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L’insuffisance cardiaque aiguë : quelle prise en charge

initiale ?
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June 20, 2023

Confirmer le diagnostic et évaluer la sévérité clinique


Ces deux aspects doivent être évalués en parallèle, et ce, dès le premier contact médical.
En plus de la présentation clinique « classique », de l’électrocardiogramme et de la

radiographie thoracique, les peptides natriurétiques restent la pierre angulaire de la


démarche diagnostique, comme rappelé dans les dernières recommandations
européennes. Un BNP ≤ 100 pg/mL ou NT-proBNP ≤ 300 pg/mL permettent d’infirmer le
diagnostic avec une excellente valeur prédictive négative (figure 1). Il est important de
rappeler que ces taux peuvent être « faussement bas » en cas d’IC terminale, d’obésité,
d’OAP flash ou de dysfonction ventriculaire droite isolée. Au contraire, les patients en FA,
avec une insuffisance rénale et/ou de nombreuses comorbidités cardiovasculaires
peuvent avoir des taux plus élevés sans pour autant présenter d’ICA. Enfin, il ne faut pas
oublier que chez les patients sous sacubitril/valsartan, seul le NT-proBNP est
interprétable.

Figure 1. Algorithme de diagnostic


d’une insuffisance cardiaque aiguë
(ICA), d’après McDonagh et coll., EHJ
2021.
 

De plus en plus, il est possible d’avoir


recours à l’échographie pleurale et
cardiaque de débrouillage (« fast echo
»), notamment en service d’urgence.
Celle-ci ne saurait remplacer celle
réalisée par un cardiologue expérimenté, mais permet d’avoir une estimation visuelle de la
FEVG, de rechercher une cause « évidente » parfois suggérée par l’examen physique
(valvulopathie aiguë sévère), mais aussi parfois d’éliminer une cause aiguë en cas
d’instabilité hémodynamique (tamponnade ou embolie pulmonaire grave par exemple).
L’échographie pleurale à la recherche de lignes B (ou « queues de comète ») a aussi
montré sa plus-value par rapport à l’examen clinique seul, pour le diagnostic d’ICA (AUC
0,95 vs 0,88, p < 0,01 lorsque intégré à l’examen clinique)(4).
Enfin, la recherche de signes de sévérité clinique est aussi un
élément primordial afin
d’initier la bonne prise en charge et le bon parcours de soins, tout en prenant en compte
les comorbidités du patient, ses antécédents et son niveau d’autonomie antérieur.
L’objectif est de ne pas retarder la prise en charge d’un éventuel choc cardiogénique. La
classification de Stevenson (figure 2), basée sur la présence/absence de congestion ainsi

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que sur la présence ou absence d’hypoperfusion est un bon moyen d’identifier
cliniquement les profils de patients en ICA, de débuter la prise en charge la plus optimale
et enfin apporte aussi des informations pronostiques (le profil froid et humide étant
associé à une plus mauvaise survie)(3,5).

Figure 2. Classification de Stevenson


des différents profils cliniques d’ICA,
basée sur la présence/absence de
congestion et d’hypoperfusion.
 

Initier la prise en charge

Identifier le tableau principal et rechercher un facteur


déclenchant
Il faut aussi différencier les « 4 tableaux » d’ICA : la décompensation aiguë d’IC (forme la
plus fréquente, environ 50 à 70 % des cas), l’œdème aigu pulmonaire, l’insuffisance
ventriculaire droite isolée et enfin le choc cardiogénique, car la prise en charge en sera
différente (tableau 1, figure 3)(1,2).

Figure 3. Prise en charge du choc


cardiogénique, d’après les
recommandations européennes de
2021. D’après McDonagh et coll., EHJ
2021.
 

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En parallèle, la recherche d’une cause
spécifique est primordiale et
l’acronyme CHAMPIT utilisé dans les
guidelines européennes de 2021(1)
peut être utilisé afin d’identifier la
bonne prise en charge : Acute Coronary
Syndrome, Hypertension Emergency,
Arrhythmia, Mechanical Cause,
Pulmonary Embolism, Infections,
Tamponade. En dehors de ces causes
nécessitant une prise en charge spécifique en urgence, il faudra traquer l’inobservance
thérapeutique et/ou la modification récente d’un traitement et le non-respect des règles
hygiéno-diététiques.
Les 4 tableaux d’ICA
doivent être différenciés, car leur prise en charge est différente :
décompensation aiguë d’IC, l’œdème aigu pulmonaire, l’insuffisance ventriculaire droite
isolée et le choc cardiogénique.

Des nouveautés du côté des diurétiques ?


Alors qu’il n’y a pas eu de « nouveautés » concernant l’indication à l’oxygénothérapie (SpO2
< 90 % ou PaO2 < 60 mmHg) ou la mise en place d’une ventilation non invasive à invasive,
on peut noter certaines nouveautés concernant l’utilisation des diurétiques.
Les diurétiques de l’anse (qui agissent sur l’échangeur Na+/K+/2 Clau niveau
de la
branche ascendante de l’anse de Henlé, face luminale) sont très largement utilisés.
Néanmoins, les données concernant la dose, le timing et le mode d’administration
optimale sont limitées. L’étude DOSE n’a pas montré de supériorité d’un régime faible dose
versus forte dose et même peut-être plus d’anomalies électrolytiques, activation neuro-
hormonale dans ce dernier cas(6-8). Ainsi, il est recommandé de débuter par une dose
initiale intraveineuse de furosémide (ou équivalent bumétamide) correspondant à 1 à 2
fois la dose journalière avant admission ou de 20 à 40 mg IV de furosémide en bolus si le
patient est « vierge » de tout traitement diurétique(1). Une réponse est considérée comme
« satisfaisante » si la diurèse est de > 100-150 ml/h durant les 6 premières heures post-
traitement. Dans le cas contraire, la dose peut être doublée, et si cela n’est pas suffisant,
une association peut être recommandée(1).
Néanmoins, comme l’a montré récemment
l’étude ADVOR (n = 519 patients), présentée
lors du congrès de l’ESC 2022, une bithérapie par diurétiques de l’anse et acétazolamide à
la dose de 500 mg par jour pendant 3 jours était associée à une meilleure décongestion à
3 jours de la randomisation (absence de signes congestifs et pas d’escalade
thérapeutique) : risque relatif 1.46, IC95% [1,17-1,82], p = 0,0009, ainsi qu’en sortie
d’hospitalisation : risque relatif 1,13, IC95% [1,13-1,43], p = 0,0001, sans augmentation du
risque d’insuffisance rénale ni trouble hydroélectrolytique(9). L’étude CLOROTIC (n = 230
patients), a, quant à elle, comparé une stratégie furosémide à l’association furosémide et
thiazidique et montré une perte de poids plus importante (p < 0,001) au prix d’une
aggravation plus importante de la fonction rénale (p < 0,001) et sans différence sur la

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mortalité et les réhospitalisations(10).
Les résultats de l’étude ADVOR laissent entrevoir que la bithérapie par diurétique de l’anse
+ acétazolamide soit recommandée en première intention.

De l’importance des vasodilatateurs !


Les vasodilatateurs intraveineux (dérivés nitrés) ont une action artérielle et veineuse
permettant une diminution du retour veineux (précharge) et de la postcharge permettant
un rétablissement des conditions de charge et du couplage ventriculo-artériel, ainsi qu’une
augmentation significative du volume d’éjection systolique et donc du débit cardiaque.
Ainsi, ils apparaissent même plus efficaces que les diurétiques en cas d’œdème aigu
pulmonaire par élévation de la postcharge avec ou sans hypervolémie. Ainsi, ils peuvent
être considérés si la PAS > 110 mmHg (classe IIb).

Les inotropes
Ils ne doivent pas être utilisés en routine clinique (classe III). Ils sont à réserver aux
patients avec dysfonction ventriculaire gauche, bas débit cardiaque et PAS basse ne
répondant pas au traitement standard (classe IIb). Ils sont commencés à faible dose et
titrés progressivement, en unité de soins intensifs avec une surveillance rapprochée.
Rappelons néanmoins que les inotropes adrénergiques, et notamment la dobutamine
(action bêta+) qui est la principale amine utilisée en cas de choc cardiogénique,
augmentent le risque de tachycardie sinusale, d’arythmie ventriculaire et
supraventriculaire et augmentent la mortalité. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase III
ou lévosimendan peuvent être préférés chez les patients déjà sous bêtabloquants, car ils
agissent via un mécanisme indépendant, mais exposent à un surrisque d’hypotension
artérielle.

La place de l’assistance circulatoire de courte durée à la


phase initiale
La mise sous assistance nécessite l’avis d’une « heart team » et n’est évidemment pas un
traitement de routine. L’assistance circulatoire de courte durée doit être considérée chez
des patients en choc cardiogénique réfractaire malgré le traitement « médical » énoncé
auparavant, en pont à la décision, la transplantation ou la récupération (classe IIa).
En plus de traiter la congestion, il est important de rétablir les conditions de charge
en
s’aidant des inotropes, vasopresseurs ou vasodilatateurs en fonction de la présentation
clinique et hémodynamique.

4/5
L’auteur n’a aucun conflit d’intérêts avec cet article.

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