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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

UNIVERSITE D’ALGER 1 BEN YOUCEF BENKHEDDA

FACULTE DE MEDECINE D’ALGER DEPARTEMENT DE MEDECINE

État de choc cardiogénique


Conférence pour les résidents en 1ère année de médecine d’urgence

Pr: S. SADAT

sadatsouhila@hotmail.fr

2023-2024
Les objectifs pédagogiques

 Reconnaitre état de choc cardiogénique

 Déterminer les mécanismes et les conséquences physiopathologiques d’un


état de choc cardiogénique

 Etablir le diagnostic (positif, étiologique et différentiel) d’un état de choc


cardiogénique

 Elaborer sa prise en charge


Le plan

I/ Introduction

A/ Définition

II/ Mécanismes physiopathologiques

III/Conséquences physiopathologiques

IV/Les étiologies des états de choc cardiogénique

V/Diagnostic positif

VI/Diagnostics différentiels

VII/Prise en charge thérapeutique

IIX/ Conclusion

X/ Bibliographie
I/ Introduction

Le choc cardiogénique est une urgence diagnostique et thérapeutique, dont le


pronostic dépend :

 De l’identification précoce des patients à haut risque


 D’une démarche diagnostique rigoureuse et de la mise en route de
mesures thérapeutiques agressives.

Malgré des progrès thérapeutiques réalisés ces dernières décennies, la mortalité


globale de ces patients reste très élevée (40 à 70%).

Les médecins urgentistes ont un rôle-clé dans la reconnaissance et la mise en


œuvre des premiers traitements puis l’orientation du patient dans une filière
thérapeutique spécifique.

A/Définition

Le choc cardiogénique se définit comme une insuffisance circulatoire aiguë


liée à une dysfonction primaire du myocarde. Cette incapacité de la pompe
ventriculaire à générer un débit sanguin suffisant pour assurer une délivrance en
oxygène en adéquation avec les besoins métaboliques conduit à :

 Une hypoxie tissulaire


 Une dysfonction d’organe mettant en jeu le pronostic vital du patient

Les critères hémodynamiques de choc cardiogénique sont les suivants /

 Baisse PAS < 90 mm Hg ou une baisse de plus de 40 mm Hg de la PAS


par rapport à sa valeur habituelle pendant au moins 30 minutes malgré un
remplissage adéquat et une fréquence cardiaque ≥ 60 bpm avec recours
aux catécholamines.
 Bas débit cardiaque (index < 2.2 L/min/m²)
 Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) >15 mm Hg
 Augmentation des résistances vasculaires systémiques (RVS) >1500
dynes.sec.cm²
 Augmentation de la différence artérioveineuse en O2 (plus de 5.5ml/dl) et
de l’extraction périphérique en O2.
II/ Mécanismes physiopathologiques

Le primum movens du choc cardiogénique est une atteinte de la contractilité


myocardique, qu’elle soit d’origine :

 Ischémique
 Toxique
 Rythmique ou mécanique

Elle peut concerner :

 Le ventricule gauche
 Le ventricule droit
 Ou bien être globale (bi-ventriculaire)

1. La survenue d’une dysfonction systolique au cours du choc cardiogénique


entraine :

 Une chute du débit cardiaque


 Une diminution de la perfusion coronarienne et des organes
périphériques
 Une vasoconstriction et une rétention hydrosodée réactionnelles à une
activation du système sympathique et des systèmes rénine-
angiotensine et arginine-vasopressine.

Elle s’accompagne également d’une hypoperfusion splanchnique avec un


risque de translocation bactérienne et de l’apparition d’un syndrome de réponse
inflammatoire systémique, responsable d’une dysfonction endothéliale majeur

2. La dysfonction diastolique engendre :

 Une hausse des pressions artérielles pulmonaires et donc une


hypoxémie qui vient majorer l’inadéquation transport et consommation en
oxygène de l’organisme et du myocarde.

III/Conséquences physiopathologiques

Tous les organes vont souffrir du bas débit cardiaque et de l’hypoxie tissulaire :
-Hypoperfusion rénale : installation initiale d’une insuffisance rénale oligo-
anurique fonctionnelle qui peut se transformer secondairement en organique
(nécrose tubulaire aigue).

-Hypoperfusion cérébrale : agitation, coma, altération de l’état de conscience.

-Hypoperfusion hépatique : altération des 3 fonctions : cytolyse, cholestase et


insuffisance hépatocellulaire.

-Hypoperfusion coronaire : signes d’ischémie myocardique.

-Retentissement digestif : ischémie voire nécrose hémorragique de la paroi


intestinale et colique, ischémie mésentérique.

-Équilibre acido-basique : acidose lactique métabolique.

-Retentissement respiratoire : OAP

-Hypoxie tissulaire diffuse avec insuffisance de la microcirculation

IV/Les étiologies des états de choc cardiogénique

1. Cardiopathie ischémique

Représente actuellement 80 % des étiologies des états de choc cardiogénique.


Les mécanismes du choc cardiogénique sont multiples mais peuvent être divisés
en trois grandes catégories :

1. Les dysfonctions de la pompe


2. Les complications mécaniques (insuffisance mitrale aiguë par rupture
de pilier, rupture de paroi libre, tamponnade)
3. Les infarctus du ventricule droit

2. Les autres causes


Le tableau 1: les autres étiologies du choc cardiogénique

V/Diagnostic positif

1- Signes cliniques

1.1/L’insuffisance circulatoire

Se traduit par une PAS < à 90 mm Hg ou une PAM < à 65 mm Hg, ou une
variation de plus de 30 % par rapport à la pression artérielle habituelle ; bien
que l’absence d’hypotension n’élimine pas le diagnostic d’un état de choc à sa
1ére phase

1.2/Les signes cliniques d’hypoperfusion périphérique

A /Les signes cutanés :

La présence de :

 Des marbrures
 Des extrémités froides pâles ou cyanosées et un allongement du temps
de recoloration cutané (supérieur à 3 secondes).
1.3/Les signes d'insuffisance respiratoire aigüe

Ils sont marqués par :

 Une désaturation
 Une polypnée pouvant aller jusqu'à la tachypnée
 Une mise en jeu des muscles respiratoire accessoires
 Des sueurs, une cyanose des extrémités et des râles crépitants à
l'auscultation avec une orthopnée.

Ces signes traduisent l’œdème aigu du poumon hémodynamique.

1.4/Les autres signes cliniques

La diminution des débits sanguins régionaux entraîne des défaillances de


plusieurs organes :

-Au niveau du cerveau : troubles de la conscience (syndrome confusionnel,


agitation, coma).

-Au niveau des reins : oligurie principalement : < 0.5 ml/Kg/h.

-Au niveau du tube digestif : diarrhées inconstante

1.5/Pressions de remplissages élevés

Évaluées en échocardiographie ou avec une mesure invasive des pressions


artérielles pulmonaires (pression artérielle pulmonaire d’occlusion).

2/ Les stades du choc cardiogénique

Les recommandations de 2021 de l’ESC sur l’insuffisance cardiaque ont établi


cinq stades de choc cardiogénique allant de A à E .
3/ L es examens paracliniques

Aucun examen paraclinique n’est nécessaire pour affirmer le diagnostic d’état


de choc, quel que soit son étiologie ; il s’agit d’un diagnostic clinique. Les
examens complémentaires biologiques ou d’imagerie permettent d’évaluer le
retentissement de l’état de choc et de fournir une aide au diagnostic étiologique

3.1/ Electrocardiogramme avec les 18 dérivations

À la recherche :

 Troubles du rythme
 Troubles de la conduction
 Signes d’ischémie myocardique systématisés ou non spécifiques
traduisant une souffrance myocardique diffuse aspect de cœur
pulmonaire aigue droit électrique

Il conviendra de le répéter au cours de la prise en charge du patient, et de le


comparer à de précédents tracés.

3.2/Le bilan biologique

-NFS-plaquettes : recherche d’un syndrome inflammatoire biologique, d’une


anémie, d’une thrombopénie

-Un dosage complet des électrolytes : recherche d’un trouble électrolytique

-Fonction rénale : insuffisance rénale


-La gazométrie artérielle : une acidose métabolique, reflet d’une perfusion
inadéquate des tissus et des troubles des échanges gazeux. Lactate plasmatique
dont l’élévation est le reflet de l’hypoperfusion tissulaire

-Le bilan hépatique : transaminases, bilirubine

-Le bilan l’hémostase souvent perturbés (foie de stase)

-La glycémie

-Les enzymes cardiaques

 Troponines : doivent faire partie du bilan de base.


 Dosage du Brain Natriuretic Peptide (BNP) ou de son précurseur le
NT pro BNP : Bien corrélées à la sévérité de la maladie et surtout à son
pronostic.

3.3/Radiographie de thorax :

 Recherche d’une cardiomégalie


 Un aspect de tamponnade
 Un épanchement pleural liquidien
 Des opacités alvéolo-interstitielles bilatérales hilifuges évoquant un OAP

3.4/L’échocardiographie trans-thoracique

L’examen de référence pour l’évaluation hémodynamique lors de la prise en


charge de tout patient en état de choc, il s’agit d’une exploration non invasive et
reproductible qui :

 Aide au diagnostic étiologique


 Permet de guider et de surveiller l’efficacité des thérapeutiques mises en
œuvre
 Permet d’éliminer les autres diagnostics différentiels du choc
cardiogénique

L’échocardiographie trans-thoracique permet de réaliser :


 Le diagnostic hémodynamique du choc : mesure du débit cardiaque ;
estimation des pressions de remplissage (Doppler, Doppler tissulaire).
 L’évaluation de la fonction systolique segmentaire et globale des
ventricules.
 La recherche d’une extension de l’IDM au ventricule droit.
 La recherche d’un thrombus.
 La recherche d’une complication mécanique, Insuffisance mitrale,
Rupture septale avec CIV, Rupture de paroi libre, Tamponnade.
 Le diagnostic de valvulopathie, de cardiomyopathie hypertrophique.
 Le diagnostic de myocardite fulminante : le ventricule est globalement
très hypokinétique, non dilaté et aux parois épaissies et hyperéchogènes

3.5/ Autres examens

A/Le monitorage invasif par cathéter artériel de Swan Ganz

Cathétérisme de l’artère pulmonaire reste le moyen de référence pour la mesure


du débit cardiaque. Il permet la mesure des pressions du remplissage du cœur
droit et gauche et fourni des informations très précises sur l’état cardio-
respiratoire du malade. Son indication doit être raisonnée et relève de quelques
situations de difficulté diagnostiques et thérapeutiques

B/La saturation veineuse en O2 :

Mesuré à travers une gazométrie réalisée sur un prélèvement du sang veineux


mêlé (à travers un cathéter de Swan Ganz mis en position cave supérieur)
Permet d'estimer la consommation tissulaire en O2. Ce paramètre est corrélé au
débit cardiaque et se trouve donc abaissé en cas de choc cardiogénique.

4/ Les facteurs de risque de mortalité

L’identification des patients à haut risque avec une probabilité de décès élevée à
court terme permet à l’urgentiste de sélectionner la stratégie thérapeutique la
plus adaptée à la classe de risques du patient.

Les facteurs de risque sont :


 Age >75 ans
 Etat de choc à l’admission
 Signes cliniques d’atteinte d’organe
 Hypoperfusion
 Lésion cérébrale post anoxique
 Hypotension
 Status après pontage aorto-coronarien
 Infarctus myocardique non inférieur
 Créatinine > 168 mmol /l
 Fraction d’éjection du ventricule gauche <28%

VI/Diagnostics différentiels

1/Choc distributif

1.1/Choc septique.

Le choc septique est défini par l'association de 3 critères : le sepsis, besoins de


catécholamines pour maintenir une pression artérielle moyenne ≥ 65 mm Hg et
des lactates ≥ 2 mmol/l malgré un remplissage adéquat. La principale
caractéristique du profil hémodynamique du choc septique est un effondrement
des RVS avec une vasoplégie périphérique.

1.2 / Choc anaphylactique

Secondaire à une réaction anaphylactique importante et brutale survenant après


contact avec un allergène auquel le sujet a été préalablement sensibilisé.
La libération des substances vasodilatatrices engendre une chute brutale des
résistances vasculaires systémiques et une augmentation de la perméabilité
capillaire .Dans un premier temps, la pression artérielle reste stable sous l’effet
d’une augmentation du débit cardiaque par tachycardie. Rapidement le choc se
constitue par baisse des pressions de remplissage et chute du débit cardiaque.

2/Choc hypovolémique.

Il s’agit soit d’une hypovolémie absolue secondaire à une perte brutale et


importante de la masse sanguine responsable d’une anémie aiguë.
L’hypovolémie peut être aussi relative c’est la vasoplégie due à une
vasodilatation extrême avec perte du tonus sympathique (choc spinal, coma
dépassé…).

3/Profils hémodynamiques des différents états de choc

VII/Prise en charge thérapeutique

1 /Thérapeutiques initiales

- Le patient doit bénéficier d’un monitorage incluant:

 La SpO2
 Monitorage continu de la pression artérielle, d’où la nécessité de mettre en
place un cathéter artériel
 La fréquence respiratoire
 Électrocardiographique en continu
 l’échocardiographie (trans-thoracique et/ou trans-oesophagienne)
 Permet de diagnostiquer la cause du choc cardiogénique
 Évaluer l’évolution des paramètres hémodynamiques
 Détecter précocement les éventuelles complications

-Oxygénothérapie : pour un objectif de SpO2 > 90 %.La ventilation non


invasive est indiquée en cas:

 D’insuffisance respiratoire aiguë hypoxémiante


 De tachypnée supérieure à 25 cycles par minute
En cas d’intolérance de la VNI ou de la persistance d’une défaillance
respiratoire malgré un support VNI, une instabilité hémodynamique persistante
et des troubles de la conscience → envisager une intubation orotrachéale.

-Le contrôle de la volémie doit être soigneusement dirigé par le tableau


clinique et adapté aux données des mesures hémodynamiques, le but étant de
maintenir la précharge du VG à sa valeur optimale.

-Les drogues vasoactives

La dobutamine est la thérapeutique inotrope la plus fréquemment employée


dans les défaillances cardiaques et dans le choc cardiogénique. L’association de
la dobutamine avec la noradrénaline est la plus recommandée.

La nordrénaline a un effet vasoconstricteur plus important avec des effets


arythmogènes proportionnellement moindres. Elle ne peut être proposée en
association avec la dobutamine que dans les chocs cardiogéniques avec
collapsus majeur

L’adrénaline peut s’avérer une alternative thérapeutique à l’association


dobutamine et noradrénaline. Mais elle est associée à un risque plus important
d’arythmie, de tachycardie et d’hyperlactatémie.

D’autres molécules inotropes positives sont introduites dans la prise en charge


des chocs cardiogéniques : les inhibiteurs de la phosphosdiestérase (exp:
milrinone), les sensibilisateurs du calcium (exp: levosimendan).Il ne faut pas
utiliser les inhibiteurs des phosphodiestérases ou le lévosimendan en première
intention.
Toutefois, ces classes thérapeutiques et en particulier le lévosimandan pourraient
améliorer l’hémodynamique des patients souffrant d’un choc cardiogénique
réfractaire aux catécholamines ou ceux traités de façon chronique par les
bêtabloquants.

Le traitement inotrope et/ou vasopresseur un objectif de PAM d’au moins 65


mmHg
Tableau 2 : puissance relative des agents inotropes

-Assistance circulatoire

Les assistances circulatoires doivent assurer deux grandes fonctions.

1. La restauration de la délivrance en oxygène aux organes périphériques

2. L’assistance du myocarde et limitation de la dilatation ventriculaire, le


remodelage et la hausse des pressions de remplissage.

Le ballon de contre-pulsion intra-aortique : largement utilisé en cas d’état de


choc réfractaire. Le ballon de contre-pulsion intra-aortique n’a pas fait la preuve
de son efficacité en terme de réduction de morbi-mortalité et n’est pas
recommandé dans le traitement du choc cardiogénique ischémique

-Impella ® Le système Impella ® (Abiomed) est une pompe micro axiale


transaortique permettant d’assurer un débit allant de 2,5 à 5 L/min. T

Extracorporel membrane oxygenation veino-artérielle (ECMO-VA)

L’ECMO est un circuit de circulation extracorporelle avec une pompe centrifuge


qui assure une suppléance cardiaque à haut débit, avec oxygénation du sang

-Traitement spécifique ou étiologique


Tableau 3 : Traitement étiologiques du choc cardiogénique

IIX/ Conclusion

Le choc cardiogénique est une situation d’urgence diagnostique et thérapeutique


associée à une morbi-mortalité élevée.
Il doit être évoqué devant tout état de choc associé à des signes évocateurs
L’échocardiographie reste la pierre angulaire des examens complémentaires. Sa
prise en charge, bien que codifiée, constitue un challenge pour les équipes
médicales malgré les avancés thérapeutiques. Les médecins urgentistes ont un
rôle-clé dans la reconnaissance et la mise en œuvre des premiers traitements puis
l’orientation du patient dans une filière thérapeutique spécifique.
IX/Bibliographie

1. Pierre Voizeux, Pierre Grégoire Guinot / Prise en charge du choc


cardiogénique Science directe 2022
2. B. Levy, J. Buzon, C. Delmas. Choc cardiogénique. Anesth Réanimation.
2020;6(2):262‑9.
3. Van Diepen S, Katz JN, Albert NM et al. Contemporary Management of
Cardiogenic Shock: A Scientific
4. Statement From the American Heart Association. Circulation
2017;136:e232-e

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