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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 40-290

40-290

Bases anatomiques des vagotomies


abdominales
A Marrie R é s u m é. – La distribution du système parasympathique à l’estomac est à la base
théorique d’une vagotomie complète. En pratique, sa variabilité en est la
caractéristique.
Ses variations sont très précisément décrites. Elles sont potentiellement
responsables de vagotomie incomplète aux niveaux de l’œsophage abdominal, de
l’angle de His, du ligament phrénogastrique, de la terminaison des nerfs de Latarjet et
du pédicule de la grande courbure gastrique.

Introduction Distribution modale

La réalisation d’une vagotomie (chirurgicale ou laparoscopique) Les pneumogastriques droit et gauche, descendant de chaque côté de
complète, impératif anatomique absolu, suppose une connaissance la trachée, constituent au-dessous des bronches souches un plexus
approfondie de la distribution du système parasympathique à périœsophagien qui donne naissance à deux nouveaux troncs,
l’estomac. antérieur et postérieur, individualisés plus ou moins tôt avant le
diaphragme.
Les travaux anatomiques de référence étonnent par leur
ancienneté [3, 4, 26, 31, 35]. La description princeps des nerfs de la petite
courbure par Latarjet et Wertheimer [29, 50] date de 1921. Variations anatomiques
Des études anglo-saxonnes suivent [8, 9, 15, 18, 24, 34] après la redécouverte
de la vagotomie tronculaire par Dragstedt [13]. Le nombre, la qualité, le niveau d’individualisation des troncs entre le
Des constatations peropératoires [6, 17, 20, 21, 38, 39] , plutôt que des plexus périœsophagien et le diaphragme sont très variables.
arguments de dissection anatomique, reprennent ensuite en Les troncs sont uniques dans 60 % des cas environ (fig 1A, B, D) [8, 24].
considération des données jusqu’alors déconsidérées ou tombées dans
l’oubli. Des branches communicantes sont fréquentes entre les deux troncs
Plus récemment, des études expérimentales chez l’animal [11, 33, 51], des (fig 1D).
tests peropératoires de vagotomie complète chez l’homme ont confirmé Dans 25 % des cas, il n’y a pas de troncs individualisables à partir du
l’existence de variantes de distribution nerveuse antérieurement plexus, mais plusieurs branches nerveuses qui descendent vers
discutées. l’abdomen (fig 1C, F).
Dans l’exposé qui suit, la description de l’anatomie modale théorique Dans 15 % des cas, les troncs, après avoir été individualisés, se
sera schématisée, les variations responsables de pièges anatomiques redivisent en deux ou plusieurs branches avant l’arrivée au hiatus
pouvant conduire à la vagotomie incomplète (quel que soit son type) diaphragmatique.
seront soulignées.
La distance existant entre la limite inférieure du plexus périœsophagien
et le diaphragme est très inconstante (0,2 à 6,5 cm).
Pneumogastriques thoraciques
La disposition anatomique des vagues thoraciques explique en partie les Pneumogastrique abdominal :
variations observées au niveau de la traversée diaphragmatique. traversée diaphragmatique

Si le diaphragme est un rapport anatomique inévitable, situer la


terminaison des pneumogastriques par rapport à lui consiste à lier deux
Alain Marrie : Ancien interne, assistant des hôpitaux de Strasbourg, ancien chef de éléments qui n’ont aucune relation embryologique [18] (fig 2).
clinique à la faculté de médecine, 2, boulevard Roosevelt, 68200 Mulhouse, France.
© Elsevier, Paris

Ainsi, habituellement, les troncs sont individualisés avant le hiatus.


Ailleurs, le plexus s’étend au-dessous et on observe plusieurs troncs
Toute référence à cet article doit porter la mention : Marrie A. Bases anatomiques sous-diaphragmatiques. Autre éventualité, les troncs sont bien
des vagotomies abdominales. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques
chirurgicales – Appareil digestif, 40-290, 1998, 7 p.
individualisés au niveau du hiatus, mais des branches collatérales
naissent au-dessus de lui et le traversent (fig 1F).
40-290 BASES ANATOMIQUES DES VAGOTOMIES ABDOMINALES Techniques chirurgicales

A B C

D E F
1 Nerf vague antérieur : variations anatomiques aux niveaux sus- et sous- Nerf vague postérieur : variations anatomiques aux niveaux sus- et sous-
diaphragmatiques (A, B, C). diaphragmatiques (D, E, F).
A, B. Troncs uniques. D. Tronc unique (branches communicantes avec le tronc antérieur).
C. Structures nerveuses multiples. 1. Par branche collatérale précoce issue du E. Individualisation tardive du tronc.
tronc ; 2. par branches issues du plexus antérieur. F. Division précoce et branches gastriques directes issues du plexus posté-
rieur. 3. Ramus criminali (Grassi).

– Le tronc postérieur est accolé à la face postérieure de l ’œsophage, en


arrière de son bord droit.
Conséquences théoriques
La section des troncs antérieur et postérieur à la sortie du diaphragme
réalise une dénervation parasympathique de l’ensemble de l’estomac et
du tube digestif.

Variations anatomiques
Cette disposition idéale sur le plan chirurgical est exceptionnelle, sa
caractéristique est en fait la variabilité.
Nombre
La variabilité du nombre de structures nerveuses aux niveaux
diaphragmatique et sous-diaphragmatique est classique [4, 26, 31, 34, 35, 50].
Le tronc antérieur est multiple ou accompagné de structures nerveuses
secondaires dans 30 % des cas environ, aussi bien dans les études
anatomiques [23, 29] que dans les constatations peropératoires [40, 41]. La
fréquence de nerfs antérieurs multiples peut être évaluée jusqu’à
55 % [48].
2 La terminaison des pneumogastriques et la traversée diaphragmatique sont des
rapports anatomiques fortuits sans relation embryologique.
Le tronc postérieur est plus constamment unique (90 à 95 % des cas),
rarement multiple et, dans ce cas, exceptionnellement divisé en plus de
deux branches (fig 1F).
Distribution modale Les structures nerveuses accessoires sont l’explication de la variabilité
de nombre précitée. Il peut s’agir :
Nombre – soit de nerfs haut situés dus à une individualisation tardive du tronc et
Les troncs antérieur et postérieur issus des plexus périœsophagiens sont correspondant à des éléments du plexus périœsophagien (fig 1B) ;
uniques, traversent le diaphragme isolément, conservent un trajet unique – soit des branches de division au contraire précoces après une
intra-abdominal avant de donner naissance à leurs branches de divisions individualisation tronculaire qui s ’est faite au niveau ou au-dessus du
gastriques et extragastriques (fig 1A, D). diaphragme (fig 1C) ;
– soit de branches gastriques directes issues du plexus périœsophagien,
Situation voire du nerf vague droit sus-bronchique, pouvant traverser
– Le tronc antérieur est normalement appliqué à la face antérieure de individuellement le diaphragme sur le bord gauche de l’œsophage, ou
l’œsophage abdominal, sous le feuillet péritonéal, en position médiane. même à distance de ce dernier (fig 1C, F).

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Techniques chirurgicales BASES ANATOMIQUES DES VAGOTOMIES ABDOMINALES 40-290

4 Variations positionnelles et numériques.

3 Rotation embryologique.

Conséquences pratiques
L’inconstance numérique de distribution vagale est manifeste. La
section théorique transversale de l’œsophage abdominal peut mettre en
évidence de deux à sept structures nerveuses [27]. Ces chiffres paraissent
souvent plus élevés chez les anatomistes que chez les chirurgiens
rendant compte de la difficulté d’individualisation de ces structures
nerveuses accessoires. On peut estimer valablement qu’une vagotomie 5 Distribution modale du système parasympathique à l’estomac. 1. Tronc anté-
rieur ; 2. tronc postérieur ; 3. branche « criminelle » de Grassi ; 4. branches œsocar-
tronculaire sous-diaphragmatique ne sectionnant qu’un tronc antérieur diotubérositaires antérieures ; 5. branches œsocardiotubérositaires postérieures ; 6.
et un tronc postérieur a globalement au moins 30 % de probabilités nerfs de Latarjet ; 7. « patte d’oie » ; 8. nerf de la grande courbure ; 9. nerf pyloro-
d’être incomplète (cf fig 4). duodénal ; 10. branche cœliaque ; 11. branches gastrohépatiques.

Situation
pilier droit à droite, le bord droit du cardia et le pédicule coronaire en
Les variations de position peuvent être expliquées selon le schéma bas ;
classique de Griffith [18] par la rotation embryologique de l’estomac – les structures vagales accessoires sont essentiellement situées sur la
de gauche à droite à partir de sa position initiale sagittale. Le tronc face antérieure de l ’œsophage :
droit devient postérieur, le gauche antérieur. La rotation plus ou
moins appuyée explique en partie les variations positionnelles – soit à gauche du tronc principal, toujours sur la face antérieure ou
(fig 3) : même le long du bord gauche de l’œsophage jusqu’à l’angle de
His [20, 27] , voire à distance dans l’épaisseur du ligament
– le vague antérieur (fig 4) est soit médian, soit décalé vers la droite, phrénogastrique [39] ;
soit plus souvent vers la gauche. Après avoir croisé, selon un trajet
oblique de haut en bas et de gauche à droite, la face antérieure de – soit à droite du tronc principal, pouvant même être accolées au bord
l’œsophage abdominal, il se termine plus ou moins près du bord droit du droit de l ’œsophage abdominal, puis au ras de la petite courbure de
cardia. Il est toujours appliqué sur la face antérieure de l’œsophage par l’estomac.
le péritoine préœsophagien et plus haut par un tissu fibreux émanant du Sur la face postérieure de l’œsophage, ces structures sont beaucoup plus
diaphragme, la membrane de Laimer-Bertelli ; rarement rencontrées et sont surtout trouvées à gauche du tronc
– le vague postérieur (fig 4) est plus constant, en arrière du bord droit principal. Ainsi, les branches de division précoce du tronc vagal
de l ’œsophage ; il peut être décalé vers la ligne médiane mais surtout il postérieur, nées haut, croisant la face postérieure de l’œsophage puis se
est situé au sein d’un tissu cellulaire rétropéritonéal lâche, donc plus distribuant à la partie gauche de la région cardiotubérositaire
mobile ; il est parfois plus proche de l’aorte abdominale que de postérieure, ont été qualifiées par Grassi [16] de « rameaux criminels »
l’œsophage, il doit être alors recherché dans l’espace compris entre le (fig 1F, 5) [3, 10].

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40-290 BASES ANATOMIQUES DES VAGOTOMIES ABDOMINALES Techniques chirurgicales

Conséquences pratiques – section des nerfs de Latarjet antérieur et postérieur ;


Toute vagotomie doit au mieux être une dissection haute de l’ensemble – conservation des troncs antérieur et postérieur et de leurs branches
de l’œsophage abdominal distal, du diaphragme au cardia, pour assurer extragastriques : gastrohépatiques et cœliaque ;
la section de toutes les fibres vagales, y compris les troncs en cas de – vagotomie suprasélective :
vagotomie tronculaire, en conservant ceux-ci en cas de vagotomie – section des branches œsocardiotubérositaires antérieures et
sélective ou suprasélective. Dans tous les cas, les structures vagales postérieures des troncs antérieur et postérieur ;
antérieures accessoires à distance du tronc (ligament phrénogastrique) – section des branches gastriques issues des nerfs de Latarjet ;
doivent être prises en considération.
– conservation des troncs antérieur et postérieur et de leurs branches
extragastriques, gastrohépatiques et cœliaque, des nerfs de Latarjet
antérieur et postérieur ;
Branches des troncs abdominaux
– vagotomie tronculaire postérieure avec séromyotomie antérieure :
– section du tronc postérieur ;
Distribution modale – séromyotomie antérieure sectionnant les branches œsocardio-
Après la traversée diaphragmatique, les deux troncs donnent naissance tubérositaires antérieures, les branches gauches des nerfs de Latarjet
à des branches collatérales qui se distribuent à la quasi-totalité du tube dans leur trajet sous-séreux au niveau de leur pénétration
digestif. intragastrique ;
– conservation du tronc antérieur, de ses branches gastrohépatiques
Branches du tronc antérieur et du nerf de Latarjet antérieur.
Elles sont de deux types :
– branches hépatiques (fig 5, repère 11) : elles naissent au bord droit du Variations anatomiques
tronc antérieur, se dirigent de gauche à droite transversalement dans la
pars condensa du petit épiploon, rejoignent le pédicule hépatique et Branches extragastriques
donnent naissance à trois types de rameaux : – Branche hépatique du tronc antérieur
– ascendants pour le hile du foie ; Repère anatomique constant, il peut s’agir d’une ou de plusieurs
– récurrents vers le plexus cœliaque ; branches. Elles naissent toujours du bord droit du tronc antérieur, au-
– descendants constituant le pédicule pyloroduodénal, qui descend dessus ou au niveau du cardia. Lorsque le vague antérieur est multiple, il
le long des vaisseaux pyloriques dans la partie droite du petit n’existe pas une branche hépatique unique naissant du tronc situé le plus
épiploon, se termine sur le canal pylorique, assurant l ’innervation de à droite, mais plusieurs branches naissant séparément des troncs
la portion distale de l’antre, du pylore et du duodénum ; il est constant antérieurs [6].
(fig 5, repère 7) ; Ces branches hépatiques cheminent de gauche à droite transversalement
– branches gastriques : sur son bord gauche, le tronc antérieur donne dans l’épaisseur du ligament gastrohépatique, toujours bien visible dans
des rameaux œsocardiotubérositaires antérieurs en nombre variable un méso translucide, même chez le sujet adipeux.
pour la partie basse de l’œsophage, le cardia et la face antérieure de la Une artère hépatique accessoire, voire une artère hépatique gauche
grosse tubérosité et de la partie haute du corps de l’estomac (fig 5, repère aberrante (10 à 15 %), peut l’accompagner.
4). Après avoir abandonné quatre à six branches en moyenne, le tronc Parmi les variations qui peuvent être rencontrées, il faut relever :
principal quitte le plan antérieur du cardia et se continue sous forme – des branches hépatiques pouvant naître exceptionnellement du
d’une branche relativement volumineuse qui chemine le long du versant tronc postérieur [40] ;
antérieur de la petite courbure à 1 à 2 cm d’elle : il s’agit du « nerf
principal antérieur de la petite courbure » décrit par Wertheimer [50] et – des rameaux partant parfois de ces nerfs hépatiques, pouvant
couramment dénommé « nerf antérieur de Latarjet » (fig 5, repère 6) ; il transverser l ’épiploon et rejoindre l’artère coronaire stomachique [30].
abandonne vers la gauche des rameaux pour la paroi antérieure de la À l’opposé, un contingent hépatique peut se détacher très bas d’une
portion verticale de l’estomac [31, 32] . Ces branches nerveuses ont branche gastrique, voire du nerf principal de Latarjet (fig 6) [48].
toujours un trajet superficiel sous la séreuse sur 1 à 2 cm avant de – Branche cœliaque du tronc postérieur
pénétrer la musculature gastrique. Elles ne suivent pas exactement les Deux faits anatomiques sont constants : c’est toujours la plus grosse des
trajets vasculaires. Les observations opératoires de Taylor [46] ont branches de division des troncs ; elle se dirige toujours vers le plexus
confirmé ces données anatomiques de Mitchell [32] qui sont à la base du cœliaque.
principe de la séromyotomie antérieure. Sa position dans le plan sagittal n’est pas constante, entre l’œsophage et
Il se termine sur l’antre gastrique à 7 cm du pylore par deux à trois l’artère coronaire stomachique en avant, le pilier droit du diaphragme et
ramifications à la manière d’une « patte d’oie » (crow’s foot) l’aorte en arrière.
d’Hedenstedt [20] (fig 5, repère 7). Dans sa position antérieure habituelle, la branche cœliaque peut suivre
Branches du tronc postérieur l’artère coronaire stomachique.
Dans sa variation dorsale plus rare, elle est bien individualisée par
Le tronc postérieur fournit également deux types de branches : rapport à l’artère coronaire stomachique et descend au plexus cœliaque
– la branche cœliaque volumineuse se dirige en bas et à droite pour en étant bien appliquée sur le pilier droit du diaphragme.
rejoindre le plexus cœliaque (fig 5, repère 10) ; Six types de branches peuvent être décrits [24].
– les branches gastriques, en nombre variable, naissent du bord gauche Elle peut plus rarement naître du tronc antérieur [40], voire du nerf
du tronc principal. Ce sont d ’abord des filets œsocardiotubérositaires principal de la petite courbure.
(fig 5, repère 5). La dernière branche, la plus longue et la plus
volumineuse, constitue le nerf principal postérieur de la petite courbure Conséquences pratiques
de Latarjet, homologue du nerf antérieur, mais moins long et moins
volumineux. Il abandonne vers la gauche des filets pour la face Les branches hépatiques sont en règle aisées à repérer macrosco-
postérieure de l’estomac. Comme l’antérieur, il trouve sa terminaison piquement et à conserver lors d’une vagotomie sélective, d’une
sur l’antre, à 7 cm du pylore, par plusieurs ramifications. vagotomie suprasélective ou d’une vagotomie tronculaire postérieure
avec séromyotomie antérieure de par leur situation haute antérieure et
Conséquences théoriques superficielle à travers un épiploon translucide. Seule est à retenir
l’existence hypothétique d’une artère hépatique gauche les suivant, dont
Cette distribution est à la base des variantes de vagotomies distales : la section ne pourrait survenir accidentellement qu’au cours d’une
– vagotomie sélective : vagotomie tronculaire ne conservant pas les branches hépatiques.
– section des branches œsocardiotubérositaires antérieures et La branche cœliaque, manifestement variable, est a priori plus difficile à
postérieures issues des troncs antérieur et postérieur ; individualiser. En fait, le problème est uniquement de l’éviter dans les

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Techniques chirurgicales BASES ANATOMIQUES DES VAGOTOMIES ABDOMINALES 40-290

6 Contingent hépatique se détachant du nerf de Latarjet. 7 Variante de distribution du nerf de Latarjet. Naissance d’une branche surnumé-
raire à partir des nerfs gastrohépatiques.

vagotomies sélectives et suprasélectives. Certaines dispositions de la


petite courbure peuvent entraîner sa section accidentelle. Variations de situation : le nerf de Latarjet est normalement, et dans la
très grande majorité des cas, situé sous le péritoine, croisant
Branches gastriques superficiellement les branches descendantes de l’artère coronaire
– Branches gastriques du tronc antérieur stomachique. Il descend à distance de la petite courbure, à 2 cm d’elle.
Cependant, il peut être plus profond, alors que des branches accessoires
– Les branches œsocardiotubérositaires naissent plus ou moins tôt du sont plus apparentes et superficielles. Ces nerfs principaux, s’ils sont
bord gauche du ou des troncs antérieurs. L’existence d’un plexus multiples, peuvent alors être situés dans un plan unique ou dans deux
gastrique a été souvent défendue par les classiques [26, 31] et plus plans différents plus ou moins superficiels. Ces éléments nerveux plus
récemment [ 3 0 ] . Latarjet et Wertheimer [ 2 9 , 5 0 ] la récusent ou moins divers en dimension, en rapport et en distribution peuvent
formellement ; il semble raisonnable d’admettre, avec ces auteurs, la
échanger entre eux des anastomoses. On pourrait admettre ainsi
naissance isolée et successive de ces branches œsocardiotubéro-
l’existence d’un véritable plexus nerveux de la petite courbure. Enfin, la
sitaires, au nombre de quatre à six, étagées du haut en bas et
conservant jusque dans l’épaisseur des parois gastriques une distance par rapport à la petite courbure est aussi variable. Le nerf de
individualité propre. Il n’y a pas d’anastomose entre elles, chaque nerf Latarjet s’écarte peu de la branche terminale de l’artère coronaire
extrinsèque a macroscopiquement un territoire bien délimité. Les stomachique, qui elle-même cependant peut être au ras de la petite
premières branches gastriques sont peu constantes dans leur situation. courbure, voire déviée un peu sur la gauche [48] . Le ou les nerfs
Par ailleurs, il faut revenir sur la fréquence des structures vagales principaux de Latarjet sont exceptionnellement très déportés sur la
accessoires déjà décrites, quel que soit leur type et pouvant naître haut gauche à moins de 1 cm de la petite courbure.
au-dessus du diaphragme et traverser isolément l’hiatus. Elles sont à Variations de terminaison : la terminaison en « patte d’oie » de
assimiler à ces branches gastriques du tronc antérieur. Enfin, Hedenstedt [16] est considérée comme un repère anatomique important,
l’existence de ramifications intramurales situées dans l’épaisseur de située à droite de l’angulus, à 7 cm du pylore ; cependant existent :
la musculeuse œsophagienne peut être décrite [27]. – soulignés par Hedenstedt [20] et Grassi [16], des rameaux ascendants
– Le nerf antérieur de la petite courbure : la description princeps du ou récurrents naissant au niveau de la terminaison du Latarjet et
nerf antérieur de la petite courbure, ou nerf de Latarjet antérieur, est remontant vers la petite courbure ;
admise pratiquement par tous les auteurs postérieurs à Latarjet et – des branches pyloriques issues directement du tronc antérieur ayant
Wertheimer [5, 8, 15, 18, 22, 31, 34, 36, 42]. Il s’agit d’un repère anatomique un trajet autonome indépendant du nerf de Latarjet [24, 30, 32] ;
manifestement évident sur le vivant. Le nombre, les rapports et la
terminaison de ce nerf sont cependant, encore une fois, inconstants. – une variation du nombre des branches terminales de division qui,
de deux à trois selon Hedenstedt, peuvent être beaucoup plus
Variations de nombre : il est possible d’observer souvent deux, parfois nombreuses (cinq à six), voire plexiformes.
trois ou quatre longues branches nerveuses croisant la petite courbure
plus ou moins bas. Ces branches nerveuses sont : – Branches gastriques du tronc postérieur
– soit nées directement du tronc vagal au même niveau que la – Les branches œsocardiotubérositaires postérieures, homologues
branche hépatique (fig 7) ; des nerfs gastriques antérieurs, peuvent également avoir une origine
sus-diaphragmatique déjà décrite (nerf criminel de Grassi). À
– soit des branches de division haute du nerf de Latarjet ; l’opposé, elles peuvent naître beaucoup plus bas du tronc, lorsque la
– soit l ’évolution terminale d’une structure accessoire nerveuse branche cœliaque s’individualise tard ; elles suivent alors un trajet
située initialement à droite du tronc vagal. récurrent le long de la coronaire pour atteindre l’estomac avec elle [24].
On peut de ce fait, le long de la petite courbure, observer de un à trois Comme pour le tronc antérieur, des branches pyloriques sont décrites
nerfs principaux de la petite courbure, de calibre égal. avec un trajet indépendant du nerf de Latarjet postérieur.

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40-290 BASES ANATOMIQUES DES VAGOTOMIES ABDOMINALES Techniques chirurgicales

– Le nerf postérieur de la petite courbure est la branche la plus


inférieure de ces nerfs gastriques. Il est symétrique de l ’antérieur,
mais moins long et moins volumineux, en règle générale toujours
situé à droite que l’antérieur. Sa terminaison présente la même
variabilité que l’antérieur. Un réseau anastomotique peut être décrit
entre les systèmes antérieur et postérieur.
Conséquences pratiques
La variabilité de nombre et de distribution des branches gastriques
œsocardiotubérositaires justifie, au cours d’une vagotomie distale,
l’individualisation première et haute des troncs uniques ou multiples, et
une dissection haute de l’œsophage abdominal distal.
Par ailleurs, en ce qui concerne le pédicule de Latarjet, Wertheimer le
décrivait très précisément comme constitué par un plan vasculaire
(branches terminales de l’artère coronaire stomachique et leurs branches
gastriques), compris entre deux plans nerveux, antérieur et postérieur,
de la petite courbure avec leurs branches gastriques.
Cette description est beaucoup trop schématique pour correspondre à la
réalité, qui se rapproche plus d’un enchevêtrement nerveux et vasculaire
intriqué dans plusieurs plans frontaux.
Mais l’essentiel reste vrai : dans le plan sagittal, il est possible de
dissocier anatomiquement la petite courbure de ses attaches vasculaires
et nerveuses en conservant la continuité des nerfs principaux, antérieur
et postérieur, de Latarjet.
Pédicule de la grande courbure (fig 8)
Latarjet et Wertheimer décrivaient un pédicule accessoire formé par des
rameaux grêles sous-pyloriques, appelé pédicule de la grande courbure.
Il pouvait s’agir de nerfs issus du plexus cœliaque après avoir suivi
l’artère hépatique puis gastroduodénale avant de rejoindre l’artère
gastroépiploïque droite. 8 Pédicule nerveux de la grande courbure gastrique.
Hedenstedt considérait cette branche comme constante. Rosati [39], sur
des données physiques (pH-métrie), objectivait la persistance d’une
zone d’acidité au niveau de la grande courbure après vagotomie distale Conséquences pratiques
sans section du pédicule gastroépiploïque droit. Elle disparaissait après
cette section. Le pédicule gastroépiploïque laissé intact après vagotomie distale
L’importance pratique de ce pédicule nerveux de la grande courbure a (sélective, suprasélective ou séromyotomie antérieure) est une source de
toujours été discutée. vagotomie incomplète probable.
Des études plus récentes d’expérimentation animale [9, 11, 52] et Dans le même ordre d’idées, l’artère gastrique gauche, les vaisseaux
d’observations chirurgicales [10] confirmeraient son existence anatomique courts spléniques sont des vecteurs d’innervation parasympathique.
et son importance physiologique sur la sécrétion gastrique ; avant de
rejoindre la grande courbure gastrique, ces branches nerveuses pourraient •
avoir transité par les murs, antérieur et postérieur, du pylore [52]. • •
Pédicule gastrique gauche, vaisseau gastroépiploïque gauche À partir d’un schéma de base largement connu et admis, la
Enfin, certaines observations expérimentales et opératoires [2, 10, 11, 52] caractéristique de la distribution vagale gastrique est la variabilité
affirment la possibilité de voies d’accès parasympathiques à l’estomac de nombre et de situation. Compte tenu de ces constatations, il
au niveau du trajet de l’artère gastrique postérieure, quand elle existe est raisonnable d’insister sur le respect de ces bases
dans le pédicule pancréatogastrique de l’artère gastroépiploïque gauche anatomiques dans la réalisation d’une vagotomie, quel que soit
et des vaisseaux courts spléniques. son type.

Références ➤

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