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i n f o a r t i c l e r é s u m é
Historique de l’article : Les atteintes rénales sont fréquentes au cours des hémopathies malignes. Elles compliquent la prise en
Disponible sur Internet le 18 mai 2010 charge des patients et grèvent souvent le pronostic. Tous les secteurs du parenchyme rénal (tubes, inter-
stitium, glomérules, vaisseaux) peuvent être affectés. Les mécanismes en cause sont variés : dépôts de
Mots clés : fragments d’immunoglobulines ou de cristaux, infiltration rénale par les cellules tumorales, obstruction
Hémopathie de la voie excrétrice, lésions paranéoplasiques ou de surcharge. . . La démarche diagnostique passe par la
Myélome distinction des différents tableaux clinicobiologiques : insuffisance rénale aiguë, insuffisance rénale chro-
Lymphome
nique, protéinurie glomérulaire avec ou sans syndrome néphrotique, protéinurie tubulaire, désordres
Leucémie
Insuffisance rénale
hydroélectrolytiques. Dans cette revue, les examens utiles au dépistage et au suivi des atteintes rénales
Glomérulopathie des hémopathies malignes sont précisés, ainsi que les indications de la biopsie rénale. Les arbres diag-
Tubulopathie nostiques des atteintes rénales du myélome, de la maladie de Waldenström, des lymphomes de haut
grade et leucémies aiguës, des lymphomes de bas grade et leucémies chroniques sont aussi présentés.
En revanche, les complications des traitements (chimiothérapie, radiothérapie, greffe de cellules souches
. . .) ne sont pas abordées.
© 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS.
Tous droits réservés.
a b s t r a c t
Keywords: Kidney involvement is frequent in hematologic malignancies. It is associated with adverse outcome and
Hemopathy treatment difficulties. It can affect every area of the renal parenchyma (tubules, interstitium, glomerulus,
Myeloma vessels). Various mechanisms could be implicated: deposits of immunoglobulin fractions or crystals, renal
Lymphoma infiltration by malignant cells, urinary tract obstruction, paraneoplastic or storage glomerulopathies. . .
Leukaemia
Diagnostic strategy relies on the clinical presentation: acute renal failure, chronic kidney disease, glome-
Kidney disease
Glomerulopathy
rular proteinuria with or without nephrotic syndrome, tubular proteinuria, hydroelectrolytic disorders.
Tubulopathy In this review, we detail the diagnostic tests that are needed for the detection and the follow-up of
renal involvement in hematologic malignancies, and clarify the indications of renal biopsy. We propose
diagnostic strategies of renal involvement in myeloma, Waldenström’s disease, high grade lymphomas
and acute leukemias, low grade lymphomas and chronic leukemias. The adverse effects of treatments
(chemotherapy, radiotherapy, stem cell graft . . .) are not addressed in this review.
© 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS.
All rights reserved.
0248-8663/$ – see front matter © 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2009.08.013
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Test biologique Au diagnostic et au cours du suivi L’échographie rénale et la tomodensitométrie abdominale sont
surtout utiles pour distinguer les néphropathies parenchymateuses
Créatinine plasmatique Systématiquement
DFG estimé (Cockcroft et Gault ou Systématiquement des atteintes de la voie excrétrice (lithiase, compression. . .). Parfois,
MDRD) ces examens orientent vers un diagnostic spécifique (infiltration
Protéinurie sur échantillon Systématiquement tumorale des reins. . .).
Protéinurie des 24h Si échantillon positif Les hémopathies malignes, y compris le myélome sécrétant, ne
ECBU Systématiquement
sont pas une contre-indication à l’injection de produit de contraste
Électrophorèse des protéines urinaires Si protéinurie des
24 heures > 0,3 g/j iodé lorsque celle-ci est justifiée. En effet, contrairement à une idée
Immunofixation urinaire Si protéinurie des reçue, le risque d’insuffisance rénale aiguë (IRA) ne semble pas être
24 heures > 0,3 g/j et tracé plus important chez les malades myélomateux [2]. Bien évidem-
monoclonal à l’électrophorèse ment, et particulièrement en cas d’insuffisance rénale préexistante,
Ionogramme sanguin, CO2 total Systématiquement
Calcémie, phosphorémie Systématiquement
les précautions habituelles de prévention de la néphrotoxicité des
PTH, PTHrp, 25-OH vitamine D3, Si hypercalcémie produits de contraste iodés doivent être prises : arrêt des diu-
1,25-(OH)2 vitamine D3 rétiques et des anti-inflammatoires non stéroïdiens et boissons
Ionogramme urinaire Si hypokaliémie, acidose, ou abondantes ou remplissage vasculaire par chlorure ou bicarbonate
insuffisance rénale aiguë
de sodium.
Urée urinaire Si insuffisance rénale aiguë
Phosphaturie avec évaluation du seuil Si hypophosphorémie
de réabsorption du phosphore 2.3. La biopsie rénale
Tableau 3
Glomérulopathies associées aux hémopathies.
Glomérulopathies Hémopathies
Amylose AL Myélome
Amylose primitive
Maladie de Waldenström
Lymphomes
Leucémie lymphoïde chronique
Glomérulonéphrite à Myélome
dépôts non organisés Maladie de Waldenström
d’immunoglobulines Leucémie lymphoïde chronique
Glomérulonéphrite à Myélome
dépôts organisés Maladie de Waldenström
d’immunoglobulines Leucémie lymphoïde chronique
Fig. 3. Trichrome de Masson (× 400). Glomérulopathie membranoproliférative avec
Syndrome néphrotique à Maladie de Hodgkin
aspect nodulaire et accolement floculocapsulaire au cours d’une maladie des chaînes
lésions glomérulaires Lymphomes non hodgkinien
légères (maladie de Randall).
minimes Leucémie lymphoïde chronique
basales tubulaires. La coloration par le rouge Congo est négative. lulaire (Fig. 5). Les microtubules au cours des glomérulopathies
L’immunofluorescence met en évidence les dépôts monoclonaux immunotactoïdes et des cryoglobulinémies font habituellement
(Fig. 4). La microscopie électronique montre des dépôts granuleux plus de 30 nm de diamètre.
localisés le long des membranes basales glomérulaires, tubulaires Des cas de vascularites rénales avec glomérulonéphrites
et vasculaires. extracapillaires ont également été rapportés au cours du myélome
Un rein myélomateux peut être associé à la maladie de Randall [24].
[19] alors qu’aucun cas n’a été décrit avec la maladie des dépôts de
chaînes lourdes [21]. Il est rare que des dépôts organisés comme 3.4. Protéinurie tubulaire et syndrome de Fanconi
au cours de l’amylose AL et des dépôts granuleux co-existent chez
un même patient même si quelques cas de cette association ont L’atteinte tubulaire du myélome, en plus du tubule distal (rein
été décrits [19]. En effet, la conformation moléculaire des chaînes myélomateux) peut également concerner le tubule proximal. Le
légères d’immunoglobulines mutées entraîne l’exposition de rési- Tableau 4 résume les atteintes tubulaires possibles au cours des
dus hydrophobes ou au contraire de résidus acides impliquant une hémopathies.
précipitation ou une déposition sous forme fibrillaire ou granu-
leuse. Tableau 4
Cliniquement, les glomérulopathies à dépôts granuleux Atteintes tubulaires et interstitielles au cours des hémopathies.
d’immunoglobulines se manifestent par une protéinurie glomé-
Signes cliniques Hémopathies en cause
rulaire modérée ou un syndrome néphrotique (25 à 50 %), une
hématurie microscopique (30 à 60 %) et une insuffisance rénale Obstruction Insuffisance rénale aiguë Myélome
tubulaire par des Insuffisance rénale Maladie de Waldenström
quasi-constante [20]. L’insuffisance rénale progresse souvent rapi-
chaînes légères chronique Lymphomes non
dement vers l’IRC terminale dans les glomérulopathies à dépôts (« rein hodgkiniens
granuleux [20]. Le pronostic rénal dépend de l’âge des patients et myélomateux »)
de la créatininémie initiale. Il faut souligner que si une majorité Infiltrat interstitiel Insuffisance rénale aiguë Maladie de Waldenström
de malades porteurs de glomérulopathies à dépôts granuleux tumoral Insuffisance rénale Leucémies aiguës
chronique Lymphomes de haut grade
d’immunoglobulines ont un myélome au moment du diagnostic, Néphromégalie Leucémie lymphoïde
environ un tiers n’ont ni gammapathie monoclonale sérique ni chronique
protéinurie de Bence-Jones [19]. Syndrome de Castelman
Le pronostic vital dépend de la présence de dépôts extrarénaux Nécrose tubulaire Insuffisance rénale aiguë Sepsis
de chaînes légères en particulier cardiaques, comme dans l’amylose aiguë Iatrogène (substances
AL. La survie des patients n’est pas influencée par la survenue d’une néphrotoxiques)
IRC terminale [22]. Les malades myélomateux ont un moins bon Syndrome de lyse Insuffisance rénale aiguë Lymphomes de haut grade
pronostic par rapport à ceux sans myélome sous-jacent [20]. tumorale Néphropathie uratique Leucémies aiguës
Néphrocalcinose Leucémie lymphoïde
chronique
3.3.3. Autres glomérulopathies au cours du myélome
La cryoglobulinémie de type I est une cause rare de glomé- Tubulopathie Hypophosphatémie Myélome
rulopathie au cours du myélome (< 1 % des patients biopsiés) [5]. proximale (diabète phosphaté) Maladie de Waldenström
Acidose tubulaire Lymphomes non
L’immunoglobuline monoclonale forme un cryoprécipité dans les
proximale hodgkiniens
lumières des capillaires glomérulaires (on parle de « thrombi ») qui Hypokaliémie d’origine
peut conduire à une glomérulonéphrite membranoproliférative. rénale
La glomérulopathie immunotactoïde est une atteinte très rare, Glycosurie
liée le plus souvent à une gammapathie monoclonale IgG [23]. Elle orthoglycémique
Amino-acidurie
se manifeste par une IRC progressant rapidement, une protéinurie Hypo-uricémie
glomérulaire parfois néphrotique et une hématurie microscopique. Fonction rénale stable ou
Il existe des dépôts glomérulaires d’IgG rouge Congo négatifs. C’est insuffisance rénale
la microscopie électronique qui fait le diagnostic en révélant des chronique lentement
progressive
dépôts granuleux microtubulaires au sein de la matrice extracel-
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Les chaînes légères libres d’immunoglobulines filtrées en excès 4.1. Insuffisance rénale chronique
au cours des gammapathies monoclonales peuvent avoir une toxi-
cité tubulaire proximale. Les propriétés intrinsèques des chaînes L’IRC est rare au cours de la maladie de Waldenström. En effet,
légères les rendent résistantes à la protéolyse par la cathepsine B, même si une protéinurie de Bence-Jones s’observe fréquemment,
ce qui explique leur accumulation dans les lysozymes et le réti- elle n’est habituellement pas abondante et conduit rarement à un
culum endoplasmique des cellules tubulaires proximales [25,26]. rein « myélomateux » [31]. Outre le rein « myélomateux », l’IRC peut
Ce phénomène peut conduire à une tubulopathie proximale avec être en rapport avec des atteintes glomérulaires [30,32], ou avec un
syndrome de Fanconi. Les signaux de stress des cellules tubu- infiltrat interstitiel lymphoplasmocytaire.
laires proximales conduisent à une réponse inflammatoire et à
une fibrose interstitielle responsable d’une IRC [27]. La protéinu- 4.2. Protéinurie glomérulaire et syndrome néphrotique
rie tubulaire est composée de protéines de faible poids moléculaire
L’existence d’une protéinurie glomérulaire ou d’un syndrome
comme la 2-microglobuline, l’␣1-microglobuline et la retinol-
néphrotique peuvent témoigner d’une amylose AL, lorsqu’une
binding protein en plus des chaînes légères kappa ou lambda. Cette
chaîne légère d’immunoglobuline est secrétée en excès [33].
tubulopathie proximale pourrait être détectée précocement par le
D’autres atteintes glomérulaires sont possibles, soit par dépôts
dosage de l’␣1-microglobuline urinaire [28].
intracapillaires avec thrombi d’IgM obstruant la lumière des capil-
La tubulopathie proximale favorise le rein myélomateux. En
laires [32], soit par glomérulonéphrites membranoprolifératives
effet, les chaînes légères libres d’immunoglobulines étant moins
atypiques [30,32]. Les mêmes glomérulopathies à dépôts organisés
réabsorbées par le tube proximal, le débit des chaînes légères aug-
ou non organisés qu’au cours du myélome [34], une glomérulite
mente dans le néphron distal avec risque de précipitation.
extramembraneuse ou une glomérulonéphrite extracapillaire [35]
La tubulopathie proximale se manifeste par un syndrome de
ont également été décrites (Tableau 3).
Fanconi plus ou moins complet. Le tableau associe de façon
Une protéinurie tubulaire en rapport avec une tubulopathie
variable : acidose tubulaire proximale, hypokaliémie d’origine
proximale est possible [30]. La chaîne légère responsable de la toxi-
rénale, diabète phosphaté, glycosurie orthoglycémique, amino-
cité tubulaire proximale est souvent une chaîne kappa [36].
acidurie et hypo-uricémie. Le syndrome de Fanconi peut conduire à
une ostéomalacie causée par l’hypophosphorémie et exacerbée par
4.3. En pratique
l’hyperparathyroïdie secondaire et l’acidose métabolique d’origine
rénale [29]. Le traitement consiste en une supplémentation en La Fig. 7 montre l’arbre diagnostique des atteintes rénales au
phosphore et en vitamine D, éventuellement associée au dipyrida- cours de la maladie de Waldenström.
mole qui augmente la réabsorption tubulaire du phosphate.
La tubulopathie proximale peut rester indolente. Elle peut se
5. Atteintes rénales au cours des leucémies aiguës et des
compliquer d’une IRA par rein myélomateux aigu ou d’une IRC par
lymphomes de haut grade
fibrose interstitielle rénale [27].
Les leucémies aiguës et les lymphomes B ou T de haut grade
peuvent se compliquer d’atteintes rénales. Les mécanismes en
3.5. Hypercalcémie cause sont extrêmement variées : infiltration tumorale, syndrome
de lyse tumorale, glomérulopathies dysimmunitaires. . . Beaucoup
L’hypercalcémie est présente au moment du diagnostic du de ces atteintes rénales peuvent être prévenues ou bénéficier du
myélome chez environ 20 % des patients. Elle est due à une aug- traitement de l’hémopathie sous-jacente.
mentation de la résorption osseuse liée à l’hypersécrétion locale par
le clone plasmocytaire de cytokines pro-inflammatoires entraînant 5.1. Insuffisance rénale aiguë
une ostéolyse [5].
L’hypercalcémie favorise l’insuffisance rénale par différents Les trois types d’IRA (prérénale, parenchymateuse, postrénale)
mécanismes : déshydratation extracellulaire, vasoconstriction peuvent se voir au cours des lymphomes. Le clinicien doit donc
rénale, dépôts intratubulaires ou interstitiels de calcium. La suivre une démarche diagnostique rigoureuse pour arriver au
concentration élevée en calcium dans le fluide tubulaire favorise diagnostic. Elle sera basée sur l’examen clinique, les données
également la précipitation des chaînes légères (rein myélomateux). de l’imagerie et de la biologie. Les IRA parenchymateuses sont
dominées par les nécroses tubulaires aiguës (sepsis, substances
néphrotoxiques) et l’infiltration lymphomateuse.
3.6. En pratique
5.1.1. Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle
La Fig. 6 montre l’arbre diagnostique des atteintes rénales au L’IRA fonctionnelle est fréquente au cours des leucémies et lym-
cours du myélome. phomes de haut grade. Elle est souvent la conséquence de pertes
Le patient ayant un myélome doit être adressé au néphrologue hydrosodées d’origine digestive liée à l’hémopathie elle-même ou
lorsqu’il présente une insuffisance rénale (aiguë ou chronique) ou à la chimiothérapie. L’hypovolémie est parfois favorisée par une
une protéinurie (glomérulaire ou tubulaire). Une biopsie rénale sera hypercalcémie à l’origine d’une polyurie [37].
réalisée en cas de protéinurie glomérulaire à la recherche principa-
lement d’une amylose AL ou d’une maladie de Randall, affections 5.1.2. Insuffisance rénale aiguë post-rénale par syndrome de lyse
qui modifient le pronostic du myélome. Parfois la biopsie rénale est tumorale
réalisée devant un tableau d’IRC ou d’IRA si le tableau clinique n’est Le syndrome de lyse tumorale, même s’il est souvent une
pas typique d’un rein myélomateux. conséquence de la chimiothérapie, peut survenir spontanément
en particulier au cours des lymphomes peu différenciés (Burkitt)
ou des leucémies aiguës lymphoblastiques. La destruction massive
4. Atteinte rénales au cours de la maladie de Waldenström de cellules tumorales entraîne la libération du contenu intracel-
lulaire dans le secteur extracellulaire. Sur le plan clinique, outre
L’atteinte rénale est moins fréquente au cours de la maladie de l’insuffisance rénale, le syndrome de lyse associe hyperkaliémie,
Waldenström qu’au cours du myélome [30]. hyperuricémie, hyperphosphorémie et hypocalcémie.
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Fig. 6. Orientation diagnostique devant une atteinte rénale dans le cadre d’un myélome.
Plusieurs mécanismes participent à l’IRA dans le syndrome révéler par une douleur du flanc, une hématurie macroscopique,
de lyse tumorale [38,39]. La néphropathie uratique, liée à l’apparition d’une hypertension artérielle, ou une IRA. L’IRA est
l’hyperuricémie, semble en être le principal. La précipitation mas- liée à la compression tubulaire et vasculaire intrarénale [43] ou
sive de cristaux d’acide urique se fait aussi bien dans le néphron à l’obstruction des capillaires glomérulaires par l’infiltrat lympho-
(tubes et interstitium) que dans la voie excrétrice (calices, bassinet, mateux [44]. La bandelette urinaire peut montrer une hématurie
uretères). Elle est prévenue par l’hyperhydratation, l’alcalinisation microscopique, une leucocyturie et une protéinurie. L’imagerie
des urines et l’allopurinol ou l’urate oxydase. Chez les patients sous rénale (échographie, scanner) met en évidence une néphromégalie
allopurinol, l’accumulation de xanthine (le précurseur de l’acide [45]. C’est parfois la biopsie rénale, réalisée devant une IRA avec
urique) peut conduire à la précipitation de cristaux de xanthine néphromégalie, qui fait le diagnostic de lymphome [44]. L’intérêt
dans les tubes rénaux. Ces cristaux sont peu solubles même à pH du PET-scanner pour le diagnostic des localisations lymphoma-
alcalin. L’hyperphosphorémie participe au syndrome de lyse par la teuses rénales reste à évaluer, de faux négatifs étant possibles
néphrocalcinose (dépôts de phosphate de calcium dans les tubes [46].
et l’interstitium rénal). L’hyperphosphorémie s’accompagne d’une
hypocalcémie parfois sévère liée à la précipitation du phosphate 5.1.3.2. Les autres insuffisances rénales aiguës parenchymateuses.
de calcium dans les tissus. Enfin, l’adénosine libérée par les cellules Les autres IRA sont dominées par les nécroses tubulaires d’origine
tumorales favorise la vasoconstriction rénale [39]. hémodynamique (choc septique, déshydratation prolongée. . .) ou
toxiques (médicaments néphrotoxiques, injection de produits de
5.1.3. Insuffisances rénales aiguës parenchymateuses contraste iodés . . .). Les microangiopathies thrombotiques sont
5.1.3.1. Insuffisance rénale aiguë parenchymateuse par infiltration plus rarement en cause [47]. L’IRA par tubulopathie myélomateuse
rénale spécifique. Le rein est le premier organe non lymphoïde a été décrite au cours des lymphomes avec protéine monoclonale
atteint par les leucémies et les lymphomes de haut grade. Ainsi, un [48].
infiltrat rénal est retrouvé dans un tiers des autopsies de patients
décédés de lymphome [40]. L’existence de lymphomes primitive- 5.2. Insuffisance rénale chronique
ment rénaux est discutée, le rein n’étant pas un organe lymphoïde
[41,42]. 5.2.1. IRC « postrénale »
L’infiltrat rénal est particulièrement fréquent dans les lym- La compression des voies urinaires par des adénopathies rétro-
phomes B non hodgkiniens. Il est souvent diffus, bilatéral dans péritonéales ou la constitution d’une fibrose rétropéritonéale
75 % des cas et symétrique [40]. L’infiltrat lymphomateux peut se peuvent conduire à une insuffisance rénale subaiguë ou chronique
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Fig. 7. Orientation diagnostique devant une atteinte rénale dans le cadre d’une maladie de Waldenström.
d’origine obstructive. Le diagnostic repose sur la mise en évidence 5.3. Protéinurie glomérulaire et syndrome néphrotique
d’une dilatation de la voie excrétrice à l’échographie ou au scanner
abdominal mais celle-ci peut faire défaut en cas d’obstacle incom- 5.3.1. Glomérulopathies non amyloïdes
plet ou de déshydratation. La dérivation des urines par sonde de Les glomérulopathies peuvent être l’une des manifestations
néphrostomie per-cutanée ou par sonde double J est parfois néces- paranéoplasiques des syndromes lymphoprolifératifs [52]. Les dif-
saire. férentes atteintes glomérulaires décrites au cours des hémopathies
L’hyperuricémie chronique avec néphropathie uratique et les sont résumées dans le Tableau 3.
lithiases uriques sont d’autres causes possibles d’insuffisance L’exemple classique en est le syndrome néphrotique à lésions
rénale subaiguë ou d’IRC. glomérulaires minimes accompagnant [53] ou précédant [54] la
maladie de Hodgkin. Il régresse en cas de succès de la chi-
miothérapie et peut annoncer la rechute hématologique [53].
5.2.2. IRC parenchymateuse La hyalinose segmentaire et focale est plus rarement asso-
Les lymphomes et les leucémies aiguës sont des étiolo- ciée à la maladie de Hodgkin [55] ou aux lymphomes non
gies de microangiopathie thrombotique. La microangiopathie hodgkiniens.
thrombotique évolue souvent à bas bruit, se traduisant par une Les glomérulonéphrites extracapillaires paranéoplasiques,
insuffisance rénale lentement progressive ou l’apparition ou la comparables à celles observées au cours des vascularites nécro-
majoration d’une hypertension artérielle. Elle peut être associée santes se rencontrent également dans le cadre des lymphomes
à un syndrome d’activation macrophagique [49]. Les marqueurs [24].
biologiques sanguins de microangiopathie thrombotique ne sont
pas toujours retrouvés et c’est parfois la biopsie rénale qui permet
5.3.2. Amyloses AL et AA
le diagnostic. La physiopathologie repose entre autres sur des
Les lymphomes B avec protéine monoclonale peuvent conduire
lésions endothéliales et sur la diminution ou l’inhibition de la
à des dépôts de chaînes légères d’immunoglobulines sous forme
protéase ADAMTS13 [50].
d’amylose AL, comme au cours du myélome (Section 3.3.1). Une
La lyzozymurie est une cause possible d’insuffisance rénale dans
amylose AA est possible également dans la maladie de Hodgkin ou
les leucémies aiguës myéloïdes de type 4 et 5 [51]. Le lysozyme
dans les lymphomes non hodgkiniens d’évolution lente du fait du
stocké dans les cellules leucémiques peut être libéré dans la circula-
syndrome inflammatoire chronique [56].
tion, filtré par les glomérules puis réabsorbé par le tube proximal. Il
en résulte une atrophie tubulaire et une fibrose tubulo-interstitielle
à l’origine d’une IRC. 5.4. Protéinurie tubulaire
La néphrite radique est aujourd’hui très rare avec l’amélioration
des techniques de radiothérapie permettant une irradiation très En cas de secrétion excessive de chaînes légères
ciblée. d’immunoglobulines, une atteinte tubulaire proximale avec
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Fig. 8. Orientation diagnostique devant une atteinte rénale dans le cadre des leucémies aiguës et des lymphomes de haut grade.
syndrome de Fanconi peut se rencontrer au cours des lym- L’hyperkaliémie est une complication menaçante des hémo-
phomes. L’atteinte tubulaire peut résulter également d’un infiltrat pathies. Elle peut résulter d’un syndrome de lyse tumorale ou
lymphomateux interstitiel [44] ou d’une lyzozymurie. accompagner une IRA quelle que soit son origine. À l’opposé, une
hypokaliémie peut se rencontrer en cas de tubulopathie.
5.5. Troubles hydroélectrolytiques Les tubulopathies proximales (se traduisant par un syndrome
de Fanconi) conduisent à l’hypophosphorémie, tandis que le syn-
L’hypercalcémie des lymphomes est souvent en rapport avec drome de lyse tumorale s’accompagne d’une hyperphosphorémie
l’augmentation de la résorption osseuse sous l’effet de cyto- sévère.
kines ostéolytiques comme l’IL-6, à une secrétion de calcitriol
(1,25[OH]2 vitamine D3) par les macrophages adjacents des cel- 5.6. En pratique
lules lymphomateuses [57,58] ou à la secrétion paranéoplasique de
PTHrp [59]. L’hypercalcémie peut conduire à une IRA fonctionnelle, La Fig. 8 montre l’arbre diagnostique des atteintes rénales au
à une polyurie avec hypernatrémie par résistance à l’ADH, ou à une cours des leucémies et lymphomes de haut grade. Le Tableau 3 rap-
insuffisance rénale par néphrocalcinose aiguë [45]. À l’opposé, une pelle les différentes glomérulopathies associées aux hémopathies.
hypocalcémie profonde peut s’observer lors du syndrome de lyse Le Tableau 4 résume les atteintes tubulaires possibles au cours des
tumorale (Section 5.1.2). hémopathies.
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Fig. 9. Orientation diagnostique devant une atteinte rénale dans le cadre d’une leucémie lymphoïde chronique (LLC) ou d’un lymphome de bas grade.
6. Atteintes rénales au cours de la leucémie lymphoïde de fuite capillaire [61]. Il peut néanmoins exister une IRC liée soit à
chronique (LLC), des lymphomes de bas grade et des une microangiopathie thrombotique, soit à un infiltrat interstitiel
leucémies myéloïdes mononucléé ou plasmocytaire [62]. L’atteinte rénale est fréquente
au cours du syndrome de Castleman, même si elle est rarement
La LLC est une hémopathie fréquente. Les atteintes rénales sont au premier plan. Il existe une insuffisance rénale dans 50 % des cas
rares au regard de sa fréquence et sont plutôt la conséquence du [62].
traitement et des complications infectieuses qui émaillent son évo-
lution.
6.2. Protéinurie glomérulaire et syndrome néphrotique
6.1. Insuffisance rénale aiguë ou subaiguë
6.2.1. Leucémie lymphoïde chronique
L’atteinte glomérulaire peut être liée aux dépôts gloméru-
6.1.1. Leucémie lymphoïde chronique et lymphomes de bas grade
laires d’un composant sérique monoclonal, comme au cours des
L’insuffisance rénale est rare au cours de ces hémopathies. Elle
gammapathies monoclonales, ou être le témoin d’un syndrome
est soit fonctionnelle soit organique liée à une nécrose tubulaire
paranéoplasique. La glomérulopathie est, dans ce cas, souvent le
aiguë sur sepsis ou à un syndrome de lyse tumorale ou à une infil-
mode de révélation de la LLC [63]. La plupart des patients présente
tration tumorale interstitielle.
un syndrome néphrotique, un tiers a une insuffisance rénale.
Plusieurs types de glomérulopathies ont été décrits au cours
6.1.2. Leucémie myélomonocytaire chronique de la LLC (Tableau 3). La plus fréquente est la glomérulonéphrite
Outre les lésions rénales habituelles des hémopathies, la lyso- membranoproliférative de type I ou II, parfois liée à une cryoglobu-
zymurie est une cause plus rare d’insuffisance rénale, survenant en linémie. Elle peut s’associer à des thrombi de cryoglobulines dans
cas de leucémie myélomonocytaire chronique [60] comme en cas les capillaires glomérulaires.
de leucémie aiguë myéloïde. La glomérulite extramembraneuse peut être également une
manifestation paranéoplasique de la LLC marquée par le paral-
6.1.3. Syndrome de POEMS et syndrome de Castleman lélisme entre les manifestations glomérulaires et l’évolution
Au cours du syndrome de peripheral neuropathy, organomegaly, de l’hémopathie (rémission sous chimiothérapie) [37]. Des cas
endocrinopathy, monoclonal gammopathy, skin changes (POEMS), d’amylose AL, de glomérulopathies à dépôts granuleux, de syn-
l’insuffisance rénale est souvent fonctionnelle, liée à un syndrome drome néphrotique à lésions glomérulaires minimes, de gloméru-
N. Jourde-Chiche et al. / La Revue de médecine interne 31 (2010) 685–696 695
lopathie immunotactoïde et de glomérulonéphrite extracapillaire group of human light chains with amyloidosis AL (lambda). J Clin Invest
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pathological features and prognosis in immunoglobulin light and heavy chain
L’atteinte glomérulaire est rare au cours du syndrome de POEMS.
deposition disease. Clin Nephrol 2009;71:9–20.
Il existe néanmoins une protéinurie non néphrotique (excédant [19] Lin J, Markowitz GS, Valeri AM, Kambham N, Sherman WH, Appel GB, et al.
rarement 1 g/24 heures) chez 25 % des patients. L’histologie rénale Renal monoclonal immunoglobulin deposition disease: the disease spectrum.
montre une prolifération mésangiale rarement associée à des J Am Soc Nephrol 2001;12:1482–92.
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Dans le syndrome de Castleman, une protéinurie existe chez Nephrol 2001;12:1558–65.
78 % des patients. La principale atteinte rénale est l’amylose [21] Moulin B, Deret S, Mariette S, Kourilski O, Imai H, Dupouet L, et al. Nodular glo-
merulosclerosis with deposition of monoclonal immunoglobulin heavy chain
AA [62]. Les autres manifestations rénales sont anecdotiques : lacking CH1. J Am Soc Nephrol 1999;10:519–28.
microangiopathie thrombotique, glomérulonéphrites mésangiales [22] Pozzi C, D’Amico M, Fogazzi GB, Curioni S, Ferrario F, Pasquali S, et al. Light
ou membranoproliférative de type I ou infiltrat plasmocytaire chain deposition disease with renalinvolvement: clinical characteristics and
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rénal [65]. L’hyperproduction d’IL6 favorise l’inflammation chro- [23] Rosenstock JL, Markowitz GS, Valeri AM, Sacchi G, Appel GB, D’Agati VD. Fibril-
nique conduisant à l’amylose AA et la prolifération mésangiale. lary and immunotactoid glomerulonephritis: distinct entities with different
L’exérèse de la tumeur permet d’obtenir la rémission des glomé- clinical and pathologic features. Kidney Int 2003;63:1450–61.
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La Fig. 9 montre l’arbre diagnostique des atteintes rénales au 3561–8.
cours des LLC et des lymphomes de bas grade. Le Tableau 3 rappelle [26] Messiaen T, Deret S, Mougenot B, Bridoux F, Dequiedt P, Dion JJ, et al. Adult
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