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POINT DE VUE D’UN AUTRE SPÉCIALISTE

Prise en charge d’un syndrome de levée


d’obstacle (SLO) après traitement
urologique d’une anurie obstructive

Management of postobstructive diuresis after


urological treatment of obstructive anuria
Michel Hérody
Service de néphrologie-dialyse
Hôpital d’Instruction des Armées
du Val-de-Grâce, Paris.

Résumé Abstract
L’insuffisance rénale aiguë obstructive constitue une urgence Obstructive acute renal failure is both a medical and a surgical emer-
médico-chirurgicale. La première modalité du traitement est gency. The first treatment modality is urological by treating the obstruc-
urologique et consiste à traiter l’obstacle. Le syndrome de levée tion. Postobstructive diuresis is very frequent and can be detected by
d’obstacle est fréquent et son dépistage repose sur la surveillance hourly monitoring of diuresis. Medical treatment of postobstructive
horaire de reprise de la diurèse. Le traitement du syndrome de diuresis consists of oral or intravenous fluids adjusted to the findings
levée d’obstacle repose sur le principe de la compensation admi- of clinical examination and diuresis (volume and electrolytes). Fluid com-
nistrée par voie orale ou intraveineuse de façon adaptée aux don- pensation should be tapered off over several days.
nées de l’examen clinique et à la diurèse (volume et électrolytes).
Cette compensation doit être dégressive sur quelques jours. Key-words: Postobstructive diuresis, acute renal failure, water and
electrolyte compensation.
Mots-clés : Syndrome de levée d’obstacle, insuffisance rénale
aiguë, compensation hydro-électrolytique.

Introduction Origines de l’obstacle


Toute anurie obstructive constitue une Les circonstances à l’origine des insuffisan-
urgence médico-chirurgicale. Au plan ces rénales aiguës obstructives sont surtout
médical, une insuffisance rénale aiguë com- représentées par les hyperplasies prostati-
pliquée de surcharge hydro-sodée et d’hy- ques bénignes ou malignes, les tumeurs pel-
perkaliémie ou un sepsis surajouté peuvent viennes, les tumeurs ou fibroses rétropéri-
Correspondance rapidement engager le pronostic vital. Au tonéales et les lithiases. De principe, toute
Michel Hérody plan chirurgical, il convient de drainer en insuffisance rénale aiguë sur rein unique doit
Service de néphrologie-dialyse
Hôpital d’Instruction des Armées urgence l’urine en amont de l’obstacle, dès être considérée comme d’origine obstruc-
Val-de-Grâce lors qu’il n’existe pas de contre-indication tive jusqu’à preuve du contraire. La réalité
74, bd de Port-Royal
75230 Paris cedex 05
provisoire à l’anesthésie, telle que la néces- de l’obstacle est le plus souvent apportée
mherody@orange.fr sité d’une dialyse préalable. par l’échographie réno-vésicale avec la mise

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POINT DE VUE D’UN AUTRE SPÉCIALISTE après traitement urologique d’une anurie obstructive

en évidence d’une dilatation des cavités


pyélo-calicielles (figure 1). Certains pièges
diagnostiques sont à connaître : d’une part,
l’obstruction des voies excrétrices, qu’elle
soit bilatérale ou unilatérale sur rein unique,
ne s’accompagne pas toujours d’une anurie.
Le malade peut avoir une diurèse conser-
vée, une oligurie ou même une anurie
« à éclipse » [1]. D’autre part, une authen-
tique anurie obstructive n’entraîne pas
toujours une dilatation des cavités excrétri-
ces visible en échographie [2]. Il s’agit d’un
examen « opérateur-dépendant » qu’il faut
savoir répéter et remplacer au moindre
doute par un scanner non injecté.

Figure I : Échographie montrant une dilatation des cavités pyélo-calicielles.


Modalité du traitement
urologique de l’obstacle
Elle varie bien entendu selon le niveau de La diurèse après une levée d’obstacle L’examen clinique initial permet d’appré-
celui-ci. Dans le cas d’un obstacle bas situé bilatéral est toutefois plus impor tante cier l’état d’hydratation du patient grâce à
avec globe vésical, on propose un sondage qu’après une levée d’obstacle unilatéral. des paramètres simples au premier rang
urétral ou un cathétérisme sus-pubien avec Ceci est expliqué par l’expansion volé- desquels figure le poids et en particulier
les précautions d’usage : contrôle préalable mique, le taux d’urée et d’électrolytes la variation de celui-ci par rapport au
de l’hémostase, élimination d’un cancer de qui contribuent à majorer la diurèse et la poids habituel. On confirme ainsi un état
vessie, évacuation des urines de façon lente natriurèse [3]. de déshydratation s’il existe une soif, un
et fractionnée afin de prévenir l’hémorra- Le dépistage du SLO repose de façon sim- pli cutané, une tachycardie, une hypoten-
gie vésicale a vacuo. Une obstruction du ple sur la surveillance horaire de reprise sion orthostatique dans un contexte de
haut appareil impose de monter une sonde de la diurèse après la levée de l’obstacle. perte de poids. À l’inverse, un état d’in-
endo-urétérale ou une sonde de néphros- Le diagnostic se doit d’être précoce car la flation hydro-sodée se traduit par une
tomie percutanée sous repérage échogra- polyurie osmotique qui apparaît est par- prise de poids, des œdèmes des membres
phique, dans chaque cas de façon uni ou fois majeure avec un volume supérieur inférieurs, des crépitants des bases, une
bilatérale. à un litre par heure. Il est primordial de hypertension artérielle. S’il n’existe aucun
compenser les per tes urinaires en évitant de ces signes, que le poids est stable et la
deux écueils : le premier étant de ne pas pression artérielle normale, le patient est
Traitement du syndrome compenser suffisamment les entrées aux normovolémique.
de levée d’obstacle (SLO) sor ties avec le risque de déshydratation La diurèse et sa teneur en électrolytes
La physiopathologie du SLO est double : il extra, voire intracellulaire, le second (sodium et potassium) permettent de
procède d’une tubulopathie fonctionnelle étant de trop compenser les entrées aux déterminer la compensation.
rendant le rein incapable transitoirement sor ties avec le risque d’entretien de la
de concentrer l’urine, phénomène auquel polyurie [4]. Si le patient
se surajoute le rôle osmotique de l’urée. est normovolémique
Le SLO est d’autant plus fréquent et Dans ce cas, on quantifie à intervalles
impor tant que l’obstacle est complet et Le principe de compensation réguliers, par exemple toutes les trois
prolongé. L’obstruction urétérale, qu’elle Il repose sur l’administration de solutés par heures, le volume et les électrolytes uri-
soit unie ou bilatérale, entraîne une aug- voie orale ou mieux, intraveineuse de façon naires et on compense à 100 % pendant
mentation des résistances vasculaires adaptée aux données de l’examen clinique les 24 premières heures. Cela nécessite la
rénales et des pressions intra-urétérales. et à la diurèse. réalisation d’un ionogramme urinaire sur

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chaque recueil afin de connaître la teneur à 50 % le troisième jour, et ainsi de suite Si le patient
en sodium et en potassium à prescrire. pour arriver à un arrêt de toute compen- est en déshydratation
Sachant que 17 mmol de sodium équivalent sation en quelques jours. Afin de s’assurer À l’inverse, on majorera les compensa-
à 1 gramme de chlorure de sodium (NaCl) de l’ajustement ad hoc en électrolytes, il tions (125 voire 150 % le premier jour) car
et que 13 mmol de potassium équivalent à convient de pratiquer un ionogramme cette fois-ci le bilan de départ est négatif.
1 gramme de chlorure de potassium (KCl), sanguin biquotidien au début puis quo- La polyurie, si elle n’est pas compensée à
prenons l’exemple d’un recueil urinaire des tidien (tableau I). Enfin, si le patient est plus de 100 %, va entretenir ou aggraver la
trois premières heures de 2000 cc conte- diabétique, la perfusion de sérum glucosé déshydratation.
nant 70 mmol/L de sodium et 20 mmol/L nécessite une surveillance rapprochée des
de potassium. La première compensation glycémies capillaires.
à 100 % doit consister à perfuser durant La récupération
trois heures 2000 cc de sérum glucosé par Si le patient est en inflation après traitement
voie intraveineuse + 140 mmol de NaCl hydro-sodée Le traitement urologique de l’obsta-
(soit 8 grammes) + 40 mmol de KCl (soit On peut appliquer le principe des com- cle et la prise en charge du SLO vont
3 grammes). On poursuit les compensa- pensations dans des proportions moin- permettre l’amélioration progressive
tions sur ce même principe toutes les trois dres (75, 50 voire 30 % le premier jour) de l’insuff isance rénale initiale. La récu-
heures au cours de la première journée. car le bilan de départ lors de la prise en pération déf initive dépend de plusieurs
La compensation des sorties sera dimi- charge est déjà positif. La polyurie qui suit paramètres qui sont l’âge du patient, le
nuée à 75 % le deuxième jour, en espa- la levée d’obstacle permet ainsi de déplé- niveau de fonction rénale de base, le
çant au besoin les recueils urinaires, puis ter le patient. degré et l’ancienneté du syndrome obs-

Tableau I : Ionogramme sanguin.

Diurèse Na u Ku Créat sg Na sg K sg Compensation


Jour Heure Poids kg
CC mmol/L mmol/L mmol/ L µmol/L mmol/L (sérum glucosé 5 %)

J1 09 H 00 ==> Traitement urologique 650 138 3,9 100 % 78,0


12 H 00 2000 70 20 2000 cc + 8 g NaCl + 3 g KCl
15 H 00 1800 60 15 1800 cc + 6 g NaCl + 2 g KCl
18 H 00 2200 70 18 480 129 3,3 2200 cc + 9 g NaCl + 3 g KCl
(+ 2 g NaCl et 2 g KCl
supplémentaires
car natrémie et kaliémie basses)
21 H 00 700 45 22 700 cc + 2 g NaCl + 1 g KCl
24 H 00 1300 55 20 135 4,0 1300 cc + 4 g NaCl + 2 g KCl
03 H 00 1000 70 40 1000 cc + 4 g NaCl + 3 g KCl
06 H 00 1500 60 25 1500 cc + 5 g NaCl + 3 g KCl
09 H 00 1000 65 35 1000 cc + 4 g NaCl + 3 g KCl

75 % 78,5
J2 12 H 00 1800 55 30 405 135 4,1 1350 cc + 4 g NaCl + 3 g KCl 750
18 H 00 1000 60 15 cc + 3 g NaCl + 1 g KCl
24 H 00 1200 70 18 900 cc + 4 g NaCl + 1 g KCl

50 % 78,2
J3 09 H 00 1500 65 20 280 138 3,9 750 cc + 1 g NaCl + 1 g KCl
18 H 00 900 60 20 450 cc + 2 g NaCl + 1 g KCl

J4 09 H 00 Stop perfusion - Hydratation orale 150 140 4,1 77,9

Na u : natriurèse Na sg : natrémie
K u : kaliurèse K sg : kaliémie

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après traitement urologique d’une anurie obstructive

tructif. Le meilleur pronostic concerne


Conclusion
en effet les patients jeunes sans insuf-
L’insuffisance rénale aiguë obstructive constitue une urgence médico-chirurgicale.
f isance rénale initiale avec un obsta-
cle incomplet et récent. La réalisation La première modalité du traitement est urologique et consiste à traiter l’obstacle.
d’une scintigraphie pour apprécier la Le syndrome de levée d’obstacle est fréquent et son dépistage repose sur la
per fusion cor ticale peut appor ter des surveillance horaire de reprise de la diurèse.
arguments prédictifs de récupération Le traitement du syndrome de levée d’obstacle repose sur le principe de la compen-
de la fonction rénale. Cet examen sation administrée par voie orale ou intraveineuse de façon adaptée aux données de
est sur tout utilisé dans les situations l’examen clinique et à la diurèse (volume et électrolytes). Cette compensation doit
être dégressive sur quelques jours.
d’obstructions chroniques qui sor tent
du présent cadre. Enf in, dès l’obstacle
traité, on recherchera une nouvelle fois
[3] Wein AJ, Kavoussi LR, Novick AC, Partin AW,
l’existence d’une infection urinaire fré- Références Peters CA. Campbell-Walsh UROLOGY. Patho-
quente dans cette situation. [1] Vincent JL, Tielemans C. Plan d’investiga- physiology of urinary tract obstruction. Ninth Edi-
tion d’une insuffisance rénale aiguë. Rev Prat tion. Saunders Elsevier. 2007;p.1195-226.
1995;45:1621-6. [4] Kanfer A, Kourilsky O, Peraldi MN. Insuffi-
[2] Maillet PJ, Laville M, Pelle-Francoz D, Traeger sance rénale aiguë. In: Néphrologie et troubles
Conflit d’intérêt J, Pinet A. Anuries obstructives à cavités non dila- hydro-électrolytiques. Deuxième édition. Paris :
Aucun. tées. Presse Méd 1985;14:1733-7. Masson. 2001;p.177-217.

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