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Cétoacidose diabétique
A. Carlier, C. Amouyal
La cétoacidose diabétique est une complication grave du diabète qui se développe dans un contexte
d’insulinopénie (totale ou, plus rarement, relative). L’activation des hormones de la contre-régulation,
particulièrement du glucagon, favorise la production par le foie des corps cétoniques (l’acide -
hydroxybutyrique [majoritaire], l’acide acétoacétique décarboxylé par la suite en acétone), à l’origine
de l’acidose métabolique pouvant entraîner la mort. La polyurie osmotique secondaire à l’hyperglycémie
induit une déshydratation associée à des pertes d’électrolytes pouvant être majeures. Cliniquement, après
un syndrome cardinal marqué, peuvent apparaître des signes d’acidoses métaboliques comme une poly-
pnée, des troubles digestifs ou des troubles de la conscience et l’haleine cétonique, voire une respiration de
Kussmaul. Le diagnostic de cétoacidose diabétique repose sur la présence de trois critères : une élévation
de la glycémie (parfois modérée dans certains cas), une cétonémie élevée et un pH acide. La prise en
charge urgente, le plus souvent en soins intensifs, consiste en une réhydratation intensive associée à une
insulinothérapie en intraveineux et un rééquilibre hydroélectrolytique, plus particulièrement potassique.
En dehors des hypoglycémies et hypokaliémies qui compliquent souvent la prise en charge, la complication
la plus redoutée, surtout chez l’enfant, est l’œdème cérébral. Pour conclure, la cétoacidose diabétique,
en survenant dans la majorité des cas chez des patients diabétiques connus, pourrait être largement
prévenue par la réalisation d’un diagnostic précoce et l’éducation des patients diabétiques de type 1.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 La cétoacidose diabétique représente l’une des complications
■ Physiologie 1 aiguës les plus sérieuses du diabète. Elle survient le plus souvent
Anomalie du métabolisme glucidique 2 au cours du diabète de type 1 et peut, dans certains cas, consti-
Anomalie du métabolisme lipidique et des cétones 2 tuer le mode d’entrée dans la maladie. Il est également possible
Anomalie du métabolisme de l’eau et des électrolytes 3 de l’observer au cours du diabète de type 2 dans des circonstances
■
particulières. On assiste à une perpétuelle augmentation de cette
Diagnostic 3
Clinique 3 pathologie ces dernières années. Aux États-Unis, le nombre annuel
Biologique 3 d’hospitalisations pour cétoacidose est passé de 80 000 en 1988
à 140 000 en 2009 [1] . Alors que la cétoacidose était systématique-
■ Étiologies 4 ment fatale avant la découverte de l’insuline en 1922, la mortalité
Insulinopénie absolue 5 observée dans les pays développés est désormais nettement infé-
Insulinopénie relative avec facteurs déclenchant la cétoacidose 5 rieure à 1 %. Elle peut être plus élevée en cas de comorbidité sévère,
■ Formes cliniques 5 chez les enfants ou les personnes âgées [2, 3] .
Grossesse 5 Le pronostic lié à cette pathologie dépend de la capacité du
Diabète africain ou diabète de type 2 cétosique 5 patient à réagir devant une hyperglycémie aiguë et de la rapidité
Diabète de type 1 fulminant 5 d’instauration du traitement. Ce dernier repose sur l’association
Cétoacidose et consommation de cannabis 6 d’une réhydratation, d’une insulinothérapie et d’une correction
■ Diagnostics différentiels 6 des troubles hydroélectrolytiques (en particulier des troubles du
■
potassium).
Traitements 6
Restauration de l’hémodynamique 6
Insulinothérapie 6
Correction des troubles hydroélectrolytiques 8 Physiologie (Fig. 1)
■ Complications 8
La cétoacidose diabétique se définit comme un déséquilibre
■ Surveillance 9 métabolique résultant de l’association d’une carence insulinique
■ Prévention 9 (relative ou absolue) et d’une augmentation des hormones de
■ Conclusion 9 la contre-régulation (glucagon, catécholamines, hormone de
croissance et cortisol) [4] . L’augmentation du glucagon a une
EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 15 > n◦ 4 > octobre 2018
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(18)79592-9
10-366-H-10 Cétoacidose diabétique
↑ Substrats de la
Cétoacidose néoglucogenèse
Hyperlipidémie Hyperglycémie
Glycosurie
Déplétion hydrosodée
Déshydratation Hyperosmolarité
Insuffisance rénale
aiguë fonctionnelle
Coma hyperosmolaire
Cétoacidose
importance majeure dans le développement d’une cétoacidose Tant que la filtration glomérulaire reste conservée, la glycémie
mais elle n’est pas indispensable. En effet, les patients ayant subi est le plus souvent modérément élevée. En revanche, elle peut
une pancréatectomie totale développent une cétoacidose lorsque s’aggraver rapidement avec la baisse de la diurèse osmotique en
l’insulinothérapie est interrompue, et ce malgré l’absence d’une cas d’insuffisance rénale fonctionnelle.
hyperglucagonémie majeure [5] .
2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Cétoacidose diabétique 10-366-H-10
Tableau 1.
Critère diagnostique de la cétoacidose selon les recommandations américaine ou anglaise (d’après [10] ).
États-Unis Royaume-Uni
Minime Modéré Sévère
a
Glycémie (mg/l) > 250 > 200 ou histoire ancienne de diabète
pH du plasma 7,25–7,3 7–7,24 <7 < 7,3
Bicarbonate (mEq/l) 15–18 10–14 < 10 < 15
Cétonurie b Positif > 2+
Cétonémie Positif > 3 mmol/l
Trou anionique c > 10 > 12 > 12 NA
État de conscience Alerte État stuporeux Somnolence/coma NA
NA : non applicable.
a
Il existe des cas de cétoacidose euglycémique.
b
Méthode : réaction nitroprusside.
c
Calcul : (Na – [Cl + HCO3 (mEq/l)]) : normal = 12 ± 2.
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Glycémie seuil
Généralement, l’hyperglycémie est franche en situation de ▲ Mise en garde
cétoacidose, souvent supérieure à 2,5 g/l (13,9 mmol/l), seuil
diagnostique proposé par l’ADA (Tableau 1). Ces critères diagnos-
Mesures de la cétonémie et de la cétonurie
tiques sont actuellement débattus [13] . En effet, l’augmentation
du nombre de cétoacidoses pauci-hyperglycémiques comme chez
Mesure de la cétonémie (technique à privilégier)
• Simple et rapide (à l’aide d’un lecteur combinant
les femmes enceintes [14] ou secondaires à la prise d’inhibiteur du
sodium/glucose cotransporteur 2 (SGLT2) [15] tend à remettre en glycémie-cétonémie capillaires).
cause l’un des éléments de la triade : le critère d’hyperglycémie. • Précise (l’acide -hydroxybutyrique est pris en compte).
C’est pourquoi les recommandations anglaises de 2011 [16] ont • Reproductible.
abaissé le seuil diagnostique glycémique à 2 g/l (11 mmol/l). Il y • Permet un diagnostic plus précoce.
est également précisé que l’hyperglycémie n’est pas obligatoire au • Permet de confirmer la guérison plus rapidement que la
diagnostic, la notion d’antécédent de diabète est suffisante. cétonurie.
Mesure de la cétonurie (à défaut)
Présence de cétone • Contraignante (bandelettes urinaires + urines).
La cétogenèse hépatique génère deux types de corps céto- • Imprécise (ne mesure que l’acide acétoacétique d’où
niques : l’acide -hydroxybutyrique et l’acide acétoacétique. résultat sous-estimé).
Physiologiquement, ces deux acides sont synthétisés en quan- • Risque d’erreurs liées aux bandelettes périmées ou mal
tité équimolaire. En cas de cétoacidose diabétique, la production stockées, à l’utilisation d’urines non fraîches, aux inter-
d’acide -hydroxybutyrique est majoritaire. Lors de leur accumu-
actions médicamenteuses (résultat faussement positif ou
lation, ces deux corps cétoniques sont à l’origine de l’acidose
métabolique. Le troisième corps cétonique, l’acétone (issue de la
négatif).
• Diagnostic retardé (élimination urinaire des corps céto-
décarboxylation de l’acide acétoacétique) n’intervient pas dans
l’acidification du sang. niques retardée par rapport à la cétonémie).
En pratique courante, deux méthodes diagnostiques des corps • Confirmation de la guérison retardée (risque de « sur-
cétoniques sont disponibles : la bandelette urinaire et la mesure traitement »).
capillaire de la cétonémie par les lecteurs glycémiques.
La mesure des corps cétoniques capillaires (ou cétonémie) cor-
respond au dosage de l’acide -hydroxybutyrique, la normale est
par insuline [9] . Dans de rares cas, la kaliémie initiale est abais-
inférieure à 0,5 mmol/l. Lors d’une cétoacidose, la concentration
sée suite à des vomissements, une diurèse importante ou à une
est en moyenne de 5 mmol/l mais peut atteindre les 30 mmol/l.
éventuelle prise de diurétiques.
Les bandelettes urinaires, en utilisant la méthode colo-
La natrémie reflète les pertes hydrosodées. Elle peut, dans cer-
rimétrique semi-quantitative au nitroprussiate, ne détectent
tains cas, se révéler normale ou haute mais s’avère le plus souvent
que l’acide acétoacétique et l’acétone. Cette mesure tend à
abaissée. Il est toutefois nécessaire de vérifier qu’il ne s’agit pas
sous-estimer la quantité de corps cétoniques puisque l’acide
d’une fausse hyponatrémie liée à une hyperglycémie ou à une
-hydroxybutyrique (acide majoritaire) n’est pas détecté. Ces ban-
hypertriglycéridémie. Le calcul de la natrémie corrigée apparaît
delettes sont également susceptibles de se positiver en présence
donc indispensable. Sa formule est la suivante : natrémie corri-
de substances possédant un groupe sulfhydryle (captopril, péni-
gée = natrémie mesurée + 1,6 × (glycémie [g/l] – 1).
cillamine [17] , N-acétylcystéine [18] ) et être ainsi à l’origine de
Une natrémie corrigée élevée témoigne d’une déshydratation
faux positifs. Des faux négatifs peuvent s’observer lorsque les
intracellulaire associée.
bandelettes ont été conservées dans de mauvaises conditions
L’osmolalité plasmatique est le plus souvent modérément aug-
ou utilisées sur des urines non fraîches. De plus, le monitoring
mentée, entre 300 et 325 mOsm/kg. Associée à une cétoacidose
urinaire des corps cétoniques est en retard sur la réponse thé-
sévère, l’hyperosmolalité est un facteur de risque de trouble de la
rapeutique à l’insulinothérapie [19] . En effet, lorsque la quantité
conscience [23] .
d’insuline délivrée est suffisante pour freiner la voie métabo-
Le trou anionique [Na – (Cl + HCO3 )] est généralement supé-
lique de la cétogenèse, la production d’acide -hydroxybutyrique
rieur à 12 meq/l, ce qui traduit la présence de corps cétoniques
s’effondre rapidement, ce qui n’est pas détecté par les bandelettes
non dosés. L’intensité du trou anionique varie parallèlement à la
urinaires.
diminution du taux de bicarbonates.
Il est donc actuellement recommandé de doser l’acide -
L’urée et la créatinine, lorsqu’elles sont élevées, témoignent
hydroxybutyrique sanguin (cétonémie) au cours de la cétoacidose.
d’une insuffisance rénale fonctionnelle.
Confirmation de l’acidose métabolique
Autres paramètres biologiques
L’acidose se caractérise par un pH artériel inférieur à 7,30. La
réserve alcaline paraît abaissée, inférieure à 15 mmol/l, voire infé- Bien que non indispensables au diagnostic, quelques para-
rieure à 10 mmol/l dans les formes sévères (pH inférieur à 7). mètres biologiques peuvent également préciser la gravité de la
L’utilisation du pH artériel pour le diagnostic de cétoacidose, cétoacidose et orienter la prise en charge thérapeutique.
du fait de sa méthode de prélèvement plus invasive que le pH vei- Il est fréquent d’observer une hyperleucocytose à polynucléaires
neux, est remise en question ces dernières années. Plusieurs études neutrophiles, liée à la démargination des leucocytes secondaire à
ont comparé l’utilisation du pH veineux ou artériel sans montrer l’acidose, à l’élévation de la cortisolémie et des catécholamines.
de supériorité diagnostique à la mesure artérielle du pH [20, 21] . Une Elle ne témoigne pas pour autant de l’existence d’un syndrome
analyse récente de 400 cas de cétoacidose a démontré que le pH infectieux sous-jacent. En revanche, lorsque l’hyperleucocytose
artériel pouvait être raisonnablement estimé par la concentration dépasse les 25 000/ml, il reste recommandé de rechercher un foyer
de bicarbonate veineux [22] . infectieux [24] .
Pour ces raisons, les recommandations anglo-saxonnes [16] pro- L’élévation des enzymes pancréatiques (amylase et lipase) peut
posent l’utilisation du pH veineux plutôt qu’artériel pour le se voir dans 16 à 25 % des cas [25] mais elle ne possède aucune
diagnostic de cétoacidose. valeur diagnostique.
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Tableau 2.
Diagnostics différentiels de la cétoacidose (d’après [4] ).
Cétose de Cétoacidose Acidose Acidose Intoxication aux Intoxication au Coma Coma
jeune lactique alcoolique salicylés méthanol ou hyperosmolaire hypoglycémique
éthylène glycol
pH du plasma Normal ↓ ↓ ↓↑ ↓↑ ↓ Normal Normal
Glycémie Normale ↑ Normale ↓ ou normale ↓ ou normale Normale ↑↑ ↓↓
Glycosurie Négative ++ Négative Négative Négative Négative > 500 mg/dl < 30 mg/dl
Cétonémie Légèrement ↑↑ Normale Légèrement ↑ ou Normale ↑ ↑Légèrement ou Négative
augmentée normale normale
Trou anionique Légèrement ↑ ↑ ↑ ↑ ↑ Normal Normal
augmenté
Osmolarité Normale ↑ Normale Normale Normale ↑↑ > 330 mosm/kg Normale
Acide urique Normal ↑ Normal ↑ Normal Normal Normal Normal
Divers Lactates > 200 Mesure Mesure Coma agité
plasmatique : plasmatique :
salicylés positives méthanol positif
les populations caucasiennes [38] . Il est caractérisé par un début Ce traitement doit être réalisé dans une unité de soins intensifs
brutal : cétoacidose suivant une courte période de symptômes si le patient présente des critères de gravité [10, 44] (Tableau 3) :
d’hyperglycémie (< 15 jours) sans auto-anticorps. Au moment du • une cétoacidose sévère (pH < 7) ;
diagnostic, l’hyperglycémie est importante et toujours supérieure • des troubles de la conscience, une hypotension, anasarque ;
à 16 mmol/l, l’hémoglobine glyquée HbA1c est basse (inférieure • des comorbidités ou pathologies intercurrentes sévères (sepsis,
à 8,7 %) (72 mmol/mol), l’insulinopénie est totale et persis- infarctus du myocarde, etc.).
tante (peptide C effondré) [12] . En comparaison avec le diabète de
type 1 auto-immun, les cellules bêta-pancréatiques sont presque
complètement détruites au diagnostic de la maladie et l’on Restauration de l’hémodynamique
observe des dommages substantiels des cellules alpha. L’origine
La correction des volumes extracellulaire et intracellulaire et
de cette maladie est inconnue. Des facteurs environnementaux
la restauration de la perfusion rénale constituent les trois prin-
tels que l’infection virale sont soupçonnés de participer au déve-
cipaux objectifs de la réhydratation. Débuter une réhydratation
loppement de cette pathologie [39] . Récemment, quelques cas de
intensive seule en début de traitement a l’avantage de permettre
diabètes fulminants ont été décrits à la suite d’une immunothé-
une première mesure de la kaliémie, indispensable avant d’initier
rapie oncologique : les anticorps monoclonaux anti-programmed
l’insulinothérapie [4] . En l’absence de pathologies cardiaque ou
cell death 1 (PD-1) [40] .
rénale sous-jacentes, il est recommandé de débuter la réhydrata-
tion à l’aide de soluté de chlorure de sodium (NaCl) à 0,9 % à
la dose de 15 à 20 ml/kg au cours de la première heure (soit 1 à
Cétoacidose et consommation de cannabis 1,5 l pour un adulte) puis de diminuer les doses de 4 à 14 ml/kg par
La consommation de produits illicites comme le cannabis n’est heure. Le déficit en eau doit être corrigé pour moitié dans les 12 à
pas rare chez les jeunes patients atteints de diabète de type 1 [41] 24 premières heures de traitement. Il est possible d’utiliser du NaCl
et souvent associée à un équilibre plus précaire du diabète [42] . à 0,45 % lorsque la natrémie initiale est normale ou élevée [10] .
La consommation de cannabis concomitante à un épisode de Il est nécessaire, le plus souvent rapidement, de remplacer le
cétoacidose pourrait être responsable d’un déséquilibre acidoba- soluté de NaCl par un sérum glucosé à 5 % (associé à 4–5 g de
sique (cétoacidose à pH anormalement élevé par rapport au taux NaCl/l) dès que la glycémie passe sous les 2 g/l. Cet ajout per-
de bicarbonate) [43] . Les auteurs de cette étude australienne sou- met de garder des débits d’insuline suffisants pour poursuivre la
lignent donc l’intérêt en cas d’équilibre acidobasique inhabituel freination de la libération des acides gras libres.
lors d’un épisode de cétoacidose, de rechercher une consomma-
tion illicite de drogue (en particulier le cannabis).
Insulinothérapie
La quantité d’insuline délivrée en intraveineux pour traiter
Diagnostics différentiels la cétoacidose a nettement diminué ces dernières années. Nous
sommes maintenant arrivés à de faibles doses. La concentra-
La cétoacidose repose sur une triade : hyperglycémie, céto- tion plasmatique doit être capable d’inhiber la néoglucogenèse
némie, acidose métabolique. Tous ses éléments ne sont pas hépatique, la lipolyse et la cétogenèse (soit une concentration
pathognomoniques de cette maladie et peuvent se rencontrer au plasmatique supérieure à 80 U/ml) [45] .
cours de différentes situations. Une analyse fine des paramètres Les différents consensus actuels s’accordent à proposer un
biologiques aide souvent au diagnostic traitement initial par insuline (humaine ou analogue) en intra-
L’ensemble de ces pathologies ainsi que leurs caractéristiques veineux à la dose de 0,1 à 0,14 U/kg par heure [10, 16] . La
biologiques sont présentées dans le Tableau 2. baisse attendue de la glycémie avec ce traitement doit être de
0,5 à 0,75 mg/dl par heure. Si la glycémie ne s’est pas abais-
sée de 10 % la première heure, un bolus intraveineux d’insuline
de 0,14 U/kg peut être délivré en plus du protocole de base.
Traitements Lorsque la glycémie devient inférieure à 2 g/l, il est nécessaire
de réduire la quantité d’insuline intraveineuse entre 0,02 et
La cétoacidose diabétique est une urgence médicale dont le trai- 0,05 U/kg par heure et d’y associer la perfusion de sérum glucosé
tement (Fig. 2) repose sur : à 5 %. Les recommandations anglaises proposent un algorithme
• la restauration de l’hémodynamique ; plus complexe de décroissance de l’insulinothérapie fondée sur
• une insulinothérapie adaptée, permettant la correction de la baisse de la glycémie, de la cétonémie et la remontée des
l’hyperglycémie, de l’acidose métabolique et de la cétonémie ; bicarbonates.
• la correction des troubles hydroélectrolytiques ; L’insulinothérapie intraveineuse doit être poursuivie tant que
• le traitement d’un éventuel facteur déclenchant. persiste la cétonémie (la correction de l’hyperglycémie étant plus
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Relais sous-cutané
Si patient peut manger,
bicarbonate > 18 mmol/l,
glycémie < 2 g/l, cétonémie
négative, pH > 7,3.
Attendre 2 heures avant
d'arrêter l'intraveineuse à
la seringue électrique
Figure 2. Arbre décisionnel. Traitement thérapeutique dans le cas d’une cétoacidose chez l’adulte (d’après [10] ). NaCl : chlorure de sodium.
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Surveillance [2] Mays JA, Jackson KL, Derby TA, Behrens JJ, Goel S, Molitch ME, et al.
An evaluation of recurrent diabetic ketoacidosis, fragmentation of care,
La surveillance de la cétoacidose est clinique et paraclinique. and mortality across Chicago, Illinois. Diabetes Care 2016;39:1671–6.
[3] Gibb FW, Teoh WL, Graham J, Lockman KA. Risk of death following
L’attention des praticiens est centrée sur la tolérance clinicobiolo-
admission to a UK hospital with diabetic ketoacidosis. Diabetologia
gique de la cétoacidose et du traitement instauré mais également
2016;59:2082–7.
sur la recherche de complications comme l’œdème cérébral ou [4] Nyenwe EA, Kitabchi AE. The evolution of diabetic ketoacidosis:
l’hypokaliémie. En effet, les paramètres vitaux (pouls, tension an update of its etiology, pathogenesis and management. Metabolism
artérielle, saturation en oxygène, température, glycémie) et l’état 2016;65:507–21.
de conscience (ou tout autre signe pouvant évoquer l’installation [5] Barnes AJ, Bloom SR, Goerge K, Alberti GM, Smythe P, Alford
d’un œdème cérébral : céphalée, vomissements, etc.) sont sur- FP, et al. Ketoacidosis in pancreatectomized man. N Engl J Med
veillés étroitement : toutes les 30 minutes pendant une heure 1977;296:1250–3.
puis toutes les deux heures. Biologiquement, la kaliémie, les bicar- [6] Herchline TE, Plouffe JF, Para MF. Diabetes mellitus presenting with
bonates et le pH veineux sont dosés toutes les quatre heures. ketoacidosis following pentamidine therapy in patients with acquired
L’électrocardiogramme est toujours réalisé à l’arrivée et répété en immunodeficiency syndrome. J Infect 1991;22:41–4.
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on gluconeogenesis in non-insulin-dependent diabetes mellitus. J Clin
(hémoculture, radiographie du thorax, examen cytobactérien des
Invest 1992;89:169–75.
urines ou autres) doit être réalisée si l’acidose persiste au-delà de [8] DeFronzo RA, Cooke CR, Andres R, Faloona GR, Davis PJ. The effect of
six heures ou si des signes cliniques sont évocateurs. insulin on renal handling of sodium, potassium, calcium, and phosphate
in man. J Clin Invest 1975;55:845–55.
Prévention [9] Adrogué HJ, Lederer ED, Suki WN, Eknoyan G. Determinants of plasma
potassium levels in diabetic ketoacidosis. Medicine 1986;65:163–72.
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La cétoacidose est une complication grave du diabète dont la in adult patients with diabetes. Diabetes Care 2009;32:1335–43.
mortalité s’est fortement réduite ces dernières années puisqu’elle [11] Umpierrez G, Freire AX. Abdominal pain in patients with hyperglycemic
est désormais inférieure à 1 %. Cependant, la récidive de cétoa- crises. J Crit Care 2002;17:63–7.
cidose est liée à un surrisque de mortalité important comme le [12] Imagawa A, Hanafusa T, Awata T, Ikegami H, Uchigata Y, Osawa H, et al.
montrent Gibb et al. [3] . En effet, sur 300 patients hospitalisés aux Report of the committee of the Japan Diabetes Society on the research
Royaume-Uni entre 2007 et 2012 ayant présenté plus de 600 cas of fulminant and acute-onset type 1 diabetes mellitus: new diagnostic
de cétoacidose, les patients récidivant avaient un risque de décès criteria of fulminant type 1 diabetes mellitus (2012). J Diabetes Investig
dans les cinq ans de 23 % contre 5,2 % chez les patients ayant 2012;3:536–9.
présenté un seul épisode de cétoacidose. Un âge plus jeune et une [13] Dhatariya KK, Vellanki P. Treatment of Diabetic Ketoacidosis
catégorie socio-professionnelle plus basse semblaient être liés à la (DKA)/Hyperglycemic Hyperosmolar State (HHS): novel advances in
récidive de la cétoacidose. the management of hyperglycemic crises (UK versus USA). Curr Diab
Rep 2017;17:33.
Même si le premier facteur de risque de cétoacidose chez les
[14] Guo RX, Yang LZ, Li LX, Zhao XP. Diabetic ketoacidosis in pregnancy
patients diabétiques connus reste l’inobservance thérapeutique, tends to occur at lower blood glucose levels: case-control study and a
il est important de leur rappeler les situations à risque comme la case report of euglycemic diabetic ketoacidosis in pregnancy. J Obstet
grossesse, l’utilisation d’une pompe à insuline et les pathologies Gynaecol Res 2008;34:324–30.
intercurrentes. Chez les patients diabétiques de type 1 comme de [15] Peters AL, Buschur EO, Buse JB, Cohan P, Diner JC, Hirsch IB.
type 2 sous inhibiteurs de SGLT2, une attention particulière doit Euglycemic diabetic ketoacidosis: a potential complication of treat-
être portée puisque plusieurs cas de cétoacidose euglycémique ont ment with sodium-glucose cotransporter 2 inhibition. Diabetes Care
été rapportés. 2015;38:1687–93.
Ainsi, la prévention de cette complication reste un élément [16] Savage MW, Dhatariya KK, Kilvert A, Rayman G, Rees JE, Courtney
essentiel de la prise en charge des patients diabétiques. Elle CH, et al. Joint British Diabetes Societies guideline for the management
porte essentiellement sur des programmes d’éducation thérapeu- of diabetic ketoacidosis. Diabet Med 2011;28:508–15.
tique, de suivi et de support psychologique [4] , permettant, le cas [17] Csako G. False-positive results for ketone with the drug mesna and other
free-sulfhydryl compounds. Clin Chem 1987;33(2Pt1):289–92.
échéant, une adaptation thérapeutique par le patient lui-même
[18] Williamson J, Davidson DF, Boag DE. Contamination of a specimen
pour éviter le passage de cétose à cétoacidose. with N-acetyl cysteine infusion: a cause of spurious ketonaemia and
hyperglycaemia. Ann Clin Biochem 1989;26(Pt2):207.
Conclusion [19] Umpierrez GE, Watts NB, Phillips LS. Clinical utility of beta-
hydroxybutyrate determined by reflectance meter in the management
of diabetic ketoacidosis. Diabetes Care 1995;18:137–8.
La cétoacidose est une complication grave du diabète dont le
[20] Herrington WG, Nye HJ, Hammersley MS, Watkinson PJ. Are arterial
diagnostic est fondé sur une triade de signes : hyperglycémie, aci- and venous samples clinically equivalent for the estimation of pH, serum
dose métabolique, cétonémie. La prise en charge thérapeutique bicarbonate and potassium concentration in critically ill patients? Diabet
repose sur trois piliers : restauration de la volémie, insulinothéra- Med 2012;29:32–5.
pie, rééquilibre des troubles ioniques (principalement apport de [21] Malatesha G, Singh NK, Bharija A, Rehani B, Goel A. Comparison of
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sur une éducation thérapeutique adaptée, tout particulièrement department assessment. Emerg Med J 2007;24:569–71.
nécessaire chez certaines populations plus à risque de présenter [22] Nyenwe EA, Wan JY, Kitabchi AE. Venous serum bicarbonate concen-
cette complication (femme enceinte, patients sous pompe à insu- tration predicts arterial pH in adults with diabetic ketoacidosis. Endocr
line, sous inhibiteurs de SGLT2, diabète africain, etc.). Pract 2014;20:201–6.
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C. Amouyal, MD (chloe.amouyal@aphp.fr).
Service de diabétologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP–HP, Sorbonne Université, 83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Carlier A, Amouyal C. Cétoacidose diabétique. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2018;15(4):1-10 [Article
10-366-H-10].
10 EMC - Endocrinologie-Nutrition
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