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Complications neurologiques du diabète


G. Saïd

Les neuropathies diabétiques représentent actuellement la cause de neuropathie la plus fréquente dans le
monde industrialisé et une complication invalidante et potentiellement grave du diabète sucré. Un
mauvais contrôle et la durée du diabète en représentent les principaux facteurs de risque. Le
polymorphisme clinique de la neuropathie diabétique est bien connu, la forme la plus fréquente étant la
polyneuropathie distale symétrique, longueur-dépendante. Elle est sensitive et s’accompagne souvent de
troubles végétatifs plus ou moins sévères. Les troubles sensitifs peuvent rester limités aux pieds, en
« chaussettes », ou s’étendre vers la partie proximale des membres selon une distribution fonction de la
longueur des fibres nerveuses. Cette polyneuropathie peut s’accompagner d’inconfort ou de douleurs
distales, ou rester parfaitement latente. Dans les deux cas, le risque est grand de voir apparaître des
troubles trophiques des pieds qui doivent être prévenus par une surveillance et une éducation des
patients. Le second type de neuropathie est représenté par les atteintes focales ou multifocales, paralysies
oculomotrices réversibles spontanément, et neuropathie proximale des membres inférieurs, la classique
« cruralgie », pour les plus fréquentes. Dans ce dernier type de neuropathie, il a été récemment mis en
évidence des lésions ischémiques et inflammatoires des nerfs affectés. La physiopathologie des formes
symétriques semble multifactorielle, avec un rôle pour l’hyperglycémie, la carence en insuline et leurs
conséquences métaboliques, ainsi que l’ischémie liée éventuellement à la microangiopathie.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Accidents vasculaires cérébraux ; Neuropathie diabétique ; Dysautonomie ; Troubles trophiques

Plan de risque qui lui sont souvent associés comme l’obésité,


l’hypertension artérielle et l’insuffisance rénale.
¶ Introduction 1
¶ Complications centrales du diabète 1
Manifestations cliniques 2 ■ Complications centrales
¶ Neuropathies périphériques du diabète
Aspects cliniques
2
2
du diabète
Études électrophysiologiques 5
Le diabète sucré altère les parois vasculaires et favorise la
Morphologie et physiopathologie 5
survenue d’accidents vasculaires cérébraux. En fait, le diabète est
Diagnostic différentiel 6
souvent associé à d’autres facteurs de risque vasculaires dont
Traitement 6
l’obésité, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie,
¶ Conclusion 7 l’insuffisance rénale. C’est la raison pour laquelle il n’est pas
facile de montrer statistiquement que le diabète en lui-même est
un facteur de risque supplémentaire [1].
Les études épidémiologiques suggèrent l’existence d’un lien
■ Introduction entre le taux d’hémoglobine glyquée et la survenue de troubles
cardiovasculaires dans le diabète de type 2. Une étude portant
Les conséquences du diabète sur le système nerveux se font sur 13 087 patients atteints de diabète de type 2 a montré que
sentir aussi bien au niveau central que périphérique. Le diabète la surcharge pondérale et l’obésité augmentaient le risque
est en effet actuellement la première cause de neuropathie dans d’accident cardiocirculatoire [2]. Une étude récente portant sur
le monde. De plus, la prévalence du diabète de type 2 croît 10 251 patients ayant une hémoglobine glyquée moyenne de
rapidement dans tous les pays, parallèlement à celle de l’obésité. 8,1 % a comparé leur devenir selon qu’ils avaient une HbA1c à
On peut estimer à 20-30 millions le nombre de sujets souffrant 6,4 % sous un traitement strict, ou à 7,5 % sous traitement
d’une neuropathie diabétique, chiffre qui pourrait doubler d’ici standard. Dans le premier groupe au traitement strict, la
2030 (www.idf.org). Le diabète représente de plus un des mortalité sur 3 ans par cause circulatoire était de 2,6 %, contre
principaux facteurs de risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) 1,8 % dans le second groupe avec une p à 0,02 ; 76 AVC, dont
de par les altérations des parois vasculaires et des autres facteurs neuf mortels, ont été notés dans le groupe traité intensément

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contre 72 dont 11 mortels dans l’autre groupe ; les différences la correction de l’hyperglycémie [7]. Le rôle de susceptibilités
n’étant pas significatives [3]. individuelles ne doit pas être méconnu et l’identification de tels
Le diabète favoriserait les lacunes cérébrales, c’est-à-dire les patients constituerait un progrès majeur pour la compréhension
accidents ischémiques de très petit volume situés dans la de la disparité des neuropathies et pour une meilleure protec-
profondeur du cerveau, par opposition aux ramollissements tion des patients à risque.
corticaux qui relèvent de l’athérosclérose classique. En fait, à la
suite d’une étude récente n’ayant pas trouvé davantage de
lacunes que d’accidents corticaux chez les diabétiques, les Aspects cliniques
auteurs incriminent plutôt l’altération de la barrière hématocé-
rébrale que le diabète à l’origine des lacunes [4]. Nous envisageons successivement les aspects cliniques des
polyneuropathies diabétiques sensitivomotrices symétriques,
longueur-dépendantes ; les neuropathies végétatives ; les
Manifestations cliniques neuropathies focales et multifocales et certaines neuropathies
Les AVC peuvent être de différents types. L’occlusion des gros non diabétiques qui paraissent plus fréquentes chez les diabéti-
vaisseaux ou la survenue d’emboles d’artère à artère partant ques, avant d’aborder les données neurophysiologiques, anato-
d’un gros vaisseau à destinée cérébrale a tendance à donner des mopathologiques, la physiopathologie et les traitements actuels.
accidents ischémiques classiques correspondant aux territoires
ischémiés : ramollissement sylvien superficiel, profond ou total ; Polyneuropathies diabétiques sensitivomotrices
ramollissement cérébral postérieur, ou ramollissement dans le « longueur-dépendantes »
tronc cérébral. Les déficits sont souvent massifs, à leur maxi-
mum à l’installation avec une tendance à l’amélioration Il s’agit de la complication neurologique la plus fréquente du
secondaire pouvant permettre une récupération fonctionnelle diabète, heureusement le plus souvent asymptomatique. Plus de
satisfaisante. Dans ces formes, les examens complémentaires 80 % des neuropathies diabétiques symptomatiques sont de ce
utiles comprennent, à l’installation des troubles, éventuellement type [8, 9] et la prédominance sensitive avec atteinte des petites
une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale avec fibres est constante (Tableau 1).
étude de la diffusion et une angiographie par résonance Le tableau neurologique est très stéréotypé : les troubles
magnétique (ARM) qui permettent de visualiser les lésions débutent et prédominent au niveau des pieds, par atteinte de la
ischémiques récentes et des anomalies des artères intracrânien- partie distale des fibres les plus longues, puis les déficits sensitifs
nes. Un Doppler des vaisseaux du cou recherche des sténoses se rapprochent de la racine des membres inférieurs du fait de la
carotidiennes éventuellement accessibles à un acte chirurgical dégénérescence de fibres de plus en plus courtes. Les troubles
ou une pose de stent. Les accidents de ce type ne sont pas sensitifs atteignent ensuite les membres supérieurs, à leur partie
spécifiques au diabétique. distale au bout des doigts, puis en « gants », s’étendant progres-
Le second type d’accident ischémique est constitué par les sivement sur les avant-bras puis les bras. Si le déficit sensitif
accidents lacunaires, classiquement plus fréquents chez le s’accentue, une hypo- puis une anesthésie apparaissent sur la
diabétique. Ils se traduisent par des manifestations neurologi- face antérieure du tronc, d’abord sur la ligne médiane, du fait
ques relativement mineures, sans déficit moteur massif ; des de la dégénérescence de la partie terminale des fibres les plus
engourdissements localisés à une main par exemple ; une longues cheminant dans les nerfs intercostaux. Elle s’étend
dysarthrie ; un manque du mot persistant ; un trouble de ensuite latéralement, en « tablier » ou en « cuirasse », pour se
l’équilibre. Ces phénomènes correspondent à des lésions rapprocher de la colonne des apophyses épineuses dans les
ischémiques limitées sous-corticales ou situées dans les noyaux formes les plus sévères. La perte de sensibilité peut même
gris ou le tronc cérébral. Il y a rarement une bonne corrélation toucher le sommet du crâne, voire la face [6, 10, 11] . Cette
entre les images lacunaires visualisées par le scanner ou l’IRM et progression des troubles sensitifs, qui s’étend en général sur
la clinique, mais on peut dire qu’il y a toujours davantage de plusieurs années, évoque une dégénérescence des fibres au
lésions anatomiquement qu’on en voit en imagerie. L’accumu- prorata de leur longueur, en accord avec les anomalies morpho-
lation de lacunes peut conduire à l’état lacunaire décrit par logiques et électrophysiologiques observées [12, 13]. Il est habituel
Pierre Marie, avec troubles de la marche, ataxie, dysarthie,
de qualifier ce type de neuropathie de « neuropathie longueur-
ralentissement intellectuel, troubles sphinctériens. Dans ces
dépendante ». Le diabète en représente l’étiologie la plus
tableaux, les lésions pariétales des gros vaisseaux sont contin-
fréquente. Ces neuropathies qui deviennent symptomatiques
gentes. Hypertension, hypercholestérolémie, diabète et obésité
plusieurs années après l’installation d’un diabète de type 1,
sont les principaux facteurs de risque de lacunes.
rarement très précocement [14, 15], peuvent au contraire venir
À côté de ces manifestations centrales liées au diabète, il ne
révéler un diabète de type 2, ou un état dit « prédiabétique ».
faut pas méconnaître les hypoglycémies consécutives aux
Dans le syndrome des petites fibres caractérisé par une perte
traitements qui peuvent avoir des manifestations très polymor-
des sensibilités thermique et douloureuse et révélée parfois par
phes et trompeuses comme une confusion mentale paroxysti-
des brûlures ou des blessures indolores, les symptômes sont
que, des troubles du langage, une crise convulsive, un déficit
éminemment variables. Ils peuvent être totalement absents et la
focal, un coma. Ces manifestations nécessitent un resucrage
perte sensitive n’être détectée que par l’examen systématique
d’urgence et un réajustement thérapeutique.
des sensibilités. Ailleurs, des paresthésies de tonalité variable,
engourdissements, fourmillements ou impressions de brûlure
■ Neuropathies périphériques viennent révéler la neuropathie. L’absence de manifestations
fonctionnelles est un facteur potentiellement aggravant dans la
du diabète mesure où l’attention du médecin et du patient n’est pas attirée
sur cette atteinte sensitive, et la prévention de troubles trophi-
Durée et intensité du diabète sont les deux principaux ques des pieds risque d’être négligée. Dans ce syndrome des
facteurs influençant l’apparition de la neuropathie diabétique. petites fibres, une atteinte sévère du système nerveux autonome
L’augmentation de la prévalence de la neuropathie avec la durée s’associe souvent aux troubles sensitifs ; en revanche, on ne
du diabète a été démontrée de longue date [5]. Exceptionnelle- rencontre d’atteinte motrice qu’à un stade très avancé de la
ment, une neuropathie sévère peut apparaître dans les mois qui neuropathie et cette atteinte motrice reste généralement
suivent l’installation d’un diabète de type 1 très mal équili- infraclinique ou modérée. Les troubles végétatifs ne sont pas
bré [6]. La qualité du contrôle du diabète est également détermi- « longueur-dépendants » mais les altérations des tests cardiocir-
nante dans l’apparition de la neuropathie comme le montre une culatoires sont néanmoins constants lorsque les troubles
étude multicentrique comparant la fréquence des complications sensitifs remontent au-dessus des genoux, témoignant d’une
dégénératives du diabète, dont la neuropathie, en fonction de neuropathie avancée.

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Tableau 1.
Principales caractéristiques des neuropathies invalidantes chez les diabétiques.
Polyneuropathie diabétique Polyradiculonévrite chronique Neuropathie diabétique focale
longueur-dépendante chez un diabétique ou multifocale
Douleurs Fréquentes à la partie distale Rares Présentes dans la plupart des cas
des membres inférieurs

Déficit moteur Très tardif dans les formes sévères Habituel, souvent proximal et distal Habituel, asymétrique, dans
un territoire radiculaire, tronculaire
ou plexique

Troubles sensitifs distaux Distribution typiquement longueur- Variables ; prédominent Variable


symétriques dépendante prédominant sur sur la proprioception
les sensibilités douloureuse et thermique

Ataxie proprioceptive Rare Habituelle Très rare

Dysautonomie Fréquente Rare Rare

Hyperprotéinorachie Variable Très fréquente Très fréquente

Tests électrophysiologiques Axonal, distal et symétrique Mixte, axonal et démyélinisant Toujours axonal

Progression Sur des années Semaines ou mois Semaines ou mois

Biopsie nerveuse Inutile : montre une perte axonale Mélange de perte axonale Infiltrats inflammatoires,
massive et de démyélinisation vasculopathie et perte axonale

Réponse aux immunoglobulines Non Variable Variable


intraveineuses

Réponse aux corticoides Non Bonne Bonne

Le concept de syndrome des petites fibres est étayé par les recrutement neurologique, les deux tiers des diabétiques ayant
études morphométriques des fibres nerveuses ; il existe néan- une polyneuropathie longueur-dépendante venaient consulter
moins, dans tous les cas que nous avons pu étudier clinique- pour des douleurs. Les formes hyperalgiques de neuropathie
ment et morphologiquement, un certain degré d’atteinte des diabétique ont été décrites avec une précision remarquable par
grosses fibres, qui augmente avec la progression de la perte Pavy [22] qui signalait leur prédominance nocturne et leur
axonale. La perte progressive des grosses fibres myéliniques va association à un certain degré d’anesthésie. Dans certains cas,
s’accompagner d’une diminution puis de l’abolition des percep- elles s’accompagnent d’hyperesthésie cutanée, ou allodynie, de
tions vibratoires aux orteils et aux pieds, d’une altération du pénibles impressions de brûlures spontanées et évoluent sur un
sens de position des orteils, d’une hypo- puis d’une anesthésie mode chronique. En dépit de nombreux travaux, il n’a pas été
tactile et de l’abolition des réflexes achilléens. Ces formes possible d’attribuer la survenue des douleurs à un type particu-
entraînent un abaissement des potentiels d’action des nerfs lier de lésion des fibres nerveuses. Les études récentes des
sensitifs et une diminution habituellement modérée des vitesses terminaisons nerveuses intraépidermiques ont montré qu’une
de conduction nerveuses [6]. importante perte de ces terminaisons n’était associée à des
L’atteinte prédominante des grosses fibres peut être responsa- douleurs neuropathiques que chez les patients qui n’avaient que
ble de la forme pseudotabétique classique de polynévrite peu ou pas de signes objectifs de neuropathie, ce qui montre
diabétique, décrite par Charcot en un temps où aucun traite- que la perte des terminaisons nerveuses ne suffit pas à induire
ment du diabète n’était possible [16]. Cette forme est actuelle- les douleurs et que différents mécanismes peuvent être en cause
ment exceptionnelle et sa survenue doit faire rechercher une selon le stade de la neuropathie [23].
autre origine à la neuropathie, une polyradiculonévrite en On a montré récemment que la transmission des stimuli
particulier. Il en est de même des formes accompagnées d’un douloureux dépendait de l’activation de canaux Na, qui sont en
déficit moteur distal important car c’est un événement rare et forte concentration dans la membrane du corps cellulaire des
très tardif dans la polyneuropathie longueur-dépendante du neurones nociceptifs des ganglions rachidiens postérieurs [24].
diabète [6]. Dans ces cas, en effet, le déficit moteur distal est Une susceptibilité génétiquement déterminée aux stimuli
toujours associé à des troubles sensitifs sévères. douloureux devient envisageable.
L’évolution des polyneuropathies diabétiques longueur- Une neuropathie très douloureuse, avec allodynie, se trouve
dépendantes ne se fait jamais vers l’amélioration, comme le parfois associée à un état cachectique et à une dépression chez
confirme une étude récente [17]. Au mieux, elles restent stables. de jeunes adultes atteints de diabète de type 1 [25, 26]. Il est très
Le plus souvent, une dégradation lente se produit au fil des rare qu’une neuropathie devienne douloureuse à la suite d’un
années. Un contrôle strict du diabète diminue le risque d’aggra- renforcement du contrôle du diabète.
vation [7, 18], mais des complications sérieuses peuvent émailler
le cours de cette neuropathie, en particulier la survenue de Troubles trophiques
douleurs neuropathiques ou de troubles trophiques [19]. Les troubles trophiques des neuropathies diabétiques com-
portent essentiellement les maux perforants plantaires et les
Formes douloureuses de polyneuropathie diabétique
ostéoarthropathies nerveuses. Ils touchent presque exclusive-
Une étude menée récemment en Grande-Bretagne a estimé la ment les pieds. La dénervation sensitive, tout particulièrement
prévalence des douleurs chroniques, de plus de 1 an de durée, la perte de la sensibilité nociceptive, joue un rôle déterminant
à 16 % parmi les patients diabétiques contre 4 % chez les dans leur apparition quand le patient a gardé une force suffi-
non-diabétiques [20]. sante pour marcher. La conjonction de ces deux facteurs expose
Dix ans après le diagnostic d’un diabète de type 2, 20 % des le patient à des blessures indolores dont il n’a souvent même
patients ont une neuropathie douloureuse [21] . Dans notre pas conscience, à l’origine des maux perforants aux points

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d’appui ou de friction. Des fractures peu ou pas douloureuses avons trouvé, dans trois cas sur dix, des signes de vascularite
succédant à des traumatismes minimes de la vie quotidienne et lymphocytaire affectant des artérioles épi- et périneurales du nerf
des infections ostéoarticulaires plus ou moins torpides se cutané intermédiaire de la cuisse, branche sensitive du nerf crural,
trouvent également favorisées par ce contexte. Une pathogénie ou du nerf musculocutané. Certains de ces patients ont réagi très
comparable peut être invoquée pour les troubles trophiques des favorablement à une corticothérapie de quelques semaines, alors
pieds qui peuvent émailler l’évolution des neuropathies sensiti- que tous les traitements antérieurs, y compris la mise en route
ves ou à prédominance sensitive, qu’elle qu’en soit la cause. d’une insulinothérapie, avaient échoué. Ces résultats témoignent
Chez les patients diabétiques, les troubles circulatoires distaux de la présence d’une vasculopathie inflammatoire compliquée de
en rapport avec la vasculopathie diabétique constituent un phénomènes ischémiques, dans les formes sévères de cruralgie et
facteur aggravant des troubles trophiques. Une prévention des autres neuropathies focales ou multifocales.
troubles trophiques doit être mise en œuvre dans les neuropa- Le syndrome d’amyotrophie proximale est caractérisé par un
thies associant perte de sensibilité distale et conservation d’une déficit moteur asymétrique le plus souvent, avec amyotrophie
force permettant la marche [27]. Ce traitement préventif com- quadricipitale [31]. La faiblesse proximale et éventuellement celle
prend l’éducation des patients, la surveillance de l’état trophi- des loges antéroexternes de jambe gênent particulièrement les
que des pieds, la suppression des points d’appui traumatisants malades à la montée des escaliers, les rendant parfois grabatai-
et la mise en « décharge » du patient dès l’apparition d’excoria- res. Les réflexes rotuliens sont abolis. Ce tableau peut être
tions cutanées ou de phlyctènes. assimilé à une atteinte multiple des racines ou des troncs
nerveux par un processus comparable à celui en cause dans la
Neuropathies diabétiques focales et multifocales cruralgie.
Les atteintes focales uniques ou multiples, éventuellement
Atteinte des membres supérieurs
avec atteinte des nerfs crâniens, sont beaucoup plus rares que
les polyneuropathies symétriques, aussi ne faut-il accepter le L’atteinte des nerfs des membres supérieurs est très rare dans
diagnostic de mono- ou de multinévrite diabétique qu’après ce contexte. Tous les nerfs des membres supérieurs peuvent être
avoir exclu une autre cause de neuropathie focale ou multifo- touchés, mais un autre en est plus souvent responsable.
cale. Il est en outre habituel de trouver, à l’examen d’un patient
présentant une neuropathie focale, des signes sensitifs de Atteinte des nerfs du tronc
polyneuropathie distale symétrique plus ou moins latente, en Les nerfs du tronc peuvent aussi être concernés et engendrer
plus des signes focaux. Les neuropathies uni- ou multifocales des phénomènes douloureux ou déficitaires transitoires, à type
sont l’apanage de l’adulte après 40-50 ans. Elles sont souvent de douleur intercostale ou thoracoabdominale dont l’évolution
révélatrices d’un diabète de type 2. est en règle favorable [32].
Atteintes des membres inférieurs Neuropathie diabétique multifocale
La neuropathie diabétique proximale [28] des membres Les diabétiques essentiellement de type 2 peuvent développer
inférieurs est caractérisée par des douleurs, une perte de une atteinte sensitivomotrice multifocale par atteinte radicu-
sensibilité, un déficit moteur proximal et une amyotrophie laire, plexique ou tronculaire, avec une évolution à rechutes
quadricipitale uni- ou bilatérale. dans quelques cas [33].
C’est une des formes les plus courantes et les plus classiques
de neuropathie diabétique focale ; 14 « cruralgies » sur 19 sont Atteinte des nerfs crâniens
imputables au diabète [29] . Cliniquement, la cruralgie est
marquée par l’apparition rapide de douleurs, souvent comparées Nerfs oculomoteurs. Comme les atteintes tronculaires des
à des brûlures, de la face antérieure de la cuisse et parfois de la membres, les paralysies oculomotrices surviennent presque
face antéro-interne de la jambe, avec allodynie. Ces douleurs toujours après 50 ans et sont souvent révélatrices d’un diabète
sont tenaces, s’exacerbent la nuit, sont insomniantes, dépri- de type 2. Les nerfs moteurs oculaires commun (III) et externe
mantes. Les hommes sont un peu plus souvent affectés que les (VI) sont touchés avec une égale fréquence, l’atteinte du
femmes [30]. Le patient a des difficultés croissantes à monter les pathétique étant plus rarement identifiée. L’installation de la
escaliers et à marcher du fait du déficit du psoas et du quadri- paralysie est précédée une fois sur deux de douleurs oculaires ou
ceps. Dans certains cas, la station debout sans aide devient périorbitaires. L’évolution des paralysies oculomotrices diabéti-
impossible car le genou n’est plus verrouillé en extension. Le ques est spontanément favorable en quelques semaines ou mois,
tableau s’aggrave sur plusieurs semaines puis se stabilise et les quelle que soit la qualité du contrôle du diabète, mais la
douleurs ont tendance à s’estomper progressivement. Une récidive du même côté ou du côté opposé est possible.
altération de l’état général avec une perte de poids de plusieurs Autres nerfs crâniens. L’atteinte faciale périphérique reste
kilogrammes en 2-3 mois est habituelle. Il n’y a pas de signes exceptionnelle et peut difficilement être incriminée au diabète
inflammatoires cliniques ou biologiques. étant donné la fréquence des paralysies faciales dites « a
L’examen montre habituellement une hypoesthésie de la face frigore ». Des atteintes des nerfs mixtes sont possibles mais
antérieure de la cuisse, une amyotrophie quadricipitale précoce rares. Des atteintes de différents nerfs crâniens peuvent s’asso-
et un déficit généralement modéré de ce muscle mais souvent cier pour réaliser des tableaux d’atteinte multiple très trompeurs.
aussi du psoas, plus rarement des muscles de la loge antéroex-
terne de la jambe. Souvent, malgré un déficit relativement Dysautonomie diabétique (Tableau 2)
modéré du quadriceps, le patient est incapable de se maintenir
debout sans aide, ou de monter ou descendre des escaliers. Le L’atteinte du système nerveux autonome est une des particu-
réflexe rotulien correspondant est aboli. Malgré la notion de larités de la neuropathie diabétique. Elle touche de nombreux
diabète, il est prudent d’écarter une cause mécanique ou systèmes et organes. Sa gravité peut perturber le contrôle du
tumorale. Une IRM dorsolombaire et un examen du liquide diabète et mettre en jeu le pronostic vital [34]. La perte de la
cérébrospinal sont nécessaires. Une hyperprotéinorachie, parfois sécrétion d’adrénaline au début des hypoglycémies peut avoir
supérieure à 2 g/l, est presque constante dans les neuropathies des conséquences graves, en supprimant les symptômes annon-
proximales des membres inférieurs. Il est souvent très difficile ciateurs de l’hypoglycémie.
de soulager ces patients mais l’évolution spontanée de ce type
Manifestations cardiocirculatoires
de neuropathie se fait vers la diminution progressive des
douleurs en quelques mois ; l’atteinte motrice et l’amyotrophie Hypotension orthostatique. Elle est relativement fréquente
sont plus durables, les séquelles motrices fréquentes [11, 30]. dans ses aspects mineurs, mais rare dans les formes majeures
Dans une étude clinique et morphologique de patients se très invalidantes. Étourdissements, vomissements, « trous noirs »
plaignant de neuropathie proximale des membres inférieurs, nous ou perturbations visuelles pendant la station debout en sont les

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Tableau 2. Tableau 3.
Troubles végétatifs dans la neuropathie diabétique. Gravité croissante des polyneuropathies diabétiques longueur-
dépendantes.
Troubles cardiocirculatoires Tachycardie de repos
chronologiques Perte des variations respiratoires 1. Formes latentes, infracliniques, très fréquentes
du rythme cardiaque 2. Formes sensitives asymptomatiques : troubles sensitifs
Hypotension orthostatique à pouls en « chaussettes », prédominant sur les sensibilités thermique
constant et douloureuse, asymptomatiques : risque de troubles trophiques
révélateurs
Troubles digestifs Gastroparésie avec vomissements 3. Troubles sensitifs distaux compliqués de douleurs, ou de troubles
d’aliments ingérés longtemps trophiques
auparavant 4. Extension proximale des troubles sensitifs ; association à des troubles
Diarrhée motrice végétatifs symptomatiques
5. Troubles sensitifs profonds associés aux troubles superficiels : ataxie ;
Troubles urinaires Perte de la sensibilité vésicale
atteinte motrice distale tardive
Distension vésicale progressive
Mictions par regorgement
Retentissement sur le haut appareil
urinaire végétatifs, dont rien ne dit qu’elles deviendront sympto-
matiques un jour ;
Troubles sexuels Impuissance C asymptomatiques, stables ou peu évolutives, caractérisées
Troubles de la motilité Ralentissement des réactions par la présence d’hypoesthésie symétrique distale, en
pupillaire pupillaires « chaussettes », associées à des perturbations minimes des
tests végétatifs ;
C symptomatiques, peu évolutives, sans progression signifi-
cative des troubles d’un examen à l’autre ;
symptômes habituels. Dans les formes mineures, la pression
C sévères, avec extension des troubles sensitifs vers la partie
artérielle chute de 30 à 40 mmHg, alors qu’elle peut devenir
proximale des membres, en association à des troubles
imprenable et s’accompagner de syncope quand la chute
végétatifs invalidants ;
tensionnelle s’amplifie. L’absence d’accélération du pouls
pendant l’épisode hypotensif témoigne de la perturbation de C majeures, associées à des troubles végétatifs et à un déficit
l’arc baroréflexe par un processus neurogène. Les symptômes moteur distal à évolution centripète. Le caractère irréversi-
d’hypotension orthostatique s’accentuent pendant les périodes ble de ces formes a été récemment confirmé [17].
postprandiales du fait de la vasodilatation dans le territoire • Le deuxième grand type de neuropathies diabétiques est
splanchnique et de l’accumulation du sang à ce niveau. représenté par les neuropathies focales ou multifocales,
Troubles mictionnels. La prévalence de la cystopathie en cas incluant l’atteinte des nerfs crâniens. Cette dernière catégorie
de neuropathies diabétiques va de 75 % à 100 % suivant les de neuropathies s’associe habituellement à une des formes
auteurs. Sa survenue est étroitement corrélée à celle de la précédentes, souvent asymptomatique ou symptomatique
neuropathie. Dans près de la moitié des cas, la cystopathie mais peu évolutive. Le pronostic fonctionnel des formes
s’associe à une impuissance. Chez le diabétique, l’innervation focales est bien meilleur que celui des formes
sensitive de la vessie paraît touchée en premier. Elle précède le longueur-dépendantes.
ralentissement des réponses évoquées dans les arcs réflexes
vésicaux et l’aréflexie du détrusor, puis la décompensation
vésicale, l’augmentation du volume urinaire résiduel et le
Études électrophysiologiques
retentissement éventuel sur les voies urinaires hautes. Au début, Les anomalies électrophysiologiques observées résultent de
cela se traduit par un espacement du besoin d’uriner, jusqu’à ce l’association, au sein des nerfs du diabétique, d’une dégénéres-
que le patient n’urine plus que deux ou trois fois par jour ; la cence axonale prédominant à la partie distale des nerfs et de
puissance du jet s’affaiblit et le sujet a l’impression d’avoir vidé démyélinisations segmentaires, plus proximales, qui vont
incomplètement sa vessie. Ultérieurement, le risque d’infection ralentir la conduction nerveuse. Une diminution très modérée,
et de retentissement sur le haut appareil s’accroît. de 2 à 3 m/s, des vitesses de conduction est fréquente, en
Troubles sexuels. Ils s’associent très souvent aux précédents l’absence de toute manifestation clinique et ne justifie pas d’être
et ne concernent que l’homme. systématiquement recherchée [9, 12, 35]. Dans l’ensemble,
Troubles de la motilité pupillaire. Ils sont généralement l’intensité des troubles neurologiques est corrélée à l’abaisse-
asymptomatiques. Il s’agit souvent d’un simple ralentissement ment des potentiels d’action sensitifs et moteurs, et non à celui
des réactions pupillaires normales, plus rarement d’un signe des vitesses de conduction. On réserve l’indication d’un
d’Argyll Robertson. électromyogramme aux formes atypiques de neuropathies
Troubles digestifs. La gastroparésie avec retard à l’évacuation diabétiques, pour éviter de méconnaître une autre cause de
gastrique, vomissements d’aliments ingérés plusieurs jours neuropathie associée. Un examen électrophysiologique n’est pas
auparavant, sont à l’origine d’importants déséquilibres systématiquement nécessaire.
glycémiques.
Les troubles du transit intestinal avec diarrhée intermittente,
motrice, importante perte hydroélectrolytique peuvent venir Morphologie et physiopathologie
décompenser une hypotension orthostatique latente. Une
incontinence anorectale complique souvent les épisodes Données morphologiques [6, 36-38]
diarrhéiques.
Les lésions nerveuses périphériques de la neuropathie diabé-
Formes cliniques et évolutives des neuropathies tique symétrique distale associent perte axonale, dégénérescence
diabétiques (Tableau 3) wallérienne, régénération, démyélinisation segmentaire, remyé-
linisation, prolifération schwannienne en « bulbes d’oignon » et
On peut distinguer différents types évolutifs. anomalies des capillaires endoneuraux. La dégénérescence
• Les polyneuropathies distales symétriques et autonomiques axonale intéresse également les fibres amyéliniques dont
peuvent être : l’atteinte est plus marquée que celle des fibres myéliniques dans
C infracliniques, avec présence uniquement d’anomalies le syndrome des petites fibres [6, 38]. Ces observations sont en
électrophysiologiques mineures ou de perturbation des tests accord avec l’intensité de la dysautonomie, des perturbations

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5-0945 ¶ Complications neurologiques du diabète

artérioles précapillaires chez les diabétiques âgés avec réaction


inflammatoire secondaire. Des anomalies du même type sont
retrouvées sur les biopsies nerveuses de patients diabétiques
présentant une neuropathie multifocale [33].

Aspects physiopathologiques
Deux types de mécanismes sont généralement invoqués pour
expliquer la survenue de lésions nerveuses périphériques dans le
diabète :
• l’ischémie qui semble être le principal facteur dans les
neuropathies focales et multifocales ;
• les troubles métaboliques qui seraient prépondérants dans les
formes distales symétriques de neuropathie diabétique.

Diagnostic différentiel
Il est banal de dire que toute neuropathie survenant chez un
diabétique n’est pas une neuropathie diabétique. Devant une
Figure 1. Photographie de microscopie électronique illustrant la perte polyneuropathie symétrique longueur-dépendante, il faut
majeure des fibres amyéliniques de ce fragment de nerf saphène externe explorer plus avant toute forme atypique pour identifier une
provenant d’un patient atteint d’une forme très sévère de polyneuropa- autre cause [40]. Les atteintes motrices doivent faire envisager la
thie longueur-dépendante. Aucune fibre amyélinique n’est visible sur ce possibilité d’une polyradiculonévrite chronique surajoutée
fragment. Seule une fibre myélinique est présente à gauche de l’image et (Tableau 1), éventualité non exceptionnelle, et traitable [41, 42].
des reliquats de membrane basale de fibres ayant dégénéré. Acétate Les formes focales et multifocales doivent être explorées comme
d’uranyle et citrate de plomb. Grandissement × 3 000. si le patient n’était pas diabétique, en recourant au besoin à la
biopsie neuromusculaire. Les atteintes oculomotrices justifient
une IRM cérébrale. Exceptionnellement, on peut visualiser un
petit accident vasculaire localisé du tronc cérébral [43] ou une
autre cause d’ophtalmoplégie devant une paralysie oculomotrice
atypique. Il ne faut pas non plus ignorer une mucormycose
dont on connaît la nécessité d’une prise en charge urgente.

Traitement
Traitement symptomatique
Le traitement des neuropathies diabétiques se présente sous
plusieurs aspects.

Traitement des douleurs


Les douleurs neuropathiques sont, comme nous l’avons vu,
fréquentes chez le diabétique. Les cruralgies et autres douleurs
tronculaires finissent par s’estomper, parfois à la faveur de la
mise en route d’un traitement par l’insuline, dont certains
auteurs pensent, sans étude contrôlée, qu’elle a une certaine
Figure 2. Neuropathie diabétique proximale des membres inférieurs
efficacité dans ces formes. Dans les neuropathies focales et
(« cruralgie »). Fragment biopsique du nerf cutané intermédiaire de la
multifocales hyperalgiques rebelles, nous utilisons la prednisone
cuisse chez un diabétique non insulinodépendant souffrant depuis
à la dose de 0,75 mg/kg pendant quelques semaines, suivie
plusieurs semaines d’une cruralgie rebelle du membre inférieur gauche.
d’une décroissance très progressive. Les antidépresseurs tricycli-
Cette coupe illustre l’important infiltrat inflammatoire fréquemment
ques peuvent donner de bons résultats, mais sont susceptibles
observé dans les neuropathies focales du diabète. Hématoxyline-éosine.
Grandissement original × 63.
de provoquer une hypotension orthostatique asymptomatique.
La gabapentine (Neurontin®) peut aider dans certains cas. Plus
récemment introduits, la prégabaline (Lyrica®) et la duloxétine
(Cymbalta®) donnent de bons résultats dans les neuropathies
des sensibilités thermique et douloureuse, et avec la distribution diabétiques douloureuses, avec des effets secondaires habituelle-
et la progression des troubles sensitifs évoquant une dégénéres- ment tolérables [44].
cence des fibres touchant d’abord les fibres les plus longues.
Traitement de l’hypotension orthostatique
Dans les formes les plus graves, la dégénérescence des fibres
aboutit à une désertification de l’endonèvre où l’on ne trouve Parmi les troubles végétatifs, l’hypotension orthostatique
plus que des replis schwanniens, des fibroblastes et du tissu nécessite évidemment un traitement lorsqu’elle s’accompagne
conjonctif (Fig. 1). de manifestations fonctionnelles, mais aussi lorsque l’hypoten-
Dans les neuropathies diabétiques multifocales, nous avons mis sion en orthostatisme met en danger l’irrigation cérébrale et
en évidence des lésions axonales asymétriques dans tous les cas. peut favoriser la survenue de lacunes cérébrales parfois respon-
Une vascularite, parfois nécrosante, prédominant sur les sables d’un état lacunaire précoce.
vaisseaux périneuraux et endoneuraux, était présente dans un On peut essayer, en premier lieu, la dihydroergotamine à
quart de nos cas (Fig. 2). Des suffusions hémorragiques endo- fortes doses, atteignant au besoin 42 mg/j, ce qui peut s’avérer
neurales et des dépôts d’hémosidérine témoignaient d’un suffisant pendant un certain temps. En cas d’échec, on a recours
saignement endoneural dans la quasi-totalité des cas. Un à la 9 alpha-fluorohydrocortisone, généralement efficace mais
infiltrat inflammatoire périvasculaire était également présent susceptible d’entraîner une hypertension artérielle en décubitus,
dans la quasi-totalité des cas [33, 39]. Nous en concluons que voire un œdème aigu pulmonaire. L’association des deux
cette forme de neuropathie diabétique est due à l’atteinte des produits, qui agissent par des mécanismes différents, est

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possible. La midodrine (Gutron®), alpha-sympathomimétique, [4] Wardlaw JM, Doubal F, Armitage P, Chappell F, Carpenter T, Muñoz
mérite d’être essayée avant le recours à la fludrocortisone. Le Maniega S, et al. Lacunar stroke is associated with diffuse blood-brain
risque d’hypertension artérielle de décubitus est moindre avec barrier dysfunction. Ann Neurol 2009;65:194-202.
ce produit que l’on peut associer au besoin à la fludrocortisone [5] Pirart J. Diabetes mellitus and its degenerative complications: a
dans les cas d’hypotension orthostatique résistante. prospective study of 4 400 patients observed between 1947 and 1973.
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Traitement étiologique
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[7] Martin CL, Albers J, Herman WH, Cleary P, Waberski B, Greene DA,
Dans la mesure où les complications du diabète sont en et al. Neuropathy among the diabetes control and complications trial
grande partie une conséquence de l’hyperglycémie prolongée, il cohort 8 years after trial completion. Diabetes Care 2006;29:340-4.
est logique d’essayer d’obtenir le meilleur contrôle glycémique [8] De Freitas, Nascimento OJ, Chimelli L. Neuropatia Diabetica. I -
possible. L’étude récente montrant la réduction considérable de Conceito; Epidemiologia, Classificaçao, Quadro Clinico E
la fréquence des principales complications dégénératives du Electroneuromiografico. Estudo De 210 Casos. Rev Brasileira Neurol
diabète, dont la neuropathie, est à cet égard tout à fait démons- 1992;28:69-73.
trative, mais ces traitements stricts sont difficilement acceptés [9] Mulder DW, Lambert EH, Bastron JA, Sprague RG. The neuropathies
par les patients. associated with diabetes: a clinical and electromyographic study of 103
Les transplantations pancréatiques et rénales donnent des unselected diabetic patients. Neurology 1961;11:275-84.
[10] Said G. Diabetic neuropathy. Nat Clin Pract-Neurol 2007;3:331-9.
résultats difficiles à interpréter sur la fonction nerveuse car les
[11] Said G, Goulon-Goeau C, Lacroix C, Moulonguet A. Nerve biopsy
neuropathies diabétiques et urémiques sont généralement
findings in different patterns of proximal diabetic neuropathy. Ann
intriquées chez ces patients. La composante neuropathique
Neurol 1994;35:559-69.
d’origine rénale d’installation récente a de bonnes chances de [12] Lamontagne A, Buchthal F. Electrophysiological studies in diabetic
s’améliorer après transplantation rénale. neuropathy. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1970;33:442-52.
L’utilisation d’inhibiteurs de l’aldose réductase, qui a pour but [13] Parkhouse N, Le Quesne PM. Impaired neurogenic vascular response
d’abaisser le taux de sorbitol dans le nerf, n’a pas fait la preuve in patients with diabetes and neuropathic foot lesions. N Engl J Med
de son efficacité en clinique. Le traitement d’une neuropathie 1988;318:1306-9.
diabétique installée est généralement décevant, probablement [14] Said G, Bigo A, Améri A, Gayno JP, Elgrably F, Chanson P, et al.
parce que même ce qui est considéré comme un excellent Uncommon early onset neuropathy in diabetic patients. J Neurol 1998;
contrôle du diabète ne produit pas les conditions métaboliques 245:61-8.
suffisamment proches des conditions physiologiques pour [15] Said G, Goulon-Goeau C, Slama G, Tchobroutsky G. Severe early-
permettre une régénération axonale suffisante pour compenser onset polyneuropathy in insulin-dependent diabetes mellitus. N Engl
la perte axonale qui accompagne toutes les polyneuropathies J Med 1992;326:1257-63.
diabétiques. [16] Charcot JM. Sur un cas de paraplégie diabétique. Arch Neurol 1890;
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neuropathy seems irreversible despite improvements in metabolic and
■ Conclusion vascular risk markers--a retrospective case-control study in a hospital
patient cohort. Diabet Med 2006;23:1016-20.
[18] Diabetes Control and Complications Trial Research Group. The effect
Le diabète sucré altère les parois vasculaires et favorise la
of intensive treatment of diabetes on the development and progression
survenue d’accidents vasculaires cérébraux prédominant sur les
of long-term complications in insulin-dependent diabetes mellitus. N
petits vaisseaux, pouvant conduire à long terme à une altération
Engl J Med 1993;329:977-86.
des fonctions supérieures. [19] Boulton AJ, Malik RA, Arezzo JC, Sosenko JM. Diabetic somatic
Les effets délétères du diabète sur le système nerveux péri- neuropathies. Diabetes Care 2004;27:1458-86.
phérique se traduisent le plus souvent par une polyneuropathie [20] Daousi C, MacFarlane IA, Woodward A, Nurmikko TJ, Bundred PE,
sensitive longueur-dépendante exposant aux douleurs et aux Benbow SJ. Chronic painful peripheral neuropathy in an urban
troubles trophiques des pieds qui font l’objet d’une prévention community: a controlled comparison of people with and without
attentive, en particulier par l’éducation des patients. Aucune diabetes. Diabet Med 2004;21:976-82.
amélioration objective n’est envisageable dans ces formes qui [21] Chan AW, MacFarlane IA, Bowsher DR. Chronic pain in patients with
peuvent rester stables ou évoluer vers une aggravation progres- diabetes mellitus: comparison with a non-diabetic population. Pain
sive. L’atteinte du système nerveux autonome souvent associée Clin 1990;3:147-59.
peut altérer considérablement la qualité de vie et le contrôle du [22] Pavy FW. Address on diabetes, Washington International Congress.
diabète. Les neuropathies focales et multifocales sont de nature Med News 1887;24:357-61.
inflammatoire avec une évolution limitée dans le temps. Dans [23] Sorensen L, Molyneaux L, Yue DK. The relationship among pain,
tous les cas, il faut s’assurer que l’on n’est pas en présence d’une sensory loss, and small nerve fibers in diabetes. Diabetes Care 2006;
autre cause de neuropathie, éventuellement accessible à un 29:883-7.
traitement, en particulier lorsque prédominent troubles moteurs [24] Waxman SG. Neurobiology: a channel sets the gain on pain. Nature
et proprioceptifs dans les formes longueur-dépendantes et dans 2006;444:831-2.
toutes les formes focales. [25] Archer AG, Watkins PJ, Thomas PK, Sharma AK, Payan J. The natural
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G. Saïd, Professeur des Universités (dr-gs@hotmail.fr).


Département de neurologie, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Saïd G. Complications neurologiques du diabète. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine
Akos, 5-0945, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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