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Préparation et initiation de l’épuration extra-rénale


par Thierry Hannedouche
parution 20 juin 2001 | Dernier ajout 20 juin 2001

La plupart des maladies rénales ont une évolution progressive et prévisible vers l’insuffisance rénale dite "terminale" (synonyme de "mort rénale") ce qui va
nécessiter une épuration extra-rénale pour assurer la survie du patient. Il est souhaitable d’identifier précocément les patients qui vont finalement
nécessiter une épuration extra-rénale car une préparation adéquate diminue la morbidité et la mortalité. Cette identification précoce des sujets à risque
permet d’initier la dialyse en temps optimal avec un accès vasculaire fonctionnel et permet également l’évaluation de la famille en vue d’une
transplantation juste avant la mise en dialyse ou peu de temps après. De plus, la préparation psychologique à l’épuration extra-rénale est améliorée par un
délai plus long entre la reconnaissance de l’insuffisance rénale terminale et l’initiation de la dialyse.

1. Intérêt d’une surveillance spécialisée

Les patients ayant une insuffisance rénale chronique (IRC) doivent être adressés aux spécialistes néphrologues tôt dans l’évolution de leur maladie pour la
prise en charge des nombreuses complications associées à l’insuffisance rénale et pour le choix d’une technique d’épuration extra-rénale adéquate.

Un avis spécialisé précoce permet de réduire la morbidité et la mortalité des patients ayant une IRC :
Les patients non suivis en milieu spécialisé ont un risque très important de complications au moment de la mise en route de la dialyse :

hypertension artérielle, surcharge hydrosodée, anémie sont beaucoup plus fréquentes avec le risque d’hypertrophie-dilatation ventriculaire gauche et
d’insuffisance cardiaque qui jouent un rôle important dans la survie ultérieure en dialyse ;
acidose métabolique avec le risque de protéolyse musculaire et de dénutrition ;
hypoalbuminémie et dénutrition qui sont des déterminants majeurs de la survie en dialyse.

Les patients suivis en milieu spécialisé ont significativement plus souvent un accès vasculaire fonctionnel au moment de la mise en dialyse :

l’hospitalisation est quatre fois plus courte que chez les sujets sans abord vasculaire,
et l’on évite les complications parfois mortelles (septicémies à Staphylocoque) liées à la mise en place d’un abord vasculaire temporaire.

Enfin, l’identification précoce de l’atteinte rénale permet d’optimiser les interventions pour ralentir la progression vers l’insuffisance rénale terminale :

identification d’une cause réversible d’insuffisance rénale

institution d’un traitement antihypertenseur pour l’obtention d’un contrôle strict de la pression artérielle,

recours précoce à un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion dès l’identification du caractère progressif de l’insuffisance rénale. Ces
traitements néphroprotecteurs ont un impact plus important lorsqu’ils sont initiés tôt dans l’évolution de la maladie rénale, lorsque la créatinine
plasmatique n’excède pas 130 à 180 µmol/l. A ce stade, la plupart des patients ont déjà perdu plus de la moitié de leur filtration glomérulaire.

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2. Réalisation pratique de la surveillance

Le suivi est habituellement effectué sous forme de consultations. La surveillance est clinique mais aussi biologique car la plupart des perturbations
urémiques sont asymptomatiques jusqu’à un stade avancé de l’insuffisance rénale. Le rythme du suivi clinique et biologique est très variable selon la
maladie, le degré d’insuffisance rénale, la vitesse de progression mais aussi selon le malade et son entourage médical. En général, la fréquence des visites
augmente en parallèle avec l’aggravation de l’insuffisance rénale. Il faut également souligner que c’est la régularité du suivi et la recherche constante des
objectifs thérapeutiques définis qui valorisent le plus l’efficacité de la prise en charge de ces patients. A titre indicatif et non exhaustif sont résumés dans
le Tableau 1 les principaux éléments cliniques et biologiques du suivi de l’insuffisance rénale chronique.

L’objectif de la surveillance et des traitements conservateurs est double et en apparence contradictoire : il s’agit de prolonger la phase prédialytique le plus
longtemps possible en ralentissant l’évolution de la maladie rénale, sans toutefois que ce délai soit grévé de complications irréversibles ou compromettant
la survie en dialyse et/ou en transplantation. Ceci implique que les indications du traitement dialytique soient bien connues.

Les buts du suivi et de la surveillance du malade en insuffisance rénale chronique peuvent être classés artificiellement en 4 types :

traitements symptomatiques : correction de l’hyperparathyroïdie, de l’acidose métabolique ; traitements préventifs ou curatifs des complications
cardiovasculaires : correction de l’anémie, de la surcharge hydrosodée, traitements antihypertenseurs (voir le chapître "Complications de l’urémie).

traitements "néphroprotecteurs" qui visent spécifiquement à ralentir la vitesse de progression de la maladie rénale (voir le chapître "Facteurs de
progression de l’IRC et leurs traitements").

préparation à la dialyse et à la transplantation : cette préparation est à la fois psychologique et médicale : choix de la technique de dialyse, mise en
place d’un abord vasculaire précoce ; vaccination contre l’hépatite B ; éviction des transfusions sanguines pour prévenir les risques d’infections virales et
d’allo-immunisation.

3. Choix du traitement de suppléance rénale :

La transplantation rénale est le traitement de choix de l’insuffisance rénale chronique. Une transplantation rénale réussie améliore la qualité de vie et réduit
la mortalité-morbidité chez la plupart des patients par rapport à la dialyse. Cependant, environ seulement 25 à 30 % des patients sont des candidats
appropriés à la greffe rénale (c’est-à-dire n’ont pas de contre-indications absolues ou relatives à cette procédure).

Pour les patients non transplantables et pour ceux qui sont en attente de transplantation, le choix entre l’hémodialyse ou la dialyse péritonéale doit être
discuté en fonction de considérations telle que la disponibilité, de la technique, des conditions sociales de vie et de l’éloignement du centre de dialyse et
enfin des co-morbidités associées notamment la possibilité de tolérer des soustractions volémiques rapides pendant des séances d’hémodialyse. Par
exemple, la dialyse péritonéale peut être plus appropriée chez un patient diabétique en insuffisance cardiaque et incapable de tolérer les variations
volémiques rapides associées avec l’hémodialyse.

3.1. Préparation à l’hémodialyse :

Attention ! La réalisation de l’hémodialyse nécessite l’existence d’un accès vasculaire à la circulation. Cet accès doit être placé à l’extrémité du bras non
dominant pour diminuer le risque de vol vasculaire et d’infection. La préservation du capital vasculaire commence tôt au cours de l’insuffisance rénale et
les prélèvements veineux doivent être effectués dans le bras opposé à celui prévu pour le futur accès vasculaire et même idéalement au niveau des veines
du dos de la main. A fortiori les gazométries artérielles radiales devraient être évitées chez ces patients.

Plusieurs types d’accès vasculaires sont disponibles pour l’hémodialyse chronique : la fistule artério-veineuse, les pontages synthétiques artério-veineux
(pontage en Goretex®) ; les cathéters tunnelisés à double lumière et enfin des sites implantables sous-cutanés. La fistule artério-veineuse au poignet
représente l’accès de choix. Cette fistule met plusieurs mois à se développer si bien que sa création doit être envisagée rapidement dès que la fonction

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rénale est inférieure à 25 ml/mn, la créatinine plasmatique supérieure à 400 µmol/l ou plus rapidement encore chez les patients avec une vitesse de
progression rapide (en particulier, chez les diabétiques).

La vaccination préventive contre l’hépatite B doit être effectuée de façon systématique. Elle doit être débutée relativement tôt c’est-à-dire dès que la
créatinine plasmatique atteint 200 à 300 µmol/l de façon à disposer du temps nécessaire pour effectuer le protocole de vaccination complet y compris
l’injection de rappel à un an. En effet, du fait de la diminution de la réponse immunitaire chez les patients urémiques, des protocoles renforcés comportant
des injections multiples de vaccins sont nécessaires. Le protocole usuel comporte 4 injections de vaccin (Genhevac B® ou Engerix®) effectuées à 0 - 1 - 2
et 4 mois et suivies du titrage des anticorps anti-HBs. Si le titre obtenu est inférieur à 50 milliU/ml, une injection supplémentaire doit être effectuée. Dans
tous les cas, un rappel est nécessaire au 12ème mois. Chez les patients très faibles répondeurs, les injections doivent être refaites à des intervalles de
deux mois jusqu’à obtention d’un taux protecteur d’anticorps. Le recours à des injections intra-dermiques des vaccins peut améliorer la réponse.
Ultérieurement, des titrages périodiques du taux des anticorps guident le calendrier des injections de rappels qui seront à poursuivre au cours du
traitement par dialyse.

3.2. Préparation à la dialyse péritonéale :

Les cathéters de dialyse péritonéale sont placés dans la cavité abdominale et peuvent être utilisés assez rapidement après leur mise en place. Cependant,
pour minimiser le risque de fuite, il est préférable d’attendre au moins 10 à 14 jours avant de débuter la dialyse. Pour cette raison, les dialyses en urgence
sont pratiquement toujours effectuées par hémodialyse et sur cathéter central temporaire et il est alors plus difficile dans un second temps de réorienter le
malade sur une technique de dialyse péritonéale (anurie, etc.). La dialyse péritonéale est particulièrement indiquée chez les patients normo-albuminémiques
qui gardent une bonne diurèse résiduelle.

3.3. Préparation à la transplantation rénale :

La transplantation rénale doit être envisagée systématiquement en fonction de l’âge et des comorbidités associées. Chez les patients candidats a priori à
une transplantation rénale, les transfusions de dérivés sanguins doivent être évitées afin de diminuer le risque d’allo-immunisation. Lorsque la transfusion
de dérivés sanguins est absolument nécessaire, il faut tenir compte de l’état sérologique CMV, EBV des futurs receveurs et des produits sanguins
viro-inactivés doivent être utilisés.

4. Indications de l’épuration extra-rénale :

La décision de démarrer l’épuration extra-rénale chez un patient avec insuffisance rénale nécessite la prise en considération de nombreux paramètres
subjectifs et objectifs. Les signes cliniques de mauvaise tolérance à l’urémie sont souvent minimisés par les patients par crainte de la dialyse et
inversement certaines manifestations peuvent être induites par les traitements (par exemple troubles digestifs). La mise en route du traitement par la
dialyse est formellement indiqué dans les circonstances suivantes qui mettent en jeu le pronostic vital à court terme :

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Indications à débuter le traitement par épuration extra-rénale.

Indications absolues (risque vital)

Péricardite

Surcharge hydrosodée ou oedème pulmonaire réfractaires aux diurétiques

Hypertension accélérée résistante aux antihypertenseurs

Encéphalopathie ou neuropathie urémiques progressives

(confusion, asterixis, myoclonies, convulsions)

Syndrome hémorragique menaçant et lié à l’urémie

Nausées et vomissements persistants et responsables de dénutrition

Créatinine plasmatique > 1000 µmol/l et/ou urée sanguine > 40 mmol/l

Indications relatives :

Anorexie persistante,

Fléchissement de la vigilance et des fonctions cognitives, dépression,

Anémie résistante à l’EPO,

Prurit persistant ou syndrome des jambes sans repos.

Remarques :

L’expression et la perception de ces différents symptômes sont souvent très variables d’un patient à l’autre. Certains s’accoutument à leurs symptômes
dont l’installation peut être progressive, d’autres minorent les signes dans la crainte de la dialyse. Enfin de nombreux médicaments modifient les
symptômes soit en les minimisant (correction de l’anémie sous EPO) soit en les majorant (nausée sous traitement martial, asthénie, étourdissements sous
antihypertenseurs surtout.

En fait, attendre ces signes "classiques" mais tardifs met en danger la vie du patient de façon inutile si bien qu’il est préférable de démarrer l’épuration
extra-rénale chez des patients asymptomatiques avant la survenue de ces complications parfois graves et peu réversibles.

Ainsi lorsque la Pcr atteint 700 µmol/l l’intervalle de temps avant la dialyse est généralement inférieur à 1 an et même inférieur à 3 mois chez environ
25 % des patients. Attendre que l’insuffisance rénale chronique soit symptomatique pour démarrer la dialyse représente l’un des principaux facteurs
responsables de la mortalité élevée et de la réhabilitation médiocre des patients traités par dialyse.

Il existe une relation inverse entre la concentration d’albumine lors de la mise en route de la dialyse et le risque ultérieur de mortalité chez les patients
traités par dialyse. Le risque excessif de mortalité est présent dès que l’albuminémie descend en-dessous de 40 g/l.

Un autre facteur majeur de mortalité est l’existence d’une insuffisance cardiaque congestive ou d’une hypertrophie ventriculaire gauche lors de la mise en
dialyse, celles-ci étant présentes chez respectivement 31 et 74 % des sujets lors de la mise en dialyse.

La mise en dialyse "précoce" assure rapidement un meilleur contrôle de l’hypertension artérielle et de la surcharge hydrosodée et autorise des apports

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alimentaires plus libéraux permettant de prévenir plus efficacement la dénutrition et les complications cardiovasculaires.

La mise en dialyse sur des critères biologiques plus précoces améliore la survie, réduit la durée des hospitalisations et améliore la réhabilitation.

A Retenir : La dialyse doit donc être démarrée plus tôt sur les critères suivants :

• filtration glomérulaire à 10 ml/mn (et même dès 15 ml/min chez les diabétiques et les insuffisants cardiaques)

• ou apport protidique < 0.8 g/kg/jour malgré un suivi diététique adéquat

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