Évaluation des techniques de pose des bandes de

compression médicale chez les patients porteurs d’ulcères

veineux : une étude observationnelle mixte
Anne Pottier, Aurélie Le Thuaut, Cécile Durand, Anne-Marie Germond, Arnaud Laurent,
Emmanuelle Cartron
Dans     2019/2 (N° 137),
137) pages 91 à 98
Éditions Aa     I
ISSN 0297-2964

© Association de Recherche en Soins Infirmiers | Téléchargé le 14/09/2023 sur www.cairn.info par Anndréa Bernard (IP: 135.19.153.248)
DOI 10.3917/rsi.137.0091

Article disponible en ligne à l’adresse

https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2019-2-page-91.htm

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EMERGENCE
Évaluation des techniques de pose des
bandes de compression médicale chez les
patients porteurs d’ulcères veineux : une étude
observationnelle mixte
Assessment of compression bandage application techniques in patients with venous
ulcers: A mixed observational study

Anne POTTIER, Infirmière, Unité mobile plaie vasculaire, CHU de Nantes, France

Aurélie LE THUAUT, Méthodologiste, Biostatisticienne, M.Sc, Plateforme de méthodologie et biostatistique,

Direction de la recherche, CHU de Nantes, France

Cécile DURAND, Médecin interniste, Praticien hospitalier, Unité mobile plaie vasculaire, CHU de Nantes, France

Anne-Marie GERMOND, Infirmière de recherche clinique, Unité de recherche clinique de médecine interne,

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CHU de Nantes, France

Arnaud LAURENT, Infirmier de recherche clinique, Unité d’investigation clinique de médecine interne,
CHU de Nantes, France

Emmanuelle CARTRON, Infirmière, Ph.Dc, Coordinatrice paramédicale de la recherche en soins, CHU de Nantes, UMR
1246 SPHERE- Inserm-Université de Nantes, France

RÉSUMÉ
Introduction : les soins infirmiers d’un ulcère veineux englobent la réfection du pansement et la pose de bande
de compression médicale (BCM). La technique de pose retrouvée dans les recommandations de bonnes
pratiques guide les infirmiers pour atteindre le niveau de pression requis. De grandes disparités sont observées
pour poser une BCM.
Méthodologie : une étude observationnelle associant un volet quantitatif et un volet qualitatif a été menée
pour évaluer la pose de BCM et explorer les données prises en compte par les infirmiers pour la réalisation
de cet acte.
Résultats : sur les 261 patients inclus, 27 % portaient des BCM posées telles que décrites par les
recommandations. Le principal écart retrouvé concernait le talon laissé hors de la bande pour 48 % des
patients. Les infirmières libérales interrogées exprimaient que l’avis du patient était pris en compte afin de
favoriser son observance.
Discussion : les savoirs infirmiers recensés auprès des infirmières interviewées ont été comparés à la typologie
des savoirs infirmiers de Carper. Il semble que le savoir empirique énoncé par Carper ne soit pas le seul pris
en compte. La participation du patient dans le choix de la technique de pose, pouvant se rapprocher du savoir
artistique de cette typologie, permet aux infirmiers de guider leur pratique.

Mots clés : bande de compression médicale, ulcères veineux, savoirs infirmiers, évaluation des pratiques
professionnelles, décision médicale partagée.

Pour citer l’article :

Pottier A, Le Thuaut A, Durand C, Germond AM, Laurent A, Cartron E. et al. Évaluation des techniques de pose des bandes
de compression médicale chez les patients porteurs d’ulcères veineux : une étude observationnelle mixte. Rech Soins Infrm.
2019 Jun;(137):91-8.

Adresse de correspondance :
Anne Pottier: anne.pottier@chu-nantes.fr

Recherche en soins infirmiers n° 137 - Juin 2019 l 91

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 ABSTRACT
Introduction: Nursing care for a venous ulcer includes repairing the dressing and applying the medical
compression bandage (MCB). Nurses use the application technique found in the guidelines to achieve the
required pressure level. There are wide disparities in the way an MCB is applied.
Methodology: An observational study combining quantitative and qualitative components was conducted
to evaluate the application of MCBs and to explore the elements that nurses take into account when
applying MCBs.
Results: Of the 261 patients, 27% had MCBs applied according to the guidelines. The main variation found
was that the heel was left out of the bandage for 48% of patients. The private nurses interviewed expressed
that the patient’s opinion was taken into account in order to promote compliance.
Discussion: Regarding the nursing knowledge used to perform the application of an MCB, it appears that the
empirical knowledge proposed by Carper is not the only element taken into account. Patient participation in
the choice of the application technique, which could be linked with a sense of artistry allows nurses to guide
their practice.

Keywords: Medical compression bandage, venous ulcer, nursing knowledge, healthcare professional
practices, shared medical decision-making.

INTRODUCTION
En France, 115 000 patients ont reçu des soins d’ulcères
veineux ou mixtes en 2014 (1). Le coût de prise en charge de ces
soins par l’assurance maladie s’élevait à 272 millions d’euros
(M€) en 2011. Ce montant concernait uniquement les soins de
ville (soins de médecins, d’auxiliaires médicaux, dispositifs de
la liste des produits et prestations, médicaments). Il ne prend
pas en compte les hospitalisations et les transports. Parmi ces
dépenses, 42,4 % étaient attribués aux soins infirmiers soit
115M€ ; 33 % aux compresses et pansements, soit 90M€ ;
2,3 % aux dispositifs de compression soit 6M€.
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maladie veineuse en fonction de la sémiologie : du stade C0
à C6 (tableau 1) selon une gravité croissante. Le stade C6
correspond à l’ulcère veineux, ouvert, non cicatrisé. L’ulcère
veineux est la conséquence d’une dysfonction du système
veineux qui entraîne une hyperpression veineuse, c’est-à-
dire l’absence de baisse de la pression veineuse lors de la
déambulation. Celle-ci provient de plusieurs causes dont
l’obstruction du retour veineux, la défaillance de la pompe
musculaire du mollet et la dysfonction des valvules du
système veineux profond et superficiel et/ou des perforantes
distales (3). Il en résulte une hypoxie tissulaire locale à l’origine
d’une perte de substance cutanée chronique.

L’ulcère veineux ouvert représente le dernier stade de La prise en charge de l’ulcère veineux associe les soins locaux
la maladie veineuse. La Clinical-Etiology-Anatomy- et la compression médicale (3). La pression exercée par
Pathophysiology (CEAP) (2) distingue différents stades de la cette dernière, mesurée en millimètres de mercure (mmHg),

Stade Définition
C0 : pas de signe clinique visible ou palpable de la maladie
C1 : présence de telangiectasies ou de varices réticulaires (< 3 mm),
C2 : varices (> ou = à 3 mm),
C3 : cedème veineux,
C4 : troubles trophiques d’origine veineuse
C4a : pigmentation, eczéma veineux
C4b : lipodermatosclérose ou hypodermite d’origine veineuse, atrophie blanche
C5 : troubles trophiques comme définis dans 4 avec ulcère cicatrisé,
C6 : troubles trophiques comme définis dans 4 avec ulcère actif.
Source: HAS, 2010
Tableau 1 :
Classification des affections veineuses chroniques selon la CEAP (2)

92 l Recherche en soins infirmiers n° 137 - Juin 2019

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 Évaluation des techniques de pose des bandes de compression
médicale chez les patients porteurs d’ulcères veineux :
une étude observationnelle mixte
est considérée comme le principe actif. Elle est exercée sur Pour atteindre la pression recommandée, la technique
le membre inférieur à l’aide de dispositif de compression de pose des BCM doit respecter des principes établis,
médicale (BCM) de classe 1 selon la réglementation listés dans les recommandations de bonnes pratiques
européenne (4). professionnelles en vigueur qui datent de 2015. Sept critères
de pose sont présentés : 1) départ de la BCM à la racine
Il existe trois types de bandes de compression médicale des orteils ; 2) deux tours complets sur le pied ; 3) talon
(BCM) : les bandes inélastiques (allongement < 10 % de la taille recouvert ; 4) étirement conforme au type de bande ; 5)
initiale), les bandes à allongement court (>10 % et < 100 %) et recouvrement régulier du tour précédent ; 6) fin de la pose
les bandes à allongement long (≥ 100 %). Selon les propriétés 5 cm sous le creux poplité ; 7) pas de superposition des
de leur surface, elles sont classées comme bandes sèches, derniers tours (5,9).
bandes adhésives, bandes cohésives et bandes enduites (3).
Or, les patients accueillis en consultation portent fréquemment
On parle de bandage multitype si au moins deux bandes des BCM dont la technique de pose ne respecte pas les
de compression de types différents sont superposées. La recommandations de bonnes pratiques. Cependant, les
terminologie retrouvée dans les recommandations de la Haute étapes de pose les moins respectées et les facteurs qui les
autorité de santé (HAS) a évolué entre 2006 (3) et 2010 (5) : de influencent sont mal connus.
bandage multicouche (3) à bandage multitype (5). Le terme
bandage multicouche n’est plus retenu car, par définition, tous Cette étude observationnelle a donc pour objectif de décrire
les bandages comportent plusieurs couches (dès lors que le les écarts entre les pratiques professionnelles de pose de
recouvrement est supérieur ou égal à 50 %). BCM observées et les recommandations et d’explorer sur
quels savoirs reposait la technique de pose de BCM par

Concernant le traitement du stade C6 des affections
veineuses chroniques (ulcère ouvert), la HAS dans ses
dernières recommandations de 2010, préconise d’appliquer
une pression entre 30 et 40 mmHg (5). De plus, les données
cliniques sont en faveur de l’utilisation de bandage multitype
en première intention (5,6). Cependant, il est aussi rappelé
que lorsque l’observance n’est pas satisfaisante, le choix
de la compression doit être adapté individuellement et
prendre en compte la tolérance du patient pour favoriser
son adhésion au traitement. L’observance au traitement
est difficile pour une part importante des patients (7). Dans
ce cas, la bande sèche à allongement court peut être une
alternative (8) ainsi que les bas, bien que leur positionnement
soit difficile pour un ulcère de grande taille.
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les infirmiers.
MÉTHODOLOGIE
Nous avons mené une étude observationnelle dans un
centre hospitalier universitaire proposant des consultations
d’expertise sur les plaies d’origine vasculaire. Dans le but
« d’avancer une explication sur les résultats quantitatifs
obtenus à la phase initiale quantitative » (10) cette étude s’est
appuyée sur un devis séquentiel mixte : d’une part un volet
quantitatif visant la description des techniques de pose de
BCM, d’autre part un volet qualitatif explorant les savoirs
infirmiers mobilisés pour poser une BCM.

Date : .. / .. / 2017

q Femme PSE DE A ADE

DEES SC-DEGAPES
q Age: ______ans
Départ racine des orteils q Oui q Non
q Domicile
E DE ESDECE D PATET q Etablissement q Oui
P 2 tours complets sur le pied q Non
collectif ou de santé q Non évaluable
A
T q Elastique q Oui
 TyPE DE CTET q Non élastique Talon recouvert q Non
q Multitype q Non évaluable
E
 q Oui
Chaussure recouvrant le talon Etirement conforme au type de bande q Non
T q Oui q Non q Non évaluable

° q Oui
Talon de Chaussure Recouvrement régulier du tour précédent q Non
q Oui q Non q Non évaluable
q Avant le lever Fin de la pose 5 cm sous creux poplité q Oui q Non
ET DE A PSE
q Après le lever Superposition des derniers tours q Oui q Non

Figure 1 :
Grille de recueil des données quantitatives

Recherche en soins infirmiers n° 137 - Juin 2019 l 93

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Le recueil des données quantitatives a été réalisé via une
grille d’observation créée en identifiant les sept critères
de pose de la BCM (figure 1) recensés selon les dernières
recommandations datant de 2015. Dix professionnels de
santé avaient testé au préalable cette grille jugeant que les
items étaient compréhensibles et qu’elle nécessitait 10 à 15
minutes de remplissage. Les données socio-démographiques
du patient, son lieu de résidence ainsi que le type de
compression médicale, le moment de la pose, les modalités
du chaussage étaient aussi recueillies.
La population ciblée concernait les patients consultant en
ambulatoire et les patients hospitalisés dans les services
de médecine polyvalente gériatrique, médecine et chirurgie
vasculaire et de soins de suite. Etaient inclus les patients ayant
donné leur consentement oral pour participer à l’étude, porteurs
de bande à allongement long, à allongement court et de bandage
multitype (recommandés dans le cadre du traitement des
affections veineuses chroniques du stade C3 au stade C6).
Concernant le volet qualitatif, des entretiens semi-directifs ont
été réalisés auprès de neuf infirmiers libéraux recrutés lors de
leur stage réalisé dans le cadre d’un diplôme universitaire (DU)
« Peau, plaies et cicatrisations » et, d’autre part auprès de
trois infirmiers hospitaliers. Un guide d’entretien orientait les
interviews vers plusieurs thèmes : parcours et connaissances
du professionnel, identification des obstacles à l’application
de la prescription. Les entretiens ont été enregistrés,
anonymisés puis retranscrits.
Après la lecture répétée et annotée des entretiens et par un
processus itératif entre données et catégories identifiées,
une analyse a été élaborée qui découpe chaque entretien en
extraits codés dans une arborescence thématique (11).
La recherche impliquait la personne humaine mais ne
s’inscrivait pas dans le champ d’application de la loi Jardé
selon l’article R1121-1 du Code de Santé Publique dans la
mesure où le dispositif expérimental consistait davantage
à évaluer des modalités d’exercice des professionnels de
santé que d’augmenter les connaissances médicales ou
biologiques.
L’avis d’un comité d’éthique pour ce type de recherche
n’est pas requis en France. Chaque personne avait la
possibilité d’accepter ou de refuser librement la participation
à la recherche. Les données collectées ont été codées et
maintenues confidentielles sur une base sécurisée de manière
à empêcher toute identification directe ou indirecte par un tiers.
RÉSULTATS
L’étude s’est déroulée sur une période de trois mois. D’avril à
juin 2016, les modalités de pose des BCM ont été investiguées
par le volet qualitatif observationnel. Les entretiens semi-
94 l Recherche en soins infirmiers n° 137 - Juin 2019
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directifs visant à explorer les facteurs influençant le choix de
la technique de pose de BCM se sont déroulés au mois de
juin 2016.
z Modalités de pose des BCM observées
Au total, 261 patients (dont 152 femmes) ont été inclus : 161
en consultation et 100 au sein des services d’hospitalisation.
Parmi les patients inclus en ambulatoire, 75 % provenaient
de leur domicile et 25 % vivaient dans des Etablissements
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
La majorité des patients avait plus de 80 ans (52 %), 10 %
étaient âgés de moins de 60 ans.
Parmi les trois types de BCM observées, la bande à
allongement long était la plus prescrite, tant pour les patients
à domicile (42 %) que ceux à l’hôpital (71 %). Le bandage
multitype représentait 28 % pour le domicile et n’était pas
utilisé dans les services d’hospitalisation car non référencé au
sein de l’établissement.
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Un tiers de tous les patients inclus avait des BCM posées
avant le lever.
Concernant l’ensemble des critères de pose, ils étaient
respectés chez 27 % des patients hospitalisés (n=27) et 13 %
des patients vivant à domicile (n=21).
Le recouvrement du talon représentait le critère de pose le
moins suivi pour l’ensemble des BCM observées (tableau 2)
que ce soit chez les patients hospitalisés ou en ambulatoire.
z Volet qualitatif : les éléments pris
en compte par les infirmiers pour poser
une BCM
L’échantillon interrogé était composé de neuf infirmiers
dont six libéraux en cours de DU et trois hospitaliers. Ils
rapportaient prendre en charge environ trois patients porteurs
de BCM par jour.
Connaissances spécifiques de la compression médicale
Pour désigner les BCM, une hétérogénéité de termes était
employée : « bande élastique avec des carrés », « bande
marron », « bande blanche non élastique ». Seule une
infirmière utilisait la terminologie retenue par la HAS dans
ses recommandations de 2010. Concernant les indications
des BCM, le processus physiopathologique rapporté était :
« améliorer le retour veineux », « diminuer l’œdème », « aider
à la guérison ».
Apprentissage des connaissances spécifiques
Les professionnels interrogés ont acquis leurs connaissances
sur les BCM durant les stages cliniques réalisés lors de leur
formation initiale et tous notaient l’insuffisance de formation
spécifique.
 Évaluation des techniques de pose des bandes de compression
médicale chez les patients porteurs d’ulcères veineux :
une étude observationnelle mixte
Réflexivité des infirmiers vis-à-vis de leurs connaissances Certains infirmiers prenaient en compte les demandes des
Les entretiens rapportaient que des divergences étaient patients « Je ne serre pas trop si cela est un souhait sinon,
parfois observées entre la pratique des infirmiers interrogés je sais que le patient va ôter la bande quand je serai partie ».
et celle observée chez leurs collègues. Ainsi Mme A disait : Une infirmière proposait des ajustements de la technique de
« je me pose quelques questions car je ne fais pas comme ma pose. « Il n’y a pas vraiment de refus car on dit que c’est
collègue ». Pour Mme B. : « Je me pose des questions quand le médecin qui a prescrit. Mais on ne les met pas de façon
il faut poser la bande en épi, est-ce correct ? » efficace quand on ne sert pas trop, nous-même on se le dit
on sait qu’on l’a pas mis assez serré », « Je ne fais qu’un tour
Ces différences concernaient principalement la prise ou sur le pied pour que cela ne soit pas trop gros », « Je ne sers
non du talon sous la BCM et sur le recouvrement ou non pas trop quand le patient me le demande, je n’insiste pas car
de l’indicateur de pose lorsqu’il s’agissait d’une bande pas le temps, c’est mieux que rien. »
étalonnée. « Avec l’équipe, quand on en parle, il y a plusieurs
avis différents sur la pose, dont le talon, et s’il faut recouvrir Des infirmiers libéraux évoquaient la prescription de chaussures
le carré ou non. » permettant de se chausser avec la BCM. « Cela se passe bien
pour changer de chaussure surtout qu’une paire est prise en
Influence du patient sur la technique de pose réalisée charge par la sécu ». Cependant, ces propositions n’étaient pas
par l’infirmière toujours acceptées par les patients. « C’est surtout un problème
Lors de la pose de la BCM, l’avis des patients influençait financier et les personnes ne veulent pas se déplacer pour aller
la technique de pose. Les patients exprimaient en effet un acheter une paire de chaussures imposée » déclarait Mr D.
risque d’intolérance et demandaient aux infirmiers d’adapter
leur technique. Ces derniers citaient ainsi des paroles de Les limites exprimées pour converger vers les modalités

patients fréquemment entendues : « Ne serrez pas trop fort ».
Une infirmière rapportait aussi que les femmes avaient plus
de mal à accepter la BCM. « Les femmes trouvent que cela
n’est pas joli (bande avec indicateur de pose). »
© Association de Recherche en Soins Infirmiers | Téléchargé le 14/09/2023 sur www.cairn.info par Anndréa Bernard (IP: 135.19.153.248)
recommandées
Un autre obstacle au respect de la pose reposait sur le
manque de temps pour communiquer avec le patient. « Il
faudrait plus de temps pour instaurer un climat de confiance.

Principes de pose recommandés

Ambulatoire ospitalisation Total
(nombre de patients pour lesquels l’item avait été
n=161 n=100 n=261
renseigné : ambulatoire / hospitalisation)

Départ racine des orteils (n=156/ n=100) 86 (55 %) 81 (81 %) 167 (65 %)

Deux tours complets sur le pied (n=154 / n=98) 88 (57 %) 59 (60 %) 147 (58 %)

Talon recouvert
81 (51 %) 45 (45 %) 126 (49 %)
(n=158 / n=99)

Etirement conforme au type de bande (indicateur de pose

111 (71 %) 76 (77 %) 187 (74 %)
respecté) (n=156 / n=98)

Recouvrement régulier du tour précédent

117 (73 %) 58 (58 %) 175 (68 %)
(n=160 / n=99)

Fin de la pose sous le creux poplité (n=160 / n=98) 101 (63 %) 63 (64 %) 164 (64 %)

Pas de superposition des derniers tours (n=159 / n=98) 99 (62 %) 87 (89 %) 186 (72 %)

Tableau 2 :
Adéquation des critères de pose observés avec les recommandations
selon la provenance du patient

Recherche en soins infirmiers n° 137 - Juin 2019 l 95

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Si on était mieux formé, si on avait plus d’argument vis-à-vis
de la personne » déclarait Mr D.
Le manque de précision de la prescription médicale
de BCM ne permettait pas aux infirmiers de connaître
l’objectif de pression comme le précisait Mr G, infirmier
hospitalier : « On ne sait pas quelle force faire, s’il faut
recouvrir le carré ou non. »
Enfin, l’absence de l’acte infirmier dans la nomenclature
générale des actes professionnels relative à la tarification
« pose de bande de compression médicale » a aussi été
rapporté. L’expression dont celle de Mme B, infirmière
« Ras-le bol de ne pas être payée » était récurrente. « Au
début, on cotait un Acte médical infirmier (AMI) 1 et il a
fallu rembourser la Caisse primaire d’assurance maladie
(CPAM). Maintenant, on cote en CSI qui est plus cher mais
cela a été proposé par la CPAM. »
DISCUSSION
L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les écarts
entre les pratiques professionnelles concernant la technique
de la pose de BCM et les modalités de pose en vigueur dans
les recommandations actuellement.
Eclairages sur le non suivi des recommandations en cours
Types de BCM prescrits
La BCM à allongement long était majoritairement posée chez
les patients porteurs d’une affection veineuse au stade C6
de la CEAP (42 % en ville et 71 % à l’hôpital) alors que les
recommandations de la HAS ne la citent que pour le stade C3
(œdème chronique). Recommandé en première intention par
la HAS pour le stade C6, le bandage multitype représentait
28 % des BCM en ville mais n’était pas retrouvé chez les
patients hospitalisés car non référencé par la pharmacie à
usage intérieur. Pourtant, elle a l’avantage de pouvoir rester en
place sur plusieurs jours, ce qui n’est pas le cas pour la BCM
à allongement long qui doit être mise avant le lever et retirée
au coucher. Cette caractéristique représente donc un levier
pour éviter la pose de BCM après le lever (retrouvé pour un
tiers de patients). La bande à allongement court représentait
29 % des BCM prescrits en ville comme à l’hôpital. Ce
dispositif médical (DM) est inscrit sur la liste des produits et
prestations remboursables (LPPR) depuis seulement mars
2017, ce qui pourrait expliquer la sous-utilisation de ce DM
pourtant recommandés par la HAS.
La pose des BCM
Nos résultats montrent une faible part de BCM posées selon
les critères actuellement recommandés. Nos résultats croisent
ceux de l’étude de Attal et al. (12), réalisée en France en 2014,
qui retrouvait une pose conforme chez 35 % des patients.
A la différence de cette étude, nous avons investigué trois
96 l Recherche en soins infirmiers n° 137 - Juin 2019
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critères de poses supplémentaires : 1- réalisation de deux
tours complets sur le pied ; 2- recouvrement régulier de la
BCM ; 3- absence de superposition de tours sous le genou, ce
qui pourrait expliquer la différence de pose conforme.
L’étirement de la BCM en fonction de son type (allongement
court, long) était conforme pour les ¾ des patients
hospitalisés. Cela peut s’expliquer par le fait que sur les
BCM à allongement long, des indicateurs de pose sont notés
permettant une utilisation simplifiée. Au domicile, 71 % des
BCM avaient un étirement correct.
Le départ de la BCM à la racine des orteils était correct pour
81 % des patients hospitalisés, ce résultat chutant à 55 %
pour les patients vus en ambulatoire. Ceci peut s’expliquer
par la différence de chaussage entre ces deux populations
de patients : l’un portant principalement des chaussons
personnels ou à usage unique et l’autre des chaussures de
ville. L’épaisseur de la BCM pouvant être à l’origine de cette
mauvaise observance. Concernant le bon maintien de la
BCM, 60 % des patients hospitalisés et 57 % des patients
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ambulatoires avaient deux tours effectués sur le dos du pied,
étape recommandée pour le bon ancrage de la BCM.
Le recouvrement régulier du tour précédent était correct à
73 % en ville versus 58 % à l’hôpital. Si une prescription
médicale de BCM doit mentionner le type de BCM
mais aussi sa longueur et sa largeur en fonction de la
morphologie de la jambe, en service hospitalier, il est
plus fréquent de disposer de seulement deux largeurs et
deux longueurs référencées, ce qui peut expliquer une
superposition imparfaite des spires.
Le choix de la technique par les infirmiers
L’écart aux recommandations le plus retrouvé dans les
deux populations concernait le recouvrement du talon. Les
infirmiers rapportaient que le bandage était souvent vécu
comme étant trop volumineux et pourrait donc entraver
le chaussage. Les infirmiers interrogés déclaraient qu’ils
adaptaient la pose aux souhaits du patient pour favoriser la
tolérance de la BCM. Pour 51 % des patients ambulatoires,
le talon était recouvert par la bande et il l’était pour 45 % des
patients hospitalisés. Le choix de laisser le talon découvert
semble être une alternative pour favoriser l’observance au
traitement par compression. Les recommandations de la
HAS sur le recouvrement du talon ne reposent pas sur des
données probantes mais sur des avis d’experts. Aucune
étude n’a été retrouvée permettant de mettre en avant la
plus-value du talon recouvert pour maintenir une pression
recommandée pour la cicatrisation.
Le choix d’une technique de pose de BCM pour un
patient : une illustration des savoirs infirmiers
Barbara Carper a proposé une typologie des savoirs
infirmiers en 1978 (13) incluant le savoir empirique (en
référence aux critères de scientificité communément
 Évaluation des techniques de pose des bandes de compression
médicale chez les patients porteurs d’ulcères veineux :
une étude observationnelle mixte
admis), le savoir artistique (qui consiste à individualiser la
réponse soignante à partir d’un corpus de connaissances
théoriques et techniques (14)), le savoir éthique et le savoir
personnel qui est essentiel à la compréhension du sens
attribué aux situations par les individus en fonction de
la vision qu’ils portent sur la réalité (13). Complétée par
d’autres auteurs (15), cette typologie connaît également
des critiques sur la similarité de certains savoirs et le fait
de ne pas prendre en compte les développements récents
en épistémologie et en philosophie des sciences survenus
depuis les années 60 (16).
Sans tenter l’expérience de répondre à telle ou telle
typologie des savoirs proposés (13), cette recherche met
cependant en lumière que les écarts observés par rapport
aux recommandations peuvent être expliqués par un
manque d’actualisation des connaissances infirmières. Mais
aussi, voire surtout, par la mobilisation de savoirs infirmiers
complémentaires permettant de prendre prioritairement
en compte l’expérience et le souhait du patient lorsque la
tolérance et l’observance au traitement sont en jeu. Dans ce
contexte, les connaissances issues des travaux sur la décision
médicale partagée (17) peuvent être mobilisées pour soutenir
l’infirmier dans sa prise en charge.
L’enjeu de clarification des savoirs infirmiers mobilisés pour
réaliser des soins infirmiers est bien celui de pouvoir argumenter
les choix cliniques lorsque le souhait du patient, les données
probantes et les moyens disponibles ne sont pas en accord.
Pour la pose de BCM, il semble nécessaire de mener des
études permettant de préciser les critères de pose permettant
d’atteindre l’objectif thérapeutique afin de fournir aux
professionnels et aux patients des informations utiles pour le
choix de la technique de pose de ce type de dispositif afin de
faciliter la mise en œuvre de ce soin.
Les limites de l’étude
Cette étude était monocentrique. Cependant, des patients
dont les BCM étaient posées à domicile et en service
d’hospitalisation ont été inclus.
Nous avons utilisé une grille d’observation avec des critères
de pose non standardisés. Elle ne permet pas de comparer
finement nos résultats avec d’autres études. Pour autant, un
panel d’infirmières du service de médecine vasculaire qui
n’ont pas participé à la suite de l’étude a testé cette grille,
assurant sa bonne compréhension.
Pour compléter l’analyse des résultats, des renseignements
sur l’infirmier poseur de bande tels que l’ancienneté, les
formations complémentaires, la récurrence des prises en
charge dans le domaine des plaies vasculaires, les contacts
avec le service de références du centre hospitalier auraient
permis d’analyser si la formation des professionnels impacte
la pose des BCM.
Les patients inclus présentaient des plaies souvent sévères
que la prise en charge standard par les services de ville n’avait
pas réussi à gérer. Les patients pouvaient donc avoir un vécu
de la compression médicale plus lourd que l’ensemble des
patients porteurs de plaies au stade C6.
Les entretiens ont été réalisés avec des infirmiers en cours de
formation pour l’obtention du diplôme universitaire « Peau,
plaies et cicatrisation ». Cet échantillon n’était pas représentatif
de la communauté des infirmiers, ce qui a peut-être limité la
diversité des réponses.
CONCLUSION
Cette étude a suivi un devis séquentiel mixte permettant
de décrire que la plupart des patients portant des
BCM ne bénéficient pas de la technique actuellement
recommandées, spécialement pour le recouvrement du
talon par la BCM. La partie qualitative de notre étude a
permis de mettre en avant la mobilisation de plusieurs
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savoirs infirmiers dans la réalisation de ce soin, illustrant ici
la singularité des soins infirmiers.
Pour autant, les critères de pose recommandés
actuellement ne reposent pas sur des données probantes
alors même que la prise du talon sous la bande semble
être mal tolérée par le patient. Tant l’évaluation d’une autre
technique de pose laissant le talon hors du bandage que
l’implication du patient dans ses soins sont des sujets de
recherche dont les infirmières peuvent se saisir. Concernant
le premier, une étude contrôlée randomisée sur l’évaluation
de la technique de pose de BCM recouvrant le talon, est en
cours d’investigation.
DÉCLARATION DE CONFLITS D’INTÉRÊTS
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
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