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LES THERAPIES CIBLEES


INTRODUCTION

L’une des limites des chimiothérapies classiques est leur manque de sélectivité, altérant à la
fois les cellules tumorales et les cellules saines, ce qui entraîne de nombreux effets indésirables,
parfois limitants pour la poursuite du traitement. Le développement de la biologie moléculaire
à la fin du XXe siècle a considérablement amélioré la connaissance du processus tumoral et a
permis d’identifier des “cibles” thérapeutiques nouvelles comme des oncogènes, des antigènes
de surfaces et des facteurs de croissance, pro-angiogéniques ou de régulation de l’immunité
antitumorale. C’est ainsi qu’ont été développées les premières thérapies ciblées à la fin des
années 1990. Actuellement, plus de trente molécules anticancéreuses sont des thérapies ciblées,
soit environ un tiers de l’ensemble des anticancéreux.

I. GENERALITES

1. Définition
En oncologie, les thérapies ciblées sont des médicaments qui ciblent spécifiquement une
protéine ou un mécanisme impliqué dans le développement de la tumeur. Ces médicaments sont
donc théoriquement sans effet sur les cellules saines.

2. Bases biologiques
a) Les facteurs de croissance

Les facteurs de croissance sont des polypeptides de poids moléculaire peu élevé (6-30 kDa) qui
régulent la croissance et les fonctions des cellules, grâce à une fixation sur des récepteurs
spécifiques cellulaires de grande affinité. L'activation de la cellule se traduit par une activation
de signaux transmembranaires, puis par une cascade de phénomènes cytoplasmiques et aboutit
à la transcription des gènes spécifiques d'une ou de plusieurs protéines. Les principales familles
de facteurs de croissance sont :

Famille des PDGF (Platelet derived growth factor)

 PDGF1
 PDGF2, retrouvé dans certaines tumeurs mammaires,
 VEGF (facteur de croissance vasculaire), rôle mitogène important pour la
vascularisation,
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 VPF (facteur de perméabilité vasculaire)

Famille de l'EGF (Epidermal Growth Factor)

 EGF, individualisé au niveau des gencives, et de nombreuses cellules épidermiques,


 L’urogastrone (URO) sécrété par les cellules gastriques, le rein et les glandes sous-
maxillaires,
 Le TGFa ou Transforming Growth Factor a
 L’amphiréguline détectée dans le placenta, le tissu mammaire et ovarien

Famille des FGF (Fibroblast Growth Factor)

 Numérotés de 1 à 6, et pouvant être complexés par l'héparine.

Famille de l'insuline

 IGF-1
 IGF-2

Facteurs neurotropes (NGF)

Facteur transformant b (TGF-b) : facteur inhibiteur

b) Les récepteurs des facteurs de croissance


Les récepteurs des facteurs de croissance sont également appelés récepteurs à activité tyrosine
kinase intrinsèque (RTK). Ce sont des glycoprotéines transmembranaires composées d’un
domaine extracellulaire très variable capable de fixer le ligand, d’un domaine transmembranaire
permettant l’ancrage dans la membrane cellulaire et d’un domaine intracellulaire
(cytoplasmique) qui renferme l’activité tyrosine kinase et permet la transduction du signal au
sein de la cellule. Les RTK sont d’importants régulateurs de la communication intercellulaire,
ils jouent en effet un rôle important dans le contrôle de nombreux processus biologiques, tels
que le cycle cellulaire, la migration cellulaire, le métabolisme, la croissance, la prolifération et
la différenciation cellulaire.

Selon leur organisation structurale, ces récepteurs se regroupent en plusieurs familles. Vingt
familles de RTK ont été décrites jusqu’à présent. Parmi ces différentes familles, on distingue
les récepteurs à l’insuline (IR), les récepteurs aux facteurs de croissance de l’épiderme
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(EGFR/Erbb1, Erbb2), les récepteurs aux facteurs de croissance dérivé des plaquettes
(PDGFR), les récepteurs aux facteurs de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGFR) et
les récepteurs aux facteurs de croissance des fibroblastes (FGFR).

Deux grandes familles de médicaments ont été développés dans le cadre des thérapies ciblées.

II. LES ANTICORPS MONOCLONAUX

1. Mécanismes d’action
Les anticorps sont des protéines fabriquées par le système de défense de l’organisme (système
immunitaire). Leur rôle est de repérer et de neutraliser certaines substances étrangères comme
les virus ou les bactéries. Pour les neutraliser, l’anticorps se fixe sur la substance étrangère
(antigène) qui est ensuite éliminée par le système immunitaire.

Grâce à la recherche médicale, des anticorps monoclonaux « anti-cancer » ont pu être fabriqués.
Leur action consiste en un ciblage extracellulaire par blocage d’un ligand ou du domaine
extracellulaire d’un récepteur, ou encore par reconnaissance d’un antigène de surface. Ce
ciblage est possible à l’aide d’un anticorps monoclonal, qui ne pénètre pas à l’intérieur de la
cellule et qui sera administré par voie parentérale (intraveineuse le plus souvent), et dont la
dénomination commune internationale (DCI) se caractérise par le suffixe “mab” pour
Monoclonal anti-body. Ces anticorps ont la capacité de repérer et de bloquer certains
mécanismes spécifiques des cellules cancéreuses.

2. Exemples d’anticorps monoclonaux, cibles et indications


NOMS CIBLES CANCERS
TRASTUZUMAB (HERCEPTIN*) ErbB2 Sein
BEVACIZUMAB (AVASTIN*) VEGFR Côlon, Sein
CETUXIMAB (ERBUTIX*) ErbB1 Côlon
PANITUMUMAB (VECTIBIX*) ErbB1 Côlon
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III. LES INHIBITEURS DE THYROSINE KINASE

1. Mécanisme d’action

Les tyrosine kinases sont des enzymes, qu’il s’agisse de récepteurs ou non, qui jouent un rôle
majeur dans la signalisation cellulaire en aval des facteurs de croissance. Les inhibiteurs de
tyrosine kinase se fixent de manière compétitive sur les sites de liaisons de l’ATP et bloquent
ainsi l’activation des sites tyrosine kinase. Par voie de conséquence, la signalisation cellulaire
en aval est interrompue, rétablissant ainsi le contrôle de la prolifération de la survie cellulaire.
Dans les tumeurs solides, les inhibiteurs de tyrosine kinase induisent également une inhibition
de l’angiogenèse et de la diffusion métastatique. Les inhibiteurs des tyrosine kinases ont, pour
la plupart, une dénomination commune internationale se terminant par le suffixe "tinib"

2. Exemples d’inhibiteurs des tyrosines kinases, cibles et indications

NOMS CIBLES INDICATIONS

IMATINIB (GLIVEC*) ABL, KIT LMC, tumeurs stromales

SUNITINIB (SUTENT*) VEGFR Rein


VEGFR, PDGFR, C-
SORAFENID (NEXAVAR*) Foie
KIT, RET, Raf kinase
CEFITINIB (IRESSA*) ErbB1 Poumons

ERLOTINIB (TARCEVA*) ErbB1 Poumons

Récepteur

Facteur de croissance
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CONCLUSION ET PERSPECTIVES
À l’avenir et avec l’évolution des connaissances de la biologie des cancers d’une part et
l’augmentation des thérapies ciblées disponibles d’autre part, la caractérisation moléculaire de
la tumeur pourrait ne pas se limiter à l’identification d’une altération moléculaire unique, mais
pourrait intégrer un ensemble complexe de caractéristiques génomiques (voire autres que
génomiques) qui ferait de la tumeur de chaque patient une pathologie unique. Chaque
patient se verrait alors proposer un traitement qui lui est spécifiquement adapté (médecine
personnalisée). Ce concept est encore du ressort de la recherche et n’a actuellement pas
démontré son efficacité dans le cadre d’un programme de recherche clinique.

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