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atelier Atteinte digestive au cours du diabète

Stéatose et diabète de type 2


Jean Michel Petit Mots clés : transaminases, hépatite C,
fibrose, diabète type 2, stéatose.

L a stéatose hépatique non alcoolique


(Non Alcoholic Fatty Liver Disease,
NAFLD) est une pathologie très fréquente
Tableau 1. Prévalences respectives du diabète sucré
et des principales pathologies hépatiques

chez les patients diabétiques de type 2. Prévalence Prévalence de la pathologie


du diabète sucré hépatique dans la population
Elle serait 2 fois plus fréquente que dans
diabétique
la population générale. La NAFLD est la
cause la plus habituelle d’élévation des Hépatite chronique C 10 à 30 % 3 à 11 %
transaminases au cours du diabète de type Stéatose 28 à 55 % 25 à 75 %
2 [1-4]. Toutefois, il est important avant
Hémochromatose 20 à 50 % 0,4 à 1,3 %
de conclure que l’augmentation des tran-
saminases est liée à une stéatose, d’éli- Cirrhose 20 à 50 % 1 à 4,3 %
miner d’autres pathologies hépatiques
fréquemment associées au diabète sucré Tableau 2. Prévalence de la stéatose dans la population diabétique
comme l’infection chronique par le virus
n méthodes % stéatose publications
de l’hépatite C ou l’hémochromatose.
Ces atteintes hépatiques diverses asso- Targher et al 2839 échographie 69,5 % Diabetes Care 2007
ciées à la maladie diabétique sont respon-
Petit et al 218 1
H-RMN 63,7 % JCEM 2010
sables d’une morbidité non négligeable.
Ainsi, dans la cohorte italienne de Vérone, Leite et al 180 échographie 69,4 % Liver Int 2009
les patients diabétiques ont 2,5 fois plus Cusi et al 107 1
H-RMN 76 % Current Opinion Endo 2009
de risques de décéder d’une pathologie
hépatique que les sujets non-diabétiques
[5]. Cela justifie donc que les diabéto- type 2, observe que 12,1 % ont une anoma-
logues portent une attention particulière lie du bilan hépatique [3]. Le risque était
Prévalence de la stéatose
aux éventuelles pathologies hépatiques de d’autant plus élevé que l’IMC augmentait, et de la stéatohépatite
leurs patients diabétiques. par ailleurs il diminuait chez les sujets trai- chez les patients diabétiques
tés par insuline [3]. Le risque d’avoir une de type 2
Diabète et anomalies augmentation des ALAT est 3 à 4 fois plus
important dans la population diabétique La prévalence de la stéatose au cours
du bilan hépatique
que dans la population non diabétique. du diabète de type 2 est variable selon les
La découverte d’une anomalie du bilan La cirrhose, l’hémochromatose, l’in- études et surtout selon le mode de dia-
hépatique est assez habituelle lors de la fection chronique par le virus de l’hépatite gnostic utilisé pour confirmer la stéatose.
prise en charge d’un patient diabétique [1]. C, la NAFLD et la consommation d’alcool On estime que 25 à 75 % des patients dia-
Ainsi dans une étude, regroupant plus de sont des pathologies fréquemment asso- bétiques sont porteurs d’une stéatose [1].
6000 patients diabétiques de type 2 inclus ciées à la maladie diabétique (Tableau 1). Dans un travail prospectif, Hickman et
dans 22 essais cliniques, il a été retrouvé à Il est important d’avoir une conduite dia- coll. montrait que 28 % des patients dia-
l’inclusion, 5,6 % de sujets avec des taux gnostique reposant sur les causes les plus bétiques de type 2 présentaient une ano-
de transaminases au-dessus des normes fréquentes d’élévation de transaminases malie du bilan hépatique avec pour 65 %
[2]. Plus récemment, une étude rétrospec- sans alourdir inutilement la prise en charge d’entre eux une stéatose, 14 % une infec-
tive sur plus de 800 patients diabétiques de de ces patients. tion virale, et 12,6 % une hépatopathie

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d’origine alcoolique [4]. En utilisant la Quantification de la stéatose de diabétiques porteurs d’une NAFLD,
technique non-invasive de référence qui est du caractère invasif de la biopsie de foie,
la spectrométrie RMN, la prévalence de la La méthode de référence pour quan- et de son coût, le développement de tech-
stéatose (> 5,5 %) est estimée à 34 % dans tifier la stéatose est l’histologie, ce niques non invasives d’évaluation de la
la population générale américaine [6]. qui nécessite de réaliser un geste inva- fibrose est indispensable. Sachant que la
Avec cette même technique, différentes sif, la ponction biopsie hépatique. majorité des patients stéatosiques n’ont
équipes ont trouvé que 60 à 76 % des Plusieurs techniques non invasives ont pas de NASH, l’utilisation de marqueurs
patients diabétique de type 2 présentent été développées pour évaluer la stéatose. non invasifs avec une bonne valeur pré-
une stéatose [7, 8], (Tableau 2). L’échographie hépatique permet la détec- dictive négative pour identifier les
tion de la stéatose avec une sensibilité de patients à faible risque d’avoir une fibrose
Particularité de la NAFLD chez 83 % et une spécificité voisine de 100 % avancée semble une stratégie adaptée.
[13]. Cependant l’échographie permet de Les cliniciens disposent de 2 groupes
les patients diabétiques de type 2
détecter la stéatose mais pas de la quan- d’outils : les scores non invasifs et l’élas-
L’augmentation des transaminases tifier de façon précise, par ailleurs sa sen- tométrie. Plusieurs scores non-inva-
n’est pas associée de façon systématique sibilité est moins bonne pour les stéatoses sifs sont disponibles comme le Fibrotest
à la sévérité de l’atteinte hépatique. Dans modérées. Le scanner avec injection de ou le NAFLD Fibrosis Score [16]. Le
le cas du diabète sucré, il a été constaté produit de contraste, permet une évalua- NAFLD Fibrosis Score est basé sur l’âge,
qu’à niveau de stéatose identique les tran- tion semi-quantitative de la stéatose. Sa l’IMC, la présence d’un diabète, les
saminases sont plus basses que chez les sensibilité oscille entre 54 et 71 % ; de taux d’ASAT, d’ALAT, d’albumine et la
patients non diabétiques [9]. Il semble plus il présente l’inconvénient d’être irra- numération plaquettaire. Ce test est dis-
donc que le taux de transaminases sous– diant. La spectrométrie par résonance ponible gratuitement online (www.nafld-
estime le niveau de stéatose des patients magnétique (SRM) est la technique non score.com), il est recommandé par l’asso-
diabétiques. Soixante–huit pour cent des invasive de référence pour mesurer la ciation américaine d’hépatology (ASLD),
patients porteurs d’une stéatose évoluée stéatose. En 2004, cette technique a été [13]. L’élastométrie transitoire est une
(> 15 %) présentent des taux de transa- utilisée pour mesurer la stéatose dans une méthode non invasive qui évalue la dureté
minases dans la norme [10]. Par ailleurs cohorte de plus de 2000 sujets [6]. Un hépatique en mesurant la vitesse, dans le
la présence d’un diabète sucré est sus- seuil de 5,5 % a été défini comme limite parenchyme hépatique, d’ondes de cisail-
ceptible d’avoir une influence sur l’his- supérieure de la normale. Une stéatose lement élastique générées par une impul-
toire naturelle de la stéatose. La stéatose hépatique a été diagnostiquée chez 34 % sion mécanique. Elle évalue un volume
correspond sur le plan biochimique à une de la population américaine [6]. Cette hépatique 100 fois supérieur à la biop-
accumulation de lipides dans les hépato- technique précise nécessite un appareil- sie. Elle montre une bonne concordance
cytes, il s’agit essentiellement de trigly- lage adapté et un savoir faire qui ne per- avec la biopsie hépatique [17, 18]. En
cérides. Une proportion importante de met pas sa généralisation en clinique. l’absence de consensus sur le dépistage
patients restera à ce stade de la maladie L’IRM avec la séquence phase-opposi- de la NAFLD chez les patients diabé-
sans complications hépatiques. Lorsque tion de phase est une technique simple tiques de type 2, on peut proposer la réa-
la stéatose s’accompagne d’une inflam- bien corrélée à la spectro-IRM, qui donne lisation d’un score non invasif comme le
mation avec une nécrose et une fibrose une évaluation quantitative très précise de NAFLD fibrosis score ou le Fibrotest et
périsinusoïdale et/ou portale on parle de la stéatose [14]. Cette technique nécessite d’une évaluation par élastrométrie tran-
stéatohépatite (NASH). Le pronostic sera un temps d’acquisition court et permet sitoire. Si le patient présente sur un des
très différent entre la stéatose simple et la de réaliser une véritable cartographie de 2 tests une suspicion de fibrose avancée
NASH. Le risque de cirrhose et de morta- la stéatose hépatique [15]. Son dévelop- F2, il doit être adressé à un hépato-
lité d’origine hépatique étant significati- pement, va permettre d’évaluer de façon logue pour poursuivre les investigations
vement plus élevé en cas de NASH [11]. précise et non invasive les thérapeutiques et discuter la pertinence d’une éven-
Dans un travail à partir d’une population de la stéatose. tuelle biopsie de foie [16].
de 144 patients porteurs d’une stéatohépa-
tite confirmée à la biopsie, les auteurs ont Evaluation de la fibrose Conséquence de la stéatose
voulu déterminer les caractéristiques cli-
des patients diabétiques sur la maladie diabétique
nico-biologiques associées à une fibrose
sévère [12]. Vingt-six pour cent n’avaient Les anomalies de la biologie hépa- Les relations entre l’existence d’une
pas de fibrose anormale, 47 % une fibrose tique ne sont pas des marqueurs suffisam- stéatose hépatique et l’histoire naturelle de
minime ou modérée, 10 % une fibrose ment fiables pour déterminer le niveau la maladie diabétique ne sont pas très bien
sévère et 17 % une cirrhose. En analyse de fibrose. La biopsie hépatique repré- connues. L’absence de technique fiable
multivariée, la présence d’un diabète sucré sente l’examen de référence pour éva- non invasive d’évaluation de la stéatose
était un des facteurs de risque indépendant luer le niveau de fibrose et d’inflamma- explique le peu d’études disponibles sur le
de fibrose sévère [12]. tion. Toutefois compte tenu du nombre sujet.

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Stéatose et paramètres métaboliques tements de rétinopathie par laser et de la associée à la présence d’une obésité, d’une
présence d’une néphropathie (15 % versus insulino-résistance et d’un diabète sucré
Le contenu hépatique en graisse est 9 %) chez les sujets diabétiques atteints de [32]. Le risque d’avoir une fibrose avancée
corrélé à la quantité d’insuline nécessaire stéatose [27]. Ces auteurs suggèrent que la est 2,4 fois plus important en cas de dia-
pour traiter les patients diabétiques de type présence de cytokines pro-inflammatoires bète sucré [12, 32].
2 [19]. De même la présence d’une stéa- et l’augmentation du stress oxydant en cas
tose en cas de diabète de type 2 s’associe de stéatose, favoriseraient le développe- Carcinome hépatocellulaire
à un niveau d’insulinorésistance plus élevé ment des complications microvasculaires
et diabète sucré
avec une augmentation de la concentration du diabète. Les limitations de ces études
de cytokines proinflammatoires comme le sont l’utilisation de l’échographie pour le Le risque évolutif d’une cirrhose vers
TNF-alpha et l’interleukine -6 [20]. diagnostic de stéatose, dont on connait la un carcinome hépatocellulaire (CHC) est
Le bilan lipidique est également faible sensibilité pour le diagnostic d’une le problème principal de l’atteinte hépa-
modifié chez les patients diabétiques de surcharge hépatique en graisse modérée tique chez les sujets diabétiques. Plusieurs
type 2 avec stéatose. Toledo a observé et la non prise en compte de l’obésité vis- études ont clairement montré l’existence
qu’en comparaison aux patients diabé- cérale qui est associée aux complications d’une relation entre le diabète sucré et le
tiques de type 2 sans stéatose, les patients microvasculaires du diabète. D’autres CHC [33]. De façon indépendante des
avec surcharge hépatique en graisse pré- études non pas retrouvé de liens entre la autres facteurs de risque de CHC, le dia-
sentaient des taux de HDL-cholestérol bas présence d’une stéatose et l’apparition de bète est associé à une augmentation de
et une augmentation des taux de triglycé- complications microvasculaires du diabète 2,3 du risque de développer un CHC [34].
rides et de LDL petites et denses [21]. [28, 29]. Des études complémentaires sont L’explication de cette relation passe en
indispensables pour préciser si l’augmen- partie par l’association entre la NASH et le
Stéatose et complications tation des complications microvasculaires diabète sucré, la NASH pouvant conduire
vasculaires du diabète en présence de stéatose est réellement à la cirrhose puis au CHC. Le développe-
indépendante de l’influence de l’obésité ment de CHC sans cirrhose en cas NASH
L’existence d’une stéatose et d’une viscérale. peut amener à dépister le CHC par écho-
NASH dans la population générale sont graphie hépatique semestrielle chez des
associées à un plus grand risque de patho- Conséquence du diabète sucré patients porteurs d’une NASH avec fibrose
logie coronarienne [22-24]. Cependant, la avancée, dès le stade F3.
sur la maladie hépatique
stéatose est fortement liée au syndrome
métabolique avec une insulinorésistance, La maladie diabétique a un impact Conduite pratique après
des troubles glucidiques, des anomalies négatif sur la maladie hépatique, que ce
le diagnostic d’une stéatose
lipidiques, et une obésité androïde recon- soit l’infection VHC, la stéatose ou la cir-
nus comme associés à une augmentation rhose. Dans l’évaluation de plus de 450 chez un patient diabétique
du risque cardio-vasculaire. La difficulté patients biopsiés pour anomalies des tran- La conduite diagnostique devant une
est donc de déterminer si cette relation saminases, ou hyperferritémie ou stéatose, élévation des transaminases repose sur
stéatose/risque vasculaire est indépen- l’équipe de Fracanzani a montré que la la connaissance des hépatopathies chro-
dante des autres anomalies métaboliques présence d’un diabète sucré était un fac- niques associées au diabète. Si le diagnos-
qui accompagnent la stéatose hépatique. teur indépendant associé à une fibrose tic de stéatose est le plus fréquent (environ
Dans la population de patients diabé- sévère > à un stade F2 (30). De plus il a 2/3 des cas), il est important d’éliminer
tiques, l’évaluation de la relation stéatose/ observé, chez les diabétiques en particu- d’autres pathologies hépatiques fréquem-
risque vasculaire a donné des résultats dis- lier, qu’une fibrose évoluée pouvant coïn- ment associées à la maladie hépatique et
cordants. L’équipe italienne de Targher cidée avec un taux normal de transami- en particulier l’hépatite chronique C, l’hé-
a retrouvé une augmentation des événe- nases suggérant que ce paramètre est loin mochromatose.
ments coronariens chez les sujets diabé- d’être suffisant pour évaluer la gravité
tique avec stéatose évaluée par échogra- d’une NASH. Un travail suédois a effec- 1. Eliminer une augmentation non
phie [25]. A l’inverse, avec une évaluation tué un suivi moyen de 13 ans pour 129 hépatique des transaminases
plus précise de la stéatose par scanner ou patients, avec des biopsies initialement Il est, bien sûr, nécessaire de recher-
spectroscopie-RMN, il n’a pas été trouvé mais également lors du suivi [31]. Ces cher une cause non hépatique d’augmen-
d’augmentation de l’épaisseur de l’intima auteurs observent que 41 % des patients tation des transaminases. L’existence
media carotidienne en cas de stéatose chez ont une progression de leur fibrose et que de myalgies, d’une amyotrophie ou la
des sujets diabétiques type 2 [10, 26]. les facteurs de risque de progression sont notion d’efforts musculaires intenses doit
Concernant une éventuelle influence une prise de poids de plus de 5 kg, une faire rechercher une origine musculaire à
de la stéatose sur les complications micro- insulinorésistance ou un diabète [31]. De une augmentation des transaminases. Le
vasculaires du diabète, une étude a observé la même façon, lors de l’évaluation de 827 dosage des CPK (créatines phosphoki-
une augmentation de l’incidence des trai- patients biopsiés, une fibrose avancée est nases) vont permettre de confirmer l’exis-

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tence d’une atteinte musculaire à cette NAFLD fibrosis score (NFS)


augmentation des transaminases. (http://NAFLDscore.com)

2. Rechercher des arguments en faveur


d’une intoxication éthylique chronique NFS élevé NFS indéterminé NFS bas
La possibilité d’une intoxication éthy- (> 0,676) (-1,455 à 0,676) < -1,455
lique chronique à l’origine de cette aug-
mentation des transaminases sera évoquée
sur un certains nombres de critères :
– Interrogatoire du patient en faveur d’une Avis hépatologue Elastométrie Prise en charge
consommation excessive ; (ponction biopsie de foie ? métabolique
– Prédominance de la cytolyse en ASAT ; dépistage des complications (Fibroscan) + MHD
de l’hépatopathie)
– Association à une macrocytose et à une
élévation des gammaglutamyl-transpepti-
dases.

3. Eliminer une hépatite virale > 8 kPa < 8 kPa


chronique
La recherche à l’interrogatoire des fac- Figure 1. Proposition de stratégie diagnostique pour dépister les patients diabétiques de type 2 avec risque
de fibrose avancée, d’après Armstrong et al [35]. NFS : NAFLD Fibrosis score ; MHD mesures hygiéno-
teurs de risque de contamination est indis- diététiques.
pensable (transfusion, toxicomanie IV
ou par voie nasale, comportement sexuel
à risque, tatouages ou piercing dans des Une imagerie du foie avec la réalisation un syndrome métabolique et une insulino-
mauvaises conditions..). L’existence d’une d’une échographie est un élément indis- résistance, l’élimination des autres étiolo-
augmentation des transaminases avec un pensable pour éliminer une pathologie gies d’augmentation des transaminases et
profil lipidique particulier comme un taux hépatique infiltrative ou tumorale. Le plus une imagerie (échographie, IRM) concor-
de LDL cholestérol et de triglycérides souvent les patients présentent une altéra- dante permettent d’évoquer le diagnostic
bas, est également un signe d’orientation. tion de l’état général et une augmentation de stéatose.
Le dépistage est réalisé par les sérologies des GGT et des phosphatases alcalines.
VHC et VHB. L’hépatite A ne se mani- 7. Evaluer le niveau de fibrose
feste pas habituellement par un tableau 6. Evoquer une stéatohépatite en cas de NAFLD
d’hépatite chronique. non alcoolique Comme nous l’avons évoqué précé-
Le diagnostic de stéatohépatite non alcoo- demment, on peut proposer la réalisa-
4. Eliminer une surcharge en fer lique sera évoqué en présence d’un patient tion d’un score non invasif comme le
Une augmentation des taux de fer- dont l'IMC est élevé, une dyslipidémie, NAFLD fibrosis score ou le Fibrotest
ritine est une éventualité fréquente une insulinorésistance, ce qui est, bien évi- et d’une évaluation par élastrométrie
chez les patients diabétiques de type 2. demment, le cas de la plupart des patients transitoire (16). Le patient sera adressé
L’hémochromatose sera recherchée par diabétiques de type 2. Le diagnostic reste pour avis auprès d’un hépatologue en
l’interrogatoire à la recherche de cas fami- en partie un diagnostic d’élimination, et il cas d’augmentation persistante des
liaux d’atteinte hépatique et par le dosage convient d'écarter une intoxication éthy- transaminases ou si sur un des 2 tests
du coefficient de saturation de la transfer- lique chronique, une hépatite virale ou une non invasifs il existe une suspicion de
rine qui dépassera 45 %. Dans ce contexte surcharge en fer. La biologie montre une fibrose significative (> F2). La présence
un dépistage génétique de l’hémochroma- augmentation des transaminases prédomi- d’une fibrose avancée (F3 ou F4) devra
tose pourra être demandé. nant sur les ALAT sauf en cas de fibrose conduire à mettre en place une surveil-
sévère. L’imagerie peut conforter le dia- lance spécifique liée aux complications
5. Eliminer une hépatite auto-immune gnostic : de cette hépatopathie (hypertension por-
et une atteinte néoplasique – l’échographie trouve un foie hyperécho- tale ou risque accru de développer un
Une hépatite auto-immune sera évo- gène ; carcinome hépatocellulaire avec dépis-
quée en présence d’un contexte auto- – le scanner permet une mesure semi- tage par échographie semestrielle). En
immun (sexe féminin, dysthyroïdie, syn- quantitative de la graisse hépatique ; l’absence de consensus validé, on peut
drome de Raynaud, arthralgies, éruption – les nouvelles techniques IRM non irra- proposer une stratégie fondée sur la réa-
cutanée…). La présence d’anticorps anti- diantes permettent d’obtenir une cartogra- lisation en routine du NAFLD fibro-
muscle lisse, anti-mitochondrie, anti-LKM phie de la graisse hépatique confirmant le sis score pour dépister les patients dia-
et d’une hypergammaglobulinémie sont diagnostic de stéatose. bétiques de type 2 à risque de fibrose
des éléments d’orientation très important. Le contexte clinique évocateur avec avancée (figure 1) (35).

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Quel traitement proposer lation entre le contenu hépatique en trigly- des récepteurs du GLP1 au niveau hépa-
à un patient avec un diabète céride et l’insulinosensibilité hépatique. tique et certains travaux préliminaires
Chez des sujets diabétiques de type 2, lors montrent un effet favorable des analo-
de type 2 et une stéatose de la prise en charge diététique, l’amélio- gues du GLP1 sur le taux de transaminases
L’évaluation du traitement de la stéa- ration du contenu hépatique en graisse est et sur le contenu hépatique en graisse.
tose des patients diabétiques nécessite très rapide avec une diminution de plus Récemment, une étude anglaise a éva-
un suivi quantitatif de l’infiltration grais- de 20 % après seulement 2 semaines de lué, dans une population de patients dia-
seuse, l’imagerie IRM peut être un apport régime [40]. L’exercice, seul ou associé à bétiques et non diabétiques, l’influence
précieux dans ce cadre. La prise en charge la diététique a également été évalué dans du liraglutide sur les critères histologique
de la stéatose de ces patients reste mal cette indication. Il semble toutefois que de NASH [46]. Trente-neuf pour cent des
codifiée, en l’absence d’études d’effica- l’exercice physique doit être plutôt intense patients sous liraglutide voient disparaître
cité des différentes thérapeutiques. Les pour obtenir une amélioration du contenu les critères histologiques de NASH après
principes du traitement comprennent les hépatique en graisse [41]. 48 semaines de traitement [46]. Ces résul-
mesures hygiénodiététiques, les insulino- tats encourageants sont, bien sûr, à pondé-
sensibilisateurs et les traitements hépato- Interventions pharmacologiques rer par le fait qu’il s’agissait d’une étude
protecteurs. sur un faible effectif (23 patients traités),
Effet des traitements du diabète et qu’il n’y avait que 35 % de patients dia-
Mesures hygiéno-diététiques sur la stéatose bétiques. Par ailleurs, il est difficile de dis-
L’effet des glitazones sur l’augmenta- tinguer l’effet lié à la perte de poids pro-
Si un régime enrichi en graisses satu- tion des taux d’adiponectine et le contrôle voquée par les agonistes du récepteur du
rées semble être un facteur bien établi du de la secrétion d’acides gras libres adipo- GLP1 d’un éventuel effet direct de ce trai-
développement de la stéatose chez les cytaires a généré beaucoup d’étude sur tement sur les hépatocytes.
sujets diabétiques de type 2, les effets un potentiel effet favorable sur la stéa- L’utilisation des statines chez ces
des interventions diététiques sur la stéa- tose hépatique. La pioglitazone chez des patients à haut risque vasculaire avec
tose n’ont été évalués que récemment. La sujets diabétiques provoque une réduction stéatose et perturbation du bilan biolo-
plupart des études sont de courte durée et de 47 % du contenu hépatique en graisse gique hépatique est tout à fait possible. La
portent sur un nombre limité de patients. mesuré par spectroscopie-RMN [42]. GREACE study a montré que la mise sous
Une perte de 1 % du poids du corps amé- L’effet au niveau histologique a été évalué statine avait même un effet positif chez ces
liore de 8 % le taux des transaminases sur une cohorte de 55 patients diabétiques patients avec une amélioration du taux de
chez les sujets obèses [36]. Dans un tra- de type 2 ou intolérants aux glucose, la transaminases [47].
vail récent il a été observé qu’une perte de pioglitazone pendant 6 mois améliore
poids de plus de 7 % était nécessaire pour la stéatose, et l’inflammation mais pas Autres interventions
observer des améliorations significations le niveau de fibrose [43]. Les glitazones pharmacologiques
des lésions histologiques de stéatose, de n’étant actuellement plus commercialisées Les traitements hépato-protec-
ballonisation, et d’inflammation [37]. en France ce recours n’est donc pas envi- teurs comme la vitamine E ont montré un
Sur une cohorte de 36 patients obèses sageable. intérêt mais chez les patients non diabé-
ayant bénéficié de 2 biopsies hépatiques, Les études sur le rôle de la metfor- tiques [13]. La prise de vitamine E a été
la chirurgie bariatrique avec une perte mine sont délicates à interpréter car il est associée à une augmentation du risque
de poids de l’ordre de 34 kg, s’associe à difficile de différencier un effet direct de d’AVC hémorragique. On ne dispose pas
une amélioration importante du niveau la metformine sur le foie de celui lié à la actuellement d’argument suffisant pour
de fibrose [38]. Au total lors de la perte perte de poids. Dans une étude pilote sur proposer son utilisation chez le patient
de poids, 82 % des patients ont une amé- une cinquantaine de patient la metformine diabétique de type 2 avec stéatose [13].
lioration de leur atteinte hépatique, 9 % provoque une amélioration de l’histologie Le développement actuel de traitements
une aggravation et 9 % une stabilisation. hépatique pour 30 % des patients, mais ciblés sur la NASH comme les agonistes
Si beaucoup d’études sur la NASH com- avec une forte corrélation avec la perte de des sels biliaires ou les agonistes PPAR
prennent des patients diabétiques, il y a poids obtenue [44]. Les méta-analyses sur pourrait représenter des voies thérapeu-
peu d’études n’évaluant que des sujets dia- ce thème montrent que la metformine ne tiques prometteuses.
bétiques de type 2. Une perte de poids de permet pas d’obtenir d’amélioration signi-
8% en moyenne chez des diabétiques de ficative de la NAFLD [45]. La metformine Conclusion
type 2, s’accompagne d’une réduction de n’améliore ni le niveau de stéatose ni le
80 % du contenu hépatique en graisse avec niveau de fibrose [45]. Alors que les prévalences du diabète
une amélioration en parallèle de l’insuli- Les incrétines pourraient représen- et de la NAFLD augmentent, la prise en
norésitance hépatique et de la production ter une voie thérapeutique intéressante charge de ces patients pose de réels pro-
hépatique de glucose [39]. Ces résultats pour la prise en charge de la NAFLD des blèmes. Les facteurs de risque d’évolution
suggèrent l’existence d’une forte interre- patients diabétiques. Il semblerait exister de la NAFLD des patients diabétiques sont

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mal connus et nous avons encore besoin 3. West J et al, QJM 2006 ; 99:871. 25. Targher G et al, Diabetes Care 2007 ; 30:2119.
4. Hickman IJ et al, Diabetes Res Clin Pract 2008 ; 26. McKimmie RL et al, Am J Gastroenterol 2008 ;
de recommandations claires concernant le 80:e10-2. 103:3029.
dépistage et la prise en charge de la stéa- 5. de Marco R et al, Diabetes Care 1999 ; 22:756. 27. Targher G et al, J Am Soc Nephrol 2008 ;
6. Browning JD et al, Hepatology 2004 ; 40:1387.
tose des patients diabétiques. L’objectif est 7. Cusi K. Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes
19:1564.
28. Jenks SJ et al, Diabet Med 2014 ; 9:1039.
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42 Janvier-Février 2016 VOL 80 MCED www.mced.fr

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