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Cancérologie générale 2021

LA CANCEROGENESE ET CROISSANCE TUMORALE

INTRODUCTION

Le cancer est un ensemble de maladies graves, mortelles en l’absence de traitement efficace,


caractérisé par une prolifération incontrôlée de cellules devenues anormales. Plusieurs
phénomènes concourent à la transformation d’une cellule normale en cellule cancéreuse et
au développement du cancer dans l’organisme.

1. GENERALITES
1.1. Définition

La cancérogénèse est l’ensemble des phénomènes ou évènements qui conduisent à la


transformation d’un tissu normal en tissu cancéreux.

1.2. Rappels

L’homéostasie tissulaire

Dans un tissu normal il existe un équilibre entre la prolifération qui génère de nouvelles
cellules, la différenciation qui conduit ces cellules vers une spécialisation irréversible, et la mort
cellulaire par sénescence ou apoptose. C’est l’homéostasie tissulaire. Cet équilibre est assuré
par les capacités d’adaptation cellulaire à des modifications physiologiques normales. Le
développement et la croissance d’un tissu sont conditionnés par des processus complexes
permettant la régulation de ces différentes étapes de la vie d’une cellule. Cette régulation est
sous la dépendance de certains gènes qui contrôlent la vie de la cellule.

L’expression des gènes

L’ADN est le support des gènes et le génome représente l’ensemble de ce matériel génétique
propre à chaque espèce. Le génome humain contient environ 30.000 gènes. Le gène désigne
une unité transcriptionnelle, c’est-à-dire une séquence d’ADN qui sera transcrite en ARN
messager puis traduite en protéine. L’expression de certains de ces gènes contrôlent l’une ou
l’autre des étapes de la vie de la cellule, à savoir : la prolifération, la différenciation, la
sénescence et la mort programmée.

Les anomalies de l’homéostasie, par augmentation de la prolifération et/ou diminution de la


mort cellulaire, sont à l’origine de l’accumulation des cellules aboutissant à la formation d’une
tumeur macroscopiquement visible ;

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2. CANCEROGENESE
2.1. Bases moléculaires de la cancérisation

Les cancers sont des maladies où un petit groupe de cellules échappe aux règles de vie en
société organisée et prolifèrent sans contrôle du fait d’altérations de certains gènes. Les
altérations des cellules cancéreuses ont lieu sur l’ADN et peuvent être transmises aux cellules
filles. Ainsi une cellule, qui aura accumulé des modifications génétiques lui permettant de
proliférer, donnera naissance à une grande population de cellules filles formant une tumeur.
Ces altérations peuvent être génétiques ou épigénétiques car la modification de l’expression
des gènes n’est pas forcement liée à une modification de la séquence de l’ADN.

Les familles de gènes touchés sont :

2.1.1. Les oncogènes

Ce sont des gènes qui favorisent le développement des cancers, en favorisant la prolifération
ou la survie des cellules. Ce sont des formes activées de proto-oncogènes qui sont des gènes
normaux de la cellule. Des altérations génétiques modifient le proto-oncogène, ce qui conduit
au dérèglement cellulaire.

Le proto-oncogènes mutés sont hyperactivés (mutation gain de fonction). Ils sont


dominants c’est-à-dire que la mutation d’une seule copie du gène est suffisante pour que la
cellule glisse vers un état cancéreux.

Les oncogènes participent au développement des cancers en :

 Exerçant une pression positive sur la prolifération cellulaire ;


 Protégeant la cellule des mécanismes apoptotiques et assurent sa survie ;
 Concourant, par leurs effets angiogéniques, au développement d’une tumeur ;
 Facilitant la dissémination des cellules tumorales et l’apparition de métastases.

Tableau : Exemple de proto-oncogènes impliqués dans les cancers humains

Proto-oncogène Type d’anomalie Exemple de tumeurs impliquées


ERBB2 Amplification Carcinome mammaire et ovarien
KRAS Mutation activatrice Carcinome colique, bronchique, pancréatique
BRAF Mutation activatrice Mélanomes
ABL Translocation Leucémie myéloïde chronique
CMYC Translocation Lymphome de Burkitt

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2.1.2. Les gènes suppresseurs de tumeurs

Les gènes suppresseurs de tumeurs (GST) : ces gènes codent pour des protéines qui, à
l’état normal, régulent négativement le cycle cellulaire, et donc capable de lutter contre les
effets de la transformation néoplasique.
La perte de fonction des deux copies de tels gènes constitue un mécanisme inducteur de
cancer. Chaque évènement est donc récessif.
Les gènes suppresseurs de tumeur peuvent, le plus souvent, subir aussi bien des mutations
somatiques que germinales et être alors impliqués dans les prédispositions héréditaires aux
cancers.
C’est ainsi qu’a été identifié le premier d’entre eux, Rb, dans des rétinoblastomes dont 40%
sont des cas familiaux. La protéine pRb, produit du gène Rb, est un régulateur universel du
cycle cellulaire et agit comme un frein pour la progression dans le cycle cellulaire.

Tableau : exemples de gènes suppresseurs de tumeurs dans les tumeurs humaines

Gènes suppresseurs Exemples de tumeurs impliquées


TP53 Nombreux cancers
APC Carcinomes digestifs
WT1 Néphroblastome

2.1.3. Les gènes de réparation de l’ADN

Ces gènes suppriment la transformation maligne des cellules en limitant le taux de mutation
de l’ADN. Ces gènes sont responsables, par des mécanismes variés, de la réparation des
lésions de la molécules d’ADN induites par plusieurs facteurs. L’inactivation de ces gènes
conduit à la transformation maligne en augmentant le taux de mutations généralement par un
défaut de réparation de ces dernières au cours de la division de la cellule normale.

2.2. Les étapes de la cancérogenèse

Au niveau cellulaire trois étapes ont été identifiés.

2.3. Initiation

Il s’agit de mutations irréversibles provoquées par un cancérigène génotoxique. Les lésions


peuvent concerner des gènes impliqués dans la croissance ou la différenciation cellulaire. Il
peut également s’agir d’activation d’oncogènes ou d’inactivation de gènes suppresseurs de

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tumeurs dans des cellules souches adultes. Les cellules initiées restent parfois longtemps
quiescentes.

2.4. Promotion

La promotion correspond à la prolifération intense de cellules initiées. Cette prolifération


favorise l’apparition d’autres mutations qui s’accumulent. Des substances exogènes ou
endogènes peuvent jouer un rôle de promoteurs tumoraux. Ceux-ci permettent l’expression
phénotypiques des lésions induites par les initiateurs tumoraux. Il s’agit d’hormones, de
facteurs de croissance, de cytokines, d’autres activateurs non génotypiques.

2.5. Progression

La transformation irréversible en cellules cancéreuses requiert des altérations génétiques


supplémentaires au cours de la phase de progression. Cela se produit grâce à l’instabilité
génomique, qui accélère le rythme des mutations ponctuelles ou des remaniements
chromosomiques jusqu’à ce que la cellule ait accumulé les propriétés des cellules
cancéreuses. Ces propriétés sont :

 Indépendance vis-à-vis des signaux de prolifération


 Insensibilité aux signaux antiprolifératifs
 Résistance à l’apoptose
 Perte de la sénescence
 Capacité à induire l’angiogenèse
 Capacité d’invasion tissulaire et de dissémination métastatique

3. CROISSANCE TUMORALE
3.1. États précancéreux et phase initiale du cancer

Tous les épithéliums reposent sur une membrane basale qui sépare les cellules épithéliales
du tissu conjonctivo-vasculaire sous-jacent appelé chorion. Les étapes du développement d'un
carcinome (cancer d'origine épithéliale) avant la phase d'invasion correspondent aux étapes
strictement intra-épithéliales de la carcinogenèse.

On distingue deux étapes : les dysplasies et le carcinome in situ.

 Les dysplasies sont des troubles acquis de l'homéostasie cellulaire résultant


d'anomalies génétiques qui altèrent le contrôle de la prolifération et la maturation
cellulaire. Les dysplasies ne sont décrites que dans les épithéliums (col utérin, tube
digestif, voies aériennes, glande mammaire, voies urinaires...) et sont des lésions
précancéreuses car les cellules dysplasiques peuvent, inconstamment et dans un délai

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très variable, se transformer en cellules cancéreuses par accumulation d'autres


anomalies génétiques.
 Le carcinome in situ est une prolifération de cellules épithéliales cancéreuses qui ne
franchit pas la membrane basale de l'épithélium, et donc n'envahit pas le tissu
conjonctif. Le carcinome in situ est aussi dit « non invasif ». À ce stade, les cellules
cancéreuses ne sont pas accompagnées par un stroma et les métastases sont
impossibles.

3.2. Invasion locale


Les cellules cancéreuses adoptent des caractéristiques de mobilité accrue, de perte de
l’inhibition de contact, de moindre cohésion intercellulaire. Des substances favorisant cette
progression sont sécrétées. Il s’agit de facteurs d’angiogenèse, de facteurs toxiques induisant
une nécrose tissulaire, de facteurs protéolytiques à l’origine d’une destruction de l’élastine et
du collagène, d’une activation des phénomènes de lyse locale.

L’hôte s’y oppose par des barrières naturelles (membrane basale, cartilage, méninges…) et
une réaction du tissu envahi, c’est la stroma-réaction, à laquelle participent des phénomènes
inflammatoires locaux.

Le développement tumoral peut entrainer la destruction totale ou partielle de l’organe atteint,


avec parfois un retentissement fonctionnel. L’accroissement périphérique excentrique
explique l’atteinte des vaisseaux lymphatiques et sanguins, contribuant à l’essaimage. Une
progression locale peut se propager anatomiquement le long des gaines des nerfs, des
vaisseaux, des aponévroses.

3.3. Envahissement ganglionnaire

Les cellules cancéreuses pénètrent dans le réseau lymphatique, suivent le flux et se bloquent
dans les ganglions. Il se produit successivement une micro métastase, l’invasion du
parenchyme ganglionnaire et finalement une rupture capsulaire.

L’envahissement ganglionnaire se fait le plus souvent de manière ordonnée vers le ganglion


qui recueille normalement la lymphe de l’organe où se développe le cancer, c’est le ganglion
sentinelle, puis vers les ganglions situés en aval. Il est plus rare que les métastases sautent
un relais (skip-metastasis).

Le blocage du flux provoque une stase de la lymphe et des phénomènes de reflux expliquant
les métastases en transit et les nodules de perméation cutanés.

Finalement, les emboles lymphatiques se retrouvent dans le canal thoracique ou la grande


veine lymphatique et se jettent dans le courant veineux cave supérieur.

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3.4. Dissémination métastatique


La dissémination métastatique débute généralement par un envahissement des ganglions
lymphatiques régionaux, suivi d'une diffusion hématogène dans tout le corps. Les métastases
peuvent apparaître cliniquement plusieurs années après la résection de la tumeur primaire.
On distingue quatre phases

 Détachement des cellules tumorales de la tumeur primitive. Il est lié :


o Aux propriétés de la cellule cancéreuse (mobilité, diminution de l’adhésivité)
o A la croissance tumorale ; lors de celle-ci, la nécrose par hypovascularisation
entraine la libération d’enzymes protéolytiques favorisant le détachement
d’agrégats cellulaires.

 Migration : ces cellules libérées peuvent emprunter diverses voies :


o Lymphatiques : les cellules tumorales atteignent le premier relais ganglionnaire,
puis le canal thoracique et enfin la circulation sanguine.
o Hématogène : cette voie est particulièrement fréquente pour les sarcomes, ainsi
que pour beaucoup de carcinomes (pulmonaires, colorectaux, gastriques, rénaux,
prostatique, endocrinien).
o Intracavitaire : plèvre, péritoine, méninges

 Fixation au lieu métastatique : peut se faire par plusieurs mécanismes


o Filtration due à la taille des capillaires ;
o Potentiel de surface ;
o Formation d’agrégats, avec les plaquettes, enrobés de fibrines.

 Développement : se fait en deux stades (avasculaire et vasculaire).

CONCLUSION

La très grande majorité des cancers résulte des effets cumulés d’altérations survenues
successivement sur l’ADN des cellules tumorales. Ces altérations sont responsables de la
prolifération et l’accumulation de cellules devenues cancéreuses. Les interactions entre la
tumeur et son hôte (le patient), en particulier l’angiogenèse et la réponse immune, constituent
des modes de régulation majeurs de la croissance de la tumeur qui a pris naissance.

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