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40-940
Anastomoses biliodigestives
dans la lithiase biliaire
JP Lechaux R é s u m é. – Les anastomoses biliodigestives dans la lithiase biliaire sont des
dérivations internes qui portent sur la voie principale pédiculaire et sur le duodénum
(cholédochoduodénostomie) ou le jéjunum (cholédochojéjunostomie). Les impératifs
techniques permettant d’éviter la sténose anastomotique comportent la réalisation sur
une voie biliaire large de plus de 10 mm, sur des tissus sains avec un affrontement
rigoureux et sans tension des muqueuses biliaires et digestives. Des épisodes
angiocholitiques peuvent compliquer les deux types de dérivation dus à la stase
biliaire conséquence d’une anastomose faite ou devenue trop étroite ou de la
migration de corps étrangers lithiasiques ou alimentaires. Les indications de ces
dérivations sont devenues rares, limitées aux empierrements, en particulier
intrahépatiques, dans une voie biliaire très large, permettant de réaliser un traitement
complet et définitif. L’intervention la plus simple et la plus rapide est la
cholédochoduodénostomie latérolatérale. La cholédochojéjunostomie terminolatérale
sur anse exclue en Y est une véritable substitution de la voie biliaire dont les
indications sont encore plus rares.
La réalisation d’une cholédochoduodénostomie par abord laparoscopique n’est
actuellement préconisée que dans les obstructions malignes.
© 1999, Elsevier, Paris.
Introduction L’anastomose doit être faite en tissu sain et sur une voie biliaire large.
Un duodénum inflammatoire de maladie ulcéreuse ou par fistule
Les anastomoses biliodigestives dans la lithiase biliaire sont des cholécystoduodénale ou abcès périvésiculaire, une voie biliaire au sein
dérivations internes dont les indications sont devenues plus rares du fait d’une pédiculite intense par cholécystite aiguë et angiocholite ne
peuvent convenir. Toute péritonite, localisée ou généralisée, interdit
du diagnostic plus précoce de la lithiase cholédocienne et des progrès
toute anastomose. En revanche, l’inflammation de la muqueuse biliaire
acquis dans la désobstruction opératoire et endoscopique de la voie
par angiocholite aiguë n’a aucune conséquence péjorative. Seule la
biliaire principale (cholédochoscopie, sphinctérotomie endoscopique). disparition de la muqueuse qui ne s’observe qu’au décours des
Les anastomoses portent exclusivement sur la voie principale traumatismes opératoires de la voie biliaire principale est une cause
pédiculaire (hépatocholédoque), la voie biliaire accessoire étant certaine de sténose anastomotique. Une voie biliaire suffisamment large
pathologique, et, sur le versant digestif, sur le duodénum ou le jéjunum est une condition indispensable pour une réalisation facile et la
réalisant la cholédochoduodénostomie et la cholédochojéjunostomie prévention de la stase biliaire. Le diamètre minimal peut être fixé à
dont la technique habituelle et les variantes simples seront décrites en 10 mm. Une anastomose de réalisation parfaite en tissu sain et sur une
excluant les artifices techniques dépourvus d’intérêt. La réalisation par voie biliaire large n’a aucune tendance à se sténoser.
laparoscopie d’une anastomose cholédochoduodénale, préconisée dans
L’anastomose doit réaliser un affrontement rigoureux et sans tension
les sténoses malignes, n’a pas actuellement d’indication dans la lithiase
des muqueuses biliaires et digestives.
cholédocienne.
Les points doivent être extramuqueux sur le versant digestif et totaux
sur le versant biliaire. Le matériel de suture doit être fin pour éviter une
fuite biliaire au niveau des points. Les fils à résorption lente (Vicryl t 4
Principes généraux ou 5/0) sont préférables mais le risque de concrétion lithiasique sur du
matériel non résorbable est inexistant au niveau d’une anastomose
Les règles techniques sont communes à toute anastomose biliodigestive, biliodigestive. L’anastomose peut être réalisée soit par deux
quelle qu’en soit l’indication. hémisurjets, soit à points séparés, ce qui semble préférable pour certains,
afin d’éviter tout risque de sténose. Le passage de tous les points avant
serrage, au moins sur le plan postérieur, facilite la confection de
l’anastomose parfois profonde et évite l’incongruence. Les fils du plan
postérieur sont noués à l’intérieur de la lumière, ceux du plan antérieur,
Jean-Pierre Lechaux : Gastroentérologue, service de chirurgie digestive, hôpital des
Diaconesses, 18, rue du Sergent-Bauchat, 75012 Paris, France.
à l’extérieur. Six à huit points distants de 2 mm sont en règle nécessaires
© Elsevier, Paris
sur chaque plan. L’anastomose doit être sans tension. Il faut s’assurer,
avant de choisir le site de l’incision biliaire ou de l’ouverture digestive,
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lechaux JP. Anastomoses que le vecteur choisi vient facilement au contact de la voie biliaire.
biliodigestives dans la lithiase biliaire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Techniques
chirurgicales - Appareil digestif, 40-940, 1999, 7 p.
Aucun artifice de suspension n’est nécessaire. Le respect de ces
principes rend inutile tout drainage intraluminal. Le risque de
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fistulisation est très faible justifiant cependant le drainage externe 1 A. Voies d’abord. 1. Incision sous-
systématique de la région sous-hépatique par une étroite lame costale droite ; 2. incision transver-
multitubulaire de silastique disposée sous le foie droit, sans contact sale de l’hypocondre droit ; 3. inci-
direct avec l’anastomose. Ce drainage est supprimé dès le troisième ou sion médiane sus- et péri-
quatrième jour postopératoire en l’absence de fuite biliaire. Des fuites ombilicale.
B. Disposition du champ opératoire
minimes immédiates d’évolution simple peuvent s’observer. après la cholécystectomie et la cho-
L’antibiothérapie périopératoire. langiographie. L’incision pariétale
est transversale. L’exposition est
Elle est indispensable dans cette chirurgie propre-contaminée avec obtenue par deux valves de Ro-
ouverture digestive et infection biliaire pratiquement constante dans la chard antagonistes.
lithiase. Les antibiotiques recommandés sont les céphalosporines de
première ou deuxième génération (Mefoxin t, Apacef t, Céfacidal t,
Rocéphine t). Ils diminuent la fréquence des complications septiques,
en particulier pariétales. Au décours de l’intervention, l’efficacité du
drainage biliaire interne autorise à suspendre toute antibiothérapie en
l’absence de manifestation infectieuse générale.
A
Conséquences physiopathologiques
Elles varient en fonction du vecteur digestif. La cholédocho-
duodénostomie respecte l’écoulement biliaire dans le duodénum mais
favorise le reflux biliogastrique, cause de gastrite, et crée un reflux
duodénobiliaire constant objectivé par le transit baryté. Ce reflux est
sans conséquence en l’absence de stase biliaire. La cholédo-
chojéjunostomie détourne l’écoulement biliaire à distance du
duodénum. Le montage n’est pas ulcérogène dans cette indication. À
condition d’utiliser une anse jéjunale exclue isopéristaltique longue de
70 cm, il n’y a pas de risque de reflux.
Les deux procédés exposent, avec une fréquence variable [2], au risque
d’angiocholite due à la stase biliaire, conséquence d’une anastomose
faite ou devenue trop étroite ou de la migration d’un corps étranger
lithiasique ou alimentaire. Les anastomoses biliaires latérales
comportent la persistance d’un cul-de-sac biliaire distal qui peut être
responsable d’épisodes angiocholitiques, voire de pancréatites par stase
ou migration de corps étrangers (sump sydrome).
Indications
L’indication de l’anastomose biliodigestive repose sur la volonté de réaliser
un traitement complet et définitif chez un sujet âgé et/ou fragile, ayant une
voie biliaire très large, siège d’un empierrement, en particulier
intrahépatique, de désobstruction aléatoire, avec une incertitude sur
l’organicité d’un obstacle oddien radiologique. Cette indication de sécurité
semble préférable aux manœuvres de désobstruction prolongées et
traumatiques, à la déperdition biliaire préjudiciable d’un drainage externe
ou au risque éventuel d’une sphinctérotomie endoscopique pour lithiase
résiduelle. La cholédochoduodénostomie latérolatérale est alors
l’intervention de choix, car la plus simple et la plus rapide d’exécution, sans
risque iatrogène majeur. En cas de complication à distance, le traitement
endoscopique par dilatation ou désobstruction reste possible. En revanche,
la cholédochojéjunostomie est une intervention plus longue, plus difficile,
intéressant à la fois, l’étage sus- et sous-mésocolique de l’abdomen, B
inappropriée chez des patients à haut risque opératoire. Le principe en est
totalement différent. Il s’agit d’un remplacement de la voie biliaire par le Une incision transversale de l’hypocondre droit à mi-distance de
jéjunum qui en est le substitut idéal. Elle est indiquée en cas d’obstacle l’ombilic et de la xyphoïde est préférable sur le plan esthétique et permet
biliaire paraissant organique, en particulier d’origine pancréatique, chez un une exposition identique.
patient jeune et sans risque opératoire. Elle est également justifiée en cas de L’incision musculoaponévrotique est limitée au muscle grand droit.
lithiase autochtone de la voie biliaire principale, en particulier intra- L’élargissement éventuel doit se faire vers la ligne médiane, voire le côté
hépatique, fréquente en Asie chez le sujet jeune, permettant la migration gauche. La laparotomie médiane sus-ombilicale convient mieux chez
spontanée de calculs résiduels ou leur extraction instrumentale par certains patients très longilignes.
abouchement temporaire à la peau de l’anse exclue [1]. Enfin, la plastie La rétraction pariétale autostatique est effectuée par deux valves de
jéjunale est le seul recours dans la chirurgie réparatrice des plaies ou sténoses Rochard, de taille moyenne, antagonistes, fixées en haut et en bas à des
traumatiques de la voie biliaire principale. barres transversales extérieures au champ stérile. En modifiant le sens
de la rétraction pariétale, on peut accéder à l’étage sous-mésocolique
pour la confection d’une anse jéjunale exclue.
Techniques Des valves malléables autostatiques et des champs abdominaux
humidifiés permettent d’exposer et de délimiter, de façon stable, le
Installation du malade, voie d’abord, disposition champ opératoire. Un ou deux champs sont disposés au-dessus et en
arrière du foie droit de manière à le transposer vers l’avant et le bas. Une
du champ opératoire (fig 1) valve malléable autostatique relève le segment IV. Deux champs
Le malade est en décubitus dorsal. La voie d’abord la plus directe est abdominaux bloqués sous la valve de Rochard inférieure refoulent
une incision sous-costale droite, parallèle au gril costal à environ 5 cm l’estomac et le côlon. Une mèche est placée dans l’hiatus de Winslow et
de celui-ci. sous le foie droit pour recueillir un écoulement biliaire.
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Techniques chirurgicales ANASTOMOSES BILIODIGESTIVES DANS LA LITHIASE BILIAIRE 40-940
Cholédochotomie
L’ouverture de la voie biliaire principale est décidée au terme de
l’exploration chirurgicale et cholangiographique. La découverte de la
voie biliaire dilatée est toujours aisée, en l’absence de phénomènes
inflammatoires aigus, après ouverture du feuillet antérieur du petit
épiploon à la partie moyenne du pédicule hépatique. La paroi biliaire est
dénudée sur quelques millimètres en écartant le feuillet péritonéal. Le
lieu de la cholédochotomie est choisi dans une zone avasculaire. Elle
doit être systématiquement transversale sur une voie biliaire très large, à
plus forte raison si l’on évoque la réalisation d’une anastomose
biliodigestive.
L’incision est faite par ponction directe de la face antérieure, au bistouri,
à lame fine puis agrandie, aux ciseaux de part et d’autre, avec hémostase
de la tranche par coagulation douce (fig 2, 3). La mise en place de fils
tracteurs avant ou après l’incision semble inutile et peut favoriser une
fuite biliaire sur une paroi fine. La décision de réaliser une anastomose
biliodigestive étant prise, pour une anastomose latérale la
cholédochotomie est limitée à l’hémicirconférence antérieure de la voie
biliaire en fonction de son calibre.
Cholédochoduodénostomie
Technique habituelle
C’est une anastomose latérolatérale (fig 6, 7). Le site de la
duodénotomie est choisi en faisant monter la première portion du
duodénum jusqu’au contact de la cholédochotomie.
Le décollement duodénopancréatique partiel facilite toujours cette
manœuvre. Le site habituel est sur la face antérosupérieure du genu
superius. L’incision duodénale est longitudinale, parallèle à la
cholédochotomie. La longueur est adaptée à celle de la bouche biliaire.
3 Agrandissement progressif de la cholédochotomie transversale antérieure. Elle est effectuée au bistouri électrique en évitant une ouverture
excessive. La pince à disséquer, ouverte librement dans la lumière,
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40-940 ANASTOMOSES BILIODIGESTIVES DANS LA LITHIASE BILIAIRE Techniques chirurgicales
Cholédochojéjunostomie
Technique habituelle
6 Cholédochoduodénostomie latérolatérale. Les fils du plan postérieur sont pas- C’est une anastomose terminolatérale. En effet, la substitution
sés avant serrage. Le canal cystique a été lié.
cholédocienne justifie de n’exécuter, sur le versant biliaire, que des
anastomoses terminales avec section complète. L’incongruence
habituelle entre le calibre de la voie biliaire et celui de l’anse jéjunale, la
brièveté de la corde du méso justifient de n’exécuter, sur le versant
intestinal, que des anastomoses latérales. L’exclusion jéjunale utilise le
procédé de l’anse en Y qui n’a, dans son indication biliaire, aucune
particularité en dehors de la brièveté de la distance qui sépare la racine
du mésentère et le pédicule hépatique, ne nécessitant qu’une très courte
ouverture du méso.
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Techniques chirurgicales ANASTOMOSES BILIODIGESTIVES DANS LA LITHIASE BILIAIRE 40-940
9 Section de l’anse jéjunale avec fermeture du segment distal par suture automa-
tique (TA 55).
11 Fermeture de la brè-
che du méso.
10 Rétablissement de
la continuité digestive par
anastomose jéjunojéju-
nale terminolatérale à
70 cm en aval du cul-de-
sac de l’anse exclue.
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40-940 ANASTOMOSES BILIODIGESTIVES DANS LA LITHIASE BILIAIRE Techniques chirurgicales
13 Cholédochojéjunostomie terminolatérale sur anse jéjunale exclue en Y. L’ex- 15 Autre procédé d’exclusion jéjunale : l’anse jéjunale est interposée entre la
témité de l’anse est maintenue hors du champ opératoire par des points de fixation voie biliaire principale et le duodénum.
latéraux en W. Le segment cholédocien inférieur a été fermé par suture à points
séparés.
16 Confection d’une
anse jéjunale en Y par su-
ture automatique. La sec-
tion jéjunale et l’anasto-
mose latérolatérale sont
effectuées à la pince GIA.
Les orifices d’introduc-
tion seront fermés à la
pince TA 55.
14 Cholédochojéjunostomie terminolatérale sur anse en « Y ». Achèvement du
plan antérieur.
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Techniques chirurgicales ANASTOMOSES BILIODIGESTIVES DANS LA LITHIASE BILIAIRE 40-940
L’anse jéjunale en « oméga », théoriquement plus simple, à la diversion biliaire extraduodénale, mais qui n’empêche pas le reflux
visée purement palliative, n’a aucune indication dans la lithiase duodénobiliaire.
biliaire. Chez un patient porteur d’une gastrectomie avec anastomose
gastrojéjunale, le risque d’ulcère anastomotique induit par la diversion
L’anse jéjunale interposée (hépatico-jéjuno-duodéno-plastie) (fig 16) [4] biliaire n’est que théorique. Les traitements médicaux actuels ont rendu
est une intervention plus complexe dont l’intérêt théorique est d’éviter obsolètes les montages chirurgicaux complexes proposés.
Références
[1] Manenti A. Hépaticojéjunostomie pour lithiase intrahépati-
que. Procédés complémentaires. Presse Méd 1984 ; 13 :
1091-1092
[2] Panis Y, Fagniez PL, Brisset D, Lacaine F, Levard H, Hay
JM. Long-term results of choledochoduodenostomy ver-
sus choledochojejunostomy for choledocholithiasis. Surg
Gynecol Obstet 1993 ; 177 : 33-37
[3] Soupault R. Les anastomoses biliodigestives et pancréati-
codigestives. Paris : Masson, 1961
[4] Spangaro M, Principe A, Candérolo N, Cerretelli M, Jovine
E, Gozzeti G et al. Anastomoses biliodigestives par
hépatico-jéjuno-duodéno-plastie. À propos d’une série per-
sonnelle de 20 cas. Ann Chir 1985 ; 39 : 371-376
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