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 11-014-E-20

Traitement percutané des insuffisances


mitrales
A.-C. Martin, N. Tence, N. Karam

Résumé : L’insuffisance mitrale est actuellement la valvulopathie la plus fréquente et la deuxième valvu-
lopathie la plus opérée en Europe. Environ 50 % des patients présentant une insuffisance mitrale sévère
sont pourtant récusés de chirurgie, en dépit du mauvais pronostic associé à l’absence d’intervention, en
raison de comorbidités et/ou d’âge avancé. Depuis quelques années, le traitement percutané, à type de
remplacement ou surtout de réparation des valves mitrales, s’est développé, permettant de prendre en
charge ces patients récusés de chirurgie, mais aussi les patients à haut risque chirurgical. La réparation
mitrale percutanée bord-à-bord est actuellement la technique la plus utilisée et la seule reconnue dans
les recommandations européennes pour la prise en charge des valvulopathies. Les différentes stratégies
de traitement percutané de l’insuffisance mitrale, ainsi que la place et le niveau de preuve pour leur
utilisation sont rappelés dans cet article.
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Mots-clés : Fuite/insuffisance mitrale ; Traitement percutané ; Réparation mitrale ; Remplacement mitral

Plan valvulaire (infarctus du myocarde avec séquelle hypokinétique,


cardiopathie dilatée). Dans l’IM primaire sévère, le traitement de
■ Introduction 1 référence est la chirurgie, alors que dans l’IM secondaire, le béné-
fice de la chirurgie est incertain. En pratique, 50 % des patients
■ Stratégies de traitement percutané de l’insuffisance mitrale 1 présentant une IM sévère symptomatique sont récusés de la chi-
Réparation bord-à-bord : MitraClip® et Pascal® 2 rurgie devant un risque opératoire estimé trop élevé [5, 6] . Chez
Annuloplasties 4 les patients présentant une IM sévère symptomatique avec signes
Réparation des cordages 5 d’insuffisance cardiaque, l’absence de thérapie de la valve mitrale
Remplacement mitral percutané 5 est associée à des taux de mortalité à un et cinq ans de 20 % et
■ Conclusion 5 50 % respectivement. Parmi les survivants, le taux de patients hos-
pitalisés pour insuffisance cardiaque est de 41 % à un an et 90 %
à cinq ans [7] . Chez les patients asymptomatiques, en l’absence
de thérapie valvulaire, les taux de décès toutes causes confondues
 Introduction et de décès d’origine cardiovasculaire à cinq ans sont de 22 % et
14 % respectivement [8] .
Depuis quelques années, différentes techniques de réparation
Avec une prévalence croissante, l’insuffisance mitrale (IM) ou de remplacement valvulaire mitral par voie percutanée se
constitue actuellement la valvulopathie la plus fréquente en sont développées, permettant ainsi de proposer une alternative
Europe, et la seconde valvulopathie la plus opérée après le rétrécis- thérapeutique, dans un premier temps aux patients récusés de chi-
sement aortique [1, 2] . Elle est associée à un pronostic défavorable rurgie, puis progressivement aux patients à haut risque chirurgical
lorsqu’elle est sévère, avec une surmortalité en l’absence de trai- en cas d’IM primaire, ou de rajouter un maillon supplémentaire à
tement [3] . Les différents mécanismes d’IM sont décrits dans la l’arsenal thérapeutique des patients avec IM secondaire réfractaire
classification de Carpentier, tenant compte du mouvement des au traitement optimal.
feuillets et des dimensions de l’anneau valvulaire (Fig. 1) [4] . En
fonction de l’étiologie, on distingue deux modalités d’IM, qui dif-
fèrent de par leurs mécanismes, leurs pronostics et leurs prises en
charge.  Stratégies de traitement
L’IM primaire est caractérisée par une anomalie primitive de percutané de l’insuffisance mitrale
l’appareil mitral qui est responsable de l’IM, notamment dans le
cadre de prolapsus isolé ou par rupture de cordage (dégénéres- Plusieurs stratégies de réparation ou remplacement mitral ont
cence fibroélastique, maladie de Barlow, etc.), de perforation de été proposées (Fig. 2). Contrairement à la valve aortique où le rem-
feuillet mitral (endocardite) ou de restriction de feuillet dans le placement percutané a permis de révolutionner la prise en charge,
cadre d’une valvulopathie rhumatismale. Dans l’IM secondaire ou le remplacement percutané de la valve mitral s’est heurté à plu-
fonctionnelle, la valve est anatomiquement normale, et l’IM est sieurs défis, notamment dus à la forme particulière de l’anneau
due à des anomalies du ventricule gauche (VG) ou de l’oreillette en « D », l’absence de structure annulaire rigide, la moindre pré-
gauche, soit par une dilatation de l’anneau mitral, soit par une sence de calcifications permettant l’ancrage de la valve, le risque
restriction des feuillets à cause d’une traction par l’appareil sous- d’obstruction de la chambre de chasse du VG, et la proximité

EMC - Cardiologie 1
Volume 35 > n◦ 1 > février 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-4568(20)66482-8

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de structures telles que l’artère circonflexe et le sinus coronaire. Réparation bord-à-bord : MitraClip®
D’autre part, les études faites dans le cadre de la chirurgie car-
diaque n’avaient pas montré de supériorité du remplacement par et Pascal®
rapport à la réparation de la valve mitrale [9] . Actuellement, plu- La réparation mitrale bord-à-bord par voie percutanée est la
sieurs prothèses percutanées sont en évaluation préclinique ou seule technique validée dans les recommandations européennes
clinique, mais le nombre de remplacements mitraux réalisés reste sur les valvulopathies [11] et est actuellement la procédure de
faible par rapport à la réparation percutanée, excepté dans le cas réparation mitrale percutanée la plus fréquemment réalisée dans
particulier des dégénérescences d’anneaux chirurgicaux ou de bio- le monde, avec plus de 100 000 patients traités à ce jour par
prothèses, où les prothèses de remplacement percutané aortique MitraClip® . La procédure se déroule sous anesthésie générale, avec
sont utilisées depuis plusieurs années avec de bons résultats [10] . un guidage par échographie cardiaque transœsophagienne (ETO).
En termes de réparation, plusieurs techniques ont été utili- Le principe, dérivé de la technique chirurgicale d’Alfieri, consiste à
sées, avec en tête de ligne la réparation « bord-à-bord » des réunir ensemble par un clip le feuillet antérieur et le feuillet posté-
feuillets (essentiellement avec le MitraClip® et plus récemment rieur, au niveau de la zone principale d’IM. Plusieurs clips peuvent
le Pascal® ). Les annuloplasties directe (essentiellement avec le être nécessaires afin d’obtenir une réduction satisfaisante de l’IM.
Cardioband® et le Mitralign® ) ou indirecte (Carillon® ) sont éga-
lement proposées, avec une expérience croissante, quoique plus
limitée. La réparation des cordages est aussi proposée, principa-
lement avec le Neochord® ou plus récemment le Harpoon® , qui
nécessitent un abord transapical, contrairement aux techniques
précitées qui nécessitent uniquement un abord percutané, fémo-
ral ou jugulaire. Ces procédures peuvent être combinées chez le
même patient, afin d’optimiser les résultats ou devant l’échec
d’une technique donnée (Fig. 3).

Type I Type II Type IIIa Type IIIb

Figure 1. Classification de Carpentier pour les fuites mitrales. Le type


1 est caractérisé par un mouvement normal des feuillets, le type 2 par Figure 3. Pose de MitraClip® deux ans après l’implantation d’un
un mouvement excessif des feuillets, et le type 3 par une restriction du Carillon® suite à la récidive d’insuffisance mitrale. La combinaison des
mouvement des feuillets en diastole (IIIa) ou en systole (IIIb). deux techniques a permis la réduction de la fuite à moins 1/4.

Figure 2. Techniques de réparation mitrale


Feuillets Anneau
en fonction de la cible du traitement.

MitraClip* PASCAL Cardioband* Carillon*

Cordages

Millipede Mitralign*
Ventricule

NeoChord* Harpoon TD5

Mitral Loop
Arto Cerclage
VenTouch Accucinch
* Avec marquage CE

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Apport dans l’IM secondaire


Insuffisance mitrale sévère
Dans l’IM secondaire, les structures de la valve mitrale sont
Pathologie centrale (segment 2) intactes ; l’IM résulte d’une dilatation du VG ou de l’oreillette
Surface d’ouverture mitrale > 4 cm2 ou 3 cm2 avec mobilité préservée des feuillets
gauche, et d’une restriction du jeu valvulaire à l’origine d’un
Longueur du feuillet postérieur > 10 mm (ou au moins 7 mm)
Absence de calcification valvulaire ou calcifications excluant la zone de grasp défaut de coaptation des feuillets mitraux. Dans le cadre
d’insuffisance cardiaque chronique, l’apparition d’une IM secon-
Primaire Secondaire daire sévère est associée à une augmentation de la mortalité [16] . Le
traitement médicamenteux est le traitement de première inten-
tion, basé sur les diurétiques et le traitement de l’insuffisance
cardiaque. Une resynchronisation peut être indiquée en complé-
ment si les patients restent symptomatiques, en présence d’un
bloc de branche gauche. Dans le cas de l’IM secondaire, le béné-
fice de la chirurgie mitrale est incertain, car elle n’a pas démontré
Gap < 10 mm Largeur < 15 mm Profondeur Longueur de
de bénéfice sur la mortalité, en raison du risque chirurgical lié
de coaptation coaptation à la dysfonction du VG, ainsi qu’à la présence d’une pathologie
< 11 mm t 2 mm cardiaque extravalvulaire qui évolue pour son propre compte.
Le bénéfice de la réparation mitrale percutanée par MitraClip®
a été évalué dans deux études randomisées parues en 2018.
Figure 4. Critères de faisabilité anatomique de la réparation mitrale MITRA-FR, une étude française, contrôlée et randomisée, a com-
percutanée par MitraClip® . Les items présentés en gras correspondent paré le traitement médical optimal à la réparation mitrale
à l’anatomie optimale pour une réparation bord-à-bord, alors que les percutanée par Mitraclip® associée au traitement médical optimal,
items en italiques correspondent à une anatomie non optimale mais où chez les patients symptomatiques, ayant une IM secondaire sévère
la procédure peut être envisagée. avec une surface de l’orifice régurgitant (SOR) supérieure à 20 mm2
ou un volume régurgité supérieur à 30 ml, et une FEVG entre 15
et 40 %. Malgré un taux de succès d’implantation du Mitraclip®
Aujourd’hui, deux modèles de MitraClip® sont disponibles : un
de 95 %, l’étude n’a pas montré de différence significative entre
modèle « classique » (le NTR), et un modèle avec des bras plus
les deux groupes en termes de décès toute cause ou de réhospitali-
longs (le XTr), particulièrement intéressant dans les IM primaires,
sation pour insuffisance cardiaque à un an (51,3 % dans le groupe
permettant de réduire le nombre de clips requis, et de s’adresser
traitement médical versus 54,6 % dans le groupe intervention,
à des fuites plus larges et des feuillets plus longs [12] . La sélection
p = 0,53) ou à deux ans (67,1 % versus 63,8 respectivement ; hazard
des patients est un élément-clé pour le succès de la procédure, et
ratio : 1,01 ; intervalle de confiance à 95 % : 0,77–1,34) [17, 18] .
dépend de critères anatomiques, permettant de vérifier la faisabi-
L’étude américaine COAPT a également évalué le bénéfice du
lité (Fig. 4), et cliniques, afin d’éviter la futilité.
MitraClip® en plus du traitement optimal chez les patients ayant
une FEVG entre 20 et 50 %, avec IM sévère, plus sévère que dans
Apport dans l’IM primaire
MITRA-FR (SOR > 30 mm ou volume régurgité > 45 ml). L’essai
Dans le cas de l’IM primaire, les traitements médicamenteux a montré une différence significative en faveur du MitraClip® sur
ont uniquement pour but de contrôler les symptômes, mais ne les réhospitalisations pour insuffisance cardiaque dans les 24 mois
peuvent pas diminuer la sévérité de l’IM. Une réparation ou un suivant la randomisation (35,8 % dans le groupe MitraClip® ver-
remplacement de la valve mitrale est le seul moyen de traiter l’IM sus 67,9 % dans le groupe traitement médical, p < 0,001), ainsi que
et d’éviter la dilatation progressive du VG ainsi que la dysfonc- sur tous les critères secondaires, incluant la mortalité, le taux d’IM
tion ventriculaire ultérieure. La réparation mitrale percutanée par supérieur à 2, l’amélioration de la qualité de vie et la classe New
MitraClip® a d’abord été étudiée dans l’IM primaire, avec l’étude York Heart Association (NYHA) à 12 mois [19] . Ces différences de
randomisée Everest II qui a comparé la chirurgie mitrale à la répa- résultats entre les deux études peuvent être expliquées par une
ration percutanée par MitraClip® chez 279 patients porteurs d’IM différence dans les critères d’inclusion et d’exclusion de la popu-
grade III ou IV. Les patients inclus dans cette étude étaient rela- lation, mais aussi dans la définition échographique de sévérité
tivement jeunes (67,3 ± 12,8 ans dans le groupe MitraClip® ) de l’IM secondaire entre les recommandations européennes et
et opérables, avec un score STS moyen à 5 ± 4 %. La fraction américaines. L’IM était moins sévère dans Mitra-FR avec un SOR
d’éjection moyenne était de 60 %. Moins d’événements indési- moyen à 31 mm versus 41 mm dans COAPT, alors que le volume
rables majeurs ont été observés dans le groupe interventionnel télédiastolique du VG était plus élevé (136,2 versus 101 ml/m),
que dans le groupe chirurgical (15 % versus 48 % respectivement, témoignant d’une atteinte ventriculaire plus sévère et au pre-
p < 0,001) [13] . À cinq ans, moins de patients étaient indemnes mier plan par rapport à l’IM [20] . Ces différences entre Mitra-FR
de l’end-point composite (décès, chirurgie mitrale, réopération ou et COAPT, en termes de caractéristiques de base et de bénéfice
IM ≥ 3+) dans le groupe interventionnel que dans le groupe de la réparation mitrale percutanée, nous permettent donc de
chirurgical (44,2 versus 64,3 %, p = 0,01). Cependant, parmi les distinguer une population cible, qui bénéficierait du traitement
patients n’ayant pas présenté d’événement dans la première percutané, et une population dans laquelle l’atteinte myocardique
année, il n’y avait pas de différence dans le taux de l’end point pri- est au premier plan, devant l’IM, rendant l’intervention percuta-
maire entre les patients traités par voie percutanée (69 %) et ceux née moins bénéfique.
traités par chirurgie au-delà de la première année (75 %, p = 0,55). Les recommandations actuelles de la Société européenne de
En effet, la différence de composite à cinq ans était essentielle- cardiologie, sorties avant ces deux études, préconisent que le trai-
ment due au taux d’IM supérieur ou égal à 3+ et à la nécessité de tement percutané par réparation bord-à-bord peut être envisagé
réintervention, sachant que 78 % des chirurgies dans le groupe dans l’IM secondaire si la FEVG est supérieure à 30 %, sans indi-
interventionnel ont eu lieu dans les six premiers mois après le cation à une revascularisation, chez un patient symptomatique
clip. La mortalité à cinq ans était similaire dans les deux groupes et ayant un risque chirurgical jugé non bas (recommandation de
(20,8 % dans le bras interventionnel versus 26,8 % dans le bras classe IIb, niveau d’évidence C) (Fig. 5) [11] .
chirurgical, p = 0,4) [14] . L’apport du traitement par MitraClip® Le système de réparation de valve mitrale percutanée Pascal®
a été par la suite montré dans plusieurs registres de la vraie vie. a obtenu le marquage CE en février 2019. En plus du grasping
Actuellement, les recommandations de la Société européenne de des feuillets en vue d’une réparation bord-à-bord, ce système
cardiologie retiennent une indication au traitement percutané comporte un spacer central visant à diminuer la fuite résiduelle
en cas d’IM primaire sévère chez les patients ayant une fraction tout en diminuant la traction nécessaire sur les feuillets. L’étude
d’éjection du VG (FEVG) inférieure ou égale à 30 %, une sympto- multicentrique CLASP a évalué le système Pascal® chez 109
matologie réfractaire au traitement médical, et une probabilité de patients avec une IM sévère symptomatique malgré un traitement
réparation chirurgicale basse ou un risque chirurgical non faible médical optimal, d’origine dégénérative (36 %), fonctionnelle
(Fig. 5) [11, 15] . (56 %) ou mixte. À six mois, 81 % des patients n’avaient plus

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FEVG < 30 %

Symptomatologie réfractaire
Primaire
au traitement médical

Probabilité de réparation
chirurgicale basse OU risque Symptomatologie réfractaire
non faible au traitement médical
Place du traitement
percutané dans I’IM Absence d’indication à un
sévère FEVG < 30 %
pontage coronaire

Risque chirurgical non bas

Secondaire

Symptomatologie réfractaire
au traitement médical

Absence d’indication à un
FEVG < 30 %
pontage coronaire

Après discussion de
l’indication de greffe ou
d’assistance
Figure 5. Place du traitement percutané dans la prise en charge de la fuite mitrale. IM : insuffisance mitrale ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.

qu’une IM légère ou absente, et 98 % avaient une IM inférieure ou évalués dans une étude multicentrique européenne sur 60 patients
égale à 2+. Cette réduction de la sévérité de l’IM s’accompagnait avec IM secondaire et déjà sous traitement optimal, étaient pro-
d’une amélioration fonctionnelle objectivée par la classe NYHA metteurs. À un an, 95 % des patients avaient une IM jugée minime
et une amélioration de la qualité de vie. Les résultats se confir- à modérée, 79 % étaient en classe fonctionnelle NYHA I ou II, la
maient à 12 mois sur la réduction de la sévérité de l’IM (100 % plupart d’entre eux amélioraient significativement leur capacité
avec IM ≤ 2+, 82 % avec IM ≤ 1, sans sténose résiduelle avec d’effort et leur qualité de vie [21, 22] .
gradient moyen stable), sur la survie de 92 % et l’absence de Quant au système Mitralign® , ayant obtenu le marquage CE
réhospitalisation pour insuffisance cardiaque pour 88 % des 62 en 2016, il permet de réaliser une annuloplastie directe sur le ver-
patients évalués. À ce jour, plus de 1200 patients ont été trai- sant ventriculaire de l’anneau via une approche transventriculaire
tés par l’implantation d’un dispositif Pascal® , avec d’excellents (abord rétrograde transartériel fémoral), en utilisant la radiofré-
taux de succès des procédures, une réduction de l’IM et une quence pour insérer les systèmes de suture de part et d’autre des
amélioration clinique. Les systèmes MitraClip® et Pascal® sont commissures, et ajuster ainsi la taille de l’anneau. Les premiers
actuellement comparés dans un essai randomisé multicentrique résultats chez l’homme sont encourageants, avec un succès de la
américain CLASP IID/IIF dans deux populations, les patients procédure dans 71 % des cas et une réduction de la sévérité de
symptomatiques avec une IM primaire dégénérative et ceux avec l’IM à six mois pour la moitié des patients traités, associée à un
une IM fonctionnelle résistant au traitement optimal. remodelage inverse du VG et à une amélioration des capacités
Ces progrès technologiques et l’expérience croissante des fonctionnelles [23] .
cardiologues interventionnels et échographistes permettent de
« réparer » des cas de plus en plus complexes, mais l’étape essen- Annuloplastie indirecte
tielle reste l’identification et la sélection des patients qui en
tireront le plus grand bénéfice au long cours. Le principe de l’annuloplastie indirecte, inspirée de
l’annuloplastie mitrale sous-dimensionnée chirurgicale, repose
sur la proximité anatomique de l’anneau mitral postérieur et du
Annuloplasties sinus coronaire qui couvre environ 120◦ de l’anneau. Elle a pour
objectifs de modifier la géométrie septolatérale de l’anneau mitral
On distingue les annuloplasties directes, qui ressemblent à une
et d’améliorer la coaptation des feuillets. Différents dispositifs
implantation d’anneau chirurgical, et les annuloplasties indi-
ont été développés. Tous comportent un système d’ancrage
rectes par insertion d’un dispositif de cerclage annulaire dans le
proximal, un système d’ancrage distal et l’anneau proprement
sinus coronaire.
dit reliant les deux points d’ancrage. L’implantation se fait par
voie jugulaire interne. Cette technique se heurte néanmoins à
Annuloplastie directe des écueils remettant en question son efficacité et sa sécurité :
Le système Cardioband® a obtenu le marquage CE en 2015. Il le caractère incomplet de l’annuloplastie, la localisation du
s’agit du dispositif le plus proche de l’anneau chirurgical. Il s’agit sinus coronaire dans un autre plan que celui de l’anneau mitral,
d’un anneau prothétique en Dacron implanté sous guidage par et la proximité du sinus coronaire et de l’artère circonflexe
ETO après ponction transeptale et vissé sur le versant atrial de entraînant un risque de pincement de celle-ci lors du resserrage
l’anneau mitral postérieur de la commissure antérolatérale à la de l’anneau. Aujourd’hui, seul le dispositif Carillon® , qui a reçu
commissure postéromédiane. Il est ensuite progressivement res- le marquage CE en 2011, est encore utilisé. L’essai randomisé
serré pour réduire le diamètre septolatéral de l’anneau jusqu’à REDUCE FMR, mené chez 120 patients avec IM secondaire sévère
obtenir une réduction de l’IM. Les résultats de cette intervention, symptomatique, a montré que l’annuloplastie avec le système

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Carillon® réduisait significativement l’IM (réduction du volume des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et une mortalité
régurgitant de 7,1 à 3,3 ml/battement, p = 0,049) et permettait un à deux ans de 39 %, ce qui est acceptable compte tenu de la sévé-
remodelage positif du VG (réduction des volumes ventriculaires) rité des patients. L’essai randomisé SUMMIT est en cours, avec
à 12 mois de l’implantation, comparé à un traitement médical pour objectif de comparer le remplacement valvulaire mitral par
optimal seul [24] . Récemment, une analyse poolée de l’ensemble Tendyne® à la réparation par MitraClip® , chez les patients retenus
des études menées avec le dispositif Carillon® a confirmé l’intérêt pour une prise en charge percutanée (plutôt que chirurgicale), et
de l’annuloplastie mitrale sur les critères échographiques, mais éligibles pour l’une et l’autre des techniques.
également sur l’amélioration du statut fonctionnel (classe NYHA) Le dispositif Intrepid® est le deuxième le plus évalué à ce jour. Il
et sur l’amélioration du test de marche des six minutes, deux est constitué d’un stent valvé à trois feuillets de péricarde porcin
variables associées à la survie à un an [25] . monté dans un stent externe autoexpandable, qui se déploie par
voie transapicale et s’amarre dans l’anneau mitral, en prenant la
forme. Les études de faisabilité sont encourageantes (96 % de suc-
Réparation des cordages cès de procédure). L’essai randomisé APOLLO est actuellement en
cours afin de comparer l’efficacité et la sécurité du remplacement
Plusieurs systèmes d’implantation de cordages artificiels par
valvulaire mitral percutané avec le dispositif Intrepid® à celui de
voie transapicale sont en cours d’évaluation. En tête de ligne, le
la chirurgie chez les patients avec une IM sévère symptomatique,
dispositif NeoChord® , qui a obtenu son marquage CR en 2012,
fonctionnelle ou primaire.
consiste à ancrer, sous guidange ETO, un ou plusieurs cordages
artificiels au niveau des feuillets mitraux et de les amarrer à l’apex
du VG, en ajustant la longueur de chaque cordage afin d’obtenir
une coaptation optimale des feuillets valvulaires. Comme pour  Conclusion
la chirurgie conventionnelle, les meilleurs candidats sont les
patients présentant un prolapsus du feuillet postérieur (segment De nombreux progrès ont eu lieu durant les dernières années en
P2 isolé ou plusieurs segments), avec ou sans rupture de cordage, termes de traitement percutané des IM. Les différentes techniques
alors que les résultats sont moins bons en cas d’atteinte du feuillet développées permettent aujourd’hui de prendre en charge des IM
antérieur ou des commissures, ou en présence de calcifications. Le récusées de chirurgie ou à haut risque chirurgical. La bonne sélec-
ratio de la somme des longueurs des feuillets antérieur et posté- tion par une équipe de valves de type heart valve team incluant
rieur sur le diamètre antéropostérieur de l’anneau a été identifié des cardiologues interventionnels, mais aussi des chirurgiens
comme un facteur prédictif d’IM résiduelle à trois, six et 12 mois. cardiaques, des échographistes, des spécialistes d’insuffisance car-
Selon ce critère, 25 à 30 % des patients avec une IM dégénérative diaque, des anesthésistes et des gériatres, est capitale afin de
seraient éligibles à cette technique de réparation. Les données les sélectionner les patients qui seraient les plus à même de profiter
plus récentes sont apportées par les résultats d’une étude menée de ces techniques.
chez 49 patients avec IM dégénérative sévère symptomatique. Elle
suggère la sécurité de la technique et son efficacité sur la réduc-
Déclaration de liens d’intérêts : N. Karam : Abbott Vascular (honoraire de
tion de l’IM à trois mois, absente ou minime dans deux tiers des
consultante) et Edwards Scientific (bourse de recherche).
cas, tandis que 10 % présentaient une IM sévère par rupture d’un
A.-C. Martin et N. Tence déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation
cordage natif. L’essai randomisé RECHORD actuellement en cours
avec cet article.
aux États-Unis a pour objectif d’évaluer et de comparer la sécurité
ainsi que l’efficacité de la réparation percutanée par NeoChord®
avec la chirurgie conventionnelle.
Le système Harpoon® repose sur le même principe que le
 Références
NeoChord® avec l’implantation par voie transapicale et sous gui- [1] Nkomo VT, Gardin JM, Skelton TN, Gottdiener JS, Scott CG,
dage par ETO, de cordages artificiels fixés par un nœud au niveau Enriquez-Sarano M. Burden of valvular heart diseases: a population-
du feuillet valvulaire, et de l’apex du VG. Le bénéfice sur la réduc- based study. Lancet 2006;368:1005–11.
tion de l’IM, le remodelage positif du VG et la diminution du [2] Iung B. A prospective survey of patients with valvular heart disease in
diamètre antéropostérieur de l’anneau mitral observés à six mois Europe: The Euro Heart Survey on Valvular Heart Disease. Eur Heart
sur 65 patients avec une IM dégénérative sur prolapsus isolé de P2 J 2003;24:1231–43.
persiste à un an de suivi. Le système Harpoon® a reçu le marquage [3] Trichon BH, Felker GM, Shaw LK, Cabell CH, O’Connor CM. Rela-
CE en 2017, mais n’est pas commercialisé à ce jour [26] . tion of frequency and severity of mitral regurgitation to survival among
patients with left ventricular systolic dysfunction and heart failure. Am
J Cardiol 2003;91:538–43.
Remplacement mitral percutané [4] Carpentier A. Cardiac valve surgery–the “French correction”. J Thorac
Cardiovasc Surg 1983;86:323–37.
La complexité anatomique de la valve mitrale a rendu plus dif- [5] Mirabel M, Iung B, Baron G, Messika-Zeitoun D, Detaint D, Vanover-
ficile la conception des dispositifs pour la valve mitrale. Le défi est schelde J-L, et al. What are the characteristics of patients with severe,
d’implanter une prothèse dans un orifice en forme de « D », dyna- symptomatic, mitral regurgitation who are denied surgery? Eur Heart
mique et sans structure annulaire rigide, en limitant le risque de J 2007;28:1358–65.
migration dans le VG (par défaut d’ancrage), de fuite paraprothé- [6] Joint Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of
tique (par malposition) et d’obstruction de la chambre de chasse the European Society of Cardiology (ESC), European Association for
par déplacement antérieur du feuillet mitral. Aujourd’hui, plu- Cardio-Thoracic Surgery (EACTS), Vahanian A, Alfieri O, Andreotti
sieurs systèmes d’implantation de valve mitrale percutanée sont F, Antunes MJ, et al. Guidelines on the management of valvular heart
en cours de développement. disease (version 2012). Eur Heart J 2012;33:2451–96.
Le système Tendyne® est une plateforme de remplacement [7] Goel SS, Bajaj N, Aggarwal B, Gupta S, Poddar KL, Ige M, et al.
valvulaire mitral, implanté par voie transapicale (le dispositif Prevalence and outcomes of unoperated patients with severe sympto-
implantable par voie fémorale est en cours de développement). Il matic mitral regurgitation and heart failure: comprehensive analysis to
est constitué d’une valve à trois feuillets de péricarde porcin mon- determine the potential role of MitraClip for this unmet need. J Am
Coll Cardiol 2014;63:185–6.
tée dans une armature externe en forme de D, autoexpandable,
[8] Enriquez-Sarano M, Akins CW, Vahanian A. Mitral regurgitation. Lan-
amarrée à l’apex du VG après ajustement de la tension pour en cet 2009;373:1382–94.
garantir la stabilité. Il est repositionnable et récupérable. Les résul- [9] Acker MA, Parides MK, Perrault LP, Moskowitz AJ, Gelijns AC, Voi-
tats à deux ans de l’implantation d’un dispositif Tendyne® chez sine P, et al. Mitral-valve repair versus replacement for severe ischemic
100 patients avec une IM sévère symptomatique récusés à la chi- mitral regurgitation. N Engl J Med 2014;370:23–32.
rurgie ont été rapportés à l’EuroPCR 2020. Le dispositif permet une [10] Guerrero M, Salinger M, Pursnani A, Pearson P, Lampert M, Levisay
correction de l’IM avec au plus une IM résiduelle grade 1+ pour J, et al. Transseptal transcatheter mitral valve-in-valve: A step by step
100 % des patients, une amélioration du statut fonctionnel avec guide from preprocedural planning to postprocedural care. Catheter
une dyspnée NYHA I/II chez 81,7 % des patients, une réduction Cardiovasc Interv 2018;92:E185–96.

EMC - Cardiologie 5

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11-014-E-20  Traitement percutané des insuffisances mitrales

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Edge-to-edge mitral valve repair with extended clip arms: early expe- ler R, et al. Transcatheter mitral valve repair for functional mitral
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Engl J Med 2018;379:2307–18. diovasc Med 2019;6:128.

A.-C. Martin, MD, PHD.


N. Tence, MD, MPH.
N. Karam, MD, PhD (nicole.karam@aphp.fr).
Unité médico-chirurgicale de valves, Hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France.
Université de Paris, Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Martin AC, Tence N, Karam N. Traitement percutané des insuffisances mitrales. EMC - Cardiologie
2021;35(1):1-6 [Article 11-014-E-20].

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Video 1
Pose de MitraClip&reg; deux ans après l'implantation d'un Carillon&reg; faisant suite à la récidive d'insuffisance mitrale.
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Video 2
Insuffisance mitrale fonctionnelle préclip : coupe quatre cavités avec zoom sur la valve mitrale et l'oreillette gauche.
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Video 3
Fuite résiduelle minime après implantation de deux clips mitraux : coupe quatre cavités.
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 11-036-E-10

Blocs de branches et troubles


intraventriculaires de conduction
R. Frank, X. Waintraub, C. Maupain, N. Badenco, G. Duthoit, E. Gandjbakhch,
N. Hamoudi, F. Hidden Lucet
À la mémoire du Professeur Jean Laham, mon maître et ami qui a tant écrit sur ce sujet.

Résumé : Les blocs de branches sont des anomalies de la conduction dans les branches du faisceau
de His et, au-delà, dans les fibres myocardiques, dont le diagnostic est électrocardiographique (ECG)
avec un élargissement de la durée des QRS. Ils peuvent être isolés, sans rapport avec une cardiopathie
organique, ou associés à l’une d’elles. Une telle découverte demande un bilan cardiovasculaire. Ces
blocs peuvent être partiels ou complets sans conséquence clinique, mais certains peuvent évoluer vers
un bloc auriculoventriculaire du troisième degré nécessitant l’implantation d’un stimulateur cardiaque.
Un bloc de la branche droite sur cœur normal n’implique pas de risque cardiovasculaire. Ce sont les
blocs de branche gauche qui sont associés à une augmentation de la mortalité. Ils ont des conséquences
hémodynamiques, et peuvent aggraver une insuffisance cardiaque, quelle qu’en soit l’origine, nécessitant
alors une resynchronisation par un stimulateur biventriculaire, le plus souvent aussi défibrillateur. Les blocs
de branche doivent être différentiés sur l’ECG des autres causes de QRS larges. Ce sont les préexcitations
ventriculaires, les extrasystoles ou les tachycardies ventriculaires, et parfois le complexe électroentraîné
ventriculaire dont l’impulsion n’est pas visible. Les blocs intramyocardiques sont dus à un trouble de
conduction au-delà du réseau de Purkinje, du fait de la présence de tissus cicatriciels et révéler une
cardiomyopathie. Ils augmentent aussi la durée du QRS et se manifestent par des fragmentations du
signal. De tels potentiels peuvent aussi être microvoltés, visualisés par l’ECG à haute amplification sous
la forme de potentiels tardifs.
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Mots-clés : Bloc de branches ; QRS ; Bloc partiel ; Bloc complet ; BAV ; Stimulateur biventriculaire

Plan ramifications du faisceau de His, les blocs de branche, et aussi


par des troubles de conduction intramyocardiques dans des zones
■ Introduction 1 altérées par des processus pathologiques cicatriciels.
■ Historique 1
■ Phénomènes électriques
Activation ventriculaire normale
2
2
 Historique
Activation électrique avec les blocs de branche 2
Le système de conduction atrioventriculaire a été décrit par
Diagnostic à l’ECG 4
les anatomistes du XIXe siècle, en particulier Purkinje, Gaskell,
Diagnostic différentiel 8
His et Tawara [1] . Les blocs de branche ont été reconnus dès
■ Étiologies 9 le début de l’électrocardiographie (ECG), faciles à identifier par
■ Pronostic des blocs de branche 9 l’élargissement des QRS, mais il a fallu attendre la systématisa-
Risque électrique 9 tion des dérivations précordiales dans les années 1930 par Wilson
Risque hémodynamique 10 pour que leur localisation par l’ECG soit exacte. Auparavant, leur
Épidémiologie 10 localisation était déduite de l’orientation des QRS des seules déri-
■ Investigations 10
vations du plan frontal alors utilisées et, pendant deux décennies
Rythmologiques 10
pour les cardiologues, tout QRS élargi négatif en D1 et positif en
Imagerie 11
D3 était un bloc de branche gauche (BBG), et inversement un
bloc de branche droit (BBD) lorsque le QRS élargi était positif en
■ Traitement 11 D1 et négatif en D3. La déduction erronée venait de l’assimilation
au tracé du bloc de branche expérimental chez le chien dont la
position du cœur dans le thorax est différente de l’homme [2] .
C’est en 1970 que l’auteur argentin Rosenbaum [3] décrit les
 Introduction aspects ECG caractéristiques attribués à des blocs de deux contin-
gents des rameaux d’arborisation de la branche gauche qu’il a
Les troubles de conduction intraventriculaires sont des ano- appelé des hémiblocs. Cette description a été complétée dans les
malies essentiellement liées à des blocs partiels ou complets de années suivantes par d’autres anatomistes [4] , qui ont montré la

EMC - Cardiologie 1
Volume 35 > n◦ 1 > février 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-4568(20)59540-5

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11-036-E-10  Blocs de branches et troubles intraventriculaires de conduction

His

His

Figure 1. Faisceau de His et ses branches (en haut). Cartes électroana-


tomiques d’activation endocardique septale du ventricule droit (VD) (en
bas) (système carto) et du VG (système précision). Les zones rouges sont
les plus précoces, et correspondent au réseau de Purkinje. L’activation du
VD débute à distance du faisceau de His, à la différence de celle du VG
(ventricule gauche) où la zone blanche correspond au faisceau de His et
à la branche gauche. AP : artère pulmonaire ; AO : aorte : PKJ : réseau de
Purkinje.

présence fréquente d’un contingent septal moyen important, et


surtout la grande diversité de la disposition des ramifications de
la branche gauche du faisceau de His et de leurs anastomoses.
Enfin, c’est depuis 1996, avec les travaux préliminaires de Serge
Cazeau [5] , que l’on sait que la resynchronisation ventriculaire par
stimulation simultanée du ventricule droit (VD) et du ventricule
gauche (VG) permet d’améliorer l’hémodynamique d’un patient
en insuffisance cardiaque porteur d’un BBG. Figure 2. Schéma électrocardiographique normal avec les vecteurs
résultants successifs de l’activation. 1. Septal initial ; 2. sous-endocardique
bilatéral ; 3. transpariétal ; 4. terminal indundibulaire.
 Phénomènes électriques
puis se déploie dans les trabéculations de l’apex, avec plusieurs
Activation ventriculaire normale [6] contingents non systématisés. L’activation septale se fait ainsi de
la gauche vers la droite dans les 20 premières millisecondes du
Elle est déclenchée dès l’activation du faisceau de His par le
QRS, suivie pendant les 20 ms suivantes par celle simultanée des
nœud atrioventriculaire, activation transmise aux ventricules à
endocardes droits et gauches, et enfin pour les dernières 40 ms
grande vitesse, 2,8 m/s. Son tronc traverse le septum membra-
par celle transmurale de l’endocarde vers l’épicarde (Fig. 2). La
neux, et ses fibres les plus distales sont déjà prédestinées à chacune
première zone épicardique activée est celle du VD, du fait de sa
des deux branches droite et gauche avant sa bifurcation. Celle-ci
faible épaisseur par rapport au gauche. Les dernières zones sont
se fait au sommet du septum interventriculaire, plus souvent sur
activées au niveau de la base des ventricules et de l’infundibulum
son côté gauche, et les branches s’étendent de part et d’autre, iso-
pulmonaire, pauvres en fibres de Purkinje. Au total, cette activa-
lées par un tissu conjonctif, avant d’arriver au réseau terminal
tion normale dure 80 ms. Elle est suivie d’une repolarisation dont
de Purkinje qui tapisse l’endocarde des deux ventricules (Fig. 1).
l’orientation est comparable à celle du QRS.
À partir de ce réseau, l’activation des fibres myocardiques avoi-
sinantes est dix fois plus lente. La transmission entre cellules se
fait au niveau des desmosomes au travers des jonctions commu- Activation électrique avec les blocs
nicantes (ou nexus, gap-jonctions en anglais) formées de protéines
(connexines) différentes pour le faisceau de His et le réseau de Pur-
de branche [10]
kinje et les myocytes [7] . L’activation ventriculaire débute donc Conséquences électriques générales des blocs
au niveau de l’endocarde, ce que l’on sait depuis les premiers
de branche
travaux expérimentaux sur l’ECG, et cela est bien montré chez
l’homme par les études électroanatomiques [8] . La première acti- Bloc de branche altérant la séquence normale d’activation
vation apparaît au niveau des premiers rameaux septaux de la ventriculaire
branche gauche. Celle-ci déploie ses branches en éventail sur la L’activation du ventricule retardé se fait au travers du septum
partie haute de la face gauche du septum, avec une répartition à partir de celle de l’autre ventricule. Ce trajet rajoute au moins
variable de contingents, interconnectés par le réseau de Purkinje 40 ms à la durée du QRS, et plus en fonction de la durée de la
qui s’étend sur l’endocarde comme une toile d’araignée [2] . On conduction septale, exempte de fibres de Purkinje, et de celle dans
décrit de façon très schématique des contingents antérosupé- la paroi libre. Le retard à l’apparition de la déflexion intrinsécoïde
rieurs et postéro-inférieurs, mais aussi un intermédiaire, septal (délai entre le début du QRS et le sommet de l’onde R) est allongé
ou moyen [3] , émergeant souvent de l’hémibranche postérieure. à 80 ms ou plus face au ventricule retardé, et le vecteur des der-
L’activation par la branche droite est un peu plus tardive car elle nières 40 ms de l’ECG pointe vers lui, indiquant le site du bloc.
reste compacte comme un gros câble au début de son trajet ven- Au total, une durée de QRS élargie, supérieure ou égale à 120 ms,
triculaire droit [9] , atteint le pilier septal de la tricuspide, pénètre évoque un asynchronisme de l’activation ventriculaire, et la mor-
dans la bandelette ansiforme vers le muscle papillaire antérieur, phologie des QRS montre le siège de l’activation retardée. Un tel

2 EMC - Cardiologie

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Blocs de branches et troubles intraventriculaires de conduction  11-036-E-10

asynchronisme reflète aussi bien un bloc complet de conduction cycles courts précédents, entraîne cette fois un QRS élargi. On
qu’une différence importante des vitesses de conduction entre les parle de phénomène d’Aschman [12] , bien que ce soit Lewis, dans
deux branches. les premiers temps de l’ECG, qui l’ait décrit en lui donnant le
terme d’aberration.
Blocs de branche dits incomplets
Un tel bloc peut cependant persister malgré un ralentissement
Les blocs de branche sont dits incomplets lorsque la conduc- de la fréquence dans une tachycardie supraventriculaire régulière.
tion ralentie n’a qu’un retard par rapport à l’autre inférieur à On l’explique par l’activation rétrograde partielle de la branche
40 ms. Il y aura une fusion entre l’activation par cette branche bloquée à partir de la branche opposée. Elle est alors à nou-
et celle arrivant au travers du septum. Le QRS est moins élargi, veau réfractaire lorsque l’influx suivant d’origine atriale l’aborde,
entre 90 et 120 ms, mais les autres caractéristiques persistent, et le phénomène s’autoentretient. Ce bloc disparaît après une
retard de la déflexion intrinsécoïde moins augmentée et orienta- diastole suffisamment longue pour laisser la branche hors de sa
tion du vecteur terminal vers le ventricule retardé. Les hémiblocs période réfractaire, ou après une extrasystole suffisamment pré-
ne concernent que la branche gauche au niveau d’une de ses coce pour réactiver la branche de façon antérograde avant que
branches d’arborisation. cette activation rétrograde ne se produise [13] . Cette même adap-
Blocs de branches intermittents tation des périodes réfractaires explique le phénomène dit du
Ils sont dits fonctionnels [11] et n’apparaissent que lorsque le bloc gauche « ralentisseur » lors d’une tachycardie jonctionnelle
cycle cardiaque est plus court que la période réfractaire de la orthodromique lié à une voie accessoire atrioventriculaire gauche
branche (Fig. 3), par exemple après une extrasystole atriale (bloc à conduction uniquement rétrograde. Au déclenchement de la
dit en « phase 3 » du potentiel d’action), ou lors d’une tachy- tachycardie, l’activation trouve la branche gauche réfractaire et
cardie supraventriculaire. Cependant, les périodes réfractaires des le circuit de réentrée est long puisqu’il ne passe des oreillettes
branches se raccourcissent avec la fréquence cardiaque pendant aux ventricules que par la branche droite et doit traverser le sep-
une dizaine de cycles avant de se stabiliser. Ainsi, un bloc de tum pour activer le pôle ventriculaire de la voie accessoire. Le
branche apparu au premier cycle court disparaîtra au bout de raccourcissement de la période réfractaire de la branche avec la
quelques QRS du fait de ce phénomène d’adaptation (Fig. 4). tachycardie va normaliser sa conduction antérograde, et donc
Inversement, dès le premier cycle long, les périodes réfractaires raccourcir la durée du circuit qui n’a plus à traverser le septum
s’allongent progressivement si les cycles le restent. Ce phénomène (Fig. 5B).
d’adaptation se manifeste en particulier en fibrillation atriale Blocs survenant par hypopolarisation diastolique
(Fig. 5A) lorsqu’après des cycles courts à QRS fins succède un cycle
Ils sont aussi intitulés bradycardie-dépendants. Ce phénomène
long. Le cycle court qui le suit, bien que de durée comparable aux
se manifeste lors de certaines bradycardies sinusales (Fig. 3) avec
une diastole suffisamment longue pour laisser le potentiel dias-
tolique cellulaire d’une branche remonter progressivement vers
le 0 électrique, mais pas à un niveau suffisant pour déclencher
un potentiel d’action transmis (bloc dit en phase 4 du potentiel
d’action), alors qu’un nouvel influx arrive [14] .
Asynchronisme de l’activation ventriculaire
Elle a pour conséquence un asynchronisme de la repolarisa-
tion. Celle du ventricule retardé a une séquence anormale, comme

Figure 3. Bloc de branche gauche fonctionnels, tachycardie dépendant Figure 4. Phénomène d’Ashman : fibrillation atriale, aberration sur
(phase 3) en haut et bradycardie dépendant (phase 4) chez le même cycle court de 280 ms après un cycle long, alors que le même couplage
patient. sans cycle long préalable, a un QRS fin.

A B
Figure 5.
A. Tracé Holter : aberrations transitoires avec retard gauche au début d’un flutter atrial déclenché par une extrasystole atriale (tête de flèche) modifiant
l’onde T, conduit d’abord en 1/1 de type Wenckebach, puis passant en 2/1 avec normalisation de l’activation ventriculaire, mais le dernier cycle court est
déjà normalisé du fait de l’adaptation des périodes réfractaires.
B. Bloc de branche gauche ralentisseur : déclenchement d’une tachycardie jonctionnelle avec un bloc de branche gauche fonctionnel et un cycle de 376 ms.
Disparition du bloc gauche avec raccourcissement du cycle à 312 ms (cliché A. Leenhardt).

EMC - Cardiologie 3

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11-036-E-10  Blocs de branches et troubles intraventriculaires de conduction

son activation. En conséquence, le segment ST est souvent décalé


puisqu’il n’y a plus de période où toutes les cellules ventriculaires
sont simultanément dépolarisées. Ce décalage de ST est convexe
vers la ligne isoélectrique. Il est inférieur face au ventricule retardé,
et supérieur face au ventricule normal. L’axe de T est opposé à l’axe
de QRS, l’onde T étant négative devant le ventricule retardé. Ces
anomalies de la repolarisation sont dites « secondaires ».
Elles peuvent persister après normalisation d’un bloc intermit-
tent, et d’autant plus longtemps que la durée du bloc de branche
l’était, et être prises pour un signe d’ischémie. C’est le phéno-
mène de « mémoire du cœur », que l’on retrouve aussi dans les
préexcitations intermittentes, après une tachycardie ventriculaire,
et chez les porteurs d’un stimulateur cardiaque lorsqu’ils ne sont
pas électroentraînés en permanence. L’onde T suit la direction du
QRS précédant la normalisation. On le voit dans le BBG intermit-
tent, mais il n’est pas visible après un BBD, probablement du fait
de la faible contribution du VD au QRS. Son mécanisme est lié à
une altération réversible de multiples canaux ioniques en relation
à une modification du stress pariétal local [15] .

Diagnostic à l’ECG
Le diagnostic des blocs de branche est électrocardiogra-
phique [10] et se fait essentiellement avec les électrodes précordiales
dans les dérivations face aux ventricules V1 et V6, et en D1.

[16]
Blocs de la branche gauche
Bloc complet (Fig. 6 à 8)
Le QRS est élargi à au moins 120 ms, avec une grande
composante monophasique positive en D1 et V6. L’apparition
de la déflexion intrinsécoïde est retardée dans ces dérivations.
L’activation cardiaque se fait à partir de la branche droite, et les
trois temps de l’activation normale vont être modifiés.
Il n’y a plus d’activation initiale sur la face gauche du sep-
tum. L’activation ventriculaire débute à l’émergence de la branche
droite, à la partie moyenne de la face droite du septum, sur la
base du pilier antérieur de la tricuspide, et se dirige vers la gauche,
entraînant une positivité initiale dans les dérivations explorant le
VG, et une négativité initiale dans celles du VD. On ne devrait en
principe plus observer l’onde q septale initiale en Dl ni en aVL, ni Figure 6. Schéma électrocardiographique d’activation d’un bloc
d’onde r en V1. complet de la branche gauche typique, sur cœur par ailleurs normal,
Le septum va donc s’activer lentement de la droite vers la avec les quatre vecteurs résultants. 1. Septal initial ; 2. sous-endocardique
gauche pendant les premières 40 ms, simultanément à la dépo- bilatéral ; 3. transpariétal ; 4. terminal indundibulaire.
larisation du sous-endocarde droit, donnant un vecteur orienté
vers la gauche et en avant, du fait de la prépondérance des forces
septales sur celles du VD. Cela donne une large onde R positive de conduction intrapariétal qui va retarder la transmission des
initiale en Dl et V6, et une large onde négative, QS en V1. Cepen- influx dans la partie antérosupérieure du septum, comme dans
dant, si l’activation septale génère des forces insuffisantes, dans l’infarctus antéroseptal. Ce dernier entraîne l’activation asymé-
certaines positions du cœur, pour certaines conductions intrasep- trique du VG qui débute dans la région postérodiaphragmatique,
tales ou en cas d’hypertrophie ventriculaire droite (HVD) on peut puis se dirige en haut, orientant les forces gauches dans ce sens.
y enregistrer une petite onde R initiale en V1 due au début de Inversement, les BBG avec déviation axiale droite, au-delà de
l’activation du VD. +90◦ , sont associés à des cardiopathies avec une HVD qui va
Pendant les 40 ms suivantes, l’activation de la paroi libre du VD faire pivoter l’axe des ventricules dans le sens horaire. Ce peut
se termine, alors que débute l’activation de la paroi libre du VG être aussi un trouble de conduction dans la partie postérolatérale
dans les zones paraseptales. La résultante de l’activation se dirige du VG, comme dans l’infarctus de la paroi latérale ou de l’apex,
vers la gauche, où persistent le plus de charges positives, entraî- orientant l’activation de la région antérosupérieure du VG vers le
nant la suite de l’onde R en Dl et V6, et de la grande négativité bas.
de V1. Les cartographies d’activation cardiaque ont montré que
la brusque indentation de l’onde R initiale souvent présente vers Blocs partiels
40 ms était due à une ligne de bloc fonctionnel entre l’activation Le bloc incomplet de branche gauche entraîne un élargissement
septale et l’activation latérale du VG, augmentant d’autant son moins important du QRS qui va durer moins de 120 ms. En
retard [17, 18] . revanche, le retard de la déflexion intrinsécoïde reste augmenté
Enfin, les 40 dernières millisecondes représentent la fin de en V6, et surtout le vecteur septal reste inversé, avec l’absence
l’activation du VG dans sa région basale. Le vecteur électrique d’onde Q en Dl, VL et V6 (Fig. 7).
terminal se dirige en haut et à gauche, correspondant à la fin Les hémiblocs gauches [3] : les hémiblocs isolés (Fig. 8)
de l’onde R de Dl et V6, et de l’onde négative de V1, souvent n’entraînent qu’une discrète augmentation de la durée des QRS
marquées par des crochetages de leur branche terminale (Fig. 7) à 90 ms comme les blocs incomplets, mais ils se différencient
attribuable à un bloc intramyocardique associé. surtout par un retard d’activation localisé, avec une négativité
L’axe principal du QRS est en général entre –30 et +30◦ . Les BBG initiale de 20 ms face à la zone retardée. La conséquence est
avec déviation axiale gauche au-delà de –45◦ sont relativement fré- un basculement de l’axe du reste du QRS qui va s’éloigner de
quents, souvent associés à une cardiopathie gauche. Il s’agit soit la zone bloquée puisqu’elle ne s’oppose plus à l’activation du
d’une hypertrophie-dilatation ventriculaire gauche, qui va faire côté opposé. L’hémibloc antérosupérieur donne une négativité
pivoter les ventricules dans le sens antihoraire, soit d’un trouble initiale en D1 et aVL, suivi d’un axe de QRS à –60◦ , négatif en

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D2, D3 et aVF. Inversement, l’hémibloc postéro-inférieur entraîne précordiales droites. L’axe de T est opposé à l’axe de QRS. Cet axe
une onde q initiale fine en D2, D3 et aVF, suivie d’un axe à 120◦ , est parfois dans la même direction, et ce type de bloc a été qua-
ample et positif en D2, D3 et aVF. Ce dernier est rarement isolé, lifié d’homophasique, « concordant » pour les Anglo-Saxons [21] .
le plus souvent associé à un BBD, reflétant d’importantes altéra- L’onde T y est positive en Dl et V6. L’axe du QRS est normal.
tions des voies de conduction. Ces hémiblocs isolés doivent être
différentiés d’autres causes de déviations axiales droite et gauche, BBG masquant certains diagnostics
en particulier des hypertrophies ventriculaires, ou d’ECG de sujets Les critères habituels d’hypertrophie perdent leur sensibilité
longilignes au cœur vertical pour l’hémibloc postéro-inférieur. On car l’apparition d’un BBG s’accompagne d’une baisse du voltage
n’a pas décrit de manifestation à l’ECG d’un éventuel bloc isolé du QRS. On suspecte une HVD devant l’existence de grandes
de la branche moyenne, probablement du fait des anastomoses ondes R initiales (> 0,5 mV) en V1. L’existence d’un BBG va mas-
entre hémibranches. quer les signes habituels d’un infarctus [22] du fait de l’inversion
Les études par cartographie endocavitaire des blocs gauches de l’activation septale vers la gauche. Si une électrode se trouve
apparemment complets ont montré l’hétérogénéité de en face de l’infarctus, c’est un « trou électrique » (Fig. 7) qui
l’activation du VG. Il peut s’agir aussi d’un bloc incomplet, recueille les potentiels endocavitaires de la paroi opposée se diri-
avec une conduction très ralentie de la branche gauche, fusion- geant vers l’épicarde. Il se manifeste par une large onde négative
nant avec l’influx transseptal de la branche droite [19] . Ce peut initiale de plus de 30 ms. La fibrose d’une large cicatrice antérieure,
aussi être un hémibloc antérieur gauche, une activation septale ralentit encore plus cette conduction intramyocardique avec des
débutant à gauche [18, 20] , suivie d’un bloc intramyocardique du fragmentations de la branche ascendante de l’onde S dans les déri-
VG. Cela a une importance lors de la resynchronisation (cf. infra). vations gauches, appelées « signe de Cabrera » (Fig. 7). Les grandes
ondes T secondaires au BBG masquent les altérations des ondes
Altération de la repolarisation T ischémiques, cependant visibles par leur évolution à la phase
La repolarisation est altérée, avec un point J abaissé, un décalage aiguë de l’infarctus. Pendant cette phase, Sgarbossa [23] a proposé
inférieur de ST convexe vers la ligne isoélectrique et une onde T un score diagnostique de points fondé sur le décalage du seg-
négative en précordiales gauches. L’image inverse s’observe en ment ST (Tableau 1) avec une spécificité de 98 % si leur somme est

Figure 7. Bloc de branche gauche sur


cardiopathie.
A. Bloc incomplet gauche et fragmentation
visible en D3.
B. Cardiomyopathie dilatée et fragmenta-
tion en D1.

A B

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Figure 7. (suite) Bloc de branche gauche sur cardiopathie.


C. Anévrisme ventriculaire gauche postinfarctus avec fragmentation de la branche mon-
tante du QRS V3, et trou électrique en V4.

Tableau 1. l’onde r initiale en V1 et q en D1. Cependant, elle est plus lente que
Score de Scarbossa à la phase aiguë d’un infarctus (≥ 3 points). celle, inverse, du bloc gauche [20] . Pendant que le sous-endocarde
Sus-décalage de ST ≥ 1 mm concordant du QRS dans 5 points gauche s’active, donnant ensuite une brève déflexion négative en
une dérivation V1, positive et ample en D1, la conduction transseptale dure de
40 à 70 ms. Ensuite, pendant que le VG termine son activation
Sous-décalage de ST ≥ 1 mm en V1, 2 ou 3 3 points
transmurale, le reste du VD s’active lentement en 120 ms à partir
Sus-décalage de ST ≥ 5 mm discordant du QRS dans 2 points de la face droite du septum vers sa base et son infundibulum, don-
une dérivation nant une onde large, dirigée vers la droite, l’onde positive R’ en
V1 et l’onde négative S en D1 et en V6. L’axe frontal de cette
partie élargie du QRS dépend des premières parties activée de
supérieure ou égale à 3. Malgré les méthodes actuelles de diagnos- la face droite du septum, elle-même dépendant de celle du VG
tic biologiques et morphologiques non invasives de l’infarctus, (Fig. 10).
ces données à l’ECG restent utiles en leur absence [24] .
Association avec un hémibloc gauche
[10, 25]
Blocs de la branche droite L’association avec un hémibloc gauche, parfois appelée
La durée des QRS est par définition supérieure ou égale à 120 ms, « bibloc », change l’axe de la première partie du QRS du bloc
avec deux composantes successives, la première fine, positive en droit (Fig. 11). Un axe gauche du QRS entre –60 et –90, marqué
D1 et en V1, la suivante large, négative en D1 et positive en V1 par de grandes ondes S dans les dérivations inférieures, D2, D3 et
(Fig. 9). Le retard à la déflexion intrinsécoïde est augmenté en V1. aVF, est dû à la présence d’un hémibloc antérosupérieur gauche
associé au BBD. La situation inverse avec un axe droit entre +90 à
Activation cardiaque +145, marqué par de grandes ondes R dans les mêmes dérivations,
L’activation cardiaque se fait à partir des premiers rameaux de évoque un hémibloc postéro-inférieur gauche associé. Cependant,
la branche gauche, et, à la différence du BBG, l’activation septale une telle déviation axiale droite peut aussi être due à une HVD,
reste en principe inchangée, de la gauche vers la droite, laissant ou un infarctus latéral massif.

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A B C
Figure 8. Blocs incomplets gauches.
A. Hémibloc antérieur.
B. Hémibloc postérieur (après ablation d’une tachycardie fasciculaire).
C. Bloc intramyocardique médicamenteux.

On a intitulé bloc de branche déguisé (ou masqué) [3] des ECG Blocs intramyocardiques
aux QRS élargis, souvent crochetés, avec une morphologie dans La conduction intraventriculaire peut être modifiée par des
le plan frontal d’un BBG avec un axe gauche, négatif en D2 zones cicatricielles qui ralentissent la propagation des influx au-
D3, (Fig. 11), et dans le plan horizontal une onde r fine ini- delà du système du faisceau de His et Purkinje. Ces ralentissements
tiale suivie d’une onde S jusqu’en V6 comme un BBD. Il s’agit sont dus à la prolongation du chemin de l’influx intramyocar-
en général de cardiopathies avancées avec dilatation du VG, dique dans le dédale des fibres survivantes entre des zones de
souvent ischémiques. Les études électroanatomiques [25] ont fibrose, et parfois à des anomalies structurelles des jonctions
confirmé qu’il s’agissait d’un bloc droit avec un important trouble communicantes [7] . Selon la localisation anatomique de ces ralen-
de conduction intra-VG associé, et une altération de l’activation tissements, ils se manifestent par des fragmentations dans les
par l’hémibranche antérieure, comme le suggéraient les anciens dernières parties du QRS, brusque crochetage d’une onde R ou
vectocardiogrammes [3] . S, témoignant d’un bref changement de direction en sens inverse
de l’onde d’activation principale, ou en le prolongeant visible-
Bloc incomplet droit ment, comme lors d’un anévrisme ventriculaire postinfarctus
Le bloc incomplet droit, souvent idiopathique, est parfois le (Fig. 7) ou dans la dysplasie ventriculaire droite (Fig. 12). Ils
reflet d’une dilatation ventriculaire. Le QRS est moins élargi, ne sont parfois visibles que par un ECG à haute amplification,
moins de 120 ms, avec un retard à l’apparition à la déflexion et on parle de potentiels tardifs ou d’onde epsilon [26] . Enfin,
intrinsécoïde augmenté entre 50 et 80 ms face au VD. C’est bien les médicaments antiarythmiques peuvent ralentir la conduction
visible en V1 où la partie terminale du QRS montre le retard droit intramyocardique et donner un élargissement des QRS non systé-
avec un aspect rSr’ (Fig. 9). matisé (Fig. 8).

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C
A B
Figure 9.
A. Activation d’un bloc de branche droit. 1. Septal initial ; 2. sous-endocardique bilatéral ; 3. transpariétal ; 4. terminal indundibulaire.
B, C. Électrocardiogramme. Bloc complet (B) et bloc incomplet (C).

Diagnostic différentiel ventriculaire d’une tachycardie ou d’une extrasystole à QRS large


était l’absence d’onde atriale initiatrice, ou une dissociation ven-
Il se pose dans trois situations : en rythme sinusal, devant une triculoatriale, seulement visible dans 20 à 50 % des cas selon les
extrasystole à QRS large, pendant une arythmie complète par séries [28] . C’est dans les années 1960 que Marriott [29] commença
fibrillation atriale, et surtout lors d’une tachycardie à QRS larges. à étudier la morphologie du QRS élargi et à montrer que l’aspect
rSR’ en V1 était spécifique des aberrations des tachycardies supra-
Différentier les QRS élargis, lors d’arythmies ventriculaires. En 1976, il écrivait [30] qu’inversement en V1 une
grande onde R initiale ou une onde r initiale élargie évoquait une
supraventriculaires, de ceux d’origine origine ventriculaire, ainsi qu’une concordance négative ou posi-
ventriculaire tive dans les précordiales, de même qu’un axe « bizarre » (entre –90
Dès le début de l’électrocardiographie, le problème s’est posé de et –150) dans le plan frontal. Ces diagnostics ont été ensuite pré-
différentier les QRS élargis lors d’arythmies supraventriculaires de cisés avec les investigations électrophysiologiques endocavitaires,
ceux d’origine ventriculaire. Ainsi, en 1910, Thomas Lewis avait en particulier par celles de Wellens et de Brugada, puis au fil des
appelé « aberrations » un trouble témoignant « d’un défaut dans ans par une dizaine d’autres, orientées vers l’origine ventriculaire,
un canal de distribution majeur », en particulier en fibrillation alors que les aberrations restent un diagnostic par défaut (Fig. 13).
atriale. Les aberrations les plus fréquentes sont celles de la branche Elles sont fondées (Tableau 2) sur l’orientation du QRS dans le
droite, plus « fragile » que la gauche, déclenchées par un cycle plan frontal ou horizontal, et sur la durée du vecteur initial [31] ,
supraventriculaire court (cf. supra). C’est en 1930 que l’on a décrit à partir d’algorithmes divers [32] . Cependant, leur valeur prédic-
le syndrome de Wolff-Parkinson-xWhite, bien reconnaissable en tive reste entre 70 et 75 % dès que la méthode est testée par des
rythme sinusal par un espace PR court suivi d’un QRS élargi à son équipes différentes de celles de leurs auteurs [33] et il n’y a pas de cri-
début par l’onde lente appelée delta [27] . tère absolu. Toute tachycardie à QRS larges arrivant aux urgences
est considérée comme ventriculaire jusqu’à preuve du contraire,
et c’est le contexte clinique et les antécédents qui permettent
Tachycardies à QRS larges en général de reconnaître l’origine supraventriculaire [34] , parfois
Plus complexe est la situation des tachycardies à QRS larges. complétés par une exploration électrophysiologique. La difficulté
Pendant longtemps, le seul moyen proposé pour vérifier l’origine réside, outre l’imprécision des mesures sur l’ECG (Fig. 13), dans

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Figure 10. Cartographie endocavitaire biventriculaire d’un bloc droit


avec axe gauche (système Precision). Début de l’activation par le septum Figure 12. Bloc droit intramyocardique (dysplasie ventriculaire droite
gauche (zone blanche et rouge), sans hémibloc antérieur. L’axe gauche évoluée). Cartographie épicardique biventriculaire de voltage (système
vient de la traversée du septum à sa partie basse. AO : aorte ; AP : artère carto). En rose, myocarde normal ; en rouge, zone microvoltée, cicatri-
pulmonaire ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche ; BG : branc cielle. Le QRS à deux composants bien visibles en précordiales reflète la
he gauche. zone étroite de conduction entre les deux ventricules en regard du sep-
tum. IVA : artère interventriculaire antérieure ; VD : ventricule droit ; VG :
ventricule gauche.

Figure 13. Exemple d’algorithmes complexes déductif de tachy-


cardie ventriculaire (TV) : à gauche celui de Brugada fondé sur
l’électrocardiogramme (ECG) précordial du plan horizontal de V1 à V6, et
à droite celui de Verekei, fondé sur la seule dérivation aVR du plan frontal.
En encart, en haut, un zoom sur les mesures de durée du premier vecteur
dans chaque algorithme, et en bas la différence d’amplitude entre vecteur
initial (vi) et vecteur final (vf) du QRS en aVR, montrant la difficulté des
Figure 11. Bloc droit associé à un hémibloc antérieur gauche (BBDHA),
mesures sur l’ECG.
à un hémibloc postérieur gauche (BBDHP), bloc droit déguisé.

le fait que, selon les études, les préexcitations ne sont pas tou- en rapport avec la sclérose et la calcification au niveau de la par-
jours prises en compte, qu’il existe des tachycardies du réseau tie haute du septum et des valves, près de faisceau de His, dite
de Purkinje, des réentrées de branche à branche, des TV septales, maladie de Lev [38] .
et d’exceptionnelles tachycardies jonctionnelles avec dissociation
atrioventriculaire.
 Pronostic des blocs de branche
 Étiologies Risque électrique
Les blocs de branche sont dégénératifs, par fibrose au niveau C’est d’abord un bloc atrioventriculaire (BAV) complet par
du tronc du faisceau de His ou de ses branches, et parfois trauma- atteinte du faisceau de His ou des deux branches. Ce bloc peut
tiques, lors d’un cathétérisme cardiaque comme après 50 % des s’annoncer par l’évolutivité du bloc de branche. Il peut s’agir de
implantations de TAVI pour les BBG [35] , ou après une intervention l’apparition d’un hémibloc gauche sur un bloc droit, ou d’un bloc
de chirurgie cardiaque proche d’une branche. Ils sont en géné- de branche alternant, rarement de l’allongement de l’espace PR,
ral liés à diverses cardiopathies, ischémiques ou non. Ils peuvent plutôt dû à un bloc nodal [39] . Cependant, l’association d’un bloc
être constatés en l’absence de cardiopathie chez des sujets jeunes, droit avec un hémibloc postérieur gauche entraîne un risque de
avec une évolution progressive vers le bloc complet, dite mala- BAV ultérieur, à la différence de celle avec un hémibloc antérieur
die de Lenègre [36] , d’origine génétique [37] , ou chez des sujets âgés chez un sujet asymptomatique [3] .

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Tableau 2.
Éléments diagnostiques en faveur d’une tachycardie ventriculaire (TV) et
d’une tachycardie supraventriculaire (TSV) devant une tachycardie régu-
lière à QRS larges.
Éléments diagnostiques en faveur d’une TV devant une tachycardie
régulière à QRS larges
Onde P dissociées (exceptionnelles tachycardies jonctionnelles) ou
dissociable par stimulation vagale ou pharmacologique (ATP).
Axe du QRS du plan frontal –75 à +110 dans le sens antihoraire
Axe du QRS du plan Horizontal V1 à V6 :
- concordance positive ou négative : TV (rares préexcitations droites
avec concordance négative)
- absence de morphologie RS : TV (QR, R ou S non spécifiques).
Durée élargie du QRS ≥ 140 ms ou du vecteur initial ≥ 50 ms en V1, V2
ou D2
Les TSV + antiarythmiques ou + cardiomyopathies ont une conduction
septale ou intraventriculaire ralentie
Les TV septales, fasciculaires ou réentrées de branche à branche n’ont
pas d’élargissement net du QRS ou du vecteur septal
Les tachycardie irrégulières à QRS larges sont essentiellement des
fibrillations ou des tachycardies atriales avec aberration ou
préexcitation, et exceptionnellement des TV polymorphes, ou des
torsades de pointes caractéristiques
Éléments diagnostiques en faveur d’une TSV devant une tachycardie
régulière à QRS larges
Morphologie QRS identique avec un bloc de branche en rythme sinusal
Morphologie rSR’ en V1 d’une tachycardie retard droit (sauf tachycardie
ventriculaire fasciculaire) Figure 14. Représentation en courbes colorées, sur un cycle cardiaque
Activité atriale plus rapide que les QRS mais synchrone 2/1 ou 3/1 complet, du mouvement contractile de 16 points de la paroi ventriculaire
Arrêt ou ralentissement par blocage nodal (manœuvre vagale ou ATP) gauche par Doppler tissulaire apical en strain 2D. Le code des couleurs est
représenté par une vue apicale en cible, le septum du côté rouge et la paroi
latérale du côté bleu. En haut, ventricule gauche (VG) normal avec mou-
vements synchrones. En bas, cardiomyopathie dilatée avec mouvement
Risque hémodynamique [40] désynchronisés.
Alors que les BBD n’ont pas de conséquences hémodyna-
miques indépendantes de celle des cardiopathies associées, on
générale adulte semble plus prédictive de révéler une cardiopathie
connaît bien depuis les années 1970, avec le développement de
que ceux avec BBD [41, 51] , surtout s’il apparaît après l’âge de 50 ans,
l’échocardiographie, les conséquences hémodynamiques poten-
avec un risque d’un BAV dans 1 à 4 % des cas [49, 52] . C’est moins
tielles des BBG. Celles-ci sont en général mineures sur cœurs par
le cas des BBG homophasiques, souvent constatés chez des sujets
ailleurs normaux, mais ces blocs ont un effet dépresseur dû à
jeunes aux cœurs normaux [21] . Ces derniers ont des QRS moins
l’asynchronisme ventriculaire, essentiellement lors de cardiopa-
larges, ont moins de régurgitation mitrale et moins de dilatation
thies. La perte de la contraction septale surcharge la paroi libre
ventriculaire que les sujets hétérophasiques.
du VG et entraîne sa dilatation puisque la primocontraction sep-
Le BBD a une prévalence qui augmente avec l’âge, pratiquement
tale va répercuter son onde de pression sur une paroi latérale qui
nulle avant 40 ans [47] et plus de 4 % après 75 ans. Elle est plus
n’a pas encore débuté la sienne (Fig. 14). Ce phénomène peut
forte chez les hommes, les diabétiques et les hypertendus [42, 47] .
accentuer une insuffisance ventriculaire gauche (IVG), voire la
Un tel bloc peut aussi refléter une pathologie du cœur droit, une
provoquer en fonction de l’importance du délai interventriculaire
cardiomyopathie, un cœur pulmonaire, une coronaropathie, une
et de la cardiopathie sous-jacente. Cette dilatation peut aussi pro-
embolie pulmonaire, une myocardite, ou une cardiopathie congé-
voquer une insuffisance mitrale par altération de la coordination
nitale. Lorsqu’il est isolé, il n’entraîne pas de risque de BAV [39, 53]
des muscles papillaires mitraux.
à la différence de l’association avec un hémibloc postérieur, bien
que ce risque paraisse faible [54] . Enfin, bien qu’en général un BBD
soit considéré comme bénin, il semble être associé à un plus mau-
Épidémiologie vais pronostic chez les patients en insuffisance cardiaque [25, 42] . Les
Dans une population générale, la prévalence des blocs droits est blocs incomplets droits n’ont pas de signification pathologique.
plus importante que celle des blocs gauches [41–43] . Par exemple, Souvent idiopathiques chez des sujets jeunes, ils sont souvent
dans le registre italien Moli-Sani [44] portant sur 24 325 personnes, constatés lors de cardiopathies avec dilatation ventriculaire droite.
les prévalences du bloc droit et du bloc gauche sont respective-
ment de 2,4 % et 0,5 %.
Le BBG apparaît rarement chez des sujets jeunes et pratique-  Investigations
ment jamais avant 35 ans. Chez des adultes asymptomatiques, sa
prévalence est estimée entre 0,1 et 0,8 %. Il est plus fréquent chez Rythmologiques
les femmes. Cette prévalence est inférieure à 1 % avant 50 ans,
et à 6 % à 80 ans [43, 45, 46] . C’est parfois la seule anomalie cardio- C’est la recherche d’un BAV paroxystique.
vasculaire constatée [45–48] . On a cependant associé le plus souvent L’enregistrement Holter recherche un BAV du troisième ou du
les BBG à l’hypertrophie ventriculaire gauche et à de nombreuses deuxième degré de type Mobitz, paroxystique. En fait, la proba-
cardiopathies, hypertension artérielle, cardiopathies ischémiques, bilité est souvent faible de constater un tel événement même
valvulaires, cardiomyopathies, myocardites, bien que la relation après quelques jours d’enregistrement. En revanche, son utilité
causale soit souvent difficile à établir, mises à part les calcifica- principale est d’écarter le rôle du bloc de branche si un symp-
tions de l’anneau aortique. En particulier [43] , on n’a pas montré tôme survient sans arythmie pendant l’enregistrement. En cas
de relation de causalité entre bloc de branche et maladie coro- de malaises ou de lipothymies itératives sans diagnostic, on
naire. Cependant, qu’il y ait ou non un contexte pathologique, le peut aussi proposer l’implantation d’un dispositif sous-cutané qui
BBG est en général associé avec une augmentation de mortalité ou enregistre un ECG sur la détection d’une bradycardie ou d’une
de morbidité [41, 49, 50] . L’apparition d’un BBG dans la population tachycardie [55] .

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Tableau 3. de nombre d’hospitalisations et de mortalité dans les années sui-


Recommandations 2013 de l’European Society of Cardiolgy pour vant les implantations [60] .
l’implantation d’un stimulateur resynchronisateur a . Le candidat à la resynchronisation est celui qui a, avec un BBG,
Classe IA (accord général, études BBG avec QRS > 150 ms une insuffisance cardiaque de classe II à III, voire classe IV ambu-
multiples) BBG avec QRS 120–150 ms latoire, avec une fraction d’éjection (FE) inférieure ou égale à 35 %
Classe IB (accord général, peu d’études) Non BBG QRS > 150 ms et un traitement pharmacologique adapté. Les sujets féminins [61]
Classe IIa (majorité d’accords) Non BBG QRS 120–150 semblent mieux répondre à la resynchronisation. Il n’y pas de
Classe IIb (minorité d’accords) QRS < 120 ms différences de bénéfice entre cardiomyopathies ischémiques et
Classe III (pas d’indication) dilatées [62] , mais le sujet reste discuté [63] du fait, d’une part, de
l’efficacité des traitements pharmacologiques dans ces dernières
BBG : bloc de branche gauche. et, d’autre part, d’un remodelage inverse plus lent des infarctus
a
La resynchronisation est indiquée chez les patients en insuffisance cardiaque
et fraction d’éjection ≤ 35 % en classe II ou III voire IV de la New York Heart des cardiopathies ischémiques [64] .
Association, ambulatoire malgré un traitement médical adapté, et des QRS élar- Deux types de données sont nécessaires pour poser l’indication :
gis. • l’échographie bidimensionnelle précise la FE et mesure le
volume télédiastolique du VG. Elle vérifie aussi l’existence
d’une insuffisance mitrale et l’absence de dilatation atriale
L’exploration électrophysiologique n’est pas nécessaire pour un
gauche, paramètres négatifs d’efficacité. Elle est complétée par
patient asymptomatique [56, 57] du fait de la faible évolutivité de ces
des études de la contractilité régionale (strain) pour montrer les
anomalies. Cependant, de nombreuses études des années 1970 et
zones d’asynchronisme ventriculaire gauche, que l’on trouve
1980 ont montré que chez des sujets symptomatiques une durée de
chez les trois quarts des patients en insuffisance cardiaque avec
l’intervalle H-V supérieure ou égale à 70 ms correspondait à une
un QRS supérieur à 120 ms, mais aussi chez la moitié des
plus grande incidence de BAV ultérieur, et que ce risque était très
patients en insuffisance cardiaque avec des QRS fins [65] . Cepen-
important au-dessus de 100 ms. Lorsque les valeurs sont normales,
dant, les études des implantations fondées seulement sur des
on peut sensibiliser la mesure par l’injection d’un antiarythmique
critères échocardiographiques n’ont pu démontrer de bénéfice
de la classe I, principalement l’ajmaline, 1 mg/kg à la vitesse de
que si l’on tient compte de la durée du QRS [66] ;
1 mg/s, l’allongement au-delà de 100 ms étant considéré comme
• la largeur du QRS reste donc le principal paramètre prédictif
pathologique. Les signes fonctionnels d’appel, en général une syn-
d’efficacité. Les premières études comme Madit [62] montraient
cope brève, voire une sensation lipothymique, doivent inciter
un bénéfice chez des patients à BBG extrêmement larges, de
à pousser les investigations [58] . Chez un sujet asymptomatique,
plus de 150 ms, puis les recommandations des sociétés savantes
cette investigation n’est proposée que sur l’aspect évolutif d’un
ont abaissé la valeur seuil aux 120 ms classiques des blocs
bloc de branche, l’apparition d’un BAV I, d’un hémibloc gauche
de branche. Cette valeur initialement empirique de 150 ms a
antérieur mais surtout postérieur sur un bloc droit préalable [39] .

Imagerie
Toute découverte d’un bloc de branche nécessite de vérifier par
une imagerie cardiaque l’absence de cardiopathie. C’est en géné-
“ Points essentiels
ral l’échocardiographie, éventuellement complétée par d’autres
méthodes, isotopique, scanner ou imagerie par résonance magné- • Tout élargissement d’un QRS sur l’ECG reflète un trouble
tique, pour évaluer les conséquences hémodynamiques d’un BBG de conduction intraventriculaire, bloc de branche, ou
sur la contractilité ventriculaire régionale, ou sur une éventuelle trouble intramyocardique.
fuite mitrale, mais aussi pour rechercher une cardiomyopathie, • Il faut les différencier des préexcitations ventriculaires
ischémique ou autre. précédées d’un PR court et d’un QRS débutant par une
onde lente, l’onde delta.
• Leur découverte implique un bilan à la recherche d’une
 Traitement cardiopathie.
• Les troubles de conductions sont parfois idiopathiques,
Les deux types de complications, électriques et hémody-
namiques, sont traitées par l’implantation d’un stimulateur parfois ont une origine génétique, mais sont en général
cardiaque (Tableau 3). associés à diverses cardiopathies, valvulaires, ischémiques
Le BAV symptomatique syncopal reçoit un stimulateur car- ou cardiomyopathies de tout type.
diaque, actuellement double chambre en cas de rythme sinusal, • En l’absence de cardiopathie, le pronostic d’un bloc de
ou seulement ventriculaire à fréquence asservie en cas de fibrilla- branche est en général bénin, surtout s’il est droit. En
tion atriale permanente [59] . Chez un patient asymptomatique, revanche, la présence d’un bloc, surtout gauche, peut
l’implantation est proposée après constatation d’un bloc de aggraver une cardiopathie. Enfin, un bloc évolutif peut
branche évolutif, d’un bloc de branche alternant, d’un bloc droit
précéder l’apparition d’un BAV.
avec hémibloc postérieur gauche, et la mise en évidence d’une • L’échographie est l’examen de base, éventuellement
prolongation de l’espace H-V supérieur à 70 ms [59] .
Le traitement hémodynamique est la resynchronisation ventri- complété par d’autres imageries non invasives, scanner ou
culaire d’un bloc gauche (CRT [cardiac resynchronization therapy]) IRM, parfois un ECG d’effort.
par un stimulateur cardiaque biventriculaire, en général triple • Les investigations rythmologiques, Holter et explora-
chambre, synchronisé sur l’oreillette. Cette resynchronisation tions électrophysiologiques sont indiquées en cas de
consiste à implanter une sonde pour stimuler la paroi latérale symptômes évoquant un BAV paroxystique, des syncopes
retardée du VG par voie endocavitaire, dans une veine du sinus et des lipothymies.
coronaire, et parfois par voie épicardique. Elle est synchrone avec • L’implantation d’un stimulateur cardiaque s’impose en
une autre stimulant la paroi septale du VD. On n’a pas pu démon- cas de découverte d’un BAV paroxystique, ou d’un espace
trer de bénéfice de cette stimulation biventriculaire pour un bloc
H-V prolongé à plus de 70 ms chez un sujet symptoma-
droit, mis à part sur un bloc intraventriculaire gauche « masqué »
tique.
qui associe au bloc droit un HBAG avec un trouble majeur intra-
• La resynchronisation ventriculaire n’est indiquée que
myocardique du VG [25] .
Tous les BBG ne développent pas d’IVG, mais un BBG en insuf- pour les blocs de branche gauches chez des patients en
fisance cardiaque peut bénéficier d’une resynchronisation. De insuffisance cardiaque à QRS très larges, au-dessus de
nombreuses études randomisées ont confirmé le concept, et pré- 130 ms, et surtout de 150 ms.
cisé les indications pour en améliorer l’efficacité, jugée en matière

EMC - Cardiologie 11

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11-036-E-10  Blocs de branches et troubles intraventriculaires de conduction

été confirmée par de nombreuses études, prospectives [62] , ou [18] Strauss DG, Selvester RH, Wagner GS. Defining left bundle branch
rétrospectives de population [67] . Inversement, il n’y a pas de block in the era of cardiac resynchronization therapy. Am J Cardiol
bénéfice démontrable dans les séries de patients aux QRS infé- 2011;107:927–34.
rieurs à 130 ms [68] . On a aussi défini les caractéristiques des [19] Rodriguez LM, Timmermans C, Nabar A, Beatty G, Wellens HJ.
blocs gauches qui répondent le mieux à la resynchronisation. Variable patterns of septal activation in patients with left bundle branch
Ce sont les QRS les plus larges, mais aussi avec des crochetages block and heart failure. J Cardiovasc Electrophysiol 2003;14:135–41.
du QRS, et l’absence d’onde q en précordiales gauches [69, 70] . On [20] Fantoni C, Kawabata M, Massaro R. Right and left ventricular
a aussi décrit des « superrépondeurs » dont la FE remontait au- activation sequence in patients with heart failure and right-
dessus de 50 % au cours du suivi [63] . Inversement, l’évolution bundle branch block: a detailed analysis using three-dimensional
est moins bonne pour les patients aux QRS élargis implantés non-fluoroscopic electroanatomic mapping system. J Cardiovasc Elec-
trophysiol 2005;16:112–9.
sans ces critères. Ces indications s’intriquent avec celles d’un
[21] Jalkh K, Abi Saleh B, Khoury M. Discordant vs. concordant left
défibrillateur cardiaque du fait de la FE basse, et la plupart de
bundle branch block: a potential clinical significance. J Electrocardiol
ces patients reçoivent un défibrillateur CRT et non un stimula- 2016;49:69–75.
teur, diminuant le risque de mort arythmique [62] . Cependant, [22] Barold SS, Herweg B. Electrocardiographic diagnosis of myo-
de 15 à 30 % des patients ne semblent retirer aucun bénéfice cardial infarction during left bundle branch block. Cardiol Clin
de l’intervention malgré un respect des indications. Cette inef- 2006;24:377–85.
ficacité peut s’expliquer, outre les problèmes techniques liés [23] Cai Q, Mehta N, Sgarbossa EB, Pinski SL. The left bundle-branch
à l’implantation de la sonde, par son implantation en regard block puzzle in the 2013. ST-elevation myocardial infarction guideline:
d’une zone non contractile, ou non excitable, la persistance from falsely declaring emergency to denying reperfusion in a high-risk
d’une insuffisance mitrale [71] , certains blocs intramyocardiques population. Are the Sgarbossa Criteria ready for prime time? Am Heart
gauches [72] , un réglage inapproprié du stimulateur [73] ou encore J 2013;166:409–13.
une insuffisance cardiaque trop avancée. [24] Ibanez B, James S, Agewall S, Antunes MJ. 2017 ESC Guidelines for
the management of acute myocardial infarction in patients presenting
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Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs n’ont pas transmis de déclaration [25] Auricchio A, Lumens J, Prinzen FW. Does cardiac resynchronization
de liens d’intérêts en relation avec cet article. therapy benefit patients with right bundle branch block: cardiac resyn-
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R. Frank (robertfrank@sfr.fr).
X. Waintraub.
C. Maupain.
N. Badenco.
G. Duthoit.
E. Gandjbakhch.
N. Hamoudi.
F. Hidden Lucet.
Institut de cardiologie, CH Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Frank R, Waintraub X, Maupain C, Badenco N, Duthoit G, Gandjbakhch E, et al. Blocs de branches et
troubles intraventriculaires de conduction. EMC - Cardiologie 2021;35(1):1-13 [Article 11-036-E-10].

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Hypertension pulmonaire des affections


respiratoires chroniques
E.-M. Jutant, M. Preda, X. Mignard, A. Beurnier, M. Jevnikar, M.-R. Ghigna, S. Bulifon,
F. Parent, X. Jaïs, L. Savale, M. Humbert, D. Montani, O. Sitbon

Résumé : L’hypertension pulmonaire des affections respiratoires chroniques est une complication fré-
quente et de mauvais pronostic s’inscrivant dans le groupe 3 de la classification des hypertensions
pulmonaires. Le diagnostic d’hypertension pulmonaire repose sur l’association d’indices cliniques et écho-
cardiographiques, et sur la confirmation par cathétérisme cardiaque droit. La plupart des patients avec
maladie respiratoire chronique et hypertension pulmonaire ont une élévation modérée de la pression
artérielle pulmonaire moyenne (PAPm), « proportionnelle » à la sévérité de la maladie respiratoire chro-
nique. Mais quelques-uns développent une hypertension pulmonaire sévère définie par une PAPm au
repos supérieure ou égale à 35 mmHg, ou une PAPm supérieure ou égale à 25 mmHg avec un index
cardiaque inférieur à 2,0 l/min/m2 . Les recommandations actuelles sont de traiter la maladie respiratoire
sous-jacente et d’administrer une oxygénothérapie en cas d’hypoxémie. La prescription des traitements
spécifiques de l’hypertension artérielle pulmonaire n’est pas recommandée dans ces formes d’hypertension
pulmonaire. Les patients, notamment en cas d’hypertension pulmonaire sévère, doivent être adressés
dans un centre expert pour participer à des études et être inscrits dans des registres. La possibilité d’une
transplantation pulmonaire doit aussi être évaluée.
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Mots-clés : Hypertension pulmonaire ; Bronchopneumopathie obstructive ; Fibrose pulmonaire idiopathique ;


Pneumopathie interstitielle diffuse

Plan sont en général peu sévères et secondaires à l’hypoxémie chro-


nique. Cependant, un sous-groupe de patients développe une HTP
■ Introduction 1 sévère, non corrélée à l’importance de la maladie respiratoire chro-
nique et pouvant être liée à une vasculopathie spécifique. Il est
■ Définitions 1 donc primordial de savoir évoquer le diagnostic d’HTP chez un
■ Épidémiologie de l’HTP au cours des différentes maladies patient présentant une maladie respiratoire chronique, de confir-
respiratoires chroniques 2 mer ce diagnostic et de l’orienter en cas d’HTP sévère vers un
Épidémiologie de l’HTP dans la BPCO 2 centre expert afin de définir les mécanismes à l’origine de l’HTP.
Épidémiologie de l’HTP dans la FPI 2
Épidémiologie de l’HTP dans le syndrome emphysème-fibrose 3
Épidémiologie de l’HTP dans d’autres maladies respiratoires  Définitions
chroniques 3

L’HTP des affections respiratoires chroniques est une HTP pré-
Physiopathologie de l’HTP dans les maladies respiratoires
capillaire. La définition de l’HTP précapillaire, mise à jour au
chroniques 3
cours du sixième congrès mondial de l’HTP en 2018, repose
■ Diagnostic de l’HTP dans les maladies respiratoires chroniques 3 sur l’association de la mesure lors du cathétérisme cardiaque
■ Traitement des HTP associées aux maladies respiratoires droit d’une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm)
chroniques 5 supérieure à 20 mmHg, d’une pression artérielle pulmonaire
Traitement de l’HTP-BPCO 6 occluse (PAPO) inférieure ou égale à 15 mmHg et de résistances
Traitement de l’HTP associée aux maladies interstitielles chroniques 7 vasculaires pulmonaires (RVP), définies par le rapport (PAPm-
Traitement des HTP associées à d’autres maladies respiratoires PAPO)/débit cardiaque, supérieures ou égales à 3 unités Wood
classées dans le groupe 3 8 (mmHg/l/min) [1] .
■ Conclusion 9 Les maladies respiratoires chroniques entraînant le plus fré-
quemment une HTP sont la bronchopneumopathie chronique
obstructive (BPCO) et la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI),
mais l’HTP peut aussi compliquer d’autres maladies respiratoires
comme le syndrome emphysème-fibrose ou la lymphangio-
 Introduction léiomyomatose (LAM). Les HTP compliquant les maladies
respiratoires chroniques et l’hypoxie chronique représentent le
L’hypertension pulmonaire (HTP) des affections respiratoires groupe 3 de la classification des HTP. Cette classification, révisée
chroniques est une complication fréquente et de mauvais pro- en 2018 lors du sixième congrès mondial de l’HTP, est présentée
nostic. Les HTP associées aux maladies respiratoires chroniques dans le Tableau 1[1] .

EMC - Cardiologie 1
Volume 35 > n◦ 1 > février 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-4568(20)91316-5

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11-037-A-10  Hypertension pulmonaire des affections respiratoires chroniques

La plupart des patients avec maladie respiratoire chronique et entre la première évaluation et le moment de la chirurgie de
HTP ont une élévation modérée de la PAPm. Généralement, la transplantation pulmonaire [12] . Lors de la première évaluation,
sévérité de l’HTP est proportionnelle à la sévérité de la maladie 17 des 44 patients (38,6 %) avaient une HTP. La majorité des
respiratoire chronique et de l’hypoxémie. Cependant, une petite patients sans HTP ont développé une HTP au cours du suivi,
proportion de patients développent une HTP sévère définie par avec une incidence d’apparition d’HTP de 77,8 %. Finalement, au
une PAPm au repos supérieure ou égale à 35 mmHg, ou une PAPm moment de la transplantation, 86,4 % des patients avaient une
supérieure ou égale à 25 mmHg avec un index cardiaque (IC) HTP. La variation moyenne de la PAPm entre les deux cathété-
inférieur à 2,0 l/min/m2 [2] . La classification hémodynamique des rismes était de 10,1 mmHg, avec une augmentation mensuelle de
HTP associée aux maladies respiratoires chroniques est présentée 3,8 ± 6,1 mmHg [12] .
dans le Tableau 2. Lorsque les épreuves fonctionnelles respiratoires De façon intrigante, il y a peu de corrélation entre la sévérité
(EFR) sont peu altérées, il est alors difficile de déterminer s’il s’agit de l’HTP et l’atteinte de la fonction respiratoire ou l’importance
d’une association distincte de deux pathologies ou d’un réel lien de la fibrose pulmonaire évaluée au scanner thoracique [8, 9, 13–15] .
de cause à effet entre les deux pathologies. L’HTP peut aussi être associée à un risque accru d’exacerbation
de fibrose dans les formes de FPI avancées [16] . La présence d’une
HTP est un facteur de mauvais pronostic dans la FPI. De plus, le
 Épidémiologie de l’HTP au cours pronostic de la FPI associée à une HTP est plus sévère que celui de
l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) idiopathique [17] .
des différentes maladies
respiratoires chroniques Tableau 1.
Classification clinique des hypertensions pulmonaires (HTP) [1] .
Épidémiologie de l’HTP dans la BPCO 1. Groupe 1 : Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
La prévalence de l’HTP dans la BPCO (HTP-BPCO) est en général 1.1 Idiopathique
dépendante de la sévérité de la BPCO, mais aussi de la définition 1.2 Héritable
de l’HTP retenue dans les études et des examens réalisés pour la 1.3 Induite par des médicaments ou les toxiques
rechercher. De nombreuses études incluant des patients avec une 1.4 Associée à
1.4.1 Connectivite
BPCO Gold 4, c’est-à-dire ayant aux EFR un volume expiré maxi-
1.4.2 Infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH)
mal en 1 seconde (VEMS) inférieur à 30 % de la valeur prédite,
1.4.3 Hypertension portale
montrent que 90 % de ces patients ont une PAPm supérieure à
1.4.4 Cardiopathie congénitale
20 mmHg, généralement entre 25 et 35 mmHg. Environ 1 à 5 % 1.4.5 Schistosomiase
des patients BPCO ont une PAPm supérieure à 35–40 mmHg au 1.5 Répondeurs à long terme aux antagonistes calciques
repos [3] . Les patients avec HTP-BPCO sévère semblent présen- 1.6 HTP avec signes évoquant une maladie veino-occlusive pulmonaire
ter un phénotype particulier, caractérisé par une limitation peu et/ou une hémangiomatose capillaire
sévère des débits expiratoires, une mesure de la diffusion libre du 1.7 HTP persistante du nouveau-né
monoxyde de carbone (DLCO) très basse, une hypoxémie pro- 2. Groupe 2 : HTP des cardiopathies gauches
fonde, une normo- ou une hypocapnie, et un certain profil de
2.1 Insuffisance cardiaque gauche à fraction d’éjection du ventricule
limitation cardiovasculaire à l’effort [3, 4] . La présence d’une HTP-
gauche (FEVG) préservée
BPCO est un facteur de risque de mortalité plus important que le
2.2 Insuffisance cardiaque gauche à FEVG diminuée
niveau du VEMS ou le résultat des échanges gazeux [2, 3] .
2.3 Valvulopathies
2.4 Lésions postcapillaires obstructives congénitales
3. Groupe 3 : HTP des maladies respiratoires et/ou hypoxémies
Épidémiologie de l’HTP dans la FPI chroniques
La FPI est la maladie pulmonaire fibrosante dans laquelle l’HTP a 3.1 Bronchopneumopathie chronique obstructive
été le plus étudiée. La prévalence de l’HTP dans la FPI (HTP-FPI) est 3.2 Pneumopathies interstitielles diffuses
significativement plus élevée que dans la BPCO. Cette prévalence 3.3 Autres maladies respiratoires restrictives et/ou obstructives
a été étudiée dans de nombreuses séries, mais avec une grande 3.4 Hypoxie sans maladie pulmonaire
hétérogénéité dans les populations, allant de FPI débutantes à des 3.5 Anomalies du développement
FPI terminales au stade de la transplantation pulmonaire. Cela 4. Groupe 4 : HTP liée à une obstruction artérielle pulmonaire
explique le large intervalle de prévalences rapporté dans la litté- 4.1 HTP thromboembolique chronique
rature. 4.2 Autres obstructions artérielles pulmonaires
Dans les formes débutantes de FPI, la prévalence de l’HTP est 5. Groupe 5 : HTP de mécanisme peu clair et/ou multifactoriel
de 8,1 à 14,9 % [5–7] . Dans cette population, l’HTP est généra-
5.1 Maladies hématologiques : anémies hémolytiques chroniques,
lement modérée et une HTP sévère est retrouvée chez 4 % des
syndromes myéloprolifératifs
patients [7] . Dans les formes sévères de FPI, la prévalence de l’HTP
5.2 Maladies systémiques et métaboliques : sarcoïdose, histiocytose
semble plus élevée, de 31,6 à 46,1 % [8–11] , mais ces études ont langerhansienne pulmonaire, neurofibromatose, maladie de Gaucher,
été en général réalisées lors de bilans pré-transplantation pulmo- glycogénose
naire avec recherche systématique d’une HTP : l’HTP demeure 5.3 Autres maladies : fibrose médiastinale, insuffisance rénale chronique
en général modérée, une HTP sévère étant retrouvée chez 9,1 % (dialysée ou non)
des patients [9] . Dans une étude rétrospective, Nathan et al. rap- 5.4 Maladies cardiaques congénitales complexes
portent l’évolution de la PAPm chez 44 patients, avec une FPI

Tableau 2.
Classification hémodynamique des hypertensions pulmonaires (HTP) associées aux maladies respiratoires chroniques (adapté de [67] ).
Terminologie Hémodynamique (cathétérisme cardiaque droit)
Maladie respiratoire chronique sans HTP PAPm < 20 mmHg ou PAPm 21–24 mmHg avec RVP < 3 UW
Maladie respiratoire chronique avec HTP PAPm 21–24 mmHg avec RVP ≥ 3 UW ou PAPm 25–34 mmHg
Maladie respiratoire chronique avec HTP sévère PAPm ≥ 35 mmHg,
ou
PAPm ≥ 25 mmHg avec bas débit cardiaque (IC < 2,0 l/min/m2 )

IC : index cardiaque ; PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne ; UW : unité Wood ; RVP : résistances vasculaires pulmonaires.

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développent une HTP. De même chez les humains, la vie en alti-


Épidémiologie de l’HTP dans le syndrome tude avec une exposition chronique à de faibles concentrations
emphysème-fibrose d’oxygène peut entraîner une HTP. Des pathologies avec hypoven-
tilation alvéolaire, par exemple en cas de maladie musculaire, de
Le syndrome emphysème-fibrose est défini par la présence
déformation thoracique, d’obésité morbide, peuvent également
simultanée sur le scanner thoracique d’un emphysème des som-
entraîner un remodelage artériel pulmonaire et une HTP. De plus,
mets et d’une fibrose pulmonaire dans les lobes inférieurs. Les
l’hypoxie pulmonaire chronique va entraîner une augmentation
patients avec ce syndrome sont particulièrement à risque de déve-
de l’hématocrite, favorisant la survenue de thromboses, parfois
lopper une HTP, avec une prévalence estimée entre 30 et 50 % [18] .
occultes mais pouvant participer à la survenue ou à l’aggravation
De façon commune, des volumes respiratoires normaux ou légère-
d’une HTP. Ainsi, les analyses anatomopathologiques de pou-
ment diminués et l’absence de trouble ventilatoire obstructif sont
mons de patients avec HTP du groupe 3 montrent souvent des
accompagnés d’une baisse sévère de la DLCO, d’une hypoxémie
lésions focales avec thrombi recanalisés et une fibrose intimale
significative et d’une HTP. L’HTP semble contribuer à la limita-
artérielle [30] . L’hypoxie chronique va aussi favoriser la survenue
tion fonctionnelle retrouvée dans ce syndrome et est associée à
d’HTP en entraînant une dysfonction endothéliale pulmonaire
une survie médiocre [18, 19] .
chronique avec diminution de la production de vasodilatateurs
par l’endothélium [31] , et une sécrétion augmentée de vasocons-
Épidémiologie de l’HTP dans d’autres tricteurs [32] comme l’endothéline 1 (ET-1). L’hypoxie, notamment
quand elle est intermittente comme dans le syndrome d’apnée
maladies respiratoires chroniques hypopnée obstructive du sommeil, va aussi favoriser la surve-
nue d’HTP par plusieurs mécanismes : activation excessive du
La LAM est une affection rare touchant exclusivement les
système nerveux sympathique, augmentation du stress oxydant,
femmes et se caractérisant par une pneumopathie kystique
altérations métaboliques et activation de l’inflammation, avec
diffuse, des épanchements chyleux et une ascite, des angiomyoli-
notamment une sécrétion accrue de médiateurs inflammatoires
pomes et des lymphangioléiomyomes rénaux [20] . L’HTP survient
comme le nuclear factor-κB (NF-␬B), le tumour necrosis factor ␣ (TNF-
chez environ 8 % des patients atteints de LAM, mais peut atteindre
␣), l’interleukine 8 (IL-8) et l’IL-6 [33] .
45 % chez les patients avec LAM référés pour une transplantation
Dans le cas particulier de la BPCO s’ajoute le rôle du tabagisme
pulmonaire [21] , la plupart présentant une HTP légère à modérée
chronique. En effet, la BPCO est une pathologie caractérisée prin-
(PAPm = 33 ± 8,3 mmHg) [21] .
cipalement par une obstruction irréversible des voies aériennes
L’HTP peut compliquer l’évolution de la dysplasie bron-
due à une inflammation chronique des parois bronchiques favori-
chopulmonaire ou de la mucoviscidose [22, 23] . L’HTP peut
sée par le tabagisme chronique. La fumée de tabac peut entraîner
aussi se développer chez des patients ayant d’autres formes
une dysfonction endothéliale artérielle pulmonaire, favoriser le
de pneumopathie interstitielle diffuse (PID), comme la pneu-
stress oxydant et avoir un effet pro-inflammatoire au niveau vas-
mopathie interstitielle non spécifique ou une pneumopathie
culaire pulmonaire. L’HTP-BPCO est donc la conséquence de la
d’hypersensibilité [24, 25] .
vasoconstriction hypoxique et du remodelage vasculaire pulmo-
L’HTP se rencontre dans la sarcoïdose avec une prévalence
naire qui en découle, en synergie avec l’effet toxique vasculaire de
variant entre 6 % et 74 % selon les études [26] . Bien que la majorité
l’exposition au tabac. Les anomalies artérielles pulmonaires en cas
des patients développant une HTP associée à la sarcoïdose aient
de BPCO sont ainsi caractérisées par une muscularisation des arté-
une fibrose pulmonaire, l’HTP peut aussi survenir en l’absence de
rioles normalement non muscularisées, un épaississement médial
fibrose pulmonaire [27–29] . C’est pourquoi l’HTP associée à la sar-
et des lésions néo-intimales des artères de petit et de moyen calibre
coïdose est classée dans le groupe 5 des HTP correspondant aux
(Fig. 1). Dans les BPCO avancées et en cas d’emphysème, la raréfac-
HTP de causes multiples ou indéterminées car les mécanismes à
tion vasculaire par la destruction vasculaire pulmonaire contribue
l’origine de l’HTP dans la sarcoïdose sont complexes, incluant le
aussi à l’HTP (Fig. 1).
remodelage vasculaire pulmonaire, la compression extrinsèque
L’HTP dans les PID, et plus particulièrement la FPI, résulte égale-
vasculaire pulmonaire par les adénopathies ou la médiastinite
ment d’une combinaison de plusieurs mécanismes. La destruction
fibreuse, les lésions veino-occlusives, les granulomes vasculaires,
fibrotique des vaisseaux amenant à une raréfaction vasculaire
la dysfonction ventriculaire gauche et l’hypertension portopul-
apparaît comme le mécanisme principal [34] . La vasoconstriction
monaire [27] .
pulmonaire hypoxique et le remodelage vasculaire pulmonaire
L’HTP chez les patients ayant une histiocytose langerhansienne
participent aussi à l’HTP dans la FPI. Il existe également une
a une prévalence élevée et est également classée parmi les HTP
néovascularisation aberrante avec des anastomoses sous-pleurales
du groupe 5 en raison de mécanismes multiples, notamment une
systémiques [35] . Il a aussi été montré dans la FPI une augmenta-
raréfaction vasculaire et une hypoxémie (comme dans les HTP du
tion de médiateurs vasculaires pulmonaires, comme l’ET-1 [36] et
groupe 3), mais aussi une atteinte des veines pulmonaires avec
le vascular endothelial growth factor [37] . Ainsi, des taux sériques éle-
présence de granulomes spécifiques.
vés d’ET-1 sont associés avec une HTP plus sévère dans la FPI [38] .
Enfin, des prédispositions génétiques, une dysfonction lympho-
cytaire et une activation de l’inflammation avec sécrétion accrue
 Physiopathologie de l’HTP de certaines cytokines [39] pourraient aussi participer au dévelop-
dans les maladies respiratoires pement de l’HTP-FPI. Les anomalies artérielles pulmonaires en cas
d’HTP-FPI sont caractérisées par un remodelage des petites artères
chroniques pulmonaires avec épaississement de la paroi artérielle, proliféra-
tion des cellules endothéliales et des cellules musculaires lisses,
La physiopathologie de l’HTP dans les pathologies respiratoires en association avec des signes histologiques de pneumopathie
chroniques relève de mécanismes multiples et la disparité de interstitielle commune (Fig. 2).
sévérité de l’HTP reste encore mal comprise. Le premier méca-
nisme à l’origine d’HTP dans les maladies respiratoires chroniques
est l’hypoxie tissulaire pulmonaire. En effet, à la différence de  Diagnostic de l’HTP
la circulation systémique, dans laquelle une hypoxie tissulaire
induit une vasodilatation artérielle, l’hypoxie du tissu pulmonaire dans les maladies respiratoires
entraîne une vasoconstriction artérielle pulmonaire. Si l’hypoxie chroniques
persiste dans le temps, cela induit progressivement un remo-
delage des artérioles pulmonaires avec une augmentation de la Le diagnostic d’HTP associée à une maladie respiratoire chro-
muscularisation de leur paroi. Cette réponse peut être bénéfique nique ne doit pas être réalisé durant une exacerbation aiguë
en cas d’hypoxie régionale pulmonaire mais va engendrer une mais à l’état stable, car toute exacerbation aiguë respiratoire peut
HTP quand l’hypoxie affecte l’ensemble du poumon. Ainsi, des s’accompagner d’une HTP aiguë potentiellement résolutive après
modèles animaux de rongeurs placés en condition d’hypoxie retour à l’état respiratoire de base.

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A B
Figure 1. Coupes histologiques de poumon explanté de patient ayant une hypertension pulmonaire associée à une bronchopneumopathie chronique
obstructive avec emphysème sévère.
A. Emphysème pulmonaire diffus. Au sein des cloisons alvéolaires résiduelles sont visibles des artères pulmonaires altérées.
B. Remodelage artériel, avec épaississement prédominant de l’intima.

A B
Figure 2. Coupes histologiques de poumon explanté de patient ayant une hypertension pulmonaire associée à une fibrose pulmonaire idiopathique.
A. Fibrose interstitielle évoluée, avec kystes sous-pleuraux. La fibrose contient des artères remodelées (flèches).
B. Artère pulmonaire de type musculaire montrant un épaississement important de l’intima et de la média musculeuse, aboutissant à un rétrécissement
significatif de la lumière vasculaire.

La suspicion d’HTP repose sur la clinique, les biomarqueurs cité à l’exercice peut également évoquer l’existence d’une atteinte
circulants, les EFR, l’imagerie et l’échocardiographie. vasculaire pulmonaire et donc d’une HTP [8, 13, 14, 42] .
Les symptômes cliniques et les signes physiques d’HTP peuvent Sur l’angiotomodensitométrie thoracique, un rapport du dia-
être difficiles à identifier chez les patients ayant une maladie res- mètre du tronc de l’artère pulmonaire sur le diamètre de l’aorte
piratoire chronique [40] . Il s’agit principalement d’une aggravation ascendante supérieur à 1 peut suggérer l’existence d’une HTP au
mal expliquée de la dyspnée, de la présence d’un éclat du B2 au cours d’une FPI ou d’une BPCO [43, 44] . Combiner ce rapport avec
foyer pulmonaire, d’un souffle systolique au foyer tricuspide ou d’autres mesures non invasives incluant des données échocardio-
de signes d’insuffisance cardiaque droite (œdèmes des membres graphiques ainsi que des variables mesurées aux EFR et épreuves
inférieurs, turgescence jugulaire, reflux hépatojugulaire, etc.). De d’effort améliore la précision dans la prédiction d’HTP [42, 43] .
plus, une insuffisance cardiaque gauche, souvent associée chez ces L’échocardiographie demeure l’outil diagnostique non inva-
patients avec maladie respiratoire chronique, peut aussi contri- sif le plus largement utilisé pour dépister une HTP, dont
buer à l’HTP. les indications chez les patients avec maladie respiratoire
Les taux sériques de brain natriuretic peptide (BNP) ou de N- chronique incluent une suspicion clinique d’HTP ou la
terminal pro-BNP (NT-proBNP) sont en général élevés dans l’HTP recherche d’une insuffisance cardiaque gauche concomitante.
sévère associée aux maladies respiratoires chroniques, mais ces L’échocardiographie permet d’estimer la pression systolique du
mesures sont moins sensibles et moins spécifiques dans l’HTP ventricule droit (identique à la PAP systolique) et donc une pro-
modérée, et peuvent être augmentées en cas de maladie cardiaque babilité d’HTP, comme définie dans les recommandations 2015 de
gauche associée ou d’insuffisance rénale [41] . l’European Respiratory Society (ERS) et de l’European Society of Car-
Concernant les EFR, l’HTP est généralement associée à une diology (ESC) [40, 45] (Tableau 3). Il faut cependant souligner que
baisse plus importante de la DLCO et à des échanges gazeux la précision de l’échocardiographie chez les patients avec mala-
plus altérés qu’attendu par l’atteinte ventilatoire, aussi bien au die respiratoire chronique est plus faible que dans la population
repos qu’à l’exercice. Une diminution plus marquée de la capa- générale [46, 47] .

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Tableau 3.
Probabilité échocardiographique d’hypertension pulmonaire (HTP) chez un patient symptomatique avec suspicion d’HTP (adapté de [40] ).
Vitesse maximale du pic de Présence d’autres signes Probabilité échocardiographique d’HTP
régurgitation tricuspide (m/s) échographiques d’HTP
≤ 2,8 ou non mesurable Non Faible
≤ 2,8 ou non mesurable Oui Intermédiaire
2,9–3,4 Non
2,9–3,4 Oui Élevée
> 3,4 Non nécessaire

Figure 3. Algorithme diagnostique devant une suspicion


Suspecter Clinique, épreuves fonctionnelles, imagerie d’hypertension pulmonaire (HTP) associée à une maladie
respiratoire chronique (adapté de [67] ). L’HTP du groupe 1 cor-
respond à l’hypertension artérielle pulmonaire et comprend les
formes idiopathiques, héritables, associées aux médicaments, à
Conforter Échocardiographie
une hypertension portale, à des connectivites. L’HTP du groupe
5 correspond aux HTP de mécanismes multiples ou inconnus.
L’HTP du groupe 3 correspond aux HTP associées aux maladies
respiratoires chroniques. EFR : épreuves fonctionnelles respira-
Confirmer Cathétérisme cardiaque droit
toires ; TDM : tomodensitométrie.

Classer EFR, TDM thoracique, gaz du sang...

HTP du groupe 1 / HTP du groupe 5 HTP du groupe 3

HTP non sévère HTP sévère

Le diagnostic définitif d’HTP repose sur les mesures obte- peut être une conséquence mais parfois aussi une coïncidence. Les
nues par cathétérisme cardiaque droit qui reste le seul examen éléments pour différencier l’HTP du groupe 1 (HTAP) et l’HTP du
permettant un diagnostic de certitude. Les indications du groupe 3 sont résumés dans le Tableau 4. Lorsqu’un doute existe
cathétérisme cardiaque droit dans les maladies respiratoires chro- pour classer un patient avec maladie respiratoire chronique dans
niques sont : le diagnostic ou l’exclusion d’une HTP chez les le groupe 1 ou 3, le patient doit être adressé dans un centre expert.
patients candidats à des traitements chirurgicaux (transplanta-
tion, réduction de volume pulmonaire) ; la suspicion d’une
HTAP ou d’une HTP thromboembolique chronique ; des épi-  Traitement des HTP associées
sodes répétés d’insuffisance cardiaque droite ; des résultats
d’échocardiographies non concluants malgré une forte suspicion aux maladies respiratoires
clinique avec des implications thérapeutiques potentielles [40] . chroniques
Ainsi, une suspicion d’HTP dans les maladies respiratoires chro-
niques n’implique pas forcément la réalisation d’un cathétérisme Les recommandations actuelles sont de traiter la maladie
cardiaque droit dans les cas où il n’y aurait pas de conséquence respiratoire sous-jacente et d’administrer, si nécessaire, une oxy-
en termes de prise en charge thérapeutique. génothérapie de longue durée.
Le cathétérisme cardiaque droit doit donc être réalisé chez L’oxygénothérapie n’a été étudiée de façon prospective que
les patients avec maladie respiratoire chronique quand une HTP dans la BPCO où il a été montré qu’une oxygénothérapie d’au
significative est suspectée et que la prise en charge du patient moins 15 heures par jour prévenait l’augmentation progressive de
est susceptible d’être influencée par ses résultats : soit en vue la PAPm et entraînait, au-delà de 18 heures par jour, une baisse
d’une inscription sur liste de transplantation pulmonaire, soit modérée de la PAPm [48, 49] . Aucune étude n’a investigué l’intérêt
dans l’éventualité d’une inclusion dans un registre ou un pro- de l’oxygénothérapie de longue durée pour prévenir ou traiter
tocole de recherche (avec le consentement du patient), soit pour l’HTP dans les pneumopathies interstitielles chroniques et les
démasquer et traiter une dysfonction cardiaque gauche associée, autres maladies respiratoires chroniques [50] .
ou bien enfin dans le cadre d’un usage compassionnel de théra- L’impact négatif de l’HTP sur la survie dans la plupart des
peutiques spécifiques. maladies respiratoires chroniques, amène à discuter de la trans-
Étant donné les modifications importantes de pression intra- plantation pulmonaire, dont les indications ont été précisées en
thoracique durant le cycle respiratoire chez les patients avec 2015 [51] .
pathologie respiratoire, l’interprétation des résultats de cathété- Chez les patients avec HTAP (HTP du groupe 1), les traitements
risme cardiaque droit doit être très rigoureuse. Ainsi, une moyenne médicaux spécifiques de l’HTAP améliorent la dysfonction endo-
sur plusieurs cycles respiratoires, sans prendre d’apnée, est néces- théliale cellulaire, ont des effets antiprolifératifs et vasodilatateurs
saire pour la mesure des pressions pulmonaires, en particulier la sur la circulation pulmonaire, réduisent la postcharge ventricu-
PAPO qui est la plus sensible aux grandes variations de la pression laire droite et améliorent les symptômes, la capacité à l’exercice
pleurale. et l’hémodynamique dans les études randomisées. C’est pour-
L’algorithme diagnostique devant une suspicion d’HTP associée quoi, la sécurité et l’efficacité de ces traitements ont également
à une maladie respiratoire chronique est présenté dans la Figure 3. été évaluées dans les HTP des affections respiratoires chroniques.
Les pathologies respiratoires chroniques et particulièrement la Cependant, il n’y a eu que peu d’essais cliniques de bonne qua-
BPCO sont des pathologies fréquentes au cours desquelles l’HTP lité dans la BPCO et dans les PID chroniques, expliquant que les

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Tableau 4.
Éléments en faveur d’une hypertension pulmonaire (HTP) du groupe 1 (HTAP) versus une HTP du groupe 3 chez un malade ayant une HTP et une maladie
respiratoire chronique (adapté de [67] ).
Critères en faveur d’une HTP du Examens Critères en faveur d’une HTP du groupe 3 (HTP des
groupe 1 (HTAP) maladies respiratoires chroniques)
Sévérité de la maladie respiratoire chronique
Normales ou légèrement altérées : EFR Moyennement à très altérées :
VEMS > 60 % (BPCO) VEMS < 60 % (BPCO)
CVF > 70 % (PID) CVF < 70 % (PID)
DLCO anormalement basse par rapport à DLCO basse « concordante » avec l’atteinte du VEMS
l’atteinte du VEMS et de la CVF et de la CVF
Anomalies Scanner thoracique haute résolution Anomalies parenchymateuses/bronchiques étendues
parenchymateuses/bronchiques absentes
ou modestes
Profil hémodynamique
HTP modérée à sévère Cathétérisme cardiaque droit HTP légère à modérée
Échocardiographie
Autres tests
Caractéristiques d’altération de la réserve Test d’effort cardiopulmonaire Caractéristiques d’altération de la réserve ventilatoire :
circulatoire : Réserve respiratoire diminuée
Réserve respiratoire conservée Pouls d’O2 normal
Pouls d’O2 abaissé Pente Qc/V’O2 normale
Diminution pente Qc/V’O2 Saturation veineuse en oxygène normale
Saturation veineuse en oxygène abaissée Augmentation de la PaCO2 à l’exercice
PaCO2 à l’exercice stable ou abaissée
Présents Autres facteurs de risque d’HTAP (par Absents
exemple, infection VIH, connectivite,
mutation BMPR2, etc.)

BMPR2 : bone morphogenetic protein receptor type 2 ; DLCO : capacité de diffusion du monoxyde de carbone ; CVF : capacité vitale forcée ; EFR : épreuves fonctionnelles
respiratoires ; HTAP : hypertension artérielle pulmonaire ; PaCO2 : pression artérielle partielle en dioxyde de carbone ; Qc : débit cardiaque ; VEMS : volume expiratoire
maximal en 1 seconde ; V’O2 : consommation d’oxygène ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine

données restent insuffisantes pour pouvoir recommander actuel- provoquer de désaturation artérielle [57] . Malgré ces résultats pro-
lement ces traitements dans les HTP des maladies respiratoires metteurs, aucune étude à long terme sur le NO inhalé dans le
chroniques, risquant de plus d’aggraver les échanges gazeux par traitement de l’HTP-BPCO n’a été réalisée.
la levée de la vasoconstriction hypoxique. L’utilisation des trai- L’iloprost est un analogue de la prostacycline inhalé ayant
tements spécifiques de l’HTAP chez les patients avec maladies un puissant effet vasodilatateur en aigu, qui devrait agir pré-
respiratoires chroniques doit donc être restreinte aux protocoles férentiellement dans les régions pulmonaires bien ventilées.
cliniques et aux registres des centres experts. Chez dix patients atteints de BPCO modérée à sévère (VEMS :
47,4 ± 8,2 %), 5 ␮g d’iloprost inhalé ont amélioré l’efficacité ven-
tilatoire (VE/VCO2 ) au cours de l’exercice et la distance parcourue
Traitement de l’HTP-BPCO au test de marche de 6 minutes (TM6) avec une réduction du gra-
Le traitement de l’HTP-BPCO repose principalement sur dient alvéolaire–artériel (PA-aO2 ), sans désaturation artérielle [54] .
l’optimisation du traitement médical de la BPCO, notamment Cependant, une étude randomisée en double aveugle, incluant
l’arrêt du tabac, un traitement inhalé adapté, une réhabilitation 16 patients atteints d’HTP-BPCO et recevant une dose de 10 ␮g
respiratoire si nécessaire, la prévention des exacerbations et en cas d’iloprost, n’a montré aucun effet sur la distance parcourue au
d’insuffisance respiratoire chronique sévère une oxygénothérapie TM6, a entraîné une réduction du pic de consommation d’O2
de longue durée. (VO2 ) et une réduction de 2 % de la saturation en oxygène au
Plusieurs types de traitements spécifiques de l’HTP ont été étu- repos [58] . Les prostacyclines inhalées ne semblent donc pas appor-
diés dans l’HTP-BPCO. ter de bénéfice pour l’HTP-BPCO.

Antagonistes calciques dans l’HTP-BPCO Inhibiteurs de la phosphodiestérase-5


Les antagonistes calciques, comme la nifédipine, entraînent dans l’HTP-BPCO
une vasodilatation artérielle pulmonaire et améliorent Les effets aigus du sildénafil, un inhibiteur de la
l’hémodynamique de façon aiguë dans la BPCO, mais n’ont phosphodiestérase-5 (iPDE5), ont été étudiés chez 20 patients
pas montré de bénéfice à long terme [52, 53] . De plus, la nifédipine atteints de BPCO sévère ou très sévère, dont 17 avec une PAPm
aggrave l’oxygénation au repos et durant l’effort en levant la vaso- au repos supérieure à 20 mmHg (PAPm : 27 ± 10 mmHg) et tous
constriction pulmonaire hypoxique, entraînant une aggravation avec une HTP pendant l’exercice [59] . Le sildénafil administré à
des rapports ventilation–perfusion et l’altération des échanges 20 ou 40 mg a entraîné une réduction aiguë de la PAPm et des
gazeux [54, 55] . RVP, ainsi qu’une amélioration de l’hémodynamique au cours de
l’exercice, mais a entraîné une légère détérioration des échanges
Vasodilatateurs inhalés dans l’HTP-BPCO gazeux au repos, liée à une augmentation du débit sanguin
Le monoxyde d’azote (NO) inhalé provoque une vasodilatation pulmonaire vers les unités pulmonaires mal ventilées. Plusieurs
pulmonaire qui pourrait être bénéfique dans l’HTP-BPCO en ne essais contrôlés randomisés à plus long terme ont évalué le trai-
provoquant théoriquement une vasodilatation que dans les unités tement par les iPDE5 dans le traitement de l’HTP-BCPO avec des
pulmonaires ventilées. Cependant, des études ont montré que le résultats décevants (Tableau 5) [60–64] . Une seule étude, qui utilisait
NO inhalé diminuait la pression artérielle en oxygène (PaO2 ) dans uniquement des mesures échocardiographiques, a montré une
l’HTP-BPCO en altérant les rapports ventilation–perfusion [56] . amélioration significative de la capacité d’exercice [60] , tandis que
Néanmoins, lorsqu’il est ajouté à l’oxygène, le NO inhalé réduit toutes les autres études n’ont révélé aucune amélioration de la
les RVP et la PAPm, et améliore la fonction cardiaque chez les tolérance à l’effort en utilisant le pic de VO2 ou le TM6. La plus
patients atteints de HTP-BPCO par rapport à l’oxygène seul, sans grande étude a comparé une faible dose de tadalafil (10 mg) à

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Hypertension pulmonaire des affections respiratoires chroniques  11-037-A-10

Tableau 5.
Principales études cliniques randomisées sur les traitements spécifiques de l’hypertension artérielle pulmonaire dans l’hypertension pulmonaire (HTP) associée
à la bronchopathie chronique obstructive (BPCO) et à la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI).
Auteur, année Référence n Traitement Critères diagnostiques Durée Résultats
d’HTP
HTP-BPCO Rao et al., 2011 [60]
33 Sildénafil 20 mg × 3/j PAPs > 40 mmHg 12 sem DM6 : +190 m versus
versus placebo (échocardiographie) placebo
Baisse de la PAPs
Blanco et al., [62]
60 Sildénafil 20 mg × 3/j PAPs ≥ 35 mmHg 12 sem Temps d’endurance : pas
2013 versus placebo et (échocardiographie) ou d’effet
réhabilitation PAPm ≥ 25 mmHg Pic de VO2 : pas d’effet
respiratoire (cathétérisme cardiaque DM6 : pas d’effet
droit)
[63]
Goudi et al., 120 Tadalafil 10 mg/j versus PAPs > 30 mmHg 12 sem DM6 : pas d’effet
2014 placebo (échocardiographie) Qdv : pas d’effet
BNP : pas d’effet
Vitulo et al., [64]
28 Sildénafil 20 mg × 3/j PAPm ≥ 25 mmHg 16 sem RVP : –1,38 WU
2017 versus placebo (cathétérisme cardiaque IC : +0,42 l/min/m2
droit) Index BODE : amélioré
DM6 : pas d’effet
Qdv : améliorée
HTP-FPI Han et al., 2013 [73]
119 Sildénafil 20 mg × 3/j Dysfonction ventriculaire 12 sem DM6 : moins de déclin
versus placebo droite échographique Qdv : amélioration
Corte et al., 2014 [78]
60 Bosentan 125 mg × 2/j PAPm ≥ 25 mmHg 16 sem DM6 : pas d’effet
versus placebo (cathétérisme cardiaque RVP (critère principal) : pas
droit) d’effet
Nathan et al., [76]
147 Riociguat 0,5 à PAPm ≥ 25 mmHg 26 sem Interrompue (surmortalité
2019 2,5 mg × 3/j versus (cathétérisme cardiaque et effets secondaires dans le
placebo droit) bras actif sans effet le DM6)

BNP : brain natriuretic peptide ; DM6 : distance parcourue au test de marche de 6 minutes ; IC : index cardiaque ; Qdv : qualité de vie ; PAPs : pression artérielle pulmonaire
systolique ; PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne ; RVP : résistances vasculaires pulmonaires ; sem : semaine ; VO2 : consommation en oxygène.

un placebo chez 120 patients atteints de BPCO et présentant des évaluant les traitements de l’HTAP dans l’HTP-BPCO n’ont pas
signes d’HTP sur l’échocardiographie et n’a révélé aucun effet montré de bénéfice convainquant. La recommandation actuelle
sur la distance parcourue au TM6, la qualité de vie ou le taux de est de ne pas utiliser ces traitements dans les HTP-BPCO, mais
BNP [63] . On ignore si la dose habituelle de 40 mg utilisée dans le d’encourager l’inclusion de ces patients dans des essais cliniques
traitement de l’HTAP aurait des effets cliniques plus importants. méthodologiquement robustes [45, 67] .
Une seule étude contrôlée a rapporté des effets hémodynamiques
à long terme des iPDE5 par rapport au placebo chez les patients
atteints de BPCO sévère, qui étaient modestes mais significatifs Traitement de l’HTP associée aux maladies
(RVP –1,38 UW et IC +0,4 l/min/m2 ) [64] . Fait intéressant, bien
que la distance au TM6 ne se soit pas significativement améliorée
interstitielles chroniques
dans cette étude à 16 semaines, les scores de dyspnée avaient La maladie interstitielle chronique associée à l’HTP la plus
diminué, la PaO2 ne s’était pas aggravée et les scores de qualité étudiée est la FPI. En juillet 2015, les recommandations inter-
de vie s’étaient améliorés [64] . nationales sur le traitement de la FPI n’ont rien proposé sur le
traitement de l’HTP-FPI, concluant à la nécessité d’études sup-
Antagonistes des récepteurs de l’endothéline plémentaires [68] . Le 6e congrès mondial de l’HTP en 2018 et les
recommandations européennes ESC/ERS de 2015 ont abouti à la
dans l’HTP-BPCO même conclusion [2, 40] . Le traitement repose donc actuellement
Deux études randomisées ont évalué le bosentan, un antago- sur l’oxygénothérapie de longue durée chez les patients hypoxé-
niste des récepteurs de l’endothéline (ARE) chez les patients avec miques atteints de l’HTP-FPI et sur le traitement de la FPI en
HTP-BPCO. Dans la première, 20 patients avec BPCO sévère à très elle-même. Plusieurs types de traitements spécifiques de l’HTAP
sévère ont reçu soit du bosentan 125 mg deux fois par jour, soit un ont néanmoins été étudiés dans l’HTP-FPI.
placebo, avec comme critère de jugement principal l’évolution de
la distance parcourue au TM6 à 12 semaines [65] . Bien que la plu-
part des patients avaient des signes échographiques d’HTP, aucune
Prostacyclines dans l’HTP-FPI
confirmation par cathétérisme cardiaque droit n’a été réalisée Il existe peu d’études à long terme sur l’effet des prostacyclines
dans cette étude. Six patients dans le bras placebo sont sortis de dans l’HTP-FPI. En 1999, Olschewski et al. ont inclus huit patients
l’étude précocement en raison d’effets secondaires contre un seul atteints de fibrose pulmonaire (un seul avec FPI), et comparé
dans le bras placebo. Il n’y avait pas de différence significative sur les effets hémodynamiques d’une prostacycline intraveineuse et
la distance parcourue au TM6, les paramètres hémodynamiques, inhalée, et du NO inhalé, de manière randomisée. Ils ont constaté
le score de Borg, alors que la PaO2 avait baissé significativement que la prostacycline inhalée provoquait une vasodilatation pul-
et que la qualité de vie s’était détériorée significativement dans monaire, avec maintien des échanges gazeux et de la pression
le groupe bosentan. Dans une autre étude non contrôlée réalisée artérielle systémique, alors que la prostacycline intraveineuse,
en ouvert chez 32 patients, une réduction de la PAPm et des RVP n’étant pas sélective pour les poumons, entraînait une chute
ainsi qu’une amélioration de la distance parcourue au TM6 ont significative de la pression artérielle systémique [69] . Les prostacy-
été observées chez les patients traités par bosentan [66] . Il n’y a pas clines intraveineuses augmentaient également l’inadéquation des
d’autre étude avec les autres ARE (macitentan, ambrisentan) dans rapports ventilation–perfusion et provoquaient une hypotension
l’HTP-BPCO. systémique chez les patients atteints d’HTP-FPI [70] . Des preuves
Peu d’études prospectives sur les traitements spécifiques de limitées, en raison du faible nombre de patients inclus, peuvent
l’HTAP ont été réalisées dans la BPCO malgré son impact pro- donc suggérer un bénéfice physiologique pour la prostacycline
nostique défavorable. La plupart des études cliniques disponibles inhalée mais non intraveineuse dans l’HTP-FPI.

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iPDE5 et analogue de la guanylate cyclase Ces grandes études confirment que les ARE n’apportent pas
dans l’HTP-FPI d’avantage significatif dans l’HTP-FPI et l’ambrisentan est même
contre-indiqué dans l’HTP-FPI.
Le sildénafil a également été étudié en traitement de l’HTP-FPI,
Plusieurs études de bonne qualité ont été menées sur les trai-
mais il n’existe pas d’études à long terme, contrôlées et en double
tements spécifiques de l’HTP dans l’HTP-PFI. Aucune ne permet
aveugle. Dans une petite étude ouverte portant sur 16 patients
d’affirmer un bénéfice au long cours de ces traitements. Le rio-
atteints de fibrose pulmonaire (dont sept avec FPI) et d’HTP sévère
ciguat et l’ambrisentan sont même contre-indiqués dans l’HTP
confirmée par cathétérisme cardiaque (PAPm ≥ 35 mmHg), Gho-
associée aux PID dont la FPI. Des essais randomisés prospectifs
frani et al. ont comparé les effets hémodynamiques aigus du
sont nécessaires pour pouvoir établir des recommandations sur
sildénafil et de la prostacycline intraveineuse [70] . Les deux médica-
ces traitements.
ments ont diminué les RVP mais seul le sildénafil oral a maintenu
un rapport ventilation–perfusion correct et une pression artérielle
systémique satisfaisante [70] . Une étude ouverte plus récente a mis
en évidence une amélioration des résultats du TM6 avec le sildé-
nafil chez les patients atteints de HTP-FPI [71] . Par la suite, une Traitement des HTP associées à d’autres
étude multicentrique randomisée, en double aveugle et contrô- maladies respiratoires classées
lée par placebo (STEP-IPF) comparant les effets du sildénafil à dans le groupe 3
un placebo sur le TM6 chez des patients atteints de FPI avan-
cée (DLCO < 30 %), indépendamment de la présence d’une HTP, Syndrome emphysème-fibrose et HTP
n’a révélé aucune différence pour le critère principal au bout
Les options thérapeutiques sont actuellement limitées dans
de 12 semaines, mais quelques améliorations pour les critères
cette pathologie en l’absence d’études permettant de montrer
d’évaluation secondaires (dyspnée, qualité de vie, PaO2 ) [72] . Une
l’efficacité des traitements de l’HTAP.
analyse, utilisant des données échocardiographiques chez 119 des
180 patients de l’étude STEP-IPF, réalisée de manière rétrospec-
tive en aveugle, a montré que le sildénafil améliorait la capacité
d’exercice et la qualité de vie par rapport au placebo chez les sujets LAM et HTP
présentant une FPI et une dysfonction ventriculaire droite [73] .
Il n’existe aucune étude prospective sur le traitement de l’HTP-
Dans le cadre d’une étude pilote observationnelle et ouverte por-
LAM. Cottin et al. ont décrit la prise en charge et l’évolution de
tant sur dix patients atteints de pathologie interstitielle chronique
20 patients atteints d’HTP-LAM, dont la plupart présentaient une
et d’HTP (dont six atteints de FPI), le traitement par le sildénafil
obstruction grave des voies respiratoires (VEMS < 50 % de la théo-
ou tadalafil a entraîné une augmentation de l’IC et une diminu-
rique) et une HTP légère à modérée (PAPm : 32 ± 6 mmHg et RVP :
tion significative des RVP [74] . Les données disponibles suggèrent
4,7 ± 2,3 UW) [79] . Six patients (30 %) ont reçu des traitements
par conséquent des effets bénéfiques des iPDE5 sur le plan de
de l’HTAP (bosentan ou sildénafil) entraînant une amélioration
l’hémodynamique pulmonaire, de la tolérance à l’exercice et de
hémodynamique sans altération des échanges gazeux. Il n’était
la qualité de vie, mais les effets à long terme sur la morbidité et la
cependant pas noté d’amélioration de la dyspnée ou du TM6. Les
mortalité restent mal connus.
recommandations actuelles préconisent l’utilisation de sirolimus
Le riociguat est un stimulateur de la guanylate cyclase soluble,
ou d’évérolimus chez les patients atteints de LAM dont la fonction
conçu pour rétablir les niveaux de guanosine monophosphate
pulmonaire est anormale ou qui se détériore, mais les effets de ces
cyclique indépendamment du NO. Dans le cadre d’un essai pilote
traitements sur l’hémodynamique ou la capacité à l’exercice dans
multicentrique mené auprès de 21 patients atteints de PID légère
l’HTP-LAM sont inconnus [20] .
(59 % avec FPI) et d’HTP, Hoeper et al. ont montré qu’il était bien
toléré. Les critères secondaires, notamment le débit cardiaque et
les RVP, ont également été améliorés, mais pas la PAPm [75] . Cepen-
dant, l’essai de phase II randomisé RISE-IIP, portant sur l’efficacité
et la sécurité d’emploi du riociguat chez des patients atteints
de pneumonie interstitielle idiopathique, a été arrêté précoce-
“ Points essentiels
ment en raison d’une mortalité augmentée et du risque d’effets
secondaires dans le groupe traité par riociguat lors des analyses • L’HTP est une complication fréquente des affections res-
intermédiaires [76] . Le riociguat est donc contre-indiqué chez les piratoires chroniques et représente un facteur de mauvais
patients avec pneumopathie interstitielle idiopathique. pronostic. Ces HTP représentent le groupe 3 de la classifi-
cation des HTP.
ARE dans l’HTP-FPI • Le diagnostic d’HTP repose sur l’association de signes cli-
Dans l’étude contrôlée BUILD (utilisation du bosentan dans niques évocateurs, d’une suspicion échocardiographique
les PID), le bosentan était bien toléré chez les patients atteints et sur la confirmation par cathétérisme cardiaque droit.
de FPI sans HTP, mais n’a pas modifié le délai avant aggrava- • La plupart des patients avec maladie respiratoire chro-
tion par rapport au placebo [77] . L’étude B-PHIT était une étude nique et HTP ont une élévation modérée de la PAPm,
randomisée, à double insu et contrôlée par placebo, portant sur
« proportionnelle » à la sévérité de la maladie respiratoire
le bosentan chez 66 patients atteints de pneumonie interstitielle
idiopathique (46 FPI) et d’HTP [78] . Dans cette étude, aucune diffé-
chronique. Cependant, une petite proportion développe
rence n’a été observée entre les patients traités par bosentan ou par une HTP sévère définie par une PAPm au repos supé-
placebo en termes d’hémodynamique pulmonaire, de paramètres rieure ou égale à 35 mmHg ou une PAPm supérieure ou
cliniques ou de paramètres de la fonction pulmonaire. Aucun évé- égale à 25 mmHg avec un index cardiaque inférieur à
nement indésirable lié au bosentan n’était observé, y compris des 2,0 l/min/m2 .
effets sur les échanges gazeux [78] . ARTEMIS-IPF était une étude de • Les recommandations actuelles sont de traiter la maladie
phase 3 sur l’ambrisentan, l’antagoniste sélectif des récepteurs de respiratoire sous-jacente et d’administrer une oxygénothé-
l’endothéline A, sur la progression de la maladie chez des patients rapie en cas d’hypoxémie. La prescription des traitements
atteints de FPI, indépendamment de la présence d’HTP. L’étude a spécifiques de l’HTAP n’est pas justifiée dans ces formes
été arrêtée plus tôt en raison de la progression plus importante
d’hypertension pulmonaire.
de la maladie et de l’augmentation du nombre d’hospitalisations
• Les patients, notamment en cas d’HTP sévère, doivent
pour complication respiratoire dans le groupe ambrisentan [6] .
Les résultats étaient similaires chez les 32 patients de l’étude qui être adressés dans des centres experts pour participer à
avaient une HTP. Cette étude a donné lieu à une recommanda- des études et être inscrits dans des registres. La possibilité
tion de haut grade contre l’utilisation d’ambrisentan dans la FPI, d’une transplantation pulmonaire doit être évaluée.
indépendamment de la présence d’HTP [68] .

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HTP et syndrome obésité-hypoventilation [12] Nathan SD, Shlobin OA, Ahmad S, Koch J, Barnett SD, Ad N, et al.
Serial development of pulmonary hypertension in patients with idio-
L’HTP est une complication fréquente du syndrome obésité- pathic pulmonary fibrosis. Respiration 2008;76:288–94.
hypoventilation (SOH) ; elle est associée à une insuffisance [13] Raghu G, Nathan SD, Behr J, Brown KK, Egan JJ, Kawut SM, et al.
cardiaque droite et à un mauvais pronostic [80, 81] . En plus Pulmonary hypertension in idiopathic pulmonary fibrosis with mild-
de l’amélioration des échanges gazeux et de la somnolence to-moderate restriction. Eur Respir J 2015;46:1370–7.
diurne, trois études ont montré une importante amélioration de [14] Nadrous HF, Pellikka PA, Krowka MJ, Swanson KL, Chaowalit N,
l’hémodynamique, de la fonction ventriculaire droite, et des capa- Decker PA, et al. Pulmonary hypertension in patients with idiopathic
cités à l’exercice après 3 à 6 mois de ventilation non invasive [80–82] . pulmonary fibrosis. Chest 2005;128:2393–9.
Le traitement de l’HTP-SOH repose donc sur la ventilation non [15] Alhamad EH, Al-Boukai AA, Al-Kassimi FA, Alfaleh HF, Alshamiri
invasive. MQ, Alzeer AH, et al. Prediction of pulmonary hypertension in patients
with or without interstitial lung disease: reliability of CT findings.
Radiology 2011;260:875–83.
 Conclusion [16] Judge EP, Fabre A, Adamali HI, Egan JJ. Acute exacerbations and
pulmonary hypertension in advanced idiopathic pulmonary fibrosis.
L’HTP est une complication fréquente des maladies respiratoires Eur Respir J 2012;40:93–100.
chroniques avec un impact négatif sur la qualité de vie des patients [17] Hoeper MM, Behr J, Held M, Grunig E, Vizza CD, Vonk-Noordegraaf
et leur survie. Ce diagnostic nécessite un cathétérisme cardiaque A, et al. Pulmonary hypertension in patients with chronic fibrosing
droit, qui ne doit être réalisé que si cela implique des conséquences idiopathic interstitial pneumonias. PLoS One 2015;10:e0141911.
thérapeutiques. En cas d’HTP, les recommandations actuelles sont [18] Cottin V, Le Pavec J, Prévot G, Mal H, Humbert M, Simonneau
G, et al. Pulmonary hypertension in patients with combined pul-
de traiter la maladie respiratoire sous-jacente, de prescrire une oxy-
monary fibrosis and emphysema syndrome. Eur Respir J 2010;35:
génothérapie de longue durée en cas d’hypoxémie et d’évaluer la
105–11.
possibilité d’inscription sur liste de transplantation pulmonaire.
[19] Mejía M, Carrillo G, Rojas-Serrano J, Estrada A, Suárez T, Alonso D,
Malgré certains résultats encourageants dans des études observa- et al. Idiopathic pulmonary fibrosis and emphysema: decreased sur-
tionnelles, les études randomisées contre placebo sont en défaveur vival associated with severe pulmonary arterial hypertension. Chest
de l’usage des traitements spécifiques de l’HTAP dans ces formes 2009;136:10–5.
d’HTP ; le riociguat et l’ambrisentan sont même contre-indiqués [20] McCormack FX, Gupta N, Finlay GR, Young LR, Taveira-DaSilva
en cas d’HTP-PFI. Il est nécessaire d’adresser ces patients dans AM, Glasgow CG, et al. Official American Thoracic Society/Japanese
un centre expert pour inclusion dans des protocoles et inscrip- Respiratory Society Clinical Practice Guidelines: Lymphangioleio-
tion dans des registres. De grands essais restent nécessaires pour myomatosis diagnosis and management. Respir Crit Care Med
juger du réel intérêt de ces traitements dans l’HTP des maladies 2016;194:748–61.
respiratoires chroniques. [21] Reynaud-Gaubert M, Mornex J-F, Mal H, Treilhaud M, Dromer C,
Quétant S, et al. Lung transplantation for lymphangioleiomyomatosis:
the French experience. Transplantation 2008;86:515–20.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens [22] Berger RM, Beghetti M, Humpl T, Raskob GE, Ivy DD, Jing Z-C,
d’intérêts en relation avec cet article. et al. Clinical features of paediatric pulmonary hypertension: a registry
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10 EMC - Cardiologie

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Hypertension pulmonaire des affections respiratoires chroniques  11-037-A-10

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E.-M. Jutant (etiennemarie.jutant@aphp.fr).


M. Preda.
X. Mignard.
A. Beurnier.
M. Jevnikar.
Université Paris–Sud, Faculté de médecine, Université Paris-Saclay, Le Kremlin-Bicêtre, France.
AP–HP, Centre de référence de l’hypertension pulmonaire, Département hospitalo-universitaire (DHU) thorax innovation (TORINO), Service de pneumologie,
Hôpital Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France.
Inserm, UMR S 999, Laboratoire d’excellence (LabEx) en recherche sur le médicament et l’innovation thérapeutique (LERMIT), Hôpital Marie-Lannelongue,
Le Plessis Robinson, France.
M.-R. Ghigna.
Inserm, UMR S 999, Laboratoire d’excellence (LabEx) en recherche sur le médicament et l’innovation thérapeutique (LERMIT), Hôpital Marie-Lannelongue,
Le Plessis Robinson, France.
Service d’anatomie pathologique, Hôpital Marie-Lannelongue, Le Plessis Robinson, France.
S. Bulifon.
F. Parent.
X. Jaïs.
L. Savale.
M. Humbert.
D. Montani.
O. Sitbon.
Université Paris–Sud, Faculté de médecine, Université Paris-Saclay, Le Kremlin-Bicêtre, France.
AP–HP, Centre de référence de l’hypertension pulmonaire, Département hospitalo-universitaire (DHU) thorax innovation (TORINO), Service de pneumologie,
Hôpital Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France.
Inserm, UMR S 999, Laboratoire d’excellence (LabEx) en recherche sur le médicament et l’innovation thérapeutique (LERMIT), Hôpital Marie-Lannelongue,
Le Plessis Robinson, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Jutant EM, Preda M, Mignard X, Beurnier A, Jevnikar M, Ghigna MR, et al. Hypertension pulmonaire des
affections respiratoires chroniques. EMC - Cardiologie 2021;35(1):1-11 [Article 11-037-A-10].

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

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 11-038-D-10

Cœur artificiel total et assistance


circulatoire
P. Leprince, T. Barreda, M. Niculsecu, C. De Araujo, G. Cottini, S. Varnous, G. Lebreton

Résumé : Au cours des deux dernières décennies, l’avènement des assistances circulatoires monoventri-
culaires gauches à débit continu a permis d’assister les patients insuffisants cardiaques dans de meilleures
conditions et avec de meilleurs résultats en comparaison avec des assistances pulsatiles utilisées préala-
blement. Cette amélioration associée à l’utilisation de l’extracorporeal membrane oxygenation (ECMO)
pour stabiliser les patients en situation de défaillance circulatoire aiguë a permis de réserver les indica-
tions d’assistances de longue durée à des patients plus stables. De ce fait, la survie et la qualité de vie
sous assistance circulatoire se sont nettement améliorées, à tel point que cette thérapeutique peut être
considérée comme une alternative à la transplantation cardiaque dans certaines situations. L’utilisation
du cœur artificiel total reste réservée aux patients présentant une dysfonction cardiaque biventriculaire.
L’émergence de nouvelles prothèses électriques comme Carmat pourrait en élargir les indications.
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Mots-clés : Insuffisance cardiaque ; Assistance circulatoire ; Cœur artificiel ; Transplantation cardiaque

Plan monde de l’assistance circulatoire, tant en termes d’indications


que de résultats. Simultanément, le nombre de transplantations
■ Introduction 1 cardiaques a baissé dans de nombreux pays et l’utilisation de
l’extracorporeal membrane oxygenation (ECMO) dans l’insuffisance
■ Systèmes 1 cardiaque aiguë a pris son essor. Cinquante ans après la première
Systèmes temporaires 1 transplantation cardiaque et la première utilisation d’une assis-
Systèmes de longue durée 2 tance circulatoire, le monde de l’assistance circulatoire mécanique
■ Indications 4 s’est donc considérablement modifié.
But de l’assistance circulatoire 4 Dans un but d’exhaustivité, sont décrits à la fois les systèmes
Situations cliniques 5 de courte et longue durées mais les auteurs insistent plus sur ces
Assistance monoventriculaire gauche versus biventriculaire 6 derniers car ils peuvent représenter une alternative à la transplan-
Complications 6 tation cardiaque.
■ Bénéfice des assistances 7
Survie 7
Qualité de vie
Transplantation cardiaque après assistance circulatoire
7
8
 Systèmes
■ Futur 9 Systèmes temporaires
■ Conclusion 9
« Extracorporeal membrane oxygenation »
L’ECMO veino-artérielle est un système de circulation extracor-
porelle. Le sang est drainé par une canule insérée dans une veine
 Introduction périphérique, le plus souvent fémorale. Après un passage au tra-
vers d’un oxygénateur, une pompe centrifuge le réinjecte dans
Le cœur artificiel total et les assistances circulatoires sont des le circuit artériel systémique par une canule insérée dans une
systèmes mécaniques qui permettent de pallier une défaillance artère périphérique, le plus souvent fémorale (Fig. 1). L’avantage
circulatoire aiguë ou chronique. L’avènement de la circulation de l’ECMO est de pouvoir être implantée « au lit du patient »
extracorporelle dans les années 1950 a permis, en facili- sans nécessiter une chirurgie lourde et, le plus souvent, en per-
tant le développement de la chirurgie cardiaque, d’envisager cutané. Elle permet de suppléer efficacement la circulation et la
l’implantation et l’utilisation de tels systèmes. C’est d’ailleurs fonction respiratoire du patient, et son coût raisonnable permet
après une opération de chirurgie valvulaire que le Pr Cooley a par ailleurs de l’utiliser dans des situations à risque élevé de mor-
rapporté la première utilisation d’une assistance circulatoire pneu- talité. Il s’agit, en revanche, d’un système transitoire qui confine
matique ainsi que la première récupération post-assistance [1] . le patient au lit de réanimation. Par ailleurs, la canulation des
Simultanément à l’essor de la transplantation cardiaque, les vaisseaux périphériques peut entraîner des complications vascu-
années 1980 et 1990 ont connu le développement des assistances laires et infectieuses [2] . L’une des limites liée à l’utilisation de
et cœurs artificiels pulsés, pneumatiques et électriques : Novacor, l’ECMO est l’absence de décharge ventriculaire gauche qui peut
Thermo Cardiosystems, Inc. (TCI® ), Excor® , Thoratec® , Jarvik-7® être palliée de façon préventive par l’adjonction d’un ballon de
pour les plus utilisés. Au début des années 2000, sont apparues contre-pulsion et, plus efficacement, en cas d’œdème du poumon
les premières pompes à débit continue qui ont révolutionné le constitué par une décharge mécanique directe (canule apicale

EMC - Cardiologie 1
Volume 35 > n◦ 1 > février 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-4568(20)79052-2

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11-038-D-10  Cœur artificiel total et assistance circulatoire

1 3

2 2

Figure 1. Canulation périphérique fémoro-fémorale d’une extracorpo-


real membrane oxygenation. 1. Canule veineuse ; 2. canule artérielle ; 3.
cathéter de reperfusion.

ventriculaire gauche, micro-pompe de type Impella® ) ou indirecte


(atrioseptostomie) [3] . L’ECMO est donc utilisée en urgence pour
Figure 2. Pompe axiale transvalvulaire aortique type Impella® . 1.
stabiliser l’état circulatoire des patients présentant un choc cardio-
Moteur ; 2. turbine ; 3. orifice d’éjection ; 4. orifice d’admission.
génique sévère, en attente d’une récupération myocardique, d’une
transplantation cardiaque ou de l’implantation d’une assistance
de longue durée ou d’un cœur artificiel. [HVAD® ], HeartMate III® ) (Fig. 6, 7) destinées à être utilisées
comme assistance ventriculaire gauche et donc implantées entre
Assistances percutanées la pointe du ventricule gauche et l’aorte, le plus souvent ascen-
Il s’agit de micro-pompes axiales insérées par voie périphérique. dante. Elles sont toutes reliées à un contrôleur électronique et à
Les assistances gauches sont implantées par voie artérielle et posi- des batteries externes par un câble transcutané, habituellement
tionnées à travers l’orifice aortique (Fig. 2). Les assistances droites tunnelisé au niveau de la paroi de l’abdomen. La connexion élec-
sont insérées par voie veineuse et positionnées à travers l’orifice trique du Jarvik 2000® peut être réalisée par l’intermédiaire d’un
pulmonaire. La pompe draine le sang ventriculaire et l’éjecte implant osseux positionné au niveau de l’os pariétal, dans le but
dans le gros vaisseau correspondant. La durabilité actuelle de ces de diminuer le risque infectieux (Fig. 8). Pour le HeartMate II® et
pompes est de quelques semaines et leur utilisation confine le le Jarvik 2000® , la partie rotative de l’assistance ou rotor est main-
patient aux services de réanimation. Toutefois, de nouvelles ver- tenue par des axes alors qu’il s’agit d’une suspension hydraulique
sions devraient permettre des implantations de plus longue durée pour le HVAD® et purement électromagnétique pour le Heart-
chez des patients ambulatoires. Mate III® . Comme il s’agit de pompes rotatives, elles génèrent
un débit continu, non pulsé. Cela a pour avantage, par rap-
port aux anciennes pompes pulsées, un moindre encombrement,
Systèmes de longue durée l’absence de valve unidirectionnelle et leur caractère parfaitement
Ils sont destinés à une implantation prolongée de plusieurs silencieux. Elles génèrent, en revanche, un débit continu, non
années, permettant le retour à domicile des patients implantés. physiologique, dont l’un des premiers écueils est l’absence ou la
Il faut distinguer les assistances circulatoires et le cœur artifi- faiblesse de pouls artériel. Le contrôleur et les batteries externes
ciel total. Les premières sont avant tout ventriculaires gauches, confèrent une bonne autonomie et une bonne qualité de vie,
implantées en parallèle sur la circulation entre le ventricule même si l’existence d’un câble percutané expose les patients à
gauche laissé en place et l’aorte. Le cœur artificiel total est consti- un risque infectieux important à moyen terme et gêne certains
tué de deux ventricules implantés de façon orthotopique en série actes de la vie quotidienne comme la douche.
sur la circulation après exérèse des ventricules natifs.
Cœur artificiel total
Assistances circulatoires SynCardia®
Système pneumatique Le seul cœur artificiel total actuellement disponible sur le
Le seul système pneumatique disponible sur le marché est marché est le SynCardia® (ancien Cardiowest® et préalablement
l’Excor® (Berlin Heart). Il s’agit d’un système paracorporel consti- Jarvik-7® ). Le SynCardia® est constitué de deux ventricules artifi-
tué de ventricules dont les canules d’admission et d’éjection sont ciels en polyuréthane (Fig. 9). Il existe actuellement deux volumes
implantées entre le ventricule gauche et l’aorte (assistance gauche) ventriculaires disponibles : 70 cc et 50 ml. Chaque ventricule
et/ou entre l’oreillette droite et l’artère pulmonaire (assistance comporte deux prothèses valvulaires mécaniques, l’une d’entrée
droite). Chaque ventricule comporte deux valves mécaniques, et l’autre de sortie. Une membrane en silicone sépare le sang du
l’une d’entrée, l’autre de sortie. À l’intérieur des ventricules, se compartiment pneumatique. Cette membrane est mobilisée par
trouve une membrane qui est refoulée lors du remplissage puis, à les mouvements d’air comprimé générés par une console externe
son tour, lorsqu’elle est actionnée par l’air comprimé, refoule le qui comporte un compresseur. Il existe une console hospitalière
sang vers l’orifice de sortie. Ce système est actuellement peu uti- (Companion) (Fig. 10) qui permet des réglages fins (fréquence,
lisé chez l’adulte mais reste quasiment le seul système disponible pression d’activation droite et gauche, aide au remplissage et
chez l’enfant et le nourrisson (Fig. 3). pourcentage de systole) et qui est utilisée dans les suites de
l’implantation et une console portable (Freedom) (Fig. 11) qui
Assistances circulatoires à débit continu pèse environ 4 kg avec deux batteries qui permettent une autono-
Il s’agit de pompes axiales (HeartMateII® , Jarvik 2000® ) mie d’environ trois à quatre heures et qui est utilisée dès que le
(Fig. 4, 5) ou centrifuges (HeartWare Ventricular Assist System patient peut déambuler en dehors de sa chambre. C’est avec cette

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Cœur artificiel total et assistance circulatoire  11-038-D-10

A B
Figure 3. Système Excor® (A, B).

Figure 4. HeartMate II® .


Figure 5. Jarvik 2000® .
console que les patients sortent de l’hôpital. Le cœur artificiel
total SynCardia® assure une hémodynamique pulsée efficace et
est techniquement robuste. Les dysfonctionnements sont excep- (animation). Les orifices d’entrée et de sortie sont munis de
tionnels. En revanche, l’autonomie limitée des batteries et son prothèses valvulaires biologiques et la surface mobile des ventri-
caractère bruyant confèrent une qualité de vie moyenne et diffi- cules est recouverte de péricarde bovin dans le but d’améliorer
cilement compatible avec des implantations de plusieurs années. l’hémocompatibilité et de pouvoir au moins diminuer le niveau
d’anticoagulation requis. L’intérieur du cœur artificiel comporte
Carmat® de nombreux capteurs de pression qui permettent de renseigner
Le Carmat® est un cœur artificiel total électrique. Il s’agit en temps réel sur le fonctionnement de la prothèse, notamment
d’un système monobloc (Fig. 12) qui comprend deux ventri- sur les pressions de remplissage. Ces données sont utilisées par
cules qui sont activés l’un après l’autre par des moteurs rotatifs l’algorithme de contrôle automatique qui adapte la fréquence aux

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11-038-D-10  Cœur artificiel total et assistance circulatoire

besoins du patient. La prothèse est reliée à une source électrique insuffisante d’un patient. Les assistances sont avant tout utili-
externe et à un contrôleur électronique par un câble percutané. La sées dans le cas d’une défaillance ventriculaire gauche isolée ou
consommation est d’environ 30 W/h. Au moment de la rédaction prédominante alors que le cœur artificiel est indiqué en cas de
de cet article, le Carmat® n’est disponible que dans le cadre d’un défaillance biventriculaire. Dans certaines situations, les assis-
protocole d’évaluation clinique. tances circulatoires conçues pour le ventricule gauche peuvent
être utilisées pour le ventricule droit, isolément ou en associa-
tion avec une assistance gauche [4] . Ces implantations peuvent
être réalisées de façon définitive (destination therapy), en attente
 Indications d’une transplantation cardiaque (bridge to transplantation) ou
pour améliorer une situation et rendre un patient candidat à
But de l’assistance circulatoire la transplantation (bridge to candidacy : par exemple, en cas
d’hypertension artérielle potentiellement régressive, de cachexie
Le but des assistances circulatoires et du cœur artificiel est de
ou de cancer non guéri). Enfin, dans certains cas, les assistances
remplacer plus ou moins complètement la fonction cardiaque
ventriculaires gauches peuvent être utilisées dans l’espoir d’une
récupération de la fonction myocardique qui permettrait de sevrer
et de retirer l’assistance.

Figure 6. HeartWare Ventricular Assist System (HVAD® ). Figure 7. HeartMate III® .

A B
Figure 8. Connexion osseuse du Jarvik 2000® (A, B).

4 EMC - Cardiologie

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Cœur artificiel total et assistance circulatoire  11-038-D-10

Figure 11. Console portable Freedom du SynCardia® .


Figure 9. Ventricules du cœur artificiel SynCardia® .

Figure 12. Cœur artificiel total Carmat® .

Tableau 1.
Classification Intermacs.
Figure 10. Console hospitalière Companion du SynCardia® . Intermacs 1 Choc cardiogénique réfractaire
Intermacs 2 Aggravation progressive sous inotropes
Intermacs 3 Stable mais non sevrable des inotropes
La répartition de ces différentes indications varie bien entendu
d’un pays à l’autre en fonction de l’accès à la transplantation car- Intermacs 4 Symptômes au repos
diaque, des habitudes médicales et des règles de remboursement. Intermacs 5 Intolérance à l’exercice
Bien que les pratiques nord-américaines soient, de ces différents Intermacs 6 Limitation à l’effort
points de vue, différentes de l’activité européenne et plus encore Intermacs 7 Classe NYHA III sévère
française, le registre Intermacs donne malgré tout un bon reflet de
cette répartition [5, 6] . En 2016, sur 2693 implantations recensées, NYHA : New York Heart Association.
51 % l’étaient de façon définitive, 24,5 % en attente de transplan-
tation et 23,5 % dans le but de rendre le patient transplantable.
Les implantations en vue d’une éventuelle récupération représen- le plus souvent en classe IIIb ou IV de la New York Heart Asso-
taient moins de 1 % des patients. Le rapport de 2017 du registre ciation (NYHA). La création du registre Intermacs s’était associée
européen Euromacs [7] montre une répartition différente : 16 % à une volonté de mieux stratifier les patients en fonction de leur
d’implantations définitives (60 % dans le groupe de patients de état clinique, ce qui a abouti à la classification Intermacs qui est
plus de 70 ans), 28 % en attente de transplantation et 36 % pour actuellement la plus utilisée (Tableau 1). Le registre Intermacs [5]
une potentielle éligibilité à la transplantation cardiaque. Bien montre une évolution nette des pratiques de nos collègues nord-
que les chiffres français soient encore mal connus, le recours à américains avec une diminution du taux de patients Intermacs 1
l’assistance circulatoire est moins fréquent que chez la plupart de qui passe de 29,3 % avant 2010 à 16,8 % depuis 2014 tandis que les
nos collègues européens, en partie du fait d’un meilleur accès à la patients Intermacs 2 passent de 42,3 à 34,1 % et les Intermacs 3 de
transplantation cardiaque. De ce fait, selon le dernier rapport de 15,3 à 35,7 %. Dans le registre Euromacs, les patients Intermacs 1,
l’Agence de la biomédecine [8] , seuls 16 % des patients greffés du 2 et 3 représentent respectivement 14, 30 et 25 %.
cœur en 2015 étaient sous assistance circulaire de longue durée Il ressort de l’expérience des dix dernières années, notam-
contre plus de 40 % dans le registre international de transplanta- ment du registre Intermacs, que les patients Intermacs 1, en
tion cardiaque [9] . choc cardiogénique, ne constituent pas une bonne indication à
l‘implantation d’une assistance de longue durée. Il faut y voir
là une contre-indication toute relative, notamment car le stade
Situations cliniques Intermacs 1 peut regrouper des états de choc cardiogénique de
gravité variable. Cela explique pourquoi pour cette catégorie de
Les patients candidats à l’implantation d’un tel système patients, la survie à un an reste acceptable de 73,9 contre 79,7 %
présentent une insuffisance cardiaque réfractaire aux autres thé- et de 83,6 % pour les patients Intermacs 2 et 3. Plusieurs études
rapeutiques, médicamenteuses ou électrophysiologiques et sont ont montré qu’il était possible de stratifier plus finement le groupe

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11-038-D-10  Cœur artificiel total et assistance circulatoire

Tableau 2. sont souvent rédhibitoires pour l’implantation d’une assistance


Critères du HeartMate® risk score. monoventriculaire gauche. Il est par ailleurs bien établi que le
Critère Facteur de multiplication risque de dysfonction ventriculaire droite dépend aussi de la
sévérité de l’état clinique du patient. C’est pourquoi certains
Âge 0,0274 scores prédictifs de dysfonction ventriculaire droite combinent à
Albumine (g/dl) 0,723 la fois des paramètres cliniques, biologiques et hémodynamiques
Créatinine (mg/dl) 0,74 et échographiques [16] .
Le choix entre assistance monoventriculaire gauche ou assis-
INR (par unité) 1,136
tance biventriculaire (ou cœur artificiel total) est simple dans les
Activité du centre 0 si < 15 ; 1 si > 15 0,807 cas extrêmes où la fonction de ventricule droit est conservé ou
Formule : âge – albumine + créatinie + international normalized ratio (INR) + acti- complètement altérée. De nombreux patients se trouvent dans
vité. une situation intermédiaire et présentent une fonction ventri-
Faible risque : < 1,58. culaire droite au moins modérément altérée. Différents scénarios
Risque modéré : 1,58 à 2,48. sont alors possibles :
Risque élevé : > 2,48.
• cœur artificiel total ;
• assistance ventriculaire à débit continue ;
Intermacs 1 comme par exemple l’étude de Yoshioka et al. [10] qui • assistance monoventriculaire gauche associée de principe ou
fait état d’une survie à un an variant de 20 à 90 % selon que les seulement si besoin à une assistance transitoire droite.
patients ont une insuffisance rénale et/ou une ECMO au moment Bien entendu, le plan en ce qui concerne le devenir du patient
de l’implantation avec une assistance ventriculaire gauche. De est important. En effet, pour les patients implantés en destination,
même, Adamo et al. ont utilisé le score de risque HeartMate II® il est difficile de proposer un cœur artificiel total car le SynCardia®
(Tableau 2) établi à partir d’une large cohorte de patients implan- actuellement sur le marché ne procure pas une qualité de vie
tés avec un HeartMate II® afin de stratifier le risque de 89 patients adéquate sur le long terme [17] . Cela pourrait changer avec des
Intermacs 1. Ils ont montré qu’au sein de ce groupe, la mortalité versions améliorées ou avec le Carmat® [18] . Inversement, chez les
à 90 jours variait de 8,3, 12,5 et 32,7 % selon que les patients patients en attente de transplantation, il peut être préférable de
avaient un score faible, modéré ou élevé [11] . Quoi qu’il en soit, il ne pas prendre le risque d’une défaillance ventriculaire droite et
est impératif que les indications d’implantation d’une assistance d’implanter un cœur artificiel.
circulatoire ou d’un cœur artificiel soient discutées, au même L’expérience d’assistance biventriculaire à partir de deux
titre que les indications de transplantation cardiaque au sein pompes centrifuges reste très limitée [19, 20] . Les survies rapportées
d’une réunion multidisciplinaire d’insuffisance cardiaque, par par les quelques études disponibles sont de l’ordre de 50 % à un
une équipe médico-chirurgicale comprenant les différents acteurs an. La qualité de vie conférée par ces systèmes semble être accep-
médicaux et paramédicaux impliqués dans ces traitements. table. Toutefois, il n’existe pas d’étude suffisamment importante
Une publication récente montre l’intérêt d’une implantation en nombre d’implantations et en durée pour pouvoir juger de
précoce d’une assistance monoventriculaire gauche chez des l’efficience réelle de cette stratégie.
patients Intermacs 4-5 [12] . Entre 2013 et 2015, 161 patients Inter-
macs 4 à 7 et inclus dans le registre Intermacs ont été suivis
pour une durée minimale de deux ans. Ce groupe a été comparé Complications
à 1753 patients Intermacs 4 à 7, inclus dans la même période
et implantés avec un dispositif d’assistance ventriculaire gauche L’utilisation des pompes à débit continu a été associée à une
(LVAD). L’analyse en intention de traiter montrait une survie diminution du taux de complications en comparaison avec des
à deux ans significativement meilleure chez les patients Inter- anciennes pompes pulsées. Toutefois, le type de complication
macs 4-5 implantés avec un LVAD en comparaison avec ceux reste le même avec, au premier rang, les complications throm-
traités médicalement, et par ailleurs une meilleure qualité de vie. boemboliques et hémorragiques et les infections [21] . L’étude
Pour les patients Intermacs 6-7, la survie et la qualité de vie étaient comparant le TCI® et le HeartMate II® , montre une différence
identiques dans les deux groupes. Bien entendu, l’étiologie de la majeure en termes de fiabilité de la pompe, l’une des caractéris-
cardiopathie joue aussi un rôle non négligeable dans l’évolution tiques du TCI® étant sa durabilité mécanique limitée. De même,
postimplantation [13] . l’encombrement moins important des pompes à débit continu
a permis de diminuer le taux d’infections et de complications
hémorragiques. En revanche, le TCI® étant déjà très performant
Assistance monoventriculaire gauche versus en termes d’accidents thromboemboliques, l’utilisation du Heart-
biventriculaire Mate II® n’était pas associée à une diminution du taux d’accidents
vasculaires cérébraux (AVC), qu’ils soient hémorragiques ou isché-
Il est préférable d’utiliser les assistances monoventriculaires miques. L’étude Momentum 3 [22–24] comparant le HeartMate II® à
gauches car leur utilisation est associée à de meilleurs résultats la nouvelle génération de pompe HeartMate III® montre essentiel-
en termes de survie et de qualité de vie. Cela est encore plus vrai lement une diminution du taux de thrombose de pompe qui passe
chez les patients implantés en destination. Pour autant, leur uti- de 10 à 0 % mais aussi, à 24 mois, une diminution significative
lisation n’est possible que si la fonction ventriculaire droite est des hémorragies, notamment digestives ainsi que des AVC tout
conservée. L’évaluation de la fonction ventriculaire droite reste venant ou avec séquelles. Il est à noter que, même si cette dimi-
un des dilemmes régulièrement rencontré lors de la sélection de nution du taux de certaines complications est encourageante, les
l’assistance. De plus, la chirurgie d’implantation peut aggraver chiffres restent élevés (Tableaux 3, 4).
une dysfonction préexistante du fait de l’ouverture du péricarde, Il n’y a pas d’étude randomisée comparant les deux assis-
de l’utilisation de la circulation extracorporelle ou du recours à tances centrifuges à débit continue HVAD® et HeartMate III® .
une polytransfusion. Par ailleurs, la décharge ventriculaire gauche En revanche, l’étude Endurance qui a comparé les résultats du
liée à l’assistance peut faciliter le travail du ventriculaire droit, HVAD® avec ceux du HeartMate II® donne un résultat actualisé
mais aussi le détériorer du fait d’un déplacement exagéré du sep- des complications survenant avec le HVAD® (Tableau 5).
tum vers la gauche. L’échocardiographie est un des éléments clés Le registre Intermacs donne un aperçu de la survenue des
de cette évaluation et prend en compte les paramètres de contrac- complications dans la vraie vie (Tableau 6). Il est important de
tilité comme le tricuspid annular plane systolic excursion (TAPSE), noter qu’à un an seuls 30 % des patients sont libres d’une compli-
l’onde S ou la fraction d’éjection, la dilatation du ventricule cation majeure de type saignement, AVC, dysfonction de pompe,
droit isolée et comparativement au ventricule gauche ou encore à infection ou décès. Même si ce taux est significativement différent
l’existence d’une régurgitation tricuspide [14, 15] . Une pression arté- en fonction de la sévérité initiale des patients, il reste inférieur à
rielle pulmonaire élevée n’est pas forcément de mauvais pronostic 40 %, même pour les patients les moins sévères.
mais signe plutôt une contractilité ventriculaire droite efficace. Parmi ces complications, les hémorragies digestives semblent
Bien entendu, des signes cliniques d’insuffisance cardiaque droite clairement liées au caractère continu du débit délivré par les

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Tableau 3.
Complications (HeartMate® versus HeartMate II® ) [22] .
HeartMate II® (n = 133) HeartMate® (n = 59)

n (%) n événements/patients-année n (%) n événements/patients-année p


Remplacement de pompe 12 (9) 0,06 20 (34) 0,51 < 0,001
AVC 24 (18) 0,13 8 (14) 0,22 0,21
Ischémique 11 (8) 0,06 4 (7) 0,10 0,38
Hémorragique 15 (11) 0,07 5 (8) 0,12 0,33
Infection liée à l’assistance 47 (35) 0,48 21 (36) 0,90 0,01
Infection non liée à l’assistance 65 (49) 0,76 27 (46) 1,33 0,02
Saignement nécessitant transfusion 108 (81) 1,66 45 (76) 2,45 0,06
Inotropes pour dysfonction droite 27 (20) 0,14 16 (27) 0,46 < 0,001
Arythmies 75 (56) 0,69 35 (59) 1,31 0,006
Détresse respiratoire 50 (38) 0,31 24 (41) 0,80 < 0,001
Insuffisance rénale 21 (16) 0,10 14 (24) 0,34 < 0,001
Réhospitalisations 107 (94) 2,64 42 (96) 4,25 0,02

AVC : accident vasculaire cérébral.

Tableau 4.
Complications (HeartMate III® versus Heartmate II® ) [23–25] .
HeartMate III® (n = 516) HeartMate II® (n = 512)
n (%) n événements/patients-année n (%) n événements/patients-année p
Thrombose de pompe (avérée 7 (1,4) 0,01 70 (13,9) 0,12 < 0,001
ou suspecte)
AVC avec séquelle 51 (9,9) 0,08 98 (19,4) 0,18 < 0,001
26 (5,0) 0,04 38 (7,5) 0,07 0,008
Autres événements 59 (11,5) 0,09 47 (9,3) 0,08 0,21
neurologiques
Hémorragie digestive 225 (43,7) 0,61 278 (55) 0,95 < 0,001
126 (24,5) 0,31 156 (30,9) 0,49 < 0,001
Infection majeure 300 (58,3) 0,82 285 (56,4) 0,82 0,96
Dysfonction droite 176 (14,2) 0,27 143 (28,3) 0,23 0,18
Arythmies 1 (35,9) 0,37 207 (41) 0,45 0,02
Détresse respiratoire 111 (21,6) 0,19 98 (19,4) 0,17 0,44
Insuffisance rénale 73 (14,2) 0,11 56 (11,1) 0,08 0,07

AVC : accident vasculaire cérébral.

pompes rotatives actuelles. Deux mécanismes essentiels ont été à deux ans. Toutefois, il est clairement démontré que la survie, tant
incriminés. Tout d’abord, il a été montré que l’utilisation de ces à court terme qu’à moyen terme dépend en grande partie de l’état
pompes était associée au développement potentiel d’une maladie clinique initial du patient [27] . C’est pourquoi les études européen-
de Willebrand acquise liée aux forces de cisaillement rencontrées nes rapportent souvent des survies inférieures en comparaison
par les molécules du facteur Willebrand. Ensuite, il a été décrit le avec les études nord-américaines. Ainsi, dans le registre Euromacs,
développement de télangiectasies digestives responsables de sai- la survie sous assistance monoventriculaire gauche est de 70 % à
gnement itératifs et difficiles à contrôler de façon pérenne. Ces un an et de 58 % à deux ans.
complications hémorragiques disparaissent en général immédia- En ce qui concerne les systèmes d’assistance biventriculaire ou
tement après la restauration d’un régime pulsé et ne constituent le cœur artificiel, la survie rapportée à un an dans le registre
donc pas une contre-indication à la transplantation, bien au Intermacs est respectivement de 54 et 59 %. Il est impossible
contraire. de comparer ces résultats avec les survies rapportées sous assis-
tance monoventriculaire gauche car il s’agit de typologies non
comparables de patients. En effet, les patients qui nécessitent un
 Bénéfice des assistances support biventriculaire présentent un retentissement beaucoup
plus sévère tant sur leur état général que sur les autres fonctions
Survie organiques.
L’étude Rematch [25] comparant la survie des patients implan-
tés avec la pompe pulsée TCI® et le traitement médical inotrope Qualité de vie
intraveineux avait montré une survie significativement supérieure
à deux ans chez les patients assistés (24 versus 8 %). En utilisant L’amélioration des résultats en termes de survie avec
les mêmes critères d’inclusion, l’étude randomisée comparant les l’utilisation des pompes à débit continu a permis de s’intéresser à
résultats du TCI® et du HeartMate II® retrouvait comme dans la qualité de vie. Il faut d’abord noter que, dans de nombreuses
l’étude Rematch 23 % de survie à deux ans avec le TCI® et mon- études, la qualité de vie a été évaluée à l’aide de tests ou de scores
trait une survie significativement meilleurs avec le HeartMate II® : propres à l’insuffisance cardiaque : classe NYHA (80 % des patients
58 % [26] . Après la mise sur le marché du HeartMate II® , certaines suivis sont en classe I ou II), test de marche de six minutes, Min-
études ont rapporté jusqu’à 90 % de survie à un an. Dans le registre nesota Living with Heart Failure Questionnaire (MLHFQ), Kensas
Intermacs, la survie à un an des patients implantés avec une assis- City Cardiomyopathy Questionnaire (KSCQ). Il est évident que
tance mon ventriculaire gauche est de 82 % et à deux ans de 78 %. l’implantation d’une assistance circulatoire améliore la fonction
Dans l’étude Momentum, la survie à un an était de 84 % et de 74 % cardiaque et se traduit par une amélioration nette de ces tests.

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Tableau 5.
Comparaison HVAD® versus HeartMate II® (étude Endurance).
HVAD® (n = 297) HeartMate II® (n = 148)

n (%) n événements/patients-année n (%) n événements/patients-année p


Changement de pompe pour 19 (6,4) NR 16 (10,7) NR 0,12
thrombose
AVC 88 (29,7) 0,29 18 (12,1) 0,09 < 0,001
ischémique 52 (17,6) 0,17 12 (8,1) 0,06 0,007
hémorragique 44 (14,9) 0,11 6 (4,0) 0,03 < 0,001
Hémorragie 178 (60,1) 1 90 (60,4) 0,98 0,99
digestive 104 (35,1) 0,56 51 (34,2) 0,45 0,92
Infection 70 (23,6) 0,2 23 (15,4) 0,14 0,048
Dysfonction droite 114 (38,5) 0,32 40 (26,8) 0,23 0,02
Détresse respiratoire 111 (21,6) 0,19 98 (19,4) 0,17 0,44
Insuffisance rénale 44 (14,9) 0,13 18 (12,1) 0,1 0,47
Réhospitalisations 249 (84,1) 2,85 118 (79,2) 2,34 0,23

AVC : accident vasculaire cérébral.

Tableau 6.
Complications dans le registre Intermacs (événements/100 patients-mois). Douze premiers mois postimplantation.
2008–2011 (n = 4744) 2012–2014 (n = 7286) p
AVC 1,17 1,61 < 0,0001
Hémorragie 9,41 7,79 < 0,0001
Infection 8,22 7,28 < 0,0001
Insuffisance rénale 1,44 1,54 0,19
Insuffisance respiratoire 2,64 2,73 0,39
Trouble du rythme 4,8 4,06 < 0,001
Insuffisance cardiaque droite 0,57 0,49 0,07

AVC : accident vasculaire cérébral.

80 90,00 %
40,70 %
Alétarion modérée
70 69,3 70,3 70,1 71,5 80,00 %
65,8 Altération sévère
60 70,00 %
50 46,20 %
60,00 %
40 42,80 % 43 % 43,70 % 42,30 %
35,3 50,00 %
30
40,00 %
20
30,00 %
10
20,00 % 44,40 %
0
pre 3 mois 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois 10,00 %
12,40 % 8,40 % 8,30 % 8%
7,30 %
0,00 %
Figure 13. L’évaluation de la qualité de vie « EQ-5D échelle visuelle pre 3 mois 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois
analogique » montre une nette amélioration de celle-ci à trois mois après
l’implantation et qui reste stable jusqu’à deux ans. Figure 14. L’évaluation de la qualité de vie « EQ-5D activités habi-
tuelles » montre une nette réduction de la proportion de patients
présentant une altération sévère dans leurs activités quotidiennes.
Toutefois, la vie avec une assistance circulatoire est associée à un
certain nombre de contraintes : prise de médicaments anticoagu-
lants, raccordement permanent à un contrôleur électronique et à présente avant la chirurgie un retentissement sévère de son insuf-
des batteries, gestion des batteries, réfection régulière du panse- fisance cardiaque souvent alors associée à un déconditionnement
ment du câble percutané, protection du contrôleur et des batteries périphérique. Il est montré que la réadaptation doit être parti-
lors de la douche, etc. culièrement active et multimodale : physique, nutritionnelle et
D’autres systèmes de scores permettent d’analyser la qualité de psycho-sociale.
vie de façon plus générale. C’est le cas du questionnaire EQ-5D.
Dans le registre Intermacs, l’analyse de la qualité de vie par ce
questionnaire montre une amélioration nette et persistante de Transplantation cardiaque après assistance
la qualité de vie globale (Fig. 13) mais aussi des composantes circulatoire
« activité usuelle » et « soins personnels » étudiées par ce score
(Fig. 14, 15). Même si la transplantation cardiaque, lorsqu’elle est possible,
Bien entendu, la réadaptation après implantation d’une assis- reste le meilleur traitement de l’insuffisance cardiaque termi-
tance circulatoire est importante, d’autant plus que le patient nale, le passage préalable par l’assistance circulatoire ne doit pas

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adaptable à toutes les pompes et qui a récemment été utilisé avec


60,00 % succès chez deux patients en association avec une pompe Jarvik
Alétarion modérée
25,20 % 2000® [32] . Ce type de système permet au patient d’envisager d’être
Altération sévère libre de toute connexion pour une certaine durée dépendant de
50,00 % l’autonomie de la batterie implantable.
Les complications thromboemboliques dépendent de
l’amélioration de la biocompatibilité, il a été vu précédemment
40,00 %
que le HeartMate III® présentait un taux de thrombose de pompe
26,40 % inférieur aux précédentes. Pour ce qui est des complications
hémorragiques, notamment digestives, il est possible que le
30,00 % 22,30 %
21 % 20,80 % 20,80 % retour à la pulsatilité tout en conservant les avantages des
pompes à débit continu présente un certain avantage. C’est ce
20,00 %
que propose la société CorWave, société française qui développe
une pompe dont le mécanisme actif est fondé sur la vibration
27,80 % à haute fréquence d’une membrane (biomimétisme de la queue
10,00 % des poissons) et dont les essais sur banc et sur animal sont
prometteurs.
6,90 % L’encombrement des pompes actuelles reste acceptable vis-à-vis
4,80 % 4,30 % 5,60 % 5%
0,00 % du type de patients implantés. En revanche, si l’on veut s’adresser
pre 3 mois 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois aux patients qui présentent une insuffisance cardiaque à fonc-
tion systolique préservée, il faut probablement avoir recours à
Figure 15. L’évaluation de la qualité de vie « EQ-5D prise en charge des pompes de plus petite taille permettant d’assurer une assis-
individuelle » montre une nette réduction de la proportion de patients tance partielle du cœur. Les essais avec la pompe synergie de
présentant une altération sévère dans leur capacité à se prendre en charge. CircuLite [33] ont été malheureusement associés à un taux de
complications thromboemboliques élevé ayant conduit à leur
arrêt. Bien entendu, des systèmes d’assistance monoventriculaire
forcément être considéré comme un facteur de risque rédhibi- gauche incluant une pompe de plus petite taille pour assister le
toire. Dans le registre international de l’International Society ventricule droit mais connectée à un même contrôleur permet-
for Heart and Lung Transplantation (ISHLT) de transplantation trait de régler en partie les complications liées à la dysfonction
cardiaque, 40 % des patients transplantés sont sous assistance ventriculaire droite.
monoventriculaire gauche et 1,4 % sous cœur artificiel total avant Une amélioration des cœurs artificiels pourrait permettre de ne
la transplantation [28] . Les courbes de survie à un et cinq ans entre pas avoir à tenir compte de ce problème de la dysfonction ventri-
les patients avec et sans assistance avant la transplantation sont culaire droite. En ce qui concerne les cœurs artificiels actuellement
superposables. L’analyse multivariée décrit le fait d’être sous assis- en utilisation clinique, le SynCardia® procure une qualité de vie
tance monoventriculaire gauche avant la transplantation comme limitée et le Carmat® présente des résultats prometteurs mais
un facteur protecteur indépendant avec ratio à 0,85 sur la morta- encore limités et son utilisation sera de toute façon limitée par
lité à un an (p = 0,01) et comme un facteur de risque indépendant son encombrement. D’autres systèmes de cœurs artificiels pulsé
de mortalité à cinq ans de 1,13 à 5 (p = 0,03). Ces différents chiffres ou à débit continu sont en développement et devraient compléter
montrent que le fait d’être sous assistance circulatoire avant la l’arsenal disponible dans les années à venir.
transplantation a peu d’impact sur son résultat. En revanche,
chez les patients présentant une longue histoire d’insuffisance
cardiaque avec un retentissement général sévère, il est évident
que l’utilisation d’une assistance circulatoire va permettre non  Conclusion
seulement de stopper la dégradation de l’état général mais aussi
d’offrir au patient une prise en charge global de ce retentissement Bien que les systèmes d’assistance circulatoire et de cœur arti-
avec réhabilitation, renutrition et prise en charge hygiénodiété- ficiel aient beaucoup évolué depuis les années 1980, le mythe de
tique. Cette étape va permettre d’aborder la transplantation dans la machine idéale reste intact. L’utilisation des assistances circu-
de meilleures conditions. Ce bénéfice de l’assistance circulatoire latoires s’inscrit dans le domaine plus vaste des thérapeutiques
avant la transplantation peut être étendu aux patients en surpoids de l’insuffisance cardiaque qui comporte en outre les traitements
sévère ou présentant des résistances pulmonaires élevées [29] . médicamenteux, électriques et la transplantation. L’insuffisance
cardiaque étant un continuum, il est indispensable que ces traite-
ments soient discutés au sein d’équipes multidisciplinaires afin de
 Futur proposer à temps la thérapeutique adaptée et d’éviter aux patients
l’escalade successive et parfois délétère des différents traitements.
Le futur des systèmes d’assistance circulatoire peut se décliner
selon deux directions : les assistances monoventriculaires et le
cœur artificiel total. Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs n’ont pas transmis de déclaration
de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Pour les premières, les limites essentielles restent le câble
percutané, le taux de complications thromboemboliques ou
hémorragiques, l’encombrement, la dysfonction ventriculaire
droite et l’autonomie des batteries. En ce qui concerne le câble per-  Références
cutané, le problème peut être provisoirement évité par l’utilisation
d’un implant osseux crânien comme celui du Jarvik 2000® mais [1] DeBakey ME. Left ventricular bypass pump for cardiac assistance.
les industriels restent très réticents à aller dans cette direction, Clinical experience. Am J Cardiol 1971;27:3–11.
même de façon transitoire. Le Graal reste la transmission transcu- [2] Danial P. Percutaneous versus surgical femoro-femoral veno-arterial
tanée de l’énergie (transcutaneous energy transfer [TET]) qui permet ECMO: a propensity score matched study. Intensive Care Med
d’éviter la traversée physique de la barrière cutanée en transmet- 2018;44:2153–61.
tant l’énergie électrique sans contacte. La technologie existe et a [3] Bréchot N. Intra-aortic balloon pump protects against hydrosta-
même été utilisée il y a une quinzaine d’années avec l’assistance tic pulmonary oedema during peripheral venoarterial-extracorporeal
monoventriculaire gauche pulsée Lion-Heart [30, 31] . Malgré cela, membrane oxygenation. Eur Heart J Acute Cardiovasc Care
aucun industriel ne le propose actuellement, avant tout pour des 2018;7:62–9.
problèmes de fiabilité et la nécessité d’implanter une quantité [4] Eulert-Grehn JJ. Two implantable continuous-flow ventricular assist
importante de matériel (bobine de transmission interne, contrô- devices in a biventricular configuration: technique and results. Interact
leur, batterie). Seule la société Leviticus a mis au point un système Cardiovasc Thorac Surg 2018;27:938–42.

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11-038-D-10  Cœur artificiel total et assistance circulatoire

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P. Leprince (pascal.leprince@aphp.fr).
T. Barreda.
Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris,
France.
M. Niculsecu.
Département d’anesthésie réanimation, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
C. De Araujo.
G. Cottini.
S. Varnous.
G. Lebreton.
Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Leprince P, Barreda T, Niculsecu M, De Araujo C, Cottini G, Varnous S, et al. Cœur artificiel total et
assistance circulatoire. EMC - Cardiologie 2021;35(1):1-10 [Article 11-038-D-10].

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10 EMC - Cardiologie

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 11-301-B-10

Hypertension artérielle : aspect clinique,


explorations et prise en charge
A. Cinaud, J. Blacher

Résumé : L’hypertension artérielle est une cause fréquente et insuffisamment traitée de maladies car-
diovasculaires aiguës, mortelles, mais aussi de complications chroniques, favorisées par l’allongement de
l’espérance de vie. Sa prise en charge personnalisée, reposant principalement sur les antihypertenseurs
et l’implication du patient dans sa maladie, doit être intégrée dans une démarche de réduction du risque
cardiovasculaire global. Les rares cas d’hypertension artérielle secondaire doivent être reconnus afin de
proposer un traitement spécifique, possiblement curatif.
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Mots-clés : Hypertension artérielle ; Pression artérielle ; Risque cardiovasculaire ;


Facteurs de risque cardiovasculaire ; Antihypertenseur

Plan Or, l’HTA est le premier facteur de risque réversible de morbi-


mortalité cardiovasculaire, responsable de 7,8 millions de décès et
■ Introduction 1 d’environ 40 % des cardiopathies ischémiques et accidents vascu-
laires cérébraux (AVC) dans le monde [3] , justifiant son dépistage
■ Définition de l’HTA 1 et sa prise en charge active.
Paramètres définissant la pression artérielle (PA) 1
Niveau de pression artérielle 1
Mesure de la pression artérielle 2
■ Évaluation du patient hypertendu 2
 Définition de l’HTA
Confirmation de l’HTA, de sa sévérité, et évolution 2
Complications de l’HTA 3
Paramètres définissant la pression artérielle
Stratification du risque cardiovasculaire global 3 (PA)
Rechercher une cause secondaire d’HTA 4
Quatre paramètres de PA peuvent être mesurés et utilisés en
■ Prise en charge de l’HTA 6 clinique :
Objectifs tensionnels 6 • la pression artérielle systolique (PAS), dépendante de la vitesse
Mesures hygiénodiététiques 6 d’éjection systolique, du volume d’éjection systolique et de la
Traitement pharmacologique 6 rigidité artérielle ;
Suivi 7 • la pression artérielle diastolique (PAD), dépendante des résis-
Réduction du risque cardiovasculaire global 8 tances vasculaires et de la durée de la diastole ;
■ HTA et cas particuliers 8 • la pression artérielle moyenne (PAM), correspondant à la pres-
HTA et sujet noir 8 sion de perfusion des organes, assurant un débit sanguin
HTA et femme enceinte 8 continu dans le système cardiovasculaire. Elle est définie par
HTA de l’enfant 8 la formule PAM = PAD + 1/3 (PAS-PAD) ;
HTA et sujets âgés 9 • la pression artérielle pulsée ou différentielle (PP), qui reflète
HTA et insuffisance rénale 9 l’intermittence de l’éjection ventriculaire gauche et est définie
Urgences hypertensives 9 par la formule PP = PAS – PAD.
■ Conclusion 9 Hors contexte de réanimation, est utilisée ici pour la défini-
tion de l’HTA et des objectifs tensionnels principalement la PAS
et la PAD, indépendamment prédictives d’infarctus du myocarde
et d’AVC ischémique ou hémorragique [4] .
 Introduction
Niveau de pression artérielle
Entre 2006 et 2015, aucune amélioration du dépistage ou amé-
lioration de la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) La mortalité cardiovasculaire double pour chaque augmen-
n’a été observée, avec près d’un adulte sur trois sujets hyperten- tation de 20/10 mmHg de PA dès une PA aussi basse que
dus, un sujet hypertendu sur deux traités, et la moitié d’entre eux 115/75 mmHg [5] .
aux objectifs tensionnels [1] , contrastant avec le grand nombre L’American Heart Association (AHA) a redéfini l’HTA par une
d’antihypertenseurs disponibles et la quasi-gratuité des soins en PA supérieure à 130/80 mmHg [6] alors qu’elle reste définie à plus
France [2] . de 140/90 mmHg en Europe et dans le reste du monde [7] .

EMC - Cardiologie 1
Volume 35 > n◦ 1 > février 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-4568(20)66983-2

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11-301-B-10  Hypertension artérielle : aspect clinique, explorations et prise en charge

Tableau 1. • moins variable, permettant d’éviter un sur- ou sous-diagnostic


Définition de l’hypertension artérielle. d’HTA ;
Pression artérielle Systolique Diastolique • mieux corrélée à la mortalité totale et cardiovasculaire [9] .
(mmHg) (mmHg) Deux méthodes peuvent être utilisées : la mesure ambulatoire de
la pression artérielle (MAPA) ou l’automesure tensionnelle (AMT).
Consultation La MAPA consiste en un relevé automatique oscillométrique
Optimale < 120 et < 80 de la PA sur 24 heures, tous les 15 minutes durant la journée et
Normale 120–129 et/ou 81–84 toute les 30 minutes la nuit, par un brassard relié à un moniteur
Normale haute 130–139 et/ou 85–89 porté par le patient. Sa disponibilité et sa tolérance en limitent
son utilisation.
HTA grade I 140–159 et/ou 90–99
Elle permet d’identifier :
HTA grade II 160–179 et/ou 100–109 • les HTA masquées, décrites pour la première fois en 2002, cor-
HTA grade III ≥ 180 et/ou ≥ 110 respondent à une HTA en mesure ambulatoire mais pas en
Ambulatoire consultation. Elles sont associées à un surrisque d’événement
HTA diurne (MAPA, AMT) > 135 et/ou > 85 cardiovasculaire, de décès, d’hypertrophie ventriculaire gauche
et de protéinurie, et peuvent précéder de plusieurs années
HTA nocturne (MAPA) > 125 et/ou > 75
l’évolution vers une HTA de consultation [10] ;
HTA sur 24 h (MAPA) > 130 et/ou > 80 • les HTA blouse blanche, fréquentes, et correspondant à une
HTA : hypertension artérielle ; MAPA : mesure ambulatoire de la pression arté- HTA en consultation mais non en mesure ambulatoire. Leur
rielle de 24 heures ; AMT : automesures tensionnelles. risque cardiovasculaire rejoint celui des normotendus. Leur
prise en charge repose sur des mesures hygiénodiététiques
Nous retiendrons comme définitions pour cet article celles de seules avec une surveillance rapprochée de la PA du fait du
l’European Society of Cardiology (ESC) de 2018 [7] (Tableau 1). risque d’évolution vers une HTA essentielle ;
• les pics tensionnels ;
• certaines hypotensions orthostatiques ;
Mesure de la pression artérielle • la variabilité nycthémérale de la PA. Une réduction jusqu’à 10 %
de la PA la nuit est physiologique (profil dipper), tandis qu’un
Mesure de la pression artérielle en consultation profil non dipper (réduction < 10 % de la PA nocturne) ou la pré-
En consultation, la mesure de la PA brachiale par méthode aus- sence d’une HTA nocturne augmente le risque cardiovasculaire
cultatoire ou oscillométrique est la méthode de référence car elle global [9] .
est largement disponible en pratique. L’AMT repose sur trois mesures de PA par le patient en position
La méthode auscultatoire repose sur le repérage des phases I assise le matin et le soir, trois jours de suite, avec un tensio-
et V des bruits de Korotkoff, correspondant respectivement à mètre homologué. La moyenne des mesures correspond à la PA
l’apparition du premier et à la disparition du cinquième bruit de ambulatoire du patient. L’usage préférentiel d’un tensiomètre avec
Korotkoff pour définir la PAS et la PAD. brassard est recommandé, mais l’utilisation d’un tensiomètre au
Cette méthode est opérateur-dépendante, avec un risque poignet se justifie en cas de brassard inadapté à la morphologie
d’erreurs lié à l’arrondi des chiffres de PA. du patient, en veillant à ce que le tensiomètre soit positionné au
Un trou auscultatoire peut exister chez les patients avec une PP niveau du cœur pour éviter une surestimation de la PA liée à l’effet
élevée entre les phases II et III, aboutissant à une surestimation de hydrostatique.
la PAD en cas d’arrêt prématuré de l’auscultation. Elle permet aussi le diagnostic d’HTA blouse blanche ou mas-
La phase V de Korotkoff peut être difficile à distinguer dans les quée et implique le patient dans sa prise en charge, mais ne donne
situations d’hyperdébit. que des mesures statiques et pas d’information sur la PA nocturne.
La méthode oscillométrique repère l’oscillation de la pression de Il ne doit pas être proposé chez les patients non motivés, anxieux
l’onde de pouls la plus forte pour définir la PAM puis estime la PAS ou obsessionnels.
et la PAD par un algorithme. Cette méthode est souvent privilégiée
en raison d’une meilleure reproductibilité mais est sensible aux

 Évaluation du patient
brassards de taille inadaptée et est aléatoire en cas d’arythmie.
Cependant, la variabilité de la PA, liée à des facteurs intrinsèques
(respiration, baroréflexe artériel, tonus sympathique, système
rénine-angiotensine-aldostérone [SRAA]) ou extrinsèque (posture,
hypertendu
activité, tabagisme, émotions) limite la fiabilité des mesures ten- Par un examen clinique et des examens paracliniques basiques
sionnelles en consultation, justifiant une standardisation de son (électrocardiogramme, ionogramme sanguin, créatininémie, ban-
recueil. delette urinaire et bilan lipidique et glycémie à jeun), elle consiste
La PA doit être prise dans un milieu calme, au repos depuis à:
au moins cinq minutes, avec un relevé d’au moins trois mesures • confirmer l’HTA, évaluer sa sévérité et son évolution ;
(plus s’il existe une différence de pression artérielle d’au moins • rechercher les atteintes d’organe cible de l’HTA (Fig. 1) ;
10 mmHg entre les deux premières mesures et les suivantes), avec • stratifier le risque cardiovasculaire global du patient ;
un brassard adapté, le bras reposé, à hauteur du cœur. Lors de la • rechercher des arguments en faveur d’une HTA secondaire.
première consultation, la PA doit être mesurée aux deux bras pour
retenir comme référence le bras avec la PA la plus haute [7] .
La mesure tensionnelle automatique en consultation peut être
une alternative aux méthodes classiques pour s’affranchir partiel- Confirmation de l’HTA, de sa sévérité,
lement des variabilités tensionnelles liées à l’environnement et au et évolution
personnel de santé, permettant de réduire l’effet blouse blanche
et de mieux dépister les HTA masquées [8] . Introduite en 2010, elle L’HTA est en général asymptomatique.
consiste en un recueil tensionnel automatisé par méthode oscillo- L’HTA en consultation doit être confirmée par une mesure
métrique de cinq mesures sur cinq minutes, chez un patient dans ambulatoire de PA par MAPA ou AMT, ou sur au moins deux visites
une pièce seule. La moyenne de ces mesures est mieux corrélée dont la fréquence et l’intervalle sont inversement proportionnels
à la PA ambulatoire diurne en mesure ambulatoire de la pression à la sévérité de l’HTA [7] .
artérielle et en automesure tensionnelle. L’interrogatoire doit retracer l’histoire de l’HTA : date de début,
durée, évolution, traitements utilisés, leurs efficacités et effets
indésirables.
Mesure ambulatoire de la pression artérielle La sévérité de l’HTA dépend du niveau de PA et de ses
Par rapport à la PA de consultation, la PA ambulatoire est : complications.

2 EMC - Cardiologie

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Hypertension artérielle : aspect clinique, explorations et prise en charge  11-301-B-10

Organes cibles

Cérébrale Ophtalmologique Cardiaque Rénale Vasculaire

Infra clinique
EIM > 0,9 mm
Micro saignement
Rétinopathie IPS < 0,9
Infarctus Hypertrophie ventriculaire Micro
hypertensive VOP > 10 m/s
silencieux gauche albuminurie
minime Plaques
Leuraraiose
athéromes
Clinique chronique

Sténose
Rétinopathie Dysfonction Insuffisance
Fibrillation carotidienne
Démence hypertensive Angor stable diastolique/ rénale
atriale AAA
sévère systolique chronique
AOMI

Clinique aiguë
Dissection
Accident HTA maligne Syndrome
Insuffisance Insuffisance aortique
vasculaire (rétinopathie coronarien
cardiaque rénale aiguë Pré éclampsie
cérébral grade III/IV) aigu
Éclampsie
Explorations
Échographie-
DFG
ECG, ETT Doppler
lonogramme
sanguin et
Test d’ischémie ETT ECG (dépistage
IRM cérébrale Fond d’œil urinaire
(localisateur) NT-pro-BNP Holter ECG AAA si
PCR
> 65 ans et
échographie
Coronarographie ou
rénale
tabagique)

Figure 1. Complications de l’hypertension artérielle. AAA : anévrisme de l’aorte abdominale ; AOMI : artériopathie oblitérante des membres inférieurs ;
DFG : débit de filtration glomérulaire ; EIM : épaisseur intima-média ; ETT : échographie transthoracique ; PCR : protéinurie-créatininurie ratio ; VOP : vitesse
de l’onde de pouls.

Complications de l’HTA ventriculaire gauche. La réalisation d’examens complémentaires


spécifiques complètera ce bilan initial si nécessaire (Fig. 1).
Si les décès cardiovasculaires et complications aiguës de l’HTA Les atteintes infracliniques sont :
(infarctus du myocarde, AVC) reculent dans les pays industrialisés, • l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), soit électrocardio-
ses complications chroniques progressent avec l’allongement de graphique avec un indice de Sokolow-Lyon supérieur à 35 mm
l’espérance de vie [11] . ou un indice de Cornell supérieur à 20 mm chez la femme et
L’HTA augmente le risque de complications cardiovasculaire [3] , supérieur à 28 mm chez l’homme, une onde S en V1-V2 ou onde
rénale [3] et neurologique [12] , et aggrave celles préexistantes. R en V5-V6 supérieure ou égale à 30 mm, et un strain pattern,
Les atteintes d’organe cible, symptomatique (clinique) ou non soit échographique avec une masse ventriculaire gauche supé-
(infraclinique), augmentent le risque de décès et le risque cardio- rieure à 115 mg/m2 chez l’homme et supérieure à 95 mg/m2
vasculaire global [13] . chez la femme ;
Ces complications sont interdépendantes et peuvent se poten- • l’épaisseur intima-média supérieure à 0,9 mm ;
tialiser : • la microalbuminurie (définit par une quantité d’albumine
• les AVC et microangiopathies cérébrales augmentent le risque urinaire à 30–300 mg/24 heures ou par un rapport albu-
de démence [13] ; mine/créatininurie entre 30–300 mg/g sur échantillon) ;
• l’insuffisance cardiaque est favorisée par l’hypertrophie ventri- • la vitesse de l’onde de pouls carotidofémorale supérieure à
culaire gauche, les cardiopathies ischémiques et la fibrillation 10 m/s ;
atriale [14] ; • les atteintes cérébrales microvasculaires (leucoaraïose, infarctus
• l’association d’une fibrillation atriale et d’une insuffisance car- silencieux, microsaignements).
diaque à fraction d’éjection préservée augmente le risque de La réversibilité de l’HVG et de la microalbuminurie sous anti-
décès [15] . hypertenseur améliore le pronostic cardiovasculaire [16, 17] .
Pour ces raisons, leur recherche et leur prévention, entre autres
par un traitement précoce de l’HTA, est nécessaire.
L’examen clinique et des examens paracliniques basiques (élec-
trocardiogramme, bandelette urinaire, calcul du débit de filtration Stratification du risque cardiovasculaire
glomérulaire) recherchent un point d’appel : douleur angineuse, global
palpitation, trouble de la vision, déficit neurologique focal,
claudication artérielle, souffle vasculaire, diminution ou aboli- Le but de la stratification du risque cardiovasculaire est d’aider
tion de pouls périphérique, masse battante abdominale, signes à la décision thérapeutique et d’estimer le bénéfice d’une inter-
d’insuffisance cardiaque, troubles cognitifs, hématurie, protéinu- vention thérapeutique.
rie, leucocyturie, altération du débit de filtration glomérulaire La démarche de stratification du risque cardiovasculaire est
et signes électrocardiographiques d’ischémie ou d’hypertrophie représentée dans la Figure 2.

EMC - Cardiologie 3

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11-301-B-10  Hypertension artérielle : aspect clinique, explorations et prise en charge

Figure 2. Stratification du risque cardiovas-


Très haut RCV Haut RCV culaire global. CT : cholestérol total ; CV :
cardiovasculaire ; DFG : débit de filtration
Maladie cardiovasculaire glomérulaire ; FDRCV : facteurs de risque cardio-
Oui Insuffisance rénale DFG vasculaire ; HTA : hypertension artérielle ; HVG :
Atteinte d’organe cible hypertrophie ventriculaire gauche ; RCV : risque
clinique ? Insuffisance rénale DFG
30-60 ml/min/1,73 m2 cardiovasculaire.
< 30 ml/min/1,73 m2
Non

Sténose artérielle > 50 % HVG, micro-albuminurie


Atteinte d’organe cible
infra-clinique Oui Diabète et autres FDRCV
ou
FDRCV
Diabète compliqué HTA > 180/110 mmHg
sévères ?
CT > 8 mmol/l
Non

Score de risque Reclassement


cardiovasculaire ?
Score / addition des FDRCV
Autres FDRCV : Score calcique coronaire
- sexe Plaques d’athéromes périphériques
- > 55 ans, > 65 ans
- antécédents familiaux CV
< 55 ans, < 65 ans
- tabac
- dyslipidémie RCV intermédiaire et faible
- tour de taille ≥ 94 cm,
≥ 88 cm

Les recommandations européennes retiennent deux méthodes • atteinte d’organe cible disproportionnée par rapport au niveau
de stratification du risque cardiovasculaire pour les patients qui ne ou à la durée de l’HTA ;
sont pas d’emblée à haut ou très haut risque cardiovasculaire [7] : • HTA associée à des arguments cliniques ou paracliniques orien-
• l’addition des facteurs de risque cardiovasculaires : simple tant vers une HTA secondaire.
d’utilisation, elle prend en compte l’ensemble des facteurs de Il faut s’assurer au préalable de l’absence d’HTA iatrogène, lié à
risque cardiovasculaire du patient, mais n’intègre pas le poids de un traitement ou une substance inductrice d’HTA ou interférant
chaque facteur de risque et leurs interactions, est approximative avec le traitement antihypertenseur :
et peu reproductible [18] ; • anti-inflammatoire non stéroïdien ;
• l’indice SCORE, prédicteur de mortalité cardiovasculaire à dix • corticoïdes ;
ans. Il exclut les patients diabétiques, d’emblée considérés à • contraception estroprogestative ;
haut risque cardiovasculaire, et ne s’applique qu’aux individus • inhibiteur de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ;
de 40 à 65 ans. Il a l’avantage d’être calibré pour une popu- • alpha 1 mimétique (vasoconstricteur nasaux) ;
lation européenne, distinguant les pays à haut et bas risque • anticalcineurines (ciclosporine, tacrolimus) ;
cardiovasculaire, mais n’inclut pas tous les facteurs de risque • inducteurs enzymatiques : carbamazépine, rifampicine, anti-
cardiovasculaire (hérédité coronarienne par exemple), et des protéase, millepertuis ;
facteurs comme le tabac ne sont considérés qu’à titre qualitatif. • acide glycirrhizique (réglisse) ;
À noter que certains diabétiques de type 1 de moins de 30 ans • drogues sympathomimétiques (cocaïne, ecstasy, amphéta-
ou de type 2 de moins de 50 ans avec moins de dix ans de dia- mine).
bète, sans atteinte d’organe cible ou d’autre facteurs de risque
cardiovasculaire, peuvent être considérés à risque modéré [19] . Maladies rénales parenchymateuses
Le calcul du score calcique coronaire par la méthode d’Agatston
ou la recherche de plaques athéroscléreuse carotidienne et/ou Première cause d’HTA secondaire, c’est une famille hétérogène
fémorale en échographie-Doppler peut aider à affiner la stratifica- de pathologies responsables d’HTA par différents mécanismes.
tion du risque cardiovasculaire [19] . Il permet de reclasser en haut
ou bas risque cardiovasculaire les patients à risque cardiovascu- Sténose des artères rénales (SAR)
laire intermédiaire, les patients diabétiques sans complications et Il faut distinguer :
les patients à faible risque cardiovasculaire avec une hérédité coro- • la SAR athéromateuse, touchant plutôt l’homme, âgé, polyar-
narienne [20] , mais également de diminuer l’inertie thérapeutique tériel, aux facteurs de risque cardiovasculaire multiples. Son
et d’améliorer l’observance thérapeutique [21] . pronostic est plus lié au risque de complications cardio-
vasculaires que rénales. Ces patients relèvent d’abord d’un
Rechercher une cause secondaire d’HTA traitement médical optimal par statine, antiagrégant plaquet-
taire et contrôle optimal de la PA par un bloqueur du SRAA.
Les HTA secondaires sont rares, généralement rénale ou endo- Une angioplastie avec stenting se discute au cas par cas car elle
crinienne (Tableau 2), mais doivent être évoquées dans les cas n’a pas démontré d’amélioration du pronostic cardiovasculaire
suivants afin de proposer un traitement spécifique éventuellement ou rénal [22] . Elle est proposée en cas d’HTA non contrôlée sous
curatif [7] : traitement antihypertenseur, d’œdème aiguë du poumon (OAP)
• HTA survenue avant 40 ans ; flash, de sténose sur rein unique, de dégradation rapide de la
• aggravation rapide ou brutale d’une HTA connue et stable ; fonction rénale, ou d’insuffisance rénale aiguë sous inhibiteur
• HTA d’emblée sévère supérieure à 180/110 mmHg ; de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagoniste du récepteur
• HTA résistante ; de l’angiotensine II (ARA II) [23] ;

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Hypertension artérielle : aspect clinique, explorations et prise en charge  11-301-B-10

Tableau 2.
Causes rénales et endocriniennes d’hypertension artérielle secondaire : présentation et explorations.
Maladie rénale parenchymateuse
Néphropathie familiale, maladie inflammatoire systémique, Ionogramme sanguin, débit de filtration glomérulaire, protéinurie des 24 h
uropathie, hématurie, leucocyturie ou protéinurie ou rapport protéinurie/créatininurie sur échantillon, échographie rénale
Sténose des artères rénales
Souffle périombilical, œdème aigu du poumon flash, poussée TDM artères rénales, échographie-Doppler des artères rénales
hypertensive, insuffisance rénale, atrophie rénale unilatérale
Hyperaldostéronisme primaire
Crampe, faiblesse musculaire, incidendalome surrénalien Scanner des surrénales
Rénine et aldostérone plasmatique
Phéochromocytome
Céphalée, sueur, palpitation, urgence hypertensive, incidentalome Scanner abdominopelvien, métanéphrine et normétanéphrine urinaires
surrénalien
Hypercorticisme
Obésité faciotronculaire, faciès lunaire, peau fine, vergetures Cortisol urinaire des 24 h
violines, ecchymoses, contusions sans traumatisme visible, faiblesse Test de freinage minute à la dexaméthasone
musculaire proximale avec amyotrophie, ostéoporose inexpliquée Dosage du cortisol salivaire à minuit

TDM : tomodensitométrie.

• la SAR par dysplasie fibromusculaire, touchant préférentielle- Dans les autres cas ou en cas de refus de chirurgie, le traitement
ment la femme jeune, sans facteur de risque cardiovasculaire. repose sur la spironolactone à 1–2 mg/kg par jour. L’éplérénone
Elle donne un aspect caractéristique en perles enfilées en scan- est moins efficace et n’a pas d’autorisation de mise sur le marché
ner ou en angiographie et peut siéger également au niveau des (AMM) dans cette indication mais peut être une alternative en cas
troncs supra-aortiques, des artères viscérales et des artères des d’effets indésirables, comme l’amiloride.
membres. L’angioplastie au ballon seul est indiquée pour nor- La chirurgie par rapport au traitement médical ne diminue pas
maliser la PA et stopper l’ischémie rénale en aval de la sténose. les complications cardiovasculaires de l’hyperaldostéronisme [27] ,
Le risque d’insuffisance rénale aiguë sous IEC ou ARA II ne doit mais pourrait réduire les complications rénales (insuffisance
pas freiner leur utilisation car ils réduisent la mortalité, les infarc- rénale, hypokaliémie) [28] .
tus du myocarde, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque
et le risque de dialyse, sans risque significatif d’insuffisance rénale
aiguë ou d’hyperkaliémie [23] .
Phéochromocytome et paragangliome
Jusqu’à 45 % des tumeurs adrénergiques sont héréditaires, inté-
grées à une néoplasie endocrinienne multiple de type 2, une
Hyperaldostéronisme primaire
maladie de Von Hippel-Lidau, une neurofibromatose de type 1
Première cause endocrinienne d’HTA secondaire [24] , ou un syndrome phéochromocytome-paragangliome familial [29] .
l’hyperaldostéronisme primaire est en général la conséquence Le phéochromocytome est rare mais potentiellement mortel,
d’un adénome sécrétant ou d’une hyperplasie bilatérale des provoquant OAP, syndrome coronarien aigu, tachycardie ventri-
surrénales. culaire et syndrome de Tako-Tsubo, notamment dans sa forme
L’association d’une HTA et d’une hypokaliémie (définie à « inversée » [30] . Ces complications peuvent être déclenchées par
3,5 mmol/l, voire 3,7 mmol/l), permanente ou intermittente, les curares et les opiacés, les inhibiteurs de la monoamine oxy-
sous traitement diurétique ou non, avec une alcalose métabo- dase, la lévodopa, les antidépresseurs tricycliques, les inhibiteurs
lique et une kaliurèse inadaptée (plus de 30 mmol/24 h), oriente le de recapture de la sérotonine, les bêtabloquants, l’atropine et le
diagnostic. L’hypokaliémie est plus fréquente en cas d’adénome, métoclopramide.
mais peut aussi être absente [24] . À noter que l’incidence des Le diagnostic repose sur un dosage de métanéphrines et nor-
incidentalomes surrénaliens, la plupart du temps des adénomes métanéphrines plasmatiques ou urinaires supérieur à quatre fois
surrénaliens non fonctionnels, est de 1 à 4 % dans la popula- la normale. Le dosage urinaire permet d’avoir moins de faux
tion générale mais augmente avec l’âge (plus de 10 % au-delà de positifs mais impose un recueil des urines de 24 heures. Les sym-
70 ans) [25] . pathomimétiques, antidépresseurs tricycliques et inhibiteurs de
Le diagnostic d’hyperaldostéronisme primaire repose sur deux la monoamine oxydase interfèrent avec le dosage des métané-
rapports aldostérone sur rénine (RAR) au-dessus du seuil diag- phrines et des normétanéphrines. Le ratio métanéphrines totales
nostique (dépendant des techniques de dosage et des unités de sur créatininurie supérieur à 0,354 peut aider au diagnostic.
mesures utilisées) et d’une aldostérone plasmatique supérieure à En plus du scanner abdominopelvien, une scintigraphie au
550 pmol/l (ou 20 ng/dl) [26] . 123I-métaïodobenzylguanidine (123I-MIBG) est indiquée en cas
Le dosage de l’aldostérone et de la rénine se fait le matin, de phéochromocytome sporadique non métastatique avec un
deux heures après le lever, en position assise depuis 5 à 15 minutes, scanner normal ou lorsqu’une radiothérapie interne au MIBG
en régime normosodé, en normokaliémie et sous traitement est envisagée. La tomographie par émission de positons (TEP)-
« neutre » par alphabloquant, inhibiteur calcique non dihydropiri- scanner au 18-FDG est utilisée en cas de négativité de la
dinique ou antihypertenseur central, après au moins six semaines scintigraphie, dans les formes métastatiques et pour les paragan-
d’arrêt des antialdostérones et des contraceptions estroprogesta- gliomes cervicaux [31] .
tives, et deux semaines d’arrêt des bêtabloquants, thiazidiques et Le traitement des phéochromocytomes est chirurgical, réalisé
diurétiques de l’anse, inhibiteurs calciques dihydropyridiniques, par une équipe spécialisée, avec préparation au préalable par
IEC et ARA II. alphabloquant. Le suivi est à vie.
En cas de résultats douteux, l’absence de freination de
l’aldostérone par un test dynamique (par charge sodée
intraveineuse ou captopril) indique une sécrétion autonome
Syndrome de Cushing
d’aldostérone [26] . Il peut être :
En cas d’adénome de Conn unilatéral chez un sujet de moins de • endogène, par excès de production de glucocorticoïde, ou iatro-
35 ans ou de preuve par cathétérisme veineux surrénalien d’une gène ;
sécrétion d’aldostérone homolatérale de l’adénome, une surréna- • hormone adrénocorticotrope (ACTH)-dépendant, lié à un
lectomie peut être proposée pour normaliser la kaliémie et réduire microadénome pituitaire (maladie de Cushing) ou à une sécré-
la PA, sans garantie de guérison de l’HTA. tion paranéoplasique d’ACTH (carcinome pulmonaire à petite

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11-301-B-10  Hypertension artérielle : aspect clinique, explorations et prise en charge

cellule), ou ACTH-indépendant, lié à un adénome ou un carci- En Europe, le seuil d’intervention thérapeutique (médicamen-
nome surrénalien. teux ou non) reste supérieur ou égal à 140/90 mmHg quel que soit
Le dépistage de première ligne repose sur deux examens concor- l’âge, en ciblant une PA entre 130–139/70–79 mmHg pour tous les
dants parmi [32] : patients, et, parmi ceux-ci, une PA de 130/70–79 mmHg ou moins,
• un test de freinage minute à la dexaméthasone : la réponse phy- si toléré, sans descendre en dessous de 120/70 mmHg, entre 18 à
siologique est une freination de la sécrétion de cortisol dosé à 65 ans [7] .
huit heures (< 50 nmol/l) le lendemain d’une prise de 1 mg de La prise en charge de l’HTA repose sur les mesures hygiénodié-
dexaméthasone per os à minuit ; tétiques pour tous les patients, et les antihypertenseurs chez la
• un dosage du cortisol libre urinaire sur 24 heures ; majorité d’entre eux.
• un dosage du cortisol salivaire à minuit (> 4 nmol/l).

Coarctation de l’aorte Mesures hygiénodiététiques


Habituellement détectée dans l’enfance, la coarctation de
l’aorte peut n’être diagnostiquée qu’à l’âge adulte devant une fati- À l’exception de l’arrêt du tabac, toutes les mesures hygiéno-
gabilité des membres inférieurs à l’effort, un souffle systolique diététiques suivantes ont prouvé leur efficacité sur la réduction de
interscapulaire et sous-clavier gauche, une diminution des pouls PA [7] et sont en général synergiques avec le traitement pharma-
fémoraux, ou un gradient de pression supérieur à 20 mmHg entre cologique :
les membres supérieurs et inférieurs. • réduction des apports sodés (< 6 g/j), des acides gras saturés,
L’échographie transthoracique en coupe suprasternale permet des viandes rouges, et favoriser la consommation de fruits et
la visualisation de la coarctation en regard de l’aorte descendante légumes, poissons, noix, acides gras insaturés et produits laitiers
avec une dilatation poststénotique et un aliasing en Doppler cou- à faible teneur en gras ;
leur au niveau de la sténose. Un flux en « dents de scie » en • réduction pondérale pour un indice de masse corporelle entre
Doppler continu, avec augmentation systolique des vélocités et du 20 et 25 et un tour de taille inférieur à 94 cm chez l’homme, et
gradient maximal et prolongement diastolique, signe une coarcta- inférieur à 88 cm chez la femme ;
tion sévère. Lorsque la coupe suprasternale est inexploitable chez • réduction de la consommation d’alcool en dessous de 14 unités
l’adulte, un flux de même aspect en Doppler pulsé sur l’aorte d’alcool chez l’homme, et 8 unités chez la femme, par semaine ;
abdominale peut être recueilli par voie sous-costale, suggérant une • arrêt du tabac ;
sténose sus-diaphragmatique [33] . • activité physique aérobie d’intensité modérée avec au moins
L’angio-imagerie par résonance magnétique (angio-IRM) ou trois séances de 30 à 40 minutes par semaine.
l’angio-tomodensitométrie (angio-TDM) permet une quantifica- Ces mesures sont débutées dès des PA « normales hautes »
tion du degré de sténose et la visualisation de collatérales. (130-139/85-89 mmHg) et accompagnent toujours le traitement
La quantification du gradient trans-sténotique est possible en médicamenteux lorsqu’il est indiqué.
IRM. L’association à d’autres cardiopathies congénitales est cou- La réduction des apports sodées est primordiale :
rante (communication interventriculaire, canal artériel persistant, • car elle est trop élevée en France (3,77 g de sodium, soit 8,85 g
bicuspidie aortique). de sel par jour en moyenne [39] , 1 g de sodium [ou 43,5 mmol]
correspondant à 2,35 g de sel) ;
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil • une réduction modérée quotidienne de sodium (–1,9 g/j) sur
(SAOS) un mois diminue significativement la PA, d’autant plus chez le
sujet hypertendu (–5,39 mmHg de PAS, –2,2 mmHg de PAD) [40] ;
L’association d’une obésité, de céphalées matinales,
• certaines populations y sont plus sensibles (sujets noirs, sujets
d’endormissement diurne, d’une nycturie et d’une ronchopathie
âgés) ;
oriente le diagnostic.
• elle est synergique avec l’efficacité des antihypertenseurs à
Le profil tensionnel non dipper et l’HTA nocturne en MAPA sont
l’exception des inhibiteurs calciques dont l’effet natriurétique
fréquents.
est modéré, et permet de diminuer le risque d’hypokaliémie
Le traitement spécifique le plus efficace du SAOS est la pres-
induite par les diurétiques [41] .
sion positive continue, mais l’orthèse d’avancée mandibulaire est
La consommation de sodium journalière peut être évaluée par
mieux tolérée [34] . Son association aux antihypertenseurs est syner-
un ionogramme urinaire des 24 heures, par la formule natriurèse
gique [35] .
des 24 heures (mmol/l) / 17 = apport journalier en sel.
La réduction pondérale est indispensable au traitement du
La réduction de la PA par la réduction de la consommation
SAOS.
d’alcool est dose-dépendante avec un effet-seuil en dessous de
deux unités d’alcool [42] , une unité d’alcool correspondant à
 Prise en charge de l’HTA 8–10 g, soit 10 à 12 ml d’alcool pur, soit 8 cl de vin rouge à 12◦ ,
2,5 cl de whisky à 40◦ , ou 20 cl de bière à 5◦ .
Objectifs tensionnels Les régimes les plus connus sont les régimes :
• DASH (dietetary approches to stop hypertension), riche en fruits,
En théorie, le niveau de PA optimal devrait être celui où le légumes et produit laitiers pauvres en matière grasse, faible en
bénéfice du traitement sur la réduction du risque cardiovasculaire acide gras saturé et cholestérol. Associé à une restriction sodée,
globale excède le risque iatrogène pour chaque individu. il a démontré une réduction significative de PA d’autant plus
En pratique, un seuil de PA est nécessaire pour décider d’une importante chez les patients hypertendus dès deux semaines
intervention thérapeutique et en suivre l’efficacité. de régime, avec une persistance de ces bénéfices six semaines
Deux études ont testé l’hypothèse d’un bénéfice cardiovascu- après arrêt [43] ;
laire par une réduction de PAS inférieure à 120 mmHg contre un • méditerranéen, pauvre en acides gras saturés et riche en fruit,
contrôle standard (PAS < 140 mmHg), ACCORD [36] et SPRINT [37] , légumes, acides gras mono-insaturés, fibres et acide folique, qui
la première ne montrant pas de bénéfice de cette stratégie chez réduit la PA et le risque d’AVC, d’infarctus du myocarde et de
les patients diabétiques hypertendus, la seconde démontrant décès cardiaque chez les patients à haut risque cardiovasculaire
une réduction des événements cardiovasculaires majeurs chez en prévention primaire [44] .
les patients non diabétiques à haut risque cardiovasculaire, bien
que la PA médiane atteinte de 121,5 mmHg relevée par mesure
tensionnelle automatique sans personnel soignant dans l’étude Traitement pharmacologique
SPRINT aurait pu correspondre à des PA de consultation plus éle-
vées de 5 à 10 mmHg [8] . En France, 59 spécialités d’antihypertenseurs sont disponibles,
Pour l’AHA, le seuil de traitement et l’objectif tensionnel toutes disponibles en générique en dehors de l’Aliskiren [2] .
est désormais inférieur à 130/80 mmHg pour la plupart des Le traitement pharmacologique est débuté d’emblée dès une
patients [38] . PA :

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• supérieure ou égale à 160/100 mmHg ; Tableau 3.


• entre 140-159/90-99 mmHg chez les patients à haut ou très haut Effets indésirables des antihypertenseurs.
risque cardiovasculaire, ou avec atteinte d’organe cible. Effets indésirables dose-dépendants
Dans les autres cas, il est débuté après échec de trois à six mois
Diurétiques
de mesures hygiénodiététiques à partir de 140/90 mmHg de PA [7] .
Le choix d’un antihypertenseur repose : Tous : déshydratation, insuffisance rénale
Thiazidique, sulfamidés non thiazidique, diurétique de l’anse :
• sur l’efficacité attendue de l’antihypertenseur ;
hypokaliémie, hypocalcémie hypercalcémie, dysnatrémie,
• sur son efficacité prouvée sur la prévention de complications
hyperglycémie, hyperuricémie, goutte
spécifiques de l’HTA ;
Épargneur de potassium : hyperkaliémie
• sur les effets secondaires attendus ou la crainte d’un effet secon- Spironolactone : gynécomastie, dysfonction érectile, métrorragie,
daire spécifique ; féminisation d’un fœtus masculin, dépression, baisse de libido
• sur l’observance attendue du traitement et sa persistance ;
Inhibiteur calcique
• sur la possibilité d’une prise unique du traitement antihyper-
tenseur. Tous : œdème des membres inférieur, flush, hypertrophie gingivale
Inhibiteur calcique dihydropyridine : palpitations
Inhibiteur calcique non dihydropyridine : constipation (vérapamil),
Efficacité attendue bradycardie, bloc sinoatrial ou atrioventriculaire de haut degré,
insuffisance cardiaque
L’efficacité d’un traitement antihypertenseur dépend de la
classe et de la dose choisie, mais également du terrain (cf. infra). Bêtabloquants
La réduction de la PA varie de 6,5/4,5 mmHg à 13,3/7,8 mmHg Tous : hyperglycémie, dysfonction érectile, fatigue, bronchospasme,
en moyenne, la plus grande réduction étant obtenue sous ARA II et phénomène de Raynaud, bloc sinoatrial ou atrioventriculaire de haut
IEC, et la plus faible sous hydrochlorothiazide à 12,5 ou 25 mg [45] . degré, insuffisance cardiaque (contre-indication)
Bêtabloquants liposoluble (propranolol, métoprolol) : cauchemar,
dépression, hallucination
Prévention des complications de l’HTA Aténolol : hypotrophie fœtale
La réduction de la PA est le principal déterminant de la protec- Effets indésirables non dose-dépendants
tion cardiovasculaire, et prévaut donc sur la classe thérapeutique Inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC)
choisie [5] . Antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II
Néanmoins, les IEC et les ARA II, les bêtabloquants, les Insuffisance rénale, hyperkaliémie, malformation fœtale, angioœdème,
inhibiteurs calciques, les diurétiques thiazidiques ou apparentés toux (IEC)
(diurétiques sulfamidés non thiazidique comme la chlorthalidone
et l’indapamide) ont prouvé leur efficacité dans la réduction de la
PA et de la morbimortalité cardiovasculaire, et doivent être utilisés
en première intention. Leur efficacité dans la prévention des car- À noter qu’une relation dose- et temps-dépendante entre
diopathies ischémiques est similaire mais les inhibiteurs calciques l’utilisation d’hydrochlorothiazide et le risque de carcinomes
seraient plus efficaces pour prévenir les AVC [46] . cutanés non mélanocytaires a été retrouvée [49] .
Sont utilisés préférentiellement, selon les antécédents du Longue durée d’action et polythérapie monoprise
patient ou les complications à prévenir :
• les IEC et ARA II dans l’insuffisance rénale, le diabète, La compliance du traitement médicamenteux décroît avec
l’insuffisance cardiaque, les coronaropathies, les AVC, les arté- l’augmentation du nombre de comprimés [50] .
riopathies périphériques et l’insuffisance cardiaque ; Il faut donc privilégier :
• les inhibiteurs calciques dans l’angor, les artériopathies • les traitements à durée d’action couvrant 24 heures (par
oblitérantes des membres inférieurs, ou spécifiquement les inhi- exemple pour chaque classe : irbésartan, périndopril, amlo-
biteurs calciques non dihydropyridine pour les troubles du dipine, métoprolol LP, indapamide) pour privilégier les prises
rythme ; uniques ;
• les bêtabloquants dans l’angor, l’infarctus du myocarde récent, • les combinaisons fixes d’antihypertenseurs en cas de polythé-
l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée et les rapie.
troubles du rythme. Leur choix en thérapie initiale se réduit Les polythérapies antihypertensives monoprises sont d’autant
actuellement en raison de ses effets secondaires (Tableau 3), plus intéressantes :
d’une moindre protection contre les AVC comparé aux autres • qu’une bithérapie à faible dose est cinq fois plus efficace qu’une
classes [46] et de plusieurs registres soutenant l’absence de béné- monothérapie à double dose [51] ;
fice sur la mortalité des bêtabloquants au long cours un an après • que la compliance à une bithérapie fixe est meilleure que pour
un infarctus du myocarde [47] . une bithérapie libre [52] ;
Les antihypertenseurs centraux, alphabloquants, antagonistes • qu’en thérapie initiale elles permettent un contrôle plus rapide
des récepteurs aux minéralocorticoïdes et inhibiteurs directs de la de la PA et donc une réduction plus précoce et plus importante
rénine sont moins bien étudiés ou associés à plus d’effets indési- du risque cardiovasculaire [53] , sans augmentation significative
rables, et sont réservés en seconde intention. des effets indésirables [52] .
Les recommandations de l’ESC 2018 encouragent l’utilisation
des bithérapies fixes en traitement initial [7] . Seules deux bithé-
Effets secondaires des antihypertenseurs rapies fixes ont une AMM en France dans cette indication :
Les antihypertenseurs sont inégaux en termes de persistance Preterax® (périndopril/indapamide) 2,5/0,625 mg et Lodoz® (biso-
du traitement, la majorité de leurs arrêts survenant l’année de prolol/hydrochlorothiazide) 2,5/6,25 mg. Les trithérapies fixes ne
l’initiation. La meilleure persistance à trois ans est observée sous sont actuellement pas remboursées [2] .
ARA II (53 %), puis IEC, inhibiteurs calciques, bêtabloquants et
enfin diurétiques (29 %) [48] . Suivi
Les effets secondaires des principales classes thérapeutiques
sont présentés dans le Tableau 3. Contrôle, tolérance, observance et éducation
Sont contre-indiqués : L’objectif est d’obtenir un contrôle tensionnel dans les trois à
• les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques non dihydropyri- six mois suivant l’initiation du traitement, avec un suivi au moins
dine dans les troubles de conduction sévères ; mensuel, puis tous les trois à six mois après atteinte de l’objectif
• les inhibiteurs calciques non dihydropyridine dans tensionnel.
l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée ; En cas de non-contrôle de la PA, une escalade thérapeutique doit
• les bêtabloquants dans l’asthme sévère ; être menée jusqu’à obtention du niveau de PA voulu, en privilé-
• les diurétiques thiazidiques en cas d’antécédent de goutte. giant les polythérapies fixes, synergiques, couvrant 24 heures, et

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les cinq classes thérapeutiques ayant prouvé un effet cardioprotec- L’angioœdème sous IEC est plus fréquent dans cette population.
teur. La titration est en général progressive, débutée à faible dose,
mais une réduction tensionnelle plus brutale et rapide se justifie
dans les HTA de grade III ou de haut risque cardiovasculaire.
HTA et femme enceinte
En termes de tolérance, il faut dépister à chaque consultation les Il faut distinguer :
effets indésirables potentiels, parfois graves (hypokaliémie sévère • l’HTA chronique de la femme enceinte, présente avant
sous diurétique par exemple). 20 semaines aménorrhée (SA) ;
L’inobservance est multifactorielle. Dans le cas de l’HTA, on • l’HTA gestationnelle, survenant après 20 SA.
peut citer comme facteurs limitant son caractère asymptomatique, Si le diagnostic de l’HTA reste identique à la population géné-
la non-compréhension du bénéfice attendu de l’intervention, les rale, la cible tensionnelle est différente (< 160/85-100 mmHg), le
effets secondaires et la complexité des traitements, et l’association but étant de prévenir les complications maternelles de l’HTA. Son
d’une dépression ou d’une démence freinant l’observance. Ces contrôle strict ne diminue pas le risque de prééclampsie et peut
facteurs d’inobservance doivent être détectés afin d’adapter le induire une hypotrophie fœtale [60] .
traitement aux comorbidités et mode de vie du patient, de les Quatre antihypertenseurs ont une AMM durant la grossesse : la
simplifier, et d’éviter une escalade thérapeutique inutile, voire nicardipine, la nifédipine, l’alpha-méthyl-dopa et le labétalol. Les
dangereuse. Un dosage urinaire des antihypertenseurs peut par- antihypertenseurs contre-indiqués sont les IEC et ARA II, respon-
fois s’avérer utile pour dépister une inobservance ou un trouble du sables de malformation osseuse et d’insuffisance rénale fœtale,
métabolisme des médicaments, mais pose un problème éthique. l’aténolol en raison du risque d’hypotrophie fœtale, et la spirono-
Une éducation thérapeutique et une évaluation des connaissan- lactone, qui peut induire une féminisation d’un fœtus masculin.
ces du patient sur l’objectif du traitement de l’HTA sont de mise La prééclampsie, cause majeure de mortalité maternofœtale,
à chaque consultation. Comme pour toutes les maladies chro- complique 8 % des grossesses et se manifeste entre 20 SA et la
niques, une approche pluridisciplinaire avec différents acteurs de sixième semaine du post-partum par la présence d’une HTA et
santé (pharmaciens, infirmières, diététiciens) afin de pouvoir déli- d’une protéinurie [60] . Elle est sévère lorsqu’elle s’associe à une HTA
vrer des conseils réguliers, une éducation thérapeutique intensive sévère, une oligurie inférieure à 500 ml/24 h, une créatininémie
et une aide à la prise des traitements permet une meilleure adhé- supérieure à 135 mmol/l, une protéinurie supérieure à 3 g/24 h,
sion du patient au projet thérapeutique [54] . un OAP, une douleur en barre épigastrique persistante, un HELLP
syndrome (hémolyse, élévation des enzymes hépatiques et throm-
HTA résistante bopénie), des signes neurologiques persistants ou un hématome
Elle est définie par une HTA supérieure ou égale à 140/90 mmHg rétroplacentaire.
en consultation, confirmée en MAPA ou AMT, malgré l’observance La prééclampsie sévère justifie une réduction tensionnelle
des mesures hygiénodiététiques et d’une trithérapie antihyperten- rapide à moins de 160/105 mmHg [7] et doit faire discuter
sive incluant un diurétique thiazidique (ou apparenté) à bonne l’interruption de la grossesse (interruption médicale de grossesse
dose, en l’absence d’HTA iatrogène ou secondaire. avant 24 SA, déclenchement de la grossesse après). En revanche, la
Elle concerne près de 15 % des sujets hypertendus et est associée restriction hydrosodée n’améliore pas le pronostic maternofœtal.
à un surrisque de décès et d’événements cardiovasculaires [55] . Au décours de la grossesse, les traitements compatibles avec
La majoration du traitement dans l’HTA résistante se fait : l’allaitement sont la nicardipine, la nifédipine, l’alphaméthyl-
• par l’ajout de spironolactone et, en cas d’intolérance, dopa, le labétalol, le propranolol et certains IEC (bénazepril,
d’éplérénone (hors AMM) ou d’amiloride, ou de dose plus éle- quinalapril, captopril et énalapril) en l’absence de prématurité ou
vée de diurétique thiazidique ou apparenté, voire de diurétique d’insuffisance rénale chez le nouveau-né.
de l’anse en cas d’insuffisance rénale sévère ; En cas de désir de nouvelle grossesse, une information sur le
• par l’ajout d’alphabloquant, inhibiteurs centraux ou bêtablo- risque de récidive, d’HTA, de prééclampsie, de retard de croissance
quant. intra-utérin et de prématurité doit être donnée.
Un blocage néphronique séquentiel sur trois niveaux de réab- En cas d’antécédent de prééclampsie, une prévention des réci-
sorption sodée par un thiazidique, un diurétique de l’anse et la dives par aspirine 75-160 mg dès 20 SA et jusqu’à 35 SA est justifiée.
spirolactone est possible mais expose à un risque d’insuffisance
rénale aiguë, de déshydratation et d’hypokaliémie [56] . HTA de l’enfant
En cas de résistance persistante malgré l’ajout de spironolac-
tone à la trithérapie initiale, un traitement interventionnel par Sa prévalence augmente chez l’enfant avec la progression de
dénervation rénale ou stimulation du baroréflexe peut être pro- l’obésité infantile [61] .
posé en centres spécialisés, en général dans le cadre de protocoles La mesure de la PA par méthode auscultatoire au sphygmo-
de recherche clinique. manomètre avec un brassard adapté est la référence, mais une
méthode oscillométrique peut être utilisée chez le nourrisson, le
nouveau-né et le jeune enfant.
Réduction du risque cardiovasculaire global L’HTA chez l’enfant est définie par une PA [61] :
La réduction du risque cardiovasculaire global passe par le trai- • supérieure à 95/75 mmHg chez le nouveau-né ;
tement des autres facteurs de risque cardiovasculaire, notamment • supérieure à 115/75 mmHg entre 8 semaines et 1 an ;
l’arrêt du tabac qui est un cofacteur majeur de complications • supérieure au 95e percentile pour la taille, l’âge et le sexe entre
cardiovasculaires [57] , l’utilisation de statine avec un objectif de 1 et 13 ans ;
LDL-cholestérol adapté au risque cardiovasculaire, et l’utilisation • supérieure à 130/80 mmHg au-delà de 13 ans.
d’aspirine en prévention secondaire. Elle doit être confirmée en consultation à deux reprises sur
En prévention primaire, l’aspirine n’a quasiment plus 15 jours. La MAPA peut être utilisée chez l’enfant de plus de 5 ans
d’indication, son bénéfice étant tout au plus modeste avec ou de plus de 120 cm, et fait le diagnostic en cas d’HTA présente
un surrisque hémorragique significatif [58] . sur plus de 25 % du relevé. Les AMT sont réalisables dès 7 ans.
L’HTA est en général secondaire avant la puberté, coarctation
aortique chez le nouveau-né, cause rénale chez l’enfant, et le plus
 HTA et cas particuliers souvent essentielle chez l’adolescent.
En dehors du traitement étiologique, le traitement repose
HTA et sujet noir d’abord sur les mesures hygiénodiététiques, la lutte contre
l’obésité et la sédentarité.
Chez le sujet noir, l’HTA est plus fréquente et sévère, néces- Le traitement médicamenteux intervient en cas d’échec de
sitant souvent une polythérapie incluant un inhibiteur calcique mesures hygiénodiététiques, ou d’emblée en cas de retentissement
et/ou un diurétique. L’association inhibiteur calcique et IEC ou viscéral (hypertrophie ventriculaire gauche, insuffisance rénale,
diurétique a montré sa supériorité par rapport à une association microalbuminurie, rétinopathie hypertensive), d’association à un
IEC et diurétique [59] chez le sujet noir. diabète ou une néphropathie, ou d’urgence hypertensive [61] .

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Hypertension artérielle : aspect clinique, explorations et prise en charge  11-301-B-10

Les traitements autorisés en pédiatrie sont : le lopril, l’énalapril, traitée. Son dépistage par une simple mesure de la PA en consulta-
le périndopril, le valsartan, la nifédipine, la nicardipine, tion est largement disponible et à la portée de tous les médecins,
l’amlodipine, le furosémide, le bumétanide, l’acébutolol et le labé- de même que l’accessibilité aux soins en France et le large choix
talol. d’antihypertenseurs devraient faciliter sa prise en charge. Les
avancées futures, entre autres avec l’utilisation de l’intelligence
artificielle dans l’aide à la stratification du risque cardiovascu-
HTA et sujets âgés laire [67] et le suivi par télémédecine ou application mobile,
permettront certainement une meilleure personnalisation du trai-
Le traitement de l’HTA dans cette population réduit le risque
tement et du suivi [68] .
d’AVC, d’insuffisance cardiaque, de démence et de décès [62] ,
également chez le sujet âgé « fragile » [63] . L’HTA est souvent
uniquement systolique. Un traitement antihypertenseur doit être
débuté si la PAS est supérieure ou égale à 160 mmHg à partir de
80 ans ou supérieure ou égale à 140 mmHg entre 65 et 80 ans chez
“ Points essentiels
le sujet non fragile [7] .
Les sujets âgés sont plus susceptibles de présenter une HTA • L’hypertension artérielle en consultation doit être confir-
« blouse blanche » et une hypotension orthostatique (10 à 20 % mée le plus souvent par une mesure ambulatoire (MAPA
des sujets de plus de 60 ans en ambulatoire, et jusqu’à 60 % en ou automesure tensionnelle).
milieu hospitalier [64] ), justifiant une confirmation de l’HTA par • La recherche orientée des atteintes d’organes cibles cli-
une mesure ambulatoire.
niques et infracliniques est essentielle pour stratifier le
L’augmentation de la rigidité artérielle rendrait les diurétiques et
les inhibiteurs calciques plus efficaces chez le sujet âgé. Le régime risque cardiovasculaire global du patient.
hyposodé trop strict est à proscrire, au risque d’une dénutrition.
• La base du traitement de l’hypertension artérielle est
pharmacologique, adapté au patient et à ses antécédents.
• La réduction tensionnelle prévaut sur la classe
HTA et insuffisance rénale d’antihypertenseur choisie.
• La prise en charge de l’hypertension artérielle doit être
L’HTA de l’insuffisant rénal s’explique par une rétention hydro-
sodée et une stimulation du SRAA, justifiant l’utilisation de personnalisée et intégrée dans un but de réduction du
diurétique de l’anse pour des débits de filtration glomérulaire risque cardiovasculaire global.
inférieurs à 30 ml/min. Les IEC et ARA II réduisent en plus la • Les cas d’hypertension artérielle secondaire doivent être
protéinurie et la progression de l’insuffisance rénale [65] , mais ne reconnus afin d’instaurer un traitement spécifique, poten-
doivent pas être utilisés en association. tiellement curatif.

Urgences hypertensives
L’urgence hypertensive associe une HTA sévère et : Déclaration de liens d’intérêts : A. Cinaud : Astra-Zeneca, Bayer, Bristol-
• une souffrance viscérale engageant le pronostic vital : HTA Mayer, Boehringer Ingelheim, Daiichi Sankyo, Medtronic, MSD, Novartis, Pfizer,
maligne, encéphalopathie hypertensive, AVC ischémique ou Pierre Fabre, Sanofi Aventis, Servier, Vifor ; J. Blacher : Amgen, ANSM, Astra-
hémorragique, hémorragie sous-arachnoïdienne, syndrome Zeneca, Bayer, Boehringer Ingelheim, Bouchara, CNAM, Daiichi Sankyo, Egis,
coronarien aigu, dissection aortique, OAP, prééclampsie et Ferring, HAS, Ipsen, Lilly, Le Quotidien du Médecin, Medtronic, Menarini,
éclampsie, crises hypertensives par hyperstimulation sympa- MGEN, MSD, Novartis, Pharmalliance, Pierre Fabre, Pileje, Quantum genomics,
thique (phéochromocytome, cocaïne, LSD, ecstasy, amphéta- Sanofi Aventis, Saint Jude, Servier, Takeda.
mine) ; ou
• une situation où l’absence de prise en charge serait responsable
de complications majeures (HTA périopératoires).  Références
Son traitement est hospitalier, par antihypertenseur intravei-
neux d’action rapide de demi-vie courte, instauré immédiatement [1] Perrine A-L, Lecoffre C, Blacher J, Olié V. L’hypertension artérielle
sauf en cas de signes neurologiques focaux, où une imagerie céré- en France : prévalence, traitement et contrôle en 2015 et évolutions
brale est réalisée au préalable car, à l’exception de PA très élevées, depuis 2006. Bull Epidemiol Hebd 2018;(n◦ 10):170–9.
l’HTA est le plus souvent respectée en cas d’AVC. [2] Laurent S, Bejan-Angoulvant T, Boutouyrie P. Current flaws in
antihypertensive treatments and correction. Bull Acad Natl Med
En dehors des dissections aortiques nécessitant une réduction
2018;202:1561–9.
immédiate de la PAS entre 100-120 mmHg, l’objectif du traitement
[3] Forouzanfar MH, Liu P, Roth GA, Ng M, Biryukov S, Marczak L, et al.
est une réduction relativement rapide mais contrôlée de la PA, sans Global burden of hypertension and systolic blood pressure of at least
viser sa normalisation dans un premier temps. 110 to 115 mmHg, 1990-2015. JAMA 2017;317:165.
L’HTA maligne est une forme particulière d’urgence hyper- [4] Flint AC, Conell C, Ren X, Banki NM, Chan SL, Rao VA, et al. Effect
tensive associant HTA et rétinopathie hypertensive sévère of systolic and diastolic blood pressure on cardiovascular outcomes. N
(hémorragie rétinienne, exsudat ou œdème papillaire) qui Engl J Med 2019;381:243–51.
peut évoluer vers une atteinte multiorgane, le plus souvent, [5] Lewington S, Clarke R, Qizilbash N, Peto R, Collins R. Age-specific
encéphalopathie hypertensive, néphroangiosclérose accélérée et relevance of usual blood pressure to vascular mortality: a meta-analysis
microangiopathie thrombotique. Son pronostic est sombre sans of individual data for one million adults in 61 prospective studies.
traitement (80 % de décès à 2 ans). Lancet 2002;360:1903–13.
La poussée tensionnelle non compliquée est un motif de consul- [6] Whelton PK, Carey RM, Aronow WS, Casey DE, Collins KJ,
tation fréquent aux urgences. Sa prise en charge repose sur une Dennison Himmelfarb C, et al. 2017 ACC/AHA/AAPA/ABC/
majoration ou une introduction d’antihypertenseur per os et ACPM/AGS/APhA/ASH/ASPC/NMA/PCNA Guideline for the pre-
un suivi au long cours. Ces patients sont à faible risque de vention, detection, evaluation, and management of high blood pressure
complications cardiovasculaires à court terme (moins de 1 % à in adults: a report of the American College of Cardiology/American
6 mois) et leur hospitalisation n’améliore pas leur pronostic [66] . Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. Circu-
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A. Cinaud.
J. Blacher (jacques.blacher@aphp.fr).
Centre de diagnostic et de thérapeutique, Unité hypertension artérielle, Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75181 Paris cedex 4, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Cinaud A, Blacher J. Hypertension artérielle : aspect clinique, explorations et prise en charge.
EMC - Cardiologie 2021;35(1):1-11 [Article 11-301-B-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

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Hypertension artérielle maligne


A. Lorthioir, A.-M. Madjalian, L. Amar, M. Azizi

Résumé : L’hypertension artérielle (HTA) maligne est une urgence hypertensive caractérisée par
l’association d’une pression artérielle élevée à une rétinopathie avancée (hémorragies en flammèches,
nodules cotonneux, œdème papillaire). C’est une situation rare, qui ne doit pas être confondue avec
les situations plus fréquentes que sont les HTA de grade 3 isolées, ou les autres urgences hypertensives,
cardiovasculaires ou neurologiques principalement, qui ne partagent ni la même physiopathologie, ni la
même prise en charge. L’HTA maligne est marquée classiquement par une activation majeure du système
rénine-angiotensine parfois associée à de la microangiopathie thrombotique. Dans les formes les plus
sévères, l’HTA maligne se complique d’encéphalopathie hypertensive pouvant évoluer jusqu’au syndrome
d’encéphalopathie postérieur réversible et d’insuffisance rénale sévère (néphro-angio-sclérose maligne).
Ces atteintes d’organes multiples justifient l’émergence d’un nouveau concept HTA-MOD (multi-organ
damage) censé définir plus exactement la réalité de l’HTA maligne au XXIe siècle. La prise en charge repose
sur l’hospitalisation en milieu spécialisé avec instauration d’un traitement antihypertenseur intraveineux
permettant de faire baisser la pression artérielle dès les premières heures, associé à une réhydratation
intraveineuse. Secondairement, l’introduction d’inhibiteur de l’enzyme de conversion, à dose faible et pro-
gressivement croissante, permet d’obtenir le contrôle de la pression artérielle. Une enquête étiologique
complète doit être réalisée dès la prise en charge, à la recherche d’une cause rénale, rénovasculaire,
endocrine, médicamenteuse ou toxique. Cependant, le plus fréquemment il s’agit d’HTA essentielle non
connue ou non traitée. Le suivi de ces patients est important car leur pronostic cardiovasculaire et rénal,
bien que nettement amélioré depuis les premières descriptions de la maladie, reste moins bon que celui
des autres patients hypertendus. Dans les années qui viennent, de nombreux travaux réalisés dans le
cadre du registre français de l’HTA maligne (HAMA), coordonné par la Société française d’hypertension
artérielle, devraient permettre de préciser les critères diagnostiques de cette maladie, son pronostic et sa
physiopathologie.
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Mots-clés : Hypertension artérielle ; Urgence hypertensive ; Néphro-angio-sclérose maligne ;


Rétinopathie hypertensive

Plan ments antihypertenseurs oraux. Certains patients, en revanche,


ont des signes ou des symptômes d’atteinte aiguë et continue
■ Introduction 1 des organes cibles avec simultanément une élévation impor-
tante de la PA. Ces patients ont une urgence hypertensive, dont
■ Définitions 1 fait partie l’hypertension artérielle (HTA) maligne. Les urgences
■ Épidémiologie 3 hypertensives peuvent survenir chez des patients avec ou sans
■ Physiopathologie 3 HTA préexistante connue. Il n’existe pas de seuil tensionnel spé-

cifique, car les personnes qui développent une élévation aiguë
Présentation clinique de l’HTA maligne 4
de la PA peuvent développer des symptômes si la pression précé-
■ Prise en charge thérapeutique 5 dente était normale, l’exemple typique étant celui de la femme
■ Pronostic et suivi 7 enceinte qui développe une éclampsie ou du jeune adulte qui
■ Conclusion et perspectives 7 développe une glomérulonéphrite aiguë. La prise en charge de
ces situations nécessite une évaluation clinique systématisée qui
■ Annexe A. Autres urgences hypertensives 7 permet, parfois avec l’appui d’examens paracliniques, de diffé-
rencier une HTA sévère sans souffrance viscérale immédiate d’une
urgence hypertensive.
 Introduction
La plupart des patients dont la pression artérielle (PA) est signifi-  Définitions
cativement élevée ne présentent aucune atteinte aiguë des organes
cibles (cœur, rein, cerveau, artères, œil) et relèvent d’une prise Les urgences hypertensives sont un ensemble de situations
en charge ambulatoire avec l’introduction progressive de traite- dans lesquelles l’élévation de la PA entraîne une atteinte aiguë

EMC - Cardiologie 1
Volume 35 > n◦ 1 > février 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-4568(20)66867-X

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11-301-K-20  Hypertension artérielle maligne

Tableau 1.
Définitions liées à l’hypertension artérielle (HTA).
Définitions actuelles
HTA de grade 3 ou HTA sévère Pression artérielle systolique ≥ 180 mmHg et/ou pression artérielle diastolique ≥ 110 mmHg
Urgences hypertensives (en Situations dans lesquelles des valeurs de pression artérielle très élevées sont associées à une atteinte aiguë
anglais hypertensive emergencies) des organes cibles, secondaire à l’HTA, et qui requièrent donc une réduction immédiate de la pression
artérielle afin de limiter l’extension ou de permettre la régression des dommages de l’organe cible. Les
organes cibles sont : le cœur, la rétine, le cerveau, les reins, les grosses artères
HTA maligne Urgence hypertensive caractérisée par la présence d’une élévation sévère de la pression artérielle
(généralement > 200/120 mmHg, mais pas de seuil requis), associée à une rétinopathie avancée, définie
comme la présence bilatérale d’hémorragies en flammèches, d’exsudats cotonneux et d’œdème papillaire
Anciens termes (à ne plus utiliser)
Fausse urgence hypertensive ou Élévations importantes (souvent de grade 3) de la pression artérielle mais sans souffrance viscérale
non-urgence hypertensive (en
anglais hypertensive urgencies)
Poussée hypertensive ou crise Termes employés pour désigner une HTA (souvent de grade 3), parfois symptomatique, avant d’avoir
hypertensive évalué s’il y a une souffrance viscérale. Le terme est aussi parfois employé pour désigner une HTA de
grade 3 sans souffrance viscérale (fausse urgence hypertensive)

Figure 1. Hypertensions artérielles (HTA) sévères et urgences


Urgence HTA sévère
hypertensives de l’HTA. PA : pression artérielle ; PRES : posterior
hypertensive (= HTA de grade 3)
reversible encephalopathy syndrome ; SCA : syndrome corona-
rien aigu ; OAP : œdème aigu du poumon ; AVC : accident
vasculaire cérébral.
Élévation de la PA avec atteinte
aiguë des organes cibles

• HTA maligne PA ≥ 180/110 mmHg sans atteinte


• Encéphalopathie hypertensive, PRES aiguë d’organe cible
• SCA/OAP
• AVC ischémique ou hémorragique
• Dissection aortique
• Prééclampsie

Prise en charge
Hospitalisation
ambulatoire

des organes cibles qui nécessite une prise en charge rapide, en dans certains cas d’atteinte rénale et cérébrale [7, 8] . Il est donc
milieu hospitalier et sous surveillance rapprochée, afin d’obtenir suggéré que le fond d’œil ne soit plus indispensable au diagnos-
une baisse de la PA [1–3] (Tableau 1). L’HTA maligne fait par- tic [6] . Le terme « microangiopathie hypertensive » est proposé
tie des urgences hypertensives, aux côtés des élévations sévères puisque l’atteinte de la microcirculation est au premier plan et
et symptomatiques de la PA associées à un syndrome corona- semble même être le facteur causal physiopathologique, avec sou-
rien aigu (SCA), un œdème aigu du poumon (OAP), un accident vent une insuffisance rénale associée, des lésions microvasculaires
vasculaire cérébral (AVC), une dissection aortique ou une pré- aiguës cérébrales et une microangiopathie thrombotique [1] . Une
éclampsie [1] (Fig. 1). Il n’y a pas de valeur seuil de PA systolique approche moderne est également proposée, qui regroupe l’atteinte
ou diastolique ni nécessaire ni suffisante pour porter un diag- de différents organes cibles sous le terme d’HTA-MOD (multi-
nostic d’urgence hypertensive ou d’HTA maligne. La présence organ damage), sans que l’atteinte du fond d’œil soit nécessaire [6] .
d’une atteinte viscérale prime sur le niveau tensionnel. Cer- Dans cette définition, le diagnostic d’HTA-MOD peut être porté
taines recommandations proposent un seuil de 180/120 mmHg [4] chez un patient ayant une élévation tensionnelle aiguë avec une
mais ce seuil n’est pas adapté à certaines urgences (comme atteinte subaiguë d’au moins trois des quatre organes cibles (rein,
l’éclampsie) qui peuvent apparaître à un niveau de PA inférieure cœur, cerveau, microangiopathie) (Tableau 2). En pratique, le
à 180/120 mmHg. Dans l’HTA maligne, la PA est généralement terme d’HTA maligne reste largement employé. L’encéphalopathie
supérieure à 200/120 mmHg [1] mais c’est surtout la vitesse hypertensive est cliniquement présente chez 10 à 15 % des
d’installation et le niveau tensionnel de départ qui comptent. patients présentant une HTA maligne mais des travaux montrent
La définition « classique » de l’HTA maligne est l’association que la réalisation d’une imagerie par résonance magnétique (IRM)
d’une PA élevée à une rétinopathie hypertensive avancée au cérébrale systématique permet de trouver des anomalies dans 93 %
fond d’œil : hémorragies en flammèches, nodules cotonneux, des cas [9] . Cet examen étant également peu disponible, la défini-
œdème papillaire. Faisant suite à la description de la néphro- tion est amenée à évoluer. Les termes « crise aiguë hypertensive »
angio-sclérose maligne en 1914 par Volhard et Fahr, le terme ou « fausse urgence hypertensive » et « poussée hypertensive » (en
d’« hypertension maligne » est entré dans le lexique médical en anglais hypertensive urgencies) ont été utilisés pour désigner les élé-
1927 car, à cette époque, les patients atteints de cette maladie vations sévères de la PA (généralement > 180/110 mmHg) qui ne
avaient un pronostic similaire à celui de patients atteints de nom- s’accompagnent d’aucune atteinte d’organe cible et relèvent d’une
breux cancers [5] . Le pronostic s’étant nettement amélioré avec prise en charge ambulatoire. Ces termes apportent de la confu-
les traitements de l’HTA, le terme « HTA maligne » ne semble sion car ils augmentent le nombre de termes utilisés pour décrire
plus approprié [6] . De plus, la rétinopathie est parfois absente des situations similaires. Le mot urgencies n’a pas d’équivalent en

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Hypertension artérielle maligne  11-301-K-20

Tableau 2.
Critères d’atteinte des organes cibles pour l’hypertension artérielle (HTA)- HTA sévère non contrôlée
MOD (multi-organ damage) (d’après Cremer et al. [6] ) a .
Rein Dégradation récente de la fonction rénale
(augmentation de la créatinine de plus de 30 %
par rapport à la valeur antérieure) Natriurèse Augmentation des Altération de
Protéinurie de pression résistances l’autorégulation
vasculaires
Cœur Hypertrophie ventriculaire gauche
rénales et
Altérations de la fonction systolique
périphériques
Anomalies de la repolarisation à l’ECG
Augmentation de la troponine
Cerveau Encéphalopathie hypertensive, PRES
Maladie des petits vaisseaux cérébraux Activation Lésions Atteinte des
(anomalies de la substance blanche, microbleeds, du SRA microcirculatoires organes cibles
lacunes) (hémorragie,
AVC ischémique ou hémorragique œdème,
Microangiopathie Stigmates biologiques de microangiopathie ischémie)
thrombotique : Figure 2. Physiopathologie de l’hypertension artérielle (HTA) maligne.
- anémie hémolytique mécanique (baisse de SRA : système rénine-angiotensine.
l’haptoglobine, augmentation des LDH,
présence de schizocytes)
- thrombopénie dans les travaux rétrospectifs, le diagnostic de l’urgence hyperten-
sive de l’organe le plus symptomatique soit rapporté et le patient
ECG : électrocardiogramme ; PRES : posterior reversible encephalopathy syndrome ;
AVC : accident vasculaire cérébral ; LDH : lactate déshydrogénase. catégorisé sur cette atteinte d’organe, sans avoir de fond d’œil. De
a
Le diagnostic de HTA-MOD peut être porté en cas de rétinopathie sévère plus, les HTA malignes sont parfois classées parmi les « encépha-
(stade III ou IV) ou de l’atteinte d’au moins trois des quatre organes cibles du lopathie hypertensive » ou « insuffisance rénale aiguë » [15, 18] .
tableau. Chaque atteinte d’organe est peu spécifique isolément, surtout si une
référence récente n’est pas disponible. C’est l’association de plusieurs atteintes
d’organe cible, d’allure aiguë et disproportionnée qui est évocatrice dans le
contexte.
 Physiopathologie
français alors que le terme emergencies est traduit par « urgence » en La physiopathologie de l’HTA maligne reste imparfaitement
français, ce qui ajoute à la confusion. Ces termes ne doivent plus connue. Plusieurs mécanismes sont impliqués (Fig. 2). Le niveau
être employés. Des travaux montrent que le risque cardiovascu- tensionnel joue un rôle important puisque le risque de déve-
laire à court terme des patients ayant une HTA de grade 3 n’est pas lopper une HTA maligne augmente avec le niveau tensionnel.
particulièrement élevé et l’adressage de ces patients aux urgences Néanmoins, c’est surtout la brutalité d’installation qui semble pré-
n’améliore pas le pronostic cardiovasculaire ni le contrôle de la judiciable, davantage que les chiffres de PA en eux-mêmes [7, 19] .
PA à six mois [10] . Il n’y a donc pas lieu de les différencier des De plus, certains patients ont des chiffres élevés de PA par-
autres HTA chroniques (de grade 1 et de grade 2) et ces patients fois pendant de nombreuses années et ne développent pas
relèvent d’une prise en charge ambulatoire. En résumé : une HTA d’HTA maligne. D’autres, avec des élévations tensionnelles plus
de grade 3 sans atteinte aiguë des organes cibles s’appelle une modestes, développent une HTA maligne. Une hyperactiva-
HTA de grade 3 ; une HTA (le plus souvent de grade 3) avec tion du système rénine-angiotensine (SRA) est fréquente et
atteinte aiguë des organes cibles s’appelle une urgence hyperten- les dosages hormonaux réalisés initialement trouvent souvent
sive (Fig. 1). un hyperaldostéronisme secondaire. L’hyperactivation du SRA
est souvent associée à l’importance des dommages microvas-
culaires [7] . L’élévation de la PA dépasse souvent les capacités
 Épidémiologie d’autorégulation rénale, ce qui induit une natriurèse de pression
qui participe à l’activation excessive du SRA [20, 21] . L’augmentation
De très nombreux patients arrivent aux urgences avec une PA de l’angiotensine 2 va agir directement sur les vaisseaux en
élevée, parfois de grade 3, en lien avec leur motif initial de consul- entraînant une vasoconstriction responsable de lésions isché-
tation, éventuellement associé à des douleurs et de l’anxiété. Ces miques aggravant également l’activation du SRA. Il y a une
chiffres élevés à l’arrivée doivent être contrôlés au repos et n’être perturbation des capacités d’autorégulation, en particulier rénales
considérés que s’ils persistent. Certains patients (entre 0,5 et 1 %) et cérébrales, qui explique les atteintes d’organes. La vasocons-
sont en revanche adressés pour HTA de grade 3. Parmi ces patients triction excessive favorise l’ischémie tandis que la transmission
avec HTA de grade 3, 30 à 50 % ont une urgence hyperten- d’une PA excessive dans les territoires d’aval favorise l’hémorragie
sive [11–15] . Ces chiffres ne sont pas en diminution. Certaines études et l’œdème. Ces deux mécanismes sont associés dans l’HTA
trouvent même une augmentation [15] . Cela pourrait s’expliquer maligne et expliquent les lésions observées. La microangiopathie
par un meilleur diagnostic, un adressage plus fréquent des patients hypertensive se complique chez certains patients de microan-
aux urgences ou une augmentation des causes d’urgences hyper- giopathie thrombotique (MAT). L’augmentation de la PA et de
tensives. De plus, de nombreux patients ne reçoivent pas ou ne l’angiotensine II, via l’augmentation de la vasoconstriction, induit
prennent pas les traitements antihypertenseurs qui pourraient une augmentation des contraintes de cisaillement qui s’exercent
limiter la survenue de ces urgences hypertensives [16] . Un problème sur les parois vasculaires. L’augmentation de ces contraintes
d’accès au soin pour des raisons financières et sociales est évoqué entraîne des lésions endothéliales avec exposition du sang au
car il y a une prévalence élevée de patients parmi les migrants sous-endothélium, ce qui entraîne une MAT avec activation de
d’Afrique subsaharienne et les Afro-Américains [17] . Mais cela pour- la coagulation et formation de microthrombi fibrineux par acti-
rait également s’expliquer par une susceptibilité accrue de ces vation plaquettaire. Il y a un déséquilibre entre les facteurs
patients aux urgences hypertensives en raison de facteurs de pré- vasoconstricteurs et vasodilatateurs médiés par l’augmentation
disposition génétiques par exemple. Les urgences hypertensives des voies pro-inflammatoires et procoagulantes [22, 23] . Le diagnos-
les plus fréquentes sont celles associées à une atteinte cardio- tic de MAT est évoqué sur le bilan biologique par l’association
vasculaire (OAP, SCA, dissection aortique) ou neurologique (AVC d’une thrombopénie à une anémie hémolytique mécanique
ischémique et hémorragie intracrânienne). Les cas associés à une (augmentation de LDH [lactate déshydrogénase], haptoglobine
rétinopathie, c’est-à-dire l’HTA maligne stricto sensu, semblent effondrée, présence de schizocytes). En cas de MAT, il y a fré-
peu nombreux. Dans certaines cohortes, ce diagnostic est même quemment une insuffisance rénale associée. La microangiopathie
absent de la liste des urgences hypertensives. Il est probable que, thrombotique, en tant que diagnostic histologique, survient

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Élévation de la PA (le
plus souvent de grade 3)

Non Non Non Non Adapter le traitement


Céphalées ?
Douleur thoracique ? Dyspnée aiguë ? Signes neurologiques ? per os et planifier le
Troubles visuels ?
suivi ambulatoire

Oui Oui Oui Oui

Dissection aortique ? OAP ? Encéphalopathie ? HTA maligne avec ou HTA sévère non
SCA ? SCA ? AVC ? sans MAT et/ou IRA contrôlée

Non

Crépitants Fond d’œil,


Rétinopathie lll ou lV ?
ECG, angio-TDM aorte pulmonaires Imagerie cérébrale haptologlobine, LDH,
MAT ?
bilatéraux ? schizocytes

Oui Oui

Non Radio thorax, Non Signes focaux ? AVC Non HTA maligne avec ou
Dissection aortique ? AVC hémorragique ? sans MAT avec ou
troponine, ETT ischémique ?
sans encéphalopathie
Oui Oui Oui hypertensive

PAS < 120 mmHg PAS < 140 mmHg 130 < PAS < 180 mmHg PAS < 180 mmHg
Chirurgie ? Coronarographie ? Chirurgie ? Thrombolyse ?
PAS < 180 mmHg
(ou PAM−25 %)

Figure 3. Arbre décisionnel. Algorithme de tri fondé sur l’examen clinique. PA : pression artérielle : SCA : syndrome coronarien aigu ; ECG : électrocardio-
gramme ; PAS : pression artérielle systolique ; OAP : œdème aigu du poumon ; ETT : échocardiographie transthoracique ; AVC : accident vasculaire cérébral ;
MAT : microangiopathie thrombotique ; IRA : insuffisance rénale aiguë ; LDH : lactate déshydrogénase ; PAM : pression artérielle moyenne.

probablement fréquemment en cas d’HTA maligne mais le diag- asthénie, syndrome polyuropolydipsique, soif intense et flou
nostic biologique n’est pas systématique. Lorsque MAT et HTA visuel. À l’examen clinique, on peut trouver des signes de déshy-
maligne coexistent à la prise en charge initiale, il n’est pas tou- dratation (secondaire à la natriurèse de pression). Une fois évoqué,
jours facile de savoir si la MAT est la conséquence de l’HTA maligne le diagnostic d’HTA maligne doit être confirmé par le fond d’œil
ou l’inverse. Généralement, en cas de MAT consécutive à l’HTA qui trouve une rétinopathie de stade III ou IV selon la classi-
maligne, les anomalies régressent rapidement avec le contrôle de fication de Keith et Wagener. En cas d’atteinte plus sévère les
la PA tandis qu’en cas d’HTA secondaire à une MAT (purpura symptômes peuvent évoluer jusqu’à l’encéphalopathie hyperten-
thrombotique thrombocytopénique, syndrome hémolytique et sive avec troubles de la vigilance, confusion, voire convulsions.
urémique typique ou atypique) d’autres signes cliniques (fièvre, Les céphalées et l’épistaxis ne sont pas des signes de gravité des
purpura, diarrhée, signes neurologiques, etc.) sont présents et le HTA sévères et ne permettent pas d’orienter vers un diagnostic
contrôle de la PA n’est pas suffisant pour faire régresser les stig- d’HTA maligne. En revanche, dyspnée, douleurs thoraciques et
mates biologiques de MAT [1] . Des travaux mettent en évidence déficit neurologique focal sont plus fréquemment associés aux
la présence d’anomalies du complément dans certains cas d’HTA urgences hypertensives [27, 28] . Les autres urgences hypertensives
maligne [24, 25] . présentent des caractéristiques cliniques qui permettent de faire
le diagnostic facilement : douleur thoracique en cas de SCA ou
de dissection aortique, dyspnée avec orthopnée et crépitants à
 Présentation clinique de l’HTA l’auscultation en cas d’OAP hypertensif, déficit neurologique focal
en cas d’AVC ischémique ou hémorragique, contexte de grossesse
maligne pour la prééclampsie. Chez un patient hypertendu connu, on
trouve fréquemment à l’interrogatoire la notion d’arrêt des traite-
Présentation générale ments. Il faut également rechercher la prise d’anti-inflammatoires
Devant une élévation tensionnelle sévère, la première chose à non stéroïdiens ou d’autres traitements pouvant être respon-
faire est de vérifier la mesure de la PA au calme, après cinq minutes sables d’HTA maligne. L’interrogatoire doit également enquêter
de repos, avec un brassard adapté [2] . Les mesures doivent être sur la consommation d’alcool, de drogues et de toxiques. Si l’on
répétées, étant donné que, dans une proportion significative des s’oriente vers une urgence hypertensive, un bilan biologique stan-
patients, la PA diminue sans médicaments antihypertenseurs [26] . dard doit être réalisé ainsi qu’un électrocardiogramme (ECG). En
Si l’élévation est confirmée, la PA doit être mesurée aux deux cas de dyspnée, on réalise une radio de thorax et éventuellement
bras et aux membres inférieurs pour détecter une asymétrie ten- une échographie cardiaque. Selon la présentation, on complète
sionnelle qui pourrait être causée par une dissection de l’aorte. par un scanner cérébral ou une IRM, un scanner thoracoabdomi-
L’interrogatoire du patient permet d’orienter rapidement et sim- nal et une échographie abdominale et vasculaire (Tableau 3).
plement vers une urgence hypertensive ou, au contraire, de statuer
sur une HTA de grade 3 sans urgence hypertensive, qui relève Rétinopathie hypertensive
d’une prise en charge ambulatoire (Fig. 3).
Le tableau clinique typique de l’HTA maligne associe La présence d’anomalie au fond d’œil est une condition sine
classiquement une élévation importante de la PA (générale- qua none au diagnostic d’HTA maligne. Dans les descriptions ini-
ment > 200/120 mmHg) évoluant depuis quelques semaines, tiales, en effet, les patients ayant une élévation de la PA associée
associée à une altération de l’état général (perte de poids) avec à un œdème papillaire (stade IV de la classification de Keith et

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Tableau 3. bocytopénique), le SHU (syndrome hémolytique et urémique)


Examens indiqués devant une urgence hypertensive. et l’utilisation de cytotoxiques et de médicaments antiangiogé-
Bilan standard niques. L’hypertension est souvent présente dans ces cas, mais à
un degré variable [1] .
NFS, plaquettes
Ionogramme sanguin, créatinine sanguine
Haptoglobine, schizocytes, LDH Néphro-angio-sclérose maligne (NASM)
Bandelette urinaire, ECBU, protéine et créatinine urinaires sur
échantillon
La NASM est un syndrome anatomoclinique qui associe une
ECG HTA maligne et une insuffisance rénale aiguë ou rapidement pro-
Fond d’œil gressive, dans un tableau de MAT. Les lésions vasculaires de la
NASM touchent surtout les artères interlobulaires et les artérioles
Selon le contexte
afférentes avec deux lésions spécifiques : nécrose fibrinoïde des
Troponine, radiographie thoracique, échographie cardiaque artères interlobulaires et MAT des artérioles, voire, dans les formes
Scanner (ou IRM) cérébral graves, au sein des glomérules avec thrombus fibrineux. Si la
Angioscanner aortique
MAT peut se rencontrer dans des circonstances très variées (infec-
Échographie rénale ± Doppler
tieuses, médicamenteuses, anomalies héréditaires du complément
Test de grossesse
ou d’ADAMTS 13, auto-immunes, etc.), la NASM est la consé-
NFS : numération formule sanguine ; LDH : lactate déshydrogénase ; ECBU : quence quasi exclusive d’une HTA maligne ou accélérée. La NASM
examen cytobactériologique des urines ; ECG : électrocardiogramme ; IRM : se manifeste par une insuffisance rénale aiguë ou rapidement pro-
imagerie par résonance magnétique. gressive avec protéinurie souvent abondante (hémodynamique,
directement liée à l’élévation de la PA), associée – en cas de MAT – à
Wagener) avaient un pronostic très mauvais (survie à 5 ans à 7 %) une anémie régénérative, hémolytique (augmentation de la biliru-
expliquant le terme « malin ». Par la suite, il a été montré que binémie et du taux de LDH, diminution du taux d’haptoglobine,
les patients ayant un fond d’œil de stade III de la classification test de Coombs négatif), de type mécanique (présence de schi-
(hémorragies en flammèche et nodules cotonneux), ancienne- zocytes). Le diagnostic de NASM est un diagnostic probabiliste
ment appelé HTA accélérée, avaient le même pronostic que ceux clinique et biologique. On évite, à la phase aiguë, de réaliser
de stade IV [29] . La classification de Kirkendall différencie les une biopsie rénale qui est certes le seul moyen diagnostique de
atteintes chroniques liées à l’HTA et les atteintes aiguës en trois certitude mais à risque hémorragique élevé du fait du niveau ten-
stades, ce qui peut apporter de la confusion dans la classifica- sionnel [35] .
tion puisque l’HTA maligne correspond aux stades III et IV de
la classification de Keith et Wagener mais aux stades II ou III de la
classification de Kirkendall [30] . La classification de Wong différen-  Prise en charge thérapeutique
cie trois stades (en fait 4 mais le premier est « 0 ») et n’applique le
terme « maligne » qu’en présence d’œdème papillaire et utilise le Il est possible de réduire rapidement la PA avec des antihy-
terme de « rétinopathie modérée » pour le stade III (hémorragie, pertenseurs injectables, sous contrôle rapproché de la PA. Cette
microanévrismes, nodules cotonneux) [31, 32] . Peu importe la clas- méthode n’est utile que si le niveau de PA menace le pronostic
sification utilisée, c’est la présence de ces anomalies (hémorragie, vital immédiat, c’est-à-dire dans l’HTA maligne et dans certaines
nodules cotonneux, œdème papillaire) qui permet de porter le urgences hypertensives. Elle n’est pas adaptée au traitement ini-
diagnostic d’HTA maligne avec les conséquences thérapeutiques tial des HTA sévères puisqu’il faut de toute façon prendre le relais
que cela implique. En effet, la présence d’une rétinopathie hyper- par un traitement oral. Elle n’est pas dénuée de danger dans les
tensive avancée chez les patients se présentant aux urgences avec urgences avec AVC ischémique où une chute rapide de la PA peut
une HTA sévère est associée à une activation accrue du système aggraver l’ischémie. En cas de SCA, d’OAP, d’encéphalopathie
rénine-angiotensine et à des atteintes d’organes cibles plus impor- hypertensive ou de dissection aortique, on considère qu’il existe
tantes comparativement aux patients ne présentant pas ces lésions une relation positive entre niveau de PA et souffrance viscé-
rétiniennes, malgré des valeurs comparables de la PA [7] . rale et, a contrario, qu’une baisse rapide de la PA permet de
réduire l’ischémie myocardique, l’œdème pulmonaire ou cérébral,
ou l’extension de la dissection. Encore qu’il n’y ait pas d’essai
Encéphalopathie hypertensive contrôlé montrant le bien-fondé de la réduction rapide de la PA
dans ces circonstances, l’expérience indique une relation bénéfice-
Lorsque les capacités d’autorégulation cérébrale sont dépassées, risque favorable.
l’augmentation de la PA, surtout si elle est rapide, se traduit par
une augmentation de la pression intracrânienne conduisant à
un œdème cérébral associé à des hémorragies microscopiques et Prise en charge des HTA de grade 3
à des micro-infarctus. Il s’agit d’une encéphalopathie hyperten- non graves
sive. Le tableau clinique associe généralement céphalées, nausées
et vomissements d’installation progressive. Les signes neuro- Les HTA de grade 3 non graves relèvent d’une prise en charge
logiques sont la confusion ou l’agitation et peuvent évoluer ambulatoire. Il n’est pas recommandé d’abaisser rapidement la
vers des convulsions et le coma. En cas de déficit neurologique PA, car cela peut entraîner des complications cardiovasculaires.
focal, le diagnostic à évoquer est celui d’un AVC hémorragique L’introduction d’un traitement par voie orale ou la majoration du
ou ischémique et non pas celui d’une encéphalopathie hyper- traitement existant permet d’améliorer les chiffres tensionnels.
tensive. De plus, typiquement, dans l’AVC la symptomatologie Les traitements qui entraînent une baisse tensionnelle brutale,
est brutale [3, 33] . En l’absence de traitement, l’encéphalopathie comme la nifédipine à court durée d’action (Adalate® 10 mg) ou
hypertensive évolue vers le syndrome d’encéphalopathie posté- la nicardipine à courte durée d’action (Loxen® 20 mg) ne doivent
rieure réversible (PRES) caractérisé par des lésions de la substance pas être utilisés [36] . Chez le patient non traité, des médicaments
blanche dans les régions postérieures du cerveau [34] . Une prise comme le captopril, le labétolol et la niféfipine retard sont pro-
en charge rapide permet une régression des lésions mais il peut posés mais les données sont limitées concernant le traitement
rester des séquelles. Le diagnostic est fait à l’IRM qui montre optimal dans ce contexte [37] . Une prise en charge conforme
un hypersignal en T2 ou FLAIR (fluid attenuated inversion reco- aux recommandations de l’European Society of Hypertension
very). Le scanner cérébral est habituellement normal mais, dans est adaptée dans la plupart des cas de ces HTA de grade 3 non
ce contexte de troubles neurologiques, il est le plus souvent graves, en commençant par une bithérapie associant deux molé-
réalisé pour éliminer un AVC hémorragique dans l’urgence. Le cules parmi les trois suivantes : diurétique, antagoniste des canaux
PRES peut être observé dans d’autres circonstances associées à calciques (ACC), bloqueur du SRA (inhibiteur de l’enzyme de
de la microangiopathie thrombotique comme le SAPL (syndrome conversion [IEC] ou antagoniste des récepteurs de l’angiotensine
des antiphospholipides), le PTT (purpura thrombotique throm- 2 [ARA2]) [2] . Une fois que la décision d’ajouter des médicaments

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11-301-K-20  Hypertension artérielle maligne

Tableau 4.
Médicaments les plus utilisés dans les urgences hypertensives.
1re dose Dose d’entretien Remarques
®
Nicardipine (Loxen ) 5 mg/h puis augmentation de 5–15 mg/h Toutes les urgences hypertensives
2,5 mg/h toutes les 15–30 min
jusqu’à la PA cible
Urapidil (Eupressyl® ) Bolus de 12,5 à 25 mg 5–40 mg/h Toutes les urgences hypertensives
Furosémide (Lasilix® ) 40–80 mg en IVL Selon réponse, poids et fonction rénale OAP
Isosorbide dinitrate (Risordan® ) 2 mg/h 2–15 mg/h OAP

PA : pression artérielle ; IVL : intraveineuse lente ; OAP : œdème aigu du poumon.

est prise, une observation d’une période d’au moins deux heures fois par jour, puis à remplacer par une molécule de plus longue
est suggérée pour évaluer l’efficacité de la réduction de la PA. durée d’action pouvant être utilisée en monoprise quotidienne.
L’utilisation par le patient d’un appareil d’automesure tension- Les IEC n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché dans l’HTA
nelle dans les jours suivants permet également de privilégier la maligne mais cette stratégie s’avère efficace dans notre pratique
prise en charge ambulatoire. et elle est utilisée par d’autres équipes (Bordeaux) [1, 9] . Au cours
des premières semaines de traitement, la fonction rénale peut
se détériorer (aggravation de l’hypoperfusion rénale) avec parfois
Prise en charge des urgences vraies nécessité de traitement de suppléance par dialyse. Dans ce dernier
En cas d’urgence vraie, le premier geste est d’hospitaliser le cas, il arrive cependant que – à distance de l’épisode aigu d’HTA
patient pour assurer une surveillance continue de la PA, de l’état maligne – la fonction rénale s’améliore progressivement, permet-
neurologique, cardiaque et rénal, et pour administrer le traitement tant d’observer, parfois, un sevrage du traitement de suppléance
spécifique de la souffrance viscérale. La disponibilité d’un scan- par dialyse.
ner ou d’une IRM est essentielle en cas de déficit neurologique. En cas d’encéphalopathie hypertensive ou de PRES, le labétalol
En cas de SCA ou de dissection, le transfert se fait vers un hôpital peut être préféré car, comparé à d’autres traitements, il laisse le
ayant un service de soins intensifs cardiologique et/ou de chirur- flux sanguin cérébral relativement intact pour une réduction de
gie cardiovasculaire. En attendant le transfert, on ne donne pas PA donnée [43] et n’augmente pas la pression intracrânienne [42] .
de traitement visant à réduire la PA si le patient a un déficit neu-
rologique, ce traitement ne pouvant être entrepris qu’après une
imagerie cérébrale. Les examens complémentaires de débrouillage Autres urgences hypertensives
permettent d’avancer dans la démarche diagnostique et thérapeu- La prise en charge des autres urgences hypertensives (AVC
tique (Tableau 3). Par la suite, l’amplitude de la baisse tensionnelle ischémique et hémorragique, urgences hypertensives cardiovas-
souhaitée, la rapidité avec laquelle elle doit être atteinte et le type culaires, prééclampsie) est brièvement résumée en Annexe A mais
de traitement antihypertenseur utilisé dépendent du contexte cli- le lecteur trouvera plus de renseignements dans les articles de
nique (Tableau 4). l’Encyclopédie médicochirurgicale traitant de ces situations.

HTA maligne et encéphalopathie hypertensive


L’HTA maligne est une urgence hypertensive nécessitant une Situations spécifiques
hospitalisation en milieu spécialisé. L’objectif est d’abaisser pro- En cas d’intoxication aux amphétamines ou à la cocaïne
gressivement la PA (d’environ 25 %) en quelques heures [1] . Des
Si une baisse tensionnelle est nécessaire, la nicardipine et les
diminutions plus importantes de la PA (supérieures à 50 % de
dérivés nitrés peuvent être utilisés [1] . Un traitement par benzo-
baisse de la PA moyenne) ont été associées à la survenue d’AVC
diazépine peut être associé. En cas de SCA avec ou sans élévation
ischémique et de décès [38, 39] . L’évaluation de la volémie est indis-
du ST, les dérivés nitrés et l’aspirine sont ajoutés et une coronaro-
pensable du fait de la fréquence et de l’intensité habituelle de
graphie doit être discutée [44] . Les ACC non dihydropyridiniques
l’hypovolémie (secondaire à la polyurie de pression). Elle doit
tels que le diltiazem et le vérapamil peuvent être utilisés en cas
être corrigée en première intention par perfusion de chlorure de
de tachycardie (sous surveillance étroite de l’ECG), tandis que
sodium 9 g/l (généralement, 1000 ml sur les 24 premières heures
l’utilisation des bêtabloquants est plus débattue [1, 45] .
à adapter au poids du patient) afin de freiner l’activation du SRA.
En cas de signes d’insuffisance ventriculaire gauche, il convient de
rechercher une défaillance hémodynamique prépondérante, liée En cas de phéochromocytome ou de paragangliome
à la sévérité de l’HTA et non à une surcharge. Plus rarement, en cas Il est préconisé d’utiliser les alphabloquants [46] . Après réhydra-
d’insuffisance rénale avancée ou de néphropathie glomérulaire, il tation, le patient reçoit de petites doses d’alphabloquant, par voie
peut ne pas y avoir d’hypovolémie et les diurétiques de l’anse par orale, à dose progressivement croissante et sous surveillance rap-
voie intraveineuse peuvent être nécessaires. Il en est de même en prochée. En cas de tachycardie réflexe malgré la réhydratation,
cas d’OAP hypertensif. Associé à la réhydratation intraveineuse, et après 48 heures d’alphabloquants, il faut ajouter des bêtablo-
un traitement antihypertenseur intraveineux (de type nicardipine quants. Les bêtabloquants ne doivent pas être introduits avant les
ou urapidil ou labétolol) sera utilisé [40–42] . alphabloquants au risque d’entraîner une décompensation car-
Du fait de l’activation majeure du SRA, le traitement de choix diaque [47] .
de l’HTA maligne est l’utilisation de bloqueur du SRA. Toutefois,
la réponse tensionnelle aux bloqueurs du SRA étant proportion-
nelle à l’activation de celui-ci, il est préférable de les introduire En cas d’HTA sous traitement antiangiogénique
seulement : Le traitement anti-VEGF doit être interrompu le temps
• après correction de l’hypovolémie ; d’obtenir le contrôle tensionnel et d’évaluer la situation. Le
• en utilisant des molécules de courte durée d’action ; et contrôle tensionnel est souvent obtenu avec les traitements
• à très faibles doses initiales. antihypertenseurs usuels et s’améliore plus l’on s’éloigne de la
On utilise par exemple le captopril 25 mg : un quart de dernière prise du traitement antiangiogénique. Les bloqueurs du
comprimé à répéter quatre à six heures plus tard en cas de baisse SRA s’avèrent très efficaces. Une surveillance régulière de la PA,
tensionnelle excessive à la première prise, ou à doubler toutes par automesure tensionnelle, permet de mettre en évidence les
les quatre à six heures plus tard en cas de baisse tensionnelle variations tensionnelles induites par ces traitements [48] . Le rap-
acceptable à la prise précédente, jusqu’à atteindre une posolo- port bénéfice-risque du traitement doit être discuté à distance avec
gie quotidienne classique pour un adulte de 25 à 50 mg deux le spécialiste en oncologie [49] .

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Hypertension artérielle maligne  11-301-K-20

Tableau 5. le captopril est indiqué lors de la prise en charge initiale, grâce à


Principales étiologies des hypertension artérielles (HTA) malignes. sa demi-vie courte qui permet une titration progressive, ce traite-
HTA essentielle ment n’est pas adapté à la prise en charge chronique et doit être
remplacé par des IEC à longue demi-vie, par exemple le ramipil, le
HTA endocrine périndopril, etc., ou un ARA2 (sauf le losartan qui doit être évité
Phéochromocytome également car sa demi-vie est courte et nécessite donc 2 prises/j).
Hyperaldostéronisme primaire La nicardipine 50 mg LP (Loxen® 50 mg LP) doit être rempla-
Hypercorticisme cée par un ACC à demi-vie longue (comme l’amlodipine ou la
HTA rénovasculaire lercanidipine) que l’on trouve fréquemment associé à d’autres
Sténose athéromateuse des artères rénales molécules. Les diurétiques doivent être introduits à distance de
Dysplasie fibromusculaire des artères rénales l’épisode d’HTA maligne. En cas de résistance à la trithérapie stan-
Autres causes rares dardisée, et en l’absence de contre-indication, la spironolactone
Maladies rénales est introduite. L’utilisation d’aspirine et de statine se fait selon
Insuffisance rénale chronique indéterminée les recommandations d’usage. Il faut suivre le patient régulière-
Néphropathies glomérulaires (néphropathie à IgA, syndrome ment et contrôler les atteintes d’organes cibles au moins à six mois
néphritique) pour voir une amélioration des lésions (fond d’œil, échographie
Sclérodermie cardiaque, créatininémie et microalbuminurie).
MAT
Médicaments et toxiques
Contraception estroprogestative  Conclusion et perspectives
Anti-VEGF
Cocaïne, MDMA, ecstasy Afin de mieux définir l’HTA maligne et de réévaluer son pro-
nostic, la société française d’HTA a créé en 2019 un registre
IgA : immunoglobuline A ; MAT : microangiopathie thrombotique ;
VEGF : vascular endothelial growth factor ; MDMA : 3,4-méthylènedioxy-N-
français d’HTA maligne intitulé HAMA (hypertension artérielle
méthylamphétamine. maligne). Ce registre multicentrique prospectif a pour objectif
d’inclure 500 patients en cinq ans, sur environ 30 centres. Les
patients sont suivis au moins pendant cinq ans. Ce registre sera
 Pronostic et suivi étendu progressivement à d’autres pays d’Europe. Les objectifs
de ce registre sont de préciser l’épidémiologie et le pronos-
Le pronostic de l’HTA maligne s’est nettement amélioré ces der- tic des patients atteints d’HTA maligne à cinq ans en termes
nières années si bien que le terme « maligne » n’est plus adapté. d’événements rénaux et cardiovasculaires, de moderniser la défi-
En effet, dans les premières cohortes, la survie à cinq ans était de nition et les critères diagnostiques, de décrire les prises en charge
7 % tandis qu’elle était de 33 % dans les années 1960–1970 et de dans les centres, et d’améliorer les connaissances physiopatholo-
91 % dans les cohortes les plus récentes [50, 51] . Cette diminution giques sur cette maladie grâce à d’autres protocoles de recherche
de la mortalité est due à la meilleure prise en charge thérapeutique qui seront complémentaires de ce registre.
de l’HTA, en particulier grâce aux bloqueurs du SRA. Néanmoins,
les patients qui ont fait une urgence hypertensive restent plus
à risque de maladie cardiovasculaire et rénale que les patients Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
hypertendus n’ayant pas fait d’urgence hypertensive [52, 53] . Dans d’intérêts en relation avec cet article.
le suivi de ces patients à distance de l’épisode aigu, les recom-
mandations de prise en charge de l’HTA sévère [2] s’appliquent.
Il faut systématiquement reprendre l’enquête étiologique à dis-  Annexe A. Autres urgences
tance de l’épisode aigu. Même si l’on trouve très fréquemment
des problèmes d’observance, la recherche d’HTA secondaire doit
hypertensives
être réalisée au moins une fois chez ces patients (Tableau 5). La La prise en charge des autres urgences hypertensives (accident
recherche d’une sténose artérielle rénale, d’un phéochromocy- vasculaire cérébral [AVC] ischémique et hémorragique, urgences
tome ou d’un hypercorticisme peut être faite dès la prise en charge hypertensives cardiovasculaires, prééclampsie) est résumée ici
initiale. Une imagerie des artères rénales (au minimum par écho- mais le lecteur trouvera plus de renseignements dans les articles
graphie Doppler des artères rénales, au mieux par angioscanner, de l’Encyclopédie médicochirurgicale traitant de ces situations.
ou par angio-IRM en cas de contre-indication au scanner) per-
met de faire le diagnostic de sténose artérielle rénale d’origine
athéromateuse ou dysplasique. Les dosages des métanéphrines et AVC ischémique et hémorragique
normétanéphrines urinaires des 24 heures (ou plasmatiques) et Une élévation de la pression artérielle (PA) est fréquente chez les
du cortisol (cycle du cortisol, cortisolurie des 24 h, freinage à patients ayant un AVC aigu, qu’ils soient ou non antérieurement
la dexaméthasone) permettent de faire facilement le diagnostic hypertendus. Aucun médicament antihypertenseur n’est prescrit
de phéochromocytome ou d’hypercorticisme. En cas de résultats avant l’imagerie cérébrale et les traitements oraux antérieurs sont
positifs, les bilans doivent être contrôlés à distance (augmentation interrompus, sauf s’ils ont une finalité indépendante de la PA (par
des catécholamines et du cortisol dans le contexte de stress). Ces exemple un bêtabloquant dans l’insuffisance coronaire sympto-
dosages ne sont pas perturbés par les traitements antihyperten- matique). La prise en charge tensionnelle est fonction des résultats
seurs. En revanche, les dosages initiaux de rénine et d’aldostérone de l’imagerie cérébrale visant à trancher entre AVC ischémique ou
sont eux très souvent en faveur d’un hyperaldostéronisme secon- hémorragique [54] .
daire et doivent être contrôlés à distance (à 6 mois de l’épisode
d’HTA maligne). Cela nécessite de remettre le patient sous traite- Chez un patient ayant un AVC ischémique
ment neutre. candidat à la thrombolyse
En cas d’HTA essentielle confirmée, une attention toute parti-
culière doit être apportée à l’observance aux traitements. L’arrêt Dans ce cas, la PA doit être réduite à moins de 185 (systolique)
des traitements est une cause très fréquente, sinon la seule cause, et 110 (diastolique) mmHg avant la thrombolyse, et maintenue à
d’HTA maligne chez un patient hypertendu chronique traité. moins de 185/110 mmHg dans les 24 heures suivant celle-ci.
Parmi tous les traitements, les IEC ou ARA2 sont ceux qui pro-
tègent le plus de l’HTA maligne en empêchant l’hyperactivation
Chez les autres patients ayant un AVC ischémique
du SRA. Ils doivent donc être conservés. L’ajout des autres trai- Chez les autres patients ayant un AVC ischémique en l’absence
tements doit se faire au maximum en utilisant des molécules d’autre urgence hypertensive associée, on respecte l’hypertension
à longue durée d’action qui ne nécessitent qu’une prise par artérielle (HTA) jusqu’à 220/120 mmHg. Si ce seuil est dépassé, la
24 heures et en privilégiant les bithérapies fixes. Par exemple, si PA est réduite progressivement de 15 % et maintenue sous cette

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11-301-K-20  Hypertension artérielle maligne

valeur dans les premières 24 heures. Chez un patient conscient [2] Williams B, Mancia G, Spiering W, AgabitiRosei E, Azizi M, Burnier M,
ayant une HTA antérieurement traitée, le traitement est repris et al. 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hyper-
après 24 heures sauf en cas de sténose ou d’occlusion artérielle tension. Eur Heart J 2018;39:3021–104.
extra- ou intracrânienne à risque hémodynamique. Il ne faut pas [3] Vaughan CJ, Delanty N. Hypertensive emergencies. Lancet
vouloir aller trop vite et viser une PA trop basse car une réduction 2000;356:411–7.
aiguë de la PA dans les cinq à sept premiers jours qui suivent un [4] Whelton PK, Carey RM, Aronow WS, Casey Jr DE, Collins KJ,
Dennison Himmelfarb C, et al. 2017 ACC/AHA/AAPA/ABC/ACPM/
AVC ischémique est associée à un résultat neurologique défavo-
AGS/APhA/ASH/ASPC/NMA/PCNA Guideline for the Prevention,
rable [55] . Detection, Evaluation, and Management of High Blood Pressure in
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Chez un patient ayant un AVC hémorragique Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. Circulation
Chez un patient ayant un AVC hémorragique, la PA systo- 2018;138, e484-e594.
lique doit être abaissée dès l’admission à moins de 180 mmHg. [5] Wagener HP. The retinitis of malignant hypertension. Trans Am Ophthal-
Il est possible que le pronostic à moyen terme soit amélioré mol Soc 1927;25:349–80.
par une réduction supplémentaire de la pression systolique, dès [6] Cremer A, Amraoui F, Lip GY, Morales E, Rubin S, Segura J, et al.
l’admission, à moins de 140 mmHg [56] . Cette option doit être From malignant hypertension to hypertension-MOD: a modern definition
for an old but still dangerous emergency. J Hum Hypertens 2016;30:
discutée avec le neurologue.
463–6.
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En cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne angiotensin system in malignant hypertension revisited: plasma renin
par fissuration anévrismale activity, microangiopathic hemolysis, and renal failure in malignant
Dans ce cas, il est recommandé de maintenir une PA systolique hypertension. Am J Hypertens 2007;20:900–6.
inférieure à 160 mmHg, sauf en cas de vasospasme. [8] Amraoui F, van Montfrans GA, van den Born BJ. Value of retinal exa-
mination in hypertensive encephalopathy. J Hum Hypertens 2010;24:
274–9.
Urgences hypertensives cardiovasculaires [9] Rubin S, Cremer A, Boulestreau R, Rigothier C, Kuntz S, Gosse P. Mali-
gnant hypertension: diagnosis, treatment and prognosis with experience
Ces patients se présentent avec une douleur thoracique et from the Bordeaux cohort. J Hypertens 2019;37:316–24.
les anomalies à l’électrocardiogramme (ECG) d’un syndrome [10] Patel KK, Young L, Howell EH, Hu B, Rutecki G, Thomas G, et al.
coronarien aigu (SCA), avec l’orthopnée et les râles crépitants Characteristics and outcomes of patients presenting with hypertensive
d’un œdème aigu du poumon (OAP), ou avec la douleur thora- urgency in the office setting. JAMA Intern Med 2016;176:981–8.
coabdominale, souvent migrante, de la dissection aortique. Ces [11] Guiga H, Sarlon-Bartoli G, Silhol F, Radix W, Michelet P, Vaïsse B.
présentations imposent le transfert d’urgence à une unité de Prevalence and severity of hypertensive emergencies and outbreaks
soins intensifs cardiologiques ou à un service de chirurgie car- in the hospital emergency department of CHU Timone at Marseille:
Follow-up in three months of hospitalized patients. Ann Cardiol Angeiol
diovasculaire où les diagnostics de SCA, d’OAP ou de dissection
2016;65:185–90.
aortique sont confirmés par l’ECG, la biologie (troponine, BNP
[12] Pinna G, Pascale C, Fornengo P, Arras S, Piras C, Panzarasa P, et al. Hos-
[brain natriuretic peptide], NT (N-terminal)-proBNP) et l’imagerie pital admissions for hypertensive crisis in the emergency departments: a
(radiographie thoracique, échographie transthoracique ou tran- large multicenter Italian study. PLoS One 2014;9:e93542.
sœsophagienne, scanner thoracoabdominale). Si la PA est élevée [13] Merlo C, Bally K, Tschudi P, Martina B, Zeller A. Management and
malgré le traitement symptomatique de la douleur, la prescription outcome of severely elevated blood pressure in primary care: a prospective
d’un médicament injectable s’impose avec l’objectif de réduire la observational study. Swiss Med Wkly 2012;142:w13507.
PA à moins de 140/90 mmHg, et même à une pression systolique [14] Martin JF, Higashiama E, Garcia E, Luizon MR, Cipullo JP. Hyperten-
inférieure à 120 mmHg dans la dissection aortique [57] . La réduc- sive crisis profile. Prevalence and clinical presentation. Arq Bras Cardiol
tion de la PA ne doit pas retarder la prise en charge diagnostique 2004;83:131–6, 125-30.
et thérapeutique propre à ces urgences. Dans les syndromes coro- [15] Janke AT, McNaughton CD, Brody AM, Welch RD, Levy PD. Trends in
naires aigus et l’OAP, plusieurs petits essais ont comparé les dérivés the incidence of hypertensive emergencies in US Emergency Departments
nitrés, le furosémide, l’urapidil, les bêtabloquants, les ACC (anta- from 2006 to 2013. J Am Heart Assoc 2016;5(12).
[16] Lip GY, Beevers M, Beevers G. The failure of malignant hypertension to
gonistes des canaux calciques). Aucun n’a montré un avantage
decline: a survey of 24 years’ experience in a multiracial population in
de l’un ou de l’autre de ces agents en termes de réduction de la England. J Hypertens 1994;12:1297–305.
PA ou d’événement cardiovasculaire. Dans la dissection aortique, [17] van den Born BJ, Koopmans RP, Groeneveld JO, van Montfrans GA.
la PA systolique doit être immédiatement diminuée en dessous Ethnic disparities in the incidence, presentation and complications of
de 120 mmHg et la fréquence cardiaque sous 60 bpm. On utilise malignant hypertension. J Hypertens 2006;24:2299–304.
donc en priorité un bêtabloquant injectable [58] . [18] Polgreen LA, Suneja M, Tang F, Carter BL, Polgreen PM. Increasing
trend in admissions for malignant hypertension and hypertensive ence-
phalopathy in the United States. Hypertension 2015;65:1002–7.
Éclampsie et prééclampsie [19] Katz JN, Gore JM, Amin A, Anderson FA, Dasta JF, Ferguson JJ, et
Dans la prééclampsie, les médicaments antihypertenseurs al. Practice patterns, outcomes, and end-organ dysfunction for patients
with acute severe hypertension: the Studying the Treatment of Acute
peuvent réduire la PA mais il n’y a pas de bénéfice de cette réduc-
hyperTension (STAT) registry. Am Heart J 2009;158:599–606.
tion pour prévenir l’éclampsie ou la morbimortalité néonatales. La
[20] Möhring J, Petri M, Szokol M, Haack D, Möhring B. Effects of saline
réduction tensionnelle pourrait au contraire augmenter le risque drinking on malignant course of renal hypertension in rats. Am J Physiol
d’hypotrophie. L’objectif se limite à la prévention cardiovasculaire 1976;230:849–57.
chez la mère avec un objectif de PA inférieure à 160/105 mmHg. [21] Möhring J, Möhring B, Petri M, Haack D. Plasma vasopressin concentra-
Le labétalol et la nicardipine peuvent être tous deux utilisés en tions and effects of vasopressin antiserum on blood pressure in rats with
traitement intraveineux des prééclampsies sévères si la baisse de malignant two-kidney Goldblatt hypertension. Circ Res 1978;42:17–22.
la PA est nécessaire [58] . Le sulfate de magnésie ne réduit pas la [22] Lip GY, Edmunds E, Hee FL, Blann AD, Beevers DG. A cross-
PA mais prévient les crises éclamptiques ou leur répétition [59] . sectional, diurnal, and follow-up study of platelet activation and
Dans l’éclampsie, le traitement étiologique est la terminaison de endothelial dysfunction in malignant phase hypertension. Am J Hypertens
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A. Lorthioir (aurelien.lorthioir@aphp.fr).
A.-M. Madjalian.
L. Amar.
M. Azizi.
Unité d’hypertension artérielle, Département médico-universitaire CARTE, Hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lorthioir A, Madjalian A-M, Amar L, Azizi M. Hypertension artérielle maligne. EMC - Cardiologie
2021;35(1):1-9 [Article 11-301-K-20].

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