Le diagnostic doit être fait par l’examen clinique :
présence d’une dépression bien visible sous la patella
(figure 6.43), rotule ascensionnée par rapport au
côté opposé et surtout impossibilité d’étendre Figure 6.43. Aspect clinique d’une rupture du tendon
activement le genou. Lorsque les ailerons rotuliens patellaire.
ne sont pas rompus, le diagnostic peut être plus
difficile car il peut persister exceptionnellement et souvent en une échographie qui confirme le
une extension active (toujours limitée par rapport diagnostic et précise le siège de la rupture.
au côté sain). L’IRM n’est pas nécessaire dans les formes
vues tôt et cliniquement évidentes. Elle se justifie
Imagerie par contre lorsqu’on suspecte une lésion associée
Elle consiste dans tous les cas en une radiogra- du LCA et dans les formes vues tardivement
phie standard qui doit être bilatérale, de façon à (figure 6.44). Son intérêt essentiel est de recher-
apprécier comparativement la hauteur de la rotule cher une lésion associée.
Figure 6.44. Imagerie d’une rupture du tendon patellaire vue à distance du traumatisme.
a. Radiographie de profil montrant une importante ascension de la patella. b. IRM signalant la désinsertion complète
au niveau de la tubérosité tibiale antérieure.
Chapitre 6. Genou 205
Figure 6.45. Traitement chirurgical d’une rupture proximale récente du tendon patellaire chez un footballeur
professionnel.
a. Vue opératoire d’une rupture récente du tendon patellaire. b. Aspect après réinsertion par suture dans les tunnels
transosseux et cadrage (gros fil).
206 Traumatologie en pratique sportive
Ruptures du tendon quadricipital sion active est mineure (< 10°) voire inexistant.
La radiographie standard retrouve une rotule
Elles surviennent dans la grande majorité des cas basse ou basculée, une hémarthrose et recherche
après 40 ans et souvent dans un contexte particu- des calcifications. L’échographie confirme le diag-
lier de pathologie associée (diabète, insuffisance nostic et l’IRM est surtout utile dans les formes
rénale, maladies systémiques, dyslipidémie) ou vues tardivement.
après un traitement médical (corticothérapie En cas de rupture partielle, souvent chez des
ou stéroïdes anabolisants) et peuvent être dans ce sujets âgés, si le déficit de l’extension active est
cas bilatérales et survenir après un traumatisme mineur, un traitement fonctionnel peut être pro-
mineur. Elles peuvent également (bien que plus posé. En cas de déficit d’extension active impor-
rarement) se rencontrer chez le sujet plus jeune tant (> 10°) ou complet, le traitement doit être
et sportif. Le mécanisme est en règle une contrac- chirurgical (seuls certains sujets âgés présentant
tion violente du quadriceps, le genou étant fléchi. des pathologies graves peuvent faire discuter une
Un mécanisme direct est également possible. Il simple immobilisation). En présence d’une rup-
peut s’agir d’une rupture transtendineuse (60 %), ture en plein corps, une suture directe est possible
mais parfois également d’un décalottement quadi- par points en U ou en X associée à une suture des
cipital (figure 6.46), emportant surtout le périoste ailerons. Un cadrage rotulien au fil non résor-
prépatellaire et l’insertion du quadriceps (sur- bable est souvent possible pour protéger la suture.
tout chez le jeune), plus rarement d’une rup- Il est également pratiqué en cas de désinsertion, le
ture à la jonction musculotendineuse. L’examen moignon distal étant réinseré au pôle supérieur de
retrouve une perte d’extension active du genou. la rotule après réalisation d’une tranchée et de tun-
Un gonflement survient tôt et lorsque le patient nels transosseux ou en cas d’utilisation d’ancres.
est vu tardivement le diagnostic est plus difficile En cas de lésion ancienne, une perte de subs-
d’autant qu’un tissu cicatriciel survient rapide- tance peut être présente ainsi que des adhérences
ment. Contrairement au tendon patellaire, il est du moignon distal. Il faut pratiquer une libération
possible de rencontrer une rupture partielle du basse du quadriceps et une plastie de renforce-
tendon quadricipital, souvent centrale et sur le ment utilisant les ischiojambiers, le tendon rotu-
feuillet tendineux superficiel. Le déficit d’exten- lien ou l’aponévrose du triceps sural.
Tendinopathies distales
des ischiojambiers
et de la patte d’oie
Les tendinopathies distales des ischiojambiers Figure 6.47. Schéma de l’insertion distale du semi-
représentent environ 10 à 15 % de l’ensemble des membraneux.
Source : Carole Fumat.
tendinopathies du genou. Elles peuvent concerner
le semi-membraneux, le semi-tendineux (tendino- est globalement plus fréquente mais surtout dans
pathie étudiée avec l’ensemble de la patte d’oie) un contexte rhumatismal, parfois en association à
ou le biceps fémoral. une gonarthrose fémorotibiale interne.
Tendinopathies Clinique
du semi-membraneux Cliniquement, le diagnostic est souvent facile : en
(semi-membranosus) décubitus ventral, genou à 110° de flexion, la dou-
leur est provoquée à la palpation directe du tendon,
Anatomie et physiopathologie augmentée au test d’étirement (genou en extension,
Le tendon distal du semi-membraneux se divise rotation externe passive) et au test de contrac-
en cinq faisceaux (figure 6.47) : un tendon direct tion contrariée en flexion active du genou, jambe
attaché à la partie postérieure de la tubérosité en rotation interne (figure 6.48). Un facteur favori-
interne ; un tendon réfléchi qui passe dans un sant (genu recurvatum) est toujours recherché.
tunnel ostéofibreux formé par la gaine du tendon
Imagerie
renforcé par le LCM ; un tendon récurrent consti-
tuant le ligament poplité oblique attaché à la coque L’échographie est l’examen majeur pour confirmer
condylienne postérolatérale ; un renforcement le diagnostic en particulier pour le diagnostic de ten-
recouvrant le muscle poplité et un faisceau incons- dinopathie du tendon réfléchi qui peut passer ina-
tant s’insérant sur la tête fibulaire. Chez le sportif, perçue à l’IRM. Pour les tendinopathies du tendon
l’atteinte du tendon commun et celle du tendon commun ou direct, l’échographie montre parfois un
direct sont les plus fréquentes. Il peut s’agir de tendon épaissi, en hypersignal et hypo-échogène par
ténosynovites ou d’enthésopathies, liées à des rapport au côté sain, avec fréquemment une bursite.
phénomènes de traction et frottement, souvent L’IRM est en fait surtout utile au diagnostic diffé-
favorisées par un genu recurvatum et survenant rentiel pour éliminer une affection intra- ou extra-
volontiers au cours de la marche de longue durée articulaire : lésion du ménisque interne, nécrose du
ou la course de fond. L’atteinte du tendon réfléchi condyle interne, semi-membraneux accessoire.
208 Traumatologie en pratique sportive
de la tête de la fibula, parfois une lésion de la la fabella est aisément palpable en postérolatéral,
jonction myotendineuse, rarement des calcifica- entraînant parfois une douleur importante. Dans le
tions. Une lésion siégeant sur l’insertion du gas- cadre des tendinopathies, des pressions répétées de
trocnémien latéral peut lui être associée. la fabella contre la face postérieure du condyle peu-
Le traitement médical comporte : repos sportif, vent entraîner un conflit douloureux à ce niveau.
physiothérapie, semelles corrigeant un éventuel L’échographie montre une hypo-échogénicité du
varus, rééducation avec travail excentrique. tendon avec parfois hypervascularisation au Dop-
pler. Une infiltration échoguidée est souvent très
efficace. L’ablation de la fabella est pratiquée en cas
Pathologie de la fabella d’échec du traitement conservateur.
La fabella est un os sésamoïde inconstant du mus-
cle gastrocnémien latéral, présent dans 10 à 20 %
des genoux (figure 6.47). Sa pathologie, souvent Ruptures tendineuses
méconnue, peut évoquer celle d’un autre sésamoïde distales des ischiojambiers
beaucoup plus volumineux, la rotule : fracture,
tendinopathie, chondromalacie, nécrose avec frag- Les lésions musculaires des tendons ischiojam-
mentation peuvent être observées. Cliniquement, biers sont très fréquentes en pratique sportive.
210 Traumatologie en pratique sportive
Dans la grande majorité des cas, il s’agit de lésions de l’os. Le mécanisme est une hyperextension du
siégeant en plein corps musculaire, secondaires à genou, hanche en flexion et rotation externe de
un étirement brutal. Beaucoup plus rarement, il jambe.
s’agit de ruptures proximales ou distales dans la L’examen clinique retrouve rarement une inter-
portion tendineuse de ces muscles. Les ruptures ruption du tendon à la palpation, plus souvent un
basses des ischiojambiers sont beaucoup plus empâtement de la région. L’échographie et l’IRM
rares que les ruptures de l’appareil extenseur du montrent la rupture et en précisent le siège exact.
genou. Par ordre de fréquence décroissante, selon Elles permettent de retrouver parfois une tendi-
Lempainen, le biceps fémoral semble le plus sou- nopathie préexistante et d’écarter des diagnostics
vent atteint, suivi par le semi-membraneux et le rares tels qu’un semi-membraneux accessoire. Des
semi-tendineux. Les muscles ischiojambiers sont ruptures partielles existent, secondaires à une
bi-articulaires (à l’exception de la courte portion entorse du plan médial, et entraînant à l’échogra-
du biceps) et jouent un rôle dans la flexion du phie un hypersignal sur le tendon.
genou et l’extension de hanche. Leur plus grand Le traitement est chirurgical en cas de rupture
degré d’étirement est obtenu lorsque la hanche complète (figure 6.50). Un traitement conserva-
est fléchie et le genou tendu, en particulier lors du teur peut se discuter en cas de rupture incom-
shoot chez le footballeur, ou lors de la course chez plète, en particulier au niveau de la jonction
les sprinters. Une position en valgus relatif du musculotendineuse.
segment jambier va étirer préférentiellement les
ischiojambiers internes ; en varus, c’est le biceps Ruptures du semi-tendineux
fémoral qui sera sollicité. distal
Elles sont exceptionnelles isolément. Reconnues
Ruptures du semi-membraneux par l’IRM, elles peuvent bénéficier d’un traite-
distal ment conservateur, car on connaît l’absence de
conséquences fonctionnelles du prélèvement du
La terminaison du semi-membraneux est complexe gracilis et du demi-tendinosus (DIDT) au cours
(figure 6.47). Les ruptures peuvent survenir au des plasties ligamentaires. Certaines séquelles
niveau du tendon commun (plus souvent à la douloureuses au niveau de la zone de cicatrisation
jonction myotendineuse) ou du tendon direct, ont cependant été décrites et ont nécessité une
parfois sous forme d’avulsion du tendon au ras ablation secondaire du tendon.
Figure 6.50. Rupture du faisceau commun du semi-membraneux distal chez un footballeur professionnel.
a. Aspect peropératoire. b. Aspect après suture du tendon.
Chapitre 6. Genou 211
correction d’une anomalie plantaire, MTP. La diagnostic lorsqu’il demeure incertain. Le traite
rééducation repose sur le travail excentrique du ment consiste pour la majorité des auteurs en une
poplité. La libération arthroscopique du tendon réinsertion chirurgicale du tendon sur le condyle
peut être proposée dans les rares cas de tendino- fémoral, mais plusieurs articles récents ont fait
pathie calcifiante. état de bons résultats après traitement conser-
vateur lorsque la rupture est strictement isolée,
même chez des footballeurs professionnels, avec
Ruptures isolées du poplité une reprise sportive 4 à 8 semaines après le
traumatisme.
Les ruptures du poplité surviennent le plus sou-
vent au cours d’entorses du plan latéral, en asso-
ciation à une rupture du LCL et des ligaments
croisés. Beaucoup plus rarement, elles peuvent Conflits et ressauts
également survenir isolément. du genou
Le mécanisme retrouvé le plus souvent est un
traumatisme en rotation externe forcée de jambe Pour qu’il y ait conflit, il faut être au moins deux !
tel qu’on peut en rencontrer lors de tacles dans Un conflit, le plus souvent entre une structure
la pratique du football. Ces ruptures peuvent osseuse et les parties molles, peut se produire à
être intra- ou extra-articulaires et consister soit de nombreux niveaux : épaule, coude, poignet,
en une avulsion de l’insertion fémorale enlevant main, hanche ou cheville. Il est particulièrement
parfois un fragment osseux, soit en une rupture fréquent au niveau du genou.
au niveau de la jonction musculotendineuse. Le Lors de certains mouvements en flexion du
diagnostic doit être évoqué devant une douleur genou peut se produire un frottement (ou fric-
postérolatérale du genou souvent avec hémar- tion) entre une structure osseuse et les parties
throse, survenant après traumatisme sur un molles (tendon ou aponévrose) entraînant soit un
genou stable à l’examen clinique. Il repose sur conflit douloureux lors de certaines activités, soit
l’IRM qui montre parfois la désinsertion du un ressaut visible et parfois audible et palpable.
tendon avec un contour irrégulier au niveau Les principaux conflits du genou sont résumés
du hiatus et un hypersignal dans le muscle poplité dans le tableau 6.1. Le syndrome de la bandelette
(figure 6.51). L’arthroscopie peut confirmer le iliotibiale représente la cause la plus fréquente de
douleurs latérales du genou chez le sportif.
Syndrome de friction
de la bandelette iliotibiale
Physiopathologie
Le syndrome de la bandelette iliotibiale (iliotibial
band friction syndrome), encore appelé syndrome
de l’essuie-glace, est secondaire à un conflit entre
la bandelette iliotibiale et le condyle fémoral
latéral. Décrit initialement par Rennes en 1975, il
survient après des flexions répétées autour de 30°
et est fréquent chez les coureurs à pied. Anato-
Figure 6.51. Rupture complète et isolée du tendon miquement, la bandelette iliotibiale est une lame
poplité chez un footballeur international.
IRM T2 FAT-SAT frontale. Solution de continuité du tendon
aponévrotique tendue entre le bassin et le tibia.
poplité en regard de segment moyen du menisque latéral Elle se divise distalement en trois composantes :
signant la rupture. un tractus iliopatellaire s’insérant sur le bord
Chapitre 6. Genou 213
Figure 6.52. Tests cliniques pour la recherche d’un syndrome de la bandelette iliotibiale.
a. Test de Noble. b. Test de Renne.
partielle peuvent être pratiquées à ciel ouvert ou tête de la fibula et le tendon lors de mouvements
par voie endoscopique. en flexion du genou. Il existe dans tous les cas une
anomalie d’insertion du tendon sur la tête de la
fibula avec soit une insertion trop antérieure sur
Points clés : syndrome de la bandelette
la tête, soit une insertion tibiale prédominante ou
iliotibiale
unique (figures 6.49 et 6.54). Il se présente soit
• Il résulte d’un conflit entre la bandelette iliotibiale et comme un conflit douloureux lié au frottement lors
le condyle fémoral à la suite de mouvements répétés de la flexion aux alentours de 110°, soit comme un
à 30° de flexion du genou (fréquent chez le coureur à ressaut parfois strictement indolore, parfois doulou-
pied).
reux au cours de certaines activités ou de certains
• Le diagnostic repose sur l’interrogatoire et l’examen
physique.
sports. Le cyclisme est le plus souvent en cause
• L’échographie confirme le diagnostic et recherche (vélo de route ou VTT), plus rarement d’autres
une pseudo-bursite. sports (football, karaté).
• L’IRM n’est pas nécessaire au diagnostic mais est
importante en cas de doute pour écarter les autres Clinique et imagerie
causes de douleur latérale du genou : lésion méniscale Cliniquement, le diagnostic est évident lorsqu’il
latérale, chondropathie.
existe un ressaut (figure 6.55 et vidéo 6.6) :
• Le traitement est le plus souvent conservateur :
repos sportif relatif, orthèses plantaires, rééducation, celui-ci est visible, parfois audible, souvent pal-
infiltration. pable. Il est par contre difficile en cas de conflit
• En cas d’échec, un traitement chirurgical peut être sans ressaut, et il faut alors écarter les autres
proposé (1 à 5 % des cas) : il consiste le plus souvent en causes de douleur latérale du genou (tableau 6.2).
un allongement de la bandelette iliotibiale, parfois associé
à une bursectomie, réalisé par chirurgie à ciel ouvert ou par
technique endoscopique.
Traitement
La douleur est localisée autour de la tête fibu-
laire. Pour les cyclistes, elle survient souvent Le traitement dépend de l’importance de la gêne
après un nombre de kilomètres toujours identique fonctionnelle : en cas de ressaut indolore, aucun
obligeant le sportif à arrêter son activité. L’ima- traitement n’est nécessaire. Lorsque le ressaut est
gerie est utile avant d’envisager le traitement : la douloureux, le patient préfère parfois changer
radiographie standard recherche une anomalie de d’activité sportive ou diminuer son kilométrage.
la tête fibulaire (hypertrophie), l’examen essentiel Dans la majorité des cas, il souhaite poursuivre
étant l’échographie dynamique en cas de ressaut cette activité. Le traitement médical est peu effi-
( vidéo 6.7). Elle permet de localiser celui-ci, cace et il est logique de lui proposer un traitement
plus rarement de localiser l’insertion du biceps. chirurgical. Celui-ci consiste en une désinsertion
L’IRM a un intérêt majeur en cas de conflit du tendon distal du biceps suivie d’une réinsertion
sans ressaut en permettant de visualiser l’inser- en zone normale sur la partie postérieure de la tête
tion trop antérieure du tendon (figure 6.56) et fibulaire. On constate alors une disparition du res-
surtout d’éliminer les autres causes de douleur saut ou du conflit en peropératoire (figure 6.57 et
latérale : lésion méniscale latérale, syndrome de vidéo 6.8). Plusieurs techniques sont possibles :
la bandelette iliotibiale, pathologie tibiofibulaire tunnel transosseux, utilisation d’ancres ou de vis
supérieure, tendinopathie du biceps. d’interférence. Certains auteurs ont proposé un
Chapitre 6. Genou 217
Figure 6.56. IRM montrant l’insertion anormale du biceps fémoral en cas de conflit ou de ressaut.
La flèche montre l’insertion tibiale unique du biceps femoris.
supposé sain. Les scores fonctionnels le plus sou- • l’âge qui est également un facteur limitant, car
vent utilisés sont : les résultats des techniques de réparation sont
• l’échelle visuelle analogique de la douleur ; moins bons au-delà de 50 ans du fait de la raré-
• l’évaluation subjective de l’articulation lésée en faction des cellules souches sous-chondrales ;
pourcentage par rapport au genou sain ; • le tabagisme qui est également un élément
• le niveau d’activité du patient avant l’accident, péjoratif prouvé sur la microcirculation.
avant et après le traitement ;
• l’état fonctionnel subjectif (normal, presque
normal, limité, très limité) avant l’accident, Bilan radiologique préopératoire
avant et après le traitement ; La mesure de la taille de la lésion et l’évaluation
• les amplitudes articulaires. de l’état de l’os sous-chondral sont essentielle-
Pour le genou, On utilise les items de l’ICRS, ment radiologiques et arthroscopiques.
de l’International Knee Documentation Commit- Les radiographies simples ne sont significatives
tee (IKDC) et le score clinique de Hughston. qu’en cas d’atteinte de l’os sous-chondral et
L’ICRS est un score validé utilisé pour l’évalua- permettent d’estimer la largeur sur le cliché de
tion de la réparation des lésions cartilagineuses, face et la longueur sur le cliché de profil, mais ce
il permet d’évaluer l’état fonctionnel (normal, sont surtout l’arthroscanner, l’IRM et l’arthro-
presque normal, anormal et très anormal), de IRM qui permettent d’apprécier plus précisément
comparer le côté malade au côté sain (en pour- la largeur sur les coupes frontales, la longueur
centage), d’évaluer la douleur en utilisant l’échelle sur les coupes sagittales, et donc le calcul de la
analogique de la douleur et de classer le niveau surface atteinte. L’arthroscanner est performant
sportif de normal à très anormal. pour réaliser une cartographie lésionnelle (images
L’IKDC fonctionnel n’est pas spécifiquement en addition), surtout pour explorer les lésions de
validé pour les lésions cartilagineuses, mais c’est stade III en coupes millimétriques jointives mais
un score fréquemment employé. aussi pour identifier les méplats des stades II ou
Le score clinique de Hughston est plus spéci- les fissures (classification ICRS). Ses inconvénients
fiquement utilisé par les orthopédistes pédiatres, majeurs sont son caractère invasif et l’irradiation
il a été conçu pour évaluer le traitement des qui rend son utilisation discutable dans le suivi
lésions d’ostéochondrite chez l’enfant. Il permet répété pour apprécier l’évolution de ces lésions.
de classer les patients en cinq catégories cliniques L’IRM permet d’obtenir des images de qualité
allant de l’échec à un excellent résultat clinique. mais nécessite des appareils performants, et des
Ces évaluations permettent à la fois de quanti- incidences et des séquences adaptées. Aisé pour
fier la gêne fonctionnelle préopératoire et d’éva- les lésions chirurgicalement réparables de stade
luer le résultat postopératoire. III et IV, le diagnostic est plus difficile pour les
L’étude du terrain est aussi fondamentale car stades I et II, bien qu’il soit facilité par la présence
l’évolution spontanée de la lésion et le résul- d’un éventuel épanchement articulaire. L’ICRS
tat d’une éventuelle réparation chirurgicale en préconise deux séquences simples à mettre en
dépendent. Il faut apprécier : œuvre : la séquence FSE T2 qui montre l’épan-
• le poids, les activités physiques sportives et pro- chement, l’œdème osseux et l’altération de la sur-
fessionnelles actuelles et souhaitées du patient ; face cartilagineuse, et la séquence 3D GRE T1 qui
• le morphotype du membre inférieur qui peut être révèle les altérations dans l’épaisseur du cartilage
mécaniquement favorable ou défavorable selon la et donne des informations très précises sur la lame
localisation de la lésion (le genu valgum peut être sous-chondrale. Ces deux séquences permettent de
favorable en cas de lésion du condyle médial) ; déterminer le stade ICRS de la lésion. Pour évaluer
• la stabilité articulaire clinique et radiologique la réparation cartilagineuse, on utilise le score
car la présence d’une laxité représente un fac- MOCART (magnetic resonance observation of car-
teur certain de dégradation cartilagineuse et tilage repair tissue) qui s’appuie sur neuf critères :
d’échec des techniques de réparation ; comblement, état des berges (intégration latérale),
220 Traumatologie en pratique sportive
état de la surface (lamina splendens), homogénéité • grade 2 : cartilage anormal avec des fissures de
de la réparation, type de signal en FSE T2 et en moins de 50 % de l’épaisseur du cartilage ;
3D GRE FS, présence d’un liseré sous-chondral, • grade 3 : cartilage anormal avec des fissures de
étude de l’os sous-chondral, présence d’adhérences plus de 50 % de l’épaisseur du cartilage ;
et visualisation d’un épanchement. • grade 4 : cartilage anormal avec une lésion attei-
L’arthroscopie mesure directement la taille de la gnant l’os sous-chondral, la plaque superficielle
lésion (figure 6.58) en s’aidant soit d’un crochet est atteinte et la surface osseuse est altérée.
palpeur, de gabarit cylindrique, soit de la mesure
de l’arc lésionnel comme l’a préconisé Robert.
Cela représente le premier des deux temps de la Moyens thérapeutiques
technique de greffe.
Moyens non chirurgicaux
Les lésions symptomatiques relèvent habituelle-
Classification des lésions ment d’un traitement médical et fonctionnel avec
cartilagineuses et éléments les antalgiques/anti-inflammatoires. Plus inva-
d’orientation thérapeutique : sives, les infiltrations de corticoïdes retard, la vis-
cosupplémentation, les injections de PRP et les
localisation, traumatismes
injections de cellules souches mésenchymateuses
associés et terrain, taille, imagerie sont largement utilisées. L’efficacité est variable
Il est essentiel en ce qui concerne les lésions et temporaire, sans action prépondérante de l’un
cartilagineuses du genou d’utiliser la classification ou de l’autre dans les différentes études compara-
arthroscopique de l’ICRS qui permet une analyse tives. Aucune de ces techniques n’est capable de
descriptive en quatre grades. Cette classification régénérer le cartilage. Les semelles orthopédiques
précise aussi la taille et la localisation de la lésion. déchargeant le compartiment lésé font partie de
En visualisant directement la lésion, l’arthroscopie l’arsenal.
permet d’apprécier la profondeur en utilisant les
grades ICRS : Moyens chirurgicaux
• grade 0 : cartilage macroscopiquement normal ; Les moyens chirurgicaux ont pour but de
• grade 1 : cartilage anormal (en superficie) avec combler la perte de substance afin de restituer
chondromalacie, fibrillations de surface ou fis- une congruence articulaire, si possible d’induire
sures superficielles ; une cicatrisation hyaline et donc d’éviter à moyen
et long terme la dégénérescence arthrosique. Ils
peuvent être classés en moyens de réparation
par stimulation sous-chondrale conduisant le plus
souvent à une cicatrice fibreuse (microfractures et
microfractures plus membrane, perforations de
Pridie et abrasion), en moyens de reconstruction
structurale amenant du cartilage mature en unité
ostéochondrale (mosaïcoplastie et allogreffe mas-
sive) et en moyens de régénération par greffe de
culture de chondrocytes autologues ayant pour
objectif une réparation hyaline.
Techniques palliatives
Lavage articulaire et débridement cartilagineux
Le principe est double associant l’action méca-
Figure 6.58. Clapet cartilagineux du condyle interne. nique du lavage articulaire à l’exérèse des tissus
Chapitre 6. Genou 221
détériorés. Le lavage élimine les cytokines (inter- Techniquement, l’intervention est réalisée sous
leukine 1 ou IL-1, tumor necrosis factor β ou arthroscopie et utilise des mèches de 1,5 mm
TNF-β) et les métalloprotéases de l’articulation, (figure 6.59) ou des broches de 18 ou 20/10
ainsi que les produits de dégradation du cartilage, introduites afin d’attaquer l’os sous-chondral sur
les débris cartilagineux ou les cristaux de pyro- environ 15 à 20 mm.
phosphate de calcium irritant la synoviale. Dans
les stades précoces, l’ablation de telles enzymes Microfractures
permet aux chondrocytes de réguler leurs activités Il s’agit de la technique de réparation de réfé-
biologiques. Lorsque le cartilage a complètement rence, largement répandue en France bien que
disparu et qu’il existe un contact os–os, l’effet parfois confondue avec la technique de Pridie,
bénéfique du lavage articulaire est minime. Le avec des objectifs histologiques et tissulaires
lavage articulaire a un effet symptomatique réel identiques. L’utilisation d’un poinçon repose sur
mais transitoire de quelques mois à 1 an. Malgré l’idée d’éviter tout dommage thermique à l’os
quelques séries montrant une amélioration de la sous-chondral.
symptomatologie dans 2/3 des cas, la plupart Le principe de cette technique est d’obtenir
des auteurs estiment qu’il ne faut pas attendre de une cicatrisation d’un défect cartilagineux par la
résultats spectaculaires de ce traitement. mobilisation et stimulation des cellules souches
mésenchymateuses contenues dans l’os sous-
Techniques de stimulation ostéochondrale chondral. En effet, ce saignement va induire la
Ces techniques cherchent à produire une répa- création d’un caillot fibrinocruorique, colonisé
ration fibrocartilagineuse en exposant l’os sous- par les cellules souches multipotentes, les pla-
chondral, en produisant un caillot de fibrine qui quettes et des facteurs de croissance (figure 6.60).
va être colonisé par les cellules mésenchymateuses La technique initialement décrite par Steadman
indifférenciées. Celles-ci vont se multiplier et est réalisée sous arthroscopie. Ces microfractures
peuvent, en fonction de facteurs locaux et de sont réalisées à la pointe carrée fine ou mieux avec
facteurs mécaniques, se différencier en cartilage des poinçons angulés appelés « pics chondraux »
ou en os. Cependant, le cartilage « reconstitué » de 4 mm de profondeur et placés tous les 4 mm
est très loin du cartilage hyalin et il s’agit d’un (figure 6.61). Dans les suites opératoires, une
fibrocartilage constitué de collagène de type II mobilisation immédiate est instituée sur arthro-
très fragile. moteur. La reprise de l’appui est effectuée 8
semaines après l’intervention. Le délai avant la
Perforations de Pridie
En théorie, la perforation de la zone sous-
chondrale est un complément indispensable au
débridement qui, si isolé, ne peut pas induire
la formation spontanée d’un fibrocartilage au
niveau de la zone de défect. La pénétration de la
couche sous-chondral crée une communication
directe entre l’os spongieux sous-chondral et
l’espace articulaire et favorise la mobilisation
vers la surface articulaire des cellules souches
mésenchymateuses à partir de la cavité médul-
laire. Ces canaux sont colonisés par une néo-
vascularisation et une migration des cellules
souches, mais jouent aussi un rôle important
dans la décompression de l’os sous-chondral en
diminuant la pression intra-osseuse élevée dans Figure 6.59. Perforations de Pridie réalisées à la mèche
la zone de défect. motorisée.
222 Traumatologie en pratique sportive
chirurgie influence de manière significative le du fragment car le cartilage articulaire est habi-
résultat. Au-delà de 20 mois, le résultat est péjo- tuellement sain. Cette perforation se fait soit
ratif. Produisant du fibrocartilage, les résultats de par un orifice unique et un trajet multidirection-
cette technique se dégradent dans le temps. Elle nel, soit par plusieurs orifices inframillimétriques
est particulièrement indiquée pour les patients (figure 6.62).
maigres, avec un délai accident–chirurgie court, à L’objectif de la fixation des ostéochondrites est
faible demande fonctionnelle, et pour les lésions bien connu et a été étudié lors du symposium de
de découverte fortuite dont la taille est inférieure la SOFCOT en 2005. La fixation isolée s’utilise
à 2 cm2. lorsque le fragment est viable et le cartilage
articulaire intact, ce qui est identifiable sur l’IRM
Techniques de perforation et de fixation ou l’arthroscanner : elle se fait soit par des broches
des ostéochondrites disséquantes fermées résorbables, soit par vissage enfoui, soit plus
La perforation isolée des ostéochondrites est élégamment par un plot de mosaïcoplastie selon
un geste simple qui se fait habituellement sous Beaufils (figure 6.63). Lorsque l’ostéochondrite
arthroscopie. La difficulté est celle du repérage se dissèque, c’est-à-dire lorsqu’elle se détache,
Figure 6.62. Perforations d’une ostéochondrite disséquante à cartilage articulaire fermées à l’aide d’une broche (a)
et aspect final (b).
Chapitre 6. Genou 223
Figure 6.64. Matrice acellulaire multicouche biomimétique type MaioRegen® servant pour combler les gros défects.
Source : Carole Fumat.
224 Traumatologie en pratique sportive
encourageants avec un très court recul de 6 saignante, ce qui favorise la production de fibro-
mois, montrant la stabilité puis la résorption de cartilage entre les greffons. L’étape suivante est le
l’implant et le comblement complet du défect prélèvement des greffons ostéochondraux cylin-
aussi bien macroscopiquement que par IRM avec driques (figure 6.66) au niveau des bords internes
une amélioration fonctionnelle. Une évaluation ou externes de la trochlée fémorale. Les greffons
clinique morphologique et histologique est néces- sont prélevés en zone non portante. La dernière
saire à plus long terme. étape est l’implantation des greffons mosaïques
en les enfonçant dans les trous percés dans la zone
Mosaïcoplastie ou greffes d’implantation.
ostéochondrales autologues Cette technique peut être réalisée sous arthro-
Cette technique a été mise au point puis déve- scopie quand la lésion fait moins de 2 cm de dia-
loppée en Hongrie au début des années 1990 mètre et si elle peut être couverte par quatre à six
par Hangody à partir d’étude animale puis chez greffes au maximum. Comme dans la technique
l’homme en 1992. Largement diffusée, elle est la à ciel ouvert, la perte de substance cartilagineuse
technique de référence en France. À court terme, doit être couverte au moins à 70 %.
la greffe en mosaïque est une technique de res- Plusieurs séries rapportent les résultats des
tauration cartilagineuse validée. mosaïcoplasties. Hangody, promoteur et diffuseur
Cette technique exigeante consiste en un trans- de cette technique, a rapporté en 2008 une large
fert d’unité anatomique et fonctionnelle ostéo- série avec 92 % de bons et très bons résultats au
chondrale prélevée sur le genou, puis en sa niveau du condyle fémoral, 87 % au tibia et 74 %
greffe au niveau d’une lésion ostéochondrale sur la rotule et la trochlée.
située soit localement au niveau du genou, En 2013, Solheim a conclu que les meilleurs
soit à distance au niveau d’une autre articulation, résultats à long terme étaient obtenus chez les
en un seul temps opératoire à ciel ouvert ou sous hommes de moins de 40 ans présentant une lésion
arthroscopie (figure 6.65). Techniquement, au de moins de 3 cm2.
genou, l’intervention peut être réalisée soit sous Versier avait déjà émis les mêmes conclusions
arthroscopie, soit par une courte arthrotomie. Le dans la série de la SFA en 1998 sur une série
premier temps consiste à faire le bilan lésionnel multicentrique de 86 cas avec à 1 an 78 % de
puis à régulariser les bords du défect à angle score A et B selon l’ICRS avec les mêmes facteurs
droit jusqu’au cartilage hyalin sain à l’aide d’une de bon pronostic. L’évaluation IRM est admise de
curette plutôt que du shaver. Le plancher de la tous en particulier en utilisant les séquences ICRS
lésion est ensuite soumis à une abrasion jusqu’en et le score MOCART. Les facteurs de meilleur
os sous-chondral viable afin d’exciser la couche pronostic habituellement retrouvés sont les lésions
séquestrée et d’obtenir une surface sous-chondrale situées sur le condyle médial, l’ostéochondrite
Figure 6.65. Technique de l’autogreffe ostéochondrale en mosaïque sous arthroscopie (a) ou à ciel ouvert (b).
Chapitre 6. Genou 225
disséquante, les lésions profondes et de petites par des matrices. Le principe est de multiplier
tailles et un délai opératoire le plus court pos- les chondrocytes du patient sur des milieux de
sible. Les lésions de grande taille représentent les culture, puis de les injecter dans la zone lésée sur
lésions au pronostic le plus défavorable. La greffe un support qui leur permet de régénérer la perte
en mosaïque semble ainsi être une technique fiable de substance cartilagineuse.
à court et à plus long terme. Nettement moins
onéreuse que les techniques régénératives, réalisée La 1re génération : technique du lambeau
en une seule étape chirurgicale et offrant une res- périosté (figure 6.67)
tauration immédiate de la surface cartilagineuse en Largement développé, utilisé et diffusé par l’école
traitant toute l’unité ostéochondrale, la mosaïco- suédoise de Peterson et Brittberg puis par Minas,
plastie demeure néanmoins une technique difficile, le principe est de mettre en place, dans le défect
exigeante, non dépourvue de complications. La régularisé et exsangue, une culture de chondro-
limite de la technique est représentée par la taille cytes autologues ayant subi une multiplication in
de la lésion à traiter. L’indication de choix est vitro en laboratoire, implantée sous un patch de
représentée par les lésions profondes et de petites périoste prélevé localement (tibia) et suturé aux
tailles (< 2 cm2) situées sur le condyle médial. berges de la perte de substance avant d’être étan-
chéifié avec de la biocolle. La multiplication et la
Culture et greffe autologue de chondrocytes (GAC) maturation cellulaire permettent le comblement
Il s’agit de techniques récentes de régénération du défect par du cartilage hyalin.
tissulaire dont la première génération reposait sur Cette technique est globalement délaissée à ce
la dynamique biologique du complexe chondro- jour aux dépens de culture de 2e et de 3e géné-
cyte–périoste. Depuis, le périoste a été remplacé ration.
226 Traumatologie en pratique sportive
relatives car pouvant être réglées en même temps Les lésions du tibia sont rares. Les petites lésions
(en particulier pour les gestes en 1 temps : micro- accessibles au viseur de moins de 1 cm2 relèvent de
fractures et mosaïcoplastie) ou en amont du la mosaïcoplastie rétrograde, permettant d’obtenir
traitement du cartilage : laxité ligamentaire rele- selon Hangody 87 % de bons résultats. Les lésions
vant d’une ligamentoplastie, défaut d’axe à traiter tibiales plus grandes seront préférentiellement
par ostéotomie et amaigrissement. De nombreux traitées par microfractures, matrice ou culture de
auteurs prônent d’ailleurs une ostéotomie de dés- chondrocytes 3D, mais là aussi recul et nombre
axation quasi systématique. Les méniscectomies de cas ne permettent pas de donner de résultat.
préalables ne péjorent pas le résultat. Par contre,
la précocité du traitement doit être recherchée. Conclusion
Le choix thérapeutique doit prendre en compte
plusieurs facteurs : le type de lésion (ostéochon- Les techniques de réparation cartilagineuse sont
drite ou fracture chondrale), la localisation, la encore en pleine expansion. Actuellement, il n’y
taille, la profondeur, l’âge du patient, son niveau a pas une réponse pour un problème donné et
d’activité souhaité, son morphotype et enfin chaque cas doit être considéré comme particulier.
l’arsenal thérapeutique disponible. Il faut veiller à respecter les contre-indications
Pour les ostéochondrites disséquantes, nous chirurgicales en particulier l’obésité morbide, les
suivrons les recommandations de la SOFCOT. défauts d’axe, la laxité et surtout l’arthrose qui
Lorsque le cartilage articulaire est fermé (stade I est une contre-indication absolue. Il faut utiliser
de la SOFCOT), la perforation en cas de vitalité des indications validées et rester prudent pour les
douteuse du nodule sur l’IRM donnera plus de techniques émergentes non totalement validées.
certitude et de satisfaction par rapport à un vissage. Les algorithmes établis reposent sur les résultats
Si le cartilage est ouvert (stade II), la lésion est de la littérature, et sont également dépendants de
instable, la fixation « plus » proposée par Moyen, l’accessibilité locale des différentes techniques.
amènera un bon taux de succès, associant revas- En France, la mosaïcoplastie est la technique de
cularisation par avivement de la niche et fixation référence susceptible de traiter la majorité de ces
éventuellement mixte comme le réalise Beaufils. lésions mais c’est une technique délicate à maîtri-
Lorsque la niche est vide (stade III), il faut pré- ser. Quant aux microfractures isolées, elles gardent
férer le comblement, et le choix dépendra de la leur place pour les patients qui ont une demande
taille de la niche. Ainsi, au-dessous de 2 cm2, la fonctionnelle faible. Il faut savoir qu’actuellement,
mosaïcoplastie donne des résultats fiables surtout en France, il n’y a pas d’accès aux cultures de
si l’on cale les plots par une greffe interplot entre chondrocytes ou aux allogreffes pour pallier cer-
2 et 4 cm2. Les greffes de chondrocytes de 3e taines pertes de substance importantes.
génération trouvent ici une place de choix, et au-
delà, c’est la place du mega-OATS (osteochondral
autograft transfer system) condylien ou l’allogreffe.
Pour les fractures ostéochondrales, la décision Pathologies traumatiques
dépendra de la taille et de l’activité. La mosaïco- et microtraumatiques
plastie a une place de choix pour les lésions de de l’articulation
moins de 2 cm2 et dans l’avenir, selon les résultats, tibiofibulaire proximale
les microfractures « plus » pourraient trouver une
place. Pour les lésions plus larges, c’est le domaine
Y. Catonné
de la greffe de chondrocytes. Concernant le choix
selon le niveau d’activité, la tendance actuelle est Cette pathologie, relativement rare, doit être évo-
de proposer des techniques de régénération aux quée devant une douleur postérolatérale du genou.
patients jeunes et actifs, les autres moins actifs L’articulation tibiofibulaire proximale (TFP) est
relevant des techniques de réparation ou de recons- peu mobile et mécaniquement liée aux mouve-
truction. ments de la tibiotarsienne. Une flexion dorsale
228 Traumatologie en pratique sportive
de celle-ci entraîne une élévation et une rotation diagnostic : la recherche d’un tiroir fibulaire anté-
médiale de la tête fibulaire. ropostérieur est importante et doit être compara-
tive. Une douleur est retrouvée lors de la mise en
hyperflexion du genou squelette jambier en rota-
Luxations de la tibiofibulaire tion interne maximale. La radiographie de profil
proximale en extension et en flexion montre la position de
la tête, mieux précisée par le scanner. Celui-ci
Elles sont rares : la luxation antéro-externe supé- permet également de mesurer la torsion tibiale
rieure est la plus fréquente (70 %), la forme postéro- des deux côtés, mesure également possible par
interne ou supérieure étant exceptionnelle. Elles l’imagerie EOS. L’IRM peut retrouver un kyste
peuvent être retrouvées chez des patients présen- de l’articulation TFP et permet surtout d’éliminer
tant une hyperlaxité. Le mécanisme peut être soit d’autres diagnostics. Le traitement de l’instabilité
une mise en inversion et flexion plantaire du pied, de l’articulation TFP dépend de l’importance de la
genou fléchi, entraînant une tension des tendons gêne fonctionnelle dans la vie courante et dans
fibulaires et des extenseurs des orteils, soit une la pratique sportive.
hyperextension après pratique de certains sports Le traitement chirurgical ne doit en aucun cas
(tacle chez le footballeur, sports de combat). consister en une résection de la tête fibulaire,
Cliniquement, on constate que la douleur est source d’instabilité, ou une arthrodèse isolée TFP
accentuée à la dorsiflexion du genou et que la tête qui entraînerait une diminution de mobilité de la
fibulaire fait saillie. Le déplacement en avant de cheville. L’arthrodèse doit être associée à une ostéo-
celle-ci est confirmé par la radiographie de profil tomie de la fibula à l’union 2/3 supérieurs–1/3
et le scanner. Dans la forme à déplacement antéro- inférieur, réalisant une véritable « intervention
externe vue précocement, une réduction orthopé- de Sauvé-Kapandji du genou ». Cette interven-
dique est possible, suivie d’immobilisation. Dans tion est indiquée dans les formes avec instabilité
les formes vues tardivement et dans les formes douloureuse. Certains proposent une fixation
à déplacement postéro-interne ou supérieur, le temporaire de l’articulation associée à une liga-
traitement chirurgical est indiqué avec réduction à mentoplastie utilisant les ischiojambiers. En cas
ciel ouvert et suture du plan capsuloligamentaire. de douleurs modérées chez le sportif de loisir, un
bandage élastique adhésif, voire une infiltration de
Instabilité tibiofibulaire proximale corticoïdes peuvent être efficaces.
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Chapitre 7
Cheville et pied
• le test en stress provoqué par une mise en valgus Le scanner permet également le diagnostic
passif de la cheville est positif : la compression de lésions associées : fracture du dôme talien, de
exerce dans cette position un effet d’écrasement l’apophyse postérieure du talus, du sustentaculum
sur la zone fracturaire. tali ou de la berge de la gouttière des fibulaires
Le gonflement survient rapidement et rend (avec parfois luxation des tendons).
le diagnostic plus difficile. En fait, le risque est
de méconnaître la fracture en pensant à une Complications
banale entorse du LCL et en ne pratiquant pas Lorsque le diagnostic n’est pas porté et en
d’imagerie. l’absence de traitement, les fractures de l’apophyse
latérale peuvent évoluer vers des complications qui
Imagerie toutes se manifestent par des douleurs : pseudar-
La radiographie standard permet de faire le diag- throse, cal vicieux, arthrose sous-talienne.
nostic sur les deux incidences : face en rotation
médiale de 20°, profil appréciant le déplacement. Traitement
L’échographie, parfois pratiquée pour évaluer Le traitement conservateur est indiqué dans les
le degré de gravité d’une entorse latérale, peut fractures non déplacées : il consiste en une botte
permettre de redresser le diagnostic et d’imposer résine ou plâtrée pendant 45 jours.
une radiographie. Le traitement chirurgical est indiqué en cas de
Le diagnostic peut ne pas être évident sur la fracture déplacée :
radiographie en cas de fracture non déplacée. Le • lorsque le fragment osseux est petit ou commi-
scanner avec reconstruction 2D et 3D est l’examen nutif, une simple ablation du ou des fragments
essentiel à la fois pour confirmer le diagnostic de est pratiquée ;
fracture et pour en préciser le type selon la clas- • lorsqu’il s’agit d’un volumineux fragment avec
sification de Hawkins : trait intra-articulaire, un vissage est pratiqué,
• type I : fracture simple à trait intra-articulaire suivi d’une immobilisation par attelle ou résine
(figure 7.2a) ; (4 à 6 semaines).
• type II : fracture comminutive intra-articulaire Dans les formes vues tardivement, une pseudar-
(figure 7.2b) ; throse peut être également traitée par vissage en
• type III : fracture extra-articulaire (pointe du cas de gros fragment ou ablation du fragment s’il
processus latéral) (figure 7.2c). est de petite taille.
Traitement
Le choix thérapeutique peut s’orienter vers le traite-
ment orthopédique, fonctionnel ou chirurgical. Le
traitement orthopédique peut concerner toutes les
variétés de fractures en l’absence de déplacement,
mais les fractures en zone hypovasculaire (fracture
de Jones) ont tendance à récidiver ou à pseudar-
throser. Le traitement consiste en une immobilisa-
tion stricte par une botte en résine pour 6 semaines,
cheville à l’angle droit et sans appui. Ce traitement
est une sécurité chez les patients hyperalgiques ou
peu disciplinés pour lesquels l’observance thérapeu-
tique peut être difficile. L’inconvénient de ce type
de traitement provient de l’immobilisation prolon-
Figure 7.4. Variété lésionnelle des fractures de la base gée qui engendre des raideurs articulaires, amyo-
du 5e métatarsien : avulsion (A), fracture articulaire (B), trophie et déprogrammation neuromusculaire. Les
fracture de Jones (C). délais de consolidation sont plus longs que pour
le traitement chirurgical et une surveillance radio-
Devant tout traumatisme de la cheville, les critères logique hebdomadaire les 3 premières semaines
d’Ottawa aident à ne pas méconnaître ce diagnos- est indispensable pour dépister un déplacement
tic en étant systématique. Le testing du court secondaire. L’avantage principal est de ne pas avoir
fibulaire réveille la douleur. les complications de la chirurgie…
Le traitement fonctionnel consiste également en
Imagerie une immobilisation par une botte en résine pour
Le bilan radiographique doit comprendre trois 2 semaines sans appui, relayée par une botte de
incidences, associant un cliché de face, de profil marche amovible pour 1 mois. Cette option théra-
et de 3/4 afin de dégager totalement la base peutique permet de diminuer les effets indésirables
(figure 7.5). d’une immobilisation stricte prolongée, mais néces-
Le scanner peut être utile si l’on souhaite site la garantie d’une observance de la décharge.
préciser le déplacement de la fracture et dans le Le traitement chirurgical s’adresse à toutes les
suivi de la consolidation. L’échographie, si elle est fractures déplacées ou aux fractures non dépla-
demandée dans le cadre du bilan d’entorse de la cées en zone métaphysodiaphysaire (fracture de
cheville, pourra rectifier le diagnostic en montrant Jones), particulièrement s’il s’agit d’une fracture
la fracture et en réveillant la douleur au passage de fatigue qui s’est complétée. Les sportifs de
de la sonde d’échographie sur la fracture. haut niveau relèvent d’un traitement chirurgical
pour accélérer la récupération fonctionnelle. Les assez aisé dès le moment où le praticien applique
avulsions peuvent être réinsérées sur une ancre les critères d’Ottawa et demande des clichés
vissée, les fractures de la base peuvent être vissées de 3/4 en cas de douleurs du bord latéral du pied.
et les fractures de Jones seront soit vissées, soit Le principal problème est surtout thérapeutique
ostéosynthésées par une plaque qui tend à devenir puisqu’il faut choisir entre le traitement conser-
le traitement de référence (figure 7.6). Le traite- vateur et la chirurgie. Chacun a ses avantages et
ment chirurgical aura la préférence des patients ses inconvénients qu’il conviendra d’expliquer au
sportifs afin de diminuer le temps de retour aux sportif.
activités sportives. La rapidité de retour au sport
vient de l’immobilisation qui est plus courte, de
l’appui qui peut être partiel et de la consolidation Fractures des sésamoïdes
plus rapide. Cependant, il faut garder à l’esprit la de l’hallux
possibilité de complications liées à toute chirurgie. Les os sésamoïdes (ressemblants aux grains de
sésame) de l’hallux sont situés sous la tête du
Retour au sport 1er métatarsien. Le sésamoïde médial est le plus
Les délais de retour au sport sont étroitement liés volumineux et le plus souvent concerné par une
à la rapidité de consolidation et à la précocité de fracture. La pathologie des sésamoïdes s’apparente
rééducation. Les fractures traitées par immobilisa- à celle du plus gros d’entre eux (la patella) à savoir :
tion prolongée isolée consolident en 8 semaines l’atteinte ou l’inflammation du cartilage (sésamoï-
environ. La récupération fonctionnelle optimale dite), l’ostéonécrose, la fracture (traumatique ou
se fait entre le 4e et le 6e mois. En cas de chirurgie, de fatigue).
la consolidation est plus rapide et les délais de
retour au sport varient entre le 3e et le 4e mois. Physiopathologie
Les sésamoïdes sont soumis à deux types de
Conclusion contraintes : une force de compression entre la tête
Les fractures de la base du 5e métatarsien sont des du 1er métatarsien et le sol ; une force de tension
lésions fréquentes chez le sportif. Le diagnostic est liée à sa situation intratendineuse.
Figure 7.6. Fracture de Jones sur un terrain de fatigue osseuse, chez un sportif de haut niveau.
a. Fracture de Jones (flèche rouge). b. Ostéosynthèse par plaque. La consolidation est obtenue en 6 semaines.
En postopératoire, le patient est immobilisé par une botte en résine pour 15 jours, remplacée par une botte amovible
pour 3 semaines et reprise d’appui progressif dès la 2e semaine. Le retour au sport est possible au 3e mois postopératoire
et la compétition à 4 mois. c. Aspect à 3 mois.
236 Traumatologie en pratique sportive
Figure 7.8. Fracture du sésamoïde médial chez une sauteuse en longueur de niveau international. Retour au même
niveau après sésamoïdectomie.
a. Radiographie de profil. b. Incidence axiale de Walter-Muller visualisant la fracture.
Chapitre 7. Cheville et pied 237
Entorses de la cheville possibles limités soit par des butées osseuses, soit
et du pied par la mise en tension ligamentaire. Les ligaments,
souvent pluri-articulaires, assurent en outre la
congruence articulaire (figure 7.9). Le mouve-
A. Frey
ment global de la cheville met en jeu plusieurs
articulations que nous allons détailler sur le plan
Épidémiologie ligamentaire.
orteils, l’extenseur propre de l’hallux, l’extenseur l’abduction ; en général, il s’agit d’un trauma-
commun des orteils, le fléchisseur propre de tisme violent.
l’hallux et le fléchisseur commun des orteils. L’atteinte de la sous-talienne est difficile à diag-
nostiquer en urgence, mais il faut essayer de la
Physiopathologie rechercher dès que l’examen clinique devient plus
facile.
Les mécanismes lésionnels sont liés à un dépasse L’atteinte de la médiotarsienne se subdivise en
ment de la charge physiologique de la cheville ou trois atteintes possibles :
à des chocs directs : le ligament le plus exposé • au niveau calcanéocuboïdien avec trois mouve-
est le CF car il croise les deux articulations ments forcés :
(tibiotalienne et sous-talienne) ; le ligament le – supination du pied lors d’un déroulement
plus fragile est l’ATF, tendu lors des mécanismes anormal du pas sur sol inégal,
d’inversion, le ligament le plus puissant est le PTF – flexion plantaire isolée lors de la réception sur
qui n’est tendu que lors de la flexion plantaire la pointe du pied ou shoot contré,
extrême. Il existe une interdépendance entre la – adduction forcée par choc direct (football,
cheville et le squelette jambier avec notamment karaté) ;
la configuration de la fibulotibiale supérieure. Les • au niveau de la talonaviculaire avec deux mouve
mécanismes peuvent être les suivants : en varus, ments forcés :
en valgus, en rotation, en flexion, par choc direct – pronation du pied sur sol inégal,
avec des associations possibles. – abduction forcée par choc direct ;
Parmi les traumatismes indirects par mouve- • au niveau de la médiotarsienne complète sur-
ment forcé, on distingue deux types principaux de tout en cas de supination et de flexion plantaire
traumatisme de cheville : lors d’un mécanisme violent.
• les traumatismes en inversion du pied qui génè- En cas de lésion de la tibiofibulaire inférieure,
rent des contraintes en adduction et en rotation le mécanisme principal retrouvé est une rotation
interne associées à une flexion plantaire dans latérale associée à une dorsiflexion, mécanisme
l’articulation tibiotalienne. Ces traumatismes souvent proche de celui d’une lésion du plan
génèrent essentiellement des atteintes du LCL médial d’où l’association lésionnelle fréquente
et plus rarement des fractures bimalléolaires en entre le plan médial et la syndesmose.
adduction. À l’interrogatoire, il est intéressant Des lésions mixtes cheville/avant-pied peuvent
de faire préciser si le pied est en plus en équin, être associées, plus rarement retrouvées en patholo-
en position différente ou en talus. En effet, lors gie sportive sauf quand le mécanisme est très violent.
d’un équin, les lésions intéresseront plus facile- Une attention particulière sera portée chez
ment la partie antérieure de la tibiotalienne et les enfants sportifs car du fait d’une hyperlaxité
le médiotarse, alors qu’en talus pourront s’asso- ligamentaire relative, la lésion sera au niveau du
cier des lésions postérieures de la tibiotalienne, cartilage de croissance le plus souvent.
éventuellement du tendon calcanéen ;
• les traumatismes en éversion qui génèrent des
contraintes en abduction et en rotation externe Diagnostic clinique
associées à une dorsiflexion dans l’articulation L’examen clinique d’une cheville traumatique
tibiotalienne. Ils génèrent plus particulièrement peut être relativement aisé si le traumatisme est
des fractures bimalléolaires ou équivalentes. mineur et, à l’inverse, extrêmement complexe en
L’entorse antérieure est le plus souvent due à un cas de traumatisme majeur avec impotence totale.
mécanisme de flexion plantaire forcée type chute
du skieur en arrière, shoot du footballeur dans le sol.
Examen initial difficile
L’entorse interne plus rare mais qui existe
est souvent due à une éversion forcée avec une Il faut préciser l’âge du patient, le mécanisme
composante de pronation plus importante que de l’accident, l’existence d’un craquement au
240 Traumatologie en pratique sportive
moment du traumatisme, les antécédents éven- et des tendons. L’examen se poursuit par l’étude
tuels d’instabilité chronique de cheville connue. des mobilités passives et actives en évitant de
Il est important de rechercher systématique- poser les mains sur les zones douloureuses.
ment les critères de gravité, tels que la douleur L’analyse se fait segment par segment en mobi-
syncopale avec une échelle visuelle analogique lisant l’articulation tibiotalienne en flexion plan-
(EVA) ≥ 7, l’impotence fonctionnelle, le craque- taire et dorsiflexion, puis par des mouvements de
ment et le gonflement immédiat. À l’inspection, varus/valgus pour finir par le tiroir antéropos-
seront notés l’existence d’une déformation ou une térieur. Il faut noter les limitations articulaires
perte de l’axe du pied par rapport à la jambe, un ou une laxité articulaire lors des manœuvres
empâtement important, une plaie profonde ou dynamiques.
étendue, un avant-pied gonflé et court par rapport L’examen clinique spécifique de l’articulation
à l’autre. Un bilan vasculonerveux doit être réalisé tibiofibulaire distale comprend :
systématiquement. • un empâtement antérolatéral ;
La palpation doit explorer : • une douleur antérolatérale reproduite à la
• les trajets ligamentaires : palpation des trois compression tibiofibulaire proximale, man
faisceaux du LCL et la syndesmose de la tibiofi- œuvre ouvrant la syndesmose (squeeze test) ;
bulaire inférieure ; • une douleur en rotation latérale et flexion
• les points osseux : la pointe et le bord postérieur dorsale du pied (stress test) ;
des deux malléoles, le naviculaire sur le bord • une douleur ou une hypermobilité en trans-
médial du pied, la styloïde du 5e métatarsien. lation médiolatérale du talus dans la mortaise
Selon les critères d’Ottawa, des radiographies (cotton test) ;
doivent être demandées si l’un de ces points est • une douleur à la translation antéropostérieure
douloureux ou si le patient n’arrive pas à effec- de la fibula ;
tuer quatre pas soit juste après le traumatisme, • une diminution des douleurs par strapping
soit au cabinet dans les 24 à 48 h. cheville (stabilization test).
Le critère d’âge ne figure plus dans les critères L’articulation sous-talienne est examinée sur
d’Ottawa ; en effet, cette règle de prescription a le plan des points douloureux par la palpation de
été validée chez les enfants. la sous-talienne postérieure, du sinus du tarse et
L’examen clinique se termine par un testing à la mobilisation calcanéenne en empaumant le
ligamentaire et des mobilités si celles-ci sont calcanéus et en imprimant des mouvements de
réalisables. varus/valgus. Le médiopied puis le Lisfranc sont
La prise en charge dans ce cas nécessite la pres- mobilisés par l’avant-pied en bloquant respective-
cription d’un protocole POLICE (Protection, Opti- ment la talocrurale, puis le Chopart.
mal loading, Ice, Compression, Elevation) et d’un Tous les tendons sont testés en recherchant
bilan radiographique, afin d’éliminer la nécessité des douleurs, faiblesses, ressauts, crépitations
d’une prise en charge chirurgicale rapide si besoin. par des contractions résistées soit en concen-
Dans le cas contraire, le patient sera examiné à trique, soit en excentrique dans les différentes
nouveau après quelques jours. courses musculaires.
y compris chez les enfants. Les règles d’Ottawa d’une fracture du col de la fibula lors des fractures
actuelles sont les suivantes (l’âge ne fait plus partie ou équivalent de fracture de Maisonneuve. À
de ces critères) : la radiographie, il convient de rechercher un
• il faut demander un bilan radiographique de la diastasis médial, tibiofibulaire distal et/ou une
cheville et/ou du pied si l’un des signes suivants fracture du col de la fibula (figure 7.11).
est présent : En cas de lésion de la syndesmose, il peut exister
– impossibilité de faire 4 pas immédiatement d’emblée un diastasis tibiofibulaire distal à la
après le traumatisme ou dans le service ou le radiographie qui signe une lésion grave chirurgi-
cabinet du médecin (jusqu’à un délai raison- cale. S’il n’existe pas de diastasis, l’exploration se
nable de 48 h après le traumatisme), poursuivra par une échographie permettant d’ana-
– les zones grisées sur la figure 7.10 sont lyser le LTFAI. En cas de rupture de ce ligament,
douloureuses à la palpation ; une IRM est indispensable afin d’analyser le LIO,
• le bilan radiographique comporte deux inci- le LTFPI, la membrane interosseuse et le LCM.
dences orthogonales au minimum : la face et En cas de lésions graves de l’avant-pied, telles
le profil. Mais en plus de la face en rotation qu’une luxation du Chopart ou du Lisfranc, ou
neutre, il convient de rajouter un cliché de même en cas de petits arrachements osseux visibles
face en rotation médiale de 15 à 20° pour bien à la radiographie, un scanner doit être demandé
dérouler l’interligne articulaire tibiotalien. Ce pour préciser les lésions. Toutes les autres image-
bilan peut être complété par d’autres clichés ries ne sont pas recommandées en urgence comme
recherchant des lésions associées en fonction les clichés en stress et l’IRM.
de l’examen clinique (clichés de 3/4 ou de
sinus du tarse par exemple). En cas de trau-
matisme de l’avant-pied, il faut demander des Traitement
incidences de l’avant-pied, face dorsoplantaire,
3/4 déroulant l’interligne de Lisfranc et profil. Une fois les diagnostics différentiels éliminés, le
En cas de traumatisme de l’arrière-pied, un pro- protocole POLICE s’applique aussi bien pour la
fil de l’arrière-pied déroulant bien le calcanéum cheville que pour le pied. Une orthèse ou une
est indiqué. bande postérieure en résine peuvent être proposées.
En cas de lésion médiale de la cheville, l’appli- En cas d’entorse de la cheville ou du pied, le
cation des critères d’Ottawa est aussi de mise traitement initial reposait sur le protocole RICE
mais il faudra associer un bilan radiographique (Rest, Ice, Compression, Elevation) qui s’est modi-
du segment jambier (face et profil) à la recherche fié en protocole PRICE (Protection, Rest, Ice,
Tableau 7.1. Prise en charge d’une entorse en fonction pendant 6 semaines. Si un plan médial est associé
de degrés de sévérité. (clinique et échographique), il s’agit d’une lésion
Entorse Entorse Entorse instable et une chirurgie est fortement conseil-
bénigne moyenne grave lée ;
Marche +++ + – • en cas d’entorse du Chopart ou du Lisfranc sans
Appui +++ ++ ± critères de gravité, l’appui sera repris rapidement
Ecchymose – + ++ avec une autorééducation. En cas d’entorse
Varus clinique + + ++ sévère, une immobilisation dans une chaus-
sure type Barouk ou une botte sera prescrite
Tiroir – + ++
antéropostérieur pendant 4 à 6 semaines.
Ligament + + ++
Les délais de retour au sport sont indiqués dans
talofibulaire le tableau 7.2.
antérieur Au niveau de l’entorse latérale de la cheville,
Ligament – + ++ les complications sont relativement faibles et
calcanéofibulaire représentent environ 5 à 10 % de complications
Immobilisation – + ++ plutôt liées aux associations lésionnels qu’à une
Rééducation + ++ +++ mauvaise cicatrisation lésionnelle. Les associations
Retour au sport 2–3 semaines 4–6 semaines > 6 semaines
lésionnelles le plus souvent retrouvées à distance
sont les lésions ostéochondrales du dôme de
l’astragale (LODA), les lésions de la sous-talienne
fractures ostéochondrales du talus associées et qui passent souvent inaperçues initialement et, à
les hémarthroses hyperalgiques ne s’améliorant un moindre degré, les laxités secondaires par dis-
pas à la ponction articulaire. tension progressive ligamentaire.
En cas d’entorse médiale de la cheville, le En cas de récidive des lésions du plan latéral
traitement proposé à J5 sera différent en fonction avec laxité ligamentaire et si le sportif décrit une
de la gravité. Mis à part le diastasis immédiat qui instabilité avec douleur, une chirurgie ligamen-
relève d’une chirurgie rapide, dans la plupart des taire sera proposée.
cas, en l’absence de diastasis, le traitement sera
orthopédique avec une botte en résine sans appui
pendant 3 semaines suivi d’un appui pendant les Tableau 7.2. Délais de retour au sport en fonction
du diagnostic.
3 semaines suivantes.
En cas d’entorse de la syndesmose, le traite- Diagnostic Délai minimum de retour
au sport
ment proposé à J5 sera différent en fonction
de la gravité. Nous appliquons actuellement la Entorse LCL grade 1 2–3 semaines
proposition de Porter à savoir : Entorse LCL grade 2 4–6 semaines
• en cas de grade 1 avec distension du LTFAI sans Entorse LCL grade 3 6–8 semaines
rupture du LIO ni de la membrane interosseuse, le Entorse LCM 4–8 semaines
traitement peut être fonctionnel avec rééducation Entorse LCM avec diastasis 8–10 semaines
ou immobilisation dans une botte de marche en Entorse LTFAI grade 1 3–4 semaines
limitant la dorsiflexion pendant 3 à 4 semaines ;
Entorse LTFAI grade 2 6–8 semaines
• en cas de grade 3 avec diastasis tibiofibulaire
inférieur d’emblée sur la radiographie de face, le Entorse LTFAI grade 3 8–12 semaines
traitement est chirurgical avec une vis de syndes- Entorse bénigne du Chopart 2–3 semaines
mose et une immobilisation sans appui pendant Entorse grave du Chopart 8–10 semaines
6 semaines, puis ablation de la vis de syndes- Entorse bénigne du Lisfranc 2–3 semaines
mose avant de commencer la rééducation ; Entorse grave du Lisfranc 8–10 semaines
• en cas de grade 2 sans diastasis visible, le traite- LCL : ligament collatéral latéral ; LCM : ligament collatéral médial ;
ment actuel proposé doit être une immobilisation LTFAI : ligament tibiofibulaire antéro-inférieur.
244 Traumatologie en pratique sportive
excision en cas de petit fragment, soit une fixation inférieure dont l’instabilité chronique génère des
et greffe osseuse dans le cas contraire. modifications de contrainte du compartiment
Cette notion de délai pour la forme F est latéral de cheville engendrant jusqu’à 20 % de
importante à connaître afin de cerner les enjeux LODA à terme.
thérapeutiques et les résultats qui en émanent. L’examen clinique permet d’analyser précisé-
Concernant les autres formes, il est classique ment les points douloureux, les mobilités tibo-
de considérer qu’elles évoluent dans la chroni- taliennes, sous-taliennes, du médio-pied et de
cité sous la forme de dystrophie ou de nécrose l’avant-pied. L’état tendineux de tous les muscles
partielle et de kyste muqueux intra-osseux. péri-articulaires de la cheville est analysé et l’état
ligamentaire de cette dernière est vérifié, notam-
Clinique ment les compartiments latéral et médial ainsi que
l’articulation péronéotibiale inférieure.
Le motif de consultation d’un patient souffrant de Au terme de ce bilan clinique, il est important
LODA est totalement aspécifique et non stéréo de vérifier si la lésion du talus s’intègre sur une
typé. cheville normale ou sur une cheville présentant
Un caractère commun à l’ensemble des LODA des facteurs étiologiques ou de gravité associés.
est le symptôme douloureux. Cette douleur, plus Les principaux facteurs à reconnaître à l’examen
ou moins importante, peut se localiser dans un clinique sont les défauts d’axe de l’arrière-pied, les
compartiment médial ou latéral de la cheville anomalies ligamentaires générant notamment une
selon la localisation de la LODA, s’exprimer de instabilité chronique pouvant être la cause ou la
manière quotidienne ou épisodique simplement à conséquence de la LODA.
la marche ou à la pratique d’activité intensive et la
plupart du temps d’horaire mécanique.
La douleur est donc le principal symptôme Imagerie
faisant consulter le thérapeute qui s’attachera à L’imagerie d’une LODA se fait par étapes.
rechercher d’autres symptômes moins expressifs. Dans un premier temps, il s’agit de l’étape diag-
L’interrogatoire précise le type de sport et nostique qui va permettre d’une part d’évoquer
le niveau sportif pratiqué, les antécédents trau- le diagnostic, d’autre part de la classifier dans sa
matiques, notamment les antécédents d’entorse forme lésionnelle.
d’origine ligamentaire ou pas, la notion de dou-
leur sur la cheville opposée, les antécédents de
Bilan de dépistage et bilan
chirurgie de la cheville.
diagnostique
D’autres symptômes sont recherchés tels que
des gonflements aux efforts, une instabilité quoti- Un simple bilan radiographique de la cheville
dienne ou à la pratique sportive, des craquements comparatif de face et de profil en charge permet
faisant craindre l’apparition d’un corps étranger d’établir le diagnostic. Un cliché de face en rotation
intra-articulaire ou un décollement cartilagineux médiale de 20° permet de dégager l’intégralité du
se comportant comme un clapet en flexion–exten- dôme du talus et de ne pas méconnaître une forme
sion, des blocages articulaires. masquée par la malléole latérale.
Il faut préciser la durée d’évolution des symp- Cependant, la radiographie à un stade débutant
tômes et la répercussion sur la pratique sportive. ou en fonction de la pénétration des rayons peut
L’examen physique se fait debout et couché. faire défaut et Verhagen avait évoqué jusqu’à 50 %
Il faut veiller à préciser l’axe de l’arrière-pied, de faux négatifs, justifiant, lorsque les symptômes
rechercher une anomalie de l’avant-pied et déter- sont très importants et que la radiographie est insuf-
miner les appuis (pied creux, pied plat). fisante pour les expliquer, la pratique d’une IRM.
Il faut veiller à vérifier l’absence de séquelles de L’IRM est un excellent examen pour le diag-
fracture bimalléolaire ou du pilon tibial, l’absence nostic de la LODA et pour dépister des lésions
de lésions au niveau de l’articulation tibiofibulaire associées. Elle permet de montrer les infiltrations
246 Traumatologie en pratique sportive
sous-chondrales sous la forme d’œdème intra- dans le retentissement clinique qu’elle occasionne
osseux, les kystes intra-osseux, ainsi que les zones pour le patient.
d’ostéonécrose sous-chondrales. Son point faible Ce bilan permet en outre de dépister les fac-
réside dans l’analyse plus complexe et moins spé- teurs lésionnels, étiologiques ainsi que les facteurs
cifique de l’état cartilagineux, même si avec les aggravants qu’il convient de traiter conjointement
nouvelles séquences et les coupes les plus fines, au traitement spécifique de la LODA.
les lésions cartilagineuses peuvent être dépistées
assez facilement.
Étiologie
L’IRM permet en outre de rechercher des
lésions associées, notamment des lésions tendi- Un facteur quasi constant dans l’étiologie de cette
neuses ou des lésions ligamentaires dans le cadre lésion est son caractère traumatique.
d’instabilité chronique de la cheville tant sur le Il peut s’agir d’un macrotraumatisme tel qu’une
plan médial que latéral ainsi que sur l’articulation fracture bimalléolaire, fracture du pilon tibial ou
tibiofibulaire distale. d’une entorse des plans ligamentaires collatéraux
La deuxième étape est un bilan d’imagerie à de la cheville ou de l’articulation tibiofibulaire
visée préthérapeutique. inférieure.
Il peut s’agir aussi d’une étiologie microtrau-
Bilan préthérapeutique matique surtout dans les formes médiales.
Ce bilan peut être extrêmement complet, devant Des étiologies héréditaires et génétiques ont été
répondre à deux impératifs : proposées, mais également vasculaires, synoviales
• obtenir une cartographie lésionnelle extrême- (synovite villonodulaire, par exemple), endocri-
ment précise pour définir la stratégie thérapeu- niennes, idiopathiques.
tique la plus adaptée ;
• prendre en charge des facteurs favorisants ou
aggravants la LODA. Traitement
Cartographie lésionnelle Traitement conservateur
L’examen de référence reste l’arthroscanner qui Le traitement d’une lésion du talus peut être
analyse précisément l’état du cartilage, les pertuis médical ou chirurgical.
cartilagineux, les clapets cartilagineux, les zones Les mesures thérapeutiques simples, telles
de décollement cartilagineux, les corps étrangers que le repos sportif, la confection d’orthèse
intra-articulaires et permet des mesures extrême- plantaire permettant de mettre en décharge le
ment précises et fiables de l’étendue lésionnelle. compartiment lésé et amortir les contraintes, ou
Ce bilan préthérapeutique doit être effectué les traitements infiltratifs manquent de données
lorsqu’une chirurgie est envisagée, mais probable- objectives dans la littérature. Il n’y a que très
ment pas à l’étape du diagnostic. peu de preuves scientifiques publiées sur cette
thématique.
Recherche des lésions associées Verahgen, dans une méta-analyse de quatorze
et des facteurs aggravants séries non chirurgicales, apporte des bons résul-
En cas d’anomalie des axes de l’arrière-pied, des tats fonctionnels de ces traitements dans à peine
clichés cerclés de Méary permettent de mesurer 45 % des cas.
l’axe de l’arrière-pied et de définir si une chirurgie Schafer rapporte moins de 50 % de bons résul-
correctrice est nécessaire. tats quel que soit le traitement fonctionnel utilisé.
En cas d’instabilité chronique de la cheville, des Ceci amène à penser que le traitement médical
clichés dynamiques en varus ou en valgus forcé est un traitement d’attente qu’il faut savoir utiliser
(rare) sont nécessaires. en fonction du profil du patient, du calendrier
Au terme de ce bilan clinicoradiologique, la du sportif et de l’importance des symptômes et du
LODA est précisée dans sa forme lésionnelle et retentissement fonctionnel.
Chapitre 7. Cheville et pied 247
la mobilisation dans les autres plans de l’espace. uniquement à la marche sur un terrain plat, sur
À cette stabilité osseuse s’ajoute la stabilité passive un terrain avec un léger devers, dans les escaliers
d’origine ligamentaire. Cette stabilité ligamen- ou sur un terrain accidenté.
taire est possible par une capsule ligamentaire Les antécédents du patient sont bien évidem-
péri-articulaire extrêmement dense et bien indi- ment répertoriés, notamment les antécédents
vidualisable sur le plan anatomique, renforcée d’entorse, les antécédents chirurgicaux et les trai-
des plans ligamentaires latéral et médial. Le plan tements déjà mis en place.
ligamentaire latéral, le plus souvent touché, est L’examen clinique est symétrique, bilatéral et
lui-même constitué de trois faisceaux : le faisceau comparatif.
talofibulaire antérieur, le faisceau calcanéofibulaire L’on s’attache à analyser la mobilité articu-
et le faisceau talofibulaire postérieur. laire tibiotalienne en flexion dorsale et flexion
Le plan ligamentaire interne est constitué par plantaire, sans négliger l’articulation sous-talienne
le LCM constitué lui-même de deux faisceaux, et le médio-pied. Une rétraction des gastrocné-
superficiel et profond, extrêmement épais et miens, véritable facteur favorisant de l’instabilité,
denses réalisant une véritable nappe ligamentaire est recherchée.
qui verrouille la cheville sur le versant médial. La recherche des points douloureux est capi-
Le dernier élément de stabilité de la cheville est tale, puisqu’ils rendent compte dans les formes
une stabilité active dite musculaire ou neuromus- chroniques de la gravité de la situation. En effet,
culaire par l’activation des muscles péri-articulaires l’histoire naturelle de l’instabilité chronique se
de la cheville dans les situations de stress articulaire. fait vers la dégradation cartilagineuse ou vers des
Le plus souvent, cet élément de stabilité active est lésions associées compliquant l’évolution liga-
négligé dans la prise en charge thérapeutique. mentaire. La recherche des points douloureux est
donc très importante pour tenter de leur trouver
Épidémiologie une solution thérapeutique, lorsque conjoin-
tement l’instabilité chronique sera traitée. Les
L’instabilité à la phase aiguë est extrêmement
points douloureux autour de la cheville concer-
fréquente avec une incidence de l’ordre de 1
nent toutes les structures ligamentaires latérales,
pour 10 000 et jusqu’à 5 à 10 % des admissions
le LCM, l’articulation tibiofibulaire distale, le
dans les services d’accueil des urgences.
sinus du tarse et le spring ligament. La palpation
Cette instabilité concerne le plus souvent des
minutieuse de tout l’interligne articulaire tibiota-
patients jeunes, actifs, sportifs, touchant les deux
lien recherche un conflit antérieur de cheville et
sexes et qui peut devenir chronique dans 15
une lésion cartilagineuse du talus. Il ne faut pas
à 20 % des cas.
oublier le médio-pied et l’avant-pied.
Le testing tendineux est lui aussi très important
Clinique et systématique.
Le bilan clinique doit être extrêmement systéma- Il ne faut pas méconnaître une rupture chro-
tisé, précis et doit répondre à plusieurs exigences : nique du tendon calcanéen qui pourrait expliquer
• affirmer l’origine ligamentaire des troubles ; une instabilité chronique de la cheville. L’analyse
• affirmer le caractère chronique de l’instabilité ; du tendon du muscle tibial postérieur tant sur les
• rechercher des facteurs favorisants ou aggravants ; trajets douloureux que sur la stabilité de celui-ci
• rechercher des complications de cette instabilité. est importante dans les formes médiales. L’analyse
L’interrogatoire précise les symptômes dont se du muscle tibial antérieur et de son insertion
plaint le patient : appréhension, insécurité ou véri- permet d’éliminer une tendinopathie ou une rup-
table entorse récidivante. Tous ces signes d’inter- ture de celui-ci. Enfin l’exploration des tendons
rogatoire ont le même dénominateur commun : fibulaires complète cet examen tendineux. Les
l’instabilité ressentie par le patient. Afin de juger tendons fibulaires peuvent être incriminés dans
de la gravité de l’instabilité, le niveau d’activité une instabilité chronique en présence d’une insta-
est précisé, car le symptôme peut se manifester bilité de ceux-ci avec des luxations/subluxations
250 Traumatologie en pratique sportive
passées inaperçues ou du fait d’un syndrome fis- du talus et de rechercher des stigmates d’entorse
suraire douloureux du court fibulaire. ancienne.
L’examen des laxités ligamentaires est extrême- Les éléments ligamentaires peuvent rendre
ment important. compte d’arrachements osseux, de calcifications,
L’examen clinique doit s’attacher à rechercher d’ossifications résiduelles, de fractures négligées
une laxité latérale et médiale tibiotalienne, ainsi ou de lésions ostéochondrales du dôme du talus.
qu’une laxité de l’articulation sous-talienne de Une analyse radiographique des axes par la
manière comparative. réalisation de clichés en charge, cerclés de Méary,
La laxité sagittale est analysée par la recherche permet de vérifier de façon comparative qu’il
d’un tiroir antérieur tibiotalien qui peut être isolé n’y a pas de défaut d’axe de l’arrière-pied qui là
ou associé à une laxité en varus. encore peut être un facteur aggravant de l’insta-
bilité chronique, notamment en cas de varus de
Imagerie celui-ci.
De la même manière que pour l’examen clinique, La réalisation de clichés dynamiques compara-
l’examen paraclinique est toujours bilatéral, symé- tifs en varus et en tiroir antérieur demeure impé-
trique et comparatif. Il doit permettre de réaliser rative dans l’affirmation du caractère ligamentaire
une véritable cartographie lésionnelle tant sur le de l’instabilité chronique. Ces clichés en varus
plan ligamentaire que sur le plan des lésions asso- dynamique manuel, en autovarus ou à l’aide d’un
ciées ou des complications de l’instabilité chro- testing en varus instrumental, tels des Telos® de
nique (tendineuse, articulaire, ostéocartilagineuse). cheville (figure 7.12), confirment les données
de l’examen clinique.
Bilan radiologique L’ouverture de l’interligne tibiotalien affirme
Le bilan standard comporte une analyse radio- la laxité ligamentaire et donc la défaillance liga-
logique de la cheville de face et de profil per- mentaire. Une laxité différentielle de plus de 10°
mettant d’étudier le morphotype du pied à la affirme l’origine ligamentaire de l’instabilité.
recherche d’une dégénérescence articulaire sous De profil, les clichés dynamiques sont réalisés
la forme d’ostéophytes ou de pincements articu- sous la forme d’un tiroir antérieur comparatif.
laires localisés. Le bilan échographique est un examen simple,
Un cliché de face à 20° de rotation médiale peu coûteux et facilement réalisable. Celui-ci per-
permet d’identifier parfaitement tout le dôme met d’analyser toutes les structures ligamentaires
Quoi qu’il en soit, quelle que soit la technique objectif de laxité avant toute intervention chirurgi-
utilisée, les résultats des techniques opératoires cale, par la pratique de clichés dynamiques.
sont à l’heure actuelle bien connus à court, Les autres examens complémentaires sont utiles
moyen et long terme et montrent une satisfaction si la cheville, en plus d’être instable, devient dou-
des patients tant sur le plan fonctionnel que sur le loureuse, afin de rechercher la cause de la douleur.
plan sportif dans plus de 90 % des cas. L’indication opératoire doit être posée devant
Les échecs sont en rapport avec des complica- toute cheville instable malgré un traitement médi-
tions infectieuses ou neurologiques, ou dûs à la cal bien conduit et si et seulement si la preuve
persistance de douleurs chroniques qui existaient ligamentaire de l’instabilité a été objectivée.
malheureusement en préopératoire. Le traitement, conservateur dans tous les cas
Les chevilles qui restent douloureuses en au départ, doit devenir chirurgical rapidement si
postopératoire le sont du fait soit de lésions les symptômes persistent, perturbent la vie quo-
neurologiques chroniques, notamment du nerf tidienne et/ou la vie sportive, et si des douleurs
saphène externe et du nerf fibulaire superficiel, commencent à s’installer.
soit de persistances de douleurs préopératoires en Le traitement chirurgical doit s’attacher à
rapport avec des lésions cartilagineuses devenues reconstruire les ligaments de la cheville afin de la
chroniques pour lesquelles la mise en place de stabiliser, et à traiter conjointement tous les fac-
traitements palliatifs est nécessaire. teurs aggravants ou les facteurs associés découlant
Ceci rend compte de la nécessité de ne pas de cette instabilité au long cours.
banaliser l’instabilité chronique de la cheville et Les résultats de la chirurgie sont excellents et
de l’opérer relativement tôt afin que ces lésions garantissent au patient un résultat fonctionnel de
cartilagineuses ne s’installent pas. La stabilisation qualité ainsi qu’un retour à des activités sportives
chirurgicale d’une instabilité chronique protége- l’esprit libre.
rait de la dégradation cartilagineuse sur le long
terme. En tout cas, toutes les études montrent
une excellente évolution sur le plan fonctionnel et
Instabilité d’origine non ligamentaire
sur la reprise d’activité sportive avec un taux très Épidémiologie
important de satisfaction du patient.
Le retour aux activités sportives peut se conce- L’entorse de cheville est le traumatisme sportif
voir autour du 5e ou du 6e mois postopératoire le plus fréquent avec 6000 cas recensés par jour
avec des récidives d’instabilité d’origine ligamen- en France dont 70 % d’épisodes inauguraux et
taire inférieures à 5 %. 30 % de récidives. Jugée classiquement comme
bénigne, l’entorse de cheville peut néanmoins
Conclusion entraîner des séquelles dans 10 à 30 % des cas, à
type de gonflement récurrent, de douleur persis-
L’instabilité chronique d’origine ligamentaire
tante et d’instabilité chronique.
de la cheville est une pathologie fréquente et
La physiopathologie de l’instabilité chronique
probablement trop banalisée encore à l’heure
de cheville intègre des facteurs mécaniques, fonc-
actuelle. Si celle-ci est longtemps très bien tolérée,
tionnels et favorisants qui, associés ou isolés, peu-
lorsque les douleurs viennent compléter les symp-
vent être à l’origine d’entorses à répétition. De
tômes d’instabilité la situation devient complexe
plus, l’instabilité chronique peut occasionner des
à gérer.
complications agissant comme de réels facteurs
Le bilan clinique doit s’attacher à affirmer l’ori-
aggravants propres (encadré 7.2).
gine ligamentaire des symptômes et à rechercher
les facteurs favorisants et aggravants de l’instabi-
Étiologies
lité, ainsi que les complications d’une instabilité
chronique au long cours. L’instabilité d’origine ligamentaire est le facteur
Le bilan radiologique doit affirmer l’origine mécanique largement prédominant en termes de
ligamentaire de l’instabilité et rechercher un critère fréquence. Elle est traitée plus haut.
Chapitre 7. Cheville et pied 253
• des injections intratendineuses de plasma riche de l’interligne reproduite en varus ou valgus passif
en plaquettes (PRP) ; et un grinding de cheville douloureux orientent la
• les traitements infiltratifs de dérivés cortisonés localisation d’une éventuelle LODA.
(au stade débutant en l’absence de fissure) ou En cas d’arthrose tibiotalienne, une limitation
d’acide hyaluronique selon les protocoles. des amplitudes articulaires peut être retrouvée.
À un stade avancé, une chirurgie de réparation Les radiographies simples en charge de profil
tendineuse ou de ténodèse peut être proposée. et de face en rotation interne de 20° permettent
de bien analyser l’interligne articulaire. L’IRM
Instabilité des tendons fibulaires oriente vers la cause et l’arthroscanner précise le
L’instabilité des tendons fibulaires est une cause diagnostic.
classique d’instabilité chronique de la cheville. En cas de lésions cartilagineuses diffuses, le
Cette lésion est traitée dans le sous-chapitre 7.2. traitement est celui de l’arthrose et demeure
conservateur en début d’évolution. Le traitement
Instabilité d’origine ostéocartilagineuse chirurgical est une option de dernier recours
L’instabilité d’origine ostéocartilagineuse regroupe (arthrodèse tibiotalienne ou prothèse de cheville).
les tableaux cliniques liés à une souffrance des En cas de LODA, le traitement doit être adapté
articulations tibiotalienne, sous-talienne ou tibiofi- à la variété lésionnelle.
bulaire inférieure (tableau 7.3). En cas de corps étranger intra-articulaire
(CEIA), la prise en charge est plus volontiers chi-
Souffrance tibiotalienne rurgicale avec l’exérèse par voie arthroscopique.
Différentes anomalies chondrales, osseuses ou
synoviales peuvent impacter le fonctionnement Souffrance sous-talienne
de l’articulation tibiotalienne. Elles englobent L’articulation sous-talienne est constituée des
les LODA et les autres fractures potentielles articulations talocalcanéennes antérieure et pos-
(joues du talus, surface tibiale, facettes malléo- térieure, séparées par le sinus du tarse qui intègre
laires), l’arthrose tibiotalienne (tout autant cause le ligament interosseux talocalcanéen, de la graisse
et conséquence de l’instabilité chronique) et la incluant de nombreux récepteurs proprioceptifs
chondromatose synoviale qui peut être primitive et le passage d’un pédicule vasculonerveux. Il est
ou post-traumatique. rapporté une atteinte de la sous-talienne dans 6
À la plainte d’instabilité d’intensité variable, à 30 % des entorses latérales de cheville avec une
s’associent différents signes communs à type de majorité de cas passant inaperçus.
sensation de blocages, d’arthrophonies, de dou- La physiopathologie de la souffrance sous-
leurs aiguës intermittentes, de dérobements, de talienne peut associer une atteinte :
gonflement articulaire. Une douleur au niveau • du ligament interosseux qui peut être cicatriciel
ou rompu ;
• de la graisse du sinus du tarse qui peut être le
siège d’une dégénérescence, d’une fibrose ou
Tableau 7.3. Tableaux cliniques de l’instabilité d’origine
ostéocartilagineuse.
d’une hypertrophie ;
• de la synoviale talocalcanéene qui peut être
Souffrance Souffrance Souffrance
le siège d’une synovite, d’une sclérose ou de
tibiotalienne sous-talienne tibiofibulaire
inférieure kystes ;
LODA et autres Syndrome du sinus Instabilité
• du cartilage talocalcanéen avec arthrose ou syn-
fractures du tarse chondrose ;
Arthrose (± CEIA) Arthrose • de l’os avec synostose.
La souffrance sous-talienne se décompose en
Chondromatose Synostose
synoviale (CEIA) trois tableaux principaux : le syndrome du sinus
CEIA : corps étranger intra-articulaire ; LODA : lésion ostéochondrale du dôme
du tarse, l’arthrose sous-talienne ou la synostose
astragalien. talocalcanéenne.
Chapitre 7. Cheville et pied 255
sur l’évolution de la lésion ne sont pas encore On réalise également un examen complet du
parfaitement élucidés. Cependant, l’absence pied et de la cheville afin d’éliminer d’autres causes
d’inflammation locale à la phase chronique de la de talalgie postérieure (pathologie fracturaire,
maladie est un constat commun. tumorale, infectieuse du calcanéus, arthropathie
sous-talienne, syndrome du carrefour postérieur,
Clinique neuropathie radiculaire…).
Interrogatoire Imagerie
Il précise plusieurs points :
• Radiographie standard : sur une incidence de
• concernant la douleur : topographie (entre 2
la cheville de profil, on peut voir une silhouette
à 6 cm de l’insertion calcanéenne), ancien-
tendineuse ayant perdu son parallélisme habi-
neté, évolution, horaires des douleurs, facteurs
tuel ainsi que la présence éventuelle de calcifi-
déclenchants ou favorisants, traitements déjà
cations en son sein. Pour autant, la radiographie
entrepris. Le retentissement fonctionnel est
vise plutôt à éliminer certains diagnostics diffé-
répertorié selon la classification de Blazina
rentiels ostéoarticulaires.
modifiée par Leadbetter ;
• Échographie : c’est l’instrument principal de
• concernant le patient : recherche de facteurs
diagnostic et de suivi évolutif. La tendinopa-
favorisants intrinsèques ou extrinsèques (voir
thie corporéale se traduit par la présence de
plus haut).
plages hypo-échogènes intratendineuses, une
Inspection perte de l’aspect fibrillaire régulier du tendon,
une augmentation ponctuelle ou plus diffuse
La présence d’une boiterie à la marche est très de son calibre. Des calcifications peuvent égale
rare ; la montée demi-pointe monopodale peut être ment être présentes ainsi que des kystes et
sensible mais est toujours possible. Le saut mono- des lésions fissuraires. L’existence d’une hyper-
podal réveille la douleur. Le tendon peut présenter vascularisation au Doppler puissance traduit
un gonflement local traduisant la présence d’un souvent une poussée évolutive de la tendinopa-
nodule intratendineux. thie. Cependant, la découverte fréquente d’un
remaniement échographique tendineux chez
Examen physique
des patients par ailleurs asymptomatiques incite
Il recherche la triade caractéristique des tendino- à la plus grande prudence pour l’interprétation
pathies : des seules images et impose la recherche d’une
• douleurs à l’étirement passif du tendon : on concordance indispensable clinique–imagerie
réalise une flexion dorsale passive de la che- avant de proposer une prise en charge théra-
ville. L’étirement peut également être réalisé de peutique.
manière dynamique en demandant au sujet • IRM : c’est un examen de deuxième intention
de s’accroupir, les talons restant à plat ; lorsque l’échographie n’apporte pas toutes les
• douleurs à la contraction musculaire contra- informations sur l’état du tendon et de son envi-
riée : on réalise une flexion plantaire contre ronnement. La même réserve demeure quant à
résistance (la manœuvre est parfois indolore la valeur pathologique des seules images.
en décubitus ; elle le devient lors de la montée
demi-pointe monopodale, le sautillement) ; Traitement
• douleurs à la palpation : le tendon est plus épais
par rapport au côté opposé, soit de manière Traitement conservateur
diffuse, soit focalement (présence de nodules). Les objectifs thérapeutiques sont clairs : lutter
Il est également sensible à la palpation. contre la douleur, redonner au tendon des pro-
Il n’existe aucun signe de rupture tendineuse. priétés mécaniques suffisantes pour permettre une
L’examen podoscopique est systématique à la reprise sportive, éviter les récidives en corrigeant
recherche de troubles statiques. autant que faire se peut les facteurs favorisants.
Chapitre 7. Cheville et pied 259
Physiopathologie
On distingue deux types d’enthésopathies :
• celles dites non mécaniques, présentant les
mêmes facteurs favorisants que les tendinopa-
thies corporéales (voir plus haut) ;
• celles dites mécaniques, répondant à un conflit
Figure 7.14. Peignage du tendon calcanéen en trois constitutionnel ou acquis de l’angle postérosu-
lanières. périeur du calcanéum avec le tendon.
Chapitre 7. Cheville et pied 261
Figure 7.16. Exemple de prise en charge d’une fragilisation de l’insertion (stade 3B) (a).
Le traitement consiste à désinsérer le tendon (b), confectionner une tranchée osseuse (c) et réinsérer le tendon
en transosseux (d).
Figure 7.17. Reconstruction tendineuse pour fragilisation et perte de substance tendineuse (stade 4).
L’IRM montre une fragilisation de l’insertion (a), mais en peropératoire, il existe une nécrose tendineuse (b). Après
avoir excisé la nécrose et les zones de fibrose (c), il existe une perte de substance importante. Le traitement consiste
à confectionner une tranchée osseuse (d) et y réinsérer une autogreffe d’aponévrose du tendon calcanéen prélevée
plus haut (e).
264 Traumatologie en pratique sportive
Figure 7.18. Algorythme décisionnel de prise en charge thérapeutique d’une enthésopathie calcanéenne.
ODC : ondes de choc.
Chapitre 7. Cheville et pied 265
Indications
Trois paramètres principaux, étroitement liés,
guident essentiellement le choix thérapeutique :
• le siège de la rupture : seule la rupture en plein
corps du tendon donne lieu à une discussion entre
une prise en charge chirurgicale ou conservatrice ;
• le niveau sportif : malgré des taux de re-rupture
devenus quasi similaires et des résultats fonction-
Figure 7.21. Suture percutanée par Ténolig®. nels comparables à 1 an, le jeune sportif a encore
Source : Carole Fumat. tendance à préférer un traitement chirurgical en
Chapitre 7. Cheville et pied 269
cas de rupture corporéale, en raison du délai mais de nombreux paramètres vont influencer
d’immobilisation moins long (6 semaines) et étant cette reprise : le sex-ratio (les hommes reprenant
davantage rassuré par la solidité de la suture plus davantage une activité que les femmes), la nature
que par celle d’une cicatrisation spontanée… ; et le niveau de pratique, la motivation, l’appré-
• l’ancienneté de la lésion : au-delà de 7 jours hension, le degré de récupération.
post-traumatiques, le diastasis intertendineux a La reprise de la course à pied se fait en moyenne
toutes les chances d’être déjà en partie comblé autour du 6e mois post-traumatique. Les sauts
par un cal fibreux, rendant l’affrontement des sont introduits à partir du 7e mois.
berges tendineuses impossible en équin, abou- La reprise de la compétition, en moyenne au
tissant à une cicatrisation avec allongement du bout de 10 à 12 mois pour les sports en charge,
tendon. L’imagerie seule permet de prendre est conseillée lorsque les tests fonctionnels dyna-
une décision. miques sont satisfaisants : saut monopodal hori-
L’âge du patient, l’existence de tares, la zontal et vertical atteignant au moins 75 % des
demande fonctionnelle sont également à prendre valeurs du côté sain. Ces délais sont beaucoup
en considération dans cette discussion. plus courts chez le sportif de haut niveau et
plus généralement, chez les patients motivés,
suivis et accompagnés dans leur récupération
Résultats
fonctionnelle.
Ils sont évalués selon deux grands paramètres, le
taux de rupture itérative et les capacités fonction-
nelles à 6–12 mois : Lésions des tendons
• taux de re-rupture : il varie selon les protocoles de la cheville (tibial antérieur,
(avec ou sans rééducation et appui immédiats) tibial postérieur, fibulaires)
mais a globalement très nettement régressé, allant
de 1 à 7 % en moyenne. La période à risque de sur- A. Frey
venue des re-ruptures se situe durant les 4 à 6 pre-
mières semaines qui suivent l’ablation de l’orthèse Ces pathologies sont peu fréquentes et néces-
d’où des règles de prudence à bien expliciter au sitent de les rechercher systématiquement lors de
patient : pas de course ni de marche accélérée, l’interrogatoire et de l’examen clinique de la che-
montée des marches une par une, pas de saut ni de ville. Elles font partie des diagnostics différentiels
montée en demi-pointe, pas de marche pieds nus des traumatismes latéraux de la cheville pour les
mais port d’une talonnette en permanence dans les lésions des fibulaires, des traumatismes médians
chaussures de ville et à domicile ; de la cheville pour les lésions du tibial postérieur.
• capacités fonctionnelles : dans toutes les séries En revanche, les lésions du tibial antérieur sont le
comparant chirurgie versus traitement conserva- plus souvent isolées.
teur, les résultats fonctionnels à 1 an (périmètre Plusieurs diagnostics sont possibles pour ces
mollet, saut, course, indice de satisfaction) sont quatre tendons. Il s’agit soit d’une :
similaires. • tendinopathie corporéale ou enthésopathie dis-
Avec le traitement chirurgical, l’on peut espérer tale (simple, nodulaire ou fissuraire) ;
un taux de re-rupture de moins de 3 % avec un • ténosynovite (crépitante, sténosante, exsudative) ;
délai de retour au sport autour de 6 mois. L’écueil • luxation par effraction des retinaculums ;
provient surtout des complications infectieuses, • rupture partielle (amincissement, épaississe
rares mais graves. ment, allongement) ;
• rupture totale.
Délais de retour au sport Les tendinopathies associées ou non à des téno-
synovites sont les plus fréquentes. Les luxations
Après une rupture du tendon calcanéen, environ ou ruptures sont moins fréquentes en pathologie
80 % des sujets reprennent une activité sportive sportive.
270 Traumatologie en pratique sportive
Nous aborderons ici les trois localisations en agresser ce tendon ou cette gaine, ou de chaus-
rappelant leur anatomie et l’action de chaque sures trop serrées perturbant la biomécanique de
tendon puis en détaillant la clinique et la prise en ce tendon. En cas de fissures longitudinales, elles
charge des diagnostics possibles. À l’interrogatoire, siègent le plus souvent au niveau de son passage
nous rechercherons une douleur, un claquement, sous le retinaculum.
une sensation de ressaut, un gonflement, une Une autre pathologie fréquemment rencontrée
instabilité qui ne sont pas pathognomoniques mais est la rupture de ce tendon soit sur un mode aigu
qui peuvent nous orienter vers une pathologie lors d’une chute sur les fesses avec un pied en
tendineuse lors du testing qui de toute façon sera flexion plantaire maximale associée à une éversion
systématique lors de l’examen de la cheville. de l’avant-pied (position d’étirement maximal
En imagerie, l’échographie sera l’examen de du tendon), soit sur un mode chronique lors de
choix couplé à la radiographie de la cheville. pathologies tendineuses chroniques ou de rares
L’analyse du tendon et de son trajet sera d’autant maladies inflammatoires comme la goutte. Les
plus précise lors des manœuvres dynamiques en types de ruptures peuvent être soit totales, soit
échographie. sous forme de fissure longitudinale. En cas de
rupture totale, on retrouve les lésions à deux
endroits soit au niveau des poulies de réflexion,
Tibial antérieur soit au niveau de l’insertion distale avec parfois
une pastille osseuse arrachée. C’est une lésion
Anatomie et biomécanique plutôt du sujet âgé avec une moyenne d’âge
Le muscle tibial antérieur est un muscle profond d’environ 50–60 ans.
de la loge antérieure de la jambe et se prolonge D’autres mécanismes peuvent être rencontrés
par un tendon puissant qui s’insère sur le bord comme les plaies de la face dorsale du pied par
dorsomédial du pied. chute d’un objet tranchant. Il faut toujours se
Son insertion proximale se situe au niveau du méfier d’un tableau de tendinopathie du tibial
tubercule de Gerdy et de la face latérale de la antérieur, longtemps douloureuse, qui devient
tubérosité tibiale antérieure et du tibia. Il des- brutalement indolente (parfois après une infil-
cend verticalement avec un point de réflexion tration cortisonée). La disparition des douleurs
au niveau du ligament annulaire antérieur où, au laisse place à un déficit de la dorsiflexion active et
niveau du retinaculum supérieur, il traverse un signe une rupture qui risque d’être méconnue, sur
dédoublement de son feuillet, source de conflit. un terrain de tendinopathie chronique.
Son insertion distale se termine à la face interne
du 1er cunéiforme et à la partie médiale du Clinique
1er métatarsien.
Il est le fléchisseur dorsal du pied le plus puis- En cas de traumatisme aigu du tendon tibial anté-
sant ; il a un rôle également dans l’adduction et rieur, on retrouve à l’interrogatoire un claque-
l’inversion du pied. C’est aussi un suspenseur ment avec une douleur vive sur la face antérieure
de la voûte plantaire qui limite la pronation de de la cheville ou sur le bord médial du médio-
l’arrière-pied lors de la course ou de la marche. pied. Le patient peut souvent reprendre une
marche mais avec un steppage (à ne pas confondre
avec une lésion neurologique du nerf fibulaire ou
Physiopathologie d’une sciatalgie type L5). Localement, l’examen
Les principales lésions du tendon du tibial anté- peut parfois retrouver un discret œdème mais
rieur sont le plus souvent des tendinopathies, plus surtout une disparition du relief du tendon tibial
rarement des ténosynovites en regard des retina- antérieur.
culums antérieurs de la cheville ou de la présence Lors du testing des muscles releveurs du pied,
d’ostéophytes du col talien antérieur, qui peuvent il existe bien une flexion dorsale du pied, mais
Chapitre 7. Cheville et pied 271
postérieur lors d’un mécanisme en flexion dor- En cas de luxation du tibial postérieur, la
sale avec une éversion forcée, le patient décrit radiographie peut retrouver une écaille osseuse
une douleur, un craquement avec la sensation en regard de la malléole médiale, témoin d’un
de déchirure. arrachement du retinaculum.
En cas de luxation du tibial postérieur, les
facteurs retrouvés sont une gouttière rétromal- Traitement
léolaire médiale hypoplasique, une insuffisance du En cas de tendinopathie, le traitement repose
retinaculum, un traumatisme répétitif chronique aussi sur le bilan podologique avec semelles pro-
ainsi que des injections répétées de corticoïdes, posant un soutien de la voûte médiale, les AINS
valables aussi pour la rupture. si besoin et le travail en rééducation. Le retour
au sport est variable en fonction de l’intensité des
Clinique symptômes et des anomalies retrouvées et varie
En cas d’inflammation du tendon ou de sa gaine, il entre 1 et 4 mois.
faut rechercher une décompensation progressive, En cas de rupture, le traitement chirurgical
une douleur à la palpation du tubercule médial comporte plusieurs techniques associant suture,
du naviculaire, une douleur à l’étirement du tibial transfert tendineux ou autogreffe. Le délai de
postérieur et lors des contractions isométriques. retour au sport est d’au moins 6 mois.
En cas de rupture, nous recherchons une dou- En cas de luxation, le traitement est chirur-
leur en arrière de la malléole médiale, une dis- gical avec une suture de la gaine sur le périoste
parition du relief du tendon tibial postérieur et et une reconstruction du retinaculum par un
une baisse de force de l’inversion du pied, mais lambeau périosté si besoin, suivi d’une décharge
attention car, si l’examen ne se fait qu’en décubi- de 4 semaines. Le délai de retour au sport se situe
tus dorsal, le sujet peut ébaucher les mouvements entre 4 et 6 mois.
pas les autres tendons. Il faut mettre le sujet en
position debout, se placer derrière lui et alors vous Tendons fibulaires
observerez un affaissement de la voûte plantaire
avec visualisation d’une bonne partie des orteils, Anatomie
car l’avant-pied est parti en abduction–rotation
Le long fibulaire est un muscle de la loge latérale
latérale. Dans cette position, nous pouvons aussi
de la jambe partant du tiers supérieur de la jambe
demander au sujet de se mettre debout sur les
pour former un tendon au tiers inférieur de la
orteils, ce qu’il aura du mal à réaliser.
jambe passant en arrière du court fibulaire. Il
En cas de luxation, nous retrouvons un œdème
passe ensuite dans la gouttière postérieure de la
modéré au niveau de la partie médiane, un tendon
malléole fibulaire pour se projeter vers le canal
qui se situe en avant de la malléole médiale, un
cuboïdien et se rendre ensuite à la face plantaire
vide en rétromalléolaire, une faiblesse importante
du 1er et du 2e métatarsien avec une expansion
lors de l’inversion active contrariée et une montée
vers le 1er cunéiforme. Son action est multiple :
unipodale compliquée.
soutien latéral de la voûte plantaire, pronateur,
abducteur et fléchisseur plantaire accessoire.
Imagerie Le court fibulaire est un muscle de la loge
En dehors de l’échographie qui est aussi perfor- latérale de la jambe partant du bord latéral de la
mante que l’IRM, la radiographie peut être utile fibula pour former un tendon au tiers inférieur
pour rechercher des fractures méconnues ou un de la jambe passant en avant du long fibulaire. Il
os naviculaire accessoire. Les clichés de cheville et passe dans la gouttière postérieure de la malléole
d’avant-pied classiques doivent être réalisés, nous fibulaire pour se projeter ensuite vers la styloïde
pouvons nous aider d’un cliché de Méary en cas du 5e métatarsien.
de lésion chronique de ce tendon afin d’analyser Il est abducteur, fléchisseur plantaire et prona-
les axes de l’arrière-pied. teur accessoire.
Chapitre 7. Cheville et pied 273
Clinique
L’évaluation clinique initiale doit être attentive
tant ces luxations sont trop souvent méconnues et
confondues avec des entorses latérales. La douleur
initiale et un œdème important peuvent limiter
la qualité de l’évaluation clinique et il convient
donc de réévaluer le patient après une période de
préparation. Certains éléments permettent de sus-
pecter ces lésions au stade initial.
Il s’agit le plus souvent de patient de sexe mas-
culin dont l’âge moyen est de 20–30 ans. Les
sports à risque sont le ski, l’escalade et le football.
L’interrogatoire retrouve un mécanisme lésion-
nel bien identifié. Le patient note parfois une Figure 7.25. Testing de la stabilité fibulaire
sensation de claquement rétromalléolaire. par la manœuvre de Sobel : test clinique.
Le doigt crochète les tendons fibulaires, pied
L’inspection constate une tuméfaction avec en flexion plantaire et éversion. Instabilité démasquée
ecchymose rétromalléolaire, et non pas prémal- lors de la contraction active des fibulaires.
léolaire comme dans les entorses classiques.
La palpation retrouve un point douloureux
rétromalléolaire au contraire des entorses latérales Imagerie
qui sont plutôt douloureuses à la palpation des
faisceaux antérieur et moyen du LCL. Les radiographies standard initiales sont toujours
Le testing de la stabilité fibulaire en aigu est indiquées. Elles recherchent une lésion osseuse,
rendu difficile par la douleur mais reste un point à type d’écaille osseuse corticale malléolaire
276 Traumatologie en pratique sportive
Il s’agit d’une incision au bord postérieur de est exposée aux nécroses cutanées cicatricielles, à
la malléole latérale permettant de faire un bilan la désunion cutanée, au sepsis… Ceci s’explique
lésionnel initial avec recherche des facteurs favori- par la faible masse de parties molles protectrices
sants qui sont traités dans le même temps (myo- entre le tissu cutané et le tissu osseux. À cette
mectomie musculaire si tissu musculaire fibulaire complication commune à toutes les chirurgies de
bas inséré, avivement–suture si tendinopathie). Le la cheville, se surajoutent les complications plus
retinaculum est ouvert pour permettre sa retente. spécifiques liées à la pathologie : récidive de la
Les autres techniques ou gestes associés envisa- luxation (échec de la chirurgie), douleur résiduelle
geables sont le creusement malléolaire (malléole sur tendinopathies séquellaires ou iatrogènes de
convexe), un lambeau périosté de renforcement, compression par excès de retente du retinaculum
l’utilisation d’une bandelette de polyester bio- avec défaut de glissement des tendons dans leur
compatible, un transfert tendineux fibulaire sous le gaine, gêne fonctionnelle résiduelle (marche).
ligament fibulocalcanéen, ou encore l’arthroscopie
comme moyen opératoire… Tous ces gestes n’ont
pas montré de supériorité dans la littérature en Résultats
comparaison à la retente isolée du retinaculum.
L’analyse de la littérature retrouve de bons résul-
Les suites opératoires comportent une immo-
tats fonctionnels pour le traitement chirurgical
bilisation par botte (en résine) 6 semaines sans
(retente isolée du retinaculum) avec une satis-
appui sous couvert d’une anticoagulation pré-
faction des patients, une amélioration significative
ventive. La remise en charge est autorisée dès
du score AOFAS (American Orthopaedic Foot
la 6e semaine avec une rééducation débutée en
& Ankle Society), une réduction significative de
parallèle (mobilisation articulaire douce, reprise
la douleur à l’effort et à la marche, évaluée par
de l’appui progressif, renforcement musculaire).
l’échelle visuelle analogique (EVA), et l’absence
de douleurs résiduelles dans la majorité des cas.
Indications thérapeutiques Le taux de récidive varie de 0 à 15 % selon les
La luxation des tendons fibulaires est trop rare- études et les techniques utilisées, au contraire du
ment diagnostiquée au stade aigu. Si le traitement traitement orthopédique avec 50 % d’échec.
peut alors se discuter entre orthopédique ou À 1 an, la réduction du niveau sportif concerne
chirurgical chez le sujet non sportif, il n’en est surtout les patients présentant une douleur rési-
plus de même au stade chronique. duelle. Celle-ci est souvent causée par des ten-
Le traitement orthopédique en aigu est envi- dinopathies séquellaires. Ces dernières trouvent
sageable, surtout chez le sujet non sportif, si le leur origine principalement dans le délai pro-
patient est informé du risque d’échec élevé de longé avant diagnostic et un traitement retardé
cette option thérapeutique (50 %). Il s’agit d’une entraînant une souffrance tendineuse. D’où
immobilisation en botte pour 6 semaines sans l’importance d’un délai de diagnostic court et de
appui sous traitement anticoagulant. l’instauration du traitement adapté rapide.
Le traitement chirurgical en aigu reste le traite-
ment de choix chez le sujet jeune et sportif.
Au stade chronique, le traitement chirurgical est Délais de retour au sport
indiqué en cas de symptomatologie fonctionnelle. Le travail proprioceptif est débuté entre le 2e et
le 3e mois. La reprise des activités sportives est
Complications autorisée progressivement à partir du 3e mois et
intensifiée progressivement. Mais à 2 ans de recul,
La complication spécifique du traitement ortho- 2/3 des patients auront changé de sport ou baissé
pédique est le taux d’échec de l’ordre de 50 %. leur niveau sportif. Il s’agit donc d’une pathologie
Le risque principal du traitement chirurgical au retentissement sportif important même bien
est le problème cicatriciel. La zone opératoire prise en charge. Il convient d’en informer le
278 Traumatologie en pratique sportive
patient, d’autant plus celui qui est sportif. La À ces facteurs mécaniques classiques, s’ajoutent
luxation des tendons fibulaires, même correcte- des causes médicales bien connues d’enthéso-
ment prise en charge, peut signer un déclin des pathie : rhumatisme inflammatoire psoriasique,
activités sportives à long terme. spondylarthropathie, polyarthrite, goutte, diabète.
Clinique
Pathologie de l’aponévrose
La symptomatologie est dominée par la douleur,
plantaire d’installation progressive, située principalement
sous le talon mais pouvant irradier le long du bord
S. Besch médial du pied, voire être plus diffuse en cas d’évo-
lution prolongée. Le rythme est nettement méca-
nique : douleurs à la station debout, à la marche,
Aponévropathie plantaire soulagement au repos. On retrouve souvent un
dérouillage matinal ou une reprise de la marche
Épidémiologie douloureuse après une station assise prolongée.
La talalgie plantaire est un symptôme fréquent en À l’examen, il peut exister une boiterie d’esquive
traumatologie. Une des étiologies principales est de l’appui talonnier. Les signes diagnostiques
l’enthésopathie de l’aponévrose plantaire super- positifs les plus courants sont : un réveil doulou-
ficielle (APS), plus communément appelée aponé- reux possible lors de la mise en tension de l’apo-
vrosite plantaire. Elle affecte 5 à 10 % des joggeurs, névrose par flexion dorsale passive des orteils, des
tous niveaux confondus. Son pic d’incidence se douleurs déclenchées lors de la palpation de la
situe entre 40 et 60 ans, mais des sportifs plus zone d’insertion calcanéenne.
jeunes peuvent être touchés. L’atteinte bilatérale L’examen clinique recherche les facteurs favo-
n’est pas rare, pouvant aller jusqu’à 1/3 des cas. risants connus. Il vise également à éliminer les
diagnostics différentiels :
Physiopathologie • fracture de fatigue du calcanéus ;
• souffrance de l’articulation sous-talienne ;
L’APS est une lame fibreuse qui s’étend de la
• talonnade ;
tubérosité postéromédiale du calcanéus jusqu’à
• maladie de Sever ;
la tête des métatarsiens. Partie intégrante du sys-
• syndrome canalaire : nerf tibial postérieur, nerf
tème suro-achilléo-calcanéo-plantaire, elle joue
calcanéen inférieur (neuropathie de Baxter) ;
un rôle important de soutien du pied en position
• pathologie rhumatismale ;
debout et à la marche. À ces microtraumatismes
• pathologie tumorale ou infectieuse calcanéenne.
« physiologiques » incontournables s’ajoutent des
tractions plus intenses lors d’impacts au sol (ex. :
Imagerie
réceptions de saut) et/ou de propulsions rapides
(ex. : sauts). L’excès de contraintes mécaniques, Une radiographie de face et de profil de l’arrière-
ou plus exactement l’inadéquation entre la tension pied est nécessaire. Elle vise surtout à rechercher
exercée et la résistance de l’aponévrose à celle-ci, des signes évocateurs d’autres diagnostics que
est majoritairement responsable de la genèse de l’APS + +. Elle peut révéler la présence d’une exos-
l’APS. Plusieurs facteurs peuvent en être à l’ori- tose parallèle au plan cutané plantaire, commu-
gine : l’âge (modification histologique du tissu nément dénommée épine calcanéenne, simple
avec le temps altérant ses propriétés mécaniques traduction d’une hypertraction de l’enthèse. Elle
associée à un appauvrissement du coussin adipeux est présente dans 15 à 20 % de la population géné-
sous-calcanéen), la pratique sportive soutenue en rale et très souvent de manière asymptomatique.
charge, un surpoids, les troubles statiques du pied L’échographie est l’examen de choix. Elle
(constitutionnels ou acquis : pied creux, tendon délimite la zone douloureuse au passage de la
calcanéen court, raideur de l’arrière-pied). sonde ; elle recherche un épaississement proximal
Chapitre 7. Cheville et pied 279
– ondes de choc : elles sont d’usage courant. • lors d’une mise en tension brutale (ex. : impulsion
Pour autant, les résultats des nombreuses ou réception de saut, démarrage à la course) :
études portant sur le sujet restent encore dis- contexte essentiellement d’activités sportives.
parates (efficacité similaire à un placebo versus La rupture se produit alors plus volontiers à
85 % de nette amélioration…) en raison de l’aplomb du sommet de l’arche interne du pied ;
protocoles et de populations très hétérogènes, • lors d’un étirement modéré sur une aponévrose
– infiltrations de corticoïdes : elles ne sont déjà pathologique. La rupture se situe plus fré-
jamais un traitement de première intention en quemment à l’insertion calcanéenne. Dans 10
raison du risque d’atrophie graisseuse et de à 12 % des cas, il s’agit d’une complication
rupture iatrogène secondaire de l’aponévrose. évolutive de l’APS.
Elles sont réservées aux formes très algiques,
rebelles au traitement médical et sont réalisées Clinique
au mieux sous contrôle échographique. Il a
On retrouve deux tableaux cliniques distincts
été clairement démontré que leur efficacité
répondant au contexte de survenue bien diffé-
n’est effective qu’à court terme, probable-
rents :
ment parce qu’histologiquement la majorité
• rupture récente : sensation de déchirure bru-
des lésions retrouvées dans l’APS sont de type
tale, en plein effort, obligeant à l’arrêt immé-
« dégénératif » et non inflammatoire,
diat de l’activité en cours. La reprise de l’appui
– PRP et fasciotomie à l’aiguille : ils sont encore
est possible mais avec une boiterie d’esquive.
au stade expérimental,
Localement, c’est l’existence d’une zone dou-
– toxine botulique : testée il y a quelques
loureuse à la palpation ainsi qu’une déhiscence
années, son usage n’a jamais été validé faute
située au niveau du 1/3 moyen de l’aponévrose
de preuves d’efficacité,
ou à son insertion calcanéenne qui évoquent le
– port d’une attelle nocturne, voire d’une botte
diagnostic. Les signes locaux à type d’œdème
de marche : dans les formes très algiques, il
ou d’ecchymose sont plus ou moins marqués ;
est préconisé par certains.
• rupture ancienne : il arrive que la rupture
La chirurgie de désinsertion, partielle ou totale,
initiale passe inaperçue en raison d’antécédents
reste exceptionnelle et ne se discute qu’après au
de talalgies ou par errance diagnostique. La
moins 6 mois de traitement conservateur suivi
gêne fonctionnelle est d’intensité variable mais
scrupuleusement.
la pratique sportive en charge est rarement
possible. À l’examen, on retrouve une douleur
Résultats et délais de retour au sport précise à la palpation de l’aponévrose mais la
Il existe une amélioration de la symptomatologie zone de rupture peut avoir disparu, remplacée
dans 50 à 90 % des cas avec le traitement mais elle par un remaniement cicatriciel sensible.
est souvent longue à obtenir (plusieurs mois). La
persistance d’une gêne est fréquente, quelles que Imagerie
soient les modalités thérapeutiques. La reprise Elle est indispensable pour mettre en évidence la
sportive est toujours progressive et débute au rupture :
bout de 2 à 3 mois. Les rechutes ne sont pas rares. • l’échographie est réalisée par des mains
expertes, elle visualise l’interruption de l’aponé-
vrose, précise sa topographie et son importance
Ruptures de l’aponévrose (partielle ou complète), recherche des signes
plantaire évoquant une lésion déjà ancienne (épaississe
ment, kyste…) ;
Physiopathologie • l’IRM est pratiquée seulement en deuxième
La rupture de l’aponévrose survient dans deux intention, lorsque l’échographie s’avère insuffi-
contextes : sante pour décider des modalités thérapeutiques.
Chapitre 7. Cheville et pied 281
E. Orhant
Le conflit antérieur de cheville est une pathologie
mal connue avec une prise en charge aléatoire. Sa
mauvaise gestion entraîne une réduction, voire un
arrêt de l’activité physique et sportive.
Épidémiologie
Le conflit antérieur a été découvert en 1943 par
Morris puis décrit par McMurray chez le footbal-
leur en 1950. Wollin et Schonholtz ont ensuite Figure 7.28. Développement des ostéophytes de part
et d’autre de l’interligne tibiotalien à distance des zones
précisé les phénomènes anatomopathologiques
d’insertion capsulaire réfutant l’hypothèse d’ostéophytes
responsables. Mc Ginty a été le premier à trouver de traction.
un rapport entre le conflit antérieur et la lésion Source : Carole Fumat.
282 Traumatologie en pratique sportive
des ostéophytes était en regard de l’impact. Ces fonction du sportif. En effet, les variantes anato-
analyses montrent également que le mouvement miques ou le développement biomécanique anor-
excessif de flexion plantaire ou dorsale de la mal lié au sport peuvent influer sur la clinique. Le
cheville ne se rapproche de l’amplitude maximale sportif décrit une douleur entre les parties molles
statique que dans 39 % des cas. La localisation sous-cutanées et les reliefs osseux. Cette douleur,
(antérolatérale, antérocentrale, antéromédiale) et de rythme mécanique, apparaît seulement dans
la taille de ces ostéophytes sont en rapport avec certains mouvements de la cheville et dépend
le microtraumatisme originel. Qu’il s’agisse d’un de la localisation et du mécanisme du conflit. La
impact comme dans le football ou d’une modifica- plupart du temps, la douleur apparaît en flexion
tion dynamique du pied lors de certaines activités dorsale mais peut parfois être déclenchée lors
physiques comme la danse, le saut en hauteur, le de flexions plantaires, surtout si des mécanismes de
trail, la typicité du sport explique alors le conflit. compression s’y associent comme l’inversion ou
La seconde théorie est histopathologique. Dans l’éversion de la cheville. La douleur, la plupart
les années 1990, Ferkel a fait l’analyse histopa- du temps, n’est pas présente sur tout le mouve-
thologique de cette bande fibreuse et a démontré ment mais plutôt en fin de course. L’évolution
l’existence de tissus ligamentaire et synovial cica- de la douleur se fait vers un rythme inflam-
triciels en son sein. Le terme méniscoïde est alors matoire. Cette aggravation est souvent associée
abandonné. Le tissu est enfin décrit comme un à la pratique sportive, au déconditionnement
tissu capsuloligamentaire. Tol et Van Djick ont neuromusculaire engendrée par la douleur, à la
été plus loin en montrant que ce tissu capsulo- modification de l’activité mais aussi aux gestes
ligamentaire était une bande cicatricielle épaissie compensatoires. À l’interrogatoire, il est essentiel
à partir du ligament tibiofibulaire antérieur en de rechercher un traumatisme de la cheville mais
latéral et du ligament deltoïde en médial associée aussi une histoire ancienne d’instabilité chro-
à une plica synoviale. L’entorse de cheville puis nique. Il faut rechercher un épanchement, noter
l’instabilité chronique entraînent progressivement sa localisation (diffus ou localisé) mais aussi le
une inflammation locale. Cette inflammation peut caractère aigu, chronique, récidivant en analysant
être à l’origine d’une hyperplasie synoviale ou les phénomènes déclenchants (activité sportive
ligamentaire. L’hématome constitué souvent aux par exemple). La palpation retrouve une douleur
dépens du récessus antérieur peut se calcifier et de la cheville localisée à l’interligne talocrurale
aggraver le pronostic cellulaire local. Le ligament antérieure. Le conflit antérolatéral se situe le plus
ou la synoviale se trouvent désorganisés, la cica- souvent en dehors des tendons extenseurs des
trisation est alors épaisse, incomplète et devient orteils, le conflit antéromédial se situe en dedans
inflammatoire. Cela engendre une hypertrophie du tendon du tibial antérieur. Les manœuvres de
des tissus et une cicatrice fibreuse non fonction- pression sont importantes. Elles associent une
nelle. Murawki évoque l’hypothèse que la répéti- flexion dorsale et une pression latérale ou médiale,
tion des dorsiflexions entraîne des modifications voire une inversion ou une éversion de la cheville.
sur le complexe capsuloligamentaire sans qu’il Le test de Molloy est décrit comme une pression
y ait un phénomène d’instabilité aiguë. Finale- douloureuse de l’interligne antérolatéral avec un
ment, nous pouvons retenir que l’explication du mouvement forcé de dorsiflexion. L’examen doit
conflit antérieur est double et traumatique. La rechercher des signes d’adaptation chronique,
lésion osseuse ostéophytique ajoutée à un pro- notamment au niveau musculo-aponévrotique
blème inflammatoire capsuloligamentaire engendre ou sur les appuis plantaires. Le pic de force
conflit et désadaptation fonctionnelle articulaire. lors des tests musculaires isocinétiques n’est pas
diminué. Des signes associés en rapport avec une
Diagnostic clinique pathologie chronique articulaire existent comme
une raideur de cheville. L’analyse posturale et
Les localisations des conflits antérieurs sont diffé- podologique statique et dynamique devient
rentes en fonction du sport pratiqué mais aussi en essentielle et doit pouvoir être comparée aux
Chapitre 7. Cheville et pied 283
elle peut apporter des réponses dans les problèmes Principes thérapeutiques
de pincement. L’analyse du Doppler objective et indications
une hypervascularisation cohérente avec l’inflam-
mation capsuloligamentaire. Le premier principe est la suppression des
Les spécialistes d’imagerie ne sont pas d’accord microtraumatismes ou du facteur déclenchant
sur la place de l’IRM ou du scanner. Pour cer- à l’origine du conflit. L’examen biomécanique
tains, il n’y a aucun intérêt à faire une IRM. du sportif et l’analyse du geste doivent corri-
Selon Liu, la sensibilité de l’IRM dans le conflit ger les phénomènes favorisant l’apparition de la
antérieur n’est que de 39 % et la spécificité symptomatologie. Il s’agit de traiter une techno
de 50 % donc légèrement plus élevée que la pathie. L’analyse podoposturale a toute sa place
radiographie. Pour d’autres, l’IRM est le gold et peut être à l’origine d’une correction par
standard. Murawski a réalisé un algorithme qui des semelles orthopédiques. Le traitement du
met l’IRM au centre du diagnostic pour les traumatisme aigu mettant en évidence le conflit
conflits antéromédiaux et antérolatéraux. En fait, (nouvelle entorse dans le cadre de l’instabilité)
il faut distinguer les images réalisées au début de doit être primordial pour éviter l’entretien de la
la pathologie qui sont peu contributives et non douleur capsuloligamentaire. Le repos précoce
spécifiques. La seule anomalie qui est constatée permet d’éviter l’évolution de la pathologie vers
est l’épanchement. Ce n’est que dans un second une composante inflammatoire. Il n’est malheu-
temps que l’inflammation capsuloligamentaire reusement pas suffisant à un stade avancé et la
devient visible (figure 7.30). La recherche des reprise de l’activité physique est souvent syno-
facteurs osseux associés ou prédisposants (mal- nyme de réapparition des symptômes. Les AINS
formation, exostose, ostéophytose) est essentielle et les antalgiques apportent un confort à court et
pour appréhender au mieux le traitement. L’IRM moyen terme mais n’ont aucune action curative,
doit éliminer les lésions articulaires de surcharge passé le phénomène aigu. La mésothérapie peut
associées, les lésions ostéochondrales, les kystes être un traitement dans les phases algiques aiguës.
synoviaux, les corps étrangers intra-articulaires. Il ne faut pas cautionner la pratique d’une activité
Enfin, les diagnostics différentiels de douleurs ou sportive sous antalgique ou anti-inflammatoire
d’instabilités doivent être éliminés grâce à l’IRM au risque d’aggraver le conflit. Le test infiltratif
ou l’arthroscanner. échoguidé oriente le traitement. En effet, l’infil-
tration de corticoïdes échoguidée entraîne une est le non-traitement des lésions concomitantes.
amélioration rapide de la douleur aiguë. Elle per- La non-prise en compte des lésions ligamentaires,
met d’orienter, voire de valider le diagnostic. Mais de la lésion d’instabilité, des lésions ostéochon-
ce geste ne permet pas la disparition complète de drales sont source de récidive de la douleur. Les
la cause du conflit, souvent la symptomatologie risques postopératoires sont communs à toutes
réapparaît et l’échec thérapeutique est constaté. les opérations de la cheville par arthroscopie et ne
Néanmoins, le fait d’avoir une bonne réponse sont pas augmentés par le diagnostic de conflit.
contre la douleur lors de l’infiltration est une indi- L’infection (< 1 %) et l’algodystrophie (< 3 %)
cation de bon pronostic pour le traitement curatif. ont été décrites.
Le traitement définitif est souvent apporté par
la chirurgie et notamment l’arthroscopie. Il ne
doit être réalisé qu’en cas d’échec du traitement Délais de retour au sport
médical bien mené. Son rôle sera de supprimer la
Dans le milieu professionnel du football, le délai
cause du conflit. Le traitement de la lésion capsu-
de reprise après des douleurs aiguës de conflit
loligamentaire par synovectomie sous arthrosco-
est compris entre 7 et 11 jours mais le risque de
pie est essentiel. Les techniques de débridement
récidive dans ce type de diagnostic est impor-
du tissu cicatriciel (associant tissu ligamentaire
tant. L’arrêt, la rééducation et la réathlétisation
et capsulaire) ont évolué avec le temps mais le
sont fonction de l’origine du conflit mais aussi
principe reste le même. Il sera associé à ces
de l’ancienneté des symptômes. Si le traitement
techniques un acte osseux de régularisation des
est chirurgical, le repos est de 1 semaine et la
exostoses ou malformations ou ostéophytoses. Le
rééducation est reprise dans la semaine suivant
traitement essentiel qui doit être réalisé parallèle-
la chirurgie. La reprise de l’activité sportive est
ment, ou dans un second temps pour certains, est
prévue entre 4 et 8 semaines. Plus le niveau spor-
la prise en charge des lésions associées ostéochon-
tif de base est élevé, plus le retour à la compétition
drales ou le traitement de l’instabilité de cheville.
est facile. Les différentes études montrent que la
reprise de la compétition chez les sportifs de haut
Résultats niveau est comprise entre 6 et 8 semaines. Les
résultats sont plutôt de bons pronostics, autour
La qualité du résultat est appréciée sur les échelles de 80 % dans la plupart des études. Cependant,
de la douleur, sur la mobilité articulaire et pour le la présence de lésions ostéochondrales associées
sportif sur le retour à l’activité sportive, notam- majore les délais de la reprise et, comme noté pré-
ment en compétition. Plus le délai entre le début cédemment, sont source d’échec thérapeutique.
de la symptomatologie et son traitement est
court, meilleur est le pronostic. Pour certains,
il doit être inférieur à 2 ans. La localisation du Conflits postérieurs
conflit au niveau antéromédial est de meilleur de la cheville
pronostic que sur la portion antérolatérale. Les
mauvais résultats de la chirurgie sont souvent
B. Tamalet
corrélés à la taille des ostéophytes. En effet, plus
les lésions ostéophytiques sont grandes, plus elles Le conflit postérieur de la cheville est un syndrome
sont associées à un long passé douloureux et il douloureux du carrefour tibio-talo-calcanéen. Il a
en découle comme vu précédemment de moins été décrit initialement chez les danseurs de ballet
bons résultats. Van Djick a donc proposé une par microtraumatisme en flexion plantaire répétée
classification sur les examens d’imagerie permet- liée à la position « en pointe ». Depuis, ce type
tant de pronostiquer les résultats de la chirurgie. de douleur a été décrit dans la plupart des sports
Les résultats sont considérés la plupart du temps d’accélération et de sauts, quel que soit le niveau.
comme excellents ou bons après un traitement Chez le footballeur, le geste de frappe est un
définitif chirurgical. La première cause d’échec facteur causal plus spécifique.
286 Traumatologie en pratique sportive
Anatomie
Les éléments formant le carrefour postérieur sont
d’ordre osseux, capsulosynovial, ligamentaire et
tendineux.
Eléments osseux
L’extrémité postérieure du talus est formée de
deux tubercules ou processus médial et latéral
séparés par une gorge, le processus postérolatéral
du talus (PPLT) est plus volumineux que le
médial, néanmoins les variations interindividuelles Figure 7.31. Talus.
de taille sont importantes. Lorsque le processus Source : Carole Fumat.
postérolatéral est allongé, on parle souvent de
« queue du talus » ou processus de Stieda. Au- série radiologique de 3460 chevilles, a décrit la
dessus se trouve le rebord postéro-inférieur ou présence de celui-ci dans 12,7 % des cas mais sans
marge postérieure du tibia. Au dessous se trouve préciser l’âge des patients. Ces variations peuvent
le calcanéum, soit la prolongation de la surface s’expliquer aussi du fait de différences dans la défi-
thalamique, soit la surface osseuse directement en nition. En effet, certains auteurs incluent, dans le
arrière de celle-ci. nombre d’OT, le noyau d’ossification secondaire
L’os trigone (OT) est un des os accessoires non encore fusionné chez le sujet en cours de
le plus fréquemment retrouvés sur la cheville et le maturation osseuse. L’OT est plus fréquemment
pied, il est situé en arrière du PPLT. Le noyau unilatéral que bilatéral. Sa présence ne préjuge
d’ossification du PPLT apparaît entre 7 et 10 ans pas de son rôle dans la genèse de douleurs. La
et sa fusion avec le talus a lieu chez la fille entre 8 et face inférieure du PPLT et/ou de l’OT peut faire
10 ans et chez le garçon entre 11 et 13 ans partie intégrante de l’articulation sous-talienne
et dans tous les cas, en général, 1 an après son postérieure lorsque la surface thalamique est éten-
apparition radiologique. Avant la fusion des deux due vers l’arrière.
os, ceux-ci sont unis par un fibrocartilage ou
synchondrose. L’absence de fusion osseuse peut Éléments capsulosynoviaux
être favorisée soit par un phénomène de dis-
traction du noyau par les ligaments s’insérant à L’articulation tibiotalienne présente un cul-de-
ce niveau (ligaments talocalcanéen postérieur et sac synovial postérieur plus ou moins développé
talofibulaire postérieur), soit par des microtrau- comportant parfois des diverticules. Plus rare-
matismes répétés en flexion plantaire maximum ment, un cul-de-sac synovial de l’articulation
de cheville cisaillant le fibrocartilage entre marge sous-talienne est singulièrement développé. Les
postérieure du tibia et calcanéum. Compte tenu deux articulations communiquent parfois par leur
de ce mécanisme, l’OT est plus fréquemment synoviale postérieure.
associé à un PPLT court (figure 7.31). La pré-
valence de l’OT est très variable selon les auteurs Éléments ligamentaires
du fait des différentes populations examinées, Sur le PPLT s’insère le faisceau talofibulaire pos-
de 8 à 13 % dans la population générale à 80 % térieur du LCL, prolongé par un petit ligament
sur des séries de footballeurs. Tsuruta, sur une talocalcanéen postérieur. Il existe un ligament
Chapitre 7. Cheville et pied 287
intermalléolaire postérieur (LIMP), inconstant, Depuis cette description princeps, ces douleurs
présent dans 20 à 50 % selon les études cada- ont pu être recensées dans de nombreux sports où
vériques, dont les variations anatomiques sont l’accélération ou l’impulsion de saut est requise,
nombreuses, très bien décrites encore récemment notamment la course en descente, le lancer du
par Edama. Il peut jouer un rôle dans certaines javelot, la gymnastique et le football. Dans ce der-
formes douloureuses (figure 7.32). nier, s’ajoutent les contraintes répétées en flexion
plantaire lors des frappes, avec une contrainte
Éléments tendineux plus grande si la balle est prise à la face dorsale de
Le seul tendon réellement impliqué dans le car- l’extrémité du pied (figure 7.33).
refour est celui du fléchisseur propre de l’hallux Dans les suites d’entorse antérolatérale, ne pré-
(FPH) passant dans la gorge formée par les deux sentant initialement aucune douleur postérieure,
processus postérieurs du talus. ces signes peuvent apparaître secondairement.
Le mécanisme n’est pas univoque : l’hyperlaxité
acquise par rupture du ligament talofibulaire anté-
Physiopathologie rieur, entraînant une augmentation du glissement
Les contraintes répétées sur la cheville en flexion antérieur dynamique du talus en flexion plantaire,
plantaire maximale sont responsables de micro- augmenterait les contraintes entre marge pos-
traumatismes des éléments anatomiques du carre térieure du tibia et PPLT.
four postérieur. Ce mécanisme a été décrit Une flexion plantaire traumatique aiguë peut
initialement chez les danseurs de ballet profession- provoquer une fracture du PPLT ou de la syn-
nels du fait de leur prévalence particulièrement chondrose ou de l’OT lui-même. Il n’a pas été
importante dans ce sport. Plusieurs mécanismes décrit de lésion tendineuse aiguë du LFH. Que ce
entrent en jeu : soit après micro- ou macrotraumatisme des parties
• un contact PPLT–tibia lors de la position en molles en impaction, une synovite locale réaction-
pointe et demi-pointe ; nelle peut survenir, suivie d’une fibrose cicatricielle
• l’hyperlaxité physiologique associée à une ten- plus ou moins épaisse du cul-de-sac postérieur ou
sion excessive du FPH en position en pointe d’une ténosynovite du LFH réactionnelle.
peut favoriser les contraintes en cisaillement.
De plus chez le danseur, le long fléchisseur de Formes postéromédiales
l’hallux (LFH) joue un rôle actif très important Il existe des formes frontières par contusion de
de propulsion pour passer de demi-pointe à fibres postérieures du faisceau profond du LCM
pointe. Les deux mécanismes combinés favori- entre malléole médiale et bord postéromédial
sent la survenue d’une ténosynovite du LFH. du talus. Le conflit est dû au développement
d’une cicatrice ligamentaire hypertrophique plus
ou moins une synovite locale, l’encombrement
tissulaire entretient alors le conflit. Ceci peut sur- tibiofibulaire postérieur. Le tissu cicatriciel secon-
venir dans les suites proches d’un traumatisme de daire dans cette partie postérieure de la syndes-
la cheville en varus équin (figure 7.34) ou pro- mose donne un tableau de douleur chronique du
gressivement chez un sportif souffrant d’instabi- carrefour postérolatéral une fois les symptômes
lité chronique. Les tendons fléchisseurs communs antérieurs disparus. Dans notre expérience chez
des orteils et tibial postérieur peuvent également le footballeur, nous avons plusieurs fois rencon-
se trouver engagés par extension d’une cicatrice tré ces douleurs postérieures lors de la phase de
exubérante, donnant de ce fait des signes cli- reprise sur terrain après entorse du ligament tibio-
niques mixtes de tendinopathie en plus du conflit. fibulaire antérieur inférieur. Robinson a publié
une série chez des footballeurs dans laquelle
le conflit postérolatéral était survenu dans les
Formes postérolatérales
suites immédiates d’une entorse antérolatérale par
Les lésions ligamentaires tibiofibulaires anté- mécanisme de varus équin et sans aucune lésion
rieures inférieures graves sont fréquemment du ligament talofibulaire postérieur. Dans des
associées à des lésions d’impaction tibiofibulaire formes non traumatiques, le ligament intermal-
postérieure soit osseuse au versant tibial de l’arti- léolaire postérieur a pu être incriminé, pouvant
culation (œdème osseux ou au-delà, fracture de s’incarcérer dans l’interligne tibiotalien entraînant
petite taille), soit de fibres profondes du ligament douleur fugace et pseudoblocage.
condensation osseuse des berges de la fracture, parfois associée à des séquelles de fracture thala-
témoignant de l’ancienneté de la séparation, est mique de petite taille ;
souvent mieux visible que sur les radiographies • variations anatomiques favorisantes : PPLT gros
standard. La mise en évidence d’une corticale ou allongé (queue du talus), surface thalamique
bien individualisée caractérise l’OT. trop convexe en arrière.
Les radiographies dynamiques en flexion plan-
Scintigraphie taire maximum ont été abandonnées.
Idéalement couplée au scanner – tomographie par
émission monophotonique/tomodensitométrie IRM (figure 7.35)
(TEMP/TDM) ou single photon emission compu- Son interprétation doit se faire à la lumière des
ted tomography/computed tomography (SPECT/ résultats des radiographies standard et de la cli-
CT) –, elle est intéressante uniquement dans le nique, car les éléments du conflit peuvent se retrou-
cas où il existe une hyperfixation très localisée à la ver également chez des patients indolores. Cet
partie postérieure du talus témoignant de rema- examen peut montrer un œdème osseux (hyposi-
niements dégénératifs anciens, éliminant ainsi une gnal T1, hypersignal sur les séquences T2 STIR ou
fracture fraîche lorsque l’examen est fait très suppression de graisse) du PPLT et plus rarement
rapidement après le traumatisme. en miroir sur la marge postérieure du tibia. En cas
d’OT, on recherche des arguments en faveur de
Douleur chronique microtraumatique la rupture de la synchondrose : œdème osseux de
part et d’autre de la synchondrose, images liqui-
Si le diagnostic positif de SDCP est facile, peu
diennes entre les deux berges ou des remaniements
d’arguments cliniques permettent de prédire les
inflammatoires des tissus mous synoviaux, de la
éléments anatomiques responsables. L’imagerie va
capsule postérieure, de la gaine du LFH.
permettre d’évaluer les différentes étiologies, afin
La combinaison de plusieurs éléments est fré-
d’affiner la stratégie thérapeutique. L’exploration
quente : la présence d’un OT peut être la cause
repose avant tout sur le couple radiographie–IRM.
de conflit entre celui-ci et la marge postérieure du
Radiographies standard tibia, le calcanéum ou avec des replis synoviaux
Elles sont indispensables pour rechercher les dif- s’interposant entre les éléments osseux du conflit.
férentes particularités osseuses et leur pathologie : La présence de liquide dans la gaine du LFH ne
• remaniements dégénératifs à type de scléroses signifie pas forcément une ténosynovite ; elle n’a
ou microgéodes entre le bord antérieur de l’OT
et le bord postérieur du talus signant la chro-
nicité de la lésion : ils touchent plus rarement
le bord inférieur de l’OT et la partie tout à fait
postérieure du thalamus calcanéen ;
• OT hétérogène, fragmenté ;
• marge postérieure tibiale irrégulière, acérée ou
présentant de fines calcifications ;
• ostéophytes sur les berges de la tibiotalienne
postérieure ou sous-talienne postérieure. Chez
les sportifs à haut niveau d’impact, les ostéo-
phytes postérieurs ou antérieurs de la cheville
ne traduisent pas nécessairement une arthro-
pathie, mais sont seulement la résultante de
microtraumatismes et d’instabilité chronique ; Figure 7.35. Aspect de ligament intermalléolaire
postérieur très épais en IRM sagittale.
• début d’arthropathie dégénérative de l’articula- T2 (flèche pointillée) ; marge postérieure du tibia acérée
tion sous-talienne postérieure, post-traumatique, (flèche pleine).
Chapitre 7. Cheville et pied 291
l’instabilité pourrait réduire les contraintes micro- Dans la série de Ribbans, la reprise du sport
traumatiques. L’efficacité du traitement médical se fait entre 8 à 10 semaines en moyenne, les
et rééducatif ainsi que l’évolution naturelle du footballeurs reprennent 3 semaines plus tôt que
SDCP ont été très peu évaluées dans la littérature. les danseurs. L’analyse des délais de reprise en
Lorsque les douleurs sont dues à une arthropa- fonction du geste réalisé, osseux, tendineux ou
thie sous-talienne postérieure, le pronostic est combiné, donne des résultats contradictoires selon
plus réservé. Le traitement par AINS apporte un les auteurs. Les séries comportant des sportifs de
soulagement souvent transitoire ; la correction des moins de 18 ans, majoritairement des danseurs,
troubles statiques de l’arrière-pied par semelles retrouvent des résultats identiques avec toutefois
orthopédiques est conseillée. L’infiltration de des délais de reprise plus long. Les auteurs suggè-
cette articulation impérativement sous contrôle rent que la rééducation est probablement moins
radioscopique par voie sous-malléolaire latérale agressive en postopératoire chez l’adolescent.
semble la plus efficace. La poursuite des sports à
forte contrainte en impact est compromise.
En cas d’échec du traitement médical, un Conclusion
geste chirurgical peut être indiqué. La chirurgie
La mise en évidence du SDCP est facile puisqu’il
est pratiquée aujourd’hui par voie arthrosco-
suffit d’y penser et de réaliser les tests d’impaction
pique utilisant une double voie postéromédiale
et latérale combinée, popularisée par Van Dijk postérieure et de cisaillement en flexion plantaire
en 2006. passive. Dans les formes microtraumatiques sim-
C’est une chirurgie « à la carte » traitant les ples, les éléments du traitement médical et fonc-
lésions préalablement analysées cliniquement et tionnel de première intention peuvent suffire.
radiologiquement : ablation d’un OT ou d’un En cas d’échec, l’inventaire des causes possibles
PPLT pseudarthrosé, de chondromes ; excision repose sur la triade : clinique–radiographies–IRM.
des lésions prolifératives ou cicatricielles syno- Ceci permet alors de proposer un traitement
viales ; excision d’un ligament intermalléolaire invasif adapté, c’est-à-dire une infiltration locale
postérieur méniscoïde ; ténosynovectomies du correctement ciblée. Les indications chirurgicales
LFH dans les formes sténosantes. sont rares, mais les résultats chez le sportif sont
Une méta-analyse par Ribbans retrouve la réa- bons que ce soit dans les ablations de l’OT ou les
lisation d’un geste osseux chez les patients opérés excisions de tissus mous pathologiques.
à ciel ouvert dans 84 % des cas et sur le LFH dans
40 % des cas ; dans les séries arthroscopiques 78
et 31 % respectivement. `` Liste des compléments
L’immobilisation postopératoire varie selon les en ligne
auteurs de 0 jour, 10 jours à 4 semaines notam-
ment dans les séries plus anciennes à ciel ouvert. Des compléments numériques sont associés à ce
Une période de décharge de 7 jours est respectée chapitre. Ils sont indiqués dans le texte par un
puis la reprise d’appui est préconisée, en fonction picto . Pour voir ces compléments, connectez-
de la douleur sur 3 semaines, puis débute le ren- vous sur http://www.emconsulte/e-complement/
forcement musculaire. À partir de 6 semaines, une 476819 et suivez les instructions.
reprise du geste sportif (impulsion) est possible.
La plupart des sportifs (80 à 85 %), notam-
Vidéo 7.1. Augmentation de la flexion dorsale.
ment danseurs professionnels, peuvent reprendre
le sport en moyenne à 2 mois avec les mêmes Vidéo 7.2. Signe de Thompson.
performances que précédemment après 3 mois,
avec un recul de 7 ans pour certains auteurs. Vidéo 7.3. Luxation des tendons fibulaires.
Chapitre 7. Cheville et pied 293
et une limitation douloureuse de plus de 15° à adjacentes que des tests cliniques d’étirement et
l’étirement passif du muscle lésé par rapport au côté de force. Ainsi, la perte du ballottement mus-
sain laissent préjuger d’une reprise plus proche de 2 culaire, souvent avec sidération à la contraction, et
mois que de 1 mois. une limitation significative (> 15 %) de mobilité
articulaire par rapport au côté opposé doivent
faire rechercher un hématome profond. L’écho-
Sportif de loisir graphie est alors l’examen de choix non seulement
Concernant le sportif de loisir, il est rare que la pour mettre en évidence l’hématome, sa taille et
blessure musculaire survienne avec une présence sa topographie, mais également pour guider une
médicale et le sportif est le plus souvent livré à lui- ponction évacuatrice. Ce bilan justifie alors d’un
même pour tester la poursuite de l’activité, gérer suivi avec contrôle écho-clinique régulier pour
ses premiers soins, analyser la gêne fonctionnelle adapter la rééducation et prévenir la survenue de
et son évolution. Ainsi, c’est souvent plusieurs complications parfois sévères en cas de développe-
jours après le traumatisme que le sportif est vu en ment d’ossifications.
consultation spécialisée. Si le diagnostic de lésion
musculaire est alors le plus souvent évident dès
l’interrogatoire, il est important, pour une bonne Imagerie des lésions
prise en charge, de distinguer une lésion mus- musculaires
culaire intrinsèque d’une lésion extrinsèque par
l’analyse des circonstances de la survenue de la M. Crema, J. Renoux, J.-L. Brasseur
douleur, le contexte de choc, la poursuite de
l’activité et l’évolution dans les premiers jours. Grâce au développement de l’imagerie moderne –
échographie et IRM –, la précision de la gravité
Lésions musculaires intrinsèques d’une lésion s’améliore. Ces techniques déter-
minent mieux que la clinique l’importance des
Dans le cas d’une lésion musculaire intrinsèque lésions et ainsi la durée du repos sportif.
(absence de choc), l’examen clinique permet Nous verrons ici les différents types de lésions
d’évaluer la gravité par la recherche d’une ecchy- musculaires ainsi que l’anatomie musculaire IRM
mose, l’analyse des tests d’étirement (le muscle et échographique pour classifier les lésions et pré-
étudié est mis en position la plus courte possible, ciser leur topographie. Nous préciserons ensuite
puis la tension est augmentée par la mobilisation la manière d’effectuer correctement une analyse
d’une ou des deux articulations adjacentes) et musculaire en échographie et en IRM, l’aspect
celle des contractions contre résistance manuelle des lésions et la classification de leur gravité. Nous
en concentrique et excentrique dans le secteur verrons enfin quels sont les critères qui peuvent
d’étirement indolore. aider à la remise du sportif sur le terrain en sachant
La persistance de tests douloureux plusieurs jours que seule l’association des critères d’imagerie et
après la douleur initiale justifie d’une imagerie des critères cliniques permet cette décision.
complémentaire. Pour des raisons de disponibilité
et de coût, l’échographie est l’examen de référence
chez le sportif de loisir pour confirmer la lésion Échographie
musculaire, préciser sa taille et sa topographie au
sein du muscle (centrale, périphérique ou jonction). Anatomie et aspects
échographiques du muscle
Lésions musculaires extrinsèques Anatomie
Dans le cas d’une lésion musculaire extrinsèque Un groupe de fibres musculaires entourées de leur
(après choc direct), l’évaluation de la gravité endomysium conjonctif forme le fascicule mus-
dépend plus de la palpation de la zone douloureuse culaire qui est visible en échographie sous la forme
et de l’analyse des mobilités des articulations de stries hypoéchogènes. Du tissu conjonctif,
298 Traumatologie en pratique sportive
le périmysium, vascularisé, est présent entre les • Lors de la contraction, les fascicules musculaires
fascicules ce qui explique que, si la lésion n’est pas se raccourcissent et s’épaississent et, comme la
uniquement limitée aux fascicules musculaires, partie conjonctive ne se modifie pas, le muscle
elle atteint le conjonctif et peut s’accompagner apparaît plus hypo-échogène (figure 8.1d).
d’un saignement. Ce tissu conjonctif est visible,
dans l’axe longitudinal, sous la forme de lignes Types de muscles et aspects de leur insertion
hyperéchogènes entre les fascicules. Les fasci- Plusieurs types de muscles sont décrits dans le
cules se groupent en faisceau entouré d’un fascia corps humain mais, pour l’analyse musculaire trau-
conjonctif périmusculaire. matique, il est important de séparer les muscles
possédant un squelette conjonctif intramusculaire
Aspect échographique de ceux qui n’en ont pas, car les lésions observées
• Dans le sens longitudinal, alternance de lignes seront différentes ainsi que leur pronostic.
hypo (le fascicule) et hyperéchogènes (le Au niveau de la majorité des muscles des mem-
conjonctif) (figure 8.1a). bres, il existe :
• Dans le plan axial, points conjonctifs hyper • un prolongement tendineux (proximal et/ou
échogènes entourés de plages musculaires distal) au sein du muscle ;
hypoéchogènes (figure 8.1b). • des cloisons conjonctives se détachant du fascia
• Des vaisseaux peuvent être individualisés en périmusculaire.
Doppler au sein des éléments conjonctifs les Ces éléments conjonctifs forment une « arma-
plus épais (figure 8.1c). ture » au sein du muscle, véritable « squelette ».
Figure 8.1. Aspect échographique du muscle normal : vue sagittale, axiale, vascularisation (doppler), effet de la
contraction.
a. Échographie sagittale du muscle. Sur cette vue sagittale du mollet, on visualise bien l’architecture bipennée faite
de stries hypoéchogènes (les fascicules musculaires) et hyperéchogènes (le tissu conjonctif). b. Échographie axiale du muscle.
Sur cette vue axiale du mollet, on visualise les éléments conjonctifs comme des points hyperéchogènes, entourés de plages
hypoéchogènes correspondant aux fascicules musculaires. c. Doppler montrant la présence d’une vascularisation au sein du
périmysium. BIC : biceps. d. Coupe sagittale en contraction montrant l’épaississement des fascicules musculaires alors que
les éléments conjonctifs restent identiques ; le muscle prend de ce fait un aspect plus hypoéchogène.
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 299
Figure 8.2. Échographie dans le grand axe du squelette Lésions du squelette conjonctif
conjonctif (ici la cloison frontale du semimembraneux)
Ces lésions ont été décrites par Folinais ; elles
montrant bien l’insertion bipennée des fascicules
musculaire sur ce squelette. résultent de l’élasticité 5 fois moindre du conjonc-
CLOIS : cloison. tif par rapport au muscle et elles nécessitent un
300 Traumatologie en pratique sportive
Figure 8.5. a-b Lésion limitée au squelette conjonctif sans atteinte des fascicules musculaires insérés à son niveau.
Schéma et échographie de l’épaississement à contours flous de la cloison conjonctive de semimembraneux
c-d Lésion du squelette conjonctif (rupture) s’accompagnant d’une lésion des fascicules musculaires insérés à son
niveau. Schéma et échographie de la rupture d’une ramification conjonctive au sein du semitendineux.
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 301
Le deuxième rôle de l’échographie est, comme • les lésions bénignes qui entraînent un remanie-
nous l’avons déjà vu, la ponction échoguidée en ment hyperéchogène sans désorganisation de la
cas d’hématome collecté. structure du muscle ; il n’y a pas d’hématome
Mais son rôle le plus difficile est la gradation intramusculaire (figure 8.13) ;
de la lésion : c’est important, car ce grade condi- • les lésions de gravité intermédiaire dans les-
tionne, mieux que la clinique, la durée d’immobi- quelles la dilacération correspond à moins de
lisation. La taille de la lésion, même si elle ne peut la moitié de la surface du muscle sur une coupe
être négligée, est source d’erreur : axiale. Des suffusions hémorragiques peuvent
• en aigu, car à partir du grade 2 un saignement être présentes mais il n’existe pas d’hématome
se surajoute à la lésion et ce saignement est collecté et le fascia périmusculaire est intact
très variable en fonction des patients (chaleur, (figure 8.14).
mobilisation, compression…) ; il ne faut jamais
oublier qu’en imagerie (échographie mais aussi
IRM), on mesure la lésion et le saignement ;
• lors des contrôles : c’est le saignement qui
diminue et non la taille de la lésion ; il ne faut
pas dire au patient que sa lésion est passée de
8 à 4 cm car pour lui le but sera d’arriver à
la disparition complète, alors qu’il persistera
pratiquement toujours une cicatrice résiduelle.
Pour apprécier la gravité d’une lésion, il faut
d’abord déterminer le mécanisme lésionnel car la
classification est totalement différente. En effet,
en cas d’atteinte extrinsèque, nous avons une Figure 8.13. Contusion bénigne après choc à la face
contusion et une dilacération et lors d’un trauma- antérolatérale de la cuisse ayant entraîné un remaniement
tisme intrinsèque, un étirement. hyperéchogène (ZH) sans désorganisation du vaste
latéral et du vaste intermédiaire.
Gradation des lésions en cas FEM : fémur.
d’atteinte extrinsèque
On regarde dans ce type de lésion :
• la fraction lésée par rapport à la surface axiale
du muscle ;
• la présence et l’importance des hématomes ;
• l’aspect des fascias périmusculaires.
On peut ainsi séparer (tableau 8.1) :
En cas de lésion grave – plus de 50 % de la sur- Par définition, la lésion sera classée 0 si aucune
face du muscle atteinte –, des lames hématiques anomalie échographique n’est décelée.
sont présentes, parfois sous la forme d’une col- On peut donc différencier les lésions d’origine
lection à ponctionner sous contrôle échoscopique conjonctive :
(figure 8.15). Le fascia superficiel du muscle est • C : tableau 8.2 ;
souvent rompu ce qui permet l’évacuation des • M : tableau 8.3. Cette catégorie M comporte les
saignements intramusculaires (qui seront parfois lésions des jonctions myoconjonctives, mais aussi
retrouvés sous la forme d’une ecchymose sous- celles à point de départ musculaire. Ces lésions
cutanée à distance de la lésion). Un syndrome des M se retrouvent au centre du muscle (sur-
loges est souvent évité par cette rupture du fascia tout pour les muscles des parois), aux jonctions
qui peut par contre être à l’origine d’une hernie myotendineuses et myoconjonctives (centrales et
musculaire à la phase séquellaire. périphériques) ainsi qu’au niveau des jonctions
Il faut par contre repérer les petites lésions du myo-osseuses.
fascia périmusculaire qui peuvent être très dou-
loureuses et leurs épaississements ecchymotiques Tableau 8.2. Classification de l’Institut national
qui viennent enserrer le muscle comme dans une du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP)
des lésions intrinsèques d’origine conjonctive (C)
gangue à l’origine d’une hyperpression intramus- en échographie et en IRM.
culaire justifiant parfois l’ouverture chirurgicale
Grade Classification des lésions C
du fascia.
0 Pas d’anomalie décelée en imagerie
Classification échographique des lésions 1C Épaississement à contours flous d’un élément
en cas d’atteinte intrinsèque conjonctif sans rupture
2C Rupture partielle d’un élément conjonctif majeur
Dans ce type de lésion, le plus fréquent, il faut (élément intramusculaire proximal ou jonction
d’abord déterminer si nous sommes en présence conjonctive distale) sans perte de tension
d’une lésion C, d’origine conjonctive, ou d’une Rupture complète d’un élément conjonctif mineur
lésion M résultant d’une atteinte de la jonction (élément conjonctif intramusculaire secondaire,
périmusculaire ou intermusculaire)
entre le muscle et le squelette, voire d’une rare
3C Rupture complète d’un élément conjonctif majeur
lésion d’origine musculaire.
avec perte de tension
4 Rupture myoconjonctive complète avec rétraction
La gradation des lésions musculaires n’est donc IRM des lésions myotendineuses
pas aisée.
Dans nos études, l’arrêt sportif est d’environ : L’IRM est avec l’échographie la méthode de réfé-
• 1 à 2 semaines pour une lésion de grade 1M rence pour l’exploration des lésions musculaires
ou 1C ; traumatiques. L’IRM bénéficie d’une excellente
• 3 semaines pour une lésion de grade 2M ; reproductibilité et présente un contraste tissulaire
• 4 semaines pour une lésion de grade 2C ; très supérieur à celui de l’échographie.
• 6 semaines pour une lésion de grade 3M ; Par contre, le prix de l’examen et la dis-
• 8 semaines pour une lésion de grade 3C ; ponibilité des machines d’IRM n’en font pas l’ins-
• 9 à 12 semaines pour une lésion de grade 4M. trument privilégié dans cette indication.
On remarque que le retour sur le terrain est Nous retenons toutefois trois indications impé-
plus tardif en cas de lésion d’origine conjonctive. ratives :
On peut parler de facteur conjonctif péjoratif. • les discordances entre examen clinique et écho-
graphie ;
Conclusion • les lésions graves (stade 4) dans le cadre de la
discussion d’une prise en charge chirurgicale ;
La détermination de la gravité d’une lésion mus-
• les avulsions tendineuses des racines de membre
culaire en échographie est complexe et si on veut
(ischiojambiers, adducteurs…) pour lesquelles
évaluer, lors de la lésion, un pronostic de durée
l’échographie peut être prise à défaut (héma-
d’immobilisation, un examen précis est indis-
tome important en aigu, morphotype gênant
pensable.
l’étude satisfaisante de l’enthèse).
Du fait de son faible coût et de sa facilité d’accès,
Le choix est ensuite fonction du plateau tech-
l’échographie doit être réalisée en cas de lésion
nique et des circonstances.
musculaire Par contre, un examen en urgence
n’est pas indiqué, car une lésion, avant 48 h, peut
rester iso-échogène et être à l’origine d’un faux Réalisation de l’examen IRM
négatif.
De ce fait, du fait de sa sensibilité, l’IRM est plus Pathologie musculaire aiguë
intéressante en aigu, car elle permet d’affirmer L’IRM doit être réalisée dans les 7 premiers jours
l’existence d’une lésion, ce qui est capital pour le suivant le traumatisme.
sportif. Au mieux, un repère graisseux (glycérine) est
L’inconvénient majeur de cette étude ultra- collé à la peau du patient en regard de la zone
sonore est sa grande difficulté car, outre cette douloureuse.
sémiologie complexe, il est nécessaire de L’IRM comporte au minimum deux plans
connaître parfaitement l’anatomie musculaire et orthogonaux (dont un axial) en T2 TSE après
en particulier les éléments du squelette conjonctif saturation du signal de la graisse. Les inhomogé-
spécifique à chaque groupement. Après l’analyse néités du champ magnétique étant susceptibles de
axiale incontournable et comparative, il faut ana- créer des anomalies de la saturation de la graisse,
lyser les éléments de ce squelette dans leur grand le signal de cette dernière peut être supprimé par
axe pour détecter ces lésions à point de départ d’autres techniques comme les séquences STIR
conjonctif, qui sont les lésions intrinsèques les qui seront préférées pour les champs d’explo-
plus fréquentes. ration plus larges. Dans la mesure du possible,
Le but de cette échographie est le suivant : l’étude doit être bilatérale et comparative pour au
• au stade aigu, faire le bilan le plus exact possible moins une des deux séquences.
afin de déterminer la durée d’immobilisation ; Une attention particulière est portée à l’analyse
• au stade chronique, vérifier l’évolution de la des zones les plus superficielles ou les inhomogé-
cicatrisation pour envisager la remise sur le néités du champ magnétique risquent de masquer
terrain. des lésions traumatiques.
306 Traumatologie en pratique sportive
Un plan T1, idéalement axial, est réalisé en Les fibres musculaires ainsi que les fascicules ne
complément. sont pas visibles.
Lorsque le résultat revêt une importance pro- Les tendons ainsi que leurs prolongements
nostique majeure ou en cas de doute diagnostique, conjonctifs intra- ou périmusculaires sont en asignal
une séquence pondérée en T1 après injection de T1 et T2. Il en est de même pour les aponévroses
gadolinium et saturation du signal de la graisse périmusculaires. Tout comme pour le muscle, leur
peut être réalisée afin d’augmenter la sensibilité structure fibrillaire n’est pas visible en IRM.
de l’examen. Toutefois, certains considèrent
Lésions musculaires
qu’une lésion musculaire traumatique à IRM nor-
male présente un excellent pronostic et que le et myotendineuses en IRM
retour sur les terrains est possible en 6 jours. Lésions musculaires extrinsèques
Une séquence pondérée en T2 écho de gra- La majorité de ces lésions surviennent dans les
dient peut être réalisée afin de mettre en évidence zones exposées (muscle vaste latéral, loge antéro-
la présence de produits de dégradation de l’hémo- externe de jambe) ou situées contre une corticale
globine, permettant de différencier un œdème osseuse (muscle vaste intermédiaire).
musculaire d’un saignement interstitiel. Ces lésions surviennent de dehors en dedans,
et s’accompagnent donc d’une atteinte des parties
Pathologie musculaire chronique
molles superficielles et souvent de l’aponévrose
Le protocole débute comme pour la pathologie périphérique du muscle. Ces éléments prennent
aiguë (deux à trois plans T2 FAT-SAT, un une importance capitale dans l’évaluation pronos-
plan T1). Il faut savoir que les anomalies de tique de la lésion si l’anamnèse ne peut en préciser
signal T2 décroissent très lentement et ne sont le mécanisme. En effet, les lésions extrinsèques
pas spécifiques (elles rendent compte du saigne- récupèrent en général plus rapidement que les
ment, de l’hypervascularisation ou d’une stase lésions intrinsèques qui atteignent un maillon
hydrique que l’on peut voir en aigu ou lors des faible de la chaîne os–tendon–muscle.
phases plus tardives, qu’elles soient normales ou On distingue trois types de lésions en fonction
pathologiques). de leur gravité :
Il est donc souvent nécessaire d’adjoindre une • lésion bénigne : hypersignal T2 diffus du muscle
séquence T1 après injection de gadolinium et sans rupture de fibres. Cet hypersignal d’origine
saturation du signal de la graisse. Celle-ci ren- œdémateuse ou hématique est parallèle aux fas-
seigne sur l’état de la néovascularisation au sein cicules musculaires, les rendant visibles. Ce type
de la lésion. de lésion ne peut être différencié d’une DOMS
Une séquence pondérée en T2 écho de gradient (delayed onset muscle soreness) ou d’une lésion
peut être réalisée si la présence de calcifications est intrinsèque de grade 1 ;
suspectée. Cette séquence reste toutefois infé- • lésion intermédiaire : présence de fibres mus-
rieure à une radiographie ou mieux à un scanner culaires rompues représentant moins de 50 % de
pour étudier ces calcifications. la surface du muscle au même niveau dans le plan
Comme en pathologie aiguë, il est conseillé axial ;
de réaliser au moins une séquence bilatérale et • lésion grave : rupture de plus de 50 % des fibres
comparative afin de mieux dépister les subtiles (figure 8.16).
asymétries. Dans les deux derniers grades, un hématome
peut être associé.
Aspect normal La lésion aponévrotique est facilement visible
Le muscle apparaît en hyposignal T1 et T2 homo- en IRM grâce à l’œdème avoisinant.
gène, seulement parcouru de cloisons conjonc- Au stade aigu, les lésions extrinsèques peuvent
tives en asignal, visibles uniquement lorsqu’elles se compliquer d’un syndrome de loge (diagnostic
sont de grande taille. clinique).
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 307
Figure 8.16. Aspect en IRM d’une lésion intrinsèque grade 2C du chef long du muscle biceps fémoral gauche.
a. Coupe axiale T2 avec saturation de la graisse : lésion du prolongement intramusculaire distal du tendon du long biceps
fémoral, élément conjonctif mineur (flèche), visualisé ici en hypersignal T2 et ayant des contours flous (flèche). b. Coupe
sagittale T2 avec saturation de la graisse : rupture complète de cet élément conjonctif en distalité (flèche) avec perte
de tension (têtes de flèche).
Au stade chronique, les hématomes ont ten- La plupart du temps, l’œdème ou l’hématome
dance à se calcifier. Ces calcifications (en hyposi- à la phase aiguë présentent un hypersignal en T2,
gnal T2, s’élargissant sur un T2 écho de gradient) T2 FAT-SAT ou STIR et un hyposignal T1.
sont amorphes ou s’organisent dans l’axe des
fibres musculaires. Si elles sont situées à proximité Lésions de grade 0 (DOMS) et grade 1
d’une corticale, elles peuvent s’y intégrer. La sémiologie est la même pour les deux lésions :
un hypersignal T2 intramusculaire dessinant les
Lésions musculaires intrinsèques fascicules normalement non visibles, le muscle
Les lésions intrinsèques (surnommées entorses rappelant alors la structure d’une plume d’oiseau.
musculaires ou muscle strains) sont provoquées La forme du muscle est respectée.
par un étirement excessif sur un muscle contracté. L’intensité de l’hypersignal T2 est moins
La durée de cicatrisation est en général plus importante dans la DOMS. Ces lésions de grade
longue que pour les lésions précédentes. Les mus- 0 sont souvent multiples.
cles présentant un risque élevé de lésion de ce type
croisent le plus souvent deux articulations (comme Lésions de grade 2
les ischiojambiers ou les gastrocnémiens) et sont • Grade 2 musculaire (« grade 2m ») :
composés d’une proportion importante de fibres – en plus de l’œdème musculaire, une perte
musculaires de type II (à contraction rapide). de parallélisme des fibres est visible dans le
Dans un objectif de simplification, nous avons plan longitudinal au muscle. C’est cette zone
rassemblé les lésions de la zone de jonction myo- de désorganisation qui représente la lésion
tendineuse, ou de son prolongement intramuscu- elle-même. Son signal T2 est en général plus
laire (myoconjonctive), et les lésions conjonctives. élevé que pour les lésions de grade 1, ceci
Quel que soit le type de lésion, la grande majo- correspondant probablement à la présence de
rité d’entre elles siège à proximité d’un tendon ou sang. L’hypersignal en périphérie n’est qu’un
d’une cloison conjonctive. œdème ou saignement satellite dont la taille
308 Traumatologie en pratique sportive
peut être beaucoup plus importante, sans Plusieurs classifications sont utilisées dans la
incidence pronostique (tant qu’il n’est pas littérature. La correspondance entre les classifi-
collecté). Ces coulées d’œdème sont d’ailleurs cations de Rodineau et Durey, de O’Donoghue
le plus souvent déclives ; et de Peetrons est présentée dans le tableau 8.4.
– une rétraction focale partielle peut être présente.
• Grade 2 conjonctif (2C) (figure 8.16) : hyper-
signal T2 d’une cloison conjonctive et souvent
des fibres musculaires adjacentes.
Figure 8.17. Aspect en IRM d’une lésion musculaire intrinsèque grade 3C du muscle droit fémoral gauche.
a. Coupe axiale T2 avec saturation de la graisse : important hypersignal T2 et distorsion touchant la partie proximale
du muscle droit fémoral (flèches), les éléments conjonctifs majeurs (prolongements proximaux des tendons direct
et indirect) étant mal visualisés sur cette coupe. b. Coupe sagittale T2 avec saturation de la graisse : rupture complète
de ces éléments conjonctifs majeurs avec perte de tension (flèches), mais persistance de la continuité de quelques
faisceaux musculaires.
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 309
Tableau 8.4. Classifications des lésions musculaires L’IRM montre des anomalies de signal touchant
selon leur gravité. tous les muscles d’une loge, mais le diagnostic
Classification Classification Classification est clinique et fondé sur la mesure des pressions
de Rodineau et Durey de O’Donoghue de Peetrons intramusculaires.
Grade 1 Grade1 Grade 1 La récidive de lésion musculaire traumatique
Grade 2 Grade 2 est une des conséquences de ces séquelles (risque
Grade 3 Grade 2 relatif de 2 pour les ischiojambiers chez les foot-
Grade 4 Grade 3 Grade 3 balleurs). Ces nouvelles lésions peuvent survenir
au même endroit ou à distance (même muscle ou
muscle agoniste) en raison de la sidération mus-
Lors d’un examen des masses musculaires, culaire due à la première lésion (récidive précoce)
l’hypersignal T2 détecté n’est pas forcément ou de la présence d’une cicatrice fibreuse moins
d’origine traumatique. extensible que les fibres musculaires de voisinage
(récidive tardive). Il convient donc de rechercher
Cicatrisation et séquelles des lésions une récidive devant toute douleur musculaire
musculaires traumatiques chronique avec antécédent de lésion muscu-
La décroissance de l’hypersignal T2 est progres- laire traumatique.
sive en intensité et en taille mais peut longtemps
se prolonger (jusqu’à 10 semaines), alors que En pratique
l’examen clinique se normalise plus vite. Dans notre expérience, l’IRM est plus sensible
Dans les grades 2, il y a, en 2 à 3 semaines, dans le bilan initial, mais l’échographie est plus
une diminution puis une disparition de l’hyper- informative dans le suivi. En effet, en plus du bilan
signal T2 intense situé entre les fibres et la cloison morphologique, l’échographie permet l’étude de
conjonctive. Dans les grades 2 conjonctifs (2C), la contractilité musculaire, guide le drainage d’un
l’hypersignal T2 de la cloison diminue et se éventuel hématome, ce qui améliore le pronostic
normalise en 3 à 4 semaines. s’il est réalisé précocement et permet l’étude de
Dans les grades 3, la collection hématique dimi- la vascularisation. Le Doppler couleur se positive
nue puis disparaît dans des délais très variables. généralement à partir du 3e jour et se négative
Elle peut persister sous la forme d’une collection à la fin de la cicatrisation, ce qui est un élément
séreuse ou se compliquer de la formation d’une participant à la décision de reprise de l’activité
calcification. sportive. De même, en cas de doute concernant
La fibrose apparaît plus tardivement (dans les une lésion ancienne ou en cas de suspicion de
2 mois) sous la forme d’un hyposignal T1 et T2, réactivation d’une cicatrice, l’échographie peut
visible parfois par le seul épaississement d’une cloi- différencier les lésions récentes mal limitées et
son conjonctive (intérêt des coupes comparatives hyper-hémiques des lésions anciennes bien limi-
bilatérales). Lorsque son grand axe est parallèle tées et non vascularisées.
à celui des fibres musculaires, le retentissement
fonctionnel est moindre que lorsqu’il est situé
dans un plan transversal.
La calcification est similaire à la fibrose dans sa pré- Traitement des lésions
sentation. Elle survient aux mêmes endroits (zones tendinomusculaires
de jonction), après un délai plus long (3 mois).
L’infiltration graisseuse est rare. Elle doit faire
E. Rolland
rechercher une lésion de grade 4 méconnue, un
syndrome des loges chronique ou une myopathie Il comprend toujours trois phases successives :
sous-jacente. cicatrisation, récupération de la force musculaire
Un antécédent de lésion musculaire traumatique et réentraînement au geste sportif. La durée
est un facteur de risque de syndrome des loges. des différentes phases et le retour à la pratique
310 Traumatologie en pratique sportive
sportive dépendent du bilan initial lésionnel de Dans le milieu sportif professionnel, l’utili-
gravité. Le passage à la phase suivante ne se fait sation d’injections dans la lésion sous contrôle
qu’après validation de la phase précédente par des échographique de plasma riche en plaquettes
tests cliniques et fonctionnels. (PRP) s’est très largement développée ces der-
nières années dans le but d’améliorer la qualité et
la durée de la cicatrisation. Le principe est fondé
Phase de cicatrisation sur les propriétés des facteurs de croissance dans
la réparation tissulaire en général (extraits en
Elle correspond à la période douloureuse, au
concentré au-dessus du culot globulaire de sang
temps de régénération des fibres musculaires
autologue centrifugé). Il n’existe pas actuellement
lésées à partir des cellules satellites et à la forma-
de protocole unique à la fois sur le mode d’extrac-
tion de la cicatrice fibreuse du tissu conjonctif.
tion, les quantités et le nombre d’injections. Les
Le traitement initial a pour but de limiter
différentes séries publiées analysant les résultats
l’extension de la lésion, contrôler les phéno-
ne permettent pas encore aujourd’hui d’affirmer
mènes inflammatoires secondaires et favoriser la
la réelle efficacité d’un tel traitement malgré une
mobilisation et le mouvement. Ainsi, en patho-
bonne tolérance et l’absence d’effets secondaires.
logie musculaire plutôt que le classique proto-
Les critères cliniques de cicatrisation primaire
cole RICE (Rest, Ice, Compression, Elevation),
doivent être stricts pour autoriser la phase sui-
il vaut mieux proposer le protocole POLICE
vante :
(Protection, Optimal loading, Ice, Compression,
• absence de douleur spontanée dans la vie cou-
Elevation), l’immobilisation étant remplacée par
rante ;
une mise en activité précoce du muscle lésé
• test d’étirement normalisé ;
dans les secteurs de sollicitation indolore avec
• force musculaire (concentrique et excentrique)
protection (taping, contention souple, cannes
normale contre résistance manuelle ;
anglaises). Glaçage et compression doivent être
• palpation de la zone lésée indolore.
utilisés le plus rapidement possible et de façon
régulière. L’idéal est de les associer avec des
appareils type Game Ready® portable. La pres- Phase de renforcement
cription médicamenteuse doit être évitée en musculaire
dehors des antalgiques de palier 1 car les anti-
inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les L’idéal est d’avoir accès à une machine isociné-
corticoïdes ont des actions néfastes sur la cica- tique qui permet un travail contrôlé musculaire
trisation. Des techniques de drainage (crochet) concentrique et excentrique, mais également un
et d’électrostimulation veineuse plus que mus- comparatif de valeurs avec le côté sain.
culaire à ce stade peuvent être utilisées lorsque Ainsi, le protocole peut débuter avec des répé-
cela est possible. La mobilisation précoce est titions à 40 % des valeurs du muscle controlatéral
recommandée pour optimiser l’orientation des sain et la progression de la récupération de la
fibres musculaires et l’élasticité de la cicatrice force musculaire peut s’effectuer par paliers de
fibreuse en respectant la règle de la non-douleur. 10 %. À chaque palier, il est nécessaire de valider
Le vélo ergomètre sans résistance peut être testé la tolérance clinique (douleur, gêne, fatigabilité)
pour évaluer le seuil douloureux. Les exercices et de contrôler l’aspect des courbes de valeur
classiques sont l’appui monopodal yeux ouverts obtenue.
puis yeux fermés, le travail de la marche avant et À défaut de matériel isocinétique, la récu-
arrière le long d’une ligne (en dosant l’ampli- pération de la force musculaire initiale peut
tude et la fréquence du pas) et le travail de être obtenue par un programme d’exercice
déplacement latéral ou croisé à faible intensité. physique excentrique dont il existe de nom-
La balnéothérapie et le travail en piscine sont breuses variantes. L’expérience du rééducateur
idéaux lorsqu’ils sont accessibles. est alors déterminante pour choisir les exercices
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 311
des séances et contrôler l’intensité, la durée et doit être effectuée par le sportif sans gêne, sans
la qualité d’exécution, en ne sollicitant pas un raideur et sans tension avant d’autoriser un retour
muscle lésé en course externe tant qu’il existe à l’activité sportive normale sans appréhension.
un déficit de force.
Cette phase de récupération de la force mus-
culaire doit être toujours associée à des soins de
récupération (prévention des courbatures) par la
cryothérapie et/ou la balnéothérapie, et à des
2. Tennis-leg
soins locaux de travail de l’élasticité de la cicatrice
J. de Lecluse
par des techniques manuelles et de physiothérapie
et un travail cardiovasculaire (vélo, tapis de course
ou Alter G®). Le tennis-leg correspond à une lésion musculo-
Les critères de récupération de la force mus- aponévrotique du chef médial du muscle gas-
culaire doivent être stricts pour autoriser la phase trocnémien. Ce muscle constitue avec le muscle
suivante : soléaire, plus profond, le triceps sural. Le gas-
• absence de douleur lors d’une contraction trocnémien médial est plus volumineux et des-
maximale du muscle en course externe et lors cend plus bas que le gastrocnémien latéral, ce qui
de la course sur tapis ; explique sa plus grande vulnérabilité. Les trois
• amplitude articulaire complète et indolore des corps musculaires s’unissent distalement par un
articulations sus- et sous-jacentes au muscle tendon commun, le tendon calcanéen.
lésé ; Muscle bi-articulaire, le gastrocnémien est flé-
• sur le test avec machine isocinétique lorsqu’il chisseur de la jambe et surtout fléchisseur plan-
est possible, déficit de force excentrique infé- taire (ou extenseur) de la cheville. Son rôle dans
rieur à 10 % par rapport au côté sain, normali- la propulsion est capital.
sation de l’angle et du délai de pic de force et Le terme de tennis-leg s’explique par le fait
absence de déséquilibre musculaire avec un bon qu’il survient fréquemment chez les pratiquants de
ratio fonctionnel (antagoniste en excentrique à sports de raquette, plus particulièrement au tennis.
vitesse lente/agoniste en vitesse rapide). Cependant les circonstances de cette lésion peuvent
s’observer aussi lors d’autres activités sportives.
Phase de réathlétisation
Elle comprend non seulement la reprise des gestes Mécanismes traumatiques
spécifiques liés au sport pratiqué, en particulier
celui qui est à l’origine de la lésion musculaire, L’accident survient principalement lors d’une
mais également une remise à niveau cardiovas- contraction brutale du triceps associée à une
culaire de la condition physique préexistante à flexion passive du pied (contraction excentrique
l’arrêt sportif. Les séances proposées doivent res- du gastrocnémien). L’autre mécanisme trauma-
pecter des sollicitations croissantes sur le muscle tique se produit lorsque, le muscle étant étiré
lésé mais surtout développer la coordination pour (flexion dorsale du pied et genou proche de
rétablir une fonction neuromusculaire optimale. l’extension), une forte et soudaine contraction du
La remise à niveau cardiovasculaire peut s’effec- triceps (contraction concentrique du gastrocné-
tuer sur le terrain le plus souvent par un prépara- mien) survient.
teur physique ou en salle en utilisant les différents Au tennis, cela se produit en allant chercher
appareils de cardiotraining mis à disposition (vélo, une balle basse au filet (amorti), à la réception
stepper elliptique, tapis de course). La réalisation d’un saut (lob) ou lors d’un brutal changement
de ces séances (avec des exercices d’intensité, de de direction (passing). Au rugby, cela peut se
répétition et de durée croissante par paliers) voir lors d’une poussée en mêlée qui s’effondre ;
312 Traumatologie en pratique sportive
en ski, c’est lors d’une chute en avant avec le pied en flexion dorsale passive de sa cheville va provo-
fixé au sol et, dans les sports d’impulsion, lors d’une quer ou augmenter les douleurs. Dans les formes
accélération ou d’une réception mal contrôlée. mineures, les douleurs provoquées sont d’autant
plus intenses en flexion dorsale de la cheville que
le genou est mis simultanément en extension.
Clinique La contraction volontaire du triceps est pos-
sible, mais ce sont les douleurs qui limitent le
Symptômes blessé à poursuivre l’effort de flexion plantaire de
la cheville.
Ils sont caractéristiques. La douleur vive est située Enfin, on termine l’examen par la palpation du
au tiers moyen inférieur et médial du mollet. triceps pour localiser le point ou la zone doulou-
Elle s’accompagne parfois dans les formes graves reuse caractéristique du tennis-leg. Elle se situe sur
d’un claquement, mais le plus souvent d’une la partie inférieure et médiale du gastrocnémien
sensation de déchirure. L’arrêt de l’activité est médial, soit proche du galbe inférieur de ce chef
immédiat. Au tennis, il est classique que le sujet musculaire.
décrive sa douleur initiale comme l’impact d’une
balle dans son mollet. La marche est difficile et
se fait plus aisément sur la demi-pointe, voire Imagerie
en triple flexion de la hanche, du genou et de
la cheville. L’appui avec genou en extension est
Si le diagnostic de tennis-leg est avant tout cli-
difficilement réalisable, voire impossible. Dans les
nique, il peut être nécessaire de demander une
formes mineures, si la marche lente est possible,
échographie. C’est le cas quand on suspecte un
l’accélération aggrave les symptômes douloureux.
hématome, que le stade de gravité est clinique-
ment imprécis, qu’il y a une suspicion de lésion
Examen clinique associée, ou lors d’une récidive.
L’échographie permet d’évaluer la présence
Après l’examen de la station debout et de la d’un hématome et d’en estimer son volume et
marche, l’observation de la jambe permet de donc sa possible ponction. Si celle-ci est effectuée,
rechercher une ecchymose. Dans les rares grandes elle sera complétée par la pose d’une bande élas-
déchirures myo-aponévrotiques, une ecchymose tique compressive de la jambe. Un contrôle écho-
postéromédiale apparaît en quelques heures. Dans graphique à 8 jours confirmera sa disparition ou
les autres formes, la présence d’une ecchymose sa récidive.
n’est pas systématique. Elle survient généralement La gravité de la lésion s’établit par la présence
en 24 à 48 h et se situe souvent à distance de d’un épanchement, du volume et des spécificités
la lésion, à la partie inférieure de la jambe pour de la désorganisation des structures musculo-
diffuser ensuite en sous-malléolaire médial. Son aponévrotiques. De l’importance des lésions
existence signifie la présence d’un hématome, observées dépendront les modalités thérapeu-
donc au minimum d’une lésion de grade III dans tiques et les consignes de reprise des activités
la classification habituelle des lésions musculaires. sportives.
L’importance de l’augmentation de volume du Si le diagnostic différentiel avec une rupture du
mollet, comparativement au mollet controlatéral, tendon calcanéen est cliniquement facile (montée
est fonction de la gravité de la lésion. sur demi-pointe impossible, augmentation de la
Le ballottement du mollet lésé est douloureux flexion dorsale passive de la cheville, verticalisa-
et diminué. tion du pied, encoche palpable et douleur plus
L’étirement passif du triceps sural confirme bas située), une thrombophlébite secondaire au
le diagnostic. Le blessé est placé en décubitus tennis-leg n’est pas rare. Celle-ci peut se consti-
dorsal, son genou est fléchi et la mise progressive tuer rapidement, notamment si un hématome
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 313
avec souffrance neurologique et risque de nécrose était retrouvée dans 38,1 % des cas (90/236).
musculaire. Chaque loge contient, en plus des Une atteinte tricompartimentale était constatée
muscles, un tronc nerveux important : dans 31,4 % des cas (74/236), touchant les loges
• nerf fibulaire profond et artère tibiale dans la postérieures superficielles et antérolatérales. Enfin,
loge antérieure ; une lésion des quatre loges (antérieure, latérale,
• nerf fibulaire superficiel dans la loge latérale ; postérieure superficielle et postérieure profonde)
• nerf sural dans la loge superficielle postérieure ; a été décrite dans 6,8 % des cas (16/236). Il n’a pas
• nerf tibial et artère tibiale postérieure dans la été retrouvé d’atteinte isolée de la loge postérieure
loge postérieure profonde. profonde. Sept fois sur dix les deux jambes étaient
atteintes. Ces chiffres confirment les données de
1996 de Edwards où le compartiment antérieur
Physiopathologie était touché à 45 %, suivi par la loge postérieure
profonde (40 %), puis la loge latérale (10 %) et la
L’hyperpression intratissulaire va résulter d’une loge profonde superficielle (5 %).
inadéquation entre la rigidité des aponévroses Le roller arrive en deuxième position des sports
de recouvrement et l’augmentation du volume touchés, principalement dans la loge antérieure.
musculaire à l’effort réalisant ainsi un véritable La raison topographique repose essentiellement
garrot interne. Il s’agit bien d’un conflit entre sur des notions ergonométriques inhérentes à la
un contenant inextensible, la loge fibreuse, et un position antérieure de la bande de roulement,
contenu, le muscle, qui augmente de volume sous a fortiori lorsqu’il s’agit de patins de vitesse à
l’effet d’une compression d’origine ischémique. cinq roues surchargeant le travail des releveurs et
Edmundsson a retrouvé chez ses patients avec donc de la loge antérieure. Enfin, en troisième
un syndrome de loge chronique une densité position, on retrouve le football. Fichez a noté
capillaire faible et un faible nombre de capillaires deux pics de fréquence : le premier chez le sportif
en lien avec la taille des muscles en comparaison jeune, lors du passage en centre de formation
avec le groupe contrôle. Ceci joue un rôle négatif incriminant vraisemblablement le changement de
sur le flux vasculaire des muscles. De même, la volume d’entraînement physique entre amateurs
régulation artériolaire et le débit sanguin jouent et stagiaires professionnels ; le second chez un
un rôle important. sportif plus âgé, en fin de carrière, incriminant
alors une rigidité acquise de l’aponévrose du fait
de multiples microtraumatismes (tacles).
Épidémiologie
On note une prédominance masculine (9 fois sur Examen clinique
10), un âge situé très souvent entre 20 et 30 ans.
On retrouve au premier rang des sports touchés, Interrogatoire
la course à pied (fond ou demi-fond) avec, dans la
série de 209 cas de Turnispeed, 89 % d’athlètes. On est dans le cadre de douleurs de jambe à
La répartition topographique se situe au niveau l’effort et après l’effort apparaissant en marche
de la loge antéro-externe dans 48 % des cas, de rapide et souvent en course. Ces douleurs sont
la loge postérieure profonde dans 40 % des cas et peu spécifiques et on a des présentations cliniques
de la loge postérieure superficielle dans 12 % des variées avec souvent une aggravation des symp-
cas. Pierret et al., dans leur étude portant sur 234 tômes avec la durée de l’exercice, inefficacité des
patients inclus dans leur cohorte et 236 interven- traitements classiques. Souvent, on retrouve des
tions chirurgicales réalisées, ont retrouvé l’atteinte antécédents traumatiques locaux, tels que périos-
d’une seule loge dans 23,7 % des cas et tou- tite, fracture de fatigue, fracture, lésion muscu-
jours la loge postérieure superficielle (56/236). laire, hématome calcifié ou lésion de la membrane
L’atteinte de deux loges (antérieure et latérale) interosseuse. Parfois des hernies musculaires sont
316 Traumatologie en pratique sportive
bien décrites par le sportif, des signes de tendi- de pied. Dans tous les cas, les signes négatifs sont
nopathie des releveurs du pied, une sensation aussi importants à préciser.
d’instabilité de cheville lors des sorties longues.
Un point notable est la symptomatologie assez
stéréotypée de claudication intermittente d’effort Tests dynamiques
progressivement croissante qui va s’exprimer par
Charlopain et al. en 1997 ont proposé le test
des douleurs d’effort à type de striction d’appa-
du battement de la mesure : dans le cadre de
rition progressive, toujours après le même type
syndrome de loge antéro-externe, il consiste à
d’effort et presque toujours avec le même délai
effectuer au minimum 150 dorsiflexions du pied en
de latence au cours de l’activité physique. Cette
4 minutes. En cas de syndrome des loges, le sportif
distance est quasi constante : parfois un peu plus
ne pourra satisfaire à cette épreuve, reproduisant la
courte si le rythme est soutenu ou légèrement
douleur vécue. Les auteurs ont corrélé ce test avec
allongée si le rythme est atténué, mais qui au
la prise de pression, permettant de dégager une
bout de quelques minutes oblige à l’arrêt. Il s’agit
prédictivité positive en cas de test positif de 96 %
donc d’un tableau typique alors même, et ceci est
et une prédictivité négative en cas de test négatif
fondamental, qu’il n’existe aucune manifestation
de 90 %.
au repos. La douleur persiste avec la continuation
de l’effort et cède à l’arrêt, après 10 à 15 minutes.
L’examen clinique est normal au repos, à ceci Examens complémentaires
près qu’il devra toujours s’enquérir de l’existence
ou non d’une hernie musculaire ou d’un muscle La prise de pression de la loge musculaire n’est
surnuméraire. pas systématique, mais confirmera sans appel le
L’examen se fait donc au repos, puis après la diagnostic. Elle est réalisée à l’aide d’un appareil
répétition de l’effort connu du patient qui lui pro- de la société Stryker (figure 8.19) disposant d’un
voque la douleur : il ne faut pas hésiter à l’envoyer enregistreur de pression électronique miniaturisé et
courir un peu avant la consultation. Après effort, relié à une chambre de mesure à usage unique. Cet
on retrouve fréquemment à l’inspection la majo- appareil américain est à ce jour le seul appareil du
ration d’une éventuelle hernie musculaire. commerce disponible sur le sol français, or un arrêt
de sa commercialisation est possible, ce qui ramè-
nerait les thérapeutes français à l’usage de montage
Palpation
On recherche la tension musculaire douloureuse
au mollet en postérieur ou à la loge antéro-
externe de jambe et surtout on palpe les pouls :
il n’y a jamais de modification des pouls distaux
éliminant un syndrome d’artère piégée.
Testing neurologique
Il peut exister quelques signes neurologiques
comme une hypoesthésie possible et des paresthé-
sies du 1er espace intermétatarsien par atteinte du
nerf fibulaire profond. En cas de loge antérieure
touchée, on examine le muscle tibial antérieur,
on retrouve une douleur à l’étirement et au tes- Figure 8.19. Appareil Stryker de prise de pression.
Source : Bonnevie L, Clément R, Larroque P, Fontes D, Garcin JM,
ting avec un déficit possible. On parle alors de Chanudet X. Syndrome des loges. EMC - Cardiologie-angéiologie,
steppage d’effort avec une parésie des releveurs 1(4) : 413-25 [Article 19-1590].
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 317
artisanaux et moins faciles d’accès de mesure de la fatigue, une périostite, des signes de souffrance
pression. musculaire (nécrose). Exceptionnellement, on
La méthode consiste à procéder à trois prises de demandera des examens biologiques (signes de
pression, la première au repos, la deuxième dans la souffrance musculaire de rhabdomyolyse : créa-
minute qui suit l’effort et la troisième 10 minutes tine phosphokinase ou CPK, bilan rénal) et un
après l’effort. Au repos, la pression doit être infé- électromyogramme des membres inférieurs en cas
rieure à 10 mm Hg, voire 15 mm Hg. Elle est de souffrance nerveuse avec parésie ou paralysie
considérée comme très suspecte entre 16 et 20 mm motrice (lésion canalaire, atteinte radiculaire).
Hg et tout à fait anormale au-dessus de 20 mm Hg. Les pièges artériels anatomiques sont liés à une
Au moment de l’effort, le seuil critique se situe anomalie de structure entraînant une déviation
aux alentours de 30 mm Hg, le seuil indiscutable permanente de l’artère poplitée et de fait suscep-
est à 50 mm Hg et le retour à la normale doit se tible de complications graves (anévrisme, sténose
faire en moins de 10 minutes. Ces mesures sont intrinsèque, thrombose). Le diagnostic se fait
bilatérales. Certains préconisent une mesure des sur l’abolition des pouls à l’effort (que l’on ne
loges adjacentes et, lors des syndromes des loges retrouve quasiment jamais en cas de syndrome des
postérieures, une prise de pression systématique loges chronique) et sur l’angio-IRM.
de la loge postérieure profonde et de la loge pos- Les pièges artériels fonctionnels ne présentent
térieure superficielle. ici aucune anomalie de structure, c’est unique-
ment en fonction de la position du genou (tra-
pèze, canoë…) et de la contraction musculaire
Diagnostic différentiel que l’artère est temporairement comprimée. Les
risques de complications sont faibles et l’indication
En cas de doute diagnostique, on doit distin- chirurgicale plus nuancée. Lors des pièges fonc-
guer, devant une claudication et/ou une grosse tionnels, on ne retrouve aucun déplacement ou
jambe douloureuse, les pièges veineux des pièges position anormale, seules les épreuves dynamiques,
artériels (anatomiques et fonctionnels). Clinique- notamment la flexion plantaire forcée, vont générer
ment, dans le cadre de pièges veineux, on cherche le déplacement ou une compression temporaire.
le signe de Homans avec perte du ballottement On recherche aussi des altérations artérielles
du mollet et douleur à la dorsiflexion de cheville ; intrinsèques (anévrisme, encoche compressive,
dans le cadre de pièges artériels, on effectue thrombose), ainsi qu’une endofibrose plus haut
une prise des pouls périphériques après effort située de l’artère iliaque externe chez le sportif de
et une évaluation par la mesure des index de pres- haut niveau, en particulier le cycliste, voire une
sion systolique à la cheville. sténose de l’artère iliaque primitive.
Une échographie Doppler des troncs veineux
est réalisée en urgence pour éliminer une throm-
bose veineuse profonde et/ou un hématome Traitement
compressif sur lésion musculaire. On propose
sans urgence une échographie Doppler des troncs Le traitement médical est pauvre, il faut arrêter ou
artériels des membres inférieurs, voire au mieux diminuer l’entraînement, essayer les étirements et
une angio-IRM, pour éliminer un syndrome de les orthèses plantaires, mais souvent rien n’y fera
l’artère poplitée piégée et une athéromatose, et et le traitement de référence du syndrome des loges
des radiographies standard pour éliminer les frac- des membres inférieurs chronique est le traite
tures de fatigue, les tumeurs, les calcifications ment chirurgical (fasciotomie). Les résultats sont
musculaires. relativement bons : dans l’étude de Pierret et al.,
Il faut également éliminer un canal lombaire le taux déclaré de guérison était de 68,4 %, et celui
étroit (radiographies et IRM lombaire). Une IRM d’amélioration de 23,9 %. Le taux d’échec rapporté
de la jambe est utile pour exclure une fracture de était faible (7,7 %). Cependant, il y a parfois
318 Traumatologie en pratique sportive
une symptomatologie douloureuse postopératoire Brasseur JL, Bach G, Renoux J, Zeitoun-Eiss D. Classifica-
persistante avec une limitation du niveau d’activité. tion des lésions musculaires ; de quoi parle-t-on ? In :
Sans N, Lhoste-Trouilloud A, Cohen M, et al. Dir.
Dans l’étude de Wieczorek, parmi les patients,
L’imagerie en traumatologie sportive. Montpellier :
37,5 % avaient une indolence totale et 62,5 % ont Sauramps Médical ; 2010, p. 145-68.
retrouvé un niveau d’activité équivalent à leur pra- Brasseur JL, Renoux J. Classification des lésions mus-
tique antérieure. Le niveau de retour aux activités culaires. Revue de la Société d’imagerie musculo-
est diminué lorsque la loge postérieure est atteinte squelettique (SIMS) 2012;21:6–24.
(p = 0,008) et lorsque le tableau clinique initial Carillon Y, Cohen M. Imagerie des lésions musculaires du
sportif. J Radiol 2007;88:129–42.
est atypique (p = 0,035). Un tableau clinique Crema MD, Godoy IRB, Abdalla RJ, De Aquino JS,
initial atypique est également en faveur d’une dis- Ingham SJM, Skaf AY. Hamstring injuries in pro-
parition incomplète des douleurs (p = 0,011). fessional soccer players: extent of MRI-detected
En postopératoire, on doit prévenir l’héma- edema and the time to return to play. Sports Health
tome par compression, glacer et drainer ; la 2018;10(1):75–9.
marche est autorisée dans les 48 h. Il faut éviter Ekstrand J, Askling C, Magnusson H, Mithoefer K.
Return to play after thigh muscle injury in elite foot-
la position jambes pendantes, la reprise du travail ball players. Implementation and validation of the
musculaire est progressive, en isométrique puis Munich injury classification. Br J Sports Med 2013;
en dynamique. La reprise de la course à pied (ou 47:769–74.
de l’activité causale) est possible 6 semaines après. Folinais D, Thelen P, Delin C. Lésions musculaires du
soleus. Imagerie normale et pathologique - Réflexions
sur le mécanisme physio-pathologiques des dés-
Points clés insertions musculo-aponévrotiques. In : Brasseur JL,
Zeitoun-Eiss D, Renoux J, Grenier P. Dir. Actualités
• Un syndrome des loges est un conflit entre un en échographie de l’appareil locomoteur. Tome IV.
contenant inextensible, la loge fibreuse, et un contenu, Montpellier : Sauramps Médical ; 2007, p. 47-74.
le muscle, qui augmente de volume sous l’effet d’une Garrett WE Jr. Muscle strain injuries: clinical and basic
souffrance d’origine neuromusculaire et neurovasculaire aspects. Med Sci Sports Exerc 1990;22(4):436–43.
caractérisée par une élévation pathologique de la pres- Koulouris G, Connell DA, Brukner P, Schneider-Kolsky
sion intratissulaire. Les lésions aiguës sont rapidement M. Magnetic resonance imaging parameters for asses-
irréversibles en l’absence de traitement adéquat, la sing risk of recur-rent hamstring injuries in elite
forme chronique est handicapante pour un sportif. athletes. Am J Sports Med 2007;35(9):1500–6.
• Il touche surtout les coureurs à pied au niveau des Peetrons P. Ultrasound of the muscles. Eur Radiol
2002;12(1):35–43.
quatre loges musculaires de la jambe.
Renoux J, Mercy G, Zeitoun-Eiss D, Brasseur JL. Valeur
• Le diagnostic d’un syndrome des loges est essen-
pronostique de l’échographie dans les lésions mus-
tiellement clinique, mais la prise de pression peut être
culaires post-traumatiques. In : Brasseur JL, Zeitoun-
réalisée confirmant la réalité de ce syndrome et permet- Eiss D, Bach G, et al. Dir. Actualités en échographie
tant de préciser les voies d’abord en cas de chirurgie. de l’appareil locomoteur. Tome VIII. Montpellier :
• Le traitement du syndrome des loges de jambe Sauramps Médical ; 2011.
sans fracture est surtout chirurgical ; le plus souvent, il Shelly MJ, Hodnett PA, MacMahon PJ, Moynagh
requiert une fasciotomie, les résultats sont bons selon MR, Kavanagh EC, Eustace SJ. MR imaging of
les auteurs pour environ 66 % des cas. muscle injury. Magn Reson Imaging Clin N Am
2009;17(4):757–73. vii.
Verrall GM, Slavotinek JP, Barnes PG, Fon GT. Diagnos-
tic and prognostic value of clinical findings in 83
Pour en savoir plus athletes with posterior thigh in-jury: comparison of
Lésions musculo-aponévrotiques : clinique, clinical findings with mag-netic resonance imaging
imagerie, traitement documentation of hamstring muscle strain. Am J
Askling CM, Tengvar M, Saartok T, Thorstensson A. Sports Med 2003;31(6):969–73.
Proximal hamstring strains of stretching type in Zamorani MP, Valle M. Muscle and tendon in ultrasound
different sports: injury situations, clinical and magne- of the musculoskeletal system. In: Bianchi S, Mar-
tic resonance imaging characteristics, and return to tinoli C. Ultrasound of the musculoskeletal system.
sport. Am J Sports Med 2008;36(9):1799–804. Berlin: Springer-Verlag; 2007, p. 45-98.
Chapitre 8. Lésions musculo-aponévrotiques 319
Syndrome des loges des membres inférieurs Pierret C, Tourtier JP, Blin E, Bonnevie L, Garcin JM,
Bonnevie L, Clément R, Larroque P, Fontes D, Gar- Duverger V. Le syndrome chronique des loges. À
cin JM, Chanudet X. Syndrome des loges. Encycl propos d’une série de 234 patients opérés. Journal
Med Chir (Elsevier, Paris). Cardiologie-angéiologie, des Maladies Vasculaires 2011;36(4):254–60.
1(4) : 413-25 [Article 19-1590]. Turnispeed WD. Diagnosis and management of chronic
Charlopain P, Dumas P, Vion M, et al. Le test de dorsi- compartment syndrome. Surgery 2002;132:613–7.
flexion dans le diagnostic du syndrome chronique discussion 617-9.
de loge antéro-externe de jambe. J Traumatol Sport Turnispeed WD, Hurschier C, Vanderdy R. The effect of
1997;14:13–9. elevated compartment pressure on tibial arteriovenous
Edmundsson D, Toolanen G, Thornell LE, et al. Evidence flow and relationship of mechanical and biochemical
for low muscle capillary supply as a pathogenic factor characteristics of fascia to genesis of chronic anterior
in chronic compartment syndrome. Scand J Med Sci compartment syndrome. J Vasc Surg 1995;21:810–7.
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drome of the leg: steps for expedient return to Wieczorek V, Luciani JF, Brunet-Guedj E, Feugier P,
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Fichez O. Diagnostic d’une douleur de jambe chronique syndromes de loges chroniques des membres. Science
chez le sportif. Med Sport 1999;27:11–25. & Sports 2012;27(1):39–45.
Mavor GE. The anterior tibial syndrome. J Bone Joint
Surg Br 1956;38-B(2):513–7.
Chapitre 9
Rachis du sportif
Figure 9.3. Exemple de luxation complète uni-articulaire C5-C6 traitée par réduction en traction progressive
préopératoire sur étrier et arthrodèse cervicale antérieure.
a. Luxation C5-C6 (scanner). b. Réduction sous traction préopératoire. c. Arthrodèse C5-C6.
Chapitre 9. Rachis du sportif 327
en cocontraction fléchisseurs–extenseurs, et de
proprioception ;
• phase de préparation au retour sur les terrains en
cas de sport à risque : cette phase n’est nécessaire
que chez le sportif à risque et correspond à une
intensification du programme de renforcement
musculaire et de rééducation neuromotrice.
Législation et modalités
de reprise sportive
La fréquence des canaux rétrécis et le risque
potentiel de retentissement neurologique grave,
en particulier chez les joueurs de première ligne
du rugby, ont amené les instances sportives à
reconsidérer les critères d’aptitude à ce sport.
Un travail réalisé par la Ligue nationale de rugby
Figure 9.4. Exemple de contusion médullaire (LNR) et la Fédération française de rugby (FFR)
(hypersignal intramédullaire en T2 à l’IRM) C3-C4 a permis d’élaborer une classification permettant
sur canal cervical étroit arthrosique. de définir des critères d’aptitude, régulièrement
mis à jour (tableau 9.1).
Rééducation
La rééducation, après un traumatisme du rachis Conclusion
cervical et une arthrodèse chirurgicale chez le
sportif, comprend trois phases : La pratique sportive peut être à l’origine de
• phase de consolidation osseuse et discoligamen- pathologies traumatiques rachidiennes plus ou
taire : elle dure environ 3 mois et la rééducation moins spécifiques. La prise en charge des macro-
est en règle limitée au travail statique, infradou- traumatismes responsables de lésions aiguës sur
loureux, contre résistance manuelle des muscles des rachis sains doit être rigoureuse avec un
cervicaux. S’y associe un travail d’entretien bilan diagnostique précis, à la fois clinique et
prudent des membres supérieurs et inférieurs ; paraclinique, afin de dépister une lésion instable
• phase de sevrage de la contention et de récupé- à risque de retentissement neurologique secon-
ration des qualités analytiques du rachis cervical : daire. En cas d’atteinte neurologique initiale,
elle permet le retour à des activités sportives la prise en charge en urgence dans un centre
légères et de la vie quotidienne. Elle débute spécialisé pour bilan et traitement est la règle.
obligatoirement après un contrôle radiographique L’atteinte microtraumatique du rachis cervical
et avec l’autorisation du chirurgien. Le sevrage chez le sportif est d’évolution plus lente, pou-
doit être progressif pour éviter les cervicalgies vant entraîner notamment des rétrécissements
d’origine musculaire liées au déconditionnement arthrosiques accélérés du canal vertébral cervical,
en rapport avec la contention et l’immobilisation. avec à l’extrême un risque de décompensation
La récupération des amplitudes du rachis cervical neurologique aiguë, d’origine traumatique, ou de
est essentielle durant cette phase associant tra- myélopathie. Le dépistage de ces sportifs à risque
vail cervical actif et rééducation oculocervicale. de décompensation neurologique est désormais
Enfin, le renforcement musculaire permet une obligatoire dans les sports dangereux impliquant
tonification des muscles cervicaux et périscapu- des collisions. La législation dans ce domaine évo-
laires avec des travaux spécifiques de gainage, lue et il faut savoir informer assez tôt le sportif des
328 Traumatologie en pratique sportive
Tableau 9.1. Classification particulière des lésions du rachis cervical dans le cadre du rugby
Groupes Types de pathologies Critères médicaux
G 0 Absence de pathologie cervicale
G 1 Pathologies cervicales n’entraînant pas de contre- a) Critères cliniques :
indication médicale – épisode de radiculalgie résolutive
b) Critères radiologiques :
– fracture consolidée
– sténose foraminale
– sténose osseuse ou discale modérée du canal rachidien
avec persistance de LCR en arrière et en avant du cordon
médullaire
G 1 + Pathologies entraînant une contre-indication : a) Critères cliniques : aucun
– relative (le sur-risque connu d’accident aigu doit être b) Critères radiologiques :
accepté par le joueur concerné) : – fusion chirurgicale à 1 niveau entre C2 et T1
• pour les joueurs de 18 ans et + évoluant dans avec persistance de LCR en arrière ou en avant du cordon
un groupement professionnel, les joueuses d’Élite 1 médullaire
Féminine et les joueurs de Fédéral 1* – discectomie à 1 niveau entre C2 et T1 avec persistance
• pour les joueuses d’Élite 2 Féminine qui évoluaient de LCR en arrière ou en avant du cordon médullaire
en Élite 1 Féminine la saison précédente
et les joueurs de Fédéral 2**
– absolue pour tous les autres joueurs et joueuses
G 2 Pathologies entraînant une contre-indication : a) Critères cliniques :
– relative (le sur-risque connu d’accident aigu doit être – radiculalgie chronique
accepté par le joueur concerné) : – antécédent de commotion médullaire
• pour les joueurs sous contrat professionnel b) Critères radiologiques :
ou pluriactif homologue par la LNR – sténose osseuse ou discale franche du canal rachidien
• pour les joueurs âgés de 18 à 22 ans qui sollicitent avec persistance de LCR en arrière ou en avant du cordon
une licence dans un groupement professionnel médullaire
sur avis conforme du comité médical FFR – bloc congénital ou fusion chirurgicale à 2 niveaux entre C1
– absolue pour tous les autres joueurs et joueuses et T1
G 3 Pathologies entraînant une contre-indication absolue, a) Critères cliniques :
quel que soit le niveau de compétition auquel le joueur – déficit moteur radiculaire ou médullaire invalidant
ou la joueuse concerné(e) évolue – trois épisodes ou plus de commotion médullaire
– syndrome tétrapyramidal
b) Critères radiologiques :
– instabilité vertébrale traumatique ou congénitale
– sténose sévère du canal rachidien sans persistance de LCR
en arrière ou en avant du cordon
– bloc congénital ou fusion chirurgicale de trois niveaux
ou plus
– hypersignal intramédullaire
– cavité syringomyélique
– malformation de Chiari II et III
Cette classification s’applique pour toute demande d’affiliation ou de ré-affliliation à la Fédération.
* Examen clinique annuel par une Référent Rachis national + IRM cervicale tous les 2 ans (tous les ans sur demande du Référent) + Évaluation de la force
musculaire cervicale suivant avis du Référent + avis du Comité Médical FFR.FFR : Fédération française de rugby ; LCR : liquide céphalorachidien ; LNR : Ligue
nationale de rugby.
Source : annexe XIV du règlement médical de la Fédération française de rugby.
Chapitre 9. Rachis du sportif 329
Lyse isthmique
et spondylolisthésis
La spondylolyse est définie comme la lyse par frac-
ture de fatigue de la pars intercularis (isthme ver-
tébral) uni- ou bilatérale ; elle touche 3 à 7 % de la
population générale, le plus souvent en L4-L5 ou
L5-S1. Un spondylolisthésis correspond à un glis-
sement d’un corps vertébral par rapport à l’autre
dans le plan sagittal et peut résulter de l’évolution
d’une spondylolyse. La spondylolyse est favorisée
Figure 9.5. Radiographie lombaire de profil montrant un
par une dysplasie, une incidence pelvienne et/ou spondylolisthésis grade II de Meyerding avec une image
une lordose lombaire élevées et la répétition des caractéristique de sacrum en dôme.
Chapitre 9. Rachis du sportif 331
Figure 9.6. Classification modifiée de Meyerding des spondylolisthésis par lyse isthmique.
Source : Carole Fumat.
Chapitre 9. Rachis du sportif 333
Imagerie
La première partie du bilan d’imagerie comporte
Figure 9.7. Cyphose lombosacrée majeure
la réalisation de radiographies standard du rachis dans le cadre d’un spondylolisthésis par lyse isthmique
lombosacré de face et de profil en charge pour de grade III avec dysplasie du dôme sacré.
rechercher une lyse isthmique et un éventuel LSA : lumbo-sacral angle (angle lombosacré).
334 Traumatologie en pratique sportive
Selon Lee et al., il semble que le traitement grade I, une reconstruction isthmique peut être
conservateur ait une place dans les lyses unilaté- envisagée. En effet, elle doit permettre l’obtention
rales, mais en cas de lyse bilatérale, le traitement d’une consolidation de l’isthme tout en préser-
médical ne doit pas excéder 6 mois car la proba- vant la mobilité de la charnière lombosacrée et en
bilité de fusion spontanée est faible et la durée diminuant les contraintes sur les niveaux adjacents
d’interruption se doit d’être la plus courte pos- contrairement à une arthrodèse.
sible chez les sportifs de haut niveau. Plusieurs techniques chirurgicales ont été éva-
luées tant sur les résultats biomécaniques que
cliniques :
Traitement chirurgical • technique de Buck par vissage direct transisth-
Dans les cas de lyses isthmiques symptomatiques, mique (figure 9.8) ;
résistantes au traitement médical bien conduit, • technique de Scott par laçage transverse–épi-
n’ayant pas consolidé suite au traitement ortho- neuse (figure 9.9)
pédique et empêchant la pratique sportive, en • technique de Morscher par vissage de l’articu-
particulier à haut niveau, l’indication chirurgi- laire et crochet sous-lamaire (figure 9.10) ;
cale est discutée. En l’absence de lésion discale • technique avec crochet et vis pédiculaires
sous-jacente et de spondylolisthésis supérieur au (figure 9.11).
Figure 9.8. Réparation isthmique bilatérale selon la technique de Buck : vissage transisthmique direct après avivement
et greffe.
Figure 9.9. Réparation isthmique bilatérale selon la technique de Scott : laçage transverse épineuse.
336 Traumatologie en pratique sportive
Conclusion
La spondylolyse est fréquente chez le sportif de
haut niveau et doit être dépistée précocement en
cas de survenue de lombalgies. Un bilan d’imagerie
permet de rechercher la présence d’un spondylolis-
thésis associé. Le traitement médical prime devant
la survenue de symptômes douloureux. Dans la
population des sportifs de haut niveau, en l’absence
de contre-indication, le traitement chirurgical
Figure 9.11. Réparation isthmique bilatérale conservateur doit être proposé le plus rapidement
par vis pédiculaire et crochet sous-lamaire. possible afin d’espérer une reprise plus précoce de
la compétition.
Toutes ces techniques ont pour modalités une
cure de la pseudarthrose avec avivement, greffe Points clés
osseuse et ostéosynthèse.
• La spondylolyse est fréquente chez le sportif, en
Les résultats cliniques fonctionnels et le retour particulier dans les sports en hyperlordose.
au sport sont satisfaisants dans la littérature après • Les radiographies standard recherchent une lyse
reconstruction isthmique : Debnath et al. ont isthmique, la présence d’un glissement et son impor-
décrit une série de 22 athlètes à 2 ans d’une tance, une éventuelle dysplasie régionale (dôme sacré)
reconstruction isthmique selon la technique de et permettent de mesurer la cyphose lombosacrée.
Buck ou de Scott avec 2 % de retour au sport • Les spondylolisthésis de stade I ou II ont une évoluti-
dans un délai moyen de 7 mois. Sutton et al. ont vité faible et sont de bon pronostic. À partir du stade III
évalué dans leur série huit athlètes dont tous ont et surtout en cas d’atteinte du disque olisthésique, le
risque d’aggravation du glissement est important.
pu reprendre la compétition en postopératoire.
• Chez l’adulte, le spondylolisthésis par lyse isthmique
Pour la technique de Buck, qui est la plus utilisée, n’est nullement une contre-indication à la pratique spor-
la littérature rapporte un faible taux de complica- tive s’il n’entraîne aucune manifestation fonctionnelle.
tions (8 % de pseudarthrose, 3 % de malposition des • En cas de symptomatologie invalidante, le traitement
implants) et un fort taux de consolidation (80 %). médical premier (symptomatique et orthopédique) est
L’arrêt du sport de plus de 6 mois chez les sportifs toujours justifié.
de haut niveau peut être délétère quant à leur entraî- • Dans les cas de lyses isthmiques symptomatiques,
nement. Ainsi, en cas de facteurs de mauvais pronos- résistantes au traitement médical bien conduit, empê-
tic (lyse bilatérale, glissement évolutif), le traitement chant la pratique sportive en particulier à haut niveau,
l’indication chirurgicale (reconstruction isthmique) est
chirurgical peut être proposé plus précocement.
discutée.
De manière générale, la chirurgie chez le sportif de
Chapitre 9. Rachis du sportif 337
Pour en savoir plus Lee GW, Lee SM, Ahn MW, Kim HJ, Yeom JS. Compa-
rison of surgical treatment with direct repair versus
Traumatisme du rachis cervical en pratique sportive
conservative treatment in young patients with spondy-
American spinal injury association Standards for neurolo-
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Chapitre 10
Lésions microtraumatiques
ostéo-articulaires
que les processus osseux de construction (acti- risque est discutable car aucun seuil n’a pu être
vité ostéoblastique) compensent strictement les établi étant donné que la majeure partie de la
processus de destruction (activité ostéoclastique) population présente une ILMI.
qui les précèdent toujours. Ces processus sont Il a également été mis en évidence que le sexe
extrêmement progressifs et régissent la bonne féminin serait un facteur de risque de fracture de
santé osseuse de tout individu. Ils sont à l’origine fatigue. À cela certaines explications ont été avan-
de la densification osseuse progressive de certaines cées : longueur des foulées, dimensions osseuses
zones porteuses. À l’inverse, une hypostimulation plus petites que chez l’homme, facteurs nutri-
osseuse (diminution des activités en charge, repos tionnels avec une alimentation perturbée (apports
au lit…) est à l’origine d’une déperdition car énergétiques plus que calciques), perturbations du
l’adaptation se fait dans le sens d’une économie cycle menstruel en particulier en cas d’aménorrhée
sans stimulation de reconstruction. ou d’oligoménorrhée avec moins de 5 cycles/an,
L’os du sportif est un os hyperactif, car il est voire contraception progestative. La fréquence de
soumis à des contraintes mécaniques permanentes ces facteurs a conduit plusieurs auteurs à en faire
supérieures à la normale. Une zone rendue fragile une caractéristique de l’athlète féminin sous le
par une demande trop rapide d’adaptation paraît nom de « triade de l’athlète » comprenant trouble
plus exposée à la pathologie de fatigue. Cette du cycle, apport calorique inadapté, ostéoporose.
situation se retrouve dès qu’un geste est répété D’autres facteurs prédictifs a posteriori de FF
très souvent d’autant plus qu’une augmentation du tibia ont été retrouvés par Pohl et al. sur une
progressive de l’entraînement n’est pas respectée. série de coureuses : éversion de l’arrière-pied qui
La course à pied est l’exemple type du même entraînerait une fatigue musculaire précoce et donc
geste technique indéfiniment répété. une charge anormale sur le tibia ; adduction de
À l’échelle microscopique, il se produit des micro- hanche qui augmenterait la contrainte sur la partie
fractures qui entraînent une zone de résorption médiale du tibia ; couple entre le pied et le sol
osseuse qui n’est plus compensée par la construc- qui entraînerait un mouvement de torsion sur le
tion ostéoblastique. La confluence d’un grand tibia. Une section du tibia étroite, en particulier
nombre de zones de résorption conduit à la FF. le diamètre antéropostérieur, sera également à
La FF touche différents os selon l’activité risque de FF.
concernée (préférentiellement l’olécrane chez le La cinématique de la course aurait également un
pratiquant de base-ball, le pied chez le danseur rôle chez la femme. En effet, des études cinéma-
ou le tibia dans les sports comprenant sauts et tiques chez des coureuses ont montré que celles qui
course), mais les membres inférieurs et en parti- ont eu une FF du tibia avaient un pic d’adduction
culier les tibias sont les plus fréquemment atteints, de hanche et une rotation interne de genou plus
représentant jusqu’à 75 % des FF selon les séries. élevée avec une réduction du pic d’adduction du
genou, ce défaut de cinématique à la course pou-
vant altérer le schéma normal de chargement sur
Facteurs de risque le tibia.
Facteurs intrinsèques
Facteurs extrinsèques
Les facteurs de risque intrinsèques sont des fac-
teurs anthropométriques. Des facteurs liés à l’entraînement et donc à une
Les facteurs morphologiques, tels que la min- fatigue musculaire, à l’activité et au matériel sont
ceur, une grande taille, une moindre masse mus- cités par plusieurs auteurs :
culaire et un âge supérieur à 23–25 ans, ainsi • un entraînement trop intensif et insuffisamment
que des facteurs locaux, comme une inégalité de progressif, pas assez varié, avec un temps de
longueur des membres inférieurs (ILMI), ont été récupération insuffisant, un mauvais matériel,
rapportés. Cependant, l’ILMI comme facteur de un terrain dur ou accidenté ;
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 341
• une activité nouvelle, une reprise ou une intensifi- Il retrouve une douleur mécanique, de sur-
cation d’une activité chez un sportif expérimenté venue progressive, proportionnelle à l’intensité de
ou une activité soutenue chez un sujet non l’entraînement. Initialement, elle survient après la
entraîné, un changement de matériel, de terrain ; fin des activités physiques, puis plus tôt jusqu’à
• une durée d’entraînement supérieure à 5 h/jour apparaître à la marche simple et gênant de plus en
de danse, ou à 54 à 80 km/semaine de course à plus les activités sportives jusqu’à les interrompre.
pied. Le repos ou l’évitement des activités en cause
Le tabagisme a également été retrouvé comme la soulage. La douleur est souvent d’installation
facteur de risque de FF. insidieuse, négligée au départ, non systématisée.
Chez l’homme, une étude de 2017 portant Une augmentation ou une modification récente
sur 1082 recrues de la Royal Marine Commendos de l’activité physique ou de l’équipement, une
lors d’un entraînement de 32 semaines a montré intensification de l’entraînement et, de façon géné-
un lien entre FF et faible consommation de lait rale, toute sollicitation importante du segment
dans l’enfance (< 285 mL/jour) en plus d’autres douloureux, de même que les autres facteurs de
facteurs déjà cités. risque, sont à rechercher pour étayer le diagnostic.
De plus, un faible dosage en 25(OH)vitamine L’interrogatoire précise tout ce qui concerne
D sanguine (< 50 nmol/L) et une densité miné- l’activité sportive :
rale osseuse basse pourraient être des facteurs de • type de sport ;
risque. • niveau sportif ;
Ces facteurs sont résumés dans le Tableau 10.1. • nombre, durée et intensité de l’entraînement ;
• calendrier sportif ;
• modification récente des pratiques ;
Clinique • qualité du suivi médical, du matériel, du terrain
d’entraînement.
Le diagnostic de FF est souvent posé tardivement,
car la clinique ainsi que l’imagerie ne sont pas
toujours typiques et les diagnostics différentiels Inspection
sont peu nombreux dans ce contexte sportif.
L’inspection est assez pauvre, mais dans le cas de
la FF tibiale antérieure, il peut exister un œdème
Interrogatoire de la crête antérieure du tibia et surtout une
déformation localisée en cas de fracture antérieure
L’interrogatoire enquête sur les antécédents,
assez ancienne.
notam ment de fatigue osseuse, les problèmes
Un point commun aux FF du membre inférieur
nutritionnels, les carences métaboliques et le suivi
qu’il faut rechercher est la présence de troubles
diététique.
morphostatiques des membres inférieurs (défauts
Tableau 10.1. Facteurs de risque de fracture de fatigue
d’axe en varus ou valgus) ou du pied (équinisme,
du tibia pied creux ou pied plat). Ces troubles seront
notés et corrigés en tant que facteurs favorisants,
Facteurs intrinsèques Facteurs extrinsèques
surtout en cas d’atteinte du pied et de la cheville.
Âge Charge d’entraînement
Sexe Terrain
Taille Matériel, chaussage
Poids
Masse musculaire
Tabac
Consommation de lait
Examen physique
Alignement squelettique, dans l’enfance
souplesse musculaire Troubles alimentaires Qu’elle que soit la localisation, l’examen doit être
Cinématique articulaire Hypovitaminose D minutieux et doit tenter de faire la part des choses
Géométrie du tibia entre une douleur osseuse, musculotendineuse ou
Troubles hormonaux ligamentaire. Les tests en charge sont susceptibles
342 Traumatologie en pratique sportive
de reproduire la douleur comme le sautillement spongieux, les fractures de contrainte sont égale
avec réception sur le talon. La palpation est capi- ment difficiles à diagnostiquer. La fracture est
tale et se fait millimètre par millimètre dans la zone visible assez tardivement comme une bande dense
douloureuse. Cette dernière est en général peu qui devient plus nette avec le temps. Cet aspect
étendue, de l’ordre de quelques centimètres, avec est dû à l’impaction des travées (fractures en
une zone centrale hyperalgique, le plus souvent compression) et au cal de réparation (calcanéum,
au sommet de la voussure osseuse qui correspond métaphyse tibiale, aile iliaque…).
à l’endroit précis de la FF. Les os sous-cutanés Si la FF n’est pas diagnostiquée, la réaction
sont facilement accessibles à la palpation tels que périostée et l’œdème peuvent conduire au diagnos-
le radius, les plateaux tibiaux, la rotule, le tibia, tic erroné d’infection ou de tumeur osseuse comme
les malléoles, le calcanéum, le naviculaire et les l’ostéome ostéoïde, principale erreur diagnostique
métatarsiens ; d’autres le sont moins, tels que chez le sportif.
l’humérus, le sacrum, le bassin, le fémur et le talus. La présentation radiologique selon la localisa-
Un épaississement cellulaire sous-cutané ou un tion sur le tibia est la suivante :
cal palpable en regard de la fracture peuvent être • FF postérieure : au niveau du bord postéro-
retrouvés dans les os sous-cutanés. L’examen médial du tibia, la fissure est le plus souvent
clinique cherche à éliminer les diagnostics diffé- oblique en haut et en dehors, et il peut exister
rentiels selon la localisation. Par exemple, dans le une petite zone déminéralisée si la radiographie
cas d’une FF du tibia, il conviendra d’éliminer les est faite précocement ; si cette dernière arrive
étiologies de douleurs de jambe chez le sportif, tardivement, elle peut montrer des appositions
d’origine musculotendineuse (syndrome de loge périostées ou un cal. La FF postérieure se situe la
d’effort, tendinopathie, lésion musculaire aiguë plupart du temps à la jonction tiers moyen–tiers
ou chronique), vasculaire (insuffisance veineuse, inférieur du tibia d’après Lafforgue et De Laba-
artère poplitée piégée) ou périostée (périostite). reyre, alors que pour Bousson, elle serait plutôt
au niveau du tiers moyen et du tiers inférieur
chez les coureurs de longue distance, et plutôt
Imagerie proximale chez l’enfant et les coureurs de petites
distances ;
Radiologie • FF antérieure : quand la fracture de fatigue touche
le bord antérieur du tibia, elle est générale
De manière générale, la radiographie standard ment transversale, perpendiculaire à la corticale,
objective des anomalies dans la moitié des cas, et visible en radiographie de profil. Il peut exister
reste normale durant les 3 premières semaines. des localisations multiples en coups de serpe.
Elle montre une fracture souvent incomplète ou Un aspect de pseudarthrose peut également être
rien, et il peut être nécessaire de faire un repère retrouvé ;
radio-opaque en regard de la zone douloureuse • FF longitudinale :
de manière à sensibiliser l’examen, de multiplier – elle est possible mais rare. Elle est alors paral-
les incidences et de répéter l’examen à plusieurs lèle à la corticale et à différencier des fractures
semaines d’intervalle. Les modifications initiales obliques longues,
sont une discrète diminution de densité et un – la radiographie étant un examen spécifique
aspect un peu flou du cortex. Ensuite, l’appo- (95–100 %) mais peu sensible (22–37 %), l’on
sition fusiforme d’une lamelle épaisse d’os et la peut avoir recours en cas de radiographies
réaction endostée conduisent à la condensation normales – ce qui est donc souvent le cas à
et à l’épaississement du cortex (tibia, base du un stade précoce – à des méthodes plus sen-
5e métatarsien, col fémoral…). Une ligne claire sibles, en particulier l’imagerie par résonance
correspondant à la fracture est parfois visible au magnétique (IRM) et la scintigraphie osseuse
sein de la densification réactionnelle. Dans l’os au technétium 99m (99mTc).
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 343
Scintigraphie osseuse
au technétium 99m radiographie normale, la FF se manifeste par
une hyperfixation franche bien limitée aux trois
Elle a été longtemps considérée comme l’exa- temps de l’examen avec une sensibilité proche de
men de référence, mais est maintenant supplantée 100 %. Les localisations multiples sont possibles et
par l’IRM. À un stade précoce et en cas de visibles avec cet examen.
344 Traumatologie en pratique sportive
Échographie Traitement
D’après une étude récente sur des militaires indiens Traitement médical
en comparaison à l’IRM, elle a une bonne sensibi-
lité (86 %) et une spécificité modérée (77 %). Elle Le traitement médical consiste tout d’abord à agir
peut retrouver des arguments en faveur d’une FF sur les facteurs de risque extrinsèques.
à la phase précoce en cas de radiographie standard Il s’agit d’éduquer l’athlète, sa famille pour les
normale. En effet, une solution de continuité ou plus jeunes, et l’encadrement sportif sur l’impor-
une irrégularité de la corticale sous forme d’une tance d’une alimentation adaptée aux besoins, de
petite saillie peuvent être retrouvées ainsi qu’un matériel adapté à l’activité et, pour les filles, la
œdème des parties molles avec hypervascularisa- valeur d’alerte des dysménorrhées. La recherche
tion au Doppler. Le signe indirect le plus perfor- d’une carence en vitamine D et sa supplémen-
mant est la mise en évidence d’un hématome à la tation le cas échéant font également partie de la
surface du périoste. Cet examen est très utile dans prévention primaire et secondaire des FF.
les FF des os sous-cutanés. Les premières mesures à prendre sur lesquelles
les auteurs s’accordent sont la modification du
chaussage et de la méthode d’entraînement. Pour
certaines variétés lésionnelles, notamment les os
Tableau 10.5. Classification des fractures de fatigue
selon les images scintigraphiques spongieux, la suppression des activités sportives
en charge donne en général une évolution favo-
Scintigraphie
rable en 8 à 12 semaines. C’est le cas du bassin,
Grade 1 Hyperfixation corticale modérée, de petite taille, du sacrum, de la métaphyse tibiale, du calcanéum,
aux limites floues
et des 2e et 3e métatarsiens.
Grade 2 Hyperfixation corticale mieux limitée et plus intense
Pour les FF antérieures du tibia, la limitation
Grade 3 Hyperfixation intense, corticale et médullaire, des activités donne selon Robertson une guéri-
fusiforme ou large
son dans 55 % des cas après un arrêt sportif de 4,4
Grade 4 Hyperfixation transcorticale intense à 6 mois associé ou non à une mise en décharge.
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 345
L’immobilisation stricte n’améliore pas les des critères radiologiques ou s’il existe une forte
résultats, et le peu de données sur les ondes élec- demande à raccourcir la période d’inactivité, ce qui
tromagnétiques pulsées et stimulations électriques se voit en général chez les sportifs de haut niveau.
ne permettent pas de conclure à un bénéfice de Le traitement chirurgical comporte, selon
ces techniques. En revanche, le traitement par les auteurs, perforation, greffe, décortication,
ondes de choc peut permettre de réduire la dou- enclouage, plaques, vissage en compression, séparé
leur et le délai de récupération sans accélération ment ou associés. Pour certains, il s’agit d’enlever
visible de la consolidation. la zone de fracture et d’associer une greffe osseuse
D’autres traitements médicaux ont été tentés et/ou des perforations. Pour d’autres, l’enclouage
mais n’ont pas démontré leur efficacité. Il s’agit : est nécessaire pour absorber les contraintes et
• de l’oxygénothérapie hyperbare ; mettre l’os au repos. Dans tous les cas, la reprise
• des injections de plasma riche en plaquettes de l’appui et des activités doit être progressive et
(PRP), qui auraient un effet positif quand la indolore pour éviter une récidive précoce.
fracture n’est pas complète ;
• des protéines morphogéniques osseuses, qui ont
montré une efficacité uniquement chez l’animal, Résultats du traitement
• de l’hormone parathyroïdienne, utilisée aux au tibia sur la reprise
États-Unis pour l’ostéoporose. sportive (Tableau 10.6)
Certaines variétés de FF répondent mal au traite-
ment médical. Elles sont habituellement de mauvais Consolidation osseuse
pronostic évolutif, avec un risque majeur de pseudar-
throse, un risque de se compléter et de se déplacer. La consolidation d’une FF est rapide et de bonne
C’est le cas des FF de l’humérus, du col fémoral, qualité dans certaines localisations. Sur la consoli-
de la rotule, de la corticale antérieure du tibia, de la dation radiologique, Robertson constate qu’elle a
malléole médiale, de l’os naviculaire lorsque le trait lieu pour les FF antérieures en moyenne à 6 mois
est complet et de la base du 5e métatarsien. et pour les FF postérieures à 3 mois. Sur sa série
de danseurs traités par enclouage ou perforation,
Miyamoto et al. retrouvent une consolidation
Indications chirurgicales radiologique à 5,1 mois (3,5–9 mois) et une
et options thérapeutiques consolidation clinique à 6 semaines (4–10 mois).
Pour Varner, la consolidation clinique a lieu à
Le traitement chirurgical s’envisage en cas d’échec 2,7 mois et celle radiologique à 3 mois dans sa
du traitement médical. Selon le niveau sportif et série de sept compétiteurs (course et basket-ball)
le calendrier, le traitement chirurgical peut être traités par clou centromédullaire.
indiqué plus précocement, surtout si le potentiel Mallee constate une absence de consolidation
de guérison ou de déplacement n’est pas bon. pour les fractures antérieures dans 53 à 93 % des
Miyamoto et al. attendent au moins 8 à 12 cas après traitement conservateur. Rettig constate
semaines pour proposer la chirurgie à des dan- une guérison en 8,7 mois en moyenne des frac-
seurs ayant effectué une période de repos, des tures antérieures traitées par champ magnétique
modifications de l’activité et l’évitement des acti- pulsé et repos, alors que Orava constate la conso-
vités douloureuses. Robertson et al., dans leur lidation à 6 mois (3–10 mois) avec le traitement
revue de la littérature en 2015, préconisent 6 conservateur contre 7,1 mois (4–16 mois) en cas
mois de repos relatif associé à d’autres thérapies de perforations chirurgicales.
avant d’opter pour un traitement chirurgical d’une La consolidation est évaluée cliniquement ou
FF tibiale. Mais peut-on se permettre d’attendre radiologiquement selon les études. Elle est plus
6 mois pour un sportif de haut niveau, pressé, rapide pour les fractures postérieures que pour les
informé et motivé ? La chirurgie peut aussi être fractures antérieures et est en moyenne de 5 à 7
proposée d’emblée si la fracture est menaçante sur mois postopératoires.
346 Traumatologie en pratique sportive
Tableau 10.6. Variété lésionnelle, fréquence, type de sport à risque et orientation thérapeutique privilégiée
Siège Fréquence Sport Traitement
Sacrum et bassin ++ Course à pied > 80 km/semaine Conservateur
Marche de fond (militaires)
Ligne trous sacrés +
Aileron sacré ++
Aile iliaque Très rare
Cadre obturateur (Figure 10.1) +
Col fémoral ++ Course à pied de fond Fracture en distraction : chirurgie
(Figure 10.2) Marche de fond Fracture en contraction non déplacée :
traitement conservateur
Diaphyse fémur Rare Course de fond Conservateur, parfois chirurgical
Extrémité inférieure du fémur Rare
Patella Rare Course à pied Conservateur
Saut en hauteur Déplacement ou risque de déplacement :
Ski chirurgie
Plateau tibial médial Rare Course à pied Conservateur
(attaque talonnière)
Tibia (diaphyse) +++ Football Fracture :
(figures 10.3 et 10.4) Course à pied – postérieure : conservateur
Sauts – longitudinale : conservateur
– antérieure : chirurgie
Fibula (1/3 inférieur) + Course à pied (terrain inégal) Conservateur
Malléole médiale ++ Course à pied Conservateur
(Figure 10.5) Saut de haies Chirurgie si fracture complète
Saut à la perche
Talus col et corps + Course à pied Conservateur
Compression
Talus processus latéral + Snowboard Conservateur si non déplacé
Distraction Chirurgical si déplacé
Calcanéus ++ Course Conservateur
Tennis (sol dur)
Os naviculaire + Course sur piste Conservateur
(Figure 10.6) Saut en hauteur Chirurgie si trait complet
Cuboïde Très rare (compression) Course de fond Conservateur
Cunéiformes Très rare Course de fond Conservateur
Métatarsiens médians +++ Danse Conservateur
(Figure 10.7)
5e métatarsien +++ Football Chirurgie
(Figure 10.8) Course
Sésamoïdes de l’hallux Rare Sauts Conservateur
Sésamoïdectomie si échec
Côtes (1res) + Danse (homme porteur) Conservateur
Ski de fond
Aviron
Lancer
Sternum Rare Golf Conservateur
Trampoline
Bodybuilding
Acromion + Tennis Conservateur
Olécrane Rare Tennis (service) Conservateur
Base-ball
Hamulus de l’hamatum ++ Golf Conservateur
Tennis Si échec : ablation
2e métacarpien + Tennis (coup droit)
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 347
articulations principalement touchées sont, par avec, selon la dose et l’intensité des efforts, soit un
ordre décroissant, le rachis cervical et lombaire, risque accru de destruction – c’est la lésion carti-
le genou, le pouce, la hanche, la cheville et les lagineuse du joueur intensif de football –, soit un
épaules. La coxarthrose et la gonarthrose ne sont effet bénéfique sur le cartilage lors d’une pratique
pas les plus fréquentes, mais elles sont les plus à dose modérée. Des auteurs ont incriminé les
invalidantes au quotidien surtout pour les sportifs. forces de compression articulaire. La marche par
Chez les sportifs, une étude finlandaise de exemple correspond à deux fois le poids du corps,
Kujala a calculé la prévalence de l’arthrose tou- la course à pied à trois à quatre fois ce poids. Mais
chant les membres inférieurs chez 2488 anciens cette marche à allure libre provoque des pressions
sportifs de haut niveau comparés à un groupe sur la hanche bien inférieures à celles d’exercices
témoin apparié sur l’âge et le sexe. Cette pré- isométriques ou dynamiques en position debout.
valence était de 5,9 % chez les anciens sportifs En revanche, une marche rapide sur des arti-
versus 2,6 % chez les témoins avec un odds ratio culations avec troubles d’alignement articulaire
(OR) de 1,7, 1,9 et 2,2 respectivement pour les peut être délétère pour le cartilage. Ainsi, c’est
sports suivants : course à pied (endurance), sports bien l’activité modérée et intermittente lors d’un
de terrain (base-ball, football, hockey) et sports de exercice physique qui est recommandable, elle
force (boxe, haltérophilie, lutte). Chez des anciens obéit au même principe que la mobilisation pas-
joueurs professionnels de football, l’étude de sive continue et douce obtenue par des appareils
Petrillo retrouve un risque majoré d’arthrose motorisés de flexion du genou utilisés en postopé-
de genou et de hanche. Comme Kujala, Vigdorchik ratoire, elle semble favoriser la trophicité cartilagi-
a écrit que la coxarthrose est plus fréquente dans neuse. Des études à l’exercice dynamique, comme
les sports à impact (football, hand-ball, athlétisme le vélo ou la marche, ont montré, sur des genoux
sur piste ou hockey sur glace) que chez les cou- arthrosiques gonflés par effusion, l’augmentation
reurs de longue distance. du flux sanguin synovial, ce qui participerait
selon les auteurs à améliorer la trophicité du
cartilage. Inversement, l’immobilisation, qu’elle
soit orthopédique ou bien liée à l’inactivité chez
Physiopathologie un sédentaire ou à l’apesanteur dans les voyages
et effets des activités dans l’espace, semble être arthrogène.
physiques et sportives Les facteurs majeurs d’arthrose en pratique
sportive sont les traumatismes, aggravés par des
Le sport et les activités physiques modérées peu- facteurs augmentant les pressions sur le cartilage
vent jouer un rôle dans l’arthrose, en particulier comme des laxités, des troubles morphostatiques,
sur le cartilage et sa matrice extracellulaire. des déficits neurologiques, des faiblesses mus-
culaires… Ainsi, les sujets présentant une faiblesse
du quadriceps semblent plus à risque de déve-
Effets mécaniques lopper une arthrose que les autres, surtout chez
de l’activité physique les femmes. Il faut donc limiter au maximum les
risques de traumatismes articulaires en pratique
La stimulation mécanique influe sur l’équilibre sportive intensive et sûrement promouvoir les
entre synthèse et dégradation de la matrice, en pratiques peu traumatisantes pour les sujets à
particulier en stimulant des cytokines différentes. risque et pour les pratiquants d’un sport de
In vitro, les stimulations cycliques appliquées au loisir ou d’activité physique adaptée en cas de
cartilage ou aux chondrocytes ont probablement pathologie chronique. Hilliquin (2007) indique
un effet anabolique sur la matrice extracellulaire qu’« il existe une susceptibilité individuelle pour
contrairement aux stimulations statiques. In vivo le développement d’une arthrose en rapport avec
et chez l’animal, l’activité physique par son action une activité donnée, liée notamment à la mor-
mécanique à type de compression joue un rôle, phologie articulaire, la congruence des surfaces
356 Traumatologie en pratique sportive
Figure 10.11. Les exercices de grande intensité ne sont pas adaptés aux patients arthrosiques.
Source : Mobasheri A, Batt M. An update on the pathophysiology of osteoarthritis. Annals of Physical and Rehabilitation Medicine 2016 ;
59(5-6) : 333-339.
358 Traumatologie en pratique sportive
Dans le cadre d’une prise en charge chronique, sur genu varum et tibia en rotation externe avec
les injections intra-articulaires d’acide hyaluro- un effet antalgique reconnu.
nique dites de viscosupplémentation peuvent être On connaît le rôle thérapeutique sur la douleur
proposées avec des résultats inconstants (50 % de arthrosique des exercices de renforcement mus-
bons résultats environ), ce qui a amené la Haute culaire avec ou sans charge d’intensité faible à
Autorité de santé (HAS) à proposer le dérem- modérée (par exemple, dix répétitions à 60 % de
boursement de ces produits. En pratique, certains la résistance maximale en musculation).
sportifs étant bons répondeurs, il n’est pas inutile
de faire un test thérapeutique dans le respect des
précautions d’usage.
L’évolution du traitement de l’arthrose du Conclusion
sportif s’oriente vers la médecine dite régénérative
et en particulier vers deux voies : L’activité physique modérée et régulière ne pré-
• la première date d’une quinzaine d’années en vient pas l’arthrose, mais elle en diminue et en
médecine du sport, c’est l’usage des facteurs retarde le risque de survenue. Le sport intensif ou
plaquettaires de croissance (PRP) ; l’activité physique intensive et/ou mal conduite
• la seconde est plus récente, c’est l’usage des cel- sont arthrogènes sur les articulations sollicitées.
lules souches autologues soit adipocytaires, soit Lorsque le sujet est arthrosique, les études sur les
médullaires avec différenciation en direction du pratiquants modérés concluent à l’amélioration
cartilage. des capacités fonctionnelles et à une diminu-
On n’évoquera pas ici les techniques orthopé- tion des douleurs grâce à l’action sur l’environne-
diques qui vont de la stimulation de la moelle sous ment musculaire de l’articulation atteinte et sur
l’os sous-chondral (par microfracture ou mosaïco- ses amplitudes articulaires.
plastie) au remplacement total (voir chapitre voir En prévention primaire, on recommande une
chapitre 10.4, ci-dessous). activité physique ou sportive modérée et régulière.
Dans le cadre de l’injection de PRP, les pro- En prévention secondaire et tertiaire, on associe
tocoles ne sont pas encore totalement définis une éducation thérapeutique avec une pratique
et le consensus n’existe pas. Les résultats d’une d’activité physique encadrée au début par un
injection de PRP seule ou en association avec un masseur-kinésithérapeute : un travail spécifique
acide hyaluronique sur les arthroses de hanche ou de renforcement musculaire sur toutes les moda-
de genou sont en cours d’étude. lités de contraction possible, d’étirement, de
La rééducation musculotendineuse en force et proprioception est effectué ; puis une activité
en proprioception joue aussi un rôle essentiel en physique régulière globale est mise en place avec
termes de prévention secondaire de l’arthrose, des exercices d’aérobie d’intensité modérée à
surtout au niveau des muscles péri-articulaires. Les vigoureuse, de résistance modérée à vigoureuse,
protocoles post-injections restent encore à préci- de renforcement musculaire, d’équilibre et d’éti-
ser mais le renforcement et le travail du contrôle rement avec un éducateur sportif au sein d’une
neuromoteur sont obligatoires. L’apprentissage institution sportive, afin de renforcer l’adhésion à
des bons gestes techniques ou de leur modifica- la régularité de la pratique.
tion ainsi que le choix du matériel sportif sont L’activité physique n’est pas recommandée
essentiels. Concernant les semelles plantaires, elles lors des poussées de la maladie et même si
peuvent jouer un rôle de modification des appuis aucune preuve d’un effet délétère pour le cartilage
et des pressions par leur rôle dynamique et/ou n’existe dans cette situation, la mise au repos de
proprioceptif et ainsi diminuer les contraintes l’articulation a clairement un effet antalgique utile
comme dans une arthrose fémorotibiale interne avant le retour sur le terrain.
Chapitre 10. Lésions microtraumatiques ostéo-articulaires 359
collatéraux médial ou latéral, ligament croisé pos- Tableau 10.7. Forces exercées sur la hanche ou le genou
térieur sur prothèse postéro-conservée. en fonction du sport d’après Kuster
Les fractures périprothétiques après PTH ou Sport PTH PTG
PTG surviennent beaucoup plus souvent chez des Marche < 5 km/h 2,9 2,8
sujets âgés et ostéoporotiques qu’au cours de la Course à pied à 5 km/h 5 ?
pratique sportive.
Course à pied à 7 km/h 5,4 8
Course à pied à 12 km/h 6 10,3
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Chapitre 11
Pathologie microtraumatique
nerveuse et vasculaire
dont la récupération clinique est lente et aléa La compression du nerf suprascapulaire est
toire) comme le rapporte l’équipe de Clancy. rare au passage du défilé spinoglénoïdien mais
Lors des plaquages, au rugby ou au football fréquente à l’échancrure coracoïdienne. Clinique
américain, ou lors de contacts violents, au hockey ment, elle se manifeste le plus souvent par une
ou à la lutte, lorsque l’épaule subit une compression amyotrophie des fosses supra- et infra-épineuses
tandis que la tête est tournée vers l’épaule opposée, non douloureuses. Parfois au contraire, une scapu
un Burner syndrome (ou stinger syndrome) peut lalgie insomniante gênante est le motif de consul
survenir. Il s’agit d’une traction de la partie haute tation du patient.
du plexus (racines C5 et C6), responsable de dou Du fait de ses points de fixité anatomique, le nerf
leurs intenses et de paresthésies non systématisées, est solidaire des mouvements de la scapula, ce qui
irradiant de l’épaule vers la main, et parfois d’une explique sa vulnérabilité aux microtraumatismes
faiblesse dans le membre supérieur. Généralement, répétés par étirements dans les sports avec armé
les symptômes disparaissent en quelques minutes, comme le tennis, le volley-ball ou le handball. Les
mais des cas de parésie prolongée ont été rapportés. signes cliniques évocateurs sont une reproduction
Les sportifs ne consultent pas forcément pour de la douleur à la pression du canal sus-scapulaire
cette pathologie dont les conséquences sont en arrière de la clavicule et de l’échancrure, ainsi
parfois imperceptibles immédiatement. Dans que le cross body adduction test qui place le membre
l’étude de Nissen, 70 % des sportifs blessés ont supérieur en antépulsion à l’horizontale et en
déclaré ne pas toujours rapporter leur traumatisme adduction, et peut déclencher la douleur en met
qui pour certains (52 %) est survenu plusieurs fois. tant en tension le ligament scapulaire transverse.
Il est important d’éliminer dans ce contexte les L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
diagnostics différentiels de lésion du rachis cervical recherche un processus compressif dans l’échan
(entorse grave, névralgie cervicobrachiale). crure spinoglénoïdienne : kyste provenant d’une
La prévention de ce genre de traumatisme éventuelle fissure du labrum et signes de déner
repose sur le port d’équipements sportifs adaptés vation musculaire. Le diagnostic est confirmé par
et le respect des règles de sécurité. Il n’y a pas de l’électromyogramme (EMG).
traitement spécifique. Le traitement est conservateur dans un premier
temps avec repos, prise orale d’anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS), infiltration d’un dérivé
Nerf suprascapulaire cortisonique. En cas d’échec après 6 mois, il est
possible d’envisager une neurolyse du nerf supras
Le nerf suprascapulaire est un nerf mixte respon capulaire qui peut se faire à ciel ouvert ou sous
sable de l’innervation des muscles supraspinatus arthroscopie.
et infraspinatus et d’une partie des articulations
acromioclaviculaires et glénohumérales. Il naît
du tronc supérieur du plexus brachial (racines Nerf axillaire
C5-C6). Au cours de son trajet à la face postérieure
de la scapula, le nerf traverse successivement deux Le syndrome de l’espace quadrilatère est un syn
défilés anatomiques, points de fixité avec l’origine drome canalaire fréquent chez le sportif dans lequel
du nerf : le nerf axillaire et l’artère circonflexe postérieure
• l’incisure scapulaire sous le ligament scapulaire sont comprimés dans le quadrilatère de Velpeau. Cet
transverse, avant de pénétrer la fosse supra- espace est limité en bas par le muscle teres major,
épineuse, où il donne la branche motrice à des en haut par le teres minor, en dedans par la longue
tinée du muscle supraspinatus ; portion du triceps brachial et en dehors par le bord
• l’échancrure spinoglénoïdienne entre l’épine interne de l’humérus. En abduction et rotation
de la scapula en dedans et le ligament spino externe, le quadrilatère devient un triangle et chez
glénoïdien en dehors, en aval de laquelle naît la les sportifs la compression axillaire est principale
branche du muscle infraspinatus. ment due à une hypertrophie du teres minor.
Chapitre 11. Pathologie microtraumatique nerveuse et vasculaire 367
Elle se manifeste par une douleur du moignon de une radiographie cervicale, une IRM du plexus
l’épaule et d’une sensation de faiblesse de l’épaule, brachial, un EMG et un examen visualisant les
tout particulièrement lors des mouvements d’ab vaisseaux sus-claviculaires. Le traitement médical
duction, d’antépulsion et de rotation externe du repose sur une rééducation spécialisée : renforce
bras. Des paresthésies latérales de l’épaule et de la ment des muscles suspenseurs de l’épaule, travail
face postérieure du bras sont plus rares. À l’exa en antépulsion de l’épaule. En cas d’échec, un
men, on peut retrouver une douleur à la palpation traitement chirurgical peut s’envisager en cas de
de la face postérieure du quadrilatère de Velpeau et bonne concordance clinique et paraclinique.
une parésie du deltoïde, sans déficit sensitif associé.
Le bilan paraclinique comprend un EMG et un
Doppler artériel ou une artériographie mettant en Nerf thoracique long
évidence une occlusion de l’artère circonflexe pos
térieure quand le bras est en abduction. Le nerf thoracique long, ou nerf de Charles Bell,
Ce syndrome peut survenir plusieurs semaines est un nerf issu de la partie antérieure des racines
ou mois après un traumatisme de l’épaule, ou C5-C6-C7 ; il innerve le serratus antérieur. Du
chez les sportifs pratiquant un sport avec armé. fait de son trajet, il peut être étiré dans les mouve
Des bandes fibreuses tendues entre les muscles ments d’abduction et rotation externe extrêmes
bordant l’espace quadrilatére peuvent alors être d’épaule (notamment dans le geste de service au
observées. Il a ainsi été retrouvé chez les lanceurs tennis où la mobilité de la scapula est maximale
de javelot des paresthésies axillaires qui sont et où le bras réalise une circumduction quasi
résolutives après quelques semaines de repos. En complète). La conséquence est une paralysie du
cas d’échec, la neurolyse donne généralement des serratus antérieur qui se manifeste par une scapula
résultats satisfaisants. alata : difficulté à l’élévation du bras, décollement
du bord spinal de la scapula déclenché lors de
la manœuvre des « pompes » sur le mur. Le
Syndrome de la traversée diagnostic est confirmé à l’EMG. L’éviction du
thoracobrachiale geste et l’arrêt du sport sont de rigueur jusqu’à
la récupération qui survient le plus souvent spon
Les scalènes sont des muscles inspiratoires, rota tanément dans l’année. La neurolyse n’est propo
teurs et fléchisseurs du cou. Ils sont particulière sée qu’en cas de persistance des troubles au-delà
ment sollicités dans les sports où l’arc de mobilité de ce délai.
de l’épaule est maximal (tennis, natation, jave
lot…). Une hypertrophie de ces muscles peut être
responsable d’une compression principalement des Nerf musculocutané
racines C8 et T1 du plexus brachial appelée syn
drome de la traversée cervico-thoraco-brachiale. Le nerf musculocutané naît du tronc secondaire
Cliniquement, il se manifeste par des douleurs, antérolatéral du plexus brachial issu des racines
souvent localisées dans les trois doigts internes C5-C6-C7. Après s’être écarté de l’artère axil
de caractère positionnel (épaule en abduction– laire, il pénètre le muscle coracobrachial environ
rotation externe), et un déficit moteur à la main. 6 cm sous l’apophyse coracoïde avant de quitter
Les signes cliniques les plus sensibles sont la son bord antérolateral à la partie moyenne du
manœuvre de Roos (paresthésies déclenchées dans bras. Il chemine ensuite entre le biceps brachial
la position d’armé) et le pseudo-signe de Tinel en avant et le brachialis en arrière, muscles dont il
(paresthésies déclenchées à la percussion) au creux assure l’innervation motrice. Puis il sort au bord
sus-claviculaire. externe du tendon du biceps pour perforer le fas
Une apophysomégalie de C7 ou une malfor cia brachial. À ce niveau, les fibres nerveuses res
mation de la première côte peuvent participer à la tantes sont purement sensitives ; elles constituent
compression de la racine T1. Le bilan comprend le nerf cutané latéral de l’avant-bras dont les deux
368 Traumatologie en pratique sportive
branches terminales innervent la zone externe de pertinents à réaliser sont l’EMG, l’échographie
l’avant-bras jusqu’à la base de l’éminence thénar. et des radiographies standard. Le traitement est
La traversée du muscle coracobrachial est le point initialement médical (éviction des gestes à risque,
de fixité du nerf où un étranglement, par exemple orthèse nocturne), mais en cas d’échec une neu
par un renforcement fibreux, peut survenir. Chez rolyse chirurgicale peut être entreprise, complétée
les bodybuilders, l’hypertrophie coracobrachiale par une transposition antérieure du nerf ulnaire en
peut comprimer le nerf musculocutané, entraî cas d’instabilité post-neurolyse ou d’hypertrophie
nant des paresthésies du bord latéral de l’avant- du triceps brachial.
bras et une sensation de lourdeur des muscles
fléchisseurs du coude dont le traitement consiste
à éviter les gestes de flexion contrariée du coude Nerf radial à l’avant-bras
et le port de charges, et à se mettre au repos.
Chez des athlètes, une compression du nerf radial
entre le long supinateur et le biceps brachial ou dans
Nerf ulnaire au coude le canal radial entre les deux faisceaux du muscle
supinateur est possible.
Dans la région du coude, le nerf ulnaire peut La symptomatologie motrice est due à une
être comprimé à plusieurs niveaux : entre le compression intermittente de la branche profonde
muscle triceps brachial et le septum intermus du nerf radial. Elle se manifeste tout particulière
culaire médial, sous le ligament épitrochléo- ment dans un contexte de mouvements répétitifs
olécranien, sous l’arcade d’Osborne tendue entre de pronosupination, coude peu fléchi. Par ailleurs,
les deux chefs du muscle flexor carpi ulnaris et la branche sensitive du nerf radial peut également
enfin sous l’arcade d’Amadio et Beckenbaugh ten être comprimée dans certains sports comme le
due entre le chef huméral du flexor carpi ulnaris et volley-ball avec les réceptions dites « en man
le flexor digitorum superficialis. Une hypertrophie chette » avec les deux mains jointes en supination.
d’un des muscles sus-cités peut entraîner une Les chocs répétés peuvent entraîner des pares
compression du nerf : par exemple, celle du tri thésies vers le dos du poignet, dans le territoire
ceps brachial chez les haltérophiles ou les adeptes sensitif du nerf radial. Le traitement est médical
des pompes et des tractions. Un autre facteur avec antalgiques, anti-inflammatoires, arrêt du
étiologique de la neuropathie ulnaire au coude sport et physiothérapie.
est son élongation répétée lors des mouvements
de flexion–extension du coude, et plus encore
dans les sports responsables d’une laxité du liga Nerf médian à l’avant-bras
ment collatéral médial du coude avec déformation
dynamique en valgus du coude. Tennis, handball Une hypertrophie du muscle pronator teres, un
et base-ball sont des sports avec des mouvements épaississement du lacertus fibrosus ou de l’arcade
répétitifs entraînant de fortes contraintes sur le du muscle flexor digitorum superficialis peuvent
coude dominant (vitesse angulaire de 4500°/s sur entraîner une compression proximale du nerf
certains mouvements comme le lancer du pitcher médian. Survenant après des efforts inhabituels
au base-ball ou le service au tennis). Le patient en pronosupination de l’avant-bras, cette neuropa
se plaint de paresthésies dans les deux derniers thie a habituellement une expression uniquement
doigts, de douleurs au coude et dans les stades sensitive d’installation subaiguë. Elle se manifeste
plus évolués d’une faiblesse à la main. Les signes par des douleurs à l’effort du tiers proximal de
cliniques à rechercher sont un déficit objectif sen l’avant-bras pouvant irradier vers la main, associées
sitif ou moteur dans le territoire ulnaire à la main, à des paresthésies dans le territoire du médian à la
un pseudo-signe de Tinel à la percussion du nerf main. Celles-ci peuvent être déclenchées par une
en regard de sa zone de compression, un elbow contraction contrariée du pronator teres, du biceps
flexion test positif. Les examens complémentaires brachial ou du flexor digitorum superficialis.
Chapitre 11. Pathologie microtraumatique nerveuse et vasculaire 369
Atteintes neurotronculaires
du nerf fibulaire et de
ses branches fibulaires
superficielles et profondes
Atteinte du nerf fibulaire commun
Anatomie
Le nerf fibulaire émerge de la partie supérieure du
creux poplité (figure 11.2) par division terminale
du nerf sciatique. Il s’oriente vers la face antéro-
Figure 11.1. Canal de Hunter et nerf saphéne. externe de la fibula qu’il contourne par sa face
Source : Carole Fumat. latérale. Il est fragilisé à ce niveau car simplement
Chapitre 11. Pathologie microtraumatique nerveuse et vasculaire 371
Clinique
Le tableau peut s’exprimer de manière caricaturale
par un steppage avec parésie de l’éversion du pied,
mais le plus souvent, la sémiologie reposera sur une
atteinte de la branche terminale sensitive et à un
degré moindre de la branche terminale motrice. La
douleur s’exprime à type de brûlure, de dysesthésie
et touche toute la face externe de jambe.
Le signe de Tinel est positif au col de la fibula.
Examens complémentaires
L’électromyographie montre un ralentissement
des vitesses sensitives au col de la fibula après
stimulation intradermique de la face antérieure de
la cheville. Cet examen permet par ailleurs de juger
Figure 11.2. Division du nerf sciatique au creux poplité
en nerf tibial et nerf fibulaire commun. de l’intensité de la dénervation et de la qualité de la
Source : Carole Fumat. réinnervation. Il permet par ailleurs de différencier
cette atteinte d’une compression de L5 qui touche
recouvert de tissu cellulograisseux sous-cutané. alors, d’un point de vue moteur, le moyen fessier
Poursuivant sa course, il perfore alors le chef et le tibial postérieur.
supérieur du muscle long fibulaire dont les fibres L’imagerie par échographie à l’aide de sondes
forment une sorte d’arche musculotendineuse. à haute fréquence est devenue très performante
Cette structure anatomique est souvent dénom pour le suivi du nerf fibulaire et de ses branches
mée « canal fibulaire ». de division.
Il existe de fait deux zones à risque : la tête de
la fibula et le canal fibulaire.
Le nerf se divise alors en deux branches : Atteinte du nerf fibulaire profond
• le fibulaire superficiel (ancien nerf musculocutané
de la jambe) qui oblique quasi perpendiculaire Anatomie et physiopathologie
ment et va donner des rameaux moteurs à la Au niveau de la cheville, il s’engage sous le reti
face antérolatérale de jambe au court et au long naculum antérieur (figure 11.3), encore appelé
fibulaire ; tunnel tarsien antérieur. Ceci explique l’implication
• le fibulaire profond (ancien nerf tibial antérieur) technopathique chez les sportifs liée à des chaus
qui va innerver le tibial antérieur, l’extenseur sures montantes (ski, wakeboard, ski nautique,
propre de l’hallux, l’extenseur commun super patin à glace, randonnée…) responsables de téno
ficiel et le 3e fibulaire. Plus bas situé, il va synovites associées du tibial antérieur, de l’exten
s’engager à la face antérieure de la cheville sous le seur de l’hallux et de l’extenseur commun.
retinaculum.
Clinique
Physiopathologie
Le sportif décrit souvent des sensations de brû
D’un point de vue sportif, l’atteinte résulte d’un lures, de dysesthésies à l’effort liées à la chaussure.
choc direct (football), d’un croisement prolongé La palpation retrouve souvent une crépitation
de jambe (yoga, méditation), d’une position assise ténosynoviale des extenseurs sous le retinaculum.
372 Traumatologie en pratique sportive
examen dynamique en flexion plantaire passive et aviron. Cette affection est plus fréquente du côté
active. Elle permet de bien voir les branches de gauche (trois fois sur quatre).
division du nerf sural, le plus souvent en aval de la Anatomiquement, la lésion se présente comme
zone de compression. un épaississement pariétal blanchâtre siégeant sur
l’artère iliaque externe sur une partie ou la totalité
de la circonférence, lié au dépôt de fibroblastes
Traitement (figure 11.6). Elle serait secondaire à la répétition
Il repose sur l’ergonométrie de la chaussure à tige des mouvements de flexion de hanche entraînant
montante. En cas d’échec, l’infiltration est au mieux de véritables plicatures de l’artère et favorisée par
guidée par l’échographie qui permet d’objectiver certains facteurs anatomiques et hémodynamiques
la dilatation du dédoublement aponévrotique. (hyperdébit systolique). L’artère iliaque externe
En cas d’échec, le traitement chirurgical par libéra étant la portion mobile de l’axe iliaque, lors du
tion du conflit au niveau du dédoublement aponé mouvement de pédalage, l’artère iliaque externe
vrotique est quasi constamment efficace. rapproche ses deux points d’ancrage : l’artère
iliaque interne en proximal et, en distal, le pas
sage sous l’arcade crurale, où elle est fixée par
les artères iliaques, circonflexes et épigastriques.
3. Pathologie vasculaire Ces mouvements engendrent des microfractures
microtraumatique intimales dont les lambeaux constituent un obs
tacle hémodynamique dans les conditions de
l’hyperdébit. Ces lambeaux sont souvent très fins
F. Koskas, Y. Catonné
et échappent volontiers à la définition du scanner.
Même l’artériographie peut être peu parlante
Des lésions vasculaires ont également été décrites si les conditions n’en sont pas parfaites. En
chez les sportifs et tout particulièrement l’endofi dehors de l’artère iliaque externe, d’autres locali
brose artérielle qui intéresse surtout l’artère iliaque sations ont été décrites : artère iliaque primitive,
externe et représente typiquement la pathologie artère fémorale profonde, artère quadricipitale.
microtraumatique par répétition des mouvements. Les lésions primordiales peuvent engendrer des
complications endo-artérielles comme une sté
nose permanente hyperplasique et toute la gamme
Endofibrose artérielle des complications thrombo-emboliques.
Épidémiologie et
physiopathologie
L’endofibrose artérielle survient préférentielle
ment chez le cycliste de haut niveau. Après le
premier cas de Mosiman et Walder en 1985, elle a
été décrite en 1986 par Chevallier. Elle siège
dans la grande majorité des cas sur l’artère iliaque
externe. Elle survient préférentiellement chez
le cycliste âgé de 20 à 30 ans, ayant commencé
la compétition assez tôt et ayant une quan
tité d’entraînement importante (en moyenne
120 000 km parcourus au moment de l’apparition
des symptômes). D’autres sports ont été incrimi Figure 11.6. Aspect peropératoire d’une endofibrose
iliaque externe : épaississement pariétal blanchâtre
nés, toujours des sports d’endurance : marathon entraînant une sténose artérielle à l’effort.
ou marche athlétique, triathlon, ski de fond, Source : P. Feugier.
376 Traumatologie en pratique sportive
Traitement
Examens complémentaires
Pour permettre le maintien de l’activité sportive,
L’Échographie Doppler de repos n’est positive le traitement doit être chirurgical. Le traitement
que dans les cas très avancés. C’est l’épreuve antiagrégant plaquettaire seul ne se justifie que
d’effort sur home trainer qui apporte en général chez les retraités peu gênés. Le traitement endo
le diagnostic : la pression à la cheville s’effondre vasculaire par angioplastie transluminale, avec ou
dès les premières minutes par comparaison à sans stent, a été vite abandonné par la plupart des
l’autre côté. Il ne faut pas trop compter sur équipes car les résultats en sont sinon médiocres,
l’angioscanner et encore moins sur l’angiographie parfois aggravants. Chevallier et Feugier (à Lyon)
par résonance magnétique (ARM) pour montrer ont parfaitement codifié le traitement chirurgical
l’obstacle car les dimensions de celui-ci échappent qui a pour étapes l’angioscopie qui désigne le
en général à la définition de ces examens. En segment pathologique de l’artère, la résection de
revanche, ces examens montrent les signes indi ce segment et soit l’anastomose directe, si l’excès
de longueur de l’artère et la brièveté du segment après l’autre les trois axes de jambe par mécanisme
pathologique la permettent, soit l’interposition embolique. La compression veineuse peut résulter
d’un greffon. Le calibre de cet éventuel greffon en des phlébites « d’effort » à répétition. Les
doit être dimensionné en prévision de l’effort. sports le plus souvent concernés sont le football,
La saphène crurale ne convient que si son calibre le tennis, l’escrime, le basket-ball, la natation
est nettement suffisant. Sinon, les prothèses arté et le culturisme.
rielles modernes donnent d’excellents résultats à la La symptomatologie montre une claudication
condition de prévoir un bon calibre. Après l’inter qui fait décliner les capacités sportives en cours de
vention, 6 à 12 mois de repos sportif s’imposent performance. Il apparaît alors « en cours de match »
sous un traitement antiagrégant plaquettaire que une fatigue intense, puis une paralysie de la jambe
l’on ne peut interrompre in fine que si le montage concernée. Dans les cas typiques, le diagnostic
clinique est possible avec l’abolition d’un ou
ne comporte pas de greffon synthétique.
des deux pouls distaux lors de la flexion dorsale
ou plantaire. L’abolition permanente d’un pouls ou
Points clés : endofibrose iliaque externe la persistance d’un œdème doivent faire recher
cher une complication thrombo-embolique. Un
• Liée à un épaississement pariétal siégeant sur l’artère
anévrisme post-sténotique doit être systématique
iliaque externe par dépôt de fibroblaste, elle survient
ment recherché comme une masse battante et
préférentiellement chez le cycliste de haut niveau.
surtout expansive dans le creux poplité.
• Se manifeste par une douleur de cuisse au moment de
l’effort maximal, disparaissant au repos.
L’échographie Doppler dynamique suffit en
• L’angioscanner peut montrer des signes indirects, général à affirmer le diagnostic, mais les exa
mais c’est surtout l’artériographie dynamique en flexion, mens iodés sont indispensables pour identifier
voire l’angioscopie, qui permet le diagnostic. correctement l’agent vulnérant et faire l’inventaire
• Le traitement est chirurgical et permet la reprise préthérapeutique des complications. La présence
sportive dans la grande majorité des cas. d’un faisceau musculaire anormal entre artère et
veine en échographie est pathognomonique des
pièges typiques, et est retrouvée par le scanner
ou l’IRM. Plus simplement, la désaxation des
Artère poplitée piégée axes vasculaires dans le plan coronal est évoca
trice. L’artériographie et la phlébographie avec
Il s’agit d’un syndrome canalaire relativement épreuves dynamiques restent la méthode diagnos
fréquent mais qui n’entraîne des conséquences tique la plus précise (figure 11.8).
pathologiques que du fait de la répétition des
mouvements du genou comme la flexion–
extension et la flexion dorsale et plantaire du
pied, particulièrement en charge. L’artère ou la
veine poplitée ou les troncs tibiofibulaires subis
sent lors de ces mouvements une compression,
voire une percussion répétée, par un agent vulné
rant qui est le plus souvent un faisceau anormal
du gastrocnémien mais peut aussi être l’arcade du
soléaire, voire la coque condylienne. La présence
d’anomalies angulaires du genou, en particulier
en genu recurvatum, favorise ces syndromes. Il
peut résulter de ce microtraumatisme répété une
hyperplasie intimale qui transforme l’obstacle
Figure 11.8. Piège poplité chez un jeune footballeur.
hémodynamique transitoire en un obstacle per
Noter la désaxation coronale de l’artère, la quasi-occlusion
manent. Encore plus lourds de conséquences sont intrinsèque par hyperplasie dès le repos et la disparition
une thrombose pariétale et un anévrisme post- du flux direct en flexion plantaire. Dans cette position,
sténotique qui peuvent détruire à bas bruit l’un c’est la collatéralité qui remplit la tibiale antérieure.
378 Traumatologie en pratique sportive
Les effets bénéfiques du sport sur la santé justifient nécessite une imagerie par résonance magné-
l’incitation à la pratique sportive. La participation tique (IRM) dans un délai court (inférieur à
est de plus en plus intense et de plus en plus 10 jours) pour être visualisée et traitée à temps ;
spécialisée chez des enfants de plus en plus jeunes. • elles sont des zones de faiblesse entre les seg-
Paradoxalement, il existe actuellement une dimi- ments diaphysaires ossifiés qui agissent dessus
nution générale des activités quotidiennes dans la avec de grands bras de levier. Les structures
population pédiatrique, expliquant des conditions tendineuses qui s’insèrent à ce niveau présentent
physiques générales plus basses. L’intensification également une résistance mécanique supérieure.
des activités sportives induit alors des lésions Ceci explique la physiopathologie de l’avulsion
d’hypersollicitation (ou over-use). ostéocartilagineuse ou du décollement épiphy-
La mutation des sports avec une pratique plus saire qui survient plus volontiers que l’entorse
intense chez des sujets jeunes ainsi que la démo- ou la rupture ligamentaire ;
cratisation de sports à risque dans une pratique • elles peuvent entraîner des troubles de croissance
récréative, comme le trampoline, sont à l’origine lorsque leur atteinte provoque une ossification
d’une augmentation de la fréquence de trauma- cicatricielle prématurée, partielle ou complète.
tismes aigus spécifiques. En période de croissance, La classification de Salter et Harris a une bonne
ils présentent des particularités diagnostiques et valeur pronostique dans la grande majorité des
thérapeutiques, notamment au genou et sur le cas. Les fractures–décollements épiphysaires de
rachis qui sont spécifiquement exposés. type I et II, n’atteignant pas la couche des cel-
lules germinales, ne présentent habituellement
pas de risque à la différence des types III, IV
et V (Figure 12.1) ;
Généralités sur le squelette • elles sont à l’origine des capacités de remodelage
en croissance du squelette immature. C’est un avantage à ne
pas négliger dans la prise en charge des fractures
Les lésions liées à la pratique sportive de l’enfant de l’enfant. Des cals fracturaires vicieux peuvent
et de l’adolescent, qu’elles soient aiguës ou chro- se corriger sous la simple influence de la crois-
niques, atteignent un squelette immature, non sance. Il y a donc une marge de tolérance dans
encore complètement ossifié et parsemé de zones le déplacement des fractures. Le remodelage est
de croissance (physes). Ces zones sont cartilagi- néanmoins soumis à certaines règles et limites :
neuses et présentent plusieurs particularités : il agit d’autant plus que l’enfant est jeune et la
• elles sont radio-transparentes : leur fracture, croissance à venir importante, que la fracture
lorsqu’elle n’est pas étendue à un noyau d’ossi- est proche des zones à forte croissance (sur les
fication ou à une zone métaphysaire ossifiée, os longs proches du genou et loin du coude) ;
n’est pas visible à la radiographie standard et il ne corrige pas les troubles rotatoires.
Figure 12.1. Classification de Salter et Harris des fractures épiphysaires en cinq types.
Les types I et II sont des simples décollements au niveau de la physe : le risque d’épiphysiodèse est peu élevé. Les types III
et IV traversent complètement le cartilage de croissance, risquant d’entraîner une épiphysiodèse définitive. Le type V n’est
pas toujours visible d’emblée à la radiographie, il est dû à une impaction sévère de la physe.
Source : Carole Fumat.
La douleur est le symptôme majeur et le pre- attention à des aspects simples de la pra-
mier signe d’appel. Cette douleur peut évoluer tique comme la qualité de l’amorti du chaussage
depuis quelques mois, elle est le plus souvent et son adéquation avec le terrain de pratique.
modérée, diurne, d’horaire mécanique, majorée La qualité de l’hygiène de vie est importante
par l’activité sportive et calmée par le repos. Sa pour limiter le risque de lésions. Il faut insister sur
localisation est précise, montrée par le doigt de l’hydratation qui doit être largement suffisante et
l’enfant. Il peut exister des signes inflammatoires rechercher un déséquilibre dans l’alimentation.
comme une tuméfaction sur les apophyses super- Un manque de sommeil ou un sommeil de mau-
ficielles. vaise qualité sont des facteurs favorisants.
La douleur permet de classer les lésions d’hyper- Des règles simples à mettre en œuvre pour la
sollicitation en quatre stades : prévention des lésions d’hypersollicitation ont été
• stade 1 : la douleur survient après une activité édictées par l’Association nationale américaine
physique ; des entraîneurs sportifs (encadré 12.1). Il s’agit
• stade 2 : la douleur survient pendant l’activité principalement d’encourager une activité sportive
physique sans retentissement fonctionnel ; diversifiée jusqu’à un âge le plus tardif possible
• stade 3 : la douleur survient pendant l’activité et de ménager l’enfant en organisant suffisam-
physique et persiste toute la journée, avec un ment de périodes de repos.
retentissement fonctionnel ; L’examen clinique est en général pauvre. Il
• stade 4 : la douleur survient lors de toute cherche à reproduire une douleur à la palpation.
activité physique. Il recherche une raideur musculotendineuse ou
L’interrogatoire doit analyser toutes les activités au contraire une hyperlaxité. La souplesse aide à
physiques et sportives de l’enfant de façon précise. la performance sportive et il est important de la
La ou les activités sportives doivent être réper- maintenir chez l’enfant sportif, surtout lors des
toriées avec leur condition de pratique (loisir ou phases de croissance rapide des membres.
compétition). Pour chaque activité, le nombre
d’heures de pratique doit être noté. Il ne faut pas Encadré 12.1
oublier de rajouter les heures de sport scolaire,
Prévention des lésions
parfois nombreuses dans les classes dites « spor-
d’hypersollicitation
tives » dans lesquelles les emplois du temps sont
La National Athletic Trainers’ Association
adaptés pour permettre une pratique plus inten-
(NATA) propose des mesures préventives des
sive. Les activités récréatives ne sont pas non plus lésions d’hypersollicitation chez l’enfant et
à négliger car elles représentent un temps non l’adolescent sportifs :
négligeable d’activité aussi physique qu’un sport. • la durée totale hebdomadaire de la pra-
Il faut mettre en corrélation l’âge osseux de tique en club ne doit pas excéder, en nombre
l’enfant (son stade de maturation squelettique) d’heures, l’âge de l’enfant (exemple : pas plus
avec la catégorie dans laquelle il pratique sa ou ses de 8 h chez un enfant de 8 ans) ;
activités pour éviter qu’un entraînement ou des • la pratique en club ne doit pas excéder
compétitions trop intensives lui soient imposées. 8 mois sur l’année ;
Il faut demander à l’enfant comment se dérou- • faire respecter une période de repos sportif
lent les entraînements et notamment si des étire de 2 jours par semaine ;
ments musculaires sont réalisés. Idéalement, • encourager la pratique de sports variés pen-
ils devraient être effectués au cours de séances dant toute l’enfance et l’adolescence et retar-
spécifiques, car ils pourraient nuire à la perfor- der la spécialisation dans une activité unique ;
mance lorsqu’ils sont réalisés avant l’effort et ils • ne pas laisser les enfants et adolescents
s’entraîner pour la compétition dans plusieurs
pourraient aggraver des microlésions musculaires
clubs sportifs ;
lorsqu’ils sont réalisés après.
• des périodes de repos doivent être aména-
Bien que nous ne puissions être des spécialistes gées à la fin de chaque saison.
de toutes les activités sportives, il faut prêter
382 Traumatologie en pratique sportive
pas de fragment osseux libéré dans l’articulation La radiographie montre au stade initial une
et le cartilage articulaire est normal. plage sous-chondrale claire et l’IRM permet
d’évaluer l’intégrité du cartilage articulaire.
Ostéochondrite disséquante du capitelum L’évolution est souvent moins favorable que pour
L’ostéochondrite disséquante est une lésion focale la maladie de Panner. Les lésions stables à cartilage
du capitelum secondaire à une hyperpression de la continu peuvent bénéficier d’un traitement conser-
tête radiale sur le condyle latéral lors des sollici- vateur. La cessation totale de l’activité sportive pour
tations répétées en valgus. Elle survient plus tard une durée de 6 mois est nécessaire. Des indications
que la maladie de Panner. Elle touche surtout les chirurgicales sont posées devant l’échec du traite-
garçons entre 12 et 16 ans, dans un contexte de ment conservateur ou devant une instabilité ou un
surutilisation au cours de sports de lancer ou de corps étranger articulaire. Le traitement par arthro-
l’utilisation de raquettes. Les filles pratiquant la scopie améliore de façon significative la mobilité et
gymnastique sont également touchées. Le côté les douleurs. Un corps étranger libre peut être retiré
dominant est le plus souvent atteint. sous arthroscopie ou arthrotomie. Si le fragment est
La douleur est toujours présente, augmentée volumineux et pédiculé, il peut être reposé après
par l’effort. L’extension est souvent limitée. La avivement et fixé par une microvis (Figure 12.4).
survenue de blocages font suspecter un corps Un défect important du capitulum doit faire l’objet
étranger intra-articulaire. de perforations ou d’une greffe ostéochondrale.
Le pronostic est fonction de l’étendue de la lé (Figure 12.6). Classiquement, elle touche l’enfant
sion. Les études au long cours montrent que la de plus de 10 ans. La douleur est mécanique
moitié des patients gardent des douleurs et un fles- localisée au niveau de l’interligne tibiotalien. Le
sum du coude. Le retour à un sport de haut niveau bilan radiographique permet de faire le diagnos-
est souvent problématique chez les gymnastes. tic, en retrouvant une lacune bien limitée. L’IRM
permet d’apprécier la continuité de la surface
articulaire. Le traitement est symptomatique en
Atteintes au genou
première intention avec un arrêt des activités
L’ostéochondrite épiphysaire du condyle fémoral sportives. En cas de chronicisation ou d’atteinte
(le plus souvent médial) ou maladie de König, de la surface articulaire, un traitement chirurgical
est très fréquente. Elle touche préférentiellement doit être envisagé.
le garçon entre 10 et 13 ans. La douleur est
typiquement mécanique, mal localisée : « dou- Atteintes au pied
leurs à l’intérieur ». Des blocages faisant craindre
un fragment libre doivent être recherchés. L’exa- La maladie de Köhler-Mouchet est une ostéo-
men clinique peut retrouver une amyotrophie du chondrite de l’os naviculaire. Elle touche l’enfant
quadriceps ou une légère limitation de la flexion de moins de 8 ans. La douleur est mécanique, loca-
du genou. Un bilan radiographique doit être lisée sur le bord interne du pied. Radiologique
réalisé avec des clichés standard de face, de profil ment, l’os naviculaire peut apparaître dense ou
et en incidence en schuss. Il existe différents aplati. L’évolution est favorable en quelques mois.
stades radiologiques allant de la lésion lacunaire, Le traitement est symptomatique associant repos
bien limitée aux dépens du condyle médial, sportif, orthèses plantaires, voire immobilisation
jusqu’au séquestre libre dans l’articulation. Le plâtrée en cas de douleurs importantes.
traitement comporte initialement un arrêt des Ce type d’ostéochondrite peut également tou-
activités sportives de 6 mois. Une décharge peut cher la base du 5e métatarsien (maladie d’Iselin),
être proposée lors de douleurs importantes. Les la tête du 2e ou du 3e métatarsien (maladie de
deux critères de mauvais pronostic sont la matu- Freiberg) ou les sésamoïdes (maladie de Renander).
rité osseuse (physe fermée) et l’existence d’une Le traitement est essentiellement symptomatique.
lésion de grande taille. Les lésions de petite taille
chez un enfant immature ont une évolution
habituellement favorable sous traitement symp- Fractures–décollements
tomatique. Les lésions fermées de grande taille apophysaires
chez un enfant mature doivent faire discuter
un traitement chirurgical à type de perforations Les apophyses, sites d’insertion tendineuse ou
pour éviter une évolution vers une forme ouverte ligamentaire, sont reliées à la chondro-épiphyse
avec risque de séquelle articulaire nécessitant un par une zone cartilagineuse fragile. Elles sont
traitement plus lourd à type de greffe ostéochon- sujettes au décollement lors d’un traumatisme vio-
drale (Figure 12.5). lent en traction. Selon la localisation, les modalités
de traitement varient : elles sont orthopédiques ou
Atteintes à la cheville chirurgicales.
Il existe deux localisations typiques d’ostéochon-
drite disséquante au niveau du talus, dont l’étio- Au coude
logie serait différente. La forme postéromédiale
serait plutôt d’origine ischémique ou multifacto- Lors d’une luxation traumatique postéro-externe
rielle comme l’ensemble des ostéochondrites, la du coude, il se produit fréquemment un arrache-
forme antérolatérale serait d’origine traumatique ment de l’épicondyle médial. Le fragment doit être
386 Traumatologie en pratique sportive
Figure 12.5. Évolution d’une ostéochondrite du condyle médial du fémur droit chez un enfant de 12 ans.
a. Image radiologique typique de face. b. Importance du cliché en schuss rendant plus visible la lésion. c. IRM en coupe
frontale confirmant la forme fermée avec continuité cartilagineuse. d. Vue arthroscopique du cartilage articulaire.
e. Contrôle scopique des perforations. f, g. Guérison complète en 3 mois.
Ces deux lésions nécessitent une prise en charge ostéochondrale ou ligamentaire. L’hémarthrose
chirurgicale urgente pour une réduction et une n’est associée à une lésion ligamentaire bénigne
ostéosynthèse protégée par un cadre patellotibial. que de 30 % des cas (lésion du ligament ménis-
cofémoral ou méniscotibial avec respect du plan
superficiel).
Particularités des lésions Concernant la croissance du genou, les physes
du pivot central et des du tibia et du fémur proches du genou sont
ménisques au genou très fertiles et sont responsables de 70 % de
la croissance du membre inférieur. Les noyaux
d’ossification du fémur distal et du tibia proxi-
L’augmentation de la pratique sportive et de sa
mal apparaissent dès la naissance, mais l’épiphyse
précocité chez l’enfant a fait augmenter de ma
garde longtemps une grande composante carti-
nière significative la fréquence et la gravité des
lagineuse radio-transparente (ossification tardive
traumatismes pédiatriques du genou. Ce dernier
complète du tibia supérieur à 14–16 ans chez la
est particulièrement exposé dans les sports avec
fille et 16–18 ans chez le garçon).
« pivot » autour du genou, tels que les sports col-
La radiographie doit néanmoins être demandée
lectifs de ballon (football, handball, basket-ball,
en première intention. Elle est indispensable avec
rugby), les sports de raquette ou les arts martiaux,
au minimum des incidences de face et de profil.
ainsi que le ski, qui attirent énormément de
Elle est peu irradiante, peu coûteuse, rapidement
jeunes pratiquants.
accessible et souvent rentable pour le diagnostic
Si les contusions et plaies sont les premiers
positif ou différentiel.
diagnostics posés par ordre de fréquence lors des
En l’absence de lésion visible, la prescription
consultations aux urgences pour un traumatisme
d’une IRM et son délai doivent être raisonnés.
du genou, les lésions méniscales et ligamentaires
Tout patient ayant présenté une hémarthrose
ne doivent pas être méconnues pour bénéficier
post-traumatique doit avoir une IRM pour
d’un traitement adapté.
rechercher des lésions ostéochondrales, ménis-
cales ou ligamentaires.
Prise en charge Chez l’enfant de moins de 10 ans, l’IRM
d’une hémarthrose chez l’enfant doit être réalisée dans les 10 jours suivant le
traumatisme pour ne pas méconnaître une lésion
Juste après un traumatisme, l’examen du genou purement cartilagineuse non visible à la radiogra-
est souvent difficile en raison de la douleur induite phie dont le traitement est urgent.
par la palpation et la mobilisation. À distance, il Chez l’enfant de plus de 10 ans, il n’est pas
est plus contributif et il doit être répété. nécessaire de la demander avant 3 semaines et
Les circonstances de l’accident en cause sont après un nouvel examen par un spécialiste en
souvent difficiles à préciser. Néanmoins, il faut orthopédie pour évaluer cliniquement le genou
évaluer sa cinétique et l’énergie mise en jeu, (laxité, douleur ou épanchement résiduel).
son caractère direct ou indirect et si possible le En attendant, et pour diminuer les douleurs,
mouvement induit. Il est important de noter une immobilisation rigide du genou en extension
l’impotence fonctionnelle engendrée et faire pré- peut être mise en place. Les contentions souples
ciser la possibilité de reprendre l’activité et dans n’ont pas d’intérêt. Comme la plupart des arti-
quel délai (immédiatement, après quelques jours, culations du jeune enfant, le genou est rarement
arrêt définitif). atteint d’une raideur séquellaire après immobilisa-
La présence d’un gonflement articulaire tion. L’autorééducation se fera par la reprise des
important immédiatement après le traumatisme activités quotidiennes. Chez l’adolescent, il faut
est synonyme d’hémarthrose. Cet élément est cependant être plus prudent, limiter l’immobilisa-
capital à rechercher car il exprime la constitution tion à 3 semaines et encadrer la récupération par
d’une lésion intra-articulaire grave : méniscale, quelques séances avec un kinésithérapeute.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 391
Figure 12.11. Rupture du ligament croisé antérieur chez un garçon de 10 ans. Images d’IRM en séquence T2 FAT-SAT.
a. Atrophie des fibres supérieures et horizontalisation des fibres inférieures avec hypersignal T1. b. Signe indirect :
fermeture de l’angle du ligament croisé postérieur.
392 Traumatologie en pratique sportive
Le principal risque de la chirurgie de recons- Les trajets sont horizontaux et doivent néanmoins
truction du LCA spécifique à l’enfant est la être proches des physes pour respecter l’isométrie
constitution d’un trouble de croissance autour du transplant. Le passage du transplant « over
du genou. Il est quasi nul dans les dernières the top » au fémur (au-dessus du condyle fémoral
études. Les équipes de chirurgiens orthopédistes latéral) et « over the front » au tibia permet de
pédiatres, qui utilisent des techniques de recons- ne pas forer l’os en croissance au prix d’une
truction spécifiques à l’enfant, maîtrisent ce risque moins bonne isométrie et d’une fixation moins
et savent en gérer les conséquences. solide. Des tunnels transphysaires peuvent être
La balance est donc en faveur d’une reconstruc- réalisés s’ils sont de petit diamètre, forés à vitesse
tion précoce du LCA, d’autant plus que la lésion lente, très verticaux et assez centraux. Ce cahier
survient précocement dans la vie de l’enfant. En des charges est assez facile à appliquer au tibia,
effet, plus il est jeune, plus le risque d’instabilité moins au fémur. Des techniques mixtes associant
est important du fait de l’hyperlaxité physiolo- trajets épipysaires (surtout au fémur) ou « over the
gique et de la sollicitation importante du genou. top » et transphysaires au tibia sont régulièrement
L’attitude consistant à différer la reconstruction à pratiquées.
maturité osseuse n’est pas souhaitable, ou au prix La fixation du greffon ne doit pas être trans-
de lésions méniscales non réparables compromet- physaire.
tant l’avenir du genou. La seule exception notable La plastie antérolatérale associée à la recons-
est le cas de l’adolescent proche de la fin de crois- truction du LCA devient de plus en plus recom-
sance chez qui le parti peut être pris d’attendre mandée, car l’enfant et l’adolescent restent des
quelques mois, sous réserve de pouvoir maîtriser sujets sollicitant de manière importante leur greffe
l’instabilité et le risque de lésions méniscales. Il avec un risque de rupture itérative plus important
faut également rappeler que l’utilisation d’attelles que chez l’adulte. Elle rajoute néanmoins des
articulées n’a pas montré d’intérêt pour prévenir contraintes techniques supplémentaires pour la
l’apparition de lésions méniscales. fixation d’un greffon supplémentaire.
Dans les suites opératoires, quelle que soit
Traitements chirurgicaux la technique, une immobilisation stricte, plâtrée
Les techniques chirurgicales pédiatriques cher- ou en résine, du genou en extension est recom-
chent à prévenir la constitution d’une épiphy- mandée chez les enfants de moins de 10 ans.
siodèse lors du forage des tunnels osseux, du Les protocoles de rééducation sont adaptés des
protocoles pour les adultes. Quant à la reprise du
prélèvement, de l’implantation et de la fixation
sport, elle est autorisée à plus de 12 mois postopé-
du greffon. La conséquence en serait un potentiel
ratoires. Les limitations sélectives des activités sont
trouble de croissance.
difficilement observées chez les patients les plus
Le greffon os–ligament patellaire–os, utilisé
jeunes qui se mettent souvent en situation de pivot
dans la technique de Kenneth-Jones, régulière-
autour du genou même lors du jeu au quotidien.
ment pratiquée chez l’adulte est le seul qui ne
puisse pas être prélevé sans induire un trouble de
croissance sur la tubérosité tibiale antérieure qui Points clés
fusionne tardivement. Un greffon de ligament
• Une hémarthrose post-traumatique chez l’enfant
patellaire sans attache osseuse tibiale peut tout de ou l’adolescent exprime la constitution d’une lésion
même être prélevé. Tous les autres – ishiojambiers intra-articulaire grave (ostéochondrale, ligamentaire ou
(semi-tendineux et/ou gracile), tendon quadri- méniscale).
cipital, fascia lata – peuvent être prélevés de la • Une radiographie standard est impérative. En
même manière et avec les mêmes faibles taux de l’absence de lésion visible, la prescription d’une IRM
complications que chez l’adulte. et son délai doivent être raisonnés, mais en pratique
Les tunnels osseux doivent respecter certaines tout patient ayant présenté une hémarthrose post-
précautions. Dans certaines techniques, ils évitent traumatique doit avoir une IRM (dans les 10 jours chez
l’enfant de moins de 10 ans).
les physes en restant strictement épiphysaires.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 393
• En cas de rupture du LCA, le diagnostic clinique peut • le testing se fait habituellement sous anesthésie
être trompeur (possibilité d’un test de Lachmann phy- générale et est associé à une ponction de l’hémar-
siologique par hyperlaxité) et l’IRM affirme le diagnostic throse qui peut améliorer la réductibilité ;
et recherche une lésion méniscale ou cartilagineuse • une ostéosynthèse peut également être discutée.
associée. Celle-ci est indiquée pour les fractures de stade III
• En cas de rupture du LCA, un traitement purement et IV. Elle peut se réaliser sous contrôle arthrosco-
conservateur par rééducation est rarement indiqué sur le pique de la réduction. Cette synthèse doit rester
genou d’un enfant présentant certains critères : absence épiphysaire et épargner la physe tibiale. Elle peut
de ressaut rotatoire, aucune plainte fonctionnelle à la
se réaliser à l’aide de vis courtes ou en ramarrant
reprise des activités sportives, absence de lésion ménis-
cale déjà constituée. le LCA dans l’épiphyse au moyen de fils.
• Dans les autres cas, et particulièrement chez l’enfant En l’absence de traitement, cette fracture évolue
sportif, l’indication chirurgicale est retenue : la recons- vers la pseudarthrose car elle subit des contraintes
truction du LCA doit préserver les cartilages de croissance en traction par le LCA. Une reconstruction du
au cours du forage des tunnels osseux, du prélèvement, ligament devient nécessaire à la place d’une simple
de l’implantation et de la fixation du greffon. ostéosynthèse. Après consolidation anatomique,
la persistance d’une laxité par distension du LCA
préfracturaire peut rendre nécessaire une recons-
Fracture de l’éminence truction. Certains auteurs recommandent une
intercondylienne antérieure sur-réduction pour retendre le LCA.
du tibia
Lésions méniscales
Cette fracture, parfois dénommée de manière
réductrice « fracture des épines tibiales », est un L’incidence des lésions méniscales de l’enfant est
autre mode d’atteinte du pivot central. Il s’agit de actuellement mal connue : elle serait a priori rare
l’avulsion ostéochondrale de la zone d’insertion chez l’enfant de moins de 10 ans (de l’ordre de
du LCA au tibia. Le même type d’avulsion peut 1/100 000) ; 80 à 90 % des lésions méniscales
survenir au fémur, mais est beaucoup plus rare. seraient associées à une activité sportive et sont
Les déterminismes de la survenue d’une avulsion souvent concomitantes à d’autres lésions comme
ou d’une rupture intraligamentaire ne sont pas la rupture du LCA, des lésions chondrales et des
connus mais elle est plus fréquente chez le jeune fractures du tibia.
enfant. On explique classiquement que la résistance Les ménisques sont entièrement vascularisés à la
ligamentaire est supérieure à celle des structures naissance, puis la zone de vascularisation diminue
ostéochondrales en croissance. avec l’âge, persistant en périphérie. Ainsi à l’aube
Cette fracture est souvent facilement reconnue de l’âge adulte, seul le tiers périphérique le reste.
sur la radiographie du genou de profil. Néanmoins, Chez l’enfant et l’adolescent, la vascularisation
elle peut passer inaperçue sur des radiographies de méniscale est donc toujours supérieure ou égale à
jeunes enfants à l’épiphyse encore très immature. celle qui demeure chez l’adulte.
Son diagnostic ne peut alors se faire qu’à l’IRM Cela leur confère une très bonne capacité de
qui est nécessaire dans un délai de 10 jours pour cicatrisation après suture sous arthroscopie. Elle
tout traumatisé du genou de moins de 10 ans doit toujours être tentée en première intention.
ayant présenté une hémarthrose post-traumatique. Cependant la faisabilité du geste et sa chance de
Elle est classée selon Meyers et Mc Keever comme succès dépendent directement du délai de prise
chez l’adulte : en charge. Après 6 mois, les résultats sont moins
• les fractures de stade I sont traitées orthopédique bons et peuvent compromettre le capital méniscal.
ment par une immobilisation cruromalléolaire C’est un enjeu de les diagnostiquer au plus tôt.
de 6 semaines genou en extension ; Deux entités pédiatriques spécifiques doivent
• un traitement orthopédique peut être tenté sur être bien connues : le ménisque discoïde et les
les fractures de stade II sous réserve d’observer anomalies de signal de la corne postérieure du
une bonne réduction genou en extension ; ménisque médial.
394 Traumatologie en pratique sportive
Figure 12.12. Ménisque externe discoïde du genou droit chez une fille de 7 ans.
a. IRM préopératoire. b. Aspect à l’arthroscopie. c. Aspect après méniscoplastie.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 395
Modalités d’imagerie
En cas de douleur récente et peu intense, la
réalisation en urgence d’examens d’imagerie n’est
pas forcément nécessaire dans un premier temps.
En cas de récidive douloureuse, de persistance
des douleurs sur plusieurs jours, ou bien en cas
de douleur post-traumatique, la réalisation de
radiographies standard, de face et de profil est
recommandée dans un premier temps.
L’histoire complète et un examen physique sont
généralement plus productifs que les examens
d’imagerie pour établir un diagnostic et orienter
le traitement. Bien que la plupart des douleurs
rachidiennes chez les jeunes patients sportifs soient
d’origine musculaire, des examens d’imagerie plus
Figure 12.13. Anomalies de signal IRM (T2 FAT-SAT) poussés peuvent être envisagés, chez de jeunes
de la corne postérieure du ménisque médial chez un athlètes présentant des douleurs importantes cau-
garçon de 12 ans.
sées par un traumatisme aigu ou ne s’améliorant
pas avec un traitement conservateur après plusieurs
semaines. Parmi les éléments cliniques qui doivent
Rachis de l’enfant et sport susciter une inquiétude accrue figurent la douleur
nocturne, la raideur marquée des ischiojambiers,
Avec l’augmentation du nombre d’enfants et la douleur liée à l’hyperextension de la colonne
d’adolescents impliqués dans des activités spor- lombaire et toute anomalie de l’examen clinique
tives, les douleurs rachidiennes aiguës et chro- neurologique. Dans de tels cas, des radiographies,
niques sont devenues plus courantes. Les cliniciens une scintigraphie osseuse, une tomodensitométrie
qui soignent les enfants et les adolescents spor- et une IRM peuvent aider à identifier ou à exclure
tifs verront probablement de nombreux jeunes une pathologie grave.
patients se plaindre de maux de dos. Le jeune
athlète est soumis à d’importants stress répétitifs,
notamment sur la charnière thoracolombaire qui Lombalgies isolées
de surcroît est en croissance. Cette situation peut
causer des douleurs aiguës et des consultations Bien que la lombalgie ne soit pas la plainte la
plus fréquentes pour cette population de patients. plus fréquente chez les athlètes, elle est difficile
Les douleurs lombaires représentent 5 à 8 % des à diagnostiquer et à traiter pour le médecin du
blessures sportives. Il est important de toujours sport. Les facteurs prédisposant le jeune athlète à
se rappeler que si des pathologies rachidiennes la lombalgie comprennent la vélocité de la pous-
graves peuvent être une source de douleur pour sée de croissance, une augmentation brutale de
un patient sportif, la plupart des problèmes sont l’intensité ou de la fréquence de l’entraînement,
bénins et peuvent se résoudre simplement. Après une technique inappropriée, un équipement spor-
un examen minutieux des antécédents médicaux tif inadéquat et une différence de longueur des
et physiques, ainsi que l’utilisation judicieuse membres inférieurs.
des modalités d’imagerie, les causes de douleurs Les douleurs lombaires isolées sont principale-
rachidiennes peuvent être correctement diagnos- ment d’origine musculaire. Une faiblesse relative
tiquées et traitées afin que les jeunes athlètes puis- et souvent transitoire des muscles érecteurs du
sent reprendre rapidement leur activité sportive. rachis (masses musculaires sacrolombaires) et de
396 Traumatologie en pratique sportive
la musculature abdominale, ainsi que la raideur degré de douleur et sur le désir du jeune athlète
du rachis lombaire, des muscles ischiojambiers et de reprendre ses activités sportives. L’évolution
des fléchisseurs de la hanche peuvent contribuer est habituellement favorable et presque tous les
à l’installation d’un tableau de lombalgie chro- jeunes athlètes pourront reprendre des activités
nique. Des efforts de soulèvement ou de torsion sportives après un traitement réussi.
excessifs constituent la cause la plus courante de La spondylolyse associée à la dégénérescence
lombalgie chez les adolescents sportifs. précoce du disque L5-S1 reste difficile à traiter, et
La colonne vertébrale est fréquemment concer- la fusion intersomatique L5-S1 doit être envisagée.
née par des traumatismes, le plus souvent mineurs, Même avec la fusion, de nombreuses personnes
chez les jeunes athlètes et de nombreux problèmes peuvent reprendre le sport après plusieurs mois de
découlent d’une mauvaise technique sportive et rééducation structurée, bien qu’un nombre signi-
d’un déséquilibre musculaire. Un renforcement et ficatif d’athlètes ne parviennent pas à reprendre
un développement musculaire inadéquat condui- leur niveau d’activité antérieur à la blessure.
sent fréquemment à une hyperlordose, elle-même
pouvant majorer le retentissement douloureux
d’une spondylolyse, d’un spondylolisthésis, d’une Spondylolisthésis
hyperpression sur les processus articulaires lom- et autres anomalies
baires ou causer une douleur discogénique ou un de la charnière lombosacrée
syndrome du muscle piriforme.
Parmi les autres causes importantes de lombalgies
Spondylolyse nécessitant un traitement plus approfondi chez de
jeunes athlètes, on peut citer le spondylolisthésis,
La spondylolyse est la cause osseuse la plus les atteintes dégénératives du disque L5-S1 et les
commune de douleurs rachidiennes chez les jeunes fractures de fatigue de la plaque de croissance
athlètes. Bien que l’étiologie de cette pathologie du plateau sacré. L’articulation sacro-iliaque est
soit incertaine, des prédispositions génétiques et également sujette aux irritations et pourrait être
les traumatismes répétitifs ont été fortement sus- responsable de douleurs lombosacrées.
pectés. Les athlètes qui participent à des sports Le spondylolisthésis lombosacré est un glisse
impliquant une hyperextension répétée et éner- ment réciproque de L5 en avant de S1. Il est
gique de la colonne vertébrale peuvent souffrir de fréquemment associé à une spondylolyse symp-
douleurs liées à une hyperpression sur les proces- tomatique ou non, mais évolue rarement. La
sus articulaires, une spondylolyse ou un spondy- poussée de croissance de la colonne vertébrale
lolisthésis. Les joueurs de football, les rameurs, pubertaire associée à un déséquilibre lombosacré
les danseurs et les gymnastes présentent des taux préexistant (cyphose lombosacrée) constitue les
élevés de lombalgies associées à une spondylolyse. deux principaux facteurs de risque d’aggravation
L’IRM ainsi que la tomographie par émission du glissement, alors que l’activité sportive, même
de positons (TEP) semblent être utiles dans le à un niveau élevé, ne l’est pas. Une détection pré-
diagnostic précoce de la spondylolyse chez un coce des jeunes athlètes présentant une cyphose
jeune sportif douloureux avec des radiographies lombosacrée intrinsèque responsable d’un dés-
standard non contributives. équilibre régional est obligatoire pour se concen-
La spondylolyse isolée est une affection trer sur les candidats au risque élevé de glissement
bénigne qui devient rarement symptomatique progressif. Des anomalies de l’équilibre sagittal
et répond bien aux mesures conservatrices. La du tronc associées à une augmentation de la
spondylolyse douloureuse peut être traitée avec lordose lombaire, une diminution de la cyphose
une limitation transitoire de l’activité, un pro- thoracique, une rétroversion du bassin avec des
gramme d’exercices spécifiques incluant une contractures des ischiojambiers soulignent l’exis-
rééducation spécifique et une orthèse lombo- tence d’une forme progressive de spondylolis-
pelvienne. Le traitement doit être fondé sur le thésis associée à une cyphose lombosacrée.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 397
comme des gymnastes ou des joueurs de tennis. des déformations de la scoliose. Il n’est pas recom-
Cette lésion peut être diagnostiquée par un scan- mandé de faire du sport avec le corset. Le proto-
ner ou une IRM chez des patients présentant une cole de port du corset (ainsi que le spécialiste de la
douleur intense et localisée, notamment en hyper- scoliose !) doit permettre de retirer le corset suffi-
extension du rachis. samment longtemps pendant la journée pour per-
mettre à l’athlète de poursuivre son entraînement
et sa pratique sportive (Figure 12.15). De plus,
Dégénérescence discale une bonne qualité physique favorisant la flexibilité
et la statique de la colonne vertébrale, il est tout à
Le sport de haut niveau équivaut à un test bioméca-
fait logique et même indispensable qu’elle puisse
nique qui révèle la réponse biologique individuelle
être poursuivie. Lors de scolioses sévères et évolu-
de la colonne vertébrale en croissance aux forces
tives, une discussion au cas par cas est obligatoire
liées au sport. Les perturbations de croissance
à la fin de la période de croissance. Si la plupart
symptomatiques ou asymptomatiques, telles que la
des scolioses nécessitent un traitement chirurgical
maladie de Scheuermann, les scolioses ou les frac-
à l’adolescence pour une angulation (angle de
tures de fatigue, représentent les problèmes les plus
Cobb) supérieure à 50°, chez les jeunes athlètes,
fréquemment rencontrés chez les jeunes athlètes.
les limitations fonctionnelles sont plus impor-
Les lésions les plus fréquentes sont retrouvées à la
tantes que le risque théorique de progression de la
jonction du plateau vertébral et du disque : hernie
déformation et de dysfonctionnement respiratoire
discale intraspongieuse, perturbations de la crois-
au début de l’âge adulte. Dans de telles situations,
sance vertébrale antérieure avec cunéïformisation
l’option chirurgicale doit être discutée au cas par
vertébrale, fractures de l’anneau apophysaire (lis-
cas ; le plus souvent, elle est différée après la fin de la
tel marginal). Ces lésions se produisent souvent
carrière sportive du patient. Bien que le cas de
lorsque les contraintes biomécaniques dépassent
chaque patient présentant une scoliose nécessitant
la résistance mécanique des plaques de croissance.
un traitement chirurgical soit préoccupant, il est
Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés
important de respecter l’individualité du jeune
pour la dégénérescence du disque intervertébral
athlète et d’évaluer la situation individuelle dans
chez les jeunes athlètes. Cependant, les causes
sa globalité avant de recommander un traitement.
ne sont pas bien comprises et peu d’études pros-
pectives ont été réalisées sur cette maladie chez les
adolescents. Des facteurs de risque de progression Recommandations
significatifs ont été étudiés chez des joueurs de thérapeutiques
football américain dans des lycées américains. Ces
Fort heureusement, la majorité des cas de lombal-
jeunes athlètes, dès lors qu’ils avaient des hernies
gies chez les adolescents est d’origine musculaire
discales intraspongieuses ou une hernie discale au
et répond bien au traitement conservateur. Le
travers de l’annulus, étaient considérés comme pré-
traitement précoce d’une lombalgie aiguë, par
sentant un risque de progression de la dégénéres-
exemple à l’occasion d’un traumatisme mineur,
cence discale s’ils continuaient à jouer au football
comprend la cryothérapie, l’électrostimulation, des
américain pendant leurs deux années de lycée.
médicaments anti-inflammatoires et des exercices
légers. Le repos au lit prolongé doit être évité car
Scoliose et sport l’atrophie musculaire peut survenir rapidement.
Les analgésiques puissants sont également générale
Les jeunes athlètes peuvent avoir une déforma- ment contre-indiqués, sauf le soir et la nuit, car ils
tion de la colonne vertébrale totalement indé- masquent la douleur et peuvent encourager une
pendante de leur pratique sportive. Ces athlètes activité trop intense.
doivent être encouragés à continuer les activités Les exercices de renforcement précoces compren
sportives au même niveau. Le port de corsets est nent les exercices en flexion de Williams et/ou les
couramment utilisé pour prévenir la progression exercices d’éducation rachidienne de McKenzie.
Chapitre 12. Traumatologie en pratique sportive chez l’enfant et l’adolescent 399
Ces deux protocoles d’exercices peuvent souvent après la carrière sportive étaient déjà présentes
être prescrits de façon concomitante. Les athlètes préalablement. Certaines anomalies constatées
ayant une hernie discale ne doivent toutefois effec- dès le plus jeune âge peuvent se dégrader de
tuer que des exercices d’extension au début. Les manière plus ou moins importante au cours du
athlètes souffrant de spondylolyse, de spondylolis- suivi, probablement en raison d’une combinaison
thésis et d’une irritation des processus articulaires d’activités sportives intensives et d’un vieillis-
devraient initialement être limités aux exercices en sement normal. Des mesures préventives doivent
flexion. être envisagées pour éviter le développement de
Les stratégies thérapeutiques multimodales ont ces lésions chez les plus jeunes athlètes.
plus de succès que les traitements orthopédiques L’appréciation des différences anatomiques, de
isolés et purement somatiques. Les mesures la croissance et de la cinématique de la colonne
actives préventives primaires et secondaires, le vertébrale facilite l’évaluation de chaque individu.
contrôle médical régulier du sport, la sensibilisa- Divers facteurs sont susceptibles de compliquer
tion aux pathologies rares mais potentiellement l’évaluation et le traitement, mais une approche
désastreuses et la reconnaissance des syndromes organisée mettant l’accent sur les variations
douloureux chroniques sont les pierres angulaires interindividuelles physiologiques de la colonne
du traitement efficace des troubles de la colonne vertébrale immature permettra de proposer des
vertébrale au cours de la croissance. recommandations et des traitements toujours plus
Les jeunes athlètes qui pratiquent un sport avec appropriés.
des contraintes importantes sur l’axe rachidien
courent un risque élevé de dégénérescence dis-
cale et d’autres anomalies de la colonne verté- Conclusion
brale en IRM. Ils se plaignent plus fréquemment
de lombalgies. La plupart des anomalies de la En dépit des risques, les enfants et adolescents
colonne vertébrale surviennent chez les athlètes doivent être encouragés à pratiquer une activité
en période de poussée de croissance, et la majorité sportive. Les bénéfices sont multiples : physique,
des anomalies diagnostiquées lors du suivi IRM psychologique et social.
400 Traumatologie en pratique sportive
Le squelette en croissance est une structure pratique sportive diversifiée doit être encouragée
fragile. La pratique doit donc être cadrée pour ne tout au long de l’enfance.
pas générer de lésions chroniques ou aiguës. Il faut pouvoir impliquer l’enfant lui-même, ses
Des temps de repos suffisants doivent être parents et son entraîneur dans la prise en charge
ménagés pour ne pas sursolliciter l’enfant. Une des lésions chroniques.
Chapitre 13
Traumatismes craniofaciaux
Fractures
Les fractures coronaires sont immédiatement
objectivables mais ont des degrés de sévérité
différents selon que la pulpe est exposée ou non.
Pour une fracture coronaire simple, sans expo-
sition pulpaire, il est important de retrouver le
fragment et de le conserver dans un milieu humide
en attendant le rendez-vous chez le chirurgien-
dentiste. Un flacon de sérum physiologique ou
Figure 13.9. Blocage intermaxillaire aux élastiques.
simplement de l’eau suffit. Ce fragment sera collé
à l’aide d’un composite. Le soin peut être réalisé
le lendemain.
(coronaire et radiculaire), les luxations (déplace- Pour une fracture coronaire compliquée, avec
ments de la dent) et enfin l’expulsion. Toute dent exposition pulpaire, la pulpe est visible, soit partielle-
traumatisée, quel que soit le type du traumatisme, ment, un simple point rouge est alors apparent, soit
devra bénéficier d’une prise en charge et d’un en totalité. La dent est particulièrement sensible aux
suivi du maintien de sa vitalité. variations thermiques. La contamination bactérienne
408 Traumatologie en pratique sportive
de la pulpe est immédiate et une prise en charge Lors d’une extrusion la dent est très mobile,
rapide est recommandée. Suivant la durée de l’expo- partiellement déplacée axialement hors de son
sition pulpaire à la salive et l’étendue de la surface alvéole. Les parois osseuses sont respectées, le
exposée la dent sera dépulpée ou non (figure 13.10). ligament alvéolodentaire déchiré et le paquet vas-
La fracture radiculaire n’est diagnostiquée que culonerveux étiré, voire sectionné. Cliniquement,
radiologiquement mais la mobilité de la dent est le saignement est important et le patient ne peut
un signe clinique qui doit alerter. plus fermer la bouche. Le geste d’urgence est de
remettre la dent en place et de faire mordre le
Luxations patient sur plusieurs compresses repliées (un mou-
choir en papier ou du papier absorbant peuvent
Le terme de « luxation dentaire » est utilisé car la être utilisés) afin de bloquer la dent et d’éviter
racine de la dent est reliée à l’os par le ligament qu’elle ne redescende. Le patient doit consulter
alvéolodentaire. Lors du traumatisme, ce ligament est immédiatement pour un examen radiologique afin
étiré ou comprimé, tout comme un ligament clas- de vérifier l’intégrité radiculaire et la mise en place
sique, avec une partie de ses fibres déchirées. d’une contention pour une durée de 15 jours.
Selon la direction du choc, la dent est déplacée L’intrusion, ou impaction, est le déplacement
dans son alvéole soit latéralement ou axialement, axial de la dent dans l’os alvéolaire. Cliniquement,
soit en direction palatine (vers l’arrière), soit en la dent n’est plus alignée avec les dents adjacentes.
direction vestibulaire (vers l’avant). Elle n’est pas Son enfoncement s’accompagne d’une fracture
mobile car bloquée contre la paroi de l’alvéole qui du fond de l’alvéole, d’un écrasement du ligament
est alors fracturée. Le patient doit être pris en charge et du paquet vasculonerveux. Il n’y a pas de geste
rapidement afin de remettre en place la dent et de d’urgence à pratiquer et la consultation chez le
réaliser une contention qui sera laissée 15 jours. dentiste peut se faire le lendemain.
Figure 13.12. Othématome droit (a) : incision puis drainage (b) et compression par un bourdonnet (c).
Chapitre 14
Urgences de terrain
cas/an) lors d’un entraînement, d’un match ou • Poser le défibrillateur le plus vite possible : les
parmi les spectateurs. défibrillateurs sont de deux types soit automa-
La prise en charge est bien codifiée actuellement. tique, soit semi-automatique. L’utilisation est
Il faut être capable de reconnaître un arrêt car- très simple dès lors qu’une formation initiale
diaque et de déclencher toute une chaîne de survie. a été réalisée. L’application des électrodes est
toujours la même et peut s’effectuer pendant
Étiologies des arrêts cardiaques le MCE ; il suffit de suivre les instructions
• 80 % d’affections cardiaques : délivrées par le défibrillateur mais cela ne dis-
– troubles du rythme ventriculaire (88 %) ; pense en rien d’arrêter la réanimation cardiores-
– commotio cordis (20 %) pour certains sports ; piratoire sauf au moment de l’analyse et de la
– causes circulatoires (hypovolémique, rupture délivrance éventuelle d’un choc.
d’anévrisme) ; • Si vous disposez d’un ballon autoremplisseur à
– causes non cardiovasculaires (asthme, valve unidirectionnelle (BAVU) sur place et de
dopage…). l’oxygène et que vous êtes au moins deux, vous
• 15 % d’affections pulmonaires. posez un masque avec débit maximum d’oxy-
• 5 % divers. gène et vous ventilez 2 fois toutes les 30 MCE.
Il faut connaître les manœuvres d’ouverture des Tableau 14.1. Bronchospasmes induits par l’effort
voies aériennes supérieures : chez le sportif
• positionner la tête en arrière : le plat de la main Facteurs Facteurs moins
placée sur le front fait pression en bas et arrière ; favorisants favorisants
• et lever le menton : deux doigts de l’autre main Type d’exercice Continue Intermittent
placés sous le menton soulèvent la mâchoire Fréquence FC > 160 batte- FC < 140 batte-
inférieure. cardiaque (FC) ments/min ments/min
pendant exercice
En cas de traumatisme cervical suspecté (ma
chez l’enfant
nœuvre à privilégier) :
Sport Course à pied Natation
• placer les mains de chaque côté de la tête de la
victime, les coudes posant sur le même plan que Hygrométrie Air sec et froid Air humide
son dos ; Période allergique ++ −−
• soulever les deux angles mandibulaires avec les Qualité de l’air Pollution atmo- Air pur
quatre doigts en crochet, les pouces ouvrant la sphérique
bouche. Traitement asthme Inadapté Adapté
En cas de respiration satisfaisante, installer le
patient en position latérale de sécurité. Les éléments de gravité (tableau 14.2) sont à
Si une réanimation peut se réaliser sur le terrain rechercher.
avec des médecins formés, il faut poser au moins Le traitement repose sur les éléments suivants :
une voie d’abord avec du sérum physiologique • on peut utiliser des chambres d’inhalation ou
tout en continuant le MCE, poser une canule de mieux des aérosols sous oxygène avec de la terbu-
Guédel et administrer les « drogues » préconisées taline, de l’ipratropium bromure ou du budéso-
selon les dernières recommandations européennes nide selon des dosages bien précis ;
de 2018 comme l’amiodarone, la lidocaïne et le • une corticothérapie orale peut être débutée
magnésium. à 1 mg/kg ;
• le patient est mis sous oxygène entre les aérosols
Asthme qui peuvent se succéder tant que le peak-flow n’a
pas atteint une valeur au moins égale à 60 % de
C’est une association de bronchoconstriction et la valeur théorique.
d’inflammation entraînant une gêne à l’expiration L’auscultation pulmonaire est régulière.
de l’air. Cette pathologie fréquente est la cause Plus la crise est traitée tôt, plus le recours à une
d’encore environ 500 décès/an et chez le sportif réanimation lourde est peu probable.
l’incidence est de 2 pour 100 000. Il existe en
plus chez le sportif des bronchospasmes induits
Tableau 14.2. Asthme, bronchospasmes induits
par l’effort (BIE). par l’effort et éléments de gravité
Les facteurs retrouvés favorisant le BIE et ceux
Signes Évaluation
limitant l’apparition du BIE sont présentés dans
Parole Possible/impossible
le tableau 14.1.
Les différents sports susceptibles de favoriser Toux Possible/impossible
un BIE sont les suivants : course à pied longue Conscience Normale/obnubilation
distance, basket-ball, football, cyclisme, rugby, Fréquence respiratoire Normale/pause respiratoire
biathlon, hockey sur glace, patinage artistique. Fréquence cardiaque Tachycardie/bradycardie
Les moins favorisants sont les suivants : football Pression artérielle systolique < 100 mm Hg
américain, base-ball, sprint, gym, lutte, golf, boxe,
Pouls paradoxal Baisse de la pression artérielle
sports de raquette, water-polo, plongeon, natation. systolique > 20 si inspiration
Pour les sports aquatiques pratiqués en piscine,
Sibilants Présents/silence auscultatoire
il faut suivre les nageurs qui peuvent développer
Débit expiratoire de pointe
un asthme induit par les produits chlorés. < 100
Chapitre 14. Urgences de terrain 415
Le traitement est autorisé par l’Agence mon- mais préférable avec de l’air froid pulsé (0,2°/
diale antidopage (AMA) sans demander d’autori- min) au minimum 20 min ;
sation d’usage à visée thérapeutique (AUT) pour • réhydratation (correction moitié déficit en 6 h) ;
corticoïdes et salbutamol inhalés. • traitement de la cause : infectieuse, métabo-
lique, neurologique, cardiovasculaire.
Hyperthermie d’effort
Commotion cérébrale
Celle-ci est à craindre dès que la température
extérieure est élevée. Si une commotion cérébrale est avérée, le médecin
La physiopathologie est la suivante : doit arrêter immédiatement le sportif et celui-ci
• défaillance des mécanismes de régulation ; ne peut pas reprendre la compétition. En fonction
• absence d’évacuation de la chaleur produite par du sport, le médecin doit prévenir le corps arbitral
organisme ; ou l’organisateur que ce sportif ne pourra pas
• métabolisme basal = 100 kcal/h pour 70 kg reprendre la compétition.
environ ; Le rôle du médecin est d’appréhender si le spor-
• réchauffement du corps = 1 °C/heure ; tif est apte à reprendre la compétition ou s’il doit
• coup de chaleur = hyperthermie extrême avec l’adresser aux urgences. Il s’aidera notamment du
troubles neurologiques et des organes cibles. dernier questionnaire SCAT5 (Sport Concussion
Il existe quatre mécanismes de dissipation : Assessment Tool 5th edition).
• conduction = contact physique direct : 2 % ; Souvent associé à cette commotion cérébrale,
• convection = transfert vapeur d’eau à l’exté- le rachis cervical peut être touché. En cas de
rieur : 10 % ; doute, le médecin doit prendre toutes les précau-
• radiation = ondes thermiques : 65 % ; tions sur le terrain avant de mobiliser le sportif
• évaporation= sueur : 30 %. (immobilisation dans un collier cervical, examen
Du fait des phosphorylations oxydatives appa- neurologique et recherche de paresthésies distales
raissent dès 42 °C des lésions tissulaires. décrites par le sportif).
Les signes cliniques sont les suivants :
• troubles neurologiques fréquents (ataxie, hallu-
cinations, troubles du comportement, céphalée, Pathologies urgentes
confusion, perte de connaissance) ; traumatiques
• température > 41 °C, transpiration ;
• nausées, vomissements ; Nous abordons ici les principales situations que
• déshydratation ; le médecin est susceptible de rencontrer sur le
• troubles circulatoires (tachycardie, hypoten- terrain en essayant de proposer une conduite à
sion, troubles du rythme) ; tenir (voir chapitre 13).
• coagulation intravasculaire disséminée.
Le traitement repose sur les éléments suivants : Face
• prévention par acclimatation si possible, hydra-
tation avant et pendant l’effort ; Devant la présence d’une épistaxis d’origine trau-
• soustraire le sportif de l’atmosphère chaude ; matique, il faut savoir éliminer une lésion des os
• augmenter la perte par conduction (aération) : propres du nez (OPN). Sans déformation évidente,
le sujet peut rester habillé ; l’examen clinique peut se contenter d’un examen
• monitorage ; cutané, d’une recherche d’obturation narinaire
• refroidir par immersion dans de l’eau glacée et à l’aide d’un otoscope d’analyser les fosses
(bains froids ou bâche remplie d’eau et de nasales. Après compression bidigitale si celle-ci est
glaçons posée au sol et relevée aux quatre réalisable, un mêchage bilatéral est préférable avec
coins par des secouristes) au mieux, sinon glace soit du Mérocel®, soit du Surgicel®, soit du simple
sur le corps ou perfusion de solutés refroidis, coton.
416 Traumatologie en pratique sportive
En cas de fracture déplacée des OPN, une Il faut examiner la plaie dans de bonnes conditions
réduction dans l’axe peut être tentée sur le terrain et décider du geste thérapeutique à adopter. Soit la
en fonction de l’expérience du médecin. plaie peut être traitée sur le terrain dans un local
En cas de lésion péri-orbitaire, il faut rechercher adapté en utilisant l’un des moyens de fermeture mis
une fracture du cadre orbitaire et surtout s’assurer à disposition (Steri-Strip®, colle, suture, agrafe), soit
de l’intégrité de la vision du sportif. Au moindre la plaie n’est pas suturable sur le terrain et le sportif
doute sur une fracture, le sportif est évacué pour doit être dirigé vers un service d’urgence.
bilan d’imagerie. Il faut vérifier le statut vaccinal du sportif et
En cas de lésion cornéenne, le plus souvent soit lui proposer une vaccination antitétanique à faire
par un doigt soit par un objet comme une balle, rapidement s’il n’est pas à jour.
l’examen ophtalmologique doit être complet sur la Attention, le risque de piqûre septique est pos-
mobilité, la vision. Il faut rechercher une diplopie, sible sur le terrain !
une hémianopsie homolatérale, un hyphéma… Si jamais un risque de contamination existe
Faire attention aux dermabrasions cornéennes qui (virus de l’immunodéficience humaine ou VIH,
peuvent brusquement se transformer en kératite hépatites B et C), le médecin doit suivre les
nécessitant un traitement rapide ! protocoles réglementaires en cours concernant
En cas de chute d’une lentille de contact sur la le traitement à appliquer en cas d’un risque de
surface de jeu, celle-ci ne doit pas être remise en contamination par le VIH.
l’état au niveau de l’œil mais doit être changée et
nettoyée par des solutions adéquates avant tout
repositionnement. Tronc et abdomen
En cas de traumatisme mandibulaire, s’assurer
Lors d’un traumatisme thoraco-abdominal, le
de l’absence de fracture et vérifier l’état dentaire.
médecin s’attache surtout à rechercher une lésion
S’il s’agit d’une luxation dentaire, retrouver la
des organes sous-jacents à savoir poumons et
dent, la nettoyer sans frotter avec de l’eau ou du
cœur à l’étage thoracique et foie, rate, et reins à
sérum physiologique en la tenant par la couronne,
l’étage abdominal pour ne citer qu’eux.
puis la réimplanter dans son alvéole et placer une
En cas de doute sur une possible lésion sous-
compresse que le sportif devra serrer. S’il s’agit
jacente, le sportif est dirigé vers un service d’urgence.
d’une fracture dentaire, récupérer le fragment si
Le médecin, s’il possède un appareil d’échographie
possible et le conserver dans un liquide approprié
portable, peut réaliser une FAST écho (focused
(sérum physiologique, lait).
assessment with sonography in trauma) et avoir déjà
En cas de luxation dentaire chez l’enfant de
une idée sur une éventuelle atteinte de ces organes.
moins de 12 ans, lui prescrire des antibiotiques
La fracture de côte n’est qu’un diagnostic
type amoxicilline, ou tétracyclines en cas d’allergie,
d’élimination.
pendant 7 jours.
Le sportif doit être adressé chez le dentiste dans
l’heure qui suit en cas de luxation dentaire, dans les Membre supérieur
24 à 36 h pour les autres traumatismes.
Afin d’éviter ce type de lésion, il est fortement Les traumatismes le plus souvent rencontrés sont :
conseillé dans les sports à risque de porter un • au niveau des épaules :
protège-dents effectué sur mesure. – luxation gléno-humérale,
– entorse acromioclaviculaire,
Plaies – fracture de la clavicule,
– lésion de la coiffe des rotateurs,
Avant de prendre en charge une plaie, plusieurs – atteintes sternoclaviculaires : il faut s’en
points doivent être vérifiés : méfier et les rechercher systématiquement ;
• le siège ; • au niveau des coudes :
• la profondeur ; – luxation postérieure,
• existe-t-il une hémorragie ? – fracture de la palette humérale,
Chapitre 14. Urgences de terrain 417
après 15 ans au Centre technique national de Après, rapidement, il faut confronter ses
Clairefontaine, je ne l’ai pas laissée passer. Pour dire connaissances avec le sportif. Cela peut se faire en
que ce désir était important dans mon choix ! Il a été consultant au cabinet, le plus simple et efficace,
guidé par la passion du football et celle de l’exercice mais aussi au stade, au plus près de l’activité du
de la médecine de terrain. Footballeur amateur dès joueur. Pour créer un lien fort avec eux, rien de tel
mon plus jeune âge, la semaine et les week-ends que de les suivre sur le terrain, être auprès d’eux
étaient rythmés par le football, les entraînements quand ça va bien, mais surtout quand ça va mal,
et les matchs en club. Mais rythmées aussi par blessure ou pas. En cas de lésion (déchirure mus-
les retransmissions télé des épopées stéphanoises, culaire, fracture, entorse…), on apprend à se faire
bastiaises et sochaliennes des années 1970, celles la main au bord du terrain ou dans le vestiaire, à
de l’équipe de France de la génération Platini ; et recueillir les informations essentielles du méca-
rythmées encore et toujours par le football au stade nisme lésionnel et les signes fonctionnels, à faire
Jean-Bouin à supporter l’Angers Sporting Club de le premier examen dans les minutes qui suivent.
l’Ouest. Plus qu’une simple passion donc, comme On sait que cet examen est précieux dans bon
la plupart de mes collègues médecins de club. nombre de pathologies, les entorses de cheville et
Très vite à la fac, pour le futur médecin de terrain, du genou par exemple quasiment inexaminables
les cours d’anatomie ostéo-articulaire deviennent le lendemain. Prendre le temps de l’examen,
passionnants. On avale le certificat de l’appareil rougeur, gonflement, chaleur, laxité, testing mus-
locomoteur et celui de rhumatologie et l’affaire est culaire et tendineux, tout cela peut s’apprendre
lancée. Très tôt dans les gardes, on a une attention très vite au bord d’un terrain ou dans un vestiaire.
toute particulière pour tous les sportifs qui arrivent On va vous demander d’être compétent et
aux urgences : entorses de cheville et du genou, d’avoir de l’expérience. La compétence s’apprend
fractures de tout poil… On fait ses premiers plâtres à la fac et sur le terrain, en cultivant la pertinence
ou premières résines. Les services d’orthopédie et de son jugement et les orientations que l’on va
de rhumatologie sont des passages obligés pour proposer au joueur. Mais comment avoir de l’expé-
nos stages hospitaliers. On se familiarise ainsi avec rience en sortant de la faculté ? Un bon moyen est
le bloc opératoire, les plasties, les réductions de très certainement de ne pas hésiter à se confronter
fracture, on apprend à examiner les articulations, à au monde amateur, dès les premiers temps des
lire une radiographie, une IRM… Pour tout ce qui études, à s’intéresser aux joueurs de son équipe
touche aux muscles et aux tendons, à la pathologie et de son club en général si l’on pratique encore,
chronique, l’internat permet d’approfondir son à leurs petites ou grandes pathologies : on leur
approche et les consultations de traumatologie du fait raconter leur parcours, la blessure, la prise
sport avec les patrons. En stage dans le service de en charge, pourquoi, quand et comment. Il faut
rééducation fonctionnelle, on se rapproche alors se montrer curieux, se montrer disponible aussi,
des kinésithérapeutes pour comprendre leur rôle, comme lorsqu’on est de garde à l’hôpital. Savoir
leurs techniques et leur impact auprès du patient : réaliser un pansement, apprendre les gestes des
en particulier, dans les suites postopératoires de la kinésithérapeutes aussi, les étirements, le massage,
ligamentoplastie du genou ou de la chirurgie de les strappings et autres tapings sont un très bon
coiffe des rotateurs ; mais même les pathologies moyen pour s’attirer la confiance d’un sportif et
neurologiques et rhumatologiques attirent notre appréhender une bonne prise en charge.
attention… On se rapproche aussi du laboratoire Médecin de club, c’est s’occuper de la trauma-
de physiologie pour comprendre les fonctions tologie, de la rééducation et de la réadaptation
cardiaques, ventilatoires et musculaires à l’effort, sur le terrain, mais c’est aussi savoir proposer un
l’impact de l’entraînement, de ses différents types travail de prévention aux joueurs, s’occuper de
(endurance, intermittent, puissance…), l’intérêt leur hygiène de vie, de leur diététique, de leur
des explorations fonctionnelles, comment les utili- sommeil, faire des visites d’embauche, leur donner
ser pour améliorer les performances athlétiques des une information sur le dopage. Sans doute que le
sportifs, mais surtout comment les utiliser en phase diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine
de réadaptation après blessure. physique et réadaptation est le plus adapté pour
Chapitre 14. Urgences de terrain 419
devenir un jour médecin de club, mais sans que et médecin de l’équipe de France championne du
ce soit une nécessité absolue. En revanche, les monde en 1998) explique que nous, médecins
formations que l’on doit conseiller sont : une de club, nous n’avons pas qu’une obligation de
capacité en biologie et médecine du sport et un moyens, mais que nous avons également une véri-
diplôme universitaire (DU) complémentaire de table obligation de résultat. Et c’est bien le cas. On
traumatologie du sport (il existe depuis 2016 un doit avoir des résultats. Les statistiques en football
diplôme interuniversitaire ou DIU de traumato- nous montrent que 5 à 15 % des joueurs sont en
logie du football) ; un DU de thérapie manuelle salle de soins chaque jour. Une bonne statistique se
pour apprendre au mieux toute la finesse de situe en dessous de 10 %. Au-delà, il faut commen-
l’examen clinique et quelques techniques manipu- cer à se poser des questions, et les bonnes. Un club
latives ; un diplôme de préparation physique pour investit de l’argent sur un joueur, achat et salaire,
bien appréhender le football dans sa dimension il demande donc un retour sur cet investissement.
athlétique ; un DIU d’échographie de l’appareil C’est sur le terrain qu’il l’aura, pas dans une salle de
locomoteur parce qu’il s’agit d’un allié de choix au soins. Donc l’objectif devant toute pathologie est
centre d’entraînement et que beaucoup de clubs clair : un retour du joueur sur le terrain avec toutes
disposent de matériel d’échographie ; sans doute ses capacités, le plus vite possible et sans risque de
aussi, un DU de nutrition du sportif. récidive. Cette pression fait partie du quotidien.
Médecin de club, il va falloir obtenir la confiance Très tôt ainsi, j’ai souhaité mettre en place des
du joueur, celle de l’entraîneur et de son staff, statistiques en traumatologie. Les premières que j’ai
celle de toute son équipe de soins, les kinésithéra- publiées en 2006 décrivaient la traumatologie des
peutes, le podologue, l’ostéopathe… La médecine jeunes footballeurs de l’Institut national du football
est affaire d’humilité aussi. Ne pas trop s’embal- (âgés de 13 à 16 ans, sur 10 ans de 1993 à 2003).
ler après quelques bonnes intuitions et prises en Dès que j’ai intégré le milieu professionnel, le Lille
charge. Attention, la tuile n’est pas loin ! Mais il Olympique Sporting Club, puis l’Olympique de
faut reconnaître qu’il ne faut trop en avoir non plus, Marseille, j’ai fait de même. Outre la possibilité
elle pourrait vous desservir de temps en temps si le de publier, c’est un véritable outil pour comprendre
joueur y voit un manque d’assurance. Il faut savoir le quotidien, savoir où on se situe dans les blessures,
faire preuve de caractère, c’est évident : on ne parle leur nombre, mais aussi le type de pathologie, les
pas de médecine, mais bien de relations humaines. récidives… Les messages sont plus faciles à faire pas-
Dans un cabinet en ville, vous êtes face à face avec ser auprès d’un entraîneur, du préparateur physique
le joueur, aucun rapport de force ne s’établit dans et des kinésithérapeutes lorsqu’on a ces données
cette relation, juste une relation de confiance. Il en entre les mains. Le meilleur exemple que je peux
va tout autrement avec le staff technique, le pré- donner d’une bonne utilisation des statistiques de
parateur physique mais aussi les kinésithérapeutes. terrain est celui-ci : j’étais médecin à Clairefontaine
Chacun doit être à sa place, mais malheureusement depuis 1993 ; au pôle Espoirs féminin créé en 1998,
ce n’est jamais le cas. Tout le monde donne son nous avions deux à trois ruptures du ligament croisé
avis sur tout, pour ce qui nous concerne ce sera sur par an à prendre en charge. Un vrai traumatisme
le diagnostic et la prise en charge qui sont souvent physique et psychologique pour ces adolescentes
sujets à discussion. Ainsi, si votre compétence et évidemment et pour nous qui les suivions alors dans
votre expérience sont l’outil indispensable pour toutes les étapes, du début à la fin : la chirurgie, le
avancer (d’où l’importance de suivre les formations postopératoire, la rééducation et la réadaptation
et valider les diplômes), votre caractère, sans être au centre, tout cela pendant 5 à 7 mois selon les
mauvais, votre ouverture d’esprit et votre diploma- cas. Après 3 à 4 ans à vivre cela un peu comme
tie seront la façon de l’utiliser. Et pour le coup, il ne une fatalité, nous avons procédé méthodiquement
faut pas manquer de caractère ! avec les entraîneurs pour trouver une solution. Des
Dans la préface de mon livre Traumatologie entretiens avec les staffs d’autres sports comme le
du football et return to play – À partir de 45 cas basket-ball et le handball, grands pourvoyeurs de
cliniques en club professionnel, Jean-Marcel Ferret rupture du LCA chez les filles, une revue complète
(médecin de l’Olympique lyonnais pendant 30 ans de la littérature et quelques congrès sur le sujet
420 Traumatologie en pratique sportive
nous ont permis de mettre en place une stratégie • la plupart ont signé un CDI ;
gagnante pour elles : renforcement systématique • une moitié souhaite continuer à suivre une ou
des ischiojambiers quasi toujours déficitaires chez des formations (échographie, DIU de médecine
les filles, étirements pelviens et sous-pelviens, travail du football…) ;
de la proprioception et apprentissage de l’abaisse • à la quasi-unanimité, ils considèrent qu’il faut
ment de la hauteur du centre de gravité sur tous avoir emmagasiné de l’expérience avant de
les appuis pour protéger les genoux. À compter s’occuper d’un groupe professionnel.
de 2003 jusqu’à mon départ de Clairefontaine en L’équipe médicale comprend également un peu
2008, nous n’avons plus eu de rupture du LCA moins de trois kinésithérapeutes en moyenne par
chez les filles, mais après également, dès lors que ce club, la plupart à temps plein avec un CDI, ainsi
programme a été respecté. Voilà un très bon exem- qu’un ostéopathe, un podologue et un diététicien,
ple du rôle que l’on doit tenir dans une structure le plus souvent à raison de 2 à 3 vacations chacun
médicale de club en termes de prévention. par semaine.
Pour terminer, je vous livre les grandes lignes du Voilà ! Le tableau est dressé, il ne reste plus
profil type du médecin de club (enquête de 2019 qu’à… Finalement, pas de conseil particulier autre
de l’Association des médecins de clubs de football que celui de ne pas trop se prendre la tête pour
professionnels) : travailler au plus près de sa passion ! C’est encore
• moyenne d’âge 50 ans (extrêmes de 32 à le moyen le plus sûr de prendre du plaisir et d’être
74 ans) ; performant.
• les médecins ont en moyenne 11 ans d’expérience
au plus haut niveau (extrêmes de 1 à 32 ans) ;
• les trois quarts sont médecins généralistes, le Pour en savoir plus
quart restant étant composé de médecins réédu- Urgences sur le terrain de sport
cateurs surtout et d’orthopédistes (deux d’entre Belval LN, Casa DJ, Adams WM, Chiampas GT, Hol-
schen JC, Hosokawa Y, et al. Consensus statement-
eux) ;
prehospital care of exertional heat stroke. Prehospital
• tous ont une capacité en biologie et médecine Emergency Care 2018;22(3):392–7.
du sport, certains l’ont complétée par un autre Breathe FK. The World Anti Doping-Code: can you have
diplôme de traumatologie du sport (celui de la asthma and still be an elite athlete? 2016;12(2):149–58.
Pitié-Salpêtrière surtout et le DIU de médecine Casa DJ, DeMartini JK, Bergeron MF, Csillan D, Eichner
du football de Pierre Rochcongar mis en place ER, Lopez RM, et al. National Athletic Trainers’ Asso-
ciation position statement: exertional heat illnesses.
en 2016) ; J Athl Train 2015;50(9):986–1000.
• un tiers des médecins ont un diplôme en écho- Dartevelle JL, Goupy L, Frey A. Dental medicine in injury
graphie du sport, un tiers en thérapie manuelle and health risk management in sports. Springer 2020.
et le tiers restant en nutrition, en mésothérapie (à paraître).
ou encore en préparation physique ; Decq P, Brauge D, Calmat A, et al. Diagnosis clinical crite-
• plus des deux tiers ont ou ont eu une activité ria of sport related concussion: toward an operational
criteria definition. Neurochirurgie 2020. (à paraître).
libérale, la moitié une activité hospitalo-uni- Lang D. Asthma deaths and the athlete. Clin Rev Allergy
versitaire et quelques-uns sont passés par les Immunol 2005;29:125–9.
sélections nationales (six d’entre eux) ; Soar J, Perkins GD, Maconochie I, Böttiger BW, Dea-
• près de la moitié des clubs ont mis un écho- kin CD, Sandroni C, et al. European Resuscitation
graphe à disposition du ou des médecins ; Council Guidelines for Resuscitation: 2018 Update –
Antiarrhythmic drugs for cardiac arrest. Resuscitation
• ils sont un à deux médecins par club : un tiers
2019;134:99–103.
seulement est à temps plein ; ils travaillent en
Le médecin en club professionnel
collaboration avec un entraîneur principal, deux Le Gall F. Traumatologie du football et return to play –
adjoints, un entraîneur des gardiens de but, À partir de 45 cas cliniques en club professionnel.
deux préparateurs physiques et un analyste vidéo ; Éditions C. Geoffroy ; 2020.
Chapitre 15
Pathologies par sport
de lésions au niveau de la jambe, et le lancer plus de
1. Athlétisme lésions au niveau du tronc et des membres supé-
rieurs. Le mode de survenue des blessures était
F. Depiesse1 P. Edouard2 majoritairement la sur-utilisation en course de
fond et de demi-fond, et traumatique dans les dis-
L’athlétisme est un sport universel, populaire ciplines explosives. Le muscle était le tissu le plus
et pratiqué sur tous les continents. Il rassemble touché dans toutes les disciplines de l’athlétisme,
différentes disciplines ayant leurs particularités en le ligament a été rapporté comme deuxième struc-
termes de demandes physiques, biomécaniques, ture lésée en saut et en lancer, et le tendon, la peau
physiologiques, énergétiques et techniques, entraî- et l’os en course de fond et de demi-fond.
nant des contraintes différentes et spécifiques sur Bien que le risque de blessure existe pour tous les
l’appareil locomoteur qui va donc être à l’origine athlètes, chacun d’eux est à risque d’une pathologie
de multiples pathologies traumatologiques et spécifique qui est le reflet des contraintes bioméca-
microtraumatologiques. La pratique de ce sport niques et physiologiques de sa discipline. Connaître
entraîne un risque de blessure : environ 60 à 75 % ces informations permet au clinicien d’orienter sa
des athlètes vont présenter au moins une blessure prise charge diagnostique, d’anticiper les services
durant une saison, avec peu de variations entre médicaux pour l’encadrement d’athlètes, mais aussi
les disciplines, et pour une incidence d’environ d’orienter les stratégies de prévention vers les patho-
4 blessures pour 1000 heures de pratique. À tout logies les plus fréquentes et/ou les plus graves.
instant d’une saison, environ 30 % des athlètes Sur le plan des spécificités, le praticien doit
se plaignent d’une blessure ou douleur (données s’attendre à rencontrer un panel de pathologies
non publiées). Lors d’un championnat inter- différentes à la fois en termes de localisation (mem-
national, il a été rapporté qu’environ 10 % des bres inférieurs, tronc et membres supérieurs),
athlètes ont présenté une blessure, ce taux variait de tissu (muscle, ligament, tendon, os, peau) ou de
en fonction du type de championnat (≈ 12 % en mode de survenue, à l’intérieur d’un même sport.
plein air et ≈ 5–7 % en salle), du sexe (≈ 11 % chez La deuxième spécificité est le fait que l’athlé-
les hommes et ≈ 9 % chez les femmes) et de la dis- tisme est un sport individuel fondé en très grande
cipline (≈ 20 % en épreuves combinées, ≈ 8–15 % partie sur les qualités physiques. Cela implique
en course de fond et de demi-fond, ≈ 7–10 % en que l’athlète, pour pratiquer en compétition, doit
sprint et en saut et ≈ 3–5 % en lancer). être à 100 % (ou proche) de ses capacités. Et cela
Il semble exister une spécificité de la blessure nécessite pour autoriser la reprise après blessure
vis-à-vis de la discipline. Les disciplines de sprint que la zone lésée soit non seulement cicatrisée,
et de saut entraînaient plus de lésions de la cuisse mais aussi ait récupéré des propriétés lui per-
(en majorité la lésion musculaire des ischiojam- mettant d’assumer les contraintes induites par la
biers), la course de fond et de demi-fond plus réalisation de l’activité, qui seront probablement
maximales car l’athlète ne peut s’appuyer sur
1. Ancien président de la commission médicale natio- ses partenaires pour compenser ses faiblesses, et
nale de la FFA et ex-membre European Athletics et World rarement sur les aspects techniques ou tactiques.
Athletics. Ainsi, après blessure, le délai de reprise pourra
2. P. Edouard : à compléter être considéré comme plus long que pour d’autres
Traumatologie en pratique sportive
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422 Traumatologie en pratique sportive
sports notamment les sports collectifs, et le clini- d’eau (steeple), et les épreuves hors stade peuvent
cien devra veiller à cette récupération optimale être réalisées sur béton (course sur route) ou en
pour autoriser la reprise de la compétition. nature (cross ou trail). Il est aussi à noter l’utilisa-
Dans le cadre de son entraînement, l’athlète tion d’engins dans les lancers et à la perche pouvant
est généralement habitué à faire, en routine être à l’origine de pathologies spécifiques.
d’échauffement ou de préparation physique, un Toutes ces spécificités sont donc à prendre
certain nombre d’exercices visant à améliorer en compte par le praticien afin de répondre aux
ses capacités physiques, fonctionnelles, neuromus- mieux aux demandes de l’athlète en adéquation
culaires et de coordination. Ainsi, une troisième aux exigences de sa discipline.
spécificité dans la prise en charge d’un athlète
blessé est que l’athlète peut être plus enclin à
réaliser un travail considéré par d’autres sportifs 2. Cyclisme
comme rébarbatif pour lui permettre de récupérer
ses capacités physiques et de les faire progresser J. Maillot3, E. Meinadier4
dans un objectif de prévention secondaire, mais
aussi dans le cadre de la prévention d’un premier
épisode de blessure (prévention primaire). Le cyclisme est soumis à de nombreuses contraintes
L’organisation des saisons d’athlétisme repré- macro- et microtraumatiques :
sente une quatrième spécificité. Il y a globalement : • macrotraumatiques :
une saison hivernale avec les cross en plein air pour – fréquentes, potentiellement graves : d’après
les athlètes de demi-fond et fond, les compétitions l’Observatoire national interministériel de
en salle pour les athlètes de piste (sprint, haies, saut, la sécurité routière, en 2018, en France,
lancer du poids, demi-fond et épreuves combinées), 4805 accidents ont impliqué un vélo avec
et les compétitions de lancer long en plein air, et 4328 blessés et 175 décès, soit 5 % du nom-
une saison estivale avec les compétitions sur piste bre total de tués sur la route,
pour tous les athlètes. Pour chaque saison, il y a des – les lésions les plus couramment rencontrées
championnats de différents niveaux : départemen- vont des dermabrasions aux fractures. À
taux, nationaux, internationaux. La sélection pour ce titre, la clavicule (50 % des fractures du
le niveau supérieur se fait par la réalisation d’un cycliste), l’articulation acromioclaviculaire et
niveau de performance requis qui peut être obtenu le scaphoïde (15 %) sont des zones électives
durant un championnat ou dans un meeting. Le d’atteinte traumatique chez le cycliste. La prise
nombre de compétitions réalisables dans une saison en charge de ces fractures diffère peu des autres
peut être limité par le niveau de l’athlète, il va aussi disciplines sportives hormis le cas particulier du
y avoir une forme de course à la sélection pour cycliste professionnel ;
atteindre ses objectifs. De plus, certaines compéti- • microtraumatiques :
tions peuvent être considérées comme des coupe- – elles dépendent du couple homme–machine.
rets, à savoir si l’athlète n’y participe pas, sa saison Cette relation doit être la plus harmonieuse pos-
peut s’arrêter là. Cette spécificité est à prendre en sible dans le double objectif de prévention des
compte dans la prise en charge de l’athlète blessé. technopathies induites par une imperfection du
Une cinquième spécificité est l’équipement des geste et de l’amélioration du rendement méca-
athlètes. Les épreuves se déroulent sans protection, nique du pédalage donc de la performance ;
alors qu’il existe un risque de chute. Les chaus- – le pédalage est un geste simple mais dont les
sures sont généralement très minimalistes (pointes, impacts biomécaniques sont plus subtils et
running de compétition) que ce soit dans les dis- compliqués qu’il n’y paraît ;
ciplines de sprint et saut ou de demi-fond et fond.
3. Directeur médical de l’équipe professionnelle Grou-
La surface est le plus souvent semi-rigide (piste en
pama FDJ. Pôle médical de la Fédération Française de
tartan), mais il peut y avoir des réceptions dans le Cyclisme
sable (saut en longueur et triple saut), sur un tapis 4. Directeur du pôle médical de la Fédération Française
(saut en hauteur et à la perche), ou dans une fosse de Cyclisme
Chapitre 15. Pathologies par sport 423
thermoformées, dynamiques, adaptées avec mesure reine, notamment chez les petites filles qui rêvent
scientifique de l’impact de ces corrections. Parfois toujours et encore de faire des pointes, mais aussi
de simples cales type spacer (entre la cale et la la danse contemporaine qui a fait suite elle-même
chaussure) suffisent à la correction, côté membre à la danse moderne et tend de nos jours à occuper
inférieur court. une place toujours plus importante après avoir
Outre ces pathologies microtraumatiques de modifié – mais pas toujours en bien – certains élé-
l’appareil locomoteur spécifiques du cycliste, ments de la danse classique, notamment ceux du
l’endofibrose iliaque externe est une pathologie ballet. La danse, c’est aussi le jazz, le modern jazz,
artérielle fréquemment rencontrée dans le cyclisme les claquettes, les danses de salon (notamment la
(95 % des cas d’endofibrose), plus rarement dans salsa et le tango). La danse, c’est encore le hip-
le triathlon, le trail, l’aviron, le marathon (5 %). hop ou le street jazz sur la pathologie desquels on
Parmi les facteurs favorisants pas tous élucidés, ne détient aucune donnée médicale.
un facteur génétique semble une hypothèse et les Les différentes danses nécessitent l’utilisation
facteurs posturaux semblent une évidence. Les d’un chaussage particulier : pointes qui néces-
plicatures artérielles itératives lors du pédalage, sitent une contraction de tous les muscles intrin-
notamment dans une position aérodynamique sèques du pied pour maintenir tendue la pointe
avec hyperflexion de hanche, semblent favoriser du pied ; demi-pointes qui provoquent un appui
la lésion. sur les têtes des métatarsiens et sont utilisées par
Il s’agit d’une fibrose intimale paucicellulaire, les élèves avant les pointes ou lors de l’échauffe-
atteinte différente de l’athérome, qui concerne ment par des ballerines comprimées ; trois-quarts
l’artère iliaque externe (92 % des cas), l’artère de pointes mais aussi chaussures et bottines en
iliaque commune ou l’artère fémorale profonde cuir souple de modern jazz.
(8 % des cas) et plus rarement l’artère quadricipitale. L’importance de la chaussure mérite d’être sou-
Les localisations sont multiples dans 10 % des lignée particulièrement lors des danses qui néces-
cas, bilatérales dans 15 % des cas. sitent des mouvements répétés et exécutés avec
Au niveau thérapeutique, les traitements médi- autant de force que de vitesse.
caux et l’angioplastie endoluminale percutanée Parmi ces nombreuses pratiques, certaines
n’ont pas montré d’efficacité. La chirurgie avec imposent des qualités physiques et psychiques
endofibrosectomie et résection artérielle–pontage hors norme. Les danseurs et les danseuses sont
est le traitement de référence chez le sportif de haut souvent des athlètes car la danse impose de nom-
niveau permettant, le plus souvent, une reprise de breuses contraintes au niveau du rachis lombaire
la compétition au 4e mois postopératoire. ainsi que des articulations périphériques, tant sur
le plan capsuloligamentaire que tendineux. Il en
résulte des pathologies très variées sur les plans
traumatique et microtraumatique, notamment au
3. Danse niveau de la cheville et du pied. Elles s’observent,
particulièrement pour les microtraumatismes,
J. Rodineau5 après un certain nombre d’années de pratique
quotidienne. C’est donc surtout dans la tranche
d’âge 25–30 ans qu’on observe le plus de lésions.
La danse est multiple selon les époques, mais aussi Cette période correspond souvent au paroxysme
les pays et les cultures. La danse évolue avec son de la carrière du danseur bien que cette der-
temps et sous l’appellation danse, on doit enten- nière puisse encore atteindre un très haut niveau
dre la danse classique qui demeure une discipline jusqu’à 45 ou même 50 ans.
Au cours de la carrière d’un danseur ou d’une
danseuse, on observe aussi différents aspects plus
5. Médecin du sport Ancien chef de service de Méde-
cine physique et Réadaptation. Ancien international de spécifiques de la pathologie de l’appareil locomo-
Volley-ball teur liés au surmenage physique et aux exigences
Chapitre 15. Pathologies par sport 425
des chorégraphes. Ces problèmes de santé sont de la danse, une arthropathie mécanique favorisée
souvent favorisés par le haut niveau de tolérance par un pied creux, une dorsiflexion limitée, des
à la douleur des danseurs et des danseuses qui antécédents d’entorse de cheville avec laxité rési-
la considère comme inévitable et inhérente à la duelle (tableau 15.1).
pratique de leur activité, mais peut aussi leur faire En danse contemporaine, des études tendent à
ignorer ou minorer les signes annonciateurs d’une montrer qu’il existe une grande disparité des lésions,
lésion qui ne pourra que s’aggraver avec la pour- mais qu’environ 25 % des consultations concernent
suite de leur carrière et par leur volonté, rarement le genou. Ces lésions figurent les pathologies du
démentie, de faire leur métier ou de vivre leur pas- genou liées à de nombreux facteurs comme une
sion en dépit de leur pathologie. Garçons ou filles, mauvaise technique ou utilisation de l’en-dehors,
ils se trouvent alors en prise avec des pressions une hyperlaxité ou une instabilité du genou, un
physiques et psychologiques élevées. recurvatum constitutionnel ou acquis, la fatigue,
En danse classique, l’atteinte prédomine au la diminution de la proprioception, l’utilisation
niveau des membres inférieurs. Connaître les gestes de chaussants inadaptés ou la danse pieds nus,
est nécessaire pour mieux comprendre les patho- notamment sur un sol inapproprié.
logies traumatiques et microtraumatiques qui peu- Il faut distinguer les traumatismes violents provo-
vent affecter les danseurs et les danseuses. En danse qués par une impulsion et/ou une réception brutale
classique, par exemple, figurent les syndromes lors d’un saut ou encore par une chute et les micro-
tibio-astragaliens postérieur et antérieur, liés tous traumatismes, particulièrement fréquents au niveau
les deux à des microtraumatismes répétés. Les de la cheville et du pied, mais dont le diagnostic
premiers en flexion plantaire sont surtout observés lésionnel exact n’est pas souvent fait à la différence
chez les ballerines ; les seconds en flexion dorsale des genoux et de la racine du membre inférieur où
sont surtout observés chez les danseurs du fait du ils sont pourtant moins fréquents. Les premiers
très grand nombre de sauts qu’ils effectuent. Dans sont responsables de lésions diverses et variées
le syndrome postérieur, on note une utilisation communes avec de nombreuses activités sportives
répétée à l’extrême de l’hyperflexion plantaire en et ne requièrent ni connaissance spécifique, ni
pointes et en demi-pointes, responsable d’une évaluation ou traitement particuliers. Ils nécessitent
atteinte aiguë ou chronique concernant les os et/ tout simplement une prise en charge rigoureuse,
ou les parties molles. Dans le syndrome antérieur, d’autant plus nécessaire qu’un traitement inadapté
chaque réception de saut entraîne un « plié » dont peut laisser des séquelles extrêmement préjudi-
il résulte, au bout de quelques années de pratique ciables pour un danseur ou une danseuse.
Après 2 à 3 jours de soins pour limiter le saigne- L’échographie et l’IRM permettent de préciser
ment, l’échographie devient l’examen de référence le diagnostic lésionnel et de déterminer le traite-
pour ponctionner un hématome si nécessaire et ment adapté qui doit être chirurgical en cas de
analyser la structure lésée (musculaire, conjonc- diastasis spontané ou dynamique.
tive, aponévrotique, voire tendineuse).
Si la cicatrisation peut être suivie par l’évolu- Commotion cérébrale
tion de la douleur sur les tests cliniques (palpation,
étirement, contraction résistée), seuls des appa- Il faut désormais insister sur le risque de la commo-
reils de cardio-training et des tests spécifiques sur tion cérébrale dans la pratique du football pro-
le terrain peuvent valider la récupération de la fessionnel. Elle ne se résume pas au classique
force et de l’endurance. traumatisme crânien avec perte de connaissance
En pratique, le temps des tests douloureux doit et imagerie normale. Des signes cliniques plus dis-
être multiplié par trois pour estimer la durée de crets de comportement à la suite de chocs parfois
l’indisponibilité du joueur. anodins et fréquents sont à identifier. Leur mécon-
L’utilisation de l’échographie de suivi (avec le naissance expose à des complications immédiates et
Doppler) et de l’isocinétisme permet une aide à secondaires qui peuvent mettre en danger la santé
la décision du retour à l’entraînement sans risque. du joueur.
De nombreuses études en cours doivent per-
Traumatologie du genou mettre de codifier la prise en charge initiale et
du footballeur secondaire de cette nouvelle pathologique du
footballeur professionnel.
Elle est largement dominée par les atteintes liga-
mentaires (du fait du mécanisme de torsion) de
la classique rupture du ligament croisé antérieur, 5. Gymnastique
isolée ou associée, à la fréquente entorse du liga-
ment latéral interne et aux lésions plus méconnues M. Rozenblat7, P. Billard8
du ligament latéral externe.
L’IRM doit être systématique pour confirmer
le diagnostic et préciser l’état des ménisques et Avec 80 % de femmes et 75 % d’enfants et adoles-
du cartilage. cents âgés de 8 à 15 ans, la gymnastique regroupe
Le traitement reste chirurgical pour le ligament plusieurs disciplines :
croisé antérieur, parfois orthopédique pour le • compétitives : la gymnastique artistique fémi-
ligament latéral interne en cas de laxité impor- nine (GAF : quatre agrès) et masculine (GAM :
tante, et le plus souvent fonctionnel pour le six agrès), la gymnastique rythmique (cinq
ligament latéral externe. engins), le trampoline, le tumbling, la gymnas-
tique acrobatique, l’aérobic, le teamGym ;
Traumatologie de la cheville • de loisir : babygym, access gym, freestyle gym,
gym santé, mise en scène.
du footballeur Caractérisées par des éléments de force, de sou-
plesse, d’équilibre et des acrobaties réalisées par
Concernant la cheville du footballeur, la patho- des pratiquants en pleine croissance, ces disciplines
logie traumatique de la péronéotibiale inférieure sont principalement pourvoyeuses de lésions
et du ligament latéral interne par mécanisme de microtraumatiques (à partir d’un certain niveau
rotation externe est pratiquement aussi fréquente de pratique). La traumatologie aiguë reste rare.
que les entorses du ligament latéral externe.
L’examen clinique doit donc systématiquement 7. Ancien président de la Société Française de Trauma-
tester la rotation externe de la cheville traumatisée tologie du sport
en décubitus ventral. 8. P. Billard : à compléter
428 Traumatologie en pratique sportive
d’entorse chez les enfants (rares), des arrachements places dans les championnats européens et mon-
apophysaires (base du 5e métatarsien), des fractures diaux, fédérant ainsi un enthousiasme grandissant
osseuses, des contusions du talus ou des lésions de autour de ce sport. À côté de la filière de haut
l’os naviculaire doivent être éliminées. niveau et des équipes professionnelles, il y a le
Les réceptions en hyperflexion dorsale en handball pour tous avec une offre de pratique
charge sont pourvoyeuses de douleurs antérieures diversifiée : pour les enfants, même les tout petits
subaiguës parfois en rapport avec une contusion (baby hand), pour les joueurs amateurs, pour
des parties molles. Ces douleurs doivent faire les non-compétiteurs évoluant en loisir, pour les
éliminer une fracture du col du talus, une entorse personnes en situation de handicap, pour le sport-
de la tibiofibulaire inférieure antérieure ou un santé (hand fit). Plus récemment s’est dévelop-
dérangement articulaire talocrural. pée la pratique du handball sur sable avec une
Les ruptures complètes du tendon du calcanéum règlementation spécifique et des compétitions de
ne sont pas exceptionnelles en tumbling, en GAM niveau international : le beach hand.
et en GAF avec ou sans tendinopathie préalable. Le handball est un sport collectif soumettant
Les chutes sur les talons à côté des agrès peuvent l’appareil locomoteur à de fortes contraintes.
être responsables de talonnades, voire de fractures L’incidence des pathologies traumatiques varie en
du calcanéum. Les fractures de fatigue du pied fonction des études, des populations analysées, du
(naviculaire, métatarses, sésamoïdes…) doivent être niveau de pratique, de l’âge, etc. Les accidents trau-
redoutées devant des douleurs chroniques dans les matiques surviennent préférentiellement au cours
pratiques de haut niveau. d’un match plutôt que lors des entraînements, ce
Les pathologies de surmenage des chaînes mus- qui est assez cohérent étant donné le plus grand
culaires postérieures restent les plus fréquentes investissement physique des sportifs lors des matchs.
avec l’ostéochondrose du calcanéum (maladie de Le handball est un sport de pivot qui allie
Sever) chez l’enfant, puis les tendinopathies calca- courses rapides, sauts, changements de direction,
néennes ou les aponévrosites plantaires, plus fré- mouvements de pivot sollicitant beaucoup les
quentes en trampoline et en tumbling. membres inférieurs. Il apparaît alors de façon
Les ostéochondroses de l’os naviculaire podal évidente que le membre inférieur est la localisation
sont probablement plus courantes que dans les anatomique préférentielle des traumatismes aigus
sports chaussés, avec l’impossibilité de corriger avec une fréquence variant entre 42 et 75 % en
les troubles statiques par des orthèses plantaires fonction des études. Les blessures concernent
pendant l’activité. majoritairement les articulations du genou et de la
Des contre-indications temporaires partielles cheville. La pathologie ligamentaire est au premier
sont fréquemment prescrites. Cette attitude néces- plan : l’entorse de cheville est le diagnostic le plus
site d’avoir la parfaite évaluation du(de la) gym- représenté. Les ruptures du ligament croisé anté-
naste, de ses parents et de son(ses) entraîneur(s). rieur ne sont pas rares et représentent la cause la
plus fréquente de l’arrêt sportif de plusieurs mois.
Chez les femmes, les données rapportées mon-
6. Handball trent que 51 % des blessures des membres inférieurs
surviennent sans contact, au cours de manœuvres
S. Gleizes Cervera9, G. Juin10 de débordement ou de changement de direction
et lors de la réception de saut. Des programmes
de prévention axés sur la lutte contre le valgus
La pratique du handball s’est largement démo-
dynamique du genou ont montré leur efficacité,
cratisée en France : depuis plusieurs années,
spécifiquement chez les joueuses, en réduisant le
les Français occupent régulièrement les premières
risque d’entorses du genou et de cheville.
En ce qui concerne les pathologies d’hyper-
9. Médecin du pôle Occitanie de Handball. Ancienne
présidente de la commission médicale de la FFHB sollicitation au niveau des membres inférieurs,
10. Médecin des équipes de France de Handball. Direc- on retiendra la tendinopathie rotulienne et sur-
teur médical national de la Fédération Française de handball tout la périostite qui, pour certains auteurs, est la
430 Traumatologie en pratique sportive
pathologie la plus représentée chez les plus jeunes, Les contusions, qu’elles soient musculaires, arti-
devant la douleur lombaire et les gonalgies. culaires ou de la face, sont majoritairement rappor-
Le handball, c’est aussi un sport de lancer, tées dans certaines études. Lors du championnat
soumettant les membres supérieurs, tout parti- du monde au Qatar en 2015, la contusion de la
culièrement l’épaule, à de fortes contraintes. En face a été la plus fréquente ; elle était due, le plus
effet, au niveau des membres supérieurs, l’épaule souvent, à une collision avec un autre joueur. Au
et la main sont les zones anatomiques les plus niveau de la face, les traumatismes sont de gravités
fréquemment atteintes. En traumatologie aiguë, variables : la fracture des os propres du nez est le
l’entorse digitale est l’atteinte du membre supé- traumatisme le plus fréquent. Les traumatismes
rieur la plus représentée : l’atteinte de la métacar- dentaires ont également une prévalence élevée,
pophalangienne du pouce mérite une attention alors que l’utilisation d’un protège-dents reste
spécifique étant donné les complications secon- faible. Il apparaît cependant que l’utilisation de
daires à long terme. ce dernier réduit de 5 fois le risque traumatique.
En ce qui concerne les pathologies d’hyper- Les contusions musculaires font partie des bles-
sollicitation, la pathologie de l’épaule arrive au sures récurrentes sur contact en général avec le
premier rang, toutes localisations confondues, chez genou d’un adversaire : il s’agit de traumatismes
l’adulte. Cette fréquence lésionnelle s’explique extrinsèques, en particulier de la loge antérieure
aisément par la répétition du geste de lancer et les de la cuisse et de gravité variable.
contraintes parfois extrêmes s’exerçant sur l’épaule Dans ce contexte, la commotion cérébrale est
dans ce sport d’armé-contré. Il s’agit le plus sou- une pathologie traumatique réelle. Il n’y a pas à ce
vent de syndrome de conflit interne ou d’un syn- jour de données épidémiologiques concernant
drome de conflit sous-acromial, de tendinopathie ce diagnostic. Un relevé récent a été fait par la
de la coiffe des rotateurs ou de lésion du bourrelet Fédération française de handball avec l’application
glénoïdien sur une instabilité d’origine microtrau- de la règle « carton blanc ». Ce travail va méri-
matique. Parmi les facteurs de risque évoqués dans ter une analyse mais reflète déjà l’existence non
ce contexte, un déficit de mobilité de l’articulation négligeable des commotions cérébrales et de leurs
gléno-humérale en rotation interne, une dyskinésie conséquences.
scapulothoracique et un déséquilibre musculaire
entre rotateurs internes et rotateurs externes doi-
vent faire l’objet d’une recherche minutieuse pour
orienter la prise en charge qui est le plus souvent
7. Judo
rééducative. Chez les jeunes élites entre 15 et
R. Rousseau11
18 ans, la prévalence des pathologies de l’épaule
semble plus élevée chez les filles que chez les
garçons, suggérant là encore une stratégie de pré- Le judo est un sport de combat devenu olympique
vention spécifique dans cette population. en 1964. Le judo a trouvé son essor en France
Il est à noter que ces pathologies touchant les grâce à de nombreux titres et médailles remportés
membres supérieurs se localisent préférentielle- par des Français dans les grandes compétitions
ment sur le membre dominant mais pas exclusive- internationales. Ce sport est ainsi devenu très
ment. Il est assez fréquent de prendre en charge populaire. Au-delà des résultats sportifs, le judo a
médicalement des membres opposés au bras lan- su, au fil des ans, reprendre des traditions ances-
ceur sur des accidents de défense principalement. trales pour les adapter au monde moderne. Le
Enfin, le handball est un sport de contact en judo est la voie de la souplesse, de l’adaptation.
raison de l’opposition du joueur adverse mais Les gestes sont choisis en fonction du niveau des
également à cause de choc direct avec le ballon.
D’après les données de la littérature, les trau- 11. Membre de la commission médicale de la Fédération
matismes au handball chez l’adulte surviennent en Française de Judo (FFJDA). Département médical de
effet préférentiellement avec contact. l’INSEP
Chapitre 15. Pathologies par sport 431
pratiquants, dans une gamme très large, mettant uke étant le combattant blessé. Le plus souvent,
en jeu les différentes parties du corps, et ils sont le il existe un manque de contrôle au niveau de la
plus souvent pratiqués à droite et à gauche pour un prise de garde du kimono (kumikata), le judoka
développement harmonieux et équilibré. L’activité attaquant (tori) n’exerçant alors pas une traction
est médiée par une tenue, le judogi, avec préhen- suffisante sur la manche de uke. Le moignon de
sion. Il n’y a pas de coup porté ni de recherche de l’épaule touche en premier le tatami avec la force
K.-O. Les katas sont des formes techniques impo- cinétique de tori causant la disjonction acromio-
sées destinées à l’apprentissage du judo. Celui-ci claviculaire ou plus rarement sternoclaviculaire. Le
se pratique dans une salle dédiée appelée dojo même type de chute cause chez l’enfant et l’ado-
et sur une surface spécifique dotée de tatamis. lescent plutôt des fractures du tiers moyen de la
Les grades sont visibles (ceintures de couleur ou clavicule selon la maturité osseuse et ligamentaire.
noire). Il existe des catégories de poids lors des Les lésions postérieures du labrum sont relative-
compétitions officielles. Le travail s’effectue donc ment spécifiques. Aucune publication n’a étudié
soit debout, soit au sol et la transition debout–sol cette pathologie à notre connaissance, pourtant
est également une phase technique. Les judokas ces lésions en rapport avec des subluxations pos-
portent un judogi (kimono de judo), blanc ou térieures sont assez spécifiques avec parfois des
bleu et une ceinture. L’apprentissage se fonde sur désinsertions importantes du labrum. Ce type
la mise en pratique d’un ensemble de techniques de lésion atteint les combattants pratiquant des
(waza) de projection debout (tachi-waza) ou techniques de hanche avec des chutes répétées sur
d’immobilisation au sol (ne-waza) ainsi que des la face antérieure de l’épaule en rétropulsion et
étranglements (shime-waza) et des clés au coude rotation externe avec garde haute sur harai goshi
(kansetsu-waza). La victoire (ippon, dix points) ou uchi mata en forme maki komi.
se décide ainsi par projection ou immobilisation Les lésions du coude sont surtout les luxations
pendant 30 secondes, abandon sur étranglement postérolatérales et les entorses du ligament collaté-
ou clé de bras. Les compétitions se déroulent par ral médial. Comme pour les disjonctions acromio-
catégories de poids. claviculaires, les luxations du coude sont toujours
Les mécanismes de blessures au judo sont mul- causées par une mauvaise défense de uke qui tente
tiples. Certaines de ces blessures comportent des d’éviter le ippon en mettant son bras en opposi-
spécificités directement liées à la pratique de ce tion, la paume de main entrant en contact avec
sport. le sol, le coude étant en légère flexion avant-bras
Les pathologies de l’épaule regroupent majo- en supination et valgus forcé. Ce traumatisme est
ritairement les luxations gléno-humérales antéro- favorisé lorsque tori a une garde mixte aux deux
médiales, les disjonctions acromioclaviculaires, les revers du kimono. Il ne contrôle pas la manche de
disjonctions sternoclaviculaires, les fractures de la uke qui peut alors mettre sa main en opposition
clavicule et les lésions labrales postérieures micro- pour éviter la chute. Le poids du corps de tori et
traumatiques. Les luxations gléno-humérales sont celui de uke sont alors à l’origine d’une compres-
le plus souvent causées par un refus de chute de sion axiale entraînant la luxation. Paradoxalement,
la part du judoka subissant une attaque (uke) qui, l’arm-lock n’entraîne que rarement une luxation,
pour éviter le ippon, chute sur la paume de la main, mais provoque une entorse grave du ligament
coude en extension et épaule en abduction et rota- collatéral médial (LCM) par traction en valgus et
tion latérale. Plus rarement, il s’agit d’une chute extension sur le coude comme lors de juji gatame.
sur le moignon de l’épaule, uke refusant la chute. Des entorses médiales s’observent également en
Les clés d’épaule étant interdites, il n’existe pas de cas de traumatisme coude entre 20 et 120° avec
luxation gléno-humérale par ce mécanisme. Les contraintes en valgus lorsque tori est contré sur
disjonctions acromioclaviculaires ainsi que les dis- morote seoi nage, uke exerçant une pression en
jonctions sternoclaviculaires sont le plus souvent valgus sur le bras tenant le revers.
causées par une projection sur l’avant, du type Dans une étude épidémiologique sur les rup-
morote gari, harai maki komi ou ippon seoi nage, tures du ligament croisé antérieur (LCA), certains
432 Traumatologie en pratique sportive
auteurs retrouvent un traumatisme au judo dans Le même mécanisme se produit lors des balayages
5,6 % des cas. Une série de la littérature a étudié (ashi baraï, okuri ashi baraï) à contretemps, le
le type de lésion ligamentaire suite à une entorse pied de uke restant bloqué en flexion avec une
du genou en fonction du sport pratiqué. Elle tentative de balayage avorté et un coup de pied
retrouve principalement des lésions du LCM et direct en valgus pur. Ces traumatismes entraînent
du LCA dans la pratique du judo. Les lésions du des lésions de rupture isolée du LCM.
LCA sont plus fréquentes en cas de garde croisée Les techniques de mise en situation d’étrangle-
(kenka-yotsu grip) et touchent plus fréquemment ment sont spécifiques au judo (shime waza). Il en
uke ou tori étant contre-attaqué et plus rarement existe plus d’une dizaine ayant pour but de faire
tori. Il s’agit systématiquement d’un trauma- abandonner l’adversaire. Les techniques d’étran-
tisme pied bloqué au sol avec des contraintes glement sont fondées sur une pression antéropos-
en rotation et/ou en valgus/varus. La qualité térieure sur le larynx ou sur les carotides associées
du tatami est importante : lorsque celui-ci est à un contre-appui au niveau de la nuque. La
relativement mou, le pied s’enfonce et favorise les perte de connaissance peut survenir si uke n’a pas
lésions ligamentaires du genou. Les techniques signifié à temps son abandon du combat. Il existe
de jambe tel que o soto gari, ko soto gari ou ko trois types de perte de connaissance par shime
soto gake entraîne un traumatisme en flexion– waza : par obstruction respiratoire directe, par
rotation externe et valgus, le pied de uke étant obstruction sanguine en comprimant les artères
fixé au sol et tori appliquant une force au niveau carotides et par réflexe d’inhibition vagale par
du genou. Des traumatismes en hyperextension stimulation du glomus carotidien.
peuvent survenir lorsque uke subit une technique La commotion cérébrale, à l’origine d’un dys-
telle que harai goshi ou ko uchi gari où le pied fonctionnement cérébral transitoire, fait suite à un
se trouve bloqué au sol avec l’application d’une choc transmis au cerveau, après un traumatisme
force antéropostérieure au niveau du genou avec de la tête, du cou ou du thorax. Dans neuf cas sur
une composante plus ou moins importante en dix, elle ne s’accompagne pas de perte de connais-
valgus ou en varus. Des traumatismes en flexion– sance. Au judo, c’est une projection sur la tête, le
varus et rotation médiale sont retrouvés lors des cou ou le dos qui induit les symptômes, soit par
techniques de gake lorsque tori est contre-attaqué compression–écrasement, le cerveau étant projeté
par ura nage par exemple : le poids du corps de contre la boîte crânienne, soit par cisaillement avec
uke lors du contre s’applique sur le genou de tori étirement axonal et/ou rupture axonale. Bien que
et l’accompagne dans sa chute avec une torsion au ces traumatismes restent peu fréquents par rapport
niveau du genou. Lors d’une attaque directe, tori au nombre de projections que peut subir un
peut subir une lésion du LCA lors de taï otoshi par judoka dans sa carrière, il ne faut pas pour autant
exemple où la jambe en barrage est fixée au sol en les minimiser. La détection la plus précoce possible
flexion–rotation externe et le poids de uke exerce permettra de débuter au plus vite les protocoles
une pression en valgus à l’origine des lésions. spécifiques mis en place par la fédération. Ceux-ci
Ces différents mécanismes lésionnels entraînent sont établis en fonction de l’âge. Ils servent à
des ruptures du LCA et en fonction de leur protéger le judoka d’éventuelles complications à
complexité peuvent provoquer des lésions asso- court et à long terme. Par rapport à d’autres sports,
ciées des plans collatéraux et des lésions ménis- plusieurs facteurs limitent le nombre de commo-
cales. Les lésions isolées du LCM sont également tions cérébrales lors de la pratique du judo tels que
fréquentes et causés par des traumatismes en la surface de réception (tatami), qui répond à un
flexion et valgus forcé sans contraintes en rota- cahier des charges spécifique, l’apprentissage de la
tion, c’est le cas lorsque tori engage o uchi gari chute et l’absence de vitesse lors de l’impact.
par exemple où la jambe de fauchage se fixe au Nous disposons de peu de données sur l’inci-
sol par manque de déséquilibre au niveau du dence des blessures liées aux compétitions. Pour
tronc, uke bloquant l’attaque et « s’assoyant » cette raison, la Fédération française de judo,
sur le genou en fauchage de tori en valgus forcé. jujitsu, kendo et disciplines associées (FFJDA)
Chapitre 15. Pathologies par sport 433
a mis en place depuis de nombreuses années un sion médicale participe à la prévention des accidents
système de recueil pour documenter la fréquence en effectuant des statistiques depuis de nombreuses
et les types de blessures lors des compétitions de années et en analysant, par vidéo, les circonstances
judo. Depuis la saison 1993–1994, la commission d’apparition des traumatismes lors des compéti-
médicale de la FFJDA a établi prospectivement un tions nationales. Un certain nombre d’entre eux
système d’enregistrement systématique des bles- sont dus à une faute technique des judokas ou à
sures survenant en compétition en ne colligeant une insuffisance de l’arbitrage. La prévention des
que celles qui ont occasionné un arrêt de la pra- traumatismes de l’épaule repose sur l’apprentissage
tique de plus de 1 semaine. Après chaque compé- de la chute et les ruptures du LCA sont encore une
tition, les formulaires remplis anonymement sont problématique non négligeable. Ces études, effec-
adressés à un membre de la commission médicale tuées en lien avec la direction technique nationale,
nationale. De 1993 à 2014, 1839 compétitions ont pour but de poursuivre la recherche de mesures
ont été supervisées médicalement : 64 compéti- de prévention, notamment en modifiant les règles de
tions internationales, 239 compétitions nationales, combat selon les différents âges, et d’adapter si besoin
580 compétitions régionales et 956 compéti- les règles d’arbitrage.
tions départementales ; 421 670 combats ont Le judo est une des activités sportives les plus pra-
été surveillés avec 3511 blessures relevées chez tiquées en France. Admirée pour les performances
316 203 judokas (incidence = 1,1 %). Parmi de ses champions et la qualité de ses structures,
les blessures colligées, les plus fréquentes sont les la FFJDA est volontiers citée en exemple et prise
entorses (54,3 %), les fractures (15,6 %) et les luxa- pour modèle par les instances du sport. Le judo de
tions (12,5 %). Si l’on tient compte de toutes les compétition est pratiqué par 20 % des licenciés et
blessures signalées, l’incidence est plus élevée chez le judo loisir est une pratique démocratisée. On dit
les judokas féminins (1,32 %), les jeunes judokas que le judo est autre chose qu’un sport parce que
adultes (1,56 %) et les judokas ayant un niveau de son enseignement est censé placer la transmission
performance plus élevé (1,43 %). L’incidence des des valeurs au-dessus de celle des techniques.
entorses est significativement plus élevée chez les
judokas féminines (femmes : 0,82 %, hommes :
0,53 % ; p < 0,001). Les judokas féminins ont 8. Ski
subi plus souvent des entorses au genou (0,24 %)
que les judokas masculins (0,12 %) (p < 0,001). N. Bouscaren, A. Guyon, J. Attye, C. Barthomeuf,
Les entorses du genou signalées correspondaient A. Brulé, J.-M. Fayard, O. Matarese,
à des entorses du LCA (femme : 0,09 %, homme : M.-P. Rousseaux-Blanchi, P. Saliba,
0,05 % ; p < 0,001) et du LCM (femme : 0,15 %, S. Bulle, S. De Jésus12
homme : 0,07 % ; p < 0,001). Concernant les
fractures, 548 fractures ont été signalées : 349
touchant les membres supérieurs, la clavicule étant Parmi les sports d’hiver, le ski alpin et les disciplines
la plus atteinte ; 4 cas de fractures cervicales graves apparentées, tels le snowboard ou le freestyle, sont
associées à la tétraplégie ont été documentés chez les plus populaires au niveau international. Au-delà
des judokas masculins. Dans la série, 439 luxa- de cet engouement, ces disciplines exposent à des
tions ont été colligées. L’incidence des luxa- risques importants de chutes et de blessures du fait
tions de l’épaule est plus élevée chez les hommes de l’énergie cinétique élevée (vitesse) et des sauts
(hommes : 0,05 %, femmes : 0,02 % ; p < 0,001). sur des surfaces glacées. En plus du risque trauma-
L’incidence des luxations du coude est plus élevée tique de ces disciplines, les charges d’entraînement
chez les femmes (femmes : 0,07 %, hommes : toujours plus importantes exposent également à
0,03 % ; p < 0,001). des blessures d’overuse. La prévention et la prise
Eu égard au nombre de compétiteurs et de en charge de ces dernières passent par une parfaite
combats, le judo de compétition, sport à catégories
de poids, a un faible taux de sinistralité. La commis- 12. Médecins de la Fédération Française de ski
434 Traumatologie en pratique sportive
mesure de leur incidence, une connaissance précise une incidence de 21,5 blessures sévères pour
de leur épidémiologie, une compréhension appro- 100 skieurs/saison en ski alpin, 34,1 blessures en
fondie des mécanismes et des situations trauma- freestyle et 46,8 blessures en snowboard (c’est-
togènes. La Fédération française de ski a mis en à-dire que près d’un snowboardeur sur deux pré-
place depuis la saison 2017–2018 un important sentera une blessure nécessitant plus de 28 jours
dispositif prospectif de surveillance afin d’établir d’arrêt durant la saison). Ces blessures peuvent
l’épidémiologie des blessures survenant chez les exceptionnellement conduire au décès (un décès
sportifs élites. Ce sous-chapitre est rédigé à partir sur les 2 ans de suivi). Les blessures néces-
des données de ce dispositif. sitant 1 semaine ou moins d’arrêt représentent en
comparaison 15,1 % des blessures en snowboard,
12,9 % des blessures en ski alpin et 6,9 % des bles-
Épidémiologie sures en freestyle.
des blessures : incidence, La structure atteinte est articulaire (cartilage,
gravité, mécanisme, ligament) pour 56,9 % des cas en freestyle, 50,8 %
en ski alpin et 29,9 % en snowboard où l’os est
localisation touché dans près de 1/4 des traumatismes enre-
gistrés (25,3 %). Les lésions musculotendineuses
L’incidence des blessures sur une saison complète surviennent dans 15,2 % des cas en ski alpin
varie de 51,6 blessures pour 100 skieurs/saison13 contre 5,6 % et 5,7 % des cas respectivement
pour le ski alpin à 110,1 blessures pour 100 skieurs/ en freestyle et en snowboard. Concernant les
saison pour le snowboard. Le freestyle présente commotions cérébrales, elles représentent 6,8 %
une incidence intermédiaire de 84,7 blessures pour de toutes les blessures en ski alpin, 13,9 % en
100 skieurs/saison. En comparaison, l’incidence freestyle et 18,4 % en snowboard pour un total de
des blessures en biathlon est de 10,9 blessures pour 35 commotions enregistrées sur les 2 ans de suivi.
100 skieurs/saison et en ski de fond de 44,8 bles- Concernant la localisation, 53 % des blessures
sures pour 100 skieurs/saison (les disciplines touchent le membre inférieur en ski alpin, et plus
nordiques ne sont pas plus détaillées ici du fait de particulièrement le genou (25 % de la totalité
leur spécificité). des blessures). Il ne faut pas négliger les atteintes
Pour plus de 80 % des blessures, il s’agit de du rachis (15,9 % des blessures) et du membre
blessures dites traumatiques (c’est-à-dire faisant supérieur (les atteintes du poignet entraînent près
suite à un traumatisme aigu identifiable). En de 9,8 % des blessures). Concernant le freestyle
effet, seules 19,7 % des blessures sont secondaires et le snowboard, le membre inférieur est égale
à un mécanisme d’overuse (c’est-à-dire blessure ment le plus touché (45,8 % et 42,5 % res-
sans événement identifiable et faisant suite à des pectivement), avec une prédominance au niveau
microtraumatismes répétés) en ski alpin, 4,2 % de la cheville en snowboard (20,7 %) et au genou
en ski freestyle et 6,9 % en snowboard. Ces bles- en freestyle (26,4 %). Les atteintes de l’extrémité
sures d’overuse ne sont cependant pas à négliger. céphalique représentent près de 20 % des blessures
En effet, ces dernières années une explosion de avec un maximum de 25 % en freestyle. À noter
l’incidence des blessures au niveau du rachis a été une incidence non négligeable des traumatismes
constatée (discopathie à l’étage lombothoracique de l’épaule en freestyle (16,7 % des blessures).
notamment chez les jeunes). Les principaux diagnostics traumatologiques
Dans un peu plus de 40 % des cas, ces bles- rencontrés chez les skieurs alpins et pratiquants de
sures sont sévères et entraînent une indisponibilité disciplines apparentées sont la lésion du ligament
de plus de 28 jours d’arrêt. Cela représente croisé antérieur du genou (partielle ou totale), la
commotion cérébrale, l’entorse latérale de cheville
13. L’incidence est indiquée en nombre de blessures (majoritairement en préparation physique) et la
pour 100 skieurs/saison ; une incidence de 50 bles
sures pour 100 skieurs/saison signifie que pour 100 skieurs
luxation de l’épaule (luxation gléno-humérale).
suivis pendant une saison complète, nous avons enregistré La période compétitive n’est pas la plus trauma-
50 blessures. togène : en effet, 40 % des blessures surviennent
Chapitre 15. Pathologies par sport 435
Le mouvement d’armé (rétropulsion horizon- besoin était qu’il n’existe aucun traitement rapide
tale–rotation externe) peut être à l’origine d’un ment efficace et définitif de cette pathologie
conflit répétitif entre la partie profonde du tendon chronique et récidivante :
du sus-épineux et le bourrelet postérieur, débou- • dans 90 % des cas la guérison est obtenue au
chant sur une pathologie douloureuse et sur une bout de 12 à 18 mois ;
lésion plus ou moins importante du tendon du • dans les cas extrêmes, la chirurgie peut être
sous-épineux. indiquée.
Typiquement, le mouvement d’armé réveille la L’épitrochléite (1/10 lésions du coude) corres-
douleur. pond à une souffrance de l’insertion des muscles
L’échographie dans la position douloureuse épitrochléens, situés au niveau du compartiment
visualise le conflit. D’autres examens plus sophis- interne du coude. Il peut s’agir de pathologies
tiqués peuvent être utiles : résonance magnétique, intriquées du fait des nombreuses formations,
arthroscopie. ligamentaires et neurologiques, de cette zone.
Le traitement nécessite repos, rééducation, Elle frappe davantage les joueurs de haut niveau
adaptation technique. que les débutants.
Chez le senior, la pathologie de l’épaule est sur-
tout en relation avec une détérioration de la coiffe Poignet
des rotateurs, elle est dépistée par les tests cliniques
et par l’imagerie. Rééducation et adaptation tech-
La pathologie du poignet se rencontre principale
nique permettent le plus souvent la poursuite du
ment chez les joueurs de tennis de haut niveau.
tennis. Cependant la chirurgie est de plus en plus
Les modifications techniques – en particulier la
utilisée.
modification de la prise de raquette, l’apparition
Le senior présente également une dégénéres-
du lift, les frappes de face en coup droit, le revers à
cence des articulations acromioclaviculaires et
deux mains – sont sans doute responsables de son
sternoclaviculaires, qui est rarement un obstacle à
augmentation de fréquence.
la pratique du jeu.
C’est le compartiment interne du poignet qui
est le plus touché, avec le tendon du cubital
postérieur (extensor carpi ulnaris ou ECU). Ce
Coude tendon est moteur, puisqu’il permet l’adduction
du poignet, mais c’est également un verrou très
Son atteinte reste la « plaie » du joueur amateur important du compartiment interne, intriqué dans
entre 35 et 60 ans, aussi bien chez l’homme que le complexe triangulaire, la radiocubitale inférieure
chez la femme. Elle est extrêmement fréquente, et et le ligament latéral.
différentes études montrent qu’elle concerne 40 à L’examen clinique et certains examens complé-
60 % des joueurs de tennis au cours de leur carrière. mentaires, en particulier l’échographie qui permet
Le tennis-elbow vient largement en première d’effectuer un examen dynamique, sont essentiels
position des lésions du coude (9/10 lésions). Il au diagnostic.
correspond à une souffrance, sur le plan latéral, La fracture de l’apophyse unciforme de l’os
de l’insertion des muscles épicondyliens, en parti- crochu est assez spécifique. Elle correspond à une
culier du 2e radial et de l’extenseur commun. À véritable fracture de fatigue dont le diagnostic est
l’origine de cette pathologie, plusieurs facteurs relativement facile, soit par des radiographies sim-
semblent s’associer : une modification du matériel ples, soit à l’aide du scanner.
ou de la technique, l’âge supérieur à 30 ou 35 ans.
Deux gestes sont particulièrement douloureux
lors de la pratique : le revers et le service. La mise Rachis
en tension isométrique coude tendu réveille la
douleur. La littérature qui concerne le tennis- Le rachis lombaire est le plus souvent impliqué,
elbow est extrêmement riche et variée, prouvant si le service est le mouvement le plus traumatisant.
Chapitre 15. Pathologies par sport 437
La pathologie est variée : souffrance des arti- poursuivre le jeu dans des conditions moins agres-
culaires postérieures, pathologie discale, fracture sives. La mise en place d’une prothèse de hanche
de fatigue, en particulier lyse isthmique chez le n’est pas une contre-indication à la pratique du
sujet jeune. Les éléments de prévention restent tennis.
essentiels, et les joueurs de tennis professionnels
utilisent de manière très régulière et très poussée
toutes les techniques d’assouplissement au niveau Genou
des ischiojambiers, mais également des articula- Il est très largement sollicité lors du jeu. Les
tions des hanches et des épaules. flexions importantes et répétées sont à l’origine
de la pathologie de l’appareil extenseur : tendon
Muscles abdominaux rotulien au niveau de la pointe de la rotule ou
de l’insertion sur la tubérosité tibiale antérieure,
L’atteinte de ces muscles est tout à fait spécifique tendon quadricipital.
des joueurs de tennis de haut niveau. Le service et
le smash sont en cause dans pratiquement 100 % Mollet
des cas. C’est une pathologie qu’on rencontre
principalement chez le jeune, mais également chez Le claquage du mollet, ou tennis-leg, est fréquent
des joueurs un peu plus âgés, toujours en dessous autour de la quarantaine chez les joueurs de tennis.
de 25 ans. C’est l’extension brutale du genou sur une che-
Elle se situe toujours chez le joueur droitier ville en flexion dorsale, ou la flexion plantaire sur
du côté gauche, un peu en dessous de l’ombilic, un genou presque étendu, qui produit l’accident.
dans la masse du grand droit (rectus abdominis), Celui-ci correspond plutôt à une désinsertion mus-
parfois des obliques. La clinique est stéréotypée, culaire, habituellement du jumeau interne (gas-
avec une douleur lors du relèvement, une douleur trocnémien médial), sur son tendon commun du
à la toux, l’impossibilité d’effectuer un service à triceps. Le tableau est souvent impressionnant, avec
pleine puissance. L’asymétrie de volume du grand impotence fonctionnelle complète et augmentation
droit est constante en faveur du côté controlatéral importante du volume du mollet (par saignement).
à la main dominante. L’échographie est l’examen L’examen retrouve une douleur à la palpation et à
de choix. L’amélioration rapide est trompeuse. la mise en tension du jumeau interne.
Le traitement est celui de tous les accidents
musculaires : décharge de courte durée, ponction
Membre inférieur éventuelle sous échographie de la poche héma-
tique, rééducation progressive à type de drai-
Hanche nage, puis d’étirements et de renforcement. Les
accidents sévères nécessitent d’attendre environ
La pathologie de hanche est plus fréquente chez
2 mois avant la reprise du tennis.
le joueur de tennis professionnel qu’auparavant,
du fait de modifications techniques qui sont
apparues dans le tennis moderne. Les frappes, Cheville et pied
notamment de coup droit, sont de plus en plus
effectuées de face, avec préférentiellement un Les lésions tendineuses sont fréquentes, en particu-
appui au niveau du pied droit chez un droitier. Il lier la souffrance du tendon d’Achille (calcanéen),
s’ensuit des surcharges et des mouvements de tor- chez les joueurs autour de la quarantaine. La rup-
sion qui peuvent déboucher sur une pathologie, ture du tendon se produit à l’occasion d’un démar-
soit cartilagineuse, soit du bourrelet cotyloïdien. rage brusque. Deux signes doivent être recherchés :
Chez le senior, la coxarthrose est plutôt en verticalisation du pied en décubitus ventral,
rapport avec une dysplasie décompensée. La sur- encoche ou discontinuité du tendon à la palpation.
face de type terre battue est l’un des moyens de Le traitement est orthopédique ou chirurgical.
438 Traumatologie en pratique sportive
La récupération est habituellement bonne, avec plantaires : pieds creux, pieds plats. La lésion
retour au même niveau. Il faut environ 1 an pour de l’aponévrose plantaire superficielle est le plus
véritablement récupérer toutes ses qualités. Les éti- fréquemment située au niveau de l’insertion, les
rements, la mise en place à la demande de semelles formes moyennes étant plus rares. Le diagnos-
orthopédiques sur mesure, des règles hygiéno- tic est clinique, par la palpation locale, souvent
diététiques limitent ce type d’incident. étayé par une échographie effectuée par un écho-
Les lésions de l’aponévrose plantaire sont rela- graphiste entraîné, qui confirme l’épaississement
tivement spécifiques du joueur de tennis. Elles de l’aponévrose, voire par une IRM. Décharge
s’expliquent par l’enchaînement d’accélérations et relative, puis mise en place de semelles rigides
de freinages. Elles se rencontrent plus volontiers thermoformées, rééducation permettent la guéri-
chez des sujets qui présentent des anomalies son dans la plupart des cas.
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