Vous êtes sur la page 1sur 3

2-0340

2-0340
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Cardiomyoplastie

V Bors

P rès de 1 000 cardiomyoplasties ont été pratiquées dans le monde.

© Elsevier, Paris.


Introduction

La cardiomyoplastie est une technique


chirurgicale utilisant un muscle squelettique (le grand
dorsal), enroulé autour des ventricules, et stimulé
électriquement pour réaliser une assistance
chronique du cœur défaillant.


Base expérimentale

Les muscles squelettiques comportent deux types


de fibres : les fibres de type I, à contraction lente, et
les fibres de type II, à contraction rapide.
Les fibres de type I sont résistantes à la fatigue et
conviennent à un travail chronique.
Les fibres de type II peuvent être transformées en
fibres de type I par une stimulation électrique
progressive séquentielle et à basse fréquence par
voie neuronale. Le muscle squelettique devient ainsi
un « substitut myocardique » [4].


Technique opératoire

L’intervention comprend deux temps.


Le patient est installé en décubitus latéral droit et 1 Illustration de la technique opératoire de la cardiomyoplastie.
le muscle grand dorsal gauche est abordé par une
incision cutanée allant de la région axillaire jusqu’à provisoirement dans la cavité pleurale gauche. arrière des ventricules : le muscle est maintenu en
la crête iliaque. Le muscle grand dorsal est L’incision cutanée est ensuite fermée sur des drains place en le suturant au péricarde postérieur, en
entièrement libéré de ses insertions, en préservant aspiratifs et le malade est installé en décubitus pour regard du tronc de l’artère pulmonaire et de la
soigneusement son pédicule vasculonerveux qui le temps opératoire suivant. veine cave inférieure. Il est ensuite suturé bord à
aborde la face profonde du muscle près de son Le cœur est abordé par sternotomie médiane bord, à partir de la pointe du cœur, afin
extrémité supérieure. Deux électrodes de stimulation verticale. La plèvre gauche est largement ouverte, d’entourer les deux ventricules (fig 1). La
musculaire sont placées autour des branches de permettant de récupérer le muscle grand dorsal cardiomyoplastie dynamique de renforcement ne
division du nerf du grand dorsal, au niveau du tiers et les deux électrodes musculaires. Le péricarde nécessite pas le recours à la circulation
© Elsevier, Paris

proximal du muscle. Puis l’arc antérieur de la est incisé à gauche de la ligne médiane et le cœur extracorporelle. La sternotomie est refermée sur
deuxième ou troisième côte gauche est réséqué, est exposé. Après avoir mis en place une ou deux drains aspiratifs, puis les électrodes sont connectées
permettant de réaliser une fenêtre thoracique. Par électrodes de recueil dans la paroi antérieure du à un cardiomyostimulateur. Le cardiomyostimu-
cette courte thoracotomie, les électrodes et le muscle ventricule droit, l’enroulement du cœur est réalisé lateur est logé à la face postérieure du muscle grand
grand dorsal entièrement libéré sont placés en plaçant le muscle grand dorsal d’abord en droit gauche (fig 2).

1
2-0340 - Cardiomyoplastie

‚ Protocole
Le stimulateur musculaire est mis en route 15
jours après l’intervention. Ce délai est nécessaire à la
récupération du muscle du traumatisme opératoire
et permet l’adhérence du grand dorsal aux
ventricules. La stimulation est progressive : pendant
les 15 jours suivants, seule une impulsion électrique
est envoyée au muscle, d’amplitude d’environ
4 volts, et tous les 15 jours une impulsion
supplémentaire est ajoutée. À la fin de la période
d’entraînement musculaire, chaque salve comporte
six impulsions (fig 3). Cet entraînement progressif
permet d’obtenir la transformation du muscle
squelettique. Le début du train d’impulsions est réglé
par échographie de type TM (temps mouvement).
Habituellement, 2 mois après l’intervention, les
patients rapportent déjà une amélioration
fonctionnelle. Bien évidemment, le traitement
médicamenteux préopératoire a été maintenu
2 Radiographie thoracique après cardiomyoplastie : noter l’ombre de la partie proximale du muscle grand pendant toute cette période et ne sera éventuel-
dorsal gauche qui barre le champ pulmonaire gauche. lement allégé qu’à distance de l’intervention.


est possible de régler le délai entre l’onde R et la


Protocole de stimulation première impulsion, le nombre d’impulsions
délivrées au muscle, l’intervalle entre les impulsions, Indications et contre-indications
l’amplitude des impulsions. Le cardiomyostimulateur
peut être synchronisé à chaque contraction
‚ Matériel cardiaque ou à une contraction sur deux, voire une ‚ Indications
L’électrode cardiaque recueille l’onde R et le sur trois ou une sur quatre. De plus, le
La cardiomyoplastie dynamique peut être
cardiomyostimulateur permet d’envoyer un train cardiomyostimulateur peut fonctionner comme
proposée aux patients en insuffisance cardiaque
d’impulsions synchronisé au muscle grand dorsal. Il pacemaker sur le mode VVI.
d’origine ischémique ou idiopathique, en classe III de
la NYHA (New York Heart Association), malgré un
traitement médical optimal, ayant un muscle grand
dorsal gauche intact.

‚ Contre-indications
Les contre-indications absolues sont représentées
par :
– les contre-indications cardiaques :
– la classe IV irréductible ou la nécessité d’un
support inotrope IV et/ou d’un ballon de
contrepulsion intra-aortique ;
– les cardiopathies hypertrophiques ou
restrictives ;
– l’hypertension artérielle pulmonaire fixée ;
– la défaillance biventriculaire à prédominance
droite ;
– l’insuffisance mitrale > ++ ;
– les contre-indications extracardiaques :
– la cachexie ;
– les maladies neuromusculaires ;
– l’insuffisance respiratoire (capacité vitale
inférieure à 55 % de la valeur théorique) ;
– l’insuffisance hépatique ou rénale sévère ;
– la thoracotomie gauche préalable.
D’autres contre-indications sont relatives :
– la dilatation majeure du ventricule gauche
(diamètre télédiastolique supérieur à 75 mm) ;
– l’effondrement de la fonction ventriculaire
gauche (fraction d’éjection inférieure à 15 %) ;
– l’épuisement de la réserve myocardique
3 Électrocardiogramme à la fin du protocole de stimulation : noter la survenue d’une salve de six impulsions (consommation maximale d’O 2 inférieure à
après un QRS sur deux.
12 mL/min/kg).

2
Cardiomyoplastie - 2-0340


La probabilité de survie après cardiomyoplastie – le perfectionnement du mode de stimulation,
Surveillance est de 70 % actuellement, à 4 ans, mortalité permettant d’adapter la contraction du muscle grand
opératoire incluse, pour les patients opérés en classe dorsal aux variations de débit cardiaque au repos et
La surveillance au-delà du troisième mois fonctionnelle III de la NYHA. à l’effort.
postopératoire des patients ayant bénéficié d’une La cardiomyoplastie préalable n’interdit pas une Plusieurs études randomisées sont en cours
cardiomyoplastie est une surveillance simple, transplantation cardiaque ultérieure : plusieurs actuellement, dont la plus importante, aux
n’imposant aucune contrainte spécifique ni au dizaines de patients ont été transplantés avec succès États-Unis, compare la cardiomyoplastie au
cardiologue, ni au malade, hormis le contrôle du bon à cause de la progression de la défaillance cardiaque traitement médical conventionnel seul chez des
fonctionnement du stimulateur qui se fait dans le après cardiomyoplastie. patients insuffisants cardiaques en classe III de la
centre d’implantation. NYHA. L’exploitation prochaine des résultats de cette


Le transfert du muscle grand dorsal gauche étude devrait répondre objectivement à trois
autour du cœur n’entraîne ni gêne fonctionnelle de Perspective questions :
l’épaule, ni diminution de la fonction respiratoire. – l’amélioration du statut fonctionnel et de la
qualité de vie des patients ;
La cause de décès la plus fréquente chez les


– la durée de survie comparée au traitement
patients ayant bénéficié de cardiomyoplastie est la médical classique ;
Résultat mort subite. Bien que toutes les morts subites ne – la stabilisation, voire l’amélioration de la
soient pas imputables à des troubles du rythme fonction cardiaque, comparée au traitement médical
La première cardiomyoplastie dynamique a été ventriculaire, il est actuellement possible de classique.
réalisée à l’hôpital Broussais, à Paris, par le combiner la cardiomyoplastie avec la mise en place
professeur Alain Carpentier et le docteur Juan Carlos d’un défibrillateur implantable chez les patients
Chachques, en janvier 1985. Depuis cette date, près ayant eu des épisodes d’arythmie ventriculaire


de 1 000 interventions ont été pratiquées dans le menaçante [5].
monde [1, 2]. L’amélioration de la performance du muscle Conclusion
Le mode d’action de la cardiomyoplastie est squelettique est une autre préoccupation. Deux
encore sujet à controverse, mais toutes les études voies principales de recherche sont actuellement
concordent pour signaler l’amélioration significative prospectées : La cardiomyoplastie est une méthode
et durable de la qualité de vie des patients ayant – l’amélioration de la force musculaire avec des d’assistance ventriculaire que l’on peut proposer aux
bénéficié de la cardiomyoplastie. On note le gain moyens physiques (stimulation électrique patients en insuffisance cardiaque non équilibrée
d’au moins une classe fonctionnelle suivant la préopératoire, expansion passive in situ sous traitement médical. Elle trouve notamment sa
classification de la NYHA, ainsi que la diminution préopératoire du muscle grand dorsal) ou place en cas de contre-indication ou d’impossibilité
d’épisodes aigus de défaillance cardiaque médicamenteux (utilisation de stéroïdes de transplantation cardiaque, et à l’inverse, n’interdit
nécessitant une réhospitalisation [3, 6, 7]. anabolisants ou de facteurs de croissance) ; pas une transplantation ultérieure.

Valéria Bors : Praticien hospitalier, chirurgien,


groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V Bors. Cardiomyoplastie.


Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0340, 1998, 3 p

Références

[1] Bors V, Dorent R, Patrat JF, Léger PH. Cardiomyoplastie dynamique. L’expé- [5] Guiraudon G, Guiraudon C, Chow L, Yee R, Kostuk W, Klein GL. Latissimus
rience de l’hôpital de La Pitié. Les journées de la Pitié. R et J Éditions Médicales, dorsi cardiomyoplasty combined with ICD implant. Les journées de La Pitié. R et
1996 : 163-167 J Éditions Médicales, 1996 : 167-170

[2] Chachques JC, Acar C, Tapia M et al. Résultats à moyen terme de la cardio- [6] Hagege A, Desnos M. Modes d’action de la cardiomyoplastie. Les journées de
myoplastie. Arch Mal Cœur 1994 ; 87 : 49-56 la Pitié. R et J Éditions Médicales, 1996 : 159-162

[3] Chachques JC, Berrechi A, Hernigou A, Cohen-Solal A, Lavergne T, Marino [7] Schreuder JJ, Van Der Veen FH, Van Der Velde ET, Delahaye F, Alfieri O,
JP et al. Study of muscular and ventricular function in dynamic cardiomyoplasty: a Jegaden O et al. Left ventricular pressure-volume relationships before and after
10 years follow-up. J Heart Lung Transplant 1997 ; 16 : 854-868 cardiomyoplasty in patients with heart failure. Circulation 1997 ; 96 : 2978-2986
[4] Chachques JC, Grandjean PA, Bourgeois IM, Carpentier A. Assistance circu-
latoire par cardiomyoplastie dynamique. Rev Eur Technol Biomed 1991 ; 13 :
214-219

Vous aimerez peut-être aussi