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Accident ischémique
Encyclopédie Pratique de Médecine
transitoire
C Lucas, D Deplanque, F Lucas, C Gautier
L ’accident ischémique transitoire (AIT) est une urgence diagnostique et thérapeutique.
Toute symptomatologie neurologique focale à début horaire doit faire évoquer un AIT.
Un bilan paraclinique en urgence est toujours nécessaire.
Le traitement repose sur la prise en charge des facteurs de risque vasculaire, les antiagrégeants plaquettaires et le
traitement de la cause, lorsqu’elle est dépistée.
© Elsevier, Paris.
■
Introduction
Les accidents ischémiques transitoires (AIT)
constituent une pathologie fréquemment rencontrée
en médecine omnipraticienne. Le médecin
généraliste est alors confronté à différents
problèmes : d’ordre médical tout d’abord, avec les
difficultés diagnostiques inhérentes à une
symptomatologie transitoire, en effet, les diagnostics
positif et différentiel ne reposent que sur
l’interrogatoire, avec les aléas de celui-ci. Le second
problème est d’ordre humain : il s’agit de convaincre
un patient dont l’examen est normal de la nécessité
d’un bilan paraclinique en urgence, ce qui est loin
d’être entré dans les mentalités, tout au moins dans
les pays latins. Nous aborderons les aspects
épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques des
AIT. La démarche diagnostique et les examens
paracliniques à réaliser sont détaillés dans un autre
chapitre de ce volume.
■
Définition d’un AIT
Un AIT est défini par la survenue brutale de signes
neurologiques transitoires, sans signes
d’hypertension intracrânienne, régressant, par
définition, complètement en moins de 24 heures,
intéressant l’œil ou le cerveau. Le mécanisme en est
ischémique. Dans l’immense majorité des cas, il
s’agit d’un diagnostic d’interrogatoire, la
symptomatologie durant habituellement quelques
minutes.
Il faut d’emblée préciser que la symptomatologie
étant usuellement très brève et non douloureuse,
nombre de patients ne consulteront pas, alors qu’il
© Elsevier, Paris
s’agit d’un « signal d’alarme » et d’une « épée de
Damoclès ». Les AIT constituent en effet un indicateur
de risque ischémique puissant, tant cérébral, avec le
risque de survenue d’un infarctus cérébral invalidant,
que coronarien, avec le risque de survenue d’un
angor ou d’un infarctus du myocarde. Ceci
sous-entend que la première cause est représentée
par l’athérosclérose. Les stratégies de prise en charge
et de prévention secondaire étant désormais bien
établies, ces données expliquent l’importance de la
reconnaissance de ce diagnostic par le corps
médical, et en particulier par l’omnipraticien qui est
consulté en premier, et impliquent une éducation du
grand public pour reconnaître les symptômes
évocateurs d’un tel diagnostic. Les AIT constituent
donc une urgence vitale et fonctionnelle.
■
Épidémiologie [2, 6]
Les données épidémiologiques proviennent, le
plus souvent, de registres hospitaliers et sont donc
biaisées, puisque de nombreux patients présentant
un AIT ne sont pas hospitalisés ou ne consultent pas.
L’incidence (nombre de nouveaux cas par an) varie,
suivant les études, entre 0,3 et 8 pour 1 000
habitants par an, avec une augmentation avec l’âge
(75 % ont lieu après 65 ans). La prévalence (nombre
de cas dans une population donnée) varie de 1 à 77
pour 1 000 habitants. Les AIT représentent de 9 à
25 % des accidents vasculaires cérébraux. Ils sont
plus fréquents chez l’homme (sex-ratio : 3/2). L’âge
de survenue moyen est de 66 ans chez l’homme et
de 72 ans chez la femme. Les AIT ne sont pas une
cause directe de morbidité, mais ils ont une valeur
d’indicateurs de risque pour la survenue d’infarctus
cérébraux invalidants à court terme, ou d’accidents
coronariens à moyen terme. Après un AIT,
l’incidence de l’infarctus cérébral est de 6 à 8 % dans
les premiers mois, de 5 % par an les 3 années
suivantes, puis de 3 % par an alors qu’elle est de 1 %
dans la population générale. Le taux moyen de
mortalité annuelle à 10 ans après un AIT est
multiplié par trois. En termes d’économie de santé, la
prise en charge des AIT est rentable : en 1988, le
coût total des accidents vasculaires cérébraux (AVC)
était d’environ 3 milliards de dollars en Suède. La
1
prise en charge de l’hypertension artérielle, premier
facteur de risque vasculaire, permettrait, dans ce
pays, d’éviter 420 AVC par million d’habitants.
L’antiagrégation plaquettaire, qui a fait ses preuves
dans les AIT et les infarctus mineurs, permettrait
d’éviter 180 AVC pour 1 000 patients traités par an,
avec une économie de l’ordre de 7,2 millions de
dollars par an. Les anticoagulants dans la fibrillation
auriculaire permettraient de prévenir 420 AVC par
an et entraîneraient une économie de 1,5 million de
dollars. L’endartérectomie carotidienne préviendrait
la survenue de 255 AVC par an, avec une économie
de 8 millions de dollars.
■
Diagnostic positif
d’un AIT carotidien
et vertébrobasilaire [1, 2]
Le diagnostic d’un AIT est dans l’immense
majorité des cas un diagnostic d’interrogatoire, d’où
l’importance de celui-ci. Le premier élément, le plus
important, est la survenue brutale, à la seconde, d’un
déficit neurologique focal ou de troubles oculaires.
Le patient décrit des signes neurologiques déficitaires
généralement très brefs, de l’ordre de quelques
secondes à quelques minutes, qui peuvent
correspondre à un territoire artériel systématisé, mais
dont la topographie artérielle précise est loin d’être
toujours évidente. L’important étant d’individualiser,
à l’interrogatoire, la survenue brutale de signes
neurologiques focaux transitoires qui, jusqu’à preuve
du contraire, correspondent à un AIT. Il vaut mieux
porter ce diagnostic par excès étant donné
l’implication pronostique, avec réalisation d’un bilan
AIT carotidien
✔ Amaurose monoculaire transitoire.
✔ Déficit unilatéral sensitif ou moteur
à prédominance brachiofaciale.
✔ Aphasie.
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paraclinique non invasif en urgence, quitte à
négativer secondairement cette hypothèse
diagnostique.
Les éléments sémiologiques évocateurs d’un
AIT du territoire carotidien sont une amaurose
monoculaire transitoire, un déficit unilatéral
sensitif ou moteur à prédominance brachiofa-
ciale, une aphasie.
Les symptômes évoquant un AIT vertébroba-
silaire sont des troubles visuels bilatéraux à type
d’hémianopsie latérale homonyme ou, plus
rarement, de cécité corticale, un déficit sensitif ou
moteur bilatéral d’emblée ou à bascule. Ces
symptômes peuvent être associés à des vertiges
vrais, à une diplopie ou à des troubles de
l’équilibre.
AIT vertébrobasilaire
✔ Hémianopsie latérale homonyme à
bascule.
✔ Cécité corticale.
✔ Déficit sensitif ou moteur bilatéral
d’emblée ou à bascule.
Ces symptômes peuvent être associés à
des vertiges vrais, à une diplopie ou à
des troubles de l’équilibre.
Certains symptômes sont à distinguer des AIT : les
pertes de connaissance, les troubles de vigilance
(somnolence, coma), un vertige, une diplopie, une
dysarthrie et une amnésie isolés.
En pratique, il faut reconnaître que l’origine
artérielle n’est pas toujours aisée à préciser : pour
affirmer l’origine monoculaire d’un déficit, il faut que
le patient ait pensé à masquer un œil puis l’autre, ce
qui est rare du fait de la brièveté du déficit ou de
l’affolement légitime du patient. La reconnaissance
clinique du territoire artériel en cause est importante
pour l’imputabilité d’anomalies mises en évidence
lors du bilan causal ultrasonore, en particulier pour
l’échodoppler cervical : telle sténose bulbaire
carotidienne est-elle de découverte fortuite ou
a-t-elle été symptomatique ?
L’interrogatoire relèvera également l’existence
de facteurs de risque vasculaire au premier rang
desquels figurent l’âge, l’hypertension artérielle
(HTA), puis le tabagisme, le diabète, une dyslipémie,
surtout à type d’hypercholestérolémie. On
recherchera également des antécédents d’autres
AIT, d’infarctus du myocarde ou d’angor, de
fibrillation auriculaire, de valvulopathies et
d’insuffisance cardiaque. Chez un patient jeune,
hormis ces facteurs de risque, on cherchera
également des antécédents de maladie de système
pouvant suggérer une artérite inflammatoire, une
toxicomanie, un traumatisme cervical dans les jours
ou semaines qui ont précédé l’AIT, avec présence de
cervicalgies ou de céphalées, évoquant en première
intention une dissection artérielle cervicale. Enfin,
l’anamnèse devra s’enquérir d’éléments ayant leur
importance dans le diagnostic différentiel : le diabète
(hypoglycémie mimant un AIT), et surtout des
antécédents personnels ou familiaux de maladie
migraineuse (aura migraineuse isolée) ou de
comitialité (crise partielle).
La durée d’un AIT est en général comprise entre
5 et 30 minutes : moins de 5 minutes dans 25 % des
cas, moins de 15 minutes dans 40 % des cas, moins
d’une demi-heure dans 50 % des cas, et moins d’1
heure dans 60 % des cas. Un AIT durant plus d’1
heure s’accompagne fréquemment, au scanner
cérébral ou en imagerie par résonance magnétique
(IRM), d’un infarctus.
L’examen neurologique au décours de l’AIT est
strictement normal. À noter que la normalité de
l’examen clinique incite certains patients, et parfois
certains médecins, à ne pas vouloir prendre « au
sérieux » les symptômes, et à refuser, de prime
abord, tout examen complémentaire.
Faut-il obligatoirement hospitaliser un patient
présentant un AIT ? La réponse est non, à condition
de disposer d’un réseau de correspondants
susceptibles de faire, en moins de 24 heures, un
électrocardiogramme (ECG), un bilan biologique, un
scanner cérébral, un échodoppler cervical avec
Doppler continu et une échographie cardiaque
transthoracique... tout en prévenant le patient qu’à
l’issue de ce bilan, il pourrait être hospitalisé (sténose
hyperserrée carotidienne, dissection artérielle
cervicale, cause cardioembolique...). L’idéal est donc,
en pratique, de faire ce bilan dans une unité
neurovasculaire.
■
Diagnostic différentiel
Nous rappellerons en préambule qu’il vaut mieux
porter le diagnostic d’AIT par excès que par défaut.
En pratique quotidienne, il existe essentiellement
deux grands diagnostics différentiels, à savoir une
aura migraineuse et une crise épileptique partielle,
les autres diagnostics différentiels étant beaucoup
plus rares.
Diagnostic différentiel des AIT
✔ Aura migraineuse +++.
✔ Épilepsie partielle +++.
✔ Processus expansif cérébral :
- tumeur ;
- hématome sous-dural :
- malformation artérioveineuse ;
- hématome intraparenchymateux.
✔ Cause non vasculaire :
- sclérose en plaques ;
- hypoglycémie ;
- maladie de Ménière ;
- hystérie.
✔ Symptômes oculaires transitoires :
- maladie de Horton ;
- HTA maligne ;
- glaucome ;
- œdème papillaire ;
- affections orbitaires ou rétiniennes
non vasculaires.
2
‚ Aura migraineuse
Il s’agit d’un piège diagnostique fréquent, y
compris dans les services très spécialisés en
neurovasculaire chez les patients jeunes. En effet,
il peut s’agir d’un premier épisode d’aura
migraineuse isolée chez un patient jeune. La
céphalée unilatérale, controlatérale par rapport
au déficit, manque souvent ou est très modérée.
Par ailleurs, la présence d’une céphalée n’élimine
pas le diagnostic d’AIT. Les antécédents familiaux
de migraine sont souvent loin d’être connus par
le patient. Certains éléments sémiologiques
doivent attirer l’attention : l’extension rapidement
progressive des phénomènes neurologiques
déficitaires, tels qu’une hémianopsie latérale
homonyme avec amputation d’un hémichamp
visuel en quelques minutes, mais pas à la
seconde (marche migraineuse), et l’existence de
phénomènes sensoriels positifs (phosphènes
scintillants). D’autres signes tels que des nausées,
des vomissements et une phonophotophobie
sont également importants à rechercher.
‚ Crise épileptique partielle
Il s’agit là également d’un piège diagnostique
assez fréquent. Il existe parfois, après une crise
épileptique motrice, une paralysie transitoire
postictale (paralysie de Todd) qui peut passer
pour un AIT si l’anamnèse n’a pu être complète,
ce qui serait le cas sans témoin (amnésie
postcritique). Les crises sensitives épileptiques
ont une « marche » rapidement progressive et ne
sont pas brutales à la seconde. Le distinguo
clinique entre AIT et crises sensorielles est
impossible.
Malgré un bilan exhaustif, ces deux diagnostics
différentiels ne sont parfois posés formellement
qu’après plusieurs mois d’évolution, d’où l’intérêt
d’un suivi en consultation (répétition d’aura
migraineuse, cette fois suivie d’une céphalée
migraineuse typique, apparition d’autres crises
comitiales...).
‚ Autres diagnostics différentiels
Les autres diagnostics différentiels sont beaucoup
plus rares, mais doivent être connus, car leur
méconnaissance peut amener à un retard à la prise
en charge thérapeutique, comme dans une
hypoglycémie qui peut s’accompagner de signes
déficitaires focaux ou même engendrer des fautes
thérapeutiques si un traitement antithrombotique
était instauré sans avoir pratiqué de scanner
cérébral, dans le cas d’un hématome sous-dural,
d’une malformation artérioveineuse, d’une tumeur
ou d’une hémorragie intraparenchymateuse. La
sclérose en plaques peut se manifester par des
signes oculaires ou sensitivomoteurs déficitaires
transitoires. L’hystérie de conversion peut se traduire
par un AIT, mais plus souvent par des signes
« constitués ». L’ictus amnésique est une amnésie
globale transitoire se manifestant par un oubli à
mesure, et souvent désorientation temporelle avec
répétition de questions stéréotypées (Quelle heure
est-il ? Quel jour sommes-nous ?). Les
 Accident ischémique transitoire - 5-0810

‚ Cause athéroscléreuse
Tableau I. – Arbre décisionnel thérapeutique à l’issue du bilan ultrasonore cervical lors d’un AIT.

Échodoppler cervical ± transcrânien Traitement médicamenteux

Athérome carotidien Le traitement médicamenteux de prévention

secondaire repose sur les antiagrégeants
Si sténose ≥ 70 % plaquettaires : deux ont formellement prouvé leur
Artériographie si imputabilité et pas de contre-indication chirurgicale en vue d’une endartérectomie caroti- efficacité, l’aspirine et la ticlopidine (Ticlidt : 2 cp/j). La
dienne dose d’aspirine recommandée en prévention
Prévention secondaire médicale indispensable (antiagrégeant plaquettaire au long cours et prise en charge secondaire de l’ischémie cérébrale est de 300 mg/j.
des facteurs de risque vasculaire)
La ticlopidine a une légère supériorité d’efficacité par
Si sténose < 70 % rapport à l’aspirine, mais avec une tolérance
Prévention secondaire médicale : antiagrégeant plaquettaire et prise en charge des facteurs de risque vascu- hématologique moins bonne (nécessité de surveiller
laire la numération formule sanguine, NFS, plaquettes
Intérêt d’un suivi échodoppler toutes les 2 semaines les 3 premiers mois du
Athérome vertébrobasilaire traitement, et de prévenir le patient de consulter s’il
présente des signes évocateurs de leucopénie ou de
Diffus
thrombopénie). Un autre antiagrégeant plaquettaire,
Prévention secondaire médicale : antiagrégeant plaquettaire et prise en charge des facteurs de risque vascu- non encore commercialisé (Clopidogrel), vient de
laire prouver sa supériorité d’efficacité versus aspirine,
Développement des techniques endoluminales avec pose de stents (en cours d’évaluation)
avec une tolérance statistiquement non différente de
Sténose ostiale d’artère vertébrale l’aspirine, mais en prévention secondaire de
Imputabilité clinique et retentissement hémodynamique : proposer une artériographie en vue d’une dilata- l’infarctus cérébral constitué et pas encore dans l’AIT
tion endoluminale si sténose concentrique courte bien centrée avec un bon lit d’aval et prévention secon- (étude en cours). La prise en charge optimale des
daire médicale facteurs de risque vasculaire diminue d’environ un
Dissection artérielle cervicale tiers le risque de récidives, tout comme le traitement
antiagrégeant. Il persiste toujours un surrisque par
Héparinothérapie en phase aiguë rapport à la population indemne de pathologie
IRM cervicale pour visualiser l’hématome de paroi ± artériographie ischémique neurovasculaire. L’avenir des
thérapeutiques médicamenteuses passe
Relai par AVK à demi-vie longue pendant 3 mois
probablement par de nouveaux antiagrégeants
Au-delà, antiagrégeant plaquettaire si présence d’une dysplasie artérielle, sinon pas de prévention secon- plaquettaires, mais plus sûrement par l’étude, puis la
daire (risque de récidive très faible)
prise en charge thérapeutique, des facteurs
Bilan ultrasonore normal génétiques de risque ischémique (études en cours).
Suspicion clinique de dissection artérielle cervicale ou d’artérite cérébrale, ou patient jeune à bilan cardia- À signaler que les traitements oxygénateurs
que négatif : angio-IRM ± artériographie cérébraux, nootropes, vasodilatateurs n’ont jamais
Cause cardioembolique : héparine puis AVK et traitement causal montré un intérêt scientifiquement prouvé dans
cette indication.

Traitement chirurgical [4, 5]

vertiges isolés ne sont pas des AIT (vertige
paroxystique positionnel bénin, maladie de
Ménière).
Enfin, des manifestations oculaires transitoires
peuvent être dues à une maladie de Horton, un
glaucome, une hypertension artérielle maligne, une
hypertension intracrânienne ou à d’autres affections
orbitaires ou rétiniennes non vasculaires.
‚ Étiologies
La première cause est représentée, dans 40 à
60 % des cas, par l’athérosclérose. La deuxième
cause sont les embolies d’origine cardiaque, dans
20 % des cas, fibrillation auriculaire en tête. Ensuite,
viennent les AIT d’origine lacunaire par
fibrohyalinose des artères perforantes de moins de
300 microns, puis les causes plus rares (dissections
artérielles cervicales, artérite, thrombocytémie,
Alors que des dizaines de milliers de patients
avaient été opérés, depuis une trentaine d’années,
d’endartérectomie carotidienne, avec des degrés de
sténose très variables, ce n’est que depuis tout
récemment, grâce à deux grandes études
randomisées (Nascet et ESCT), que l’on connaît les
indications validées de la chirurgie carotidienne. Fait
important, dans les indications validées détaillées
ci-dessous, le traitement chirurgical ne se substitue
pas au traitement médical. Les patients ayant une

■
polyglobulie...). À noter que 15 à 50 % des AIT, endartérectomie carotidienne doivent avoir un
Physiopathologie suivant les séries, restent de cause inconnue. Le
et étiologies des AIT traitement antiagrégeant et une maîtrise des facteurs
lecteur se rapportera au chapitre « Démarche de risque vasculaire. Les patients qui tirent bénéfice
diagnostique devant un accident ischémique de la chirurgie carotidienne sont les suivants :
‚ Physiopathologie transitoire » pour le détail des différents examens patients ayant une sténose carotidienne
Le mécanisme des AIT est ischémique, mais complémentaires à réaliser. athéroscléreuse bulbaire ≥ 70 % en artériographie,
suivant deux modalités : soit par occlusion artérielle sans sténose intracrânienne majeure (en particulier
pas de sténose du siphon carotidien ≥ 50 %), n’ayant

transitoire, cas le plus fréquent, soit, plus rarement,
par hypodébit focal (en aval d’une sténose serrée
artérielle) ou général (troubles du rythme cardiaque
avec retentissement hémodynamique). L’occlusion
artérielle peut être embolique (agrégats plaquettaires
le plus usuellement, thrombus fibrinocruorique,
cristaux de cholestérol) ou non embolique
(hypercoagulabilité, spasme, artériopathies
inflammatoire, infectieuse, toxique...).
■
Traitements [1, 5]
Le tableau I résume l’attitude thérapeutique
devant un AIT.
Le traitement de prévention secondaire est celui
de la cause avec, quelle que soit la cause, prise en
charge des facteurs de risque vasculaire, HTA en tête.
pas de contre-indication chirurgicale et ayant une
espérance de vie suffisante. À noter que
l’artériographie, « carte routière » indispensable pour
poser formellement l’indication et connaître l’état
artériel, nécessite au préalable le consentement
éclairé du patient, et ne doit être réalisée que si l’on
envisage de l’opérer. D’autres examens non invasifs
(angio-IRM) sont en voie de validation. Il faut

3
5-0810 - Accident ischémique transitoire

également que les patients soient opérés par des
chirurgiens vasculaires à faible morbidité/mortalité
opératoire. L’intervention, dans le cadre d’un AIT,
peut être réalisée rapidement, contrairement aux
infarctus constitués (rupture de barrière
hématoencéphalique avec risque de transformation
hémorragique ou d’œdème cérébral de reperfusion).
Les patients ayant une sténose carotidienne ≤ 30 %
ne doivent pas être opérés. Le problème des
sténoses entre 30 et 70 % n’est pas encore résolu,
mais les résultats intermédiaires d’études encore en
cours incitent à beaucoup de prudence dans
l’indication chirurgicale dans cette zone d’incertitude.
bon lit d’aval. La technique chirurgicale est en fait ‚ Dissection artérielle cervicale
une intervention de neuroradiologie intervention-
Le traitement en phase aiguë repose sur
nelle avec dilatation endoluminale par ballonet.
l’héparinothérapie relayée par un traitement par
Quelques rares équipes réalisent des dilatations
AVK pendant 3 mois. Au-delà, s’il n’existe pas de
endoluminales avec pose de stents sur des sténoses
maladie du tissu élastique (dysplasie fibromusculaire,
athéroscléreuses serrées du tronc basilaire, dans des
maladie d’Ehlers-Danlos...) ou de pseudo-anévrysme
indications très ciblées.
disséquant, aucune prévention secondaire n’est
‚ Cause cardiaque [3] nécesssaire, car le risque de récidive est infime. Dans
les cas contraires, la prévention repose sur
Le traitement en phase aiguë repose sur
l’antiagrégation plaquettaire.
l’héparinothérapie à doses hypocoagulantes en
seringue autopulsée. Hormis le traitement causal, la

D’autres aspects sont en voie d’évaluation pour une
prise en charge plus fine (ulcérations des plaques,
hypersignaux au Doppler transcrânien,
comorbidités...). À noter qu’une occlusion
carotidienne, sauf cas très exceptionnel, n’est pas
une indication d’endartérectomie.
Concernant le territoire vertébrobasilaire, aucun
traitement chirurgical n’est validé à ce jour. Aussi,
pour le moment, les indications sont faites
ponctuellement dans les cas suivants : AIT
vertébrobasilaire chez un patient porteur d’une
occlusion d’une vertébrale et d’une sténose ostiale
concentrique courte de l’autre artère vertébrale avec
meilleure prévention secondaire des causes
cardioemboliques repose sur l’anticoagulation par
antivitamines K (AVK) à demi-vie longue qui
permettent une stabilité du rapport normalisé
international, INR (warfarine, fluindione), dont la
cible doit être entre 2 et 3, hormis pour les prothèses
valvulaires mécaniques où l’INR doit être plus
élevé [3, 4]. Toutes les études ont démontré une
supériorité des AVK, comparativement à l’aspirine,
tout en sachant que l’aspirine est plus efficace que le
placebo. En pratique, un patient ayant des troubles
neurocognitifs, ou faisant des chutes fréquentes, ou
encore peu compliant, devra avoir une prévention
secondaire par antiagrégeant plaquettaire.
■
Conclusion
Les accidents ischémiques transitoires sont une
urgence diagnostique et thérapeutique. Ils
nécessitent un bilan artériel cervical et un bilan
cardiaque, ainsi qu’un scanner cérébral, le plus
rapidement possible. La première cause étant
l’athérosclérose cervicale, l’existence d’un AIT
nécessitera une prise en charge globale de la
maladie athéroscléreuse, en cherchant d’autres
localisations et en traitant les facteurs de risque
vasculaire.

Christian Lucas : Praticien hospitalier, service de neurologie B.

Dominique Deplanque : Interne diplômé d’études spéciales de neurologie, service de neurologie B.
Corinne Gautier : Praticien hospitalier, unité de neurologie.
CHRU de Lille, hôpital Roger-Salengro, rue du 8 mai 1945, 59037 Lille cedex, France.
Frédéric Lucas : Praticien hospitalier,
service des urgences, centre hospitalier de Cambrai, 59407 Cambrai cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Lucas, D Deplanque, F Lucas et C Gautier. Accident ischémique transitoire.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0810, 1998, 4 p

Références

[1] Aha MM. Guidelines for the management of transient ischemic attacks. Stroke
1994 ; 25 : 1320-1335
[2] Amarenco P, Bousser MG. Les accidents ischémiques transitoires. In : Acci-
dents vasculaires cérébraux. Paris : Doin, 1993
[3] EAFT (European Atrial Fibrillation Trial) Study Group. Secondary preven-
tion in non-rheumatic atrial fibrillation after transient ischemic attack or minor
stroke. Lancet 1993 ; 342 : 1255-1262
[4] European carotid surgery trialists’collaborative group. MRC european carotid
surgery trials: interim results for symptomatic patients with severe (70-99 %) or
with mild (0-29 %) carotid stenosis. Lancet 1991 ; 337 : 1235-1243
[5] North american symptomatic carotid endarterectomy trial collaborators. Ben-
eficial effects of carotid endarterectomy in symptomatic patients with high-grade
carotid stenosis. N Engl J Med 1991 ; 325 : 445-453
[6] Orgogozo JM, Rouanet F. Épidémiologie des accidents ischémiques transitoi-
res : implications pour la prévention. Circul Metabol Cerv 1994 ; 11 : 59-65