Vous êtes sur la page 1sur 4

2-0490

2-0490

Conduite à tenir et traitement


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

d’une thrombose veineuse profonde


P Priollet, V Bossy

L a prise en charge des thromboses veineuses profondes a bénéficié de progrès décisifs. Ces progrès sont le
développement de l’échographie-doppler, qui est à présent la méthode diagnostique de référence, et la mise
sur le marché des héparines de bas poids moléculaire, qui a fait évoluer le traitement curatif des thromboses
veineuses profondes vers des schémas simplifiés dont le terme ultime est l’utilisation d’une seule injection par jour.
Par ailleurs, des études récentes ont conclu à la faisabilité, à l’efficacité et à la sûreté du traitement ambulatoire des
thromboses veineuses proximales par héparine de bas poids moléculaire sous-cutanée.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : thrombose veineuse profonde, héparine.


Conduite à tenir

Il n’est pas concevable de proposer un traitement


Tableau I. – Estimation de la probabilité clinique de thrombose veineuse profonde à l’aide du score
de Wells.

Caractéristiques cliniques Score


anticoagulant devant une thrombose veineuse Cancer actif (en cours de traitement ou découvert depuis moins de 6 mois ou en traitement 1
profonde des membres inférieurs sans prévoir palliatif)
d’obtenir rapidement confirmation du diagnostic au Paralysie, parésie, immobilisation plâtrée du membre suspect 1
moyen d’un examen complémentaire. Le manque Alitement récent de plus de 3 jours ou chirurgie majeure datant de moins de 4 semaines 1
de sensibilité et de spécificité des signes cliniques de Douleur localisée sur le trajet veineux profond 1
Tuméfaction de tout un membre 1
thrombose veineuse profonde des membres Tuméfaction unilatérale du mollet de plus de 3 cm par rapport au mollet controlatéral 1
inférieurs est bien connu, puisque les deux tiers des Œdème « prenant le godet » 1
thrombus veineux pourraient être asymptomatiques Veines superficielles (non variqueuses) collatérales 1
tandis que, chez les patients souffrant de symptômes Présence d’un diagnostic alternatif au moins aussi probable que celui de la thrombose vei- -2
neuse profonde
évoquant une phlébite, des thrombus ne seraient
identifiés qu’une fois sur deux. L’estimation de la probabilité clinique est obtenue par l’addition des points du score : probabilité élevée (score ≥ 3), intermédiaire (score = 1-2), faible
(score < 1).
‚ Phlébographie ‚ Place du dosage des D-dimères de la Les embolies pulmonaires asymptomatiques sont
Ce n’est plus le gold standard. fibrine fréquentes.
Le diagnostic positif de thrombose veineuse Le dosage des D-dimères fait partie des tests Si certains ont souligné qu’il n’y avait pas
profonde ne repose plus sur la phlébographie qui, en diagnostiques utiles en cas de suspicion de maladie d’arguments convaincants pour penser que les
la matière, a perdu sa qualité de gold standard au veineuse thromboembolique à la condition de faire embolies pulmonaires surviennent chez des patients
profit des explorations ultrasoniques. La sensibilité et appel aux tests enzyme-linked immunosorbent assay souffrant d’une thrombose isolée des veines du
la spécificité du doppler et de l’échographie sont (Elisa) et non aux tests au latex nettement moins mollet et que les embolies pulmonaires ne
telles, en effet, que cette exploration est actuellement sensibles. Une concentration de D-dimères inférieure concernaient que les patients chez lesquels la
proposée devant toute suspicion clinique de au seuil critique (en général 500 µg/L) permet thrombose surale s’était étendue à la veine poplitée
thrombose veineuse profonde, l’indication d’une d’exclure la maladie thromboembolique veineuse. ou aux veines plus proximales encore, en réalité,
phlébographie étant de plus en plus rarement posée. En revanche, un taux élevé n’est pas synonyme de différents travaux ont montré que l’incidence des
La phlébographie est en effet une méthode de maladie veineuse thromboembolique en raison du embolies pulmonaires asymptomatiques détectées
diagnostic invasive, sans pour autant que sa fiabilité grand nombre de faux positifs [1]. par scintigraphie ou angiographie pouvait atteindre
soit parfaite, compte tenu notamment des difficultés 30 % chez les patients souffrant d’une thrombose


d’opacification du réseau veineux intramusculaire. limitée aux veines surales. Mais, dans la mesure où
Évolution et complications ces embolies pulmonaires sont généralement
‚ Clinique asymptomatiques, elles sont volontiers considérées
La clinique conserve son intérêt. Les embolies pulmonaires graves trouvent comme dénuées de conséquences pratiques
Des tentatives de réhabilitation de l’examen habituellement leur origine au niveau des veines puisqu’elles ne conduisent pas à modifier la stratégie
clinique dans le diagnostic de thrombose veineuse proximales. Peut-on exclure pour autant que des thérapeutique. John Homans fut en fait l’un des
sont faites régulièrement. Ainsi, l’équipe de Wells [10] thromboses veineuses surales, candidates a priori premiers, non pas à promouvoir le signe fameux
a proposé un score estimant la probabilité clinique « idéales » à une prise en charge ambulatoire, mais contestable auquel il devait laisser son nom,
de thrombose veineuse profonde (tableau I). puissent emboliser ? mais à insister dès 1934 sur l’absence de

1
2-0490 - Conduite à tenir et traitement d’une thrombose veineuse profonde

parallélisme anatomoclinique en cas de thrombose


veineuse profonde [4]. Il décrivit à cette époque une Tableau II. – Comparaison de l’héparine de bas poids moléculaire et de l’héparine non fractionnée
au cours de deux études randomisées.
forme particulière de thrombose trouvant son
origine au niveau des veines intramusculaires du Étude canadienne Étude Tasman
mollet, caractérisée par le degré d’extension de la Levine M et al Koopman MM et al
thrombose, la discrétion des signes cliniques et Nombre de patients éligibles 2 230 692
l’incidence élevée d’embolies pulmonaires souvent Nombre de patients randomisés 500 (22 %) 400 (69 %)
mortelles.
Ambulatoire strict 120 (48 %) 72 (36 %)
HBPM HNF HBPM HNF
À présent, la sensibilité et la spécificité n = 247 n = 253 n = 202 n = 198
de l’échographie-doppler dans le Accident veineux 13 (5,3 %) 17 (6,7 %) 14 (6,9 %) 17 (8,6 %)
diagnostic des thromboses des veines thromboembolique
du mollet atteignent près de 100 % et Accident hémorragique majeur 5 (2 %) 3 (1,2 %) 1 (0,5 %) 4 (2 %)
Mortalité 11 (4,4 %) 17 (6,7 %) 14 (6,9 %) 16 (8,1 %)
l’on admet que la prévalence des
embolies pulmonaires est faible chez HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; HNF : héparine non fractionnée.
les patients souffrant d’une thrombose
limitée aux veines du mollet et Tableau III. – Indications des héparines de bas poids moléculaire dans le traitement curatif des
asymptomatique sur le plan thromboses veineuses profondes.
respiratoire.
Spécialités Posologie Zone thérapeutique
Fragminet 100 UI AXA SC kg/12 h 0,5 - 1 UI anti-Xa/mL
En revanche, une étude a montré que chez les Fraxiparinet 225 UIC AXA (100 UI AXA) SC kg/12 h 0,5 - 1 UI anti-Xa/mL
patients qui souffrent d’une thrombose veineuse Lovenoxt 1 mg (100 UI AXA) SC kg/12 h 0,5 - 1,2 UI anti-Xa/mL
limitée aux veines surales diagnostiquée par Innohept 175 UI AXA SC kg/24 h 0,5 - 1 UI anti-Xa/mL
échodoppler et qui présentent des symptômes Fraxodit 0,1 mL SC 10 kg/24 h < 1,8 UI anti-Xa/mL
respiratoires, la prévalence de l’embolie pulmonaire
SC : sous-cutané.
est élevée [8]. Il faut donc éviter de traiter à domicile
ces patients, corriger la stratégie thérapeutique si sous-cutanée a été comparée à la perfusion hospitalisés. C’est le cas de 52 % des patients dans la
l’option d’une prise en charge ambulatoire avait été intraveineuse continue d’HNF. Dans l’étude première étude et de 64 % dans la seconde étude.
prise et proposer sans délai une hospitalisation. canadienne (tableau II), 247 malades ont reçu de En définitive, si ces deux études confortent les
l’énoxaparine (Lovenoxt) à raison de deux injections praticiens dans l’utilisation des HBPM dans le
sous-cutanées quotidiennes de 1 mg/kg/j, alors que traitement des thromboses veineuses proximales,


Traitement

Si l’héparine est reconnue depuis longtemps


dans l’étude dite Tasman coordonnée par le groupe
d’Amsterdam, 202 malades ont reçu de la
nadroparine calcique (Fraxiparinet) à raison de deux
injections sous-cutanées de 100 UI anti-Xa/kg/j.
c’est-à-dire des phlébites atteignant la veine poplitée
ou les veines en aval, et dans la possibilité de réduire
les durées d’hospitalisation, elles ne permettent, ni de
valider le traitement strictement ambulatoire de
comme le traitement des thromboses veineuses Dans ces deux études, les HBPM paraissent au toutes les phlébites proximales, ni de connaître les
profondes à la phase aiguë, deux progrès importants moins aussi efficaces que l’HNF lorsque sont pris en critères selon lesquels le choix d’un traitement à
ont marqué, ces dernières années, la prise en charge compte le taux de récidives thromboemboliques à domicile ou à l’hôpital se fera.
de ces thromboses [ 6 ] . Le premier est la 3 mois (5,3 % sous énoxaparine ; 6,9 % sous
démonstration que la durée du traitement par nadroparine), les accidents hémorragiques majeurs
héparine et la durée d’hospitalisation peuvent être
limitées à 5 jours si le traitement par antivitamines
K (AVK) est débuté en même temps que l’héparine.
Le second est la mise sur le marché des héparines de
(2 % sous énoxaparine ; 0,5 % sous nadroparine) et
le taux de mortalité (4,4 % sous énoxaparine ; 6,9 %
sous nadroparine).
Par ailleurs, il est à présent possible de ne prescrire

Traitement des thromboses
veineuses profondes :
à quelles conditions ?
Que le traitement des thromboses veineuses
bas poids moléculaires (HBPM) qui ont une demi-vie les HBPM qu’en une seule injection par jour d’où un profondes se passe à domicile ou dans une structure
plus longue et une meilleure biodisponibilité que traitement ambulatoire encore plus aisé. de soins, il doit représenter un avantage et non un
l’héparine non fractionnée (HNF) quand elles sont risque pour les patients. La contrepartie d’une telle
administrées par voie sous-cutanée. ‚ Réduction de la durée d’hospitalisation formule est la nécessité d’une grande rigueur de la
ou traitement ambulatoire strict ? part du médecin qui assure chaque étape de la prise
Les HBPM sont au moins aussi efficaces que
l’héparine standard. Ces deux études autorisent-elles le traitement en charge du malade.
La démonstration a ainsi été apportée que les ambulatoire de toutes les thromboses veineuses et
HBPM étaient au moins aussi efficaces et sûres que notamment de toutes les thromboses veineuses ‚ Choisir la dose d’héparine
l’HNF dans le traitement des thromboses veineuses proximales ? Rien n’est moins sûr et trois réserves Mise en route du traitement anticoagulant par
profondes proximales. Depuis la commercialisation importantes doivent être faites. héparine à doses correctes avant même le
de l’HNF sous-cutanée, les praticiens ont recours au Les malades inclus dans ces deux études ne diagnostic de thrombose veineuse profonde
traitement à domicile des thromboses veineuses représentent qu’une proportion du collectif éligible, confirmé. Le choix se porte sur une HBPM à doses
lorsqu’ils le jugent possible ou souhaitable, compte soit 22 % (500/2 230) dans la première étude et curatives en une ou deux injections par jour selon la
tenu du contexte et notamment des pathologies 69 % (400/692) dans la deuxième étude. spécialité choisie (tableau III). La mesure de l’activité
associées, mais cette attitude n’a pas fait l’objet d’une Parmi les critères de non-inclusion, ont été retenus anti-Xa n’est pas indispensable sauf en cas d’obésité,
validation scientifique. Deux études randomisées nombre de facteurs associés tels que cancers, d’insuffisance rénale et chez les personnes âgées. En
ont conclu à la faisabilité, à l’efficacité et à la sûreté malades en fin de vie, existence d’une anomalie revanche, il est recommandé de pratiquer une
du traitement ambulatoire des thromboses constitutionnelle de la coagulation ou grossesse. numération plaquettaire avant traitement, puis deux
veineuses proximales par HBPM par voie Surtout, un pourcentage non négligeable de fois par semaine au cas où l’héparinothérapie serait
sous-cutanée [5, 7]. Dans ces deux études, l’HBPM patients dits « traités à domicile » ont en fait été prolongée.

2
Conduite à tenir et traitement d’une thrombose veineuse profonde - 2-0490

Tableau IV. – Principales caractéristiques des antivitamines K. Recherche d’un cancer devant une
Demi-vie Dose/comprimé thrombose veineuse profonde
Médicaments (heures) (mg) idiopathique (d’après J Emmerich [3]).
Demi-vie courte et intermédiaire ✔ Examen clinique complet incluant
Tromexanet 2-2,5 300 les touchers pelviens.
Sintromt 10 4 ✔ Radiographie du thorax.
(ou 1 : Mini-Sintromt)
✔ Hémogramme, vitesse de
Pindionet 5-10 50
sédimentation, protéine C réactive.
Demi-vie longue ✔ Chez la femme : mammographie,
Apegmonet 24 4
Préviscant 30 20 échographie pelvienne.
Coumadinet 35-45 2 ou 10 ✔ Chez l’homme : prostate specific
antigen (PSA).
✔ Les autres examens (fibroscopies
‚ Prescrire un échodoppler patients est possible lorsqu’une hypocoagulabilité
franche a été obtenue, sous couvert d’une digestives, scanner, échographie
Obtention rapide d’une échographie-doppler abdominale, fibroscopie
contention élastique. Le lever sans contention peut
réalisée par un praticien expérimenté. bronchique...) ne sont indiqués
aggraver l’hyperpression veineuse et favoriser
‚ Surveiller l’international normalized l’extension de la thrombose veineuse profonde. Les qu’en cas de point d’appel clinique.
ratio (INR) lors du relais niveaux de contention sont diversement classés
par antivitamines K selon les fabricants. Les contentions fines, dites de
Surveillance biologique très précise du traitement classe 1, sont suffisantes en l’absence d’œdème et étiologique des phlébites s’appuie chaque jour
par héparine et AVK, tout particulièrement lors de la de signes fonctionnels importants. Dans les autres davantage sur les examens biologiques, voire sur les
période de relais. Une période de chevauchement cas, des contentions de classe 2 ou 3 sont méthodes de biologie moléculaire. En décrivant en
d’au moins 4 jours avec les héparines est nécessaire préférables. La prescription de la contention doit être 1965 un déficit héréditaire en antithrombine III à
jusqu’à obtention d’une baisse stable de l’ensemble précise, car une mauvaise prescription est l’origine d’une forme familiale de thrombose
des facteurs vitamines-K dépendants. Il existe deux pratiquement garante d’une mauvaise observance, veineuse, Egeberg amorçait un bouleversement
types d’AVK : les AVK de demi-vie courte et non du modèle proposé, mais de la contention dans le diagnostic étiologique de cette maladie et
intermédiaire et les AVK de demi-vie longue élastique en général. Les chaussettes sont souvent faisait implicitement rétrograder les causes
(tableau IV). La prescription d’une AVK de demi-vie préférables à des bas ou à des collants car plus classiques, médicales, obstétricales et chirurgicales,
courte doit se faire en deux prises par jour car il faciles à enfiler et moins chauds surtout dans les de thrombose veineuse profonde du rang d’étiologie
existe de grandes variations nycthémérales en cas niveaux de contention élevés. Les bandes de à celui de simple facteur de risque. Trente ans plus
de prise quotidienne unique. Les AVK de demi-vie contention sont rarement indispensables en cas de tard, la découverte d’une nouvelle anomalie
longue sont prescrites en une seule prise par jour thrombose veineuse profonde et nécessitent héréditaire de la coagulation, la résistance à la
avec une stabilité des résultats biologiques souvent l’aide d’une tierce personne pour être protéine C activée, n’a fait que confirmer l’incapacité
satisfaisante dont le corollaire est un risque correctement mises en place. La contention élastique de l’examen clinique à mener à bien l’enquête
hémorragique moindre. Elles sont prescrites en une doit être adaptée au fil du temps à l’évolution étiologique des thromboses veineuses. De plus, la
seule prise quotidienne, le soir de préférence, de clinique de la thrombose veineuse profonde et aux mutation responsable de cette anomalie biologique
façon à pouvoir corriger la dose le jour même du circonstances susceptibles de favoriser la stase a été découverte. Il s’agit d’une mutation sur
prélèvement biologique. Les doses de charge sont veineuse. l’arginine en position 506 au site de clivage du
dangereuses et non justifiées. La dose initiale choisie facteur V par la protéine C activée. Désormais, un
est la dose quotidienne moyenne nécessaire à ‚ Réaliser l’enquête étiologique test simple de biologie moléculaire permet de
l’équilibre : 4 mg de Sintromt, 20 mg à 25 mg de rechercher l’anomalie, sans qu’il soit indispensable
Préviscant, 4 mg d’Apegmonet, 6 mg de Des études récentes ont chiffré à environ 7 % la
de passer par l’étape du test biologique. Surtout, la
Coumadinet, en sachant que la dose nécessaire à prévalence des anomalies héréditaires de
résistance à la protéine C activée paraît très
l’équilibre est variable d’un patient à l’autre. La l’hémostase en cas de thrombose veineuse
fréquente puisqu’elle concerne environ 20 % des
surveillance biologique d’un traitement par les AVK profonde et à 17 % le risque de cancer dans les
patients ayant souffert de thrombose veineuse et 3 à
reposait sur la mesure du taux de prothrombine (TP) 2 ans en cas de thrombose veineuse profonde 5 % de la population générale dans une étude
qui devait se situer entre 25 et 40 % selon les récidivante, et enfin à 20 % la découverte d’une hollandaise. Dans une étude suédoise, cette même
laboratoires. Elle doit se faire actuellement sur la étiologie au terme d’une enquête exhaustive en cas anomalie était présente chez 33 % des patients aux
mesure de l’INR. En effet, le TP varie en fonction du de thrombose veineuse profonde a priori sans antécédents de thrombose et 5 % des témoins. Il
réactif utilisé (thromboplastine) expliquant les cause. Il n’est pourtant pas facile de fixer les limites s’agit donc d’une anomalie beaucoup plus fréquente
variations des résultats constatés selon les différents de l’enquête étiologique des thromboses veineuses que les déficits congénitaux désormais traditionnels
laboratoires. L’INR est le rapport du taux de profondes lorsque l’examen clinique n’apporte pas en protéine C, protéine S et antithrombine III,
prothrombine du témoin élevé à la puissance ISI d’argument d’orientation. Le risque relatif de cancer pouvant en particulier expliquer l’augmentation du
(index de sensibilité international). L’ISI est une après une thrombose veineuse profonde a été risque de thrombose veineuse sous pilule chez
caractéristique de la thromboplastine utilisée, précisé. Au cours de la première année suivant la certaines patientes. D’autres causes de
déterminée par rapport à une thromboplastine de thrombose veineuse profonde, le risque est multiplié thrombophilie constitutionnelle ont été récemment
référence. La zone thérapeutique recommandée par 3 à 4 par rapport à la population générale. Par publiées : en 1996, une mutation dans le gène de la
pour le traitement curatif des thromboses veineuses ailleurs, le bénéfice de la réalisation systématique prothrombine présente chez 6 à 10 % des patients
profondes se situe entre 2 et 3 et varie en sens d’examens complémentaires n’a pas été démontré souffrant d’une maladie veineuse thromboembo-
inverse du TP. et, en l’absence d’élément clinique d’orientation, le lique et, en 1999, un nouveau polymorphisme dans
bilan doit rester simple [3] , sauf dans le cas le gène du facteur XIII. Enfin, l’hyperhomocystéi-
‚ Adapter la contention élastique particulier des thromboses bilatérales qui justifient némie connue comme facteur de risque
Surveillance clinique de l’évolution et adaptation une enquête étiologique exhaustive. d’athérosclérose pourrait également jouer un rôle
de la contention élastique. Le lever précoce des Il est en revanche certain que le diagnostic dans la maladie veineuse thromboembolique [9].

3
2-0490 - Conduite à tenir et traitement d’une thrombose veineuse profonde

‚ Durée optimale du traitement veineuse thromboembolique. Plus récemment, un ayant souffert d’accidents veineux récidivants en
anticoagulant essai clinique s’est intéressé aux patients ayant association, par exemple, à des anomalies de la
souffert d’un second épisode thromboembolique coagulation ;
Plusieurs essais cliniques ont clairement montré
chez lesquels les AVK ont été prescrites, soit durant – les autres patients seraient inclus dans un
que le relais de l’héparine par les AVK par voie orale
6 mois, soit indéfiniment. Le taux de complications groupe intermédiaire et candidats à un traitement de
prévenait la récidive des accidents veineux
thromboemboliques était significativement plus bas 6 mois.
thromboemboliques qui survient sinon dans un
dans le groupe recevant un traitement par AVK non Des essais cliniques seront bien entendu
pourcentage de cas qui peut atteindre jusqu’à 25 %.
limité dans le temps (2,6 %), comparativement au nécessaires pour valider une telle classification.
Mais les études ont également montré qu’il existait
un risque hémorragique lié aux traitements groupe ne recevant que 6 mois de traitement ‚ Intérêt de la contention élastique
anticoagulants au long cours. Entre 1992 et 1995, (20,7 %). Parallèlement, il existait une augmentation Si des progrès considérables ont été réalisés dans
trois études prospectives randomisées ont comparé du risque d’hémorragie majeure dans le groupe la prise en charge immédiate des thromboses
l’efficacité des AVK (warfarine) prescrites pendant traité indéfiniment. La question se pose donc veineuses et l’intérêt des traitements par héparine
une courte période de 4 à 6 semaines par rapport à d’adapter la durée du traitement anticoagulant après parfaitement validé, en revanche, l’intérêt à long
une prescription plus prolongée de 3 à 6 mois. Ces un accident veineux thromboembolique aux risques terme de la contention élastique pour prévenir le
études ont montré la réduction du taux de individuels des patients : développement d’un syndrome veineux
complications thromboemboliques, sans – les malades à faible risque seraient ceux chez post-thrombotique n’a été démontré que
augmentation significative de la fréquence des lesquels les facteurs de thrombose sont temporaires récemment. Environ 60 % des patients développent
complications hémorragiques, lorsque les AVK sont (plâtre, intervention chirurgicale…), auquel cas la un syndrome veineux post-thrombotique dans les
prescrites pendant une période prolongée. Toutefois, durée du traitement anticoagulant pourrait être de 4 2 ans après un premier épisode de thrombose
ces travaux avaient exclu les patients ayant fait plus à 6 semaines ; veineuse profonde. L’utilisation d’une contention
d’un accident thrombotique ou ceux chez lesquels il – un traitement par AVK de durée indéfinie serait élastique sur mesure réduit dans cet essai ce chiffre
existait des facteurs de risque importants de maladie réservé au groupe à haut risque incluant les patients d’environ 50 % [2].

Pascal Priollet : Chef de service.


V Bossy : Assistante.
Service de médecine interne et de médecine vasculaire, hôpital Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75674 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Priollet et V Bossy. Conduite à tenir et traitement d’une thrombose veineuse profonde.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0490, 2000, 4 p

Références

[1] Bounameaux H, Perrier A. Approche diagnostique de la maladie thrombo- [6] Lazareth I, Priollet P. Traitement médical des thromboses veineuses profon-
embolique veineuse. Sang Thromb Vaiss 1999 ; 11 : 327-336 des. In : Thromboses veineuses des membres. Paris : Doin, 1994 : 159-168

[2] Brandjes DP, Büller HR, Heijboer H, Huisman MV, De Rijk M, Jagt H et al. [7] Levine M, Gent M, Hirsh J, Leclerc J, Anderson D, Weitz J et al. A comparison
Randomized trial of the effect of compression stocking in patients with sympto- of low-molecular-weight heparin administered primarily at home with unfractio-
matic proximal vein thrombosis. Lancet 1997 ; 349 : 759-762 nated heparin administered in the hospital for proximal deep-vein thrombosis.
N Engl J Med 1996 ; 334 : 677-681
[3] Emmerich J. Maladie thrombo-embolique veineuse : traitement et étiologie.
Sang Thromb Vaiss 1999 ; 11 : 337-342 [8] Passman MA, Moneta GL, Taylor LM Jr, Edwards JM, Yeager RA, McCon-
nell DB et al. Pulmonary embolism is associated with the combination of isolated
[4] Homans J. Thrombosis of the deep veins of the lower leg, causing pulmonary calf vein thrombosis and respiratory symptoms. J Vasc Surg 1997 ; 25 : 39-45
embolism. N Engl J Med 1934 ; 211 : 993-997
[9] Quéré I, Emmerich J. Les nouvelles causes de thrombophilie constitution-
[5] Koopman MM, Prandoni P, Piovella F, Ockelford PA, Brandjes DP, van der nelle. Rev Méd Interne 1997 ; 18 (suppl 6) : 626-635
Meer J et al. Treatment of venous thrombosis with intravenous unfractionated
heparin administered in the hospital as compared with subcutaneous low- [10] Wells PS, Anderson DR, Bormanis J, Guy F, Mitchell M, Gray L et al. Value
molecular-weight heparin administered at home. N Engl J Med 1996 ; 334 : of assessment of pretest probability of deep-vein thrombosis in clinical manage-
682-687 ment. Lancet 1997 ; 350 : 1795-1798

Vous aimerez peut-être aussi