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I-Introduction
Les céphalées font partie des dix causes les plus fréquentes de consultation en médecine
générale. Les céphalées sont responsables de 20% des causes d’absentéisme (1 jour
d’absence/année/employé) ; 10-12% de la population souffre de migraine (6% des hommes
et 15-18% des femmes). En raison de leur caractère bénin, les céphalées primaires sont
sous-diagnostiquées et insuffisamment traitées. Bien que plus de 95% des patients vus en
pratique de médecine générale présentent une cause bénigne de céphalées, une
investigation soigneuse à la recherche d’une étiologie secondaire est indispensable. Le rôle
du médecin est donc de distinguer les céphalées primaires des céphalées secondaires, de
déterminer le traitement adéquat, (dans l’urgence et au long cours) et de répondre aux
attentes des patients pour lesquels une céphalée, même bénigne, peut être cause de
craintes et de handicap.
II-Physiopathologie
Les structures dont la stimulation peut être douloureuse et entraîner des céphalées sont
exocrâniennes (téguments de la face et du crâne, muqueuses des sinus de la face, des
cavités naso-pharyngo-buccales, globes oculaires, oreille moyenne, articulation temporo-
mandibulaire et dents) et endocrâniennes (dure-mère du bas du crâne, artères carotides
vertébrales et méningées, sinus veineux, nerfs crâniens sensitifs surtout le V).
L’acheminement du message douloureux vers le cerveau se fait par le nerf trijumeau et les
trois premières racines cervicales, C1 (névralgie d’Arnold), C2 et C3. En revanche, la
souffrance des autres racines cervicales dans l’arthrose cervicale ne peut être responsable de
céphalées.
Pour illustrer les mécanismes physiopathologiques des céphalées, prenant comme exemple la
migraine dans la quelle plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été élaborées. La
migraine est d’abord une affection cérébrale primitive. La crise de migraine nait quelque part
dans le cerveau, une activation neuronale inappropriée déclenche un orage vasomoteur qui
se développe au sein du cerveau et de ses enveloppes méningées. Les mécanismes de la
migraine sont complexes et incomplètement élucidés mais ils se dévoilent peu à peu. La
migraine est due à une excitabilité neuronale anormale, liée à une prédisposition génétique
et modulée par des facteurs environnementaux (hormones, stress, aliments,…). On ne sait
toujours pas comment la crise se déclenche, mais des progrès considérables ont été réalisés
dans la compréhension des mécanismes impliqués dans les différents symptômes des crises.
L’aura migraineuse est probablement provoquée par un dysfonctionnement transitoire du
cortex qui entraîne une vague lente de dépolarisation des neurones de l’arrière du cerveau
vers l’avant. Il s’agit de la dépression corticale envahissante (DCE). La vague de
dépolarisation entraîne une baisse transitoire de l’activité des neurones ou une légère
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diminution du débit sanguin cérébral. Cela explique les troubles neurologiques visuels,
sensitifs, du langage ou la faiblesse ressentie par les patients. La céphalée migraineuse est
liée à l’activation du système trigémino-vasculaire composé des nerfs trijumeaux qui
innervent les méninges et les vaisseaux intracrâniens. Cette activation libère des
neuropeptides qui provoquent une vasodilatation au niveau des méninges et une
inflammation neuronale. Elle déclenche par ailleurs la transmission centrale de la douleur via
le tronc cérébral. Des vagues de DCE peuvent déclencher l’activation du tronc cérébral via le
système trigémino-vasculaire dans la migraine avec aura. Il existe par ailleurs une activation
au niveau du tronc cérébral et de la zone hypothalamique qui contribue au déclenchement et
au maintien du circuit douloureux.
III-Diagnostic positif
III-1-Examen clinique
III-1-1-Interrogatoire
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inhabituelle (de novo, c’est-à-dire clairement différente des
céphalées habituelles) doit aussi inciter à entreprendre des
explorations. Les autres éléments de l’interrogatoire serviront à
orienter le diagnostic étiologique.
III-1-2-Examen physique
III-2-Examens complémentaires
1- Neurologiques
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parenchymateux, sous-dural (HSD) ou extradural (HED) ou hémorragie
méningée), encéphalite, abcès, tumeur ou tout autre processus
intracrânien
2-Locorégionaux
IV-Diagnostic étiologique
Au terme du bilan clinique, les céphalées peuvent être classées selon le mode d’installation
et le mode évolutif dans le but d’une recherche étiologique qui sera étayée par les examens
complémentaires.
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c- Céphalées chroniques évoluant depuis des mois ou des années :
3-En fonction de l’origine : On distingue les causes d’origine neurologique, des causes
d’origine extra-neurologique
a-Causes neurologiques :
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a. Un processus expansif intracrânien (PEIC) : Il se traduit par des
céphalées par hypertension intracrânienne (céphalée récente souvent
progressive). Ces céphalées sont indéfinissables, profondes et sourdes,
d’intensité modérée, intermittente, caractérisées par l’exagération par
l’effort et la position couchée ; l’association à des vomissements pouvant
soulager temporairement la céphalée ; un œdème papillaire bilatéral au
fond d’œil (inconstant) ; ou autres signes éventuellement associés tels
qu’un ralentissement psychique, diplopie (atteinte uni- ou bilatérale du
VIe nerf crânien, sans valeur localisatrice) ; des « éclipses » visuelles
(trouble bilatéral et transitoire de la vision, tardif et de signification
péjorative). Les vomissements qui précèdent de quelques semaines les
céphalées caractérisent les tumeurs cérébrales de la fosse postérieure. Le
diagnostic du processus expansif intracrânien est aisé en cas de signes de
focalisation neurologique (déficit sensitif et/ou moteur hémicorporel,
aphasie, héminégligence, hémianopsie…). L’IRM ou le scanner (avec
injection de produit de contraste) sont essentiels pour poser le diagnostic
étiologique: hydrocéphalie, abcès, tumeur primitive ou secondaire,
hématome sous-dural…
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» (en « coup de tonnerre ») et très intense. Elles peuvent s’associer à des
troubles de la conscience ou du comportement. La céphalée peut être
isolée voire régresser totalement en cas de syndrome fissuraire d’un
anévrisme (céphalée brutale « sentinelle »). Le diagnostic repose sur le
scanner cérébral qui doit être effectué en urgence (sensibilité de 90 %
dans les 24 heures, 50 % dans la première semaine). L’IRM (séquences
FLAIR et T2* écho de gradient) est plus sensible pour détecter une
hémorragie sous-arachnoïdienne, mais elle est souvent moins accessible
en urgence. Dans tous les cas de céphalée « explosive » avec une
imagerie cérébrale normale, il faut effectuer une ponction lombaire. La
prise en charge en urgence doit se faire en réanimation ou en
neurochirurgie. L’imagerie vasculaire (angioscanner, angio-IRM, et
artériographie cérébrale des quatre axes) permet alors de visualiser un
anévrisme rompu dans 80 % des cas.
Les accidents vasculaires cérébraux, la thrombose veineuse
cérébrale et autres causes vasculaires :
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Encéphalopathie hypertensive, éclampsie : La céphalée précède
habituellement les signes d’encéphalopathie (confusion, troubles de
vigilance, épilepsie, déficits focaux). La pression artérielle est très
élevée, sauf pour l’éclampsie (période de péri-partum) où
l’encéphalopathie peut apparaître avec des pressions artérielles moins
élevées.
Nécrose pituitaire : La céphalée brutale s’associe à des troubles
visuels. Seule l’IRM permet le diagnostic.
Dissection des artères cervico-encéphaliques (carotides et
vertébrales) : La dissection de l’artère carotide interne ou vertébrale se
caractérise par une cervicalgie. L’atteinte du système sympathique
péricarotidien en cas de dissection carotidienne entraîne le syndrome de
Claude Bernard-Horner (faux ptosis, myosis, énophtalmie). L’écho-Doppler
et surtout l’angioscanner et l’IRM (avec angio-IRM et coupes cervicales)
permettent le diagnostic en visualisant un rétrécissement artériel avec un
hématome de la paroi. En cas de dissection intracrânienne vertébrale, il
faut rechercher une hémorragie sous-arachnoïdienne par imagerie
cérébrale et ponction lombaire (risque de rupture par dissection sous-
adventitielle).
Céphalées après un traumatisme crânien : Elles peuvent être
précoces (hématome, dissection, brèche ostéoméningée, œdème avec
HTIC) ou tardives (HSD chronique, syndrome subjectif des traumatisés du
crâne)
Céphalées positionnelles : (Tumeur du 3ème ventricule, sténose
congénitale de l’aqueduc de Sylvius)
Céphalées post-PL et céphalées de l’hypotension intracrânienne:
Il s’agit d’une baisse de pression du LCR habituellement secondaire à une
brèche durale iatrogène (ponction lombaire, anesthésie péridurale,
rachianesthésie, infiltration, neurochirurgie) ou traumatique (traumatisme
parfois mineur). La fréquence des céphalées post-ponction lombaire
dépend directement des caractéristiques de l’aiguille utilisée (diamètre,
biseau). Les céphalées diffuses se déclenchent de manière caractéristique
à l’orthostatisme (aggravant l’hypotension du LCR) et disparaissent très
rapidement en position allongée (« syndrome post-ponction lombaire »).
Elles sont progressives dans 85 % des cas, parfois soudaines. Elles
peuvent s’associer à des acouphènes, nausées, diplopie par paralysie du
VI. L’IRM cérébrale, si elle est effectuée, montre un rehaussement intense
des méninges après injection de produit de contraste (gadolinium), un
déplacement cranio-caudal des structures encéphaliques et, parfois, un
aspect collabé des ventricules. Le traitement, très efficace, repose sur
l’injection péridurale de sang autologue pour obstruer la brèche (blood-
patch). L’hypotension intracrânienne peut se compliquer d’un hématome
sous-dural ou d’une thrombose veineuse cérébrale, aggravant les
céphalées et leur faisant perdre leur caractère postural.
Céphalées au cours des maladies systémiques : Les céphalées
existent dans quasiment toutes les maladies systémiques. Elles sont
toutefois caractéristiques du lupus érythémateux systémique, la thyroïdite
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de Hashimoto, de la mononucléose infectieuse, suite à un sevrage des
corticoïdes, une contraception orale, des inducteurs de l’ovulation, les
maladies inflammatoires du tube digestif, l’infection au HIV, les HTA
malignes et celles de poussées de phéochromocytome où les céphalées
surviennent quand la TA diastolique dépasse les 120 mmHg.
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1. céphalée unilatérale
2. céphalée pulsatile
3. modérée ou sévère
4. aggravation par les activités physiques simples (montée
escalier p.ex)
D. Durant les céphalées, au moins 1 des caractères suivants:
1. nausées et/ou vomissements
2. photophobie et phonophobie
E. Non attribuable à une autre affection
2. Migraine avec aura
2.a Migraine avec aura typique
A. Au moins 2 crises remplissant les critères B à E
B. Symptômes visuels, sensitifs, dysphasiques mais pas de
parésie
C. Présence d'au moins 1 des symptômes suivants:
1. symptômes visuels homonymes positifs (scotomes,
lignes ou phosphènes
scintillants) e/o négatifs (amaurose, hémianopsie) e/o
symptômes sensitifs
unilatéraux positifs (fourmillements, picotements) et/ou
négatifs (anesthésie,
engourdissement)
2. ≥1 symptôme progresse sur ≥5 min ou différents
symptômes se succèdent
3. chaque symptôme dure 5-60 min
D. La céphalée débute pendant l'aura ou lui succède dans les
60 min
E. Non attribuable à une autre affection
2.b Migraine basilaire
Mêmes critères que la migraine avec aura et au moins 2 des
symptômes suivants:
- diminution du champ visuel, bitemporal et binasal
- dysarthrie
- vertiges
- tinnitus
- diminution de l’acuité auditive
Les principaux diagnostics différentiels de la migraine sont céphalées de
tension qui peuvent coexister avec la migraine. En cas de céphalées
paroxystiques, il faut également évoquer les malformations artério-
veineuses (où les céphalées sont toujours du même côté), l’algie
vasculaire de la face, les poussées hypertensives du phéochromocytome,
et le blocage aigu de la circulation du LCR par des tumeurs touchant les
ventricules. En l’absence du caractère paroxystique, on évoque les autres
céphalées symptomatiques d’affection intracrânienne (PEIC) ou
locorégionale (ORL, stomatologique, oculaire,…), ou les céphalées post-
traumatiques.
Dans la migraine sans aura, les principaux diagnostics différentiels sont
l’accident ischémique transitoire, et les crises épileptiques focales.
Céphalées de tension et céphalées psychogènes : C’est la plus
fréquente des céphalées non organiques. C’est une céphalée chronique,
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durant quelques heures à un à deux jours, à type de pression ou sensation
de tête pleine , serrée ou comprimée en étau, non pulsatile, de siège
bitemporal ou surtout frontal ou occipito-cervical postérieur, d’intensité
faible à modérée, qui ne s’accompagne pas de nausées-vomissements. La
poursuite des activités physiques est généralement possible. Une discrète
photophobie ou phonophobie est possible. A l’examen, les patients
peuvent éprouver une douleur à la palpation des muscles péricrâniens.
Elles surviennent chez des sujets stressés et neurotoniques, notamment
lors d’un choc émotionnel ou d’une détresse psychologique.
Névralgie d’Arnold (C1) : Il s’agit d’un conflit du nerf occipital avec la
charnière osseuse. La céphalée survient en éclair, déclenchée par les
mouvements du cou, partant de la charnière cervico-occipitale et irradiant
en hémicrânie jusqu’à la région frontale.
Névralgie du Trijumeau : On distingue 2 formes, une primitive,
anciennement appelé « tic douloureux de la face », et la forme secondaire
à une affection. Les formes primitives seraient en fait pour la plupart dues
à une compression du nerf trijumeau à son émergence du tronc cérébral
par des artères aberrantes (boucles, dilatations..). La névralgie trigéminale
primitive se localise au front dans la région malaire et orbitaire (V2), ou
dans la mandibule (V3), exceptionnellement dans la région du front (V1).
On retrouve une « zone gâchette », dont la stimulation déclenche la
douleur à la faveur de gestes de la vie quotidienne (toilette, rasage,
mastication, brossage des dents...). La douleur est intense, fulgurante,
d’une fraction de seconde à quelques secondes à 2 minutes et cède
brutalement totalement ou en laissant un fond douloureux et une
appréhension majeure de sa récidive. Une période réfractaire à toute
stimulation de la zone gâchette s’ensuit. Au contraire, la localisation de la
céphalée au territoire V1, l’absence de zone gâchette, l’absence de
période réfractaire après une douleur, des anomalies à l’examen clinique
(hypoesthésie, abolition du réflexe cornéen…) sont en faveur d’une
névralgie secondaire (compression du nerf, inflammation, vascularite…).
Les examens sont guidés par les causes évoquées cliniquement. On citera
principalement l’IRM cérébrale explorant le trajet du V pour les causes
tumorales, une boucle vasculaire ou la neuropathie primitive (diagnostic
d’exclusion, l’IRM est normale) ou autres métastases, sarcoïdose, SEP…) ;
la ponction lombaire pour un zona à la phase pré-éruptive (méningite
lymphocytaire, PCR VZV positive), une SEP (recherche d’une production
locale d’immunoglobulines avec profil oligoclonal), une sarcoïdose
(méningite lymphocytaire) et éventuellement un scanner thoraco-
abdomino pelvien (recherche de sarcoïdose, de lymphome, de tumeur
primitive) ; un bilan immunologique ; la sérologie VIH en cas de facteurs
de risque ; glycémie à jeun + post prandiale (diabète).
Algie vasculaire de la face : Il s’agit d’un désordre neurovégétatif
vasculaire aigu. Les céphalées surviennent par crises répétées sur des
périodes de quelques semaines à quelques mois. Elles sont intenses,
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débutent brutalement, et cèdent spontanément après 15 à 180 minutes.
La céphalée a une localisation périorbitaire, temporale et malaire,
strictement unilatérale, et s’accompagne de signes végétatifs
parasympathiques et de vasodilatation : larmoiement, rhinorrhée,
congestion nasale, sudation localisée à la face, injection conjonctivale,
myosis, énophtalmie. L’aspect du visage est congestif dans la région
douloureuse, la paupière est oedématiée. Les crises se répètent à
quelques heures d’intervalle, jusqu’à 48 heures. Plusieurs mois ou années
peuvent séparer les périodes de crise.
b-Causes extra-neurologiques :
b1- Locorégionales :
b2- Générales :
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consiste en une corticothérapie (1 mg/kg par jour) urgente (sans
attendre le résultat de la biopsie) et maintenue plusieurs mois. La
corticothérapie doit faire régresser les douleurs en quelques jours.
Intoxication au CO : Gaz inodore et incolore, le CO est émis par un
système de chauffage à combustion défectueux. L’intoxication au CO
se manifeste dans 90 % des cas par une céphalée (aiguë ou
chronique). Celle-ci précède un ensemble de signes d’intoxication plus
grave (vertiges, étourdissements, troubles visuels, asthénie, sensation
ébrieuse). Le taux de carboxyhémoglobine (HbCO) détermine la
gravité de la céphalée. Celle-ci devient très intense à partir de 30 %
d’HbCO et s’accompagne d’une confusion voire d’un coma. Devant des
céphalées chroniques, il faut savoir penser à une intoxication au CO si
la céphalée est nocturne (disparaissant en matinée) ou survient à
l’intérieur d’une pièce spécifique.
Céphalées liées à certains médicaments : tels que les AINS, les
dérivés nitrés, anticalciques, certaines pilules contraceptives.
Fièvre : en particulier dans les syndromes grippaux.
Hématologiques : telles que l’hypoxie par anémie ou la polyglobulie
V- Prise en charge
Elle repose sur l’établissement du diagnostic étiologique. Les examens neurologiques seront
faits en urgence si les céphalées sont aigues, récentes ou installées en quelques jours ou
semaines, ou en cas de modification des caractéristiques de céphalées chroniques.
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